SEANCE DU 12 JUIN 2001
M. le président.
« Art. 35. - Sous l'autorité du Premier ministre, le ministre chargé des
finances prépare les projets de loi de finances, qui sont délibérés en Conseil
des ministres. »
Par amendement n° 124, M. Lambert, au nom de la commission, propose de
supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Un psychodrame se prépare !
(Sourires.)
M. le président.
Nous allons le vivre dans la sérénité du petit matin.
(Nouveaux sourires.)
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Depuis que je siège au Sénat, j'ai la chance d'avoir pour
interlocuteur principal le ministère des finances. Je ne voudrais pas que cet
amendement apparût comme une atteinte à ses prérogatives.
Cet article pose le principe de la compétence du ministre chargé des finances
pour la préparation des projets de loi de finances. Il a semblé à la commission
des finances que cela allait de soi.
La commission a par ailleurs considéré que la définition des compétences des
membres du Gouvernement relevait non pas d'une loi organique, mais d'un
décret.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous avons déposé cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Cet amendement, extrêmement important, vise à
supprimer l'article 35, qui précise que « sous l'autorité du Premier ministre,
le ministre chargé des finances prépare les projets de loi de finances, qui
sont délibérés en conseil des ministres ». Vous comprendrez aisément que je ne
puisse pas y être favorable.
Si cet article n'est effectivement pas indispensable à la préparation des
projets de loi de finances, il reflète malgré tout assez bien la réalité
administrative de ce pays qui veut que le ministre des finances prépare les
projets de loi de finances.
Sans faire de psychodrame, monsieur le président, je voulais attirer néanmoins
votre attention sur le caractère hautement symbolique de cette suppression.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 124.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Monsieur le président, je ne sais pas vraiment ce que l'on cherche avec cet
amendement.
L'article 35 reprend une disposition qui figure dans la loi organique de 1959
et qui va de soi : « Le ministre des finances est chargé du budget. » Si on ne
l'écrit pas, cela va de soi tout de même.
S'il s'agit de dire qu'au fond c'est le décret de nomination des membres du
Gouvernement qui définit leurs compétences, ce qui est ma thèse depuis
toujours, après tout, ce n'est peut-être pas la peine de le répéter. Mais s'il
s'agit de dire qu'on veut laisser la possibilité au Premier ministre de
préparer lui-même la loi de finances, j'y suis défavorable.
M. le président Lambert a certes le droit de rêver ! J'ai moi-même participé à
des dizaines de congrès du parti socialiste - c'était avant d'être aux affaires
en 1981 - où l'on écrivait que la direction du budget devait être rattachée au
Premier ministre.
Nous ne l'avons jamais fait, et pour cause ! On n'imagine pas le Premier
ministre aller s'embarquer dans ce genre d'activité qui, tous les jours, exige
un travail soutenu et qui ne lui laisserait pas le temps de faire autre
chose.
Par conséquent, il y a une certaine naïveté dans cette démarche. Mais, si cela
va au-delà de la naïveté, si c'est plus symbolique, alors je dirai franchement
: « Arrêtons de démolir l'Etat, arrêtons de démolir l'organisation de l'Etat.
»
M. Jacques Chaumont.
Très bien !
M. Michel Charasse.
Je le dis d'autant plus volontiers qu'en supprimant l'article 35 nous
n'interdirons pas au Premier ministre de laisser le soin à son ministre des
finances de faire, comme cela se fait depuis Philippe Le Bel, c'est-à-dire de
préparer ce qu'on appelait à l'époque le budget depuis la République et la loi
de finances.
Par conséquent, vraiment, je ne vois pas l'intérêt de cet amendement, sauf
s'il traduit une démarche que je n'imagine pas de la part du rapporteur et qui
consisterait à remettre en cause la structure et le fonctionnement de
l'Etat.
On peut vouloir que ce soit le secrétaire d'Etat aux rapatriés qui prépare le
budget. Pourquoi pas ? Après tout, il est sûrement aussi capable que d'autres,
sauf qu'il ne dispose pas vraiment des services compétents et que ce n'est pas
de sa responsabilité.
Cet article figure dans l'ordonnance de 1959 qui a été voulue et signée par le
fondateur de la Ve République. Il doit avoir un sens. Moi qui n'ai jamais été
un gaulliste acharné sur un certain nombre de plans, je conserve quand même la
nostalgie d'un certain sens de l'Etat qui prévalait alors.
(M. Chaumont
applaudit.)
M. Yann Gaillard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard.
Sur ce point, je ne suis pas très loin de partager l'opinion de M. Charasse.
Ce qui me trouble, c'est qu'effectivement la phrase en question figure déjà
dans l'ordonnance de 1959, Sa suppression a donc un sens, mais je ne vois pas
lequel.
M. Michel Charasse.
Et voilà !
M. Jacques Chaumont.
Très bien !
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Je suis en cet instant d'une humeur qui ne me porte pas au
psychodrame.
M. Michel Charasse.
Cela vaut mieux !
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Je voudrais simplement dire que, dans les textes qui
régissent la loi de financement de la sécurité sociale, il n'est pas précisé
que ce texte est présenté par le ministre des affaires sociales. Cela étant,
si, véritablement, c'est une question qui heurte la conscience du Sénat, il
faut que chacun se détermine en conscience.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 124, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 35.
(L'article 35 est adopté.)
Chapitre Ier
Du projet de loi de finances de l'année
et des projets de loi de finances rectificative
Article 36