SEANCE DU 19 JUIN 2001
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Avenant à une convention de sécurité sociale avec la Côte d'Ivoire.
- Adoption d'un projet de loi (p.
1
).
Discussion générale : M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et
à la francophonie ; Mme Paulette Brisepierre, rapporteur de la commission des
affaires étrangères.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.
3.
Protocole à la convention pour la protection et la mise en valeur du milieu
marin de la région des Caraïbes.
- Adoption d'un projet de loi (p.
2
).
Discussion générale : MM. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération
et à la francophonie ; André Rouvière, en remplacement de M. André Boyer,
rapporteur de la commission des affaires étrangères.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
4.
Accord avec la Suisse concernant l'interprétation de la convention relative au
service militaire des doubles nationaux.
- Adoption d'un projet de loi (p.
3
).
Discussion générale : MM. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération
et à la francophonie ; Robert Del Picchia, rapporteur de la commission des
affaires étrangères.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.
5.
Protocole portant amendement à la convention européenne sur la télévision
transfrontière.
- Adoption d'un projet de loi (p.
4
).
Discussion générale : MM. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération
et à la francophonie ; Guy Penne, rapporteur de la commission des affaires
étrangères.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.
6.
Convention d'entraide judiciaire en matière pénale avec la République
dominicaine.
- Adoption d'un projet de loi (p.
5
).
Discussion générale : MM. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération
et à la francophonie ; André Rouvière, en remplacement de M. Hubert
Durand-Chastel, rapporteur de la commission des affaires étrangères.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.
7.
Convention d'entraide judiciaire en matière pénale avec l'Argentine.
- Adoption d'un projet de loi (p.
6
).
Discussion générale : MM. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération
et à la francophonie ; Robert Del Picchia, rapporteur de la commission des
affaires étrangères.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.
8.
Protocole à l'accord avec la Russie relatif à la coopération dans le domaine de
l'exploration et de l'utilisation de l'espace.
- Adoption d'un projet de loi (p.
7
).
Discussion générale : MM. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération
et à la francophonie ; Xavier Pintat, rapporteur de la commission des affaires
étrangères.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.
9.
Convention d'entraide judiciaire en matière pénale avec Cuba.
- Adoption d'un projet de loi (p.
8
).
Discussion générale : MM. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération
et à la francophonie ; André Rouvière, rapporteur de la commission des affaires
étrangères.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.
10.
Accord avec le Luxembourg portant rectification de la frontière
franco-luxembourgeoise.
- Adoption d'un projet de loi (p.
9
).
Discussion générale : MM. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération
et à la francophonie ; Robert Del Picchia, rapporteur de la commission des
affaires étrangères.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.
Suspension et reprise de la séance (p. 10 )
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
11.
Conférence des présidents
(p.
11
).
12.
Mise au point au sujet d'un vote
(p.
12
).
MM. Paul Loridant, le président.
13.
Allocation personnalisée d'autonomie.
- Rejet d'un projet de loi en nouvelle lecture (p.
13
).
Discussion générale : Mme Paulette Guinchard-Kunstler, secrétaire d'Etat aux
personnes âgées ; MM. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires
sociales ; Roland Huguet, Guy Fischer, Jean-Louis Lorrain, Jean-Pierre
Fourcade.
Clôture de la discussion générale.
Question préalable (p. 14 )
Motion n° 1 de la commission. - M. le rapporteur, Mmes Claire-Lise Campion, le
secrétaire d'Etat, M. Alain Joyandet. - Adoption, par scrutin public, de la
motion entraînant le rejet du projet de loi.
14.
Allocation d'autonomie pour les jeunes.
- Adoption d'une proposition de loi (p.
15
).
Discussion générale : Mme Ségolène Royal, ministre délégué à la famille, à
l'enfance et aux personnes handicapées ; M. Roland Muzeau, rapporteur de la
commission des affaires sociales ; Mme Claire-Lise Campion, M. Guy Fischer.
Clôture de la discussion générale.
Article unique (p. 16 )
M. Alain Joyandet.
Adoption de l'article unique de la proposition de loi.
Suspension et reprise de la séance (p. 17 )
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
15.
Orientation budgétaire.
- Débat sur une déclaration du Gouvernement (p.
18
).
MM. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;
Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances ; Alain
Lambert, président de la commission des finances.
Suspension et reprise de la séance (p. 19 )
MM. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales ; Jean
François-Poncet, président de la commission des affaires économiques ;
Jean-Pierre Fourcade, Mme Nicole Borvo, MM. Bernard Angels, Josselin de
Rohan.
MM. le ministre, le rapporteur général.
Renvoi de la suite de la discussion.
16.
Dépôt d'une proposition de loi
(p.
20
).
17.
Transmission de propositions de loi
(p.
21
).
18.
Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
(p.
22
).
19.
Ordre du jour
(p.
23
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
AVENANT À UNE CONVENTION DE SÉCURITÉ SOCIALE AVEC LA CÔTE D'IVOIRE
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 399, 1999-2000)
autorisant l'approbation de l'avenant n° 2 à la convention de sécurité sociale
du 16 janvier 1985 entre le Gouvernement de la République française et le
Gouvernement de la République de Côte d'Ivoire. [Rapport n° 162
(2000-2001)].
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin,
ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
Monsieur le
président, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, signée le
16 janvier 1985, la convention franco-ivoirienne de sécurité sociale répond aux
souhaits des deux parties d'encourager leurs échanges économiques et, à cette
fin, d'organiser la coordination des régimes de sécurité sociale de leurs
ressortissants. Cette coordination permettait d'éviter les ruptures de
protection sociale pour les expatriés en ce qui concerne les assurances
maternité, accidents du travail, vieillesse et les prestations familiales
existant dans les deux Etats.
Malgré la signature d'un premier avenant en 1989, il est apparu nécessaire de
trouver de nouveaux ajustements aux difficultés d'application du chapitre
vieillesse. En effet, les assurés français pensionnés du régime ivoirien de
protection sociale se plaignaient de retards importants dans la liquidation ou
le versement de leurs pensions acquises au titre de leur activité
professionnelle en Côte d'Ivoire. En conséquence, la France et la Côte d'Ivoire
ont signé, le 15 décembre 1998, un second avenant à la convention de sécurité
sociale, destiné à répondre aux difficultés d'application du chapitre
vieillesse et à modifier le fonctionnement de la procédure de détachement.
Ainsi, l'avenant n° 2 modernise le droit d'option qui permet au travailleur de
faire procéder au transfert des cotisations d'assurance vieillesse versées dans
l'Etat d'activité vers l'Etat d'origine afin d'y acquérir des droits à pension
de façon exclusive en modulant les dispositions financières et administratives
pour mieux prendre en compte la situation des assurés proches de l'âge de la
retraite.
Désormais, les personnes âgées de cinquante-cinq ans et plus, qui cessent de
relever à titre obligatoire du régime de l'Etat d'accueil, ne se verront plus
opposer la condition de départ dudit Etat et pourront faire procéder au
transfert immédiat des cotisations une fois leur demande devenue irrévocable.
En revanche, le départ de l'Etat d'accueil demeure exigé pour les personnes
n'ayant pas atteint l'âge de cinquante-cinq ans, qui pourront obtenir le
transfert des cotisations deux ans après l'expiration du délai
d'irrévocabilité.
En outre, l'avenant permet le paiement des pensions de vieillesse françaises
et ivoiriennes, quel que soit le lieu de résidence des intéressés : France,
Côte d'Ivoire ou tout autre Etat.
Cet instrument modifie également la procédure de gestion de prolongation du
détachement, procédure dérogatoire qui permet aux salariés envoyés d'exercer
momentanément leur activité professionnelle dans l'autre Etat et de rester
affiliés au régime de sécurité sociale du premier Etat pendant une période
initiale de deux ans. Il autorise désormais une prolongation pendant une
nouvelle période de deux ans, sous réserve toutefois de l'accord des autorités
compétentes ou de leurs organismes désignés.
Telles sont, monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames, messieurs
les sénateurs, les principales dispositions de l'avenant n° 2 à la convention
de sécurité sociale du 16 janvier 1985 entre le Gouvernement de la République
française et le Gouvernement de la République de la Côte d'Ivoire, signé à
Abidjan le 15 décembre 1998, et qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui
proposé à votre approbation, conformément à l'article 53 de la Constitution.
M. le président.
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Paulette Brisepierre,
rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, l'avenant à la convention de sécurité sociale franco-ivoirienne est
indiscutablement une avancée et constitue enfin une première réponse positive à
la demande de nos compatriotes qui ont cotisé auprès de la caisse de retraite
ivoirienne.
Même si l'effort engagé doit non seulement être poursuivi mais complété, le
présent accord répond incontestablement à une attente forte. Il faut en effet
rappeler que la situation des pensionnés français des caisses de retraite des
Etats d'Afrique francophone, auprès desquelles ils ont cotisé au cours d'une
activité professionnelle exercée dans cette zone, s'est profondément dégradée
au cours de ces dernières années.
D'une part, en effet, le niveau des retraites a été divisé par deux à la suite
de la dévaluation du franc CFA en 1994 et, d'autre part, les difficultés
financières rencontrées par les régimes d'assurance vieillesse africains
rendent parfois très aléatoire le versement des pensions. Or celles-ci
constituent souvent la source principale de revenus pour certains de nos
compatriotes qui se trouvent dès lors réduits à une situation de grande
précarité.
Les intéressés se sont, à juste titre, sentis abandonnés par les pouvoirs
publics français, dont le rôle et la responsabilité furent pourtant décisifs
dans la décision de dévaluer, et exclus du principe de solidarité nationale qui
constitue indiscutablement le fondement de notre régime de sécurité sociale.
De nombreuses voix se sont fait entendre, en particulier au sein de notre
Haute Assemblée, pour appeler le Gouvernement à prendre ses responsabilités
face à ce douloureux problème.
La conclusion de l'avenant, soumis aujourd'hui à notre examen, constitue une
initiative positive, car elle permettra - comme vous l'avez indiqué, monsieur
le ministre - d'améliorer le droit d'option, c'est-à-dire la possibilité, pour
le retraité français, de percevoir une pension de retraite unique, versée par
la France, grâce au transfert de cotisations de la caisse de retraite
ivoirienne vers le régime d'assurance vieillesse français. Le progrès
indéniable qu'apporte ce dispositif devra cependant être complété dans les
années à venir.
D'abord, le transfert des cotisations dépend naturellement de la situation
financière du régime d'assurance vieillesse de Côte d'Ivoire. Or la caisse de
prévoyance sociale ivoirienne connaît depuis 1993 de graves difficultés. L'Etat
ivoirien n'a pas hésité, en effet, à utiliser les ressources de cette caisse
sous forme d'emprunts jamais remboursés. La situation s'est encore dégradée à
la suite de la crise actuelle. D'une manière plus générale, la situation des
caisses de retraite africaines doit retenir toute l'attention des pouvoirs
publics français.
Il est donc non seulement essentiel, mais logique et équitable, que, dans le
cadre des accords d'annulation de dette, notre pays demande à nos partenaires
africains d'utiliser une partie des ressources dégagées par ces annulations
pour honorer les obligations contractées par leur régime de sécurité sociale
tant vis-à-vis de nos compatriotes que de leurs ressortissants.
La procédure du droit d'option n'existe actuellement qu'avec deux pays
africains : la Côte d'Ivoire et le Mali. Elle peut être étendue rapidement au
Gabon, et il est essentiel que ce dispositif se généralise avec tous les pays
africains comptant une présence française.
Au-delà de la seule question des pensions, à l'heure où l'action des Français
établis à l'étranger est reconnue comme un des facteurs essentiels du
rayonnement économique et culturel de notre pays, ne serait-il pas temps de
réfléchir enfin aux moyens de rapprocher leur protection de celle qui prévaut
sur le territoire national et de prendre rapidement les mesures qui s'imposent
pour atteindre cet objectif ?
Les intérêts de notre communauté française établie en Côte d'Ivoire sont
évidemment étroitement liés aux évolutions intérieures de ce pays. Je ne peux
donc conclure cet exposé, monsieur le ministre, sans évoquer la grave
préoccupation que nous inspire la situation que traverse actuellement la Côte
d'Ivoire.
La crise dans laquelle ce superbe pays se trouve plongé depuis le coup d'Etat
militaire du 24 décembre 1999 menace d'abord de ruiner les acquis de quatre
décennies de stabilité et de prospérité, même si celle-ci a connu des
fluctuations au fil des ans à la suite de conjonctures économiques parfois
contrastées.
Ensuite, compte tenu du poids politique et économique de la Côte d'Ivoire dans
son environnement régional, les évolutions actuelles pourraient avoir de graves
répercussions dans les pays voisins dont les équilibres sont fragiles.
La coopération entre la Côte d'Ivoire et la France avait valeur d'exemple.
Notre pays doit certes se garder de toute ingérence dans les affaires
intérieures ivoiriennes, mais il ne saurait cependant se désengager d'un pays
avec lequel nous avons toujours entretenu des relations de confiance et
d'amitié et où nous comptons quelque 20 000 ressortissants, soit l'une des plus
importantes communautés françaises établies en Afrique.
C'est au bénéfice de ces observations que votre commission vous invite, mes
chers collègues, à adopter le présent projet de loi.
M. le président.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
«
Article unique.
- Est autorisée l'approbation de l'avenant n° 2 à la
convention de sécurité sociale du 6 janvier 1985 entre le Gouvernement de la
République française et le Gouvernement de la République de Côte d'Ivoire,
signé à Abidjan le 15 décembre 1998, et dont le texte est annexé à la présente
loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
3
PROTOCOLE À LA CONVENTION POUR LA PROTECTION ET LA MISE EN VALEUR DU MILIEU
MARIN DE LA RÉGION DES CARAÏBES
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 19, 2000-2001)
autorisant l'approbation du protocole relatif aux zones et à la vie sauvage
spécialement protégées à la convention pour la protection et la mise en valeur
du milieu marin de la région des Caraïbes (ensemble trois annexes). [Rapport n°
161 (2000-2001).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin,
ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
Monsieur le
président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, dans le
cadre de la convention pour la protection et la mise en valeur du milieu marin
de la région des Caraïbes, dite « convention de Carthagène » du 24 mars 1983,
la France et treize autres Etats parties à la convention ont signé, le 18
janvier 1990, un protocole relatif aux zones et à la vie sauvage spécialement
protégées. Des annexes complétant ce protocole ont été adoptées le 11 juin 1991
et sont intégrées au texte qui est aujourd'hui soumis à votre approbation.
Négocié dans le cadre du programme pour les mers régionales, entrepris à
partir de 1974 par le programme des Nations unies pour l'environnement, le
PNUE, ce protocole est consacré à la conservation de la biodiversité et à la
préservation des espaces naturels côtiers, dans un rayon de 200 milles marins à
partir des côtes atlantiques des Etats membres, et au milieu marin de la région
des Caraïbes.
Ce texte prévoit l'établissement d'une liste de sites inscrits sur proposition
de chaque Etat partie et la gestion d'un réseau de zones protégées à préserver,
maintenir ou restaurer.
Le protocole s'efforce d'assurer la protection de la biodiversité des espèces
animales et végétales de la région par l'établissement, d'une part, d'une liste
d'espèces menacées ou en voie d'extinction qui sont totalement protégées et,
d'autre part, d'une seconde liste recensant les espèces végétales et animales
dont l'exploitation est autorisée, sous réserve de rendre cette utilisation
écologiquement et économiquement renouvelable.
L'intérêt de la France pour ce protocole tient principalement à la nécessité
de ne pas voir les efforts faits par nos trois départements d'outre-mer ruinés
par les pratiques contraires d'un Etat voisin.
Ces trois départements disposent de réalisations remarquables en matière
d'espaces protégés côtiers et marins, et d'intéressants projets dans le cadre
du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres.
Ce facteur a été reconnu par nos partenaires caraïbes, qui ont donné un mandat
au PNUE pour négocier avec la France la mise en place d'un centre d'activité
régional Antilles-Guyane, le CARAG, en vue de gérer le réseau d'espaces
protégés qui sera mis en place. Le CARAG sera basé dans le Parc national de la
Guadeloupe, en coopération avec l'université des Antilles-Guyane. Ce réseau
permettra une mise en commun des expériences pour la gestion des zones côtières
et marines, la France apportant son savoir-faire en la matière.
En définitive, ce protocole confortera la bonne gestion écologique de nos
trois départements d'outre-mer et renforcera leur intégration dans leur
environnement régional.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames,
messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle le protocole
relatif aux zones et à la vie sauvage spécialement protégées, qui fait l'objet
du projet de loi aujourd'hui soumis à votre approbation.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. André Rouvière
en remplacement de M. André Boyer, rapporteur de la commission des affaires
étrangères, de la défense et des forces armées.
Monsieur le président,
monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur le
dispositif du protocole du 18 janvier 1990 qui vient de vous être présenté de
manière détaillée. Je m'attacherai simplement à souligner l'importance des
actions entreprises par la France pour la protection des milieux littoraux et
marins dans ses départements d'outre-mer : la Guyane, la Martinique et la
Guadeloupe.
L'action de l'Etat y est principalement assurée par les trois directions
régionales de l'environnement, les DIREN, qui gèrent les zones protégées. Sur
la côte et dans les îles, l'action du Conservatoire de l'espace littoral et des
rivages lacustres est également très importante, car elle permet, en achetant
un certain nombre de terrains, de les préserver définitivement, du moins je
l'espère, dans un but écologique ou paysager.
En Guyane, deux réserves d'intérêt international ont été créées en mars 1998.
L'une, à Amana, près de la frontière du Surinam, est la zone la plus importante
du monde pour la reproduction d'une espèce de tortue marine, dite « tortue luth
». La population de cette espèce étant confrontée à un important déclin, un
suivi scientifique poussé a été entrepris, permettant, notamment, le marquage
des femelles par transpondeur électronique suivi par balise Argos. Une deuxième
réserve, dite « des marais du Kaw Roura », a pour objet la protection des
populations de caïmans dans une zone classée par la convention de Ramsar sur la
protection des zones humides d'importance internationale.
En Martinique comme dans un grand nombre d'îles des Antilles, l'environnement
marin et côtier est fragilisé par la forte croissance de la population,
concentrée dans la plaine littorale en raison du relief accidenté, ainsi que
par l'urbanisation, le développement du tourisme et les cultures intensives.
Des zones très importantes au nord et au sud de l'île sont protégées dans le
cadre de parcs naturels régionaux. Le Conservatoire de l'espace littoral y
possède également 1 300 hectares. Parmi les nombreux sites protégés, certains
sont d'un très grand intérêt en raison de leur exceptionnelle biodiversité, qui
pourrait justifier prochainement la constitution d'une « réserve de la
biosphère », reconnue internationalement.
A la Guadeloupe, un rôle très important dans la préservation de
l'environnement est dévolu au parc national situé à Basse-Terre. Créé en
février 1989, il est constitué d'une zone centrale inhabitée de 17 300 hectares
et d'une zone périphérique comprenant le littoral de 16 200 hectares, dans
laquelle sont maintenues des activités économiques traditionnelles
respectueuses de l'environnement. Le parc est également responsable de la
gestion de la réserve naturelle du Grand Cul-de-Sac Marin créée en 1987. Elle
est constituée d'une partie terrestre de 1 622 hectares et de 2 085 hectares
marins. Cet ensemble forme la seconde réserve de la biosphère de l'archipel des
Petites Antilles, consacrée internationalement et rassemblant toutes les
espèces représentatives du littoral.
L'adoption du protocole du 18 janvier 1990 devrait avoir peu d'impact sur les
activités de pêche. Seuls le lambi et la langouste sont concernés par l'annexe
III du protocole listant les espèces dont l'exploitation est autorisée, mais
pour lesquelles il est nécessaire d'adopter des mesures de gestion pour
maintenir le niveau des populations. Or les captures du lambi et de la
langouste font d'ores et déjà l'objet de réglementations et de limitations dans
les départements d'outre-mer. Seule une extension trop importante des zones
protégées handicaperait la pêche côtière traditionnelle, une dérogation pour
ces activités étant toutefois envisagée à l'article 14 du protocole.
Je regretterai toutefois que la France ait attendu plus de dix ans pour
ratifier ce protocole et que cette ratification n'intervienne qu'après son
entrée en vigueur, le 18 juin 2000, alors même que notre pays a accepté depuis
1994 d'assumer la coordination régionale des activités liées à ce protocole,
grâce au CARAG basé dans le parc national de la Guadeloupe et au soutien de
l'université des Antilles-Guyane.
En conclusion, les enjeux environnementaux devant être gérés au niveau
multilatéral pour que les efforts faits par certains ne soient pas anéantis par
l'attitude des autres, il me paraît particulièrement important de donner notre
approbation à la ratification de ce protocole portant sur la création de zones
spécifiques visant à assurer la sauvegarde des écosystèmes et la biodiversité
du milieu marin de la région des Caraïbes. La France a en effet tout à gagner à
ce que les pays riverains du bassin des Caraïbes fassent plus pour la
préservation de l'environnement. C'est une des clefs de la réussite du
développement durable de nos départements d'outre-mer. Au nom de notre
commission, je vous propose, mes chers collègues, l'approbation du présente
texte.
M. le président.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
«
Article unique. -
Est autorisée l'approbation du protocole relatif
aux zones et à la vie sauvage spécialement protégées à la convention pour la
protection et la mise en valeur du milieu marin de la région des Caraïbes
(ensemble trois annexes), fait à Kingston le 18 janvier 1990, et dont le texte
est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
(M. Gérard Larcher remplace M. Guy Allouche au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président
4
ACCORD AVEC LA SUISSE CONCERNANT L'INTERPRÉTATION DE LA CONVENTION RELATIVE AU
SERVICE MILITAIRE DES DOUBLES NATIONAUX
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 70, 2000-2001)
autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de notes, entre le
Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse,
concernant l'interprétation de la convention relative au service militaire des
doubles nationaux du 16 novembre 1995. [Rapport n° 143 (2000-2001).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin,
ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
Monsieur le
président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la France
et la Confédération helvétique ont signé, le 26 novembre 1995 à Berne, une
convention relative au service militaire des doubles nationaux destinée à
remplacer la convention du 1er août 1958.
Or, à la suite de l'entrée en vigueur de la loi n° 97-1019 du 28 octobre 1997
portant réforme du service national, les autorités suisses ont considéré que le
maintien pour leurs ressortissants d'un service obligatoire et effectif
changeait fondamentalement la raison d'être de la convention en vigueur et
créait un déséquilibre peu acceptable entre les obligations militaires des
doubles nationaux franco-suisses et celles des nationaux suisses.
Cette inégalité des jeunes devant la loi, par rapport à l'accès à l'emploi en
particulier, risquait d'exposer une partie des jeunes Suisses à une
discrimination de la part de leurs employeurs potentiels établis dans la
Confédération : les doubles nationaux tireraient avantage de leur obligation de
n'accomplir que la seule journée d'appel de préparation à la défense.
Afin de remédier à ce déséquilibre, le Conseil fédéral suisse n'a cependant
pas souhaité dénoncer la convention du 16 novembre 1995 ni en limiter ou en
suspendre les effets. En conséquence, à l'issue des négociations bilatérales
tenues en mars 1999, un accord interprétatif de la convention de 1995 a été
signé sous la forme d'un échange de notes diplomatiques.
Cet accord permet, compte tenu de la suspension de l'appel sous les drapeaux
en France, à un double national résidant en Suisse à l'âge de dix-huit ans de
choisir, avant d'avoir atteint l'âge de dix-neuf ans, d'effectuer ses
obligations sur le territoire national selon l'une des quatre modalités
suivantes : soit une déclaration manifeste d'y effectuer une préparation
militaire, un volontariat civil ou un volontariat dans les armées, soit la
souscription d'un engagement pour servir dans les armées françaises.
Cet éventail de possibilités en vue de l'accomplissement des obligations
militaires est conforme à l'article 4 de la convention mère et ne constitue pas
une innovation.
Par ailleurs, cet accord permet aux doubles nationaux franco-suisses d'accéder
au volontariat civil, dispositif adopté par le Parlement et dont le décret
d'application vient d'entrer en vigueur.
Les autorités helvétiques ont tenu à préciser que les doubles nationaux
résidant de manière permanente en France à l'âge de dix-huit ans ont vocation à
n'être soumis qu'aux obligations minimales du recensement et de la journée
d'appel de préparation à la défense. Les jeunes gens qui viendraient à
transférer leur résidence sur le territoire de la Confédération, après
accomplissement de ces obligations de service, seraient considérés comme ayant
satisfait à leurs obligations à l'égard de la Suisse. En outre, ceux qui le
souhaitent conservent naturellement la faculté d'accomplir leurs obligations de
service dans l'armée suisse.
En raison de l'urgence signalée par les autorités suisses, notamment devant
l'augmentation des demandes d'option émanant des doubles nationaux ayant leur
résidence permanente en Suisse, en faveur de l'accomplissement en France de
leurs obligations de service, le Gouvernement avait donné son accord, à titre
exceptionnel, à une application anticipée et provisoire de cet échange de notes
que la Suisse applique scrupuleusement depuis le 29 décembre 1999, date de sa
signature.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames,
messieurs les sénateurs, les principales dispositions de l'accord sous forme
d'échange de notes, signé à Berne les 28 et 29 décembre 1999, entre le
Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse,
concernant l'interprétation de la convention relative au service militaire des
doubles nationaux du 16 novembre 1995, qui fait l'objet du projet de loi
aujourd'hui proposé à votre approbation, conformément à l'article 53 de la
Constitution.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Robert Del Picchia,
rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Mes chers collègues, M. le ministre a exposé le dispositif,
dont vous retrouverez également la description dans mon rapport, de la
convention franco-suisse destinée à éviter aux doubles nationaux d'accomplir
leurs obligations militaires dans les deux pays dont ils sont
ressortissants.
La reconnaissance, par cette convention franco-suisse d'un droit d'option
permettant au double national de choisir le pays où il souhaite accomplir ses
obligations militaires est devenu problématique depuis la réforme du service
national français, puisque les régimes de service national sont désormais très
différents en Suisse et en France.
La suspension en France du service national a incité un nombre croissant de
Franco-Suisses résidant en Suisse à opter pour l'accomplissement de leurs
obligations en France, mais les autorités suisses ont été conduites à bloquer
ces demandes, car elles ne pouvaient, par exemple, accepter que des citoyens
suisses s'exonèrent de leurs obligations par une simple participation, en
France, à la journée d'appel de préparation à la défense. Environ 200 demandes
sont restées en suspens, la question étant de savoir à partir de quel niveau de
sujétion en France, la Suisse accepterait de dispenser ses ressortissants de
leurs obligations militaires !
Il était donc nécessaire de clarifier les conditions d'application de la
convention bilatérale de 1995. C'est l'objet de l'accord sous forme d'échange
de notes qui nous est soumis et qui préserve le droit d'option des
Franco-Suisses résidant en Suisse en le subordonnant à la volonté d'effectuer
une préparation militaire, un volontariat civil ou un volontariat dans les
armées ou encore un engagement dans l'armée française.
Cette solution est plutôt favorable à nos doubles nationaux puisqu'une simple
préparation militaire permettra à ceux qui le souhaitent de s'affranchir des
obligations militaires suisses. En outre, la Suisse a accepté d'appliquer
l'accord par anticipation dès sa signature fin 1999 et sans attendre sa
ratification. Les cas en suspens ont pratiquement tous été réglés.
Mes chers collègues, la commission des affaires étrangères vous demande donc
d'adopter le projet de loi autorisant l'approbation de cet accord positif pour
nos concitoyens de double nationalité franco-suisse résidant en Suisse.
M. le président.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
«
Article unique. -
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le
Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse concernant
l'interprétation de la convention relative au service militaire des doubles
nationaux du 16 novembre 1995, sous forme d'échange de notes, signées à Berne
les 28 et 29 décembre 1999, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
5
PROTOCOLE PORTANT AMENDEMENT
À LA CONVENTION EUROPÉENNE
SUR LA TÉLÉVISION TRANSFRONTIÈRE
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 100, 2000-2001)
autorisant l'approbation du protocole portant amendement à la convention
européenne sur la télévision transfrontière. [Rapport n° 284 (2000-2001).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin,
ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
Monsieur le
président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le
protocole portant amendement à la convention européenne sur la télévision
transfrontière a été adopté par le comité des ministres du Conseil de l'Europe
le 9 septembre 1998, et présente un intéressant exemple d'action concertée
entre les deux institutions fondamentales du continent européen.
En effet, il a pour principal objet de maintenir une cohérence entre la
convention du Conseil de l'Europe et la directive Télévision sans frontières du
Parlement européen et du Conseil du 19 juin 1997.
A cet effet, ce texte opère un alignement de la convention du Conseil de
l'Europe sur la directive TVSF révisée de l'Union européenne, tout en acceptant
certaines différences fondamentales, liées au caractère distinct des deux
instruments juridiques.
Il convient de rappeler que la convention originelle de 1989 du Conseil de
l'Europe offre aux parties un cadre juridique visant à faciliter la diffusion
transfrontière des services de programmes de télévision en Europe. Elle
garantit la liberté de réception en Europe. Elle garantit la liberté de
réception et de retransmission de ces services. Elle définit un ensemble de
règles de base communes pour leur développement harmonieux et afférentes
notamment à la publicité, au droit de réponse et à la protection des mineurs.
Elle contribue également à la promotion de l'industrie audiovisuelle
européenne, par le respect de quotas de diffusion notamment.
Depuis l'entrée en vigueur de cette convention, l'apparition de nouveaux
services de communication - autopromotion, téléachat - et l'adoption de la
directive du 19 juin 1997 ont conduit à amender la convention afin d'assurer la
cohérence entre les deux instruments.
Les dispositions les plus significatives introduites par le protocole sont les
suivantes.
Les définitions et les régimes de la publicité et du parrainage ont été
alignés sur ceux de la directive TVSF révisée, afin de prendre en compte les
évolutions économiques et technologiques. Le régime juridique du téléachat a
également été défini conformément à cette directive. Le champ d'application de
la convention a été en outre étendu aux services de programmes consacrés
exclusivement à l'autopromotion ou au téléachat.
Afin d'éviter d'éventuels conflits de compétence des Etats à l'égard des
services transfrontières, les critères relatifs à la détermination de la
compétence des parties qui figuraient dans le texte originel de la convention
ont été revus et alignés, pour l'essentiel, sur ceux de la directive TVSF
révisée.
Le protocole reprend l'une des innovations majeures de la directive TVSF
révisée, à savoir le dispositif permettant d'assurer un large accès du public
aux événements considérés par les parties comme étant d'une importance majeure
pour la société - qu'ils soient ou non sportifs, nationaux ou non nationaux.
Chaque Etat partie a la possibilité de prendre des mesures garantissant que les
organismes relevant de sa compétence ne retransmettent pas de manière exclusive
ces événements.
Enfin le protocole introduit dans la convention une disposition définissant
les cas dans lesquels le fait qu'un radiodiffuseur se soit établi sur le
territoire d'une partie en vue de diriger son ou ses services de programmes
vers une autre partie constitue un abus des droits octroyés par la convention,
ainsi que la procédure à suivre et les mesures pouvant être prises par les
parties dans ces circonstances. L'abus de droit est défini conformément au
droit communautaire. Il s'agit là d'une clause antidélocalisation.
L'entrée en vigueur du protocole portant amendement à la convention accroîtra
la sécurité juridique des Etats et des radiodiffuseurs français pour la
diffusion de services de leurs programmes de télévision transfrontière sur
l'ensemble du continent européen.
En outre, elle devrait permettre aux publics des pays parties à la convention,
mais non membres de l'Union européenne - essentiellement des pays d'Europe
centrale et orientale - de bénéficier de garanties nouvelles, en particulier en
matière d'accès à l'information et aux événements d'importance majeure.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les
principales observations qu'appelle le protocole portant amendement à la
convention européenne sur la télévision transfrontière, qui fait l'objet du
projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Guy Penne,
rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, nous examinons aujourd'hui un projet de loi visant à autoriser la
ratification d'un protocole d'amendement à la convention de télévision
transfrontière déjà ratifiée par la France en 1994.
Sans revenir sur l'ensemble du dispositif juridique, que vous nous avez
présenté, monsieur le ministre, je m'attacherai à présenter les nouveaux enjeux
du paysage audiovisuel européen avant d'évoquer la contribution de ce texte à
l'édification du cadre juridique de l'Europe de l'audiovisuel.
L'industrie audiovisuelle européenne, et plus particulièrement le secteur de
la télévision, a connu un développement constant durant la dernière
décennie.
Cette période fut également marquée par l'émergence de nombreux acteurs du
secteur privé, parmi lesquels les chaînes thématiques émettant, soit par
satellites ou réseaux câblés, soit par radiodiffusion numérique terrestre, pour
une quotité annuelle de 3,5 millions d'heures de programmation.
L'offre de programmes s'est également multipliée, mettant en concurrence les
radiodiffuseurs issus des différents services publics nationaux avec les
opérateurs privés, qui utilisent de nouvelles formes de grilles de programmes,
comme celles qui sont consacrées au téléachat ou à l'autopromotion.
Cette multiplication de l'offre audiovisuelle se traduit, pour la seule Union
européenne, par l'existence de près de six cents chaînes.
Face à ce développement technologique, les institutions communautaires et le
Conseil de l'Europe ne pouvaient demeurer en retrait.
Les conditions de l'élaboration de la convention de 1989, puis de celle de la
directive Télévision sans frontières ont manifestement changé.
Aussi a-t-il été décidé, en 1997, de réviser la directive, en insistant sur
les aspects culturels, ainsi que sur la clarification des compétences de l'Etat
où s'opère la transmission. En effet, des litiges se sont élevés entre certains
membres de l'Union sur l'imputation de la responsabilité définie par la
directive.
Aussi importait-il que le Conseil de l'Europe aligne les dispositions de sa
convention sur celles de la directive de l'Union européenne, afin que le régime
juridique soit unifié.
Il apparaît donc opportun de permettre cette évolution vers une harmonisation
générale, entre les pays membres de l'Union européenne et ceux, plus nombreux,
appartenant au Conseil de l'Europe, des règles du secteur audiovisuel.
Cette convention s'adapte ainsi aux normes élaborées par la Commission
européenne. Elle constitue donc, pour les Etats potentiellement candidats à
l'Union, un ensemble de règles déjà en vigueur en son sein.
C'est pourquoi, sous le bénéfice de ces observations, la commission des
affaires étrangères, de la défense et des forces armées recommande l'adoption
du présent projet de loi.
M. le président.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
«
Article unique
. - Est autorisée l'approbation du protocole portant
amendement à la convention européenne sur la télévision transfrontière, adopté
à Strasbourg le 9 septembre 1998 et dont le texte est annexé à la présente loi.
»
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
6
CONVENTION D'ENTRAIDE JUDICIAIRE EN MATIÈRE PÉNALE AVEC LA RÉPUBLIQUE
DOMINICAINE
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 173, 2000-2001)
autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière
pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de
la République dominicaine. [Rapport n° 228 (2000-2001).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin,
ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
Monsieur le
président, mesdames, messieurs les sénateurs, préoccupée par le caractère de
plus en plus transnational de la criminalité, la France a souhaité disposer
progressivement d'instruments de coopération judiciaire avec les Etats des
Caraïbes et de l'Amérique centrale, en raison de l'extension notable du trafic
de stupéfiants et de la proximité de nos départements d'outre-mer.
Acquises à ces vues, Saint-Domingue, de même que Cuba, ont marqué leur volonté
commune de renforcer la coopération judiciaire et de combattre la nouvelle
délinquance sous toutes ses formes auxquelles le développement du tourisme dans
cette zone risque d'exposer les Français.
Le texte, signé le 14 janvier 1999, est inspiré de la convention
franco-mexicaine de 1994, elle-même reflétant les dispositions de la convention
d'entraide judiciaire en matière pénale du Conseil de l'Europe du 20 avril
1959.
L'économie générale de cet instrument s'organise en neuf titres et
vingt-quatre articles, qui énoncent les principales clauses habituellement
retenues en la matière.
Il établit, en premier lieu, le principe de l'obligation d'entraide la plus
large possible, par la communication directe entre les ministères chargés de la
justice, à l'exclusion des infractions militaires. L'entraide peut être
cependant refusée dans le cas d'infractions politiques ou si la demande est
susceptible de porter préjudice à la souveraineté, à la sécurité ou à l'ordre
public.
Le texte décrit également les règles de remise de pièces, de décisions
judiciaires, de dépositions de témoins, d'experts ou de personnes poursuivies,
ainsi que les modalités de transfert temporaire d'une personne détenue aux fins
de témoignage ou de confrontation.
Les règles de la procédure d'entraide, le règlement des frais y afférent, la
dispense de légalisation et la traduction des pièces y sont également
précisés.
Les conditions habituelles de la dénonciation aux fins de poursuites, de
l'utilisation des informations et des preuves ainsi que de l'information
annuelle des condamnations de l'autre partie sont également incluses dans la
convention.
Dans un cadre normatif contraignant, cette convention d'entraide judiciaire en
matière pénale vise, par ailleurs, à simplifier la procédure fondée jusqu'à
présent sur l'examen, au cas par cas, des demandes d'entraide judiciaire
mutuelle.
Elle témoigne de l'excellence de la coopération judiciaire avec Saint-Domingue
qui, faisant partie de la zone de solidarité prioritaire, a pu bénéficier de
l'assistance de l'Ecole nationale de la magistrature de Bordeaux, en
particulier pour la création de l'Ecole de la judicature et du Conseil
supérieur de la magistrature.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les
principales observations qu'appelle la convention d'entraide judiciaire en
matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le
Gouvernement de la République dominicaine, qui fait l'objet du projet de loi
aujourd'hui soumis à votre approbation.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. André Rouvière,
en remplacement de M. Hubert Durand-Chastel, rapporteur de la commission des
affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons
aujourd'hui un projet de loi visant à autoriser la ratification d'une
convention d'entraide judiciaire entre la France et la République dominicaine,
signée à Paris le 14 janvier 1999.
Sans revenir sur l'ensemble du dispositif juridique, que vous venez de nous
exposer, monsieur le ministre, j'évoquerai la réforme du système judiciaire
dominicain, à laquelle la France est associée, après avoir dressé un premier
bilan de la présidence de M. Hippolito Mejia.
L'élection à la présidence de la République, en mai 2000, de M. Hippolito
Mejia, candidat du parti révolutionnaire dominicain, a été saluée par
l'ensemble de la communauté internationale comme le gage de la maturité des
institutions républicaines.
Depuis sa prise de fonctions en août dernier, M. Mejia s'est immédiatement
engagé dans une politique de rigueur reposant sur un plan d'ajustement fiscal
et la réduction graduelle des tarifs douaniers, afin de remédier à une
situation budgétaire difficile. Si de telles mesures comportent pour lui le
risque de s'aliéner une partie des couches populaires, soutien traditionnel du
parti révolutionnaire dominicain, elles témoignent en revanche de la volonté du
nouveau président d'assurer la continuité de la croissance et de promouvoir les
investissements directs étrangers.
La politique étrangère conduite par M. Hippolito Mejia s'inscrit dans la ligne
de celle qu'ont menée ses prédécesseurs. Si le partenariat avec les Etats-Unis
constitue un axe privilégié, en raison notamment de la forte communauté
dominicaine implantée sur le territoire de ce pays, Saint-Domingue entend
également accroître son infuence régionale et devenir un élément fédérateur de
la communauté et du marché des Caraïbes ainsi que du Forum des Caraïbes.
En outre, la normalisation des relations avec Haïti, entamée lors de la
présidence de M. Leonel Fernandez, devrait se poursuivre, notamment dans le
cadre d'entretiens réunissant MM. Mejia et Aristide.
J'en viens à mon second point : la réforme des institutions judiciaires
dominicaines, à laquelle la France est associée.
La création, en août 1998, de l'Ecole nationale de la judicature, sur le
modèle de l'Ecole nationale de la magistrature de Bordeaux, s'inscrit dans la
continuité des mesures prises durant toute la dernière décennie pour assurer
l'indépendance judiciaire. En ce sens, la nomination de la totalité des
magistrats dominicains incombe, depuis 1994, au Conseil supérieur de la
magistrature.
Plus récemment, diverses instances, comme la commission de modernisation de la
justice dominicaine, créée par décret présidentiel, ont engagé la refonte des
principaux codes et conduisent également une réflexion sur l'amélioration du
système pénitentiaire. En outre, le statut du ministère public fait aujourd'hui
l'objet d'un avant-projet de statut destiné à garantir aux membres du parquet
une plus grande indépendance.
Notre expertise technique, dans ce domaine institutionnel, est ainsi
sollicitée par les autorités de la République dominicaine, pays récemment
inclus dans notre zone de solidarité prioritaire.
Ainsi, l'intérêt de cette convention ne saurait se limiter au renforcement, au
demeurant nécessaire, d'une coopération judiciaire limitée, en moyenne, à une
demande par an. Cette convention doit être regardée avant tout comme un élément
du rapprochement entre la France et la République dominicaine, laquelle, comme
le prouvent les profondes réformes dont font l'objet ses institutions,
s'attache à édifier un système juridique plus conforme aux normes
démocratiques.
C'est pourquoi, sous le bénéfice de ces observations, la commission des
affaires étrangères vous propose, mes chers collègues, d'adopter le présent
projet de loi.
(Applaudissements.)
M. le président.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
«
Article unique. -
Est autorisée l'approbation de la convention
d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République
française et le Gouvernement de la République dominicaine, signée à Paris le 14
janvier 1999, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
7
CONVENTION D'ENTRAIDE JUDICIAIRE
EN MATIÈRE PÉNALE AVEC L'ARGENTINE
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 174, 2000-2001)
autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière
pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de
la République argentine. [Rapport n° 229 (2000-2001).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin,
ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
Monsieur le
président, mesdames, messieurs les sénateurs, la motivation principale de la
signature d'une convention d'entraide judiciaire en matière pénale avec
l'Argentine diffère sensiblement de celles qui ont incité à la conclusion des
deux conventions avec les pays des Caraïbes qui figurent également à l'ordre du
jour de cettte séance.
En effet, c'est l'Argentine qui a, la première, souligné l'existence d'un vide
juridique en matière pénale dans les relations judiciaires bilatérales, vide
qui conduisait à des difficultés d'exécution des commissions rogatoires.
Afin d'y remédier, les deux pays, qui n'étaient jusqu'alors liés que par un
accord d'entraide en matière civile, en date de 1991, ont souhaité conclure une
convention d'entraide judiciaire dans ce domaine ; celle-ci a été signée à
Paris le 14 octobre 1998.
Elle a été inspirée tant par la convention européenne d'entraide judiciaire en
matière pénale du 20 avril 1959 que par les conventions bilatérales signées par
la France avec le Mexique, en 1994, et avec Cuba, trois semaines avant le
présent accord. L'obligation d'entraide se substitue désormais à une pratique
judiciaire bilatérale fondée jusqu'à présent sur le principe de réciprocité et
l'analyse au cas par cas des demandes.
Les vingt-six articles de cet accord reprennent les dispositions classiques en
la matière. Il en est ainsi de l'exclusion de son champ d'application des
infractions militaires et de l'exécution des décisions d'arrestation ou de
condamnation, sauf en cas de confiscation. Un mode de communication directe
entre les ministères chargés de la justice est instauré. L'entraide s'applique
à la recherche de personnes, à la notification de décisions judiciaires, à la
production de documents et décisions judiciaires, aux perquisitions, aux
dépositions et interrogatoires, aux citations à comparaître et à la
confiscation de biens.
L'entraide peut être refusée dans le cas d'une infraction politique ou encore
lorsque la demande est susceptible de porter préjudice à la souveraineté, à la
sécurité ou à l'ordre public.
La convention organise également entre les parties la remise des actes de
procédure et des décisions judiciaires, la transmission de dossiers ou de
pièces à conviction, l'exécution des demandes d'entraide, le transfèrement
temporaire, le transit d'une personne détenue et, enfin, l'envoi d'informations
sur les casiers judiciaires, la dénonciation aux fins de poursuite et l'échange
annuel d'avis de condamnation.
Des dispositions spécifiques fixent également les conditions de comparution de
témoins, experts et personnes poursuivies, ainsi que les procédures visant les
produits des infractions et la possibilité de restitution de biens à la
victime.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les
principales observations qu'appelle la convention d'entraide judiciaire en
matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le
Gouvernement de la République argentine, qui fait l'objet du projet de loi
aujourd'hui proposé à votre approbation.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Robert del Picchia,
rapporteur.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons
aujourd'hui un projet de loi visant à autoriser la ratification d'une
convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre la France et la
République argentine, signée le 14 octobre 1998.
Sans revenir sur l'ensemble du dispositif juridique, que vous nous avez déjà
présenté, monsieur le ministre, et qui figure dans mon rapport écrit, je
m'attacherai à souligner l'intensité de notre coopération avec l'Argentine, qui
s'efforce actuellement de surmonter une conjoncture économique défavorable et
de poursuivre la consolidation de ses institutions démocratiques.
Candidat de la coalition formée de l'Union civique radicale et du Front pour
un pays solidaire, M. Fernando de La Rua a été élu, en octobre 1999, à la
présidence de la République, à la suite de deux mandats du président Carlos
Menem. Ces élections ont confirmé la consolidation des institutions
démocratiques.
Le succès obtenu par M. de La Rua ne s'est cependant pas traduit par la
constitution d'une majorité parlementaire, indispensable à la mise en oeuvre
des réformes annoncées lors de la campagne. Ainsi, l'Alliance, dont se réclame
M. de La Rua, n'a-t-elle obtenu qu'une majorité relative à la Chambre des
députés et demeure-t-elle minoritaire au Sénat, qui reste sous la tutelle de
l'opposition péroniste. En outre, la majorité des provinces, notamment celle de
Buenos-Aires, où le vice-président sortant, M. Ruchauf, s'est imposé face à la
candidate de l'Alliance, reste gouvernée par les péronistes.
A cette absence de réelle marge de manoeuvre s'ajoutent des dissensions
internes, qui ont fragilisé l'Alliance.
Le pays est, par ailleurs, aujourd'hui en proie à de sérieuses difficultés
économiques et financières. Avec près de 15 % de la population active au
chômage et treize millions de personnes vivant dans la pauvreté, l'économie
argentine souffre de difficultés structurelles ainsi que des conséquences de la
parité, décidée en 1991, entre le dollar et le peso : en particulier, les
exportations à destination du principal partenaire de l'Argentine au sein du
MERCOSUR, le Brésil, s'en trouvent gravement freinées.
Afin de remédier au besoin de financement du pays, désormais estimé à près de
23 % du PIB, l'Argentine avait conclu, le 18 décembre dernier, avec le Fonds
monétaire international et les banques privées, un accord prévoyant la mise à
disposition de 40 milliards de dollars, destinés à soutenir les réformes
structurelles engagées par le président de La Rua. Des mesures budgétaires
additionnelles devront cependant être prises par l'Argentine pour atteindre les
objectifs fixés par le FMI dans le cadre de ce concours financier.
J'en viens au second point de mon intervention : la coopération entre la
France et l'Argentine, caractérisée à la fois par son ancienneté et par son
intensité.
Notre coopération culturelle, relayée par les 102 implantations de l'Alliance
française et la présence de deux lycées français, représentait en 2000 plus de
12 millions de francs. Cependant, la présence traditionnelle du français,
aujourd'hui menacée par les programmes éducatifs fédéraux et par l'influence
croissante du portugais et de l'anglais, devra faire l'objet à l'avenir de
mesures spécifiques, destinées à conforter sa vigueur en Argentine, qui demeure
un véritable « concentré d'Europe ».
Notre coopération scientifique et technique, recentrée sur la formation des
élites administratives et commerciales ainsi que sur les domaines médicaux et
agro-alimentaires, devrait à l'avenir diversifier son champ d'intervention et
répondre favorablement aux attentes de nos partenaires argentins.
En outre, notre pays est aujourd'hui le troisième investisseur étranger en
Argentine, avec près de 200 sociétés implantées, sans compter les minorités de
contrôle et les sociétés mixtes. Représentant près de 7,3 % des flux cumulés
d'investissements directs à l'étranger, la France est également le septième
fournisseur de l'Argentine, qui occupe une position centrale dans le
MERCOSUR.
En conclusion, l'intérêt de cette convention, qui permettra de combler un vide
juridique en ajoutant l'entraide judiciaire aux divers domaines de notre
coopération, réside avant tout dans l'approfondissement de notre partenariat
avec l'Argentine, avec laquelle la France entend resserrer ses liens.
C'est pourquoi, sous le bénéfice de ces observations, la commission des
affaires étrangères vous propose, mes chers collègues, d'adopter le présent
projet de loi.
M. le président.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
«
Article unique.
- Est autorisée l'approbation de la convention
d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République
française et le Gouvernement de la République argentine, signée à Paris le 14
octobre 1998, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
8
PROTOCOLE À L'ACCORD AVEC LA RUSSIE RELATIF À LA COOPÉRATION DANS LE DOMAINE DE
L'EXPLORATION ET DE L'UTILISATION DE L'ESPACE
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 127, 2000-2001)
autorisant l'approbation du protocole à l'accord entre le Gouvernement de la
République française et le Gouvernement de la Fédération de Russie relatif à la
coopération dans le domaine de l'exploration et de l'utilisation de l'espace à
des fins pacifiques en date du 26 novembre 1996. [Rapport n° 283
(2000-2001).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin,
ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
Monsieur le
président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la
coopération spatiale entre la France et la Russie, entreprise dès 1966, portait
initialement sur les matières scientifiques et s'est progressivement élargie
pour inclure la participation d'astronautes français à des vols habités.
Depuis l'accord bilatéral de coopération dans le domaine de l'exploration et
de l'utilisation de l'espace à des fins pacifiques signé par les deux Premiers
ministres le 26 novembre 1996, la coopération industrielle et commerciale,
quasi inexistante auparavant, est devenue l'axe prioritaire des relations
spatiales franco-russes.
A ce titre, la société euro-russe Starsem, chargée de la commercialisation des
lanceurs Soyouz, représente le facteur le plus innovant et dynamique de cette
coopération élargie au domaine industriel.
Cependant, les dispositions de l'accord de 1996 ne se sont pas révélées
suffisamment précises pour permettre aux entreprises concernées de bénéficier
aisément et rapidement des exemptions douanières et fiscales indispensables au
bon déroulement de la coopération.
