SEANCE DU 5 JUIN 2001


M. le président. « Art. 1er. - I. - L'article 12 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat est ainsi rédigé :
« Art. 12 . - Les services de l'Etat, des régions et des départements peuvent, dans les conditions prévues par le code des marchés publics, apporter leur concours technique aux communes, à leurs établissements publics et aux établissements publics de coopération intercommunale pour l'exercice de leurs compétences. »
« II. - L'article 7 de la loi n° 92-125 du 6 février 1992 d'orientation relative à l'administration territoriale de la République est ainsi rédigé :
« Art. 7 . - Les services déconcentrés et les services à compétence nationale de l'Etat peuvent, dans les conditions prévues par le code des marchés publics, concourir par leur appui technique aux projets de développement économique, social et culturel des collectivités territoriales et des établissements publics. »
« III. - Après l'article 7 de la même loi, il est inséré un article 7-1 ainsi rédigé :
« Art. 7-1 . - Les communes et leurs groupements qui ne disposent pas, du fait de leur taille et de leurs ressources, des moyens humains et financiers nécessaires à l'exercice de leurs compétences dans les domaines de la voirie, de l'aménagement et de l'habitat bénéficient, à leur demande, pour des raisons de solidarité et d'aménagement du territoire, d'une assistance technique fournie par les services de l'Etat, dans des conditions définies par une convention passée entre le représentant de l'Etat et, selon le cas, le maire ou le président du groupement.
« Un décret en Conseil d'Etat précise les critères auxquels doivent satisfaire les communes et groupements de communes pour pouvoir bénéficier de cette assistance technique, ainsi que le contenu et les modalités de rémunération de cette assistance. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. L'article 1er traite de la commande publique, et ce sujet très technique a suscité le dépôt d'un certain nombre d'amendements, dont la présentation pourrait être mal comprise si l'on n'a pas en tête l'architecture du dispositif proposé.
L'article 1er comporte trois paragraphes. Le I et le II traitent des prestations d'ingénierie publique réalisées par les services de l'Etat ou des collectivités locales dans le champ concurrentiel, et cela en application, notamment, des directives communautaires relatives aux services. Le paragraphe III traite de ce que l'on désigne sous l'expression d'assistance technique à la gestion communale : il s'agit de l'ensemble des prestations réalisées par les services de l'Etat en dehors du champ concurrentiel et en faveur des petites communes.
Pour la clarté de nos débats, mes chers collègues, il convient de bien garder présente à l'esprit cette distinction entre, d'une part, le champ concurrentiel, et d'autre part, le champ dérogatoire au droit de la concurrence.
M. le président. La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Avec cet article et la réforme du code des marchés publics réalisée par le décret du 7 mars 2001, l'application des règles de la concurrence aux contrats conclus entre personnes publiques prend une portée dont nous aimerions mesurer toute l'ampleur.
Peu, très peu d'exceptions sont prévues en faveur de ces contrats, lorsqu'ils portent sur l'achat de prestations de services, de travaux et de fournitures.
Il y a le cas des prestations qui ne peuvent être accomplies que par un cocontractant, titulaire d'un droit exclusif lui réservant l'exercice de l'activité concernée. Figurent aussi les prestations fournies par un cocontractant soumis au contrôle de la personne qui attribue le marché, à l'instar des services de celle-ci. Est également prévu le cas des services d'intérêt économique général.
Nous souhaitons que ces exceptions soient interprétées de la manière la plus extensive possible.
Nous espérons en outre qu'une solution sera trouvée pour écarter l'application du droit de la commande publique lorsque les conventions sont issues d'un partenariat entre les collectivités. Nos collègues socialistes formulent d'ailleurs une demande similaire.
Qu'en est-il de l'exception prévue dans cet article 1er ?
