SEANCE DU 21 JUIN 2001
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Démission de membres de commissions et candidatures
(p.
1
).
3.
Droits du conjoint survivant.
- Adoption d'une proposition de loi (p.
2
).
Discussion générale : Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la
justice ; Nicolas About, rapporteur de la commission des lois ; Philippe
Nachbar, au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des
chances entre les hommes et les femmes ; Serge Lagauche, Jean-Jacques Hyest,
Laurent Béteille, Robert Bret, Jacques Machet.
Mme le garde des sceaux, M. Jacques Larché, président de la commission des
lois.
Clôture de la discussion générale.
Division additionnelle avant l'article 1er (p. 3 )
Amendement n° 1 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement insérant une division additionnelle et son intitulé.
Article 1er (p. 4 )
Amendement n° 2 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Article 2 (p. 5 )
Amendements n°s 3 rectifié de la commission, 56 et 57 rectifié de M. Serge Lagauche. - MM. le rapporteur, Serge Lagauche, Mme le garde des sceaux, MM. Patrice Gélard, Michel Caldaguès, Michel Dreyfus-Schmidt, Jean-Jacques Hyest. - Retrait des amendements n°s 56 et 57 rectifié ; adoption de l'amendement n° 3 rectifié rédigeant l'article.
Article additionnel après l'article 2 (p. 6 )
Amendements n°s 4 de la commission et 58 de M. Serge Lagauche. - MM. le rapporteur, Serge Lagauche, Mme le garde des sceaux. - Retrait de l'amendement n° 58 ; adoption de l'amendement n° 4 insérant un article additionnel.
Article 3 (p. 7 )
Amendement n° 5 de la commission et sous-amendement n° 60 rectifié de M. Michel Dreyfus-Schmidt ; amendements n°s 53 de Mme Nicole Borvo et 59 de M. Michel Dreyfus-Schmidt. - MM. le rapporteur, Michel Dreyfus-Schmidt, Mmes Nicole Borvo, le garde des sceaux, MM. Patrice Gélard, Michel Caldaguès. - Rejet du sous-amendement n° 60 rectifié ; adoption de l'amendement n° 5 rédigeant l'article, les amendements n°s 53 et 59 devenant sans objet.
Article 3 bis (p. 8 )
Amendement n° 6 de la commission et sous-amendement n° 63 de M. Jacques Machet. - MM. le rapporteur, Jacques Machet, Mme le garde des sceaux. - Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié rédigeant l'article.
Article additionnel après l'article 3
bis
ou après l'article 9
bis
(p.
9
)
Amendements n°s 55 rectifié de M. Joseph Ostermann et 64 de M. Jacques Machet. - MM. Laurent Béteille, Jacques Machet, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Retrait de l'amendement n° 55 rectifié ; adoption de l'amendement n° 64 insérant un article additionnel après l'article 3 bis.
Article 3
ter.
- Adoption (p.
10
)
Article 4 (p.
11
)
Amendement n° 7 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux, MM. Michel Caldaguès, Jacques-Richard Delong. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Article 5 (p. 12 )
Amendement n° 8 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Article 6 (p. 13 )
Amendement n° 9 de la commission. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Article 7 (p. 14 )
Amendements n°s 10 et 11 de la commission. - Adoption des deux amendements.
Adoption de l'article modifié.
Article 8 (p. 15 )
Amendement n° 12 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Division additionnelle avant l'article 9 (p. 16 )
Amendement n° 13 de la commission. - Adoption de l'amendement insérant une division additionnelle et son intitulé.
Article 9 (p. 17 )
Amendement n° 14 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux.
- Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 9 (p. 18 )
Amendement n° 15 de la commission et sous-amendement n° 66 du Gouvernement. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié insérant un article additionnel.
Division additionnelle après l'article 9 (p. 19 )
Amendement n° 16 de la commission. - Adoption de l'amendement insérant une division additionnelle et son intitulé.
Article additionnel après l'article 9 (p. 20 )
Amendement n° 17 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Article additionnel après l'article 9
ou après l'article 3
bis
(p.
21
)
Amendement n° 18 de la commission et sous-amendement n° 65 de M. Serge Lagauche ; amendements n°s 62 de M. Serge Lagauche et 61 de M. Michel Charasse. - MM. le rapporteur, Serge Lagauche, Mme le garde des sceaux. - Adoption du sous-amendement n° 65 et de l'amendement n° 18 modifié insérant un article additionnel, les amendements n°s 62 et 61 devenant sans objet.
Articles additionnels après l'article 9 (p. 22 )
Amendements n°s 19 à 41 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des
sceaux. - Adoption des amendements insérant vingt-trois articles
additionnels.
Amendement n° 42 de la commission. - MM. le rapporteur, Jean-Jacques Hyest. -
Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendements n°s 43 à 45 de la commission. - M. le rapporteur. - Adoption des
amendements insérant trois articles additionnels.
Division additionnelle avant l'article 9 bis (p. 23 )
Amendement n° 46 de la commission. - Adoption de l'amendement insérant une division additionnelle et son intitulé.
Article 9 bis (p. 24 )
Amendement n° 47 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Articles additionnels après l'article 9 bis (p. 25 )
Amendement n° 51 de M. Jean-Jacques Hyest. - MM. Jean-Jacques Hyest, le
rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement insérant un
article additionnel.
Amendement n° 52 de M. Jean-Jacques Hyest. - Adoption de l'amendement insérant
un article additionnel.
Amendement n° 54 rectifié de Mme Lucette Michaux-Chevry, repris par la
commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de
l'amendement insérant un article additionnel.
Article 10 (p. 26 )
Amendement n° 48 rectifié de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Article 10 bis (p. 27 )
Amendement n° 49 rectifié de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Article 11
(supprimé)
Intitulé de la proposition de loi (p.
28
)
Amendement n° 50 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement rédigeant l'intitulé.
Vote sur l'ensemble (p. 29 )
M. le président de la commission, Mme le garde des sceaux, Nicole Borvo.
Adoption de la proposition de loi.
4.
Nomination de membres de commissions
(p.
30
).
Suspension et reprise de la séance (p. 31 )
5.
Commission mixte paritaire
(p.
32
).
6.
Adhésion de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède à une convention
fiscale.
- Adoption d'un projet de loi (p.
33
).
Discussion générale : MM. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le
Parlement ; Jacques Chaumont, rapporteur de la commission des finances.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.
7.
Convention fiscale avec le Botswana.
- Adoption d'un projet de loi (p.
34
).
Discussion générale : MM. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le
Parlement ; Jacques Chaumont, rapporteur de la commission des finances.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.
8.
Avenant à une convention fiscale avec l'Egypte.
- Adoption d'un projet de loi (p.
35
).
Discussion générale : MM. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le
Parlement ; Jacques Chaumont, rapporteur de la commission des finances.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.
9.
Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
(p.
36
).
10.
Dépôt de rapports
(p.
37
).
11.
Dépôt d'un rapport d'information
(p.
38
).
12.
Ordre du jour
(p.
39
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
DÉMISSION DE MEMBRES
DE COMMISSIONS ET CANDIDATURES
M. le président.
J'ai reçu avis de la démission de M. Roger Karoutchi comme membre de la
commission des affaires culturelles et de celle de M. Bernard Murat comme
membre de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Le groupe intéressé a fait connaître à la présidence le nom des candidats
proposés en remplacement.
Ces candidatures vont être affichées et les nominations auront lieu
conformément à l'article 8 du règlement.
3
DROITS DU CONJOINT SURVIVANT
Adoption d'une proposition de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi (n° 224,
2000-2001), adoptée par l'Assemblée nationale, relative aux droits du conjoint
survivant. [Rapport n° 378 (2000-2001) et rapport d'information n° 370
(2000-2001).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, le 8 février dernier, l'Assemblée nationale
adoptait à l'unanimité une proposition de loi tendant à améliorer les droits
successoraux du conjoint survivant et à supprimer les dernières discriminations
dont font l'objet les enfants adultérins.
Ce texte a recueilli la pleine adhésion du Gouvernement.
Il devenait en effet urgent de donner, en matière successorale, la place que
le conjoint mérite et occupe déjà au sein de la famille.
Il était tout aussi indispensable de supprimer l'inégalité patrimoniale dont
les enfants adultérins étaient encore injustement victimes, comme l'a mis en
évidence la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de
l'homme, le 1er février 2000.
Cette proposition de loi est soumise aujourd'hui à votre examen.
La commission des lois partage sans réserve le dernier volet du texte sur les
enfants adultérins.
Elle vous propose, en revanche, de vous écarter sensiblement de la rédaction
adoptée par l'Assemblée nationale sur les droits successoraux du conjoint
survivant.
Mais surtout, dépassant le cadre initial du débat, elle entend réformer
l'ensemble du droit des successions.
Je voudrais vous dire pourquoi je ne peux suivre cette orientation avant
d'axer mes propos sur la situation du conjoint survivant.
Qu'une réforme globale du droit des successions soit nécessaire, je crois que
chacun s'accorde à le penser.
Le droit des successions a vieilli. Il ne correspond plus à la physionomie
actuelle des familles et ne prend pas suffisamment en compte les nouvelles
configurations patrimoniales, notamment la primauté des fortunes acquises sur
celles qui ont été reçues en héritage. Il reste un droit complexe impliquant
des démarches longues et multiples, peu accessible, sauf aux ménages les plus
aisés qui peuvent recourir aux conventions notariales.
Pour autant, je ne crois pas que la proposition de loi dont vous êtes saisis
puisse constituer le bon vecteur d'une telle réforme.
Cette proposition s'insère dans le projet global de rénovation du droit de la
famille. A cet égard, vous avez déjà eu à connaître de la question de la
prestation compensatoire. Vous serez prochainement saisis des propositions de
loi relatives à l'autorité parentale et à la dévolution du nom.
Les impératifs du calendrier parlementaire ont conduit à une division
thématique de la réforme sans pour autant nuire à la cohérence de
l'ensemble.
C'est dans ce contexte que l'initiative de l'Assemblée nationale s'inscrit, eu
égard à l'acuité des problèmes posés par la situation du conjoint survivant et
par celle des enfants adultérins.
Réformer l'ensemble du droit des successions, auquel il faudrait d'ailleurs
joindre celui des libéralités qui lui est indissolublement lié, s'inscrit dans
une autre logique.
Je sais que, sur ce point, la réflexion est aujourd'hui très avancée. La
preuve en est que la commission des lois se propose de reprendre en grande
partie le texte élaboré en juillet 2000 par le professeur Pierre Catala et le
Conseil supérieur du notariat.
Ce texte est d'ailleurs lui-même inspiré du projet de loi déposé au Parlement
le 8 février 1995 et issu de la commission de travail présidée par le doyen
Carbonnier.
Mais réouvrir aujourd'hui ce débat à l'occasion de l'examen d'une proposition
de loi, certes importante mais limitée dans son objet, ne m'apparaît pas
raisonnable. Il me paraît difficile d'examiner en une journée à peine la
modification de plus de deux cents articles du code civil.
Les conditions d'une discussion approfondie permettant à chacun d'exprimer son
point de vue sur un sujet délicat qui, contrairement à ce que l'on pourrait
penser, comporte encore des divergences d'appréciation ne sont manifestement
pas réunies.
Je pense à la question d'un éventuel aménagement de l'ordre des héritiers, à
celle de la gestion des successions acceptées sous bénéfice d'inventaire ou
encore à celle de la place de la réserve.
J'ajoute que, sur une telle réforme, on ne peut se dispenser de recueillir à
nouveau le sentiment de tous les acteurs concernés : bien sûr, les familles,
mais aussi l'ensemble des professionnels et des administrations compétentes.
Enfin, il est raisonnable de penser qu'un texte limité aux droits du conjoint
survivant et de l'enfant adultérin trouvera son aboutissement tant attendu
avant la fin de la présente législature. Je ne voudrais pas que l'élargissement
du débat soit le gage de son enlisement. Le mieux me paraît, en l'espèce, être
tout à fait l'ennemi du bien.
C'est pourquoi, bien que désireuse de faire avancer ce dossier dont je connais
l'importance - vous avez raison de vous y attarder, et je comprends que vous
considériez qu'il est temps, en 2001, de le faire - je demande au Sénat de ne
pas adopter aujourd'hui cette réforme d'ensemble. J'en resterai
personnellement, au nom du Gouvernement, au texte concernant les droits du
conjoint survivant.
Je voudrais tout d'abord rappeler l'économie générale du texte adopté par
l'Assemblée nationale.
Il repose sur le souci de faire du conjoint un héritier à part entière.
Actuellement, en présence d'enfants, situation la plus fréquente, le conjoint
ne peut prétendre qu'au quart de la succession en usufruit et n'a même pas
toujours de disponibilités suffisantes pour se maintenir dans le logement
familial.
Un tel dispositif n'est pas de nature à satisfaire les besoins des veufs et
veuves, plus âgés qu'autrefois et à l'espérance de vie plus longue.
Après la douleur que provoque la mort de l'être qui lui est le plus proche, le
conjoint survivant perçoit l'ouverture de la succession de celui-ci comme une
seconde épreuve, en découvrant qu'il est encore largement, aux yeux de la loi,
un étranger à la famille de celui dont il a partagé la vie. Ce drame moral du
veuvage est souvent aggravé par une crise financière.
On a cependant longtemps hésité à accroître les droits du conjoint survivant,
craignant de porter atteinte à ceux des descendants dont la situation pouvait
être également fragile ; mais ceux-ci sont aujourd'hui, la plupart du temps,
des adultes, plus âgés qu'autrefois, déjà établis dans la vie. Un équilibre
peut donc désormais être plus facilement trouvé.
Cet équilibre passe par une véritable reconnaissance des droits du conjoint
survivant, d'une part, en consacrant sa place au sein du premier ordre des
héritiers et, d'autre part, en lui reconnaissant des droits en pleine
propriété, même en présence d'enfants.
Il passe également par la faculté qui lui est très largement ouverte de rester
dans le logement familial.
En revanche, la proposition de loi qui a été votée n'a pas entendu faire du
conjoint, de manière systématique, un héritier réservataire, ce qui n'aurait pu
être acquis qu'au détriment des droits des autres héritiers en ligne directe et
de la liberté de tester de l'époux prédécédé.
Je voudrais reprendre ces trois idées forces avant d'en venir à leur
application dans le détail du texte.
Le premier axe essentiel est l'affirmation plus forte des droits du conjoint
survivant dans l'ordre des successibles. Est ainsi traduite cette nouvelle
donnée sociologique essentielle qui est le resserrement de la famille autour du
noyau conjugal.
Dans tous les cas de figure, le conjoint bénéficiera des droits en pleine
propriété là où il n'avait jusqu'à présent que des droits en usufruit.
Actuellement, la présence d'enfants, de parents dans les deux lignes ou de
frères et soeurs ne lui permet pas de prétendre à une qualité autre que celle
d'usufruitier.
Le deuxième axe essentiel du nouveau dispositif qui recueille l'accord de la
commission des lois est la protection particulière du conjoint à l'égard de la
résidence familiale.
Les opinions sont, sur ce point, unanimes : le conjoint doit pouvoir, dans
toute la mesure possible, continuer à vivre le reste de sa vie dans ce qui a
été le logement conjugal.
J'en viens au dernier droit fondamental, celui de préserver la liberté
testamentaire du défunt en ne prévoyant pas, au profit du conjoint survivant,
un droit à une réserve générale. Cette question a été très largement et
vivement débattue.
La réponse n'est pas simple, car la réserve peut paraître l'expression la plus
aboutie de la protection des héritiers et la consécration définitive de
l'entrée du conjoint survivant dans la famille.
Toutefois, si la loi est légitime à consacrer juridiquement des liens
d'affection, quelle légitimité aurait-elle à contraindre les époux en dépit, le
cas échéant, de la disparition de ces liens d'affection ?
De surcroît, la liberté testamentaire peut aussi opportunément offrir aux
époux la possibilité d'aménager, en plein accord, des successions compliquées
par la recomposition de la famille ou l'évolution des caractéristiques du
patrimoine.
En outre, il n'est pas souhaitable de multiplier les droits à réserve alors
que les législations européennes ne vont pas dans ce sens.
Ces trois idées forces ont été déclinées par l'Assemblée nationale sur un mode
que la commission des lois ne reprend pas à son compte. Je le regrette, car le
dispositif me paraissait judicieux et équilibré.
Tout d'abord, la place accordée par la commission au conjoint survivant dans
l'ordre des successibles ne reflète pas la réalité du cercle familial
d'aujourd'hui. Concrètement, il ne pourra recueillir la totalité de la
succession de son conjoint que si celui-ci ne laisse à son décès non seulement
aucun enfant ni aucun parent, mais encore aucun grand-parent, aucun frère,
aucune soeur, aucun neveu ou petit-neveu.
J'ajoute que le régime prévu est particulièrement complexe puisque les droits
des frères et soeurs dépendent de la présence ou non d'ascendants dans les deux
branches.
En deuxième lieu, la commission des lois propose de faire varier les droits du
conjoint en fonction de la qualité des enfants appelés à succéder, selon qu'il
s'agit d'enfants issus du mariage ou d'une autre union.
C'est ainsi que, en présence d'enfants communs, le conjoint dispose, à son
choix, de la totalité de la succession en usufruit ou du quart de celle-ci en
propriété. Il ne dispose pas, en revanche, de la première branche de l'option
lorsque le conjoint prédécédé laisse des enfants dont il n'est pas lui-même le
parent.
Ce mécanisme, outre sa mise en oeuvre délicate, conduit à opérer une
discrimination en fonction de la nature de la filiation, qui est à
contre-courant de l'évolution du droit de la famille.
J'ajoute, en troisième lieu, que le texte proposé consacre ainsi la
possibilité pour le conjoint d'exercer ses droits en usufruit.
Je crois nécessaire de rappeler les multiples critiques que suscite
l'usufruit.
Il ne permet pas une gestion économique efficace des patrimoines : je pense
notamment au cas des entreprises, dont l'activité nécessite des décisions
rapides.
Il est, par là même, un frein au développement des échanges, car rares sont
les acquéreurs potentiels de ce type de droit.
Par l'antagonisme qu'il fait naître entre des personnes ayant des droits
concurrents, l'usufruit se révèle souvent nuisible à la bonne entente
familiale, surtout lorsque l'écart d'âge entre le survivant et les descendants
du prédécédé est faible, tandis que s'allonge l'espérance de vie.
Au surplus, la conversion possible de l'usufruit en rente viagère est
immanquablement génératrice de contentieux.
Je crois donc plus sage de ne s'en tenir qu'à des droits en propriété, en ne
laissant pas d'option sur ce point au conjoint survivant, étant entendu que le
texte garantit par ailleurs son droit d'usage et d'habitation sur le logement
principal. Seuls de tels droits confèrent à leur titulaire une autonomie
suffisante. J'observe d'ailleurs que c'est la position des associations
représentatives des intérêts des conjoints survivants. C'est aussi la tendance
croissante des législations européennes.
En quatrième lieu, la commission des lois entend restreindre l'assiette de la
part successorale du conjoint survivant aux seuls biens existants au jour du
décès à l'exclusion de ceux qui auraient pu être antérieurement donnés.
Permettez-moi de m'étonner d'une telle proposition, qui rompt l'égalité entre
les héritiers au détriment du conjoint.
Le principe général en matière de dévolution successorale est le rapport de
l'ensemble des libéralités faites par le défunt, sauf volonté contraire de
celui-ci. Ce principe n'est pas lié à la qualité de réservataire, mais à celle
de successible. Pourquoi donc y déroger pour le conjoint, sauf à en faire un «
sous-héritier » ?
En cinquième lieu, la commission des lois propose de modifier sur plusieurs
points le mécanisme retenu par l'Assemblée nationale en ce qui concerne le
droit du conjoint sur le logement familial.
Si elle reprend tel quel le droit pour celui-ci de rester dans les lieux dans
l'année du décès, elle modifie le régime de son droit d'usage et
d'habitation.
Dans l'ensemble, ces dispositions ne privilégient pas la continuité du cadre
de vie du membre survivant du couple.
La commission confère ainsi au conjoint survivant une large possibilité de
donner à bail l'habitation principale du couple.
De même, tout en affirmant symboliquement l'intangibilité de ce droit, elle
permet néanmoins au conjoint prédécédé de le faire significativement varier
dans sa consistance en lui permettant de le faire porter sur un autre logement
que l'habitation principale du couple.
Je préfère, pour ma part, reconnaître la liberté testamentaire plutôt que
permettre de façon déguisée d'amoindrir le droit d'usage et d'habitation du
conjoint survivant.
Je relève, du reste, que la commission ne prévoit pas de formalités
particulières pour l'expression de la volonté du conjoint prédécédé, alors que,
dans le texte proposé par l'Assemblée nationale, cette restriction supposera
une démarche spécifique et la consultation d'un notaire qui, seul, pourra
rédiger l'acte. Elle devrait donc être exceptionnelle. Il s'agira d'un acte
grave plaçant le défunt face à ses responsabilités tout en ménageant sa
liberté.
Je rappelle, en outre, que le texte de l'Assemblée nationale renforce la
créance alimentaire du conjoint survivant qui pourrait ainsi se voir privé de
ses droits successoraux.
Dans la logique de son raisonnement, qui est de conférer un caractère
intangible au droit au logement, la commission ne reprend pas à son compte
l'amélioration ainsi proposée.
La commission prévoit par ailleurs que, lorsque la valeur du droit
d'habitation dépasse la part successorale de l'époux survivant, celui-ci pourra
être tenu de récompenser la succession lorsque ses besoins ne justifieront pas
ce dépassement.
Outre que cette disposition sera source de multiples contentieux pour
déterminer s'il y a matière à récompense, cette obligation risque de
contraindre le conjoint survivant à quitter son cadre de vie habituel.
La commission prévoit enfin que les héritiers pourront remettre en cause, par
voie judiciaire, le droit d'usage et d'habitation du conjoint survivant lorsque
celui-ci aura manqué gravement à ses devoirs envers le défunt.
Là encore, je préfère, pour ma part, préserver la liberté testamentaire des
époux plutôt que laisser les héritiers s'entre-déchirer sur leurs démêlés
conjugaux.
Je terminerai par le dispositif original que l'Assemblée nationale propose
d'instituer pour assurer, en l'absence de proches parents du défunt -
ascendants et descendants - une certaine protection du conjoint contre les
libéralités que le prédécédé pourrait faire.
Ce mécanisme à géométrie variable procède d'une vision réaliste et équilibrée,
et protège la liberté du défunt tout en faisant prévaloir les intérêts du
conjoint sur ceux de la famille éloignée.
La commission des lois du Sénat n'estime pas utile d'adopter cette
disposition. Je crois néanmoins souhaitable que la réflexion se poursuive sur
ce point.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, les observations que je voulais
formuler au seuil de cette discussion générale, largement issues d'ailleurs
d'entretiens avec les représentants des conjoints survivants.
Je regrette que, malgré le travail considérable fait par la commission des
lois du Sénat et son rapporteur, nous n'ayons pas, sur un texte si important,
une pleine convergence de vues, alors que le texte issu de l'Assemblée
nationale avait été adopté à l'unanimité, tous groupes confondus.
Je souhaite que les navettes nous permettent de nous rapprocher en nous axant
sur ce que l'attente sociale rend essentiel et urgent : d'une part, la
reconnaissance de droits successoraux au conjoint survivant dignes de la place
qui est la sienne dans la famille d'aujourd'hui ; d'autre part, l'abandon de
toute discrimination à l'égard de l'enfant adultérin.
(Applaudissements sur
les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est M. le rapporteur.
M. Nicolas About,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes saisis de deux
propositions de loi : l'une nous vient de l'Assemblée nationale et a été
élaborée sur l'initiative et sur le rapport de M. Vidalies ; l'autre a été
déposée par mes soins.
Toutes deux visent à améliorer le sort des conjoints survivants et à créer une
égalité successorale entre enfants légitimes, naturels et adultérins.
S'il existe un consensus sur l'objectif - vous l'avez rappelé et le vote à
l'unanimité à l'Assemblée nationale le traduit bien -, les moyens pour y
parvenir diffèrent depuis vingt ans, retardant du même coup la réforme
d'ensemble du droit successoral.
Déterminer la place du conjoint survivant conduit à revoir la place du
conjoint par rapport à la famille par le sang, donc celle du ménage par rapport
au lignage et à s'interroger sur les conséquences de la multiplication des
familles recomposées.
Quels sont, aujourd'hui, le profil et les droits du conjoint survivant ?
Le profil : c'est une femme de plus de soixante ans. En effet 87 % des
personnes veuves ont plus de soixante ans et 84 % sont des femmes. Cela dit,
n'oublions pas que, en 1999, 1 490 veuves avaient moins de vingt ans.
Les droits du conjoint survivant : ils sont historiquement limités et, le plus
souvent, se bornent à de l'usufruit.
Ce n'est qu'en 1930 que lui sont attribués des droits en propriété en
l'absence d'héritier dans une ligne.
Plus tard, la loi du 26 mars 1957 élève le conjoint survivant dans l'ordre des
successibles devant les collatéraux ordinaires.
Enfin, l'ordonnance du 30 décembre 1958 fait de lui un véritable héritier en
lui conférant la saisine, c'est-à-dire la faculté d'entrer de plein droit en
possession des biens, droits et actions du défunt.
Aujourd'hui, en l'absence de testament ou de donation, le conjoint n'hérite
que d'une portion limitée de la succession en usufruit. Il se situe au
quatrième rang des successibles et n'hérite de l'ensemble de la succession en
pleine propriété qu'en l'absence des trois premiers rangs.
De plus, son sort peut se trouver amélioré ou aggravé par des dispositions à
cause de mort : amélioré grâce à une assurance-vie ou par des libéralités ;
aggravé, car il peut être privé de tous droits par testament, avec la maigre
compensation toutefois de pouvoir demander des aliments à la succession dans un
délai d'un an.
Mais ce tableau ne doit être apprécié qu'après avoir fait le constat rassurant
que 80 % des couples utilisent les moyens prévus pour améliorer le sort du
conjoint survivant.
Nous avons donc à améliorer le régime de dévolution légale auquel restent
soumis les 20 % qui n'ont pris aucune disposition.
L'évolution est jugée par tous nécessaire.
Le mariage est non plus une institution à fins patrimoniales, mais le fruit
d'une double volonté de s'unir pour des raisons affectives. Les patrimoines des
époux sont majoritairement constitués de biens acquis pendant le mariage.
L'accroissement de l'espérance de vie conduit les enfants à hériter à un moment
où ils sont déjà établis et disposent de leur propre patrimoine.
Tous ces facteurs militent pour un rééquilibrage de la place du conjoint par
rapport à celle de la famille. Rééquilibrage, oui ! Bouleversement, non ! Nous
devons avoir le souci de ne pas créer de nouvelles injustices par excès de
zèle.
Les pays voisins ont fait la même démarche et, désormais, le conjoint
survivant se voit attribuer des droits en pleine propriété.
Où en est la réflexion dans notre pays ?
Pour 300 000 mariages, on enregistre 120 000 divorces, ce qui aboutit à des
recompositions familiales qui rendent les successions toujours plus complexes.
En 1996, un mariage sur quatre impliquait un époux divorcé et un mariage sur
douze impliquait deux époux divorcés. Les situations se compliquent encore
lorsque le remariage concerne un conjoint beaucoup plus jeune, éventuellement
de la même génération, voire plus jeune, que les enfants du premier lit.
Nous sommes loin de l'image traditionnelle de la veuve âgée se retrouvant en
présence uniquement d'enfants communs aux deux époux.
La diversification des modèles familiaux rend plus difficile l'adoption d'une
solution adaptée à tous.
Depuis quinze ans, projets de loi et rapports officiels se succèdent et
proposent d'accroître les droits du conjoint survivant, mais selon des
solutions différentes : plus de droits en pleine propriété pour les uns ; plus
de droits en usufruit pour les autres ; création d'une réserve pour certains ;
liberté testamentaire pour d'autres. Aucune solution unique ne se dégage.
Pourtant, après les travaux d'un groupe de travail animé par le doyen
Carbonnier et par le professeur Catala à la demande d'un gouvernement un
premier projet de loi a été déposé par M. Michel Sapin en 1991. Il a été repris
dans un projet plus général en 1995. Une option entre une part en propriété et
la totalité en usufruit assortie d'un droit à maintenance de ses conditions
d'existence peut résumer ces textes.
En mai 1998, Mme Irène Théry préconise, dans son rapport, d'aligner la
dévolution légale
ab intestat
en présence d'enfants sur les pratiques
actuelles autorisées en matière de libéralités dans le cadre de la quotité
spéciale entre époux. Elle a même proposé que le conjoint soit appelé à
succéder immédiatement après les descendants.
Enfin, le groupe présidé par Mme Dekeuwer-Défossez a préconisé, en 1999, que
le conjoint recueille l'intégralité de l'usufruit, tout en ouvrant à chaque
enfant la possibilité de réclamer sa part de réserve en pleine propriété en
échange de l'abandon au conjoint de sa part de la quotité disponible. Ce groupe
de travail a proposé également que le conjoint survivant prime sur les
collatéraux et les ascendants ordinaires.
Après quinze ans de réflexion, il nous revient de trancher cette question du
conjoint survivant.
Mais il est un deuxième dossier, celui des droits de l'enfant adultérin.
Les droits de l'enfant adultérin sont aujourd'hui limités. Ils sont réduits de
moitié dans la dévolution légale au profit des enfants légitimes ou du
conjoint. L'enfant adultérin ne peut recevoir de libéralités en sus de la part
successorale. Il peut être écarté de toute participation aux opérations de
liquidation et de partage de la succession. Il ne peut s'opposer aux demandes
d'attribution préférentielle de biens effectuées par les enfants légitimes ou
le conjoint. Il ne peut demander la conversion de l'usufruit du conjoint en
rente viagère.
Ces restrictions ont entraîné - vous l'avez rappelé, madame la ministre - la
condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme.
La Cour a estimé que l'enfant adultérin ne saurait se voir reprocher des faits
qui ne lui sont pas imputables. Depuis, des juridictions de première instance
ont écarté l'application de plusieurs dispositions du code civil applicables
aux enfants adultérins, les jugeant contraires à la convention européenne des
droits de l'homme. Il est donc temps pour nous de légiférer.
Face à ces questions, que nous propose l'Assemblée nationale ?
Elle prévoit, d'abord, l'accroissement des droits du conjoint survivant. Elle
élève la place du conjoint dans l'ordre des successibles. Elle augmente la
quotité des droits en propriété que le conjoint peut recueillir. Elle lui
reconnaît un droit viager d'habitation et d'usage sur le logement qui lui
servait de résidence principale. Enfin, autre dimension, elle transforme le
conjoint survivant en héritier réservataire uniquement en l'absence de
descendants et d'ascendants et lui garantit un droit temporaire au logement
après le décès.
Par sa proposition, l'Assemblée nationale élève l'enfant adultérin dans
l'ordre des successibles. Elle place le conjoint survivant au deuxième rang en
concours avec les père et mère du défunt. Au détriment des père et mère,
l'Assemblée nationale accorde la moitié de la succession en pleine propriété au
conjoint survivant.
Mais l'Assemblée nationale va encore plus loin en lui accordant les trois
quarts de la succession si l'un des deux parents est prédécédé. La totalité de
la succession va au conjoint survivant en l'absence des père et mère, privant
de toute part de la succession les grands-parents, les soeurs et les frères.
Madame la ministre, vous parliez tout à l'heure de famille éloignée. En ce qui
me concerne, je ne pense pas que les frères, les soeurs et les grands-parents
constituent la famille éloignée.
Comme pour se faire pardonner, l'Assemblée nationale accorde d'ailleurs aux
grands-parents le droit de se faire reconnaître une créance d'aliment contre la
succession recueillie par le conjoint. Ainsi, en cas de besoin, les
grands-parents devront obtenir du conjoint survivant un secours, alors
qu'aujourd'hui ils devancent logiquement le conjoint dans l'ordre des
successibles.
La quotité des droits en propriété serait donc considérablement augmentée dans
ces cas d'absence de descendants. Mais elle le serait aussi en présence de
descendants puisque le conjoint survivant recueillerait un quart en propriété -
c'est l'article 2 - contre un quart en usufruit aujourd'hui.
De plus, la proposition de l'Assemblée nationale accorde au conjoint survivant
la faculté de demander un droit d'habitation viager sur le logement dépendant
de la succession dans lequel il aurait eu sa résidence principale, ainsi qu'un
droit d'usage sur le mobilier le garnissant.
En cas de local loué à bail, le conjoint pourrait exercer un droit d'usage sur
le mobilier et bénéficierait d'un droit renforcé au transfert du bail à son
nom.
La valeur de ces droits s'imputerait sur celle des droits successoraux
recueillis par le conjoint sans récompense, dans l'hypothèse où elle serait
supérieure aux droits recueillis.
Le conjoint ne serait autorisé à louer le local sur lequel il exerce son droit
que dans le seul cas où il viendrait, pour raison de santé, à être hébergé dans
un établissement spécialisé.
Par accord entre le conjoint et les héritiers, le droit d'usage et
d'habitation pourrait être converti en une rente viagère ou en un capital. Mais
l'Assemblée nationale est allée beaucoup plus loin en instituant une réserve en
l'absence de descendants et d'ascendants sur le quart des biens, notamment en
présence de collatéraux privilégiés.
En présence de descendants ou d'ascendants, le conjoint ne serait pas
réservataire et pourrait donc être privé d'usage et d'habitation sur le
logement par volonté du prédécédé.
En revanche, l'Assemblée nationale prévoit que le conjoint survivant pourrait
obtenir la jouissance gratuite pendant un an du local et de son mobilier.
Ce droit est considéré comme un effet du mariage et non comme un droit
successoral. Etant d'ordre public, il ne pourrait être remis en cause par le
défunt.
De plus, il est proposé un véritable devoir de secours au bénéfice du conjoint
contre la succession.
Enfin, l'Assemblée nationale a prévu une information sur le droit de la
famille, notamment sur les droits du conjoint survivant.
En ce qui concerne l'enfant adultérin, l'Assemblée nationale supprime, à
l'article 9, toute référence aux enfants adultérins dans le code civil. Il n'y
a donc pas de difficulté.
J'en viens aux propositions de la commission des lois.
Elles peuvent se résumer en quatre souhaits : premièrement, construire un
équilibre entre le conjoint survivant et la famille par le sang ; deuxièmement,
préserver la liberté testamentaire tout en accordant des garanties minimales au
conjoint survivant ; troisièmement, établir l'égalité successorale entre tous
les enfants ; enfin, quatrièmement, inclure ces modifications dans une réforme
d'ensemble du droit des successions.
Construire un équilibre entre le conjoint et la famille par le sang a été
notre premier souci.
La commission des lois s'est montrée très soucieuse de ne pas passer d'une
situation dans laquelle le conjoint était exclu par la famille de sang à une
situation dans laquelle le conjoint exclurait à son tour la famille par le
sang.
Pour y parvenir, nous proposons de faire porter les droits du conjoint sur les
biens existants, l'objectif étant de permettre au conjoint survivant de
maintenir ses conditions d'existence.
En présence de descendants, la commission a souhaité, sur amendement du groupe
socialiste, aller moins loin que ne le souhaitait le rapporteur. En effet, je
proposais que le conjoint reçoive, en plus du quart en propriété prévu par
l'Assemblée nationale, l'usufruit sur la part revenant aux enfants issus du
mariage.
La solution retenue confirme le quart des biens existants en propriété avec,
dans le cas où le conjoint ne serait en présence que d'enfants communs, le
droit pour ce dernier d'opter soit pour le quart en propriété, soit pour
l'usufruit sur l'ensemble.
Pour permettre l'adoption de cette proposition du groupe socialiste, la
commission vous proposera quelques articles complémentaires organisant ce droit
d'option du conjoint.
Ces dispositions devraient permettre de limiter le risque de contentieux avec
les enfants d'un autre lit, tout en permettant un choix s'il n'y a que des
enfants issus du mariage.
De même, pour limiter les aspects anti-économiques de l'usufruit, nous
proposerons de consacrer une section du code civil à la conversion de
l'usufruit du conjoint.
Ces dispositions unifieraient et compléteraient les règles applicables à tout
usufruit du conjoint sur les biens du prédécédé, qu'il résulte de la loi, d'un
testament, d'une donation de biens à venir ou d'une clause du régime
matrimonial.
Vouloir préserver un équilibre entre conjoint et famille par le sang, c'est
non seulement améliorer la situation du conjoint survivant, mais aussi veiller
à ce que, emporté par un mouvement un peu rapide, on ne porte pas atteinte au
droit de la famille par le sang.
C'est pourquoi la commission des lois propose qu'en l'absence de descendants
le conjoint reçoive la moitié des biens en propriété, contre aujourd'hui la
moitié en usufruit, mais aussi que la famille par le sang reçoive l'autre
moitié.
Cette moitié attribuée à la famille irait aux père et mère, en leur absence
aux frères et soeurs et, en l'absence des précités, aux ascendants
ordinaires.
En l'absence d'une branche d'ascendants ordinaires, le conjoint verrait sa
part passer de la moitié aux trois quarts.
En l'absence des héritiers des trois premiers ordres, le conjoint survivant
recevrait l'ensemble des biens, comme aujourd'hui.
Ces mesures raisonnables confirment notre refus de voir encourager le déclin
de la famille par le sang, utile quand personne n'est là pour faire face aux
problèmes.
Le conjoint survivant, lui, dans tous les cas de figure se trouverait beaucoup
mieux doté qu'à l'heure actuelle.
Enfin - cela se produira dans les cas rarissimes - constatons que rendre des
droits successoraux aux ascendants ordinaires du défunt est plus correct que de
les priver de l'héritage de leurs petits-fils ou petites-filles et de les
contraindre à cette humiliante créance alimentaire contre le conjoint
survivant.
Notre deuxième proposition est de préserver la liberté testamentaire du défunt
tout en prévoyant un minimal garanti au conjoint.
Parce qu'il est difficile d'admettre que le conjoint survivant bénéficie de
moins de droits que ne peut en avoir, dans certains cas, le conjoint divorcé,
le conjoint doit se voir reconnaître un droit minimal intangible au logement,
assorti d'un droit à pension s'il se retrouve dans le besoin même s'il est
nécessaire de confirmer que le conjoint survivant n'est pas un héritier
réservataire.
C'est pourquoi la commission des lois propose de supprimer la réserve créée
par l'Assemblée nationale en l'absence de descendants et d'ascendants, réserve
qui n'avait pour objet que de priver d'une part les frères et soeurs.
Autre point important : l'Assemblée nationale a prévu que le droit au logement
n'était pas intangible, le conjoint pouvant en être privé par testament. Cela
n'est pas acceptable. Le conjoint n'étant pas réservataire, la marge
testamentaire s'exercera naturellement à son détriment.
Pour assurer une meilleure protection du conjoint survivant, la commission des
lois propose de lui accorder un droit viager intangible au logement. En
revanche, nous avons estimé que ce droit ne doit pas obligatoirement s'exercer
sur la résidence principale.
Dans tous les cas, si le droit d'habitation excède les droits successoraux du
conjoint survivant et si l'importance du local dépasse de manière manifestement
excessive ses besoins effectifs, nous proposons que le conjoint récompense la
succession.
Cette disposition n'est pas de nature à gêner le conjoint survivant. En effet,
la valeur du droit d'habitation est faible et dépassera très rarement et de peu
ses droits successoraux.
Je rappelle que la proposition de loi confère au droit d'habitation une valeur
égale à 60 % de celle de l'usufruit, soit 42 % de la valeur du bien pour un
conjoint survivant de vingt ans ; mais ce montant tombe à 6 % de la valeur du
bien pour un conjoint de plus de soixante-dix ans.
Autre nouveauté, l'Assemblée nationale n'accorde la possibilité au conjoint
survivant de donner à bail le logement que s'il vient à être hébergé en
établissement spécialisé. Nous proposons d'étendre cette possibilité à
l'ensemble des situations dans lesquelles l'état du conjoint nécessite un
changement de domicile : la dépendance, la mobilité réduite, certaines
maladies, des logements à l'étage, des logements isolés... Dans certains cas,
la situation du conjoint survivant exige qu'il puisse éventuellement changer de
domicile.
Enfin, nous souhaitons reconnaître au seul époux dans le besoin un droit de
créance contre la succession, et ne pas suivre l'Assemblée, dont le dispositif
revient à créer une nouvelle prestation compensatoire « lorsque les conditions
de vie se trouvent gravement amoindries du fait de la mort de son époux ».
Limitons-nous à la pension due à l'époux dans le besoin, en aménageant le
délai accordé au conjoint pour lui faciliter la demande d'aliments. Par pitié !
ne créons pas une deuxième prestation compensatoire.
La troisième proposition de la commission des lois est d'établir l'égalité
successorale des enfants, qu'ils soient légitimes, naturels ou adultérins.
Il convient d'approuver la suppression totale prévue par l'Assemblée de la
notion d'enfant adultérin dans le code civil.