En conséquence, chaque demande d'exonération pour l'importation des matériels
de haute technologie nécessite des négociations longues et incertaines,
entraînant des surcoûts et des allongements de délais.
C'est pour faire disparaître ces entraves à la coopération que les deux
parties ont signé le 12 janvier 1999 un protocole à l'accord de 1996, qui
définit de manière plus précise l'étendue et la nature des produits bénéficiant
des exonérations.
Le protocole définit également de manière extensive la notion de «
marchandises pour un lancement » en y incluant les logiciels, les bases de
données, le savoir-faire et les données relatives aux travaux de recherche.
Les autorités russes, conscientes des intérêts économiques en jeu, ont déjà
appliqué par anticipation cette exonération sur les marchandises importées par
les sociétés françaises.
L'entrée en vigueur de ce protocole permettra de régulariser cette application
anticipée, à charge pour les autorités russes d'accomplir dans un délai
satisfaisant les modifications législatives résultant de l'entrée en vigueur
des exemptions fiscales et douanières nécessaires.
En clarifiant et en précisant les dispositions régissant les exonérations
douanières, ce protocole contribuera à l'amélioration de la compétitivité de
l'industrie spatiale européenne et française.
Il permettra de diminuer les coûts des produits de haute technologie spatiale
exportés vers la Russie et d'assurer un plus grand respect des délais promis
aux clients opérateurs de satellites, les exonérations n'étant plus soumises à
négociation.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames,
messieurs les sénateurs, les principales dispositions du protocole à l'accord
entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la
Fédération de Russie relatif à la coopération dans le domaine de l'exploration
et de l'utilisation de l'espace à des fins pacifiques en date du 26 novembre
1996 qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre
approbation.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Xavier Pintat,
rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, lors de l'examen par le Sénat, au printemps 1998, de l'accord
franco-russe sur la coopération dans le domaine spatial, nous avions souligné
qu'un protocole était indispensable à la pleine application de son volet fiscal
et douanier.
En effet, le régime applicable aux échanges industriels liés à la coopération
spatiale franco-russe et, plus précisément aux importations concernant les
lanceurs spatiaux, méritait d'être totalement clarifié.
Tel est l'objet du texte signé en 1999 que nous examinons aujourd'hui et qui
concerne au premier chef un certain nombre d'équipements produits en France et
destinés aux fusées Soyouz, dont l'exploitation commerciale pour le lancement
de satellites est assurée par une société franco-russe, la société Starsem.
Au-delà de son aspect essentiellement technique, le protocole comporte des
enjeux industriels et commerciaux très importants puisqu'il garantit des
exemptions fiscales et douanières déterminantes pour la compétitivité du
partenariat franco-russe dans le domaine des lanceurs spatiaux, soumis à une
rude concurrence internationale.
Dans mon rapport écrit, j'ai procédé à une brève présentation de la situation
de l'industrie spatiale en Russie, après dix années de bouleversements
politiques et économiques.
La crise économique et financière a imposé une révision drastique de la
politique spatiale, une profonde restructuration du secteur et sa réorientation
au profit des objectifs commerciaux, au détriment des activités exclusivement
scientifiques.
Dans ce contexte, les partenariats avec des acteurs occidentaux se sont
multipliés, en particulier avec les Etats-Unis. La coopération franco-russe,
qui s'intègre désormais dans une perspective européenne, a elle aussi été
redéfinie, le volet industriel et commercial prenant désormais une place
prépondérante.
Dans le domaine des lanceurs spatiaux, la coopération s'effectue au sein de la
société Starsem, créée en 1996.
Détenue à parité par des actionnaires européens et russes, elle commercialise
et exploite sur le marché international les lanceurs russes de la famille
Soyouz, qui sont particulièrement compétitifs pour lancer les petits satellites
en orbite basse, c'est-à-dire à moins de 1 000 kilomètres d'altitude.
La partie russe fournit le lanceur Soyouz et l'accès au centre de lancement de
Baïkonour, en territoire kazakh. Côté français, Aerospatiale Matra-Lanceurs,
intégré aujourd'hui à EADS, produit, dans son établissement de
Saint-Médard-en-Jalles en Gironde, les équipements permettant d'adapter la
fusée aux différents satellites occidentaux qu'elle doit lancer. Arianespace
assure pour sa part la commercialisation et l'exploitation des lancements.
Ce partenariat permet à la France et à l'Europe d'être présentes sur le
créneau des petits lanceurs et il participe, en complément d'Ariane, à la
stratégie commerciale européenne sur le marché du transport spatial.
Son fonctionnement exige l'importation fréquente en Russie de matériels de
haute technologie provenant de France ou d'autres pays occidentaux. L'accord
bilatéral de 1996 posait le principe de l'exonération des droits de douane et
taxes sur ces importations. Mais ni le champ d'application ni les modalités
d'exonération n'avaient été définies précisément, les négociateurs préférant
renvoyer à un protocole additionnel.
Tel est l'objet du protocole du 12 janvier 1999, qui définit la nature des
marchandises exonérées et précise les modalités des exonérations.
Il s'agit d'une indispensable clarification car, depuis 1996, certaines
difficultés d'interprétation étaient apparues, provoquant des allongements de
délais et des surcoûts.
Les autorités russes ont accepté la mise en oeuvre anticipée du protocole,
sans attendre son entrée en vigueur, ce qui a d'ailleurs permis de mettre fin à
une situation pénalisante pour nos industriels. Il importe cependant de
régulariser au plus vite le cadre juridique de ces échanges industriels
franco-russes.
Au-delà, le protocole a, bien entendu, une vocation plus générale à faciliter
les projets de toutes les sociétés françaises appelées à coopérer avec la
Russie dans le domaine spatial. C'est pourquoi la commission des affaires
étrangères, de la défense et des forces armées vous demande d'adopter le
présent projet de loi.
M. le président.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
«
Article unique. -
Est autorisée l'approbation du protocole à l'accord
entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la
Fédération de Russie relatif à la coopération dans le domaine de l'exploration
et de l'utilisation de l'espace à des fins pacifiques en date du 26 novembre
1996, signé à Moscou le 12 janvier 1999 et dont le texte est annexé à la
présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
9
CONVENTION D'ENTRAIDE JUDICIAIRE
EN MATIÈRE PÉNALE AVEC CUBA
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 175, 2000-2001)
autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière
pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de
la République de Cuba. [Rapport n° 230 (2000-2001).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin,
ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
Monsieur le
président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les
raisons qui militaient en faveur de la conclusion d'une convention d'entraide
pénale avec Saint-Domingue se retrouvent à l'identique dans le cas de Cuba :
développement du tourisme, transit du trafic de stupéfiants et proximité de nos
départements d'outre-mer.
L'économie générale des deux instruments est identique, avec neuf titres et
vingt-quatre articles et je ne reprendrai donc pas une analyse détaillée du
texte.
Je me contenterai de souligner qu'il convient de se féliciter de la signature
de cette convention avec un pays qui n'était lié en matière judiciaire avec la
France que par un accord d'extradition datant de 1925.
Certes, les affaires pénales concernant les deux pays ne sont pas légion, mais
la croissance du tourisme, favorisée par une liaison aérienne hebdomadaire
directe, pourrait entraîner une montée en puissance des faits à caractère
délictueux. Il est donc bon d'avoir une approche préventive.
En outre, il est satisfaisant de constater que Cuba se montre désireux
d'établir des liens d'entraide judiciaire avec un pays démocratique. De ces
liens pourra éventuellement naître une forme de coopération plus approfondie
qui aura valeur d'entraînement : la persuasion et la coopération peuvent être
plus efficaces que les politiques d'embargo.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames,
messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle la convention
d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République
française et le Gouvernement de la République de Cuba, qui fait l'objet du
projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. André Rouvière,
rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, je consacrerai mon propos à la présentation de la situation
politique et économique de Cuba, ainsi qu'à celle de nos relations bilatérales,
le dispositif, au demeurant classique, de cette convention ayant déjà été
détaillé. Vous pourrez, bien entendu, le retrouver dans le rapport écrit.
La situation intérieure de Cuba paraît évoluer lentement. Le pouvoir politique
reste concentré dans les mains du président Fidel Castro depuis la révolution
de 1959, et les élections sont contrôlées par le parti communiste, parti
unique.
Cette domination sans partage laisse bien évidemment peu de place aux
dissidents de l'intérieur. Les dissidents de l'extérieur, notamment ceux qui
sont installés aux Etats-Unis, tombent sous le coup de poursuites pénales très
lourdes depuis le vote d'une loi spécifique en 1999. L'île reste donc éloignée
du respect des droits de l'homme et d'une véritable démocratie.
Du point de vue économique, Cuba a énormément souffert de l'effrondrement du
bloc soviétique qui, en supprimant la plus grande partie de ses débouchés, a
provoqué une chute de près de 35 % de son PIB entre 1989 et 1993. Cuba n'a
retrouvé qu'en 2000 le niveau du début des années quatre-vingt-dix. L'île a
donc connu, point de vue de la croissance économique, une « décennie blanche
».
Actuellement, trois secteurs tirent l'économie du pays : le tourisme, qui
représente un peu moins d'un quart du PIB et, surtout, 53 % des entrées de
devises ; le sucre, qui concourt pour un tiers à la richesse nationale, mais
dont la récolte reste inférieure de moitié à celle des années quatre-vingt ;
enfin, le nickel, qui représente également un tiers du PIB et dont Cuba est le
troisième exportateur mondial.
Deux éléments brident toutefois aujourd'hui l'essor de l'économie cubaine :
une dette de 11,3 milliards de dollars, qui n'est plus remboursée depuis 1986 -
ce non-remboursement ne concerne pas la France, car Cuba est à jour de sa dette
vis-à-vis de notre pays - et qui, je crois, a fait l'objet d'une négociation
dans le cadre du Club de Paris ; et la persistance, deuxièmement, maintien,
difficilement compréhensible pour moi, de l'embargo américain.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous apporter des informations sur l'état
de ces négociations ? Permettent-elles d'espérer qu'un accord soit trouvé sur
le rééchelonnement de la dette de Cuba ? Pouvez-vous également nous préciser si
l'administration Bush a l'intention de faire évoluer sa position à l'égard de
Cuba en général et de l'embargo en particulier, embargo, qui, à mon avis,
devrait aujourd'hui appartenir, non pas à l'actualité, mais à l'histoire ?
Il me semble maintenant important de souligner la qualité de nos relations
bilatérales avec Cuba.
Sur le plan politique, la France, tout en poursuivant un dialogue critique sur
les droits de l'homme, a des positions convergentes en matière de défense pour
défendre la diversité culturelle dans le monde et le développement des pays les
plus pauvres.
Notre coopération avec Cuba a progressé fortement depuis l'intégration, en
1992, de l'île dans la zone de solidarité prioritaire. De 1999 à 2000, notre
aide est passée de 3 millions de francs en 1999 à 17,2 millions de francs en
2000.
Notre coopération se développe surtout dans les services publics,
l'agriculture, l'urbanisme et la recherche.
L'enseignement du français est de plus en plus développé notamment en raison
du tourisme.
Enfin, nos relations économiques, qui croissent rapidement - la France est le
deuxième fournisseur de Cuba - et permettent de dégager un excédent commercial
de près de 1,1 milliard de francs en 1999 ; 63 % de nos exportations sont
constituées de produits agricoles. Les exportations de produits manufacturés ne
sont pas non plus négligeables, PSA détenant, par exemple, 35 % du marché
local.
Les investissements français, en revanche, restent relativement faibles avec
60 millions de dollars malgré l'entrée en vigueur, en novembre 1999, de
l'accord sur l'encouragement et la protection des investissements et une
garantie de la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur, la
COFACE, à concurrence de 200 millions de dollars.
En conclusion, je vous invite, mes chers collègues, au nom de la commission
des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, à approuver le
présent projet de loi ayant pour objet d'autoriser la ratification de cette
convention qui, j'en suis persuadé, participera au développement de nos
relations bilatérales, déjà importantes, avec Cuba.
(M. Raymond Courrière
applaudit.)
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
S'agissant de la renégociation de la dette, comme vous
l'avez indiqué, monsieur le rapporteur, les discussions se poursuivent. Je
souhaite qu'elles puissent se conclure favorablement, car nous sommes
convaincus que la situation économique et financière de Cuba est en quelque
sorte « plombée » par le poids de cette dette.
En ce qui concerne l'attitude de la nouvelle administration américaine, nous
ne pouvons que parier sur le pragmatisme du Sénat américain qui pourrait, y
compris pour des raisons économiques, militer en faveur d'une levée de
l'embargo, que la France appelle de ses voeux ; vous avez vous-même dit que cet
embargo n'était pas de nature à faire évoluer dans le sens que nous souhaitons
tant l'économie que la situation à Cuba en général. Espérons que le pragmatisme
prévaudra au-delà de considérations idéologiques qui, jusqu'à présent, ont
plutôt incité les Etats-Unis à durcir leur position vis-à-vis de Cuba.
M. André Rouvière,
rapporteur.
Merci, monsieur le ministre !
M. le président.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
«
Article unique. -
Est autorisée l'approbation de la convention
d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République
française et le Gouvernement de la République de Cuba signée à Paris le 22
septembre 1998, dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
10
ACCORD AVEC LE LUXEMBOURG PORTANT RECTIFICATION DE LA FRONTIÈRE
FRANCO-LUXEMBOURGEOISE
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 290, 2000-2001)
autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République
française et le Gouvernement du grand-duché de Luxembourg portant rectification
de la frontière franco-luxembourgeoise. [Rapport n° 349 (2000-2001). ]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin,
ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
Monsieur le
président, mesdames, messieurs les sénateurs, en application du traité de
Courtrai de 1820, la frontière franco-luxembourgeoise entre les communes
françaises de Longlaville et Mont-Saint-Martin et la commune luxembourgeoise de
Pétange correspond à un ancien lit de la rivière Chiers. Ce cours d'eau a été
dévié, voilà plusieurs dizaines d'années, par l'entreprise sidérurgique
propriétaire des terrains de part et d'autre de la frontière, ce qui a entraîné
la création de deux enclaves luxembourgeoises d'une surface totale de 3,8
hectares.
Or ces enclaves représentent désormais une anomalie dans la géographie
actuelle du site et interdisent l'aménagement optimal de la plate-forme
industrielle dite « entre deux voies ». Celle-ci présente de nombreux avantages
pour l'accueil d'activités industrielles avec ses vingt-deux hectares d'un seul
tenant, sa surface quasiment plane, sa voirie et un réseau routier et ferré en
bordure.
La configuration ne permettant pas non plus au Luxembourg de valoriser son
terrain, les autorités des deux Etats se sont entendues pour réorganiser cet
espace par le biais d'un échange de territoires. L'accord du 15 mars 2000 porte
sur deux parcelles appartenant à l'Etat luxembourgeois, et sur une parcelle
française, propriété de l'Etablissement public de la métropole lorraine - EPML
- chargé de la mise en valeur des terrains industriels libérés du fait de la
fermeture des sites sidérurgiques.
Plusieurs dizaines d'hectares ont déjà été commercialisés à proximité de la
parcelle et sont occupés par des industriels, tels que Daewoo, Honeywell,
K-Container, Anaf et des entreprises de travail des métaux et de menuiserie
métallique. Les activités commerciales sont représentées par plusieurs
enseignes automobiles - Fiat, Opel, Volvo et Volkswagen - ainsi que par un pôle
de services pour petites et moyennes entreprises.
La plate-forme industrielle aboutit au point de rencontre des trois
frontières, dit « point triple », ce qui pourrait favoriser une dynamique
commune en matière de services. Les projets les plus avancés se répartissent
entre activités à caractère logistique et activités de services.
En particulier, le district de Longwy compte exploiter le rétablissement de la
ligne de chemin de fer Athus-Longwy le long de la parcelle française pour
développer le lien modal fer-route. La présence d'entrepôts Ikea et Bertelsmann
à proximité offre également de bonnes perspectives de valorisation du site.
Par ailleurs, la filiale luxembourgeoise d'un équipementier américain
spécialisé dans les produits en verre pour l'industrie automobile a fait montre
d'intérêt pour les nouveaux terrains disponibles.
La rectification de frontière permet d'améliorer l'offre de terrains
industriels alors qu'ils deviennent rares du fait du quasi-achèvement du
recyclage des friches industrielles, du caractère vallonné de la région et de
la préservation des zones naturelles dans le cadre du développement durable et
renouvelable.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames,
messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle l'accord entre
le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du grand-duché de
Luxembourg portant rectification de la frontière franco-luxembourgeoise, signé
à Luxembourg le 15 mars 2000, et qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui
proposé à votre approbation.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Robert Del Picchia,
rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, la rectification de frontière que nous avons à examiner est d'une
ampleur très limitée : elle porte sur l'échange de deux parcelles inhabitées de
38 017 mètres carrés chacune entre la France et le Luxembourg.
Dans le cas présent, le cours de la rivière Chiers a été modifié pour être
rendu rectiligne, vous l'avez dit, monsieur le ministre, ce qui en a facilité
l'utilisation pour les établissements sidérurgiques, alors que la frontière
restait fixée le long de son cours d'origine, marqué par la fantaisie de la
nature, et non par la stricte géométrie.
Tant que la sidérurgie fonctionnait, il importait peu que les établissements
industriels soient situés du côté français ou du côté luxembourgeois de la
frontière,.
Avec la reconversion de grande ampleur qu'a connue cette région, les friches
industrielles qui en ont découlé ont été affectées à de nouvelles activités,
qui rendent désormais nécessaire la coïncidence entre la frontière de fait,
constituée par le cours rectiligne de la rivière Chiers, et de la frontière de
droit.
A l'heure actuelle, chacune des plates-formes enclavées est propriété de
l'Etat voisin, ce qui simplifie les procédures à suivre.
Pour la France, la parcelle qui sera remise au Luxembourg appartient à
l'Etablissement public de la métropole Lorraine, établissement public chargé de
la mise en valeur des terrains industriels libérés par la reconversion
industrielle.
Pour le Luxembourg, la parcelle appartient à l'Etat luxembourgeois ; le
changement de tracé se traduira donc par un échange de titres de propriété
devant notaires entre le Luxembourg et l'Etablissement public de la métropole
Lorraine, une fois l'accord ratifié.
Vous avez parlé des projets d'implantation d'activités, monsieur le ministre,
je n'y reviens pas.
Je rappellerai simplement que l'Etablissement public de la métropole Lorraine
est à l'origine du présent accord, évoqué dès 1992. Les autorités
luxembourgeoises ont donné leur accord en 1993, puis les différentes
administrations compétentes, dont le service du cadastre, bien entendu, ont
élaboré les documents nécessaires.
Aussi sommes-nous conduits aujourd'hui à examiner cet accord, déposé en
première lecture au Sénat le 25 avril dernier.
L'adoption rapide de cet accord est souhaitable afin de permettre l'accueil,
sur les terrains qui seront ultérieurement aménagés, de plusieurs
investisseurs, tant français qu'étrangers.
Je vous propose donc, mes chers collègues, d'adopter le présent projet de
loi.
M. le président.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
«
Article unique
. - Est autorisée l'approbation de l'accord entre le
Gouvernement de la République française et le Gouvernement du grand-duché de
Luxembourg portant rectification de la frontière franco-luxembourgeoise, signé
à Luxembourg le 15 mars 2000, et dont le texte est annexé à la présente loi.
»
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons
interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures
dix, sous la présidence de M. Jean-Claude Gaudin.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président
M. le président.
La séance est reprise.
Mes chers collègues, avant de vous donner lecture des conclusions de la
conférence des présidents, je vous indique que, en application de l'article 17,
alinéa 1, du règlement du Sénat, la conférence des présidents propose de
renvoyer à une commission spéciale le projet de loi relatif à la Corse.
Il n'y a pas d'opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
11
CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS
M. le président.
La conférence des présidents a établi comme suit l'ordre du jour des
prochaines séances du Sénat :
Mercredi 20 juin 2001 :
A neuf heures trente :
Ordre du jour prioritaire
1° Suite du débat d'orientation budgétaire.
A quinze heures et, éventuellement, le soir :
2° Discours du président du Sénat.
Ordre du jour prioritaire
3° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après déclaration
d'urgence, portant amélioration de la couverture des non-salariés agricoles
contre les accidents du travail et les maladies professionnelles (n° 303,
2000-2001).
La conférence des présidents a fixé :
Au mardi 19 juin 2001, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des
amendements à ce texte ;
A deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion
générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun
groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les
inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant
dix-sept heures, le mardi 19 juin 2001.
Jeudi 21 juin 2001 :
Ordre du jour prioritaire
A neuf heures trente :
1° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative aux droits
du conjoint survivant (n° 224, 2000-2001).
La conférence des présidents a décidé :
De fixer au mardi 19 juin 2001, à dix-sept heures, le délai limite pour le
dépôt des amendements à ce texte ;
D'attribuer au représentant de la délégation aux droits des femmes et à
l'égalité des chances entre les hommes et les femmes un temps d'intervention de
dix minutes ;
De limiter à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la
discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la
liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les
inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant
dix-sept heures, le mercredi 20 juin 2001.
A quinze heures :
2° Eventuellement, suite de l'ordre du jour du matin.
3° Projet de loi autorisant la ratification de la convention relative à
l'adhésion de la République d'Autriche, de la République de Finlande et du
Royaume de Suède à la convention relative à l'élimination des doubles
impositions en cas de correction des bénéfices d'entreprises associées (n° 276,
1998-1999).
4° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le
Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du
Botswana en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la
fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu (n° 62 rectifié,
2000-2001).
5° Projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre
le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République
arabe d'Egypte en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion
fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune du 19 juin 1980 (n°
99, 2000-2001).
Lundi 25 juin 2001 :
Ordre du jour prioritaire
A seize heures et, éventuellement, le soir :
1° Nouvelle lecture du projet de loi, adopté avec modifications par
l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, portant diverses dispositions
d'ordre social, éducatif et culturel (n° 376, 2000-2001).
La conférence des présidents a décidé de fixer au vendredi 22 juin 2001, à
dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
2° Deuxième lecture de la proposition de la loi, adoptée avec modifications
par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relative à la lutte contre les
discriminations (n° 256, 2000-2001).
La conférence des présidents a décidé de fixer au vendredi 22 juin 2001, à
dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
Mardi 26 juin 2001 :
A dix heures trente :
1° Onze questions orales :
L'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement.
N° 1090 de Mme Hélène Luc à M. le ministre de l'intérieur (problèmes des
convoyeurs de fonds et mise en circulation de l'euro) ;
N° 1095 de M. Jean-Jacques Hyest transmise à M. le ministre de l'économie, des
finances et de l'industrie (régime fiscal de la prestation compensatoire en
matière de divorce) ;
N° 1098 de M. Aymeri de Montesquiou transmise à Mme le secrétaire d'Etat au
logement (conséquences de la loi SRU sur le nombre de délivrance de certificats
d'urbanisme et de permis de construire, en particulier dans les zones rurales)
;
N° 1099 de M. Michel Teston transmise à Mme le secrétaire d'Etat au logement
(réglementation applicable aux constructions en zone de montagne) ; N° 1100 de
M. Claude Haut à M. le ministre de la défense (renforcement des effectifs de
gendarmerie dans le Vaucluse) ;
N° 1102 de M. Martial Taugourdeau à M. le ministre délégué à la santé (malaise
des infirmières) ;
N° 1104 de M. Bernard Joly à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
(application des 35 heures au secteur de l'alimentation de détail) ;
N° 1106 de M. Jean-Paul Amoudry à M. le ministre délégué à la santé (pénurie
de personnel soignant dans les établissements pour personnes âgées des
départements limitrophes de la Suisse) ;
N° 1110 de M. Jean-Patrick Courtois à M. le ministre délégué à la santé
(revalorisation des prix de journée dans les cliniques de Mâcon) ;
N° 1111 de M. Roland Courteau à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche
(crise de la viticulture française) ;
N° 1113 de M. José Balarello à M. le ministre de la fonction publique et de la
réforme de l'Etat (organisation des concours de recrutement de la fonction
publique territoriale).
A seize heures et le soir :
Ordre du jour prioritaire
2° Deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par
l'Assemblée nationale en deuxième lecture, de modernisation sociale (n° 384,
2000-2001).
La conférence des présidents a décidé :
De fixer au lundi 25 juin 2001, à dix-sept heures, le délai limite pour le
dépôt des amendements à ce texte ;
De limiter à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la
discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la
liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les
inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant
dix-sept heures, le lundi 25 juin 2001.
Par ailleurs, à dix-huit heures :
3° Nomination des membres de la commission spéciale chargée d'examiner le
projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence,
relatif à la Corse (n° 340, 2000-2001).
Les candidatures à cette commission spéciale devront être déposées au
secrétariat central du service des commissions avant dix-sept heures, le mardi
26 juin 2001.
Mercredi 27 juin 2001 :
Ordre du jour prioritaire
A quinze heures et le soir :
Suite de la deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par
l'Assemblée nationale en deuxième lecture, de modernisation sociale (n° 384,
2000-2001).
Jeudi 28 juin 2001 :
A neuf heures trente :
Ordre du jour prioritaire
1° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification
du traité de Nice modifiant le traité sur l'Union européenne, les traités
instituant les Communautés européennes et certains actes connexes (n° 373,
2000-2001).
La conférence des présidents a décidé de limiter à trois heures la durée
globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs
des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les
inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant
dix-sept heures, le mercredi 27 juin 2001.
A quinze heures et le soir :
2° Questions d'actualité au Gouvernement.
L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la
séance avant onze heures.
Ordre du jour prioritaire
3° Eventuellement, suite de l'ordre du jour du matin.
4° Suite de la deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications
par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, de modernisation sociale (n°
384, 2000-2001).
5° Deuxième lecture, sous réserve de sa transmission, de la proposition de loi
organique relative aux lois de finances (Assemblée nationale, n° 3139).
La conférence des présidents a décidé de fixer au mercredi 27 juin 2001, à
dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
6° Nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale avec
modifications en nouvelle lecture, portant règlement définitif du budget de
1998 (n° 365, 2000-2001).
La conférence des présidents a décidé de fixer au mercredi 27 juin 2001, à
dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
7° Deuxième lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en
deuxième lecture, portant règlement définitif du budget de 1999 (n° 366,
2000-2001).
La conférence des présidents a décidé de fixer au mercredi 27 juin 2001, à
dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
8° Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet
de loi d'orientation sur la forêt.
Eventuellement, vendredi 29 juin 2001 :
Ordre du jour prioritaire
A neuf heures trente, à quinze heures et, éventuellement, le soir :
Suite de l'ordre du jour de la veille.
Dates des questions d'actualité au Gouvernement
pendant le premier trimestre de la session 2001-2002
Par ailleurs, la conférence des présidents a fixé les dates des séances des
questions d'actualité au Gouvernement pendant le premier trimestre de la
session 2001-2202 :
Jeudi 11 octobre 2001 ;
Jeudi 18 novembre 2001 ;
Jeudi 8 novembre 2001 ;
Jeudi 22 novembre 2001 ;
Jeudi 6 décembre 2001 ;
Jeudi 13 décembre 2001.
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence
des présidents relatives à la tenue des séances ?...
Ces propositions sont adoptées.
J'informe le Sénat que notre collègue M. Louis Boyer vient d'être victime, à
Orly, d'un accident cérébral. Nous sommes inquiets pour sa santé.
12
MISE AU POINT AU SUJET D'UN VOTE
M. Paul Loridant.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant.
Je souhaite faire une mise au point au sujet du vote intervenu la semaine
dernière, portant sur l'ensemble de la proposition de loi organique relative
aux lois de finances : me prononçant au nom du groupe communiste républicain et
citoyen, je me suis en effet abstenu, alors que je devais voter contre ce
texte.
Je tenais, monsieur le président, à faire cette rectification en séance.
M. le président.
Acte vous est donné de votre déclaration, monsieur Loridant.
13
ALLOCATION PERSONNALISÉE D'AUTONOMIE
Rejet d'un projet de loi en nouvelle lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi (n°
367, 2000-2001), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en
nouvelle lecture, relatif à la prise en charge de la perte d'autonomie des
personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie. [Rapport n° 375
(2000-2001).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat aux personnes âgées.
Monsieur le président, mesdames,
messieurs les sénateurs, je suis dans la situation quelque peu paradoxale
d'ouvrir un débat qui n'aura peut-être pas lieu. Tel serait en effet le cas si
une motion tendant à opposer la question préalable devait être adoptée.
Mais le plus grand paradoxe serait sans doute que le Sénat, de sa propre
initiative, prenne le risque politique d'annuler les espaces de concertation
encore existants dans un débat aussi important pour l'avenir des
départements.
Je veux le réaffirmer aujourd'hui simplement et sans effets : le Gouvernement
souhaite un vrai débat avec vous et pourrait faire preuve d'ouverture sur des
propositions cohérentes avec la philosophie du projet de loi.
Si la concertation est restée limitée en première lecture, en dépit de la
qualité de nos échanges, c'est notamment parce que le choix tactique de
proposer un contre-projet visant à réécrire totalement le texte du Gouvernement
bridait singulièrement les possibilités d'ouverture. Sur les dispositions
financières en particulier, le choix d'un système radicalement différent,
appuyé sur la dotation globale de fonctionnement, la DGF, ne laissait pas de
champ pour une négociation véritable.
Dans un esprit très concret d'ouverture, je souhaite revenir sur trois
points.
Le premier point porte sur la mise en oeuvre des concours versés aux
départements par le fonds de l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA.
J'avais dit, lors de la première lecture au Sénat, que j'étais sensible à vos
demandes de précisions, mesdames, messieurs les sénateurs, sur le jeu des
mécanismes de péréquation ou de compensation, et que le Gouvernement
chercherait à vous apporter des réponses. Un amendement gouvernemental voté à
l'Assemblée nationale en seconde lecture permet de progresser dans trois
directions importantes : l'abaissement d'un tiers du plafonnement de l'effort
maximal à la charge du département ; l'institution d'une clause de sauvegarde
spécifique pour les départements qui seraient confrontés à une montée en charge
nettement plus rapide que la moyenne ; l'instauration d'une clause de
rendez-vous avant la fin des deux premiers exercices, articulée avec le
processus d'évaluation globale.
Par ailleurs, le Gouvernement va déposer au Sénat un amendement tendant à
inscrire dans la loi la pondération entre les critères socio-démographiques. Il
a retenu une hypothèse pondérant à 70 % le poids démographique des personnes
âgées, à 25 % le potentiel fiscal et à 5 % le poids des bénéficiaires du revenu
minimum d'insertion, hypothèse la plus favorable aux départements à forte
population âgée et à potentiel fiscal faible ou moyen.
Les onze départements à plus forte population âgée, qui représentent 5,5 % de
la population globale, recevront ainsi 10,5 % des dotations. Les dix
départements présentant le plus faible potentiel fiscal, qui représentent 4,39
% de la population globale, recevront 8 % des dotations du fonds. Il est
difficile, mesdames, messieurs les sénateurs, d'aller plus loin dans la
redistribution au profit des départements pauvres à forte densité de personnes
âgées.
Un deuxième point a trait aux assurances que le Gouvernement a été pressé de
donner sur un taux minimum de participation de la solidarité nationale au
financement de l'allocation personnalisée d'autonomie.
Tout d'abord, soyons clairs sur l'essentiel : c'est l'initialisation qui exige
les règles du jeu les plus détaillées, puisque, pendant cette période, nous ne
pourrons pas raisonner avec le recul suffisant en termes de dépenses réelles
constatées. Notre ciblage macroéconomique, soit 16,5 milliards à l'horizon
2003, est à la fois volontariste et cohérent, et nous avons prévu, dès 2002,
les moyens d'assurer une compensation par la solidarité nationale du tiers de
la dépense totale et assise sur des ressources dynamiques. L'affectation de
0,10 point de la contribution sociale généralisée autorise, à structure
constante, un bonus de 200 millions de francs à 250 millions de francs par
an.
Après ces deux exercices initiaux, dans la période dite de croisière, nous
pourrons nous appuyer solidement sur l'évolution des dépenses constatées, en
fonction de règles de compensation que le rendez-vous inscrit dans la loi,
avant la fin de l'exercice 2003, aura permis d'ajuster, si, du moins, le besoin
s'en fait sentir.
On nous demande pourtant - Mme Elisabeth Guigou et moi-même avons bien entendu
les propositions des représentants de l'association des départements de France
que nous avons reçus - un engagement à long terme, une clause automatique de
financement minimal comparable à ce qui caractérisait les financements croisés
dans l'ancienne aide sociale.
On nous demande notamment une prise en charge partagée par moitié : 50 % pour
les départements, 50 % pour la solidarité nationale. J'ai envie de répondre
qu'un partage « cinquante-cinquante » appellerait une cogestion de l'ensemble
du dispositif.
(MM. Mercier et Nogrix sourient.)
Le Gouvernement n'a pas
retenu cette solution que de très nombreux présidents de conseils généraux
récuseraient.
(MM. Mercier et Nogrix s'exclament.)
Nous comprenons les préoccupations exprimées, mais je crois qu'il serait
hasardeux de figer des modalités de cet ordre à cinq ou dix ans.
Nous avons accepté dans la loi un grand niveau de précision pour la période
initiale. Nous avons renforcé les clauses de redistribution ou de sauvegarde.
Toutefois, nous ne pouvons valablement disposer pour le long terme qu'après
avoir connu l'épreuve des faits.
Sur ce type de sujets la meilleure garantie est, d'abord, politique, et elle
figure déjà dans le texte, sous la forme de la clause de rendez-vous
spécifique. Le gouvernement d'alors ne pourra, vous le savez bien, assurer
moins que ce que le gouvernement d'aujourd'hui tient, c'est-à-dire une
compensation au moins égale au tiers de la dépense totale.
(M. Mercier s'exclame de nouveau.)
D'ores et déjà, j'ai proposé à l'Association des départements de France une
concertation sur la méthode, afin que nous puissions, dès la fin de cette
année, commencer à préparer ce rendez-vous de 2003.
J'en viens maintenant au troisième point, peut-être le plus crucial, celui que
pose la commission départementale instituée auprès du président du conseil
général.
J'ai bien compris la position des présidents de conseils généraux sur cette
question. J'ai reçu une délégation de l'ADF ce matin même et je sais
l'importance que revêt ce point à leurs yeux.
J'ai entendu les arguments politiques selon lesquels la collectivité qui
financerait la majeure partie de la dépense ne peut avoir compétence liée. J'ai
entendu les arguments techniques sur les risques d'engorgement ou
d'embouteillage des commissions, d'abord préjudiciables aux demandeurs.
Le Gouvernement fait preuve d'ouverture et, avec son accord, l'Assemblée
nationale, en deuxième lecture, a supprimé la participation à la commission,
sans voix délibérative, d'un représentant de l'Etat.
Mais il dépose aujourd'hui, devant le Sénat, un amendement qui remplace les
mots « sur proposition », dans la phrase « l'allocation personnalisée
d'autonomie est accordée par décision du président du conseil général et servie
par le département sur proposition d'une commission... », par les mots « après
avis ». La compétence n'est plus liée, le caractère consultatif de la
commission est affirmé.
Il serait donc regrettable de fermer ce débat par l'adoption d'une question
préalable. Ne serait-ce que sur ce point, le débat mériterait d'être mené son
terme normal.
Je tiens à vous dire une fois encore pourquoi le Gouvernement est attaché à
l'existence d'une commission de ce type.
Tout d'abord, il lui paraît indispensable de disposer d'une instance de
régulation associant aux élus et aux techniciens du département les
représentants des autres parties prenantes au processus d'instruction des
demandes, notamment les organismes de protection sociale.
Ensuite, comme il s'agit d'une prestation personnalisée nouvelle, nous aurons
besoin d'un regard collégial sur ces décisions individuelles sensibles. Je
pense aux révisions et aux suspensions de droits, ou aux cas pour lesquels
l'équipe médico-sociale aurait besoin d'une instance d'interprétation.
M. Michel Mercier.
Vous n'avez aucune confiance dans les élus locaux !
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
Dans ce type de cas, l'intervention d'une commission
constitue une garantie pour l'ayant droit, mais aussi une sécurité pour les
décideurs.
Enfin, une coordination renforcée avec les organismes de retraite permettra de
conjuguer les efforts des différents financeurs sur des situations difficiles,
notamment en matière d'accueil de jour ou d'aide aux aidants.
Il serait fortement souhaitable, par exemple, qu'un dément sénile puisse,
au-delà de son plan d'aide, mobiliser quelques concours des caisses pour le
soutien à sa famille.
Si un amendement du Sénat était proposé pour orienter les missions de la
commission vers ce type de coordination, je ne m'y opposerais pas, sous réserve
bien entendu d'une ultime concertation sur la rédaction.
Telle est l'utilité de cette commission, tels sont les points auxquels le
Gouvernement ne souhaite pas renoncer. S'il devait y avoir discussion, je
l'aborderai de manière ouverte, avec l'idée de modalités de fonctionnement
souples, dans l'intérêt même des usagers.
En tout état de cause, c'est dans cet esprit pragmatique que le Gouvernement
continuera, sur le terrain réglementaire, la concertation amorcée avec
l'Association des départements de France.
Au moment de conclure cette intervention, j'ai envie de dire que les personnes
âgées ou les familles qui pourraient suivre nos échanges risquent de ne rien y
comprendre. Nous sommes d'accord, du moins je l'espère, sur beaucoup de choses
: l'urgence d'une réforme, l'idée d'un droit objectif et universel à gestion
décentralisée.
Pensons à la longue patience des personnes âgées et de leurs proches ! Cette
réforme si importante pour la vie de centaines de milliers de Français est
lancée : sur le terrain, les conseils généraux et les professionnels s'y
préparent, mais, dès à présent, les familles et les personnes âgées en
réclament la mise en oeuvre.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Vasselle,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Madame le secrétaire
d'Etat, vous avez conclu en soulignant que si nous n'y prenions garde et si le
Sénat n'acceptait pas de travailler avec le Gouvernement et l'Assemblée
nationale pour aboutir à un texte lisible et compréhensible en faveur des
personnes âgées nous en porterions la responsabilité.
Or, permettez-moi de vous le dire, madame le secrétaire d'Etat, le Sénat, en
première lecture, a tout fait...
M. Jean Chérioux.
Exactement !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
... pour que le texte qui a été présenté à l'Assemblée
nationale et qui aurait pu être le texte de référence pour l'ensemble des
personnes âgées et des acteurs sur le terrain soit le plus transparent, le plus
clair et le plus lisible possible.
A cet effet, nous nous étions prêtés à un exercice auquel le Sénat a
l'habitude de se livrer. Il s'est très largement inspiré ce qui a gêné,
semble-t-il, le Gouvernement et l'Assemblée nationale - du texte sur la
prestation spécifique dépendance qui était, selon moi - et personne ne l'a
démenti - une bonne référence, claire et compréhensible.
Deux points avaient fait l'objet d'un débat devant l'opinion publique : le
financement et le manque d'ouverture du dispositif, je pense notamment au GIR
4. Toutefois, personne n'avait mis en cause l'économie générale du texte et
l'ensemble du dispositif législatif. Mais le Gouvernement a renvoyé à une série
de décrets tout ce qui était initialement prévu dans ce texte sur la prestation
spécifique dépendance.
Aujourd'hui, vous venez nous donner des leçons en nous disant que, si, le
texte n'est pas lisible et compréhensible, les personnes âgées n'y comprendront
rien et le Sénat en porterait la lourde responsabilité !
Madame le secrétaire d'Etat, si vous ne vouliez pas que nous légiférions dans
l'urgence et si vous aviez accepté une étroite concertation entre le Parlement
et les associations représentatives des élus, l'Assemblée des départements de
France et l'Association des maires de France, je suis persuadé que nous aurions
réussi à élaborer un texte sur lequel aurait pu se dégager un très large
consensus.
Peut-être aurions-nous buté sur les modalités de financement. Sur le reste, je
suis persuadé que nous serions parvenus, avec l'Assemblée nationale, à un texte
lisible par tous.
Mais vous avez fait travailler le Parlement dans la précipitation, il suffit
de se reporter aux débats à l'Assemblée nationale ou de constater que le
Gouvernement en est encore à faire appel à des amendements pour essayer
d'améliorer le texte. Si vous aviez véritablement accepté de jouer un jeu
constructif, vous auriez pu le faire dès la première lecture. Pourquoi attendre
le moment ultime ?
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Très bien !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Madame le secrétaire d'Etat, les parlementaires sont déçus.
Les futurs bénéficiaires de cette allocation et l'opinion publique le seront
également.
Ce n'est pas comme cela que le Parlement peut faire du bon travail et qu'il
pourra reconquérir l'adhésion de l'opinion publique.
(M. Hilaire Flandre
approuve.
)
J'ai par ailleurs le sentiment que nous risquons malheureusement de connaître
un certain nombre de contentieux. Ils découleront des insuffisances du texte
législatif.
Je constate enfin, madame le secrétaire d'Etat, que vous vous étiez engagée à
nous communiquer les projets de décrets, et que vous ne l'avez pas fait.
Comment voulez-vous que nous fassions du bon travail dans ces conditions ?
Je présenterai maintenant, au nom de la commission des affaires sociales, le
rapport sur le projet de loi relatif à la prise en charge de la perte
d'autonomie des personnes âgées.
Le Sénat, saisi de dix-neuf articles en première lecture du projet de loi
relatif à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à
l'allocation personnalisée d'autonomie, avait adopté huit articles conformes et
en avait modifié huit autres, dans une rédaction qui n'était en aucun cas
incompatible avec la logique du texte. Il avait simplement cherché à adopter
une rédaction plus lisible et à inscrire dans le projet de loi des précisions
qui figuraient dans le texte relatif à la prestation spécifique dépendance et
qui lui semblaient utiles.
Le Sénat avait supprimé les articles 7, 8 et 14
bis.
La suppression de
ce dernier article, créant un comité scientifique chargé d'adapter les outils
d'évaluation de la dépendance, ne signifiait pas non plus un désaccord sur le
fond ; le Sénat avait estimé, en effet, que cette mission aurait été mieux
prise en compte par le comité national de coordination gérontologique.
Le Sénat y avait en outre adopté trois articles additionnels, les articles 9
bis,
14
ter
et 15
ter,
qui ne paraissaient pas non plus
contraires à l'esprit de ce projet de loi.
En revanche, la suppression des articles 7 et 8, et l'introduction parallèle
de trois articles additionnels, les articles 1
bis,
1
ter
et 2 A,
résultaient de l'opposition du Sénat aux modalités de financement retenues.
Cinq raisons majeures nous avaient conduits, en effet, à retenir le principe
d'un financement alternatif.
Premièrement, le projet de l'APA représente une grave menace pour les finances
locales.
Je crois qu'il n'est pas besoin, à ce stade, de développer ce point, qui a
fait l'objet de longs débats en première lecture. J'ajoute cependant que toutes
les estimations présentées par le Gouvernement ont été effectuées en tenant
compte du maintien du recours sur succession, qui jouait un rôle de « verrou »
dans le cadre de la PSD. Or ce recours sur succession a été supprimé par
l'Assemblée nationale en première lecture. Dès lors, nous pouvons être
inquiets, et ce d'autant plus que l'Assemblée nationale, en nouvelle lecture, a
supprimé la compensation de perte de recettes pour les départements résultant
d'un amendement de la commission des finances du Sénat, amendement que nous
avions déposé avec notre collègue Michel Mercier.
Deuxièmement, le financement de l'APA fait peser une lourde menace sur la
sécurité sociale. Le « fonds national de financement de la prestation autonomie
» a pour objet de permettre d'y affecter deux recettes émanant de la sécurité
sociale, la contribution versée au fonds par les régimes de base d'assurance
vieillesse, dont la constitutionnalité apparaît incertaine, et le CSG, alors
que l'Etat est le grand absent du financement de l'APA.
La CSG fait, en réalité, l'objet d'un double détournement.
Le premier détournement de la CSG consiste à financer une allocation qui n'est
pas une prestation de sécurité sociale. Il est vrai que le Gouvernement a
désormais la fâcheuse habitude de solliciter des concours de la sécurité
sociale pour d'autres objectifs que le financement de celle-ci ; le financement
des 35 heures en est l'illustration éclatante.
Le second détournement de la CSG consiste à financer un fonds de formation
professionnelle, à travers la création, au sein du fonds de financement de
l'APA, d'un autre fonds, le « fonds de modernisation de l'aide à domicile ».
L'objectif général, au demeurant louable, est de former les salariés des
associations d'aide à domicile et de contribuer ainsi à la professionalisation
de ce secteur. Qui pourrait s'y opposer ? Cependant, les actions de ce fonds
sont déjà plus imprécises et n'ont pas davantage été précisées par l'Assemblée
nationale en nouvelle lecture.
Quant à son financement, il pose de graves questions de principe. Ainsi,
comment peut-on justifier qu'un fonds de formation soit financé par la CSG,
dont l'objet est de financer de manière exclusive la sécurité sociale ?
Rappelons une fois encore, mes chers collègues, que le Gouvernement a refusé
d'appliquer une disposition de l'article 16 de la loi du 24 janvier 1997
portant création de la PSD prévoyant une formation pour les salariés de l'aide
à domicile. Nous avions, à maintes reprises, appelé l'attention de Martine
Aubry sur ce point. En somme, l'Etat accepte de former les salariés des
associations d'aide à domicile lorsqu'un tel financement est assuré par la
sécurité sociale !
C'est pour cette raison que le Sénat a choisi de « rétablir », en quelque
sorte, cette disposition restée inappliquée par l'adoption de l'article 2 A.
Troisièmement, le financement de l'APA n'est pas assuré.
Le coût total de la prestation en vitesse de croisière devrait être de 23
milliards de francs par an. Cette vitesse de croisière étant atteinte dès 2004,
il manquerait ainsi 6,5 milliards de francs.
Au passage, madame le secrétaire d'Etat, cette estimation de 23 milliards de
francs fait complètement l'impasse sur les conséquences financières qui vont
résulter de l'absence de recours sur succession, aucune évaluation n'ayant été
engagée par le Gouvernement sur ce point.
Le rapport que prévoit le Gouvernement à l'article 13 est prématuré. En effet,
le bilan de la seule année 2002, qui risque fort d'être une année de montée en
charge du dispositif, sera alors disponible mais incomplet, puisque ledit
rapport restera sans lendemain. C'est pour cette raison que nous avions procédé
à une nouvelle rédaction de cet article, retenant notamment le principe d'une
évaluation bisannuelle.
Quatrièmement, ce financement échappera à tout contrôle.
Même s'il est géré par le FSV, le « fonds de financement de l'APA » ne
constituera pas en tant que tel un « organisme concourant au financement des
régimes de base ». En conséquence, il échappera au contrôle du Parlement lors
de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Le fonds n'apparaîtra pas davantage en loi de finances.
Une fraction d'un des prélèvements obligatoires les plus importants, la CSG,
sera ainsi purement et simplement soustrait au contrôle du Parlement. La
fraction de la CSG affectée au fonds de financement n'apparaîtra plus dans les
prévisions de recettes de la loi de financement : elle ne sera, en somme, nulle
part !
Un tel recul des prérogatives du Parlement en matière de finances sociales,
désormais unanimement reconnues, est particulièrement grave.
Il n'est pas particulièrement heureux, alors que nous examinions il y a peu la
propposition de loi organique relative aux lois de finances, que le
Gouvernement, à la première occasion, prenne ainsi le contre-pied de ce que
pourrait souhaiter la représentation nationale.
Cinquièmement, ce financement est contradictoire par rapport aux autres
priorités affichées par le Gouvernement.
Le détournement, au profit du « fonds autonomie », d'une partie de la CSG
affecté au FSV va à l'inverse de la « politique » définie le 21 mars 2000 par
le Premier ministre lui-même pour l'alimentation du fonds de réserve des
retraites. Les « excédents » du FSV étaient, en effet, censés être la première
source d'alimentation de ce fonds.
Or, nous l'avons déjà évoqué, afin de financer les 35 heures, le Gouvernement
a déjà supprimé l'affectation au FSV des droits sur les alcools, qui ne
représentent pas moins de 11,5 milliards de francs en 2001, et diminué une
première fois la part de CSG affectée au FSV, soit 7,5 milliards de francs en
2001.
Les recettes du FSV, c'est-à-dire les moyens financiers qui étaient destinés à
garantir l'avenir des retraites, sont ainsi amputées annuellement de plus de 24
milliards de francs, soit 19 milliards de francs résultant de la loi de
financement pour 2001 et 5 milliards de francs au titre du financement de
l'allocation personnalisée d'autonomie.
En somme, le Gouvernement alimente un nouveau fonds par des recettes destinées
à un autre fonds - le FSV - qui était lui-même censé les reverser à un
troisième, le fonds de réserve des retraites.
M. Hilaire Flandre.
C'est le tonneau des Danaïdes !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Dans le rapport de contrôle que j'ai eu l'honneur de
présenter à la commission des affaires sociales le 19 avril dernier, nous
expliquions ainsi que les « 1 000 milliards » risquaient de ne pas être
atteints, puisque, du fait de la politique du Gouvernement, les années 2000,
2001 et 2002 montraient que le tableau de marche était bien mal engagé.
Certes, le FSV est amené à dégager de toute façon des excédents du fait de la
diminution du nombre des allocataires du minimum vieillesse, mais ces excédents
ne peuvent toutefois pas être multipliés à l'infini !
Lors de son audition en commission sur le projet de loi portant diverses
dispositions d'ordre social, éducatif et culturel, le DDOSEC, Mme Elisabeth
Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, avait promis à la commission
des affaires sociales des explications détaillées sur la masse des excédents du
FSV, censée atteindre 650 milliards de francs, au lieu des 400 milliards de
francs annoncés par le Premier ministre en mars 2000. Madame le secrétaire
d'Etat, nous attendons toujours ces données !
En conséquence, le Sénat avait supprimé le fonds de financement de l'APA et
avait retenu le principe d'un financement alternatif, reposant sur une tout
autre logique.
Les modalités de ce financement alternatif avaient été définies par la
commission des finances, saisie pour avis de ce projet de loi, et par son
rapporteur, M. Michel Mercier, avec qui j'avais travaillé en étroite
concertation.