Les communes de petite dimension auraient la possibilité de solliciter l'assistance technique par le biais de simples conventions. S'agit-il simplement de poursuivre la réforme de l'assistance technique ? Ou bien s'agit-il, tout en la poursuivant, de prévoir la seule exception notable, en dehors du droit exclusif dont dispose encore quelques services publics, à l'application du droit de la commande publique aux conventions conclues entre personnes publiques ? Si tel est le cas, il convient d'élargir considérablement le champ de cette exception.
Bien que vous aussi, mesdames, messieurs de la majorité, vous proposiez un élargissement du champ de cette exception, nous ne nous inscrivons absolument pas dans la même logique.
Nous souhaitons, en effet, prémunir les communes contre une libéralisation des échanges susceptible, à terme, de nuire à l'exercice de leurs compétences. S'il est question de leur garantir une sorte de service universel, autant qu'il soit généreux !
Vous, mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale, vous cherchez au contraire à accroître l'emprise du droit de la concurrence sur le secteur public : tous vos amendements vont dans ce sens. Ainsi en est-il du renvoi exprès au code des marchés publics, pourtant superflu.
De même, par vos amendements visant à conforter une jurisprudence du Conseil d'Etat relative à la formation des prix, vous tentez de travestir les prestataires de services en niant leur appartenance au secteur public.
Outre que cette disposition est porteuse de difficultés et annonce des contentieux susceptibles de freiner le recours aux services rendus par une personne publique, elle impose aux prestataires de services un mimétisme absurde dans le calcul du coût de son offre. C'est de la fiction !
Quant à l'extension du champ des prestataires de services potentiels, elle est, dans votre esprit, promesse d'une généralisation des usages du privé dans le public.
Tous ces amendements conforteraient alors la banalisation des personnes publiques, les assimilant à des entreprises dans l'accomplissement de missions de service public.
M. le président. Par amendement n° 70 rectifié, MM. Eckenspieller, François, Murat, Fournier, Joyandet, Dufaut et Cazalet proposent de rédiger comme suit le texte présenté par le I de l'article 1er pour l'article 12 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 :
« Art. 12. - Les services de l'Etat, des régions et des départements peuvent apporter gratuitement leur concours technique aux communes et à leurs groupements qui le demandent pour l'exercice de leurs compétences. Une convention est passée, selon le cas, entre le représentant de l'Etat, le président du conseil régional ou du conseil général avec le maire ou le président de l'établissement public pour définir les conditions de mise en oeuvre d'un concours technique.
« Les services de l'Etat, des régions et des départements peuvent également accomplir pour les communes, leurs établissements publics et les établissements publics de coopération intercommunale, des missions de conduite d'opération. Une convention est passée, selon le cas, entre le représentant de l'Etat, le président du conseil régional ou du conseil général avec le maire ou le président de l'établissement public pour définir les conditions de réalisation de cette mission.
« Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'application du présent article, et notamment le contenu des conventions nécessaires. »
Cet amendement est-il soutenu ?...
Par amendement n° 57, M. Othily propose, dans le texte présenté par le I de l'article 1er pour l'article 12 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983, de supprimer les mots : « , dans les conditions prévues par le code des marchés publics, ».
La parole est à M. Othily.
M. Georges Othily. La rédaction proposée par le Gouvernement instaure le cadre des règles de la commande publique, et donc des règles de la concurrence, défini à l'article 12 de la loi du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat, sans dérogation, réaffirme ce cadre dans l'article 7 de la loi du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République et introduit dans cette même loi un article 7-1 de dérogation à ce cadre.
Cette situation conduit à une incertitude sur l'interprétation, compte tenu de la hiérarchie des actes juridiques. Il convient donc de modifier la rédaction proposée par le Gouvernement pour l'article 12 afin de prendre en compte les dérogations législatives existantes, celles que prévoit par le projet de loi portant MURCEF et celles qui pourront être décidées à l'avenir, tant on ne peut exclure que le législateur agisse dans ce champ, notamment dans le cadre de la décentralisation.