Dans la même logique, il convient de rétablir l'égalité successorale des
enfants naturels par rapport aux enfants légitimes en ce qui concerne
particulièrement l'action en retranchement prévue à l'article 1527 du code
civil.
Ces mesures devraient être applicables à l'ensemble des successions ouvertes
avant l'entrée en vigueur de la loi, sous réserve qu'elles n'aient pas fait
l'objet d'accord amiable ou de décision de justice passée en force de chose
jugée.
Les autres différences de traitement entre les enfants légitimes et naturels
perdurant depuis la loi de 1972 seront réglées, bien entendu, dans un autre
cadre.
Enfin, la commission des lois propose d'inclure ces modifications dans une
réforme d'ensemble du droit des successions. C'est notre quatrième et dernière
proposition.
Les travaux du groupe de travail animé par le doyen Carbonnier et le
professeur Catala ont donné naissance à trois projets de loi déposés à
l'Assemblée nationale dans un intervalle de sept ans par des gouvernements
appartenant à des majorités politiques différentes : 1988, Pierre Arpaillange,
au nom de Michel Rocard ; 1991, Michel Sapin, au nom d'Edith Cresson ; 1995
Pierre Méhaignerie, au nom d'Edouard Balladur, ce troisième projet étant, à des
détails près, la fusion des deux premiers.
Or la présente proposition de loi traite des thèmes abordés dans le projet de
loi Sapin, mais occulte totalement les autres dispositions contenues dans le
projet de réforme globale.
Sans créer de véritables bouleversements, ces dispositions permettraient de
remédier à de réelles difficultés qui apparaissent au cours des règlements
successoraux, difficultés bien compréhensibles, puisque aucune refonte des
successions n'a été entreprise depuis 1804.
Lors des auditions publiques, différents intervenants, dont le professeur
Catala et le représentant du Conseil supérieur du notariat, ont plaidé pour
l'inclusion du projet de réforme globale des successions dans la présente
proposition de loi. Ils ont rappelé que, si cette refonte n'avait pas été
engagée, c'est précisément parce que tous les professionnels n'étaient pas
d'accord sur la douzaine d'articles dont traite aujourd'hui la proposition de
loi qui nous est soumise. Mais, puisque tel est maintenant le cas et qu'il y a
un accord général sur tout le reste, pourquoi ne pas profiter de l'examen de
ces articles ? Ne pas le faire serait incohérent.
Cette réforme consensuelle, à caractère technique, a été deux fois présentée
au seul Conseil d'Etat avant d'être adoptée par le conseil des ministres sous
des gouvernements de gauche et de droite.
Votre commission des lois vous propose, mes chers collègues, de ne pas laisser
échapper l'occasion qui se présente. Rien ne justifie de retarder la mise en
oeuvre de cette réforme, soutenue par tous, politiques, notaires, juristes et
associations familiales.
Madame la ministre, soyez certaine, la grande réforme de la famille ne viendra
jamais, car on nous la dissèque par petits bouts ! Une telle occasion ne se
représentera pas de sitôt.
Dans cet hémicycle, tous les spécialistes connaissent le contenu de cette
réforme. Ne faisons pas semblant de découvrir les 200 articles qui sont
proposés ! Tout le monde est d'accord et aucun argument, autre que politicien,
ne justifierait d'en différer la discussion.
C'est pourquoi nous proposons d'adopter plusieurs articles additionnels après
l'article 9 et de donner une nouvelle rédaction aux articles 1er, 2, 3 et 4, de
manière à procéder à la réécriture totale du titre Ier du livre troisième du
code civil relatif aux successions.
Cette réécriture permettra de clarifier les règles d'ouverture, de
transmission, de liquidation et de partage des successions, et d'y apporter
d'utiles modifications de fond.
Il convient, premièrement, de clarifier l'ouverture et la transmission des
successions en s'appuyant sur un principe, à savoir que l'héritier continue la
personne défunte, et en rappelant le corollaire de ce principe, l'acquisition
immédiate de la succession, la saisine, mais cela sans oublier la règle selon
laquelle l'héritier donataire, le légataire universel et à titre universel sont
tenus indéfiniment au passif.
Il faut, deuxièmement, moderniser les qualités requises pour succéder en
abandonnant la théorie des comourants, en renforçant la personnalisation de
l'indignité.
Il s'agit, troisièmement, de légaliser et de simplifier en matière de preuve
de la qualité d'héritier.
Quatrièmement, nous proposons de réorganiser la présentation et de simplifier
les règles de la dévolution successorale, en supprimant la distinction existant
entre les collatéraux, les frères et soeurs dits consanguins, utérins,
germains, distinction qui n'a plus de sens aujourd'hui, et en limitant de façon
absolue au sixième degré la rentrée dans les successibles.
Cinquièmement, c'est la rénovation de la transmission et de la liquidation
successorale que nous proposons.
Pour cela, il faut raccourcir les délais de l'option héréditaire pour éviter
les blocages, permettre une action interrogatoire qui impose un choix dans un
délais de cinq mois et ramener le délai de prescription de 30 ans à 10 ans.
Il faut limiter aussi les risques de l'acceptation simple en mettant à l'abri
l'acceptant des dettes inconnues au moment de la succession et en limitant le
règlement de legs aux forces de la succession.
Il faut aussi réorganiser le régime de l'acceptation sous bénéfice
d'inventaire, en renforçant la protection des créanciers par une information et
une publicité, et en accordant plus de souplesse aux héritiers.
Enfin, il faut unifier le régime des successions vacantes.
Le service des domaines serait commis dans tous les cas par le président du
tribunal de grande instance. Il disposerait d'une grande autonomie, dans un
cadre strictement défini par la loi et sous contrôle de l'autorité
judiciaire.
Sixièmement, la refonte que nous proposons doit permettre aussi
l'administration pour une durée d'un an de la succession par un mandataire
qualifié.
Faute d'accord, l'un des héritiers, pour éviter le blocage, pourra demander la
nomination d'un mandataire pour un an, sans avoir d'effet sur l'option
héréditaire.
Septièmement, la commission des lois propose d'accélérer le partage et d'en
assouplir les règles, en promouvant le partage amiable et en limitant le
partage judiciaire en cas de contentieux véritable, en regroupant les règles
relatives aux demandes en justice qui précisent les modalités du partage, en
affirmant l'égalité en valeur des parts et des lots, en présumant non
rapportables les donations faites à des héritiers autres que les descendants,
l'idée étant surtout de maintenir une égalité de traitement entre les
descendants, en consacrant les règles jurisprudentielles relatives au règlement
du passif et au rapport des dettes, en sécurisant le partage, en limitant à
deux ans le délai imparti à l'héritier victime de trouble ou d'éviction pour
agir en garantie contre ses copartageants et en substituant à l'actuelle action
en rescision pour lésion une action nouvelle en complément de part.
Pour conclure, la commission des lois propose au Sénat d'adopter cette réforme
consensuelle et attendue par les professionnels. Techniquement étudiée de
longue date, elle est de nature, croyez-le, mes chers collègues, à régler de
nombreuses difficultés.
(Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Nachbar.
M. Philippe Nachbar,
au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre
les hommes et les femmes.
Monsieur le président, madame la ministre, mes
chers collègues, longtemps attendue, incomplète, certes, mais bienvenue, telle
peut être sommairement qualifiée la réforme dont notre assemblée débat
aujourd'hui. La délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances
entre les hommes et les femmes du Sénat y attache un grand prix, et pour cause
: dans plus de trois cas sur quatre, le conjoint survivant est une femme.
La situation des conjoints survivants est loin d'être satisfaisante : notre
droit des successions a certes évolué depuis l'adoption du code Napoléon, mais
il leur demeure nettement défavorable et ignore les évolutions
socio-économiques qui ont affecté depuis deux siècles la famille, tant dans sa
structure que dans son patrimoine. Si l'on considère que les règles
successorales reflètent l'image que la société se fait de la famille, on ne
peut que constater, pour la déplorer, l'existence d'une grande ingratitude à
l'égard du conjoint.
Les droits du conjoint survivant dépendent en effet de la « configuration
familiale», mais, dans les cas les plus fréquents ceux où le défunt laisse des
ascendants ou des descendants -, il ne peut prétendre qu'au bénéfice de
l'usufruit ; encore peut-il en être privé car, ne faisant pas partie des
héritiers réservataires, il peut avoir à renoncer à sa vocation
successorale.
Certes - et le rapporteur de la commission des lois le faisait observer il y a
un instant - dans la majorité des cas, la situation réelle du conjoint
survivant est plus favorable grâce aux libéralités que les époux se sont
consentis, grâce au régime matrimonial qu'ils ont choisi ou grâce aux
dispositions testamentaires qu'ils ont adoptées.
Il n'en reste pas moins qu'environ 20 % des ménages, et bien souvent les plus
modestes ou les plus jeunes, n'ont pris aucune disposition particulière. Ce
sont eux qui sont intéressés au premier chef par le texte que nous
examinons.
C'est pourquoi la première recommandation que la délégation aux droits des
femmes a adoptée porte sur la nécessité d'améliorer d'une manière concrète et
la plus efficace possible l'information des couples en matière successorale.
Il nous paraît essentiel, en effet, que soit délivrée le plus en amont
possible l'information sur les conséquences du décès d'un des conjoints, que ce
soit à l'occasion, même si cette proposition peut paraître surprenante, des
formalités préliminaires au mariage ou que ce soit à l'occasion d'un achat
immobilier.
S'agissant du dispositif des deux propositions de loi, la délégation aux
droits des femmes s'est rangée à une évidence : il est extrêmement difficile de
trancher entre l'usufruit, d'une part, la pleine propriété, d'autre part, tant
la catégorie des conjoints survivants est diverse et hétérogène. En réalité, de
deux choses l'une : ou l'on se réfère au souhait majoritairement exprimé au
travers des libéralités entre époux, et l'usufruit universel paraît devoir être
la solution la mieux adaptée ; ou l'on privilégie une vision prospective des
structures familiales en raison notamment de l'allongement de la vie et de la
multiplication des remariages, et il conviendrait, à ce moment-là, de
privilégier le droit de pleine propriété.
Aucune solution n'étant en elle-même parfaite, notre délégation a très
modestement proposé de suivre l'avis des professionnels, qui semblent nettement
favorables à la pleine propriété, après avoir penché un temps, comme la
doctrine, pour l'usufruit universel.
La délégation est dans son rôle en mettant l'accent sur un autre élément
essentiel du débat, celui de la réserve. Faut-il faire du conjoint survivant un
héritier réservataire comme les ascendants ou les descendants ou doit-il garder
le statut qui est actuellement le sien ?
Il convient, en tout cas, de mettre un terme à une réelle hypocrisie : les
droits du conjoint survivant ne valent que s'ils sont garantis, et l'on ne peut
espérer les améliorer réellement si l'on continue d'admettre que le conjoint
puisse en être privé par une libéralité consentie à un tiers du vivant des
époux.
Dans la plupart des pays européens, le droit successoral a institué une
réserve. La commission de réforme du code civil elle-même s'était engagée
timidement dans cette voie, voilà une cinquantaine d'années. La FAVEC, la
fédération des associations de conjoints survivants, dont la représentativité
n'est pas contestée, souhaite également que l'on s'oriente dans cette voie.
Les textes qui nous sont soumis n'accordent pas de réserve au conjoint, sauf
pour ce qui concerne la proposition Vidalies, lorsqu'il n'y a ni ascendant ni
descendant. Encore faut-il noter qu'il ne s'agit, à ce moment-là, que d'une
réserve d'un quart de la succession.
Certes, le problème de la réserve est délicat.
Il est délicat parce qu'on peut faire abstraction des autres héritiers
ascendants ou descendants. Il est délicat parce que d'importantes difficultés
techniques se posent, à commencer par celle qui est à l'origine de la réserve :
faut-il la prendre sur la quotité disponible ou sur les droits des autres
héritiers réservataires ?
Si l'on sort un instant du droit, on se rend compte que c'est tout le problème
de la place du mariage par rapport au lignage qui est ainsi posé. C'est
incontestablement une question de fond, que la délégation a examinée de manière
approfondie et que l'on doit aujourd'hui poser.
En tout cas, si les « réserves sur la réserve » au bénéfice du conjoint
survivant sont très fortes, ce qui permet à l'exception française de perdurer,
la délégation est dans son rôle en recommandant au législateur d'envisager
l'attribution, à terme, d'une part réservataire au conjoint survivant : à
terme, c'est-à-dire dans le cadre de la réforme globale des droits de
succession, dont les présentes dispositions ne dispenseront pas le
Gouvernement.
Il conviendrait, par ailleurs, comme l'a fait remarquer M. le rapporteur voilà
un instant, de faire disparaître du code civil la théorie, ô combien désuète,
des « comourants », dont disposent les articles 270 et suivants.
Tant la FAVEC, que nous avons auditionnée, que la délégation voient dans le
droit d'habitation et au maintien du logement une disposition essentielle.
Le souhait de finir ses jours dans son cadre de vie habituel paraît d'autant
plus légitime que plus de la moitié des veuves ont dépassé 75 ans. La
délégation demande, en conséquence, que ces droits d'habitation et d'usage
soient intangibles, que le défunt ne puisse s'y opposer de son vivant,
possibilité qui existe - nous l'avons regretté - même si elle est encadrée,
dans la proposition de loi Vidalies.
Améliorer l'information en matière successorale, garantir le droit au logement
du conjoint survivant, envisager, mettre à l'étude l'institution d'un droit
réservataire partiel, telles sont donc les recommandations que la délégation
aux droits des femmes adresse au Sénat. Elles traduisent un souci : tenir
compte de l'évolution socio-économique qui voit, d'une part, la structure
familiale se recentrer autour du couple et des enfants et, d'autre part, le
patrimoine familial reposer de plus en plus sur les revenus professionnels des
deux époux. Cette double évolution fait apparaître de plus en plus injuste le
statut successoral d'« étranger » à la famille qui a été jusqu'à présent celui
du conjoint survivant.
(Applaudissements sur les travées du l'RPR et de
l'Union centriste.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 31 minutes ;
Groupe socialiste, 25 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 19 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 17 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 11 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 10 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Serge Lagauche.
M. Serge Lagauche.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition
de loi que nous examinons aujourd'hui tend à remédier au décalage qui existe
actuellement entre la place qu'accorde l'opinion publique au conjoint survivant
et celle qu'il occupe effectivement dans le droit successoral français. Elle
tend également à supprimer les inégalités successorales entre les enfants
légitimes et les enfants adultérins.
S'agissant du conjoint survivant, le sort que lui réserve le code civil en
matière de succession suscite, depuis de nombreuses années, des interrogations
et des réflexions, au niveau tant des praticiens que des milieux
extraprofessionnels.
En effet, le resserrement de la famille autour du couple et des enfants, et
l'importance croissante des biens acquis durant le mariage au détriment des
biens propres, avec au premier chef le logement familial, conduisent à
reconsidérer la place limitée que les textes assignent au conjoint dans la
succession du défunt.
En 1804, pour éviter que les biens ne sortent de la famille, le conjoint
survivant n'avait vocation successorale que dans des cas exceptionnels, et
toujours en pleine propriété. Aujourd'hui, à l'inverse, il a toujours une
vocation, généralement en usufruit, exceptionnellement en pleine propriété. Si
ses droits ont beaucoup augmenté et si leur nature s'est modifiée, une
constatation demeure : le conjoint survivant est le « parent pauvre » de la
succession. Sauf si le défunt a pris des dispositions de son vivant pour
organiser la transmission de ses biens, celle-ci se fera selon les règles de
dévolution légales, qui ne permettent au conjoint survivant que de recueillir
une part réduite de la succession.
Si le défunt a des descendants, hypothèse la plus fréquente, le conjoint ne
dispose que d'un quart des biens en usufruit. En présence d'ascendants ou de
collatéraux privilégiés, il est également privé d'un droit de propriété et
obtient un droit d'usufruit de la moitié de la succession. Il convient de
rappeler que la conversion de son usufruit en rente viagère peut lui être
imposée. Le conjoint survivant n'obtient des droits en pleine propriété que
dans des situations résiduelles : lorsque qu'il est en présence d'ascendants ou
collatéraux privilégiés dans une seule ligne ou simplement en concours avec des
collatéraux simples.
En l'état actuel de notre législation, le conjoint survivant n'a même pas
l'assurance de pouvoir continuer à disposer, ne serait-ce qu'en usufruit, du
cadre de vie qui était le sien. De surcroît, n'étant pas réservataire, il peut
voir ses droits, déjà limités, disparaître si le défunt s'est montré généreux
dans ses libéralités à autrui.
Les préoccupations qui ont inspiré les règles successorales actuelles se
révèlent moins importantes en raison de la part prépondérante prise dans les
patrimoines par les biens acquis durant le mariage. De même, les règles de
dévolution successorales, en donnant priorité à la famille par le sang ne
reflètent manifestement pas la tendance au resserrement de la celllule
familiale autour de l'enfant et du couple.
Le souci de protéger le conjoint survivant est devenu primordial : il s'agit
de veiller à ce qu'il puisse disposer librement d'un patrimoine lui assurant
une autonomie dans la gestion de sa vie de veuf et lui permettant d'assumer le
coût, le cas échéant, de la dépendance physique. Dans ce contexte,
l'allongement de la vie humaine, l'amenuisement des solidarités familiales, la
multiplication des familles recomposées militent pour une amélioration des
droits consentis au conjoint survivant.
Presque tous les pays occidentaux ont, pendant le dernier quart du xxe siècle,
accru les droits successoraux du conjoint survivant, tantôt en lui donnant un
usufruit universel, tantôt, dans les pays d'influence germanique, en lui
donnant une part en pleine propriété, généralement une part d'enfant le moins
prenant. Souvent, il lui est accordé une réserve, tantôt en pleine propriété,
tantôt en usufruit.
La France a tenté, à plusieurs reprises, de modifier les règles successorales
dans leur ensemble, et celles qui sont relatives au conjoint survivant en
particulier. En effet, faisant suite aux travaux du groupe de travail animé par
le doyen Carbonnier et le professeur Catala, un premier projet de loi a été
déposé par Michel Sapin en 1991. Il a été repris dans un projet plus général
par Pierre Méhaignerie en 1995. Ces deux projets de loi n'ont malheureusement
pas été examinés par le Parlement.
Mme Irène Théry, puis Mme Dekeuwer-Défossez, dans leurs rapports respectifs,
remis à Elisabeth Guigou et à Martine Aubry, insistaient sur la nécessité de
réformer cette branche du droit.
La proposition de loi tient compte du souci des personnes de disposer, au
décès de leur conjoint, d'une somme d'argent et d'un logement.
Tout d'abord, elle octroie au conjoint survivant quels que soient les parents
laissés par le défunt, des droits en propriété qui permettent aux autres
héritiers de conserver leur autonomie. Le montant des droits recueillis par le
conjoint variera selon les membres de la famille venant à la succession : ils
seront de l'ordre d'un quart en présence d'enfants, d'un demi si le défunt
laisse ses père et mère, et de trois quarts s'il ne laisse que l'un d'entre
eux.
Par ailleurs, la proposition de loi donne au conjoint survivant, s'il le
souhaite, et sauf volonté contraire exprimée par le défunt dans le testament
par acte public, un droit viager au logement, assorti d'un droit d'usage du
mobilier le garnissant, qui s'impute sur les droits de propriété qu'il aura
recueillis dans la succession, mais qui, s'il les excède, ne contraint pas le
conjoint bénéficiaire à récompenser la succession.
Le conjoint survivant disposera d'un an à compter du décès du conjoint pour
manifester sa volonté d'exercer ses droits d'usage et d'habitation, qui
pourront ultérieurement, d'un commun accord entre le conjoint et les autres
hériters, être convertis en une rente viagère ou en un capital.
Dans l'hypothèse où le logement serait loué, le conjoint survivant se verra
attribuer un droit d'usage sur le mobilier le garnissant, les conditions dans
lesquelles le conjoint peut se voir transféré le bail étant facilitées.
Par ailleurs, le conjoint survivant bénéficie, nonobstant toute disposition
contraire, de la jouissance gratuite, pendant une année, du logement occupé à
titre d'habitation principale à l'époque du décès, les loyers étant remboursés
par la succession si le logement en question fait l'objet d'un bail à loyer.
Enfin, dans le souci de protéger le conjoint survivant, la rédaction de
l'article 207-1 du code civil est modifiée afin de renforcer le devoir de
secours qui peut être mis à la charge de la succession lorsque le conjoint
survivant voit ses conditions de vie gravement amoindries par le décès de son
conjoint.
Si le groupe socialiste se félicite de cette proposition de loi, il propose
toutefois quelques modifications. Il fait une différence entre la présence
d'enfants issus ou non du mariage. Lorsque les enfants sont issus du mariage du
défunt et du conjoint survivant, s'inspirant des dispositions du projet de loi
de Michel Sapin de 1991, repris par le projet de loi de Pierre Méhaignerie de
1995, il ouvre au conjoint survivant une option entre les droits en pleine
propriété et les droits en usufruit. En revanche, en présence d'enfants d'un
lit précédent, le conjoint survivant recueille la propriété du quart des biens
existants.
Il prévoit également de faire porter les droits du conjoint survivant sur les
biens du défunt existants au décès. En effet, il n'est pas utile de remettre en
question à son profit des donations qui ont pu être faites, notamment aux
enfants, y compris à ceux d'un premier lit.
Par ailleurs, il propose, comme la commission des lois, que tout usufruit
appartenant au conjoint sur les biens du prédécédé, qu'il résulte de la loi,
d'un testament ou d'une donation de biens à venir, ouvre la faculté de demander
la conversion en rente viagère. Ce droit de conversion appartient à chacun des
cohériters nu-propriétaires ainsi qu'au conjoint survivant. En cas de
désaccord, il reviendra au juge d'accepter ou non la conversion et d'en
déterminer le montant. Toutefois, la conversion de l'usufruit portant sur le
logement du conjoint survivant ne pourra être ordonnée qu'avec l'accord de ce
dernier.
Quant à la commission des lois, elle préconise d'accorder le quart de la
propriété des biens existants complété par l'usufruit sur la seule part des
biens revenant aux enfants communs. Nous préférons à cette solution celle qui a
été retenue par l'Assemblée nationale, assortie de la possibilité de laisser le
choix, seulement en présence d'enfants communs au défunt et au conjoint
survivant, entre la propriété du quart des biens existants et l'usufruit de la
totalité, comme c'est le cas en matière de donation au dernier vivant.
Mais surtout, la commission propose d'inclure la réforme relative aux droits
du conjoint survivant et des enfants adultérins dans une refonte générale du
droit des successions. Nous ne pouvons réellement pas nous associer à cette
proposition. Il est inconcevable de vouloir procéder, au détour de l'examen
d'une proposition de loi dont l'objet était limité, à une réforme générale du
droit des successions, touchant ainsi à pas moins de deux cent cinquante-deux
articles du code civil, sans une étude préalable ni un examen parlemenaire
complet.
S'agissant des dispositions tendant à supprimer toutes limitations
actuellement apportées par le code civil aux droits successoraux des enfants
adultérins, je m'en félicite.
En effet, alors que les enfants légitimes, légitimés, adoptifs ou naturels
simples ont tous les mêmes droit sur la succession de leur père et mère, les
enfants adultérins, tout en étant également héritiers de leurs parents, voient
leur part réduite par rapport à celle des autres enfants du défunt. L'enfant
adultérin ne reçoit que la moitié de la part qui lui serait revenue si tous les
enfants, y compris lui-même, étaient légitimes, la demi-part non attribuée
revenant de droit aux enfants légitimes.
De même, l'enfant adultérin n'a pas le même statut successoral que les autres
enfants vis-à-vis du conjoint survivant.
Le 1er février 2000, la Cour européenne des droits de l'homme a condamné la
France pour discrimination à l'égard des enfants adultérins. Afin de tirer les
conséquences de cette décision, la proposition de loi supprime les différentes
dispositions du code civil établissant une discrimination successorale au
détriment des enfants adultérins.
Certes, j'aurais préféré que la réforme des droits du conjoint survivant et
celle des droits des enfants adultérins soient incluses dans la grande réforme
du droit de la famille ; les contraintes de l'établissement du calendrier
législatif ne l'ont pas permis. Or il est urgent, comme c'était le cas pour la
prestation compensatoire, de légiférer le plus vite possible sur ces deux
sujets. J'espère que la majorité sénatoriale fera preuve de sagesse en retirant
les amendements tendant à une refonte complète du droit des successions, afin
de ne pas compromettre cette réforme tant attendue.
(Applaudissements sur
les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, il est
d'usage de dire que le droit des successions est demeuré intangible depuis 1804
; on le dit pour le code civil comme pour d'autres codes.
En fait, on s'aperçoit que, si l'évolution de la structure de la famille
nécessite une révision complète de ce volet important de notre droit civil,
notamment en ce qui concerne les droits du conjoint survivant, les diverses
modifications qui sont intervenues, à savoir la loi de 1957, l'ordonnance de
1958, mais aussi la loi de 1972 sur la filiation et, enfin, la loi du 31
décembre 1976, qui concerne le partage et les rapports, ont néanmoins permis de
faire progresser chaque fois un peu plus les droits du conjoint survivant. Le
droit n'est donc pas resté intangible depuis 1804.
Je ne rappellerai pas le projet Sapin ou le projet Méhaignerie, qui avait été
déposé à l'Assemblée nationale. Malgré leur caractère largement consensuel,
l'accord tant de la doctrine que des praticiens du droit - sauf sur un point,
j'y reviendrai -, plusieurs projets ont vu le jour sans être examinés par le
Parlement.
Faut-il, dès lors, accepter cet état de fait ou tenter de réformer l'ensemble
de notre droit des successions en profitant de notre droit très limité
d'initiative ? Une séance par mois, ce n'est en effet pas beaucoup !
C'est l'une des questions posées par la commission des lois, qui nous propose
rien de moins que de réformer une grande partie du titre Ier du livre III du
code civil, qui comporte - vaste ambition - plus de deux cents articles.
Il y a lieu de rappeler que la réforme annoncée de l'ensemble du droit de la
famille, dont les successions constituent une part non négligeable, est
toujours reportée, les commissions succédant aux commissions, et que seule
l'initiative parlementaire a fait progresser le sujet sur un certain nombre de
points ; je pense notamment à la prestation compensatoire en cas de divorce,
qu'il était nécessaire de réformer.
C'est la voie qu'a choisie l'Assemblée nationale, dont nous examinons la
proposition de loi sur les droits du conjoint survivant et des enfants
naturels, qu'elle a adoptée à l'unanimité, ce qui est toujours très dangereux,
de mon point de vue, s'agissant de problèmes dits non politiques mais
techniques.
Selon les termes particulièrement pudiques des articles 759 et 760 du code
civil, les enfants naturels sont ceux « dont le père ou la mère était, au temps
de leur conception, engagé dans les liens du mariage avec une autre personne ».
En clair, il s'agit des enfants adultérins. Examinons ce premier point.
Si la jurisprudence de la Cour de cassation avait conclu, jusqu'en 1998, que
la « discrimination » dont étaient l'objet les enfants adultérins n'était
contraire ni à la convention européenne des droits de l'homme et des libertés
fondamentales, la vocation successorale étant étrangère au respect de la vie
privée et familiale reconnu par l'article 8 de la convention, ni à la
convention de New York sur les droits de l'enfant, nous devons désormais tenir
compte de l'arrêt du 1er février 2000 de la Cour européenne des droits de
l'homme, qui a condamné la France pour discrimination au motif de différence de
traitement en matière de succession entre les enfants naturels et légitimes et
les enfants adultérins.
Je crois que nous pouvons tous adhérer au principe selon lequel « l'enfant
adultérin ne saurait se voir reprocher des faits qui ne lui sont pas imputables
». Il nous semble, de surcroît, que, comme pour les conjoints survivants, le
régime des libéralités peut largement faire pièce aux dispositions des articles
759 et 760 du code civil et que le système prévu est la conséquence logique de
la réforme qui avait été adoptée sur la reconnaissance des enfants
adultérins.
En ce qui concerne les conjoints survivants, les avis sont convergents et
unanimes pour accroître leurs droits successoraux. Rappelons tout de même que
cela ne concerne que 20 % des successions, car le problème doit être examiné
dans le cadre global des régimes matrimoniaux - ils ont fait l'objet d'une
réforme très importante en 1955 par la voie parlementaire car, à l'époque, on
avait encore le temps d'élaborer des lois sur des sujets importants ! - et des
donations et testaments, dont beaucoup souhaitent par ailleurs une
rénovation.
Il faut rappeler aussi que le législateur a souvent favorisé, notamment par
des mesures fiscales, à la fois la transmission des patrimoines par
anticipation et la protection du conjoint survivant.
Des situations souvent inacceptables demeurent néanmoins. Il s'agit souvent,
cela a été dit, de successions ouvertes à la suite d'accident ou de décès
prématuré d'un des conjoints pour une raison de maladie, ou encore de
l'imprévoyance ou de la méconnaissance du droit d'un nombre encore trop
important de nos concitoyens, la succession étant souvent constituée du
logement principal de la famille et d'une épargne modeste. Dans tous les autres
cas, fort heureusement, les successions sont réglées à l'avance.
Qu'il me soit permis de saluer les efforts remarquables accomplis par les
professionnels que sont les notaires.
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Absolument !
M. Jean-Jacques Hyest.
D'aucuns disent qu'il faudrait fusionner toutes les professions. Or les
notaires, en qualité d'officier ministériel, demeurent indispensables dans
notre société pour régler ces problèmes de droit de la famille.
M. Raymond Courrière.
Très bien !
M. Jean-Jacques Hyest.
Votre approbation me comble !
M. Raymond Courrière.
C'est une approbation de professionnel !
M. Jean-Jacques Hyest.
Je n'osais pas le dire !
M. Robert Bret.
C'est du corporatisme !
M. Jean-Jacques Hyest.
Je ne suis pas corporatiste, car je n'appartiens pas à cette profession ! Mais
vous voyez que je sais reconnaître le bienfait de chacune des professions,
quelle qu'elle soit !
L'information peut être améliorée, et l'Assemblée nationale a fait une
proposition dans ce sens. Mais il me paraît pour le moins curieux que cette
information en matière de succession soit apportée au moment du mariage. On
pourrait peut-être aussi communiquer aux époux les règles concernant le divorce
!
(Rires.)
Il y a là quelque chose qui me gêne un peu.
Améliorer les droits du conjoint survivant ne doit toutefois pas conduire à la
création de nouvelles discriminations. Les mesures adoptées par l'Assemblée
nationale sur ce point, même si leur simplicité peut séduire, ne paraissent pas
constituer un point d'équilibre.
Tout le monde est d'accord pour considérer que la création d'une forme de
réserve générale et héréditaire au profit du conjoint survivant face à des
héritiers autres que les descendants et ascendants ne doit pas être acceptée.
Mais au nom de quel principe passerait-on d'une situation où le conjoint était
exclu par la famille par le sang à une situation où il exclurait lui-même cette
famille, ce qui pourrait avoir pour effet paradoxal de transmettre tout le
patrimoine de la famille du conjoint décédé à la famille de l'époux survivant ?
Or, avec les propositions de l'Assemblée nationale on pourrait aboutir à cette
situation.
C'est pourquoi la commission des lois, dont les débats ont été très
approfondis sur cette question, modifie substantiellement les règles fixées par
l'Assemblée nationale, et ses propositions nous semblent équilibrées.
En ce qui concerne la succession en présence d'enfants issus du mariage, la
solution d'équilibre permettant d'ouvrir une option entre propriété et usufruit
nous paraît préférable, la règle du quart en propriété s'appliquant en cas
d'enfants non issus du mariage.
Notons au passage que, comme l'avaient souligné le professeur Catala et le
Conseil supérieur du notariat au cours des auditions préalables, il y a bien
lieu de viser les « biens existants » et non la « succession ».
Madame le garde des sceaux, je sais que vous n'êtes pas d'accord sur ce point.
Cependant, l'objet de la loi étant de garantir les conditions d'existence de
l'époux survivant, pourquoi envisager le rapport à succession des biens donnés,
quelquefois depuis très longtemps, aux enfants pour les établir ? On va créer
des situations extrêmement complexes. Dès lors, selon moi, mieux vaut tenir
compte des biens existants plutôt que de la succession.
En l'absence de descendants, la distinction faite selon qu'existent des
ascendants privilégiés dans les deux lignes ou dans une seule ligne, avec le
droit maintenu des collatéraux privilégiés à la succession, aboutit à des
solutions qui nous semblent pertinentes.
Cela met en jeu la conception même que l'on a de la famille. La famille ne se
compose pas seulement des parents et des enfants : les frères et soeurs des
parents en font aussi partie !
M. Nicolas About,
rapporteur.
Eh oui !
M. Jean-Jacques Hyest.
Au nom de quoi privilégierait-on certains par rapport aux autres ? On peut
améliorer les droits du conjoint survivant sans pour autant supprimer tout
droit à succession pour les collatéraux.
Il en est de même dans les diverses hypothèses où l'absence de descendants ou
d'ascendants privilégiés dans les deux lignes ne prive pas les collatéraux d'un
droit à succession. Mais peut-être est-ce là une vision provinciale !
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Moi aussi, je suis une « provinciale » !
M. Jean-Jacques Hyest.
On nous dit que la famille est maintenant réduite à la famille nucléaire, mais
je crois que nous avons précisément aujourd'hui l'occasion de manifester qu'une
solidarité existe entre l'ensemble des membres de la famille et que cela doit
se traduire aussi dans les successions. Car c'est, à mon avis, l'envers et
l'endroit d'une même situation.
M. Nicolas About,
rapporteur.
En l'absence d'enfant !
M. Jean-Jacques Hyest.
Bien sûr !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
On peut toujours tester entre frères et soeurs !
M. Jean-Jacques Hyest.
Oui mais, mon cher collègue, je vous l'ai dit tout à l'heure, nous légiférons
pour les 20 % de cas qui ne sont couverts ni par les régimes matrimoniaux ni
par les libéralités.
J'ajoute que, si l'on examinait bien les libéralités des coutumes antérieures
au code civil - car on sait bien que, en fin de compte, ce qui a été codifié,
c'est, en gros, la coutume du Parisis ou de l'Ile-de-France - on constaterait
qu'il existait des dispositions extrêmement diverses selon les provinces.
Aujourd'hui, bien que deux siècles se soient écoulés, on continue, dans un
certain nombre de régions, à faire des libéralités en fonction de coutumes
différentes de la coutume de Paris. Notre excellent collègue Patrice Gélard
évoquait l'autre jour, à ce sujet, la Haute-Normandie. Mais on pourrait évoquer
tout autant des coutumes du Midi ou de la Bretagne.
Bien entendu, pour éviter que le conjoint survivant ne soit évincé du logement
familial, et que les dispositions prévues ne contredisent ce droit au maintien
dans les lieux, insuffisamment protégé par l'Assemblée nationale, il convient
de renforcer le dispositif, avec des aménagements pour éviter d'autres abus,
comme nous le propose la commission des lois.
On comprend mieux pourquoi des avis divergents ont pu être émis sur les droits
du conjoint survivant. Si tous sont d'accord pour les renforcer, encore faut-il
qu'ils soient équilibrés, qu'ils tiennent compte de l'évolution économique et
sociale de la situation respective des époux. C'est pourquoi les conclusions de
la commission des lois recueillent l'approbation de notre groupe.
En revanche, sur les autres aspects de la proposition, qui reprennent, certes,
en grande partie le projet de 1995, mais qui consistent à réformer l'ensemble
du droit de succession, on peut être partagé. En effet, tous les praticiens
demandent cette réforme, depuis longtemps préparée, et qui, elle, a fait
l'objet d'un avis du Conseil d'Etat. Ce n'est pas le cas de toutes les
propositions.
(Sourires.)
Mais l'importance de ce texte et sa complexité mériteraient sans doute mieux
qu'un examen global, qui en fait une sorte d'ordonnance de nature
législative.
Je comprends, bien entendu, la volonté de la commission et de son rapporteur
de répondre à la légitime attente des juristes, et aussi à celle des
justiciables. De l'accueil que réservera l'Assemblée nationale à cette
initiative dépendent, bien sûr, ses chances de succès. Comme l'urgence ne
s'impose pas, nous aurons sans doute à revenir sur le dispositif. Nous posons
une sorte de pierre d'attente, pour employer une formule d'architecture.
C'est pourquoi, tout bien pesé, même si un certain nombre d'articles méritent
d'être examinés d'un peu plus près, le plus urgent étant tout de même la
réforme du droit des conjoints survivants, le groupe de l'Union centriste
votera les conclusions de la commission des lois.
(Applaudissements sur les
travées de l'Union centriste et du RPR. - M. le rapporteur applaudit
également.)
M. le président.
La parole est à M. Béteille.
M. Laurent Béteille.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la réforme du
droit des successions est attendue depuis de très nombreuses années puisqu'une
grande partie des dispositions légales qui régissent ce domaine sont inchangées
depuis la législation napoléonienne, ce qui laisse subsister un certain nombre
d'anachronismes.
Certes, la loi est, en la matière, supplétive et 80 % des successions sont
préparées par la volonté du
de cujus
au travers de dispositions
testamentaires, de donations partages, d'un changement de régime matrimonial ou
d'autres dispositions de prévoyance. La loi ne s'adresse donc qu'aux 20 % de
successions non préparées.
Cependant, à mon sens, ce chiffre doit nous faire réfléchir. En effet,
n'est-ce pas parce que les dispositions légales sont inadaptées que tant de nos
concitoyens se voient contraints de recourir à des dispositions particulières ?
On peut penser que, si la loi était adaptée, le besoin de recourir aux
testaments ou aux donations pour régler les successions se ferait moins
sentir.
Cette inadaptation que l'on constate concerne, pour une large part, le cas du
conjoint survivant, qui a été négligé par le code civil de 1804 et aussi, en
vérité, par les textes ultérieurs.
Au-delà de ce qui est réellement une situation injuste pour le conjoint
survivant, beaucoup de dispositions du droit de succession avaient été jugées
dépassées tant par la pratique que par la doctrine. C'est pourquoi, d'ores et
déjà, de nombreux projets de réforme, largement inspirés à vrai dire des
travaux du doyen Carbonnier et des propositions des notaires, ont été déposés
sur le bureau des assemblées sans, curieusement, jamais aboutir jusqu'ici. Les
premiers de ces textes remontent à une bonne quinzaine d'années.
Paradoxalement, depuis cette époque, les évolutions constatées de la famille
ont rendu sans doute la tâche encore plus complexe, en particulier dans le
domaine sensible du droit du conjoint survivant.
Oui, la famille a évolué : un grand nombre de nos concitoyens ont choisi de ne
pas se marier ; le PACS a été introduit ; la proportion des divorces, dont on
aurait pu penser qu'elle allait régresser du fait de la diminution du nombre
des mariages, n'a cessé d'augmenter. C'est ainsi que les familles recomposées
prennent chaque jour plus d'importance dans les statistiques, d'où un certain
nombre de difficultés nouvelles.
On pourrait penser que l'existence d'enfants de lits différents est à
l'origine des difficultés que l'on rencontre dans le règlement des successions.
Mais, dans la pratique, les litiges qui surgissent sont aussi créés par des «
enfants germains ».
En tout cas, la veuve et le veuf « traditionnels », issus d'un mariage unique,
ne constituent plus le modèle dominant. La proposition de loi qui nous est
soumise est précisément destinée à fournir un cadre unique pour des situations
très diverses.
Cela étant, la proportion de successions préparées n'est pas près de se
réduire au profit d'une disposition légale qui ferait l'unanimité ou le
consensus.
Le but reste de protéger par priorité les situations qui méritent le plus
d'être protégées, en laissant à chacun la possibilité d'y déroger lorsque la
composition de la famille lui semble le justifier.
Il était donc plus que temps de remédier aux situations difficiles que cette
faible considération du conjoint survivant pouvait engendrer.
Paradoxalement, mis à part le cas particulier des droits successoraux de
l'enfant adultérin, qui ne fait pas débat, la proposition de loi n'a choisi de
s'attaquer qu'à la partie la plus controversée de la réforme, celle sur
laquelle les professionnels ne s'accordent pas toujours, pour laisser de côté
tout ce qui était attendu et faisait l'objet d'un très large consensus.
Il est, me semble-t-il, regrettable qu'une pareille réforme n'ait pas été
envisagée plus tôt par le Gouvernement et qu'il ait fallu attendre une
initiative parlementaire pour, enfin, repenser les droits du conjoint
survivant, alors que cette préoccupation ne date pas d'hier, comme en
témoignent les tentatives non abouties de 1988, 1991 et 1995.
Celles-ci avaient d'ailleurs le mérite d'inscrire la nécessaire réforme des
droits du conjoint survivant dans une refonte plus vaste des droits
successoraux. Il convient donc d'approuver chaleureusement notre collègue
Nicolas About pour l'excellent travail qu'il a fourni, étoffant et élargissant
ainsi l'objectif modeste et parcellaire de la proposition initiale, pour viser
à une réforme plus globale de l'ensemble des droits successoraux.