Il s'agissait, mes chers collègues, de créer une dotation spéciale au sein de
la DGF des départements, Mme le secrétaire d'Etat y a fait référence tout à
l'heure pour manifester l'opposition du Gouvernement à ce dispositif. Il
présentait pourtant l'avantage de faire financer par l'Etat, et non par la
sécurité sociale, la moitié des dépenses supplémentaires nées de l'APA.
L'effort financier demandé aux départements aurait été ainsi mesuré et
contrôlé. L'Etat aurait été soumis à une forme de « ticket modérateur », en
raison de sa participation au financement, et le contrôle était rétabli.
Au total, cinq articles montraient un véritable « clivage » entre les deux
assemblées et c'est, du reste, sur le dispositif financier que la commission
mixte paritaire, réunie le 29 mai dernier, a échoué.
Cependant, l'Assemblée nationale, lors de l'examen de ce texte en nouvelle
lecture, ne s'est pas contentée de rétablir son dispositif financier de
première lecture.
Alors que le Sénat avait souhaité apporter un certain nombre de précisions et
de garanties figurant dans la loi du 24 janvier 1997 et tout à fait compatibles
avec le texte du Gouvernement, comme l'information des maires, la possibilité
pour la personne âgée de se faire assister de son médecin ou encore le contrôle
régulier de l'effectivité de l'aide apportée, ces précisions et ces garanties
ont été systématiquement supprimées par l'Assemblée nationale, qui a entendu
revenir, pour l'essentiel, à son texte initial.
Le rapport d'évaluation biannuel du Gouvernement proposé à l'article 13 a été
également supprimé, il ne restera donc qu'un seul rapport, disponible avant le
30 juin 2003.
Au total, l'Assemblée nationale a souhaité maintenir une présentation
législative complexe et lacunaire de l'APA, qui a pour mérite essentiel, aux
yeux du Gouvernement, de faire apparaître une rupture avec le texte actuel de
la PSD... qui aurait pu lui-même être amendé sur quatre ou cinq points pour
obtenir le même résultat ! Il y a véritablement là une volonté d'affichage
politique en ce qui concerne l'APA !
Cela étant, lors de la réunion de la commission mixte paritaire, il est apparu
que tout ce qui venait du Sénat n'était pas complètement négatif, et le
président de la commission de l'Assemblée nationale a considéré que, sur un
certain nombre de points, l'Assemblée nationale aurait pu retenir des
propositions faites par le Sénat, qui lui paraissaient tout à fait légitimes et
intéressantes. C'était sans compter le Gouvernement, qui prit l'initiative de
demander à l'Assemblée nationale de n'en rien faire. Je pense, par exemple, à
un amendement de bonne rédaction législative qui avait été adopté à l'article
1er de ce texte.
Je pourrais également évoquer le sort qui a été réservé à l'article 9
bis,
résultant d'un amendement déposé par notre collègue Charles Descours et
tendant à majorer la déduction fiscale pour les dépenses d'hébergement en
établissement en portant le taux de 25 % à 50 %. Il s'agissait, dans ce cas, de
contribuer à une meilleure égalité de traitement entre l'aide à domicile et
l'hébergement en établissement, mais le Gouvernement n'en a rien eu à faire :
pas question d'accepter ces dispositions et que l'Assemblée nationale rejette
tous les amendements du Sénat !
Et l'Assemblée nationale a joué les « godillots » pour faire plaisir au
Gouvernement, alors que le souhait de sa commission des affaires culturelles,
familiales et sociales était de voir l'article 9
bis
voté conforme. Du
reste, un tel amendement avait été adopté par ladite commission en première
lecture, puis retiré en séance publique à la demande du Gouvernement, et le
rapporteur de l'Assemblée nationale avait lui-même souligné, dans son rapport
de nouvelle lecture, l'importance de cet article introduit par le Sénat :
malgré son importance, il n'a pas résisté à un amendement de suppression déposé
par le Gouvernement.
Je pourrais mentionner encore l'article 15
ter
, qui mettait fin, par
coordination, au recours sur succession prévu pour les bénéficiaires de la
PSD.
Comment peut-on justifier, madame le secrétaire d'Etat, une telle différence
entre les deux dispositifs, sauf par la volonté de « faire du chiffre » sur
l'APA et de montrer ainsi le succès de la politique gouvernementale ? Vraiment
! Vous parliez tout à l'heure de lisibilité et de compréhension du texte par
les personnes âgées : comment allez-vous faire comprendre à celles qui sont
bénéficiaires de la PSD que le recours sur succession sera maintenu pour elles
seules, alors que, pour les personnes âgées bénéficiaires de l'APA, il est
supprimé ?
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Le Conseil
constitutionnel tranchera !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Si c'est cela un dispositif lisible et compréhensible par les
personnes âgées, il faudra m'expliquer !
M. Alain Joyandet.
C'est vrai !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Je me demande comment vous pourrez expliquer une telle
différence de traitement quand vous irez sur le terrain, dans les clubs de
personnes âgées ou devant les élus. Je vous souhaite bon courage !
M. Alain Joyandet.
Il a raison !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Compte tenu de la position que je vais proposer à la Haute
Assemblée d'adopter, il est fort probable que nous n'aurons pas l'occasion
d'examiner l'amendement tendant au rétablissement de la disposition, qui a été
déposé par le groupe de l'Union centriste, ce dont je le remercie ; il aurait
bien volontiers été adoptée par la commission des affaires sociales si le
Gouvernement et l'Assemblée nationale avaient manifesté une vraie volonté de
construire un texte consensuel, mais ce ne fut malheureusement pas le cas.
L'Assemblée nationale, mes chers collègues, a en outre modifié son propre
texte sur des points centraux pour l'écarter davantage encore des
préoccupations exprimées par notre assemblée.
Elle est finalement revenue au mécanisme de la « commission d'instruction »,
présidée par le président du conseil général ou son représentant, et qui doit «
proposer » au même président du conseil général les décisions qu'il doit
prendre. Ce matin même, nous avons découvert, en commission des affaires
sociales, un nouvel amendement du Gouvernement tendant, mes chers collègues, à
remplacer le mot : « proposition » par le mot : « avis ».
Au risque de paraître caricatural, le rapporteur que je suis a vraiment le
sentiment de contempler un travail d'amateurs, madame le secrétaire d'Etat. En
effet, formuler, au stade de la nouvelle lecture, une proposition sur la
commission d'instruction d'une telle nature c'est prouver que le Gouvernement a
été particulièrement laborieux dans sa recherche d'un texte équilibré et qui
corresponde ce qu'il souhaite réellement.
Si vous aviez eu la sagesse de suivre le Sénat, madame le secrétaire d'Etat,
vous n'en auriez pas été réduite à déposer des amendements de dernière minute
de cette nature.
Le texte se contente de prévoir que les modalités de fonctionnement de cette
commission, « qui réunit notamment les représentants du département et des
organismes de sécurité sociale », sont précisées par décret. Encore des décrets
!
Est-ce que ce dispositif, ou plutôt, selon vos propres termes, madame le
secrétaire d'Etat, cette « esquisse » que vous qualifiez encore « d'organe
collégial léger » ou de « commission souple », est conforme au principe de
libre administration des collectivités locales ? On peut se poser la question
!
En ce qui concerne le financement, l'Assemblée nationale s'est livrée en
séance publique - et en nouvelle lecture ! - à un véritable travail de
commission. Elle a, en effet, adopté un sous-amendement du Gouvernement tendant
à préciser les règles de répartition du concours du « fonds de financement de
l'allocation personnalisée d'autonomie ». Tout a été fait pour que le Parlement
soit tenu à l'écart des simulations réalisées par la direction générale des
collectivités territoriales.
J'en viens au montant du concours du fonds et je vous demande, mes chers
collègues, de me suivre avec beaucoup d'attention étant donné la complexité du
nouveau dispositif.
Quel est le nouveau dispositif qui a fait, à partir d'un amendement du
Gouvernement, l'objet d'un véritable travail de commission en séance publique à
l'Assemblée nationale ?
Dans un premier temps, le montant du concours du fonds est réparti
annuellement entre les départements, en fonction de la part des dépenses
réalisées au titre de l'APA dans le montant total des dépenses au titre de
l'APA constaté l'année précédente pour l'ensemble des départements - c'est le
premier critère.
Il est modulé en fonction du potentiel fiscal - c'est le deuxième critère - et
du nombre de bénéficiaires du revenu minimum d'insertion de chaque département
- c'est le troisième critère.
Lors du débat à l'Assemblée nationale, madame le secrétaire d'Etat, vous avez
fait référence aux critères supposés de pondération. Vous avez dit : « Le
Gouvernement retient une hypothèse centrale de 70 % pour le poids démographique
des personnes âgées... » - pourcentage qui, par le jeu d'un amendement qui nous
a été transmis ce matin, passe à 75 % - « 20 % pour le potentiel fiscal... » -
pourcentage qui, toujours par le jeu d'un amendement du Gouvernement, passe à
25 %...
(Mme le secrétaire d'Etat fait un signe de dénégation.)
La commission peut vous transmettre ce texte, madame le secrétaire d'Etat.
Vous le contestez, mais il s'agit bien d'un amendement du Gouvernement !
Je poursuis : « et 10 % pour les bénéficiaires du RMI » ; pourcentage qui
passe à 5 % toujours par le jeu d'un amendement du Gouvernement.
« Une dernière phase de concertation sera nécessaire avec les présidents de
conseils généraux. Le Gouvernement arrêtera et fera connaître sa position sur
cette répartition avant la dernière lecture de l'Assemblée nationale. »
La dernière lecture ne permettant aucun ajout au texte adopté par l'Assemblée
nationale en nouvelle lecture, ces critères ne seront donc pas définis par la
loi.
Vous ne pouvez pas dire une chose à l'Assemblée nationale et nous dire qu'on
pourra le faire en nouvelle lecture, d'autant que nous savons pertinemment que
cela ne pourra pas se faire.
Ces dispositions reprennent ce qui avait été annoncé en première lecture, mais
elles ont été complétées par de curieuses précisions.
Le montant des concours du fonds ne peut excéder par département la moitié des
dépenses d'APA dudit département : il s'agit d'une « limite haute ». Pour le
Gouvernement, il ne serait pas souhaitable que « le financement soit
majoritairement effectué par un mécanisme de solidarité nationale. »
J'en viens à la principale difficulté. Ce que je mentionnais tout à l'heure
était relativement compréhensible, mais c'est ici que la difficulté est
réelle.
« Une clause de sauvegarde spécifique », selon l'expression de Mme la
secrétaire d'Etat aux personnes âgées, prévoit également que le concours est
majoré pour les départements « confrontés à une forte pression ».
Le concours est ainsi majoré pour les départements dont la dépense moyenne
d'APA par personne âgée de plus de soixante-quinze ans dépasserait de plus de
30 % la moyenne nationale.
Cette majoration, égale à 80 % de la gestion des dépenses excédant le seuil de
30 %, est prise en charge par le fonds et minore à due concurrence les montants
à répartir par ce fonds aux autres départements.
(Marques d'incompréhension
sur les travées du RPR.)
Nul ne sait si « la limite haute » empêche l'application de la « clause de
sauvegarde spécifique », ou si cette clause est tellement spécifique qu'elle
est une exception à la limite haute... Comprenne qui voudra !
Mais quant au souci de transparence et de compréhension vis-à-vis des
personnes âgées, je ne suis pas persuadé qu'à la lecture du texte revu par
l'Assemblée nationale, elles y voient beaucoup plus clair. Je pense que la
version du Sénat était plus lisible.
Par ailleurs, les dépenses relatives à l'APA de chaque département ne peuvent
excéder un montant moyen par bénéficiaire égal à 80 % du montant au 1er janvier
2001 du montant de la majoration pour tierce personne, soit 4 705 francs par
mois. Les dépenses effectuées au-delà de ce seuil sont prises en charge en
totalité par le fonds et minorent à due concurrence les montants à répartir.
Je constate que les mécanismes retenus, en comparaison de ceux qui sont fixés
par le Sénat, relèvent de « l'usine à gaz », ce qui pourrait prêter à sourire
si cette complexité n'allait pas accroître davantage l'opacité du fonds de
financement de l'APA.
Le fonds ne pourra pas dépenser au-delà des recettes disponibles. Il sera
ainsi soumis en permanence à des arbitrages entre la compensation partielle
qu'il doit aux départements au titre des « trois critères » et les mécanismes
de péréquation mis en place pour tenter de soulager au maximum la charge des
départements les plus « touchés ».
De tels mécanismes reposent sur une pérennité chancelante, puisqu'ils devront
être réévalués avant la fin de l'année 2003, en fonction du bilan prévu à
l'article 13 du projet de loi.
Lors de la nouvelle lecture, le Gouvernement a souhaité, en outre, apporter
également des « précisions importantes », qui se traduisent par la création
d'un « groupe de suivi » de la tarification, d'un « groupe de réflexions » sur
le devenir des petites structures d'hébergement et d'une réflexion sur la «
mise à plat » des aides aux logements pour les personnes hébergées en
institutions.
Par ailleurs, le Gouvernement demande que lui soient laissées « encore
quelques semaines pour formaliser l'esquisse » du dispositif qu'il propose pour
l'examen des demandes d'attribution de l'allocation personnalisée d'autonomie.
Ce n'était vraiment pas au point !
Se trouve ainsi illustrée la démarche du Gouvernement tendant à proposer dans
l'urgence au Parlement un texte non abouti et non financé.
Le Gouvernement déplore que le petit jeu de la navette parlementaire le
contraigne à une gymnastique complexe dont il espère que le projet de loi
sortira indemne.
Cette conception du dialogue entre les assemblées, passablement éloignée des
termes et de l'esprit de l'article 45 de la Constitution, confirme le souci du
Gouvernement de n'autoriser à l'Assemblée nationale que des remords sur son
propre texte, au demeurant fort insuffisants pour en corriger les ambiguïtés et
les imperfections et, en tout état de cause, incapables de lui donner une base
financière viable.
Nous avons constaté, non sans une certaine inquiétude, que le Gouvernement
avait déposé aujourd'hui même - j'y ai fait référence à deux ou trois reprises
- des amendements tentant d'améliorer
in extremis
le texte adopté par
l'Assemblée nationale et de pallier ses déficiences.
Mais, madame la secrétaire d'Etat, permettez-moi de vous dire que, compte tenu
du sort réservé au texte que nous avions adopté en première lecture, il est
vraiment trop tard pour engager le dialogue avec le Sénat.
Telles sont les raisons, monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, pour lesquelles la commission des affaires sociales vous
propose, la mort dans l'âme, l'adoption d'une motion tendant à opposer la
question préalable.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR,
des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Jean Chérioux.
Nous y sommes contraints !
M. le président.
La parole est à M. Huguet.
M. Roland Huguet.
« Il faut diversifier l'offre de service qu'on peut proposer à domicile.
Au-delà des activités traditionnelles de portage des repas, d'aides ménagères
ou de soins, on pourrait organiser pour les personnes âgées des "ateliers de
mémoire", des groupes de paroles... Une conciliation astucieuse entre milieu de
vie ordinaire et institution permettrait d'ailleurs de leur offrir en outre un
accueil de jour, voire un accueil temporaire qui rendrait possible "un droit au
répit" pour leurs familles. »
Tels sont les mots que vous avez prononcés, madame la secrétaire d'Etat, et
qui montrent la perspective dans laquelle s'inscrit ce texte de loi : d'abord,
organiser des prises en charge différentes pour les personnes âgées, afin de
leur donner les moyens de maintenir leur potentiel, de rester actives dans la
société pour préserver leur autonomie le plus longtemps possible ; ensuite,
prévoir la transition avec l'entrée en établissement et soutenir les familles
dans l'accompagnement de leurs parents devenus dépendants, même faiblement ;
enfin, à l'heure de la dépendance, continuer à offrir dans les établissements
l'aide personnalisée correspondant aux besoins réels de la personne.
Le texte définissant l'allocation personnalisée d'autonomie est un bon texte,
abordant le problème - ô combien difficile ! - du vieillissement sous l'aspect
dynamique de la prévention de la perte d'autonomie et du maintien de celle-ci
le plus longtemps possible.
La population susceptible d'avoir recours à une prestation de ce type est
évaluée à 800 000 personnes environ, nous l'avons déjà dit. Sachant que la PSD
ne concernait que 135 000 d'entre eux, on peut en effet parler de progrès
social.
Au seul titre du classement en GIR 4, ce sont 264 000 personnes
supplémentaires qui pourront bénéficier de l'allocation personnalisée
d'autonomie.
La prise en charge de celles et de ceux qui ont perdu de l'autonomie, même si
leur dépendance est faible, sans condition de ressources et de recours aux
droits sur succession, de manière universelle, quel que soit le lieu de
résidence, à la maison ou en établissement, dans n'importe quel département de
France, tout cela constitue un véritable progrès social attendu par les
familles et les personnes âgées ou vieillissantes, dépendantes ou en passe de
le devenir.
En outre, et dans l'intérêt de tous, le volet de modernisation de ce texte de
loi permettra aux professionnels amenés à travailler auprès des personnes âgées
de mieux se former et de faire évoluer leur statut.
Les centre locaux d'information et de coordination qui se mettront en place -
un millier d'ici à 2005 - informeront les personnes âgées et leur famille des
possibilités existantes et articuleront les interventions des professionnels
rendant l'action des équipes intervenantes bien plus efficace et
performante.
Bien sûr, le problème du financement se pose à nous. Si je prends l'exemple de
mon département, le Pas-de-Calais, le nombre de personnes âgées dépendantes
potentiellement éligibles est estimé à 18 000, alors que les bénéficiaires de
la prestation spécifique dépendance sont actuellement au nombre de 5 000.
L'APA constitue donc une indéniable avancée sociale par rapport à la PSD. Mais
cela entraîne, bien entendu, un coût supplémentaire moyen de l'ordre de 63
millions de francs avant intervention du fonds de financement de l'APA.
Mes chers collègues, j'aimerais me tourner maintenant vers M. le rapporteur
que j'ai écouté avec beaucoup d'attention. Selon vous, ce texte n'est pas
parfait.
Mais quel gouvernement peut prétendre ne présenter que des textes parfaits
?
Je me souviens que M. Jacques Chirac, alors Premier ministre, avait présenté
devant l'Assemblée nationale un premier texte sur la taxe professionnelle qui
venait remplacer la patente. Et, on a vu plus tard, combien ce texte était
mauvais. Vous l'avez modifié et vous avez eu raison de le faire. Mais je veux
simplement vous rappeler que tout texte est toujours perfectible. Celui-ci ne
fait pas exception, monsieur le rapporteur.
Selon vous, le Gouvernement aurait dû aller plus loin dans la concertation à
l'occasion de la première lecture. Moi, je veux bien, mais Mme la secrétaire
d'Etat nous a donné tout à l'heure ses raisons. Elle a aussi rappelé que ce
n'était pas définitif, car il y aura un bilan. Vous le savez bien, on l'a tous
dit en commission et ici même lors de l'examen en première lecture, on se
dirige petit à petit vers un cinquième risque. Comme pour tous les textes de
loi, les premiers temps d'application permettent d'affiner les mesures et d'en
apprécier la justesse. Puis apparaissent les difficultés.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Mais on n'en est pas au premier texte !
M. Roland Huguet.
Ils permettent aussi de réfléchir sur les remèdes à instaurer pour améliorer
le processus.
D'ici à 2003, année de la première évaluation prévue par le texte, les
services départementaux et ceux de l'Etat suivront de près les effets de la loi
en termes tant de population concernée que d'efficacité des aides offertes.
Ces services, dont la compétence n'est plus à démonter - je parle de nos
services départementaux, même si je ne doute pas non plus d'ailleurs de la
compétence de ceux de l'Etat - sauront mettre à profit ce temps
d'expérimentation pour parfaire le texte de départ et proposer les
rectifications utiles et les moyens de financement équilibrés faisant appel à
la solidarité nationale et à la solidarité locale de manière harmonieuse et ne
pénalisant, je l'espère, ni les départements ni les usagers.
Nos partenaires, sécurité sociale et associations de soins à domicile, comme
les équipes en établissement, apporteront leur expérience du terrain pour faire
évoluer le texte et l'améliorer encore.
Les mesures concernant la prise en charge de la perte d'autonomie étaient,
comme vous l'avez dit, madame le secrétaire d'Etat, monsieur le rapporteur,
attendues par les personnes vieillissantes, dépendantes ou non, et par leur
famille.
Les progrès de la médecine font du vieillissement un problème de société
fondamental auquel il nous faut répondre. Plus de 90 % des personnes de plus de
soixante ans vivent chez elles. Elles y restent quand la dépendance approche,
et même quand elle est là. Parfois, l'un des conjoints entre en établissement
alors que le second reste à la maison. On estime à environ 520 000 le nombre de
personnes dans cette situation, classées en GIR de I à IV, qui continuent,
envers et contre tout, à vivre chez elles !
Il fallait ouvrir des perspectives sur le maintien de l'autonomie ; il fallait
élaborer un texte offrant aux personnes vieillissantes et à leur famille les
aides adaptées à leur situation et leur permettant de vivre de façon
satisfaisante, en conservant le maximum de potentiel personnel et en retardant
ainsi l'installation de la dépendance.
Quel que soit son âge, la personne âgée a toute sa place dans notre société.
Vieillir ne doit pas être synonyme de perte de dignité ou d'intégrité. Vieillir
en restant un citoyen à part entière, en conservant sa place dans la vie
quotidienne, en gardant un niveau de revenus et des conditions de vie
satisfaisantes, c'est le souhait, l'espoir de chacun d'entre nous.
Le projet de loi se place dans cette optique et correspond à ces attentes.
C'est pourquoi le groupe socialiste du Sénat maintient sa position et approuve
sans restriction le texte issu des débats de l'Assemblée nationale.
En conclusion - n'y voyez pas une pirouette, le sujet dont nous débattons est
trop sérieux - il est vrai que le financement pose un problème, mais plus
l'effort à faire en matière de financement sera important, plus le bénéfice
qu'en attendent les personnes âgées sera grand !
Enfin, mes chers collègues, nous avons tous connu un président de la
République, par ailleurs général célèbre, qui disait : « L'important, c'est
l'action. L'intendance suivra ! »
(Applaudissements sur les travées socialistes. - Sourires sur les travées de
l'Union centriste et du RPR.)
M. Roland du Luart.
A condition d'en avoir les moyens !
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, une
nouvelle fois, nous sommes amenés à examiner le projet de loi relatif à la
prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation
personnalisée d'autonomie.
Cette discussion intervient après, d'une part, l'échec de la commission mixte
paritaire réunie le 29 mai dernier, qui s'est trouvée dans l'incapacité de
parvenir à un texte commun, le point majeur de désaccord, le financement de
l'APA, n'ayant pu être surmonté, d'autre part, après la nouvelle lecture par
l'Assemblée nationale qui a permis, pour l'essentiel, de rétablir le texte dans
sa version initiale tout en l'améliorant sur certains points.
Je salue cette démarche de l'autre chambre, car elle a permis d'affirmer sans
ambiguïté - ce qui n'était pas le cas au sein de la Haute Assemblée, qui a
manifesté au cours de la première lecture une certaine « nostalgie » de la PSD
- un nouveau droit, universel, objectif, accessible, selon des conditions
identiques sur l'ensemble du territoire, aux personnes âgées en perte
d'autonomie.
Sur le point clé du dispositif, à savoir le fonds de financement de
l'allocation personnalisée d'autonomie, des précisions attendues par l'ensemble
des parlementaires ont été apportées. L'amendement de la commission des
affaires culturelles, complété par un sous-amendement du Gouvernement, qui a
permis de revoir les modalités de la péréquation entre les départements, de
retenir comme critères de répartition le poids démographique des personnes
âgées, le potentiel fiscal et le nombre de bénéficiaires du RMI, et de fixer la
pondération de ces critères, a fort justement répondu - même si M. Vasselle
prétend le contraire - aux inquiétudes exprimées, tout en tenant compte de la
diversité de situation des départements.
M. Michel Mercier.
Il faudrait le dire à Lyon, monsieur Fischer !
M. Guy Fischer.
Je le répéterai à Lyon, monsieur Mercier !
M. Michel Mercier.
Je vous donne rendez-vous aussi dans le Val-de-Marne !
M. Guy Fischer.
Sur un autre point, le texte a pu évoluer : le Comité national de coordination
gérontologique sera maintenu. Je souhaite qu'une fois ses missions redéfinies
dans le cadre de l'APA cette instance de coordination soit un lieu d'échanges
servant aussi à l'évaluation de cette loi, à son adaptation à la nécessaire
couverture de tous les besoins, en complément du comité scientifique
d'adaptation des outils d'évaluation de l'autonomie et du conseil
d'administration de surveillance du fonds de financement.
Moyennant le retrait de la disposition sénatoriale relative à l'ajustement
automatique de la DGF, la suppression de tout recours sur succession ou
donation est acquise.
N'en déplaise à certains, je me félicite de l'abandon de cette règle qui,
au-delà de son caractère dissuasif, « enlevait à l'APA tout caractère de
prestation universelle ».
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Qui va payer ?
M. Jean Chérioux.
Ce n'est jamais un problème pour le groupe communiste !
M. Guy Fischer.
Nous aurons à en rediscuter, parce que le problème du recours sur succession
touchait les plus pauvres, monsieur Chérioux,...
M. Jean Chérioux.
On fera payer les riches !
M. Guy Fischer.
... et vous savez fort bien que c'étaient les plus pauvres qui ne faisaient
pas appel à la PSD !
Mme Hélène Luc.
C'est vrai !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Le Rhône faisait payer les plus riches !
M. Guy Fischer.
Le Rhône avait modifié la loi, à ma demande.
(Rires.)
M. Michel Mercier.
C'est bien la première fois que je dois vous remercier !
(Rires.)
M. Guy Fischer.
Pour une fois, le président Mercier nous avait écoutés. Mais il n'était pas
allé jusqu'au bout du chemin !
N'en déplaise à certains ici, je me félicite de l'abandon de cette règle qui,
au-delà de son aspect dissuasif, « enlevait à l'APA tout le caractère de
prestation universelle ». Je me contente ici de citer les associations dont je
partage l'appréciation.
Enfin, s'agissant de l'accueil en établissement, qui concerne tout de même 650
000 personnes ne pouvant être maintenues à domicile, la question de la
nécessaire égalité de traitement a de nouveau été posée par les députés. Le
dispositif prévoyant de porter à 50 % le taux de la réduction fiscale au profit
des personnes hébergées en établissements - mesure touchant non pas, il est
vrai, toutes les personnes âgées, mais uniquement celles qui sont redevables de
l'impôt sur le revenu, appartenant de fait aux couches sociales intermédiaires
- n'a finalement pas été retenu.
Vous vous êtes engagée, madame le secrétaire d'Etat, à résoudre ce problème de
la diminution du coût de l'hébergement en établissement en facilitant l'accès à
l'aide personnalisée au logement pour les personnes concernées. Nous serons
attentifs à ce que ces mesures entrent véritablement en application, car, pour
les personnes hébergées en établissement comme pour leurs familles, il convient
de ne pas se contenter des effets attendus de la réforme de la tarification en
termes de diminution du coût de l'hébergement, faute alors de garantir une
réelle liberté de choix.
Conformément à la volonté de l'ensemble des intervenants, l'Assemblée
nationale a retenu l'expérimentation du versement globalisé de l'APA pour les
départements volontaires. Par ailleurs, l'évaluation de la mutualisation des
aides individuelles est prévue dans le cadre du bilan de la mise en oeuvre de
la loi à l'article 13 et j'espère que, dans trois ans, nous pourrons la
généraliser.
Considérant que le projet gouvernemental restait perfectible, bien que toutes
les conséquences des insuffisances réelles de la PSD en termes d'accès à la
prestation, de niveau de celle-ci ou d'égalité de traitement aient été tirées,
les parlementaires communistes ont cherché à en corriger le principal
défaut.
Ainsi nous sommes-nous résolument positionnés en faveur d'une véritable
prestation de sécurité sociale, légale, universelle, sans barrière d'âge,
effectivement individualisée, permettant un choix de vie. Cette solution avait
en plus le mérite de régler le problème du financement.
Une clause de rendez-vous a été prise. Nous souhaitons que d'autres pas soient
franchis et qu'on reconnaisse enfin, pleinement, ce nouveau risque social,
cinquième risque, idée que nous avons été les seuls à porter dans le débat,
bien qu'elle soit largement partagée par le monde associatif, et commence à
être reprise par d'autres parlementaires.
Dans l'immédiat, loin de ces considérations, sur proposition de son
rapporteur, la commission des affaires sociales soumet à l'adoption du Sénat
une motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi. Il n'y
aurait pas, ou plus, matière à débattre, alors que le présent texte, plus
qu'attendu, jette les bases d'une politique nouvelle en matière d'aide à
l'autonomie, de nature à préserver la dignité non seulement des personnes
âgées, mais également de leurs familles.
Nous ne souscrivons pas à cette démarche. Le sujet mérite, selon nous, des
échanges approfondis. Par conséquent, dès à présent, je tiens à signaler que le
groupe communiste républicain et citoyen votera contre cette motion.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen
et sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-Louis Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain.
L'Assemblée nationale a supprimé, le 7 juin dernier, la disposition qui avait
été adoptée par le Sénat, aux termes de laquelle il était mis fin à la
récupération sur succession de sommes servies au titre de la PSD.
Il nous avait semblé souhaitable de réintroduire cette disposition pour
permettre un alignement des conditions d'attribution et montants de toutes les
prestations : la PSD, l'ACTP et l'APA.
En effet, en l'état actuel de la législation, l'ACTP comme la PSD permettent,
au maximum, de financer à peine quatre heures d'aides, contre près de six
heures pour la future APA !
De même, les bénéficiaires de l'ACTP ou de la PSD sont soumis à la
récupération sur succession, contrairement aux futurs bénéficiaires de
l'APA.
La suppression de cette disposition et, consécutivement, un traitement
différent des prestataires en fonction de la prestation versée, est
particulièrement problématique, aucune disposition n'étant prévue dans le
projet de loi concernant le passage à l'APA pour les actuels bénéficiaires de
la PSD ou de l'ACTP.
Ces bénéficiaires, qui passeront au régime de l'APA, seront-ils redevables de
la récupération sur succession pour la période où ils ont bénéficié de la PSD
ou de l'ACTP ? Compte tenu du silence du projet de loi sur cette question, on
peut craindre une réponse affirmative, ce qui constituerait une grande
injustice s'agissant des personnes handicapées qui se retrouvent démunies en
raison de leur handicap.
On ne saurait dès lors partager l'analyse de certains selon laquelle le
maintien de la récupération sur sucession concernant la PSD serait de nature à
« rendre plus attractive l'APA et favoriser le passage de la PSD à l'APA ».
Dans un souci de clarté du dispositif, d'effectivité autant que de justice et
d'égalité, nous avions déposé, mes collègues du groupe de l'Union centriste et
moi-même, un amendement à l'article 15
bis
tendant à prévoir un
alignement des régimes ACTP, PSD et APA.
Cet amendement ne pourra être examiné, puisque la commission des affaires
sociales a décidé d'opposer la question préalable au projet de loi qui revient
aujourd'hui devant le Sénat en nouvelle lecture.
Je suis sûr que la commission aurait donné un avis favorable à notre
amendement, comme l'a affirmé le rapporteur, et qu'elle souhaite que ce
problème puisse être clarifié, en lecture définitive, à l'Assemblée nationale
par le Gouvernement.
Au demeurant, nous souscrivons aux arguments qui ont contraint la commission à
opposer la question préalable en regrettant que la majorité gouvernementale de
l'Assemblée nationale n'ait pas cru devoir retenir les propositions du Sénat.
Cette décision ne satisfait réellement personne, mais c'est la conclusion d'un
débat largement insuffisant.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et
Indépendants et du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, après
avoir entendu le rapport de M. Vasselle, - excellent, ce qui ne me surprend
pas...
M. Roland du Luart.
Remarquable !
M. Jean-Pierre Fourcade
... j'avouerai que je n'en partage pas les conclusions.
Certes, le texte que vous avez présenté, madame le secrétaire d'Etat, est
incomplet, mal ficelé, mal financé et l'Assemblée nationale en a aggravé les
faiblesses, si bien que les deux grands problèmes posés demeurent. Ainsi,
quelles sont les personnes âgées dépendantes qui vont entrer dans le nouveau
mécanisme ? On parle des personnes relevant du GIR 4, mais des problèmes de
dépendance se posent aussi pour celles qui relèvent du GIR 5 et du GIR 6.
Il est bien évident également que l'on ne peut pas avoir la même approche
technique, médicale et financière pour les personnes âgées qui restent à
domicile et pour celles qui entrent en établissement, et le fait que les
personnes âgées entrent en établissement de plus en plus tard n'est pas un
élément d'unification du mécanisme.
Toutefois, j'ai été très étonné de voir la commission décider de déposer une
motion tendant à opposer la question préalable dans la mesure où il s'agit de
traiter, d'une part, d'un problème de société qui intéresse plusieurs centaines
de milliers de nos concitoyens et, d'autre part, d'un problème financier
considérable qui va s'aggraver au cours des prochaines années. Je vois
d'ailleurs une malice du calendrier dans le fait de discuter le même jour du
financement de l'allocation personnalisée d'autonomie et des orientations
budgétaires pour l'année 2002 ; il est évident que l'un aura des répercussions
sur l'autre.
C'est la raison pour laquelle, avec mes collègues du groupe du Rassemblement
démocratique et social européen, j'ai décidé de ne pas participer au vote.
En effet, nous ne voulons pas voter contre la question préalable, car les
arguments de M. Vasselle sont judicieux, mais nous ne voulons pas voter pour,
parce qu'il nous semble malgré tout que le dispositif prévu par le Gouvernement
marque un progrès.
J'aurais préféré, quant à moi, que la commission proposât quatre ou cinq
amendements importants permettant de bien marquer la position du Sénat, sans
rompre le débat en se réfugiant dans une motion de procédure.
Le premier aurait visé à obliger toutes les caisses d'assurances vieillesse de
notre pays à mettre en place un système d'assurance individuelle dépendance
auquel on aurait adhéré à partir de quarante-cinq ans ou cinquante ans, et qui
aurait permis de trouver les ressources nécessaires pour financer l'allocation
sans faire appel à des mécanismes de partage ou d'aggravation de la
fiscalité.
Un tel système existe dans des régimes de retraite comme ceux de la SNCF ou de
la RATP et il fonctionne très bien. Il permet de payer le séjour en
établissement d'un certain nombre de personnes.
Nous avons tort de toujours nous tourner vers une solution d'assistance et de
ne jamais mettre en place des mécanismes qui fassent appel à la responsabilité
des citoyens.
M. Roland du Luart.
Très bien !
M. Jean-Pierre Fourcade.
Par un deuxième amendement, nous aurions dû avoir le courage de revenir sur la
suppression de la récupération sur succession. Il est certain que le seuil de
300 000 francs était beaucoup trop bas, mais faire totalement disparaître tout
mécanisme de récupération sur succession va ouvrir les vannes de l'allocation.
Nous aurions pu fixer un seuil plus élevé : 1 million de francs ou 2 millions
de francs ; cela aurait permis de limiter l'attraction considérable que pourra
exercer le nouveau mécanisme. Nous aurions ainsi montré qu'en tant que
gestionnaires des deniers publics, de l'Etat, de la sécurité sociale et des
collectivités locales, nous essayons de prendre nos responsabilités, même à
contre-courant, sans céder à la démagogie et en allant à l'encontre de
l'opinion d'un certain nombre de médias ou de directeurs de centre
d'hébergement.
M. Roland du Luart.
Absolument !
M. Jean-Pierre Fourcade.
Le troisième amendement aurait eu pour objet de plafonner la contribution des
départements à 150 % de leur versement de l'année dernière afin de garantir
qu'ils n'auront pas à financer la totalité de l'opération.
Enfin, un quatrième amendement tendrait à prévoir une modulation de la CSG de
0,50 % à 0,75 % pour assurer le complément et faire fonctionner le dispositif.
Le Sénat aurait gagné, me semble-t-il, en crédibilité vis-à-vis de l'opinion
publique, de l'ensemble des retraités et de tous ceux qui attendent quelque
chose de notre assemblée en déposant ces quatre ou cinq amendements essentiels
plutôt qu'en se réfugiant dans le dépôt d'une motion de procédure.
(Applaudissements sur les travées du RDSE.)
M. Jean Chérioux.
Ce n'est pas une solution refuge !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ? ...
La discussion générale est close.
Question préalable
M. le président.
Je suis saisi par M. Vasselle, au nom de la commission, d'une motion n° 1
tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat :
« Considérant que la prestation spécifique dépendance instituée par la loi du
24 janvier 1997 constituait une première mais décisive étape dans l'attente
d'une loi instituant une prestation d'autonomie pour les personnes âgées
dépendantes ;
« Considérant que, lors de l'examen en première lecture du présent projet de
loi, le Sénat avait regretté le choix fait à dessein par le Gouvernement d'une
présentation complexe et ambiguë destinée à faire apparaître artificiellement
une rupture entre l'allocation personnalisée d'autonomie et la prestation
spécifique dépendance ;
« Considérant que l'allocation personnalisée d'autonomie retient pourtant
l'essentiel des apports de la prestation spécifique dépendance en tant qu'elle
est une prestation en nature servie et gérée par les départements et reposant
sur un plan d'aide individualisée ;
« Considérant que son dispositif est toutefois moins précis et moins
protecteur et renvoie pour l'essentiel à des décrets d'application dont les
projets, en dépit des engagements pris par le Gouvernement dès le 28 mars 2001,
n'ont pas été transmis aux parlementaires ;
« Considérant que, en première lecture, le Sénat a souhaité apporter un
certain nombre de précisions et de garanties figurant dans la loi du 24 janvier
1997 et qui sont parfaitement compatibles avec le texte du Gouvernement qu'il
en est ainsi, par exemple, de l'information des maires, de la possibilité de la
personne âgée de se faire assister de son médecin ou encore du contrôle
régulier de l'effectivité de l'aide apportée ;
« Considérant que l'Assemblée nationale a entendu revenir pour l'essentiel à
son texte initial, supprimant ainsi les précisions et garanties apportées par
le Sénat, que lorsque sa commission des affaires culturelles, familiales et
sociales entendait se rallier au texte du Sénat, le Gouvernement a pris,
lui-même, l'initiative de demander à l'Assemblée nationale de n'en rien faire
;
« Considérant que, lors de l'examen du présent projet de loi en première
lecture, le Sénat a pris acte que le dispositif du Gouvernement allait plus
loin que l'actuelle prestation spécifique dépendance qui s'était adressée en
priorité aux plus démunis et aux plus dépendants mais qu'il a fait grief au
Gouvernement de ne pas avoir assorti cette mesure généreuse des financements
nécessaires ;
« Considérant, de fait, que le Gouvernement reporte sur les départements et la
sécurité sociale le soin de financer les générosités de sa politique sociale
dont il s'exonère lui-même totalement ;
« Considérant que le financement de l'allocation personnalisée d'autonomie en
2002 fait appel à un effort supplémentaire des départements, à un prélèvement
opéré sur la contribution sociale généralisée affectée au fonds de solidarité
vieillesse et à une contribution des régimes de retraites ;
« Considérant que, dès 2003, le dispositif n'est plus financé et renvoie à un
rapport d'étape le soin de trouver les expédients nécessaires constituant
autant de menaces pour l'équilibre des finances départementales et des finances
sociales ;
« Considérant que le Sénat a estimé, en première lecture, que le prélèvement
opéré sur la contribution sociale généralisée constituait un double
détournement, d'abord pour financer une allocation qui n'est pas une prestation
de sécurité sociale, ensuite pour contribuer spécifiquement à un fonds de
formation professionnelle constitué au sein du fonds de financement de
l'allocation personnalisée d'autonomie ;
« Considérant qu'il a de même dénoncé la contribution des caisses de retraite,
imposition de toute nature dont ni le taux, ni l'assiette, ni les modalités de
recouvrement sont clairement identifiés ;
« Considérant que ces deux prélèvements amputent les excédents tant du Fonds
de solidarité vieillesse que de la Caisse nationale d'assurance vieillesse qui
doivent abonder le fonds de réserve des retraites ; que, dans ces conditions,
les moyens accrus consacrés à pallier les effets de la dépendance feront défaut
au service des pensions à compter de 2020 ;
« Considérant que cette politique de "Gribouille" ne saurait tenir lieu de
projet pour les personnes âgées ;
« Considérant qu'en conséquence le Sénat avait proposé un dispositif de
financement raisonnable faisant intervenir l'Etat au titre de la solidarité
nationale sous la forme d'un concours particulier au sein de la dotation
globale de fonctionnement des départements ;
« Considérant que, en nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a écarté cette
solution non sans apporter, à ce stade de la navette et à l'initiative du
Gouvernement, de profondes modifications aux modalités de répartition entre les
départements des concours du fonds de financement de l'allocation personnalisée
d'autonomie pour les deux exercices 2002 et 2003 ;
« Considérant que le projet de loi met à la charge des départements une
dépense supplémentaire en ne prévoyant qu'une compensation tardive et partielle
; que cette compensation s'opère selon des critères dont le texte ne précise
nulle part la pondération ;
« Considérant en outre que, selon l'article 72 de la Constitution, "les
collectivités territoriales s'administrent librement par des conseils élus et
dans des conditions prévues par la loi", que l'intervention, supprimée par
l'Assemblée nationale en première lecture mais rétablie par elle en nouvelle
lecture, d'une commission d'attribution, dont la composition est insuffisamment
définie et qui est chargée de "proposer" au président du conseil général
l'attribution de l'allocation, supprime de fait toute marge de manoeuvre aux
conseils élus pour s'administrer librement, que si l'objet de la dépense
apparaît clair, son ampleur reste incertaine ;
« Considérant qu'à l'occasion de la nouvelle lecture à l'Assemblée nationale,
le Gouvernement a tenu à apporter également des "précisions importantes" qui se
traduisent par la création d'un "groupe de suivi" de la tarification, d'un
"groupe de réflexions" sur le devenir des petites structures d'hébergement et
d'une réflexion sur la "mise à plat" des aides aux logements pour les personnes
hébergées en institutions, que, par ailleurs, le Gouvernement demande que lui
soient laissées "encore quelques semaines pour formaliser l'esquisse" du
dispositif qu'il propose pour l'examen des demandes d'attribution de
l'allocation personnalisée d'autonomie ;
« Considérant que se trouve ainsi illustrée la démarche du Gouvernement
tendant à proposer dans l'urgence au Parlement un texte non abouti et non
financé ;
« Considérant que le Gouvernement déplore que "le petit jeu de la navette
parlementaire (le contraigne) à une gymnastique complexe dont (il) espère (que)
le projet de loi sortira indemne" ;
« Considérant que cette conception du dialogue entre les Assemblées,
passablement éloignée des termes et de l'esprit de l'article 45 de la
Constitution, confirme le souci du Gouvernement de n'autoriser à l'Assemblée
nationale que des remords sur son propre texte, au demeurant fort insuffisants
pour en corriger les ambiguïtés et les imperfections et, en tout état de cause,
incapables de lui donner une base financière viable ;
« Décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de
loi n° 367 (2000-2001), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en
nouvelle lecture, relatif à la prise en charge de la perte d'autonomie des
personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie. »
Je rappelle que, en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement
du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative
ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour
quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie
au fond et le Gouvernement.
La parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée
n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. le rapporteur, auteur de la motion.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers
collègues, en ce qui concerne la motion tendant à opposer la question
préalable, je pense avoir été suffisamment clair et explicite dans la
discussion générale pour ne pas reprendre mon argumentation point par point.
Permettez-moi cependant d'apporter un éclairage supplémentaire à la Haute
Assemblée, à la suite de l'intervention de notre collègue Jean-Pierre Fourcade,
qui a justifié l'abstention de son groupe lors du vote de cette motion.
Je voudrais indiquer aux membres du RDSE qu'il n'existe pas, au fond, de
divergences fondamentales entre la démarche qu'ils auraient souhaité voir
adopter et celle de la majorité sénatoriale. Nous nous séparons simplement sur
la méthode et sur la procédure adoptée.
La commission a défini sa position en tirant les conséquences de l'attitude de
l'Assemblée nationale à l'égard du travail effectué par le Sénat en première
lecture.
Monsieur Fourcade, vous avez appelé l'attention de la Haute Assemblée sur cinq
propositions. Vous auriez souhaité que nous les réaffirmions une nouvelle fois
pour montrer à l'opinion quels étaient le sentiment et la volonté du Sénat en
matière de prestation d'autonomie.
Lors de la première lecture, la commission avait déposé quasiment toutes les
propositions auxquelles vous avez fait allusion, mis à part la proposition
concrète relative au système d'assurance, à laquelle je souscrivais à titre
personnel et qui avait été défendue devant l'opinion publique par l'opposition
nationale.
A mon sens, il faudra certainement qu'un jour nous revenions sur ce point pour
prendre une initiative en la matière. Pour l'instant, nous avons voulu faire
preuve de réalisme devant l'attitude adoptée par le Gouvernement, qui s'est
opposé à toutes les ouvertures que nous avons tenté de faire, même si elles
étaient susceptibles de recueillir l'assentiment desdeux assemblées.
Nous ne nous faisions donc aucune illusion quant à l'attitude qu'aurait le
Gouvernement à l'égard d'amendements reprenant des propositions que nous avions
faites en première lecture ni à celle de l'Assemblée nationale devant un texte
contenant des propositions, pourtant bien argumentées, telles que celles que
nous avions adoptées en première lecture et qui auraient dû recueillir
l'adhésion ou de l'Assemblée nationale ou du Gouvernement.
D'ailleurs, les amendements présentés aujourd'hui par le Gouvernement ne sont
pas de nature à nous laisser penser que celui-ci serait prêt à accepter en
nouvelle lecture des amendements qu'il aurait repoussés en première lecture.
Il nous a donc semblé que la moins mauvaise des solutions consistait à faire
adopter par la Haute Assemblée une motion opposant la question préalable
puisque le Gouvernement comme l'Assemblée nationale avaient fermé la
discussion.
Cela étant, sur l'essentiel, nous sommes d'accord. Comme l'a laissé entendre
notre collègue Huguet, il faudra sans doute revenir un jour sur ce texte ; on
s'apercevra alors que si on avait pris le temps de l'examiner, on aurait
certainement pu faire un meilleur travail. En tout cas, si l'opposition
actuelle devient majorité, il faudra absolument qu'elle prenne des initiatives
afin de mieux répondre non seulement à l'attente des personnes âgées mais
également à celle des différents acteurs du terrain.
(Applaudissements sur
les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme Campion contre la motion.
Mme Claire-Lise Campion.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
motion opposant la question préalable qui nous est soumise semble se justifier
par l'amertume de la majorité de la commission des affaires sociales, qui a
constaté que ses amendements avaient été massivement rejetés par le
Gouvernement et supprimés par les députés à l'Assemblée nationale.
Je regrette que la majorité sénatoriale ait pris le parti, en première
lecture, de vouloir rétablir les caractéristiques de la PSD.
Vous vous opposez fréquemment aux projets du Gouvernement et aux textes votés
à l'Assemblée nationale, mes chers collègues, ce qui est parfaitement légitime,
car c'est par la confrontation démocratique qu'avance le débat d'idées au
bénéfice de l'efficacité des mesures concrètes qu'attendent nos concitoyens.
Mais, s'agissant de l'APA, vos amendements tendaient tout simplement à revenir
en arrière, c'est-à-dire à rétablir le dispositif antérieur de la PSD, que tout
le monde est unanime à dénoncer. La lucidité commandait de reconnaître cet
échec et de se concentrer sur l'avenir. Vous n'en avez pas été capables. Vous
avez préféré vous accrocher au passé plutôt que de reconnaître que nous avions
eu raison en 1996 et 1997...
M. Jean Chérioux.
Vous avez toujours raison, de toute façon !
Mme Claire-Lise Campion.
... de dénoncer les graves imperfections de la PSD.
Deviez-vous pour autant la revendiquer ? C'est votre problème. D'une certaine
façon, votre question préalable est utile pour éclairer l'opinion puisqu'elle
vous fait exprimer ce que nous souhaitons voir reconnu : l'APA constitue une
vraie rupture par rapport à la PSD et elle ouvre des perspectives.
Vous revendiquez la conservation de l'ancien système. Je vais donc faire un
bref comparatif.
L'APA représente un droit nouveau, universel, égal et objectif, ce qui est
considérable. Il permet à toute personne de plus de soixante ans se trouvant
dans une situation de dépendance physique ou mentale objective de bénéficier
d'un plan d'aide.
M. Charles Descours.
Pourquoi pas le cinquième risque ? Il faut aller jusqu'au bout !
Mme Claire-Lise Campion.
Ce plan est défini en concertation avec des professionnels pour tenir compte
des aspirations individuelles de la personne âgée et des capacités
d'accompagnement de son environnement. C'est un objectif très ambitieux que
personne ne devrait remettre en cause.
Des financements sont proposés pour réaliser ce plan en fonction du degré de
dépendance et du niveau de ressources.
C'est un objectif très ambitieux, que personne ne peut remettre en cause.
Chacun, en envisageant les difficultés qui pourraient survenir à la fin de sa
vie ou en considérant les contraintes que représente une personne âgée
dépendante pour sa famille, prend conscience que ce texte place l'ambition au
service du bons sens.
La PSD ne prenait pas en compte l'attente forte de nos concitoyens, qui est de
bénéficier de dispositifs susceptibles de donner corps à une attention sur
mesure.
Au moment de nous prononcer sur cette question préalable, nous devons,
d'abord, nous demander ce que, de l'APA ou de la PSD, nous préférerions pour
nous-mêmes ou pour un membre de notre famille. Je ne crois pas que, en tant
qu'usager, quiconque puisse hésiter longtemps avant de choisir l'APA !
M. Roland Huguet.
Très bien !
Mme Claire-Lise Campion.
Nous devons nous poser une seconde question en tant que responsables qui
légifèrent : les financements prévus pour l'APA seront-ils à la hauteur des
ambitions ?
La PSD affichait des principes, mais multipliait des conditions d'accès
dissuasives, pour masquer le manque de moyens. En fin de compte, elle ne
bénéficiait, de façon très inégale, qu'à 135 000 personnes sur les 800 000 en
situation de dépendance.
