SEANCE DU 31 MAI 2001
M. le président.
« Art 13. - I. - Le premier alinéa du I de l'article 39 de la loi n° 86-1067
du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est remplacé par
trois alinéas ainsi rédigés :
« Une même personne physique ou morale agissant seule ou de concert ne peut
détenir, directement ou indirectement, plus de 49 % du capital ou des droits de
vote d'une société titulaire d'une autorisation relative à un service national
de télévision diffusé par voie hertzienne terrestre dont l'audience moyenne
annuelle par voie hertzienne terrestre, par câble et par satellite, tant en
mode analogique qu'en mode numérique, dépasse 2,5 % de l'audience totale des
services de télévision.
« Pour l'application de l'alinéa précédent, l'audience de chacun des
programmes consistant, au sens du 14° de l'article 28, en la rediffusion,
intégrale ou partielle, par voie hertzienne terrestre, par câble et par
satellite, d'un service de télévision diffusé est comptabilisée conjointement
avec celle du service rediffusé.
« Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'application du présent
article. Il fixe notamment les conditions dans lesquelles le Conseil supérieur
de l'audiovisuel constate la part d'audience des services de télévision et, en
cas de franchissement du niveau d'audience mentionné ci-dessus, impartit aux
personnes concernées un délai qui ne peut être supérieur à un an, pour se
mettre en conformité avec la règle précitée. »
« II. - Le III de l'article 30-1 de la même loi est complété par un alinéa
ainsi rédigé :
« Lorsque le Conseil supérieur de l'audiovisuel autorise un ou plusieurs
programmes consistant, dans les conditions prévues au 14° de l'article 28, en
la rediffusion, intégrale ou partielle, d'un service de télévision diffusé par
voie hertzienne terrestre, chacun de ces programmes est considéré, pour
l'application du troisième alinéa de l'article 41, comme faisant l'objet d'une
autorisation distincte. »
« III. - Le troisième alinéa de l'article 41 de la même loi est ainsi rédigé
:
« Toutefois, une même personne peut être titulaire, directement ou
indirectement, d'un nombre maximal de cinq autorisations relatives chacune à un
service ou programme national de télévision diffusé par voie hertzienne
terrestre en mode numérique lorsque ces services ou programmes sont édités par
des sociétés distinctes ou lorsqu'ils sont autorisés dans les conditions
prévues au dernier alinéa du III de l'article 30-1. Lorsque cette personne
bénéficie d'une autorisation de reprise intégrale et simultanée de services de
télévision dans les conditions prévues au deuxième alinéa du III de l'article
30-1, ce nombre maximal d'autorisations est ramené à quatre. »
« IV. - Dans le premier alinéa du I de l'article 30-5 de la même loi, la
référence : "20-3" est remplacée par la référence : "95". »
« V. - Dans le premier alinéa de l'article 41-2-1 de la même loi, après les
mots : "aucune autorisation", sont insérés les mots : "autre que nationale".
»
Sur l'article, la parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud.
Cet article traite d'une question de toute première importance puisqu'il vise
à soutenir les débuts de la télévision numérique de terre en confortant la
position des opérateurs privés.
Depuis que se précisent les modalités de lancement de cette nouvelle
technologie, les opérateurs privés de télévision dits « historiques » ont fait
connaître leurs réticences à se lancer dans la télévision numérique de terre si
la disposition figurant à l'article 39 de la loi du 30 septembre 1986 relative
à la liberté de communication n'était pas aménagée.
Cette disposition limite à 49 % les parts de capital qu'un même opérateur de
télévision par voie hertzienne peut détenir. Elle est primordiale pour garantir
le pluralisme dans le cadre de la ressource limitée en fréquences dans le
domaine du hertzien analogique. Elle me semble, en revanche, inadaptée à la
diffusion des chaînes thématiques des opérateurs privés en numérique hertzien
de terre, où la ressource sera environ six fois supérieure à celle qui est
actuellement disponible en analogique.
Ces chaînes ont été créées pour être distribuées sur le câble ou diffusées par
satellite, supports pour lesquels le dispositif des 49 % ne s'applique pas.
Elles sont donc souvent détenues à 100 % par la société mère. Si ce dispositif
n'était pas aménagé aujourd'hui, les opérateurs concernés devraient revendre 51
% des parts de leurs chaînes pour pouvoir les diffuser en mode numérique.