Considérant que les dispositions techniques de cette réforme avaient déjà été
étudiées en profondeur, qu'elles étaient attendues par les professionnels, que
la réforme du droit des successions était plutôt consensuelle et qu'elle devait
enfin clarifier et simplifier les règlements successoraux, le rapporteur a donc
décidé d'inclure dans la présente proposition de loi des mesures concernant
l'ensemble des droits successoraux.
Dans un souci de cohérence, les droits du conjoint ne sont donc plus orphelins
du cadre logique qui doit les accompagner, à savoir l'ensemble des droits
successoraux, le rapporteur considérant à juste titre que l'examen de la
présente proposition de loi permet la mise en oeuvre d'une réforme plus
vaste.
Des dispositions visant à clarifier et à moderniser les règles d'ouverture, de
transmission, de liquidation et de partage de la succession devraient régler
les nombreuses difficultés posées par les règlements successoraux, notamment
dans des cas parfois un peu anecdotiques : théorie des comourants et celle de
l'indignité, qui souffraient d'un archaïsme certain et d'un manque de précision
quant à leur définition actuelle dans le code civil.
La preuve de la qualité d'héritier est, par ce nouveau texte,
institutionnalisée. Concernant la transmission et la liquidation successorales,
les délais d'option et de prescription héréditaire sont raccourcis, les risques
que présente l'acceptation pure et simple sont diminués et l'acceptation sous
bénéfice d'inventaire, jugée trop imprécise, est réorganisée. Enfin,
l'administration temporaire de la succession par un mandataire qualifié est
favorisée et le partage est assoupli et accéléré par des dispositions visant à
promouvoir le partage à l'amiable, à affirmer l'égalité en valeur des lots et à
simplifier les rapports dans un souci d'égalité.
Toutes ces dispositions assainissent le code civil et forment une base solide
pour réformer à l'avenir le droit des libéralités, jugé trop rigide. Elles
forment un apport essentiel à la proposition de loi initiale parce qu'elles
doivent permettre de conserver un droit civil cohérent en matière de
succession.
Ces apports importants, issus du travail approfondi de la commission, sont une
juste réponse à l'approche parcellaire et fragmentée du droit de la famille,
alors qu'une réforme globale est nécessaire : droits du conjoint survivant, nom
patronymique ou autorité parentale sont autant de réformes partielles et
tardives qui multiplient les risques d'incohérence et trahissent l'absence
d'une politique familiale complète et réfléchie de la part du Gouvernement.
M. le rapporteur soulignait, d'ailleurs, qu'aucune raison véritable ne
justifiait le report d'un projet de loi global du droit des successions, au vu
des nombreuses études précédemment effectuées et du caractère consensuel de
cette réforme.
De plus, les modifications des droits du conjoint survivant impliquent, en
amont, une réflexion sur la place du mariage par rapport au lignage, sur les
fondements de la filiation, qui, nous le voyons, relèvent déjà de domaines plus
vastes que celui des seuls droits du conjoint survivant.
De cette réflexion doit découler un projet global de réforme du droit de la
famille où seraient inscrits les droits du conjoint survivant.
Il semble donc que la récurrence de ces réformes partielles révèle une optique
trop réduite en suivant le trajet inverse de maturation d'un projet de loi.
Cette méthode ouvre la course aux réajustements permanents de notre code
civil.
Face à l'urgence qu'il y a à améliorer la situation du conjoint survivant et
au vu des travaux et des contributions du rapporteur, M. Nicolas About, le
groupe du RPR votera cette proposition de loi, qui, ainsi modifiée, devrait
répondre aux soucis des particuliers comme des professionnels.
Penser la famille en tant qu'institution, c'est-à-dire en tant qu'instrument
par lequel la collectivité institue son nouveau membre, et confronter cette
vision aux bouleversements qu'elle traverse reste néanmoins la priorité
fondamentale pour pouvoir proposer enfin concrètement un droit de la famille
pertinent et cohérent.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le droit des
successions apparaît, à bien des égards, comme un concentré d'anachronismes et
d'injustices.
Héritage d'une France rurale qui s'attachait à assurer la transmission du
patrimoine terrien dans la famille par le sang, ce droit est en décalage avec
la réalité sociologique actuelle ; parallèlement à l'allongement de la durée de
vie, la famille se recompose autour d'un triangle familial père-mère-enfant,
fluctuant au gré des recompositions, qui voit un patrimoine resserré autour du
logement acquis au cours du mariage.
Ce changement sociologique s'accompagne d'un changement de valeurs de la
société qui tend à privilégier les personnes plutôt que les biens, « la logique
de l'affection plutôt que celle du sang », comme l'a écrit M. Alain Vidalies
dans son rapport à l'Assemblée nationale.
Dans ce contexte, tant la situation de l'enfant adultérin que celle du
conjoint survivant apparaissent comme des injustices flagrantes, d'ailleurs mal
comprises par les citoyens eux-mêmes. C'est à ces deux « anomalies » que
s'attaque la proposition de loi qui nous est soumise.
Première anomalie, le simple terme d'enfant adultérin symbolise à lui seul les
siècles de discriminations dont ces enfants, qualifiés par la « faute » de
leurs géniteurs, sont encore victimes aujourd'hui sur le plan successoral.
Il a fallu une condamnation de la France par la Cour européenne des droits de
l'homme pour que la jurisprudence et le législateur suppriment aujourd'hui les
différences de traitement contraires au principe d'égalité des filiations et
qu'on cesse de reprocher à l'enfant adultérin « des faits qui ne lui sont pas
imputables ».
Seconde anomalie visée par le texte de loi : les droits successoraux du
conjoint survivant. Là encore, quelle injustice de notre droit, qui maintient
le conjoint dans la situation d'« étranger dans la famille », de « pièce
rapportée », dit-on aussi charitablement !
Notre droit actuel, dont les principes remontent à 1804, se caractérise en
effet par la faible place faite au conjoint survivant dans la succession : il
ne peut prétendre qu'à un quart en usufruit s'il y a des enfants, la moitié en
l'absence de descendants si les parents du défunt ou ses frères et soeurs sont
encore en vie. Relégué aux confins de l'ordre successoral, il fait ainsi figure
de « parent pauvre de la succession ».
Cette situation est perçue comme une aberration par les couples : ils sont 80
% à avoir anticipé cette injustice et pris des dispositions testimoniales ou
conventionnelles contraires.
Il y a là une double raison de changer les textes : d'une part, une loi
majoritairement contrariée par la pratique doit être revue ; d'autre part, il
convient de protéger les 20 % restants qui, quelles que soient les causes -
(imprévoyance, coût financier supplémentaire, ignorance de la loi) - risquent
de se retrouver dans une situation parfois critique au moment du décès de l'un
deux. Ils ne sont même pas assurés de pouvoir rester dans leur logement.
Si tout le monde s'accorde à dire que la situation ne peut plus perdurer, les
solutions divergent profondément quant à l'articulation des droits du conjoint
survivant et des héritiers par le sang, comme le souligne la différence entre
le texte de l'Assemblée nationale et celui de la commission des lois du
Sénat.
Pour notre part, il nous semble que la solution adoptée à l'Assemblée
nationale est équilibrée, même si les parlementaires communistes étaient, à
l'origine, plus favorables à la reconnaissance d'un droit à l'usufruit sur la
totalité des biens de la succession. Un tel système nous semblait en effet le
plus protecteur des droits du conjoint survivant, sans hypothéquer les droits
des héritiers.
Mais si l'on se réfère à la diversification des situations familiales, qui
devrait s'amplifier dans le futur, la solution de l'attribution d'une partie de
la succession en pleine propriété peut apparaître plus adaptée. Elle permet une
liquidation plus rapide de la succession, ce qui a un réel intérêt, notamment
dans les cas de remariage.
Néanmoins, madame la garde des sceaux, il serait judicieux de prévoir un
aménagement des règles fiscales en vigueur dans la mesure où cette option
induit une double taxation rapprochée lorsqu'il s'agit de conjoints âgés, ce
qui semble très pénalisant dans le cas des petites successions.
En outre, dès lors qu'on n'opte pas pour l'usufruit, il paraît absolument
nécessaire de donner au conjoint survivant un « minimum garanti » pour
reprendre une expression déjà utilisée. La reconnaissance d'un droit à la
jouissance gratuite du logement pendant un an et la créance alimentaire du
conjoint survivant dans la succession en constituent les deux volets
principaux.
Pour les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, il convient
d'y intégrer également le droit au maintien dans le logement commun.
Nous savons tous ici, pour l'avoir vécu au moins avec nos propres parents,
combien il est essentiel pour le conjoint survivant âgé - la moitié des veufs
et veuves sont âgés de plus de soixante-quinze ans - de conserver son cadre de
vie habituel.
C'est également le cas pour les jeunes veuves avec des enfants en bas âge, la
FAVEC nous ayant rappelé dans quelle situation catastrophique elles se
trouvaient le plus souvent.
C'est pourquoi la reconnaissance d'un droit d'habitation du logement qui
constituait la résidence principale des époux, assorti d'un droit d'usage sur
le mobilier le garnissant, est absolument fondamentale.
Droit personnel et intransmissible, il est impératif, selon nous, de le
garantir effectivement, sauf à lui faire perdre de son intérêt, notamment par
comparaison avec l'usufruit sur la totalité des biens. C'est pourquoi il
convient de le rendre intangible. Nous avons déposé un amendement en ce
sens.
Faire dépendre ce droit de la seule volonté du défunt, y compris sous l'angle
de la désignation du logement qu'occupera le survivant, va en effet à
l'encontre de l'objectif visé, qui consiste à assurer la sécurité non seulement
matérielle mais également affective du conjoint survivant par la préservation
de son cadre de vie habituel.
Dans la proposition de loi qui nous vient de l'Assemblée nationale,
l'altération du droit d'habitation nous semble, en outre, contradictoire avec
la constitution d'une réserve en l'absence de descendant, car elle crée une
discrimination au détriment du conjoint avec enfant, alors moins protégé.
En réalité, les restrictions mises au droit d'habitation révèlent bien les
réticences à changer réellement la logique de la transmission du patrimoine.
Soyons clairs : la reconnaissance d'un droit du conjoint ne pourra se faire
sans une minoration des droits des autres héritiers. L'Assemblée nationale, qui
l'a compris, a tranché en faveur de la priorité sur les collatéraux.
Cette logique est refusée par la majorité de la commission des lois, qui, ne
craignant pas de dramatiser la situation, voit dans le texte de l'Assemblée
nationale l'« exclusion de la famille par le sang ».
La différence de situation faite au conjoint survivant, selon la présence
d'enfants communs ou d'enfants d'un premier lit, participe également de ce qui
m'apparaît comme une dramatisation de la situation. Elle occulte, en effet, que
les enfants du premier lit conservent, quoi qu'il arrive, leur statut
d'héritiers réservataires. En tout état de cause, ce traitement différencié
vient contrarier le principe de l'égalité des filiations que nous entendons
promouvoir.
Dans son excellent rapport fait au nom de la délégation aux droits des femmes,
notre collègue Philippe Nachbar nous invite à ne pas tergiverser. Comme il le
fait judicieusement remarquer, la question du conjoint survivant nous oblige à
prendre position sur la place du mariage par rapport au lignage. La
consécration de la place du conjoint dans la famille ne pourra se faire « sans
sortir d'une conception exclusivement "verticale" de la succession ».
Or, c'est là que se situe le fond du problème : le Gouvernement, à défaut de
grande loi sur la famille - cela a été rappelé il y a un instant - a tardé à
une systématisation des principes directeurs de son action en lui préférant la
méthode des petits pas. Mon propos ne vous vise pas directement, madame la
garde des sceaux, vous l'aurez compris.
Les lois adoptées jusqu'à présent, ou en passe d'être adoptées - réforme de la
prestation compensatoire, nom patronymique, accès aux origines -, sont
certainement utiles, mais n'ont pas permis de trancher un certain nombre
d'options fondamentales induites par ces textes.
Je me félicite que la conférence de la famille ait permis de clarifier quelque
peu ces objectifs. Il était temps, oserai-je dire !
En attendant, la majorité sénatoriale a beau jeu - l'occasion fait le larron,
comme on dit ! - de s'engouffrer dans ces espaces non occupés et de profiter
d'un texte à portée limitée pour proposer, même sans étude préalable, des
réformes à caractère très général.
Peut-être cette méthode, devenue habituelle au Sénat, a-t-elle le mérite de
lancer un débat, mais je ne suis pas certain que, du point de vue législatif,
cela fasse vraiment avancer les choses.
Je me permets de dire que la méthode de la commission des lois pose également
problème.
Alors que M. le rapporteur souligne la complexité du sujet en mettant en
exergue les différents projets de loi qui n'ont pas abouti, il soutient dans le
même temps que les dispositions adoptées en commission ne donnent pas lieu à
débat.
Peut-être auriez-vous pu nous laisser le temps d'en juger sereinement, plutôt
que de faire de vastes propositions à huit jours de la discussion en séance
publique.
Quand on a la volonté d'arriver à des solutions consensuelles, on peut
privilégier d'autres méthodes. De même, je comprends mal que l'on fasse aussi
peu de cas de l'unanimité des députés sur le texte.
Je crois donc qu'il serait préférable d'en rester pour aujourd'hui au champ
limité des deux propositions de loi - dont la vôtre, monsieur le rapporteur -
pour régler rapidement la question du conjoint survivant et de l'enfant
adultérin.
Pourquoi ne pas reporter à plus tard, par le biais d'une autre proposition de
loi, une réforme plus générale du droit des successions, voire des libéralités
?
Je pense également qu'il faudra, à terme, se poser la question de l'extension
au PACS des dispositions sur les successions.
Pour l'heure, le groupe communiste républicain et citoyen, qui souhaite voir
déboucher rapidement une réforme très attendue, refusera de voter un texte qui,
en élargissant le champ d'application de la loi, hypothèque son avenir.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Les seize dernières années ont montré que la réforme ne
viendra jamais en discussion ! Vous pouvez me faire confiance !
M. le président.
La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues,
président du groupe d'études sur le veuvage et fidèle interlocuteur de la
FAVEC, j'ai toujours placé la défense des droits du conjoint survivant au coeur
de mes engagements.
Mon intérêt pour les sujets familiaux n'est d'ailleurs un secret pour personne
ici. C'est donc avec beaucoup de satisfaction que j'aborde la discussion de
cette proposition de loi, premier volet d'une réforme du droit de la famille
que nous attendions.
Je commencerai par formuler une remarque sur l'ensemble de la réforme en
cours.
Arrivant au terme d'un second mandat qui aura été riche, aussi riche que le
précédent, je n'aurai pas l'occasion d'examiner personnellement les autres axes
de la vaste réforme que Mmes les ministres de la justice et de la famille ont
entreprise.
J'ai pris depuis longtemps la décision de ne pas briguer un nouveau mandat,
car j'estime en conscience qu'il faut savoir partir, passer le relais. N'est-ce
pas, l'âge aidant, une forme de respect pour notre mission ? Je ne prétends pas
que cette décision ait été très facile, mais ainsi en ai-je décidé.
Je profite de cette occasion pour remercier l'ensemble du Sénat, les élus, le
personnel, tous ceux, qui, du plus humble au plus grand, m'ont assisté dans ma
mission.
Sans reprendre les critiques contenues dans la question d'actualité adressée à
Mme Royal lors de la séance du 7 juin dernier, je tiens cependant à vous livrer
quelques réflexions, madame le garde des sceaux.
Premièrement, la famille, cellule de base de la société, mérite mieux que les
mesures éparses que vous soumettez à notre vote. Plutôt que d'engager une
réforme d'ensemble, le Gouvernement auquel vous appartenez ne propose qu'une
réforme morcelée. Ainsi, du grand projet de réforme du droit de la famille
lancé par Mme Elisabeth Guigou voilà plus de deux ans, il ne reste aujourd'hui,
lisait-on dans la presse, le 11 juin dernier, qu'une dizaine de textes
disparates d'origine gouvernementale ou parlementaire. Ce n'est pas sérieux
!
Deuxièmement, soucieux de la santé des familles, je regrette la négligence du
Gouvernement, qui semble oublier les références qui définissent la famille. Les
situations difficiles que rencontrent les familles, les nouvelles formes
d'union et de recomposition familiale ne doivent pas faire oublier
l'importance, dans les chiffres comme du point de vue institutionnel, de la
famille fondée sur le mariage, d'ailleurs plébiscitée par les Français.
Enfin, il me semble que le mariage et la famille légitime sont, comme le
soulignait, à l'Assemblée nationale, ma collègue Marie-Thérèse Boisseau, les
grands oubliés de cette réforme.
J'en viens à la proposition de loi que nous avons aujourd'hui à examiner et
qui est relative aux droits du conjoint survivant.
Ce texte tend à améliorer les droits de l'époux touché par le deuil de son
conjoint lorsque la succession n'a pas été organisée. La proposition de loi
répond donc à de réelles attentes. Elle ne concerne, heureusement, cela a été
dit, que 20 % de l'ensemble des conjoints survivants. En effet, dans la plupart
des cas, le couple a déjà organisé la succession pour que le conjoint survivant
ne se retrouve pas dans une situation matérielle difficile à la suite du décès
de son époux.
Le droit du conjoint survivant vise justement à prolonger les devoirs entre
époux au-delà du décès.
Tout d'abord, s'agissant des droits du conjoint survivant, il est proposé que
ce dernier soit placé plus favorablement dans l'ordre de la succession et qu'il
arrive désormais au même niveau que les descendants et les parents du
défunt.
Ce principe, fondé sur une logique plus affective, me paraît aller dans le bon
sens en privilégiant les sentiments des personnes, et non plus seulement les
liens du sang. Il s'agira de veiller malgré tout à ce que les grands-parents du
défunt ne soient pas les « parents pauvres » de cette réforme. Je suis un papy
!
(Sourires.)
Les situations divergent selon que le conjoint prédécédé laisse ou non des
enfants.
En l'absence d'enfants, il paraît totalement naturel que le conjoint hérite au
moins de la moitié des biens de son époux en pleine propriété, d'autant que,
aujourd'hui, le patrimoine conjugal relève davantage de biens progressivement
acquis par les époux que de biens hérités.
En présence de descendants, la pleine propriété, comme dans le cas précédent,
est-elle suffisante ?
Sur le sujet, le groupe de travail dirigé par Mme Théry se prononçait en
faveur de l'usufruit sur la totalité de la succession. C'est aussi la position
défendue par le professeur Catala, auditionné à plusieurs reprises par la
commission des lois, lorsqu'il déclare : « l'usufruit possède une forte portée
symbolique, car il exprime la continuité du couple, incarné désormais par le
survivant. Inversement, le quart en propriété n'a pas la portée symbolique,
dont on le gratifie aujourd'hui, dans la mesure où il banalise le conjoint au
rang des enfants, brouillant ainsi l'image de l'arbre familial, comme les
sociologues l'ont relevé. »
Le recensement des actes de donation laisse d'ailleurs apparaître une
préférence massive pour l'usufruit.
En définitive, la proposition de la commission des lois du Sénat présentée par
M. le rapporteur me paraît être la solution la meilleure, la solution de la
sagesse : en plus du quart de la succession en pleine propriété, elle garantit
au conjoint survivant l'usufruit sur la part des biens existants revenant aux
enfants communs.
J'en viens au droit, dont pourrait bénéficier l'époux survivant, de loger
pendant un an gratuitement au domicile qu'il habitait avec son conjoint avant
que celui-ci décède. Cette mesure est la meilleure illustration de l'attention
que le législateur entend porter au conjoint survivant. La période très
douloureuse du veuvage nécessite que l'époux survivant trouve des conditions
favorables autour de lui. Je me réjouis que Mme Hervé, présidente de la FAVEC,
ait été entendue sur cette possibilité offerte au veuf ou à la veuve.
S'agissant maintenant de l'égalité successorale entre enfants légitimes et
enfants adultérins, la Cour européenne des droits de l'homme a condamné la
France, oui la France, notre pays, à supprimer la distinction entre enfants
légitimes et enfants adultérins. C'est le célèbre arrêt Mazurek.
Sans vouloir remettre en cause cette décision, laissez-moi, monsieur le
président, madame le garde des sceaux, chers collègues, vous faire part de mon
inquiétude : cette proposition de loi, d'un côté, souhaite consolider
l'institution du mariage et, de l'autre, accorde des droits considérablement
accrus aux enfants adultérins. Mme Dekeuwer-Défossez ainsi que le professeur
Catala soulignaient l'un et l'autre un étonnant paradoxe, curieux hommage rendu
au conjoint survivant : si la proposition socialiste demeure en l'état, il y
aura non plus un partage équitable entre le conjoint survivant et l'enfant
adultérin, mais une étonnante répartition, qui attribuerait le quart de la
succession au conjoint, tandis que l'enfant adultérin, s'il est le seul enfant,
en obtiendrait les trois quarts !
De même, dans la proposition qui nous est soumise, seule la succession des
enfants communs aux deux époux sera frappée d'usufruit, tandis que l'enfant
adultérin pourra disposer de son bien sans que le conjoint survivant puisse
exercer sur cette succession son droit d'user !
Ces considérations laissent songeur. L'arrêt Mazurek ne doit pas devenir
l'effet Mazarine, et le statut de l'enfant adultérin, autrefois peu enviable,
ne doit pas devenir, tout à coup, une situation garantissant des droits
exorbitants ! Un équilibre doit à tout prix être maintenu.
Au terme de ces quelques remarques, je me réjouis que la commission des lois
propose une réforme plus générale des successions. En effet, ce qui mériterait
d'être revu, c'est l'ensemble du dispositif datant de 1804 - oui, 1804 ! - et
pas seulement la succession du conjoint survivant. Mais j'attends du présent
texte qu'il soit un détonateur.
Je remercie M. le président, Mme le garde des sceaux, le rapporteur M. Nicolas
About, ainsi que l'ensemble des membres de la commission des lois. En accord
avec la majeure partie des modifications proposées par la commission, je
voterai le texte qu'elle aura amendé.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
J'interviendrai brièvement, car beaucoup a été dit, et
j'avais répondu par avance à certaines observations.
Il faut rappeler que la loi doit répondre à la situation la plus générale et
la plus courante, la liberté testamentaire permettant de régler les situations
les plus particulières. Ces situations très particulières sont diverses. Elles
peuvent même se présenter comme exemples ou contre-exemples. Ainsi donc, il
semble que la législation doive fixer un cadre général, ce qu'a fait le texte
adopté à l'unanimité par l'Assemblée nationale.
Le reproche adressé à ce texte est de bafouer les droits des frères et soeurs
et ceux des grands-parents.
Je rappelle, d'abord, que le conjoint prédécédé aura pu user de sa liberté
testamentaire au profit de ses autres proches, voire de tiers.
Je rappelle, ensuite, que le texte de l'Assemblée nationale prévoit, au profit
des grands-parents, une créance alimentaire lorsqu'ils sont dans le besoin.
Je rappelle, enfin, que la famille d'aujourd'hui est sociologiquement de plus
en plus nucléaire. Cette évolution n'est pas un déclin, c'est une réalité.
L'Assemblée nationale en a tenu compte.
N'oublions pas que mettre le conjoint survivant en concurrence de droits
successoraux avec des frères et soeurs du prédécédé, c'est aussi le mettre en
concurrence de droits avec les neveux, petits-neveux et arrière-petits-neveux.
Pourquoi tous ceux-ci hériteraient-ils de biens acquis pendant le mariage ?
C'est le fruit du labeur d'une vie, ce qui est le cas maintenant en général des
successions
ab intestat.
De plus en plus souvent, les biens communs ont
été construits en commun, et ce serait considéré comme une injustice.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Il peut aussi y avoir des biens propres !
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Monsieur le rapporteur, en fait, vous voulez répondre à
la question de la transmission en lignée d'un bien de famille. Je pense que,
lorsqu'il y a des biens propres à transmettre en ligne, des dispositions
testamentaires peuvent être prises pour faire jouer cette solidarité avec les
frères et soeurs que vous avez évoquée.
Le droit d'usage et d'habitation reconnu au conjoint survivant est
l'expression, je crois, de l'équilibre trouvé par le texte qui a été adopté par
l'Assemblée nationale. Il consacre l'affection de l'un des conjoints, des
conjoints entre eux, la volonté présumée du conjoint prédécédé de voir l'autre
rester dans le logement du couple, le souhait du conjoint survivant de rester
dans ce cadre naturel étant largement exprimé. C'est d'ailleurs le fait
générateur de beaucoup de prises de position de parlementaires, tant au Sénat
qu'à l'Assemblée nationale.
Il trouve sa limite dans la liberté pour le conjoint prédécédé d'exprimer une
volonté différente. Pour autant, la protection des droits du conjoint survivant
justifie d'écarter la proposition, que vous semblez faire, de permettre au
conjoint prédécédé de désigner un autre immeuble comme celui dans lequel
s'exerce ce droit. Ainsi que je vous l'ai dit, cette protection justifie aussi
que l'expression de la volonté du conjoint soit soumise à des formes
particulières, à savoir la rédaction d'un acte notarié.
Je ne reviendrai pas sur les désavantages de l'usufruit, car je me suis déjà
expliquée sur ce point.
J'ajouterai qu'il me paraîtrait critiquable de distinguer les droits du
conjoint selon qu'il se trouve en présence d'enfants communs ou d'enfants dont
il n'est pas le parent. Bien sûr, je comprends la difficulté, mais je pense que
nous devons en rester à la proposition inititale.
J'en viens à l'étendue de la présente proposition de loi. Vous avez raison de
dire que l'on aurait dû, depuis longtemps, reprendre les textes qui concernent
l'ensemble des droits de succession et les libéralités, mais il sera difficile
de le faire au détour de ce texte. Ce qui m'inquiéterait, c'est que, en voulant
répondre à un souhait justifié, d'ailleurs largement par les explications qui
ont été apportées ce matin, on voie ce texte s'enliser et ne pas aboutir, et
que pour vouloir aller jusqu'au bout des choses on n'aille pas au moins
a
minima
. J'espère que l'on ira
a minima
. J'assume le fait que l'on
aurait effectivement dû, depuis longtemps déjà, penser à un texte général.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Je demande
la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Monsieur le président, madame le
ministre, mes chers collègues, en cet instant, je n'interviendrai pas sur le
fond, étant en parfait accord avec les propositions de notre rapporteur.
Je voudrais tout de même appeler votre attention sur la procédure selon
laquelle ce texte a été élaboré et est examiné.
Il s'agit d'une proposition de loi. Nous savons tout l'intérêt d'un tel texte.
Nous connaissons aussi le défaut technique qui accompagne une proposition de
loi par rapport à un projet de loi : des avis importants, nécessaires, n'ont
pas été donnés. Je songe en particulier à l'avis du Conseil d'Etat, qui eût été
très utile en la matière.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Le Gouvernement n'est pas obligé de suivre l'avis du Conseil !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Certes, et je ne critique pas le
principe de la proposition de loi, mon cher collègue !
J'ai quelque faiblesse pour le Conseil d'Etat : il lui arrive - parfois ! - de
donner des avis utiles. Il m'est arrivé de le critiquer, même si son
vice-président n'en était pas content. Mais c'est une autre chose !
La suite de la navette telle qu'elle découle des intentions du Gouvernement
n'est pas satisfaisante. En effet, d'après ce que l'on m'a dit, vous allez,
madame le garde des sceaux, faire examiner ce texte dès le 28 juin à
l'Assemblée nationale. C'est une procédure d'urgence camouflée. Nous sommes
habitués à un peu plus d'ouverture d'esprit de votre part.
Compte tenu des positions que vous prenez en cet instant et qui sont
relativement rigides, il est clair que l'Assemblée nationale va purement et
simplement, au cours de cette pseudo-seconde lecture, ne pas tenir compte du
travail qui a été fait. Nous connaissons ces pratiques : tel sera certainement
le résultat auquel nous aboutirons. Nous devrons donc reprendre nos
propositions.
J'en viens aux adjonctions que nous proposons. Elles ont tout de même quelque
mérite. Jamais ces propositions ne sont venues en discussion publique. Notre
rapporteur a excellemment souligné le fait que c'était à partir d'études
techniques, qui sont indispensables en la matière, que des gouvernements aussi
divers que celui de Mme Cresson, celui de M. Rocard ou celui de M. Balladur
avaient abouti à des positions identiques. Le texte est prêt ; les dispositions
sont bienvenues.
Nous n'avons pas la vanité de penser que, sur des sujets aussi techniques,
nous pouvons apporter des modifications fondamentales. En fin de compte, la
commission des lois, sur l'initiative de son rapporteur, s'est efforcée de
corriger les défauts de procédure qui résultent de ce que je viens de
décrire.
Sur la présente proposition de loi, nous avons procédé à des auditions
publiques, ce que l'Assemblée nationale n'a pas fait. Nous avons entendu des
avis extrêmement divergents et particulièrement charpentés. Enfin, nous
connaissons tous le travail extrêmement sérieux accompli tant par M. le doyen
Carbonnier que par M. Catala. M. Carbonnier n'a pas pu se rendre devant notre
commission pour des raisons de santé. Il voulait venir, il nous l'a écrit. J'ai
regretté qu'il ne le puisse pas. Mais M. Catala, qui est en quelque sorte son
fils spirituel en la matière, a été entendu par la commission.
Par conséquent, saisissons l'occasion qui nous est donnée, et ne la rejetons
pas purement et simplement ; sinon, le problème restera en suspens, et nous
devrons encore attendre. En outre, comme vous le savez très bien, l'année
prochaine sera très largement consacrée à d'autres préoccupations, et il n'y
aura donc aucune chance de voir adopté ce texte indispensable qui corrige des
anachronismes, telle la théorie des co-mourants.
Tout cela devient ridicule. Il faut essayer de régler ces problèmes. Nous vous
en donnons l'occasion. Vous ne la saisissez pas, et je le regrette, car nous
pourrions aboutir à un résultat tout à fait positif.
Les quatorze articles de la proposition de loi peuvent faire l'objet
d'appréciations divergentes. Nous avons fait des choix que nous croyons
justifiés, mais il est possible d'en discuter. Sur le reste, les dispositions
retenues sont d'une telle technicité que, honnêtement, je ne vois pas ce que
l'on pourrait faire de différent.
La commission des lois considère qu'il est nécessaire de profiter de
l'occasion qui nous est donnée.
Encore une fois, je regrette que l'Assemblée nationale se saisisse dans les
tout prochains jours de ce texte sans avoir eu le temps d'examiner
véritablement nos propositions. Les députés vont-ils procéder à des auditions ?
Je n'en sais rien. En tout cas, ils ne l'ont pas fait jusqu'à présent.
Madame le garde des sceaux, vous avez parlé d'« unanimité ». Mais vous savez
ce que valent les unanimités !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Division additionnelle avant l'article 1er
M. le président.
Par amendement n° 1, M. About, au nom de la commission, propose, avant
l'article 1er, d'ajouter une division additionnelle ainsi rédigée :
« Chapitre Ier. - Dispositions relatives aux droits du conjoint survivant.
»
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Cet amendement vise à la création d'un chapitre regroupant
les dispositions relatives aux droits du conjoint survivant.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Je rappelle la position défavorable du Gouvernement sur
l'ensemble de ces dispositions, même si j'ai pris bonne note de tous les propos
qui ont été tenus.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, une division additionnelle ainsi rédigée est insérée dans la
proposition de loi, avant l'article 1er.
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. - Le chapitre III du titre Ier du livre III du code civil est
ainsi modifié :
« 1° Après l'article 732, il est inséré un article 732-1 ainsi rédigé :
«
Art. 732-1
. - La filiation naturelle ne crée de droits successoraux
qu'autant qu'elle est légalement établie.
« L'enfant naturel a, en général, dans la succession de ses père et mère et
autres ascendants, ainsi que de ses frères et soeurs et autres collatéraux, les
mêmes droits qu'un enfant légitime.
« Réciproquement, les père et mère et autres ascendants de l'enfant naturel,
ainsi que ses frères et soeurs et autres collatéraux, viennent à sa succession
comme s'il était un enfant légitime. » ;
« 2° La section 3 est intitulée : "Des droits des parents en l'absence de
conjoint successible". Elle comporte trois paragraphes.
«
a)
Le paragraphe 1 est intitulé : "Des successions déférées aux
descendants" et comporte l'article 745 ;
«
b)
Le paragraphe 2 est intitulé : "Des successions déférées aux
ascendants" et comporte les articles 746, 748 et 749 ;
«
c)
Le paragraphe 3 est intitulé : "Des successions collatérales" et
comporte les articles 750 à 753 et 755 ;
« 3° Les intitulés : "Section 4. - Des successions déférées aux ascendants" et
"Section 5. - Des successions collatérales" sont supprimés ;
« 4° Les articles 756, 757 et 758 sont abrogés. »
Par amendement n° 2 M. About, au nom de la commission des lois, propose de
rédiger ainsi cet article :
« I. - L'intitulé du chapitre III du titre premier du livre troisième du code
civil est ainsi rédigé :
« Chapitre III
« Des héritiers
« II. - Les sections I à V du chapitre III du titre premier du livre troisième
du code civil sont remplacées par les dispositions suivantes :
«
Art. 731. -
La succession est dévolue par la loi aux parents et au
conjoint successibles du défunt dans les conditions définies ci-après.
«
Art. 732. -
Est conjoint successible le conjoint survivant non
divorcé, contre lequel n'existe pas de jugement de séparation de corps ayant
force de chose jugée.
« Section I
« Des droits des parents en l'absence
de conjoint successible
«
Art. 733. -
La loi ne distingue pas entre la filiation légitime et la
filiation naturelle pour déterminer les parents appelés à succéder.
« Les droits résultant de la filiation adoptive sont réglés au titre de
l'adoption.
« Paragraphe premier
« Des ordres d'héritiers
«
Art. 734. -
En l'absence de conjoint successible, les parents sont
appelés à succéder ainsi qu'il suit :
« 1° Les enfants et leurs descendants ;
« 2° Les père et mère ; les frères et soeurs et les descendants de ces
derniers ;
« 3° Les ascendants autres que les père et mère ;
« 4° Les collatéraux autres que les frères et soeurs et les descendants de ces
derniers.
« Chacune de ces quatre catégories constitue un ordre d'héritiers qui exclut
les suivants.
«
Art. 735. -
Les enfants ou leurs descendants succèdent à leurs père
et mère ou autres ascendants, sans distinction de sexe, ni de primogéniture,
même s'ils sont issus d'unions différentes.
«
Art. 736. -
Lorsque le défunt ne laisse ni postérité, ni frère, ni
soeur, ni descendants de ces derniers, ses père et mère lui succèdent, chacun
pour moitié.
«
Art. 737. -
Lorsque les père et mère sont décédés avant le défunt et
que celui-ci ne laisse pas de postérité, les frères et soeurs du défunt ou
leurs descendants lui succèdent, à l'exclusion des autres parents, ascendants
ou collatéraux.
«
Art. 738. -
Lorsque les père et mère survivent au défunt et que
celui-ci n'a pas de postérité, mais des frères et soeurs ou des descendants de
ces derniers, la succession est dévolue, pour un quart, à chacun des père et
mère et, pour la moitié restante, aux frères et soeurs ou à leurs
descendants.
« Lorsqu'un seul des père et mère survit, la succession est dévolue pour un
quart à celui-ci et pour trois quarts aux frères et soeurs ou à leurs
descendants.
«
Art. 739. -
A défaut d'héritier des deux premiers ordres, la
succession est dévolue aux ascendants autres que les père et mère.
«
Art. 740. -
A défaut d'héritier des trois premiers ordres, la
succession est dévolue aux parents collatéraux du défunt autres que les frères
et soeurs et les descendants de ces derniers.
« Paragraphe 2
« Des degrés
«
Art. 741. -
La proximité de parenté s'établit par le nombre de
générations ; chaque génération s'appelle un degré.
«
Art. 742. -
La suite des degrés forme la ligne ; on appelle ligne
directe la suite des degrés entre personnes qui descendent l'une de l'autre ;
ligne collatérale, la suite des degrés entre personnes qui ne descendent pas
les unes des autres, mais qui descendent d'un auteur commun.
« On distingue la ligne directe descendante et la ligne directe ascendante.
«
Art. 743. -
En ligne directe, on compte autant de degrés qu'il y a de
générations entre les personnes : ainsi, le fils est, à l'égard du père, au
premier degré, le petit-fils au second ; et réciproquement du père et de
l'aïeul à l'égard des fils et petits-fils.
« En ligne collatérale, les degrés se comptent par génération, depuis l'un des
parents jusques et non compris l'auteur commun, et depuis celui-ci jusqu'à
l'autre parent.
« Ainsi, deux frères sont au deuxième degré ; l'oncle et le neveu sont au
troisième degré ; les cousins germains au quatrième ; ainsi de suite.
«
Art. 744. -
Dans chaque ordre, l'héritier le plus proche exclut
l'héritier plus éloigné en degré.
« A égalité de degré, les héritiers succèdent par égale portion et par
tête.
« Le tout sauf ce qui sera dit ci-après de la division par branches et de la
représentation.
«
Art. 745. -
Les parents collatéraux ne succèdent pas au-delà du
sixième degré.
« Paragraphe 3
« De la division par branches,
paternelle et maternelle
«
Art. 746. -
La parenté se divise en deux branches, selon qu'elle
procède du père ou de la mère.
«
Art. 747. -
Lorsque la succession est dévolue à des ascendants, elle
se divise par moitié entre ceux de la branche paternelle et ceux de la branche
maternelle.
«
Art. 748. -
Dans chaque branche succède, à l'exclusion de tout autre,
l'ascendant qui se trouve au degré le plus proche.
« Les ascendants au même degré succèdent par tête.
« A défaut d'ascendant dans une branche, les ascendants de l'autre branche
recueillent toute la succession.
«
Art. 749. -
Lorsque la succession est dévolue à des collatéraux
autres que les frères et soeurs ou leurs descendants, elle se divise par moitié
entre ceux de la branche paternelle et ceux de la branche maternelle.
«
Art. 750. -
Dans chaque branche succède, à l'exclusion de tout autre,
le collatéral qui se trouve au degré le plus proche.
« Les collatéraux au même degré succèdent par tête.
« A défaut de collatéral dans une branche, les collatéraux de l'autre branche
recueillent toute la succession.
« Paragraphe 4
« De la représentation
«
Art. 751. -
La représentation est une fiction de la loi, dont l'effet
est de faire entrer les représentants dans les droits du représenté.
«
Art. 752. -
La représentation a lieu à l'infini dans la ligne directe
descendante.
« Elle est admise dans tous les cas, soit que les enfants du défunt concourent
avec les descendants d'un enfant prédécédé, soit que tous les enfants du défunt
étant morts avant lui, les descendants desdits enfants se trouvent entre eux en
degrés égaux ou inégaux.
«
Art. 752-1. -
La représentation n'a pas lieu en faveur des ascendants
; le plus proche, dans chacune des deux lignes, exclut toujours le plus
éloigné.
«
Art. 752-2. -
En ligne collatérale, la représentation est admise en
faveur des enfants et descendants de frères ou soeurs du défunt, soit qu'ils
viennent à sa succession concurremment avec des oncles ou tantes, soit que tous
les frères et soeurs du défunt étant prédécédés, la succession se trouve
dévolue à leurs descendants en degrés égaux ou inégaux.
«
Art. 753. -
Dans tous les cas où la représentation est admise, le
partage s'opère par souche, comme si le représenté venait à la succession ;
s'il y a lieu, il s'opère par subdivision de souche. A l'intérieur d'une souche
ou d'une subdivision de souche, le partage se fait par tête.
«
Art. 754. -
On représente les prédécédés, on ne représente pas les
renonçants.
« On peut représenter celui à la succession duquel on a renoncé.
«
Art. 755. -
La représentation est admise en faveur des enfants et
descendants de l'indigne, encore que celui-ci soit vivant à l'ouverture de la
succession.
« Les enfants de l'indigne conçus avant l'ouverture de la succession dont
l'indigne avait été exclu rapporteront à la succession de ce dernier les biens
dont ils avaient hérité en ses lieu et place, s'ils viennent en concours avec
d'autres enfants conçus après l'ouverture de la première succession.
« Le rapport se fera selon les dispositions énoncées à la section "Des
rapports, de l'imputation et de la réduction des libéralités faites aux
successibles" du présent titre. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About,
rapporteur.
L'Assemblée nationale a prévu de réorganiser le chapitre III
du titre Ier du livre troisième du code civil, d'une part, pour tenir compte de
l'absence ou de la présence du conjoint survivant - les règles de la dévolution
légale sont en effet fondamentalement différentes dans les deux cas - et,
d'autre part, pour déplacer en tête du chapitre l'énoncé du principe de
l'égalité des droits successoraux des enfants légitimes et des enfants
naturels.
