SEANCE DU 15 MAI 2001
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Dépôt du rapport d'une commission d'enquête
(p.
1
).
3.
Questions orales
(p.
2
).
réduction du temps de travail
et viabilité hivernale (p.
3
)
Question de M. Louis Souvet. - MM. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire ; Louis Souvet.
interdiction des produits
à base d'éthers de glycol (p.
4
)
Question de Mme Marie-Claude Beaudeau. - M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire ; Mme Marie-Claude Beaudeau.
situation des retraités
de la société marseillaise de crédit (p.
5
)
Question de M. Robert Bret. - MM. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire ; Guy Fischer, en remplacement de M. Robert Bret.
internat scolaire pour les enfants
des français expatriés (p.
6
)
Question de M. André Ferrand. - MM. François Patriat, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation ; André Ferrand.
manque de postes d'enseignants
du premier degré dans l'académie de paris (p.
7
)
Question de Mme Nicole Borvo. - M. François Patriat, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation ; Mme Nicole Borvo.
baisse de la tva dans le secteur
de la restauration (p.
8
)
Question de M. Daniel Goulet. - MM. François Patriat, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation ; Daniel Goulet.
accès aux services bancaires (p. 9 )
Question de M. Gérard Delfau. - MM. François Patriat, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation ; Gérard Delfau.
indemnisation des réparations
des dégâts causés par les tempêtes
de décembre 1999 (p.
10
)
Question de M. Jean-Claude Peyronnet. - MM. François Patriat, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation ; Jean-Claude Peyronnet.
maintien des petites stations-service
en milieu rural (p.
11
)
Question de M. Gérard Cornu. - MM. François Patriat, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation ; Gérard Cornu.
réhabilitation du parc naturel
régional du lubéron (p.
12
)
Question de M. Claude Haut. - MM. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche ; Claude Haut.
état d'avancement du projet tgv rhin-rhône (p. 13 )
Question de M. Jean-Louis Lorrain. - MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Jean-Louis Lorrain.
aménagement de la rn 165 (p. 14 )
Question de M. Josselin de Rohan. - MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Josselin de Rohan.
dédoublement de l'a 4 par l'a 86
dans le val-de-marne (p.
15
)
Question de M. Serge Lagauche. - MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Serge Lagauche.
mise en place du contrat local
de sécurité à rambouillet (p.
16
)
Question de M. Gérard Larcher. - MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Gérard Larcher.
Suspension et reprise de la séance (p. 17 )
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
4.
Allocation personnalisée d'autonomie.
- Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p.
18
).
Discussion générale : Mmes Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la
solidarité ; Paulette Guinchard-Kunstler, secrétaire d'Etat aux personnes
âgées.
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
MM. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Mme le ministre, MM. Michel Mercier, rapporteur pour avis de la commission des finances ; Roland Huguet, Louis de Broissia, Gérard Dériot, Philippe Adnot, Henri de Raincourt, Jean-Pierre Fourcade.
Suspension et reprise de la séance (p. 19 )
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
Mme le ministre, MM. Guy Fischer, le rapporteur pour avis, Mme Claire-Lise
Campion, MM. Bernard Murat, Philippe Richert, Bernard Cazeau, Daniel
Eckenspieller, Jean-Louis Lorrain, Mmes Marie-Madeleine Dieulanguard, Annick
Bocandé, M. Philippe Nogrix.
Mme le secrétaire d'Etat, M. le rapporteur.
Clôture de la discussion générale.
5.
Transmission de projets de loi
(p.
20
).
6.
Dépôt d'une proposition de loi
(p.
21
).
7.
Transmission d'une proposition de loi
(p.
22
).
8.
Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
(p.
23
).
9.
Renvoi pour avis
(p.
24
).
10.
Dépôt de rapports d'information
(p.
25
).
11.
Ordre du jour
(p.
26
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à dix heures cinq.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
DÉPÔT DU RAPPORT
D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE
M. le président.
M. le président a reçu de M. Jean Bizet un rapport fait au nom de la
commission d'enquête chargée d'examiner les conditions d'utilisation des
farines animales dans l'alimentation des animaux d'élevage et les conséquences
qui en résultent pour la santé des consommateurs, créée en vertu d'une
résolution adoptée par le Sénat le 21 novembre 2000.
Ce dépôt a été publié au
Journal officiel
, édition des lois et décrets,
du vendredi 11 mai 2001. Cette publication a constitué, conformément au
paragraphe III du chapitre V de l'instruction générale du bureau, le point de
départ du délai de six jours nets pendant lequel la demande de constitution du
Sénat en comité secret peut être formulée.
Ce rapport sera imprimé sous le n° 321 et distribué, sauf si le Sénat,
constitué en comité secret, décide, par un vote spécial, de ne pas autoriser la
publication de tout ou partie du rapport.
3
QUESTIONS ORALES
M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL
ET VIABILITÉ HIVERNALE
M. le président.
La parole est à M. Souvet, auteur de la question n° 1013, adressée à Mme le
ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Louis Souvet.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ma question n'est peut-être plus de saison -
mais il n'est pas interdit de préparer la prochaine ! - puisqu'elle traite de
l'application de la législation relative à la réduction du temps de travail, la
RTT, et de l'organisation du travail de viabilité hivernale dans les
collectivités locales et les services de l'équipement. Par ce biais, nous
abordons donc les très nombreuses contraintes spécifiques du service du
déneigement et leur inadéquation avec les règles relatives à la RTT.
Vous n'êtes pas sans savoir que, comme le rappellent fort justement les
services de l'équipement dans une circulaire du 21 juillet 2000 concernant la
sécurité du travail en service hivernal, l'alternance travail-repos et
l'alternance travail-pause sont des facteurs prépondérants de sécurité pour le
personnel. Se conjuguent à cette donnée de base de multiples aléas tels que les
conditions météorologiques et la variété des phénomènes à traiter, qui peuvent
appeler une surveillance active, en cas d'annonce de chute de neige, ou la
préparation d'interventions très souvent préventives.
Face à des situations dont le caractère est par nature imprévisible ou
exceptionnel, la quasi-absence de flexibilité des règles relatives à la RTT
apparaît assez irréaliste. Or, ces situations à caractère imprévisible ou
exceptionnel sont fréquentes, l'intensité et la durée des précipitations de
neige ou l'apparition du verglas étant très variables et les phénomènes
météorologiques ignorant totalement les règles en matière de prévision.
Chaque campagne de déneigement est unique. Dans le domaine météorologique, les
modèles mathématiques, telle la courbe de Gauss, ne sont pas d'une grande
utilité. Les inondations en Bretagne, dans la Somme et ailleurs sont
malheureusement là pour le prouver. Une intervention ne peut donc pas être «
formatée » de façon à répondre très précisément aux impératifs de la RTT.
Ne pouvant ni réduire à volonté les précipitations ni prévoir les caprices de
la météorologie, nous nous devons de faire preuve de pragmatisme et, s'agissant
de phénomènes exceptionnels, permettre un assouplissement des règles, grâce à
un aménagement horaire plus souple.
L'objet de la présente question est non pas de remettre en cause le volume et
la continuité des temps de repos, mais d'inciter les pouvoirs publics à prendre
en compte les spécificités précédemment énoncées. Une application stricte et au
pied de la lettre de la règle pourrait conduire à des ruptures dans la
continuité du service, avec tous les désagréments que l'on imagine pour les
usagers, lesquels revendiquent une praticabilité maximale sur l'ensemble des
réseaux, qu'ils soient communaux, départementaux ou nationaux.
Cette problématique concerne les très nombreuses collectivités qui ne pourront
pas, pour des raisons de coût, mettre en place des équipes supplémentaires.
Je me fais donc le porte-parole de nombre de mes collègues maires pour vous
demander, monsieur le secrétaire d'Etat, si les attentes tout autant que les
inquiétudes des communes dans ce domaine vont, d'une part, être prises en
compte et, d'autre part, donner lieu à des aménagements réglementaires aussi
spécifiques que le sont les interventions de déneigement durant la période
hivernale.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët,
secrétaire d'Etat à l'économie solidaire.
Monsieur le sénateur, vous
m'interrogez sur les conditions de fonctionnement des services de déneigement
dans le contexte de la réduction du temps de travail.
Je ne partage pas, globalement, votre diagnostic sur ce sujet, mais ce n'est
pas une surprise !
Premièrement, la réduction du temps de travail ne se fait pas au détriment de
la qualité du service, au contraire. En effet, la mise en place des 35 heures
donne l'opportunité de mettre en place des aménagements des horaires de travail
qui peuvent permettre davantage de présence quand il le faut. En contrepartie,
le temps supplémentaire se traduit pour les salariés par davantage de jours de
congés ou des horaires réduits à d'autres périodes. Ces dispositions sont tout
particulièrement adaptées aux entreprises qui ont une activité très
saisonnière.
Deuxièmement, la réduction du temps de travail n'est pas un couperet. Elle
s'applique, au contraire, de façon progressive. La première année, les heures
supplémentaires ne s'imputent ainsi qu'à partir de la trente-huitième heure sur
le contingent. Les majorations des quatre premières heures supplémentaires sont
quant à elles de 10 % seulement. Ces dispositions permettent d'adapter
progressivement les entreprises qui ont besoin de délais aux nouveaux rythmes
de travail.
Troisièmement, la réduction du temps de travail n'efface pas le droit du
travail - certains voudraient, je ne l'ignore pas, attribuer aux 35 heures
toutes les vertus, d'autres tous les maux. Il existe des dispositions qui
permettent d'obtenir des dérogations auprès de l'inspection du travail. Lorsque
les conditions météorologiques appellent, régulièrement ou exceptionnellement,
une mobilisation particulière, y compris de la part des services de
l'équipement, les règles, que la loi sur les 35 heures n'a pas remises en
cause, permettent tout à fait de réquisitionner et de mobiliser les personnes
nécessaires.
Enfin, concernant les services publics, je rappelle que la réduction du temps
de travail résulte non pas de l'application stricte du code du travail mais de
négociations spécifiques menées au sein de la fonction publique. Il est évident
que ces négociations devront, dans chaque domaine, tenir compte des impératifs
du service public.
En l'occurrence, M. Jean-Claude Gayssot, en charge des services de
l'équipement, a bien sûr prévu des situations de mobilisation. Vous parlez de
l'enneigement, on peut aussi évoquer, c'est d'actualité, les inondations. Il
existe en effet plusieurs hypothèses dans lesquelles le service public doit se
montrer à la hauteur et se mobiliser - il le fait - pour faire face à des
situations d'exception et apporter son renfort aux populations.
Concilier qualité du service, qualité de vie des salariés et baisse du chômage
est au coeur de la réduction du temps de travail. Ces trois objectifs sont tout
à fait compatibles, d'autant que la prise en compte des spécificités est
évidemment nécessaire dans l'esprit de ceux qui conduisent les négociations.
M. Louis Souvet.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Souvet.
M. Louis Souvet.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse : je vais
regagner le département du Doubs, que je représente ici, et dire à mes
concitoyens que, vu de Paris, il n'y a vraiment aucun problème ! Aux services
de l'équipement et aux maires, qui, pendant tout l'hiver, ont été confrontés
aux difficultés habituelles, je dirai qu'ils se plaignent à tort puisqu'en
réalité ces difficultés n'existent pas !
Monsieur le secrétaire d'Etat, tel n'était pas tout à fait le sens de ma
question !
Vous recommandez l'embauche de contractuels. Permettez-moi de vous rappeler
que les collectivités concernées sont en général toutes petites et qu'elles
entretiennent des kilomètres de routes qui, souvent, ne sont pas des nationales
et sur lesquelles la circulation, notamment celle des autocars de transport
scolaire, n'est pas chose aisée.
Les difficultés dont je me suis fait le porte-parole ce matin existent
vraiment, et je suis quelque peu surpris que ma question ne rencontre aucun
écho de votre part, monsieur le secrétaire d'Etat. Si j'interviens aujourd'hui
auprès de vous, ce n'est pas parce que tout va très bien !
Vous affirmez que les dispositions relatives à la réduction du temps de
travail sont adaptées aux circonstances. Ce n'est pas du tout le cas, monsieur
le secrétaire d'Etat. Le déneigement impose parfois quatorze ou quinze heures
de travail d'affilée et, même si, ensuite, on peut se reposer, ce n'est
évidemment pas autorisé par la loi !
Il faut donc introduire une certaine souplesse. Tenir compte, dans les
négociations, des impératifs du service public, comme vous le dites, n'est pas
possible dans de telles circonstances et les toutes petites collectivités ne
peuvent envisager d'embaucher des contractuels !
C'est sur ces points que je vous interrogeais, et j'attendais une autre
réponse...
INTERDICTION DES PRODUITS
À BASE D'ÉTHERS DE GLYCOL
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau, auteur de la question n° 1014, adressée à Mme le
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je
regrette, bien sûr, que Mme Guigou ne soit pas présente ce matin. D'ailleurs,
je note que je n'avais pu obtenir de réponse des deux ministres de l'emploi
successifs aux deux questions écrites qui avaient été posées en 1999 et
2000.
Mais le fait que ce soit vous, monsieur le secrétaire d'Etat, qui êtes aussi,
je le sais, un militant de l'écologie, qui vienne me répondre aidera, je
l'espère, à faire interdire les éthers de glycol.
Les enquêtes scientifiques, les articles de presse, les témoignages de
salariés sur la dangerosité des éthers de glycol se multiplient depuis
plusieurs années. De fait, 900 000 tonnes d'éthers de glycol sont produites
chaque année dans le monde, dont 30 000 sont utilisées en France.
Un million de salariés manipulent quotidiennement ces produits, dans un nombre
considérable de corps de métiers, qu'il s'agisse, notamment, de la sérigraphie,
de l'industrie automobile, de la maroquinerie, du nettoyage, de la coiffure et
de l'industrie du bâtiment. J'ajoute que le secteur privé comme la fonction
publique sont concernés.
Il existe une soixantaine d'éthers de glycol, dont vingt-quatre sont reconnus
toxiques et cancérogènes, répartis en deux branches : la série E et la série P.
Les quatre éthers de la série E ainsi que deux éthers de la série P sont
considérés comme particulièrement dangereux pour la santé de l'homme et la
reproduction. Leurs effets sont désormais bien connus : cancers du foie,
cancers des testicules, leucémies, stérilité, fausses couches, atteintes au
développement embryo-foetal qui se traduisent par des handicaps cérébraux,
effets sur le système hématopoïétique, etc.
Créés dans les années trente et fortement développés dans les années soixante
comme solvants dits produits à l'eau et produits de nettoyage, les éthers de
glycol sont caractérisés par une grande volatilité qui favorise leur inhalation
à haute dose, et leur pouvoir de pénétration dans les microporosités leur
permet de pénétrer dans l'organisme humain par simple contact avec la peau.
De nombreuses enquêtes ont révélé et confirmé les profonds préjudices que peut
entraîner l'exposition aux éthers de glycol : de l'enquête réalisée au Japon en
1979 à celle qui a été menée, en 1996, par un médecin mexicain, en passant par
l'avis d'alerte lancé par l'Etat de Californie en 1982, le classement comme
produit toxique par l'Union européenne en 1993 ou le rapport de l'Institut
national de la santé et de la recherche médicale,l'INSERM, en 1999, les
conclusions sont identiques et alarmistes, dénonçant la très haute toxicité des
éthers de glycol. Certaines ont mis en lumière la possibilité de substituer les
éthers de la série E aux éthers de la série P, moins dangereux, et ce sans
surcoût. Des entreprises ont d'ailleurs déjà opéré ce choix depuis dix ans.
Le 24 septembre 1999 a été prononcée l'interdiction des éthers de glycol de la
série E dans la fabrication des médicaments et des cosmétiques, et pour partie
dans les produits d'entretien de type Ajax.
Par ailleurs, un décret du 1er février 2001 exige désormais le retrait de
toute exposition des femmes enceintes à ce type de produits, des fiches
d'aptitude devant parallèlement être rédigées pour les autres personnes
exposées. Cette mesure ne tient cependant pas compte de l'exposition des femmes
qui ne sont pas enceintes ou ignorent qu'elles sont enceintes, ni d'ailleurs
des hommes, eux aussi très touchés par les effets cancérogènes des éthers de
glycol.
Les personnels concernés par la question des éthers de glycol, les syndicats,
les médecins du travail continuent cependant à faire part de leurs plus vives
inquiétudes.
C'est la raison pour laquelle, le 19 avril dernier, un collectif s'est
constitué dans lequel figurent la CGT, la fédération chimie de la CFDT, la
fédération nationale des accidentés du travail et handicapés, la FNATH, la
fédération des mutuelles de France, la Mutualité française et la Ligue contre
le cancer. Le Gouvernement va-t-il rester sourd à l'appel lancé par ces
organisations et dont la presse, vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat,
s'est fait largement l'écho ?
Je rappelle que les pouvoirs publics n'ont pas attendu d'avoir la preuve
absolue que la consommation de viande d'animaux atteints de l'ESB,
l'encéphalopathie spongiforme bovine, ou d'eau contaminée induisait avec
certitude un effet sanitaire pour agir et retirer les animaux malades ou les
bouteilles suspectes.
Pourquoi en irait-il différemment avec d'autres substances, d'autres voies
d'exposition ? S'agissant des éthers de glycol, une telle attitude ne
relèverait-elle pas de la simple mise en oeuvre du principe de précaution ?
Monsieur le secrétaire d'Etat, il faut interdire totalement, à l'instar de la
Suède en 1992, l'utilisation des vingt-quatre éthers de glycol cancérogènes.
Il s'agit là du seul moyen efficace pour préserver la santé de plusieurs
centaines de milliers de salariés et pour éviter la répétition de la tragédie
de l'amiante.
Monsieur le secrétaire d'Etat, votre formation politique n'est pas très tendre
vis-à-vis des produits dont nous demandons l'interdiction. Vos amis politiques
sont plus proches de cette position d'interdiction, que j'énonce, que de la
position du Gouvernement qui, selon moi, tergiverse bien trop.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët,
secrétaire d'Etat à l'économie solidaire.
Madame la sénatrice, vous
attirez l'attention sur la santé, domaine qui a effectivement retenu plusieurs
fois l'attention de nos concitoyens. La sécurité sanitaire est bien une grande
préoccupation du Gouvernement, qui s'est doté de dispositifs pour mieux
appréhender un certain nombre de questions.
Les éthers de glycol, sur lesquels vous nous interrogez, sont utilisés en tant
que solvants dans de nombreuses préparations à usage industriel et domestique.
Il en existe une trentaine, qui forment une famille de produits chimiques
hétérogène.
Dans le cadre de la directive européenne qui fixe, pour les quinze Etats
membres, la réglementation en matière de substances dangereuses, vingt éthers
de glycol ont fait l'objet d'une classification ou d'un étiquetage harmonisés.
Six - bientôt sept - d'entre eux sont aujourd'hui classés toxiques pour la
reproduction et ils font, à ce titre, l'objet d'une interdiction dans les
produits à usage du grand public, à l'instar des substances avérées
cancérogènes ou mutagènes.
Devant les inquiétudes suscitées par les éthers de glycol, les pouvoirs
publics ont commandité à l'INSERM, en 1999, une expertise collective relative
aux effets de ces substances sur la santé. Des mesures importantes ont été
engagées sans délai, pour prendre en compte les recommandations de l'INSERM.
Elles vont, en fait, bien au-delà.