Les opérateurs privés ne peuvent participer au projet numérique sans s'appuyer
sur leurs chaînes thématiques ; ils ne peuvent pas mener une réorganisation du
capital de ces chaînes et, dans le même temps, se lancer sereinement dans ce
nouveau défi.
Comme le Gouvernement, je souhaite réserver un rôle moteur aux chaînes
publiques dans le domaine du numérique terrestre, et je souhaite également
favoriser l'essor des nouveaux entrants. Mais il me semble inconcevable et
irréaliste de lancer la télévision numérique de terre en France en se passant
de la participation des opérateurs privés historiques, qui jouent un rôle
irremplaçable à côté du secteur public et sont les garants d'un savoir-faire.
Leur participation au projet numérique dans les meilleures conditions est
légitime.
Cette position n'est pas nouvelle de la part du groupe socialiste, puisque,
lors des débats précédant l'adoption de la loi du 1er août 2000 modifiant la
loi du 30 septembre 1986, les sénateurs socialistes avaient déposé un
amendement proposant une solution pour que les opérateurs privés puissent
déroger à la règle des 49 % sous certaines conditions de seuil d'audience
global pour un même opérateur.
Compte tenu des audiences enregistrées par les groupes français qui ont été
constatées, nous avions fixé la barre à 30 millions d'auditeurs réels - et non
pas potentiels, car toute autorisation aurait alors été concernée. N'oublions
pas qu'un multiplexe desservira entre 60 % et 100 % de la population, soit
entre 40 et 60 millions d'habitants.
Au-dessous de ce seuil de téléspectateurs, la règle des 49 % ne s'appliquait
qu'à l'autorisation en
simulcast
.
Je dois rappeler qu'à l'époque - c'était lors de la deuxième lecture au Sénat
- notre proposition d'assouplissement du dispositif de l'article 39 de la loi
de 1986 n'avait pas reçu l'écho favorable que nous aurions souhaité ; en
dernière lecture, d'autres voix s'étaient jointes à celle du groupe socialiste
pour réclamer cet aménagement, mais en vain !
Je ne peux donc que me réjouir aujourd'hui, un an plus tard, en constatant que
nous avons fait des émules et que, dans le cadre un peu « fourre-tout » du
DDOSEC, nous pouvons aujourd'hui envisager l'assouplissement de cette règle des
49 %, dont j'ai rappelé l'importance tout à l'heure.
J'ai entendu les remarques de la commission lors de la discussion générale
quant à la probable inconstitutionnalité du dispositif proposé par le
Gouvernement ; je ne saurais, pour ma part, cautionner celui qu'elle propose,
qui est fondé sur l'arbitraire et ne permet pas aux opérateurs privés de
développer des services diversifiés en mode numérique hertzien.
Le raisonnement du rapporteur sur les motifs d'inconstitutionnalité du
dispositif anti-concentration du Gouvernement ne m'a guère convaincue.
Cependant, si, par malheur, son analyse devait être validée, la mesure proposée
il y a un an par les sénateurs socialistes pourrait être de nouveau étudiée.
Elle reprenait un modèle juridiquement incontesté qui a fait ses preuves,
puisqu'il s'applique aux radios et figure à l'article 41 de la loi du 30
septembre 1986.
Cela étant, nous sommes satisfaits qu'un obstacle majeur au lancement en
France de la télévision numérique de terre soit enfin levé, par la volonté
gouvernementale. J'espère que la solution qui sera finalement retenue permettra
à tous les types d'opérateurs, qu'il s'agisse des opérateurs publics, privés
dits « historiques » ou des nouveaux entrants, de se lancer avec succès dans la
télévision numérique de terre, de manière à offrir davantage de services à
l'ensemble des télespectateurs et des citoyens français.
M. le président.
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les questions
restent toujours entières lors de l'examen de ce type de textes, car les
dispositions qu'ils contiennent ont une la portée extrêmement généraliste.
S'agissant de l'audiovisuel public, il nous est proposé de réaménager le
dispositif des seuils anticoncentration de 49 % afin de favoriser l'arrivée du
numérique hertzien. D'une certaine manière, ce point illustre les manques du
réexamen de la loi relative à la liberté de communication.
Comme nous l'avons demandé à plusieurs reprises, madame la ministre, mes chers
collègues, plutôt que de légiférer au coup par coup sur l'audiovisuel public,
ne serait-il pas préférable de reprendre le chantier de l'examen d'un texte sur
l'audiovisuel public et sur les industries de programmes dans notre pays ?