J'insiste sur le caractère ambitieux de l'APA. Celle-ci répond à deux
impératifs.
Il s'agit d'abord d'un impératif de progrès social. Il est d'autant plus
nécessaire de réaliser une avancée concrète que la PSD a engendré une énorme
désillusion. Il nous faut maintenant redonner de la crédibilité au dispositif
relatif à la dépendance et convaincre nos concitoyens de son accessibilité.
Le second impératif est lié au coût de la mesure. L'APA a, certes, un coût
élevé, à la mesure de l'ambition qu'elle traduit. Mais il n'y avait pas
d'argent pour financer la PSD. Or l'amélioration de la situation de notre
économie depuis quatre ans permet de dégager les ressources nécessaires.
M. Charles Descours.
Dans les départements, oui ! Pas au niveau de l'Etat !
Mme Claire-Lise Campion.
Si plus de moyens sont disponibles, au-delà du choix qui est fait de les
affecter à des avancées sociales, il nous revient, en tant que responsables,
d'avoir le souci de les employer de telle manière que, en retour, ils
nourrissent la croissance.
Nous voulons que les personnes âgées puissent bénéficier de la croissance,
mais également qu'elles en soient les actrices. C'est pourquoi nous augmentons
leur pouvoir d'achat de services d'aide à l'autonomie. Vingt mille emplois
seront créés.
M. Roland du Luart.
Financés par qui ?
Mme Claire-Lise Campion.
Par ailleurs, nous faisons en sorte que ces emplois correspondent à des
compétences variées et puissent enrichir l'expérience des personnes qui les
exercent. Le plan d'aide qui sera proposé permettra d'aller au-delà des
activités traditionnelles de portage de repas ou d'aide à la toilette et
d'accompagner la personne âgée dans la constitution ou le maintien de liens
sociaux à travers ces diverses activités. Un fonds de modernisation sera
institué pour promouvoir et renforcer cette évolution plus humaine.
L'APA ne vise pas seulement à permettre à nos concitoyens de cueillir les
fruits de la croissance. Elle est conçue pour la nourrir, à l'échelle du pays
comme à celle du département. Elle sera utile aux personnes âgées dépendantes
ainsi qu'à toutes celles et ceux qui les entourent.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Encore faut-il que la croissance soit au rendez-vous !
Mme Claire-Lise Campion.
Autre avantage de l'APA par rapport à la PSD : elle constitue une meilleure
base pour aller plus loin. Non seulement elle doit favoriser le maintien à
domicile, mais elle permet d'ouvrir la réflexion sur le droit à compensation
pour toute personne, quel que soit son âge, en situation de handicap physique,
psychique ou social, droit qui pourrait être envoyé dans le futur.
Avant d'aller plus loin, il faudra établir un premier bilan sur la manière
dont notre société utilise le dispositif de l'APA tel qu'il est d'ores et déjà
prévu. C'est pourquoi un rendez-vous est fixé en 2003 pour évaluer les premiers
résultats et mesurer l'évolution des besoins de financement. Il conviendra
alors de préciser comment peut être mobilisée la solidarité nationale,...
M. Hilaire Flandre.
Nous y voilà !
Mme Claire-Lise Campion.
... que ce soit dans le cadre d'un cinquième risque ou d'un dispositif
comparable à la CMU.
Il y a là une démarche de rupture qui fait écho aux mesures prises par le
Gouvernement depuis quatre ans dans plusieurs domaines et qui sont empreintes
de la même philosophie. J'en citerai deux : la loi contre les exclusions, avec
le programme TRACE, qui permet un suivi individualisé, et la loi sur les 35
heures. Celle-ci rend plus disponibles les actifs, leur permettant de consacrer
plus de temps et d'attention à leurs parents, renforçant ainsi les solidarités
familiales.
La réduction du temps de travail vise aussi à donner à chacun plus de temps
pour soi, ce que permet également l'APA en faisant bénéficier les familles d'un
soutien dans les soins qu'elles consacrent aux personnes âgées dépendantes. De
ce point de vue, l'APA constitue aussi un moyen de se libérer de certaines
servitudes.
Socialement ambitieux, ce texte est indiscutablement un outil pour mieux
appréhender le problème de la dépendance qui est lié au vieillissement de la
population, et cela vous ne pouvez le nier, mesdames, messieurs de la majorité
sénatoriale. Ce qui vous gêne peut-être - mais c'est un clivage que nous
revendiquons - c'est qu'il fait de l'efficacité économique un effet du progrès
social et non l'inverse.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi
que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
Il fallait ouvrir les perspectives, en particulier
les perspectives financières : ce texte le fait.
Il fallait créer un droit pour les personnes âgées en perte d'autonomie : ce
texte le crée.
Il fallait affirmer la proximité et la décentralisation : ce texte
l'affirme.
M. Louis de Broissia.
Ah ?
M. Charles Descours.
C'est la décentralisation aux frais des départements !
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
Dès lors, le Gouvernement ne peut qu'être défavorable
à cette motion dont l'adoption aurait pour effet de clore le débat.
J'ajouterai simplement qu'il est à mes yeux dommage que l'APA fasse l'objet
d'une opposition uniquement politicienne.
M. Louis de Broissia.
Pas du tout !
M. Alain Joyandet.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Joyandet.
M. Alain Joyandet.
Madame le secrétaire d'Etat, tout le monde, ici, est d'accord pour considérer
que le dispositif de la PSD, qui avait été créée sur l'initiative du Sénat,
doit être amélioré. Il n'y a aucune démarche politicienne. Nous nous efforçons
tous d'appréhender honnêtement les textes qui nous sont proposés par le
Gouvernement.
Notre excellent rapporteur, Alain Vasselle, a d'ailleurs clairement formulé
des propositions pour améliorer le texte que vous nous avez présenté. Au
demeurant, ces propositions n'étaient pas nécessairement incompatibles avec ce
qui avait été suggéré à l'Assemblée nationale.
Alain Vasselle a aussi dénoncé certaines des techniques employées par le
Gouvernement pour faire financer cette nouvelle politique sociale par d'autres
que lui. Quelques-uns des présidents de conseil général qui siègent dans cet
hémicycle s'en étaient d'ailleurs émus. Les nouvelles « tuyauteries » imaginées
ont été mises au jour et nous avons démontré que le mécanisme d'équilibrage
prévu allait peser sur les finances départementales.
Hélas ! sur ce point comme sur d'autres, aucun dialogue n'a été possible en
commission mixte paritaire.
Alain Vasselle a également dénoncé le procédé consistant, pour le
Gouvernement, à déposer des amendements au dernier moment. Au passage, cela
montre bien que ce texte est loin d'être définitivement au point.
A la lumière de l'analyse faite par la commission et compte tenu de
l'impossibilité d'entente avec l'Assemblée nationale, le groupe du RPR
soutiendra la motion présentée par le rapporteur tendant à opposer la question
préalable.
Nous regrettons vivement que le dialogue soit actuellement impossible avec
l'Assemblée nationale et croyez bien, Madame le secrétaire d'Etat, que notre
attitude, en cet instant, loin d'être politicienne, est au contraire
profondément responsable. Il serait en effet beaucoup plus facile, aujourd'hui,
en termes politiques, voire démagogiques, de soutenir les propositions que vous
nous soumettez, et M. Fourcade a eu tout à fait raison, à cet égard, de
souligner la coïncidence avec le débat d'orientation budgétaire.
Oui, contrairement à ce qu'a dit tout à l'heure notre collègue du groupe
socialiste, la position de la majorité sénatoriale est courageuse et
responsable, car nous voulons réellement améliorer le dispositif, mais en
sachant précisément qui paie quoi, et cela n'a rien à voir avec une opposition
purement politicienne.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du
RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion aurait pour effet d'entraîner le
rejet du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
M. Raymond Courrière.
Comme cela, on verra qui soutient les personnes âgées et qui ne les soutient
pas !
M. le président.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 299 |
Nombre de suffrages exprimés | 299 |
Majorité absolue des suffrages | 150 |
Pour l'adoption | 200 |
Contre | 99 |
En conséquence, le projet de loi est rejeté.
14
ALLOCATION D'AUTONOMIE
POUR LES JEUNES
Adoption d'une proposition de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi (n° 134,
2000-2001), adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la mise en place
d'une allocation d'autonomie pour les jeunes de seize à vingt-cinq ans.
[Rapport n° 371 (2000-2001).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avec la proposition
de la loi relative à la création d'une commission nationale pour l'autonomie
des jeunes, nous abordons la question de ceux qu'on appelait jadis « les grands
enfants » et que l'on nomme aujourd'hui « les jeunes adultes ».
On se rend compte que le glissement vers l'âge adulte n'est plus un simple
étirement quantitatif de la période juvénile. Il se caractérise par des
remaniements complexes intervertissant parfois l'ordre des étapes, qu'il
s'agisse de l'accès à l'emploi, de l'accès au logement autonome ou de la
relation de couple. Il met en cause la pérennité même de ces étapes : une étape
franchie ne l'est plus nécessairement définitivement. Bref, les situations sont
devenues plus floues, plus mouvantes. L'allongement de la durée des études et
une entrée dans la vie active plus tardive et parfois incertaine ont conduit
beaucoup de jeunes à rester vivre chez leurs parents. Les incertitudes et les
périodes d'instabilité, notamment professionnelle, sont nombreuses, malgré
l'amélioration considérable de la situation économique des jeunes. Enfin, de
fortes inégalités entre jeunes perdurent.
La situation des jeunes adultes est à l'intersection des mutations de la
famille, des évolutions du monde du travail et de la formation. C'est la raison
pour laquelle ce sujet a été à l'ordre du jour de la conférence de famille du
11 juin dernier.
Il nous faut traiter cette question dans toutes ses dimensions.
Je rappellerai d'abord brièvement que, depuis quatre ans, le Gouvernement a
décidé un ensemble de mesures en faveur des jeunes adultes, sous forme d'aides
destinées soit aux parents ayant en charge des enfants majeurs, soit
directement aux jeunes adultes.
C'est ainsi que nous avons relevé les limites d'âge des prestations
familiales, jusqu'à l'âge de vingt ans pour les allocations familiales et
jusqu'à l'âge de vingt et un ans pour le complément familial et l'aide au
logement. Nous avons développé les aides directes à la poursuite de la
scolarité et revalorisé les bourses de l'enseignement supérieur dans le cadre
du plan social étudiant, ainsi que les aides complémentaires, financées
notamment par différents fonds, dont le fonds de solidarité universitaire.
S'agissant de l'insertion professionnelle, un effort sans précédent a été
réalisé.
Ainsi, le programme TRACE - trajet d'accès à l'emploi - est destiné à
accompagner vers l'emploi durable des jeunes en grande difficulté pour une
durée pouvant aller jusqu'à dix-huit mois. Au cours de cette période, le jeune
bénéficie d'un accompagnement renforcé et tous les dispositifs qui existent en
matière de formation, d'insertion professionnelle, mais aussi de santé, d'accès
au logement ou de sécurisation de ses ressources sont mis en oeuvre. Ce
programme a déjà permis à plus de 100 000 jeunes d'être suivis dans ce cadre et
à 54 % d'entre eux de trouver l'insertion professionnelle dès la sortie du
parcours.
Le programme « nouveaux services emplois-jeunes » est une réussite : il a
permis de créer des activités nouvelles qui améliorent la vie quotidienne des
Français et d'embaucher à ce jour plus de 312 000 jeunes en trois ans. Le cap
des 350 000 jeunes embauchés sera franchi à l'automne 2001. Il a contribué à la
baisse importante du chômage des jeunes - trois jeunes sur quatre étaient
demandeurs d'emplois - et a rendu confiance à ceux qui étaient sans perspective
d'emploi.
Je rappelle aussi que, depuis 1997, grâce à l'effort de tous, le chômage des
jeunes a baissé de plus de 40 %.
Des mesures nouvelles et ciblées ont été annoncées par le Premier ministre
dans le cadre de la conférence de la famille du 11 juin dernier, à laquelle
participait pour la première fois un représentant du conseil national de la
jeunesse, sur l'initiative de Mme Marie-George Buffet, puisque ce sujet était à
l'ordre du jour.
Le programme TRACE, que j'ai évoqué voilà un instant, destiné à accompagner
vers l'emploi durable des jeunes en grande difficulté, va être renforcé et
élargi. Mme Elisabeth Guigou annoncera très prochainement le dispositif
renforcé qui sera mis en place dans le cadre de la lutte contre l'exclusion.
Le Gouvernement a également pris la décision d'engager le programme « nouveaux
services emplois-jeunes » dans une nouvelle étape, autour de deux priorités :
assurer l'avenir professionnel des jeunes et consolider les services et les
emplois créés.
Enfin, nous avons pris des mesures très importantes en faveur du logement
puisque, nous le savons bien, l'accès à celui-ci pour un jeune adulte est la
traduction concrète de sa prise d'autonomie.
Avec Mme Marie-Noëlle Lienemann, nous avons décidé de réformer le dispositif
d'évaluation forfaitaire des ressources afin que le jeune actif aux revenus
modestes bénéficie d'une aide au logement qui tienne compte de ses revenus
réels. Le droit commun s'appliquera désormais. Cette réforme permettra de
majorer et de stabiliser l'aide au logement durant les premiers mois suivant
l'installation du jeune et de consolider ainsi son projet de vie autonome.
Dans le même esprit, pour répondre aux difficultés que rencontrent les jeunes
pour prendre en charge le dépôt de garantie lors de l'accès à un logement, le
dispositif LOCA-PASS, qui permet de prendre en charge les deux mois de caution,
est financé sur le 1 % logement et il permet à plus de 75 000 jeunes d'accéder
au logement. Ce dispositif sera également élargi grâce aux discussions que Mme
Marie-Noëlle Lienemann va ouvrir avec les partenaires sociaux pour utiliser le
1 % logement afin d'étendre ce dispositif.
Par ailleurs, nous allons étendre aux foyers de jeunes travailleurs la réforme
des aides personnelles au logement par la fusion et la simplification des
barèmes, ce qui permettra d'améliorer les aides versées tout en créant une
nouvelle génération de foyers de jeunes travailleurs plus diffus et
correspondant mieux à la personnalité des jeunes travailleurs.
S'agissant de l'offre de logements pour les jeunes, le Gouvernement s'est
engagé à amplifier son développement et à favoriser la mixité sociale. Ainsi,
la convention Etat-Union des foyers de jeunes travailleurs, signée par M. Louis
Besson, prévoit de mobiliser 10 000 logements supplémentaires. Cet effort sera
accompagné par un soutien renforcé des caisses d'allocations familiales.
S'agissant des étudiants, le nouveau financement du logement social pourra être
utilisé pour réaliser 2 000 logements supplémentaires par an.
Mais, comme je l'ai déjà souligné, il importe, pour les prochaines étapes,
d'engager une réflexion d'ensemble sur ce sujet. En effet, il reste beaucoup à
faire, en particulier pour les jeunes qui se trouvent dans les situations les
plus précaires. La méthode du Gouvernement concernant les jeunes adultes est
celle que vous connaissez : diagnostic, discussion puis décision. Le débat qui
nous rassemble aujourd'hui s'inscrit dans cette préoccupation d'associer la
représentation nationale aux prochaines étapes concernant les jeunes
adultes.
La qualité et la richesse des travaux récents relatifs à la situation des
jeunes adultes, et dont vous avez rendu compte dans votre rapport, monsieur le
rapporteur, sont la preuve de la pertinence de cette question et de l'intérêt
qui s'attache à la traiter dans toutes ces dimensions.
Une première étape a été franchie lors de la discussion du projet de loi de
financement de la sécurité sociale puisque j'ai déposé au Parlement un rapport
qui dressait un état des lieux actuel des différentes aides versées aux
familles ou aux adultes. Nous disposons également du rapport que M. Brin a
présenté devant le Conseil économique et social et des rapports du Plan. Nous
avons donc entre les mains plusieurs éléments de diagnostic.
Le Gouvernement est, bien entendu, favorable à la proposition du groupe
communiste, qui permettra de faire encore progresser le dispositif.
Il a, pour les jeunes les plus en difficulté, une autre ambition que
l'expérience précoce du RMI ou la création d'un SMIC-jeunes. Il ne s'agit donc
ni de l'un ni de l'autre. Notre priorité, que vous partagez, demeure la
formation, l'insertion sociale et l'accès à l'emploi des jeunes, car ce sont
les clés d'entrée, et les seules, permettant aux jeunes de devenir adultes,
autonomes, citoyens et acteurs de l'avenir du pays.
La remise à plat des aides existantes, leur confrontation avec les besoins
actuels des jeunes seront salutaires pour les jeunes adultes, pour les familles
et pour celle qu'ils ont envie de créer, ainsi que pour l'efficacité de
l'action publique. Je me réjouis qu'il soit prévu d'associer largement les
jeunes à cette réflexion collective.
Je souhaite également que les associations familiales y soient associées, car
notre préoccupation est de n'imposer aucun modèle, c'est-à-dire de conforter la
solidarité familiale tout en encourageant les jeunes à leur prise d'autonomie,
et, au titre des personnes qualifiées, je souhaite que l'UNAF, l'Union
nationale des associations familiales, soit présente.
Respect de la liberté des choix individuels, accompagnement lucide et
déterminé des mutations actuelles, correction volontaire des inégalités, tels
sont nos principes d'action.
Il s'agit de sécuriser les trajets des jeunes adultes en assurant
l'inscription de chacun dans une chaîne générationnelle solide et de leur
donner l'aptitude à trouver, chacun à son rythme, leurs propres marques dans un
monde qui change et dans une France qui avance.
Ces jeunes adultes que nous évoquons aujourd'hui méritent autre chose que la
crainte que demain ne leur soit pas favorable. A nous de les aider, à nous
d'assumer le choix d'investir pour l'avenir, car la jeunesse est cette partie
de nous-mêmes qui devra affronter demain.
Au-delà de l'évolution de tel ou tel dispositif particulier, il s'agit de
l'inscrire dans un projet politique au coeur duquel les jeunes sont non pas un
problème mais une partie active de la solution, car ils nous incitent à
regarder devant nous, non pas seulement à prévoir l'avenir mais, surtout, à le
permettre.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Roland Muzeau,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
madame la ministre, mes chers collègues, longtemps regardée comme une sorte
d'âge d'or, la jeunesse est aujourd'hui considérée par beaucoup de jeunes
adultes comme une période difficile.
En effet, la situation des jeunes est moins confortable que par le passé : ils
trouvent plus tardivement et plus difficilement les moyens de conquérir ce
qu'ils considèrent comme les attributs de la vie d'adulte, à savoir l'accès à
l'emploi, au logement, aux loisirs.
En conséquence, et presque naturellement, ils se tournent vers leurs aînés et
vers les pouvoirs publics pour que leur longue marche vers l'autonomie soit
facilitée.
Devant cette attente forte, le groupe communiste a déposé sur le bureau de
l'Assemblée nationale une proposition de loi visant à créer une allocation
d'autonomie pour les jeunes de seize à vingt-cinq ans.
La triple nécessité de parfaire le diagnostic, d'attendre la remise de
plusieurs contributions sur la question et, peut-être également, de mieux
cibler les moyens mis en oeuvre pour faciliter cette accession ont conduit la
commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée
nationale à proposer la création d'une commission chargée d'établir un
diagnostic partagé sur la question et de formuler des propositions
consensuelles.
Si la création d'une commission auprès du Premier ministre était possible par
la voie réglementaire, le choix de la voie législative permet aujourd'hui de
dresser un premier constat et de faire valoir aux jeunes qu'ils ne sont pas
oubliés.
Il est aujourd'hui délicat de peindre un tableau uniforme de la situation des
jeunes adultes. Néanmoins, un constat peut être fait pour tous : l'insertion
dans la vie active, source de l'autonomie financière, est moins précoce que par
le passé.
Conséquence de l'effort réalisé par la nation pour que les jeunes soient mieux
formés, pour qu'un plus grand nombre d'entre eux aient accès à une formation
supérieure, la massification de l'enseignement a une portée incontestable : en
moyenne, on entre à l'école à trois ans et on en sort à vingt-deux ans.
Or, la période des études, qui ne donne pas lieu à une rémunération, est
allongée, alors même que les besoins de ces jeunes sont, pour beaucoup, des
besoins d'adulte : accéder à un logement, réaliser leur vie affective, accéder
à des loisirs, à la culture.
L'allongement de la durée des études n'est pas seule en cause pour expliquer
leur longue route dans la quête de leur autonomie financière.
A la sortie de leurs études, courtes ou longues, nombreux sont ceux qui
éprouvent de réelles difficultés pour s'insérer sur le marché du travail.
La précarisation du travail des jeunes est un phénomène constaté, et déploré
par tous. Les chiffres sont sans appel : en 1998, 11,9 % de la population
active étaient au chômage, le taux atteignant 20,9 % parmi les moins de
vingt-cinq ans.
Ce taux de chômage, même si les jeunes adultes sont ceux qui ont le plus
bénéficié de l'amélioration de l'emploi, reste élevé par rapport à d'autres
pays, notamment de l'Europe du nord. Or, sans insertion professionnelle, ils ne
disposent pas de ressources leur permettant de construire leurs projets.
Pour trouver à s'insérer, beaucoup d'entre eux doivent d'ailleurs accepter des
formules d'emploi précarisées, dites « formes particulières d'emploi ». Les
jeunes salariés de moins de vingt-neuf ans ne sont plus que 66 % à être
titulaires d'un CDI, contrat à durée indéterminée, en 1999, alors qu'ils
étaient 73 % à en bénéficier voilà dix ans. Du reste, l'amélioration de
l'emploi des jeunes s'est faite notablement par le biais d'un recours à ces «
formes particulières d'emploi », intérim, emplois aidés : 43 % des quinze -
vingt-neuf ans relevaient de ces formules en mars 2000, alors qu'ils n'étaient
que 30 % un an plus tôt, et 20 % en 1990.
De surcroît, pour ces jeunes comme pour ceux qui sont titulaires d'un CDI, le
niveau de rémunération est faible, plus faible que celui qui était perçu par
leur parents à leur âge.
M. Hubert Brin, rapporteur de l'avis adopté par le Conseil économique et
social, fait ce constat attristant : l'écart de salaire entre un père de
cinquante-cinq ans et son fils est passé de l'ordre de 1 600 francs par mois en
1964 à 5 400 francs par mois en 1993. Et d'ajouter une citation du rapport de
l'INSEE qui, en 1994, constatait qu'un jeune ménage disposait de revenus
inférieurs de 25 % à ceux que percevaient à leur âge leurs aînés, quinze années
auparavant.
Pourquoi faire ce constat, qui touche une grande partie des jeunes aujourd'hui
? Parce que sans revenus consistants jusqu'à des âges avancés, vingt-deux ans,
vingt-cinq ans, voire davantage, les jeunes ne sont pas en mesure de réaliser
les projets que leurs parents accomplissaient au même âge.
Vous avez pu parler, madame la ministre, de « désynchronisation des étapes
traditionnelles d'accès à l'âge adulte » : cette formule souligne que,
étudiants ou en difficulté d'insertion, les jeunes n'en ont pas moins des
projets d'adultes qu'ils sont dans l'impossibilité de réaliser.
Parmi ces jeunes, une attention toute particulière doit être portée à certains
d'entre eux : ceux qui entrent ou sont entrés dans la spirale de l'exclusion.
Souvent handicapés par l'absence de qualification, ils ne trouvent pas à
s'insérer et sont durablement écartés de tout accès à l'autonomie.
Selon l'Observatoire national de la pauvreté, sur les 146 000 jeunes qui
avaient quitté le système éducatif sans qualification, moins de la moitié
étaient parvenus à accéder à un travail stable et à un logement.
La pauvreté n'est toutefois pas l'apanage des seuls jeunes sans qualification
: des étudiants en sont victimes, ceux dont les familles ne peuvent plus
assurer la subsistance et le soutien durant leur études. Ainsi, 110 000
étudiants doivent recourir à un travail « susceptible de compromettre leurs
études » pour s'assurer un minimum vital : les filières d'excellence, qui
nécessitent un investissement horaire important, leur sont de fait fermées.
Bien sûr, notre société n'est pas sans réponse face à ces difficultés, parfois
même ces détresses. Mais les actions en faveur des jeunes, éclatées en de
nombreux dispositifs, ne semblent pas à même de répondre à leurs attentes.
En premier lieu, les jeunes sont accompagnés dans leur formation.
Pour l'année scolaire 1999-2000, on dénombrait 453 000 étudiants qui
percevaient une bourse, une petite moitié d'entre eux percevant le montant
maximum, soit 21 402 francs.
Ces bourses sont nécessaires et utiles, mais elles devraient mieux prendre en
compte l'éloignement du jeune qui a parfois dû quitter sa région d'origine pour
poursuivre ses études.
A côté de ces bourses, les étudiants peuvent également percevoir des aides
individualisées, d'un montant variable, dont la gestion est décentralisée
auprès des différents fonds sociaux, notamment le fonds de solidarité
universitaire, le FSU, qui a dispensé à lui seul près de 23 millions des 34
millions de francs distribués en 1999-2000.
Le plan social étudiant a, pour sa part, affirmé l'objectif d'augmenter le
nombre d'étudiants aidés et de soutenir les moins favorisés par le biais d'un
relèvement substantiel du plafond de ressources ouvrant droit à une bourse ou à
une revalorisation des taux.
Pour sa part, la Caisse nationale d'allocations familiales, ou CNAF, déploie
directement auprès des jeunes, ou indirectement par le biais de leurs familles,
des volumes d'aides importants.
A titre d'exemple, 1 400 000 familles perçoivent des allocations familiales au
titre d'un jeune âgée de seize à vingt ans. Il est également notable que 14 %
de l'ensemble des titulaires d'une aide au logement sont des jeunes.
Il est toutefois regrettable que, pour que le jeune bénéficie des aides au
logement, les prestations familiales de l'ensemble de sa famille, notamment
l'aide au logement, soient diminuées, alors même qu'un départ pour études
n'entraîne généralement pas un déménagement de la famille !
Parce que l'insertion constitue la meilleure clé pour accéder au bout du
compte à une autonomie financière, des dispositifs ont été créés par les
pouvoirs publics.
Les jeunes adultes bénéficient d'aides à la formation : contrats
d'apprentissage ou d'alternance, contrats d'adaptation, d'orientation, ainsi
que les dispositifs de formation professionnelle pilotés par les régions. En
outre, plus de 260 000 d'entre eux ont pu profiter des emplois-jeunes, et un
nombre important bénéficie, tant dans le secteur privé que dans le secteur
public, d'emplois aidés visant à une insertion plus facile, notamment en
permettant d'acquérir une première expérience.
A côté de ce constat un peu général, il convient de revenir sur deux points
particuliers.
En premier lieu, il faut saluer les actions menées par l'Agence nationale pour
l'emploi en faveur des jeunes. Ces actions sont diversifiées et souvent
pertinentes : programme nouveau départ, clubs de demandeurs d'emploi, stages
d'accès à l'emploi, ainsi que le projet de la mise en place de tutorats.
En second lieu, il faut faire référence au programme TRACE, ou trajet d'accès
à l'emploi, dont les premiers résultats sont significatifs. Créé par la loi de
lutte contre les exclusions, ce programme, qui s'adresse à un public en
difficulté et lui propose un parcours d'accès à l'emploi, concerne aujourd'hui
60 000 jeunes. Une extension de ce programme a d'ailleurs été annoncée durant
la Conférence de la famille 2001 qui s'est tenue le 11 juin dernier.
Mais, pour importants que soient ces dispositifs dans leur ensemble, ils
laissent à beaucoup le sentiment d'un demi-échec, étayé par le constat fait
précédemment.
Certains organismes représentatifs des jeunes se montrent critiques à l'égard
de ces dispositifs : pour eux, ce système de soutien ne permet pas à beaucoup
de sortir d'un sentiment de « dépendance » prolongé à l'égard de leur famille ;
s'ils plébiscitent cette dernière, ils ont cependant parfois le sentiment
confus de constituer pour elle une charge lourde, tout en étant dans
l'impossibilité de réaliser leurs projets.
De ce sentiment est née une forte revendication pour la mise en place d'un
dispositif ciblé permettant l'accession de tous les jeunes à une autonomie
financière.
La force avec laquelle cette question a été posée justifiait qu'elle se place
au centre du débat public.
Les contributions à ce débat, avec les sensibilités qu'elles expriment,
convergent sur un point : la formation et l'emploi constituent les clefs pour
accéder à l'autonomie.
Le commissariat général du Plan a confié à M. Dominique Charvet le soin
d'animer une commission de réflexion sur le sujet des jeunes et des politiques
publiques. Le rapport
Jeunesse : le devoir d'avenir
a été rendu public
en mars dernier.
Cette réflexion s'articule autour d'un axe fort : le débat sur l'autonomie des
jeunes doit être dépassé pour poser la question de la « structuration de leur
avenir », c'est-à-dire concrètement pour leur ouvrir la possibilité de se
trouver dans une situation soit d'emploi, soit de formation. A cette fin, le
rapport du commissariat général du Plan propose l'établissement d'un droit à
formation d'une durée de vingt ans, sorte de créance qu'aurait tout individu
sur la société. Ce droit serait assorti d'une allocation de 1 200 francs à 1
700 francs par mois. Le financement d'un tel dispositif, estimé par le
commissariat général du Plan à 61 milliards de francs, serait assuré en partie
par le redéploiement de 43 milliards de francs de prestations familiales.
Pour sa part, le Conseil économique et social a confié à M. Hubert Brin le
soin d'établir un projet d'avis, qui a été adopté le 28 mars dernier.
Cet avis, intitulé
Familles et insertion économique et sociale des adultes
de dix-huit à vingt-cinq ans
, repose sur le même constat que celui qui a
été établi par le commissariat général du Plan : l'accession à l'autonomie des
jeunes passe par la formation et l'emploi.
Ainsi est proposée la création d'un « prêt et d'une contribution de
formation-insertion professionnelle » dont le principe est le suivant : le
jeune contracte un prêt de 1 000 francs mensuels, à des conditions
avantageuses. S'il choisit de contracter ce prêt, il recevra de plus une
allocation de 1 000 francs, ce qui porte le soutien mensuel, prêt et allocation
compris, à 2 000 francs.
Cet avis diffère notablement du rapport du Commissariat général du Plan, en ce
qu'il ne prévoit pas le redéploiement des aides consacrées aux familles au
titre de leurs jeunes adultes.
Si une convergence se profile sur l'objectif à atteindre, soit l'accession à
l'autonomie par la formation et l'emploi, un autre consensus semble se dessiner
sur le refus de ce qui représente une non-réponse à la question posée par les
jeunes : l'instauration d'un RMI pour les jeunes âgés de dix-huit à vingt-cinq
ans.
A l'Assemblée nationale, vous aviez considéré, madame la ministre, que « nous
devions avoir pour les jeunes une autre ambition que le RMI ». Ce constat est
fait par la quasi-totalité des acteurs : parce qu'il n'offre pas de suivi,
parce qu'il met les difficultés des jeunes et non leurs projets au coeur de
leur autonomie, le « RMI-jeune » ne saurait constituer une réponse adéquate.
La Conférence de la famille qui s'est tenue le 11 juin 2001 a permis quelques
avancées, notamment par le biais d'une amélioration de l'accès au logement pour
les jeunes, mais elle a laissé en suspens la question d'une solution plus
générale pour l'accession à l'autonomie de ces derniers.
L'objet de la présente proposition de loi reste donc d'une totale actualité,
et il est instructif de relever que M. Hubert Brin, président de l'UNAF, a «
noté avec intérêt la création de la commission Autonomie de la jeunesse à
condition que celle-ci puisse voir rapidement l'aboutissement de propositions
pour améliorer la situation des jeunes ».
Le premier rôle de la commission qu'il est proposé de créer devrait être de
rassembler les informations issues des nombreuses sources d'études et de
réaliser un diagnostic partagé.
Le deuxième rôle devrait être de susciter des consensus, non pas sur le
constat, mais sur les solutions à apporter. A cette fin, la composition très
élargie de la commission est une garantie supplémentaire dans la recherche de
consensus.
Le troisième rôle de cette commission est donc de préparer la décision
publique afin qu'elle ne constitue pas un alibi mais permette l'élaboration
d'une réponse améliorée aux attentes exprimées aujourd'hui par les jeunes.
Je voudrais revenir un instant sur un point des débats de grande qualité qui
ont animé la commission des affaires sociales.
Plusieurs de nos collègues se sont inquiétés de l'âge précoce - seize ans -
qui est soumis à l'étude de cette commission dont la création nous est
proposée. Ils ont fait valoir pertinemment que le fait de donner une autonomie
financière à des jeunes encore mineurs pouvait engendrer de graves effets
pervers.
Je voudrais les rassurer encore une fois : la création de cette commission n'a
pas pour vocation d'émanciper de fait tous les jeunes âgés de seize à dix-huit
ans. Rien ne peut être construit en faveur des jeunes qui soit bâti contre les
familles ; chacun en est convaincu.
Pourquoi alors avoir retenu l'âge de seize ans ? Simplement parce que cet âge,
sans être celui de la majorité légale, est un moment charnière dans la vie d'un
jeune : âge de la fin de l'obligation scolaire, âge limite choisi pour de
nombreux programmes d'insertion, tel le programme TRACE ; âge également, dans
un petit nombre de cas sur lesquels nous ne pouvons pas fermer les yeux, de
ruptures familiales. Il eût été regrettable de retirer cette période seize -
dix-huit ans du mandat de réflexion confié à la commission Autonomie de la
jeunesse.
Telles sont les raisons pour lesquelles, au nom de la commission des affaires
sociales, je vous propose, mes chers collègues, d'adopter cette proposition de
loi sans modification, de sorte que la commission qu'elle prévoit puisse entrer
en fonctions dans les meilleurs délais, ce qui suppose non seulement que vous
suiviez cette proposition, mais également que le Gouvernement propose
rapidement le texte réglementaire nécessaire.
(Applaudissements sur les
travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées
socialistes. - M. Neuwirth applaudit également.)
M. le président.
La parole est à Mme Campion.
Mme Claire-Lise Campion.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'amélioration
significative de la situation de l'emploi depuis 1997 a largement bénéficié aux
jeunes. Le nombre de chômeurs de moins de vingt-cinq ans est passé de 588 000 à
350 200, ce qui représente une baisse de 40,5 %. Enfin, l'emploi global des
jeunes a crû de 9 % au cours de ces trois dernières années. Cette évolution
s'explique par une reprise économique importante et par la politique
volontariste du Gouvernement en matière de lutte contre le chômage, politique
que je tiens à saluer aujourd'hui.
Nous ne pouvons que nous réjouir d'un tel bilan, et d'autant plus que le
Gouvernement continue à maintenir son engagement et persévère dans son ambition
à innover et réformer en faveur d'une plus grande justice sociale. J'y
reviendrai dans un instant.
Il nous est proposé de créer par la loi une commission visant à étudier les
conditions de mise en place d'une allocation d'autonomie pour les jeunes. C'est
une idée généreuse à laquelle je souscris spontanément.
Favoriser l'accès à l'autonomie des jeunes âgés de seize à vingt-cinq ans est
un engagement de l'ensemble de la majorité. Il figure en effet - permettez-moi
de le redire - dans les objectifs contenus dans la déclaration commune, adoptée
lors du sommet de la gauche plurielle, le 7 novembre 2000.
Dès sa mise en place en 1997, le Gouvernement a créé et renforcé différents
dispositifs qui vont dans ce sens et qui contribuent largement déjà à
l'insertion des jeunes sur le marché du travail, ainsi que l'a rappelé voilà
quelques instants Mme la ministre.
Le programme TRACE, par exemple, est très encourageant. Mis en oeuvre en 1998
par la loi relative à la prévention et à la lutte contre l'exclusion, il vise
l'insertion durable des jeunes de moins de vingt-cinq ans en grande difficulté.
Depuis son lancement, 100 000 jeunes y ont été intégrés et 15 % d'entre eux ont
trouvé un emploi.
L'instauration des emplois jeunes, dès l'arrivée du Gouvernement, a permis
aussi à 290 000 jeunes de trouver un véritable emploi. Cette insertion
professionnelle répond à des besoins nouveaux, identifiés comme tels, et crée
de vrais métiers.
Le nouveau programme « services emplois-jeunes », présenté récemment par Mme
la ministre de l'emploi et de la solidarité, confirme aujourd'hui l'engagement
du Gouvernement vis-à-vis de ces jeunes, notamment en accentuant la démarche de
formation et de professionnalisation, en validant l'expérience professionnelle
et en présentant des mesures de consolidation des activités.
Le Gouvernement a également renforcé les moyens des trois cent quarante-trois
fonds départementaux et locaux d'aide aux jeunes qui ont été mis en place dans
la lutte contre l'exclusion.
Les aides au logement ont été augmentées. A ce titre, 6,5 milliards de francs
d'aides supplémentaires ont été débloqués pour la seule année 2000. Les jeunes
en sont les premiers bénéficiaires. Chacun sait que l'accès au logement, pour
ces derniers, est souvent entravé par la précarité de leurs ressources.
La Conférence de la famille du 11 juin dernier a accentué le dispositif en
généralisant à l'ensemble des moins de vingt-cinq ans l'accès au fonds
LOCA-PASS, qui dispense actuellement 50 000 jeunes de payer une caution.
Enfin, dans le domaine éducatif, je tiens à rappeler les mesures qui ont été
prises notamment dans le cadre du plan social étudiant de 1998, qui accroît le
pourcentage du nombre d'étudiants aidés, entre autres par la multiplication des
bourses.
Malgré ces efforts, l'évolution des moeurs, l'allongement de la scolarité,
mais surtout les transformations du marché du travail concourent à une
émancipation matérielle et financière des jeunes de plus en plus tardive.
Je ne citerai que quelques chiffres : un jeune sur deux, âgé de vingt à
vingt-cinq ans vit chez ses parents ; 30 % des jeunes qui prennent un logement
autonome sont financièrement aidés par leurs parents et le pourcentage de
jeunes vivant dans un logement dont le loyer est en réalité pris en charge par
les parents a augmenté de 80 % en dix ans.
Mais surtout - c'est plus grave à mes yeux - l'augmentation de la pauvreté
chez les jeunes s'est accentuée. Parmi eux, certains sont dans une situation
d'extrême fragilité, souvent sans diplôme, sans qualification, sans emploi,
voire sans ressources. Bien souvent en rupture familiale, ces derniers
demeurent en dehors de tout dispositif mis en place.
Différentes propositions, comme la mise en place d'une allocation d'autonomie
pour les jeunes de 16 à 25 ans, ou encore celles qui ont été présentées par M.
Hubert Brin, qui figurent dans l'avis récent du Conseil économique et social,
visent à permettre aux jeunes adultes de devenir plus vite des acteurs de la
vie économique et d'assumer plus tôt leur rôle de citoyen à part entière.
Mais, comme nous l'a rappelé récemment le Premier ministre, le coût d'un tel
projet est très lourd pour les finances publiques. Il apparaît donc
indispensable, avant toute chose, de procéder à une réflexion d'ensemble, afin
que soient mis en évidence les problèmes de cloisonnement des différents
dispositifs que j'ai cités et qui ne permettent pas, indépendamment les uns des
autres, d'apporter une réponse globale.
En cela, la proposition de loi portant création d'une Commission nationale
pour l'autonomie des jeunes, qui nous est aujourd'hui présentée, a le grand
mérite de permettre, enfin, la réalisation d'un « diagnostic » sur la situation
des jeunes, qui recensera l'ensemble des difficultés rencontrées par ces
derniers.
Cette mise à plat des moyens qui sont offerts aux jeunes pour l'accès à une
autonomie permettra également de mettre en évidence si l'allocation d'autonomie
est le meilleur accompagnement. Car nous sommes dans une logique d'insertion et
aucunement d'assistanat, je tiens à le souligner : il s'agira de soutenir des
jeunes, de les aider à cheminer vers l'autonomie, et cela de la meilleure façon
qu'il soit, dans leur projet personnel de formation et d'accès à l'emploi.
Ce concept de projet est fondamental. Ce devra être un véritable critère
d'attribution, afin de répondre à cette logique d'insertion. Ainsi, notre
démarche vise à favoriser l'émergence et la réalisation de projets, en
apportant une aide financière, assortie d'un accompagnement technique et
pédagogique.
Par ailleurs, il ne s'agit en aucun cas d'accentuer, d'accélérer ou de
favoriser une rupture familiale, comme j'ai pu l'entendre. Ce dispositif ne
remet aucunement en cause le rôle déterminant de la famille, bien au contraire.
La solidarité nationale ne joue efficacement qu'avec et qu'en complément des
solidarités individuelles, en l'occurrence familiales.
Je regrette simplement, et j'attire l'attention du Gouvernement sur ce point,
qu'il ne soit fait aucune référence au Conseil national des missions locales
dans la composition de cette commission. Nous connaissons tous le travail
fondamental effectué par les missions locales. Il serait souhaitable, me
semble-t-il, d'associer leur formation nationale à une telle réflexion.
Enfin, cette proposition de loi fait référence au Conseil national de la
jeunesse ; je tiens à me féliciter de sa création, toute récente, puisqu'elle
est prévue à l'article 10 du projet de loi portant diverses dispositions
d'ordre social, éducatif et culturel examiné en première lecture les 30 et 31
mai dernier par notre assemblée. Ce Conseil national de la jeunesse, chargé de
faire entendre la voix de la jeunesse sur les questions de société, aura pour
première tâche d'étudier la création de cette allocation d'autonomie pour les
jeunes.
Nous souscrivons donc pleinement à cette proposition de loi qui met en
évidence une volonté politique, celle d'assurer à notre jeunesse le meilleur
accompagnement et suivi dans l'accès à l'autonomie.
(Applaudissements sur
les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après deux
éclairants rapports sur l'accès à l'autonomie pour les jeunes de notre pays et
de nombreuses initiatives prises par le Gouvernement, qu'il s'agisse de
logement, des emplois-jeunes ou du programme TRACE, le groupe communiste à
l'Assemblée nationale déposait une proposition de loi tendant à la mise en
place d'une allocation d'autonomie pour les jeunes de seize à vingt-cinq
ans.
Confrontée aux difficultés que soulève dans les faits la mise en oeuvre d'une
telle allocation, l'Assemblée nationale a décidé de créer une commission placée
auprès du Premier ministre et chargée de l'étude de ces questions.
La mise en place formelle d'une telle commission par le Parlement nous donne
ici l'occasion d'aborder la question de l'autonomie des jeunes et d'enrichir
ainsi un débat déjà bien amorcé.
A ce propos, il convient de noter la qualité du travail réalisé par la
commission des affaires sociales, sous la direction de notre collègue et ami
Roland Muzeau, qui synthétise l'état de la réflexion sur le sujet. A la lecture
du rapport de notre collègue, il apparaît que les jeunes ont, durant ces
vingt-cinq dernières années, payé un tribut très lourd à la crise
économique.
Les écarts de salaires enregistrés entre un père et son fils, d'abord dans les
années soixante, puis au début de 1993, donnent la mesure des inégalités
croissantes que l'on a pu constater pour un jeune occupant un emploi en 1964 et
en 1993.
Compte tenu de ces éléments, la durée des études s'est considérablement accrue
au cours des vingt-cinq dernières années.
Confrontés au chômage ou à des emplois peu ou mal rémunérés, les jeunes ont
fait, quand ils le pouvaient, le choix de la poursuite des études. Ils étaient
pris, en outre, dans un discours sur l'absence de formation, stigmatisé par les
employeurs.
Ainsi, l'allongement de la durée des études, un accès en plus grand nombre à
l'université, même s'ils étaient nécessaires, sont des facteurs qui ont pu
participer indirectement à la perte d'autonomie.
Pour les jeunes, encore trop nombreux, sortis du système éducatif sans
qualification, l'absence d'autonomie résulte très largement de la flexibilité,
des emplois mal rémunérés : en 1992, 35 % des jeunes déclaraient être rémunérés
au-dessous du niveau du SMIC et 37 % à ce niveau.
Ces constats permettent de mieux appréhender la problématique de l'autonomie
des jeunes telle qu'elle se fait jour à présent. Ne pas répondre aux attentes
de notre jeunesse conduirait, si nous n'y prenions garde, notre société tout
entière dans une impasse.
Etudiants, jeunes salariés, la dégradation des conditions de vie des jeunes se
poursuit. Pouvons-nous la limiter ? Certainement ! En effet, si, en 1990, 11 %
des jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans se situaient au-dessous du seuil de
pauvreté, ils étaient 18 % dans la même situation en 1998.
Loin du slogan à visée électorale, l'autonomie de la jeunesse doit être à
présent confortée et apparaître comme l'une des priorités du Gouvernement. En
témoignent les mesures qui ont été prises au cours de ces quatre dernières
années et celles qui ont été annoncées lors de la dernière conférence de la
famille.
Certes, les aspirations des jeunes peuvent, de prime abord, apparaître
confuses s'agissant du principe d'une allocation d'autonomie. N'est-ce pas sur
le fond que leur aspiration plus que légitime et vitale à l'autonomie les
conduit spontanément, dans un même temps, à refuser la notion même d'allocation
?
Il convient d'ailleurs de mieux appréhender cette contradiction pour tenter de
répondre aux enjeux de l'autonomie des jeunes.
Au-delà de l'étude de ces questions, pour lesquelles nous pensons qu'une
commission placée auprès du Premier ministre est nécessaire, des mesures
urgentes s'imposent et ne peuvent attendre une nouvelle législature.
Il importe donc, d'ores et déjà, d'avancer sur le terrain de l'accession à
l'autonomie dans le contexte de croissance économique retrouvée. Certes, il ne
s'agit que de suggestions, mais celles-ci nourriront certainement la réflexion
par la suite.
Pourquoi, sur le terrain des mesures en direction des jeunes, ne pas concevoir
l'accès à l'indemnisation chômage des primo-demandeurs d'emploi ?
Des formes de mutualisation du risque existent pour l'accès au logement ;
cette mutualisation mériterait d'être étendue.
Une revalorisation importante des bourses d'études permettant un meilleur
statut social de l'étudiant, un programme ambitieux de formation des jeunes au
droit du travail, une meilleure rémunération de l'apprentissage : tels
pourraient être les axes qu'il conviendrait d'exploiter et qui permettraient à
bien des jeunes de trouver une place, la leur, dans la société.
L'autonomie des jeunes est, on le voit, un vaste chantier venu nous rappeler
que les injustices que nous dénonçons viennent frapper, dans notre société,
souvent les plus vulnérables. C'est pourquoi nous attendons, subséquemment à la
mise en place de la commission chargée de cette question, des mesures urgentes
en direction de la jeunesse, qui pourraient prolonger une politique susceptible
de satisfaire l'ensemble de celle et ceux qui ont à souffrir dans leur vie
quotidienne des conséquences d'une société à notre sens trop libérale.
Les jeunes, mais aussi leurs familles, attendent du Gouvernement de progrès de
Lionel Jospin que soit menée une politique leur permettant de dessiner, dans la
liberté et en conscience, leur avenir.
(Très bien ! et applaudissements sur
les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les
travées socialistes.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. -
Il est créé une Commission nationale pour
l'autonomie des jeunes, placée auprès du Premier ministre. Cette commission,
dont la composition est arrêtée par voie réglementaire, comprend des
parlementaires, des élus locaux, des représentants de l'Etat, des organisations
représentatives des employeurs et des salariés, d'associations de chômeurs, des
mutuelles, de la Caisse nationale des allocations familiales, du Conseil
national de la jeunesse, des organisations représentatives des étudiants et des
lycéens, des fédérations de parents d'élèves et des personnalités
qualifiées.
« Cette commission a pour missions :
« - de faire le bilan des dispositifs assurant des ressources propres aux
jeunes de seize à vingt-cinq ans ;
« - d'étudier la création d'une allocation d'autonomie pour les jeunes de
seize à vingt-cinq ans, ainsi que les critères de son attribution sur la base
notamment d'un projet personnel de formation et d'accès à l'emploi ;
« - de proposer la mise en place d'un dispositif expérimental dans plusieurs
départements, après consultation des conseils départementaux de la jeunesse, et
dont l'évaluation servira de base à ses travaux et à la généralisation de ce
principe.
« Elle consulte le Conseil national de la jeunesse précité.
« Elle remettra son rapport au Premier ministre avant le 31 décembre 2001. Ce
rapport est transmis au Parlement. »
Avant de mettre aux voix l'article unique de la proposition de loi, je donne
la parole à M. Joyandet, pour explication de vote.
M. Alain Joyandet.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe
communiste de l'Assemblée nationale a déposé, en novembre dernier, une
proposition de loi visant à créer une allocation d'autonomie pour les jeunes de
seize à vingt-cinq ans.
Sous prétexte de parfaire le diagnostic, d'attendre la remise de plusieurs
contributions sur la question, et de mieux cibler les moyens mis en oeuvre pour
faciliter cette accession, la commission des affaires culturelles, familiales
et sociales de l'Assemblée nationale a substitué à cette allocation la création
d'une commission chargée d'établir un diagnostic partagé sur la question et de
formuler des propositions consensuelles.
Cette commission a pour rôle de rassembler les informations issues des
nombreuses sources d'études, de réaliser un diagnostic partagé, de créer des
consensus non pas sur le constat, mais sur les solutions à y apporter, enfin,
de préparer la décision publique afin non pas qu'elle constitue un alibi, mais
qu'elle permette d'élaborer une réponse aux attentes exprimées aujourd'hui par
les jeunes.
Notre groupe s'est interrogé à un double titre sur cette proposition de loi
sur son esprit et sur son financement.
Certes, la France connaît une reprise économique depuis quatre ans. Toutefois,
pour l'année 2001, la croissance est actuellement révisée à la baisse à 2,7 %
par les experts ; la commission des finances de notre Haute Assemblée estime
même qu'elle sera inférieure.
Si les jeunes ne connaissent plus les mêmes difficultés que celles qu'ils
rencontraient au début des années quatre-vingt-dix, celles-ci sont toutefois
loin d'être résolues, et il convient de les aider.
Cependant, si l'accompagnement des jeunes destiné à les aider à s'insérer de
manière durable dans le monde du travail doit être encouragé, il convient de
proposer des solutions qui n'aboutissent pas à les tirer vers le bas et à les
conduire vers l'assistanat. Commencer dans la vie avec une allocation de la
collectivité nationale n'a rien de très réjouissant et ne peut en aucun cas
favoriser l'autonomie. Cela donne une sensation de « déjà vu », puisqu'il ne
s'agirait ni plus ni moins que d'un « RMI-jeune », vieille recette et sans
doute fausse bonne idée.