Sur le plan réglementaire d'abord, le décret du 1er février renforce les
règles protégeant les travailleurs qui sont exposés à n'importe quel agent
toxique pour la reproduction. Il s'applique donc aux éthers de glycol toxiques,
mais pas seulement à ceux-ci. Ce texte oblige les employeurs à leur substituer
un agent moins dangereux dès que cela est techniquement possible. Il s'agit
donc d'une interdiction au niveau de l'entreprise.
Le décret améliore également le suivi de l'exposition des salariés. Il
interdit aussi d'employer des femmes enceintes ou allaitantes à tout poste de
travail qui les exposerait à des agents toxiques. Pour assurer l'effectivité de
cette mesure, un mécanisme de reclassement provisoire ou, à défaut, de
suspension du contrat de travail est désormais prévu par l'ordonnance du 22
février 2001.
Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité rappelle qu'avec ces
mesures - vous avez cité l'exemple de la Suède, qui étaye mon propos - la
France s'est dotée d'une des réglementations les plus complètes en Europe. Mais
je garde présent à l'esprit, comme vous, qu'en ces matières il faut être
extrêmement vigilant et aller plus loin.
Le respect de la nouvelle réglementation doit être effectif. C'est pourquoi a
été prévue, dans le cadre des actions prioritaires de l'inspection du travail,
une campagne ciblée, qui sera menée en 2001, en particulier sur l'interdiction
d'utiliser des éthers de glycol toxiques lorsque des substituts moins dangereux
existent.
Pour accélérer la substitution imposée aux employeurs, des actions de
communication ont aussi été prévues. Un forum sera aussi organisé avec des
experts scientifiques, des médecins « préventeurs » et des industriels afin
d'échanger sur les problèmes techniques et sur les solutions facilitant la
substitution, spécialement dans les petites et moyennes entreprises.
Enfin, Mme Guigou s'attache, comme l'a préconisé l'INSERM, à faire en sorte
que se développent les connaissances sur cette famille hétérogène des éthers de
glycol, qui comporte des agents dont les effets sur l'homme sont très
différents.
Sur le plan européen, les autorités françaises poussent au développement
d'études toxicologiques et à la révision des classifications de danger.
A l'échelon national, il a été demandé à l'Institut de veille sanitaire de
coordonner les études épidémiologiques sur les éthers de glycol et il a été
décidé de financer deux études d'envergure. Elles ont respectivement pour objet
d'évaluer le risque d'anomalie du développement intra-utérin chez les femmes
exposées aux éthers de glycol pendant leur grossesse et de mesurer les
conséquences de l'exposition aux éthers de glycol sur la fertilité
masculine.
Bien évidemment, Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité ainsi que le
ministre délégué à la santé tiendront compte de ces différentes données et
informations scientifiques, qui devraient être connues assez rapidement, à la
fois pour ajuster le plan d'action et, si nécessaire, pour prendre des mesures
sur le plan réglementaire afin d'aller plus loin.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le secrétaire d'Etat, votre réponse est décevante, et même sans
portée réelle. Vous annoncez qu'un large débat public va avoir lieu. Il n'en
reste pas moins que la demande faite aujourd'hui, celle du collectif du 19
avril, consiste en l'interdiction de l'ensemble des éthers de glycol.
Je prendrai un exemple. Il n'est pas exact de dire qu'on en arrive, dans la
majorité des entreprises, à une substitution des éthers de glycol. Les
employeurs, vous le savez, préfèrent bien souvent non pas remplacer les éthers
par d'autres produits moins dangereux, mais sous-traiter cette partie de leur
activité. Ils se déchargent ainsi de leur responsabilité et ne permettent plus
de réaliser aisément la cartographie de l'utilisation des éthers de glycol en
France.
A ce sujet, se pose le problème des sous-traitants. Ce sont souvent de petites
structures, très nombreuses, changeant souvent d'activité et que les
inspecteurs du travail ne peuvent pas toujours suivre comme il conviendrait.
Il faut aussi souligner - cela a été dit par le collectif - la difficulté
réelle pour obtenir la composition de certains produits, qui, selon les
entreprises, peuvent relever du secret de fabrication. C'est le cas de Renault
pour les peintures. Cela vaut aussi pour les grandes entreprises du bâtiment et
des travaux publics qui sont chargées de la fabrication du bitume pour les
routes, car on ne connaît pas la composition des produits utilisés.
En l'occurrence, c'est grave, car, aujourd'hui, la substitution de ces
produits est techniquement possible ; de très nombreuses études l'ont montré de
façon incontestable. De plus, elle est financièrement supportable pour les
entreprises puisque, d'après ce que l'on a pu nous dire, elle n'entraîne pas de
surcoût.
De surcroît, si une mesure d'interdiction ne doit pas intervenir au détriment
de l'emploi, un maintien de l'autorisation d'exposition et d'utilisation ne
doit pas non plus laisser de côté le principe de primauté de la préservation de
la santé de l'homme.
La réglementation actuelle, notamment le décret du 1er février 2001, auquel
vous avez fait référence, est pensée en termes non pas d'adaptation du travail
à l'homme, mais bien plutôt d'adaptation de l'homme au travail. Si plusieurs
centaines de médecins du travail - catégorie qui n'a pas l'habitude de
descendre dans la rue - ont largement manifesté pour demander l'abrogation
totale de ce décret, il doit tout de même y avoir une raison !
SITUATION DES RETRAITÉS
DE LA SOCIÉTÉ MARSEILLAISE DE CRÉDIT
M. le président.
La parole est à M. Fischer, en remplacement de M. Bret, auteur de la question
n° 1041, adressée à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Guy Fischer.
Nous voulons attirer l'attention de Mme Guigou, ministre de l'emploi et de la
solidarité, et, de ce fait, en charge de la tutelle des caisses de retraite,
sur le contentieux qui oppose l'association des retraités de la Société
marseillaise de crédit, SMC, à la banque et à sa caisse de retraite depuis sa
privatisation.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de bien vouloir apporter une
réponse à une situation qui perdure depuis trop longtemps.
En effet, d'abord nationalisée au début des années quatre-vingt, la SMC a été
transférée en 1998 au secteur privé, sous l'égide du ministre de l'économie,
des finances et de l'industrie de l'époque, M. Dominique Strauss-Kahn.
L'Etat, agissant comme actionnaire principal, a alors procédé à une
recapitalisation de 2,9 milliards de francs, qui avait pour but de permettre
l'apurement du passif, mais aussi de financer, d'une part, les provisions
inscrites pour 57,6 millions de francs dans ce passif, garantissant le
remboursement intégral de la retenue de 3 % sur la totalité de l'ancienne
pension bancaire, et, d'autre part, une provision de 330 millions de francs
destinée à garantir la pérennité du versement intégral du complément bancaire
de retraite des personnels actifs et inactifs.
Or, à ce jour, la banque, qui dispose pourtant des fonds, refuse de les
attribuer à la caisse de retraite et aux ayants droit de celle-ci, et ce malgré
un jugement du tribunal de grande instance de Marseille prononcé le 14
septembre 2000.
Vous conviendrez que cela n'a que trop duré et qu'il est grand temps de
satisfaire les demandes de ces personnes.
Je vous demande donc, monsieur le secrétaire d'Etat, quelles sont les
intentions du Gouvernement pour obtenir de la banque l'assurance que l'argent
public versé par l'Etat pour abonder les fonds sociaux de l'entreprise au
moment de la privatisation soit réellement utilisé à cette fin, et ce dans un
délai relativement bref.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët,
secrétaire d'Etat à l'économie solidaire.
Monsieur le sénateur, le litige
qui oppose l'association des retraités de la Société marseillaise de crédit à
la banque et à la caisse de retraite de cet établissement bancaire est
actuellement devant les tribunaux judiciaires.
En effet, le tribunal de grande instance a récemment annulé, sur des motifs de
procédure, la décision prise en 1993 par la caisse de retraite de retenir 3 %
sur la totalité de l'ancienne pension bancaire.
La SMC ayant fait appel de ce jugement, il n'appartient pas au Gouvernement,
dans l'état actuel du dossier, d'interférer avec le cours de la procédure
judiciaire. La réponse que je vais vous faire ne vous satisfera donc
vraisemblablement pas, monsieur le sénateur. Mais vous comprenez certainement
le souci du Gouvernement de ne pas intervenir, garantissant ainsi la séparation
des pouvoirs exécutif et judiciaire, principe cher à Montesquieu.
Par ailleurs, la caisse de retraite de la Société marseillaise de crédit est
une institution de retraite supplémentaire dont le contrôle relève de la
compétence de la commission de contrôle des mutuelles et des institutions de
prévoyance. Cette commission de contrôle sera saisie afin de déterminer si les
conditions de l'équilibre financier sont en conformité avec les statuts de
ladite caisse.
Je vous remercie d'avoir attiré notre attention sur ce litige. Le
Gouvernement, dans tous les cas de figure, veillera à ce que les droits des
retraités de la Société marseillaise de crédit soient pleinement respectés.
M. Guy Fischer.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Monsieur le secrétaire d'Etat, effectivement, votre réponse ne satisfera
certainement pas les retraités, qui attendent depuis de nombreuses années le
règlement de ce litige.
Certes, le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie ou le
ministère de l'emploi et de la solidarité n'ont pas à interférer avec le cours
de la procédure judiciaire. Néanmoins, un gouvernement comme le nôtre doit à
mon avis s'honorer de ce que l'argent public versé à des fins bien
particulières et, en quelque sorte, affecté puisse trouver finalement sa
destination réelle, et régler ainsi un contentieux qui nous préoccupe.
Une action judiciaire a été engagée ; mais nous espérons que cette dernière ne
durera pas encore des années et des années, car, sinon, bien des retraités ne
seraient plus concernés lorsque la justice rendrait son verdict !
Aujourd'hui, nous devons absolument tout mettre en oeuvre pour que ce litige
trouve sa solution.
INTERNAT SCOLAIRE POUR LES ENFANTS
DES FRANÇAIS EXPATRIÉS
M. le président.
La parole est à M. Ferrand, auteur de la question n° 1054, adressée à M. le
ministre de l'éducation nationale.
M. André Ferrand.
Ma question, qui s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale, concerne
la situation de l'internat scolaire dans notre pays et, plus spécialement, les
facilités d'accueil réservées aux enfants de Français expatriés. En effet,
nombre de ces enfants ne peuvent suivre leurs parents soit parce que ces
derniers sont appelés à l'étranger pour des missions de courte durée, soit
parce que nulle école française n'existe sur place ou que, si une telle école
existe, elle n'offre pas la section correspondant au choix de l'élève.
A la suite de l'annonce gouvernementale d'un plan sur cinq ans de création
d'un internat par département, je souhaite connaître les mesures qui seront
prises tant pour favoriser l'accueil dans ces lieux des enfants de Français
expatriés que pour faciliter leur prise en charge lors des congés de courte
durée et de fin de semaine, quand ils seront éloignés de toute famille capable
de les accueillir.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Patriat,
secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à
l'artisanat et à la consommation.
Monsieur le sénateur, longtemps
déconsidéré, tombé même en désuétude, l'internat apparaît aujourd'hui comme
l'une des réponses possibles aux enjeux de notre système scolaire et aux
besoins de jeunes aux profils divers. Il représente un atout déterminant pour
la réussite scolaire et l'intégration sociale des élèves ; il doit être ouvert
à tous.
C'est pourquoi un plan de développement de l'internat scolaire public a été
décidé par le ministre de l'éducation nationale et lancé dès la rentrée
scolaire 2000-2001.
D'ailleurs, pour une meilleure information, seront très prochainement édités
un annuaire et un cédérom recensant l'ensemble des établissements publics
disposant d'un internat.
Au-delà de la volonté d'informer et de réintroduire la modalité de l'internat
dans le débat public sur l'école, des mesures concrètes ont été arrêtées.
Il s'agit d'abord d'une aide financière complémentaire aux familles de tous
les élèves boursiers qui choisissent l'internat.
La création à venir d'un fonds national pour le développement de l'internat
scolaire public, fonds à caractère incitatif, devrait permettre au ministère de
l'éducation nationale de participer pour partie, aux côtés des collectivités
locales, à la réhabilitation d'internats existants et/ou de construire de
nouveaux internats.
Afin d'accompagner cette relance de l'internat scolaire public, M. le Premier
ministre vient de nommer une parlementaire en mission : Mme Marie-Françoise
Pérol-Dumont, députée de la Haute-Vienne et enseignante ; elle oeuvrera
notamment à approfondir le dialogue avec les collectivités locales et à faire
exister ce fonds national.
Il va de soi, pour répondre plus concrètement à votre question, monsieur le
sénateur, que les enfants de Français expatriés devront également bénéficier de
ces mesures.
En ce qui concerne l'accueil de ces élèves durant les fins de semaine et les
vacances scolaires de courte durée, quelques établissements y sont déjà
disposés.
Enfin, il faut signaler l'existence, depuis 1978, du centre international de
Valbonne, dans l'académie de Nice. Etablissement public du ministère de
l'éducation nationale, ce centre se distingue notamment par la mission
d'accueil d'enfants dont les parents, Français expatriés ou étrangers, ont opté
pour une scolarisation en cursus français. Actuellement, 600 élèves internes y
sont accueillis. La moitié d'entre eux sont effectivement enfants de Français
expatriés. La capacité totale de cet établissement étant de 1 000 places, nous
pouvons constater qu'une marge substantielle existe. Le centre international de
Valbonne, établissement d'excellence, peut parfaitement répondre et s'adapter à
d'éventuelles demandes nouvelles.
M. André Ferrand.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Ferrand.
M. André Ferrand.
Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse, et je souhaite vous
exposer rapidement mes préoccupations.
Mon souci est en effet que, dès le début, le groupe de travail constitué au
sein du ministère de l'éducation nationale intègre dans sa réflexion la
problématique spécifique à tous les enfants de Français expatriés.
En effet, s'il est vrai qu'il existe de bons internats privés et que le centre
international de Valbonne est un excellent établissement n'ayant pas fait le
plein de ses capacités, ces établissements sont en général coûteux, en tout cas
pour les parents qui ne sont pas aidés par leurs employeurs.
La possibilité d'accès à coût modéré à des internats publics, en particulier
en région parisienne et dans les grandes villes ou dans les départements, au
plus près de la famille restée en France, serait particulièrement appréciée par
nos compatriotes de l'étranger.
Je demande donc aux personnes chargées de cette refondation de l'internat
public de bien vouloir considérer la question sous trois angles.
Sous l'angle financier, tout d'abord, il s'agit de permettre aux élèves
boursiers de bénéficier, eux aussi, de l'aide complémentaire spécifique prévue
pour leurs camarades de France. Cela n'apparaît en effet pas comme une évidence
: le système des bourses à l'étranger étant différent de celui de la France et
les critères n'étant pas les mêmes, des difficultés pourraient survenir par la
suite si le cas de figure n'était pas prévu dès l'origine.
Sous l'angle de la communication, ensuite, il convient de s'assurer que, dès
la prochaine rentrée scolaire, les conseillers culturels, les consulats, toutes
les écoles françaises de l'étranger disposeront des informations nécessaires et
les feront connaître. Il faudra, en particulier, que la liste des
interlocuteurs privilégiés, désignés dans les départements, leur soit
communiquée.
Sous l'angle de l'organisation et de l'administration, enfin, des places
devront être spécifiquement prévues pour cette catégorie d'élèves, en
particulier dans les établissements les mieux organisés au titre du suivi, soit
dans l'établissement lui-même, soit dans les familles d'accueil pendant les
fins de semaine et les vacances.
Certains aménagements du dispositif devront également permettre de tenir
compte de la situation particulière de ces élèves : en effet, il sera
certainement difficile, par exemple, d'obtenir qu'un entretien préalable ait
lieu avec l'élève résidant à l'étranger en présence personnellement du chef de
l'établissement dont il souhaite être interne.
Ainsi, monsieur le secrétaire d'Etat, cette très utile réforme profitera d'une
manière égale à tous les enfants de France, quel que soit le lieu de résidence
de leur famille.
MANQUE DE POSTES
D'ENSEIGNANTS DU PREMIER DEGRÉ
DANS L'ACADÉMIE DE PARIS
M. le président.
La parole est à Mme Borvo, auteur de la question n° 1034, adressée à M. le
ministre de l'éducation nationale.
Mme Nicole Borvo.
Je souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur
le manque de postes d'enseignants du premier degré à Paris.
Contrairement à ce que l'on croit trop souvent, la situation à Paris est loin,
à mon sens, d'être satisfaisante. Ainsi, de nombreux enfants de moins de trois
ans ne sont pas scolarisés : à Paris, seuls 7 % des enfants de moins de trois
ans sont scolarisés, alors que la moyenne nationale s'élève à 35 %. Dans
certains arrondissements, notamment populaires, une menace pèse même sur la
scolarisation des enfants de trois ans.
L'aide à l'intégration scolaire, ou AIS, est en véritable détresse : environ
cent cinquante-huit postes sont tenus par des enseignants non spécialisés. Le
manque de structures pour les primo-arrivants est évident, puisque quelque
quatre-vingt-neuf enfants sont sur liste d'attente à ce jour. Par ailleurs, il
n'existe aucune expérimentation d'un nombre de maîtres supérieur au nombre de
classes.
Les mesures que propose l'académie de Paris paraissent insuffisantes au vu des
besoins. En effet, la dotation supplémentaire de neuf postes pour l'année qui
vient ne correspond qu'à l'augmentation des effectifs prévus par le ministère,
mais ne comble pas les insuffisances et ne permet pas d'avancer sur les
objectifs prioritaires que l'académie s'est pourtant elle-même fixés ou que la
nouvelle municipalité entend réaliser. Parmi ces priorités, permettez-moi de
citer la scolarisation des enfants de moins de trois ans et la mise en oeuvre
des orientations ministérielles en ce qui concerne les langues, l'informatique
et les sciences.
J'ajoute qu'une inégalité règne entre les arrondissements, au détriment, la
plupart du temps, des plus populaires et de ceux qui connaissent la croissance
démographique la plus importante. Les mesures proposées par l'académie de Paris
conduisent au contraire à des mesures de redéploiement qui ont pour conséquence
la fermeture de vingt-sept classes, dont une grande partie en zone d'éducation
prioritaire.
Comme nous le voyons, ce manque de postes combiné au manque de locaux criant
auquel on ne peut remédier immédiatement a des conséquences néfastes.
Pour toutes ces raisons, nombre d'organisations d'enseignants et de parents
d'élèves revendiquent une dotation supplémentaire de soixante postes qui paraît
répondre à un minimum des besoins d'urgence. En effet, quarante postes seraient
utilisés pour la refonte de la grille, dix postes seraient affectés à l'accueil
des enfants âgés de moins de trois ans et dix postes permettraient
d'expérimenter des innovations pédagogiques avec un nombre de maîtres supérieur
au nombre de classes.
Je crois savoir que leur demande rencontre un certain écho et qu'ils
souhaitent être reçus au ministère de l'éducation nationale.
Pouvez-vous m'indiquer si le ministère de l'éducation nationale entend ouvrir
le dialogue avec eux en vue d'une satisfaction plus grande des besoins ?
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Patriat,
secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à
l'artisanat et à la consommation.
Madame la sénatrice, la dotation
positive de neuf emplois pour la carte scolaire de la ville de Paris met un
terme aux dotations négatives des années précédentes. Je rappellerai que quinze
emplois avaient en effet été retirés en 1998, quatre en 1999 et neuf en 2000.
Nous avons donc souhaité inverser la tendance et tenter de pallier les carences
que vous avez évoquées.
Cette dotation, conjuguée avec l'utilisation des moyens existants, a permis
d'indubitables avancées.
Je citerai trois améliorations.