La cession au privé de la Société française de production, les murmures
permanents quant à une éventuelle privatisation de France 2, le projet de
France Télévision sur le numérique hertzien en retrait par rapport à ce qui
avait été annoncé, le débat récurrent sur la suppression de la redevance, la
faiblesse des financements publics de l'audiovisuel, et bien d'autres questions
encore - dois-je faire l'économie d'une allusion à
Loft Story,
niveau
zéro de la production télévisuelle même si cette émission permet des débats
sociologiques intéressants ? - sont autant d'éléments qui montrent que la
représentation nationale mériterait d'être associée au débat sur le devenir de
la télévision publique mais aussi sur la question essentielle d'un
développement impétueux de l'industrie des programmes dans notre pays.
Aussi, je profite de l'examen de cet article pour réitérer notre demande d'un
débat parlementaire sur la télévision publique et l'industrie des programmes,
afin de répondre au souci de nos compatriotes en quête de qualité et de tous
ceux qui oeuvrent à la défense d'une télévision publique de qualité qui soit le
moteur de la production audiovisuelle dans notre pays.
M. le président.
Par amendement n° 18, M. Hugot, au nom de la commission des affaires
culturelles, propose de remplacer le I de l'article 13 par trois paragraphes
ainsi rédigés :
« ... - Le premier alinéa du I de l'article 39 de la loi n° 86-1067 du 30
septembre 1986 relative à la liberté de communication est complété
in
fine
par les mots suivants : "dont les programmes contribuent à
l'information politique et générale." »
« ... - Le IV de l'article 39 de la même loi est complété par un alinéa ainsi
rédigé :
« Par dérogation aux dispositions du premier alinéa du I du présent article,
une même personne peut détenir plus de 49 % du capital ou des droits de vote
d'une société titulaire d'une autorisation relative à un service national de
télévision diffusé par voie hertzienne terrestre en mode numérique dont les
programmes contribuent à l'information politique et générale si ce service
constitue la reprise intégrale et simultanée d'un service diffusé par satellite
avant la date d'entrée en vigueur de la loi n° 2000-719 du 1er août 2000 et
édité par une société dont elle détenait, avant la même date, plus de 49 % du
capital ou des droits de vote. »
« ... - Après le troisième alinéa de l'article 41 de la même loi, est inséré
un alinéa ainsi rédigé :
« Une même personne détenant, en application des dispositions du second alinéa
du IV de l'article 39, plus de 49 % du capital et des droits de vote d'au moins
une société titulaire d'une autorisation relative à un service national de
télévision diffusé par voie hertzienne terrestre en mode numérique ne peut
contrôler, dans les conditions prévues à l'alinéa précédent, plus de quatre
sociétés titulaires d'une telle autorisation, ce nombre étant ramené à trois si
elle bénéficie d'une autorisation au titre du deuxième aliéna du III de
l'article 30-1. »
La parole est à M. Hugot, rapporteur pour avis.
M. Jean-Paul Hugot,
rapporteur pour avis.
Cet amendement modifie la disposition qui applique
à la télévision numérique de terre le seuil de 49 % de détention par une même
personne du capital d'une société détentrice d'autorisation pour la télévision
hertzienne terrestre.
J'ai évoqué, dans la discussion générale, les principales raisons pour
lesquelles il convient de substituer au texte proposé par le Gouvernement une
disposition juridiquement plus solide et offrant davantage de sécurité aux
opérateurs. Je vais donc, à ce stade, simplement expliquer le dispositif que
nous proposons de mettre en place.
Le dispositif adopté par la commission des affaires culturelles part de l'idée
selon laquelle l'application aux quelque trente chaînes de formats très divers
qui constitueront la télévision numérique de terre d'un plafond de 49 % conçu
pour les cinq ou six chaînes généralistes diffusables actuellement par voie
hertzienne terrestre est injustifiée au regard des raisons qui ont conduit le
législateur à établir ce plafond en 1986. La sauvegarde du pluralisme des
courants d'expression socioculturels est en effet l'unique raison d'être du
dispositif anticoncentration de la loi du 30 septembre 1986. Or la sauvegarde
du pluralisme n'exige manifestement l'application du plafond de 49 % qu'aux
chaînes qui jouent un rôle à l'égard de cet objectif, c'est-à-dire aux chaînes
dont les programmes contribuent à l'information politique et générale.
