SEANCE DU 12 JUIN 2001
M. le président.
« Art. 28. - Aucune loi, aucun décret ayant une incidence financière pour le
budget de l'Etat ne peut être publié sans une annexe financière précisant ses
conséquences au titre de l'année de publication et l'année suivante.
« Lorsque des dispositions d'ordre législatif ou réglementaire sont
susceptibles d'affecter les ressources ou les charges de l'Etat dans le courant
de l'année, leurs conséquences sur l'équilibre financier doivent être prises en
compte dans la plus prochaine loi de finances afférente à cette année. »
Par amendement n° 201, M. Charasse propose, au début du premier alinéa de cet
article, d'ajouter les mots : « Sauf pour les sujets de caractère secret
concernant les grands intérêts nationaux de la France. »
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
L'article 28, dans son premier alinéa, précise qu'« aucune loi, aucun décret
ayant une incidence financière pour le budget de l'Etat ne peut être publié
sans une annexe financière précisant ses conséquences au titre de l'année de
publication et l'année suivante ».
Il me paraît de sage précaution de faire précéder cette obligation de la
mention : « sauf pour les sujets de caractère secret concernant les grands
intérêts nationaux de la France ».
Je vois mal en effet certains décrets d'avance concernant la DGSE ou des
activités touchant à nos services spéciaux, faire l'objet d'un rapport
explicatif publié au
Journal officiel.
Voilà ce que vise l'amendement
n° 201.
Je sais bien que la mode est à la transparence, mais je sais aussi que les
pays qui plaident le plus pour la transparence dans le monde - je pense en
particulier aux Etats-Unis - ne sont pas ceux qui la pratiquent le plus pour ce
qui les concerne. Ils ont l'habitude de conserver précieusement le secret sur
leurs petites affaires, tout en exigeant des autres qu'ils montrent tout, et
même au-delà.
Par ailleurs, comme je crois avoir déjà eu l'occasion de le dire à M. le
président de la commission des finances, cet amendement doit viser tout au plus
cinq ou six textes dans l'année, ce qui n'est pas un chiffre astronomique.
En outre, M. le rapporteur général de la commission des finances peut toujours
se faire communiquer tous les documents dans le cadre des pouvoirs de contrôle
qui sont les siens.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert,
rapporteur.
M. Charasse sait que je ne suis pas particulièrement partisan
de donner des leçons de vertu en matière de transparence, ni même en matière de
repentance. Je suis pour ma part trop rustique pour y trouver matière à
rédemption.
M. Michel Charasse.
Nous n'avons pas de complexes !
M. Alain Lambert,
rapporteur.
C'est cela la rusticité : ne pas avoir des complexes !
Cela étant, vous semblez craindre, monsieur Charasse, que nous ne voulions
divulguer un certain nombre d'informations qui sont, par essence,
consubstantiellement, à caractère secret. Ce n'était pas du tout notre
intention.
Il s'agit en l'occurrence de prévoir une information qui est relative aux
conséquences financières des lois et décrets - quand on lit l'article en son
entier, on s'aperçoit que ce n'est que cette préoccupation qui nous anime - ce
qui ne me semble pas remettre en cause le secret de certaines dispositions qui
sont arrêtées par l'exécutif, l'information étant limitée aux décrets et lois
publiés au
Journal officiel.
Il sera intéressant d'entendre le point de
vue du Gouvernement sur ce sujet.
Il ne s'agit pas, pour notre commission, je le répète, de connaître les
conséquences financières de certaines dispositions auxquelles, comme vous le
disiez, nous avons moyen d'accéder.
Il s'agit simplement de veiller à ce que des informations sur l'ensemble des
lois et décrets qui ont une incidence financière pour l'Etat soient portées à
la connaissance du Parlement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
J'entends bien la lecture qui vient d'être faite de
l'article 28 par M. le président de la commission des finances. Néanmoins, il
me semble que la précision apportée par l'amendement n° 201 est bienvenue. Si
elle n'était pas apportée, compte tenu du caractère englobant de la rédaction
de l'article 28, je crains en effet que le contenu de l'annexe qu'il
conviendrait de produire n'ait un caractère très largement conventionnel.
Comme je crois que nous avons tous le souci de mettre en oeuvre des
dispositions qui fonctionnent et qui apportent un « plus » par rapport à la
situation actuelle, cette précision me paraît de bon aloi.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 201.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Si j'ai bien compris ce qu'a dit M. le rapporteur, je ne parviens toujours pas
à comprendre si l'article 28 vise les seuls textes qui sont publiés - et donc
pas ceux qui ne le sont pas - ou impose la publication de tous les textes. Or,
c'est bien là qu'est le problème.
Aujourd'hui, monsieur le rapporteur, certains décrets d'ouverture de crédits
complémentaires, par exemple à la DGSE, ne sont pas publiés et pourtant ils ne
comportent pas d'annexe explicative. Dans leur cas, on considère que le secret
défense serait violé, puisque la parution au
Journal officiel
de
certaines ouvertures de crédits pourrait donner lieu à un examen attentif de la
part de ceux et de celles qui, dans le monde, s'intéressent à ce type
d'activités.
J'ai gardé le souvenir de quatre ou cinq décrets non publiés par an. Si
l'article 28 avait pour effet de rendre obligatoire la publication de tels
décrets, ce serait dangereux. Si, en revanche, l'article 28 signifie que, quand
les décrets sont publiés, ils doivent comporter une annexe explicative
(M.
