SEANCE DU 31 MAI 2001
M. le président.
Par amendement n° 2, M. Charasse propose d'insérer, après l'article 11, un
article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 50-1 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à
l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives est
complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les conventions prévues au cinquième alinéa de l'article 50-2 de la présente
loi comportent toutes dispositions utiles de nature à dégager la responsabilité
civile et pénale des propriétaires privés et des collectivités territoriales en
ce qui concerne leur domaine privé en cas de dommages matériels ou corporels
subis par les participants aux activités de sports de nature visées au premier
alinéa ci-dessus. Ces conventions ne peuvent imposer aucune construction, aucun
aménagement ou réparation, aucun équipement ni aucune dépense aux collectivités
territoriales ou aux propriétaires privés. En outre, aucune servitude ne pourra
être imposée aux collectivités territoriales et aux propriétaires privés et
celles qu'ils accepteront donneront obligatoirement lieu à indemnisation. »
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
La loi du 6 juillet 2000 relative à l'organisation et à la promotion des
activités physiques et sportives prévoit, en son article 51, que « les sports
de nature s'exercent dans des espaces ou sur des sites et itinéraires qui
peuvent comprendre des voies, des terrains et des souterrains du domaine public
ou privé des collectivités publiques ou appartenant à des propriétaires privés,
ainsi que des cours d'eau domaniaux ou non domaniaux ».
Cela veut dire que, désormais, quand on pratique certains sports, on peut
pénétrer dans des domaines privés.
M. le président.
A Puy-Guillaume !
(Sourires.)
M. Michel Charasse.
Oui, partout, à Marseille aussi !
(Nouveaux sourires.)
L'article suivant de la même loi prévoit qu'une commission départementale
présidée par le président du conseil général pourra établir des conventions qui
s'imposeront aux propriétaires privés et qui pourront même leur imposer des
servitudes.
Je crois que ces dispositions vont être source de beaucoup de difficultés
d'application. Si le Conseil constitutionnel avait été saisi de ce texte, il
n'aurait pas manqué de s'interroger sur sa compatibilité avec le droit de
propriété, puisque l'on aboutit à une quasi-expropriation au regard de la
jouissance de son bien, qui fait partie intégrante du droit de propriété.
L'amendement que je présente à titre personnel vise à préciser que les
conventions qui seront établies par la commission présidée par le président du
conseil général devront comporter les dispositions nécessaires pour dégager la
responsabilité civile et pénale des propriétaires. C'est quand même la moindre
des choses !
Sinon, on va entrer sur une propriété privée pour faire du sport, on va
envahir un terrain privé ou le domaine privé d'une collectivité publique et, si
un accident se produit, parce qu'une branche est mal placée ou autre, on va,
alors, poursuivre le propriétaire ?
Les conventions devront donc comporter les dispositions nécessaires pour
dégager complètement la responsabilité civile et pénale du propriétaire, qu'il
soit public ou privé. Naturellement, cela ne concerne pas le domaine public,
qui, lui, est ouvert à tout le monde.
Il faut donc dégager la responsabilité en cas de dommages matériels et
corporels subis par les utilisateurs de ces territoires.
D'autre part, lesdites conventions devront prévoir - c'est ce que je propose -
qu'aucune charge ne pourra être imposée aux collectivités ou aux propriétaires
à quelque titre que ce soit. En particulier, on ne pourra pas exiger d'eux,
notamment, des aménagements, des travaux, des réparations, des constructions.
Pour le moment, le texte est muet sur ce point.
Enfin, si l'on doit prévoir une servitude, elle ne pourra leur être imposée
qu'avec leur accord et sous réserve, comme le prévoit la déclaration de 1789,
de la « juste et préalable indemnité ».
Tels sont les objets de l'amendement n° 2, qui porte sur un texte dont je ne
vois pas aujourd'hui comment il pourrait être appliqué sans difficulté s'il ne
comporte pas ces précisions élémentaires.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur.
La commission s'en remet, sur ce point, à l'avis de la
commission des affaires culturelles.
M. le président.
Quel est donc l'avis de la commission des affaires culturelles ?
M. James Bordas,
rapporteur pour avis.
L'amendement n° 2 a pour objet d'inscrire dans le
dispositif relatif aux sports de nature de la loi du 16 juillet 1984 sur les
activités physiques et sportives des dispositions protectrices des droits des
propriétaires publics ou privés.
Je rappelle que ce dispositif a été adopté dans le cadre de la loi du 6
juillet 2000. Le Sénat s'était d'abord montré réservé à l'égard d'un dispositif
initial très ambitieux qui soulevait de nombreux problèmes. L'Assemblée
nationale, statuant en lecture définitive, avait tenu compte de ses
observations et avait supprimé les dispositions les plus litigieuses.
A l'image d'une de ces dispositions abandonnées, l'amendement propose une
exonération des responsabilités au bénéfice des propriétaires des terrains
utilisés. Celle-ci remet en cause le régime de la responsabilité qui découle,
notamment, de l'article 1384 du code civil. Nous ne pouvons donc y
souscrire.
Quant aux garanties que M. Charasse souhaite offrir aux propriétaires contre
les risques de se voir imposer des constructions ou des servitudes, je rappelle
que ces risques se sont fortement réduits grâce au Sénat, qui a pesé en faveur
de l'abandon des dispositions les plus contraignantes.
Enfin, il me semble que l'obligation d'indemniser les propriétaires pour les
servitudes qui leur seraient appliquées résulte déjà du principe
constitutionnel d'égalité devant les charges publiques et qu'il n'est donc pas
indispensable de le confirmer par voie législative.