La commission approuve cette réorganisation du chapitre III prévue par
l'Assemblée nationale ; mais, dans l'optique de la refonte totale du droit des
successions qui est envisagée, elle propose d'aller plus loin en procédant à la
réécriture totale du chapitre III, qui s'intitulerait « Des héritiers », le
présent amendement visant à rédiger la section I de ce dernier déterminant les
droits des héritiers en l'absence de conjoint successible.
Outre des clarifications de rédaction, les innovations consisteraient en la
suppression tant de la notion des collatéraux germains, consanguins et utérins
que des dernières exceptions à la limitation de la vocation successorale des
collatéraux au sixième degré.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux,
Défavorable, monsieur le président.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 1er est ainsi rédigé.
Article 2
M. le président.
« Art. 2. - La section 7 du chapitre III du titre Ier du livre III du même
code est ainsi modifiée :
« 1° Son intitulé est ainsi rédigé : "Section 4. - Des droits du conjoint
successible" ;
« 2° Avant l'article 765, sont insérés une division et un intitulé ainsi
rédigés : "Paragraphe 1. - De la nature des droits et de leur montant" ;
« 3° Les articles 765 à 767 sont remplacés par cinq articles 765 à 767-2 ainsi
rédigés :
«
Art. 765
. - Est conjoint successible le conjoint survivant non
divorcé et contre lequel n'existe pas de jugement de séparation de corps passé
en force de chose jugée.
« Le conjoint successible est appelé à la succession soit seul, soit en
concours avec les parents du défunt.
«
Art. 766
. - Lorsque le défunt laisse des enfants ou des descendants,
le conjoint survivant recueille le quart de la succession.
«
Art. 767
. - Si, à défaut d'enfants ou de descendants, le défunt
laisse ses père et mère, le conjoint survivant recueille la moitié de la
succession. L'autre moitié est dévolue pour un quart au père et pour un quart à
la mère.
« Quand le père ou la mère est prédécédé, la part qui lui serait revenue
échoit au conjoint survivant.
«
Art. 767-1
. - En l'absence d'enfants ou de descendants du défunt et
de ses père et mère, le conjoint survivant recueille toute la succession.
«
Art. 767-2
. - Lorsque le conjoint survivant recueille la totalité ou
les trois quarts de la succession, les ascendants du défunt, autres que les
père et mère, qui sont dans le besoin, bénéficient d'une créance d'aliments
contre la succession du prédécédé.
« Les aliments sont accordés en proportion des besoins de ceux qui les
réclament et de ceux du conjoint successible. »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 3 rectifié, M. About, au nom de la commission, propose de
rédiger ainsi cet article :
« I. - La section VI du chapitre III du titre premier du livre troisième du
code civil devient la section II et est ainsi intitulée :
« Section II
« Des droits du conjoint successible
« II. - Les articles 756 à 758 du même code sont remplacés par les dispositions suivantes :
« Paragraphe premier
« De la nature des droits, de leur montant
et de leur exercice.
«
Art. 756. -
Le conjoint successible est appelé à la succession, soit
seul, soit en concours avec les parents du défunt.
«
Art. 757. -
Si l'époux prédécédé laisse des enfants ou descendants,
le conjoint survivant recueille, à son choix, l'usufruit de la totalité ou la
propriété du quart des biens existants lorsque tous les enfants sont issus du
mariage et la propriété du quart en présence d'enfants qui ne sont pas issus du
mariage.
«
Art. 757-1. -
Si, à défaut d'enfants ou de descendants, le défunt
laisse ses père et mère, le conjoint recueille la moitié des biens existants au
décès. L'autre moitié est dévolue pour un quart au père et pour un quart à la
mère.
« En cas de décès des père et mère ou de l'un d'eux, la part qui leur serait
échue revient aux frères et soeurs du défunt ou à leurs descendants.
«
Art. 757-2. -
A défaut d'héritiers dans les deux premiers ordres, le
conjoint recueille la moitié des biens existants s'il existe des ascendants
dans les deux branches paternelle et maternelle et les trois quarts s'il
n'existe d'ascendants que dans une branche.
« Dans chaque branche la dévolution s'opère selon les règles prévues par les
articles 747 et 748.
«
Art. 758. -
A défaut d'héritiers des trois premiers ordres, le
conjoint recueille toute la succession.
«
Art. 758-1. -
Lorsque le conjoint a le choix de la propriété ou de
l'usufruit, ses droits sont incessibles tant qu'il n'a pas exercé son
option.
«
Art. 758-2. -
L'option du conjoint entre l'usufruit et la propriété
se prouve par tout moyen.
«
Art. 758-3. -
Tout héritier peut inviter par écrit le conjoint à
exercer son option. Faute d'avoir pris parti par écrit dans les trois mois, le
conjoint est réputé avoir opté pour l'usufruit.
«
Art. 758-4. -
Le conjoint est réputé avoir opté pour l'usufruit s'il
décède sans avois pris parti. »
Par amendement n° 56, MM. Lagauche, Badinter et les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent, après le mot : « recueille », de rédiger
comme suit la fin du texte présenté par le 3° de l'article 2 pour l'article 766
du code civil : « , à son choix, l'usufruit de la totalité ou la propriété du
quart des biens existants lorsque les enfants sont issus du mariage et la
propriété du quart en présence d'enfants qui ne sont pas issus du mariage. »
Par amendement n° 57 rectifié, MM. Lagauche, Badinter et les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent, après le mot : « recueille », de rédiger
comme suit la fin du texte présenté par le 3° de l'article 2 pour l'article 767
du code civil : « , à son choix, l'usufruit de la totalité ou la propriété de
la moitié des biens existant au décès. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 3 rectifié.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Cet amendement vise à fixer l'étendue des droits successoraux
du conjoint survivant.
Sur la forme, il reprend la structure adoptée par l'Assemblée nationale, mais
sous des numéros d'articles différents du code civil.
Sur le fond, les modifications apportées au texte de l'Assemblée nationale
obéissent à trois principes : accroître les droits du conjoint en présence de
ses propres enfants, en lui donnant la possibilité, s'il le souhaite, de
bénéficier de l'usufruit sur la totalité des biens, ce qui lui permettrait,
mieux qu'une portion limitée en propriété, de garder des conditions de vie
proches de ses conditions de vie antérieures ; ne pas imposer toutefois à des
enfants non communs avec le défunt de supporter l'usufruit du conjoint, et donc
prendre en compte des situations familiales différenciées ; en l'absence de
descendants, ne pas écarter la famille par le sang. Nous estimons en effet
qu'il ne revient pas au législateur de présumer que le défunt aurait voulu
écarter complètement la famille ou le conjoint. Il importe donc de garder un
équilibre entre les deux, sachant que le défunt peut prendre des dispositions
s'il désire avantager l'un ou l'autre.
Selon le dispositif adopté par la commission, les droits du conjoint portent
sur les biens existant au décès et non sur l'ensemble de la succession. Il
s'agit en effet de préserver les conditions de vie du conjoint.
En présence de descendants, le conjoint pourrait exercer une option entre le
quart en propriété des biens existants ou l'usufruit sur la totalité de ces
mêmes biens si tous les enfants sont issus du mariage. En revanche, il
recueillerait automatiquement le quart en propriété s'il se trouvait en
présence d'au moins un enfant non commun avec le défunt.
Pour ne pas paralyser le cours de la succession, le conjoint pourrait être
invité par un héritier à opter dans un délai de trois mois à l'issue duquel il
serait réputé avoir choisi l'usufruit. Bien sûr, si le conjoint décédait sans
avoir pris parti, il serait réputé avoir opté pour l'usufruit.
En l'absence de père et mère du défunt ou de l'un d'eux, la part qui serait
revenue à ces derniers revient aux frères et soeurs ou, à défaut, aux
grands-parents. En l'absence de frères ou de soeurs, le conjoint recevrait les
trois quarts des biens ; s'il existe des ascendants dans une seule branche, il
recevrait, comme l'a prévu l'Assemblée nationale, la totalité des biens, à
défaut de frères et soeurs et d'ascendants dans les deux branches.
En conséquence, le droit d'aliment sur la succession institué par l'Assemblée
nationale pour les ascendants ordinaires n'a pas été repris dans la mesure où
ces derniers conservent des droits successoraux.
Le conjoint bénéficierait donc dans tous les cas de droits supérieurs à ceux
dont il jouit à l'heure actuelle, mais il n'exclurait pas complètement la
famille par le sang de la succession.
M. le président.
La parole est à M. Lagauche, pour défendre les amendements n°s 56 et 57
rectifié.
M. Serge Lagauche.
La commission ayant repris l'essentiel des dispositions que contenait
l'amendement n° 56, je le retire, monsieur le président.
Quant à l'amendement n° 57 rectifié, qui visait à une coordination, je le
retire également.
M. le président.
Les amendements n°s 56 et 57 rectifié sont retirés.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 3 rectifié ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Cet amendement prévoit que, en cas d'enfants communs,
le conjoint recueille à son choix le quart des biens existants au décès ou
l'usufruit de la totalité de la succession, la première branche de l'option
étant exclue en présence d'enfants issus d'une première union.
Il tend également à ce que le conjoint vienne en concours avec les ascendants
autres que les père et mère et avec les frères et soeurs.
Je ne souscris pas à cet amendement pour des raisons que j'ai déjà exprimées
et que je résume très brièvement : tout d'abord, l'amendement confère au
conjoint survivant une place dans l'ordre successoral nettement moins
avantageuse que celle qui lui est faite par la proposition de loi adoptée par
l'Assemblée nationale puisqu'il devra partager la succession avec les frères et
soeurs du défunt ou avec les grands-parents ou les arrière-grands-parents de
l'époux prédécédé.
En deuxième lieu, l'amendement n° 3 rectifié opère une différenciation entre
les enfants en fonction de la nature de leur filiation, selon qu'ils sont issus
du mariage en cause ou d'une précédente union. Cette distinction est contraire
à l'égalité entre tous les enfants.
En troisième lieu, cet amendement ouvre au conjoint survivant une option en
usufruit lorsqu'il existe des enfants issus du mariage. Les inconvénients de
l'usufruit ont été maintes fois dénoncés, et je n'y reviens donc pas.
Enfin, en prévoyant que les droits du conjoint survivant ne s'exercent que sur
les biens existants et en ne lui permettant pas de bénéficier du report des
libéralités, l'amendement fait de celui-ci un sous-héritier. Il n'y a, à mon
avis, aucune raison pour que les droits du conjoint ne soient pas calculés de
la même façon que ceux des cohéritiers.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 3 rectifié.
M. Patrice Gélard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
J'ai l'impression que la position du ministre est typiquement parisienne !
(Sourires.)
J'ai reçu une multitude de lettres concernant la proposition de loi de
l'Assemblée nationale qui consistait tout simplement, en l'absence d'enfants, à
ignorer complètement le lignage par le sang. Le nombre très important de cas
qui m'ont été présentés démontre qu'il y a un attachement profond à ce que les
frères et soeurs, qui ont vécu pendant des années avec la personne décédée, et
parfois plus longtemps qu'avec leur propre conjoint, puissent hériter.
J'ajoute qu'il y a de multiples cas de mariages. Or, madame la garde des
sceaux, avec la proposition adoptée par l'Assemblée nationale, la totalité de
la succession reviendra parfois à quelqu'un qui n'aura vécu que deux ans avec
son conjoint décédé, alors que ce dernier avait vécu pendant de nombreuses
années avec ses soeurs, frères ou parents.
Par ailleurs, nous ne sommes plus au XIXe siècle. A l'heure actuelle, dans la
majorité des cas, les deux membres d'un couple travaillent, perçoivent une
retraite ou ont accumulé un certain nombre de biens ; nous n'en sommes donc
plus à l'époque où l'un des époux, dépendant totalement de l'autre, se voyait
totalement brimé au décès de son conjoint.
La vision qui consiste à donner, en l'absence d'enfant, la totalité de la
succession au conjoint survivant est une erreur profonde. Telle est la raison
pour laquelle je me rallie pleinement à la proposition de M. le rapporteur et
de la commission des lois.
M. Serge Lagauche.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche.
Tout à l'heure, nous avons retiré l'amendement n° 57 rectifié, car la
commission avait repris à son compte la disposition proposée.
En revanche, en ce qui concerne le texte proposé pour l'article 757-1 du code
civil, nous sommes opposés au fait que, en cas de décès des père et mère ou de
l'un d'eux, la part qui lui serait échue revienne aux frères et soeurs ou à
leurs descendants.
M. Michel Caldaguès.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès.
Je ne sais pas ce que mon ami Patrice Gélard entend par une position «
typiquement parisienne » en qualifiant ainsi celle de Mme la garde des sceaux.
Pour ma part, je ne connais pas de position typiquement parisienne ! La
meilleure preuve en est d'ailleurs que je ne suis pas du tout d'accord avec Mme
la garde des sceaux sur cet amendement, que je voterai parce que je le crois
équilibré et scrupuleux.
Ce qui me frappe, dans la position de Mme la garde des sceaux, c'est que l'on
nous invite en quelque sorte à passer d'un excès à un autre,...
M. Patrice Gélard.
Voilà !
M. Michel Caldaguès.
... ce qui ne me convient pas.
La position actuelle est incontestablement excessive, mais il ne faut tout de
même pas tomber dans un autre travers. Au demeurant, il ne faut pas raisonner
comme si ce texte devait s'appliquer dans toutes les situations : il est, en
effet, toujours possible de rédiger un testament.
Je dois cependant émettre une réserve, qui est valable non seulement pour le
point dont nous sommes en train de débattre, mais aussi pour l'ensemble du
texte : beaucoup de gens, voire la très grande majorité d'entre eux, sont
totalement ignorants des dispositions actuellement en vigueur et ignoreront
totalement les dispositions que nous aurons votées. Nul n'est censé ignorer la
loi, certes, mais tout le monde n'a pas les moyens ni le goût de se préoccuper
d'un patrimoine en permanence. J'estime que la complexité d'une législation en
la matière crée, d'une certaine façon, une injustice au profit de ceux qui ont
l'esprit tourné, par nécessité ou par goût, vers les questions patrimoniales et
au détriment de ceux qui ne l'ont pas parce que, à certains moment de leur
existence, ils sont bien en peine d'avoir des préoccupations patrimoniales et
qu'ensuite ils sont peut-être négligents.
Si je dis cela, madame la ministre - et je me tourne aussi vers M. le
rapporteur qui pourrait peut-être faire oeuvre d'imagination sur ce sujet -
c'est parce que je pense qu'il faut prévoir, en la matière, des dispositions
particulières pour organiser l'information, de telle façon que ne se manifeste
pas l'injustice que je viens d'évoquer.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Le début de mon intervention devait, dans mon esprit, être très exactement le
même que celui de l'intervention de notre collègue Michel Caldaguès. En effet,
bien que provincial, je suis parfaitement d'accord avec la position du
Gouvernement. Donc, le débat n'est pas là et nous sommes d'accord pour estimer
que le raisonnement de notre collègue Gélard ne peut pas être retenu, au moins
sur ce plan-là.
En vérité, de quoi discutons-nous ? Nous discutons d'un principe, étant
entendu, comme il a été dit par chacun ici, que des dispositions peuvent être
prises pour que ce principe ne s'applique pas. Je dois dire, d'ailleurs, que,
si le texte que nous votons aujourd'hui est plus court que celui que propose le
Sénat, qui ajoute cent soixante-quatorze articles au texte initial,
l'information n'en sera que meilleure !
Mais, surtout, la vérité c'est qu'il y a cohabitation complète entre la
plupart des conjoints, alors que les frères et soeurs, surtout à une époque où
la durée de vie s'allonge, ont sans doute déjà hérité, comme de juste, de leurs
propres parents, ont fait leur propre situation, sont pris par leur propre
famille, leur propre conjoint et leurs propres enfants.
Il me paraît donc tout à fait normal que le principe, pour ceux qui ne
prennent pas de dispositions, soit que le conjoint vienne, en effet, en seconde
position dans l'ordre. Et je pense, comme vous, mais d'une manière contraire,
si j'ose dire, qu'il appartient à chacun de prendre des dispositions si, par
hasard - ce sont tout de même les cas les plus rares - on souhaite considérer
les frères et soeurs.
Voilà pourquoi nous ne pouvons pas voter l'amendement.
M. Jean-Jacques Hyest.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Tout d'abord, je pense que le Sénat sera unanime - excepté peut-être le groupe
communiste républicain et citoyen - pour retenir le principe du choix entre
propriété et usufruit, position totalement différente de celle de l'Assemblée
nationale, mais qui est équilibrée.
Cela étant, j'entends dire que l'usufruit est un mal. Mais, chers colllègues,
tout dépend des situations. Il me paraît tout à fait positif de ménager une
possibilité de choix plutôt que de fixer une règle, et une seule. C'est
d'ailleurs ce qu'avaient retenu les projets de loi dits Sapin et Méhaignerie en
leur temps. Il est vrai que, depuis, les juristes discutent. Mais c'est nous
qui faisons la loi, et pas les juristes : qu'ils la commentent, qu'ils la
critiquent, cela leur donne du travail, et c'est très bien ainsi !
Une chose me frappe : si l'on fait bénéficier le conjoint survivant, en
l'absence d'ascendants directs ou de descendants, de la totalité des biens,
cela implique qu'à la deuxième génération, qui bénéficiera, elle aussi, d'une
succession ouverte, le patrimoine de la ligne du défunt sera transféré à la
ligne du conjoint. Au nom de quoi ? Il n'est pas logique de priver les
collatéraux de la possibilité de recevoir une part de la succession.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Ils l'ont !
M. Jean-Jacques Hyest.
Non, ils ne l'ont pas, sauf dispositions testamentaires. Dans le système que
vous préconisez, en l'absence d'ascendants - pour les descendants, le problème
est réglé - on transfère une part plus importante au conjoint et l'on écarte
totalement de l'héritage la famille de l'époux décédé.
Or, il y a des biens de famille, au sens non juridique de l'expression,
auxquels on peut être très attaché. Je ne vois pas au nom de quoi on en
priverait totalement la famille de l'époux décédé, sauf à créer de nouvelles
injustices.
De ce point de vue également, la proposition de la commission est beaucoup
plus équilibrée, raison pour laquelle nous la voterons !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
C'est une différence entre la gauche et la droite plus qu'entre Paris et la
province !
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Je n'ai pas une position parisienne, car je ne connais
guère Paris ! Je n'y réside que depuis peu, et par fonction. Ce distinguo n'est
donc pas pertinent.
S'agissant des frères et soeurs, que se passe-t-il aujourd'hui ? La grande
majorité des testaments sont rédigés en faveur des conjoints parce que les
seules dispositions légales ne permettaient pas de les prendre en compte.
Je comprends bien votre préoccupation : les biens propres de l'époux décédé,
en passant au conjoint survivant, vont quitter le patrimoine d'une famille pour
le patrimoine d'une autre famille.
Avec le texte proposé, cependant, les dispositions testamentaires seront
rééquilibrées.
Lorsque les biens de famille sont importants, les intéressés prennent des
dispositions testamentaires en conséquence, et je fais confiance à l'ensemble
de ceux qui sont attachés à des biens de famille en lignée pour prendre ces
dispositions testamentaires.
Je le rappelle, 80 % de testaments - c'est énorme - concernent majoritairement
les conjoints. Gageons qu'ils concerneront majoritairement, à l'avenir, la
préservation de ce que vous appelez la « lignée ». La loi ouvre un droit, et
c'est ensuite à chacun de réagir en fonction de l'importance des biens
propres.
Pour avoir été, en tant qu'élue locale, confrontée, comme beaucoup d'entre
vous, aux questions de contrats de mariage et de dispositions testamentaires,
je peux vous dire que, dans la très grande majorité, sinon la totalité des cas,
quand les biens propres sont importants, il y a contrat et dispositions
testamentaires. N'allons pas sous-estimer l'influence des professionnels que
sont les notaires, qui, au moment du mariage, savent ce qu'il faut faire quand
il y a des biens de famille. A chacun son métier !
M. Patrice Gélard.
Ce n'est pas le problème !
M. Nicolas About,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About,
rapporteur.
En fait, sont visés ici les cas où le décès intervient par
surprise et où le défunt n'a pas eu le temps de prendre ses dispositions.
M. Michel Caldaguès.
Voilà !
M. Nicolas About,
rapporteur.
Madame le garde des sceaux, la loi doit protéger tout le
monde.
Ce que je reproche au texte de l'Assemblée nationale, c'est son manque de
cohérence. Si l'on veut favoriser le mariage au détriment du lignage, c'est
simple, on prend la position de Mme Théry, qui est de dire : après les
descendants, le conjoint.
Or, dans la rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale, si le défunt
a encore ses parents, le lignage conserve la moitié des biens, mais si, par
malheur, un des deux parents est décédé, le lignage n'a plus qu'un quart et si,
par malheur encore, les deux parents sont décédés, le lignage n'a plus rien.
C'est incohérent ! Si l'on décide de favoriser le conjoint, il faut aussi
prévoir un partage raisonnable entre le lignage et le mariage. Ce que nous
souhaitons, c'est la cohérence du texte.
Souvent, d'ailleurs, les parents sont âgés au moment du décès du conjoint,
donc, très vite, cette moitié qui est donnée aux parents va aller aux frères et
soeurs. C'est la logique même.
Pourquoi, à une ou deux années près, dépossède-t-on le lignage au profit du
mariage ?
Quant à contraindre les grands-parents à solliciter une créance d'aliments
auprès du conjoint, c'est profondément choquant !
(Applaudissements sur les
travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union
centriste.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Cela existe déjà pour les oncles et les tantes !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3 rectifié, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 2 est ainsi rédigé.
Article additionnel après l'article 2
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 4, M. About, au nom de la commission, propose d'insérer,
après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les articles 759 à 762 du code civil sont remplacés par les dispositions
suivantes :
« Paragraphe 2
« De la conversion de l'usufruit
«
Art. 759. -
Tout usufruit appartenant au conjoint sur les biens du
prédécédé, qu'il résulte de la loi, d'un testament, d'une donation de biens à
venir ou d'une clause du régime matrimonial, donne ouverture à une faculté de
conversion en rente viagère, à la demande de l'un des héritiers
nus-propriétaires ou du conjoint successible lui-même.
«
Art. 759-1. -
La faculté de conversion n'est pas susceptible de
renonciation. Les cohéritiers ne peuvent en être privés par la volonté du
prédécédé.
«
Art. 760. -
A défaut d'accord entre les parties, la demande de
conversion est soumise au juge. Elle peut être introduite jusqu'au partage
définitif.
« S'il fait droit à la demande de conversion, le juge détermine le montant de
la rente, les sûretés que devront fournir les cohéritiers débiteurs, ainsi que
le type d'indexation propre à maintenir l'équivalence initiale de la rente à
l'usufruit.
« Toutefois, le juge ne peut ordonner contre la volonté du conjoint la
conversion de l'usufruit portant sur le logement qu'il occupe à titre de
résidence principale, ainsi que sur le mobilier le garnissant.
«
Art. 761. -
Par accord entre les héritiers et le conjoint, il peut
être procédé à la conversion de l'usufruit du conjoint en un capital.
«
Art. 762. -
La conversion de l'usufruit est comprise dans les
opérations de partage. Elle ne produit pas d'effet rétroactif, sauf stipulation
contraire des parties. »
Par amendement n° 58, MM. Lagauche, Badinter et les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 2, un article
additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 762-2 du même code, sont insérées les dispositions suivantes
:
«
Art. ... . -
Tout usufruit appartenant au conjoint sur les biens du
prédécédé, qu'il résulte de la loi, d'un testament ou une donation de biens à
venir, donne ouverture à la faculté de demander la conversion en rente
viagère.
«
Art. ... . -
La conversion peut être demandée par l'un des héritiers
nus-propriétaires. Elle peut également être demandée par le conjoint survivant
dans un délai de deux ans à compter de l'ouverture de la succession.
«
Art. ... . -
La faculté de conversion n'est pas susceptible de
renonciation. Ni le conjoint ni les cohéritiers ne peuvent en être privés par
la volonté du prédécédé.
«
Art. ... . -
A défaut d'accord entre le conjoint et les héritiers, la
demande de conversion est soumise au juge. Elle peut être introduite jusqu'au
partage définitif.
«
Art. ... . -
S'il fait droit à la demande de conversion, le juge
détermine les sûretés que devront fournir les cohéritiers débiteurs, ainsi que
le type d'indexation propre à maintenir l'équivalence initiale de la rente à
l'usufruit.
«
Art. ... . -
Il ne peut être procédé à la conversion en rente ou au
paiement de la somme représentative de la valeur de l'usufruit qu'avec l'accord
du conjoint pour la partie de l'usufruit qui porte sur son cadre de vie.
«
Art. ... . -
La conversion et le paiement de la somme représentative
de la valeur de l'usufruit sont compris dans les opérations de partage.
Toutefois, ils n'ont pas d'effet rétroactif. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 4.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Il s'agit de dispositions nouvelles sur la conversion en
rente ou en capital de l'usufruit. Dans un certain nombre de cas, en effet, il
y aura de toute façon usufruit pour le conjoint, que ce soit par testament, du
fait de libéralités ou du régime matrimonial.
Nous souhaitons introduire des nouveautés importantes.
La conversion en rente viagère pourrait être demandée par le conjoint
lui-même, ce qui n'est pas le cas actuellement, et le juge ne pourrait ordonner
la conversion en rente de l'usufruit portant sur le logement qui sert de
résidence principale au conjoint contre la volonté de ce dernier. Cette
disposition est actuellement prévue en matière de libéralités par l'article
1094-2 du code civil, mais elle n'est pas prévue à l'article 767 dans le cadre
de la dévolution légale.
Il paraît donc nécessaire de réorganiser la conversion en rente viagère ou en
capital de l'usufruit du conjoint survivant.
M. le président.
La parole est à M. Lagauche, pour présenter l'amendement n° 58.
M. Serge Lagauche.
La discussion en commission des lois ayant permis d'aboutir à un accord, je
retire cet amendement.
M. le président.
L'amendement n° 58 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 4 ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement,
estimant qu'il est nécessaire de supprimer la possibilité pour les héritiers de
remettre en cause la nature des droits que le conjoint a recueillis dans la
succession.
Quant à l'intervention du juge, c'est beaucoup trop !
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la
proposition de loi, après l'article 2.
Article 3
M. le président.
« Art. 3. - Après l'article 767-2 du même code, il est inséré un paragraphe 2
ainsi rédigé :
« 2. - Du droit au logement et du mobilier le garnissant.
«
Art. 767-3
. - Si, à l'époque du décès, le conjoint survivant non
divorcé et contre lequel n'existe pas de jugement de séparation de corps passé
en force de chose jugée occupe effectivement à titre d'habitation principale un
logement appartenant aux époux ou dépendant totalement de la succession, il a,
pendant une année, la jouissance gratuite de ce logement et du mobilier qui le
garnit, compris dans la succession.
« Si son habitation était assurée au moyen d'un bail à loyer, les loyers lui
en seront remboursés par la succession pendant l'année, au fur et à mesure de
leur acquittement.
« Les droits prévus au présent article sont réputés effets directs du mariage
et non droits successoraux.
« Le présent article est d'ordre public.
«
Art. 767-4
. - Sauf volonté contraire du défunt exprimée dans les
conditions de l'article 971, le conjoint qui occupait effectivement, à l'époque
du décès, à titre d'habitation principale, un logement appartenant aux époux ou
dépendant totalement de la succession, a sur ce logement, jusqu'à son décès, un
droit d'habitation et un droit d'usage sur le mobilier le garnissant, compris
dans la succession.
« Ces droits d'habitation et d'usage s'exercent dans les conditions prévues
aux articles 627, 631, 634 et 635.
« Le conjoint successible, les autres héritiers ou l'un d'eux peuvent exiger
qu'il soit dressé un inventaire des meubles et un état de l'immeuble soumis aux
droits d'usage et d'habitation.
« Par dérogation aux articles 631 et 634, le conjoint survivant peut donner à
bail à usage exclusif d'habitation le logement sur lequel il dispose d'un droit
d'habitation lorsque l'évolution de son état de santé ne lui permet plus de
rester dans les lieux et justifie son hébergement dans un établissement
spécialisé.
«
Art. 767-5
. - La valeur des droits d'habitation et d'usage s'impute
sur la valeur des droits successoraux recueillis par le conjoint.
« Si la valeur des droits d'habitation et d'usage est inférieure à celle de
ses droits successoraux, le conjoint peut prendre le complément sur la
succession.
« Si la valeur des droits d'habitation et d'usage est supérieure à celle de
ses droits successoraux, le conjoint n'est pas tenu de récompenser la
succession à raison de l'excédent.
«
Art. 767-6
. - Le conjoint successible dispose d'un an à partir du
décès pour manifester sa volonté de bénéficier de ces droits d'habitation et
d'usage.
«
Art. 767-7
. - Le conjoint successible et les héritiers peuvent, d'un
commun accord, convertir les droits d'habitation et d'usage en une rente
viagère ou en un capital.
«
Art. 767-8
. - Lorsque le logement faisait l'objet d'un bail à loyer,
le conjoint survivant qui, à l'époque du décès, occupait effectivement les
lieux à titre d'habitation principale bénéficie du droit d'usage sur le
mobilier le garnissant, compris dans la succession. »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 5, M. About, au nom de la commission, propose de rédiger
ainsi cet article :
« Les dispositions des articles 763 à 766 du code civil sont remplacées par
les dispositions suivantes :
« Paragraphe 3
« Du droit au logement temporaire
et du droit viager au logement
«
Art. 763. -
Si, à l'époque du décès, le conjoint occupe
effectivement, à titre d'habitation principale, un logement dépendant en tout
ou partie de la succession, il a de plein droit, pendant une année, la
jouissance gratuite de ce logement, ainsi que du mobilier, compris dans la
succession, qui le garnit.
« Si son habitation était assurée au moyen d'un bail à loyer, les loyers lui
en seront remboursés par la succession pendant l'année, au fur et à mesure de
leur acquittement.
« Les droits prévus au présent article sont réputés effets directs du mariage
et non droits successoraux.
« Le présent article est d'ordre public.
«
Art. 764. -
Le conjoint qui occupait effectivement, à l'époque du
décès, à titre d'habitation principale, un logement appartenant aux époux ou
dépendant totalement de la succession, a sur ce logement, jusqu'à son décès, un
droit d'habitation et un droit d'usage sur le mobilier, compris dans la
succession, le garnissant.
« Ces droits d'habitation et d'usage s'exercent dans les conditions prévues
aux articles 627, 631, 634 et 635.
« Le conjoint, les autres héritiers ou l'un d'eux peuvent exiger qu'il soit
dressé un inventaire des meubles et un état de l'immeuble soumis aux droits
d'usage et d'habitation ».
« Par dérogation aux articles 631 et 634, lorsque l'état du conjoint fait que
le logement grevé du droit d'habitation n'est plus adapté à ses besoins, le
conjoint ou son représentant peut le louer à usage exclusif d'habitation afin
de dégager les ressources nécessaires à de nouvelles conditions
d'hébergement.
«
Art. 765
. - Le défunt peut prévoir que les droits d'habitation et
d'usage visés à l'article précédent porteront sur un logement de son choix
adapté aux besoins du conjoint.
«
Art. 765-1
. - La valeur des droits d'habitation et d'usage s'impute
sur la valeur des droits successoraux recueillis par le conjoint.
« Si la valeur des droits d'habitation et d'usage est inférieure à celle de
ses droits successoraux, le conjoint peut prendre le complément sur les biens
existants.
« Si la valeur des droits d'habitation et d'usage est supérieure à celle de
ses droits successoraux, le conjoint n'est pas tenu de récompenser la
succession à raison de l'excédent, sauf si l'importance du logement dépasse de
manière manifestement excessive ses besoins effectifs.
«
Art. 765-2
. - Le conjoint dispose d'un an à partir du décès pour
manifester sa volonté de bénéficier de ces droits d'habitation et d'usage.
«
Art. 765-3
. - Lorsque le logement faisait l'objet d'un bail à loyer,
le droit au bail, réputé appartenir aux deux époux selon l'article 1751, est
attribué au conjoint survivant s'il en fait la demande, à l'exclusion de tous
autres éventuels ayants droit.
«
Art. 765-4
. - Lorsque le logement faisait l'objet d'un bail à loyer,
le conjoint qui, à l'époque du décès occupait effectivement les lieux à titre
d'habitation principale, bénéficie du droit d'usage sur le mobilier, compris
dans la succession, le garnissant.
«
Art. 765-5
. - Le conjoint successible et les héritiers peuvent, par
convention, convertir les droits d'habitation et d'usage en une rente viagère
ou en un capital.
« S'il est parmi les successibles parties à la convention un mineur ou un
majeur protégé, la convention doit être autorisée par le juge des tutelles.
«
Art. 766
. - Lorsque le conjoint a, durant le mariage, manqué
gravement à ses devoirs envers le défunt, le juge pourra, à la demande de l'un
des héritiers, exonérer la succession de la charge du droit d'habitation et
d'usage. »
Cet amendement est affecté d'un sous-amendement n° 60, présenté par MM.
Dreyfus-Schmidt, Badinter et les membres du groupe socialiste et apparentés, et
tendant à compléter le troisième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 5
pour l'article 765-1 du code civil par les mots : « et sauf à l'égard des
enfants propres au
de cujus
».
Par amendement n° 53, Mme Borvo et les membres du groupe communiste
républicain et citoyen proposent de rédiger comme suit le premier alinéa du
texte présenté par l'article 3 pour l'article 767-4 du code civil :
« Le conjoint qui occupait effectivement, à l'époque du décès, à titre
d'habitation principale, un logement appartenant aux époux ou dépendant
totalement de la succession a, sur ce logement, jusqu'à son décès, un droit
d'habitation et un droit d'usage sur le mobilier le garnissant, compris dans la
succession. »
Par amendement n° 59, MM. Dreyfus-Schmidt, Badinter et les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent de compléter le troisième alinéa du texte
présenté par l'article 3 pour l'article 767-5 du code civil par les mots
suivants : « sauf à l'égard des enfants propres au
de cujus
».
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 5.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Il s'agit du droit au logement temporaire et du droit viager
au logement.
Cet amendement reprend, sous des numéros d'articles du code civil différents,
le dispositif adopté par l'Assemblée nationale.
Sur le fond, quelques modifications sont apportées. Ainsi, le défunt ne
pourrait pas priver son conjoint de son droit d'habitation ; il pourrait
cependant aménager ce droit dans un autre local que celui dans lequel le
conjoint avait sa résidence principale à l'époque du décès. Les conditions dans
lesquelles le conjoint pourrait louer le logement seraient assouplies.
Bien sûr, est visé non plus uniquement l'hébergement dans un centre spécialisé
mais, d'une manière générale, l'état du conjoint faisant que le logement ne
répond plus à ses besoins et l'oblige à financer de nouvelles conditions
d'hébergement.
Par ailleurs, le conjoint devrait récompenser la succession si, par son
importance, le logement dépassait de manière manifestement excessive ses
besoins effectifs.
De plus, s'il existe, parmi les successibles, un mineur ou un majeur protégé,
la convention de conversion du droit d'habitation en rente ou en capital
devrait être autorisée par le juge des tutelles.
Un article est introduit pour préciser que le bail du logement qui servait de
domicile aux deux époux et dont ils sont cotitulaires en application de
l'article 1751 du code civil serait attribué de plein droit de manière
exclusive au conjoint survivant.
Enfin, un autre article est ajouté pour prévoir une clause d'ingratitude
exonérant la succession de la charge du droit d'habitation si le conjoint a
gravement manqué à ses devoirs envers le défunt.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour présenter le sous-amendement n°
60.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je souhaite tout d'abord rectifier ce sous-amendement afin de supprimer la
conjonction « et ».
M. le président.
Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 60 rectifié, présenté par MM.
Dreyfus-Schmidt, Badinter et les membres du groupe socialiste et apparentés, et
tendant à compléter le dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 5
pour l'article 765-1 du code civil par les mots : « sauf à l'égard des enfants
propres au
de cujus
».
Veuillez poursuivre, monsieur Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Le système proposé par l'Assemblée nationale avait sa logique, à savoir ne pas
faire de différence entre les enfants selon qu'ils sont communs ou, au
contraire, nés d'un premier lit, dans la mesure où le
de cujus
garde la
possibilité de prendre des dispositions contraires.
En revanche, la disposition qui nous est proposée par la commission des lois
tend à empêcher le
de cujus
de refuser l'existence d'un droit d'usage
et d'habitation, mais lui permet de prévoir qu'il soit différent de celui qui
est prévu par la loi. En somme, on « serre les boulons », mais d'une manière
contraire à la liberté du testateur de disposer de ses propres biens, sauf
réserve - pour ma part, je ne verrais aucun inconvénient à prévoir une réserve
pour le conjoint survivant.
On est bien obligé, en l'espèce, de faire la différence, car, s'il est tout à
fait normal que les enfants communs laissent leur auteur survivant dans
l'appartement commun, avec disposition et usufruit de l'ensemble des meubles,
en revanche, s'il existe des enfants d'un premier lit, le moins que l'on puisse
demander est que, dans la mesure où la valeur de ce droit d'usage et
d'habitation dépasse le montant de la part du conjoint survivant, ce dernier
paie une récompense aux enfants du premier lit. Voilà très exactement ce que
nous proposons.
On me rétorquera que M. le rapporteur a fait un effort en ce sens en proposant
une récompense lorsque « l'importance du logement dépasse de manière
manifestement excessive ses besoins effectifs ».
J'émets deux critiques sur cette proposition.
Premièrement, cette formule est tellement vague et floue qu'il faudra sans
doute avoir recours à la justice pour savoir s'il y a dépassement ou non des
besoins effectifs.
Deuxièmement, on fait ainsi une différence parfaitement anticonstitutionnelle
entre des enfants qui sont très exactement dans la même situation en fonction
des besoins du conjoint survivant, ce qui ne me paraît pas possible non
plus.
M. le président.
La parole est à Mme Borvo, pour défendre l'amendement n° 53.
Mme Nicole Borvo.
Je ne serais pas opposée au sous-amendement s'il affectait notre propre
amendement !
(Sourires.)
Avec cet amendement n° 53, nous proposons de rendre intangible le droit au
logement dans l'habitation commune des époux.
Dès lors que l'on n'opte pas pour l'usufruit du conjoint sur la totalité des
biens, ce droit à l'habitation dans la résidence des époux, assorti du droit
d'usage sur le mobilier, apparaît, seul susceptible d'assurer la protection du
conjoint survivant.
Il apparaît d'autant plus essentiel que l'on doit tenir compte de deux données
sociologiques : l'âge moyen des veufs et veuves, dont la moitié a plus de
soixante-quinze ans, d'une part ; la composition du patrimoine, en majeure
partie constitué du logement principal, d'autre part.
Aussi, il nous semble qu'il faut garantir la réalité de ce droit en ne le
faisant pas dépendre de la volonté discrétionnaire du conjoint prédécédé. Comme
le souligne le professeur Catala, celle-ci « dénature la finalité majeure de la
réforme, qui est d'assurer, dans tous les cas, un toit jusqu'à sa mort et une
subsistance ».
Cette solution semble d'ailleurs en partie contradictoire avec la disposition
adoptée parallèlement, qui prévoit la transmission automatique du bail
d'habitation au conjoint survivant.
La commission des lois nous propose une rédaction transactionnelle, qui laisse
au défunt la possibilité de faire désigner un logement d'habitation pour le
conjoint survivant qui soit autre que le logement commun. Cette disposition
serait de nature à préserver la liberté testamentaire.
Pour notre part, cette rédaction ne nous semble ni logique ni cohérente. D'une
part, en instituant une possibilité d'aménagement, on altère la portée du
principe posé. D'autre part, cette disposition est en contradiction avec le
fondement de ce droit au logement, prolongement des effets du mariage et
destiné à préserver le cadre de vie habituel du conjoint, et donc son
attachement affectif à son logement.
Voilà pourquoi nous ne sommes pas favorables à la rédaction de la commission
des lois.
Nous nous sommes également interrogés sur la question du reversement dans la
succession lorsque le droit d'habitation dépasse de façon manifeste les besoins
du conjoint survivant.
Cette disposition risque d'être source de contentieux. Qu'est-ce que les «
besoins effectifs » du conjoint ? Faut-il croiser cette notion avec la
consistance de la succession ?
Par surcroît, elle risque, là encore, de priver le droit au logement de son
sens : dans les successions consistantes, il y a fort à parier que la situation
sera réglée à l'avance, comme nous l'avons dit et redit ; en revanche, dans le
cas d'un bien d'habitation de valeur moyenne ou faible, elle risque de
déposséder le conjoint survivant de son logement sans garantie de relogement
décent ou équivalent.
Aussi estimons-nous que, dans le système imaginé par l'Assemblée nationale, la
liberté testamentaire doit céder le pas sur le droit au logement du conjoint
survivant.
C'est la raison pour laquelle nous demandons au Sénat, sans grand espoir, de
bien vouloir adopter cet amendement.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n° 59.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Cet amendement a le même objet que le sous-amendement n° 60 rectifié, étant
entendu qu'il se rattache non pas à l'amendement de la commission mais au texte
issu des travaux de l'Assemblée nationale.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 60 rectifié et sur
les amendements n°s 53 et 59 ?
