SEANCE DU 31 MAI 2001
M. le président.
La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou.
Voilà deux mois, le monde, atterré, assistait au dynamitage des bouddhas de
Bamian, oeuvre majeure de notre patrimoine mondial, symbole d'une époque où
bouddhisme, christianisme et islam cohabitaient en Afghanistan. Ce vandalisme
consternant et imbécile nous a rappelé la situation scandaleuse des femmes
afghanes, privées de tous leurs droits. Voilà trente ans, elles pouvaient
choisir entre tradition et modernité. Aujourd'hui, ce recul consternant vers
l'obscurantisme fait de leur pays une caricature de l'islam.
Voilà dix jours, nous apprenions que les Afghans de tradition hindoue seraient
condamnés à porter un signe distinctif, nouvelle qui nous replongeait dans la
période infamante de l'étoile jaune.
Le commandant Massoud s'est rendu voilà peu en France, où l'exécutif l'a reçu
avec l'apparence de l'indifférence
(Murmures sur les travées
socialistes)...
M. Ladislas Poniatowski.
En cachette !
M. Aymeri de Montesquiou.
... et de la tiédeur. Seul M. le président du Sénat a tenu à lui rendre un
hommage à la hauteur de son courage...
M. Ladislas Poniatowski.
Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou.
... et de l'admiration que nous lui portons.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, des Républicains et Indépendants,
du RPR et de l'Union centriste.)
M. René-Pierre Signé.
C'était bien préparé !
M. Aymeri de Montesquiou.
La France, dans l'esprit de nombreux citoyens du monde, demeure le pays des
droits de l'homme.
Monsieur le ministre, face à ce pouvoir qui nie les droits les plus
élémentaires des hommes, et surtout des femmes, et qui, de plus, déverse des
quantités considérables de drogues en Europe,
via
l'Asie centrale,
comment justifiez-vous la politique de neutralité active que vous conduisez à
son égard ?
Que comptez-vous faire pour que soient rendues au peuple afghan les libertés
les plus essentielles ? Et que pouvons-nous faire, nous tous, toutes tendances
confondues, dont l'apathie confine à l'indifférence et côtoie la lâcheté ?
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
Mme Hélène Luc.
Toutes les sénatrices, avec le président, ont reçu des femmes afghanes !
M. Jean-Claude Gaudin.
Vous avez bien fait !
Mme Hélène Luc.
Et cela tous groupes confondus !
M. René-Pierre Signé.
Félicitons le président !
M. Jean-Claude Gaudin.
Et Mme Luc !
Mme Hélène Luc.
Je ne peux donc pas laisser dire que nous sommes indifférentes !
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici,
ministre délégué chargé des affairees européennes.
Monsieur le sénateur,
il y a entre nous une convergence d'analyse et de détermination qui ne justifie
pas les quelques accents polémiques que vous avez placés dans votre
question...
(Protestations sur les travées des Républicains et Indépendants et du
RPR.)
Plusieurs sénateurs du RPR.
C'est la vérité !
M. Pierre Moscovici,
ministre délégué.
La France dénonce vigoureusement, et avec constance, la
nature du régime taliban et la façon effectivement atterrante dont il traite sa
population !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Il ne faut pas recevoir de ministre taliban !
Mme Hélène Luc.
C'est vrai !
M. Pierre Moscovici,
ministre délégué.
S'agissant des violations des droits de l'homme, la
France stigmatise la condition scandaleuse faite aux femmes par le régime taleb
au nom d'une idéologie intégriste. Il s'agit d'une injustice permanente, je le
dis ici. L'annonce récente, par exemple, de l'interdiction faite aux membres du
programme alimentaire mondial d'employer des femmes pour distribuer du pain
doit être doublement dénoncée, à la fois parce qu'elle démontre un aveuglement
singulier et parce qu'elle fait peser des menaces sur la population.
De même, nous avons, comme vous, dénoncé la décision récente d'imposer un
signe distinctif, - il est jaune, effectivement - aux non-musulmans, ce qui
nous ramène à une période tragique de notre propre histoire. Il faut changer
les choses dans ce pays, dont le régime est muré dans une logique d'isolement
et d'enfermement. Ce ne sera ni facile ni rapide, nous le savons, mais nous
voulons y travailler.
Notre premier objectif est d'aider le peuple afghan, première victime du
régime des talibans, et ce sont les organisations non gouvernementales, en
particulier les ONG françaises, qui peuvent aujourd'hui faire quelque chose sur
place pour la population.
Le commandant Massoud, que vous avez cité, a été reçu personnellement et, je
puis vous l'assurer, sans aucune indifférence ni tiédeur par M. Védrine. Il
nous a dit qu'il comptait sur nous pour poursuivre et renforcer notre effort
humanitaire. C'est ce que nous faisons, parce que la situation humanitaire est
grave, voire dramatique. Le Gouvernement a décidé d'augmenter substantiellement
l'aide que nous apportons par différents canaux : les Nations unies, la
Croix-Rouge, les ONG. Ce sont plus de 30 millions de francs qui ont été
débloqués depuis le début de l'année.
Parallèlement, et c'est normal, nos efforts invitent à une solution politique
de la crise afghane. C'est difficile, mais il faut combiner tous les moyens
d'action disponibles : contacts avec toutes les parties, y compris les proches
du roi, soutien à l'action des Nations unies et aux efforts du secrétaire
général - dont M. Védrine a invité, je vous l'annonce, le représentant
personnel à se rendre à Paris très prochainement - pression sur tous les pays
pouvant avoir une influence sur les talibans ; je pense en particulier au
Pakistan.
Enfin, vous avez mentionné une politique de neutralité active. Je conteste
formellement ce jugement, parce que nous estimons que des sanctions à l'égard
du régime des talibans font partie de cet ensemble. Il ne saurait y avoir de
solution militaire ou imposée de l'extérieur. Seul un dialogue entre toutes les
composantes du pays peut déboucher sur une solution durable, et je voulais vous
dire, monsieur le sénateur, que tous nos efforts tendent vers ce but.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen.)
ENTRÉE EN BOURSE DES CLINIQUES PRIVÉES