De plus, les jeunes en rupture avec leur famille ne verraient pas leurs
problèmes réglés par la création d'une allocation : elle ne saurait, à elle
seule, résoudre leurs difficultés.
Les solutions doivent plutôt être trouvées dans l'encouragement à l'effort -
mais ce n'est pas à la mode ! -, dans la lutte renforcée contre l'échec
scolaire en évitant une uniformisation du niveau vers le bas - c'est, hélas !
l'inverse que nous constatons actuellement - et dans l'amélioration de la
formation, notamment le développement de l'alternance et de l'apprentissage.
Je sais que la majorité plurielle est idéologiquement sceptique à l'endroit de
ces formations, dont elle diminue régulièrement les aides publiques : elles
sont pourtant l'une des meilleures voies d'insertion dans le monde du
travail.
Développons donc ce qui existe déjà. Donnons aux missions locales qui se
dévouent sur le terrain davantage de moyens. Encourageons le programme TRACE,
car il va dans le bon sens. Améliorons l'employabilité des jeunes, à l'heure où
certaines entreprises cherchent, sans les trouver, des salariés, et ce dans
plusieurs secteurs d'activité.
Bien entendu, il est beaucoup plus facile d'ouvrir les caisses que de
s'interroger sur un système qui n'est pas satisfaisant. Mais nous ne nous
lasserons pas de répéter qu'une politique de prévention est bien plus
performante à terme qu'une politique « cache-misère », qui, passé l'effet
d'annonce, laisse un goût amer, grève les finances de l'Etat, et tout cela pour
un résultat souvent mitigé. Les emplois-jeunes, qui n'ont d'ailleurs pas que du
mauvais, en sont le meilleur exemple.
Comment ne pas évoquer également le financement d'une telle allocation ?
Etant donné le goût prononcé du Gouvernement pour les manipulations comptables
- le débat d'orientation budgétaire qui va s'ouvrir dans un instant sera
l'occasion d'en parler - je ne serais pas étonné que les recettes de la
sécurité sociale, et surtout celles de la branche « famille », soient une
nouvelle fois mises à contribution pour financer la coûteuse politique sociale
qu'il mène.
Les ardeurs de la majorité plurielle semblent, pour le moment, avoir été
domptées par un gouvernement confronté à la difficulté de « monter » un budget
« plombé » par les bombes à retardement - 35 heures, emplois-jeunes, CMU, APA -
laissées par la précédente ministre de la solidarité.
Les jeunes devront donc, pour l'heure, se contenter d'une commission qui va
réfléchir et étudier, commission qui aurait aussi bien pu être créée sans
l'intervention du législateur.
Notre groupe ne pourra que s'abstenir sur ce texte de nature réglementaire qui
ne traduit aucune réelle volonté du Gouvernement de favoriser l'accompagnement
des jeunes et d'améliorer leur insertion dans le monde du travail et dans la
vie en général.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains
et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président.
Mes chers collègues, avant d'aborder le point suivant de notre ordre du jour,
nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à dix-neuf
heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures trente, est reprise à dix-neuf heures,
sous la présidence de M. Jean Faure.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
15
ORIENTATION BUDGÉTAIRE
Débat sur une déclaration du Gouvernement
M. le président.
L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat
d'orientation budgétaire.
La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Monsieur le
président, mesdames, messieurs les sénateurs, le débat d'orientation budgétaire
est un temps important de la vie parlementaire. Le Gouvernement dirigé par
Lionel Jospin y expose son cap pour les finances publiques, le Parlement exerce
son rôle d'évaluation et de contrôle, le ministre de l'économie et des
finances, la secrétaire d'Etat au budget informent la représentation nationale
et s'efforcent de répondre à ses questions. C'est d'autant plus nécessaire
aujourd'hui que la conjoncture économique est changeante et assez incertaine.
Dans ce cadre, je présenterai quatre séries d'observations.
Première série d'observations : face au ralentissement économique
international incontestable, la France, même si elle résiste mieux que
d'autres, est concernée avec les autres et par les autres.
La dégradation de la conjoncture nous vient des Etats-Unis. L'économie
américaine affiche aujourd'hui une croissance divisée par cinq par rapport à
l'an 2000. Certes, des informations contradictoires sont quotidiennement
diffusées, mais la prudence me semble s'imposer. En dépit de l'action forte de
la Réserve fédérale, je ne crois malheureusement pas à un retour rapide de
l'économie américaine aux taux de croissance précédents.
Dans le même temps, le Japon, qui constitue avec les Etats-Unis, ne l'oublions
pas, près de la moitié du produit intérieur brut mondial, souffre d'une
croissance atone, voire négative. Le pétrole très cher, trop cher, perturbe
aussi le panorama : dès lors que l'Organisation des pays exportateurs de
pétrole, l'OPEP, refuse d'augmenter sa production, la faiblesse des stocks et
les difficultés des raffineurs alimentent un haut niveau et une forte
volatilité des cours. L'intérêt de tous serait qu'un équilibre global et
durable soit trouvé entre producteurs et consommateurs autour d'un prix de 20
dollars à 25 dollars le baril. C'est le message que la France a adressé et
adresse à l'OPEP, dont les représentants se réuniront début juillet.
La mondialisation des économies signifiant aussi celle de leurs problèmes,
l'onde de choc touche l'Europe avec une rapidité plus grande que dans le passé,
notamment nos voisins - je pense à l'Allemagne et, dans une moindre mesure, à
l'Italie - qui ont fondé leur espoir de reprise sur la dynamique des
exportations. Telle est la situation autour de nous.
La France doit affronter ce ralentissement, en évitant deux erreurs :
minimiser l'évolution, en amplifier les effets. La capacité de résistance de
notre économie est solide. La consommation des ménages reste forte. Certes,
leur moral a chuté depuis le pic d'optimisme atteint en janvier, mais ce moral
restait, selon la dernière estimation connue, très supérieur à celui des années
antérieures. La progression du revenu des ménages est bien orientée grâce aux
créations d'emplois qui ont dépassé le seuil des 100 000 postes au début de
l'année. Le pouvoir d'achat, soutenu par l'évolution des salaires et les
baisses d'impôts, devrait demeurer largement positif en 2001. Dans le même
temps, l'investissement des entreprises, autre moteur de la croissance, s'il
est inférieur au rythme enregistré l'année dernière, restera soutenu cette
année. Le déstockage massif, qui a fortement pesé sur l'activité du premier
trimestre par sa brutalité même, devrait ménager l'activité des mois à
venir.
Dans ce contexte, la croissance française devrait être supérieure à la moyenne
des autres pays, quoique plus faible que prévue. Avec les Etats-Unis et le
Canada, nous nous situons sur la moyenne période dans le peloton de tête du G
7. Nous sommes, avec le Royaume-Uni, le pays dont la croissance enregistre le
moins d'à-coups sur une longue durée. Pour la quatrième année consécutive,
notre croissance sera supérieure à celle de l'Allemagne. Quel chiffre exact
retenir ? J'ai dit récemment, revoyant en baisse nos prévisions précédentes,
que nos perspectives de croissance pour cette année pourraient se situer à un
taux proche de 2,7 %. Je préciserai ce chiffre dans quelques semaines, selon
les calendriers habituels. En tout état de cause, si nous devons prendre nos
précautions face au ralentissement, nous devons rester confiants : notre
économie a la capacité de résister.
Trois éléments supplémentaires, significatifs, doivent cependant être pris en
compte. D'abord, l'inflation a récemment augmenté, à cause de la hausse des
prix du pétrole et de celle des produits frais. Dans le secteur de la grande
distribution et, je l'ai dit, dans le secteur pétrolier, le Gouvernement devra
veiller particulièrement au bon fonctionnement des règles de la concurrence. Si
nous voulons que les gains de pouvoir d'achat jouent à plein, les prix doivent
rester modérés. Il faut donc éviter toute spirale inflationniste. Au total, la
hausse des prix devrait rester cependant plus basse que celle de nos
partenaires. Ensuite, sur le front de l'emploi, le chômage a continué de
diminuer, mais à un rythme moins fort qu'en 2000. Il a retrouvé en ce printemps
son niveau de 1983, résultat d'autant plus remarquable, mesdames, messieurs les
sénateurs, qu'il est intervenu dans un contexte, on ne le dit pas, de forte
progression de la population active, avec plus de 200 000 entrées nouvelles sur
le marché du travail en un an. C'est ainsi qu'en quatre ans plus d'un million
de Français ont retrouvé un revenu du travail. Notre politique économique est
bien celle de l'emploi et nous devons la poursuivre en ce sens.
J'ajoute une dernière donnée, empirique celle-là : depuis 1997, force est de
reconnaître que le Gouvernement de Lionel Jospin a démontré sa capacité à
mettre en oeuvre des stratégies utiles pour affronter et amortir les chocs
extérieurs.
Ma deuxième série d'observations porte sur quelques données relatives à
l'exécution du budget 2001.
S'agissant du volet des dépenses de l'Etat pour 2001, nous avons annoncé une
progression de 0,3 % en volume. Cet engagement sera tenu. L'augmentation
constatée au premier trimestre traduit pour l'essentiel un effort
d'amélioration de la gestion des dépenses militaires en capital : au lieu
d'être concentrées au début de l'année, comme c'était le cas pour les exercices
précédents, ces dépenses sont désormais lissées tout au long de l'année. Le
ministère de la défense avait dépensé fin avril 2001 près de 12 milliards de
francs de plus sur ses crédits d'investissement qu'en 2000, cela fera donc 12
milliards de francs de moins à consommer dans les mois à venir.
S'agissant des recettes, les moins-values enregistrées à ce stade par rapport
à l'an 2000 résultent surtout de l'allégement de la pression fiscale. Les
mesures annoncées depuis le printemps 2000 trouvent ici leur traduction
concrète. La diminution dans l'évolution des recettes provient principalement
de la baisse d'un point de la TVA intervenue en avril 2000 et de l'instauration
de la taxe intérieure sur les produits pétroliers stabilisatrice pour faire
face au choc pétrolier de l'automne 2000. Dans les deux cas, cela traduit la
volonté du Gouvernement de consolider le pouvoir d'achat et de soutenir la
consommation des ménages, donc la croissance. J'ai cru naguère entendre
certains responsables affirmer que la baisse des impôts annoncée par le
Gouvernement n'avait pas de réalité : elle se lit pourtant dans les recettes de
l'Etat et elle se lira aussi sur les avis d'imposition sur le revenu de l'an
2000. Un aléa à la baisse peut toutefois exister en raison du ralentissement de
la conjoncture.
L'exécution du budget 2001 s'accomplit également selon l'impératif de
transparence. Mme Parly et moi-même avons transmis aux assemblées le décret
d'avance, avant sa signature, ce qui, de mémoire de parlementaire - et certains
d'entre vous sont plus anciens que moi - constitue une première. Très
régulièrement, vous recevez les situations budgétaires et vous disposez,
mesdames, messieurs, depuis deux ans, d'une présentation du budget expliquant
les actions financées, les objectifs visés, les résultats obtenus et les marges
de progression escomptées. Tout cela atteste notre souci d'informer et
d'associer, comme il est normal, le Parlement au contrôle et à l'élaboration du
budget. Je sais combien, comme sénateurs, vous y êtes sensibles. C'est
l'occasion pour moi de saluer le rôle de votre Haute Assemblée dans la réforme
de l'ordonnance de 1959, examinée avec une grande compétence par vous-mêmes et
soumise récemment à votre vote. La transparence est une démarche d'ensemble.
Nous partageons le même attachement à cette démarche positive.
Ma troisième série d'observations porte sur l'évolution de la conjoncture, qui
impose la vigilance. Compte tenu des résultats obtenus depuis 1997, elle invite
à maintenir le cap de notre stratégie budgétaire. Nos choix précis pour 2002
seront rendus publics, comme il est normal, lors de la présentation du budget
en septembre. Je veux dès aujourd'hui en réaffirmer le socle : une évolution
modérée et maîtrisée de la dépense publique, la poursuite des baisses d'impôts
pour la croissance et le pouvoir d'achat, la volonté de limiter les déficits et
l'endettement, tout cela afin de contribuer le plus possible à l'emploi et à la
solidarité durables.
La maîtrise de la dépense publique est une clé de voûte de notre stratégie de
finances publiques. Le chiffre de progression des dépenses de l'Etat sera,
ainsi que l'a déterminé le Premier ministre, de 0,5 % en volume pour 2002,
c'est-à-dire, en tout état de cause, très inférieur à la croissance. Cette
évolution doit nous permettre d'être fidèles à nos objectifs pluriannuels. A
ceux qui doutent du bien-fondé de cette démarche, je rappelle que ce dernier
critère conduit les différents acteurs publics, notamment l'Etat, à concevoir
leur action sur le moyen terme en définissant les actions nouvelles et les
possibilités de redéploiement sur une période de trois ans. De cette façon,
depuis 1997, plus de 30 milliards de francs d'économies et de redéploiement ont
été réalisés chaque année, qui contribuent à financer les mesures nouvelles
souhaitées par le Gouvernement et le Parlement. Au terme de cette gestion
active de la dépense, près de 90 % de la progression du budget de l'Etat ont pu
être affectés aux secteurs prioritaires que sont l'éducation, la lutte contre
les exclusions, la sécurité, la justice et l'environnement. Les budgets
correspondant à ces secteurs prioritaires ont progressé de 14 % en valeur entre
1997 et 2001.
Est-il besoin de souligner une fois de plus que laisser filer les dépenses
serait incompatible avec les possibilités économiques et financières de la
France, nos engagements européens et les incertitudes qui pèsent sur
l'environnement économique international ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Vous parlez d'or !
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Au ralentissement
actuel de conjoncture ne doit évidemment pas s'ajouter un renversement de
stratégie économique : depuis 1997, nous avons rétabli des fondamentaux sains,
conditions d'une croissance durable et créatrice d'emplois. Des dépenses qui
dérapent, ce serait des taux d'intérêt à la hausse et donc l'emploi à la
baisse.
La vigilance vaut aussi pour les dépenses sociales, en particulier les
dépenses d'assurance maladie qui ne doivent pas s'alourdir au point de
compromettre l'équilibre de la sécurité sociale. N'oublions pas que des efforts
importants et diversifiés resteront à accomplir pour le financement à long
terme des retraites. Le même message vaut pour les dépenses militaires, dont
l'augmentation massive ne m'apparaîtrait ni nécessaire pour notre sécurité ni
compatible avec nos perspectives économiques.
Concernant les prélèvements, le Gouvernement s'est engagé sur un plan triennal
d'allégement des impôts à hauteur de 120 milliards de francs. Ces baisses
portent sur les grands impôts nationaux, tels que la TVA, l'impôt sur le revenu
et l'impôt sur les sociétés, comme sur la fiscalité locale, telle que la taxe
professionnelle ou la vignette. En 2002, et même si l'on peut émettre quelques
réserves sur la pertinence de cette notion, le taux global des « prélèvements
obligatoires » devrait baisser à environ 44,5 %.
Au total, les allégements « volontaristes » de prélèvements obligatoires, tels
que les impôts et les prélèvements sociaux, pourraient représenter 2,2 points
de PIB sur la durée de la législature. Les baisses d'impôts se poursuivront en
2002 conformément au plan pluriannuel 2001-2003. La réduction dégressive du
barème de l'impôt sur le revenu interviendra pour la troisième année
consécutive et elle devrait soutenir la consommation. La deuxième étape de la
suppression de la surtaxe dite « Juppé » sur les bénéfices des entreprises sera
franchie en 2002, concernant prioritairement les petites entreprises. La prime
pour l'emploi sera doublée afin de favoriser le retour à l'activité : les
ménages les plus modestes, souvent non imposables, en bénéficieront.
Ainsi, les engagements pris seront respectés. C'est une question de
crédibilité vis-à-vis des Français qui avaient durement sanctionné, comme vous
vous en souvenez, un candidat à l'élection présidentielle dénonçant les impôts
excessifs, mais entamant son mandat par une augmentation de deux points de la
TVA. Ces baisses, qui doivent être équitables, sont en outre un atout face au
ralentissement de la conjoncture : il serait dangereux, à l'heure où les
ménages ont besoin d'appui et les entreprises de marges d'action, d'inverser
les baisses d'impôts.
J'en viens à la limitation des déficits.
Depuis quatre ans, le besoin de financement des administrations publiques est
passé de 3,5 % du PIB en 1997 à 1 % prévu en 2001. Sur cette période, le
déficit de l'Etat a été réduit de 100 milliards de francs, soit cinq fois plus
que sous la majorité précédente. Nous devons, l'an prochain, à nouveau limiter
le déficit public. La réduction constante de la dette confirme cette gestion
sérieuse : alors qu'elle avait explosé au cours de la précédente législature,
la dette devrait poursuivre sa réduction au rythme d'un point de PIB par an en
moyenne depuis 1998. Il s'agit de bien gérer le présent et de bien préparer le
futur.
Ma quatrième série d'observations est un peu différente.
Dans la discussion sur ces orientations budgétaires, j'écouterai vos
observations, mesdames, messieurs les sénateurs et je m'attacherai,
lorsqu'elles me paraîtront pertinentes, à les intégrer pour la détermination du
budget proprement dit. Il existe pour noter les entreprises un classement, un
rating
: la note la plus haute est le triple A. Le débat budgétaire
mérite malheureusement souvent plutôt un double M : la magie et la myopie.
Magie : n'est-ce pas le mot juste pour qualifier deux attitudes fréquentes ?
Les uns, constatant le ralentissement économique, proposent volontiers comme
remède d'augmenter massivement les dépenses publiques ,...
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Ce n'est pas notre genre !
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
... oubliant
ainsi le butoir que constitue le niveau relativement élevé, malgré une nette
amélioration, de nos déficits, oubliant qu'il faut toujours rembourser ces
déficits. Les mêmes soutiennent parfois qu'il faudrait augmenter les
impôts...
M. Alain Joyandet.
Des noms !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
De qui peut-il s'agir ?
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Monsieur Marini,
vous vous reconnaîtrez dans quelques instants.
... oubliant que les baisses actuelles soutiennent la demande intérieure...
oubliant aussi le fait que la France est un pays ouvert et que si la taxation
des personnes et des entreprises était durablement plus élevée que, chez nos
voisins, les unes et les autres pourraient « voter » avec leurs pieds.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
C'est parfait.
M. Jean Chérioux.
Tout cela est excellent !
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
D'autres
responsables, appartenant à d'autres horizons politiques, se montrent adeptes
de ce que j'appellerai volontiers la « pensée budgétaire magique » en
proposant, à l'inverse, des coupes immédiates et massives. Comme si on pouvait
réduire brutalement les salaires des fonctionnaires ! Comme si on pouvait ne
pas acquitter les intérêts de la dette, qui représente plus de 200 milliards de
francs !
Autre forme fréquente d'appel à la magie : regretter le poids des dépenses
publiques en général et militer pour des coupes massives, tout en
applaudissant, bien sûr, aux inaugurations des TGV, tout en demandant davantage
de policiers, de professeurs, d'infirmières, tout en proposant que les dépenses
militaires - 243 milliards de francs en 2001 - augmentent fortement dans les
années qui viennent, sans oublier non plus d'exprimer des regrets critiques
quant à l'insuffisance du budget de l'agriculture, du budget des collectivités
locales - 340 milliards de francs en 2001 si on additionne dotations
budgétaires et prélèvements sur recettes - ou encore du budget du ministère de
l'équipement 138 milliards de francs.
Le recours à la magie se double parfois d'une forte myopie. Une politique doit
en effet se juger sur la durée ; une politique de solidarité doit être durable,
donc durablement financée. Quelle serait la durabilité, donc la crédibilité,
d'une politique économique qui, comme semblent le proposer certains dans
l'opposition, voudrait financer des dépenses budgétaires reconductibles chaque
année par des recettes enregistrées une seule fois, par exemple telle ou telle
privatisation, sachant que, comme je l'indiquais, nous aurons en tout état de
cause des charges nouvelles à financer dans les années qui viennent je pense
aux retraites ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est à l'Assemblée nationale qu'il faut le dire, pas
ici !
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Cette addition
fréquente de la magie et de la myopie, n'est-ce pas cela précisément que l'on
pourrait appeler la démagogie ?
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Ce n'est pas le genre de la
maison !
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
D'un côté, il y a
donc les spécialistes de la boîte de Pandore, qui nous disent : « Dépensez,
dépensez, il en restera toujours quelque chose » ; de l'autre, les disciples de
Tartuffe, qui affirment : « Cachez ces dépenses que nous ne saurions voir ».
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Et vous êtes au milieu de tout
cela !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
M. le ministre est centriste !
(Sourires.)
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Comme vous le
soulignez, monsieur le président de la commission, entre ces deux écueils, je
crois plutôt qu'il faut dépenser juste, ni trop ni trop peu - c'est un peu le
Normand qui parle -, financer les priorités du moment sans hypothéquer
l'avenir.
On critique parfois Bercy. Il est vrai que cette administration aux personnels
très compétents comporte probablement certaines imperfections et qu'elle va
parfois jusqu'à dire non. Il est vrai aussi que les finances ne sont qu'un des
paramètres à considérer dans une décision. Mais cette critique ne
s'adresse-t-elle pas souvent au principe de réalité lui-même ? Gouverner, c'est
choisir. S'opposer, ce devrait être aussi choisir. Là où il y a une volonté, il
y a un chemin ; mais un chemin qui doit offrir une vraie perspective. Là où il
y a une dépense, il faut bien qu'il y ait une recette. Là où on souhaite
davantage de solidarité, il y faut des moyens, en dépenses et en ressources,
sinon il n'y a plus de service public. Là où l'on veut créer des emplois, il ne
faut pas dissuader ceux qui les créent. Disant cela, je crois ne dire que
l'évidence et une part de vérité.
Ni Mme Parly ni moi-même n'entendons « dorer la pilule ». Le débat budgétaire
n'est pas seulement un débat sur les orientations, c'est aussi un débat sur la
vérité, et nous nous attacherons, les uns et les autres, à la respecter.
La politique économique sera d'autant plus efficace qu'elle sera coordonnée en
Europe. Tous les pays de la zone euro subissent aujourd'hui, à la fois, un
ralentissement de l'activité résultant de l'atterrissage brutal de l'économie
américaine et une hausse des prix provenant notamment de la hausse des prix de
l'essence et de certains prix alimentaires. Dans ce contexte, trois principes
devraient conduire la politique des pays européens.
D'abord, il convient de poursuivre la combinaison de politiques budgétaires
sérieuses et d'une politique monétaire favorable à la croissance. La politique
monétaire, avec des taux d'intérêt aussi faibles que possible, ne peut fournir
au secteur privé les crédits dont il a besoin que si le crédit aux
gouvernements connaît une évolution maîtrisée. Dans cette perspective,
l'amélioration des comptes publics est nécessaire. Pour l'obtenir, l'ensemble
des gouvernements doit viser une évolution modérée de la dépense publique. Dans
le contexte présent, une forte hausse des dépenses financée par un fort
endettement supplémentaire pèserait négativement sur la croissance.
Ensuite, il faut adapter les politiques macroéconomiques aux spécificités de
chaque pays. Dans le cadre d'un mouvement d'ensemble d'assainisssement de nos
comptes publics, un effort particulier doit être conduit dans les pays
connaissant une inflation préoccupante : il y en a plusieurs autour de nous, y
compris parmi les pays les plus riches. Ils doivent faire effort pour réduire
leur inflation, faute de quoi nous en subirons les conséquences.
M. Michel Charasse.
C'est exact !
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Enfin, dans tous
les pays de la zone euro, une croissance durable et non inflationniste implique
la mise en oeuvre des plus récentes technologies afin de développer à la fois
l'économie de la connaissance et l'amélioration de l'emploi. Cette amélioration
du marché de l'emploi doit permettre de combiner de fortes créations d'emplois
et une évolution positive des salaires.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, quand la mer est
incertaine, il faut être d'autant plus assuré de son cap. Notre cap m'apparaît
clair : pour l'emploi, il faut une croissance et une solidarité durables.
Afin de tenir ce cap, nous devons avoir confiance dans les capacités de notre
économie et continuer d'aider les Français et nos entreprises dans leurs
efforts. Bien des réformes utiles et de nombreux progrès ont déjà été accomplis
par le gouvernement de Lionel Jospin, avec et pour les Français. Dans un
contexte devenu plus difficile, c'est en maintenant une politique dynamique et
solidaire, une politique de vérité, que le Gouvernement, avec le soutien du
Parlement, servira la croissance et l'emploi, l'efficacité et la solidarité.
C'est ce chemin que nous entendons suivre pour préparer le budget pour 2002.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, voici venu ce soir le débat d'orientation
budgétaire, le dernier de la législature, le dernier peut-être avant
l'alternance, qui sait !
(Sourires.)
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Espérons-le !
Mme Hélène Luc.
Vous êtes optimiste !
Mme Nicole Borvo.
Vous rêvez !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je voulais susciter votre attention et vos remarques,
mes chers collègues ; je vous remercie de vos protestations, qui prouvent que
vous êtes très attentifs à mes propos.
Plusieurs sénateurs socialistes.
Nous le sommes toujours !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Lorsque nous analysons les documents du Gouvernement,
nous sommes en droit de considérer, monsieur le ministre, qu'il est quelque peu
désorienté ; je vais m'efforcer de le montrer à l'aide de certains chiffres.
Cette « désorientation » se voit d'abord dans le fait qu'il n'est plus en
mesure de fixer un cap clair pour nos finances publiques.
Elle se voit également dans l'apparition de désaccords et de tensions de plus
en plus nombreux au sein des forces sociales qui le soutiennent et des
mouvements ou formations qui composent ce que l'on appelle, encore, la «
majorité plurielle ».
De ce point de vue, la désorientation budgétaire du Gouvernement est le
révélateur d'une situation politique que nous observons bien entendu, nous,
membres de la majorité sénatoriale, avec beaucoup d'intérêt.
Voyons les chiffres.
La prévision de croissance pour 2001 avait été établie lorsque nous avons voté
la loi de finances initiale à 3,3 %. En mars, il a été nécessaire de la réviser
à 2,7 % et certaines voix laissent entendre qu'une nouvelle révision dans le
courant de l'été n'est pas complètement improbable.
Or, vous persistez, monsieur le minsitre, à faire apparaître dans vos épures
pour l'année 2002 un taux de croissance de 3 % !
Il semble donc y avoir discontinuité de la série, ce qui appelle une
explication claire et concrète de votre part.
Par ailleurs, la progression pour les dépenses de l'Etat que vous affichez -
0,5 % en volume - ne nous paraît pas crédible compte tenu tant des lourdeurs de
l'Etat que des engagements auxquels il a souscrit et qu'il faudra bien
financer.
Nous avons annexé au rapport écrit une étude que la commission a commandée à
l'OFCE, l'Observatoire français des conjonctures économiques, institut de
prévisions économiques indépendant qui n'est pas réputé pour ses approches
ultralibérales ou réactionnaires, monsieur le ministre. Y sont mis en évidence
les risques de dérapage de la dépense publique par rapport aux chiffres que
vous nous donnez et par rapport à ceux que vous avez transmis à l'Union
européenne.
Nous sommes notamment en droit de nous demander, monsieur le ministre, si le
coût total de l'accord Sapin pour les trois fonctions publiques, qui s'élève à
34 milliards de francs pour la période 2001-2003, a bien été intégré dans les
prévisions transmises à l'Union européenne. A-t-il été intégré clairement dans
votre épure d'orientation budgétaire pour 2002 ?
Enfin, parmi ces symptômes de désorientation, je citerai le niveau du déficit
budgétaire de l'Etat, qui demeure élevé en valeur absolue : il était encore de
186,6 milliards de francs dans la loi de finances initiale pour 2001, très
proche du déficit d'exécution de 191 milliards de francs de l'année 2000. Et
pour l'année 2002, monsieur le ministre, vous n'avancez encore aucun chiffre !
Vous faites dépendre la poursuite de sa diminution de la conjoncture et du
niveau de la croissance, et nous voyons s'inverser quelque peu vos
interprétations ou vos appréciations.
En effet, encore tout récemment, on nous disait - non pas vous-même, mais du
moins votre prédécesseur immédiat - que, si la croissance était là, c'était
grâce au Gouvernement ; maintenant, on ne nous dit pas que, si elle se
ralentit, c'est sa faute. Naturellement, il s'agit de l'évolution spontanée des
tendances !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
C'est asymétrique !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
M. le président Lambert a totalement raison : il y a
une asymétrie dans le jugement que l'on porte sur les causes et les effets.
Revenons maintenant sur le cadrage macro-économique.
De 1998 à 2000, nous avons bénéficié d'une très belle période : 3,4 points de
croissance en 1998, 2,9 points en 1999 et 3,1 points en 2000. Monsieur le
ministre, vous avez mangé votre blé en herbe, comme dirait Michel Charasse !
(Sourires.)
En tout cas, vous avez tiré parti d'une conjoncture
exceptionnellement bonne pour faire toute une série de choses qui
correspondaient aux urgences et aux priorités du programme politique de votre
gouvernement, mais qui ne préparaient certainement pas la France à l'avenir,
notamment au ralentissement de la conjoncture.
Or ce ralentissement arrive, nous pouvons tous le constater, et le déplorer :
le rythme annualisé de la croissance, qui était de 4,4 % à la fin de 1999, est
descendu à 2,4 % au premier trimestre de 2000 et à 2 % au premier trimestre de
2001.
Il convient que vous nous disiez, monsieur le ministre, quelle est
aujourd'hui, compte tenu des données enregistrées au cours des tout derniers
mois, votre hypothèse de croissance pour l'année 2001. Sur quelle hypothèse
allez-vous vous fonder pour élaborer les documents budgétaires de l'année 2002
?
Nous savons tous que ce ralentissement est inquiétant, qu'il ne s'agit pas
d'un aléa à très court terme. Nous comprenons, au contraire, que l'atterrissage
brutal de l'économie américaine, le ralentissement de la croissance de la zone
euro, les problèmes structurels rencontrés par notre partenaire allemand ne
peuvent pas ne pas emporter des conséquences très précises et très graves pour
le climat des affaires dans notre pays, pour l'investissement des entreprises,
qui tend à marquer le pas depuis le début de 2001, pour l'évolution de la
consommation des ménages, qui devient plus incertaine, surtout dans une phase
où réapparaissent les tensions inflationnistes.
Cette préoccupation liée à la réapparition de l'inflation est partagée par les
autorités monétaires nationales et, surtout, européennes, nous ne pouvons être
sourds aux avertissements qui nous sont adressés à cet égard.
Voilà quelques jours, lors de son audition par la commission des finances, le
gouverneur de la Banque de France n'a pas caché les appréhensions qu'induit
nécessairement l'analyse de la conjoncture actuelle.
Il est clair que, devant un tel ralentissement, il convient de réaliser -
enfin ! - une réduction cohérente des prélèvements obligatoires, lesquels ont
atteint en 1999 et 2000 un « pic » historique.
Monsieur le ministre, s'il peut y avoir revendications ou désaveu de paternité
en ce qui concerne le taux de croissance de l'économie, en revanche, pour ce
qui est du taux de croissance des prélèvements obligatoires, les
responsabilités sont indiscutablement du côté du Gouvernement. D'ailleurs, vous
le reconnaissez vous-même dans les documents que vous nous transmettez
puisqu'on y distingue le taux de prélèvements « spontané » et le taux de
prélèvements après mesures nouvelles. Or, depuis 1997, les prélèvements
obligatoires ont beaucoup augmenté.
L'année 1999 a été très révélatrice pour l'opinion publique. Avec l'épisode de
la « cagnotte », les contribuables, du moins beaucoup d'entre eux, ont constaté
que le niveau des prélèvements ne cessait de s'accroître alors même qu'on leur
faisait des promesses en sens inverse.
Pour 2002, vous nous faites de nouveau des promesses très alléchantes : vos
documents font, en effet, état d'un taux de prélèvements obligatoires de 44,5 %
du produit intérieur brut.
Je relève que l'effort de réduction du poids des recettes publiques sur
2000-2002 est nettement inférieur à la moyenne constatée dans la zone euro.
Ainsi, nous observons que toutes les promesses de baisse faites ces dernières
années n'ont jamais été réellement honorées.
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Oh !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Nous observons en outre, monsieur le ministre, en
comparant les programmes triennaux que vous adressez à l'Union européenne que,
d'année en année, les chiffres que vous présentez à Bruxelles sont revus à la
hausse.
En 1999, ce sont 30 milliards de francs de plus qui ont été prélevés en France
par rapport à ce qui était prévu et, en 2000, ou passe à 38 milliards de francs
de prélèvements supplémentaires. Je me réfère ici, je le précise, aux documents
que vos services ont élaborés.
Si l'on ajoute à cela que l'on risque de connaître un PIB moins dynamique et,
par conséquent, un dénominateur de la fraction qui n'évoluerait pas comme il le
fit au cours de la période récente, on conclut qu'il existe de réels risques de
ne pas avoir tenu l'objectif de taux de prélèvements obligatoires de 44,5 % du
PIB que vous mettez en avant dans vos documents.
La pression qui s'exerce sur les recettes de l'Etat, cette année un peu moins
abondantes que prévu, peut s'accentuer en 2002. D'ailleurs, les voix ne
manqueront pas, dans votre majorité, pour remettre en cause un programme fiscal
que vous avez annoncé et commencé de mettre en oeuvre en 2001 mais dont toute
une série d'aspects sont contestés au sein même des forces qui vous
soutiennent.
La critique qu'a adressée la majorité du Sénat à ce programme de baisse
d'impôts concernait non son ampleur, mais sa répartition. Nous avons en effet
estimé que ce programme relevait plus d'un « saupoudrage », ou d'une dilution
des pertes de recettes fiscales, que d'une vision claire et concentrée des
aspects sur lesquels il convient de faire des efforts...
M. Bernard Angels.
Heureusement !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... en vue d'un changement de comportements des
agents économiques. Ainsi, il est très peu de mesures qui sont dirigées en
faveur de l'investissement.
Par ailleurs, un certain nombre de dispositions de votre plan de baisses
fiscales ont dû être modifiées dans l'urgence en raison de difficultés d'ordre
juridique ; je fais ici allusion aux décisions prises par le Conseil
constitutionnel, tant sur la ristourne de CSG et de CRDS que sur l'extension de
la taxe générale sur les activités polluantes.
Monsieur le ministre, nous sommes donc loin d'être convaincus par les
perspectives que vous tracez en matière de prélèvements obligatoires. Nous
estimons que les sacrifices qui ont été faits en termes de recettes de l'Etat
et qui, en volume, sont très substantiels, n'ont pas le rôle que l'on pourrait
en attendre au regard de l'évolution des comportements, en particulier ceux des
investisseurs. Telle est la critique essentielle que nous formulons au sujet de
ce programme de baisses fiscales.
Que dire, à présent, des dépenses publiques et de l'effort de maîtrise allégué
par le Gouvernement ? Les objectifs que vous affichez en ce domaine sont, d'une
année sur l'autre, de moins en moins ambitieux : sur la période 1997-2000, la
progression moyenne de la dépense publique en volume a été de 1,6 %, avec un «
pic » de 2,5 %, atteint en 1999.
Que constatons-nous à la lecture des éditions successives du programme
triennal transmis à Bruxelles ? Le programme transmis en 1999 fait état d'une
norme de progression de 1 % par an en volume. Dans le programme transmis un an
après, en janvier 2000, la norme est de 1,3 %. Dans le programme transmis en
janvier 2001, elle est de 1,5 %, taux qu'on ne peut que rapprocher de la
moyenne annuelle enregistrée au cours des années 1997-2000, soit 1,6 %.
Que peut-on en déduire ? Tout simplement, que le Gouvernement, en matière de
maîtrise des dépenses, n'est absolument pas volontariste !
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Et la croissance,
monsieur le rapporteur général ? Elle a été de 9 % pendant cette période !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La progression n'est effectivement plus la même.
Mais, en 2001, monsieur le ministre, lorsque vous avez transmis vos prévisions
à Bruxelles, vous étiez encore dans le cadre de la loi de finances pour 2001,
avec une croissance de 3,3 %. Pourtant, à ce moment-là, la norme d'évolution en
volume des dépenses de l'Etat que vous mettiez en avant pour les trois années
suivantes était de 1 %.
Que vous le vouliez ou non, aujourd'hui, avec une dépense publique qui
représente 53 % du produit intérieur brut, la France fait la « course en tête »
parmi les grands pays comparables. Nous nous distinguons, en particulier, d'un
groupe de pays auquel appartiennent tant l'Espagne que la Grande-Bretagne ou le
Canada, et où la dépense publique représente environ 40 % du produit intérieur
brut.
Bien entendu, nous sommes extrêmement éloignés - mais tant de choses nous
différencient ! - des Etats-Unis, où ce taux est de 30 %.
M. Roland Muzeau.
Ce n'est pas un modèle !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il n'est pas question de modèle : je cite des ordres
de grandeur.
M. Bernard Angels.
On ne parle pas des mêmes dépenses !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
D'ailleurs, monsieur le président, si nous avions,
dans cet hémicycle, la possibilité de disposer, comme en commission, de moyens
modernes de présentation des documents - tableaux, courbes, animations - nos
débats s'en trouveraient grandement enrichis. Dans la moindre de nos mairies,
aujourd'hui, lorsqu'on présente un budget et des perspectives financières, on
le fait à l'aide d'instruments modernes, de façon que tout un chacun comprenne.
Les hémicycles des assemblées parlementaires sont les seuls lieux où cela ne se
fait pas !
M. Charles Descours.
Très juste !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
J'espère, monsieur le président, qu'il n'en sera plus
trop longtemps ainsi, car la commission des finances a déjà plusieurs fois
formulé des demandes à cet égard.
M. Charles Descours.
Et la commission des affaires sociales aussi, monsieur le rapporteur
général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Nous sommes une fois de plus associés !
Comment s'explique cette surcharge de l'Etat ? Elle tient à l'inertie du
budget de l'Etat.
Deux rubriques mobilisent l'essentiel des financements : la fonction publique
et le service des emprunts.
Les dépenses de fonction publique constituent le premier poste de dépenses et
augmentent toujours en valeur absolue et relative représentaient 40,7 % du
budget en 1997 et représentent 42,5 % du budget en 2001.
Et si l'on ajoute fonction publique et charges de la dette, j'observe,
monsieur le ministre, mais vous le savez mieux que moi, que depuis 1997, ces
deux postes préemptent très régulièrement la quasi-totalité de l'augmentation
des dépenses du budget général.
Autrement dit, une fois qu'on a payé la fonction publique avec la dynamique
qui est la sienne, due aux accords salariaux et aux créations d'emplois, une
fois qu'on a réglé la dette, il ne reste plus rien que l'on puisse consacrer à
d'autres secteurs. Il faut donc procéder par redéploiement.
Telle est la réalité qui ressort du simple examen du budget de l'Etat.
Au demeurant, pour l'avenir, il y a lieu de souligner qu'au-delà de ces
lourdeurs qui ne font que s'aggraver, il existe un certain nombre de menaces
nouvelles dont l'actuel Gouvernement est très clairement l'auteur.
Je pense aux accords de revalorisation salariale dans la fonction publique -
19,5 milliards de francs, pour le seul Etat au titre des années 2001 à 2003 -
aux emplois-jeunes et à leur pérennisation et même aux mesures consécutives à
la crise de l'ESB, l'encéphalopathie spongiforme bovine.
Si ces mesures sont assurément indispensables, encore faut-il préciser que,
sur 8 milliards de francs, seulement 2,5 milliards de francs ont été financés
en 2001 par le récent décret d'avance que vous avez en effet eu monsieur le
ministre, l'amabilité et la grande correction de transmettre aux commissions
des finances du Parlement en leur laissant un délai assez long pour
l'examiner.
Tout cela se traduit nécessairement, au niveau du solde, par un relâchement de
l'effort de diminution du déficit et par une progression de l'encours de la
dette de l'Etat.
Je voudrais précisément concentrer mon propos sur la dette de l'Etat, qui
représente en volume 4 500 milliards de francs à la fin de l'année 2000. Cela
veut dire que chaque ménage en supporte 180 000 francs et doit financer une
charge annuelle d'intérêt de 10 000 francs. Ce sont les chiffres que l'on peut
tirer de votre communication, monsieur le ministre.
Le Gouvernement, au cours de ces dernières années, de 1997 à 2002, a bénéficié
de la conjoncture. Les efforts de réduction des déficits publics constatés au
cours de cette période résultent d'ailleurs aux deux tiers - je me réfère à vos
propres chiffres - de la conjoncture, tandis que les effets de la politique
structurelle sont extrêmement limités.
Qu'en est-il de l'évolution du stock de la dette sur le moyen terme ? Depuis
1997, le stock de la dette - je parle ici spécifiquement de la dette négociable
- a augmenté de 1 000 milliards de francs pour l'Etat.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
C'est beaucoup !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il était de 3 377 milliards de francs en 1997 et
atteindrait donc 4 330 milliards de francs en 2001 : je parle toujours de la
dette négociable.
Si j'élargis la perspective pour éviter toute interprétation politicienne -
qui ne serait pas de mise.
Pour remonter à l'année 1986, date assez ancienne, je constate que la dette
négociable de l'Etat, qui représentait alors 23 % du produit intérieur brut,
est passée à près de 49 % du produit intérieur brut en 2000. On voit que cet
alourdissement relatif de la dette négociable de l'Etat par rapport à la
richesse nationale...
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
C'est sur la
période 1993-1997 qu'a été battu le record du déficit !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Souvenez-vous : 1992, c'était
vous !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Mais, monsieur le ministre, cette dette a augmenté
sous tous les gouvernements,...
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Non, sous les
vôtres !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... et sous les vôtres en particulier !
La dette a augmenté de 1 000 milliards de francs depuis 1997. Que chacun ait
la franchise de reconnaître sa part ! C'est la réalité des chiffres.
M. Bernard Angels.
Mais non !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Si la progression continue, du fait, en particulier,
d'une conjoncture plus atone que celle que vous attendiez, il faudra bien un
jour assumer les charges liées à cette facilité à laquelle, en effet, de
nombreux gouvernement,
nolens volens,
se sont en quelque sorte
abandonnés.
Au cours de l'année 2000, l'Etat, vous le savez, a emprunté près de 600
milliards de francs sur les marchés pour rembourser les emprunts précédents, à
hauteur de près de 410 milliards de francs, pour financer 170 milliards de
francs d'investissements - tout de même ! - mais aussi pour financer une
quote-part de 14 milliards de francs de dépenses de fonctionnement de l'Etat,
ce qui est naturellement de la cavalerie pure et simple.
Qu'il s'agisse du déficit public, qu'il s'agisse de la dette publique, ces
chiffres nous situent mal par rapport à nos compétiteurs.
A propos de la dette publique, nous voudrions, monsieur le ministre, être
informés sur ce que vous envisagez pour ce qui restera du produit de la vente
des licences UMTS. Lorsqu'on devait en céder quatre, il était prévu de le
répartir entre le Fonds de réserve des retraites et la Caisse d'amortissement
de la dette publique. Qu'en sera-t-il avec deux licences ?
En tout cas, les perspectives de diminution du volume de la dette publique qui
étaient associées aux espoirs initiaux - espoirs que nous avons d'ailleurs
partagés - et fondées sur l'attribution des licences UMTS semblent bien
disparaître !
Pour conclure mon exposé, je me livrerai à quelques brèves considérations sur
les finances locales et sur les finances sociales.
Les collectivités territoriales, globalement, demeurent excédentaires et
continuent à rembourser leurs dettes. Leurs dépenses de gestion, globalement,
là encore, apparaissent maîtrisées, contenues, malgré les charges qui leur sont
transférées par l'Etat et malgré des questions qui se posent ; je pense, par
exemple, au financement de l'allocation personnalisée d'autonomie que nous
évoquions tout à l'heure dans cet hémicycle.
M. le ministre, quand la conjoncture générale devient moins favorable, nous
entendons certaines observations de source gouvernementale sur la dynamique des
concours de l'Etat aux collectivités territoriales qui nous inquiètent.
Certes, on tente de nous rassurer en nous disant que les concours de l'Etat
aux collectivités territoriales ont augmenté de près de 60 milliards de francs
depuis 1998.
Il faut ajouter que ces concours nouveaux proviennent de la suppression de
ressources fiscales locales remplacées par des transferts budgétaires de
l'Etat. Ils rigidifient le budget de l'Etat tout en représentant pour l'avenir
une menace pour l'autonomie des collectivités territoriales et pour l'évolution
de leurs moyens de fonctionnement et d'investissement.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous rassurer sur cet aspect ? Nous
sommes-nous trompés lorsque nous avons trouvé quelque peu excessif, quelque peu
« optimiste » le rythme de progression des concours de l'Etat aux collectivités
territoriales par rapport à l'évolution des autres charges financées par le
budget de l'Etat ?
En d'autres termes, monsieur le ministre, nombre de nos collectivités
territoriales craignent les coups de canif dans le contrat qui lie - ou qui
devrait exister - l'Etat et les finances locales.
S'agissant des finances sociales - mais MM. Jacques Oudin et Charles Descours
y reviendront - nous sommes en alerte, car nous observons que la norme de
progression de l'assurance maladie, l'objectif national de dépenses d'assurance
maladie, l'ONDAM n'a jamais été respectée.
Nous observons aussi que l'excédent des comptes sociaux qui existe
aujourd'hui, nous le devons à la croissance, à l'amélioration de la situation
de l'emploi et, surtout, à des prélèvements croissants. En effet, les
prélèvements sociaux finançant ces régimes ont augmenté de l'équivalent de un
point de produit intérieur brut entre 1997 et 2001.
Dans ce cadre, monsieur le ministre, nous ne pouvons que déplorer de nouveau
le mode de financement des 35 heures qui, au fil des débats auxquels nous
assistons, nous semble être un facteur particulier de désorientation, voire de
discorde, entre les différents pôles du pouvoir économique de l'Etat.
Nous ne voudrions pas que celui-ci refuse d'assumer ses responsabilités. Nous
ne voudrions pas qu'il se défausse sur les régimes sociaux, au mépris de la loi
Veil de 1994, qui oblige l'Etat à compenser intégralement, pour ces derniers,
tout allégement de charges.
Monsieur le ministre, notre analyse n'est pas, comme vous l'aurez observé,
très optimiste. Nous préférerions être encore dans le contexte économique d'il
y a un an.
Mais lorsque nous relisons les contributions que nous avions alors versées au
débat public, nous y trouvons rétrospectivement et, en quelque sorte, en creux
toutes nos observations d'aujourd'hui.
Les contradictions internes, la relative facilité plus ou moins cachée par un
verbalisme de rigueur : tout cela nous l'avons dit et répété avec constance en
étant souvent complètement inaudibles, car la conjoncture politique, l'état des
mentalités dissuadaient l'opinion de nous écouter.
Aujourd'hui, nous avons le sentiment que le ralentissement de la croissance,
l'exacerbation des contradictions politiques à gauche créent un climat beaucoup
plus favorable pour que les analyses et les mises en garde du Sénat soient
écoutées.
En conclusion, monsieur le ministre, je voudrais redire que le Gouvernement a
bénéficié, nous en sommes convaincus, d'une période extraordinairement
favorable et qu'il n'a pas su en tirer tous les bénéfices.
Je crois qu'il vous est encore possible, en quelques mois, d'utiliser
l'autocritique pour élaborer des thèmes de campagne clairs et lisibles ; dans
l'état actuel des choses, il me semble, en effet, que le défaut de lisibilité
et de clarté se situe de votre côté.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Monsieur le ministre, le Sénat
sait tisser un consensus politique au sens le plus noble quand il est possible
et souhaitable. Il l'a montré mercredi dernier - vous avez eu l'élégance de le
souligner tout à l'heure - quand il s'est agi de travailler à la réforme des
textes qui régissent nos lois de finances pour le bien de tous les Français.
Nous n'en sommes, les uns et les autres, que plus à l'aise aujourd'hui pour
marquer notre différence sur la politique budgétaire. Après M. le rapporteur
général, je veux vous dire qu'il y a lieu, de notre point de vue, d'être sévère
quant à la politique budgétaire conduite par le Gouvernement. Avec d'autant
plus de force que cette politique nous semble engagée dans une impasse et que
nous vous avions prévenus depuis quatre ans, comme le disait M. le rapporteur
général, sans avoir pu retenir votre attention. La dégradation du déficit, qui
nous semble inscrite, n'est pas admissible compte tenu des années que nous
venons de connaître et des données que nous avions soulignées auprès de
vous.
De surcroît, comment ne pas voir les difficultés qui sont devant nous ?
Comment les finances de notre Etat pourront-elles faire face à ce qui va se
produire si elles se grippent au premier coup de froid conjoncturel ?
Nous avons, sans repos, mis en garde le Gouvernement contre la tentation de
laisser filer les dépenses de structure, en particulier les dépenses de la
fonction publique et de la dette. Or que constatons-nous ? Le poids
inexorablement croissant de ces deux postes dans le budget de l'Etat, comme l'a
illustré parfaitement à l'instant M. le rapporteur général. Le budget de l'Etat
devient quasi exclusivement un budget de fonctionnement, un budget de dépenses
passives, imposées, en quelque sorte subies, ne laissant plus aucune marge de
manoeuvre au Gouvernement.
En outre, nous avons dénoncé un assainissement budgétaire en trompe-l'oeil,
fondé uniquement sur l'accroissement des recettes grâce à la bonne conjoncture
et à l'augmentation des impôts. D'ailleurs, vous le reconnaissez dans le
document que vous avez distribué : non seulement vous avez bénéficié d'une
croissance inespérée, mais vous avez aussi augmenté les prélèvements sur cette
croissance pour financer vos priorités.
La conséquence de ce choix se lit très clairement dans le déficit structurel
des administrations publiques, essentiellement imputable à l'Etat. Alors que ce
déficit structurel s'était considérablement réduit de 1993 à 1997, il ne se
réduit plus désormais, selon la Banque de France, comme le disait le rapporteur
général, comme aux termes des documents que vous nous distribuez. Cela révèle
que les charges permanentes de l'Etat demeurent plus élevées que les recettes
permanentes. La France vit structurellement au-dessus de ses moyens, pour
environ 150 milliards de francs chaque année.
