SEANCE DU 29 MAI 2001
M. le président.
La parole est à M. Hyest, auteur de la question n° 1058, transmise à Mme le
garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Jean-Jacques Hyest.
Nous savons combien les progrès de la science en matière de lutte contre la
criminalité sont évidents. La police scientifique, notamment, a permis, dans de
nombreux cas, de confondre les criminels grâce aux empreintes génétiques.
Néanmoins, la mise en place du fichier national des empreintes génétiques,
outil indispensable pour la police scientifique, est en passe de battre des
records de lenteur.
En effet, une fois le principe d'un tel fichier acquis, près de deux ans se
sont écoulés entre le vote de la loi sur la prévention et la répression des
infractions sexuelles et la publication du décret d'application au
Journal
officiel.
Cette période avait d'abord été marquée par des désaccords entre
le ministère de la justice et le ministère de l'intérieur - et je ne parle pas
de la CNIL, la Commission nationale de l'informatique et des libertés ! - en
particulier sur l'étendue des données à collecter dans le fichier. La rédaction
du décret avait ensuite fait l'objet de plusieurs demandes de réécriture par le
Conseil d'Etat pour aboutir, au nom d'un déséquilibre entre répression et
respect des libertés individuelles, à une définition plus restrictive que dans
les pays voisins.
Aujourd'hui encore, une nouvelle étape reste à franchir, qui consiste en la
création du comité chargé de contrôler l'usage de ce nouvel outil.
Parallèlement à cela, il semble que le fichier ne soit toujours pas
opérationnel, le ministère de l'intérieur invoquant des problèmes techniques
liés à l'adaptation du nouveau logiciel.
En conséquence, madame le garde des sceaux, quelles mesures le Gouvernement
compte-t-il prendre afin de favoriser la mise en place rapide de ce nouvel
outil indispensable à la police scientifique, tant pour les infractions à
caractère sexuel que pour les infractions d'autre nature, la loi sur la police
de proximité ayant en effet prévu une extension du dispositif ? Ce dernier doit
maintenant être rendu opérationnel le plus rapidement possible, les délais
prévus pour sa mise en oeuvre étant largement expirés.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le sénateur, sachez
que le congrès des jeunes avocats de France qui s'est tenu à Marseille vous a
chaleureusement salué.
Je vous fais grâce, faute de temps, de tout ce qui a été entrepris depuis que
cette décision a été prise. Je vous en communiquerai les détails.
Vous m'avez interrogé sur les mesures que je comptais prendre pour favoriser
la mise en place rapide de ce nouvel outil indispensable à la police
scientifique. Vous avez évoqué à juste titre des débats entre le ministère de
la justice et le ministère de l'intérieur. Ces débats sont en fait intervenus
entre le ministère de la justice et la CNIL.
J'ai veillé tout particulièrement à ce que mes services fixent un calendrier
prévisionnel qui permette une montée en puissance du dispositif dans des délais
compatibles avec les contingences que je vous communiquerai tout à l'heure.
Très concrètement, j'observe qu'à ce jour diverses mesures ont d'ores et déjà
été prises.
Tout d'abord, la direction centrale de la police judiciaire, qui est
l'autorité gestionnaire du fichier, a procédé, tout comme la gendarmerie
nationale en ce qui concerne la conservation des prélèvements biologiques, au
recrutement et à l'affectation de personnels qualifiés.
En outre, des locaux ont été aménagés au sein de la sous-direction de la
police nationale pour accueillir l'équipement informatique, et des travaux de
restructuration du bâtiment susceptible d'accueillir le service central de
préservation des prélèvements biologiques sont en cours à Rosny-sous-Bois, au
sein de l'institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale.
Enfin, j'ai nommé par arrêté en date du 7 avril dernier M. Denys Millet,
avocat général près la cour d'appel de Paris, en qualité d'autorité de contrôle
du fichier.
Dès à présent, je peux vous annoncer que le fonctionnement du fichier sera
assuré totalement, dès le début de l'année 2002, comme le Gouvernement s'y
était engagé à l'Assemblée nationale voilà quelques semaines. Des améliorations
seront bien entendu apportées progressivement au fonctionnement du fichier.