Il s'agit tout d'abord de l'accueil des enfants de moins de trois ans dans les
quartiers difficiles, puisque quatre postes spécifiques pour l'accueil des
enfants de deux ans ont été créés.
Il s'agit ensuite de l'accueil des enfants d'origine étrangère primo-arrivants
dans l'académie, par la création de trois nouvelles classes d'initiation, les
CLIN, qui seront implantées dans les arrondissements en fonction des
besoins.
Il s'agit enfin du renforcement des moyens de remplacement, avec deux postes,
afin d'améliorer le remplacement des maîtres absents et de favoriser les
départs en stage de spécialisation en matière d'adaptation et d'intégration
scolaire, l'AIS, qui passent de trente-quatre à trente-neuf.
Il est à signaler, en ce qui concerne l'adaptation et l'intégration scolaire,
que la difficulté n'est pas tant de disposer d'emplois que de susciter des
candidatures à l'acquisition des spécialisations requises pour occuper ces
emplois, particulièrement en CLIS - classes d'intégration scolaire - et en
SEGPA - sections d'enseignement général et professionnel adapté. C'est une
préoccupation majeure de l'académie, et l'inspecteur d'académie chargé du
premier degré s'est d'ores et déjà engagé dans une campagne d'information et de
motivation pour accroître le nombre des départs en stage dans les options qui
sont les plus déficitaires.
Quant à la concertation que vous avez souhaitée, madame la sénatrice, le
Gouvernement y est parfaitement ouvert.
Mme Nicole Borvo.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Je crois faire preuve d'une certaine persévérance en disant que la situation à
Paris n'est pas telle qu'on l'imagine souvent. De ce point de vue, bien
entendu, votre réponse ne me satisfait pas totalement, monsieur le secrétaire
d'Etat.
L'Etat, tout comme la ville, doit prendre sa part dans la résolution de ce
problème, qui perdure et qui, en dépit des quelques mesures que vous avez
annoncées, ne disparaîtra pas tout de suite.
Je voudrais d'ailleurs revenir un instant sur les mesures contenues dans le
dernier budget de la ville de Paris.
Jusqu'à présent, les budgets se caractérisaient par des mesures de «
saupoudrage » d'une grande inefficacité, alors qu'il s'agit de donner aux
enfants un cadre de vie et d'études convenable et serein.
Bien entendu, je me réjouis que la nouvelle municipalité ait consenti un
effort en faveur de l'accueil des enfants de moins de trois ans. Mais, comme
j'ai déjà eu l'occasion de le dire au Conseil de Paris, cet effort paraît bien
faible au vu des besoins, si l'on veut ne serait-ce qu'approcher ce qui existe
dans d'autres départements et ce qui constitue actuellement la moyenne en
France.
En effet, l'ampleur du problème à Paris est telle que l'Etat et la ville
doivent conduire une politique volontariste pour répondre aux attentes de la
communauté scolaire et en finir avec des calculs de moyenne et une logique
comptable qui fragilisent, en réalité, les fondements de l'école publique et
n'aboutissent qu'à multiplier les classes surchargées et à remettre en cause la
stabilité des équipes et des projets pédagogiques.
BAISSE DE LA TVA
DANS LE SECTEUR DE LA RESTAURATION
M. le président.
La parole est à M. Goulet, auteur de la question n° 1056, adressée à M. le
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Daniel Goulet.
Monsieur le secrétaire d'Etat, le problème que je vais évoquer est d'une
actualité brûlante, puisqu'il s'agit du taux de la TVA frappant les
restaurateurs.
Pourquoi a-t-il été décidé, par un récent arrêté, d'appliquer le taux réduit
de 5,5 % à la seule restauration collective ? C'est là, vous en conviendrez,
monsieur le secrétaire d'Etat, une inégalité devant l'impôt qu'il faut
absolument corriger en ramenant à 5,5 % le taux de la TVA pour tous les
restaurateurs, d'autant plus que, vous le savez, ceux-ci sont confrontés à de
graves problèmes d'équilibre budgétaire.
Je pense surtout ici à ceux d'entre eux qui ont subi les graves dommages que
nous connaissons : en effet, je suis l'élu d'un département qui a été placé
sous embargo pendant de longues semaines, et j'aperçois l'un de mes collègues
(M. Goulet se tourne vers M. Cornu)
qui faisait partie de la commission
sénatoriale d'information dans cette région.
Nous avons recueilli les doléances des restaurateurs ; ceci s'ajoutant à cela,
nous devons tous faire preuve d'obstination pour tendre à une certaine
équité.
Je serais tenté, à cet égard, de faire référence à un illustre monarque, Henri
VIII, qui, à l'occasion de son huitième et dernier mariage, avait indiqué à ses
détracteurs, surpris de son obstination, que pour lui, il s'agissait d'une
victoire de l'optimisme sur l'expérience !
Toutes proportions gardées, je veux rester confiant dans la décision que le
Gouvernement prendra enfin. Mais il faut d'abord que vous nous expliquiez,
monsieur le secétaire d'Etat, la véritable raison pour laquelle vous refusez
d'abaisser le taux de TVA applicable à la restauration.
Aujourd'hui, je vous demande de bien vouloir affronter une sorte d'épreuve de
vérité, car les restaurateurs, comme nous-mêmes, seront extrêmement attentifs
aux décisions qui seront prises.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Patriat,
secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à
l'artisanat et à la consommation.
Monsieur le sénateur, j'ai écouté
attentivement votre question, mais j'aurais aimé que vous précisiez que la
mesure que vous préconisez coûterait, si elle était appliquée, 20 milliards de
francs. C'est là une question non pas d'obstination, mais de finances !
En ce qui concerne la restauration collective, le taux de la TVA n'a, en fait,
pas été abaissé, car ce secteur en était jusqu'à présent exonéré en vertu de
deux circulaires datant de 1942 et de 1943. Ces textes viennent d'être abrogés
à la demande des professionnels de la restauration, qui considéraient que les
cantines leur faisaient une concurrence déloyale. Conformément à l'article 279
a bis
du code général des impôts, ces cantines seront soumises à la TVA
au taux réduit de 5,5 %, dans des conditions prévues par l'article 85
bis
de l'annexe III du même code. Il n'y a là rien d'illégal et il n'est opéré
aucune discrimination, puisque nous traitons tous les secteurs de la même
façon.
Cela étant, il est difficile, monsieur le sénateur, de soutenir que ces
cantines font concurrence à la restauration traditionnelle, car elles ne
s'adressent pas du tout au même public, comme vous le savez.
Bien sûr, en ma qualité de secrétaire d'Etat chargé notamment de la
consommation, je peux vous dire que l'ensemble des corps de métiers me
demandent régulièrement d'abaisser le taux de la TVA, au motif qu'ils créent
des emplois, qu'ils produisent de la valeur ajoutée ou qu'ils développent
l'activité touristique sur le territoire. Tous formulent cette demande, y
compris les présidents de club de golf, qui prétendent que, si nous réduisions
le taux de la TVA, ils pourraient créer 20 000 emplois en France.
C'est peut-être vrai, mais le coût de cette mesure, s'agissant de la
restauration, atteindrait 20 milliards de francs, et amputer massivement les
recettes publiques apparaît pour le moment, vous le savez bien, monsieur le
sénateur, incompatible avec l'objectif de réduction des déficits et de maîtrise
de l'endettement public.
Par ailleurs, je rappelle que le Gouvernement a déjà fait adopter des mesures
visant à une forte baisse de la TVA, pour un total de 60 milliards de
francs.
J'ajoute, pour ce qui concerne les restaurateurs, notamment ceux de l'Orne ou
de Bourgogne, que je connais bien, que le droit communautaire, plus
particulièrement la directive du 19 octobre 1992 relative au rapprochement des
taux de TVA, ne permet pas à la France d'appliquer à la restauration
commerciale un taux de TVA autre que le taux normal. Elle n'a, sur ce point,
pas été modifiée par la directive relative aux services à forte intensité de
main-d'oeuvre susceptibles de bénéficier, pour une période allant du 1er
janvier 2000 au 31 décembre 2002, d'un taux réduit - ce qui est le cas pour
l'artisanat dans le bâtiment.
Aujourd'hui, monsieur le sénateur, seuls six Etats membres de l'Union
européenne qui, au 1er janvier 1991, appliquaient déjà un taux réduit à la
restauration commerciale ont été autorisés à maintenir celui-ci, conformément
aux dispositions de l'article 28-2 de la sixième « directive TVA ». Tel est le
cas du Portugal, souvent cité en exemple : la dérogation dont a bénéficié cet
Etat repose sur le fait qu'il appliquait, jusqu'en 1991, un taux réduit de TVA
à la restauration. Or la France n'est pas dans cette situation.
En outre, huit autres Etats membres de l'Union européenne soumettent la
restauration commerciale à des taux de TVA compris entre 15 % et 25 %. La
France se situe donc dans une moyenne, certes toujours trop élevée au goût des
professionnels, mais elle ne se trouve pas aujourd'hui dans une situation
d'exception par rapport aux autres pays.
Cela étant, le Gouvernement est attentif à la situation du secteur de la
restauration, qui concourt à faire de notre pays la première destination
touristique en Europe et dans le monde.
Ainsi, ce secteur bénéficiera pleinement des baisses d'impôt décidées, en
particulier de la suppression progressive de la part salariale dans l'assiette
de la taxe professionnelle et de la réduction des cotisations patronales mise
en oeuvre depuis quelques années.
Il apparaît d'ailleurs que l'allégement des charges sociales constitue une
réponse plus appropriée aux attentes du secteur de la restauration qu'une
baisse de la TVA, notamment dans l'optique de la mise en place des 35 heures,
qui se négocie actuellement.
A cet égard, j'ai reçu la semaine dernière les représentants de l'hôtellerie
française. Je peux vous préciser que, dans la perspective de la conclusion d'un
accord, un décret est en préparation afin d'alléger les charges sociales pesant
sur la valeur des repas servis aux employés des restaurants, ce qui représente
une dépense de 500 millions de francs en année pleine pour le budget de
l'Etat.
M. Daniel Goulet.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Goulet.
M. Daniel Goulet.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je relève un point positif dans votre
intervention : vous avez indiqué que, en concertation avec les représentants de
l'hôtellerie et de la restauration, vous préparez un décret qui permettra
d'alléger substantiellement les charges sociales pesant sur ce secteur.
Cependant, je voudrais faire deux observations en réponse à vos propos.
Tout d'abord, vous avez indiqué que les restaurateurs n'étaient pas seuls à
demander une réduction du taux de la TVA. Or je n'ai pas entendu, en tout cas
dans ma région, d'autres professionnels réclamer le bénéfice du même
traitement.
M. François Patriat,
secrétaire d'Etat.
Et les réparateurs automobiles ?
M. Daniel Goulet.
En outre, les restaurateurs et les hôteliers, vous l'avez vous-même souligné,
contribuent très largement au solde positif de la balance commerciale de la
France. Chacun sait en effet que notre pays est le plus visité au monde et que
ce secteur apporte des réponses substantielles aux problèmes budgétaires qui
sont les vôtres, monsieur le secrétaire d'Etat, et que je comprends.
Il conviendrait donc de comparer les 20 milliards de francs que pourrait
effectivement coûter la réduction du taux de la TVA aux bénéfices et aux
excédents assez importants que dégagent la restauration et le tourisme.
Par ailleurs, vous avez évoqué les situations différentes existant, au sein de
l'Union européenne, en matière de TVA. Dans ce domaine, je crois qu'il faudra
de toute façon parvenir à une harmonisation, afin que les restaurateurs
français n'aient pas à souffrir de la comparaison.
ACCÈS AUX SERVICES BANCAIRES
M. le président.
La parole est à M. Delfau, auteur de la question n° 1065, adressée à M. le
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Gérard Delfau.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous êtes particulièrement chargé du droit des
consommateurs, et je voudrais donc attirer votre attention sur les difficultés
rencontrées par plusieurs millions de personnes exclues du système bancaire
traditionnel.
J'ai, bien sûr, pris acte de la décision récente du Gouvernement de mettre en
place, conformément à la « loi Aubry », un service bancaire de base réservé aux
exclus. Mais le nombre des personnes concernées est dérisoire et les modalités
d'accès sont dissuasives pour cette catégorie de la population.
Par ailleurs, j'ai suivi avec intérêt l'examen et l'adoption par l'Assemblée
nationale, le 25 avril dernier, d'une proposition de loi visant à assurer la
gratuité de la délivrance et du traitement des chèques. Mais de telles
dispositions sont-elles bien réalistes dans la perspective de l'ouverture du
marché bancaire européen ?
Surtout, n'est-il pas plus urgent de restaurer le droit à un service bancaire
de base de qualité pour tous, un service bancaire universel gratuit, octroyant
une gamme complète de prestations élémentaires, qu'il s'agisse, par exemple,
d'un compte de dépôt, de relevés bancaires ou postaux ou de la délivrance d'un
certain nombre de titres de paiement gratuits et sécurisés, et ce quel que soit
le montant des revenus des personnes et selon des modalités accessibles à tous
?
Enfin, j'estime qu'une autre priorité est d'assurer une meilleure transparence
des coûts des services bancaires pour les clients et de donner le droit à ces
derniers de recourir à la protection prévue par le code de la consommation en
cas de litige. A quand une initiative du Gouvernement à ce sujet ?
Par conséquent, je vous demande, monsieur le secrétaire d'Etat, ce que vous
comptez entreprendre pour traduire dans les faits ces deux priorités et donner
ainsi une suite concrète aux travaux de la commission Jolivet.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Patriat,
secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à
l'artisanat et à la consommation.
Monsieur le sénateur, vous avez raison :
il convient de protéger les personnes en situation d'exclusion bancaire, et le
Gouvernement, qui a fait en ce sens des propositions et accepté des amendements
lors de l'examen de différents textes de loi, partage pleinement cette
préoccupation.
Il l'a montré encore récemment, à l'occasion de la discussion du projet de loi
portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier, dit
MURCEF, examiné il y a quelques jours par l'Assemblée nationale et qui viendra
prochainement devant la Haute Assemblée.
Afin d'aider les Français confrontés à des difficultés d'exclusion, le
Gouvernement a pris plusieurs mesures majeures et il devrait les compléter
prochainement par de nouvelles propositions.
Tout d'abord, le décret publié le 17 janvier dernier institue un service de
base bancaire gratuit pour les exclus et définit le contenu des services
bancaires de base pour les personnes en situation d'exclusion bancaire. Ces
services comprennent notamment des moyens de paiement à distance - virements,
prélèvements, carte de paiement à autorisation systématique.
Ensuite, afin de faciliter la sortie du dispositif d'interdiction d'émettre
des chèques, le Gouvernement a inscrit dans le projet de loi MURCEF des mesures
visant à aménager le régime des pénalités libératoires et des frais bancaires
applicables aux chèques sans provision, afin de favoriser la régularisation de
la situation des personnes faisant l'objet d'une interdiction d'émettre des
chèques pour des sommes d'un montant limité.
Comme vous le savez, le projet de loi sur les nouvelles régulations
économiques, qui sera promulgué prochainement et que j'ai défendu, au nom du
Gouvernement, à la tribune de l'Assemblée nationale il y a quelques jours, a
ramené de dix à quinze ans la durée maximale de cette interdiction, ce qui
n'est pas mince. Cette nouvelle disposition facilitera grandement les sorties
anticipées.
Il est un autre point que vous avez évoqué qui nous paraît important : la
protection des sommes insaisissables.
Comme il s'y était engagé, le Gouvernement a repris très activement les
travaux relatifs à la mise en oeuvre effective des dispositions sur
l'insaisissabilité, de façon à assurer un « reste à vivre » alimentaire aux
personnes saisies, travaux dont j'espère pouvoir présenter prochainement les
résultats.
Il s'agit également de moderniser les relations entre les banques et leur
client. Vous proposez, quant à vous, la mise en place d'un service bancaire
gratuit universel, demande qui avait été formulée par une association de
consommateurs.
Or le Gouvernement, ainsi qu'il l'avait déjà indiqué devant votre assemblée à
l'occasion de l'examen du projet de loi sur les nouvelles régulations
économiques, souhaite réserver ces services de base bancaires aux populations
visées par la loi contre les exclusions. Notre problème, en effet, n'est pas
tant de savoir si les chèques seront gratuits ou pas - les banques seraient
tentées d'en reporter le coût sur d'autres produits - que de nous attacher à
examiner l'ensemble de la tarification bancaire à travers les relations
banque-client, le prix réel des services, le prix réel de l'ouverture des
comptes, le prix réel des documents fournis par ailleurs. C'est donc,
globalement, sur la tarification dans son ensemble plus que sur la gratuité des
chèques que le Gouvernement entend faire porter son action, parce qu'il faut
veiller à la transparence du coût des services bancaires pour les clients.
La modernisation de la relation entre les banques et leurs clients est un
élément essentiel de notre action et le complément indispensable des mesures
spécifiques destinées à traiter les difficultés particulières.
Le Gouvernement a introduit plusieurs dispositions en ce sens dans le projet
de la loi MURCEF. Ces dispositions, qui ont vocation à s'inscrire à la fois
dans le code monétaire et financier et dans le code de la consommation, auront
pour effet d'améliorer très sensiblement, et pour l'ensemble de la clientèle
bancaire, la transparence de cette relation commerciale et de rééquilibrer
cette relation en faveur des clients.
Les dispositions proposées constitueront, pour l'ensemble de la clientèle
bancaire, un progrès très notable, et ce dans trois directions : transparence
et contractualisation systématique des services bancaires et de leur
tarification ; protection contre les effets pernicieux des ventes forcées et
des ventes à prime ; accès direct au juge et recours à un dispositif
décentralisé de médiation rapide et gratuite.
Cet ensemble de mesures devrait permettre de défendre l'intérêt réel des
clients des banques, mieux qu'une disposition qui apparaîtrait peut-être
aujourd'hui comme une mesure phare, mais qui serait illusoire du fait des
effets indirects qu'elle pourrait avoir sur les clients des banques.
Le Gouvernement s'engage donc résolument dans la voie de la défense réelle de
l'ensemble des clients des banques, et notamment des plus défavorisés.
M. Gérard Delfau.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez rappelé, à juste titre, que le
Gouvernement s'était attaqué à ce chantier complexe que représentent les
relations entre les usagers du système bancaire et les banques. Je vous donne
acte - je l'avais d'ailleurs déjà fait - de ce qu'un premier pas a été fait
avec la mise en place du service bancaire de base pour les exclus. Mais je
renouvelle mon interrogation à cet égard.
En effet, certains experts estiment l'exclusion bancaire à plusieurs millions
de personnes ; peut-être est-ce un peu excessif. Monsieur le secrétaire d'Etat,
combien de personnes seront-elles concernées par ce service bancaire de base ?
On parle de quelques milliers. Si cette estimation était avérée, ce serait une
grande déception pour ceux qui, comme moi - et je ne suis pas le seul -,
militent pour le retour au service public bancaire, « retour » parce qu'il
existait il y a une vingtaine d'années ; nous sommes, de ce point de vue, en
régression.
D'autres mesures ont été prises ou sont proposées par le Gouvernement,
notamment sur toutes les questions complexes d'interdiction bancaire. C'est un
progrès très significatif que je veux saluer. De même, il est important qu'une
part des revenus, notamment les allocations vitales, soit insaisissable et,
dans ce domaine aussi, vous faites une avancée.
Je reviens maintenant sur deux sujets centraux.