M. Nicolas About,
rapporteur.
En ce qui concerne le sous-amendement n° 60 rectifié, nous
considérons que les craintes de M. Dreyfus-Schmidt devraient être levées par
les dispositions proposées par la commission.
Nous avons en effet prévu, dans le cas où le maintien dans les lieux du
conjoint survivant n'est pas souhaité, que le prédécédé puisse, par voie
testamentaire, lui attribuer un autre logement, ce qui le mettrait à l'abri
sans priver les autres héritiers des biens familiaux.
Il faut savoir, par ailleurs, que, le droit d'usage étant très souvent
extrêmement faible en valeur, cela ne créera pas de difficultés
particulières.
Au surplus, le fait qu'un bien soit occupé n'empêche pas de le vendre, même
avec un droit d'usage.
Très honnêtement, je considère donc que ce problème est réglé et qu'il
convient de repousser le sous-amendement n° 60 rectifié.
S'agissant de l'amendement n° 53, la commission en demande le retrait, faute
de quoi elle en demandera le rejet.
Enfin, sur l'amendement n° 59, la commission a émis un avis défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 5, le sous-amendement n°
60 rectifié et les amendements n°s 53 et 59 ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
J'adhère à la technique proposée par l'Assemblée
nationale en matière de droit au logement au bénéfice du conjoint survivant, je
l'ai déjà dit. La commission des lois du Sénat entend lui apporter des
aménagements qui ne peuvent emporter mon adhésion.
L'amendement n° 5 risque en effet de multiplier les occasions de contentieux,
au risque d'envenimer la situation entre héritiers, qui déjà n'est souvent pas
très simple.
Par ailleurs, la possibilité pour le défunt de choisir un autre logement que
celui qu'occupe son conjoint au jour du décès pour l'exercice du droit
d'habitation est délicate, cette disposition étant contradictoire avec les
fondements logiques du droit d'habitation, qui est d'éviter au conjoint d'avoir
à quitter son logement au moment du décès.
Enfin, l'amendement entend conférer au droit au logement le caractère d'une
quasi-réserve tout en ouvrant largement au défunt la possibilité de modifier la
consistance de ce droit. Je préfère, pour ma part, reconnaître une vraie
liberté testamentaire.
M. le président.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 60 rectifié.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Il est évident que nous sommes parfaitement d'accord avec ce que vient de dire
Mme le garde des sceaux : nous préférons, nous aussi, de beaucoup la liberté
testamentaire prévue par l'Assemblée nationale.
Mais, pour le cas où, par impossible, l'amendement du rapporteur serait adopté
non seulement au Sénat mais également à l'Assemblée nationale, notre devoir est
d'essayer de le corriger, d'où le dépôt de notre sous-amendement, sur lequel,
madame la ministre, vous ne vous êtes pas prononcée.
M. le rapporteur nous adresse des reproches que je ne comprends pas. Il dit
que le problème ne se posera pas souvent, qu'il faudra que la femme soit très
jeune. Soit, mais cela dépendra aussi, bien entendu, de l'importance du
logement.
Il évoque toutefois le cas où il pourrait y avoir droit à récompense, lorsque
le logement est manifestement démesuré par rapport aux besoins du conjoint
survivant.
Cette solution me semble quelque peu floue. Ensuite, elle opère une
distinction anticonstitutionnelle entre les enfants du premier lit et les
autres puisque cette distinction tiendrait non pas à leur situation, qui est la
même, mais à celle du conjoint.
Nous vous proposons donc une autre formule, qui devrait vous paraître
préférable à vous aussi et qui consiste à dire qu'il y a récompense à l'égard
des enfants propres au
de cujus.
Je ne comprends pas bien vos critiques, monsieur le rapporteur, je ne
comprends pas, surtout, que vous ne compreniez pas les miennes, qui sont
d'ailleurs également celles de Mme Borvo.
M. Patrice Gélard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
Au travers du débat qui s'est ouvert sur ces amendements, nous voyons bien
qu'il existe une contradiction entre mariage et lignage.
En réalité, ceux que défend M. Dreyfus-Schmidt, ce sont les enfants du
de
cujus
qu'il n'a pas eus avec l'épouse survivante... ou avec l'époux
survivant. Il ne faut, en effet, pas oublier qu'il n'y a pas que des veuves,
qu'il y a aussi parfois quelques veufs.
(Sourires.)
Alors que le texte de M. le rapporteur est équilibré, avec le sous-amendement
proposé, il ne le serait plus. Cela montre bien la contradiction entre le
travail de l'Assemblée nationale et celui du Sénat.
Cela m'inquiète d'autant plus - mais j'aurais dû poser la question tout à
l'heure - que je me demande si le texte proposé par l'Assemblée nationale n'est
pas dirigé contre le mariage et s'il ne risque pas de décourager certains de se
marier.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Celui du Sénat aussi !
M. Patrice Gélard.
Mettons-nous dans la peau des Français, pas des 5 % ou 6 % qui ont des
fortunes colossales et qui savent prévoir en matière de succession, dans celle
de l'immense majorité de nos concitoyens.
D'abord, il ne faut pas oublier qu'un très grand nombre de nos concitoyens ne
font jamais de testament. Ils font une donation au dernier vivant - c'est le
cas de 80 % d'entre eux - donation qui peut d'ailleurs être retirée à tout
moment.
Mais le testament, c'est quelque chose que l'on n'aime pas, surtout dans ma
province, qu'évoquait tout à l'heure M. Hyest. On n'aime pas tester, parce que
tester, c'est un peu comme recevoir les derniers sacrements.
(Rires.)
On
n'aime pas cela, et donc un grand nombre de gens ne testent pas.
Or le montant de la plupart des successions en France ne dépasse pas 1 million
de francs et correspond à l'épargne d'une vie.
Je me permettrai d'ailleurs d'ouvrir tout de suite une parenthèse en
m'adressant à Mme la ministre : l'Etat, en matière de succession, est un voleur
!
(Mme le garde des sceaux s'exclame.)
Je le précise, car, si nous transposions les taux de succession applicables en
1945, la part totalement exonérée en matière de succession serait, à l'heure
actuelle, non pas de 300 000 francs, mais de 1,5 million de francs. Tous les
gouvernements sont coupables dans ce domaine, car jamais nous n'avons réévalué
en fonction du coût de la vie la part non imposable des successions. C'est un
vrai problème qu'il faut soulever ici et qui se posera s'agissant du conjoint
survivant.
Telles sont les quelques remarques que je voulais formuler. En conséquence, je
me rallie, bien sûr, pleinement à la position de M. le rapporteur.
M. Michel Caldaguès.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès.
Je ne suis pas sûr que le texte de la commission soit le meilleur possible,
pour la bonne raison qu'aucun texte ne peut tout prévoir.
Pour le même motif, je suis encore moins sûr qu'il soit le moins bon possible,
d'où une certaine perplexité, que Mme le garde des sceaux a voulu lever en se
disant finalement partisane de la liberté testamentaire.
Je suis d'accord avec elle, mais à la condition - je frappe sur le même clou
que tout à l'heure - que la liberté testamentaire s'exerce vraiment.
A cet égard, j'ai été quelque peu stupéfait d'entendre une ministre
appartenant à un gouvernement de gauche se satisfaire de ce que, là où il y a
de l'argent, il y ait toujours un testament et, par conséquent, pas de
problème. Là où il y a moins d'argent, voire un peu seulement, le problème peut
être aussi crucial, voire davantage.
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Je me suis sûrement très mal exprimée, monsieur le
sénateur ! Je pense en effet que notre rôle est de protéger les petites
successions, en particulier les conjoints qui seraient dans des situations
difficiles s'il fallait partager le logement ou quelques petits biens. Nous
sommes donc bien dans la même épure.
Ceux qui possèdent beaucoup de biens propres ont généralement pris leurs
dispositions avec leur notaire. Mon objectif, c'est de protéger ceux qui n'ont
presque rien.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Le nôtre aussi !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 60 rectifié.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 3 est ainsi rédigé et les amendements n°s 53 et 59
n'ont plus d'objet.
Article 3 bis
M. le président.
« Art. 3
bis.
- Après le premier alinéa de l'article L. 132-7 du code
des assurances, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions du présent article sont d'ordre public. »
Par amendement n° 6, M. About, au nom de la commission, propose de rédiger
ainsi cet article :
« L'article L. 132-7 du code des assurances est ainsi modifié :
« 1° Dans le premier alinéa, les mots : "et consciemment" sont supprimés ;
« 2° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L'assurance en cas de décès doit couvrir le risque de suicide à compter de
la deuxième année du contrat. » ;
« 3° Le début du second alinéa est ainsi rédigé :
« Les dispositions du premier alinéa ne sont pas applicables...
(le reste
sans changement).
»
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 63, présenté par M. Machet,
et tendant à compléter
in fine
l'amendement n° 6 par deux alinéas ainsi
rédigés :
« ...° Le second alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« En cas d'augmentation des garanties en cours de contrat, le risque de
suicide, pour les garanties supplémentaires, est couvert à compter de la
deuxième année qui suit cette augmentation. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 6.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Cet amendement porte sur la couverture du risque décès en cas
de suicide à l'issue d'une année après la signature du contrat.
L'amendement a un double objet : d'une part, contraindre les assureurs à
couvrir le suicide à partir de la deuxième année à compter de la signature du
contrat et, d'autre part, permettre l'exclusion effective du suicide pendant la
première année du contrat.
Nous avons prévu de supprimer le mot « consciemment » du premier alinéa de
l'article L. 132-7 du code des assurances afin de contrer des jurisprudences.
En effet, il était impossible de prouver que l'assuré était conscient au moment
où il s'était donné la mort.
Nous voulons donc à la fois protéger les assureurs pendant la première année
et les assurés au-delà de cette première année.
M. le président.
La parole est à M. Machet, pour défendre le sous-amendement n° 63.
M. Jacques Machet.
Le contrat d'assurance est un contrat aléatoire, ce qui signifie qu'il ne
couvre pas les sinistres volontairement créés par l'assuré. C'est la raison
pour laquelle le suicide est exclu en assurance décès dans tous les pays
d'Europe.
L'article L. 132-7 du code des assurances, modifié par l'article 3
bis
de la proposition de loi, prévoit toujours la non-couverture du risque de
suicide la première année du contrat pour des raisons techniques et morales
évidentes, d'autant qu'il faut rappeler que notre pays est très concerné par ce
fléau. Plus de onze mille décès sont enregistrés par an, en majorité des
jeunes, chiffre supérieur au nombre de tués par accident de la circulation.
Toutefois, pour résoudre les difficultés dans lesquelles le suicide d'un époux
peut placer le conjoint survivant, l'amendement à l'article 3
bis
modifie l'article L. 132-7 du code des assurances afin d'obliger l'assureur
à couvrir le risque de suicide dès la deuxième année du contrat.
Cependant, comme l'assureur s'engage à couvrir le suicide dès la deuxième
année, il faut éviter qu'un souscripteur puisse majorer les garanties d'un
contrat en cours afin de contourner le dispositif. Tel est l'objet de ce
sous-amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 63 ?
M. Nicolas About,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement et sur le sous-amendement n°
63 ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
L'objet de l'amendement est double : d'une part,
préciser, pendant la première année du contrat, les conditions de mise en jeu
des exclusions de garanties prévues par l'article L. 132-7 du code des
assurances, comme vient de le rappeler M. le rapporteur, et, d'autre part,
introduire de façon expresse, au même article, l'obligation pour l'assureur de
couvrir le risque de suicide à compter de la deuxième année du contrat.
Sur le premier point, le mécanisme proposé s'écarte de celui qui a été retenu
par l'Assemblée nationale. Cette dernière a voté, en première lecture, un
amendement reconnaissant un caractère d'ordre public aux dispositions de
l'article L. 132-7, voulant interdire toute dérogation conventionnelle à cette
disposition.
L'amendement n° 6 de la commission des lois repose sur un autre mécanisme,
puisqu'il consacre une exclusion générale de garanties en cas de suicide
survenu pendant la première année du contrat et décharge l'assureur d'avoir à
apporter la preuve de son caractère conscient. Il laisse par ailleurs libre
place à la liberté contractuelle.
Cette rédaction ne me semble pas de nature à bien résoudre cette question ni à
répondre au souci de concilier les impératifs de lutte contre la fraude à la
loi avec la nécessaire protection de l'assuré.
Je souhaite que cette disposition intéressante et particulièrement délicate
puisse être réexaminée de manière plus approfondie au cours de la navette
parlementaire. En l'état, je suis donc défavorable à l'amendement et au
sous-amendement, mais je m'engage à participer à ce travail de réflexion.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 63, accepté par la commission et
repoussé par le Gouvernement.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 6, repoussé par le
Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 3
bis
est ainsi rédigé.
Article additionnel après l'article 3 bis
ou après l'article 9 bis
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 55 rectifié, MM. Ostermann, de Richemont et Béteille
proposent d'insérer, après l'article 9
bis,
un article additionnel ainsi
rédigé :
« L'article L. 132-2 du code des assurances est complété par un alinéa ainsi
rédigé :
« Les dispositions du premier alinéa de cet article ne s'appliquent pas aux
contrats d'assurance de groupe à adhésion obligatoire. »
Par amendement n° 64, M. Machet propose d'insérer, après l'article 3
bis,
un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 132-2 du code des assurances est complété par un alinéa ainsi
rédigé :
« Les dispositions du premier alinéa ne sont pas applicables aux contrats
d'assurance de groupe à adhésion obligatoire. »
La parole est à M. Béteille, pour défendre l'amendement n° 55 rectifié.
M. Laurent Béteille.
Le code des assurances interdit à ce jour à un tiers d'assurer une personne en
cas de décès sans qu'elle ait donné son consentement par écrit.
On comprend l'utilité de cette mesure, dont l'objet est d'éviter le risque de
votum mortis.
Néanmoins, cette rédaction est néfaste pour les contrats
souscrits par les entreprises au profit de leurs salariés et dont les
bénéficiaires sont très généralement le conjoint et les enfants. Cette
rédaction introduit un risque juridique.
Le législateur a, pour ces raisons, déjà prévu que cette interdiction ne
serait plus applicable pour les contrats collectifs régis par le code de la
mutualité et pour les institutions de prévoyance dans le code de la sécurité
sociale.
Il convient donc également d'écarter cette interdiction pour les opérations
collectives à adhésion obligatoire souscrites auprès des entreprises
d'assurance régies par le code des assurances.
M. le président.
La parole est à M. Machet, pour défendre l'amendement n° 64.
M. Jacques Machet.
La loi interdit à un tiers d'assurer, cela vient d'être dit, une personne en
cas de décès sans qu'elle ait donné son consentement par écrit afin d'éviter le
risque de
votum mortis.
Ce texte n'a pas d'utilité pour les contrats souscrits par les entreprises au
profit de leurs salariés, dont les bénéficiaires sont très généralement le
conjoint et les enfants, mais il crée un risque juridique pour la validité de
ce type d'assurance alors que l'accord de la tête assurée n'a pas de sens
puisque le contrat d'assurance est accessoire au contrat de travail et couvre
en pratique la majorité des entreprises.
C'est la raison pour laquelle ces dispositions sont déjà non applicables,
comme cela vient d'être dit, pour les contrats collectifs régis par le code la
mutualité - article L. 223-4 du nouveau code de la mutualité - et le code de la
sécurité sociale pour les institutions de prévoyance - article L. 932-23 du
code de la sécurité sociale.
Il convient, pour les mêmes raisons, d'écarter ces dispositions pour les
opérations collectives à adhésion obligatoire souscrites auprès des entreprises
d'assurance régies par le code des assurances.
Cet amendement a le mérite de rendre juridiquement indiscutable ce type
d'opération d'assurance de groupe.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 55 rectifié et 64
?
M. Nicolas About,
rapporteur.
La commission est favorable à ces deux amendements. Elle
préfère toutefois l'amendement n° 64, dont la localisation après l'article 3
bis
lui paraît plus cohérente. En conséquence, elle souhaite que
l'amendement n° 55 rectifié soit retiré.
M. le président.
Monsieur Béteille, l'amendement est-il maintenu ?
M. Laurent Béteille.
Je préfère la formule : « ne s'appliquent pas » à l'expression : « ne sont pas
applicables ». Je maintiens donc cet amendement, mais je suis prêt à le
rectifier pour qu'il s'insère après l'article 3
bis
et non plus après
l'article 9
bis.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Le point de savoir s'il faut écrire que les dispositions « ne
s'appliquent pas » au lieu de « ne sont pas applicables » ouvrirait une
discussion du même type que la discussion sur le sexe des anges !
(Sourires.)
J'avoue que je ne sais pas quoi répondre.
Cela étant, si l'amendement défendu par M. Béteille est rectifié, je serai
contraint de demander à M. Machet, qui a été l'inspirateur de cette
disposition, de s'y rallier.
M. Jacques Machet.
C'est mon dernier amendement, monsieur le rapporteur ! Je n'aurai plus
l'occasion d'en disposer d'autre.
M. Jean-Jacques Hyest.
Eh oui !
M. Laurent Béteille.
Dans ces conditions, je retire l'amendement !
(Applaudissements.)
M. le président.
Je vous remercie, monsieur Béteille.
L'amendement n° 55 rectifié est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 64 ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
L'amendement n° 64 étant le dernier amendement de M.
Machet, j'y suis encore plus favorable !
(Sourires.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 64, accepté par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé. est inséré dans la
proposition de loi, après l'article 3
bis
.
Monsieur Machet, vous avez totalement satisfaction pour ce dernier amendement,
puisqu'il a été adopté à l'unanimité.
(Applaudissements.)
Article 3 ter
M. le président.
« Art. 3
ter
. - Pour la liquidation des droits de mutation à titre
gratuit, la valeur des droits d'habitation et d'usage est de 60 % de la valeur
de l'usufruit déterminée conformément au I de l'article 762 du code général des
impôts. »
- (Adopté.)
Article 4
M. le président.
« Art. 4. - Le premier alinéa de l'article 207-1 du code civil est remplacé
par deux alinéas ainsi rédigés :
« Si, par la mort de l'un des époux, les conditions de vie du conjoint
survivant se trouvent gravement amoindries, un devoir de secours peut être mis
à la charge de la succession, sous la forme d'une pension alimentaire. Le délai
pour le réclamer est d'un an à partir du décès et se prolonge, en cas de
partage, jusqu'à son achèvement.
« Lorsque le conjoint a, durant le mariage, manqué gravement à ses devoirs
envers le défunt, le juge pourra, à la demande de l'un des héritiers, décharger
la succession de sa contribution à la pension alimentaire. »
Par amendement n° 7, M. About, au nom de la commission, propose de rédiger
ainsi cet article :
« I. - L'article 767 du code civil est remplacé par les dispositions suivantes
:
« Paragraphe 4
« Du droit à pension
«
Art. 767
. - La succession de l'époux prédécédé doit une pension à
l'époux survivant qui est dans le besoin. Le délai pour la réclamer est d'un an
à partir du décès ou du moment où les héritiers cessent d'acquitter les
prestations qu'ils fournissaient auparavant au conjoint. Le délai se prolonge,
en cas d'indivision, jusqu'à l'achèvement du partage.
« La pension est prélevée dans la limite des revenus de l'hérédité si la
consistance de la succession le permet. Elle peut s'exécuter par la
constitution ou le versement d'un capital.
« La pension est supportée par les héritiers et les légataires universels ou à
titre universel proportionnellement à leur part successorale. En cas
d'insuffisance, elle est supportée par les légataires particuliers
proportionnellement à leur émolument, sauf application de l'article 927.
«
Art. 767-1
. - Lorsque le conjoint a, durant le mariage, manqué
gravement à ses devoirs envers le défunt, le juge pourra, à la demande de l'un
de ses héritiers, décharger la succession de sa contribution à la pension
alimentaire.
« II. - L'article 207-1 du même code est abrogé. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Cet amendement tend simplement à nous différencier de
l'Assemblée nationale, qui souhaite créer une sorte de prestation
compensatoire. Nous souhaitons, nous, que le droit de pension à l'époux ne soit
accordé que lorsque le conjoint survivant se trouve dans le besoin et non
lorsqu'il connaît un grave amoindrissement de ses conditions de vie.
Nous avons, en outre, mené une réflexion sur le point de départ du délai pour
demander des aliments. Nous voulons éviter que, par un subterfuge, les
héritiers n'empêchent le conjoint survivant de bénéficier du délai d'un an.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Je comprends l'argumentation de la commission. Il est
vrai que le texte proposé subordonne le droit de pension du conjoint à un état
de besoin constaté. Telle est bien la difficulté.
Il est également vrai que, lorsque les conditions de vie du conjoint survivant
sont gravement amoindries, la situation est également difficile.
J'aurais donc préféré qu'on en restât au texte de l'Assemblée nationale.
M. le président.
L'amendement est-il maintenu, monsieur le rapporteur ?
M. Nicolas About,
rapporteur.
Oui, monsieur le président.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 7.
M. Michel Caldaguès.
Je demande la parole contre l'amendement.
Je m'exprime contre l'amendement afin de me réserver le droit d'intervenir de
nouveau lors des explications de vote. Mais mon hostilité à l'égard de cet
amendement est très conditionnelle.
Je souhaite simplement demander une explication, sans entraîner pour autant le
Sénat dans une discussion de commission.
Je suis quelque peu perplexe. Sans doute n'ai-je pas suffisamment lu le
rapport, à moins que je manque de perspicacité ! Dans un tel dispositif, quand
intervient l'obligation alimentaire ? Dans l'esprit de la commission, une
personne se trouve-t-elle dans le besoin avant ou après bénéfice de
l'obligation alimentaire ?
M. Jean-Jacques Hyest.
Elle n'existe plus !
M. Nicolas About,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About,
rapporteur.
L'obligation alimentaire n'est pas nécessairement due par les
mêmes personnes, c'est la différence, alors qu'en l'espèce les héritiers sont
tenus de verser une telle pension au conjoint qui se trouve placé dans le
besoin. Le délai mis en place vise les héritiers et non pas forcément ceux dont
dépend l'obligation alimentaire.
Nous ne modifions nullement ladite obligation. Nous ne voulons pas non plus
créer, en plus de cette obligation alimentaire, une véritable prestation
compensatoire nouvelle. On en a déjà instauré une pour le conjoint divorcé. Si
l'on se met à en créer une autre pour le conjoint survivant, que de pensions
alimentaires et de complexités, d'autant que les prestations compensatoires
adoptées voilà peu font aujourd'hui déjà l'objet de différentes décisions de
justice !
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Même si je comprends votre souci de deuil, de temps
nécessaire, permettez-moi d'ajouter qu'il y a un risque à prévoir un délai trop
long, celui que ne soit pas pris en compte l'état de nécessité de plus en plus
prenante du conjoint.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Je me suis mal fait comprendre. Notre dispositif vise à
protéger le conjoint survivant de manoeuvres éventuelles des héritiers.
Beaucoup d'héritiers pourraient être tentés d'inciter le conjoint à ne pas
faire jouer son droit, en proposant de pourvoir à ses besoins. Au bout d'un an
et un jour, le délai pour obtenir une pension étant dépassé ; le conjoint
survivant n'aurait plus la possibilité de demander cette pension.
M. Jacques-Richard Delong.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Delong.
M. Jacques-Richard Delong.
Permettez à quelqu'un qui n'appartient pas à la commission compétente de poser
une simple question. En effet, le terme utilisé par le rapporteur me semble un
peu vague. Comment définir le besoin et à quel moment ?
M. Nicolas About,
rapporteur.
C'est le juge qui le fera !
M. Jacques-Richard Delong.
Compte tenu de la rapidité de la justice, on pourra attendre longtemps !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?..
Je mets aux voix l'amendement n° 7, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 4 est ainsi rédigé.
Article 5
M. le président.
« Art. 5. - Le dixième alinéa de l'article 832 du même code est complété par
une phrase ainsi rédigée :
« L'attribution préférentielle de la propriété du local visée au septième
alinéa est de droit pour le conjoint survivant qui a demandé à bénéficier du
droit d'habitation sur cet immeuble en application des articles 767-4 et 767-6.
»
Par amendement n° 8, M. About, au nom de la commission, propose de supprimer
cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Cet amendement tend à la suppression d'une disposition qui
sera reprise plus loin.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Défavorable. Bien évidemment, je ne peux pas être
d'accord !
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets au voix l'amendement n° 8, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 5 est supprimé.
Article 6
M. le président.
« Art. 6. - I. - Après l'article 914 du même code, il est inséré un article
914-1 ainsi rédigé :
«
Art. 914-1
. - Les libéralités, par actes entre vifs ou par testament,
ne pourront excéder les trois quarts des biens, si, à défaut de descendant et
d'ascendant, le défunt laisse un conjoint survivant, non divorcé et contre
lequel n'existe pas de jugement de séparation de corps passé en force de chose
jugée. »
« II. - Dans l'article 916 du même code, les mots : "A défaut d'ascendants et
de descendants" sont remplacés par les mots : "A défaut de descendant,
d'ascendant et de conjoint survivant non divorcé et contre lequel n'existe pas
de jugement de séparation de corps passé en force de chose jugée". »
Par amendement n° 9, M. About, au nom de la commission, propose de supprimer
cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Il s'agit, pour préciser la liberté testamentaire du défunt,
de supprimer la réserve instituée au profit du conjoint par l'Assemblée
nationale en l'absence de descendants et d'ascendants.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 6 est supprimé.
Article 7
M. le président.
« Art. 7. - I. - L'article 1751 du même code est complété par un alinéa ainsi
rédigé :
« En cas de décès d'un des époux, le conjoint survivant cotitulaire du bail
dispose d'un droit exclusif sur celui-ci sauf s'il y renonce expressément. »
« II. - Le septième alinéa de l'article 14 de la loi n° 89-462 du 6 juillet
1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la
loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 est ainsi rédigé :
« - au conjoint survivant qui ne peut se prévaloir des dispositions de
l'article 1751 du code civil ; ».
Par amendement n° 10, M. About, au nom de la commission, propose de supprimer
le I de cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Coordination.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 11, M. About, au nom de la commission, propose, dans le
texte présenté par le II de l'article 7 pour le septième alinéa de l'article 14
de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, de remplacer la référence : « 1751 » par
la référence « 765-3 ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Coordination.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 7, modifié.
(L'article 7 est adopté.)
Article 8
M. le président.
« Art. 8. - I. - Dans la dernière phrase de l'article 301 du code civil, la
référence : "767" est remplacée par les références : "767-2 et 767-4 à
767-8".
« II. - L'article 1481 du même code est abrogé.
« III. - La dernière phrase de l'article 1491 du même code est supprimée. »
Par amendement n° 12, M. About, au nom de la commission, propose de rédiger
ainsi le I de cet article :
« I. - Dans la dernière phrase de l'article 301 du code civil, les références
: "765 à 767", sont remplacées par les références : "756 à 758 et 764 à 765-5".
»
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Coordination.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 12, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 8, ainsi modifié.
(L'article 8 est adopté.)
Division additionnelle avant l'article 9
M. le président.
Par amendement n° 13, M. About, au nom de la commission, propose d'insérer,
avant l'article 9, une division additionnelle ainsi rédigée : « Chapitre II. -
Dispositions relatives aux droits des enfants naturels et adultérins ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Il s'agit de créer une nouvelle division.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 13, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, une division additionnelle ainsi rédigée est insérée dans la
proposition de loi, avant l'article 9.
Article 9
M. le président.
« Art. 9. - I. - Le dernier alinéa de l'article 334 du même code est
supprimé.
« II. - A la fin de l'article 913 du même code, les mots : ", hormis le cas de
l'article 915" sont supprimés.
« III. - Les articles 334-7, 759 à 764, 908, 908-1, 915 à 915-2, 1097 et
1097-1 du même code sont abrogés.
« IV. - L'intitulé : "Section 6. - Des droits successoraux résultant de la
filiation naturelle" du chapitre III du titre Ier du livre III du même code est
supprimé. »
Par amendement n° 14, M. About, au nom de la commission, propose :
I. - Dans le III de cet article, de supprimer les références : « , 759 à 764 »
;
II. - De supprimer le IV de cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Il s'agit de l'abrogation de l'ensemble des dispositions
limitant les droits des enfants adultérins.
La commission est favorable à cette abrogation. Elle propose cependant de
supprimer de la liste des dispositions abrogées par l'Assemblée nationale.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 14, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 9, ainsi modifié.
(L'article 9 est adopté.)
Article additionnel après l'article 9
M. le président.
Par amendement n° 15, M. About, au nom de la commission, propose d'insérer,
après l'article 9, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le second alinéa de l'article 1527 du code civil est ainsi rédigé :
« Néanmoins, au cas où il y aurait des enfants qui ne seraient pas issus du
mariage, toute convention qui aurait pour conséquence de donner à l'un des
époux au-delà de la portion réglée par l'article 1094-1, au titre "Des
donations entre vifs et des testaments", sera sans effet pour tout l'excédent ;
mais les simples bénéfices résultant des travaux communs et des économies
faites sur les revenus respectifs quoique inégaux, des deux époux, ne sont pas
considérés comme un avantage fait au préjudice des enfants d'un autre lit. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 66, présenté par le
Gouvernement, et visant, dans le texte proposé par l'amendement n° 15 pour le
second alinéa de l'article 1527 du code civil, à remplacer les mots : « qui ne
seraient pas issus du mariage » par les mots : « qui ne seraient pas issus des
deux époux ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 15.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Il s'agit d'étendre aux enfants naturels le bénéfice de
l'action en retranchement, qui est aujourd'hui réservé aux enfants
légitimes.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux, pour défendre le sous-amendement n°
66.
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Actuellement, le bénéfice de l'action en retranchement
est limité aux enfants nés d'un précédent mariage. En sont donc exclus les
enfants naturels.
L'amendement de la commission des lois met fin à cette distinction
injustifiée. Cependant, la rédaction pourrait prêter à confusion dans la mesure
où elle laisserait incertain le sort des enfants communs d'époux qui ne se
seront mariés que postérieurement à la naissance.
En effet, ceux-ci ne seront pas à proprement parler des enfants « issus du
mariage ». Il en est de même d'un enfant adultérin légitimé par le mariage
subséquent de ses parents.
Il est donc préférable de faire référence à la notion d'enfants qui ne
seraient pas issus des deux époux.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement ?
M. Nicolas About,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 66, accepté par la commission.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 15, accepté par le
Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la
proposition de loi, après l'article 9.
Division additionnelle après l'article 9
M. le président.
Par amendement n° 16, M. About, au nom de la commission, propose d'insérer,
après l'article 9, une division additionnelle ainsi rédigée : « Chapitre III. -
Autres dispositions réformant le droit des successions. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Il s'agit simplement d'insérer un chapitre après l'article
9.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 16, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, une division additionnelle ainsi rédigée est insérée dans la
proposition de loi, après l'article 9.
Article additionnel après l'article 9
M. le président.
Par amendement n° 17, M. About, au nom de la commission, propose d'insérer,
après l'article 9, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le chapitre Ier du titre Ier du livre troisième du code civil est ainsi
rédigé :
« Chapitre Ier
« De l'ouverture des successions,
du titre universel et de la saisine
«
Art. 720.
- Les successions s'ouvrent par la mort, au dernier
domicile du défunt.
«
Art. 721.
- Les successions sont dévolues selon la loi lorsque le
défunt n'a pas disposé de ses biens par des libéralités.
« Elles peuvent être dévolues par les libéralités du défunt dans la mesure
compatible avec la réserve héréditaire.
«
Art. 722.
- Les conventions qui ont pour objet de créer des droits ou
de renoncer à des droits sur tout ou partie d'une succession non encore ouverte
ou d'un bien en dépendant ne produisent effet que dans les cas où elles sont
autorisées par la loi.
«
Art. 723.
- Les successeurs universels ou à titre universel sont
tenus d'une obligation indéfinie aux dettes de la succession.
«
Art. 724.
- Les héritiers désignés par la loi sont saisis de plein
droit des biens, droits et actions du défunt.
« Les légataires et donataires universels sont saisis dans les conditions
prévues au titre II du présent livre.
« A leur défaut, la succession est acquise à l'Etat, qui doit se faire envoyer
en possession.
«
Art. 724-1.
- Les dispositions du présent titre, notamment celles qui
concernent l'option, l'indivision et le partage, s'appliquent en tant que de
raison aux légataires et donataires universels ou à titre universel, quand il
n'y est pas dérogé par une règle particulière. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Cet amendement apporte, à travers une nouvelle rédaction, un
certain nombre de clarifications et de précisions dans le chapitre Ier du titre
Ier du livre troisième du code civil relatif aux successions.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 17, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la
proposition de loi, après l'article 9.
Article additionnel après l'article 9
ou après l'article 3
bis
M. le président.
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 18, M. About, au nom de la commission, propose d'insérer,
après l'article 9, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'intitulé du chapitre II du titre premier du livre troisième du code
civil est ainsi rédigé :
« Chapitre II
« Des qualités requises pour succéder
De la preuve de la qualité d'héritier
« II. - Les articles 725 à 729 du code civil sont remplacés par les dispositions suivantes :
« Section I
« Des qualité requises pour succéder
«
Art. 725.
- Pour succéder, il faut exister à l'instant de l'ouverture
de la succession ou, ayant déjà été conçu, naître viable.
« Peut succéder celui dont l'absence est présumée selon l'article 112.
«
Art. 725-1.
- Lorsque deux personnes, dont l'une avait vocation à
succéder à l'autre, périssent dans un même événement, l'ordre des décès est
établi par tous les moyens.
« Si cet ordre ne peut être déterminé, la succession de chacune d'elles est
dévolue sans que l'autre y soit appelée.
« Toutefois, si l'un des co-décédés laisse des descendants, ceux-ci peuvent
représenter leur auteur dans la succession de l'autre lorsque la représentation
est admise.
«
Art. 726.
- Sont indignes de succéder et, comme tels, exclus de la
succession :
« 1° celui qui est condamné, comme auteur ou complice, à une peine criminelle
pour avoir volontairement donné ou tenté de donner la mort au défunt ;
« 2° celui qui est condamné, comme auteur ou complice, à une peine criminelle
pour avoir volontairement porté des coups ou commis des violences ou voies de
fait ayant entraîné la mort du défunt sans intention de la donner.
«
Art. 727
- Peuvent être déclarés indignes de succéder :
« 1° Celui qui est condamné, comme auteur ou complice, à une peine
correctionnelle pour avoir volontairement donné ou tenté de donner la mort au
défunt ;
« 2° Celui qui est condamné, comme auteur ou complice, à une peine
correctionnelle pour avoir volontairement commis des violences ayant entraîné
la mort du défunt sans intention de la donner ;
« 3° Celui qui est condamné pour témoignage mensonger porté contre le défunt
dans une procédure criminelle ;
« 4° Celui qui est condamné pour s'être volontairement abstenu d'empêcher soit
un crime, soit un délit contre l'intégrité corporelle du défunt d'où il est
résulté la mort, alors qu'il pouvait le faire sans risque pour lui ou pour les
tiers ;
« 5° Celui qui est condamné pour dénonciation calomnieuse contre le défunt
lorsque, pour les faits dénoncés, une peine criminelle était encourue.
«
Art. 727-1
- La déclaration d'indignité prévue à l'article 727 est
prononcée après l'ouverture de la succession par le tribunal de grande instance
à la demande d'un autre héritier. La demande doit être formée dans les six mois
du décès si la décision de condamnation ou de déclaration de culpabilité est
antérieure au décès, ou dans les six mois de cette décision si elle est
postérieure au décès.
« En l'absence d'héritier, la demande peut être formée par le ministère
public.
«
Art. 728
- N'est pas exclu de la succession le successible frappé
d'une cause d'indignité prévue aux articles 726 et 727, lorsque le défunt,
postérieurement aux faits et à la connaissance qu'il en a eue, a précisé, par
une déclaration expresse de volonté en la forme testamentaire, qu'il entend le
maintenir dans ses droits héréditaires ou lui a fait une libéralité universelle
ou à titre universel.
«
Art. 729
- L'héritier exclu de la succession pour cause d'indignité
est tenu de rendre tous les fruits et tous les revenus dont il a eu la
jouissance depuis l'ouverture de la succession.
«
Art. 729-1
- Les enfants de l'indigne ne sont pas exclus pour la
faute de leur auteur, soit qu'ils viennent à la succession de leur chef, soit
qu'ils y viennent par l'effet de la représentation ; mais l'indigne ne peut, en
aucun cas, réclamer, sur les biens de cette succession, la jouissance que la
loi accorde aux père et mère sur les biens de leurs enfants. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 65, présenté par MM.
Lagauche, Badinter et les membres du groupe socialiste et apparentés, et
tendant à compléter
in fine
le texte proposé par l'amendement n° 18 pour
l'article 727 du code civil par un alinéa ainsi rédigé :
« 6° Celui qui, après avoir donné ou tenté de donner la mort au défunt, s'est
donné la mort. »
Par amendement n° 62, MM. Lagauche, Badinter et les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 3
bis
, un
article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 722 du code civil est ainsi rédigé :
«
Art. 722.
- Lorsque deux personnes, dont l'une avait vocation à
succéder à l'autre, périssent dans le même événement, l'ordre des décès est
établi par tous moyens.
« Si cet ordre ne peut être déterminé, la succession de chacune d'elles est
dévolue sans que l'autre y soit appelée.
« Toutefois, si l'un des codécédés laisse des descendants, ceux-ci peuvent
représenter leur auteur dans la succession de l'autre lorsque la représentation
est admise. »
Par amendement n° 61, MM Charasse, Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 3
bis,
un
article additionnel ainsi rédigé :
« Avant le 1° de l'article 727 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi
rédigé :
« ... Celui qui, après avoir donné ou tenté de donner la mort au défunt, s'est
donné la mort ; ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n°18.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Il s'agit, pour l'essentiel, de l'abandon de la théorie des
comourants et de la personnalisation de l'indignité.
La commission a souhaité créer de nouveaux cas d'indignité, en leur donnant le
plus souvent un caractère facultatif pour le juge. Elle souhaite, par ailleurs,
mettre fin à l'injustice dont sont victimes les enfants de l'indigne. Ces
derniers, qui n'ont commis aucune faute, pourront désormais représenter leur
auteur dans la succession dont il est exclu.
M. le président.
La parole est à M. Lagauche, pour défendre le sous-amendement n° 65, ainsi que
les amendements n°s 62 et 61.
M. Serge Lagauche.
Le sous-amendement n° 65 s'explique par son texte même.
J'en viens à l'amendement n° 62.
L'article 722 du code civil prévoit que, à égalité d'âge ou si la différence
qui existe n'excède pas une année, si un homme et une femme périssent dans le
même événement, l'homme est présumé avoir survécu à la femme.
Cet amendement propose d'abandonner cette théorie des comourants et prévoit
que ces derniers sont, en l'absence de preuve contraire, décédés au même
instant. Il prévoit également que la succession de l'un est dévolue sans que
l'autre y soit appelé.
Toutefois, si l'un des codécédés laisse des descendants, ceux-ci peuvent
représenter leur auteur dans la succession de l'autre lorsque la représentation
est admise.
J'en viens enfin à l'amendement n° 61.
Actuellement, l'article 727 du code civil prévoit que sont indignes de
succéder, et comme tels exclus de la succession : celui qui sera condamné pour
avoir donné ou tenté de donner la mort au défunt, celui qui a porté contre le
défunt une accusation capitale jugée calomnieuse et l'héritier majeur qui,
instruit du meurtre du défunt, ne l'aura pas dénoncé à la justice.
Le présent amendement propose d'ajouter à cette liste celui qui, après avoir
donné ou tenté de donner la mort au défunt, s'est donné lui-même la mort. En
effet, en l'état actuel de notre droit, la famille de ce dernier peut être
amenée à lui succéder, privant ainsi la famille de la victime de tout héritage,
si, par exemple, le défunt, n'ayant pas de descendants, avait fait une donation
au dernier vivant à l'assassin, son mari.
Un cas similaire a été jugé par le tribunal de Montluçon, qui a fait une
application stricte de l'article 727. En effet, ayant constaté que l'intéressé
n'avait pas été condamné puisque l'action publique a été éteinte par son
suicide, il a attribué tous les biens à la famille de l'assassin, y compris
ceux de son épouse morte peu avant lui.
La cour d'appel de Riom a réformé le jugement de Montluçon, en s'écartant
totalement de l'article 727 et en estimant que les violences subies par la
femme assassinée et la résistance qu'elle a manifestée face à l'intention de
tuer dont elle était la victime l'avaient certainement conduite à révoquer sa
donation. Dès lors que la loi n'impose pas une révocation écrite et n'interdit
pas une révocation tacite, il convenait de considérer que le mari assassin ne
pouvait être l'héritier.
On ignore ce que décidera la Cour de cassation si elle est saisie, mais elle
peut parfaitement revenir au raisonnement du tribunal de Montluçon.