D'ailleurs, une faiblesse du système proposé par le Gouvernement est de
soumettre potentiellement à la règle des 49 % une chaîne musicale ou une chaîne
« cuisine ». Inversement, je ne comprends pas qu'une chaîne généraliste créée
pour le numérique puisse attendre d'atteindre le seuil de 2,5 % ou de 3 % pour
être soumise à la règle des 49 %.
Nous avons donc retenu l'idée de limiter l'application du plafond de 49 % aux
services, existants ou futurs, dont les programmes contribuent à l'information
politique et générale, c'est-à-dire aux services dont les programmes
s'inscrivent dans l'esprit de ce qui constitue le fondement du système
anticoncentration et visent au pluralisme.
En fonction de ce principe, le plafond restera appliqué aux trois chaînes
privées actuellement diffusées par voie hertzienne terrestre, dont les
programmes généralistes contribuent indubitablement à l'information politique
et générale.
Le plafond de 49 % deviendra par ailleurs applicable, au moment de leur
migration vers le numérique de terre, aux services existants du câble et du
satellite qui contribuent à l'information politique et générale.
C'est la difficulté que présente notre position de principe. Elle ne résout
pas le problème des chaînes existantes qui contribuent à l'information
politique et générale. C'est le cas de RTL 9. C'est aussi le cas de LCI, dont
TF1 refuse, assez légitimement, de partager le capital. Il s'agit dans les deux
cas de services susceptibles de faciliter le lancement de la télévision
numérique de terre, et dont nous avons, comme le Gouvernement, semble-t-il, de
bonnes raisons de favoriser la migration vers le numérique de terre.
Il nous a paru opportun de tenir compte de cette situation en exemptant de la
règle des 49 % les services existants dont les programmes contribuent à
l'information politique et générale, et dont le capital était détenu à plus de
49 % par une même personne à la date d'entrée en vigueur de la loi du 1er août
2000.
Cette exemption peut, dans une certaine mesure, être fondée sur le principe de
non-remise en cause des situations existantes légalement acquises intéressant
une liberté publique. Ce principe a été énoncé par la décision du Conseil
constitutionnel en date du 10 octobre 1984. Mais il faut aussi tenir compte du
fait que l'adoption d'une dérogation en faveur des chaînes existantes va créer
une inégalité entre leurs actionnaires et ceux des chaînes de même format
créées pour le numérique de terre, qui seront, elles, soumises au respect du
plafond des 49 %.
Pour rétablir l'égalité entre les opérateurs traditionnels et les nouveaux
opérateurs, nous avons diminué d'une unité le nombre d'autorisations que pourra
détenir une personne bénéficiant de la dérogation dont je viens de parler. Je
précise, à ce sujet, qu'il est tout à fait possible d'imaginer une autre sorte
de mesure compensatoire. Nous avons retenu la formule la plus vigoureuse, et
nous sommes naturellement disposés à discuter de toute autre solution avec le
Gouvernement, à partir du moment où il se sera rendu compte de ce que nous
estimons être la fragilité juridique du dispositif qu'il a mis au point.
En fin de compte, l'amendement que la commission des affaires culturelles
propose d'adopter afin d'établir sur des bases solides le nouveau régime des 49
% comporte trois points.
D'abord, le plafond de 49 % serait à l'avenir appliqué aux seuls services dont
les programmes contribuent à l'information politique et générale.
Ensuite, ce plafond ne serait pas appliqué aux services contribuant à
l'information politique et générale qui existaient à la date d'entrée en
vigueur de la loi du 1er août 2000 et dont une même personne détenait à cette
date plus de 49 % du capital.
Enfin le nombre des autorisations que peut détenir une personne qui bénéficie
de la dérogation précédente serait réduit d'une unité.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Je note en tout cas avec
plaisir, après vos interventions respectives, madame Pourtaud, monsieur le
rapporteur pour avis, que nous avons le même souci de favoriser l'entrée
d'opérateurs nouveaux dans le champ de la télévision numérique terrestre et de
ne pas dissuader ceux qui sont déjà opérateurs - et des opérateurs importants -
de notre paysage audiovisuel d'investir également dans ce champ. Nous
divergeons simplement sur l'adaptation, que nous estimons tous nécessaire, de
cette règle des 49 %.