Pour utiliser un adjectif favori de la majorité plurielle - vous l'avez
d'ailleurs souligné tout à l'heure dans votre propos, monsieur le ministre,
s'agissant du mot « durable » - force est de constater, pour le regretter, que
le déficit durable ne s'améliore plus et que votre majorité, dans le domaine
budgétaire tout au moins, préfère manifestement l'éphémère au durable.
Hélas, ce n'est pas nouveau !
Depuis 1997, nous affirmions aussi que, dans ces conditions, le moindre
infléchissement conjoncturel mettrait l'assainissement budgétaire en péril. Eh
bien, nous y sommes ! Ce que nous redoutions se déroule sous nos yeux :
l'exécution 2001 se passe mal, Dieu merci, ce n'est pas encore catastrophique,
mais nous allons tout droit vers les 200 milliards de francs de déficit, soit
un plus mauvais résultat qu'en 2000 - il était de 191 milliards de francs - et,
naturellement, plus mauvais encore que la prévision de la loi de finances
initiale, à savoir 186 milliards de francs.
Le Gouvernement n'a pas voulu écouter et le risque que nous avions brandi est,
malheureusement, en train de se réaliser. Si le Gouvernement n'a pas écouté,
c'est parce que, s'agissant de la croissance, son analyse n'était pas la même
que la nôtre, M. le rapporteur général le soulignait tout à l'heure. La
commission des finances n'a cessé de tirer la sonnette d'alarme. Rappelez-vous.
Nous disions : la prospérité est fugace, elle dépend, pour l'essentiel, de
données externes et il faut la bien utiliser quand elle est au rendez-vous, car
la croissance ne se convoque pas. Le Gouvernement - vous-même, monsieur le
ministre, avec plus de prudence, j'en conviens - répondait - j'espère que je ne
déforme pas son expression - certes, nous nous appuyons sur la conjoncture pour
assainir les finances publiques, mais nous sommes en quelque sorte à l'origine
de la croissance et nous savons la nourrir. « Nourrir », je suis certain que
vous avez employé ce mot, je l'ai tellement entendu !
Le Gouvernement aurait-il perdu la méthode pour nourrir la croissance ?
Monsieur le ministre, la croissance ne se convoque pas et laisser croire le
contraire aux Français les mettraient à la merci de très dangereuses
illusions.
Faudrait-il le répéter pendant dix ans encore, je ne me lasserais pas de le
faire. En effet, la première exigence de la politique, c'est la vérité - vous
l'avez dit tout à l'heure, monsieur le ministre, et je partage avec vous cette
conviction - et le débat d'orientation budgétaire est le rendez-vous de la
vérité, elle est due aux Français.
Je vais vous exposer la vérité telle que je la conçois.
Non, un assainissement budgétaire ne peut être fondé sur une augmentation des
recettes ! Parce qu'elles sont trop aléatoires : hier, elles dépassaient les
prévisions ; aujourd'hui, elles baissent et nul n'y peut rien. Mais aussi parce
que les impôts sont trop élevés : les impôts sur les revenus des ménages et des
entreprises ont augmenté de 55 % en quatre ans, et le Gouvernement avoue
lui-même que les recettes publiques auraient moins crû s'il n'avait pas
augmenté les impôts.
Oui, un assainissement budgétaire ne peut passer que par la maîtrise des
dépenses, en particulier les plus lourdes, les plus rigides, les plus inertes !
Je compte, parmi elles, les dépenses de la dette publique - ce qui suppose une
réduction très volontariste du déficit budgétaire - et de la fonction publique.
Or, le rapport de M. Philippe Marini le démontre de façon éclatante : le
Gouvernement, non seulement n'a rien tenté pour réduire ces deux postes,
puisqu'ils ont absorbé, à eux seuls, la quasi-totalité de la progression du
budget, mais de plus, il s'est, à mes yeux, abandonné aux tristes pratiques de
la réduction des investissements civils et militaires.
En outre, cette attitude passive face à la dépense, parfois même active quand
il s'agit de l'augmenter - par la création d'emplois de fonctionnaires, les 35
heures, les emplois-jeunes, et j'en passe - empêche le Gouvernement d'atteindre
ses propres objectifs de maîtrise, qu'il ne cesse de revoir à la hausse.
En matière de gestion de nos finances publiques une urgence s'impose : le
courage. Le Gouvernement entend augmenter les dépenses. Soit ! Mais alors, que
le Premier ministre se rende solennellement au journal télévisé de vingt heures
pour présenter aux Français la facture des dépenses nouvelles qu'il propose
d'engager, qu'il leur indique clairement que toute dépense nouvelle sera payée
par eux.
En effet, si la dépense est aussi populaire en France, mes chers collègues,
c'est parce que, j'en suis convaincu depuis toujours, l'on n'a pas assez dit
aux Français que ce sont eux qui la paie ! Il faut aller devant eux et leur
dire : chers compatriotes, vous voulez les 35 heures ? Soit ! Cela équivaut à
signer une reconnaissance de dette de 100 milliards de francs par an, à régler
par vous-mêmes et par vos enfants. Vous voulez les emplois-jeunes ? Soit !
Alors, veuillez signer une reconnaissance de dette de 22 milliards de francs
par an. Vous considérez trop douloureux de réduire davantage le déficit
budgétaire ? Alors, signez une augmentation de la charge de la dette publique
de 10 milliards de francs par an. Vous ne souhaitez pas réduire le nombre des
fonctionnaires, au motif que, dans de nombreux secteurs, ils ne sont pas assez
nombreux ? Soit ! Alors, veuillez signer votre accord pour acquitter d'ici à
2005, 50 milliards de francs, au titre des pensions supplémentaires, et 110
milliards de francs d'ici à 2010.
Voilà, monsieur le ministre, le langage de courage et de vérité dont la France
a besoin et qu'elle attend, j'en suis convaincu.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR. -
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. Bernard Angels.
C'est le langage de la démagogie !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
J'assume, pour ma part, mes
responsabilités !
Il est déjà tard. Depuis quatre ans, le Gouvernement a fait l'inverse de ce
qu'il aurait fallu. Les facilités prises sont déjà inscrites au découvert du
compte des bébés à naître.
Oui, il est urgent de modifier cette politique : réduisons les dépenses,
remboursons la dette, investissons, augmentons l'offre de main-d'oeuvre,
supprimons les mécanismes qui découragent le travail et les réglementations qui
peuvent entraver l'accès à l'emploi, allégeons les contraintes qui pèsent sur
les entreprises et, à défaut de pouvoir réduire immédiatement les prélèvements
au niveau souhaitable, rendons à ceux qui entreprennent la liberté dont ils ont
besoin pour relever les défis de la concurrence dans laquelle ils sont
inscrits.
M. Alain Joyandet.
Bravo !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
C'est la voie de la
responsabilité et du courage. C'est la voie proposée par la commission des
finances et c'est la voie constante du Sénat. C'est la voie qu'il faut
souhaiter à la France ! Nous sentons déjà qu'elle la choisira bientôt.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à vingt-deux heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures dix, est reprise à vingt-deux heures
quarante.)
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons le débat d'orientation budgétaire consécutif à une
déclaration du Gouvernement.
Dans la suite du débat, la parole est à M. le président de la commission des
affaires sociales.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
monsieur le ministre, mes chers collègues, « tous les citoyens ont le droit de
constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la
contribution publique ». Lors de nos débats récents sur la réforme de
l'ordonnance portant loi organique relative aux lois de finances, de nombreux
intervenants se sont référés à cet article XIV de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen.
De fait, la commission des affaires sociales s'emploie dans le domaine social
à « constater la nécessité de la contribution publique ».
C'est la philosophie des lois de financement de la sécurité sociale, c'est la
raison d'être des prérogatives de contrôle sur pièces et sur place qui ont été
conférées aux rapporteurs de la commission.
D'une certaine façon, la commission des affaires sociales prépare, elle aussi,
le débat d'orientation budgétaire, grâce à un travail considérable de ses
rapporteurs conduit depuis la mi-janvier, travail qui s'est achevé la semaine
dernière en commission.
Ainsi Charles Descours a-t-il mis en lumière l'absence de financement des 35
heures.
J'observe d'ailleurs que le Gouvernement avait annoncé, dès décembre 1997, son
intention de faire supporter à la sécurité sociale le coût de sa politique de
l'emploi. Il a fait preuve, depuis lors, d'une remarquable constance à se
montrer sourd à l'opposition unanime des partenaires sociaux.
Aussi la sécurité sociale a-t-elle dû contribuer directement ou indirectement
au financement d'un fonds, le fonds de financement de la réforme des
cotisations patronales de sécurité sociale, ou FOREC, destiné à lui compenser
le coût des exonérations de charges sociales. J'insiste sur cette situation
paradoxale qui voit la sécurité sociale se compenser à elle-même le coût de ces
exonérations.
Aujourd'hui, elle supporte, en outre, le déficit d'un fonds qui n'est toujours
pas créé et se trouve détenir une créance sur le budget de l'Etat - quelque dix
milliards de francs -, créance dont on peut dire qu'elle est douteuse à tout
point de vue. Pour 2001, le Gouvernement annonce des « règles claires et
stables », ce qui n'est pas bon signe dans la mesure où la règle posée par la
loi Veil de 1994 était parfaitement claire : elle posait le principe d'une
compensation intégrale.
Charles Descours a dit tout cela excellemment, tant dans son rapport sur le
FOREC que dans son commentaire sur les comptes sociaux tels qu'ils ont été
présentés le 7 juin dernier devant la commission des comptes de la sécurité
sociale.
C'est aux perspectives du fonds de réserve pour les retraites qu'Alain
Vasselle a consacré ses travaux. Il a souligné, à cet égard, l'ampleur des
prélèvements qui ont été opérés, pour financer les 35 heures et, désormais,
l'allocation personnalisée d'autonomie, sur les excédents du fonds de
solidarité vieillesse qui, eux-mêmes, doivent alimenter le fonds de réserve des
retraites.
Mais il a insisté également sur la multiplication des transferts largement
occultes qui font désormais reposer sur la branche famille l'essentiel de
l'effort pour lisser le paiement des retraites à compter de 2020.
Aussi, lorsque, à la page 25 de son rapport pour le présent débat
d'orientation budgétaire, le Gouvernement annonce que « la maîtrise des
dépenses consacrées à la famille est nécessaire », je crois que cette maîtrise
est parfaitement assurée. Si les dépenses de la branche famille croissent,
cette évolution est purement nominale. Elle est le résultat du transfert de
dépenses provenant du fonds de solidarité vieillesse - c'est la majoration des
pensions pour enfants - ou du budget de l'Etat - c'est la majoration de
l'allocation de rentrée scolaire.
Jean-Louis Lorrain s'est attaché, quant à lui, à apprécier les conditions dans
lesquelles s'était mis en place le fonds d'investissement pour les crèches. Il
a souligné à juste titre les risques et les dangers d'un fonds ponctuel pour
conduire une politique d'investissement qui aurait dû être menée avec plus de
sérénité dans l'examen des dossiers et avec le souci d'une répartition
harmonieuse des équipements.
Enfin, Charles Descours a réalisé un travail sans équivalent sur les divers
fonds médicaux et hospitaliers qui ont été créés, parfois au rythme de deux par
an, au cours des trois dernières années. Faut-il le préciser, leur financement
pèse essentiellement sur l'assurance maladie.
Ces fonds, dont je vous épargnerai les sigles, conduisent en réalité à une «
parcellisation » du financement de la protection sociale et à l'opacité des
actions menées. Ils sont, d'une certaine façon, le témoignage de l'impuissance
de l'action publique.
Je ne saurais trop prudemment vous conseiller, monsieur le ministre, mes chers
collègues, de prendre connaissance de ce volumineux rapport qui enrichit le «
capital de connaissances et d'expériences », que je remercie M. le rapporteur
général de la commission des finances d'avoir reconnu à notre commission.
Les années précédentes, j'avais appelé de mes voeux un véritable débat sur les
finances publiques. Nous sommes restés dans une épure très budgétaire.
Lors du débat sur la réforme de l'ordonnance portant loi organique relative
aux lois de finances, le Sénat a souhaité que soit organisé à l'automne un
débat en facteur commun avant l'examen des projets de loi de finances et de loi
de financement, souhait exprimé au travers d'un amendement de nos collègues
Philippe Marini et Charles Descours.
Ce débat, s'il a lieu, constituera peut-être une deuxième chance, bien qu'il
ne porte que sur une partie des prélèvements obligatoires et ne permetra pas de
clarifier les relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale.
Il reste que, au-delà du souci manifesté par la commission des finances
d'évoquer en loi de finances, d'une façon ou d'une autre, les impôts et taxes
affectés à la sécurité sociale, il s'agit de questions extrêmement importantes,
qui mériteraient effectivement un débat approfondi.
Quelle est aujourd'hui la situation des finances sociales ? Certes, on assiste
à un retour global à l'équilibre, dont se félicite le Gouvernement. En réalité,
la situation est beaucoup plus complexe.
Les comptes de la sécurité sociale ont été redressés essentiellement grâce à
une forte majoration des prélèvements obligatoires, perçus à son profit,
souvent à titre exceptionnel. Mais ces prélèvements ont naturellement été
pérennisés.
Malgré une croissance économique forte mais fragile aujourd'hui, ces
prélèvements se révèlent insuffisants pour faire face à une dérive forte et
constante des dépenses d'assurance maladie, qui conduit la branche du régime
général à accumuler des déficits et, à nouveau, des dettes.
Mais, paralèllement, ces prélèvements financent les ponctions opérées par le
budget général sur les comptes sociaux : financement des 35 heures,
débudgétisation de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire et, ce qui
n'est pas sans poser problème, amortissement de la dette contractée par l'Etat
à l'égard de l'Association générale des institutions de retraites des cadres,
l'AGIRC, et de l'Association des régimes de retraites complémentaires,
l'ARRCO.
Est-il logique que les prélèvements obligatoires opérés sur les Français pour
assurer, leur dit-on, l'avenir de leur protection sociale soient incapables de
financer les dépenses de santé, étant en réalité affectés à la couverture des
dépenses courantes de l'Etat ?
A l'évidence, la première des exigences de l'article XIV de la Déclaration des
droits de l'homme et du citoyen est de savoir où va l'argent ; c'est la
définition même de la « nécessité de la contribution publique ». De ce point de
vue, il y a une forme de tromperie à l'égard des Français qui acquittent la CSG
ou le prélèvement de 2 % sur les revenus du patrimoine en pensant contribuer à
leur protection sociale.
Par ailleurs, comment faire des « Grenelle de la santé », c'est-à-dire
remettre à plat notre système de soins en demandant un effort à chacun - aux
gestionnaires, aux assurés comme aux professionnels de santé - si
l'
alpha
et l'
omega
de la politique du Gouvernement c'est de
prélever sur la sécurité sociale tant qu'elle n'est pas en déficit ? Car telle
est bien la philosophie du financement des 35 heures qu'a exprimée Elisabeth
Guigou devant la commission des comptes de la sécurité sociale, voilà seulement
quelques jours.
En réalité, le Gouvernement traite la sécurité sociale globalement, alors
qu'elle doit être traitée et redressée branche par branche. C'est, avec la
compensation intégrale des exonérations de charges, le second principe de bonne
gestion posé par la loi Veil de 1994. Mais le Gouvernement considère encore
volontiers les comptes publics comme un tout, comblant les déficits d'un compte
avec les excédents de l'autre, aujourd'hui le déficit persistant de l'Etat par
les excédent fragiles des comptes sociaux.
Tout cela n'est pas satisfaisant et je tenais, en tant que président de la
commission des affaires sociales, à le dire au ministre chargé de l'économie et
des finances.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées
du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
M. Jean François-Poncet,
président de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur
le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la situation et les
perspectives de l'économie française et européenne ne sont plus du tout ce
qu'elles étaient il y a un an ; vous l'avez dit, monsieur le ministre ; le
président et le rapporteur général de la commission des finances l'ont
également souligné.
Le ralentissement de la croissance, le tassement des investissements, les
hésitations de la consommation ne permettent plus d'espérer, comme voilà encore
douze mois, que l'Europe devienne, après les Etats-Unis, le moteur de la
croissance mondiale. Les tensions inflationnistes qui réapparaissent conduisent
même les observateurs les plus pessimistes à évoquer le spectre de la
stagflation.
S'agit-il d'un ralentissement passager ? Sommes-nous en présence d'un
véritable retournement de conjoncture ? Quelles conséquences budgétaires
faut-il tirer de cette brutale inversion ? Le président de la commission des
finances et le rapporteur général du budget ont exposé les positions de leur
commission à cet égard, qui sont celles de la majorité du Sénat. Aussi est-ce
non pas à ces questions, mais aux problèmes de structure dont dépend l'avenir à
moyen terme de notre économie que je souhaite consacrer mon bref propos.
La faiblesse persistante de l'euro me servira de point de départ. De multiples
facteurs l'expliquent : la hausse du cours du pétrole, les errements de la
Banque centrale européenne, l'incapacité des pays membres de la zone euro
d'harmoniser leurs politiques fiscale et budgétaire, les liasses « d'argent
gris », qui, dit-on, sortent des lessiveuses et se convertissent en dollars, en
livres ou en yens, pur échapper au fisc, lorsqu'il faudra les convertir en
euro.
Mais si les décideurs internationaux témoignent à l'égard de l'euro d'une
aussi persistante et sourde méfiance, c'est pour une raison beaucoup plus
fondamentale : ils constatent l'incapacité ou du moins l'extrême réticence avec
lesquelles l'Europe entreprend les réformes de structures dont chacun sait
qu'elles sont la condition d'une croissance rapide et durable. Et la France
fait figure, à cet égard, de lanterne rouge en Europe. Non seulement elle ne
s'engage pas, au travers de réformes, sur la voie de l'adaptation de son
économie aux défis de la mondialisation, mais les décisions qu'elle prend, les
contraintes qu'elle impose aux agents économiques, - ménages et entreprises -
vont presque toutes en sens contraire.
Monsieur le ministre, de quatre sources différentes viennent de nous arriver à
ce sujet des avertissements qu'il serait déraisonnable d'ignorer.
Le premier vient de votre propre ministère ; je fais allusion au rapport que
vous a remis M. Frédéric Lavenir, inspecteur des finances, ancien
directeur-adjoint du cabinet de Christian Sauter et de Dominique Strauss-Kahn,
qu'il paraît difficile de suspecter de parti pris anti-gouvernemental.
Le deuxième a été délivré par Ernst Young, à l'occasion d'un tout récent
colloque organisé à Bercy par les anciens élèves de HEC, de Polytechnique et de
l'ENA.
Le troisième émane du forum de Davos qui, dans son rapport sur la «
compétitivité globale », classe la France en vingt-deuxième position, derrière
l'Allemagne, en quinzième position, et la Grande-Bretagne, en neuvième
position.
Le dernier avertissement est celui du centre de recherche économique du Japon,
qui situe la compétitivité de la France au vingt et unième rang sur trente et
une économies d'Asie et de l'OCDE.
Tous formulent la même mise en garde : l'image et l'attractivité de la France
en tant que site économique sont en chute libre.
Pourtant, ni la productivité de notre main-d'oeuvre, ni le niveau scientifique
du pays, ni la taille de son marché intérieur, ni sa situation géographique ne
sont en cause. C'est l'Etat, ses lois et sa politique, c'est l'administration,
ses procédures, ses lenteurs et son attitude, qui sont montrés du doigt.
La mondialisation, que nos imprécations n'arrêteront pas, engendre - c'est
d'ailleurs sa conséquence la plus évidente - la mobilité des talents et des
capitaux. Or la France incite littéralement les uns et les autres à quitter son
territoire, à voter avec leurs pieds, avez-vous dit, monsieur le ministre.
Frédéric Lavenir le pense. Les trois cent cinquante dirigeants de filiales
françaises de grands groupes internationaux interrogés par Ernst Young
l'affirment ; 65 % d'entre eux déclarent, à cet égard, que la France ne
bénéficiera pas des prochains investissements de leurs sociétés, et 41 %
envisagent même de relocaliser hors de l'Hexagone une partie de leurs activités
françaises.
Ces avertissements, je sais que vous les prenez au sérieux, monsieur le
ministre. Sinon, auriez-vous confié à M. Michel Charzat, député du XXe
arrondissement de Paris, une mission sur l'attractivité de la France ?
Ce qui, selon ces rapports, nous place en position défavorable - et comment
s'en étonnerait-on ? - c'est essentiellement la fiscalité et le droit du
travail. Sont formulées, d'ailleurs, à ce sujet, des propositions concrètes,
qui mériteraient de retenir votre attention, même si, monsieur le ministre, je
le sais, elles ne sont pas du goût de votre majorité.
Sur le plan fiscal, Frédéric Lavenir considère nécessaires l'abaissement du
taux marginal de l'impôt sur le revenu ainsi qu'une refonte de l'impôt de
solidarité sur la fortune, qui, d'un côté, supprimerait l'exonération de
l'outil de travail et, de l'autre, unifierait le taux d'imposition à 0,5 %. En
d'autres termes, on élargirait l'assiette en fixant un taux plus modéré, auquel
devrait s'ajouter l'exonération des sommes réinvesties dans les jeunes
entreprises pour faire naître une catégorie de
business angels
, ces
investisseurs providentiels qui sont à l'origine de la plupart des
start-up
américaines, et une réforme des
stock-options
.
Voilà un an, le rapport du Sénat sur la fuite des cerveaux, monsieur le
ministre, puis-je le rappeler, ne proposait rien d'autre que ces mesures.
Quant au droit du travail, tous ces rapports, sans exception, mettent en cause
les 35 heures, à quoi il faut bien désormais ajouter les dispositions votées
par l'Assemblée nationale en matière de licenciement.
Le chômage a heureusement beaucoup diminué en France, chacun s'en félicite,
mais cette diminution est un solde entre les entrées et les sorties sur le
marché du travail. M. Daniel Cohen, économiste, a indiqué, dans
Le Monde
du 12 juin dernier, qu'au mois de mars de cette année 300 000 nouvelles
personnes étaient au chômage. Si son taux a néanmoins baissé, c'est parce que
les créations d'emplois se sont élevées à 350 000. Ces chiffres éclairent le
débat sur les licenciements. En durcissant la législation, on réduira -
peut-être - les sorties d'emplois, mais on incitera - sûrement - les
entreprises à limiter les nouvelles embauches, et le chômage, au lieu de
diminuer, aura toutes les chances d'augmenter. Gribouille, monsieur le
ministre, n'aurait pas imaginé mieux !
Quant aux 35 heures et à leurs conséquences, tant budgétaires, économiques que
sociales, on en a depuis longtemps presque tout dit. Leur coût - plus de 100
milliards de francs - est astronomique, et leur efficacité en termes de
créations d'emplois, faible. L'Etat lui-même refuse de créer de nouveaux
emplois, prenant en cela une décision sage, à mon avis, mais qui contredit
ouvertement la thèse qu'il défend.
Sur le plan social, l'avancée que constituent, c'est vrai, les 35 heures est
écornée par le gel des salaires qu'elle engendre et par les affrontements
sociaux qu'elle provoque, sans parler des problèmes insolubles auxquels elle
confronte les petites entreprises.
Mais le pire, monsieur le ministre, c'est l'image que les 35 heures donnent de
la France, l'image d'un pays où l'Etat interdit aux gens de travailler.
(Mme
Borvo s'esclaffe.)
C'est, en tout cas, ce que nos concurrents répandent à
travers le monde pour décourager les investisseurs de s'installer en France et
mieux les attirer à eux.
L'embellie que l'économie française a connue depuis trois ans sera de courte
durée, si l'Etat s'obstine, par les mesures qu'il prend et les réformes qu'il
reporte, notamment celle des retraites,...
Mme Hélène Luc.
Dans quel état aviez-vous laissé la France ?
M. Jean François-Poncet,
président de la commission des affaires économiques.
... à pousser les
talents, les entreprises et les capitaux à chercher sous d'autres cieux
l'environnement porteur que la France leur refuse.
Si je le dis, c'est moins pour vous convaincre, monsieur le ministre - quelque
chose me dit que, convaincu, vous l'êtes déjà - mais pour vous aider à
convertir ceux qui s'enferment dans des dogmes d'un autre âge et qui, en
refusant de voir la réalité telle qu'elle est, rendent un bien mauvais service
à la France.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur celles
de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 60 minutes ;
Groupe socialiste, 50 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 38 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 36 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 25 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 23 minutes.
Dans la suite du débat, la parole est à M. Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade.
Monsieur le ministre, parler des orientations budgétaires pour 2002 est un
exercice difficile, car beaucoup d'éléments défavorables ou incertains pèsent
sur notre débat.
Tout le monde s'est interrogé sur l'évolution de la conjoncture, vous-même
l'avez évoquée, monsieur le ministre, mais il faut également tenir compte des
effets du passage à l'euro et, sortant d'une réunion avec des centaines de
commerçants, je sens que la période du 1er janvier au 17 février 2002 sera
délicate...
Il faut évidemment se préoccuper aussi des conséquences de la généralisation
des 35 heures aux petites entreprises de même qu'il faut se préoccuper des
incidences qu'auront sur les acteurs économiques les deux grandes consultations
électorales du premier semestre 2002.
Quand on ajoute ces différents éléments, on constate que le rapport que vous
nous avez transmis pour introduire ce débat, monsieur le ministre, apparaît
quelque peu intemporel, j'allais dire « irréaliste », comme l'ont très bien
souligné le président et le rapporteur général de la commission des finances
ainsi que le président de la commission des affaires sociales et le président
de la commission des affaires économiques et du Plan, qui m'ont précédé à cette
tribune.
Prenant la parole au nom du groupe du RDSE, tout au moins de sa majorité, je
voudrais axer mon propos sur l'affirmation essentielle que j'ai trouvée dans le
rapport : le Gouvernement maintient le cap. Monsieur le ministre, d'une part,
maintenir le cap ne me paraît pas souhaitable pour l'année prochaine et,
d'autre part, vous risquez de connaître de grandes difficultés pour établir un
budget convenable.
Maintenir le cap, n'est pas souhaitable. En effet, le niveau des prélèvements
obligatoires est insupportable, du fait de l'addition de prélèvements qui vont
dans tous les sens. M. François-Poncet a parfaitement décrit la réaction des
entrepreneurs et des cadres venus d'ailleurs. Je peux en témoigner, puisque je
vois concrètement, dans la commune que j'ai l'honneur d'administrer, beaucoup
d'allers et retours d'entreprises internationales. Il faut savoir que notre
système fiscal, notre droit du travail, sans oublier nos formalités
administratives, que je me permets d'ajouter à la liste, rendent très
difficiles l'implantation d'entreprises nouvelles et le développement de ces
créations.
Notre niveau de prélèvements obligatoires est l'un des plus élevés d'Europe.
Malgré les efforts que vous avez entrepris pour essayer de faire baisser le
taux de 45 %, il y a toujours une discordance entre l'annonce de la baisse et
la réalité de l'évolution des grandeurs économiques. De surcroît, ce taux n'a
rien pour réjouir. Ainsi, la composante sociale a dépassé 21 % de l'ensemble du
PIB, ce qui est considérable, et si la composante « Etat » a évidemment
diminué, du fait de la décentralisation, puisqu'elle est à 17 %, la composante
locale, quant à elle, est passée de 4,5 à 6 % et la composante européenne a
dépassé 1 %.
De toute manière, c'est l'addition qui compte, car lorsqu'ils reçoivent leur
feuille d'impôt nos concitoyens ne prennent pas en compte le détail de
l'affectation des prélèvements à chaque partie prenante, mais considèrent
l'addition, et elle est insupportable.
Maintenir le cap n'est pas souhaitable surtout - et vous comprendrez
qu'appartenant au groupe du RDSE j'insiste sur ce point - parce que nous sommes
vraiment mal placés dans la perspective de la construction européenne. M.
Marini l'a relevé dans son excellent rapport, il y a quelques années, quatre
pays avaient un déficit budgétaire supérieur au nôtre ; ils ne sont plus que
deux aujourd'hui et nous risquons bientôt d'être le dernier de la liste. Ce qui
veut dire que le pacte de stabilité pourrait ne pas être respecté, faute pour
nous d'avoir réglé nos problèmes, qu'il s'agisse du financement de la
protection sociale - M. Delaneau vient de le dire avec beaucoup de force -
qu'il s'agisse de nos retraites, du fonctionnement de l'Etat ou encore de
l'empilement de nos circonscriptions administratives. Je ne vois vraiment pas
comment nous pourrons tenir nos engagements européens aussi longtemps que nous
« maintiendrons le cap ».
Maintenir le cap, cela veut dire ne pas dégonfler la masse de la fonction
publique ; cela veut dire ne pas mener une politique active de gestion de la
dette ; cela veut dire continuer à dépenser beaucoup d'argent pour des dossiers
difficiles et, surtout, cela veut dire continuer à sacrifier un certain nombre
de dépenses qui participent de la présence de la France dans le monde,
notamment les crédits militaires. A cet égard, l'allongement des programmes et
la diminution des crédits sont de nature à nous faire perdre notre crédibilité
internationale, j'en veux pour preuve les problèmes du porte-avions
Charles-de-Gaulle.
De même, les crédits de recherche plafonnent, alors que, dans un certain
nombre d'autres pays, c'est par la recherche et la recherche et développement
des entreprises que l'on cherche à développer le tissu économique nouveau.
Quant aux crédits de l'aide au développement, monsieur le ministre, ils ont
diminué de moitié depuis 1994, puisque l'on approchait, à l'époque, de 0,7 %,
alors que nous atteignons aujourd'hui 0,35 %.
Tout cela ne renforce pas notre position.
La démonstration la plus forte en a été apportée à Nice, et le préjudice qui
en est résulté est important. J'ignore s'il faut mettre sur le compte d'un
dysfonctionnement du couple franco-allemand l'affaiblissement de la France sur
le plan international, mais cette compilation appelée « traité de Nice » ne
marque pas un progrès dans la construction européenne, soyons-en certains.
Par conséquent, votre objectif central, qui est de maintenir le cap, n'est pas
souhaitable pour des raisons aussi bien nationales qu'européennes.
Ma seconde observation portera sur le risque que vous courez de ne pouvoir
établir un budget convenable pour 2002, risque qui s'accentue tous les jours.
Bien sûr, l'évolution de la conjoncture, tant américaine qu'européenne, est de
plus en plus préoccupante ; mais, fait plus grave, nous assistons dans
l'ensemble des pays européens, y compris en France, à un mouvement de bascule
qui voit le taux de croissance du produit intérieur brut en volume diminuer,
tandis que le taux de l'inflation augmente. L'augmentation du PIB en valeur
risque donc d'être stable, alors que la composante « prix » sera beaucoup plus
importante que la composante « volume », ce qui va déclencher toute une série
de revendications catégorielles et de difficultés sociales qui, dans une
période de ralentissement conjoncturel, vous causeront probablement un certain
nombre de difficultés, monsieur le ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie.
Quand je vois les conflits sociaux qui touchent les transporteurs privés, les
compagnies d'autobus et de tramways dans les villes de province et les
problèmes que rencontrent la SNCF et la RAPT, mais aussi les difficultés que
nous éprouvons, nous élus locaux, avec notre personnel dans la négociation sur
les 35 heures - le redémarrage de l'inflation, qui est encore modéré mais qui
commence à s'accentuer, est préoccupant.
Le risque de ne pouvoir établir un budget convenable est un peu de votre fait
et c'est sur ce point - pardonnez-moi - que je voudrais insister.
Comme beaucoup de ministres de l'économie et des finances, vous avez hérité de
deux rigidités : la rigidité « fonction publique », soit plus de 700 milliards
de francs, et la rigidité « dette publique », qui représente de 240 milliards à
250 milliards de francs.
Il est déjà difficile de faire un budget lorsqu'on est lesté de ces deux poids
lourds qui, d'entrée de jeu, mobilisent plus de la moitié de la masse
budgétaire et réduisent toutes les marges de manoeuvre.
Mais, à ces deux rigidités, votre Gouvernement en a ajouté deux autres, qui
réduisent encore votre marge de manoeuvre.
La première de ces nouvelles rigidités, c'est évidemment le financement des 35
heures : 100 milliards de francs - excusez du peu ! - qui font encore monter
les enchères.
La seconde rigidité est de votre fait, monsieur le ministre - et vous savez
que nous n'avons jamais été d'accord sur ce point - je veux parler des
compensations accordées aux collectivités locales parce que, pour baisser les
impôts, vous avez choisi de supprimer certains impôts locaux. Ce sont ainsi 75
milliards de francs de compensation fiscale qui sont venus grever le budget
!
Ajoutés aux 700 milliards de francs de la fonction publique et aux 250
milliards de francs de la dette, les 100 milliards de francs de financement des
35 heures et les 75 milliards de francs des compensations de recettes fiscales
diminuent votre marge de manoeuvre, qui se réduit de manière d'autant plus
dangereuse que la conjoncture internationale s'infléchit.
Par conséquent, toute possibilité de jeu devient de plus en plus ténue.
Si, au lieu de supprimer des recettes fiscales des collectivités locales, vous
aviez supprimé des impôts d'Etat, et si vous aviez laissé les collectivités
locales maîtresses de leurs recettes, vous n'auriez pas aujourd'hui ce ballant
qui vous gêne dans vos arbitrages et qui nous inquiète.
Dans votre rapport, que j'ai parcouru avec beaucoup d'intérêt car il est très
bien écrit - je félicite ceux qui écrivent ces rapports -, vous avez expliqué
en haut de page l'évolution des concours de l'Etat aux collectivités locales.
Un chiffre apparaît : celui de 340 milliards de francs. Monsieur le ministre,
c'est plus que le financement de la dette, c'est beaucoup plus que celui des 35
heures, et c'est le deuxième poste de votre budget !
Pourquoi en sommes-nous arrivés là ? En raison du transfert de ces fameux 75
milliards de francs de compensations ! Or, c'est ce que les élus locaux et
nous-mêmes ici craignons vraiment - les concours de l'Etat aux collectivités
locales représentant le deuxième poste de l'Etat, la tentation sera grande,
lorsque la situation s'aggravera, de faire un prélèvement sur ces 340 milliards
de francs, faute de pouvoir faire grand-chose sur la fonction publique de
l'Etat ! Les taux d'intérêt étant ce qu'ils sont, vous serez démunis de moyen
d'action pour réduire la masse de la dette. Voilà ce qui nous inquiète, et
c'est bien votre faute !
Bien entendu, vous me direz qu'il était absurde de conserver la vignette,
impôt obsolète et mal assis. J'en suis d'accord, mais il fallait la remplacer
non pas par une compensation budgétaire, mais par un autre impôt ! Si vous
aviez accordé aux départements, par exemple, une quote-part de la taxe
intérieure sur les produits pétroliers, vous n'auriez pas ce ballant qui va
vous gêner dans l'élaboration de votre budget de l'année prochaine.
Enfin - mais vous me permettrez d'être bref sur ce point - après avoir
engrangé trois années de forte conjoncture - 1998, 1999 et 2000 - avec un taux
tangentiel de croissance en volume de l'ordre de 3 %, il est dangereux de
n'avoir rien fait pour résoudre le problème des retraites, alors qu'il y avait
des excédents budgétaires et que la croissance et la réduction du chômage
étaient fortes. Cela va affaiblir encore un peu plus votre marge de manoeuvre.
On a perdu beaucoup de temps en parlottes, en conférences, en orientations, en
rapports, etc. Il sera difficile de faire quelque chose de précis lorsque la
nécessité l'imposera.
Votre refus d'instaurer le moindre système de capitalisation - système que nos
partenaires allemands ont fait accepter par l'ensemble des forces syndicales de
leur pays - le fait que nous soyons incapables de faire accepter une opération
de cette nature par les forces syndicales françaises, par ceux qui croient
encore aux mythes et qui raisonnent comme si le Mur de Berlin existait
toujours, notre incapacité à engager ces véritables réformes, à freiner
l'augmentation des dépenses de maladie, tout cela fait que vous aurez beaucoup
de difficulté à élaborer un budget.
Telles sont les deux observations que je voulais faire, monsieur le
ministre.
Je sais que vous partagez une grande partie de mes propos, je vous en donne
acte, puisque vous avez été l'un des rares, depuis quelque temps, à faire
entendre une voix que je qualifierai de raisonnable, affirmant qu'avec une
conjoncture incertaine et un peu dangereuse il est difficile de faire de la
démagogie et de donner satisfaction à ceux qui crient le plus fort.
La ligne que suit le Gouvernement, qui tient à ménager les composantes de sa
majorité plurielle, ne permettra pas de corriger le tir et d'éviter des
glissements dangereux. Le projet que vous nous présentez ne me paraît donc pas
acceptable, et c'est la raison pour laquelle la grande majorité du groupe au
nom duquel j'ai l'honneur de m'exprimer ne pourra pas l'approuver.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur celles de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
MM. Jean François-Poncet,
président de la commission des affaires économiques et du Plan
et
Philippe Marini,
rapporteur général.
Bravo !
M. le président.
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat
d'orientation budgétaire est utile, même s'il ne remplace pas une véritable
démocratisation de l'élaboration de la loi de finances, si difficile à
entreprendre, comme nous l'avons vu avec l'actuelle réforme de l'ordonnance de
1959.
Pour notre part, nous y voyons l'occasion, non seulement pour le Gouvernement
de présenter ses choix et pour l'opposition de les critiquer, mais pour chaque
groupe politique de donner son point de vue et de faire éventuellement des
propositions en amont. C'est dans cet esprit constructif que notre groupe,
membre de la majorité plurielle, laquelle a été citée de façon négative ici
même, donne son avis, loin des cris de la droite sur les bancs de l'Assemblée
nationale et déjà ici même depuis le début de la soirée, une droite toujours
schizophrène !
En effet, en matière budgétaire, elle n'a que la baisse des dépenses publiques
- des dépenses d'Etat, comme vous venez de le dire - à la bouche, se gardant
bien de dire quelles dépenses elle veut supprimer, alors que, depuis le
précédent budget ou la précédente loi de financement de la sécurité sociale,
nous l'avons entendu ici dire des dizaines de fois qu'il fallait plus de
policiers, plus de magistrats, plus d'enseignants dans tel ou tel département,
plus de postes dans les hôpitaux, plus d'argent pour les collectivités, etc.
!
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Exact !
Mme Nicole Borvo.
Et ce n'est rien à côté de ce qui se dit à l'ombre des clochers ! Je rencontre
même des manifestants de vos groupes parlementaires dans la rue !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
On aime beaucoup manifester !
Mme Nicole Borvo.
Je m'en doute !
M. Alain Joyandet.
Pourquoi n'aurions-nous pas le droit de manifester ?
Mme Nicole Borvo.
Pour ma part, je retiendrai deux critères.
En premier lieu, le budget de 2001 est le dernier de la législature, monsieur
le ministre. L'emploi, le pouvoir d'achat et la justice sociale sont les thèmes
majeurs sur lesquels les électeurs jugeront la gauche lors des prochaines
consultations électorales. Or si le Gouvernement et sa majorité peuvent
considérer qu'ils ont contribué, dès 1997, à une reprise de la croissance et de
l'emploi, point de vue partagé d'ailleurs par la majorité des Français, les
résultats des dernières consultations électorales, comme d'ailleurs les
mouvements sociaux, expriment des attentes non satisfaites et des critiques.
Nombre de nos concitoyens constatent que la croissance a particulièrement
profité aux actionnaires et aux revenus les plus élevés, et que, en revanche,
le pouvoir d'achat du plus grand nombre n'augmente guère, les inégalités ne se
sont pas réduites et l'exclusion reste un phénomène, hélas ! massif.
En second lieu, le budget de 2002 se prépare, comme cela a été largement dit,
dans un contexte différent des deux précédents. Tout le monde s'accorde en
effet à constater un ralentissement d'activité au niveau mondial, et les
prévisions de croissance pour notre pays se situent, hélas ! plus autour de 2,5
% que de 3 %.
Les questions majeures pour notre groupe sont donc les suivantes.
Premièrement, avec le budget de 2002, allons-nous montrer que les attentes
populaires sont entendues ?
Deuxièmement, ce budget va-t-il subir ou accompagner le retournement de
conjoncture internationale, ou, au contraire, va-t-il favoriser une relance de
l'activité économique ?
Vous le constatez, monsieur le ministre, notre pays résiste mieux que d'autres
à la dégradation extérieure. Vous avez même parlé d'une « résistance », que
vous attribuez au dynamisme de la demande intérieure. Or, dans le projet de loi
de finances pour 2002, vous mettez l'accent sur la maîtrise des dépenses
publiques, sur la baisse des prélèvements obligatoires et sur la réduction des
déficits. Tout votre objectif, dites-vous, réside dans la solidarité durable,
laquelle passe par le soutien à l'emploi et au pouvoir d'achat, plus que par
des dépenses éphémères.
Quant à votre volonté de maintenir le cap, je voudrais faire un certain nombre
de remarques.
La première concerne la baisse des prélèvements obligatoires. Je signale que
ces derniers ne sont pas très éloignés les uns des autres, au sein de l'Europe,
à l'exception de certains pays que je ne prendrai pas pour modèle !
Un mouvement global de réduction des impôts a été entrepris, notamment par la
réduction des taux d'imposition du barème de l'impôt sur le revenu, par la
baisse d'un point du taux normal de la TVA, par la suppression de la vignette
automobile, par les baisses ciblées de TVA ou encore par les allégements
sensibles constatés en matière de taxe d'habitation.
Nous avons déjà fait des observations à ce propos en d'autres temps. En
particulier, nous avons regretté que la baisse du taux normal de la taxe sur la
valeur ajoutée n'ait pas été poursuivie, alors que cet impôt pèse plus
lourdement sur les ménages les plus modestes.
De même, aujourd'hui, les revenus du capital ne sont pas, à notre sens, encore
suffisamment pris en compte dans l'assiette de l'impôt sur le revenu. Le seul «
alourdissement » fiscal mis en oeuvre dans ce domaine porte sur la contribution
sociale généralisée.
La baisse de l'impôt sur le revenu a surtout profité aux revenus les plus
élevés et créé de nouvelles inégalités, d'ailleurs pointées par un récent
rapport du Conseil d'analyse économique. Nous considérons donc que l'oeuvre de
réforme fiscale n'a été qu'ébauchée et qu'il demeure beaucoup à faire pour
améliorer l'outil fiscal dont la France a besoin, un outil plus encore
favorable à l'emploi et à la croissance.
Ma deuxième remarque porte sur la situation des comptes publics et des
déficits, qui a connu une très sensible amélioration depuis 1997.
En effet, le déficit de l'Etat s'est nettement réduit, passant pour la
première fois depuis longtemps sous la barre des 200 milliards de francs en
2000.
L'exécution du budget de 1999 fut marquée par un sensible accroissement des
recettes, ce qui a permis de constater, en loi de règlement, un déficit de 206
milliards de francs grâce à une plus-value de 30 milliards de francs sur
l'impôt sur les sociétés. L'exécution du budget de 2000 a présenté un déficit
d'environ 190 milliards de francs, inférieur de 18 milliards de francs à celui
qui a été voté en collectif de fin d'année, conséquence entre autres d'une
gestion au plus près des dépenses publiques.
On sait que le déficit prévu pour 2001 sera peut-être plus difficile à
réduire.
A la fin du mois d'avril 2001, la situation budgétaire était marquée par un
déficit légèrement supérieur à 171 milliards de francs, en hausse de 26
milliards de francs sur avril 2000.
Est-ce là un premier effet du ralentissement économique ?
Cette hausse du déficit provient pour partie de l'accroissement des dépenses
et, plus précisément, d'un engagement plus précoce de certains crédits.
Elle provient aussi de réelles moins-values sur la TVA et la taxe intérieure
sur les produits pétroliers, la TIPP.
Cependant, le produit de l'impôt sur le revenu demeure toujours dynamique et
l'impôt sur les sociétés a connu une nouvelle embellie avec un rendement en
hausse de 15 milliards de francs.
Cette croissance du produit de l'impôt de solidarité sur la fortune, l'ISF,
montre que la situation de nos entreprises est tout de même assez bonne, ce qui
ne peut manquer de rendre aux yeux des salariés plus intolérable encore la
vague ininterrompue de plans sociaux qui déferle sur le pays.
En 2000, plus de 500 milliards de francs de dividendes ont été ainsi
distribués, tandis que des profits records étaient enregistrés par Total Fina
Elf - près de 50 milliards de francs - ou par la BNP-Paribas - plus de 27
milliards de francs.
Des créations d'emplois insuffisantes, des salaires trop faibles, la poursuite
des politiques d'intensification du travail et de recherche de gains de
productivité, voilà ce qui mine la croissance économique du pays et risque de
la remettre en question de manière plus importante encore.
On ne peut que comprendre la colère des salariés, condamnés à faire des
efforts quand cela va mal et au licenciement quand cela va mieux ou bien.
Les comptes des collectivités locales continuant de présenter une situation
positive, nous devons nous pencher de nouveau sur les comptes sociaux.
Depuis 1997, nous sommes passés d'un déficit chronique, aggravé par les
remèdes utilisés entre 1993 et 1997, à une situation d'excédents, fondée sur le
dynamisme des recettes liées à l'amélioration de la situation de l'emploi.
Ce que nous disions, voilà déjà quelques années, sur le redressement des
comptes sociaux par la création d'emplois s'est donc vérifié dans les faits.
Toutefois, nous aurions pu aller plus loin encore.
La mise en oeuvre du plan emplois-jeunes et la réduction du temps de travail,
malgré certaines limites que nous n'avons cessé de relever, ont contribué à
l'amélioration des comptes sociaux.
Des efforts significatifs doivent être accomplis sur l'emploi et la formation
; telle sera notre approche de la solidarité durable et de la question cruciale
de l'emploi.
Certes, des avancées ont eu lieu ; je pense à la réduction du temps de
travail, dont un vrai bilan doit être fait, car il conditionne, de notre point
de vue, une bonne part de l'efficacité de la dépense publique pour l'emploi.
Depuis plusieurs années déjà, les membres de notre groupe revendiquent une
politique plus audacieuse pour l'emploi et la formation, notamment pour les
jeunes, les chômeurs de longue durée, les femmes désireuses de reprendre - ou
d'avoir - une activité professionnelle, largement victimes aujourd'hui de
l'exclusion du marché du travail ou d'une précarité renforcée et galopante.
Dès lors, la timidité que le Gouvernement persiste à afficher s'agissant, par
exemple, du salaire minimum, qu'il faut, à notre avis, sensiblement relever,
exige un profond changement de braquet.
La croissance française est largement portée par la consommation populaire. Il
faut donc la stimuler véritablement.
Doit-elle relancer la négociation contractuelle par une nouvelle conférence
sur les salaires, notamment ?
Elle doit, en tout cas, trouver d'autres voies que celle de la validation
législative du PARE, à laquelle nous avons eu droit lors de la discussion du
projet de loi portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et
culturel.
Quelle que soit la forme choisie, des initiatives fortes s'imposent
aujourd'hui, notamment quand le baron Seillière de Laborde se lave les mains du
devenir des 7 200 salariés d'AOM - Air Liberté ou que s'accumulent les plans
sociaux dans les entreprises les plus diverses, y compris et surtout dans
celles qui ont dégagé en 2000 les profits les plus spectaculaires.
Il est temps de donner corps au contrôle effectif des fonds publics pour
l'emploi et de poser de nouveau la question des réductions de cotisations
sociales s'avérant à l'examen plutôt coûteuses et relativement inopérantes.
Venons-en désormais aux choix que l'on peut attendre des orientations de la
loi de finances pour 2002.
La menace que fait peser la conjoncture sur le contenu de cette loi de
finances est connue : la faire entrer dans un cadre étroit où primeraient,
d'abord la réduction des déficits, ensuite celle des impôts, et enfin - enfin
seulement - la progression de la dépense publique.
Nous ne croyions pas, chers collègues de la majorité sénatoriale, que le salut
de la France passât par une nouvelle contraction de la dépense publique, sauf à
considérer celle-ci comme un poids mort dans la vie économique et sociale du
pays.
Les quatre millions et demi de salariés des trois fonctions publiques
apprécieront sans doute, au moment où se déroulent les négociations sur le
contenu de la réduction du temps de travail, d'être ainsi considérés comme un
tel « poids mort », alors qu'il s'agit des agents publics que tout le monde
réclame.
La recherche obstinée d'économies dans la dépense publique induit des manques
et des gâchis que l'on paie cher.
Ralentissons la dépense publique pour l'éducation et la formation et, demain,
nous manquerons sûrement, plus encore qu'hier, des jeunes diplômés qualifiés
dont notre pays a besoin pour continuer de jouer le rôle industriel et
économique qu'il joue et pour être attractif vis-à-vis des entreprises
extérieures.
N'a-t-on pas construit, dans les années soixante, un parc de lycées et
collèges à l'économie, de type Pailleron, qu'il a fallu, vingt ans plus tard,
en sollicitant les deniers des collectivités locales, reconstruire en grande
partie et en tout cas profondément rénover ?
Auriez-vous envie, mes chers collègues, dans quelques années, de recommencer
cette expérience qui vaut aussi pour notre équipement hospitalier et pour une
bonne part du secteur du logement ?
Les économies de bout de chandelle d'aujourd'hui sont souvent à la source de
la flambée des dépenses qu'auront à payer demain nos successeurs.
La dépense publique est un vecteur essentiel de croissance et un facteur
susceptible de permettre à la conjoncture de se retrouver sous des auspices un
peu plus favorables.
Nous ne partageons donc pas l'objectif d'encadrement de la progression en
volume des dépenses fixé dans le programme pluriannuel des finances publiques -
8 milliards de francs pour les années 2002-2004 - qui ne correspond qu'aux
exigences d'un pacte de stabilité européen imposé par la Banque centrale
européenne.
Les contribuables ne finiront-ils pas par s'interroger, devant la lente mais
sûre remise en cause des services publics induite par ce déclin de la dépense
publique, sur le sens même de leur participation à la charge commune ?
Regardez les prises de position des grandes confédérations syndicales de notre
pays sur les orientations budgétaires. Regardez ce qui ressort des mouvements
qui animent les personnels des urgences hospitalières, voire des agents du
ministère des finances !