Je saisis donc cette occasion pour proposer de modifier l'article 727 du code
civil.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 65 et sur les
amendements n°s 62 et 61 ?
M. Nicolas About,
rapporteur.
La commission est favorable au sous-amendement n° 65 et
défavorable aux amendements n°s 62 et 61.
L'amendement n° 62 est satisfait ; par conséquent, la commission en souhaite
le retrait.
Quant à l'amendement n° 61, il se rattache à l'article 727 du code civil et
non pas aux articles de la proposition de loi, mais je pense
a priori
qu'il est satisfait également.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les trois amendements et sur le
sous-amendement ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Ma position va surprendre, car je vais dire que je suis
défavorable aux trois amendements et au sous-amendement, tout en estimant que
la navette nous permettra de travailler sur le problème des comourants. C'est
en effet un point qu'il faudra revoir.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 65, accepté par la commission et
repoussé par le Gouvernement.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 18, repoussé par le
Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la
proposition de loi, après l'article 9, et les amendements n°s 62 et 61 n'ont
plus d'objet.
Articles additionnels après l'article 9
M. le président.
Par amendement n° 19, M. About, au nom de la commission, propose d'insérer,
après l'article 9, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 730 du code civil est remplacé par les dispositions suivantes
:
« Section II
« De la preuve de la qualité d'héritier
«
Art. 730
. - La preuve de la qualité d'héritier se rapporte par tous
les moyens.
« Il n'est pas dérogé aux dispositions ni aux usages concernant la délivrance
de certificats de propriété ou d'hérédité par des autorités judiciaires ou
administratives.
«
Art. 730-1.
- La preuve de la qualité d'héritier peut résulter d'un
acte de notoriété dressé par un notaire, à la demande d'un ou plusieurs ayants
droit.
« A défaut de contrat de mariage ou de disposition de dernière volonté de
l'auteur de celui qui requiert l'acte, l'acte de notoriété peut également être
dressé par le greffier en chef du tribunal d'instance du lieu d'ouverture de la
succession.
« L'acte de notoriété doit viser l'acte de décès de la personne dont la
succession est ouverte et faire mention des pièces justificatives qui ont pu
être produites tels les actes de l'état civil et, éventuellement, les documents
qui concernent l'existence de libéralités à cause de mort pouvant avoir une
incidence sur la dévolution successorale.
« Il contient l'affirmation, signée du ou des ayants droit auteurs de la
demande, qu'ils ont vocation, seuls ou avec d'autres qu'ils désignent, à
recueillir tout ou partie de la succession du défunt.
« Toute personne dont les dires paraîtraient utiles peut être appelée à
l'acte.
«
Art. 730-2
. - L'affirmation contenue dans l'acte de notoriété
n'emporte pas, par elle-même, acceptation de la succession.
«
Art. 730-3
. - L'acte de notoriété ainsi établi fait foi jusqu'à
preuve contraire.
« Celui qui s'en prévaut est présumé avoir des droits héréditaires dans la
proportion qui s'y trouve indiquée.
«
Art. 730-4
. - Les héritiers désignés dans l'acte de notoriété ou leur
mandataire commun sont réputés, à l'égard des tiers détenteurs de biens de la
succession, avoir la libre disposition de ces biens et, s'il s'agit de fonds,
la libre disposition de ceux-ci dans la proportion indiquée à l'acte.
«
Art. 730-5
. - Celui qui, sciemment et de mauvaise foi, se prévaut
d'un acte de notoriété inexact, encourt les pénalités du recel prévues à
l'article 785, sans préjudice de dommages-intérêts. »
« II. - Il n'est pas porté atteinte aux dispositions des articles 74 à 77,
relatifs aux certificats d'héritiers, de la loi du 1er juin 1924 mettant en
vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du
Haut-Rhin et de la Moselle. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Il s'agit de dispositions qui permettent de faciliter la
preuve de la qualité d'héritier.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 19, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la
proposition de loi, après l'article 9.
Par amendement n° 20, M. About, au nom de la commission, propose d'insérer,
après l'article 9, un article additionnel ainsi rédigés :
« Les articles 768 à 770 du code civil sont ainsi rédigés :
«
Art. 768
. - La succession à laquelle l'Etat prétend doit être
déclarée vacante dans les conditions prévues à l'article 810.
«
Art. 769
. - Le curateur à la succession mentionné à l'article 810-1
demande l'envoi en possession au tribunal de grande instance dans le ressort
duquel la succession s'est ouverte.
« Le tribunal statue quatre mois après la publication au
Journal
officiel
et l'affichage en mairie d'un extrait de la demande.
«
Art. 770
. - Lorsque les formalités prescrites n'ont pas été
accomplies, l'Etat peut être condamné à des dommages et intérêts envers les
héritiers, s'il s'en présente. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Il s'agit des successions auxquelles peut prétendre l'Etat :
les successions en déshérence, c'est-à-dire lorsqu'il n'existe pas d'héritier
ou de légataire connu, et les successions vacantes, c'est-à-dire lorsque tous
les héritiers ou les légataires connus ont renoncé.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Monsieur le président, pour alléger le débat, j'indique
dès maintenant que le Gouvernement est défavorable à tous les amendements
tendant à insérer division ou articles additionnels après l'article 9.
Mme Nicole Borvo.
Quant au groupe communiste républicain et citoyen, il votera contre tous ces
amendements.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 20, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la
proposition de loi, après l'article 9.
Par amendement n° 21, M. About, au nom de la commission, propose d'insérer,
après l'article 9, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les articles 771 à 781 du code civil sont remplacés par les dispositions
suivantes :
Chapitre V
« De l'option de l'héritier
et des successions vacantes
« Section I
« Dispositions générales
«
Art. 771
. - L'héritier peut accepter la succession purement et
simplement, ou l'accepter sous bénéfice d'inventaire, ou y renoncer.
«
Art. 772
. - L'option ne peut être exercée avant l'ouverture de la
succession.
«
Art. 772-1
. - L'option ne peut être limitée à une partie de la
succession.
«
Art. 772-2
. - S'il y a plusieurs héritiers, chacun d'eux exerce
l'option séparément, pour sa part.
«
Art. 773
. - L'héritier ne peut être contraint à prendre parti et
aucune condamnation ne peut être obtenue contre lui avant l'expiration d'un
délai de cinq mois à compter de l'ouverture de la succession.
« Passé ce délai, il peut, si une poursuite est dirigée contre lui, demander
un nouveau délai que le tribunal, saisi de la contestation, accorde ou refuse
suivant les circonstances.
«
Art. 774
. - Si les successibles appelés en première ligne renoncent à
la succession ou sont indignes de succéder, l'héritier de rang subséquent
dispose, pour prendre parti, d'un délai de cinq mois.
« Ce délai court du jour où il a eu connaissance de la renonciation ou de
l'indignité.
« Ce délai est ramené à trois mois lorsque les premiers appelés ont fait un
inventaire des biens de la succession. Il peut être prorogé dans les conditions
prévues au deuxième alinéa de l'article 773.
«
Art. 775
. - Lorsque celui à qui une succession est échue décède sans
avoir pris parti, ses propres héritiers peuvent exercer l'option en ses lieu et
place.
« Ils disposent, à cet effet, d'un délai de cinq mois à compter du décès de
leur auteur. Ce délai est soumis aux dispositions du troisième alinéa de
l'article 774.
« Chacun exerce l'option séparément pour sa part.
«
Art. 776
. - L'héritier qui n'a pas pris parti dans les délais peut
être sommé de le faire par acte extra-judiciaire, à l'initiative d'un
cohéritier, d'un héritier de rang subséquent ou de l'Etat.
«
Art. 777
. - Faute d'avoir pris parti dans un délai de cinq mois à
compter de la signification de la sommation, l'héritier pourra être déclaré
renonçant par le tribunal, sauf à celui-ci à accorder un nouveau délai suivant
les circonstances.
« Le dispositif du jugement déclarant l'héritier renonçant est transcrit sur
le registre prévu par le code de procédure civile pour les déclarations de
renonciation.
«
Art. 778
. - La faculté d'option se prescrit par dix ans à compter de
l'ouverture de la succession.
« L'héritier qui n'a pas accepté la succession dans ce délai est réputé y
avoir renoncé.
« La prescription ne court pas contre les héritiers qui ont laissé le conjoint
survivant en jouissance des biens héréditaires.
«
Art. 779
. - L'option exercée remonte dans ses effets au jour de
l'ouverture de la succession.
«
Art. 780
. - L'héritier qui a exercé son option peut demander à en
être relevé en prouvant que sa volonté a été viciée par erreur, dol ou
violence.
« Son action se prescrit par cinq ans à compter du jour où l'erreur ou le dol
a été découvert ou du jour où la violence a cessé.
«
Art. 781
. - Si un successible s'abstient d'accepter une succession ou
y renonce au préjudice de ses créanciers, ceux-ci peuvent se faire autoriser en
justice à l'accepter du chef de leur débiteur, en ses lieu et place.
« L'acceptation n'a lieu qu'en faveur des créanciers et jusqu'à concurrence de
leurs créances ; elle ne produit pas d'effet à l'égard de l'héritier. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Il s'agit de raccourcir le délai d'option héréditaire pour
accélérer le règlement des successions et éviter les blocages dus aux héritiers
ne prenant pas parti, et de ramener le délai de prescription du droit d'opter
de trente ans à dix ans.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 21, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la
proposition de loi, après l'article 9.
Par amendement n° 22, M. About, au nom de la commission, propose d'insérer,
après l'article 9, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les articles 782 à 787 du code civil sont remplacés par les dispositions
suivantes :
« Section II
« De l'acceptation pure et simple
«
Art. 782
. - L'acceptation peut être expresse ou tacite ; elle est
expresse quand le successible prend la qualité d'héritier dans un acte
authentique ou privé ; elle est tacite quand le successible fait un acte qui
suppose nécessairement son intention d'accepter et qu'il n'aurait le droit de
faire qu'en qualité d'héritier.
«
Art. 783.
- Toute cession, à titre onéreux ou gratuit, faite par le
successible de ses droits dans la succession ou dans un bien en dépendant,
emporte acceptation pure et simple.
« Il en est de même :
« 1° De la renonciation, même gratuite, que fait un des successibles au profit
d'un ou de plusieurs de ses cohéritiers ;
« 2° De la renonciation qu'il fait, même au profit de tous ses cohéritiers
indistinctement, lorsqu'il reçoit le prix de sa renonciation.
«
Art. 784
. - Tout acte ou toute mesure que requiert l'intérêt de la
succession et que le successible, en cas d'urgence, veut accomplir sans prendre
la qualité d'héritier doit être autorisé par le président du tribunal de grande
instance.
« Toutefois, ne sont pas soumis à autorisation et n'emportent pas acceptation
les mesures conservatoires ou de surveillance et les actes d'administration
provisoire auxquels procède le successible sans prendre la qualité d'héritier.
Il en est ainsi, notamment :
« 1° Lorsque le successible paie les frais funéraires et de dernière maladie,
les impôts dus par le défunt, les loyers et autres dettes successorales dont le
règlement est urgent ;
« 2° Lorsqu'il recouvre les revenus des biens héréditaires ou vend des choses
périssables, à charge de justifier qu'il a employé les fonds à éteindre les
dettes visées à l'alinéa précédent, ou qu'il les a déposés chez un notaire ou à
la Caisse des dépôts et consignations.
«
Art. 785
. - Les successibles qui auraient diverti ou recélé des
effets d'une succession sont héritiers purs et simples, nonobstant toute
renonciation ou acceptation sous bénéfice d'inventaire, sans pouvoir prétendre
à aucune part dans les objets divertis ou recélés.
« Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible en
valeur, l'héritier devra le rapport ou la réduction sans pouvoir prétendre à
aucune part dans les sommes qui en seront l'objet.
«
Art. 786
. - L'héritier acceptant pur et simple répond indéfiniment
des dettes de la succession. Il n'est tenu des legs particuliers qu'à
concurrence des forces de la succession.
« Il peut demander à être déchargé, en tout ou partie, de son obligation à une
dette qu'il avait de justes raisons d'ignorer au moment de l'acceptation,
lorsque l'acquittement de cette dette aurait pour effet d'obérer gravement son
propre patrimoine.
« L'héritier doit introduire l'action dans l'année du jour où il a eu
connaissance de ce passif.
«
Art. 786-1
. - Les titres exécutoires contre le défunt le sont aussi
contre l'héritier personnellement, un mois après que la notification lui en a
été faite.
«
Art. 787
. - Les créanciers du défunt, ainsi que les légataires de
sommes d'argent, peuvent demander la séparation du patrimoine du défunt d'avec
celui de l'héritier contre tout créancier personnel de ce dernier.
« Ce droit donne lieu au privilège sur les immeubles prévu au 6° de l'article
2103 et il est sujet à inscription, conformément à l'article 2111.
«
Art. 787-1
. - Ce droit ne peut cependant plus être exercé lorsque,
par l'acceptation de l'héritier pour débiteur, il y a novation dans la créance
contre le défunt.
«
Art. 787-2
. - Ce droit se prescrit, relativement aux meubles, par
deux ans à compter de l'ouverture de la succession.
« A l'égard des immeubles, l'action peut être exercée tant qu'ils demeurent
entre les mains de l'héritier.
«
Art. 787-3
. - Les créanciers de l'héritier ne sont point admis à
demander la séparation des patrimoines contre les créanciers de la succession.
»
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Cet amendement vise à limiter les risques de l'acceptation
simple. Nous souhaitons que l'héritier acceptant soit exonéré de tout ou partie
du passif successoral qui résulterait de dettes qui lui étaient inconnues au
moment de l'acceptation. De même, il faut prévoir que les héritiers acceptant
ne seraient désormais tenus de ne payer les legs particuliers que dans la
limite de leurs émoluments.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 22, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la
proposition de loi, après l'article 9.
Par amendement n° 23, M. About, au nom de la commission, propose d'insérer,
après l'article 9, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les articles 788 à 791 du code civil sont remplacés par les dispositions
suivantes :
« Section III
« De la renonciation
«
Art. 788.
- Hors le cas du deuxième alinéa de l'article 778, la
renonciation à une succession ne se présume pas.
« Pour être opposable aux tiers, la renonciation doit être faite au tribunal
de grande instance, dans les formes prévues au code de procédure civile.
«
Art. 788-1.
- On ne peut, même par contrat de mariage, renoncer à la
succession d'un vivant, fût-ce de son consentement, ni aliéner les droits
éventuels que l'on peut avoir sur cette succession.
«
Art. 789.
- L'héritier qui renonce est censé n'avoir jamais été
héritier.
« La part du renonçant accroît à celle de ses cohéritiers. S'il est seul, elle
est dévolue au degré subséquent.
«
Art. 790.
- On ne vient jamais par représentation d'un héritier qui a
renoncé ; si le renonçant est seul héritier de son degré, ou si tous ses
cohéritiers renoncent, les enfants viennent de leur chef et succèdent par
tête.
«
Art. 791.
- Tant que la prescription du droit d'accepter n'est pas
acquise contre les héritiers qui ont renoncé, ils ont la faculté d'accepter
encore la succession, si elle n'a pas été déjà acceptée par d'autres héritiers
ou si l'Etat n'a pas déjà été envoyé en possession, sans préjudice néanmoins
des droits qui peuvent être acquis à des tiers sur les biens de la succession,
soit par prescription, soit par actes valablement faits avec le curateur à la
succession vacante. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Cet amendement n'introduit aucune disposition nouvelle. Il
s'agit de la renonciation.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 23, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la
proposition de loi, après l'article 9.
Par amendement n° 24, M. About, au nom de la commission, propose d'insérer,
après l'article 9, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les articles 792 à 795 du code civil sont remplacés par les dispositions
suivantes :
« Section IV
« De l'acceptation sous bénéfice d'inventaire,
ou à concurrence de l'actif
« Paragraphe I
« De la prise de la qualité d'héritier bénéficiaire
«
Art. 792.
- L'acceptation sous bénéfice d'inventaire ou à concurrence
de l'actif donne à l'héritier l'avantage :
« 1° D'éviter la confusion de ses biens personnels avec ceux de la succession
;
« 2° De conserver contre celle-ci tous les droits qu'il avait antérieurement
sur les biens du défunt ;
« 3° De n'être tenu au paiement des dettes de la succession que jusqu'à
concurrence de la valeur des biens qu'il a recueillis ;
« 4° De pouvoir être déchargé de l'administration et de la liquidation de la
succession.
« Art. 792-1.
- Lorsque la succession a été acceptée sous bénéfice
d'inventaire ou à concurrence de l'actif héréditaire, les créanciers
successoraux bénéficient du privilège de la séparation des patrimoines, tel
qu'il est réglé aux articles 787 à 787-2.
«
Art. 793.
- La déclaration d'un héritier, ou de son représentant
légal s'il est incapable, qu'il accepte sous bénéfice d'inventaire, se fait au
greffe du tribunal de grande instance dans le ressort duquel la succession
s'est ouverte.
« Le déclarant peut n'accepter qu'à titre provisoire, sous réserve d'un examen
de l'actif et du passif de la succession.
« La déclaration est transcrite sur le registre destiné à recevoir les actes
de renonciation à succession.
«
Art. 793-1. -
Dans les quinze jours suivant la transcription, le
greffier assure, aux frais de l'héritier bénéficiaire, la publicité de la
déclaration dans les formes prévues au nouveau code de procédure civile, avec
injonction aux créanciers et aux légataires de faire connaître leurs droits.
« Dans les trois mois à compter de l'exécution de la mesure de publicité, les
créanciers et légataires doivent faire connaître leurs droits par lettre
recommandée adressée au domicile du déclarant ou en l'étude d'un notaire
désigné par lui.
«
Art. 793-2
. - A compter de la déclaration, aucune poursuite n'est
recevable pour des dettes successorales autres que celles dont le réglement est
prévu à l'article 784, et la prescription extinctive est suspendue jusqu'à
règlement définitif.
« L'héritier peut néanmoins être autorisé par le président du tribunal de
grande instance à payer certaines dettes ou à vendre des biens sans prendre la
qualité d'acceptant pur et simple, si cela apparaît conforme à l'intérêt commun
des créanciers et des successibles.
«
Art. 793-3
. - Si, parmi les héritiers, les uns acceptent la
succession purement et simplement, les autres sous bénéfice d'inventaire, les
dispositions de la présente section relatives soit à la forme de liquidation,
soit au droit de poursuite des créanciers, s'appliquent à l'ensemble de la
succession jusqu'au partage.
« Pendant la liquidation, aucun des héritiers ne peut être poursuivi sur ses
biens personnels. Après le partage, les effets de l'acceptation bénéficiaire ne
subsistent qu'au regard des héritiers qui ont accepté en cette forme.
«
Art. 794
. - La déclaration d'un héritier qu'il accepte sous bénéfice
d'inventaire est précédée ou suivie d'un inventaire de patrimoine.
« Cet inventaire doit être achevé au plus tard quatre mois après la
déclaration d'acceptation sauf prorogation de ce délai à la requête de
l'héritier par le président du tribunal.
«
Art. 795
. - Une fois expirés les délais impartis aux créanciers et
légataires pour se faire connaître et à l'héritier pour faire inventaire,
celui-ci, lorsqu'il a fait une déclaration d'acceptation bénéficiaire
provisoire, doit prendre définitivement parti et peut y être contraint par tout
intéressé.
« L'héritier peut alors, à son choix, soit confirmer son acceptation sous
bénéfice d'inventaire en précisant s'il entend conserver ou liquider les biens
héréditaires, soit accepter purement et simplement la succession, soit y
renoncer. Mention de son option définitive est transcrite, à sa diligence, sur
le registre du greffe.
«
Art. 795-1
. - En cas de renonciation, les frais légitimement faits ou
engagés par l'héritier jusqu'à cette date sont à la charge de la succession.
« L'héritier sommé de prendre définitivement parti qui s'abstient de le faire
est réputé avoir accepté à titre définitif sous bénéfice d'inventaire selon les
règles de l'article 802.
«
Art. 795-2
. - Le successible qui n'a pas fait acte d'héritier et
contre lequel n'esiste pas de jugement ayant force de chose jugée qui le
condamne en qualité d'acceptant pur et simple, conserve la faculté de faire
encore inventaire et de se porter acceptant bénéficiaire, malgré l'expiration
des délais ci-dessus. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Il s'agit de rénover, de manière fondamentale, le dispositif
du bénéfice d'inventaire en accroissant la sauvegarde des créanciers grâce à
une procédure d'appel aux créanciers et en prévoyant une publicité qui ouvrira
aux créanciers et aux légataires un délai de trois mois pour faire connaître
leurs droits.
M. le président.
Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 24, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la
proposition de loi, après l'article 9.
Par amendement n° 25, M. About, au nom de la commission propose d'insérer,
après l'article 9, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les articles 796 à 805 du code civil sont remplacés par les dispositions
suivantes :
« Paragraphe 2
Du règlement du passif par l'héritier
«
Art. 796
. - L'héritier bénéficiaire est chargé d'administrer les
biens de la succession et doit en rendre compte aux créanciers et aux
légataires.
« Dans son administration, il détient les pouvoirs du tuteur agissant seul et
répond des fautes qu'il a pu commettre.
«
Art. 797
. - L'inventaire du patrimoine successoral comporte un état
simplifié de l'actif et du passif héréditaires établi par un notaire.
« Néanmoins, lorsque l'actif ne comprend que des biens meubles par leur
nature, de l'argent ou des titres négociables, l'héritier peut établir lui-même
l'inventaire qui se terminera alors par l'affirmation, signée de lui, que telle
est la consistance du patrimoine successoral.
«
Art. 797-1
. - L'inventaire comporte une estimation des biens, meubles
et immeubles, à la date de l'acte, lorsque l'héritier veut conserver en nature
tout ou partie des biens dépendant de la succession.
« L'estimation n'est pas nécessaire si l'héritier n'entend conserver en nature
aucun bien dépendant de la succession et s'il s'engage à mettre à la
disposition des créanciers le produit à venir de la réalisation de l'actif .
Mention de cet engagement est portée sur l'inventaire.
«
Art. 797-2
. - L'inventaire de patrimoine est déposé au greffe où les
créanciers peuvent s'en faire délivrer copie sur justification de leurs
titres.
«
Art. 797-3.
- L'héritier qui, sciemment et de mauvaise foi, a omis de
comprendre dans l'inventaire des éléments, actifs ou passifs, de la succession,
est déchu de son bénéfice.
«
Art. 798.
- L'héritier qui décide de conserver en nature tout ou
partie des biens de la succession établit un projet de règlement du passif,
dans un délai qui ne peut être inférieur à trois mois à partir du dépôt de
l'inventaire, ni supérieur à six mois, sauf prorogation exceptionnelle par le
président du tribunal de grande instance. Ce projet tient compte des éléments
nouveaux d'actif ou de passif qui ont été portés à la connaissance de
l'héritier dans l'intervalle. Il mentionne, s'il y a lieu, les dépenses payées
ou engagées en application de l'article 793-2.
«
Art. 798-1.
- S'il y a des créances dont l'existence est incertaine
ou le montant indéterminé, les provisions correspondantes sont insérées dans le
projet de règlement. Si le passif excède l'estimation de l'actif, les créances
font l'objet d'une réduction proportionnelle ou sont classées entre elles,
conformément aux dispositions du titre XVIII du livre troisième du présent
code.
« Si les besoins de la liquidation exigent que soit échelonné l'acquittement
du passif, le projet de règlement peut prévoir que des délais de paiement,
égaux pour tous les créanciers chirographaires, seront accordés à
l'héritier.
«
Art. 799.
- Si, pour faciliter le règlement du passif, il apparaît
nécessaire d'aliéner ou d'hypothéquer un bien dépendant de la succession,
l'héritier en demande l'autorisation au président du tribunal de grande
instance qui détermine les formes et les conditions de l'acte.
« Cette autorisation, lorsqu'elle est demandée par le représentant d'un
héritier incapable, remplace toutes autres autorisations. Le président du
tribunal statue quinze jours au plus tôt après avoir avisé de la demande le
juge des tutelles compétent.
«
Art. 799-1.
- L'héritier bénéficiaire qui a aliéné ou hypothéqué sans
autorisation, peut être déchu de son bénéfice, si l'opération a recouvert une
fraude.
«
Art. 799-2.
- L'héritier est tenu, si les créanciers ou le président
du tribunal l'exigent, de donner caution de la valeur du mobilier compris dans
l'inventaire de patrimoine. A défaut, les meubles sont vendus.
«
Art. 799-3.
- Le président du tribunal de grande instance peut
décider, en raison de circonstances exceptionnelles, qu'il sera sursis, pour
une durée limitée, aux opérations de liquidation afin notamment de préserver
les droits d'une partie ou la valeur du patrimoine.
«
Art. 800.
- Le projet de règlement du passif est notifié à chacun des
créanciers.
« Chacun dispose d'un mois pour faire connaître s'il accepte ou conteste le
projet de règlement. Le défaut de réponse dans les délais vaut acceptation.
«
Art. 800-1.
- S'il y a contestation, elle est portée devant le
président du tribunal de grande instance, qui peut désigner un juge chargé de
suivre la liquidation.
« Celui-ci, après avoir ordonné que soient mis en cause les autres créanciers,
peut se saisir de l'ensemble du projet.
« Il redresse, s'il a lieu, le projet de règlement.
«
Art. 801.
- Le règlement définitif résulte, soit de l'acceptation
unanime du projet par les créanciers, soit de la décision du juge ayant acquis
force de chose jugée.
«
Art. 801-1.
- Par le règlement définitif, l'héritier se trouve
désormais obligé personnellement sur tous ses biens envers chacun des
créanciers, pour le montant et suivant les délais de paiement qui ont été
arrêtés.
« Le créancier peut toutefois, pour ce montant et suivant ces délais, exercer
le privilège de séparation des patrimoines, à moins qu'il n'y ait renoncé par
une novation, conformément à l'article 787-1.
«
Art. 802.
- L'héritier qui s'est engagé selon le second alinéa de
l'article 797-1 à ne conserver en nature aucun bien de la succession procède à
la réalisation de l'actif dans l'intérêt des créanciers et des légataires.
« A cet effet, il exerce les pouvoirs reconnus au tuteur pour l'aliénation des
biens meubles et immeubles appartenant à un mineur.
« Les autorisations qui sont données par le conseil de famille en matière de
tutelle lui seront données par le président du tribunal.
«
Art. 803.
- Les créanciers ou légataires dont les droits sont connus
et reconnus sont payés de la manière et dans l'ordre fixé par la loi.
« Après extinction du passif privilégié et hypothécaire, les créanciers
chirographaires, et après eux les légataires des sommes d'argent, prennent part
à la distribution des deniers, le cas échéant au marc le franc.
« A défaut d'accord amiable, l'ordre entre créanciers et la distribution des
deniers sont arrêtés suivant les règles de la procédure civile.
« Le projet de règlement peut prévoir des paiements échelonnés au fur et à
mesure des rentrées de fonds.
«
Art. 804.
- Après acquittement du passif connu et reconnu, ce qui
reste revient à l'héritier.
«
Art. 805.
- S'il y a plusieurs héritiers bénéficiaires, ceux-ci
procèdent conjointement à l'établissement de l'inventaire et au règlement du
passif, à moins qu'ils ne préfèrent donner mandat à l'un d'eux.
«
Art. 805-1.
- Les frais de scellés, s'il en a été apposé,
d'inventaire et de compte, sont à la charge de la succession. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Cet amendement vise à donner à l'héritier bénéficiaire une
alternative à la vente aux enchères des biens. Pour l'instant, il est obligé de
vendre tous les biens. Désormais, il pourrait conserver ses biens à condition
de dresser un inventaire comportant estimation des éléments de la succession
pour permettre de récompenser les autres.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 25, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la
proposition de loi, après l'article 9.
Par amendement n° 26, M. About, au nom de la commission, propose d'insérer,
après l'article 9, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les articles 806 et 807 du code civil sont remplacés par les dispositions
suivantes :
« Paragraphe 3
« Du bénéfice d'inventaire, en cas de règlement
du passif par un administrateur
«
Art. 806.
- L'héritier bénéficiaire peut demander au président du
tribunal de grande instance qu'un notaire, ou toute autre personne qualifiée,
lui soit substitué dans la charge d'administrer et liquider.
« Un administrateur peut aussi être nommé, à la demande de tout intéressé ou
même d'office, par le président :
« 1° si la négligence de l'héritier ou le mauvais état de ses affaires mettent
en péril l'acquittement du passif ;
« 2° lorsque des désaccords entre héritiers bénéficiaires compromettent la
bonne marche des opérations ;
« La décision prise par le président du tribunal est publiée dans les quinze
jours, selon les modalités prévues à l'article 793-1, à la diligence de
l'administrateur désigné.
«
Art. 806-1.
- L'héritier doit rendre compte de sa gestion à
l'administrateur en présence du président.
«
Art. 807.
- Dans sa charge d'administrer et liquider,
l'administrateur suit les règles prévues au paragraphe précédent pour
l'héritier bénéficiaire qui a souscrit un engagement de liquidation.
«
Art. 807-1.
- Il est responsable, comme un mandataire salarié, de ses
fautes tant envers l'héritier lui-même qu'envers les créanciers, sans qu'il
puisse jamais en résulter une déchéance du bénéfice d'inventaire.
« A l'achèvement de sa mission, il rend ses comptes à l'héritier en présence
du président.
« S'il y a un reliquat, il revient à l'héritier.
«
Art. 807-2.
- L'administrateur agit sous la surveillance du
président.
« Celui-ci peut, notamment, lui enjoindre de procéder aux aliénations,
recouvrements, paiements et autres actes que nécessite la liquidation. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Cet amendement vise à permettre, dans le cadre de
l'acceptation sous bénéfice d'inventaire, le règlement du passif par un
administrateur.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 26, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la
proposition de loi, après l'article 9.
Par amendement n° 27, M. About, au nom de la commission, propose d'insérer,
après l'article 9, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Les articles 808 et 809 du code civil sont remplacés par les
dispositions suivantes :
« Paragraphe 4
« Dispositions communes
«
Art. 808.
- L'héritier ou l'administrateur chargé d'administrer ou
liquider la succession a, dans ses rapports avec l'ensemble des héritiers, les
droits et obligations d'un mandataire.
« Il doit notamment leur notifier le projet de règlement du passif.
« Toute contestation est portée devant le président du tribunal de grande
instance.
«
Art. 809.
- Les créanciers qui n'ont pas été admis au règlement du
passif à défaut de s'être fait connaître en temps utile ne peuvent poursuivre
l'héritier ni sur ses biens personnels ni sur les biens qu'il a recueillis dans
la succession ; ils n'ont pas, non plus, de recours contre les créanciers qui
ont été admis.
« Ils peuvent néanmoins, si l'omission de leurs créances au règlement est
imputable à une faute de l'héritier, agir contre lui en réparation du
préjudice.
«
Art. 809-1.
- Les créanciers peuvent encore agir contre l'héritier,
mais seulement dans les limites de son émolument, en établissant que c'est sans
faute de leur part qu'ils n'ont pu être admis au règlement.
« Un semblable recours peut être exercé contre les légataires de sommes
d'argent, lorsque l'héritier n'a perçu aucun reliquat ou que son émolument ne
suffit pas à éteindre le passif subsistant.
« Ces demandes ne sont plus recevables à l'expiration d'un délai de deux
années à compter du règlement définitif. »
« II. - Le code de commerce est ainsi modifié :
« 1° L'article L. 621-14 est complété
in fine
par deux alinéas ainsi
rédigés :
« Si la succession a été acceptée sous bénéfice d'inventaire, le jugement
ouvrant la procédure de redressement judiciaire laisse subsister la déclaration
faite au greffe du tribunal de grande instance en application de l'article 793
du code civil, mais il empêche la procédure engagée à la suite de l'acceptation
sous bénéfice d'inventaire de suivre son cours.
« Si après l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, la
succession d'une des personnes visées au premier alinéa est acceptée sous
bénéfice d'inventaire, la liquidation de la succession est différée jusqu'à
l'achèvement de la vérification des créances dans la procédure de redressement.
»
« 2° L'article L. 621-43 est complété
in fine
par un alinéa ainsi
rédigé :
« Lorsque la succession d'une des personnes visées au premier alinéa de
l'article L. 621-14 a été acceptée sous bénéfice d'inventaire, le représentant
des créanciers doit d'office, sans qu'il soit besoin d'une nouvelle
déclaration, vérifier les créances qui ont déjà été produites et affirmées au
cours de la procédure d'acceptation sous bénéfice d'inventaire. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Il s'agit de dispositions communes aux successions acceptées
sous bénéfice d'inventaire, introduites par coordination avec le code de
commerce.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 27, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré, dans la
proposition de loi, après l'article 9.
Par amendement n° 28, M. About, au nom de la commission, propose d'insérer
après l'article 9, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 810 du code civil est remplacé par les dispositions suivantes :
« Section V
« Des successions vacantes
«
Art. 810. -
A la demande de toute personne intéressée ou du ministère
public, le président du tribunal de grande instance déclare une succession
vacante :
« 1° Lorsqu'il ne se présente personne pour réclamer la succession et qu'il
n'y a pas d'héritier connu ;
« 2° Lorsque tous les héritiers connus ont renoncé à la succession ;
« 3° Lorsque après l'expiration du délai pour prendre parti, les héritiers
connus restent dans l'inaction.
« Les successions vacantes sont soumises au régime de la curatelle ainsi qu'il
est défini ci-après.
«
Art. 810-1.
- La curatelle d'une succession vacante est confiée par
le président du tribunal de grande instance à l'autorité administrative chargée
du domaine. Cette curatelle est placée sous le contrôle d'un juge du
tribunal.
« Les fonctions de curateur sont exercées dans les conditions énoncées à la
présente section, sous réserve des dispositions applicables à la succession
d'une personne en état de redressement ou de liquidation judiciaires.
«
Art. 810-2. -
La décision désignant le curateur confie à celui-ci
l'administration et la gestion de la succession, à charge d'en rendre compte à
qui il appartiendra.
« Dès sa désignation, le curateur fait dresser un inventaire du patrimoine par
un notaire ou par un fonctionnaire assermenté appartenant à l'administration
chargée du domaine.
« Avant l'expiration du délai dont les héritiers disposent pour prendre parti,
les pouvoirs du curateur sont limités aux mesures conservatoires et de
surveillance, aux actes d'administration provisoire et à la vente des bien
périssables.
«
Art. 810-3. -
Le curateur exerce les droits appartenant à la
succession vacante.
« Il poursuit notamment le recouvrement de toutes sommes dues à la succession,
même celles qui auraient été versées à la Caisse des dépôts et consignations.
Il prend possession, sur simple quittance ou décharge, des valeurs et autres
biens détenus par des tiers. Il peut résilier, en tant que le contrat le
permet, toutes prises à bail et locations. Il peut consentir, nonobstant toutes
dispositions contraires, des conventions d'occupation précaire.
« Le renouvellement des baux, lorsque le locataire ne peut invoquer un droit
au renouvellement et la conclusion des baux sont autorisés par le juge.
«
Art. 810-4. -
Le curateur répond aux demandes formées contre la
succession. Il est seul habilité à payer les créanciers de la succession.
« Il paie par priorité les dépenses nécessaires à la conservation du
patrimoine.
« Il peut, sans attendre le projet de règlement du passif, payer les frais
funéraires et de dernière maladie, les impôts dus par le défunt, les loyers et
autres dettes successorales dont le règlement est urgent, ainsi que les
créances privilégiées.
« Il n'est tenu d'acquitter les dettes de la succession que jusqu'à
concurrence de l'actif.
«
Art. 810-5. -
Le curateur peut consentir à la vente des biens à
concurrence du passif dont la succession est grevée.
« Les biens difficiles à conserver ou sujets à dépérissement peuvent être
vendus, alors même que leur réalisation n'est pas nécessaire à l'acquittement
du passif.
«
Art. 810-6.
- Le curateur dresse un projet de règlement du passif.
« Il paie les créances privilégiées dans le rang qui leur est affecté, puis
les créances chirographaires. Il délivre ensuite les legs particuliers à
concurrence de l'actif subsistant.
« Lorsque le passif excède l'actif ou l'estimation de l'actif si les biens
n'ont pas été réalisés, le projet de règlement est notifié aux créanciers qui
ne seraient pas intégralement désintéressés. Ces créanciers disposent d'un
délai d'un mois pour s'opposer au paiement des créances tel qu'il est prévu par
le curateur. En cas d'opposition, le juge chargé du contrôle statue sur la
contestation.
«
Art. 810-7. -
Après acquittement du passif connu et reconnu et, le
cas échéant, délivrance des legs particuliers, le curateur clôture le compte.
Il adresse celui-ci au juge avec ses observations, ainsi qu'aux créanciers non
intégralement payés si ces derniers le demandent et aux héritiers s'ils se
présentent.
«
Art. 810-8. -
Les créanciers qui se présentent après la réddition du
compte au juge ne peuvent prétendre qu'au reliquat.
« Le recours des créanciers se prescrit par deux ans à compter de cette
reddition.
«
Art. 810-9.
- Après la reddition du compte au juge, le curateur peut
procéder à la réalisation de l'actif subsistant.
« Un projet de réalisation est notifié aux héritiers connus qui peuvent s'y
opposer dans les trois mois en réclamant la succession.
« A défaut d'héritier connu, la réalisation peut être entreprise à
l'expiration d'un délai de deux ans à partir de l'établissement de
l'inventaire.
«
Art. 810-10. -
Le produit net de la réalisation est versé à la Caisse
des dépôts et consignations. Les héritiers et légataires, s'il s'en présente,
sont admis à exercer leur droit sur ce produit.
« Les produits provenant à un titre quelconque d'une succession vacante ne
peuvent, en aucun cas, être consignés autrement que par l'intermédiaire du
curateur.
«
Art. 810-11. -
Les frais d'administration, de gestion et de vente,
ainsi que les dépenses dont l'avance a été faite en application du deuxième
alinéa de l'article 810-1, donnent lieu au privilège de l'article 2101-1°.
«
Art. 810-12.
- La curatelle prend fin :
« 1° Par l'affectation intégrale de l'actif au paiement des dettes et des legs
;
« 2° Par la restitution de la succession aux héritiers ou aux légataires dont
les droits sont reconnus ;
« 3° Par l'envoi en possession de l'Etat ;
« 4° Par la réalisation de la totalité de l'actif et la consignation du
produit. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Cet amendement institue une procédure unique de réglement des
successions vacantes, regroupant les trois situations aujourd'hui traitées
distinctement par la loi : la déshérence, la succession non réclamée et la
vacance.
Ce modèle commun prend la forme d'une curatelle confiée par le président du
tribunal de grande instance à l'administration des domaines et placée sous le
contrôle d'un juge.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 28, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la
proposition de loi, après l'article 9.
Par amendement n° 29, M. About, au nom de la commission, propose d'insérer,
après l'article 9, un article additionnel ainsi rédigé :
« La section IV du chapitre V du titre Ier du livre troisième du code civil
devient le chapitre VI ainsi rédigé :
« Chapitre VI
« Des premières mesures conservatoires
et d'administration
«
Art. 811. -
Les biens successoraux peuvent, en tout ou partie, faire
l'objet de mesures conservatoires, telles que l'apposition de scellés, à la
demande de toute personne intéressée ou du ministère public, dans les
conditions et suivant les formes déterminées par le code de procédure
civile.
«
Art. 812. -
S'il n'a pas été fait application du troisième alinéa de
l'article 815-6, le président du tribunal de grande instance peut désigner, à
la demande du successible le plus diligent, un notaire ou toute autre personne
qualifiée, à l'effet de représenter l'ensemble des héritiers et légataires,
autres que les légataires à titre particulier, en vue d'accomplir les actes
ci-après :
« 1° Recouvrement des revenus des biens héréditaires, des fonds détenus pour
le compte du défunt et des créances non contestées ;
« 2° Gestion des valeurs mobilières de la succession, dans la limite prévue
par le quatrième alinéa de l'article 456 ;
« 3° Vente à l'amiable des biens périssables de la succession ;
« 4° Paiement des impôts dus par le défunt, des dettes de la succession dont
le règlement est urgent et de la pension alimentaire prévue par l'article
766-7, s'il apparaît toutefois que l'actif successoral dépasse manifestement le
passif ;
« 5° Tous autres actes conservatoires que le tribunal spécifiera.
«
Art. 813. -
La mission prévue à l'article 812 ne peut excéder un
an.
« Elle cesse de plein droit par l'effet d'une convention d'indivision ou par
la désignation d'un notaire pour préparer les opérations de partage.
« Il peut y être mis fin dans les formes de l'alinéa premier de l'article
812.
«
Art. 813-1. -
S'il a été institué un exécuteur testamentaire, la
personne visée à l'article 812 ne peut agir que dans la mesure compatible avec
les pouvoirs de celui-ci.
«
Art. 814. -
Les actes accomplis en application de l'article 812 sont
opposables aux personnes appelées à la succession.