Comme vous, je ne pense pas que décréter le chèque gratuit pour l'éternité
soit une solution. Encore faut-il inciter les banques, y compris par un fonds
de compensation, à admettre l'ensemble des citoyens ou plutôt des résidents à
ces services de base.
Enfin, il y a un élément sur lequel vous ne m'avez pas répondu et qui est
pourtant très important : envisagez-vous, comme cela avait été évoqué par le
Gouvernement, de soumettre les banques au code de la consommation ?
INDEMNISATION DES RÉPARATIONS DES DÉGÂTS
CAUSÉS PAR LES TEMPÊTES DE DÉCEMBRE 1999
M. le président.
La parole est à M. Peyronnet, auteur de la question n° 1053, adressée à M. le
secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à
l'artisanat et à la consommation.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ma question porte sur les conséquences des
tempêtes successives que notre pays a connues les 26 et 27 décembre 1999.
Ce type de catastrophe, exceptionnelle par son ampleur, l'est tout autant par
la durée de ses conséquences. D'ailleurs, l'examen, même encore sommaire, des
conséquences supposées des inondations de la Somme laisse augurer des effets à
long terme.
Donc, ces tempêtes qui ont frappé notre pays ont non seulement causé des
dégâts sévères à nos forêts, mais aussi lourdement endommagé les bâtiments
publics ainsi que ceux des particuliers, notamment les toitures.
Cette question est très actuelle, et voici pourquoi. A la suite des sinistres
de décembre 1999, nos concitoyens ont adressés à leurs assureurs des
déclarations en vue de faire indemniser les préjudices subis. Or le code des
assurances prévoit, en son article L. 114-1, qu'en ce domaine la prescription
est biennale : toute action dérivant d'un contrat d'assurance est prescrite au
bout de deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance.
Or, je le répète, beaucoup a été fait dans l'urgence, mais beaucoup reste à
faire, et nombreux sont les Français qui n'ont pas encore pu faire réaliser les
travaux nécessaires. Ils ont pris des mesures d'urgence, mais beaucoup
craignent que la situation ne s'aggrave parce que, après bientôt dix-huit mois,
ils n'arrivent pas à obtenir les services des entrepreneurs pour la réalisation
des travaux définitifs qui doivent suivre les travaux d'urgence.
Les entrepreneurs éprouvent en effet des difficultés à satisfaire la demande,
qui est très importante. Les raisons peuvent tenir à la qualification des
entrepreneurs, à une certaine frilosité de leur part ainsi qu'au mauvais temps
que nous connaissons depuis plusieurs mois et qui fait que l'on n'a pas débâché
pour ne pas risquer, du fait de la pluie, des dégâts des eaux, sans parler du
danger qu'il y a à travailler sur des bâtiments lorsqu'il fait mauvais
temps.
Dès lors, certains particuliers, et c'est l'objet de ma question, s'inquiètent
de se voir opposer la prescription biennale si les travaux ne sont pas réalisés
d'ici à la fin de l'année.
En effet, tout est fonction de la police d'assurance. Nous pouvons distinguer
trois hypothèses.
La première, qui ne pose aucune difficulté, est celle où l'assureur a procédé,
au vu d'un devis, à l'indemnisation totale.
La deuxième hypothèse est celle où l'assureur a versé, toujours au vu d'un
devis, une provision, le versement du solde étant conditionné à la production
des factures.
La troisième, enfin, est celle où l'assureur attend effectivement cette
présentation des factures pour l'ensemble des travaux.
Les deuxième et troisième hypothèses laissent planer le doute de la forclusion
si les travaux ne sont pas réalisés avant la fin de cette année, c'est-à-dire
avant le 1er janvier 2002.
Aussi, ma question, monsieur le secrétaire d'Etat, est de savoir si l'article
L. 114-1 est applicable à ces hypothèses ou si le délai est suspendu par
l'impossibilité de trouver un entrepreneur.
Dans l'hypothèse où la prescription serait opposable à ces situations,
l'article L. 114-2, qui prévoit l'interruption du délai par l'envoi d'une
lettre recommandée, pourra-t-il être utilisé ? Dans ce cas, le Gouvernement
entend-il mener une campagne d'information afin que chacun, dans le respect des
dispositions de son contrat d'assurance, puisse être indemnisé des sinistres
consécutifs à ces tempêtes ?
Enfin si, d'aventure, ce que je ne crois pas vraiment, l'article L. 114-1 est
applicable dans toute sa rigueur et l'article L. 114-2 inefficace pour
interrompre cette prescription, le Gouvernement entend-il prendre des mesures
afin d'assouplir cette rigueur et octroyer éventuellement aux sinistrés un
délai supplémentaire ?
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Patriat,
secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à
l'artisanat et à la consommation.
Monsieur le sénateur, vous avez raison
de rappeler qu'aux termes de l'article L. 114-1 du code des assurances toute
action dérivant d'un contrat d'assurance est prescrite au terme de deux ans à
compter de l'événement qui y donne naissance.
L'article L. 114-2 du même code prévoit que cette prescription est interrompue
par une des causes ordinaires de la prescription, ainsi que par la désignation
d'un expert, par l'envoi d'une lettre recommandée par l'assureur à l'assuré en
ce qui concerne l'action en paiement de prime ou par l'envoi d'une lettre
recommandée par l'assuré à l'assureur lorsqu'il s'agit du paiement d'un
dommage.
Dans le cas d'espèce, je vous rassure, la nomination d'un expert par
l'assureur ou l'envoi d'une lettre recommandée par l'assuré interrompt la
prescription biennale. Il n'est pas anticipé de difficultés du fait de
l'application de la prescription biennale, compte tenu des expériences passées
et de l'état d'avancement des dossiers actuels.
Cela dit, monsieur le sénateur, le Gouvernement s'assurera, en liaison avec
les organisations professionnelles concernées, que l'information telle que je
vous l'ai donnée sera bien diffusée aux assurés.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Je vous remercie de cette réponse qui, effectivement, me rassure, monsieur le
secrétaire d'Etat. Une information du ministère à destination du grand public
serait malgré tout utile.
Mais permettez-moi d'élargir mon champ de réflexion, toujours sur les
conséquences à long terme des tempêtes.
Les dégâts sur les routes ont été très importants et les communes mettront
plusieurs années pour les réparer. Je souhaite, monsieur le secrétaire d'Etat,
que vous soyez notre porte-parole auprès du ministre de l'intérieur pour lui
rappeler qu'il faudra sans doute qu'il consente un effort en faveur des
communes rurales, notamment forestières. Pour connaître la même situation dans
votre département, vous savez, monsieur le secrétaire d'Etat, que le problème
est très grave. J'appellerai moi-même l'attention du ministre de l'intérieur
sur cette situation, mais votre aide sera la bienvenue et appréciée par nos
concitoyens, en particulier par nos maires.
MAINTIEN DES PETITES STATIONS-SERVICE
EN MILIEU RURAL
M. le président.
La parole est à M. Cornu, auteur de la question n° 1059, adressée à M. le
secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à
l'artisanat et à la consommation.
M. Gérard Cornu.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous savez combien les petites et moyennes
entreprises sont fondamentales pour réussir un aménagement du territoire
équilibré.
A cet égard, le maintien des petites stations-service en milieu rural pose un
problème récurrent auquel nous n'avons toujours pas apporté de réponse
législative. Les offres à des prix abusivement bas appliqués aux carburants ne
sont, en effet, toujours pas prohibées par la loi. Ainsi, les grandes et
moyennes surfaces continuent à faire des hydrocarbures des produits d'appel, et
ce au détriment des petits détaillants, dont le nombre décroît chaque année.
Profitant du débat sur le projet de loi relatif aux nouvelles régulations
économiques, nous avons tenté, par voie d'amendement, d'instaurer une
concurrence loyale entre les différents acteurs, dans le souci de préserver
l'activité en zone rurale, le maillage de notre territoire, mais aussi la
sécurité des approvisionnements. Il nous a alors été objecté que le contexte du
marché pétrolier ne se prêtait pas à une telle réforme.
Votre prédécesseur, monsieur le secrétaire d'Etat, s'était opposé à nos
initiatives. Si Mme Lebranchu avait déclaré qu'elle partageait notre souci,
elle avait précisé qu'elle divergeait sur les moyens d'y parvenir. Elle avait
notamment fait valoir les aides que le Gouvernement accorde chaque année au
CPDC, le comité des professionnels détaillants de carburants, afin de permettre
à ces professionnels de résister à une concurrence difficile.
Je lui avais alors répondu que, selon les informations dont je disposais, ce
fonds était largement insuffisant pour répondre à tous les besoins et que, par
voie de conséquence, la solution alternative résidait dans l'octroi par le
Gouvernement de fonds plus substantiels audit comité.
Mme Lebranchu avait, pour sa part, mis les défaillances du système sur le
compte de la mauvaise utilisation du fonds. Elle avait, en conclusion de nos
débats, annoncé qu'elle avait pris l'engagement lors de ses rencontres avec les
détaillants de revoir les règles de la distribution des fonds.
Maintenant, c'est vous, monsieur Patriat, qui êtes en charge de ce dossier
puisque vous avez la responsabilité des petites et moyennes entreprises, que
vous aurez à coeur de défendre, je n'en doute pas. Pourriez-vous, dès lors,
monsieur le secrétaire d'Etat, nous dire ce qu'il en est très exactement
aujourd'hui ? Avons-nous progressé dans l'étude de ce dossier ? Sommes-nous en
mesure d'apporter enfin une réponse concrète et encourageante aux
professionnels concernés ?
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Patriat,
secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à
l'artisanat et à la consommation.
Monsieur le sénateur, votre question,
qui est effectivement importante, recouvre en fait trois interrogations.
La première concerne l'aménagement du territoire et le maintien des
stations-service en milieu rural. Tous les élus ici souhaitent un maillage
décent pour permettre à chacun de trouver à proximité du carburant.
La deuxième concerne le prix des carburants, dans un contexte où, vous le
reconnaissez vous-même, les Français s'inquiètent plus d'une hausse parfois
insupportable du prix du carburant que du maintien du nombre des
stations-service.
La troisième porte sur l'équilibre entre l'ouverture du marché, notamment sur
les autoroutes, à laquelle vient de procéder le Gouvernement en application
d'une directive européenne et le nécessaire maintien de l'activité en milieu
rural.
Comme les pouvoirs publics s'y étaient engagés, le système du CPDC a été
réformé grâce à la redéfinition des aides en trois catégories. Il est donc
désormais plus lisible.
Il s'agit, tout d'abord, de l'aide au développement de l'entreprise, qui
comprend notamment les actions liées à la modernisation, telles que l'achat et
la pose de volucompteurs, la signalétique, l'automatisation de la distribution
du carburant ce qui répond aujourd'hui pour partie à cette demande de
l'équilibre territorial, et la réfection des pistes d'accès aux stations. Le
plafond des financements a été fixé à 200 000 francs.
S'agissant de l'aide à l'environnement, avec les travaux de mise aux normes,
de neutralisation des sites, de remises en l'état en cas de fermeture, le
plafond est fixé à 250 000 francs, soit 70 % du coût de l'investissement.
La dernière aide revêt un caractère social puisqu'il s'agit du soutien aux
détaillants en carburant contraints de cesser leur activité. Le montant de
l'aide tient compte de l'ensemble des caractéristiques des situations examinées
et ne peut être supérieur à 120 000 francs par demandeur.
Depuis 1999, le financement du CPDC est assuré par un prélèvement sur le
produit de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat versée par les magasins
de détail dont la surface de vente est supérieure à 400 mètres carrés. Je suis
très attaché à cette solidarité, obtenue grâce à un outil fiscal, entre la
grande distribution et les indépendants détaillants.
Monsieur le sénateur, en l'an 2000, ce sont 1 814 dossiers de demandes d'aide
qui ont été validés et 72 millions de francs qui ont été accordés, somme jamais
atteinte par le passé, ce qui montre que la lisibilité du dispositif a accru
son efficacité. L'effort des pouvoirs publics est donc bien réel pour assurer
le maintien d'un service de proximité à la population dans les zones
rurales.
Les évolutions à venir doivent tenir compte de la nécessité d'assurer la
pérennité des stations-service sur le territoire. Je souhaite que l'accent soit
mis plus encore sur le maillage du territoire en milieu rural. Pour cela, le
CPDC doit adapter son dispositif en direction des entreprises les plus menacées
et assurer le meilleur usage de son budget annuel. A cet égard, on peut
considérer, monsieur le sénateur, que le montant actuel est suffisant pour
répondre aux besoins.
M. Gérard Cornu.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Cornu.
M. Gérard Cornu.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de votre réponse : il est
vrai que les avancées sur les plans environnemental et social ainsi que
l'automatisation des stations sont importantes.
Il est vrai également que, même si les usagers souhaitent bénéficier des prix
les moins élevés, il est important de maintenir le maillage des petites
stations-service en milieu rural, et donc de prendre désormais en compte les
coûts additionnels liés aux grandes surfaces et de lutter contre les prix
abusivement bas.
RÉHABILITATION DU PARC NATUREL RÉGIONAL
DU LUBÉRON
M. le président.
La parole est à M. Haut, auteur de la question n° 1055, adressée à M. le
ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Claude Haut.
Monsieur le ministre, c'est en tant que sénateur mais aussi en tant que
président du conseil général de Vaucluse que je souhaite attirer tout
particulièrement votre attention sur deux événements qui ont eu des
conséquences particulièrement dramatiques pour l'environnement et l'écosystème
du département.
Les 27 et 28 août 2000, au coeur du parc naturel régional du Lubéron, 187
hectares ont été ravagés par un incendie. Aujourd'hui, des travaux sont
nécessaires pour permettre la réhabilitation et, surtout, la sécurisation du
site.
Le conseil régional de Provence-Alpes-Côte d'Azur, présidé par Michel
Vauzelle, a déjà fait part de son engagement. Le conseil général de Vaucluse -
je m'y engage personnellement - participera également au montage financier de
cette opération.
Je sais aussi que M. le préfet de Vaucluse a sollicité de votre ministère une
participation à cette opération de réhabilitation.
Ce soutien pourrait également permettre de faire face aux dégâts exceptionnels
occasionnés sur l'ensemble du département - c'est le second événement - par les
fortes chutes de neige que nous avons connues dans la région de
Provence-Alpes-Côte d'Azur, particulièrement dans le Vaucluse, à la fin de
l'hiver 2001.
Ces dégâts ne sont pas pris en compte au titre des catastrophes naturelles. Or
ils ont particulièrement touché les forêts du parc naturel régional du Lubéron
ainsi que les oliveraies dans les Alpes de Haute-Provence, chères à mon
collègue Claude Domeizel, qui s'associe à ma demande.
A l'approche de la période estivale, la situation est inquiétante : nos bois
et nos forêts sont en effet jonchés d'arbres cassés et déracinés par le poids
de la neige.
Dans le Vaucluse en particulier, le risque d'incendie n'est pas une vue de
l'esprit. Les efforts considérables de prévention accomplis depuis plusieurs
années ont eu heureusement un résultat indéniable.
Mais aujourd'hui, monsieur le ministre, pour faire face à cette situation
exceptionnelle, je vous demande de dégager des moyens supplémentaires qui nous
permettraient de traiter au mieux et d'urgence les sites concernés.
Le département de Vaucluse et la région de Provence-Alpes-Côte d'Azur
prendront toute leur part dans le traitement des conséquences de ces
catastrophes naturelles, mais ils voudraient que la solidarité nationale se
manifeste, en raison de l'ampleur des dégâts.
J'espère, monsieur le ministre, que vous nous apporterez des réponses
positives.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Monsieur le sénateur et
président du conseil général de Vaucluse, votre question fait référence à deux
événements distincts qui ont frappé votre région à six mois d'intervalle : un
incendie les 27 et 28 août 2000 et de fortes chutes de neige en février
2001.
Pour respecter l'ordre chronologique, je commencerai par les suites données à
l'incendie des 27 et 28 août 2000, incendie qui a ravagé 187 hectares sur la
commune de Peypin-d'Aigues, dans votre département de Vaucluse.
Les travaux de première urgence au regard de la sécurité publique, tels que
l'abattage des arbres dangereux, ont été réalisés par les personnels
auxiliaires de protection de la forêt méditerranéenne qui ont été recrutés
depuis 1999 par l'Office national des forêts, l'ONF, avec un financement
conjoint de mon ministère et du ministère de l'emploi et de la solidarité.
Les opérations destinées à limiter l'érosion des sols incendiés seront très
prochainement mises en oeuvre avec un concours financier du ministère de
l'agriculture et de la pêche à hauteur de 200 000 francs.
Les travaux de réfection et de remise aux normes des aménagements et des
équipements de protection de la forêt contre l'incendie, tels que les pistes,
les points d'eau et les pare-feux, seront réalisés en 2001.
La reconstitution des peuplements forestiers doit s'accompagner d'une
réflexion sur les conditions de mise en sécurité à l'égard des risques
d'incendie.
Il serait vain, selon moi, d'encourager une reconstitution qui n'intégrerait
pas une stratégie et des moyens de protection efficaces. Le diagnostic des
peuplements totalement détruits ou partiellement endommagés est un préalable
nécessaire à la définition des orientations et des modalités de reconstitution.
Compte tenu de la nature des essences concernées, la reconstitution par
régénération naturelle devra être privilégiée, le recours à des plantations
étant réservé à des situations particulières qui le justifient, telles que, par
exemple, la prévention de l'érosion des sols ou un impact paysager majeur.
Les travaux de reconstitution des peuplements sinistrés après le feu sont
éligibles au soutien du Fonds européen d'orientation et de garantie agricole,
le FEOGA, dans le cadre du règlement communautaire de développement rural.
Les modalités de mise en oeuvre de cette mesure, qui sont détaillées dans le
plan de développement rural national, peuvent permettre d'accompagner les
moyens financiers mobilisés par le conseil général de Vaucluse et le conseil
régional de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.
L'ensemble de ces éléments traduit une volonté d'accompagnement des efforts,
que je salue, du conseil général et du conseil régional.
J'en viens maintenant aux suites données aux fortes chutes de neige des 27 et
28 février 2001.
Ces chutes de neige assez exceptionnelles ont causé d'importants dégâts
forestiers sur les plantations de chênes verts et de pins d'Alep dans l'est du
département de Vaucluse, notamment sur les plantations du grand Lubéron. C'est
ainsi que 2 800 hectares ont été endommagés sur les communes de
Peypin-d'Aigues, La Bastide-des-Jourdans, La Motte-d'Aigues et
Vitrolles-en-Lubéron.
Cette situation aggrave de façon significative les risques d'incendie de forêt
compte tenu des difficultés d'accès aux massifs forestiers et des quantités
d'arbres ou de branchages au sol susceptibles de brûler.
Le préfet de Vaucluse a d'ores et déjà pris des mesures réglementaires
concernant l'interdiction de l'emploi du feu et de pénétration dans les massifs
touchés.
Le dégagement des accès aux massifs, particulièrement des voies de défense de
la forêt contre l'incendie, est en voie d'achèvement par les ouvriers
forestiers rapatriés d'Afrique du Nord et les personnels auxiliaires de
protection de la forêt méditerranéenne, que finance le ministère de
l'agriculture et de la pêche.
La deuxième priorité avant l'été, période à haut risque d'incendie, est la
remise en état des coupures de combustibles et des bandes débroussaillées de
sécurité le long des pistes de défense de la forêt contre l'incendie. J'ai
donné des instructions pour qu'un crédit supplémentaire de 5 millions de francs
soit délégué dans les plus brefs délais au préfet de la région PACA pour
permettre de faire face aux besoins exprimés par le département de Vaucluse,
mais aussi par les départements du Var, des Alpes-de-Haute-Provence et des
Bouches-du-Rhône, qui sont également concernés.