Au dispositif inscrit dans le projet de loi, vous proposez, monsieur le
rapporteur pour avis, de substituer une disposition aux termes de laquelle la
règle des 49 % ne s'appliquerait qu'aux chaînes qui contribuent à l'information
politique et générale, sauf quand elles étaient déjà diffusées par satellite
avant le 1er août 2000.
En clair, LCI pourrait être détenue à 100 % par TF1, alors qu'une nouvelle
chaîne d'information, souhaitant concurrencer cet opérateur, ne pourrait elle,
être détenue qu'à 49 % par une même personne. C'est là que notre commun souci
d'égalité de traitement nous amène à des conclusions opposées.
Je ne crois pas, monsieur le rapporteur pour avis, que nous puissions
soumettre les opérateurs, selon qu'ils sont historiques, déjà installés, ou
nouveaux, à des conditions de concurrence à ce point inégales. Un tel
dispositif me paraît contraire au principe d'égalité devant la loi.
La mesure compensatrice proposée par votre commission et qui consiste à
réduire d'une unité le nombre de chaînes que les opérateurs déjà installés
pourraient détenir dans le cas où ils choisiraient de bénéficier de la
dérogation sur les 49 % me semble plutôt compliquer le dispositif, qui doit
demeurer clair.
J'ajoute que ces opérateurs ne me paraissent pas prêts à ce troc, car ils
disent avoir le souhait de faire des propositions allant au moins aux cinq
unités qui ont été définies par la loi.
Quant au dispositif que propose le Gouvernement, je crois que le recours au
critère d'audience demeure le plus judicieux pour atteindre l'objectif de
pluralisme que nous visons. Il constitue en effet la meilleure mesure possible
de l'effet d'un média sur les téléspectateurs.
Tirant d'ailleurs profit du débat qui avait eu lieu ici même sur ce sujet,
nous nous sommes déterminés sur le choix de ce critère d'audience.
Par ailleurs, je ne crois pas que ce critère soulève un problème de
constitutionnalité.
Sur ce point, nous divergeons quant à la lecture de la jurisprudence du
Conseil constitutionnel. Vous vous reportez à des décisions qui, selon moi, ne
peuvent s'appliquer au texte que nous examinons aujourd'hui. Contrairement à la
situation de la presse écrite en 1984, le numérique terrestre constitue un
marché nouveau, sur lequel les éditeurs vont investir en connaissance de cause,
c'est-à-dire en sachant qu'ils sont susceptibles de se voir appliquer le seuil
de 49 %, dès lors que l'effet de leur média sur le public aura pris une
dimension significative, ce qui, selon leur propre analyse, ne saurait survenir
avant un certain nombre d'années d'exploitation. Il n'y a donc pas d'insécurité
juridique susceptible de perturber la liberté du commerce ou la liberté de la
communication.
Cette dérogation jusqu'à un certain seuil correspond bien au souci que nous
partageons avec le Parlement et les opérateurs de favoriser la phase de
lancement, qui, nous le savons, prendra du temps.
Au surplus, la loi de 1986 comprenait une mesure comparable : son ancien
article 24 prévoyait, en effet, que les chaînes diffusées par satellite de
télécommunications se voyaient appliquer, entre autres mesures, une limitation
à 50 % du capital détenu par une même personne, dès lors qu'elles étaient «
effectivement reçues par plus de six millions de personnes ». Le Conseil
constitutionnel, conscient des spécificités du marché audiovisuel, n'a pas
contesté le bien-fondé de cette disposition.
En outre, je ne crois pas que l'on puisse exclure de la règle des 49 % toutes
les chaînes qui ne diffusent pas d'information politique et générale. Je
m'éloigne là de votre analyse de l'objectif du pluralisme. En effet,
l'influence d'un service de télévision sur le caractère pluraliste de l'offre
ne se manifeste pas exclusivement dans ces programmes spécifiques. On peut
considérer que la diversité des programmes, donc le pluralisme de l'offre, se
joue également sur des programmes qui n'ont pas trait principalement à
l'information générale.
Telles sont les raisons pour lesquelles les dispositions du projet de loi
permettent d'adapter de manière lucide et légitime la règle des 49 % à un
marché, en cours de constitution, d'une quarantaine de chaînes terrestres, dans
le respect de l'objectif de pluralisme.