« Les débiteurs sont libérés par le paiement fait entre les mains de la
personne visée à l'article 812.
«
Art. 814-1. -
Les actes accomplis en application de l'article 812
sont sans effet sur l'option héréditaire.
«
Art. 814-2. -
Lorsqu'un notaire a été commis pour préparer les
opérations de partage, le juge qui l'a désigné peut lui confier, pour la durée
qu'il fixe, une mission dans les conditions des articles 812 à 814-1.
«
Art. 814-3. -
A la demande du ministère public ou de toute personne
intéressée, le président du tribunal de grande instance peut désigner
l'administration chargée du domaine ou un notaire pour accomplir des actes
urgents concernant une succession, alors qu'il existe des héritiers connus
restant dans l'inaction avant l'expiration du délai pour prendre parti.
« Le juge peut confier à l'administration chargée du domaine ou au notaire
mission d'accomplir certains actes conservatoires qu'il spécifie ou de vendre à
l'amiable les biens périssables de la succession. Cette mission cesse de plein
droit à l'expiration du délai pour prendre parti ou en cas d'acceptation de la
succession.
«
Art. 814-4. -
Lorsqu'un héritier est l'objet de poursuites exercées
par le ministère public pour un des faits mentionnés aux articles 726 et 727,
le président du tribunal de grande instance peut, à la demande d'un autre
héritier, le déclarer dans l'incapacité provisoire d'exercer les pouvoirs
attachés à la saisine héréditaire et lui désigner un représentant pour
l'exercice de ces pouvoirs.
« En l'absence d'héritier, la demande peut être formée par le ministère
public. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Il s'agit d'un chapitre totalement nouveau, dont l'objet est
la création d'un mandat judiciaire au profit d'un notaire ou de toute autre
personne qualifiée pour prendre les premières mesures d'administration de la
succession : encaissement de loyers, paiements, voire réglement des obsèques,
etc.
Ainsi, il serait mis un terme aux difficultés constatées en pratique dans
l'administration de l'indivision successorale exigeant l'accord de tous les
héritiers.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 29, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la
proposition de loi, après l'article 9.
Par amendement n° 30, M. About, au nom de la commission, propose d'insérer,
après l'article 9, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le chapitre VI du titre premier du livre troisième du code civil devient le
chapitre VII et est intitulé : "De l'indivision". » Il comprend les articles
815 à 815-18 et se divise en trois sections :
« 1° La section I "Dispositions générales", qui comprend les articles 815 et
815-1 ainsi rédigés :
«
Art. 815. -
Nul ne peut être contraint à demeurer dans l'indivision
et le partage peut être toujours provoqué, à moins qu'il n'y ait été sursis par
jugement ou convention.
«
Art. 815-1. -
Malgré l'indivision, les paiements reçus ou faits par
les héritiers sont libératoires à concurrence des parts dont ils sont saisis ou
dont ils sont tenus comme représentant le créancier ou le débiteur. »
« 2° La section II "Des actes relatifs aux biens indivis", qui comprend les
articles 815-2 à 815-8 ;
« 3° La section III "Des droits et des obligations des indivisaires", qui
comprend les articles 815-9 à 815-18. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Cet article additionnel crée dans le code civil un chapitre
sur l'indivision sans procéder à de véritables changements sur le fond.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 30, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la
proposition de loi, après l'article 9.
Par amendement n° 31, M. About, au nom de la commission, propose d'insérer,
après l'article 9, un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré au titre Ier du livre troisième du code civil un chapitre VIII
intitulé : "Du partage", comprenant les articles 816 à 892 et divisé en dix
sections. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Cet amendement vise à créer dans le code civil un chapitre
consacré au partage.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 31, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la
proposition de loi, après l'article 9.
Par amendement n° 32, M. About, au nom de la commission, propose d'insérer,
après l'article 9, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 816 du code civil est remplacé par les dispositions suivantes :
Section 1
Du partage amiable
«
Art. 816. -
Si tous les héritiers sont présents et capables, le
partage peut être fait dans la forme et par tel acte que les parties
intéressées jugent convenables.
« Le partage peut être total ou partiel. Il est partiel lorsqu'il laisse
subsister l'indivision à l'égard de certains biens ou de certaines
personnes.
«
Art. 816-1. -
Les coïndivisaires en propriété ou en jouissance
peuvent convenir d'un partage provisionnel, fût-il partiel, dans les conditions
prévues pour les actes d'administration relatifs aux biens indivis, chacun
d'eux conservant le droit de demander le partage définitif.
«
Art. 816-2. -
Si, parmi les héritiers acceptants, il en est qui ne
soient pas présents, sans qu'ils soient néanmoins dans l'un des cas prévus aux
articles 116 et 120, ils peuvent, à la diligence d'un cohéritier présent, être
mis en demeure de se faire représenter au partage amiable.
« Faute par eux d'avoir constitué mandataire dans les trois mois de la mise en
demeure, un cohéritier présent peut demander au juge des tutelles de désigner
un notaire qui agira pour le compte de chacun des non-présents jusqu'à la
réalisation complète du partage.
« Ce notaire ne pourra consentir au partage qu'avec l'autorisation du juge des
tutelles.
«
Art. 816-3. -
Si l'un des héritiers a déclaré s'opposer au partage
amiable ou si la demande d'autorisation prévue au troisième alinéa de l'article
816-2 est rejetée, le partage doit être fait en justice. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Il s'agit de faciliter le partage amiable. Désormais, le
partage judiciaire serait réservé aux cas où il existe un véritable
contentieux.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 32, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la
proposition de loi, après l'article 9.
Par amendement n° 33, M. About, au nom de la commission, propose d'insérer,
après l'article 9, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les articles 817 à 826 du code civil sont remplacés par les dispositions
suivantes :
« Section 2
« Des demandes en justice
«
Art. 817. -
Le partage peut être demandé en justice lors même que
l'un des indivisaires aurait joui séparément de partie des biens indivis, s'il
n'y a eu un acte de partage ou possession suffisante pour acquérir la
prescription.
«
Art. 818. -
Un partage partiel ne peut être ordonné par le juge
contre la volonté d'un indivisaire, sous réserve des dispositions des articles
819 à 824.
«
Art. 819. -
A la demande d'un indivisaire, le tribunal peut surseoir
au partage pour deux années au plus si sa réalisation immédiate risque de
porter atteinte à la valeur des biens indivis, ou si l'un des indivisaires ne
peut s'installer sur une exploitation agricole dépendant de la succession qu'à
l'expiration de ce délai. Ce sursis peut s'appliquer à l'ensemble des biens
indivis ou à certains d'entre eux seulement.
«
Art. 820. -
A défaut d'accord amiable, l'indivision de toute
exploitation agricole constituant une unité économique, dont la mise en valeur
était assurée par le défunt ou par son conjoint, peut être maintenue dans les
conditions fixées par le tribunal à la demande des personnes visées à l'article
820-2.
« Le tribunal statue en fonction des intérêts en présence et des possibilités
d'existence que la famille peut tirer des biens indivis.
« Le maintien de l'indivision demeure possible lors même que l'exploitation
comprend des éléments dont l'héritier ou le conjoint était déjà propriétaire ou
copropriétaire avant l'ouverture de la succession.
«
Art. 820-1. -
L'indivision peut également être maintenue, à la
demande des mêmes personnes et dans les conditions fixées par le tribunal, en
ce qui concerne la propriété du local d'habitation ou à usage professionnel
qui, à l'époque du décès, était effectivement utilisé pour cette habitation ou
à cet usage par le défunt ou son conjoint.
« Il en est de même des objets mobiliers garnissant le local d'habitation ou
servant à l'exercice de la profession.
«
Art. 820-2. -
Si le défunt laisse un ou plusieurs descendants
mineurs, le maintien de l'indivision peut être demandé, soit par le conjoint
survivant, soit par tout héritier, soit par le représentant légal des
mineurs.
« A défaut de descendants mineurs, le maintien de l'indivision ne peut être
demandé que par le conjoint survivant et à la condition qu'il ait été, avant le
décès, ou soit devenu du fait du décès, copropriétaire de l'exploitation
agricole ou des locaux d'habitation ou à usage professionnel.
« S'il s'agit d'un local d'habitation, le conjoint doit avoir résidé dans les
lieux à l'époque du décès.
«
Art. 820-3. -
Le maintien dans l'indivision ne peut être prescrit
pour une durée supérieure à cinq ans. Il peut être renouvelé, dans le cas prévu
à l'article 820-2, alinéa premier, jusqu'à la majorité du plus jeune des
descendants et, dans le cas prévu à l'article 820-2, deuxième alinéa, jusqu'au
décès du conjoint survivant.
«
Art. 821. -
Si des indivisaires entendent demeurer dans l'indivision,
le tribunal peut, à la demande de l'un ou de plusieurs d'entre eux, en fonction
des intérêts en présence et sans préjudice de l'application des articles 838 à
842, attribuer sa part, après expertise, à celui qui a demandé le partage, soit
en nature si elle est aisément détachable du reste des biens indivis, soit en
argent si l'attribution en nature ne peut être commodément effectuée ou si le
demandeur en exprime la préférence.
« S'il n'existe pas dans l'indivision une somme suffisante, le complément est
versé par ceux des indivisaires qui ont concouru à la demande, sans préjudice
de la possibilité pour les autres indivisaires d'y participer, s'ils en
expriment la volonté.
« La part de chacun dans l'indivision est augmentée à proportion de son
versement.
«
Art. 821-1. -
Les dispositions des articles 820-1 à 821 ne
préjudicient pas aux droits viagers d'habitation et d'usage que le conjoint
peut exercer en vertu de l'article 764.
«
Art. 822. -
Lorsqu'une action en pétition d'hérédité ou en
revendication aboutit à la constatation qu'il y a indivision entre le demandeur
et celui qui possédait privativement l'héritage, le tribunal peut appliquer, en
tant que de raison, les dispositions de l'article 821 pour attribuer sa part,
en nature ou en numéraire, au demandeur dont le droit a été reconnu.
«
Art. 823. -
Celui qui est en indivision pour la jouissance, peut
demander le partage de l'usufruit par voie de cantonnement sur un bien ou par
voie de licitation.
« La même faculté appartient au copropriétaire quant à la nue-propriété
indivise.
«
Art. 824. -
Celui à qui un bien appartient pour partie en pleine
propriété et qui se trouve en indivision quant à ce bien, à la fois avec des
usufruitiers et des nus-propriétaires, peut user distinctement ou conjointement
des facultés prévues à l'article 823.
« Il peut, toutefois, si le partage en nature apparaît impossible, demander la
vente du bien, lorsque celle-ci est l'opération la plus protectrice de
l'intérêt des parties.
«
Art. 825. -
Le juge ne peut, à la demande d'un nu-propriétaire,
ordonner la vente de la pleine propriété d'un bien grevé d'usufruit, contre la
volonté de l'usufruitier.
«
Art. 826. -
Lorsque plusieurs indivisions existent exclusivement
entre les mêmes personnes, qu'elles portent sur les mêmes biens ou sur des
biens différents, le tribunal peut, à la demande de l'un des intéressés,
ordonner qu'il soit procédé à un partage unique après la liquidation distincte
de chacune des indivisions. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Il s'agit de créer, dans le code civil, une section
regroupant toutes les demandes en partage judiciaire.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 33, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la
proposition de loi, après l'article 9.
Par amendement n° 34, M. About, au nom de la commission, propose d'insérer,
après l'article 9, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 827 du code civil est remplacé par les dispositions suivantes :
« Section III
« De la procédure du partage
«
Art. 827. -
Le tribunal du lieu d'ouverture de la succession est
exclusivement compétent pour connaître de l'action en partage et des
contestations qui s'élèvent, soit à l'occasion du maintien de l'indivision,
soit au cours des opérations de partage. Il ordonne les licitations et statue
sur les demandes relatives à la garantie des lots entre copartageants et sur
celles en rescision du partage. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Cet amendement pose le principe de la compétence du tribunal
du lieu d'ouverture de la succession.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 34, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la
proposition de loi, après l'article 9.
Par amendement n° 35, M. About, au nom de la commission, propose d'insérer,
après l'article 9, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les articles 828 à 837 du code civil sont remplacés par les dispositions
suivantes :
« Section IV
« Des parts et des lots
« Paragraphe 1
« De l'égalité
«
Art. 828.
- La masse partageable comprend les biens présents à
l'ouverture de la succession s'ils existent encore à l'époque du partage ou
ceux qui leur ont été subrogés, ainsi que les accroissements advenus aux uns et
aux autres.
« On y réunit les sommes et les biens sujets à rapport ou à réduction.
«
Art. 829.
- Le partage de la masse s'opère par tête, par souche ou
par branche. Il se fait par souche quand il y a lieu à représentation et par
branche dans les cas prévus aux articles 747 et 749. Une fois opéré le partage
par souche ou par branche, une répartition distincte est opérée, le cas
échéant, entre les héritiers de chaque souche ou de chaque branche.
«
Art. 830.
- La valeur des biens reçus par chaque copartageant est
égale à celle des droits indivis dont ces biens sont appelés à le remplir.
«
Art. 831.
- En vue de leur répartition, les biens sont estimés à la
date de la jouissance divise telle qu'elle est fixée par l'acte de partage.
« Cette date est la plus proche possible du partage.
« Cependant le juge, eu égard aux circonstances de la cause, peut fixer la
jouissance divise à une date plus ancienne si le choix de cette date apparaît
plus favorable à la réalisation de l'égalité.
«
Art. 832.
- Il n'est tenu compte ni de la nature, ni de la
destination des biens pour en régler la répartition, sous réserve de
dispositions particulières contraires, notamment en matière d'attribution.
« L'égalité dans le partage est une égalité en valeur.
«
Art. 833.
- S'il y a lieu à tirage au sort, il est constitué autant
de lots qu'il est nécessaire.
« Si la consistance de la masse ne permet pas de former des lots d'égale
valeur, leur inégalité se compense par une soulte.
« Toutefois, la soulte ne doit pas représenter plus de la moitié de la valeur
du lot, hormis les cas où le partage comporte une attribution
préférentielle.
«
Art. 833-1.
- Lorsque le débiteur d'une soulte a obtenu des délais de
paiement et que, par suite des circonstances économiques, la valeur des biens
qui lui sont échus a augmenté ou diminué de plus du quart depuis le partage,
les sommes restant dues augmentent ou diminuent dans la même proportion.
« L'intérêt au taux légal des sommes dues se calcule sur le montant initial de
la soulte.
« Toutefois, les parties peuvent déroger aux dispositions des alinéas
précédents.
« Paragraphe 2
« De l'allotissement
«
Art. 834.
- Les lots sont faits par l'un des copartageants. A défaut
d'accord sur le choix de la personne, ils sont faits par le notaire ou un
expert.
«
Art. 835.
- Les sommes dues par un copartageant au titre du rapport
ou de la réduction sont imputées sur ses droits dans la masse et ne donnent
lieu à paiement que si elles en excèdent le montant.
« Les créanciers du rapport ou de la réduction peuvent prélever une valeur
égale sur la masse partageable, si la division de celle-ci s'en trouve
facilitée.
«
Art. 836.
- Les biens qui ne peuvent être partagés ou attribués selon
les règles établies par la loi sont vendus dans les formes prévues par le code
de procédure civile.
«
Art. 837.
- Après le partage, remise doit être faite, à chacun des
copartageants, des titres particuliers aux biens qui lui seront échus.
« Les titres d'une propriété divisée restent à celui qui a la plus grande
part, à la charge d'en aider ceux de ses copartageants qui y auront intérêt,
quand il en sera requis.
« Les titres communs à toute l'hérédité sont remis à celui que tous les
héritiers ont choisi pour en être le dépositaire, à la charge d'en aider les
copartageants, à toute réquisition. S'il y a difficulté sur ce choix, il est
réglé par le juge. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Il s'agit des dispositions relatives aux parts et lots
actuellement non inscrites dans les textes. L'amendement dispose que l'égalité
dans le partage est une égalité en valeur.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 35, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la
proposition de loi, après l'article 9.
Par amendement n° 36, M. About, au nom de la commission, propose d'insérer,
après l'article 9, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les articles 838 à 842 du code civil sont remplacés par les dispositions
suivantes :
« Section V
« Des attributions préférentielles
«
Art. 838
. Le conjoint survivant ou tout héritier copropriétaire peut
demander l'attribution préférentielle par voie de partage, à charge de soulte
s'il y a lieu, de toute exploitation agricole ou partie d'exploitation
agricole, non exploitée sous forme sociale, constituant une unité économique ou
quote-part indivise d'exploitation agricole, même formée pour une part de biens
dont il était déjà propriétaire ou copropriétaire avant le décès, à la mise en
valeur de laquelle il participe ou a participé effectivement ; dans le cas de
l'héritier, la condition de participation peut avoir été remplie ou être
remplie par son conjoint.
« En cas d'exploitation sous forme sociale, la demande d'attribution
préférentielle peut porter sur des droits sociaux de toute nature, sans
préjudice des dispositions légales ou des clauses statutaires sur la
continuation d'une société avec le conjoint survivant ou un ou plusieurs
héritiers.
«
Art. 838-1.
Les mêmes règles sont applicables en ce qui concerne
toute entreprise commerciale, industrielle, artisanale ou libérale.
«
Art. 838-2.
Le conjoint survivant ou tout héritier copropriétaire
peut également demander l'attribution préférentielle :
« - de la propriété ou du droit au bail du local qui lui sert effectivement
d'habitation, s'il y avait sa résidence à l'époque du décès, et des objets
mobiliers garnissant ce local ;
« - de la propriété ou du droit au bail du local à usage professionnel servant
effectivement à l'exercice de sa profession et des objets mobiliers à usage
professionnel garnissant ce local ;
« - de l'ensemble des éléments mobiliers nécessaires à l'exploitation d'un
bien rural cultivé par le défunt à titre de fermier ou de métayer, lorsque le
bail continue au profit du demandeur ou lorsqu'un nouveau bail est consenti à
ce dernier.
«
Art. 839
. - L'attribution préférentielle visée à l'article 838 est de
droit, nonobstant les dispositions du deuxième alinéa de l'article 840, pout
toute exploitation agricole qui ne dépasse pas les limites de superficies
fixées par le décret en Conseil d'Etat, si le maintien dans l'indivision n'a
pas été ordonné.
« En cas de pluralité de demandes, le tribunal désigne l'attributaire ou les
attributaires conjoints en fonction des intérêts en présence et de l'aptitude
des différents postulants à gérer l'exploitation et à s'y maintenir.
« Est aussi de droit l'attribution préférentielle demandée par le conjoint
survivant de la propriété ou du droit au bail du local qui lui sert
effectivement d'habitation, dans les conditions prévues à l'article 838-2, à
moins que le maintien dans l'indivision ne soit prononcé en vertu de l'article
820-1.
« Même si l'attribution préférentielle a été accordée judiciairement,
l'attributaire peut, par dérogation aux dispositions de l'article 841, deuxième
alinéa, exiger de ses copartageants pour le paiement d'une fraction de la
soulte, égale au plus à la moitié, des délais ne pouvant excéder dix ans. Sauf
convention contraire, les sommes restant dues portent intérêt au taux légal.
« En cas de vente de la totalité du bien attribué, la fraction de soulte
restant due devient immédiatement exigible ; en cas de ventes partielles, le
produit de ces ventes est versé aux copartageants et imputé sur la fraction de
soulte encore due.
«
Art. 839-1.
- Les droits résultant de l'attribution préférentielle
prévue aux articles 838-2 et 839 ne préjudicient pas aux droits viagers
d'habitation et d'usage que le conjoint peut exercer en vertu de l'article
764.
«
Art. 839-2
. - Si le maintien dans l'indivision n'a pas été ordonné et
à défaut d'attribution préférentielle dans les conditions prévues par les
articles 838 et 839, le conjoint survivant ou tout héritier copropriétaire peut
demander l'attribution préférentielle de tout ou partie des biens et droits
immobiliers à destination agricole dépendant de la succession en vue de
constituer, avec un ou plusieurs cohéritiers et, le cas échéant, un ou
plusieurs tiers, un groupement foncier agricole.
« Cette attribution est de droit si le conjoint survivant ou un ou plusieurs
des cohéritiers remplissant les conditions personnelles prévues à l'article 838
exigent que leur soit donné à bail, dans les conditions fixées au chapitre VI
du titre premier du livre IV du code rural, tout ou partie des biens du
groupement.
« En cas de pluralité de demandes, les biens du groupement peuvent, si leur
consistance le permet, faire l'objet de plusieurs baux bénéficiant à des
cohéritiers différents ; dans le cas contraire et à défaut d'accord amiable, le
tribunal désigne le preneur en tenant compte de l'aptitude des différents
postulants à gérer les biens concernés et à s'y maintenir. Si les clauses et
conditions de ce bail ou de ces baux n'ont pas fait l'objet d'un accord, elles
sont fixées par le tribunal.
« Les biens et droits immobiliers que les demandeurs n'envisagent pas
d'apporter au groupement foncier agricole ainsi que les autres biens de la
succession sont attribués par priorité, dans les limites de leurs droits
successoraux respectifs, aux indivisaires qui n'ont pas consenti à la formation
du groupement. Si ces indivisaires ne sont pas remplis de leurs droits par
l'attribution ainsi faite, une soulte doit être versée. Sauf accord amiable
entre les copartageants, la soulte éventuellement due est payable dans l'année
suivant le partage. Elle peut être l'objet d'une dation en paiement sous la
forme de parts du groupement foncier agricole, à moins que les intéressés, dans
le mois suivant la proposition qui leur est faite, n'aient fait connaître leur
opposition à ce mode de règlement.
« Le partage n'est parfait qu'après la signature de l'acte constitutif du
groupement foncier agricole et, s'il y a lieu, du ou des baux à long terme.
«
Art. 839-3. -
Au cas où ni le conjoint survivant ni aucun héritier
copropriétaire ne demande l'application des dispositions prévues aux articles
838, 839 et 839-1, l'attribution préférentielle peut être accordée à tout
copartageant sous la condition qu'il s'oblige à donner à bail, dans un délai de
six mois, le bien considéré dans les conditions fixées au chapitre VI du titre
premier du livre IV du code rural à un ou plusieurs des cohéritiers remplissant
les conditions personnelles prévues à l'article 838 ou à un même ou plusieurs
descendants de ces cohéritiers remplissant de mêmes conditions.
«
Art. 839-4. -
Si une exploitation agricole constituant une unité
économique et non exploitée sous forme sociale n'est pas maintenue dans
l'indivision et n'a pas fait l'objet d'une attribution préférentielle dans les
conditions prévues par les articles 838 et 839 à 839-2, le conjoint survivant
ou tout héritier copropriétaire qui désire poursuivre l'exploitation à laquelle
il participe ou a participé effectivement, peut exiger, nonobstant toute
demande de licitation, que le partage soit conclu sous la condition que ses
copartageants lui consentent un bail à long terme dans les conditions fixées au
chapitre VI du titre premier du livre IV du code rural, sur les terres de
l'exploitation qui lui échoient. Sauf accord amiable entre les parties, celui
qui demande à bénéficier de ces dispositions reçoit par priorité dans sa part
les bâtiments d'exploitation et d'habitation.
« Les dispositions qui précèdent sont applicables à une partie de
l'exploitation agricole pouvant constituer une unité économique.
« Il est tenu compte, s'il y a lieu, de la dépréciation due à l'existence du
bail dans l'évaluation des terres incluses dans les différents lots.
« Les articles L. 412-14 et L. 412-15 du code rural déterminent les règles
spécifiques au bail visé au premier alinéa du présent article.
« S'il y a pluralité de demandes, le tribunal de grande instance désigne le ou
les bénéficiaires en fonction des intérêts en présence et de l'aptitude des
différents postulants à gérer tout ou partie de l'exploitation ou à s'y
maintenir.
« Si, en raison de l'inaptitude manifeste du ou des demandeurs à gérer tout ou
partie de l'exploitation, les intérêts des cohéritiers risquent d'être
compromis, le tribunal peut décider qu'il n'y a pas lieu d'appliquer les trois
premiers alinéas du présent article.
« L'unité économique prévue au premier alinéa peut être formée, pour une part,
de biens dont le conjoint survivant ou l'héritier était déjà propriétaire ou
copropriétaire avant le décès. Dans le cas de l'héritier, la condition de
participation peut avoir été remplie par son conjoint.
«
Art. 840. -
L'attribution préférentielle peut être demandée
conjointement par plusieurs successibles.
« A défaut d'accord amiable, la demande d'attribution préférentielle est
portée devant le tribunal qui se prononce en fonction des intérêts en
présence.
« En cas de pluralité de demandes conjointes concernant une exploitation ou
une entreprise, le tribunal tient compte de l'aptitude des différents
postulants à gérer cette exploitation ou cette entreprise et à s'y maintenir
et, en particulier, de la durée de leur participation personnelle à l'activité
de l'exploitation ou de l'entreprise.
«
Art. 841. -
Les biens faisant l'objet de l'attribution sont estimés à
leur valeur à l'époque du partage.
« Hormis les cas prévus aux articles 839, alinéa 4, et 839-1, alinéa 4, la
soulte éventuellement due doit être payée comptant, sauf accord amiable entre
les copartageants.
« Eu égard à l'importance de la soulte, celui qui a obtenu l'attribution peut
y renoncer dans le délai fixé par la convention ou par le juge, sauf à
supporter les frais relatifs à la demande d'attribution.
«
Art. 842. -
Les dispositions des articles 838 à 841 profitent au
conjoint ou à tout héritier, qu'il soit copropriétaire en pleine propriété ou
en nue-propriété.
« Ces dispositions, à l'exception de celles de l'article 839, profitent aussi
au gratifié ayant vocation universelle ou à titre universel à la succession en
vertu d'un testament ou d'une institution contractuelle. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Cet article additionnel vise les attributions préférentielles
de biens successoraux au profit du conjoint survivant - il trouve donc bien sa
place ici - ou d'un cohéritier, en tant que modalités du partage.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 36, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la
proposition de loi, après l'article 9.
Par amendement n° 37, M. About, au nom de la commission, propose d'insérer,
après l'article 9, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - La section II du chapitre VI du titre Ier du livre troisième du code
civil devient la section VI du chapitre VIII du titre Ier du livre troisième du
code civil.
« II. - L'article 843 du même code est ainsi rédigé :
«
Art. 843. -
Tout descendant venant à la succession de son auteur,
même à titre d'héritier bénéficiaire, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce
qu'il a reçu du défunt, par donation entre vifs, directement ou indirectement,
il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu'ils ne lui
aient été faits expressément par préciput et hors part ou avec dispense du
rapport.
« Pour les autres héritiers, l'obligation au rapport doit être imposée par une
clause expresse de la donation.
« Les legs fait à un héritier, de quelque ordre qu'ils soient, sont réputés
faits par préciput et hors part, à moins que le testateur n'ait exprimé la
volonté contraire, auquel cas le légataire ne peut réclamer son legs qu'en
moins prenant. »
« III. - Les articles 846 à 849 du même code sont ainsi rédigés :
«
Art. 846. -
Le descendant donataire qui n'était pas héritier
présomptif lors de la donation mais qui se trouve successible au jour de
l'ouverture de la succession doit également le rapport, à moins que le donateur
ne l'en ait dispensé.
«
Art. 847. -
Les dons et legs faits à l'enfant de celui qui se trouve
successible à l'époque de l'ouverture de la succession sont toujours réputés
faits avec dispense du rapport.
« En cas de prédécès du donataire, son père ou sa mère venant à la succession
du donateur n'est pas tenu de les rapporter.
«
Art. 848. -
Pareillement, l'enfant du donataire venant à la
succession du donateur n'est pas tenu de rapporter le don fait à son auteur si
celui-ci est encore vivant ; mais si l'enfant a recueilli la succession de son
auteur, il doit rapporter ce qui avait été donné à ce dernier.
«
Art. 849. -
Les dons et legs faits au conjoint d'un époux appelé à
succéder en qualité de descendant sont réputés faits avec dispense du
rapport.
« Si les dons et legs sont faits conjointement à deux époux dont l'un
seulement est successible en cette qualité, celui-ci en rapporte la moitié ;
s'ils sont faits à cet époux, il les rapporte en entier.
« IV. - Les articles 853 à 856 du même code sont ainsi rédigés :
«
Art. 853. -
Lorsqu'il n'en a pas été dispensé, le descendant qui
hérite doit le rapport des profits qu'il a pu retirer des conventions passées
avec le défunt, si ces conventions ont eu pour objet de lui procurer un
avantage particulier.
«
Art. 854. -
Le bien qui a péri par cas fortuit et sans faute du
donataire n'est pas sujet à rapport.
«
Art. 855. -
Si le bien qui a péri a été reconstitué au moyen d'une
indemnité perçue en raison de sa perte, le donataire doit le rapport dans la
proportion où l'indemnité a servi à sa reconstitution.
« Si l'indemnité n'a pas été utilisée à cette fin, elle est elle-même sujette
à rapport.
«
Art. 856. -
Les fruits et les intérêts des choses sujettes à rapport
ne sont dus qu'autant que le disposant en aura ainsi décidé et ils ne peuvent
alors être dus qu'à compter de l'ouverture de la succession. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Le texte proposé reprend, pour l'essentiel, le contenu de la
section actuelle du code civil résultant de la loi du 3 juillet 1971,
concernant le rapport, l'imputation et la réduction des libéralités. Il précise
que sont non rapportables les donations effectuées à toute autre personne que
des descendants.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 37, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la
proposition de loi, après l'article 9.
Par amendement n° 38, M. About, au nom de la commission, propose d'insérer,
après l'article 9, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - La section III du chapitre VI du titre Ier du livre troisième du code
civil devient la section VII du chapitre VIII du titre Ier du livre troisième
du code civil et est ainsi intitulée :
« Section VII
« Du règlement du passif
« II. - Les articles 870 à 875 du même code sont ainsi rédigés :
«
Art. 870. -
Les créanciers peuvent poursuivre personnellement les
héritiers et les légataires universels ou à titre universel, à proportion de
leur part héréditaire, tant au cours de l'indivision qu'après le partage.
« Ils ne peuvent pas agir toutefois contre les légataires tant que ceux-ci
n'ont pas obtenu la délivrance.
«
Art. 871. -
Le légataire de somme d'argent peut agir après le partage
contre les héritiers ou les légataires universels ou à titre universel, à
proportion de leur part héréditaire et dans la limite de leur émolument.
« Avant le partage, il n'a d'action que sur les biens indivis selon les règles
du premier alinéa de l'article 815-17.
«
Art. 872. -
Les cohéritiers contribuent entre eux au paiement du
passif, chacun à proportion de son émolument.
«
Art. 873. -
Les légataires universels et à titre universel
contribuent pareillement entre eux, ou avec les héritiers, à proportion de ce
qu'ils recueillent.
«
Art. 874. -
Le légataire particulier n'est pas tenu du passif, sauf
toutefois l'action hypothécaire sur l'immeuble légué.
« Celui qui acquitte la dette dont l'immeuble légué était privé était grevé,
demeure subrogé aux droits des créanciers contre les héritiers et les
successeurs à titre universel.
«
Art. 875. -
Les créanciers d'un copartageant, pour éviter que le
partage ne soit fait en fraude de leurs droits, peuvent s'opposer à ce qu'il y
soit procédé hors de leur présence.
« Ils ne peuvent attaquer un partage consommé, à moins toutefois qu'il n'y ait
été procédé sans eux et au préjudice d'une opposition qu'ils auraient formée.
»
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Cet amendement concerne le règlement du passif.
Sur le fond, les solutions traditionnelles sont maintenues et, en premier
lieu, le principe de la division des poursuites entre les héritiers à
proportion de leur part héréditaire.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 38, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la
proposition de loi, après l'article 9.
Par amendement n° 39, M. About, au nom de la commission, propose d'insérer,
après l'article 9, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les articles 876 à 882 du code civil sont remplacés par les dispositions
suivantes :
« Section VIII
« Du rapport des dettes
«
Art. 876. -
Chaque copartageant fait rapport à la masse des dettes
dont il était tenu envers le défunt lorsqu'il ne s'en est pas volontairement
acquitté au cours de l'indivision.
«
Art. 877. -
Les coïndivisaires créanciers du rapport ne peuvent
exiger d'être payés avant le partage.
«
Art. 878. -
Les dettes non encore échues lors du partage n'en sont
pas moins sujettes à rapport.
«
Art. 879. -
Le rapport des dettes s'applique également à toutes les
sommes dont un copartageant est devenu débiteur en raison de l'indivision
envers ses coïndivisaires, à moins que ceux-ci n'en aient exigé le paiement
avant le partage, lorsque la créance est relative aux biens indivis.
«
Art. 880. -
Les sommes rapportables produisent intérêt au taux légal
s'il n'en a pas été convenu autrement.
« Ces intérêts courent depuis l'ouverture de la succession lorsque l'héritier
en était débiteur envers le défunt et, à compter du jour où la dette a pris
naissance, si elle est survenue en raison de l'indivision.
«
Art. 881. -
Lorsque le copartageant débiteur a lui-même des créances
à faire valoir, il n'est tenu au rapport que si, balance faite, le compte
présente un solde en faveur de la masse indivise.
«
Art. 882. -
Le rapport des dettes se fait en moins prenant. Si son
montant excède la quote-part du débiteur, il en doit le paiement sous les
conditions et délais qui affectaient l'obligation. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Il s'agit d'inscrire dans le code civil les solutions
jurisprudentielles concernant le rapport des dettes.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 39, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la
proposition de loi, après l'article 9.
Par amendement n° 40, M. About, au nom de la commission, propose d'insérer,
après l'article 9, un article additionnel ainsi rédigé :
« La section IV du chapitre VI du titre Ier du livre troisième du code civil
devient la section IX du chapitre VIII du titre Ier du livre troisième du code
civil et est ainsi rédigée :
« Section IX
« Des effets du partage
«
Art. 883
. - Chaque cohéritier est censé avoir succédé seul et
immédiatement à tous les effets compris dans son lot ou à lui échus sur
licitation et n'avoir jamais eu la propriété des autres effets de la
succession.
« Il en est de même des biens qui lui sont advenus par tout autre acte ayant
pour effet de faire cesser l'indivision. Il n'est pas distingué selon que
l'acte fait cesser l'indivision en tout ou partie, à l'égard de certains biens
ou de certains héritiers seulement.
« Toutefois, les actes valablement accomplis, soit en vertu d'un mandat des
coïndivisaires, soit en vertu d'une autorisation judiciaire, conservent leurs
effets quelle que soit, lors du partage, l'attribution des biens qui en ont
fait l'objet.
«
Art. 884
. - Les cohéritiers demeurent respectivement garants, les uns
envers les autres, des seuls troubles et évictions qui procèdent d'une cause
antérieure au partage.
« La garantie n'a pas lieu, si l'espèce d'éviction soufferte a été exceptée
par une clause particulière et expresse de l'acte de partage ; elle cesse si
c'est par sa faute que le cohéritier souffre l'éviction.
«
Art. 885
. - Chacun des cohéritiers est personnellement obligé, à
proportion de son émolument, d'indemniser le cohéritier évincé de la perte
qu'il a subie d'après la valeur du bien au jour de l'éviction.
« Si l'un des cohéritiers se trouve insolvable, la portion dont il est tenu
doit être répartie dans la même proportion entre le garanti et tous les
cohéritiers solvables.
«
Art. 886
. - L'action en garantie se prescrit par deux années à
compter de l'éviction ou de la découverte du trouble. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Cette section reprend les dispositions actuelles relatives
aux effets du partage.
Afin de sécuriser le partage, nous proposons de fixer à deux années le délai
imparti à l'héritier victime de troubles ou éviction pour agir en garantie
contre ses copartageants.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 40, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la
proposition de loi, après l'article 9.
Par amendement n° 41, M. About, au nom de la commission, propose d'insérer,
après l'article 9, un article additionnel ainsi rédigé :
« La section V du chapitre VI du titre Ier du livre troisième du code civil
devient la section X du chapitre VIII du titre Ier du livre troisième du code
civil et est ainsi rédigée :
« Section X
« Des actions en nullité du partage
ou en supplément de part
«
Art. 887. -
Les partages peuvent être annulés pour cause de violence
ou de dol.
« Ils peuvent aussi être annulés pour cause d'erreur, si l'erreur a porté sur
l'existence ou la quotité des droits des copartageants ou sur la propriété des
biens compris dans la masse partageable.
« S'il apparaît que les conséquences de la violence, du dol ou de l'erreur
peuvent être réparées autrement que par l'annulation du partage, le juge peut,
à la demande de l'une des parties, ordonner un partage complémentaire ou
rectificatif.
«
Art. 888. -
Lorsque l'un des cohéritiers établit avoir subi une
lésion de plus du quart, le complément de sa part héréditaire lui est fourni,
au choix du débiteur, soit en numéraire, soit en nature.
« Pour apprécier s'il y a eu lésion, on estime les objets suivant leur valeur
à l'époque du partage. Si, par effet des circonstances économiques, la valeur
de biens compris dans le partage a varié de plus d'un quart depuis la date de
sa réalisation, il en est tenu compte dans le calcul du complément de part.
«
Art. 889. -
L'action en complément de part se prescrit par deux ans à
compter du partage.
«
Art. 890. -
L'action en complément de part est admise contre tout
acte, quelle que soit sa dénomination, dont l'objet est de faire cesser
l'indivision entre cohéritiers.
« L'action n'est plus admise lorsqu'une transaction est intervenue à la suite
du partage ou de l'acte qui en tient lieu sur les difficultés réelles que
présentait ce partage ou cet acte.
«
Art. 891. -
L'action en complément de part n'est pas admise contre
une vente de droits successifs faite sans fraude à l'un des héritiers par ses
cohéritiers ou par l'un d'eux, lorsque la cession comporte un aléa défini dans
l'acte et expressément accepté par le cessionnaire.
«
Art. 892. -
Le cohéritier qui a aliéné son lot en tout ou partie
n'est plus recevable à intenter les actions fondées sur le dol, l'erreur, la
violence ou la lésion, si l'aliénation qu'il a faite est postérieure à la
découverte du dol, de l'erreur ou de la lésion, ou à la cessation de la
violence. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Nous souhaitons sécuriser le partage. Le texte que nous
proposons substitue donc à l'actuelle action en rescision pour lésion une
action nouvelle en complément de part.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 41.
M. Jean-Jacques Hyest.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Je regretterai éternellement que le mot « rescision » disparaisse !
(Sourires.)
M. Yves Fréville.
« Rescision pour cause de lésion » !
M. Jean-Jacques Hyest.
Pendant nos études de droit, nous avons été bercés avec cette notion, que nous
avions bien du mal à comprendre, et voilà qu'on la fait disparaître !
(Nouveaux sourires.)
Je ne suis pas sûr que le texte en soit plus clair.
En conséquence, je m'abstiendrai sur cet amendement.
(Nouveaux sourires.)
M. Nicolas About,
rapporteur.
Rassurez-vous : la notion se retrouve ailleurs !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 41, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la
proposition de loi, après l'article 9.
Par amendement n° 42, M. About, au nom de la commission, propose d'insérer,
après l'article 9, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 116 du code civil est ainsi rédigé :
«
Art. 116. -
Pour obtenir à l'égard du présumé absent les effets qu'il
aurait entre majeurs présents, le partage doit être fait en justice,
conformément aux dispositions des articles 817 et suivants.
« Toutefois, le juge des tutelles peut autoriser le partage, même partiel, à
l'amiable. A cet effet, une requête doit lui être présentée à laquelle est
joint un projet de partage. En autorisant ce partage, le juge des tutelles
désigne un notaire pour y procéder.
« Tout autre partage est réputé provisionnel. »
« II. - Le troisième alinéa de l'article 389-5 du même code est ainsi rédigé
:
« Même d'un commun accord, les parents ne peuvent ni vendre de gré à gré, ni
apporter en société un immeuble ou un fonds de commerce appartenant au mineur,
ni renoncer pour lui à un droit sans l'autorisation du juge des tutelles. La
même autorisation est requise pour le partage amiable. »
« III. - L'article 461 du même code est ainsi rédigé :
«
Art. 461. -
Lors même que la déclaration d'acceptation bénéficiaire
aurait été omise, la succession acceptée au nom d'un mineur ne l'est que sous
bénéfice d'inventaire.
« L'inventaire de patrimoine suffit à limiter l'obligation du mineur à l'actif
inventorié, sans qu'il soit nécessaire d'engager la procédure de liquidation,
sauf aux créanciers à en demander l'ouverture.
« Il n'y a jamais lieu à déchéance de bénéfice à l'encontre du mineur, mais
seulement à l'annulation des actes irrégulièrement accomplis et, le cas
échéant, à une action en responsabilité contre le tuteur. »
« IV. - L'article 462 du même code est ainsi rédigé :
«
Art. 462. -
Le conseil de famille, par une délibération spéciale,
peut autoriser le tuteur à accepter purement et simplement la succession, si
l'actif dépasse manifestement le passif.