Par ailleurs, le dispositif de surveillance estivale des massifs forestiers
endommagés sera renforcé, de façon à prévenir et à détecter le plus rapidement
possible tout départ de feu.
Telles sont, monsieur le sénateur, les informations que je voulais vous
transmettre en réponse à votre question. Je veux également réaffirmer, aussi
solennellement que possible, la volonté du Gouvernement de vous accompagner et
de vous aider à faire face à cette situation avant la prochaine période
estivale, c'est-à-dire avant que les risques d'incendie ne s'accroissent.
M. Claude Haut.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Haut.
M. Claude Haut.
Monsieur le ministre, je vous remercie de ces propositions.
Compte tenu du cumul des dégâts dus à l'incendie et des dégâts dus aux chutes
de neige, nous avions besoin de votre soutien, et je tiens ici à exprimer mes
remerciements au Gouvernement, qui nous l'a apporté.
ÉTAT D'AVANCEMENT DU PROJET TGV RHIN-RHÔNE
M. le président.
La parole est à M. Lorrain, auteur de la question n° 1023, adressée à M. le
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Jean-Louis Lorrain.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la
réalisation du TGV Rhin-Rhône, projet inscrit au schéma directeur national des
liaisons ferroviaires à grande vitesse de 1992, ne paraît pas susciter de la
part de l'Etat et de Réseau ferré de France le même empressement - relatif ! -
que celui qu'ils ont manifesté pour le TGV Est, dont le financement est
complètement assuré.
L'Etat s'engage, lui, à concurrence de 3,45 milliards de francs, dont 50 % de
fonds publics, sur cinq ans, et le groupe de travail « financement » du comité
de pilotage évalue la participation de Réseau ferré de France à 2 milliards de
francs.
Selon nos informations, aucune démarche ne semble encore avoir été entreprise
auprès de l'Union européenne et de la Confédération helvétique ; pourtant, le
groupe de travail « financement » aurait chiffré leur contribution
respectivement à 900 millions et 500 millions de francs français.
Il est capital que toutes les interventions nécessaires soient entreprises
pour que le comité de pilotage puisse se réunir rapidement afin, au moins, de
faire le point.
Le projet, constitué de trois branches - la branche Est, entre Dijon et
Mulhouse, les branches Sud et Ouest reliant l'Est à la région lyonnaise et
Dijon à la ligne Paris-Lyon grande vitesse - a fait l'objet d'études
fonctionnelles ; seuls manquent les détails moteurs de sa concrétisation
financière.
Quelles sont donc, monsieur le ministre, les dernières étapes concernant le
démarrage de ce projet, dont la réalisation peut apporter un sérieux coup de
pouce au dynamisme des régions précitées ?
Vos services sont-ils prêts à déterminer le montant de la participation de
l'Etat, et le montant de celle de Réseau ferré de France sera-t-il précisé à
brève échéance ?
De ces éléments essentiels dépend la suite de la mise en oeuvre du projet,
qui, pour nous comme pour vous, bien sûr, est important sur les plans
logistique et économique.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
sénateur, votre ton était suffisamment posé pour que je ne vous rappelle pas
que, à mon arrivée, aucun des projets relatifs aux TGV prévus au schéma
directeur n'avait reçu le début d'un commencement de financement.
Pour le TGV Est-européen, vous l'avez dit, nous avons été conduits à chercher
des solutions. Nous les avons trouvées et le projet va démarrer, ainsi que vous
l'avez souligné.
S'agissant du TGV Méditerranée, c'est vrai, il manquait quelques centaines de
millions de francs pour son achèvement. Je puis vous dire que, le 7 juin
prochain, ce TGV sera réalisé.
Le TGV Rhin-Rhône figure au réseau transeuropéen de transport. Par conséquent,
nous sommes d'ores et déjà en droit de demander une participation financière de
10 % à l'Europe.
Ce TGV Rhin-Rhône, c'est-à-dire non seulement la branche Est, mais également
la branche Sud, constitue un maillon clé du réseau transeuropéen.
Conscient de son intérêt stratégique, le Gouvernement a pris des engagements
forts sur ce projet. Il a ainsi décidé, à l'issue du comité interministériel du
4 février 1998, la mise à l'enquête publique de sa branche Est de Dijon à
Mulhouse. Cette enquête publique s'est déroulée du 29 mai au 29 juillet 2000,
et la commission d'enquête a, depuis, rendu un avis favorable.
Parallèlement, la mise au point du plan de financement d'une première phase de
la branche Est fait l'objet d'une mission du conseil général des Ponts et
Chaussées. Cette mission consiste, tout d'abord, à déterminer la capacité
contributive du maître d'ouvrage, Réseau ferré de France, afin d'en déduire le
montant des concours publics nécessaires au bouclage du financement.
Dans un second temps, cette mission proposera un plan de financement avec les
partenaires concernés.
En fonction, d'abord, de la participation des collectivités territoriales,
puisque c'est maintenant la règle du jeu - on l'aime ou on ne l'aime pas, mais
dès lors qu'il s'agit des autoroutes ou des TGV, un partenariat s'engage, ce
qui nous permet, avec l'effet de levier induit, de passer à la réalisation - en
fonction, ensuite, de la participation de l'Union européenne - si les 10 % sont
la règle, parfois on reçoit moins, et il faut se battre sur ce point - ainsi
que de celle de la Suisse - vous avez évoqué des montants mais, moi, je suis
partisan pour négocier au mieux - l'Etat déterminera le montant de son
engagement financier.
Avant d'engager les travaux, il est nécessaire de réaliser les études
d'avant-projet détaillé et de mettre au point la prochaine convention de
financement de ces études d'avant-projet détaillé avec les partenaires
financiers du projet.
Dans ces conditions, les premiers travaux débuteront avant la mise en service
du TGV Est-européen, qui est prévue pour 2006. Tant et si bien, monsieur
Lorrain, que, dans l'ouest de la France, on se dit qu'il n'y en a que pour
l'Est et pas assez pour l'Ouest !
(M. Josselin de Rohan fait un signe d'approbation.)
Vous savez pourtant,
monsieur de Rohan, que nous n'avons pas oublié l'ouest de la France en matière
de relations à grande vitesse !
L'ensemble de ces engagements, qui seront tenus, traduisent la volonté du
Gouvernement de mener à bien ce projet, qui prendra toute sa place dans le
réseau transeuropéen de lignes à grande vitesse en cours de constitution.
M. Jean-Louis Lorrain.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain.
Monsieur le ministre, si, à l'occasion d'une question précédente, j'ai,
contrairement à mes habitudes, montré une certaine impatience à l'égard du
membre du Gouvernement qui avait répondu à la question posée, cette fois-ci mon
propos était de faire le point sur la situation.
J'ai constaté encore aujourd'hui que vous vous intéressiez au TGV Lyon-Turin,
dont la réalisation va peut-être s'insérer dans une phase politique un peu
difficile.
Certes, il n'y a pas de comparaison à faire, mais il était de mon devoir de
rappeler la nécessité que le calendrier prévu se déroule dans la continuité,
sans fracture.
Etant issu d'une famille qui compte des cheminots depuis le début du siècle
dernier, je peux vous dire que c'est avec satisfaction que j'ai entendu vos
propos, monsieur le ministre.
AMÉNAGEMENT DE LA RN 165
M. le président.
La parole est à M. de Rohan, auteur de la question n° 1060, adressée à M. le
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Josselin de Rohan.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la RN 165
Nantes-Brest doit être prochainement mise en voie autoroutière.
Entre Lorient et la commune de Landaul, cet aménagement va entraîner la
création d'une voie de substitution qui sera parallèle à la RN 165. Or la
voirie envisagée aura des conséquences sur le développement de la zone
artisanale et industrielle de Landaul : elle risque de freiner l'extension des
entreprises situées sur cette zone artisanale et, surtout, d'induire un trafic
extrêmement important en bordure de ces entreprises, puisque ce sont 7 000
véhicules par jour qui viendront circuler dans la zone, avec tous les problèmes
de sécurité relativement importants qui en découleront.
Pour cette raison, la municipalité de Landaul, bien que la déclaration
d'utilité publique ait porté sur un autre tracé - je le concède volontiers - a
souhaité que soit étudié et mis au point un tracé par le sud de la RN 165,
tracé qui évite l'apport de trafic dans la zone industrielle.
Les pouvoirs publics ne s'étant pas montrés favorables à cette solution, la
municipalité de Landaul a décidé de ne pas se représenter aux élections
municipales, et la population a fait corps avec ses élus, si bien que Landaul
n'a pas de conseil municipal. A l'heure actuelle, la commune est administrée
par une délégation spéciale, ce qui n'est ni normal ni souhaitable mais montre
bien, vous l'admettrez, monsieur le ministre, la détermination de la
population.
Ma question est assez simple : est-il possible de faire droit à la demande
légitime de la municipalité sortante de Landaul et de trouver une solution qui
permette, à la fois, de réaliser la voie de substitution qui est indispensable,
ce que personne ne conteste, de ménager les perspectives de développement de la
commune, ainsi que de garantir la sécurité ?
Je souhaite que cette solution soit rapidement trouvée pour que nos collègues
et amis de Landaul reprennent le chemin de la mairie, après des élections
démocratiques, dans un climat apaisé.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
sénateur, c'est une réponse apaisante que je vais vous faire !
(Sourires.)
La section Lorient-Landaul de la RN 165 s'inscrit dans l'itinéraire reliant
Brest à Nantes en passant par Quimper. L'aménagement de cet itinéraire, qui
constitue l'axe sud du plan routier breton, répond aux objectifs d'amélioration
de la sécurité des infrastructures et d'aménagement du territoire. La mise en
oeuvre de ces objectifs, fixés dans le projet de schéma des services collectifs
de transports adopté par le Gouvernement le 26 octobre 2000, se traduira par la
mise aux normes de sections à deux fois deux voies.
Les études qui ont été menées sur cet axe ont conduit à scinder l'itinéraire
en trois parties distinctes : Nantes-Savenay, Savenay-Lorient et
Lorient-Brest.
Les aménagements prévus sur la section Lorient-Landaul, qui est située sur le
tronçon Savenay-Lorient, répondent à plusieurs objectifs.
Il s'agit de l'amélioration de la sécurité - nous entendons poursuivre la
bataille pour la sécurité routière avec la même détermination qu'auparavant -
de la mise aux normes techniques autoroutières, qui implique la restructuration
des échangeurs, de la réalisation de bandes d'arrêt d'urgence, de la reprise
ponctuelle des tracés, enfin, de la création d'itinéraires de substitution
destinés d'abord à la circulation des véhicules dont l'accès n'est pas autorisé
sur les autoroutes et voies express.
Le contrat de plan signé entre l'Etat et la région Bretagne pour la période
2000-2006 prévoit de financer, sur la section entre Lorient et Landaul, une
opération d'augmentation de capacité au niveau de Lorient, des études, des
acquisitions foncières, ainsi que la construction d'un itinéraire de
substitution au droit de Landaul, pour un montant total d'environ 322 millions
de francs.
Au droit de Lorient, où se situe l'opération la plus lourde, les travaux de la
section courante et des viaducs sur le Scorff devraient débuter en septembre
prochain, pour une durée d'environ quatre ans. Il s'agit en effet de travaux
assez longs.
S'agissant de Landaul, j'ai demandé à mes services d'engager une concertation
complémentaire avec la commune et les riverains concernés par la création de
l'itinéraire de substitution, afin de réduire ou de compenser ses effets. Je
souhaite que cette démarche permette de trouver des solutions acceptables par
toutes les parties.
La poursuite de l'aménagement de cet axe de développement devra naturellement
être examinée dans le cadre des futurs contrats de plan.
M. Josselin de Rohan.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. de Rohan.
M. Josselin de Rohan.
Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse.
Ce que je souhaite, c'est que soit engagé un effort particulier de
concertation avec la commune...
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Oui !
M. Josselin de Rohan.
... pour réfléchir aux moyens d'éviter que les problèmes d'insécurité que l'on
veut régler, à juste titre, sur la RN 165 ne se trouvent reportés sur la voirie
de substitution. Certes, les discussions impliquant la municipalité et les
services seront délicates. Mais je pense qu'avec une volonté de compromis de
part et d'autre on devrait aboutir à une solution.
J'espère surtout que c'est la voix du bon sens qui finira par triompher.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Vous pouvez
compter sur nous !
DÉDOUBLEMENT DE L'A 4 PAR L'A 86
DANS LE VAL-DE-MARNE
M. le président.
La parole est à M. Lagauche, auteur de la question n° 1061, adressée à M. le
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Serge Lagauche.
Monsieur le ministre, lors d'une précédente question orale, en mai 2000, vous
aviez eu une réponse plutôt rassurante concernant le dédoublement, dans le
Val-de-Marne, de l'A 4 par l'A 86, à hauteur de Joinville-le-Pont.
Vous aviez alors annoncé : « Une nouvelle expertise de l'opération va être
menée afin de rechercher à nouveau une solution financière acceptable par les
partenaires... Le Gouvernement partage votre appréciation selon laquelle la
situation actuelle ne peut être maintenue sans réponse pendant toute la durée
du contrat de plan. »
Bien sûr, vous savez, monsieur le ministre, que le tronc commun A 4-A 86 et
les sections adjacentes sont embouteillés six heures par jour en moyenne, que
c'est le premier bouchon quotidien de France et qu'il représente chaque jour
l'équivalent de dix mille journées de travail perdues.
De plus, le bouclage de l'A 86 constitue une liaison stratégique pour le
rééquilibrage vers l'est parisien, qui concerne 2 à 3 millions d'habitants et 1
million d'emplois, à travers les pôles de développement d'Orly-Rungis, du
Carrefour Pompadour, avec le projet de plate-forme logistique de fret Valenton
II, de Seine-amont ou encore de Marne-la-Vallée, avec la réalisation du
deuxième parc d'attractions Disney.
Si rien n'est fait, le cap des dix heures quotidiennes de bouchons en amont du
tronc commun sera atteint en 2003 et le réseau local continuera à se
saturer.
Or, récemment, l'équipe d'ingénieurs et de techniciens chargée de l'étude de
ce projet a été dissoute. Et, aujourd'hui, les élus locaux craignent un abandon
pur et simple de ce projet, d'autant que la déclaration d'utilité publique sera
forclose dès 2003.
Dans ces conditions, je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, quelles
perspectives claires vous entendez fixer pour le bouclage de l'A 86 à
Joinville-le-Pont.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
sénateur, je me permettrai d'abord de vous rappeler qu'il existe une
possibilité de prolongation du délai fixé pour la déclaration d'utilité
publique.
Le tronçon commun à deux fois quatre voies des autoroutes A 4 et A 86, entre
l'échangeur des Canadiens, à Saint-Maurice, et la bifurcation de
Nogent-sur-Marne, assure le rôle de radiale de l'autoroute A 4 et celui de
rocade de l'autoroute A 86. Il constitue effectivement un point très difficile
de la circulation en Ile-de-France.
Un premier projet conçu à partir de deux viaducs, dont le coût était estimé à
947 millions de francs, a été élaboré et déclaré d'utilité publique le 20 juin
1989. Comme vous le savez, il a été remis en cause alors que les consultations
d'entreprises allaient être lancées.
Une solution souterraine permettant la traversée de la Marne a ensuite été
mise à l'étude.
Ce nouveau projet, déclaré d'utilité publique le 20 novembre 1998, est estimé,
à lui seul, à 3,6 milliards de francs, alors que le volet routier de l'actuel
contrat de plan entre l'Etat et la région d'Ile-de-France, qui est déjà en
forte augmentation par rapport au précédent, s'établit à 11 milliards de
francs.
Une enveloppe a cependant été prévue au présent contrat de plan afin d'étudier
les conditions de financement du projet souterrain, tout en envisageant les
éventuelles possibilités de phasage et les mesures d'exploitation à prendre à
court terme. L'expertise annoncée n'est donc pas abandonnée et les études en
cours devraient dégager, dès l'été 2002, les orientations possibles. Au sein de
mes services, l'opération recevra le moment venu les moyens nécessaires à sa
mise en oeuvre.
Je vous précise, par ailleurs, que, dans le cadre du volet complémentaire du
contrat de plan, l'Etat et la région se sont engagés à apporter les
financements nécessaires à la réalisation des travaux de réaménagement du pont
de Nogent-sur-Marne, dans le Val-de-Marne, ce qui devrait permettre une
amélioration sensible des conditions de circulation pour les échanges entre l'A
86 au nord et l'A 4 à l'est du tronc commun.
Enfin, la volonté d'améliorer les conditions de transport en Ile-de-France
conduit le Gouvernement à favoriser un rééquilibrage entre les modes de
transport, notamment en milieu urbain, au bénéfice des transports collectifs.
Le contrat de plan Etat-région d'Ile-de-France, qui leur consacre un effort
très substantiel, en témoigne. Ce rééquilibrage constitue l'un des fondements
du plan de déplacement urbain récemment adopté, qui conduira à une réduction de
la congestion sur les routes et autoroutes urbaines.
M. Serge Lagauche.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche.
Monsieur le ministre, vous essayez à nouveau d'être rassurant.
La question qui se pose et qui devrait être au moins débattue au niveau du
département est de savoir si ce projet de 3,6 milliards de francs est
susceptible de jamais voir le jour eu égard à son coût très important, en
particulier en regard des sommes inscrites au contrat de plan. Dans ces
conditions, le premier projet - dont le coût était tout de même estimé à 1
milliard de francs, mais avec une faisabilité plus grande - doit également être
intégré au débat.
Monsieur le ministre, je vous demande d'user de votre influence pour que le
débat soit relancé dans le département afin de savoir ce qu'en pense l'opinion
publique.
MISE EN PLACE DU CONTRAT LOCAL DE SÉCURITÉ
À RAMBOUILLET
M. le président.
La parole est à M. Gérard Larcher, auteur de la question n° 1049, adressée à
M. le ministre de l'intérieur.
M. Gérard Larcher.
La sécurité est une réelle préoccupation de nos concitoyens et, dans ce
domaine, la réussite gouvernementale ne me paraît pas particulièrement
éclatante.
Mais c'est plus précisément de Rambouillet que je veux parler ici.
Le 13 juillet 1999, nous avons signé avec le ministère de la justice, les
transporteurs et les bailleurs sociaux un contrat local de sécurité, qui est
mis en oeuvre très concrètement par l'ensemble des partenaires.
Ce contrat comprend un volet « protection sociale », impliquant la ville, les
bailleurs sociaux, le centre communal d'action sociale, avec la participation
du conseil général pour l'action de prévention et d'éducation, un volet
technique, pris en charge par la collectivité, qu'il s'agisse du renforcement
de l'éclairage ou de la vidéo-surveillance du secteur considéré comme le plus
sensible, à savoir celui qui est situé autour de la gare - laquelle se trouve
sur la ligne Montparnasse-Chartres - ainsi qu'un volet « surveillance et
répression », qui me donne l'occasion de saluer l'excellente collaboration
entre la police d'Etat et la petite police municipale, permettant la mise en
place de brigades cyclistes ; j'ajoute, à cet égard, que le maire et le
commissaire principal se rencontrent au moins deux fois par mois pour faire le
point.
En juillet 2000, M. le préfet des Yvelines, lors de la réunion portant
évaluation des contrats locaux de sécurité dans les Yvelines, constate que le
contrat local de sécurité de Rambouillet est sans doute celui qui vit le mieux,
selon les termes du procès-verbal. Pour ma part, je souhaiterais néanmoins un
engagement plus important et plus déterminé du ministère de la justice. Trop de
dossiers, en effet, restent sans réponse ; je pense en particulier au rappel à
la loi pour les primo-délinquants qui est trop rarement effectué.