Non, décidément, notre pays a besoin de la consolidation et du développement
durable de services publics modernisés, efficaces, facteur de réduction des
inégalités, source de cohésion sociale et de progrès pour l'ensemble de la
collectivité.
La redéfinition des missions de nos services publics ne doit pas occulter leur
principale raison d'être : servir l'intérêt général, ce qui ne se mesure pas
seulement en termes de gains de productivité ou de rendement de l'activité de
chaque fonctionnaire ou bien du service déconcentré auquel il est attaché.
Le retournement de conjoncture que nous connaissons provient aussi de la
faiblesse de la progression des dépenses publiques dans certains secteurs,
alors même que l'emploi est étroitement dépendant, dans certains secteurs comme
le BTP ou l'industrie des biens d'équipement, de la consistance de la commande
publique.
Un déficit ou un engagement plus important des dépenses publiques doit cesser
d'être diabolisé puisqu'il s'agit en fait d'un investissement sur l'avenir, de
cet avenir dont nous nous préoccupons tant ! Quand les déficits publics pèsent
moins d'un point et demi de produit intérieur brut, nous avons de la marge et
il faut s'en servir.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il faut les doubler !
Mme Nicole Borvo.
Réduire le déficit public passe aussi par une politique visant à faciliter
l'accroissement de la production intérieure, et c'est là le sens d'une dépense
publique efficace et non éphémère, beaucoup moins éphémère que les
start
up
.
En définitive, il ne s'agit pas pour nous d'être archaïquement « dépensolâtres
», comme vous nous avez qualifiés récemment, monsieur le ministre.
Il s'agit plutôt de redonner toute sa portée à la dépense publique, tout son
sens à l'attachement de nos compatriotes au pacte républicain, tout son
dynamisme au potentiel de progrès économique et social de notre pays.
Nous disons cela avec d'autant plus de solennité que l'on peut observer que
les populations ont manifesté ces derniers temps, dans divers pays d'Europe,
leur refus d'une diminution de la dépense publique, incapable de répondre aux
besoins sociaux.
Méditons, par exemple, au-delà de la majorité accordée au
Labour
, sur
la désaffection aiguë manifestée par les Britanniques à l'occasion des deux
récentes consultations électorales nationales.
La loi de finances pour 2002 doit prendre réellement en compte les aspirations
exprimées par notre peuple et affirmer clairement la priorité d'une réponse
solidaire et constructive aux besoins sociaux.
En conséquence, le groupe communiste républicain et citoyen saura, dans le
cadre du débat budgétaire, faire valoir et porter ces exigences de justice
fiscale, de lutte contre les inégalités sociales et d'efficacité de la dépense
publique, dans la durée.
M. le président.
La parole est à M. Angels.
M. Bernard Angels.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après avoir
bien écouté les différentes interventions qui ont précédé, j'ai, comme l'on
dit, une impression de déjà vu ou plutôt, en l'espèce, de déjà entendu.
Tous nos collègues de la droite sénatoriale, le rapporteur général en tête,
nous chantent, à quelques couplets près, la même chanson que celle dont ils
nous avaient gratifié lors de la préparation du budget de 1998 !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est parce que nous avions raison !
M. Bernard Angels.
C'est la panique ! Tous aux abris, la dépression est à nos portes ! Après le
trou d'air de l'est, voici le trou d'air de l'Ouest. Oui, les conditions
internationales se sont dégradées ces derniers mois aux Etats-Unis et, plus
près de nous, en Allemagne, mais doit-on pour autant sombrer dans un pessimisme
dont j'ai peine à croire qu'il ne soit pas plus idéologique que réaliste ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Voyons, voyons !
M. Bernard Angels.
Pour ma part, - je m'adresse à vous, monsieur le rapporteur général, parce que
vous vous êtes montré le plus virulent - j'ai l'impression que la France a,
jusqu'à présent, plutôt bien résisté aux bouleversements, aux crises, aux aléas
- appelez cela comme vous voulez - de l'économie mondiale. Il me semble
qu'aujourd'hui encore elle est plutôt bien armée pour dépasser cet accroc
conjoncturel et poursuivre sur la voie de la croissance, comme elle le fait
depuis 1997.
Dans ce débat d'orientation budgétaire, mes chers collègues, nous devons
certes discuter du budget à venir, mais aussi nous pencher sur le bilan
économique, pour la période 1997-2001, d'un gouvernement dont je puis dire
qu'il n'a pas trop mal réussi en la matière, si j'en crois les chiffres de la
Banque de France, de l'INSEE ou des observateurs étrangers. En effet, c'est sur
ce bilan que s'appuie le budget pour 2002, c'est dans cette dynamique qu'il
s'inscrit, ce sont ces réformes qu'il poursuit.
Oui, mes chers collègues, ce bilan est un bon bilan ! La baisse du chômage, la
baisse de la fiscalité, du déficit et de la dette, la croissance affermie, la
confiance retrouvée, tous ces éléments ont contribué à porter notre pays, notre
économie, de façon équilibrée et sereine, dans le peleton de tête des pays
européens et tout le monde - hormis, bien entendu, les représentants de la
droite hexagonale, et tout particulièrement de la droite sénatoriale -
s'accorde à dire que le Gouvernement a permis à la France de bien résister aux
difficultés, mais, au-delà, de bien préparer l'avenir.
Quels sont donc les facteurs qui ont permis à notre économie de renouer avec
cet équilibre perdu ?
Tout d'abord, la qualité personnelle de notre Premier ministre et des
ministres des finances qui se sont succédé depuis 1997 n'y est pas
étrangère.
Ensuite, le Gouvernement et sa majorité ont appliqué sur la durée une
politique cohérente qui, sur de nombreux points, a prouvé sa pertinence et son
efficacité.
La première qualité de cette politique, mes chers collègues, c'est d'avoir su,
de manière habile et ambitieuse, sans rompre avec les règles économiques
fondamentales, asseoir la croissance sur la consommation, d'avoir redonné
confiance aux Français en assurant la justice sociale dans notre pays.
La prime pour l'emploi, les récentes mesures sur la famille, les baisses
d'impôt sur le revenu, les baisses de TVA, de la taxe d'habitation, la
revalorisation de nombreuses aides directes aux ménages sont autant de mesures
qui concourent à responsabiliser les citoyens, à assurer une meilleure
répartition des richesses, à renforcer le pouvoir d'achat des Français et donc
à asseoir une croissance solide, fondée sur la consommation intérieure.
Autre aspect majeur de cette politique : elle a donné la priorité à l'emploi,
à travers des mesures ambitieuses. A cet égard, il faut citer les
emplois-jeunes, que vous n'avez cessé de critiquer, chers collègues de la
majorité sénatoriale, mais qui ont pourtant montré leur efficacité ; il faut
citer aussi le programme TRACE, qui a permis, d'une façon équilibrée, de
proposer des solutions innovantes en matière de retour à l'emploi, les efforts
consentis dans le domaine de la formation... La liste serait longue, je m'en
tiens donc à ces quelques exemples particulièrement significatifs.
Favoriser l'emploi, c'est également aider les entreprises. Ce sont, en effet,
les entreprises qui créent la richesse, qui créent l'emploi. C'est pourquoi le
rôle de l'Etat est naturellement de les accompagner, de les soutenir. En la
matière, le Gouvernement a montré son ambition et sa volonté en multipliant les
mesures fortes en direction des entreprises, notamment des plus petites, en
baissant significativement l'impôt sur les sociétés, en redonnant confiance aux
chefs d'entreprise.
M. Alain Joyandet.
Pas avec les 35 heures !
M. Bernard Angels.
Une politique équilibrée, raisonnable, inscrite dans la durée, des réformes
volontaires et ambitieuses, qui respectent l'activité et la place de chacun des
acteurs de notre société : voilà ce qui caractérise l'action du Gouvernement
depuis 1997.
Les résultats sont visibles et, mes chers collègues, le fait même que de très
nombreuses entreprises étrangères choisissent la France pour s'implanter, pour
investir leurs capitaux, est hautement révélateur. Monsieur le rapporteur
général, y auraient-elles seulement songé si, ainsi que vous le laissez
entendre, elles étaient taxées au-delà du raisonnable, si la France était aussi
mal gérée que vous le dites ? Croyez-vous un seul instant que ce n'est que pour
la qualité de sa cuisine
(Sourires),
pour ses magnifiques paysages ou le
charme de ses habitants...
M. Philippe Marini
rapporteur général.
De ses habitantes !
(Nouveaux sourires.)
M. Bernard Angels.
Je voulais vous laisser le dire !
... que les investisseurs et les entrepreneurs étrangers choisissent notre
pays ?
Non, mes chers collègues, ce n'est pas seulement pour cela. C'est aussi parce
que, depuis 1997, la France a retrouvé son pouvoir d'attraction économique, la
France a montré qu'elle était un pays innovant et moderne en plus d'être un
pays où il fait bon vivre.
C'est vrai qu'il y fait bon vivre et, depuis 1997, le Gouvernement s'est aussi
attaché à mener des actions tendant à maintenir cet équilibre de vie tant envié
par nos voisins : équilibre entre le rural et l'urbain, que les mesures prises
par le Gouvernement en matière d'aménagement du territoire, de décentralisation
ou d'environnement ont significativement contribué à maintenir ; équilibre
entre générations, dossier dans lequel le Gouvernement, à travers des réformes
fortes concernant la famille ou la prise en charge des plus anciens, s'est
aussi illustré.
Voilà, mes chers collègues, le vrai bilan de ces quatre ans de gouvernement de
gauche ! Et je crois qu'il était nécessaire de le rappeler, d'une part, parce
que certains d'entre vous ont manifestement tendance à l'oublier, d'autre part,
parce que c'est sur ces résultats que s'appuiera le budget de 2002.
Que propose le Gouvernement à travers ce budget ? Avant tout de poursuivre la
politique qui a fait passer le taux de chômage de 12,6 % en juin 1997 à 8,7 %
en mars 2001, grâce à la création de plus d'un million et demi d'emplois, la
politique qui a amené la France dans le peloton de tête des pays européens en
matière de lutte contre le déficit, ramené à 1 % en 2001, la politique qui a
fait progresser conjointement l'investissement et les revenus des ménages.
Certes, les perspectives de croissance ne sont pas exactement celles que nous
attendions. Certes, des incertitudes pèsent sur la reprise aux Etats-Unis et
sur le commerce extérieur allemand. Mais devons-nous rompre pour autant, comme
le préconisait M. Fourcade, avec une politique qui a permis à la France, par la
vigueur de sa consommation intérieure, de traverser la fameuse crise asiatique
? Ce serait, je le crois, la plus mauvaise des décisions.
Des baisses d'impôts ont été programmées. Il faut, monsieur le ministre, les
maintenir. Je ne doute pas que le Gouvernement respectera sa promesse dans ce
domaine et que, la situation internationale s'éclaircissant, il procédera dans
l'avenir à d'autres réductions de prélèvements et à des baisses ciblées de TVA.
J'accepterais même qu'il remette à plus tard une mesure qui me tient à coeur, à
savoir la suppression de la redevance télévisuelle, que j'appelle de mes voeux
lors de chaque discussion budgétaire.
L'heure, en effet, n'est pas à la surenchère, non plus qu'au repli effrayé ou
à l'abandon. L'heure est à l'équilibre, et cet équilibre passe par la
consommation. Nous devons donc poursuivre le programme de réduction d'impôts
pour renforcer encore le pouvoir d'achat des Français.
Et qu'en est-il de la dépense ? Devrait-on fermer toutes les vannes,
abandonner tous les programmes engagés sous prétexte que la situation
internationale est plus préoccupante que nous ne l'envisagions ? Là aussi, je
réponds nettement par la négative. Là encore, les meilleures voies à emprunter
sont celles de l'équilibre et de la continuité.
Rassurez-vous, monsieur le rapporteur général, nous ne dépenserons pas pour le
plaisir de dépenser ! Notre souci est de préserver le tissu social, si
nécessaire à l'unité nationale - et tellement déchiré avant 1997 - en finançant
les mesures prioritaires que nous avons engagées.
Je vous rappelle que nous évoluons dans le cadre d'un programme pluriannuel.
L'augmentation de 0,5 % prévue pour 2002 s'inscrit dans ce cadre. Après 0 % en
2000, et 0,3 % en 2001, la tendance est maintenue puisque la totalité de
l'augmentation sera absorbée par les dépenses de la fonction publique et le
service de la dette, les redéploiements de crédits permettant de financer les
actions prioritaires pour la justice, la sécurité ou l'environnement.
En outre, toujours pour maintenir le tissu social, nous devons répondre aux
besoins exprimés dans l'ensemble des secteurs qui contribuent à la richesse et
à l'équilibre de notre pays : l'éducation, la formation, l'innovation et la
recherche.
Nous devons aussi répondre au défi majeur qui s'offre à nous dans le domaine
de la réforme et de la qualité de nos services publics.
J'entends encore les appels alarmistes de certains d'entre vous devant la
prétendue fuite effrénée de nos concitoyens vers les pays voisins. Mais, quand
nous avons parlé à ces Français « expatriés » en Grande-Bretagne, par exemple,
tous nous ont dit qu'ils regrettaient les écoles, les hôpitaux ou les
transports de notre cher pays ! Alors, oui, je souhaite que l'Etat continue à
être fortement présent dans ces secteurs, et cela nous différencie largement de
vous.
Je vous avouerai, monsieur le rapporteur général, chers collègues de droite,
au risque de vous paraître chauvin, qu'à choisir entre une santé à la française
et des baisses d'impôts à l'anglaise, c'est bien la première option qui a ma
préférence !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il faudrait faire les deux !
M. Bernard Angels.
Oui, je préfère limiter la baisse du déficit cette année si cela doit se faire
au profit de la continuité et de l'équilibre de la politique économique et
sociale, si cela peut permettre d'éviter une année ou plus de récession, si
cela peut offrir à nos concitoyens les conditions d'une consommation plus forte
et d'une justice sociale plus grande.
Monsieur le rapporteur général, vous savez que je vous écoute toujours avec
attention, et je sais que la réciproque est vraie. L'histoire ne semble pas
vous porter conseil ! Quand le Gouvrenement de M. Juppé, que vous souteniez, a
fortement augmenté les impôts en 1995 et 1996, vos amis et vous-même avez
justifié cette hausse par la qualification de notre pays à l'euro. Or cette
augmentation des impôts n'a fait, à l'époque, qu'aggraver la situation en «
plombant » la consommation intérieure. Alors, de grâce, ne donnez pas des
leçons dans des domaines où vous avez fait preuve d'une conduite plus
qu'hasardeuse !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Les « prélèvements Juppé » existent toujours et le
Gouvernement est bien heureux de les encaisser !
M. Bernard Angels.
Sinon que, depuis, le taux de TVA a été baissé de un point.
A titre personnel, lors d'un précédent débat budgétaire, j'avais préconisé
d'autres baisses de TVA. Certes, on n'a pas baissé la TVA de deux points mais
on a procédé à des baisses ciblées, par exemple sur les travaux publics, ce qui
a permis de relancer la consommation.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
On fait tout et son contraire !
M. Bernard Angels.
Je suis prêt à en débattre avec vous quand vous le voudrez, monsieur le
rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Avec grand plaisir !
M. Bernard Angels.
La politique économique nécessite de la réactivité, de la souplesse. Nous
l'avons sortie du carcan libéral dans lequel vous tentez invariablement de
l'enfermer. Aussi, je ne peux que vous inviter, mon cher collègue, à vous
débarrasser de ces oeillères idéologiques qui, trop souvent, altèrent votre
jugement.
Avant de conclure, je souhaiterais remercier mes collègues de la droite
sénatoriale.
Depuis juin 1997, chers collègues, vous ne cessez d'essayer de trouver des
explications - et elles sont plus alambiquées les unes que les autres - à la
réussite de l'économie française, tout en refusant d'accorder quelque mérite
que ce soit à la politique du Gouvernement.
Ainsi, la première année, vous nous avez expliqué que les résultats obtenus
étaient les fruits de la politique d'assainissement menée par la droite depuis
1995. Je me permets d'en douter. Mais, manifestement, le Président de la
République et les électeurs en doutaient également en 1997 !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Curieuse interpréation !
M. Bernard Angels.
Ensuite, monsieur le rapporteur général, vous avez invoqué la sacro-sainte «
conjoncture internationale favorable ». Malheureusement, la crise asiatique est
passée par là et force est de constater que cette fameuse conjoncture a fait
plus de mal que de bien. Néanmoins, la France est sortie de cette situation,
sinon indemne, du moins plutôt honorablement, et vous avez dû vous rabattre sur
d'autres arguments.
Certain, - pas vous car vous n'êtes pas sportif -...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Pas trop, en effet !
(Sourires.)
M. Bernard Angels.
... ont avancé l'effet « Coupe du monde », puis l'effet « millénaire ». J'en
passe et des meilleures !
Celui qui préside ce soir la séance est un sportif. D'ailleurs, il préside
aussi le groupe « sport » du Sénat.
Mais, après tout, l'effet « Coupe du monde » a peut-être agi favorablement sur
le moral des Français, leur a peut-être redonné confiance. De toute façon, il y
a sûrement plusieurs facteurs qui expliquent que les Français aient pris
confiance dans leurs dirigeants et dans leur pays.
M. Alain Joyandet.
Et vous, monsieur Angels, quel sport pratiquez-vous ?
M. Bernard Angels.
Moi ? Le football, le tennis et le ski. Le tennis, en particulier, et je
serais très heureux de disputer un match avec vous !
Mme Nicole Borvo.
Et vous, monsieur Joyandet, quel sport pratiquez-vous ?
M. Paul Loridant.
Il joue à la pétanque !
(Sourires.)
M. le président.
Nous ne sommes pas à la piscine, mes chers collègues !
(Sourires.)
Veuillez reprendre le fil de votre propos, monsieur Angels.
M. Bernard Angels.
Aujourd'hui, mes collègues de droite sont un peu à cours d'arguments ! Mais il
y a une nouvelle explication...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
En tout cas, nous ne disons pas que le Gouvernement
est responsable du ralentissement ! Nous sommes honnêtes !
M. Bernard Angels.
Non, votre nouvelle explication est celle-ci : Jospin a de la chance !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cela ne durera qu'un temps !
M. Bernard Angels.
Eh bien, je crois que vous avez raison ! Vous nous avez ainsi fait cadeau d'un
précieux thème de campagne pour 2002 : la gauche, c'est la chance, la droite
c'est la poisse !
(Rires sur les travées socialistes.)
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Si vous n'avez que cet argument, cela ne suffira pas
!
M. Bernard Angels.
Bien sûr, c'est plus que de la chance qu'il a fallu avoir depuis 1997 pour
aboutir au résultat que j'ai décrit précédemment. L'équilibre et la subtilité
de la politique qui a été menée sont la pierre angulaire de la réussite
économique de notre pays. C'est donc avec confiance que le groupe socialiste
soutiendra le Gouvernement dans la traduction de ses orientations budgétaires,
à l'automne et tout au long de son action en 2002.
(Applaudissements sur les
travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. de Rohan.
M. Josselin de Rohan.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour le
cardinal de Retz, on ne sort de l'ambiguïté qu'à son détriment. La principale
caractéristique des déclarations du Gouvernement faites à l'appui de ce débat
d'orientation budgétaire est qu'elles cultivent quelque peu l'ambiguïté.
J'ignore dans quel état nous en sortirons...
La lecture du rapport déposé par le Gouvernement à l'occasion de ce débat
d'orientation budgétaire laisse un goût d'inachevé, alors qu'il s'agit du
dernier de la législature commencée en 1997.
Que ce soit l'environnement économique, les hypothèses en termes de ressources
ou en termes de dépenses, rien dans les déclarations du Gouvernement ne nous a,
hélas ! convaincus ; pire, rien n'a apaisé nos inquiétudes.
Le ralentissement de la croissance française en 2001 est aujourd'hui avéré.
Nous avions raison de mettre en garde le Gouvernement à la fin de l'année
dernière sur l'optimisme des prévisions associées au projet de loi de finances
pour 2001.
L'hypothèse centrale retenue était de 3,3 %, soit un chiffre déjà supérieur
aux estimations des prévisionnistes. Or, au premier trimestre de cette année,
notre économie a progressé de 0,5 %, alors que le Gouvernement avait annoncé
0,8 %. Rapportée sur l'année, l'impasse est de 1,2 point, ce qui ne peut, en
aucun cas, être neutre sur les choix économiques qui devront être faits.
Ce ralentissement s'explique par un contexte international dégradé : une
récession engagée au Japon et un ralentissement plus brutal que prévu de
l'activité économique aux Etats-Unis.
Au mois de mars dernier, la prévision de croissance a été ramenée, pour 2001,
de 3,3 % à 2,9 %, c'est-à-dire à 0,4 point de PIB. Avec ce chiffre de 2,9 %,
nous sommes en dessous du chiffre ayant servi au cadrage du budget pour 2001,
mais surtout en dessous de la programmation des finances publiques d'ici à
2004, annoncée l'an dernier, qui était de 3 % par an.
L'investissement des entreprises s'est largement dégradé. Après un résultat de
3,2 % au dernier trimestre de l'année dernière, l'INSEE tablait sur un chiffre
de 2,3 % au premier trimestre 2001. Or, le résultat définitif est maintenant
connu : il est de 0,4 %.
On doit s'interroger sur les raisons qui conduisent les entrepreneurs à
déstocker au lieu d'effectuer des investissements d'équipement. Cette attitude
pourrait-elle exprimer une certaine crainte vis-à-vis de l'avenir économique du
pays ?
Le solde de notre commerce extérieur se dégrade. L'inflation progresse de 0,5
% en avril, de 0,7 % en mai, soit 2,3 % sur un an. Il s'agit quand même du plus
mauvais chiffre enregistré depuis cinq ans !
Un taux d'inflation en augmentation, c'est un revenu disponible plus faible
pour les ménages, avec des conséquences prévisibles sur leur consommation.
C'est pourtant sur cette dernière que le Gouvernement fait reposer tous ses
espoirs, tant pour l'année 2001 que pour l'année prochaine. Or, elle n'est pas
à l'abri d'un retournement si les marchés financiers sont orientés à la baisse
ou si l'horizon de l'emploi s'obscurcit.
Actuellement, le taux d'épargne des ménages est à un niveau négatif. Une
augmentation de celui-ci indiquerait une certaine crainte dans l'avenir et
mettrait certainement la croissance en danger.
Tous les prévisionnistes estiment que l'objectif de 2,9 % de croissance en
2001 ne sera pas atteint. L'INSEE table sur une croissance de 2,5 % ; vos
propres services, monsieur le ministre, sur 2,4 %. La différence par rapport au
budget représente 0,9 point de PIB, ce qui est loin d'être négligeable.
En l'absence de rebond de la croissance internationale, notamment aux
Etats-Unis, la baisse du chômage continuerait de ralentir, de même que la
création d'emplois, ce qui ne manquerait pas d'avoir des conséquences sur la
consommation.
Pour 2002, le rapport du Gouvernement maintient une croissance prévisionnelle
de 3 %. Même en cas de rebond au second semestre de cette année, une telle
prévision reste bien incertaine.
Cette estimation paraît optimiste, surtout si elle se fonde sur l'évolution de
la croissance aux Etats-Unis qui, après avoir perdu quatre points de PIB entre
2000 et 2001, redoutent aujourd'hui la récession. La contradiction politique du
Gouvernement réside dans le fait qu'il souhaite bénéficier des avantages de la
croissance mondiale sans, au fond, en accepter les contraintes.
Notre pays affronte-t-il un « trou d'air » conjoncturel ou une crise plus
durable de l'économie ? Il me paraît difficile de parler d'un simple « trou
d'air » lorsque près des deux tiers de l'économie mondiale connaissent de
véritables difficultés. Les chiffres les plus récents marquent même une
accélération du retournement.
Si l'on compare les chiffres du 30 avril et ceux du 3 mai, nous sommes passés
d'un déficit budgétaire de 171,2 milliards de francs - soit 26 milliards de
francs - de plus qu'en avril 2000 - à 190,4 milliards de francs soit 30
milliards de francs de plus qu'en mai 2000.
Le niveau ainsi atteint dépasse celui sur lequel a été construit le budget
pour 2001, qui était de 187 milliards de francs. Cela relativise
considérablement les déclarations de Mme le secrétaire d'Etat au budget, qui
disait ne pas imaginer que le déficit puisse remonter en 2002.
Nous avons envie de dire au Gouvernement qu'avant de penser à 2002 il faut
achever cette année dans les limites fixées par la loi de finances initiale et
dans le respect de nos engagements européens.
Avec toutes les limites inhérentes à un exercice d'extrapolation, il est
intéressant de constater que si le second semestre de 2001 se déroule pour le
déficit budgétaire comme le second semestre de l'année 2000, nous nous situons
actuellement sur une pente de 205 à 210 milliards de francs de déficit. Or
l'année 2000 était caractérisée par une croissance vive, ce qui est loin d'être
le cas en 2001.
Dans son rapport, le Gouvernement déclare que le solde budgétaire serait
amélioré d'une centaine de milliards de francs entre 1997 et 2001, soit 25
milliards de francs en moyenne par an.
Ce chiffre ne signifie rien car, en valeur absolue, la réduction a été de 41,5
milliards de francs en 1999, et seulement de 15 milliards de francs en l'an
2000.
De plus, le chiffre de 187 milliards de francs de déficit budgétaire annoncé
pour 2001 n'était qu'une prévision, qui, on le sait, ne se confirmera pas.
Le Gouvernement, au cours de la législature, n'aura donc pas utilisé les
marges de manoeuvre exceptionnelles développées par la croissance pour réduire
le déficit de l'Etat dans des proportions suffisantes.
L'objectif annuel de réduction, fixé pour les années 2001 à 2004 à 20
milliards de francs, ne permettra pas d'atteindre l'engagement pris dans le
programme pluriannuel d'équilibre budgétaire à cette date.
Les informations disponibles sur l'évolution de la croissance laissent par
ailleurs penser que cet objectif est largement hypothéqué. Il ne faut pas
oublier que la dette publique est passée de 4 855 milliards de francs en 1997 à
5 308 milliards en 2000.
Pour 2001, la progression se poursuivra.
La vérité, c'est qu'en l'absence de réformes structurelles le financement de
dépenses supplémentaires pluriannuelles par des recettes résultant de la seule
conjoncture conduit à une impasse au premier retournement de l'activité
économique. Lors de chaque débat budgétaire, nous avons mis en garde le
Gouvernement sur les conséquences de cette situation.
Monsieur le ministre, vous annoncez d'ores et déjà pour 2001 un manque de
recettes fiscales en fin d'année d'une quinzaine de milliards de francs. La
TIPP - taxe intérieure sur les produits pétroliers - et la TVA s'inscrivaient
nettement à la baisse au début du mois dernier, respectivement à moins 11 % et
à moins 4,5 % par rapport à l'année 2000. Le deuxième acompte de l'impôt sur
les sociétés risque de refléter cette tendance.
Vous annoncez une baisse des impôts de 160 milliards de francs depuis 1997.
Vous oubliez de mentionner que ces baisses d'impôts, réalisées dans un
contexte économique très favorable, ne s'inscrivent pas dans la perspective
d'une réforme fondamentale de notre fiscalité, pourtant attendue par les
Français, qui avait été engagée par le gouvernement d'Alain Juppé et abandonnée
depuis.
Vous oubliez aussi qu'une politique fiscale doit être évaluée en prenant en
compte les baisses d'impôts, mais aussi les hausses. Rappelons que le taux de
prélèvements obligatoires rapportés au PIB est le plus élevé de notre histoire
fiscale puisqu'il a atteint 45,7 % en 1999.
Depuis cette date, les programmes de réduction des prélèvements obligatoires
du Gouvernement ne cessent d'être reportés dans le temps. En 2000, le taux des
prélèvements obligatoires, de 45,2 % du PIB, était supérieur au programme
annoncé en janvier 2000. L'objectif fixé pour la fin de 2001 est de 44,8 %,
soit le niveau initialement prévu pour 1998
Vous affichez un objectif de 44,5 % pour 2002, soit le niveau qui existait en
juin 1997. Si vous y parvenez, cela signifie que rien n'aura bougé pour les
prélèvements obligatoires pendant cette législature, alors même que notre pays
aura connu une période de croissance sans précédent depuis des décennies.
Comment oublier que, depuis juin 1997, dix-neuf taxes et impôts nouveaux ont
été créés, et encore, sans le Conseil constitutionnel, le chiffre eût été porté
à vingt et un !
Nous ne pouvons accepter que, dans le domaine fiscal, le Gouvernement réduise
sans cesse la part revenant aux collectivités locales, rendant leur autonomie
de plus en plus illusoire. Vous vous donnez les apparences de la générosité à
nos dépens, monsieur le ministre, mais le contribuable national ne voit pas sa
charge allégée dans les faits, puisqu'il doit participer au financement des
compensations accordées aux collectivités locales.
Pour que le plan triennal de baisse des impôts soit véritablement crédible, il
eût fallu que l'Etat ne reprenne pas d'une main, en ajoutant aux entreprises
des charges nouvelles, ce qu'il leur a concédé de l'autre. Il eût fallu réduire
le taux du barème pour toutes les tranches et fusionner l'impôt sur le revenu
et la CSG. Il eût fallu mieux prendre en compte la situation des familles et
des classes moyennes, ou encore revoir la fiscalité pesant sur les entreprises
afin de leur permettre d'affronter une compétition nationale et internationale
rude.
Qu'en est-il des dépenses ?
La semaine dernière, Mme le secrétaire d'Etat au budget prenait l'engagement
qu'il n'y aurait pas de dérapage de la dépense publique. Pour 2002,
l'augmentation des dépenses a été fixée à 0,5 %, après l'objectif de 0,3 % pour
cette année.
Comme, au total, l'engagement du Gouvernement pour la période de 2001 à 2003
était de 1 %, il ne restera que 0,2 % pour 2003. Les dépenses engagées par le
Gouvernement ne permettront pas de tenir ce cap : à la fin du mois d'avril
dernier, les dépenses du budget général atteignent 608 milliards de francs,
soit une progression de 5,3 % par rapport à avril 2000, alors que le
Gouvernement s'était engagé à la fin de 2000 pour une progression des dépenses
de 0,3 % en 2001.
En 2002, le Gouvernement, pour rester dans les limites de ses engagements, va
devoir procéder par redéploiement des crédits pour le financement des mesures
nouvelles.
Nous constatons que les charges de la dette et les conséquences de la hausse
des salaires dans la fonction publique mobilisent l'intégralité des moyens
dégagés par l'augmentation de 0,5 % assurée pour l'an prochain.
Nous observons que la prime pour l'emploi sera doublée l'année prochaine pour
environ 24 milliards de francs, sans précision quant à son financement.
Les emplois-jeunes, dont le Gouvernement a annoncé la consolidation, auront un
coût budgétaire très élevé. Le ministre chargé de l'emploi annonçait 10 000
créations d'emplois-jeunes en 2002 pour un coût total, sur la période
2002-2006, de 105 milliards de francs, 40 milliards de francs de plus, donc,
que la reconduction du plan 1997-2001. D'autres évoquaient pourtant un système
de sortie progressive réduisant de 25 milliards à 15 milliards de francs le
coût annuel sur la période.
Enfin, où en est-on des 350 000 emplois-jeunes annoncés dans le secteur privé
en 1997 ? Si ce dispositif est aussi excellent qu'on veut bien le dire,
pourquoi les entreprises privées ne se précipitent-elles pas pour y recourir
?
M. Gérard César.
Bonne question !
M. Josselin de Rohan.
Le financement des 35 heures devient véritablement ubuesque. Le Gouvernement
est obligé de trouver de nouvelles mesures au fur et à mesure de la montée en
charge du dispositif. En d'autre termes, il a monté des usines à gaz sans gaz
!
Pour 2001, le déficit du FOREC se situerait entre 16 milliards et 21 milliards
de francs. Pour les années suivantes, l'incertitude quant au financement est
patente, sachant que les dépenses du Fonds atteindront 120 milliards de francs
en 2003.
La progression de 1,7 % des dépenses relatives aux collectivités locales est,
à l'évidence, sous-estimée au regard des dépenses de gestion d'ores et déjà
votées, des conséquences financières des 35 heures et de l'allocation
personnalisée d'autonomie, non encore évaluées avec précision.
Les dépenses des personnels de l'Etat ne sont guère mieux maîtrisées. En
atteignant 199,6 milliards de francs en avril, elles sont en progression de 2,7
% par rapport à avril 2000. La Cour des comptes, dans un rapport retentissant,
a mis en lumière les dysfonctionnements et dérapages en matière de dépense
publique.
Ce n'est pas être « dépensophobe » que de rechercher une réduction des
effectifs ou le non-remplacement des agents partant à la retraite sans qu'il
soit pour autant porté atteinte à la qualité des services publics.
Ainsi, 50 000 personnels de l'éducation nationale décomptés comme enseignants
ne voient jamais un élève, alors que l'éducation nationale continue de recruter
massivement.
Pourquoi faut-il maintenir 1 600 agents pour prélever une redevance
audiovisuelle dont le coût de perception est équivalent à son rapport ?
Où en est la réforme de votre ministère qui coûta sa place à votre
prédécesseur ?
Une conjoncture économique incertaine, des recettes surestimées ou non
financées, le tableau pour la fin de l'exécution 2001 et le projet de loi de
finances pour 2002 ne laissent pas d'inquiéter.
En termes excellents, vous avez dénoncé la tentation du déficit « à laquelle,
dites-vous, nous appelleraient volontiers certains ». Au fait, qui sont ces
derniers ?
Vous avez très justement souligné qu'un déficit public devait toujours être
remboursé et qu'il était générateur d'impôts supportés par les générations
futures.
Mais comment allez-vous procéder ? Quels excédents ponctionner pour assurer
des recettes nouvelles ? Les dépenses d'investissement serviront-elles de
variables d'ajustement ?
Faut-il rappeler que, pour 2001, les dépenses d'investissement pour les
routes, les hôpitaux, les universités, l'aménagement du territoire, la
protection de l'environnement et le patrimoine historique national ne
représentent même pas les crédits consacrés aux 35 heures ?
Vous vous refusez à céder tout ou partie du capital détenu par l'Etat dans Gaz
de France ou France Télécom et vous ne pourrez bénéficier de la manne illusoire
des licences UMTS. Le risque est grand, en dépit des bonnes intentions
proclamées, qu'une fois encore, pour les besoins de la cause, les recettes
soient surestimées, les dépenses sous-estimées ... or il n'y a plus de
cagnotte.
« Nous gagnerions plus de nous laisser voir tels que nous sommes que d'essayer
de paraître ce que nous ne sommes pas », disait La Rochefoucauld.
Si vous vous opposez aux dépensolâtres, à ceux qui pensent, comme vous l'avez
écrit, « qu'il suffirait d'un article de loi pour créer des emplois, pour
prendre en charge la vieillesse et la misère », les réalités internationales et
techniques se pliant, bien entendu, obligeamment à la volonté du politique, si
vous pensez qu'il faut sauver notre régime de retraites en revoyant
fondamentalement ses modalités d'application, qu'il faut remettre en cause
certaines dispositions exorbitantes et déraisonnables de la loi dite « de
modernisation sociale », réfléchir au moyen d'assouplir le carcan des 35
heures, n'hésitez pas à vous exprimer, nous vous soutiendrons.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Absolument ! C'est excellent !
M. Josselin de Rohan.
En novembre dernier, j'avais souhaité qu'on vous libérât.
M. Serge Vinçon.
C'est vrai !
M. Josselin de Rohan.
Je forme de nouveau ce voeu, avec plus d'insistance. Mais, si vous êtes
contraint de faire passer la vérité après les exigences excessives et
contradictoires de la gauche plurielle, que les orientations budgétaires
reflètent crûment, vous aurez manqué une grande occasion. En d'autres termes et
pour conclure, nous dirons que si, sur bien des points, nous pouvons partager
les analyses de M. Laurent Fabius quand il se meut dans le virtuel, nous ne
soutenons pas ses orientations quand il agit dans le réel.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Malgré l'heure
tardive, il est plus courtois de ma part, pour celles et ceux qui ont eu la
gentillesse de rester jusqu'à maintenant, ainsi d'ailleurs que pour ceux qui
m'ont fait tenir leurs excuses, de répondre dès maintenant. J'espère que vous
ne m'en tiendrez pas rigueur si je ne peux répondre dans le détail à tous,
d'autant que les arguments, bien évidemment, se sont souvent rejoints.
M. le rapporteur général a dressé, comme il en a l'habitude, d'un ton égal,
mais sans concession, c'est le moins que je puisse en dire sur le fond, un
réquisitoire par rapport à la politique gouvernementale. Je lui concède
volontiers qu'elle a contribué - j'y reviendrai dans un instant - à améliorer
la situation de l'emploi et à redresser nos comptes publics. Quand je dis « je
lui concède volontiers », c'est parce que, dans son tableau extrêmement
complet, il avait oublié de mentionner ces deux points, qui ne sont pas tout à
fait négligeables.
Comme d'autres orateurs, M. Philippe Marini a fait des gammes sur le thème
suivant : la croissance, depuis 1997, est-elle due à ce qui s'est passé à
l'extérieur ? L'affaiblissement que nous constatons maintenant est-il dû à ce
qui se passe à l'extérieur ? Quelle est la part du Gouvernement ?
Je ne peux m'empêcher, mesdames, messieurs les sénateurs, en commençant mon
propos, de demander, même s'il est bien tard, une certaine cohérence. Au fond,
il faut choisir un système ou un autre. Si l'on estime, comme j'ai cru
l'entendre de la part de beaucoup d'entre vous qui se situent dans la majorité
sénatoriale, que, depuis 1997, les bons résultats qui ont été enregistrés en
matière de croissance sont dus pour l'essentiel - j'allais dire pour la
totalité dans votre esprit - à ce qui s'est passé sur le plan extérieur, on ne
peut, par un retournement qui serait une habileté, abondonner, lorsqu'il y a
une croissance moins grande, l'explication de la causalité extérieure et, tout
d'un coup, en revenir à l'attitude du Gouvernement. Choisissez ! Pour ma part,
j'ai choisi depuis le début. Je considère qu'il faut faire la part des choses.
Une partie des résultats provient des circonstances extérieures, tout
simplement parce que nous sommes dans une économie globalisée et que de plus en
plus les situations s'interpénètrent, et une partie vient des choix
gouvernementaux. Je voudrais argumenter quelques instants sur ce point car je
crois que, dans les semaines et les mois qui vont venir, c'est un point que
nous allons peut-être retrouver. Donc, je donne des pistes, et ensuite nous
verrons !
D'abord, en vous priant de m'excuser de ce rappel un peu cruel pour certains,
je crois que s'il avait été inscrit dans le marbre qu'en 1997, compte tenu de
l'excellence proclamée de la politique précédente et de la magnifique
perspective qu'offrait la situation extérieure, les résultats économiques
devaient être brillants, je ne suis pas tout à fait sûr que la plus haute
autorité de l'Etat ait décidé la dissolution à laquelle il a été effectivement
procédé. Donc j'ai l'impression qu'il a dû se produire des choses en cours de
route. Il y avait sans aucun doute une sous-estimation de ce qui allait se
passer sur le plan extérieur. Mais je pense aussi que ces hautes autorités - et
j'emploie un pluriel pour me singulariser, si je puis dire - n'avaient pas
pressenti que nous sommes des hommes et des femmes politiques. Dans les
résultats économiques que nous obtenons, il y a tout de même, et c'est heureux,
une part qui tient aux choix gouvernementaux. C'est ce qui s'est passé.
Objectivement - si on n'est pas objectif, on dessert sa propre thèse - il y a,
dans les résultats obtenus depuis quatre ans, un certain nombre de points
importants qui sont dus aux choix du Gouvernement.
La croissance n'est pas venue miraculeusement. Il y a eu à la fois
stimulation, répartition et préparation. Je m'explique. Le Gouvernement, par un
certain nombre de grands choix, a contribué à stimuler la croissance. Les
chiffres sont d'ailleurs clairs. Si c'était seulement l'explication
internationale qui prévalait, comment, mesdames, messieurs de la majorité
sénatoriale, pouvez-vous expliquer que, alors que la France, auparavant,
faisait constamment une croissance inférieure à celle que connaissait
l'Allemagne, depuis 1997 - et j'en suis désolé pour nos amis allemands - la
croissance française est constamment supérieure à la croissance allemande. Il
faut bien que se soient produits des éléments nouveaux, et parmi ceux-ci il y a
ce que l'on appelle le réglage macroéconomique, qui n'a pas été trop
maladroit.
Je pense également, et je fais écho à ce qu'a dit Mme Borvo dans son
intéressant propos, que la croissance a aussi été plus juste. Je veux rappeler
un chiffre, que je crois d'ailleurs avoir fait figurer dans le rapport joint au
débat d'orientation budgétaire, qui n'a pas été cité à cette tribune, mais qui
mériterait tout de même d'être repris, le cas échéant commenté, et critiqué. Il
provient des services de la direction de la prévision qui ont travaillé sur ce
sujet. Ce chiffre est le suivant : depuis 1997, 80 % des fruits de la
croissance sont allés, madame Borvo, aux revenus du travail et 20 % aux revenus
du capital. On m'objectera peut-être que ce n'est pas assez ; on peut en
discuter. Mais les observations, qui ne sont d'ailleurs pas sérieusement
contestées, vont en ce sens. Nous avons rééquilibré le partage de la valeur
ajoutée par des mesures favorables à l'emploi : les emplois-jeunes, les 35
heures - j'y reviendrai - la réforme de la taxe professionnelle, la prime pour
l'emploi soutenant le pouvoir d'achat, la TIPP stabilisatrice, la suppression
de la vignette, la baisse des principaux impôts. Je soulignerai un point :
depuis 1998, le pouvoir d'achat de la masse salariale du secteur privé a
augmenté, en moyenne annuelle, au rythme de 4 %, ce qui, compte tenu des
augmentations d'emplois, est historiquement un chiffre tout à fait
important.
Je pense que nous avons aussi contribué à préparer le futur. J'ai entendu ce
qui a été dit sur la retraite. Il reste, bien évidemment, des décisions très
importantes à prendre sur la retraite, et elles ne sont pas faciles,
assurément. Mais on ne peut tout de même pas passer sous silence le travail de
rapprochement des analyses qui a été fait par le Gouvernement, par les
partenaires sociaux. Ce travail me paraît, somme toute, préférable - et je
crois que, à cet égard, quelles que soient les travées, il y aurait une assez
grande convergence dans les opinions - à la méthode utilisée par un précédent
Premier ministre qui, rompant un peu avec la formule consacrée, arrivait à la
fois à ce que cela passe dans un premier temps et à ce que cela casse dans un
deuxième temps.
Oui, il y a eu un certain nombre de mesures de préparation de l'avenir : les
emplois-jeunes, l'éducation, la couverture maladie universelle, toute une série
de réformes, et puisque l'un d'entre vous, je l'en remercie, s'enquérait sur ce
qui se passait au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, je
citerai la réforme de l'ordonnance de 1959, la préparation du passage à l'euro
pratique, la loi sur les nouvelles régulations économiques, la mise en oeuvre
de l'épargne salariale, les modifications internes, ce que j'appelle la réforme
« modernisation ». Des choses se font, de sorte que - c'est la première
observation que je voulais faire - nous n'avons pas gâché la croissance, nous
avons contribué à la rétablir, à la stimuler. Une partie de cette croissance
vient de l'extérieur, mais une autre partie de celle-ci vient de décisions qui,
selon que l'on est plus ou moins élogieux, seront jugées soit pas mauvaises,
soit pertinentes, soit même par certains tout à fait justifiées.
Monsieur le rapporteur général, vous avez fait une démonstration très
complexe, mais peut-être pas assez, sur la question du taux des prélèvements
obligatoires et de la baisse des impôts, et cette observation a été reprise par
plusieurs de vos collègues. Puisque nous sommes entre spécialistes - car à
cette heure tardive, il ne peut y avoir que des spécialistes - je voudrais tout
de même que l'on parte de données réelles, pour que celles et ceux, très
nombreux, qui liront nos échanges dans le
Journal officiel
ne soient pas
induits en erreur.
J'ai, comme vous tous, j'imagine, une certaine réticence sur la notion de
prélèvements obligatoires car, comme M. Angels ou Mme Borvo le faisait
remarquer, on ne compare pas toujours la même chose. Aux Etats-Unis, nous
dit-on, les prélèvements obligatoires sont très faibles. Or, vous le savez, les
assurances sociales, l'hôpital, notamment, ne sont pas considérés comme des
prélèvements obligatoires, mais si l'on veut avoir une chance d'être accueilli
dans un hôpital, il faut s'assurer, et le coût qui en résulte vient donc
s'ajouter à ces fameux prélèvements. Il faut aussi être prudent car on n'est
pas tout à fait certain du numérateur et du dénominateur ; la croissance peut
varier - on le voit bien en ce moment - l'inflation aussi. Tout cela est très
complexe.
C'est pourquoi il faut poser la question beaucoup plus simplement : oui ou
non, les impôts, à revenus constants, que ce soient les revenus des personnes
physiques ou les revenus des sociétés, baissent-ils ? Personne ne peut
contester que, depuis quelques années, nous avons pris des décisions de baisse
des impôts. Que certains contestent les décisions qui ont été prises - ils sont
d'ailleurs de moins en moins nombreux - je peux le concevoir. Que cette baisse
ait eu lieu et qu'elle continue, tout le monde s'accorde aujourd'hui à le
reconnaître.
Cependant, et c'est le point que je voulais faire remarquer à M. le rapporteur
général, à partir du moment où cette baisse est constatée, on ne peut, par un
artifice, tirer parti du fait que la masse en valeur absolue des recettes
augmente pour affirmer...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est le théorème DSK !
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Absolument pas
!
On ne peut en tirer parti pour affirmer, disais-je, que les impôts ne baissent
pas.
Vous êtes maire, monsieur Marini. Dans votre collectivité locale, si, comme je
vous le souhaite, la masse générale de la richesse créée augmente, vous aurez
beau baisser les impôts - j'espère que vous le faites - le produit sera alors
plus important ; et si votre opposition vous déclare que vous n'avez pas baissé
les impôts puisque le produit a augmenté, vous aurez beau jeu de lui répondre
qu'il ne faut pas confondre la baisse des impôts à structure constante et les
produits qui, lorsque la récession augmente, progressent également.
Par conséquent, l'augmentation de la richesse, les bons résultats enregistrés
par les sociétés, les emplois créés en plus grand nombre, les revenus plus
larges ont permis, malgré les baisses d'impôts, une progression du produit de
la recette. Cela ne mange en rien la baisse des impôts.
M. Marini et quelques autres sénateurs ont fait des développements, en général
critiques, sur la dette publique. Je ne peux laisser dire des choses inexactes
! Je citerai donc trois séries de chiffres qui font justice de tout ce qui a
été dit d'inexact sur ce point.
Le poids de la dette publique dans le produit intérieur brut a augmenté de
vingt points - c'est considérable ! - en treize ans, de 1980 à 1993, période
qui a vu se succéder des gouvernements de couleurs politiques différentes.
De 1993 à 1997, soit en quatre ans - et là, il n'y a eu qu'une seule couleur
politique ! - le poids de la dette publique a encore progressé de vingt
points.
M. Josselin de Rohan.
C'était l'héritage !
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Ecoutez, monsieur
le sénateur ! Quand vous venez après nous, l'héritage est négatif et, quand
nous venons après vous, tout à coup, vous le transformez ! Non, il ne peut y
avoir de demi-héritage ! On est responsable de ce que l'on fait !
La dette publique, disais-je, a donc connu une augmentation de vingt points en
quatre ans, alors que la majorité précédente était au pouvoir.
Puis, de 1999 à 2001, soit en trois ans, le poids de la dette publique dans le
produit intérieur brut a diminué de trois points.
Je veux bien tout ce que l'on veut, mais si, après deux augmentations
consécutives de vingt points, une diminution de trois points est considérée
comme une détérioration, le dialogue devient alors délicat !
M. le président de la commission des finances, avec la hauteur de vue et
l'égalité de jugement qui le caractérisent, a dit que la croissance ne se
convoque pas. Je partage son sentiment : la croissance peut être stimulée mais
elle ne se convoque effectivement pas.
M. Lambert a tenu un certain nombre de propos qui ont recueilli l'adhésion sur
différentes travées. J'exprimerai néanmoins mon désaccord ou mon interrogation
sur deux points.
Comme d'autres sénateurs, M. Lambert a repris l'antienne selon laquelle les 35
heures coûteraient 100 milliards de francs par an. Ce n'est pas exact ! Ayons à
coeur de ne pas véhiculer des chiffres inexacts.
Les allégements de charges - c'est de cela qu'il s'agit - représentent, en
l'an 2000, près de 70 milliards de francs, dont plus de la moitié est
constituée par la partie des allégements de charges appelée un peu trivialement
« allégements Juppé ». On ne peut donc pas dire que les 35 heures représentent
100 milliards de francs !
Je ne dis pas que les allégements de charges relatifs aux 35 heures ne soient
pas importants. Cela représente en effet pas mal de milliards de francs. Mais
on ne peut pas prétendre que le montant est de 100 millards de francs par an !
(M. le rapporteur général s'exclame.)
Par ailleurs, la question qui se pose à l'égard tant de M. Lambert que
d'autres sénateurs est de savoir quelles dépenses réduire ou supprimer. Je
serais curieux de le savoir, et j'y reviendrai dans un instant.
Pour ma part, et comme vous tous, j'écoute, le samedi et le dimanche, les plus
hautes autorités de l'Etat nous expliquer, au cours de déplacements, tout ce
qu'il faut faire en plus. Or, quand est ministre de l'économie et des finances
- M. Fourcade, qui s'exprimait voilà quelques instants, a dû garder ce souvenir
- on a toujours une petite calculette dans la tête !
Ainsi, j'invite M. de Rohan, dont je buvais tout à l'heure les propos, à user
de son influence, qui est certainement grande, pour faire en sorte que l'on ne
s'apprête pas à augmenter les dépenses militaires de 10 milliards de francs par
an ; en effet, comment allons-nous les financer ?
(M. Vinçon
s'exclame.)
Je continue : sur les dotations aux collectivités locales, sujet qui intéresse
beaucoup le Sénat,...
M. Michel Moreigne.
C'est vrai !