Je suis donc défavorable à l'amendement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 18.
Mme Danièle Pourtaud.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud.
Monsieur le rapporteur pour avis, si nous visons le même objectif, à savoir le
démarrage de la télévision numérique de terre, je ne puis me rallier à
l'amendement n° 18. En effet, il prévoit un « bricolage » trop sur mesure pour
TF1 et LCI. Lorsqu'on légifère pour un cas particulier, on ne légifère pas
correctement.
La télévision numérique de terre a pour objectif de permettre à l'ensemble de
nos concitoyens, grâce à trente-six canaux, ou au moins à ceux qui transmettent
des services en clair et donc gratuits, de recevoir les programmes réservés
pour l'instant à une petite minorité qui a le privilège de pouvoir s'abonner au
câble parce qu'elle habite dans une région qui y est raccordée ou au satellite
parce qu'elle en a les moyens.
Par conséquent, la mise à disposition d'un nombre important de fréquences
permettra de recevoir avec le matériel le plus simple, à savoir une antenne
classique et, sans doute, un décodeur, des programmes qui, pour l'instant, sont
réservés à quelques privilégiés. Il ne faut jamais perdre cela de vue.
Il ne s'agit donc pas simplement de permettre à LCI d'émettre sur ces réseaux
; il s'agit de faire en sorte que de nombreuses chaînes qui sont pour l'instant
diffusées exclusivement sur le câble ou par satellite puissent être reçues par
l'ensemble des Français.
M. Jean-Paul Hugot,
rapporteur pour avis.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Hugot, rapporteur pour avis.
M. Jean-Paul Hugot,
rapporteur pour avis.
Je veux contester l'allusion faite par Mme Pourtaud
à un « bricolage » qui serait favorable à tel ou tel opérateur. En effet, Mme
la ministre a indiqué tout à l'heure que les opérateurs traditionnels ne
souhaitent pas que ma proposition soit adoptée : ils espèrent, au contraire,
profiter de la possibilité d'accéder à trois, quatre ou cinq chaînes.
La mesure compensatrice que nous prévoyons ne constitue en rien une faveur, et
l'interprétation faite par Mme Pourtaud du montage que nous proposons est donc
erronée.
Par ailleurs, je voudrais rappeler à Mme la ministre, puisqu'elle semble
considérer que notre proposition avantage les opérateurs traditionnels par
rapport aux nouveaux entrants, que c'est précisément ce que fait la loi en leur
permettant d'accéder au numérique sans passer par l'appel à candidatures, ce
qui les distingue tout de même des autres opérateurs.
On peut donc dire qu'une espèce d'attention particulière est portée au rôle
indispensable que jouent les opérateurs traditionnels, parmi lesquels LCI, en
complément des nouveaux entrants, et c'est dans cet esprit que nous avons mené
notre réflexion.
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Je voudrais indiquer à M.
le rapporteur qu'il ne s'agit pas ici de deux situations comparables.
En effet, il était normal que la loi organise le glissement de l'analogique au
numérique pour les opérateurs déjà présents dans le paysage audiovisuel, car
une restriction de l'offre ne serait pas imaginable. Par conséquent, il
s'agissait non pas d'accorder une faveur à ces opérateurs historiques, mais
tout simplement de garantir le sérieux, la cohérence et la continuité du
service offert.
En revanche, nous pensons que, en matière d'investissement dans des chaînes
nouvelles, il doit y avoir égalité de traitement entre anciens et nouveaux
opérateurs.
M. Jean-Paul Hugot,
rapporteur pour avis.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Hugot, rapporteur pour avis.
M. Jean-Paul Hugot,
rapporteur pour avis.
Madame la ministre, je faisais allusion au canal
supplémentaire auquel ont droit les opérateurs traditionnels : c'est, plus
qu'un simple glissement, une mesure très incitative.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 18, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 19, M. Hugot, au nom de la commission des affaires
culturelles, propose de rédiger ainsi le II de l'article 13 :
«
II. -
Dans le premier alinéa de l'article 30-1 de la même loi, après
les mots : "pour la diffusion" sont insérés les mots : ", la reprise intégrale
et simultanée ou la rediffusion intégrale ou partielle". »
La parole est à M. Hugot, rapporteur pour avis.
M. Jean-Paul Hugot,
rapporteur pour avis.