Cependant, lors de cette même réunion de juillet 2000, le préfet des Yvelines,
reconnaissant la situation de sous-effectif, prend, au nom de l'Etat,
l'engagement de doter la circonscription de police de Rambouillet, qui comporte
cinq communes urbaines et péri-urbaines - Le Perray-en-Yvelines, Les
Essarts-le-Roi, Saint-Rémy-l'Honoré, Gazeran et Rambouillet - lors de la sortie
des nouvelles promotions à l'automne 2000.
Qu'en est-il de l'effectif et de son évolution par rapport à celle de la
population ? En 1990, on comptait 66 fonctionnaires de tous niveaux pour 1 837
faits constatés sur la circonscription. Au 1er septembre 1996, il y avait 69
fonctionnaires pour 2 096 faits constatés. Au 1er mai 2001, on ne dénombre plus
que 63 fonctionnaires pour 2 609 faits constatés !
Ainsi, en dix ans, alors que la population de la circonscription a crû de 10
%, que le nombre de faits délictueux constatés a augmenté de 40 %, les
effectifs de fonctionnaires ont diminué de trois unités !
Pour être complet, je précise qu'il y a deux adjoints de sécurité et policiers
auxiliaires de plus par rapport à 1990, mais zéro par rapport à 1996.
Les services du ministère de l'intérieur ont pris la décision, et je m'en
réjouis, de mettre en place la police de proximité. Ils ont estimé les besoins
supplémentaires à six ou sept fonctionnaires.
Aussi la demande que j'adresse à M. le ministre de l'intérieur est-elle
quadruple.
Comment compte-t-il remplir les engagements que l'Etat a signés le 13 juillet
1999 ? Car ce n'est pas moi qui ai tenu le stylo !
Comment compte-t-il mettre en place réellement la police de proximité ? Quand
et avec quels moyens ? Je souligne que la ville, en ce qui la concerne, a
rempli ses engagements, y compris pour les locaux.
Comment compte-t-il anticiper le départ en cours ou prévu pour les semaines
qui viennent de 10 fonctionnaires sur 66, alors que le mouvement n'aura lieu
qu'au mois de septembre prochain ? Je signale, à ce sujet, mon désaccord et
celui du maire de Gazeran quant à la réorganisation envisagée du secteur de
police qui remettrait Gazeran dans le secteur de gendarmerie - et nous avons,
bien entendu, pour la gendarmerie, le plus grand respect - alors que les zones
d'activités de Rambouillet et Gazeran sont imbriquées et qu'il y a une gare à
Gazeran située aussi sur la ligne Montparnasse-Chartres qui est elle-même
surveillée par la police de l'air et des frontières.
Voilà des questions de fond, sur lesquelles j'attends des réponses concrètes
et non pas simplement des paroles d'apaisement. Nous avons besoin d'effectifs
pour la circonscription de police de Rambouillet. Nous connaissons une
croissance des faits délictueux et il est nécessaire que nous bénéficiions de
la mise en place de la police de proximité.
J'attends de l'Etat qu'il remplisse ses engagements !
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
sénateur, dans votre comparaison, vous avez évoqué les chiffres de 1990 et de
2000. Il eût été intéressant que vous citiez également les chiffres de 1997.
M. Gérard Larcher.
Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le ministre ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je vous en
prie.
M. le président.
La parole est à M. Gérard Larcher, avec l'autorisation de M. le ministre.
M. Gérard Larcher.
J'ai tous les chiffres, monsieur le ministre, car c'est un dossier que je suis
de près.
En 1997, nous avions 66 fonctionnaires - au lieu de 63 aujourd'hui - pour un
effectif total de 72 - au lieu de 73 aujourd'hui - en incluant les policiers
auxiliaires.
Je ne manipule donc pas du tout les dates en fonction des gouvernements. Je
prends les faits parce que ce qui préoccupe les cinq maires de la
circonscription, c'est la sécurité de leurs concitoyens et non pas les
équilibres politiques de l'instant.
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je note tout de
même une légère augmentation du chiffre global par rapport à 1997.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, qui n'a pu se libérer ce matin,
m'a demandé de vous communiquer la réponse suivante.
Même si une légère augmentation de la délinquance a pu être constatée au cours
de l'année 2000 dans la circonscription de Rambouillet, le taux de criminalité
n'en reste pas moins inférieur à la moyenne nationale et à celui des
circonscriptions de même importance démographique.
L'affirmation à Rambouillet d'une présence policière accrue demeure une
priorité pour les services de police, qui y déploient une activité soutenue de
jour comme de nuit, tant dans le domaine préventif que dans le domaine
répressif.
Durant l'année 2000, par rapport à 1999, une hausse du nombre des fait
élucidés, des gardés à vue et des personnes mises en cause a été constatée, et
cette tendance se confirme pour les trois premiers mois de l'année 2001.
Cependant, pour lutter davantage contre les incivilités, la délinquance des
mineurs et les délits de voie publique qui exacerbent le sentiment d'insécurité
de la population, le Gouvernement est déterminé à ne rien négliger qui puisse
garantir l'autorité de l'Etat, ainsi que le droit fondamental à la sécurité.
Aussi la politique engagée depuis le colloque de Villepinte en octobre 1997 et
au travers des conseils de sécurité intérieure repose-t-elle principalement sur
les deux outils différents mais complémentaires que sont la police de proximité
et les CLS, les contrats locaux de sécurité ; vous avez d'ailleurs soutenu
cette démarche puisque vous avez demandé la mise en oeuvre d'un tel contrat.
La signature d'une convention de coordination entre la police nationale et la
police municipale le 28 novembre 2000 et celle d'un contrat local de sécurité
le 13 juillet 1999 traduisent les efforts des services de l'Etat et de la ville
de Rambouillet pour améliorer la sécurité des personnes et des biens et
développer une action partenariale.
Dans le prolongement de cette dynamique, et pour répondre à l'un des objectifs
définis dans le CLS de Rambouillet, cette circonscription est associée, depuis
février 2001, à la nouvelle doctrine d'emploi et d'action policière que
constitue la police de proximité puisqu'elle est retenue dans la deuxième vague
de généralisation.
Dans cette perspective, des moyens budgétaires et matériels substantiels et en
accroissement ont été définis et seront affectés au cours de l'année 2001.
Par ailleurs, en termes de personnel, le service - qui comptait, au 1er avril
2001, 66 fonctionnaires de tous grades, dont 50 gradés et gardiens de la paix,
assistés de 10 adjoints de sécurité - a vu ses effectifs s'accroître de 8
fonctionnaires et adjoints de sécurité depuis le 1er janvier 1999. L'objectif à
atteindre au 31 décembre 2001 a été fixé à 56 agents du corps de maîtrise et
d'application.
Une telle évolution témoigne d'ores et déjà de la volonté du Gouvernement de
doter la circonscription de Rambouillet des moyens nécessaires à la lutte
contre la délinquance.
Enfin, la mise en place depuis novembre 2000 d'un poste de police de proximité
situé aux abords de la gare de Rambouillet - ce qui me concerne également, en
tant que ministre des transports - permettra de mieux prendre en compte la
demande de sécurité exprimée à la fois par la population locale et par les
usagers des transports en commun.
M. Vaillant suivra avec une attention particulière la situation de cette
circonscription lors des futurs mouvements de personnels et de la poursuite du
programme emplois-jeunes, afin que l'application du contrat local de sécurité
et la mise en place d'une police de proximité soient une réussite dans votre
ville, monsieur le sénateur.
M. Gérard Larcher.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Gérard Larcher.
M. Gérard Larcher.
Monsieur le ministre, j'ai noté les bonnes intentions du Gouvernement et
l'attention particulière que M. le ministre de l'intérieur porte à ce dossier.
Je peux vous assurer que je porterai la même attention aux suites qui lui
seront données.
J'attends une réponse concrète : oui ou non aurons-nous les sept
fonctionnaires nécessaires pour assurer la police de proximité ?
La réponse doit être claire. Il ne s'agit pas ici de mettre en cause le
travail des agents de sécurité, auxquels il convient d'ailleurs de rendre
hommage. Mais, alors qu'au 1er janvier 2001 nous disposions de 83 postes avec
les adjoints de sécurité et les policiers auxiliaires, au 1er mai, il n'y en
avait que 74 et, au 1er juin, il n'y en aura plus que 73 !
Nous ne pouvons pas fonder une politique de stabilité des effectifs sur les
adjoints de sécurité et les policiers auxiliaires : nous avons besoin de
fonctionnaires, et de fonctionnaires de métier.
Et ce n'est pas - prétexte permanent ! - parce que la situation serait
meilleure qu'ailleurs qu'il peut en aller autrement ! Nous connaissons, par un
effet de desserrement, une croissance de 40 % et nous accueillons des jeunes
provenant de secteurs en difficulté ; nous le faisons sans les stigmatiser,
mais cette situation n'en appelle pas moins une réponse concrète - pas des
paroles ! - c'est-à-dire une véritable présence policière.
J'ai entendu les engagements du ministre. Je vais suivre l'évolution de la
situation et nous ferons le bilan lors d'une autre séance de questions orales
avant la fin de l'année, car j'entends être intransigeant sur ce sujet. Je
suis, certes, un homme de dialogue, mais en la matière, les engagements doivent
absolument être tenus.
Quel sens aurait un contrat si l'un des contractants ne cessait d'échapper à
ses obligations ? La ville de Rambouillet, vous l'avez rappelé, monsieur le
ministre, a tenu, elle, ses engagements. Elle entend les tenir tous et même
aller au-delà si nécessaire. Elle a pour seule préoccupation non pas le débat
politicien, mais la sécurité des habitants des cinq communes de sa
circonscription.
M. le président.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons
maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à midi, est reprise à seize heures vingt, sous la
présidence de M. Christian Poncelet.)
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
M. le président. La séance est reprise.
4
ALLOCATION PERSONNALISÉE D'AUTONOMIE
Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 279, 2000-2001),
adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à la
prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation
personnalisée d'autonomie. [Rapport n° 315 (2000-2001) et avis n° 316
(2000-2001).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le ministre.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, je veux d'abord vous demander de bien
vouloir excuser ce léger retard, qui tient au fait qu'il est souvent difficile
de s'extraire de l'Assemblée nationale, quelle que soit l'envie que l'on ait
d'arriver très vite au Sénat.
(Exclamations et sourires sur les travées du
RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
Voilà qui est agréable à entendre, madame le ministre !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je vais m'efforcer de rattraper
le temps perdu en vous exposant aussi sobrement que possible les dispositions
du projet de loi relatif à la prise en charge de la perte d'autonomie des
personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie.
Peut-être me permettrez-vous tout de même de placer brièvement ce débat en
perspective.
Le présent projet de loi s'inscrit effectivement dans un contexte de
révolution démographique, marqué par l'allongement de l'espérance de vie et un
vieillissement de la population dont nous n'avons pas encore fini de mesurer
les conséquences sur le lien entre les générations, sur la place de la
solidarité nationale et de la famille. Ces conséquences sont évidemment
considérables.
Je rappellerai quelques chiffres.
Depuis 1950, l'espérance de vie est passée de 63 ans à 74 ans pour les hommes
et de 69 ans à 82 ans pour les femmes. Dans le même temps, la part des
personnes âgées de plus de 60 ans dans la population est passée de 16 % à 20 %
et le nombre de personnes de plus de 85 ans a quadruplé. Vous le savez, ce
mouvement va se poursuivre et s'accentuer.
Cette évolution peut être une chance si nous savons relever les défis qu'elle
nous adresse. C'est, bien sûr, la chance pour chacun d'entre nous d'avoir
l'espérance de vivre plus longtemps. C'est aussi, je le crois profondément, une
chance pour la collectivité, car les personnes âgées soutiennent de façon
croissante les générations qui les suivent et ont un rôle social de plus en
plus important.
Pour profiter pleinement de cette chance, il nous faudra savoir relever
plusieurs défis.
Il faut d'abord que nos régimes de retraite de base et complémentaires
apportent aux salariés un revenu de remplacement satisfaisant. On peut dire
qu'ils y parviennent assez largement aujourd'hui, grâce au système par
répartition mis en place depuis 1945. D'ailleurs, la diminution régulière du
nombre d'allocataires du minimum vieillesse le démontre.
Le Gouvernement a par ailleurs entrepris d'apporter les réponses aux
évolutions démographiques auxquelles vont être confrontés nos régimes de
retraite, avec la création du fonds de réserve des retraites. Vous le savez,
l'Assemblée nationale en a adopté les dispositions la semaine dernière. Vous
les examinerez très prochainement. A l'évidence, le fonds de réserve ne suffira
pas, à lui seul, à résoudre les problèmes ; il permettra de lisser les
évolutions.
Ce dispositif devra être complété par une réforme concernant les régimes de
retraite. C'est le rôle du conseil d'orientation des retraites, mis en place
par le Gouvernement l'année dernière, de réunir tous les acteurs concernés pour
faire le point sur l'évolution des régimes et pour présenter des propositions
sur cette indispensable réforme.
J'entends beaucoup parler, lorsque l'on évoque l'avenir de nos régimes de
retraite, de l'allongement de la durée de cotisation. J'observe que ceux qui
privilégient l'allongement de la durée de cotisation sont aussi ceux qui
écartent des entreprises les salariés de plus de cinquante ans lorsque des
questions de restructuration se posent. Je ne peux donc que souligner la
contradiction entre le souhait de voir allonger la durée de cotisation, soutenu
par les représentants des employeurs et par l'opposition, et la mise à l'écart
du marché du travail des salariés en fin de carrière que pratiquent les
entreprises et que ne dénonce pas l'opposition nationale.
(Exclamations sur
plusieurs travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jean Chérioux.
Cela commence par une mise en accusation !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Ne vous sentez pas visé,
monsieur Chérioux !
M. Dominique Braye.
Mais nous ne nous sentons pas visés !
M. Guy Fischer.
C'est pourtant la vérité !
M. Alain Vasselle,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Pas de provocation,
madame le ministre !
M. le président.
Mes chers collègues, je vous en prie.
Veuillez poursuivre, madame le ministre.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
La première priorité est donc
de donner la possibilité à chacun de travailler jusqu'à l'âge légal de la
retraite. Cela nécessite de faire évoluer les mentalités, de prévenir l'usure
au travail, d'adapter les emplois en fonction de l'âge des salariés et
d'assurer un droit à la formation tout au long de la vie pour maintenir les
compétences.
Ces relations entre âge et travail sont un enjeu essentiel pour nos politiques
de l'emploi et pour l'avenir de nos systèmes de retraite. Le conseil
d'orientation des retraites organisait d'ailleurs un colloque sur ce thème
récemment.
Enfin, et c'est l'objet du présent projet de loi, il faut garantir aux
personnes âgées la préservation de leur autonomie lorsqu'elles sont confrontées
à la diminution de leur autonomie physique ou intellectuelle quand survient le
grand âge et qu'il leur faut être aidées dans les activités les plus simples de
la vie quotidienne.
Il faut penser au désarroi des personnes qui ne peuvent plus manger seules, se
laver seules, se déplacer seules. Il faut savoir que c'est effectivement une
détresse très profonde qui les atteint, qui touche aussi leurs proches et leur
famille.
Or le présent projet de loi est, à mon avis, en mesure d'apporter précisément
des réponses à la question de la perte d'autonomie des personnes âgées,
réponses que notre société n'avait pas su fournir jusqu'à présent. Nous savons
tous en effet que la prestation spécifique dépendance n'a pas été à la hauteur
des attentes.
Au bout du compte, ce sont bien les familles qui sont amenées à supporter
l'essentiel de l'effort pour assurer la prise en charge de la perte d'autonomie
des personnes âgées. Je reçois régulièrement des lettres d'enfants, de
conjoints qui me font part de leur désarroi face à la perte d'autonomie de
leurs proches. Les difficultés financières, la détresse affective, le sentiment
de culpabilité des enfants, mais aussi des personnes âgées, se mêlent pour
faire de la perte d'autonomie un drame à la fois individuel et social.
Notre pays ne peut plus accepter une situation où, faute de reconnaître aux
personnes âgées les besoins qui sont les leurs, on se trouve réduit à
l'alternative suivante, terrible pour les proches : le maintien à l'hôpital ou
la vie en établissement, faute de possibilité de prise en charge à domicile.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Eh oui !
M. René-Pierre Signé.
Il a fallu attendre les socialistes !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Or il existe des solutions.
M. René-Pierre Signé.
Heureusement, les socialistes sont venus !
(Exclamations sur les travées du
RPR.)
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Vous devriez écouter, parce que
la suite de mon propos va vous intéresser !
M. le président.
Monsieur Signé, on vous invite à écouter dans le silence !
M. René-Pierre Signé.
J'abonde dans le sens de Mme la ministre !
M. Henri de Raincourt.
M. Signé n'écoute jamais, interfère souvent, mais est très sympathique au
demeurant !
(Sourires.)
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Lors d'un déplacement récent à
Marseille avec Mme Paulette Guinchard-Kunstler, les échanges que j'ai pu avoir
avec les salariés d'une association d'aide à domicile et d'un centre
gériatrique m'ont confirmé qu'il existait, en effet, des initiatives qui
pourraient utilement faire école.
Il faut donc reconnaître la prise en charge de la perte d'autonomie comme un
nouveau droit : celui de choisir la vie que l'on entend mener. La mise en
oeuvre de ce nouveau droit implique, bien évidemment, de dépasser les cadres
institutionnels et financiers dans lesquels la prise en charge est actuellement
inscrite. Cela veut dire concrètement rompre avec une logique d'aide sociale.
Cela veut dire faire intervenir la solidarité nationale.
Tel est l'objectif du projet de loi que je vous présente aujourd'hui et que le
débat à l'Assemblée nationale a permis d'améliorer. Il constitue, je crois, une
avancée sociale majeure.
J'en viens à la description de ce projet de loi.
Tout d'abord, l'allocation personnalisée d'autonomie, ou APA, crée un nouveau
droit à la fois universel, égal et personnalisé en fonction de la situation de
chaque bénéficiaire.
L'universalité signifie qu'il n'y aura pas de plafond de ressources, que toute
personne dont la perte d'autonomie justifie qu'elle soit aidée pourra
bénéficier de cette allocation en fonction seulement de son degré de perte
d'autonomie et de ses ressources.
Ce nouveau droit sera égal et objectif. C'est une réponse à la principale
insuffisance des dispositions qui sont actuellement en vigueur. Il y aura bien
un barème national garantissant l'égalité du montant de l'aide sur tout le
territoire, à conditions égales d'autonomie et de ressources.
Ce nouveau droit sera étendu aux personnes moyennement dépendantes : il s'agit
des personnes qui ont conservé une certaine autonomie, qui peuvent se déplacer
seules à l'intérieur de leur logement, qui s'alimentent en général seules, mais
qui ont besoin d'être aidées pour la toilette ou l'habillage. Ce sont ainsi 260
000 personnes, aujourd'hui exclues de la prestation spécifique dépendance, ou
PSD, qui pourront prétendre à l'APA et que, en langage technique, on classe,
dans la grille AGGIR - autonomie gérontologie groupe iso-ressources -, en GIR
4.