Yann Gaillard opine)
, dans ce cas, je n'y suis pas opposé mais je pense
qu'il vaut mieux que cette interprétation apparaisse dans le
Journal
officiel
.
J'ajoute que la non-publication n'est pas assortie de sanctions. Il vaut donc
mieux que le Gouvernement sache exactement ce que le Parlement lui demande ou
exige de lui.
M. Bernard Angels.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Angels.
M. Bernard Angels.
Monsieur Lambert, je comprends vos remarques, mais la lecture de l'article 28
risque d'entraîner une interprétation différente de celle que vous avez donnée.
Il serait donc plus prudent de voter l'amendement de M. Charasse.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
L'insistance de mes collègues sur ce point m'amène à préciser
que si les textes ne sont pas publiés la question ne se pose pas.
A force de vouloir en rajouter, les textes seront illisibles. Pourquoi
pensez-vous que je sois, et la commission sur mon invitation, habité de cette
espèce de « tornade blanche » que vous semblez craindre ? Cette « tornade
blanche », elle me révulse, monsieur Charasse, c'est un simple effet de
mode.
M. Michel Charasse.
Nous sommes en phase, cher ami !
M. Alain Lambert,
rapporteur.
De toute façon, ceux qui tentent de se servir de cette
tornade finiront bien par s'envoler ! Dans cette maison, on est plus sage.
Nous sommes en train de discuter d'une proposition de loi organique qui vise,
comme M. Bernard Angels l'a dit à l'occasion de son explication de vote il y a
un instant, même si je ne suis pas d'accord sur la totalité de son
intervention,...
M. Bernard Angels.
Nous sommes d'accord à 95 % !
M. Alain Lambert,
rapporteur.
... à faire en sorte que les relations entre l'exécutif et le
Parlement soient revisitées pour que le rôle de l'un et de l'autre soit propice
et fructueux pour le bien de la démocratie.
Il ne s'agit pas de livrer à l'opinion publique un certain nombre
d'informations et de désarmer l'exécutif, c'est le contraire de mes
convictions. Il s'agit en la circonstance de faire en sorte que certains ne
soient pas tentés - pas vous, madame la secrétaire d'Etat, je l'imagine bien,
mais vos nombreux successeurs - de se servir de temps en temps de dispositions
comme celle-ci pour y caser des mesures qu'il ne serait pas agréable que le
Parlement connaisse.
Je tiens à préciser que si les textes ne sont pas publiés, la question ne se
pose pas.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
L'article 28, que je viens de relire, précise bien qu'aucune loi, aucun décret
ayant une incidence financière ne peut être publié sans une annexe. Puisque M.
le président Lambert affirme que cela n'oblige pas à la publication, et que
seule la publication implique les explications, je retire mon amendement.
Cette question méritait ces éclaircissements !
M. Yann Gaillard.
Par définition, un texte secret n'est pas publié !
(Sourires.)
M. Michel Charasse.
Il vaut mieux le dire !
M. le président.
L'amendement n° 201 est retiré.
Par amendement n° 91, M. Lambert, au nom de la commission des finances,
propose, dans le premier alinéa de l'article 28, de supprimer les mots : « le
budget de ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Après cette concision confondante, monsieur le président, je
me bornerai à dire que cet amendement apporte une modification purement
rédactionnelle.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Avis favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 91, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 92, M. Lambert, au nom de la commission, propose de rédiger
ainsi la fin du premier alinéa de l'article 28 : « au titre de l'année d'entrée
en vigueur et de l'année suivante. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 92, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 202, M. Charasse propose, au début du second alinéa de
l'article 28, d'ajouter les mots : « Sous réserve des dispositions de l'article
14 de la présente loi organique, ».
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
A cet article, il est utile de rappeler qu'il y a une possibilité de faire ce
que l'article 28 ne recommande pas à l'article 14. Par conséquent, cet
amendement résout une question de coordination entre deux articles.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert,
rapporteur.
J'avais pensé que c'était évident, mais je n'ai rien contre
cet amendement, sauf qu'il alourdit le texte. Je m'en remettrai donc à la
sagesse du Sénat.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Je me rallie à la position de M. le rapporteur :
sagesse.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 202, pour lequel la commission et le
Gouvernement s'en remettent à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 93, M. Lambert, au nom de la commission, propose, dans le
second alinéa de l'article 28, de remplacer les mots : « leurs conséquences sur
» par les mots : « les conséquences de chacune d'entre elles sur les
composantes de ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Cet amendement vise à préciser que les conséquences
financières des dispositions d'ordre législatif et réglementaire doivent être
évaluées au regard non pas seulement de l'équilibre budgétaire, mais des
composantes de cet équilibre, afin que l'information ainsi fournie indique
précisément la nature des conséquences financières des dispositions.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Avis favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 93, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 94, M. Lambert, au nom de la commission, propose, dans le
second alinéa de l'article 28, de remplacer les mots : « prises en compte » par
les mots : « évaluées et autorisées ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Cet amendement vise à préciser que les conséquences
financières des dispositions affectant les ressources ou les charges de l'Etat
doivent non pas seulement être prises en compte, mais évaluées et autorisées
par la plus prochaine loi de finances. Cette précision vise à renforcer l'idée
d'exhaustivité des autorisations données par les lois de finances.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 94, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 28, modifié.
(L'article 28 est adopté.)
Article 29