C'est pour ces raisons que j'émets un avis défavorable, avis auquel
souscrivent la commission des affaires culturelles et la commission des
affaires sociales.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Michelle Demessine,
secrétaire d'Etat.
Je comprends les précoccupations de M. Charasse, qui
soulève une question importante et difficile.
Son amendement vise la situation d'un propriétaire privé ou même public, une
commune, notamment, qui accepterait l'utilisation de son domaine, en
l'occurrence par des pratiquants de sports de nature, mais qui s'exposerait à
voir engagée sa responsabilité civile ou pénale en cas de dommages subis, à
cette occasion, par les participants à l'activité sportive en question.
Ce problème a été soulevé à de nombreuses reprises lors du débat sur la loi
relative aux activités physiques et sportives mais aussi, plus récemment, à
l'occasion de l'examen du projet de loi d'orientation sur la forêt.
Cependant, le dispositif proposé ne peut résoudre le problème, dans la mesure
où l'état actuel de notre droit ne permet pas, par simple convention, de
dégager le propriétaire public ou privé de toute responsabilité civile ou
pénale du fait des choses dont il a la garde.
Permettez-mois de rappeler, en effet, que le régime de responsabilité du fait
des choses, fixé par les articles 1382 et 1384 du code civil, est d'ordre
public. En conséquence, toute disposition dérogatoire qui pourrait être
inscrite dans une telle convention serait inopposable aux tiers. Ainsi, en cas
d'accident survenu à un pratiquant sportif, cette disposition ne pourrait pas
s'appliquer.
En matière pénale, la loi du 10 juillet 2000 tendant à préciser la définition
des délits non intentionnels limite les cas d'engagement de la responsabilité
pénale de toute personne physique en cas de délit non intentionnel. Il faut en
effet, notamment, que soit établi qu'elle a violé de façon manifestement
délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la
loi ou le règlement.
Par ailleurs, la deuxième phrase est en contradiction avec l'article 53 de la
loi sur le sport, qui prévoit la possibilité de prescrire des mesures
d'accompagnement lorsque des travaux réalisés par les propriétaires portent
atteinte aux espaces, aux sites et aux itinéraires.
M. Michel Charasse.
Ils sont chez eux !
Mme Michelle Demessine,
secrétaire d'Etat.
Enfin, s'agissant de la troisième phrase, il convient
de préciser, comme M. le rapporteur l'a fait, que la loi du 16 juillet 1984
déjà modifiée en ses articles 51, 52 et 53 ne crée aucune nouvelle servitude
par rapport à celle qui existe actuellement et qui prévoit déjà des
indemnités.
Le Gouvernement ne peut donc qu'émettre un avis défavorable sur cet
amendement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 2.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Je remercie tout d'abord M. le rapporteur pour avis de sa réponse. J'en
viendrai ensuite à celle de Mme le secrétaire d'Etat.
M. Bordas nous a, au fond, fait un commentaire des travaux préparatoires de la
loi du 6 juillet 2000. Ce commentaire va assez largement dans le sens de mon
amendement. Je souhaiterais simplement, dans ces conditions, qu'une circulaire
soit adressée aux présidents de conseils généraux qui devront mettre en oeuvre
cette disposition pour que les choses soient claires et que l'on sache
exactement ce que le législateur a voulu dire. Je remercie donc M. Bordas, mais
il faudrait aller un peu plus loin et informer les présidents de conseils
généraux.
Je remercie Mme la secrétaire d'Etat, dont j'ai écouté la réponse avec
attention. A partir du moment où la loi elle-même impose qu'une convention
comporte des dispositions particulières sur la responsabilité, c'est donc une
obligation qui n'est pas en contradiction avec une autre loi. Je ne vois donc
pas pourquoi ce ne serait pas opérant.
Quant à la disposition qui remettrait en cause l'article 53, dont Mme la
secrétaire d'Etat a parlé, cela veut dire, mes chers collègues, que si, sur un
bien privé d'une collectivité locale ou d'un particulier ouvert à la pratique
sportive - des courses de fond à la campagne, une randonnée en forêt - un arbre
tombe dans la nuit - admettons que nous soyons un dimanche - et que donc
personne ne prévient le maire, les usagers ou le propriétaire - celui qui,
arrivant de bonne heure, s'empale sur une branche d'arbre tombée au sol peut
invoquer le défaut de surveillance. Je vous garantis que, dans ce cas, la loi
Fauchon ne s'applique pas, surtout s'il s'agit d'un propriétaire privé, qui est
traduit en correctionnelle. Je trouve véritablement cette disposition
abusive.
J'ajoute que la réponse de Mme la secrétaire d'Etat sur ce point - Mme
Demessine ne m'en voudra pas - ne me paraît pas tout à fait conforme à ce que
nous dit M. Bordas.
Madame la secrétaire d'Etat, je vais retirer mon amendement, rassurez-vous,
sinon je crains pour vous qu'il ne soit adopté.
(Sourires.)
Mais je pense qu'il serait utile que les choses soient
précisées dans une circulaire adressée aux présidents de conseils généraux, de
façon qu'on sache exactement à quoi s'en tenir et que, s'il y a lieu de revenir
sur certaines dispositions législatives qui seraient commentées dans cette
circulaire, nous soyons en mesure de le faire en toute connaissance de
cause.
Sous le bénéfice de ces observations, je retire mon amendement, mais je ne
retire rien à mon raisonnement !
M. le président.
L'amendement n° 2 est retiré.
TITRE V
DISPOSITIONS RELATIVES À L'ÉDUCATION
ET À LA COMMUNICATION
Article 12