Un barème prévoira une participation des bénéficiaires en fonction de leurs
ressources. Ainsi, à domicile, une personne sans autonomie, classée par
conséquent en GIR 1, dont les ressources ne dépassent pas 6 000 francs par mois
aura droit à 7 000 francs d'allocation par mois, soit évidemment beaucoup plus
que le maximum que les départements les plus généreux accordent aujourd'hui aux
personnes privées d'autonomie. Par comparaison, une personne également sans
autonomie dont les ressources dépassent 20 000 francs par mois aura droit à 1
400 francs d'allocation par mois.
Pour les bénéficiaires de la prestation les plus autonomes - ceux qui sont en
GIR 4 - celle-ci ira de 600 francs par mois pour les plus aisés à 3 000 francs
par mois pour ceux dont les ressources sont inférieures à 6 000 francs.
Toutes ces raisons permettront de faire passer le nombre de bénéficiaires de
135 000 aujourd'hui à près de 800 000 lorsque la nouvelle prestation autonomie
sera totalement entrée en vigueur.
L'allocation personnalisée d'autonomie prendra en compte la situation de
chaque personne. C'est le principe d'un droit personnalisé - on pourrait le
qualifier de « droit sur mesure » - aussi bien à domicile qu'en
établissement.
A domicile, l'allocation personnalisée d'autonomie prendra, pour les
bénéficiaires, la forme de « plans d'aide », qui seront un véritable droit de
tirage pour les personnes âgées. Ces dernières pourront ainsi, dans la limite
de ce droit de tirage, financer toutes les actions qui auront été reconnues
nécessaires : les heures de ménage, le portage des repas, les travaux
d'aménagement du logement, les transports et certaines activités de
socialisation pourront ainsi être prises en charge par l'APA. Avec l'APA, nous
voulons donc relever le défi que constitue l'instauration d'une prise en charge
globale - j'insiste sur ce dernier terme - de la perte d'autonomie.
Pour les personnes accueillies dans les maisons de retraite, la nouvelle
allocation constitue aussi un droit personnalisé.
Les besoins nécessaires à la prise en charge des personnes âgées seront
désormais précisément mesurés dans chaque établissement et serviront de base de
calcul de l'allocation. Cela permettra de tenir compte des coûts précis de
l'établissement dans lequel la personne âgée est accueillie et donc, comme à
domicile, de personnaliser l'allocation en fonction des dépenses réelles
supportées du fait de la perte d'autonomie.
Parallèlement au bénéfice de l'allocation personnalisée d'autonomie, les
personnes accueillies dans les maisons de retraite bénéficieront aussi, en
application de la nouvelle tarification, d'une baisse du tarif de
l'hébergement, ce qui contribuera beaucoup à leur solvabilité. Elles
bénéficieront également de la mise en place d'un important plan de
médicalisation - Mme Guinchard-Kunstler et moi-même aurons l'occasion d'y
revenir - qui permettra de renforcer considérablement l'accompagnement
quotidien dans les maisons de retraite.
La réussite de l'allocation personnalisée d'autonomie implique d'accorder une
plus grande attention aux modalités de mise en oeuvre et de financement. Il
s'agit en effet de concilier une gestion de proximité, décentralisée, avec
l'intervention de la solidarité nationale pour le financement.
La proximité est un impératif. Le contenu du plan d'aide fera l'objet d'un
dialogue approfondi entre le bénéficiaire et les équipes médico-sociales.
Celles-ci devront se rendre au domicile de la personne âgée, évaluer son niveau
de perte d'autonomie, discuter avec elle des aides qui lui seraient nécessaires
afin de lui proposer un plan d'aide qui répondra à des choix. Il faut donc
avoir des équipes de terrain, connaître les services d'aide à domicile
disponibles localement, bref pouvoir faire de la coordination gérontologique.
C'est pourquoi le projet de loi confirme la compétence des départements dans la
mise en oeuvre de cette nouvelle allocation, en les associant étroitement aux
caisses de retraite. Les équipes médico-sociales qui examineront les plans
d'aide seront composées de personnels départementaux et de personnels des
caisses.
Le choix du département correspond pour le Gouvernement à une certaine vision
de la décentralisation selon laquelle il faut rapprocher la décision de chacun
des citoyens. La décentralisation n'est d'ailleurs pas incompatible avec
l'égalité des droits. Ce qui compte véritablement, c'est l'efficacité de la
mise en oeuvre.
L'objectif affiché est de généraliser les partenariats qui existent déjà dans
de nombreux départements, dans un souci de pragmatisme et d'efficacité. Il
s'agit en effet d'assurer la mobilisation de tous les moyens existants et des
différents savoir-faire.
J'en viens maintenant au financement. Il reposera sur la reconduction des
moyens existants des départements et sur un effort supplémentaire de leur part,
ainsi que sur une contribution des caisses de retraite pour un total d'environ
11,5 milliards de francs. Le solde sera assuré par le recours à la contribution
sociale généralisée, ou CSG, à hauteur d'environ 5 milliards de francs.
J'ai entendu les préoccupations des conseils généraux quant aux effets de la
mise en oeuvre de l'APA sur les budgets des départements, et je comprends que
les exécutifs départementaux y soient attentifs.
Il est vrai que la loi conduira à une dépense supplémentaire pour les
départements. Cela correspondra à la reconstitution de l'effort au niveau de
celui de 1996, avant la mise en oeuvre de la PSD, qui s'est traduite par une
baisse des dépenses par rapport à l'allocation compensatrice pour tierce
personne, l'ACTP, et à une dépense supplémentaire de 2,5 milliards de francs,
tandis que la solidarité nationale fera un effort supplémentaire d'environ 5
milliards de francs avec la CSG.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Bel effort !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Cela a évidemment été négocié
longuement - M. Mercier le sait particulièrement - avec l'Association des
présidents de conseils généraux, et je remercie naturellement les conseils
généraux de s'être associés à la perspective de cette réforme.
Pour bien mesurer la portée de cet effort supplémentaire demandé aux
départements, il faut, à mon avis, d'abord bien prendre conscience de l'enjeu
majeur que constitue ce projet de loi pour l'institution départementale.
Il convient aussi d'observer ce qu'a été la dynamique des dépenses des
départements en matière d'aide aux personnes âgées au cours des dernières
années. D'après les données de l'Assemblée des départements de France, l'ADF,
les dépenses d'aide sociale à l'hébergement ont baissé de près de 1 % entre
1997 et 1999, et les dépenses d'aide ménagère à domicile ont diminué de 14,2 %.
Quand on sait que les dépenses d'aide à la tierce personne ont également baissé
du fait du passage de l'ACTP à la PSD, on constate qu'il existe finalement des
marges de manoeuvre. Au surplus convient-il de préciser que cette évolution des
dépenses se rapporte à des recettes qui, elles, augmentent.
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Ah, ça, sûrement pas !
M. Jean Chérioux.
On peut toujours rêver !
M. Henri de Raincourt.
Il faut le dire sans rire !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Il existe des raisons
structurelles à cette baisse tendancielle des dépenses. En effet, l'aide
sociale aux personnes âgées vient soutenir les plus démunis de cette
population. Comme l'arrivée à maturité de nos régimes de retraite et
l'amélioration de l'emploi augmentent régulièrement le niveau moyen des
pensions, il est inévitable que l'aide sociale intervienne moins, et il y a
tout lieu de s'en féliciter. Cette évolution va bien entendu se poursuivre.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
On peut toujours rêver !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Il sera extrêmement gratifiant
pour les présidents de conseils généraux - et ils sont nombreux ici - ...
M. Louis de Broissia.
Il nous arrive aussi d'être élus en disant « non » !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... de distribuer une
prestation qui correspondra infiniment mieux aux besoins des usagers. Je crois
que cela n'est pas à négliger !
(Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Il va falloir qu'on en parle !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
La fraction de CSG ainsi que la
contribution des régimes de retraite seront affectées à un nouvel établissement
public, le Fonds national pour le financement de l'allocation personnalisée
d'autonomie.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Belle invention !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Ce fonds en redistribuera le
produit aux départements en fonction de critères de péréquation permettant de
tenir compte des différences démographiques ainsi que des richesses des
départements.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
On appelle cela la
décentralisation !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Les modalités précises de cette
péréquation font l'objet d'un travail que nous avons engagé avec Mme Paulette
Guinchard-Kunstler et M. Daniel Vaillant, qui a la charge de la tutelle des
collectivités territoriales. L'Assemblée des départements de France et le
comité des finances locales seront bien entendu associés à ce travail.
M. Jean-Pierre Fourcade.
Merci !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Vous aurez ainsi l'occasion de
prendre votre part dans cette difficile définition des critères de la
répartition de l'aide.
M. René-Pierre Signé.
C'est normal !
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Nous vous ferons des
propositions !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Le recours à la CSG pour
assurer l'équilibre du financement de l'allocation personnalisée d'autonomie
correspond à la logique de solidarité nationale sur laquelle repose ce nouveau
travail. La CSG en est la meilleure expression du fait de son universalité et
de son assiette.
Son affectation au fonds de financement de l'APA est tout aussi logique. J'ai
vu ici ou là que l'on s'interrogeait sur la création d'un nouveau fonds.
Néanmoins, je crois franchement que l'on ne peut pas vouloir une chose et son
contraire. La création de cet établissement public est nécessaire pour
reconnaître sur le plan institutionnel et politique la perte d'autonomie comme
un nouveau droit et pour affecter une fraction du produit de la CSG au
financement de la nouvelle prestation.
L'objectif du Gouvernement est donc double : sur le plan des principes,
reconnaître un nouveau droit dans l'optique de la solidarité nationale, et
rechercher l'efficacité et la proximité dans un cadre local, façon évidemment
pragmatique de mettre en oeuvre cette réforme.
J'en viens maintenant aux modifications que le débat à l'Assemblée nationale a
permis d'introduire dans ce projet de loi et qui constituent, à mes yeux,
autant d'améliorations. Je dois d'ailleurs dire que les contributions des
députés, sur quelque banc qu'ils siègent, ont été particulièrement
constructives.
C'est ainsi qu'un large accord s'est dessiné sur la nécessité d'améliorer les
modalités d'évaluation de la perte d'autonomie et des besoins que celle-ci
induit.
L'Assemblée nationale a adopté, avec l'accord du Gouvernement, un amendement
prévoyant la mise en place d'un comité scientifique pour perfectionner la
grille sur laquelle repose l'évaluation de la perte d'autonomie.
En effet, tout en étant un instrument utile et qui a constitué un progrès
important, la grille dite AGGIR demeure perfectible en vue de mieux prendre en
considération les facteurs d'environnement.
Les travaux de ce comité scientifique pourront être pris en compte lors de
l'élaboration du bilan de la loi, en 2003.
Le Gouvernement a également accepté deux amendements relatifs à la mise en
oeuvre de l'APA pour les personnes âgées hébergées en maison de retraite. En
effet, l'instauration de l'APA intervient alors qu'une nouvelle tarification
est mise en place. Il a donc paru nécessaire aux députés de prévoir des
dispositions permettant de mieux aménager la transition entre les deux
systèmes.
Le premier amendement vise ainsi à ouvrir aux départements la possibilité
d'expérimenter le versement de l'APA sous forme de dotation globale, et le
second tend à instaurer un régime transitoire permettant aux personnes
concernées de bénéficier de l'APA dans l'hypothèse où l'établissement d'accueil
ne serait pas en mesure d'appliquer la nouvelle tarification au début de
2002.
Le débat à l'Assemblée nationale a également permis d'améliorer la
transparence dans la mise en oeuvre de la loi, s'agissant particulièrement des
aspects financiers.
Un premier amendement concerne l'institution d'un conseil de surveillance du
fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie, où siégeront
des représentants des deux assemblées, des départements et des usagers, ainsi
que des personnalités qualifiées. L'ensemble des acteurs pourront ainsi être
associés au suivi de la mise en oeuvre de la loi.
Un second amendement, lui aussi très important, prévoit la transmission au
Parlement par le Gouvernement, chaque année à l'automne, d'un rapport. Les
assemblées disposeront ainsi de toutes les informations financières nécessaires
pour l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale et du
projet de loi de finances.
Un autre sujet a également fait l'objet de nombreux débats : la récupération
sur les successions, qui pose évidemment le problème du partage entre la
solidarité familiale, qu'il faut bien sûr maintenir, et la solidarité
nationale.
Nombreux sont ceux qui considèrent que la récupération sur les successions
caractérise l'aide sociale. Le Gouvernement avait prévu, dans son texte
initial, d'assouplir les modalités de récupération sur les successions, tout en
indiquant qu'il attendait du débat devant la représentation nationale qu'il
permette que se dégage une position le plus largement partagée sur cette
question.
Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, à l'issue de ce débat,
l'Assemblée nationale a voté à l'unanimité moins une voix la suppression de la
récupération sur les successions et sur les donations pour les bénéficiaires de
l'allocation personnalisée d'autonomie.
M. Henri de Raincourt.
Moins une voix ! C'est courageux !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
A cette occasion, le
Gouvernement a fait le choix de s'en remettre à la sagesse de l'Assemblée
nationale, ce dont je ne me repens pas.
Ce vote de l'Assemblée nationale se comprend dès lors que l'allocation
personnalisée d'autonomie n'est pas une prestation d'aide sociale, mais obéit à
des règles nationales.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Très bien !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Par ailleurs, je voudrais
évoquer la prise en charge effective des personnes.
Au-delà du vote de la loi, nous devons bien entendu nous préoccuper de la
qualité de la prise en charge des personnes. Dans cette perspective, plusieurs
mesures ont déjà été annoncées, que je rappellerai brièvement.
En premier lieu, il s'agit de la diffusion progressive, d'ici à 2005, des
centres locaux d'information, de liaison et de coordination, les CLIC,
diffusion qu'avait suggérée Paulette Guinchard-Kunstler dans un rapport...
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Qui a fait date !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... qui a fait date, en effet,
c'était un excellent rapport !
Les CLIC pourront apporter plusieurs types de services aux personnes âgées et
à leurs familles. Installés dans les locaux d'associations, de départements, de
préfectures, de conseils généraux ou encore de centres communaux d'action
sociale ou de maisons de retraite, ils sont d'abord un lieu d'information sur
les droits et les possibilités de prise en charge. Ils ont aussi vocation à
aider les personnes dans leurs démarches auprès des différentes administrations
et des prestataires de services. Enfin, ils pourront également assurer la
coordination des différents services de prise en charge ou participer à
l'évaluation des besoins.
Le réseau des CLIC maillera ainsi le territoire à l'échelon des bassins de vie
et offrira aux personnes âgées et à leurs familles une « porte d'entrée » dans
le dispositif de prise en charge. En 2000, une expérimentation a commencé sur
vingt-cinq sites, et 70 millions de francs ont été prévus dans la loi de
finances pour l'étendre en 2001.
En deuxième lieu, un plan de médicalisation a été mis en place pour les
établissements, mobilisant des crédits d'un montant de 6 milliards de francs
sur cinq ans et de 1,2 milliard de francs pour les services de soins infirmiers
à domicile. Il permettra de renforcer considérablement les moyens affectés à
l'accompagnement quotidien des personnes hébergées.
Je souligne que ce plan représente une augmentation de près de 50 % des
crédits d'assurance maladie destinés aux établissements et services pour
personnes âgées. Dans le cas des services de soins infirmiers à domicile, nous
doublons l'effort annuel de création de places, qui passe de 2 000 à 4 000
places par an. Cela permettra, en cinq ans, d'augmenter d'environ un tiers le
nombre de celles-ci.
En troisième lieu, je voudrais mettre en exergue l'exonération totale de
charges sociales patronales pour les salariés des services d'aide à
domicile.
Je souhaite aujourd'hui prêter une attention particulière à l'aide à domicile,
car les personnes âgées souhaitent le plus souvent rester chez elles, et c'est
grâce à l'aide à domicile que peut être évitée ou retardée l'entrée dans les
établissements.
Il s'agit d'inciter les personnes âgées à recourir aux services d'aide à
domicile, qui apportent généralement une meilleure qualité et davantage de
continuité dans la prise en charge. Il faut cependant laisser la liberté de
choix aux personnes âgées et à leurs familles, et penser aussi aux contraintes
pratiques, qui ne permettent pas toujours d'organiser une prise en charge par
l'intermédiaire d'un service.
Dans cette perspective, le projet de loi prévoit que l'équipe médico-sociale
indiquera quel est le mode d'intervention - emploi direct ou service
prestataire - qui lui paraît le plus approprié compte tenu de la situation
particulière, dans le cadre d'un dialogue avec la personne âgée et sa famille.
Si la personne âgée est sans autonomie, il lui sera proposé prioritairement de
recourir à un service d'aide à domicile, car la continuité et le
professionnalisme qu'apporte celui-ci sont déterminants dans ce cas. A cet
effet, le montant de l'aide pourra également être modulé pour tenir compte des
différences de qualité, mais la personne âgée ou sa famille gardera une liberté
de choix.
Cela étant, il faut se donner les moyens de développer le recours aux services
de professionnels, dans l'intérêt même des personnes âgées. A cet égard, l'aide
à domicile doit trouver des financements.
Le secteur a également besoin d'être modernisé : les salariés doivent être
correctement rémunérés, ils doivent être mieux formés et leurs conditions de
travail doivent être améliorées.
La création de l'APA constitue, bien sûr, une réponse primordiale, puisqu'elle
permettra une meilleure solvabilisation des personnes âgées ; elle facilitera
donc le recours aux associations, et la demande adressée à ces dernières va
ainsi s'accroître.
Pour qu'elles puissent y faire face, il faudra accentuer notre soutien à une
offre de qualité. A cette fin, le projet de loi prévoit la création d'un fonds
de modernisation de l'aide à domicile, dont l'objet sera de financer des
actions de formation, de soutien à l'encadrement et de développement des
services, ainsi que toutes mesures susceptibles de favoriser la
professionnalisation du secteur. Je vais engager dès maintenant des discussions
avec les professionnels de l'aide à domicile sur les modalités de
fonctionnement de ce fonds.
Je crois qu'il est important de souligner la nouveauté que celui-ci constitue
: pour la première fois, l'Etat se dote d'un outil budgétaire permettant de
conduire une politique nationale dans le secteur de l'aide à domicile.
Le Gouvernement entend faire en sorte que l'APA puisse être versée dès le mois
de janvier 2002. Cela nécessite que les décrets d'application soient rédigés
très rapidement ; je m'y engage, et le Parlement sera bien entendu associé à ce
travail. Cela suppose aussi une action de terrain pour préparer la mise en
oeuvre pratique de la loi. Nous nous sommes attelés à cette tâche, et il s'agit
là de la première priorité de Mme Guinchard-Kunstler.
C'est donc une politique ambitieuse que le Gouvernement entend appliquer pour
apporter une réponse adaptée aux questions que pose la perte d'autonomie des
personnes âgées.
Il s'agit d'un travail évidemment difficile, mais je suis persuadée que ce
projet de loi permettra de surmonter les difficultés.
J'ai entendu, bien sûr, les aspirations à la création d'un cinquième risque de
sécurité sociale. A cet égard, je ne pense pas utile de polémiquer sur les
termes : ce qui compte, c'est de reconnaître un droit suffisant, fondé sur le
principe d'égalité et apprécié sur une base objective.
Cela ne veut pas dire que les questions de gestion soient secondaires. Elles
sont au contraire déterminantes pour assurer une instauration de ce nouveau
droit dans de bonnes conditions. Mais, plutôt que de se reposer sur un
dispositif théorique, je crois plus constructif de chercher à définir un
dispositif efficace.