Tel est l'objet de mon amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La précision que souhaite apporter notre collègue M. Othily relève du domaine de l'analyse juridique : il souhaite en quelque sorte être conforté dans son analyse.
Pour ma part, je pense que la disposition qu'il propose n'est pas indispensable, car le code des marchés publics est de valeur réglementaire et, de ce fait, ne saurait s'appliquer en contravention d'une disposition législative explicite.
Il me semble donc - mais M. le secrétaire d'Etat le confirmera sans doute - que notre collègue peut être rassuré. Je lui demande donc de retirer son amendement, qui me paraît satisfait par le droit positif existant.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. J'émettrai le même avis que M. le rapporteur général, d'autant qu'un avis du Conseil d'Etat fait explicitement référence à la fois à l'ordonnance du 2 décembre 1986 concernant la concurrence et au code des marchés publics. C'est donc à bon escient que le texte du projet de loi contient les mots : « , dans les conditions prévues par le code des marchés publics, ».
Comme M. le rapporteur général, je tiens, monsieur le sénateur, à vous rassurer sur ce point.
M. le président. Monsieur Othily, l'amendement n° 57 est-il maintenu ?
M. Georges Othily. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 57 est retiré.
Par amendement n° 23, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose, dans le texte présenté par le I de l'article 1er pour l'article 12 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983, de remplacer les mots : « établissements publics de coopération intercommunale » par les mots : « établissements publics de coopération locale ».
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement vise à élargir le champ du dispositif à l'ensemble des établissements publics de coopération locale, en particulier, aux syndicats mixtes.
Si cet amendement devait ne pas être adopté, on aboutirait à une étrange situation puisque les syndicats mixtes pourraient faire appel aux services de l'Etat, comme la loi de février 1992 les y autorise, mais non à ceux des départements et des régions.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je comprends bien la préoccupation exprimée par M. Marini.
Peuvent être rangés parmi les « établissements publics de coopération locale », encore que ce ne soit pas tout à fait certain, les établissements publics de coopération intercommunale, au sens où l'entend le texte dans sa rédaction actuelle, et les syndicats mixtes.
Toutefois, je reste quelque peu perplexe, car il existe deux catégories de syndicats mixtes : les syndicats mixtes dits « ouverts » et les syndicats mixtes dits « fermés ». Les premiers comprennent des établissements publics tels qu'une chambre de commerce et d'industrie, les seconds sont composés uniquement de communes, de groupements de communes ou d'autres catégories de collectivités territoriales.
Je suis donc très dubitatif et, dans le doute, monsieur le rapporteur général, je demande au Sénat de ne pas vous suivre avant que j'aie pu examiner au fond les conséquences concrètes de cet amendement. Votre explication, pour pertinente qu'elle soit, ne suffit pas à apaiser mes éventuelles inquiétudes concernant les différents cas de figure que je viens d'évoquer.
Je suis donc défavorable à cet amendement.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je voudrais tout d'abord préciser que les établissements publics de coopération locale sont ceux qui sont recensés dans la cinquième partie du code général des collectivités territoriales ; une référence précise à ce sujet y figure.
Mon amendement portait sur l'ensemble de ces établissements. Si M. le secrétaire d'Etat trouve préférable de ne viser que les syndicats mixtes « fermés » tels qu'il vient de les définir, je pense pouvoir faire violence à la commission des finances et rectifier l'amendement n° 23 de telle sorte que, outre les établissements publics de coopération intercommunale, seuls les syndicats mixtes « fermés » soient compris dans le champ d'application de la mesure proposée.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. La proposition de M. le rapporteur général est judicieuse. Je m'en remets donc à la sagesse du Sénat.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le président, je demande une suspension de séance de quelques instants afin de rectifier l'amendement.
M. le président. Le Sénat va bien sûr accéder à votre demande.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante-cinq, est reprise à dix-neuf heures.)