Une phase de tests, actuellement en cours en vue de finaliser un prototype du
logiciel qui équipera le fichier, devrait s'achever en décembre prochain. C'est
en effet l'aspect opérationnel de la question qui faisait l'objet des critiques
de la CNIL.
Par ailleurs, l'aménagement des locaux de conservation des scellés contenant
les prélèvements biologiques devrait durer jusqu'à la fin du premier trimestre
2002. J'insiste toutefois sur le fait que la livraison tardive des travaux de
ce bâtiment est sans portée sur le fonctionnement du dispositif du fichier. En
effet, les scellés peuvent, comme c'est déjà le cas actuellement, continuer à
être stockés provisoirement au sein des greffes des juridictions.
Votre interrogation porte également sur l'extension du fichier à d'autres
infractions que celles qui avaient initialement été retenues lors de l'adoption
de la loi du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des
infractions sexuelles.
Je vous rappelle que la création du fichier est intervenue dans un contexte
conjoncturel particulier et représentait un moyen adapté de lutter contre la
délinquance sexuelle.
L'intérêt évident de l'analyse de l'ADN et de l'exploitation de ce nouveau
mode de preuve ne peut aujourd'hui être remis en cause. Ainsi, nous disposons,
dans l'hélicoptère utilisé hier, de traces pouvant nous permettre d'identifier
les personnes qui ont tenté de faire évader des détenus.
Néanmoins, la recherche de la manifestation de la vérité, aussi importante
soit-elle, doit rester compatible avec les libertés individuelles. Cela nous a
été demandé.
C'est pourquoi toute extension de ce fichier doit obéir à deux critères,
tenant tant à la gravité des faits qu'à l'intérêt probatoire du prélèvement.
A cet égard, l'amendement voté en première lecture par l'Assemblée nationale
dans le cadre du projet de loi relatif à la sécurité quotidienne me paraît
concilier ces deux impératifs ; nous en discuterons ici bientôt.
J'ai souhaité depuis plusieurs mois sensibiliser l'ensemble des acteurs
judiciaires, ainsi que les services et unités d'enquête, à l'intérêt que
présente pour la manifestation de la vérité ce nouveau mode de preuve
scientifique. Je me réjouis d'ailleurs de constater que le nombre d'expertises
génétiques ordonnées par les juridictions augmente sensiblement et que les
parquets ont à coeur de faire pratiquer dans les meilleurs délais les
prélèvements sur les personnes définitivement condamnées pour des infractions à
caractère sexuel, en vue de leur inscription au fichier.
Si la centralisation et la gestion informatisée du fichier ne sont pas encore
totalement opérationnelles, en revanche, tous les prélèvements sont réalisés et
peuvent être croisés. Chaque magistrat du parquet, chaque juge d'instruction
comme les enquêteurs peuvent décider de pratiquer une empreinte génétique et de
la croiser avec les empreintes génétiques disponibles dans d'autres
juridictions. C'est pourquoi, dans la circulaire d'action publique que nous
avons signée, Daniel Vaillant, Alain Richard et moi-même avons insisté pour que
le croisement des informations se fasse désormais le plus vite possible, en
attendant que le fichier soit informatisé et centralisé.
M. Jean-Jacques Hyest.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Je remercie Mme le garde des sceaux de nous informer des perspectives. Le
croisement des fichiers aurait sans doute permis d'éviter un certain nombre de
crimes en série. La presse a révélé quelques cas, et l'opinion publique s'en
émeut.
Néanmoins, quelle que soit la qualité des efforts faits par les magistrats du
parquet ou les juges d'instruction pour tenter de croiser les fichiers, le
dispositif présentera forcément des failles tant que la centralisation ne sera
pas effective.
Il me paraît donc très urgent de mettre en place ce fichier, avec les
contraintes qui existent, pour permettre à la police d'abord et à la justice
ensuite d'être plus efficaces dans ces domaines si graves pour notre
société.
RÔLE DES SERVICES RÉGIONAUX DE L'ARCHÉOLOGIE