La rediffusion décalée du programme d'une chaîne
hertzienne traditionnelle sera l'une des principales modalités de lancement de
la télévision numérique de terre. Or la loi du 1er août 2000 n'a pas prévu
d'autorisation spécifique pour les programmes rediffusés.
Cet oubli, auquel s'ajoute la rédaction du troisième alinéa de l'article 41 de
la loi de 1986, qui prévoit la séparation juridique des sociétés titulaires
d'autorisations pour le numérique contrôlées par une même personne, aboutit à
soumettre à l'obligation de filialisation et, par suite, à la règle des 49 %
les rediffusions du programme d'une chaîne de télévision, ce qui est évidemment
absurde.
Le II de l'article 13 prévoit, afin de remédier à cet inconvénient, l'octroi
d'une autorisation à chaque programme consistant en la rediffusion intégrale ou
partielle d'un service.
Je crois inopportun d'introduire dans la loi de 1986 et dans le régime
juridique de la télévision numérique de terre, déjà particulièrement complexes,
la notion d'autorisation à un programme, à côté de la notion habituelle et bien
cernée d'autorisation à un service de télévision. Puisque l'objectif est de
prévoir expressément la délivrance d'autorisations d'utiliser des fréquences
pour la rediffusion d'un service autorisé, je crois préférable de mentionner
directement et simplement la possibilité d'autoriser des rediffusions.
Tel est l'objet de cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Je ne vous cache pas,
monsieur le rapporteur pour avis, que votre proposition pourrait me convenir si
elle venait simplement compléter le dispositif prévu au II de l'article 13 au
lieu de s'y substituer.
Elle vise à préciser, au début de l'article 30-1 de la loi de 1986, que le CSA
peut autoriser à la fois la diffusion et la rediffusion des services de
télévision, ainsi que les services dits de déclinaison ; or la loi le permet
déjà.
Toutefois, l'objet des II et III de l'article 13 est plus large : ceux-ci
disposent que chaque programme autorisé, même de déclinaison, compte au nombre
des cinq autorisations qu'une même personne peut détenir. S'il n'en était pas
ainsi, monsieur le rapporteur pour avis, on privilégierait d'ailleurs encore
plus qu'on ne le fait déjà les opérateurs historiques.
La rédaction actuelle participe donc du dispositif anticoncentration et permet
de traduire plus clairement, sur le plan juridique, l'intention du législateur.
C'est pourquoi je suis défavorable à l'amendement n° 19.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 19, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 20, M. Hugot, au nom de la commission des affaires
culturelles, propose de rédiger ainsi le texte présenté par le III de l'article
13 pour le troisième alinéa de l'article 41 de la loi n° 86-1067 du 30
septembre 1986 :
« Une même personne peut être titulaire, directement ou indirectement, d'un
nombre maximal de cinq autorisations relatives chacune à un service national de
télévision diffusé ou rediffusé par voie hertzienne terrestre en mode
numérique, à condition que les services bénéficiant d'une autorisation de
diffusion soient édités par des sociétés distinctes. Lorsque cette personne
bénéficie d'une autorisation de reprise intégrale et simultanée dans les
conditions prévues au deuxième alinéa du III de l'article 30-1, ce nombre est
ramené à quatre. »
La parole est à M. Hugot, rapporteur pour avis.
M. Jean-Paul Hugot,
rapporteur.
Compte tenu de la distinction opérée au II de l'article 13
entre les autorisations relatives à des services et les autorisations relatives
à des programmes, le III du texte qui nous a été transmis vise à reformuler le
troisième alinéa de l'article 41 de la loi de 1986 relatif au nombre maximal de
sociétés titulaires d'autorisations pour la diffusion en mode numérique
contrôlées par une même personne. L'objectif est de soustraire les « programmes
» rediffusés à l'obligation de filialisation et, par voie de conséquence, à la
règle des 49 % quand le service principal n'y est pas lui-même soumis.
Cet amendement tend à poursuivre l'oeuvre de clarification et de
simplification rédactionnelle entamée avec l'abandon de la notion
d'autorisation des programmes prévu par l'amendement précédent. Je propose au
Sénat d'adopter une rédaction qui limite aux services bénéficiant d'une
autorisation de diffusion l'obligation de filialisation énoncée à l'article
41.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Pour les mêmes raisons que
celles que j'ai évoquées précédemment, je suis défavorable à cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 20, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je suis maintenant saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 72 est présenté par M. Pelchat.