« Le tuteur ne peut renoncer à la succession sans une autorisation du conseil
de famille. »
« V. - L'article 465 est ainsi rédigé :
«
Art. 465. -
Le tuteur ne peut, sans l'autorisation du conseil de
famille, introduire une demande de partage au nom du mineur ; mais il peut,
sans cette autorisation, répondre à une demande de partage dirigée contre le
mineur. »
« VI. - L'article 466 est ainsi rédigé :
«
Art. 466. -
Pour obtenir à l'égard du mineur tout l'effet qu'il
aurait entre majeurs, le partage doit être fait en justice, conformément aux
dispositions des articles 817 et suivants.
« Toutefois, le conseil de famille peut autoriser le partage, même partiel, à
l'amiable. A cet effet, un projet de partage doit lui être présenté. En
autorisant ce partage, le conseil de famille désigne un notaire pour y
procéder.
« Tout autre partage est réputé provisionnel. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Il s'agit d'assouplir les procédures en cas de tutelle et
d'absence.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 42, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la
proposition de loi, après l'article 9.
Par amendement n° 43, M. About, au nom de la commission, propose d'insérer,
après l'article 9, un article additionnel ainsi rédigé :
« A. - Le code civil est ainsi modifié :
« I. - L'article 1009 est ainsi rédigé :
«
Art. 1009.
- Le légataire universel en concours avec un héritier
auquel la loi réserve une quotité des biens est tenu des dettes de la
succession personnellement à proportion de sa part héréditaire.
« Il est tenu des legs particuliers à concurrence de l'émolument qui lui
échoit dans le partage, sauf le cas de réduction, ainsi qu'il est expliqué aux
articles 926 et 927. »
« II. - L'article 1130 est ainsi rédigé :
«
Art. 1130.
- Les choses futures peuvent être l'objet d'une obligation
hormis les cas prévus à l'article 722. »
« III. - L'article 515-6 est ainsi rédigé :
«
Art. 515-6.
- Les dispositions des articles 838-1, 838-2, 840 et 841
sont applicables au partenaire d'un pacte civil de solidarité. »
« IV. - Le 6° de l'article 2103 est ainsi rédigé :
« 6° Les créanciers et légataires d'une personne défunte, sur les immeubles de
la succession, pour la garantie des droits qu'ils tiennent de l'article 787.
« B. - Dans l'intitulé de la section II du chapitre II du titre Ier du livre
IV du code rural et dans le premier alinéa de l'article L. 412-14 du même code,
la référence : "832-3" est remplacée par la référence "839-4". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 43, repoussé par la Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la
proposition de loi, après l'article 9.
Par amendement n° 44, M. About, au nom de la commission, propose d'insérer,
après l'article 9, un article additionnel ainsi rédigé :
« Sont abrogés :
« 1° Les articles 110, le deuxième alinéa de l'article 815-5, l'article 1094-2
et l'article 1600 du code civil.
« 2° La loi du 20 novembre 1940 confiant à l'administration de
l'enregistrement la gestion des successions non réclamées et la curatelle des
successions vacantes.
« 3° Les dispositions spécifiques à l'administration des successions vacantes
dans les départements de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de la Réunion,
notamment le décret du 27 janvier 1855 et les textes qui l'ont modifié ;
toutefois, ces dispositions demeurent applicables, sous réserve de
l'application des articles 810-9 et 810-10 du code civil, aux successions
administrées selon le régime qu'elles définissent à la date de promulgation de
la présente loi. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Il s'agit également d'un amendement de coordination.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 44, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la
proposition de loi, après l'article 9.
Par amendement n° 45, M. About, au nom de la commission, propose d'insérer,
après l'article 9, un article additionnel ainsi rédigé :
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application de la
section V du chapitre V du titre Ier du livre III du code civil. Il fixe
notamment les conditions dans lesquelles un établissement industriel,
commercial ou agricole conserve, au sein du patrimoine successoral, l'autonomie
nécessaire à la poursuite de son exploitation. Il définit également, par
catégories de biens, les formes et conditions dans lesquelles le curateur
procède ou fait procéder aux aliénations des biens héréditaires aux enchères
publiques, avec publicité et concurrence, ou à l'amiable, dans l'intérêt de la
succession. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Cet amendement prévoit un décret d'application sur les
successions vacantes.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 45, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la
proposition de loi, après l'article 9.
Division additionnelle avant l'article 9 bis
M. le président.
Par amendement n° 46, M. About, au nom de la commission, propose d'insérer,
avant l'article 9
bis
, une division additionnelle ainsi rédigée : «
Chapitre IV. - Dispositions diverses ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Cet amendement se justifie par son texte même.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 46, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, une division additionnelle ainsi rédigée est insérée dans la
proposition de loi, avant l'article 9
bis
.
Article 9 bis
M. le président.
« Art. 9
bis.
- Un document comportant des informations pratiques sur
le droit de la famille et en particulier sur les droits du conjoint survivant
est annexé au livret de famille qui est délivré aux époux par l'officier d'état
civil au moment du mariage. »
« Les informations contenues dans ce document sont précisées par un décret en
Conseil d'Etat. »
Par amendement n° 47, M. About, au nom de la commission, propose de rédiger
ainsi cet article :
« Une information sur le droit de la famille, notamment sur les droits du
conjoint survivant, est délivrée au moment de l'accomplissement des formalités
préalables au mariage.
« Un document d'information sur le droit de la famille est annexé au livret de
famille.
« La teneur et les modalités de délivrance de cette information sont précisées
par un décret en Conseil d'Etat. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Il s'agit de déplacer en amont la délivrance de l'information
sur le droit de la famille en prévoyant qu'elle aura lieu au moment de
l'accomplissement des formalités et non pas au moment du mariage, qui n'est
peut-être pas adéquat.
Une information serait également annexée à tout livret de famille. Il
reviendra à un décret, donc à vous, madame le garde des sceaux, le soin de
préciser la teneur et les modalités de cette information.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Favorable. Je suis prête à me mettre au travail !
(Sourires.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 47, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 9
bis
est ainsi rédigé.
Articles additionnels après l'article 9 bis
M. le président.
Par amendement n° 51, M. Hyest propose d'insérer, après l'article 9
bis
, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le dernier alinéa de l'article 279 du code civil est complété par une phrase
ainsi rédigée : "Ils peuvent également demander la révision de la prestation
compensatoire sur le fondement des articles 275-1, 276-3 et 276-4". »
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
J'ai saisi l'occasion de cet examen d'une partie du droit de la famille pour
apporter une précision à la loi que nous avons votée sur la prestation
compensatoire.
Il semble en effet que, dans plusieurs jugements rendus par des tribunaux de
grande instance, les dispositions relatives à la révision de la prestation
compensatoire en matière de divorce aient été écartées au motif que la
convention de divorce homologuée par le juge ne comportait aucune disposition
sur ce point.
Cette interprétation des dispositions législatives n'est pas conforme aux
intentions du législateur. En effet, la modification de la rédaction des
articles 278 et 279 du code civil, relatifs à la prestation compensatoire en
cas de divorce sur requête conjointe, n'avait pas pour objet de remettre en
cause la jurisprudence, établie depuis 1985, selon laquelle les dispositions de
l'article 279 du code civil relatives à la révision de la prestation
compensatoire n'excluent pas la possibilité pour les parties, en l'absence de
dispositions spéciales, de demander l'application du droit commun de la
révision.
Cet amendement a donc pour objet de lever toute ambiguïté. S'il n'était pas
adopté, nous devrions attendre qu'une décision de la Cour de cassation confirme
sa jurisprudence antérieure.
Quand les juges ne comprennent pas, il faut bien les aider !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Nicolas About,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Sur cet amendement très intéressant, le Gouvernement
s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 51, accepté par la commission et pour lequel
le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la
proposition de loi, après l'article 9
bis
.
Par amendement n° 52, M. Hyest propose d'insérer, après l'article 9
bis
, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 21 de la loi n° 2000-596 du 30 juin 2000 relative à la
prestation compensatoire en matière de divorce, il est inséré un article ainsi
rédigé :
«
Art.
... - Les procédures visées aux articles 20 et 21 sont
applicables à toutes les prestations compensatoires attribuées avant l'entrée
en vigueur de la présente loi, qu'elles aient été fixées par le juge ou par
convention entre les époux, que ceux-ci aient ou non fait usage de la faculté
prévue dans le dernier alinéa de l'article 279 du code civil. »
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Nicolas About,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Sagesse.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 52, accepté par la commission et pour lequel
le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la
proposition de loi, après l'article 9
bis
.
Par amendement n° 54, Mme Michaux-Chevry et M. de Richemont proposent
d'insérer, après l'article 9
bis,
un article additionnel ainsi rédigé
:
« A. - Le dernier alinéa de l'article L. 50 du code des pensions civiles et
militaires de retraite est supprimé.
« B. - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant du A ci-dessus sont
compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux
droits prévus aux articles 403, 575 et 575 A du code général des impôts. »
Cet amendement est-il soutenu ?...
M. Nicolas About,
rapporteur.
La commission le reprend, monsieur le président.
M. le président.
Il s'agit donc de l'amendement n° 54 rectifié.
Veuillez le présenter, monsieur le rapporteur.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Cet amendement tend à supprimer le plafonnement des pensions
de réversion perçues par les veufs de femmes fonctionnaires. Il convient en
effet de corriger cette inégalité entre les veufs et les veuves.
Je sais bien que ce amendement pourrait tomber sous le coup de l'article 40 de
la Constitution, mais comment imaginer que le Gouvernement aille à l'encontre
d'une mesure d'égalité entre les veufs et les veuves ?
(Sourires.)
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Monsieur le rapporteur, il n'y a pas eu de réunion
interministérielle me permettant de lever le gage. Dans ces conditions,
prudemment, j'émettrai un avis défavorable.
(Nouveaux sourires.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 54 rectifié, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la
proposition de loi, après l'article 9
bis.
Article 10
M. le président.
« Art. 10. - Les dispositions de la présente loi, à l'exception des 1° et 4°
de l'article 1er, de l'article 9 et de celle créant l'article 767-3 du code
civil, entreront en vigueur le premier jour du septième mois suivant la
publication de celle-ci au
Journal officiel
de la République française.
»
Par amendement n° 48 rectifié, M. About, au nom de la commission, propose de
rédiger ainsi cet article :
« I. - La présente loi, sous réserve des exceptions prévues au III, entrera en
vigueur le premier jour du septième mois suivant sa publication au
Journal
officiel.
« II. - Ses dispositions seront applicables dans toutes les successions
ouvertes à compter de cette date, sous les exceptions suivantes :
« 1° Les causes de l'indignité successorale sont déterminées par la loi en
vigueur au jour où les faits ont été commis.
« Cependant, les 1° et 5° de l'article 727 du code civil, en tant que cet
article a rendu facultative la déclaration de l'indignité, seront applicables
aux faits qui ont été commis avant l'entrée en vigueur de la présente loi.
« 2° Les articles 776 et 777 du code civil seront applicables dans les
successions déjà ouvertes, ainsi que l'article 778 du même code, sans que
toutefois, dans ce dernier cas, la prescription extinctive de la faculté
d'option puisse être inférieure à dix ans à compter de l'entrée en vigueur de
la présente loi.
« 3° Sous réserve des accords amiables déjà intervenus et des décisions
judiciaires passées en force de chose jugée, le second alinéa de l'article 785
et l'article 822 seront applicables aux successions ouvertes avant l'entrée en
vigueur de la présente loi.
« 4° Les articles 887 à 892 du code civil seront applicables à tous les
partages postérieurs à l'entrée en vigueur de la présente loi.
« 5° La section IV "De l'acceptation sous bénéfice d'inventaire ou à
concurrence de l'actif" du chapitre V du titre Ier du livre III du code civil
sera applicable dans les successions déjà ouvertes, à moins que la déclaration
d'acceptation bénéficiaire au greffe n'ait déjà eu lieu avant l'entrée en
vigueur de la présente loi ; néanmoins, les articles 799 à 799-3 et 806 à 807-2
seront, dans tous les cas, applicables dès l'entrée en vigueur de la présente
loi.
« 6° Les dispositions des articles 810 à 810-12 seront applicables en tant que
de raison aux successions non réclamées et aux successions vacantes confiées au
service des domaines avant l'entrée en vigueur de la présente loi.
« 7° L'article 886 sera applicable dans les successions déjà ouvertes avant
l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que toutefois le délai imparti
pour l'action en garantie puisse être inférieur à deux années à compter de
l'entrée en vigueur de la présente loi.
« III. - 1° Le délai prévu au I n'est pas applicable :
« - à l'article 763 du code civil résultant de l'article 3 ;
« - à l'article 3
bis
;
« - à l'article 3
ter
A ;
« - aux II et III de l'article 8 ;
« - à l'ensemble des abrogations expresses ou tacites des dispositions
relatives aux droits des enfants naturels dont le père ou la mère était, au
temps de la conception, engagé dans les liens du mariage, résultant de
l'article 9 et de la nouvelle rédaction des articles 759 à 764 du code civil
opérée par les articles 2
bis
et 3 ;
« - à l'article 9
bis
A ;
« - aux articles 9
bis
à 9
quinquies.
« 2° Les dispositions des articles 763 du code civil et des II et III de
l'article 8 seront applicables aux successions ouvertes à compter de leur
entrée en vigueur.
« 3° Sous réserve des accords amiables déjà intervenus et des décisions
judiciaires passées en force de chose jugée, seront applicables aux successions
ouvertes avant leur entrée en vigueur :
« - les dispositions relatives aux nouveaux droits successoraux des enfants
naturels dont le père ou la mère était, au temps de la conception, engagé dans
les liens du mariage. Les attributions qui auraient été antérieurement faites
en vertu des articles 762 à 764 anciens du code civil sont converties de plein
droit en avancements d'hoirie ;
« - les dispositions du second alinéa de l'article 1527 du code civil
résultant de l'article 9
bis
A. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Nous confirmons que la loi est applicable au premier jour du
septième mois suivant sa publication, mais nous proposons une extension des
exceptions à l'entrée en vigueur différée pour un certain nombre de
dispositions. L'amendement a été rectifié sur ce point pour tenir compte des
articles additionnels adoptés par le Sénat.
De même, parmi les articles d'application immédiate, les abrogations relatives
aux enfants adultérins et celles qui sont relatives à l'action en retranchement
seront applicables aux successions déjà ouvertes à leur entrée en vigueur.
En outre, un certain nombre de dispositions réformant le droit des successions
seront applicables aux successions déjà ouvertes à la date d'entrée en vigueur
différée de la loi, dans un souci de régler au mieux les difficultés.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Je ne peux qu'être défavorable. C'est ma propre
coordination !
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 48 rectifié, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 10 est ainsi rédigé.
Article 10 bis
M. le président.
« Art. 10
bis
. - I. - Les dispositions des articles 1er à 6 et 8 à 10
de la présente loi sont applicables à Mayotte.
« II. - Les dispositions du II de l'article 7 de la présente loi sont
applicables en Polynésie française. »
Par amendement n° 49 rectifié, M. About, au nom de la commission, propose de
rédiger ainsi cet article :
« Les dispositions de la présente loi, à l'exception des articles 3
bis,
3
ter
A, 3
ter
et 7, sont applicables en Nouvelle-Calédonie,
en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et à Mayotte.
« L'article 7 est applicable en Polynésie française. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Il s'agit de l'application de la loi outre-mer.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 49 rectifié, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 10
bis
est ainsi rédigé.
Article 11 (supprimé)
M. le président.
L'article 11 a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Intitulé de la proposition de loi
M. le président.
Par amendement n° 50, M. About, au nom de la commission, propose de rédiger
ainsi l'intitulé de la proposition de loi : « Proposition de loi relative aux
droits du conjoint survivant et des enfants adultérins et réformant le droit
des successions ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Coordination.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Même avis défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 50, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'intitulé de la proposition de loi est ainsi rédigé.
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Je voudrais d'abord me féliciter du
climat qui a présidé à notre travail ce matin, même si le propos de Mme le
garde des sceaux m'est parfois apparu comme un peu sommaire.
(Sourires.)
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Je le reconnais !
(Nouveaux sourires.)
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
J'y ai toutefois trouvé - en
cherchant bien ! - un motif d'espérer, puisque vous nous avez dit, madame le
garde des sceaux, que ces questions devaient faire l'objet d'un « travail ».
Il reste que vous ne vous donnez pas les moyens d'accomplir ce travail. Non
que la chancellerie soit incapable de le mener à bien, mais le seul fait de
demander à l'Assemblée nationale d'examiner à nouveau ce texte, le 28 juin,
c'est-à-dire dans une semaine, laisse supposer qu'il n'y aura, en réalité,
aucun travail.
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Nous avons commencé !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Vous avez commencé, mais vous
n'aurez pas le temps de terminer. D'ici au 28 juin, rien ne progressera !
Nous avons attendu près de deux siècles pour modifier - et de manière ô
combien pertinente - le statut du conjoint survivant grâce à des initiatives
parlementaires, grâce à la conjonction de l'effort du Gouvernement et de notre
propre effort.
Dès lors, ne croyez-vous pas qu'il serait tout de même plus expédient de vous
laisser le temps des vacances ? Je ne sais si vous avez envie de consacrer vos
vacances aux problèmes du droit des successions et du conjoint survivant
(Sourires.)
mais, en tout état de cause, demander à l'Assemblée nationale
d'examiner ce texte en deuxième lecture le 28 juin reviendrait à lui appliquer
une pseudo-procédure d'urgence, et cela ne permettrait pas au Parlement de
faire du bon travail.
Or nous avons le souci, dans une affaire aussi importante, d'effectuer un
travail de qualité, et j'ai cru comprendre, certes au prix d'une quasi-exégèse
de vos propos
(Nouveaux sourires.)
, que vous y étiez prête.
L'Assemblée nationale a tant à faire d'ici à la fin de la session que vous
trouverez certainement autre chose pour l'occuper le 28 juin !
(Nouveaux sourires.)
Renvoyez donc ce texte aux jours heureux de la
rentrée, ce qui nous permettra d'y travailler dans des conditions beaucoup plus
satisfaisantes à tous égards !
M. le président.
Madame le garde des sceaux, j'espère que l'appel du 21 juin sera entendu !
(Rires.)
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Je comprends parfaitement l'interrogation de M. le
président Larché.
Je suis partagée entre l'envie de faire tout
a minima
pour que les
textes passent dans le court laps de temps qui nous reste et le désir
d'accomplir un travail
a maxima
à partir de ce qui a été fait au
Sénat.
Je ne tranche pas aujourd'hui. Vous comprendrez bien qu'il appartient à
l'ensemble du Gouvernement de régler ces difficiles problèmes de calendrier. Si
je suis certaine qu'en approfondissant les choses nous ne parviendrons pas à
terminer avant la fin de la législature, peut-être ne prendrai-je pas de
risque.
Monsieur le président Larché, je prends note de toutes vos critiques.
Convenez, de votre côté, que ma tâche n'est pas simple !
M. le président.
La parole est à Mme Borvo pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo.
La discussion qui s'achève montre combien il est finalement complexe de
revaloriser les droits du conjoint survivant.
Pour notre part, nous souhaitons en rester au principe qui sous-tendait le
texte transmis par l'Assemblée nationale. Il est clair qu'il avait en effet le
mérite de se limiter à régler ce problème - c'est urgent - tout en prenant
clairement position en faveur du mariage plutôt que du lignage.
Plus ambigu, le texte tel que modifié par le Sénat nous pose quelques
problèmes.
Par ailleurs, nous n'approuvons pas l'extension du champ de la proposition de
loi. Cela ne signifie pas que les propositions de la commission - M. le
rapporteur a beaucoup travaillé, et je ne vais pas le lui reprocher, bien au
contraire - ne soient pas nécessaires, mais je crois qu'elles n'ont pas leur
place dans ce texte de portée limitée.
Nous sommes donc dans une situation bien délicate, de sorte que, pour l'heure,
je m'abstiendrai.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.)
4
NOMINATION DE MEMBRES
DE COMMISSIONS
M. le président.
Je rappelle au Sénat que le groupe du Rassemblement pour la République a
présenté une candidature pour la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale
et une candidature pour la commission des affaires culturelles.
Le délai prévu par l'article 8 du règlement est expiré.
La présidence n'a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées et je proclame :
M. Roger Karoutchi membre de la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale,
en remplacement de M. Bernard Murat, démissionnaire ;
M. Bernard Murat membre de la commission des affaires culturelles, en
remplacement de M. Roger Karoutchi, démissionnaire.
L'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre
nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures cinq, est reprise à quinze heures
quinze.)
M. le président.
La séance est reprise.
5
COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président.
M. le président a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :
« Monsieur le président,
« Conformément à l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, j'ai l'honneur de
vous faire connaître que j'ai décidé de provoquer la réunion d'une commission
mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en
discussion de la proposition de loi portant amélioration de la couverture des
non-salariés agricoles contre les accidents du travail et les maladies
professionnelles.
« Je vous serais obligé de bien vouloir, en conséquence, inviter le Sénat à
désigner ses représentants au sein de cette commission.
« J'adresse ce jour, à M. le président de l'Assemblée nationale, une demande
tendant aux mêmes fins.
« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute
considération.
« Signé : Lionel Jospin »
Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l'article 12 du règlement.
6
ADHÉSION DE L'AUTRICHE,
DE LA FINLANDE ET DE LA SUÈDE
À UNE CONVENTION FISCALE
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 276, 1998-1999)
autorisant la ratification de la convention relative à l'adhésion de la
République d'Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède à la
convention relative à l'élimination des doubles impositions en cas de
correction des bénéfices d'entreprises associées. [Rapport n° 179
(2000-2001).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, les douzes Etats membres de la Communauté
européenne ont signé à Bruxelles, le 23 juillet 1990, la convention relative à
l'élimination des doubles impositions en cas de correction des bénéfices
d'entreprises associées.
Cette convention ne prévoyait pas de mécanisme d'adhésion pour les nouveaux
Etats membres de l'Union européenne. Il a donc fallu négocier une nouvelle
convention l'amendant afin de permettre à l'Autriche, à la Finlande et à la
Suède d'en être parties.
La convention du 23 juillet 1990 avait pour objet de régler de façon novatrice
un problème classique en droit fiscal international.
Les conventions fiscales internationales, conformes au modèle adopté par
l'OCDE en 1977, comportent des articles relatifs au règlement amiable en cas de
double imposition, par concertation entre les autorités compétentes des Etats
contractants. Cette procédure présente l'inconvénient de ne pas être
contraignante ni de fixer un délai maximal.
La convention du 23 juillet 1990 pallie ces inconvénients en prévoyant la mise
en oeuvre d'une convention consultative d'arbitrage si aucun accord n'a pu
intervenir entre autorités compétentes dans un délai de deux ans à la suite de
l'ouverture de la procédure amiable. Cette commission rend un avis dans un
délai de six mois. Les autorités fiscales disposent ensuite d'un délai de six
mois pour parvenir à un accord. Si aucun accord n'a été obtenu au terme de ce
délai, l'avis de la commission d'arbitrage s'impose alors à elles.
Ces procédures permettent de remédier tant aux situations de double imposition
juridique dans lesquelles un même contribuable est imposé dans deux Etats à
raison d'un même revenu qu'aux situations de double imposition économique dans
lesquelles deux contribuables différents, établis respectivement dans deux
Etats, sont imposés à raison du même revenu.
J'en viens aux dispositions nouvelles introduites dans ce dispositif par la
convention de 1995.
Outre les modifications apportées pour tenir compte de l'adhésion des trois
nouveaux Etats membres, le texte initial est complété par la mention des impôts
visés et des autorités compétentes dans chacun des nouveaux Etats membres.
Le procès-verbal de signature mentionne les déclarations unilatérales des
nouveaux Etats membres concernant l'article 8, qui définissent pour les
adhérents à la convention la notion de pénalités graves dont l'application peut
autoriser l'autorité compétente d'un Etat contractant à ne pas ouvrir la
procédure amiable ou à ne pas constituer la commission consultative, prévues
respectivement aux articles 6 et 7 de la convention du 23 juillet 1990.
La nouvelle convention garantit aux entreprises française qui réalisent des
opérations dans les trois nouveaux Etats membres un règlement rapide des
litiges fiscaux en matière de prix de transfert entre autorités compétentes,
ainsi que la certitude de l'élimination de la double imposition à l'expiration
d'une période de temps limitée.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les
principales observations qu'appelle la convention qui fait l'objet du projet de
loi aujourd'hui soumis à votre approbation.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Chaumont,
rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des
comptes économiques de la nation.
M. le ministre a parfaitement exposé les
raisons qui ont conduit le Gouvernement à signer cette convention relative à
l'adhésion de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède à la convention
relative à l'élimination des doubles impositions en cas de correction des
bénéfices d'entreprises associées.
Il a souligné sur quels points cette convention n'était pas totalement
conforme au modèle OCDE. Je n'y reviendrai donc pas.
J'indiquerai simplement que la commission des finances propose au Sénat
d'adopter l'article unique du projet de loi autorisant la ratification de cette
convention d'adhésion.
La commission constate que cette convention, qui a été signée le 21 décembre
1995, ne sera ratifiée par la France qu'en 2001, soit six ans plus tard. Avec
l'Irlande, la Belgique et la Grèce, la France fait figure de mauvais élève,
puisque nous sommes parmi les pays qui ont le plus tardé à ratifier cette
convention. Cette lenteur nous paraît regrettable. Nous souhaitons que, pour
les conventions futures ou pour les conventions déjà signées, de telles
lenteurs ne se produisent plus.
M. le président.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique.
Est autorisée la ratification de la convention
relative à l'adhésion de la République d'Autriche, de la République de Finlande
et du Royaume de Suède à la convention relative à l'élimination des doubles
impositions en cas de correction des bénéfices d'entreprises associées, faite à
Bruxelles le 21 décembre 1995 et dont le texte est annexé à la présente loi.
»
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
7
CONVENTION FISCALE AVEC LE BOTSWANA
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 62 rect.,
2000-2001) autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de
la République française et le Gouvernement de la République du Botswana, en vue
d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales
en matière d'impôts sur le revenu. [Rapport n° 180 (2000-2001).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
En l'occurrence, le
Gouvernement fait diligence puisque cette convention a été signée le 15 avril
1999. Vous le constatez, les délais se resserrent !
La France et le Botswana ne sont actuellement liés par aucune convention
fiscale. La convention soumise aujourd'hui à votre approbation remédie à cette
situation.
Ses dispositions vous sont déjà très largement connues puisqu'elles respectent
celles du modèle de convention fiscale de l'OCDE, hormis certains aménagements
habituellement retenus dans les conventions conclues par la France avec un pays
en développement et inspirées du modèle de convention fiscale des Nations
unies.
Parmi les caractéristiques essentielles de ce texte, il convient de signaler
que les taux de retenue à la source, applicables par un Etat aux intérêts et
dividendes versés à un résident de l'autre Etat, s'élèvent au maximum à 10 % ou
12 %, sous réserve du fait que, dans de nombreux cas, une imposition exclusive
des bénéfices dans l'Etat de résidence du bénéficiaire effectif est prévue. Par
ailleurs, un chantier de construction ou de montage sera considéré comme étant
un établissement stable dans l'Etat où il est situé dès lors que sa durée
dépasse six mois. La même règle est retenue s'agissant des installations ou
structures utilisées à des fins d'exploration de ressources naturelles. Enfin,
grâce à ses dispositions relatives à l'assistance administrative, la présente
convention permettra de lutter plus efficacement contre la fraude et l'évasion
fiscales entre les deux Etats.
Depuis son accession à l'indépendance, en 1966, le Botswana a connu une forte
croissance économique et est devenu l'un des pays en développement les plus
prospères. Son produit national brut par habitant, d'environ 3 000 dollars en
1995, a augmenté de plus de 8 % en 1999, et ce malgré un manque de
diversification qui fragilise un peu une économie globalement saine.
C'est pourquoi il convenait de mettre en place un cadre juridique sûr et
stable pour développer la présence française dans ce pays à découvrir pour nos
entreprises. En effet, celle-ci demeure encore modeste. Y sont implantées,
notamment, les sociétés Air Liquide, Total, Rhône-Mérieux et BIC. Notre part de
marché est située loin derrière celle de l'Afrique du Sud et de nos principaux
concurrents européens, comme l'Allemagne ou la Grande-Bretagne.
Le Botswana présente un réel potentiel pour nos entreprises, notamment dans
les domaines du traitement des eaux, de l'aéronautique et du tourisme ainsi que
dans le secteur ferroviaire.
Il convenait donc d'accompagner l'implantation des entreprises françaises dans
un pays africain qui connaît un régime politique stable et pluraliste. Le
présent accord vient concrétiser ce projet.
Enfin, il permet de compléter le réseau conventionnel français dans une région
où les économies sont fortement intégrées, la France ayant récemment conclu une
convention fiscale avec l'Afrique du Sud, le Zimbabwe et la Namibie.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les
principales observations qu'appelle la présente convention entre le
Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du
Botswana en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la
fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu, signée le 15 avril 1999, et
qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui soumis à votre approbation,
conformément à l'article 53 de la Constitution.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Chaumont,
rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des
comptes économiques de la nation.
M. le ministre vient de souligner le
dynamisme du Botswana, qui est un pays dont les structures économiques sont
particulièrement intéressantes et que la Compagnie française d'assurance pour
le commerce extérieur, la COFACE, a classé parmi les tout premiers pays
africains. Aussi, nous pouvons estimer que, dans les années à venir, les
entreprises françaises continueront à marquer leur intérêt pour ce pays, et
qu'elles seront de plus en plus nombreuses à le faire.
M. le ministre a parfaitement exposé les dispositions qui sont prévues par
cette convention. Je voudrais simplement ajouter un point. La convention
franco-botswanaise s'écarte du modèle de l'OCDE, outre les points évoqués par
le ministre, en prévoyant une dérogation à la définition de la résidence. En
effet, à la différence des modèles internationaux de convention fiscale,
l'article 4 prévoit une dérogation à la définition traditionnelle de la
résidence, dans la mesure où la France ne considère un citoyen botswanais comme
un résident de cet Etat, aux fins de l'application de la convention, que
lorsque cette personne y séjourne à titre principal ou serait un résident du
Botswana et non d'un Etat tiers.
Cette précision est importante, car elle est destinée à faire échec à une
disposition particulière de la législation fiscale botswanaise aux termes de
laquelle sont considérés comme résidents tous les nationaux de cet Etat ainsi
que les bénéficiaires de pensions de source botswanaise. Ainsi, un
ressortissant botswanais domicilié dans un Etat tiers, en général, et dans un
paradis fiscal, en particulier, ne pourra bénéficier des dispositions
favorables prévues dans cette convention.
La commission des finances a donné son accord à l'approbation de cette
convention fiscale, et je vous invite, mes chers collègues, à suivre cet
avis.
M. le président.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
«
Article unique. -
Est autorisée l'approbation de la convention entre
le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République
du Botswana en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et
la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu, signée à Gaborone le 15
avril 1999 et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
8
AVENANT À UNE CONVENTION FISCALE
AVEC L'ÉGYPTE
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 99, 2000-2001)
autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de
la République française et le Gouvernement de la République arabe d'Egypte en
vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en
matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune du 19 juin 1980. [Rapport n°
178 (2000-2001).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, la France et l'Egypte ont conclu au Caire,
le 1er mai 1999, un avenant à la convention fiscale franco-égyptienne du 19
juin 1980, essentiellement dans le but d'actualiser cette convention.
En effet, depuis 1980, sous l'autorité du président Moubarak, l'Egypte a
entrepris de libéraliser graduellement son économie et a consenti à certains de
ses partenaires économiques des dispositions conventionnelles plus favorables
que celles qui nous lient en matière fiscale avec ce pays. Il convenait donc
d'éviter de laisser nos opérateurs économiques s'installer dans une position
peu concurrentielle et de leur permettre de se repositionner à leur avantage
sur le marché égyptien.
Par ailleurs, la France entretient des relations commerciales très dynamiques
avec l'Egypte : plus d'une centaine d'entreprises sont en effet actives sur ce
marché - dans l'hôtellerie, ACCOR constitue le premier groupe égyptien ; dans
le secteur bancaire, la Société générale et la BNP sont très actives et, dans
le secteur industriel, Peugeot, Schneider et Vittel sont solidement implantés -
dont une trentaine sont associées à des partenaires égyptiens.
La France figure donc parmi les premiers investisseurs étrangers dans ce
pays.
A titre d'exemple récent, j'indique que France Télécom a investi 1,5 milliard
de francs dans le développement d'un réseau de téléphonie mobile.
J'ajouterai que la France dégage traditionnellement un excédent commercial
élevé - le premier hors OCDE - d'ailleurs en constante augmentation : nos
exportations sont ainsi passées de 4,8 milliards de francs, en 1994, à 8,5
milliards de francs en 1998. Notre part de marché s'établit à 8,1 %, derrière
celle des Etats-Unis - 19,7 % - et celle de l'Allemagne - 9,5 %.
Enfin, de grandes réalisations françaises, tel le métro du Caire, contribuent
fortement à notre image.
Cependant, nos ventes connaissant un certain essoufflement et, l'Egypte devant
faire face à un sensible ralentissement économique, l'actualisation de la
convention fiscale ne sera que bénéfique pour relancer nos échanges.
Sur le plan des principes, le présent avenant accorde un traitement
sensiblement identique à celui que réserve l'Egypte aux principaux Etats
membres de l'OCDE ayant conclu une convention fiscale avec ce pays. Il
permettra d'assurer un cadre juridique stable au bénéfice de nos échanges
commerciaux, industriels et culturels.
C'est ainsi qu'il permet à la France d'appliquer les dispositions de sa
législation fiscale en ce qui concerne les sociétés à prépondérance
immobilière. Il pose également le principe de l'imposition exclusive des
dividendes dans l'Etat de résidence de leur bénéficiaire effectif. Le taux de
la retenue à la source sur les intérêts passe de 25 % à 15 %, alignant ainsi la
France sur les dispositions prévues entre ses principaux partenaires européens
et l'Egypte.
De même, le régime fiscal applicable aux redevances est modifié : la retenue à
la source est uniformément limitée à 15 % de leur montant brut contre 15 % ou
25 % selon les cas.
Enfin, il convient de noter que l'avenant modifie le régime actuellement
applicable en matière d'élimination de la double imposition, en étendant
notamment l'octroi d'un crédit d'impôt.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les
principales dispositions de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de
la République française et le Gouvernement de la République arabe d'Egypte en
vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en
matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, qui a été signé au Caire le
1er mai 1999 et qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui soumis à votre
approbation, conformément à l'article 53 de la Constitution.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Chaumont,
rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des
comptes économiques de la nation.
Vous venez, monsieur le ministre, de
souligner l'ancienneté et la richesse des relations entre la République arabe
d'Egypte et notre pays.
Comme vous l'avez indiqué, la France se place, sur le marché égyptien,
derrière les Etats-Unis et l'Allemagne ; mais elle devance l'Italie, le
Royaume-Uni et le Japon. Les entreprises françaises sont particulièrement
dynamiques dans cette région du monde.
Par conséquent, il était heureux que nous parvenions à trouver, avec les
Egyptiens, un accord permettant aux entreprises et investisseurs français
d'être soumis au régime le plus favorable qui avait été accordé aux principaux
pays européens ou aux Etats-Unis. Avec cette convention, c'est chose faite.
Vous avez rappelé, monsieur le ministre, les principaux éléments de cet
accord, et je ne les reprendrai pas. Je voudrais néanmoins indiquer, mes chers
collègues, que la commission des finances, après avoir étudié attentivement ce
projet de convention, a émis un avis favorable à son approbation. C'est
pourquoi je vous invite à adopter ce projet de loi.
M. le président.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
«
Article unique.
- Est autorisée l'approbation de l'avenant à la
convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement
de la République arabe d'Egypte en vue d'éviter les doubles impositions et de
prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune
du 19 juin 1980, signé au Caire le 1er mai 1999 et dont le texte est annexé à
la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
9
TEXTES SOUMIS AU SÉNAT
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4
DE LA CONSTITUTION
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice
2002, volume 1 (Etat général des recettes, financement du budget général,
effectifs, patrimoine immobilier).
Ce texte sera imprimé sous le numéro E-1739 (annexe 12) et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice
2002, volume 4, tome I, section III Commission, partie A (crédits de
fonctionnement) ; partie B (crédits opérationnels).
Ce texte sera imprimé sous le numéro E-1739 (annexe 13) et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice
2002, section III, Commission, crédits opérationnels, sous-section B 3,
formation jeunesse, culturel, audiovisuel, information, dimension sociale et
emploi.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E-1739 (annexe 14) et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice
2002, section III, Commission, crédits opérationnels, sous-section B 2.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E-1739 (annexe 15) et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice
2002, section III, Commission, crédits opérationnels sous-section B7, actions
extérieures.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1739 (annexe 16) et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Initiative du Royaume de Suède visant à adopter l'acte du Conseil portant
modification de l'acte du Conseil du 12 mars 1999 arrêtant les règles relatives
à la transmission de données à caractère personnel par Europol à des Etats et
des instances tiers : Actes législatifs et autres instruments.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1749 et distribué.
10
DÉPÔT DE RAPPORTS
M. le président.
J'ai reçu de M. Philippe François, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait
au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les
dispositions restant en discussion du projet de loi d'orientation sur la
forêt.
Le rapport sera imprimé sous le n° 403 et distribué.
J'ai reçu de MM. Claude Huriet, Bernard Seillier, Alain Gournac et Mme Annick
Bocandé un rapport fait au nom de la commission des affaires sociales sur le
projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième
lecture, de modernisation sociale (n° 384, 2000-2001).
Le rapport sera imprimé sous le n° 404 et distribué.
J'ai reçu de M. Xavier de Villepin un rapport fait au nom de la commission des
affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi,
adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification du traité de Nice
modifiant le traité sur l'Union européenne, les traités instituant les
Communautés européennes et certains actes connexes (n° 373, 2000-2001).
Le rapport sera imprimé sous le n° 406 et distribué.
J'ai reçu de M. Jean Bizet un rapport fait au nom de la commission des
affaires économiques et du Plan sur la proposition de résolution (n° 24,
2000-2001) présentée en application de l'article 73
bis
du règlement par
M. Jean Bizet au nom de la délégation pour l'Union européenne sur le Livre
blanc sur la sécurité alimentaire (E-1405) et sur les propositions de
règlements et de directive du Parlement européen et du Conseil relatives à
l'hygiène des denrées alimentaires (E-1529).
Le rapport sera imprimé sous le n° 407 et distribué.
11
DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION
M. le président.
J'ai reçu de M. Jean-Paul Emorine un rapport d'information fait au nom de la
commission des affaires économiques et du Plan par la mission d'information sur
la lutte contre l'épizootie de fièvre aphteuse.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 405 et distribué.
12
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au lundi 25 juin 2001, à seize heures et, éventuellement, le soir :
1. Nomination d'un membre de la délégation du Sénat aux droits des femmes, et
à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, en remplacement de M.
Guy-Pierre Cabanel, démissionnaire ;
2. Discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi (n° 376, 2000-2001),
adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture,
portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel.
Rapport (n° 390, 2000-2001) de MM. Louis Souvet, Alain Vasselle, André
Jourdain et Jean-Louis Lorrain, fait au nom de la commission des affaires
sociales.
Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 22 juin 2001, à dix-sept
heures.
3. Discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi (n° 256,
2000-2001), adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième
lecture, relative à la lutte contre les discriminations.
Rapport (n° 391, 2000-2001) de M. Louis Souvet, fait au nom de la commission
des affaires sociales.
Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 22 juin 2001, à dix-sept
heures.
Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements
Deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée
nationale en deuxième lecture, de modernisation sociale (n° 384, 2000-2001)
:
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
lundi 25 juin 2001, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 25 juin 2001, à dix-sept
heures.
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification du
traité de Nice modifiant le traité sur l'Union européenne, les traités
instituant les Communautés européennes et certains actes connexes (n° 373,
2000-2001) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
mercredi 27 juin 2001, à dix-sept heures.
Deuxième lecture, sous réserve de sa transmission, de la proposition de loi
organique relative aux lois de finances (AN, n° 3139) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 27 juin 2001, à dix-sept
heures.
Nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale avec
modifications en nouvelle lecture, portant règlement définitif du budget 1998
(n° 365, 2000-2001) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 27 juin 2001, à dix-sept
heures.
Deuxième lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en
deuxième lecture, portant règlement définitif du budget 1999 (n° 366,
2000-2001) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 27 juin 2001, à dix-sept
heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à quinze heures trente-cinq.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
NOMINATIONS DE MEMBRES
DE COMMISSIONS PERMANENTES
Dans sa séance du jeudi 21 juin 2001, le Sénat a nommé :
M. Roger Karoutchi membre de la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale,
en remplacement de M. Bernard Murat, démissionnaire ;
M. Bernard Murat membre de la commission des affaires culturelles, en
remplacement de M. Roger Karoutchi, démissionnaire.