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
... il y a, dans
le raisonnement tenu par M. Fourcade, ce que l'on appellerait, en grammaire,
une « anacoluthe », une rupture de style, c'est-à-dire un moment où la logique
devient - mais là, on passe à Salvador Dali - une logique floue !
M. Josselin de Rohan.
Molle !
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
La
décentralisation, ce sont les transferts de compétences. Mais, à partir de là,
M. Fourcade nous dit que, à la suite des transferts de compétences opérés, nous
imposons une contrainte supplémentaire en accordant des dotations
correspondantes et, du coup, au lieu d'avoir simplement deux ou trois
contraintes, nous en avons une de plus.
Je comprends bien cet argument ; mais si, au lieu de transférer une dotation,
l'Etat transférait un impôt, la contrainte serait exactement du même ordre,
c'est-à-dire au lieu d'avoir une dépense supplémentaire à payer chaque année -
le président Poncelet qui a occupé à peu près les mêmes fonctions que moi le
sait -, cela ferait une recette en moins pour l'Etat, et il y aurait une
contrainte. Le problème de fond demeure donc. Ce sera un débat que nous aurons
à l'automne, un grand débat qui peut-être nous opposera !
Je suis, pour ma part, persuadé qu'il faut effectuer des transferts de
compétences et, en face, des transferts de ressources.
M. Christian Poncelet.
A due concurrence, monsieur le ministre !
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Oui, cher
président Poncelet ; mais vous savez comme moi - et ces chiffres ont été
rappelés très honnêtement à la tribune voilà un instant - que le compte global
des collectivités locales est en excédent de 30 milliards de francs, que le
compte de l'Etat est en déficit de 180 ou 200 milliards de francs et que,
compte tenu de ce qu'il va devoir financer dans les prochaines années, l'Etat
ne disposera pas de milliards et de milliards de francs à dépenser.
Par conséquent, si nous voulons faire en sorte que certaines collectivités qui
sont en grave difficulté - je laisse de côté le problème des transferts -
disposent de plus de moyens, la réponse ne peut consister - ce serait en effet
démagogique ! - à dire que l'Etat va se dessaisir de fonds qu'il n'a pas et
qu'il n'aura pas.
Si l'on veut, mesdames, messieurs les sénateurs, que certaines collectivités
locales aient plus de moyens, il faudra que la solidarité joue davantage à leur
niveau, ce qui sera difficile parce que cela impose des choix. Gouverner, c'est
choisir, dit-on. Mais quand on regarde les comptes, quand on fait les
prévisions, comme vous le faites tous, au niveau de l'Etat ou des
collectivités, on constate qu'il n'y aura pas de trésor caché du point de vue
de l'Etat.
Je pense sincèrement que la question qu'il faudra se poser est de savoir
comment on peut mieux organiser la solidarité entre les collectivités locales.
C'est une grande question, c'est une forte question, et c'est celle qui nous
permettra d'aller au fond du problème.
M. Delaneau, dans un exposé très complet, a abordé le financement des 35
heures. Sans aller loin dans le débat - c'est un sujet sur lequel tous les
arguments sont échangés en ce moment -, je voudrais lui répondre qu'il ne me
paraît pas illégitime - et c'est un euphémisme - qu'à partir du moment où la
réduction de la durée du travail, comme c'est maintenant démontré, a déjà
abouti à un certain nombre de créations d'emplois, donc à des ressources
supplémentaires pour la sécurité sociale, une partie de ces fonds - une partie
seulement, d'ailleurs - puisse être abondée par celle-ci sans que cela porte en
rien atteinte à la loi Veil de 1994. Mais le débat est en cours.
Quant à l'équilibre des comptes, M. Delaneau a raison de souligner qu'il faut
faire attention : il est vrai que, d'une certaine manière, les 8 milliards de
francs d'excédents de 2001 ne sont pas suffisants, compte tenu de ce qu'a été
l'évolution de la croissance. Mais on conviendra - et M. Delaneau sera le
premier à le faire - qu'un excédent de 8 milliards de francs est tout de même
plus positif qu'un déficit de 53 milliards de francs !
M. François-Poncet a centré l'essentiel de son argumentation sur la
compétitivité de la France. C'est un sujet qui lui tient à coeur et sur lequel
il a fait de nombreux rapports.
Bien sûr, c'est un problème dont je suis bien conscient. Il y a les problèmes
de fiscalité, et il y a les problèmes du travail proprement dit. J'attends
beaucoup du rapport que va remettre au Premier ministre et à moi-même, le
député Michel Charzat. Ensuite, si cela est possible, nous essaierons de vous
proposer des solutions.
M. Fourcade a développé toute une série d'arguments pour démontrer que les
prélèvements obligatoires étaient élevés. Sur ce point, je me suis déjà
exprimé.
Quant aux comparaisons européennes, soyons prudents : la France n'est tout de
même pas cet ectoplasme que l'on décrit quand on la compare à ses voisins
européens. D'ailleurs, chaque fois que je me rends auprès de collègues
européens, ceux-ci s'étonnent - et ce n'est pas seulement l'effet de leur
politesse - des bons résultats de notre pays. Et il me faut revenir en France
pour être ramené, s'il en était besoin, à beaucoup plus de modestie !
Ne passons cependant pas d'un extrême à l'autre : je dis non pas que nous
sommes rayonnants dans tous les domaines, mais que la comparaison avec la
plupart de nos partenaires nous est favorable.
M. Fourcade n'a pas insisté sur la nécessité de limiter les dépenses. Il
aurait pu le faire mais, évidemment, cela lui aurait été difficile dans le
cadre de l'argumentation qu'il a défendue puisque j'ai noté qu'il souhaitait
une augmentation des crédits militaires, une augmentation des crédits de
recherche, une augmentation des crédits d'éducation et une augmentation des
crédits d'aide au développement...
Voulant la paix des ménages, je n'insisterai pas, souhaitant que la majorité
sénatoriale trouve les bons arbitrages en son sein.
(Sourires.)
Mme Borvo a développé une argumentation intéressante, en particulier au début
de son propos : elle a en effet insisté, comme je le fais à l'instant, sur le
fait que l'on ne peut pas souhaiter à la fois moins de croissance en général
et, de façon dominicale, plus de dépenses en particulier. C'est ce qui se passe
et je ne suis pas sûr que le rythme se ralentira à mesure que l'on approchera
du mois de mai de l'année prochaine.
Elle a souligné la nécessité de répondre aux attentes populaires ; je suis
bien d'accord. Elle a beaucoup insisté sur la formation.
Je voudrais, même si ce n'est pas très facile dans le cadre de cette séance,
poser à propos de son intervention deux questions que nous reprendrons si vous
le voulez bien, madame Borvo, lors du débat budgétaire proprement dit.
D'abord, vous dites qu'il faut encourager la consommation intérieure, ce qui
est tout à fait exact. C'est en grande partie ce qui nous a permis d'avoir une
bonne croissance depuis maintenant quatre ans. Mais alors, d'où vient la
consommation intérieure ? Il y a la partie consommation des ménages - c'est
celle à laquelle vous pensez - qui vient d'une évolution salariale positive,
des créations d'emplois et des baisses d'impôts. Quand je cherche ce qui va
encore alimenter cette année et l'année prochaine la consommation intérieure,
j'enregistre qu'il y a les augmentations salariales, les créations d'emplois et
les baisses d'impôts, qui comptent pour une bonne part dans notre
croissance.
C'est d'ailleurs très intéressant, parce que, au moment où le Gouvernement a
décidé ces baisses d'impôts, notre programme était un peu contesté sur le plan
européen. En effet, on nous disait que nous étions procycliques : c'est
l'injure extrême, cela signifie que l'on va plus loin que l'encouragement au
cycle. Or maintenant, on nous dit que nous sommes dans le vrai et que nous
sommes contracycliques - c'est très bien, paraît-il - parce que l'argent que
nous avons mis dans la machine va à la consommation.
En matière d'investissement aussi, vous êtes très avertie des réalités
économiques. Même s'il peut exister des points de divergence, il y va de
l'intérêt des salariés que les entreprises tournent bien, et il n'est pas
d'entreprise qui tourne bien si les salariés sont mécontents. Il faut donc que
nous soyons capables de prolonger le mouvement d'investissement qui s'est
développé. Cela comporte évidemment une part pratique et une part
psychologique, et c'est la raison pour laquelle le Gouvernement - notamment
moi-même, puisque je suis chargé de ces problèmes - essaie de prendre des
mesures qui soient à la fois justes et favorables au développement de
l'investissement. Nous allons essayer de continuer dans cette voie.
L'autre question dont je voulais débattre avec vous, madame Borvo, a trait au
fait que vous avez dit que l'on critique les dépenses alors que, après tout,
les dépenses sont nécessaires. Bien sûr, on a besoin de dépenser, et quand il
faut assurer le fonctionnement des services publics, il faut engager les
dépenses correspondantes. Mais, et c'est là où nous avons peut-être une petite
divergence, il y a une limite à ces dépenses, parce qu'il y a une limite au
déficit.
Vous dites : pourquoi ne pas augmenter le déficit, qui s'élève aujourd'hui à 1
% ? Mais, madame Borvo, nous sommes au sein de l'Europe, et vous êtes favorable
à l'Europe. Si nous augmentons trop fortement le déficit, la Banque centrale va
accroître ses taux d'intérêt : cela pèsera de façon négative sur l'emploi et le
chômage augmentera au lieu de diminuer. En outre, il faudra bien rembourser ce
déficit. En fin de compte, ce sont les contribuables qui devront payer des
impôts supplémentaires.
Je ne dis pas du tout qu'il ne faut pas faire de dépenses : chaque année, nous
en faisons et, par rapport aux autres pays, nous nous situons plutôt au point
haut. Mais il faut quand même fixer une limite. Ayons une discussion sur le
niveau des dépenses ! Ne dites pas : plus les dépenses seront élevées, plus la
consommation sera soutenue, parce que je crois qu'économiquement ce n'est pas
exact.
Enfin, il faut, davantage peut-être que cela n'a été le cas jusqu'ici, que
nous disposions d'un calendrier de concertation avec les partenaires sociaux
sur les grands choix économiques et sociaux. Pour ma part, j'ai émis l'idée que
nous soyons capables, non seulement pour cette législature, dans les mois à
venir, mais également pour la prochaine législature, d'identifier quels sont
les grandes réformes à engager, les grands choix à opérer, et que nous
invitions les partenaires sociaux à participer à l'élaboration de ces choix.
Cela donnerait plus de vitalité à notre démocratie.
Je répondrai maintenant à M. Angels. Je le prie de nous excuser, car nous
commettons souvent une injustice à son égard : comme il est, de tous les
orateurs, l'un de ceux qui nous soutiennent le plus, par voie de conséquence,
il est l'un de ceux auxquels nous répondons le moins longuement, ce qui est
injuste.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Vous êtes d'accord !
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Effectivement
!
Lorsqu'il dresse un bilan économique positif des années 1997 à 2001, lorsqu'il
souligne la priorité du Gouvernement en matière d'emploi, lorsqu'il parle de
l'équilibre de vie, lorsqu'il défend nos choix de réduction des prélèvements et
de développement du pouvoir d'achat, il dit avec plus d'éloquence que je ne
pourrais le faire ce que je pense. Je tiens donc à l'en remercier. Ce n'est pas
parce qu'il soutient le Gouvernement très fortement avec son groupe que cela ne
doit pas être salué.
M. de Rohan a procédé à une analyse de la conjoncture et a formulé un certain
nombre de mises en garde, notamment en ce qui concerne les déficits budgétaires
de 2001 et 2002.
Monsieur le sénateur, je voudrais, sans vous compromettre, que nous essayons
de rassembler nos énergies pour éviter que ces déficits ne dérapent.
M. Josselin de Rohan.
J'ai dit beaucoup de bien de vous, monsieur le ministre !
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Peut-être
pourriez-vous user de votre influence...
M. Josselin de Rohan.
N'exagérez pas !
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie...
pour que chaque
déplacement en province ne se traduise pas par des appels, largement relayés, à
dépenser plus dans nombre de secteurs majeurs. D'autant que - et ce point reste
à préciser dans les mois à venir - je n'ai pas encore entendu la majorité
sénatoriale, donc l'opposition, énoncer avec précision les domaines sur
lesquels elle entendait pratiquer des économies massives. En effet, j'ai lu
dans je ne sais quelle gazette - mais je fais peut-être erreur - que même si
vous condamniez les emplois-jeunes, vous proposeriez de les maintenir si vous
êtiez en situation de décider. J'ai également lu que même si vous condamniez
les 35 heures, ce n'est pas une réforme sur laquelle vous envisageriez de
revenir.
M. Josselin de Rohan.
Nous disons exactement la même chose que vous ! Ne nous le reprochez pas !
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Dès lors, je suis
sceptique lorsque je vous entends décrire les économies massives que vous
pourriez réaliser.
Comme j'ai apprécié les propos que vous avez tenus et le ton que vous avez
utilisé, et puisque vous avez commencé en faisant allusion au cardinal de Retz
et terminé en vous référant à La Rochefoucauld, je citerai deux phrases de ces
auteurs fort intelligents : le premier déclarait que l'« on est plus souvent
dupe par la défiance que par la confiance », et le second que « les passions
sont les seuls orateurs qui persuadent toujours ».
(Applaudissements sur les
travées socialistes. - Rires sur les travées du RPR.)
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Monsieur le ministre, je ne voudrais surtout pas que
mon intervention puisse sembler polémique et j'aurais souhaité, à un moment
donné de votre propos, que vous acceptiez de bien vouloir être interrompu sur
ce thème de la dépense publique, puisqu'il a été au coeur de nos
interventions.
Lorsque je vous écoutais, avec beaucoup d'attention, vous opposer à ceux qui
prêchent une réduction globale de la dépense, mais ne précisent jamais sur quoi
elle doit porter, je m'imaginais entendre un certain nombre de vos
prédécesseurs qui, quelle que soit leur tendance, quelle que soit la politique
économique qu'ils défendaient, s'exprimaient ès fonctions exactement de la même
façon que vous. J'avais encore en mémoire les accents très convaincants
qu'avait, par exemple dans la période 1993-1995, Nicolas Sarkozy, qui était
très efficace sur ce thème.
Mais je rapprochais ce propos, traditionnel de la part d'un ministre de
l'économie et des finances, de notre travail tout à fait récent sur la réforme
de l'ordonnance portant loi organique. Car nous cherchons bien des indicateurs
d'efficacité, des indicateurs de performance de la dépense publique, et nous
savons qu'un travail très important doit être réalisé pour optimiser cette
dépense publique.
Ne nous dites pas par avance, monsieur le ministre, que cela ne servira à rien
et qu'il faut laisser les choses évoluer sans volontarisme particulier.
Certes, il est des besoins tout à fait cruciaux, réels, issus du terrain, que
tous les politiques, notamment en fin de semaine, ne peuvent que souligner.
Mais il est clair que les impératifs auxquels nous devons faire face, qui
doivent conduire à une réduction de nos déficits et à une diminution de la
charge sur les générations futures résultant de la masse globale des emprunts,
impliquent d'être rigoureux en matière de dépenses.
Monsieur le ministre, ne nous découragez pas par avance ! Le contrôle
parlementaire s'exercera dans le cadre du nouveau texte organique, afin que
l'on s'efforce de dépenser moins et mieux, avec un Etat si possible toujours
plus efficace. Ne nous dites pas que ce n'est pas possible !
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Je ne vous dirai
certainement pas que ce n'est pas possible, d'autant plus que cela commence à
être fait, même si c'est à dose homéopathique.
En 1997, la France avait le déficit public le plus élevé de la zone euro : 3,5
% du PIB. Désormais, celui-ci s'élève à 1 % ; c'est la moyenne. Cela représente
quand même un peu plus de 200 milliards de francs chaque année ! C'est
nécessaire, mais, finalement, inutile ! Cependant, cela signifie qu'un certain
nombre de pas en avant ont été faits, même si beaucoup d'efforts restent à
accomplir.
Vous avez pris l'exemple de M. Sarkozy en 1994. Le point commun entre M.
Sarkozy et tel ou tel responsable des finances aujourd'hui, c'est que, dans les
deux cas, on vous demande de faire part de vos propositions et, dans les deux
cas, on est un peu déçu.
J'espère que nous allons arriver à adopter une position commune en ce qui
concerne la réforme de l'ordonnance de 1959. Cela nous donnera des méthodes
pour raisonner désormais en termes d'objectifs, et non pas de moyens, puisque
telle est la finalité principale de cette réforme. Cependant, nous sommes, je
le répète, des hommes et des femmes politiques : ces méthodes sont bien utiles,
mais, ensuite, il nous faudra opérer des choix.
Tout à l'heure, M. Lambert disait que c'était aussi une affaire de vérité et,
d'une certaine manière, de courage, le courage ne consistant pas à proposer ce
qui est négatif pour les catégories les plus populaires des Français ; vous
faites en effet souvent la confusion.
Il faudra choisir : gouverner, c'est choisir ; s'opposer, c'est choisir aussi.
Je le vérifie tous les jours, comme l'ont vérifié sans doute mes prédécesseurs
et comme le vérifieront mes successeurs : on ne peut pas à la fois recommander
la prudence, le recours à des financements équilibrés pour en concentrer
l'essentiel sur l'investissement, et, dans le même temps, suivre tous les
thèmes à la mode, c'est-à-dire le dernier train qui passe.
Vous me direz que j'y ai fait beaucoup référence ce soir, mais, lorsqu'il
n'était que candidat, le Président de la République actuel citait cette jolie
formule de Jean Guitton : il faut être dans le vent et, être dans le vent,
c'est s'exposer à avoir un destin de feuille morte. Il faut donc faire
attention à ne pas s'exposer à avoir un destin de feuille morte. Faire de la
politique, c'est choisir, à l'échelon national comme à l'échelon local ! Les
prochaines échéances électorales nous donneront l'occasion de développer ces
choix.
M. Christian Poncelet.
Il faut prendre le bon vent !
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
A notre façon,
nous avons pu commencer à le faire ce soir.
M. le président.
La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance.
16
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. Daniel Goulet une proposition de loi portant modification de
l'article L. 332-11-1 du code de l'urbanisme.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 389 distribuée et renvoyée
à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la
constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues
par le règlement.
17
TRANSMISSION DE PROPOSITIONS DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi,
adoptée par l'Assemblée nationale, relative à l'autorité parentale.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 387, distribuée et renvoyée
à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la
constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues
par le règlement.
J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi
constitutionnelle, adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à modifier
l'article 68 de la Constitution.
La proposition de loi constitutionnelle sera imprimée sous le numéro 388
distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale,
sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les
conditions prévues par le règlement.
18
TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice
2002 - section III - commission - état général des recettes.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1739 (annexe 4) et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice
2002 - section III - commission - crédits opérationnels - sous-section B4
(énergie, contrôle de sécurité nucléaire d'Euratom et environnement).
Ce texte sera imprimé sous le numéro E 1739 (annexe 5) et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice
2002 - section III - commission - crédits opérationnels - sous-section B1
(Fonds européen d'orientation et de garanti agricole, section « garantie »).
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1739 (annexe 6) et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice
2002 - section III - commission - (ressources humaines).
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1739 (annexe 7) et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice
2002 - section III - commission - crédits opérationnels - sous-section B6
(recherche et développement technologique).
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1739 (annexe 8) et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice
2002 - section III - commission - partie A - crédits de fonctionnement.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1739 (annexe 9) et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice
2002 - volume 8 - section VII - comité des régions.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1739 (annexe 10) et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Avant-projet de budget pour 2002 - introduction générale.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1739 (annexe 11) et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil accordant une garantie de la Communauté à
la Banque européenne d'investissement pour les pertes résultant d'une action
spéciale de prêt pour la réalisation de projets environnementaux sélectionnés
dans la partie russe du bassin de la mer Baltique relevant de la « dimension
septentrionnale ».
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1747 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CEE) n° 2847-93
instituant un régime de contrôle applicable à la politique commune de la
pêche.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1748 et distribué.
19
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au mercredi 20 juin 2001 :
A dix heures :
1. Suite du débat d'orientation budgétaire.
Aucune inscription de parole dans le débat n'est plus recevable.
A quinze heures et, éventuellement, le soir :
2. Discours du président du Sénat.
3. Discussion de la proposition de loi (n° 303, 2000-2001), adoptée par
l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant amélioration de la
couverture des non-salariés agricoles contre les accidents du travail et les
maladies professionnelles. - Rapport (n° 372, 2000-2001) de M. Bernard
Seillier, fait au nom de la commission des affaires sociales.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus
recevable.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Délai limite
pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative aux droits du
conjoint survivant (n° 224, 2000-2001) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
mercredi 20 juin 2001, à dix-sept heures.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Nouvelle lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée
nationale en nouvelle lecture, portant diverses dispositions d'ordre social,
éducatif et culturel (n° 376, 2000-2001) ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 22 juin 2001, à dix-sept
heures.
Deuxième lecture de la proposition de la loi, adoptée avec modifications par
l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relative à la lutte contre les
discriminations (n° 256, 2000-2001) ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 22 juin 2001, à dix-sept
heures.
Deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée
nationale en deuxième lecture, de modernisation sociale (n° 384, 2000-2001)
;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
lundi 25 juin 2001, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 25 juin 2001, à dix-sept
heures.
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification du
traité de Nice modifiant le traité de l'Union européenne, les traités
instituant les Communautés européennes et certains actes connexes (n° 373,
2000-2001) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
mercredi 27 juin 2001, à dix-sept heures.
Deuxième lecture, sous réserve de sa transmission, de la proposition de loi
organique relative aux lois de finances (AN, n° 3139) ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 27 juin 2001, à dix-sept
heures.
Nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale avec
modifications en nouvelle lecture, portant règlement définitif du budget 1998
(n° 365, 2000-2001) ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 27 juin 2001, à dix-sept
heures.
Deuxième lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en
deuxième lecture, portant règlement définitif du budget 1999 (n° 366,
2000-2001) ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 27 juin 2001, à dix-sept
heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 20 juin 2001, à une heure.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES DU SÉNAT
établi par le Sénat dans sa séance du mardi 19 juin 2001
à la suite des conclusions de la conférence des présidents
Mercredi 20 juin 2001 :
Ordre du jour prioritaire
A
9 h 30 :
1° Suite du débat d'orientation budgétaire.
A
15 heures
et, éventuellement, le soir :
2° Discours du président du Sénat.
Ordre du jour prioritaire
3° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après déclaration
d'urgence, portant amélioration de la couverture des non-salariés agricoles
contre les accidents du travail et les maladies professionnelles (n° 303,
2000-2001).
(La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 19 juin 2001, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des
amendements à ce texte ;
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion
générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun
groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les
inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17
heures, le mardi 19 juin 2001.)
Jeudi 21 juin 2001 :
Ordre du jour prioritaire
A
9 h 30 :
1° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative aux droits
du conjoint survivant (n° 224, 2000-2001).
(La conférence des présidents a décidé :
- de fixer au mardi 19 juin 2001, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt
des amendements à ce texte ;
- d'attribuer au représentant de la délégation aux droits des femmes et à
l'égalité des chances entre les hommes et les femmes un temps d'intervention de
dix minutes ;
- de limiter à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la
discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la
liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les
inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17
heures, le mercredi 20 juin 2001.)
A
15 heures :
2° Eventuellement, suite de l'ordre du jour du matin.
3° Projet de loi autorisant la ratification de la convention relative à
l'adhésion de la République d'Autriche, de la République de Finlande et du
Royaume de Suède à la convention relative à l'élimination des doubles
impositions en cas de correction des bénéfices d'entreprises associées (n° 276,
1998-1999).
4° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le
Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du
Botswana en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la
fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu (n° 62 rectifié,
2000-2001).
5° Projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre
le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République
arabe d'Egypte en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion
fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune du 19 juin 1980 (n°
99, 2000-2001).
Lundi 25 juin 2001 :
Ordre du jour prioritaire
A
16 heures
et, éventuellement, le soir :
1° Nouvelle lecture du projet de loi, adopté avec modifications par
l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, portant diverses dispositions
d'ordre social, éducatif et culturel (n° 376, 2000-2001).
(La conférence des présidents a décidé de fixer au vendredi 22 juin 2001, à
17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
2° Deuxième lecture de la proposition de la loi, adoptée avec modifications
par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relative à la lutte contre les
discriminations (n° 256, 2000-2001).
(La conférence des présidents a décidé de fixer au vendredi 22 juin 2001, à
17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
Mardi 26 juin 2001 :
A
10 h 30 :
1° Onze questions orales (l'ordre d'appel des questions sera fixé
ultérieurement) :
- n° 1090 de Mme Hélène Luc à M. le ministre de l'intérieur (Problèmes des
convoyeurs de fonds et mise en circulation de l'euro) ;
- n° 1095 de M. Jean-Jacques Hyest transmise à M. le ministre de l'économie,
des finances et de l'industrie (Régime fiscal de la prestation compensatoire en
matière de divorce) ;
- n° 1098 de M. Aymeri de Montesquiou transmise à Mme le secrétaire d'Etat au
logement (Conséquences de la loi SRU sur le nombre de délivrances de
certificats d'urbanisme et de permis de construire, en particulier dans les
zones rurales) ;
- n° 1099 de M. Michel Teston transmise à Mme le secrétaire d'Etat au logement
(Réglementation applicable aux constructions en zone de montagne) ;
- n° 1100 de M. Claude Haut à M. le ministre de la défense (Renforcement des
effectifs de gendarmerie dans le Vaucluse) ;
- n° 1102 de M. Martial Taugourdeau à M. le ministre délégué à la santé
(malaise des infirmières) ;
- n° 1104 de M. Bernard Joly à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
(Application des 35 heures au secteur de l'alimentation de détail) ;
- n° 1106 de M. Jean-Paul Amoudry à M. le ministre délégué à la santé (Pénurie
de personnel soignant dans les établissements pour personnes âgées des
départements limitrophes de la Suisse) ;
- n° 1110 de M. Jean-Patrick Courtois à M. le ministre délégué à la santé
(Revalorisation des prix de journée dans les cliniques de Mâcon) ;
- n° 1111 de M. Roland Courteau à M. le ministre de l'agriculture et de la
pêche (Crise de la viticulture française) ;
- n° 1113 de M. José Balarello à M. le ministre de la fonction publique et de
la réforme de l'Etat (Organisation des concours de recrutement de la fonction
publique territoriale).
A
16 heures
et le soir :
Ordre du jour prioritaire
2° Deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par
l'Assemblée nationale en deuxième lecture, de modernisation sociale (n° 384,
2000-2001).
(La conférence des présidents a décidé :
- de fixer au lundi 25 juin 2001, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt
des amendements à ce texte ;
- de limiter à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans
la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la
liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les
inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17
heures, le lundi 25 juin 2001.)
Par ailleurs, à
18 heures :
3° Nomination des membres de la commission spéciale chargée d'examiner le
projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence,
relatif à la Corse (n° 340, 2000-2001).
(Les candidatures à cette commission spéciale devront être déposées au
secrétariat central du service des commissions avant 17 heures, le mardi 26
juin 2001.)
Mercredi 27 juin 2001 :
Ordre du jour prioritaire
A
15 heures
et le soir :
Suite de la deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par
l'Assemblée nationale en deuxième lecture, de modernisation sociale (n° 384,
2000-2001).
Jeudi 28 juin 2001 :
A
9 h 30 :
Ordre du jour prioritaire
1° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification
du traité de Nice modifiant le traité de l'Union européenne, les traités
instituant les Communautés européennes et certains actes connexes (n° 373,
2000-2001).
(La conférence des présidents a décidé de limiter à trois heures la durée
globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs
des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les
inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17
heures, le mercredi 27 juin 2001.)
A
15 heures
et le soir :
2° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de
la séance avant 11 heures.)
Ordre du jour prioritaire
3° Eventuellement, suite de l'ordre du jour du matin.
4° Suite de la deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications
par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, de modernisation sociale (n°
384, 2000-2001).
5° Deuxième lecture, sous réserve de sa transmission, de la proposition de loi
organique relative aux lois de finances (AN, n° 3139).
(La conférence des présidents a décidé de fixer au mercredi 27 juin 2001, à
17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
6° Nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale avec
modifications en nouvelle lecture, portant règlement définitif du budget 1998
(n° 365, 2000-2001).
(La conférence des présidents a décidé de fixer au mercredi 27 juin 2001, à
17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
7° Deuxième lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en
deuxième lecture, portant règlement définitif du budget 1999 (n° 366,
2000-2001).
(La conférence des présidents a décidé de fixer au mercredi 27 juin 2001, à
17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
8° Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet
de loi d'orientation sur la forêt.
Eventuellement,
vendredi 29 juin 2001 :
Ordre du jour prioritaire
A
9 h 30,
à
15 heures
et, éventuellement, le soir :
Suite de l'ordre du jour de la veille.
A N N E X E I
Dates des questions d'actualité au Gouvernement
pendant le premier trimestre de la session 2001-2002
Jeudi 11 octobre 2001.
Jeudi 18 octobre 2001.
Jeudi 8 novembre 2001.
Jeudi 22 novembre 2001.
Jeudi 6 décembre 2001.
Jeudi 13 décembre 2001.
A N N E X E I I
Questions orales inscrites à l'ordre du jour
du mardi 26 juin 2001
N° 1090. - Mme Hélène Luc attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur
sur les nouveaux problèmes soulevés par les convoyeurs de fonds, en liaison
avec l'entrée en circulation de la nouvelle monnaie européenne. En effet, ce
sont les convoyeurs de fonds et le personnel de caisse des centres forts qui
vont devoir répartir l'euro. Dans ses dernières annonces, concernant notamment
le plan destiné à assurer la sécurité de l'acheminement de l'euro, le Premier
ministre a évoqué « la mobilisation exceptionnelle de la police, de la
gendarmerie et des forces armées ». Les syndicats de la profession demandent
que des moyens supplémentaires soient affectés. Tout en étant consciente des
efforts faits par le Gouvernement, afin de résorber un certain nombre de points
noirs dans l'exercice de cette profession, elle l'interpelle sur les
dispositions supplémentaires qu'il compte prendre pour que l'ensemble de cette
profession et leur famille soient rassurés sur les conditions des transferts de
fonds en euros.
N° 1095. - M. Jean-Jacques Hyest attire l'attention de Mme le garde des
sceaux, ministre de la justice, sur le régime fiscal de la prestation
compensatoire en matière de divorce. Adoptée à l'initiative du Sénat, la loi n°
2000-596 du 30 juin 2000 relative à la prestation compensatoire en matière de
divorce réaffirme le principe de son versement sous la forme d'un capital.
Désormais, ce n'est qu'à titre exceptionnel que le juge peut, par décision
spécialement motivée, fixer la prestation compensatoire sous forme de rente
viagère. Afin de tenir compte de cette nouvelle loi, une instruction fiscale du
19 janvier 2001, parue au
Bulletin officiel des impôts (BOI)
du 29
janvier 2001, précise le régime fiscal de la prestation compensatoire et,
notamment, celle versée sous forme de rente. Elle distingue deux régimes :
celui - inchangé - de la prestation compensatoire versée sous forme de rente et
fixée par le juge à titre exceptionnel et celui des rentes résultant d'une
convention entre époux homologuée par le juge en cas de divorce sur demande
conjointe. A la lecture de l'instruction, on constate que seul le premier
régime permet au débiteur des sommes versées de les déduire de son revenu
imposable, l'article 156 du code général des impôts excluant des charges
admises en déduction du revenu imposable les rentes versées au titre d'une
convention entre époux. Il s'agit d'une inégalité de traitement qui n'est pas
favorable au règlement amiable des divorces, alors que les réformes du droit de
la famille vont toutes dans le sens d'un encouragement aux procédures non
contentieuses. Il lui demande quelle est sa position concernant cette situation
et dans quelle mesure elle compte y remédier.
N° 1098. - M. Aymeri de Montesquiou attire l'attention de M. le ministre de
l'équipement, des transports et du logement sur les dispositions concernant le
financement de l'urbanisme précisées dans les articles 46 et 47 de la loi n°
2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement
urbains. Lorsqu'un propriétaire souhaite faire construire, le conseil municipal
peut décider de lui faire financer, pour tout ou partie, le coût des voies
nouvelles et du raccordement aux divers réseaux (eau, électricité, gaz, etc.)
réalisés pour permettre l'implantation de ces nouvelles constructions.
A
contrario,
cette possibilité n'est plus offerte au conseil municipal quand
il s'agit de constructions aux abords de voies existantes. Or la prise en
charge du coût du raccordement aux divers réseaux par la commune, ou du moins
son engagement à prendre en charge ce coût, est un préalable à la délivrance du
certificat d'urbanisme au regard de l'alinéa 2 de l'article 7 du décret n°
2001-262 du 27 mars 2001 relatif aux certificats d'urbanisme et modifiant le
code de l'urbanisme. Dans les zones rurales où les distances de raccordement
sont bien supérieures à celles des grandes agglomérations, et donc le coût plus
élevé, les communes n'ont pas les moyens budgétaires de prendre en charge ces
coûts et ne peuvent plus mettre le futur constructeur à contribution aux abords
des voies existantes. En conséquence, le nombre de futurs constructeurs en zone
rurale est en train de chuter et un certain nombre de permis de construire sont
bloqués. Dans un souci d'équité entre zones urbaines et zones rurales, il lui
demande donc de bien vouloir faire étudier les dispositions financières qui
pourraient aider les communes rurales à prendre en charge ces coûts, en tout ou
partie. Dans la négative, il lui demande de permettre aux particuliers de payer
les raccordements aux réseaux comme par le passé, dans la mesure où les
terrains construits sont inscrits dans les zones constructibles des documents
d'urbanisme des communes.
N° 1099. - M. Michel Teston rappelle à M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement que dans le cadre du débat sur la loi n° 2000-1208 du
13 décembre 2000 sur la solidarité et renouvellement urbains un certain nombre
de parlementaires et lui-même ont obtenu des modifications importantes du code
de l'urbanisme, en ce qui concerne les possibilités de construction en zone de
montagne. En effet, il leur semblait important d'assouplir certaines
dispositions très contraignantes qui obéraient toutes perspectives de
développement dans les petites communes concernées. Ainsi, depuis l'adoption de
ce texte, les articles L. 111-1-2 et L. 145-3 du code de l'urbanisme offrent
désormais la possibilité d'ouvrir de nouveaux espaces constructibles, tout en
répondant à la nécessité de préserver les paysages et de contrôler une
urbanisation excessive ou anarchique. Les décrets d'application de la loi SRU
ayant été publiés, les directions départementales de l'équipement sont donc
actuellement amenées à se prononcer sur des demandes de certificat d'urbanisme,
sur la base de cette nouvelle réglementation. Or il apparaît que
l'assouplissement introduit par la loi n'est pas, pour l'instant, suivi d'effet
sur le terrain. Il lui demande de lui indiquer quelles consignes ont été ou
seront données aux services, afin que soient appliquées concrètement ces
nouvelles dispositions législatives.
N° 1100. - M. Claude Haut attire l'attention de M. le ministre de la défense
sur la situation du département de Vaucluse en matière de sécurité publique.
Les dernières statistiques du premier trimestre 2001 font apparaître une
situation préoccupante pour un département qui reste rural, malgré la forte
croissance de sa population, constatée lors du dernier recensement. Un
phénomène le préoccupe particulièrement, il s'agit de la migration du phénomène
délinquant, voire criminel, des zones urbaines vers le secteur rural. En zone
urbaine, le Gouvernement a fait des efforts considérables en matière notamment
de police de proximité, mais également en termes d'effectifs policiers, cette
action politique, dont il se félicite, a suscité un transfert du phénomène
délinquant de l'urbain vers le rural. Il sollicite qu'en fonction des données
chiffrées et donc objectives il puisse renforcer les effectifs des brigades de
gendarmerie. La situation du Vaucluse est suffisamment préoccupante pour
qu'elle mérite son attention et son intervention. En conséquence, il lui
demande quelles dispositions il peut prendre pour renforcer le dispositif
affecté à la sécurité publique des Vauclusiennes et des Vauclusiens en zone
rurale.
N° 1102. - M. Martial Taugourdeau interroge M. le ministre délégué à la santé
sur les graves problèmes qui se posent aux infirmières. Non seulement elles
doivent faire face à une surcharge de travail, mais encore certaines d'entre
elles sont sanctionnées par les caisses pour dépassement de leur quota.
Certaines, comme ces trois infirmières d'un chef-lieu de canton de son
département, ferment leur cabinet et décident de choisir une autre activité.
Alors que faut-il faire ? Sans infirmières en milieu rural, face à des
généralistes de plus en plus débordés, que deviendra alors notre santé publique
? Son expérience de médecin, puis de parlementaire, le pousse à lui exprimer
toutes ses plus vives inquiétudes et à lui poser une seule question : que
compte-t-il faire ?
N° 1104. - M. Bernard Joly appelle l'attention de Mme le ministre de l'emploi
et de la solidarité sur les difficultés auxquelles se heurtent les entreprises
de détail et, en particulier, la boucherie et l'hôtellerie-restauration dans la
perspective de l'obligation prochaine de l'application de la réduction du temps
de travail. Pour ces deux branches professionnelles, aucun accord n'est
intervenu faute d'avoir trouvé des solutions effectivement applicables. Les
entreprises de métiers de bouche comptent en moyenne trois salariés et cette
réalité rend inopérants les dispositifs d'aide à la réduction du temps de
travail au regard des contraintes spécifiques du secteur. Leur petite taille et
la diversité des postes de travail au sein de la même entreprise permettent
rarement de dégager un nombre d'heures suffisant pour créer un emploi même à
temps partiel. Par ailleurs, le recours aux groupements d'employeurs est
inadapté, le savoir-faire est une acquisition délicate et gardée ; inadaptée
également l'annualisation du temps de travail du fait de la concurrence et des
comportements des consommateurs. De plus, ces métiers ne permettent aucun gain
de productivité, car la valeur ajoutée dépend de la transformation manuelle de
tradition qu'ils garantissent et ils ne sont ainsi pas en mesure de créer des
activités nouvelles. Enfin, malgré une politique de formation et de promotion,
les difficultés de recrutement perdurent. Il lui demande si le ministère de
l'emploi et de la solidarité ne pourrait accepter, lorsque les partenaires
sociaux en sont d'accord, d'assouplir les mesures et notamment d'autoriser un
contingent annuel d'heures supplémentaires sans repos compensateur supérieur à
130 heures, d'une part, et, d'autre part, de prévoir que la baisse des charges
prévue par la loi du 19 janvier 2000 s'applique à toutes les entreprises
mettant en application un accord de branche sur la réduction du temps de
travail.
N° 1106. - M. Jean-Paul Amoudry appelle l'attention de M. le ministre délégué
à la santé sur les vives préoccupations des responsables d'établissements
hospitaliers et d'accueil de personnes âgées dépendantes, comme de l'ensemble
des élus et familles concernés des départements français limitrophes de la
Confédération helvétique, en particulier l'Ain et la Haute-Savoie. En effet,
les secteurs de ces départements les plus proches de la frontière suisse
connaissent une pénurie très importante de personnels infirmiers et
d'aides-soignantes. Ainsi, les établissements hospitaliers de Thonon-les-Bains,
Annemasse, Sallanches, Saint-Julien-en-Genevois seront contraints de fermer
plusieurs dizaines de lits au total durant la période estivale, dans une région
touristique où la population double durant les mois de juillet et août. Pour le
seul département de la Haute-Savoie, d'après de récentes estimations, près de
quatre cents postes d'infirmières et deux cents postes d'aides-soignantes ne
peuvent être pourvus dans les établissements publics et environ une centaine
dans le secteur privé. Cette situation s'explique à la fois par la cherté du
coût de la vie en zone frontalière et par l'existence simultanée en Suisse
d'une pénurie similaire de ces catégories de personnels de santé. Comme les
salaires proposés par les établissements de soins helvétiques sont
particulièrement attractifs, les structures hospitalières, maisons de retraite
et maisons d'accueil pour personnes âgées dépendantes (MAPAD) françaises, ne
peuvent conserver leur personnel. Ce phénomène, dont l'aggravation est sensible
depuis quelques mois, entraîne aujourd'hui le report de plusieurs projets
d'extension de MAPAD, alors que des besoins importants restent insatisfaits, et
pourrait même causer, à brève échéance, la fermeture de plusieurs structures de
soins ou d'accueil, par manque de personnels qualifiés. De plus, cet état de
fait n'est pas sans conséquence sur la qualité des soins prodigués dans les
établissements de soins frontaliers, en dépit des efforts permanents des
infirmières et aides-soignantes. C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir
prendre en compte ce problème d'une extrême gravité, dont l'acuité est avivée
par une démographie qui place la Haute-Savoie au troisième rang national pour
la progression de sa population, et de mettre en oeuvre, dans les meilleurs
délais, les moyens appropriés pour résoudre ces difficultés.
N° 1110. - M. Jean-Patrick Courtois appelle l'attention de M. le ministre
délégué à la santé sur la situation précaire des cliniques de Mâcon. En effet,
il existe une distorsion de tarifs importante des prix de journée entre les
cliniques et les hôpitaux au niveau national. Cette distorsion est encore
aggravée au sein des établissements privés de la Bourgogne, les cliniques de
Mâcon étant particulièrement défavorisées. En chirurgie, les prix de journée
des cliniques de Mâcon sont les plus bas de la région Bourgogne. Si la clinique
de Bourgogne, la mieux tarifée en chirurgie, bénéficie d'un prix de journée de
754,68 francs, le prix moyen de la région s'élève à 583,31 francs. Or les
cliniques mâconnaises disposent d'un prix de journée de 506,82 francs pour la
clinique du Val-Fleury et de 479,99 francs pour la clinique J.-B.-Denis. Cette
situation engendre, pour l'ensemble des personnels soignants de ces
établissements privés, une grande disparité entre les rémunérations qu'ils
perçoivent et celles de la fonction publique largement supérieures. Cet écart
du niveau des rémunérations qui oscille, selon les catégories de salariés,
entre 17 et 47 % a pour conséquence des difficultés de recrutement liées à la
fuite du personnel vers le service public et entraîne la fermeture partielle de
lits. Pour que les cliniques de Mâcon puissent répondre décemment aux besoins
de santé de la population et offrir à leurs salariés une rémunération juste et
équitable, un ajustement de leurs tarifs est indispensable. Si l'arrêté de
l'agence régionale de l'hospitalisation de Bourgogne ARH/CRAM/2001-01 du 30
avril 2001 a augmenté les forfaits de salle d'opération de la clinique du
Val-Fleury et de la clinique J.-B.-Denis, les portant à 23,58 francs, cette
mesure est encore largement insuffisante. Une revalorisation moyenne de 160
francs des prix de journée dans les différentes disciplines
médico-chirurgicales des cliniques de Mâcon est nécessaire pour répondre à
leurs obligations sociales et poursuivre leur modernisation. La pérennité des
cliniques de Mâcon est, en raison de ces difficultés économiques, sérieusement
menacée. Leur disparition serait dramatique, notamment en termes d'emploi et de
santé publique, d'autant que celles-ci prennent en charge, selon les dernières
statistiques publiées par la DRASS (direction régionale de l'action sanitaire
et sociale) de Bourgogne, plus de 66 % des soins chirurgicaux de la population
du bassin. En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui indiquer s'il
entend prendre promptement des mesures afin de revaloriser les prix de journée
dans les différentes disciplines médico-chirurgicales des cliniques de
Mâcon.
N° 1111. - M. Roland Courteau attire l'attention de M. le ministre de
l'agriculture et de la pêche sur la situation de crise, particulièrement
préoccupante, que traverse la viticulture française et, notamment, la filière
viticole du Languedoc-Roussillon. Comme il le sait, la viticulture constitue un
élément important de l'économie agricole par ses dimensions exportatrices,
socio-économiques, territoriales et culturelles. Or, l'on constate actuellement
la poursuite de la dégradation du marché qui s'étend, maintenant, à toutes les
catégories de vins. Ainsi, à trois mois des vendanges, les caves sont pleines,
les vins de pays et de table au prix plancher, les appellations en
difficulté... Face à cette situation, la profession qui demande, en urgence, le
renforcement du dispositif conjoncturel pour gérer les récoltes 2000 et 2001,
propose en responsabilité que s'engage, très rapidement, une négociation
portant sur cinq axes principaux, dans le cadre d'un contrat de filière
viticole entre producteurs et pouvoirs publics : interventions sur la
conjoncture, proposition expérimentale de maîtrise des quantités produites
après un retour progressif à l'équilibre, renforcement des moyens pour
accompagner les vignerons et accélérer la mutation des comportements, appel à
des dispositions d'accompagnement socio-structurel et renforcement du soutien à
la restructuration, aux investissements et à la reconquête sur les marchés.
C'est pourquoi il lui demande de lui faire connaître les dispositions et
initiatives qu'il entend mettre en oeuvre face à la situation inquiétante de la
filière viticole et la suite qu'il entend réserver aux propositions de la
profession, dans le cadre du contrat de filière viticole.
N° 1113. - M. José Balarello appelle l'attention de M. le ministre de la
fonction publique et de la réforme de l'Etat sur les difficultés rencontrées
par les autorités organisatrices de concours d'accès aux cadres d'emplois de la
fonction publique territoriale résultant de certaines contradictions entre les
dispositions du décret n° 85-1229 du 20 novembre 1985, modifié par le décret n°
2000-734 du 31 juillet 2000, relatif aux conditions générales de recrutement
des agents de la fonction publique territoriale et les décrets particuliers
fixant les conditions d'accès et les modalités d'organisation des concours de
certains cadres d'emplois. En effet, l'article 14 du décret de 1985 précité
dispose notamment que les « jurys comportent au moins six membres répartis en
trois collèges égaux représentant les fonctionnaires territoriaux, les
personnalités qualifiées et les élus locaux ». Parallèlement existent des
décrets régissant les concours d'accès à certains cadres d'emplois comportant
des dispositions qui ne peuvent être conciliées avec ce texte. A titre
d'exemple, on peut citer le décret n° 93-398 du 18 mars 1993 relatif aux
concours de la filière médico-sociale qui dispose en son article 4 que le «
jury comprend au moins trois membres et au plus cinq membres ». Les décrets
particuliers d'organisation des concours des cadres d'emplois précisent
également souvent de façon détaillée les titres au vu desquels des personnes
peuvent être désignées comme membre du jury et, le cas échéant, la procédure à
respecter pour leur désignation. Par exemple, l'article 6 du décret n° 94-932
du 25 octobre 1994 relatif au concours d'agent de police municipale prévoit la
participation au jury d'un magistrat de l'ordre judiciaire appartenant au siège
ou au parquet désigné sur proposition, selon le cas du premier magistrat de la
cour d'appel ou du procureur général près ladite cour d'appel dans le ressort
de laquelle se trouve le siège du centre de gestion compétent ou la commune
organisatrice du concours. Or le décret du 20 novembre 1985 modifié ne précise
pas si et dans quelle mesure, nonobstant le respect des trois collèges égaux et
de l'effectif minimal de six membres du jury, les autorités organisatrices de
concours doivent continuer à tenir compte de telles dispositions. La question
se pose pour les autorités organisatrices de concours de savoir, compte tenu de
ces discordances entre les textes, si elles ne doivent tenir compte que des
seules règles de composition des jurys fixées par le décret en Conseil d'Etat
n° 85-1229 du 20 novembre 1985 qui semblent devoir prévaloir sur les règles
fixées pour chaque cadre d'emploi par des décrets simples. Si tel n'est pas le
cas, il apparaît urgent de procéder à une harmonisation de ces différents
textes afin de clarifier le droit applicable en la matière et permettre aux
organisateurs de concours de composer leur jury à l'abri de tout risque
d'illégalité. Il lui demande de bien vouloir lui faire connaître son point de
vue sur cette question et les mesures éventuelles qu'il envisage de prendre
pour remédier à ces difficultés.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON
ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du mardi 19 juin 2001
SCRUTIN (n° 61)
sur la motion n° 1, présentée par M. Alain Vasselle au nom de la commission des
affaires sociales, tendant à opposer la question préalable au projet de loi,
adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture,
relatif à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à
l'allocation personnalisée d'autonomie.
Nombre de votants : | 298 |
Nombre de suffrages exprimés : | 298 |
Pour : | 199 |
Contre : | 99 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (17) :
Contre :
17.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :
Contre :
5. _ MM. Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard
Delfau et François Fortassin.
N'ont pas pris part au vote :
18.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :
Pour :
98.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Christian Poncelet, président du
Sénat.
GROUPE SOCIALISTE (77) :
Contre :
77.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (51) :
Pour :
49.
N'ont pas pris part au vote :
2. _ MM. Francis Grignon et Michel
Mercier.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (46) :
Pour :
45.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Jean-Claude Gaudin, qui présidait
la séance.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :
Pour :
7.
Ont voté pour
Nicolas About
Philippe Adnot
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
José Balarello
Janine Bardou
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Laurent Béteille
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Jean Boyer
Louis Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Jacques Donnay
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Louis Grillot
Georges Gruillot
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Alain Hethener
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Charles Jolibois
André Jourdain
Alain Joyandet
Roger Karoutchi
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Kléber Malécot
André Maman
Max Marest
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Louis Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Jacques Oudin
Michel Pelchat
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
Alain Vasselle
Albert Vecten
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac
Ont voté contre
Guy Allouche
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Yvon Collin
Gérard Collomb
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
François Fortassin
Thierry Foucaud
Serge Godard
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Alain Journet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
Louis Le Pensec
Pierre Lefebvre
André Lejeune
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Marc Massion
Pierre Mauroy
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Roland Muzeau
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Paul Raoult
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Pierre-Yvon Tremel
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
N'ont pas pris part au vote
Georges Berchet
Jacques Bimbenet
Guy-Pierre Cabanel
Fernand Demilly
Jean-Pierre Fourcade
Jean François-Poncet
Paul Girod
Francis Grignon
Pierre Guichard
Bernard Joly
Pierre Laffitte
Michel Mercier
Aymeri de Montesquiou
Georges Mouly
Georges Othily
Lylian Payet
Jacques Pelletier
Jean-Marie Rausch
Raymond Soucaret
André Vallet
N'ont pas pris part au vote
MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Jean-Claude Gaudin, qui
présidait la séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 299 |
Nombre des suffrages exprimés : | 299 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 150 |
Pour : | 200 |
Contre : | 99 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.