L'amendement n° 88 rectifié est déposé par MM. de Broissia et Del Picchia.
Tous deux tendent à insérer, après le III de l'article 13, un paragraphe ainsi
rédigé :
« ... - Le dernier alinéa de l'article 41 de la même loi est supprimé. »
L'amendement n° 72 est-il soutenu ?...
La parole est à M. Del Picchia, pour défendre l'amendement n° 88 rectifié.
M. Robert-Denis Del Picchia.
Le dernier alinéa de l'article 41 de la loi n° 86-1067 relative à la liberté
de communication définit des seuils maximaux d'intervention d'un même opérateur
sur le câble : un opérateur de réseaux ne peut détenir des autorisations
d'exploitation pour des réseaux qui couvriraient une zone desservie comptant
plus de huit millions d'habitants recensés.
Diverses raisons motivent la suppression de ce seuil.
D'abord, le développement de services audiovisuels par satellite n'est pas
soumis à une limitation en matière de desserte.
Ensuite, la loi du 1er août 2000 ne soumet ni les opérateurs par satellite ni
les futurs distributeurs nationaux de services numériques terrestres à une
quelconque limitation en matière de population desservie.
En outre, les réseaux câblés proposent des services audiovisuels mais aussi de
communication, avec Internet et les télécommunications. Or les opérateurs de
réseaux de télécommunications ne sont soumis à aucune règle en termes de seuil
de concentration. Ils peuvent établir des réseaux et offrir leurs services à la
population de l'ensemble du territoire national dès lors qu'ils ont obtenu une
licence nationale, de par la loi du 26 juillet 1996.
Enfin, les réseaux câblés sont de plus en plus à même de transporter également
des services audiovisuels, ce qui rend la distinction entre les deux types de
réseaux de moins en moins opérante. Par conséquent, il apparaît d'autant plus
important de réglementer dans les mêmes conditions les seuils de
concentration.
Le maintien de la disposition en question placerait donc les câblo-opérateurs
en position discriminatoire par rapport aux autres opérateurs de
télécommunications et aux distributeurs de services audiovisuels par satellite
ou par voie hertzienne terrestre.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission des affaires culturelles ?
M. Jean-Paul Hugot,
rapporteur pour avis.
Puisqu'il s'agit de poursuivre l'alignement du
régime de la diffusion par câble sur celui de la diffusion satellitaire, les
commissions sont favorables à cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Le seuil que vous proposez
de supprimer, monsieur Del Picchia, résulte de la jurisprudence du Conseil
constitutionnel. Celui-ci, dans sa décision du 18 septembre 1986, a censuré la
loi votée par la majorité de l'époque, car le dispositif anticoncentration
n'était pas suffisamment protecteur du pluralisme. S'agissant en particulier
des câblo-opérateurs, il a souligné qu'aucune disposition de la loi n'édicte de
limitation à l'octroi à une même personne d'autorisations concernant la
radiotélévision par câble.
Cela étant, l'évolution technologique que vous avez décrite devrait-elle nous
conduire aujourd'hui à envisager de revenir sur ces principes ? Le Conseil
constitutionnel ne semble pas, en tout cas, partager votre avis, puisque, dans
sa décision relative à la loi du 1er août 2000, il a expressément considéré que
la situation juridique des câblo-opérateurs restait fortement différente de
celle des opérateurs par satellite. C'est la raison pour laquelle il ne me
semble pas que nous puissions tendre vers un alignement des régimes du câble et
du satellite.
Néanmoins, nous devons nous interroger sur l'opportunité de faire évoluer la
réglementation en la matière. Cela suppose toutefois d'engager un travail de
réflexion approfondi avec l'ensemble des intervenants du secteur, afin de bien
en mesurer toutes les implications.
Au stade où nous en sommes, je ne peux qu'être défavorable à la suppression
pure et simple du dispositif existant, et donc à l'amendement n° 88
rectifié.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 88 rectifié, accepté par la commission et
repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 73, M. Pelchat propose de compléter le IV de l'article 13
par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le premier alinéa du I de l'article 30-5 de la même loi, après les mots
: "l'article 26," sont insérés les mots : "les personnes mentionnées au II de
l'article 30-1,". »
Cet amendement est-il soutenu ?...
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 13, modifié.
(L'article 13 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 13