C'est précisément ce que vise le projet du Gouvernement. Il permet une vraie
rupture au regard de l'aide sociale, dont l'APA ne présente d'ailleurs aucune
des caractéristiques : elle n'est pas réservée à une population de personnes
sans ressources ou à faibles revenus ; elle n'est pas subsidiaire par rapport à
la mise en oeuvre de droits sociaux ; elle est identique et universelle pour
tous, sur tout le territoire. Elle est donc bien une prestation de solidarité
nationale.
Créer ce droit à l'autonomie pour les personnes âgées, c'est refuser que la
vieillesse soit réduite à n'être qu'une catégorie dépendante socialement et
économiquement. Cela nous permettra de rejoindre les pays européens les plus en
avance.
C'est donc une très grande avancée sociale que nous vous proposons de réaliser
avec ce projet de loi. Je suis persuadée que nous pouvons encore l'améliorer
ensemble, comme cela a déjà été fait à l'Assemblée nationale.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat aux personnes âgées.
Monsieur le président, mesdames,
messieurs les sénateurs, pendant des années, dans ma pratique professionnelle,
j'ai été confrontée à la détresse de nombreuses personnes qui perdent leur
autonomie quand des incapacités viennent se surajouter à leur âge. C'est donc
avec émotion que j'aborde, comme secrétaire d'Etat aux personnes âgées,
l'examen de ce projet de loi ici au Sénat.
J'y vois l'aboutissement d'une démarche collective dans laquelle placent leurs
espoirs nombre de personnes âgées, mais aussi de professionnels aux côtés
desquels je suis engagée depuis très longtemps. C'est d'eux, aujourd'hui, que
je me sens solidaire : ils sont très nombreux, en France, à attendre le
résultat de nos travaux et de nos débats.
L'allocation personnalisée d'autonomie concerne d'abord des centaines de
milliers de personnes âgées qui, en raison de leurs handicaps, sollicitent
l'aide d'autrui pour effectuer les gestes les plus essentiels de la vie.
Mais elle concerne aussi les conjoints, les proches, les familles, qui se
sentent souvent coupables de ne pas savoir ou de ne pas pouvoir répondre
convenablement aux besoins manifestés.
Elle concerne enfin tous les professionnels, à domicile ou en établissement,
qui regrettent de ne pouvoir être à la hauteur des situations auxquelles ils
sont confrontés, parce qu'ils ne sont pas assez nombreux ou parce qu'ils
manquent de formation et de qualification.
A tous, ce texte apporte, j'en suis convaincue, des réponses positives en
fournissant des moyens, de la formation, des perspectives résolument modernes
et innovantes. Mais il permet avant tout un retour à la dignité, une exigence
de dignité, et c'est cela, à mon avis, l'essentiel.
J'aimerais vous dire la dignité perdue de ce vieux professeur d'université,
âgé de quatre-vingts ans, que sa fille ne peut plus garder chez elle, privé
d'intimité dans l'institution qui l'accueille parce que la porte de sa chambre
est laissée constamment ouverte.
J'aimerais vous dire la honte ressentie par cette vieille dame qui n'ose plus
sortir de chez elle, tant elle craint que les vicissitudes de l'incontinence ne
la surprennent dans un lieu public.
J'aimerais vous dire l'émotion de cette femme qui m'écrit qu'elle n'arrive
plus à faire elle-même sa propre toilette, et qui éprouve une gêne
incommensurable quand elle voit « débarquer » un jeune homme, manifestement
impréparé, envoyé comme aide à domicile.
J'aimerais vous dire le sentiment d'indignité éprouvé par cette jeune
infirmière, tout juste sortie de ses études, qui constate un comportement de
maltraitance à l'égard d'un vieillard tout à fait grabataire, et qui finit par
ne plus savoir si c'est normal ou pas.
Je pourrais poursuivre ainsi longtemps.
Si j'évoque ces situations devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, ce
n'est pas pour mettre en cause des professionnels ou des institutions le plus
souvent compétents ; c'est, au contraire, pour souligner la complexité de
l'accompagnement des personnes âgées, la difficulté de la mission et la
nécessité d'aider ceux qui en sont chargés, de les soutenir, pour qu'à leur
tour ils puissent soutenir ceux qui ont besoin d'eux.
Depuis des années, j'entends ces femmes et ces hommes qui accompagnent les
personnes âgées en perte d'autonomie. Je suis intimement persuadée que c'est
l'un des métiers les plus difficiles, parce qu'il nous confronte à la fin de la
vie, à la vieillesse, à la mort.
Au-delà de la survenance de maladies ou d'incapacités, c'est l'isolement qui
engendre ou accélère la perte d'autonomie. Le décès du conjoint, l'éloignement
des enfants constituent souvent les facteurs qui déclenchent l'hébergement en
institution. On le sait, les personnes âgées lourdement handicapées peuvent
rester à domicile lorsqu'elles sont entourées. Mais la solitude peut aussi se
rencontrer dans les institutions, lorsqu'il n'existe ni projet de vie
individuel ni projet collectif et qu'il y a peu de ces personnels qualifiés qui
sont nécessaires en matière d'accompagnement, de soutien psychologique, de
mobilisation et de rééducation.
Nous dressons tous le même constat : la situation faite à trop de personnes
âgées dépendantes dans notre pays ainsi qu'à leur famille n'est pas à la
hauteur d'une grande nation comme la nôtre.
Mme Elisabeth Guigou vient d'exposer les réponses qu'apporte la loi à ce grand
défi.
Je veux insister, pour ma part, sur trois ambitions de ce projet de loi :
restaurer la dignité ; développer la modernisation des prises en charge ;
organiser la conjonction entre solidarité nationale et solidarité locale.
Première ambition, donc, restaurer la dignité.
La dignité est toujours mieux garantie quand elle peut s'appuyer sur un droit.
C'est pour cela que nous vous présentons aujourd'hui la création d'un droit
objectif universel, qui n'est en rien une prestation subsidiaire, une
prestation d'aide sociale.
Votre assemblée, qui a si souvent critiqué les effets pervers des prestations
délivrées en fonction d'un seuil de ressources jugé trop bas, est certainement
sensible au souci d'universalité qui caractérise l'APA.
Mais il est une autre conséquence de notre souci d'universalité que je
voudrais développer un instant. Notre volonté d'universalité ne se manifeste
pas seulement en termes de niveau de ressources ou d'incapacité, elle touche
aussi la prise en charge des soins en établissement.
Nous laissons derrière nous le régime des sections de cure médicale, qui a
correspondu à un progrès, mais dont l'application est restée inégale et
limitée.
M. Lucien Neuwirth.
Très bien !
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
Nous entrons dans un système où tous les
établissements ont vocation à bénéficier d'un budget de soins défini de manière
assez large puisqu'il intégrera 70 % des dépenses consacrées à l'accompagnement
quotidien réalisé par des personnels qualifiés. A terme, 400 000 places
actuellement non médicalisées pourront en bénéficier.
La dignité réclame des institutions respectueuses de la prise en charge des
personnes et disposant de moyens budgétaires suffisants.
La prise en charge par l'assurance maladie des soins dispensés dans tous les
établissements accueillant des personnes âgées en situation de perte
d'autonomie est inscrite dans la réglementation et dans le programme
pluriannuel de mobilisation de crédits de l'assurance maladie, comportant une
dotation de 6 milliards de francs de mesures nouvelles sur une période de cinq
ans.
Cet objectif sera atteint d'ici à la fin de 2003 pour toutes les institutions
assurant une prise en charge respectueuse de la dignité des personnes.
La dignité passe également par la proximité des soins et l'organisation de ces
derniers à travers les réseaux de coordination gérontologique ainsi qu'une
information et une orientation des personnes moins aléatoires
qu'aujourd'hui.
Le présent projet de loi nous offre aujourd'hui de nouveaux outils dont la
mise en oeuvre pourra s'appuyer sur les comités locaux d'information et de
coordination.
La dignité est tributaire de la qualité et du professionnalisme de tous ceux
qui soignent, accompagnent, entourent chaque personne âgée dépendante.
Le texte qui vous est soumis reconnaît pleinement le rôle des prestataires de
services et des professionnels, en particulier pour l'accompagnement des
personnes les moins autonomes, et crée un fonds de modernisation qui sera très
substantiellement doté et dont les objectifs majeurs seront le
professionnalisme et la qualité des services rendus.
Enfin, il n'y a pas de dignité réelle quand on ne peut pas choisir le lieu et
les modalités de sa vie. Souvent, l'alternative entre la poursuite de la vie à
domicile et l'entrée en institution est dictée par des contraintes économiques,
familiales ou tout simplement d'habitat. Le projet de loi entend offrir la
possibilité d'un véritable choix et reculer ainsi les limites à partir
desquelles l'hébergement devient un choix contraint.
L'élargissement des choix offerts aux personnes âgées exige, enfin, un
desserrement des contraintes portant sur l'affectation de l'aide.
Naturellement, le recours à des services ou à des tierces personnes restera
prédominant, mais il faut que l'APA puisse être utilisable pour des dépenses
telles que l'accueil de jour, les transports, l'adaptation de l'habitat, pour
ne citer que quelques exemples.
L'APA est une prestation en nature, mais elle doit répondre à l'ensemble des
besoins des personnes âgées et de leur famille.
Au-delà de la compensation des handicaps, la prestation offre un atout majeur
pour lutter contre l'isolement et pour faciliter l'aide aux aidants. Si vous
avez, et c'est le cas, la capacité d'écouter les familles, vous savez très bien
qu'il faut, certes, aider l'accompagnement de la vie quotidienne, mais être
également très attentifs à la situation des familles. C'est dans cet esprit
que, Mme Elisabeth Guigou et moi-même, travaillons.
Deuxième ambition : moderniser la prise en charge.
La loi va nous permettre de faire progresser l'ensemble du secteur de la prise
en charge des personnes âgées dépendantes, aussi bien dans l'aide à domicile
que dans les établissements, dans le sens d'une meilleure qualité des
prestations offertes et d'une meilleure formation des professionnels.
La création du fonds de modernisation de l'aide à domicile répond clairement
au souci de soutenir des actions de formation, des projets innovants et toute
mesure susceptible de favoriser la professionnalisation des services à
domicile. Le fonds nous permettra tout simplement de créer, enfin, de
véritables services de maintien à domicile.
C'est un aspect très important de la loi et il est très attendu par les
professionnels de ce secteur, car, avec cet outil, l'Etat se donne
véritablement les moyens de promouvoir une politique structurelle de l'aide à
domicile, qui se développera autour de trois axes : formation des personnels,
modernisation des structures gestionnaires, diversification et coordination des
services rendus.
Dans les établissements, une procédure de conventionnement est mise en place
qui permettra de lier un renforcement important des moyens à la mise en oeuvre
contractuelle d'une démarche d'amélioration de la qualité de la vie
quotidienne. L'objectif est d'aboutir à un projet de vie individualisé pour
chaque résidant, assorti des moyens nécessaires en termes de personnel
qualifié.
J'aimerais, à cet égard, insister sur un point, mesdames, messieurs les
sénateurs : quand nous serons vieux, nous serons tous dans une situation
particulière, parce que nous serons tous riches de notre propre histoire, de
notre propre situation. On le sait très bien, que ce soit à domicile ou en
hébergement, chaque personne ici sera dans une situation particulière et la
réponse, si nous nous trouvons par malheur handicapés, sera obligatoirement
personnalisée, individualisée. Cette loi nous permettra donc d'entendre la
situation particulière et l'histoire particulière de chaque homme et de chaque
femme en difficulté et de mieux leur répondre.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Très bien !
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
J'ai la volonté de mettre en oeuvre une véritable
politique d'accompagnement de la démarche de conventionnement des
établissements, passant notamment par des initiatives urgentes de formation des
personnels en fonction non qualifiés. C'est à l'évidence un enjeu essentiel
pour le développement d'une dynamique d'amélioration de la qualité de vie en
institution ; c'est aussi une condition déterminante pour bénéficier de budgets
« soins » importants, puisque, même si leur définition est assez large, ils
restent soumis à une exigence de qualification des personnels financés.
Parallèlement, et j'insiste sur ce point, je souhaite expérimenter la
formation de personnels dont le profil serait plus polyvalent, dans une
approche de décloisonnement entre le domicile et l'institution, le sanitaire et
le social.
Il y a là, me semble-t-il, un autre enjeu que nous devons entendre, que vous
devez entendre, vous, élus locaux, élus nationaux, pour faire en sorte qu'à
côté des dispositifs financiers, qu'à côté de l'organisation elle-même, nous
soyons capables de mettre en place un dispositif de formation qualifiante qui
réponde à l'ensemble des besoins, qu'ils soient sanitaires, sociaux,
psychologiques ou, tout simplement, qu'ils naissent de l'accompagnement de la
vie quotidienne.
M. Jean-Pierre Fourcade.
Très bien !
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
Enfin - je tiens à le souligner pour conclure ces
propos sur la modernisation du dispositif - la mise en oeuvre de l'allocation
personnalisée d'autonomie aura un effet important sur l'emploi, que l'on peut
estimer, même de manière assez globale, à plus de quarante mille emplois sur
trois ans, dont 20 000 en établissements.
Troisième ambition : organiser la conjonction entre solidarité nationale et
solidarité locale.
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Avec un trou au milieu !
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
Le projet de loi qui vous est soumis réalise une
synthèse originale entre la reconnaissance d'un risque social et la gestion
décentralisée. L'impératif de dignité exige que l'on reconnaisse un nouveau
droit social fondé sur l'universalité, l'égalité, la solidarité. La nécessité
de personnaliser l'aide impose une mise en oeuvre pragmatique dans un cadre de
proximité.
La mise en oeuvre de l'allocation personnalisée d'autonomie exige un travail
de proximité le plus fin possible, reposant sur des équipes médico-sociales de
terrain. La coordination autour de la personne constitue le seul acquis de la
PSD, encore inégalement entré dans les pratiques, certes, mais important.
C'est pourquoi le projet de loi confirme la compétence des départements dans
la mise en oeuvre de cette nouvelle allocation, en association avec les caisses
de retraite. Notre objectif est de généraliser les partenariats qui existent
déjà dans nombre de départements, dans un souci de pragmatisme et d'efficacité.
Il s'agit en effet d'assurer la mobilisation de tous les moyens existants des
différents savoir-faire, aujourd'hui répartis entre ces deux catégories
d'institutions.
Il est par ailleurs sain, dans le cadre d'une réforme réellement
solvabilisatrice, de confier à la même autorité la responsabilité des aides
versées aux personnes et la responsabilité de contrôle et de tarification des
établissements, pour leurs dépenses de prise en charge à caractère social.
Au-delà de ces considérations pratiques, il faut souligner que le choix retenu
manifeste une vision cohérente de la décentralisation. L'aide à l'autonomie des
personnes âgées est un enjeu crucial pour les politiques sociales
départementales, un enjeu qui conditionne largement l'avenir de la
décentralisation sociale et l'évolution du rôle des départements. C'est aussi,
de plus en plus, un critère d'appréciation, par les citoyens, du travail des
élus.
La même volonté d'équilibre caractérise le financement du projet de loi,
associant financement départemental et solidarité nationale.
Vous pouvez constater que les ressources issues de la solidarité nationale,
telles que la CGS et la contribution des régimes de retraite,...
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Marginales !
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
... participent, pour un tiers, soit 838 millions
d'euros,...
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Non !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Aujourd'hui, oui, mais demain ?
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
... au financement de la prestation. Il s'agit d'une
innovation décisive par rapport au financement de la PSD.
L'effort supplémentaire demandé aux départements s'élève à 381 millions
d'euros.
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Quoi ? C'est pourquoi vous préférez parler en euros
!
M. Louis de Broissia.
Quand la somme est importante, on la donne en euros !
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
Je dirai sincèrement que je suis convaincue, et
beaucoup de Français avec moi, qu'une somme de cet ordre n'est pas excessive
pour répondre à un défi social majeur des trente prochaines années...
M. Louis de Broissia.
Ben voyons !
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
... et pour traiter des enjeux qui, dans une large
mesure, peuvent conditionner l'avenir des collectivités départementales.
J'ajoute et c'est sur ce point que je veux terminer mon propos que la
conjonction des solidarités nationale et départementale permettra de renforcer
des dynamiques de développement local, notamment en milieu rural ou semi-rural.
Le développement des services, la modernisation des établissements, la création
d'emplois directs ou indirects ainsi que le maintien des personnes âgées dans
leurs lieux de vie, leur pays ou leur quartier contribuent fortement à la
réalisation des objectifs du Gouvernement en matière d'aménagement du
territoire mais aussi de l'ensemble des collectivités locales en matière de
développement local.
Ce projet de loi ouvre de nouveaux champs à l'action publique, apporte de
nouvelles réponses très concrètes aux besoins des personnes âgées, des familles
et des professionnels, contribuant ainsi à construire « une société pour tous
les âges ».
Tout le monde est responsable, dans ce secteur. Je suis intimement persuadée
que l'échelon départemental, s'il sait se saisir de ce texte et en comprendre
tout l'intérêt, aura réellement la capacité de mettre en place, dans le champ
social, en direction des personnes âgées, de véritables politiques de
développement local.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que je voulais vous dire, très
simplement mais avec beaucoup de conviction.
(Applaudissements sur les
travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen. - MM. Georges Gruillot et Lucien Neuwirth applaudissent
également.)
(M. Jean-Claude Gaudin remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Vasselle,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le vote
par le Parlement de la loi du 24 janvier 1997 instituant la prestation
spécifique dépendance a constitué une première étape décisive dans la prise en
charge des personnes âgées dépendantes. Personne ne le conteste, pas même le
Gouvernement.
L'initiative de l'instauration de cette prestation revient, vous le savez, mes
chers collègues, au Sénat. Consciente de la nécessité de mettre en oeuvre
rapidement un dispositif destiné à satisfaire les besoins des personnes âgées,
notre assemblée avait institué, dès 1994, grâce à un amendement de notre
commission, des expérimentations dans douze départements, expérimentations qui
ont débuté dès le 1er janvier 1995.
La question de la dépendance des personnes âgées a été également au coeur de
la campagne présidentielle. Le futur président de la République, M. Jacques
Chirac, s'était alors prononcé clairement en faveur d'une prestation destinée à
aider les personnes âgées dépendantes.
Dès sa première déclaration de politique générale, le 23 mai 1995, M. Alain
Juppé, Premier ministre, avait confirmé cette promesse, qui devait déboucher
sur le dépôt, au Sénat, d'un projet de loi instituant une prestation
d'autonomie pour les personnes âgées dépendantes.
Chacun se souvient comment l'examen de ce projet de loi s'était arrêté à
l'issue de la discussion générale, le 9 novembre 1995. Devant l'ampleur des
déficits des comptes sociaux et l'obligation de redresser ces derniers, le
Gouvernement avait, en effet, été conduit à reporter la suite de l'examen de ce
projet de loi.
Toutefois, pour nombre de mes collègues sénateurs comme pour moi-même, la
nécessité de mettre en place rapidement une prestation destinée aux personnes
âgées dépendantes s'imposait plus que jamais.
Elle a conduit Jean-Pierre Fourcade, alors président de notre commission,
moi-même et plusieurs de nos collègues à déposer une proposition de loi
tendant, dans l'attente du vote de la loi instituant une prestation d'autonomie
pour les personnes âgées dépendantes, à mieux répondre aux besoins des
personnes âgées par l'institution d'une prestation spécifique dépendance.
Prenant acte du fait que le projet de loi instituant une prestation
d'autonomie pour les personnes âgées dépendantes avait vu son examen interrompu
devant la Haute Assemblée en raison des risques de dérive financière qu'il
pouvait comporter, les auteurs de la proposition de loi ont souhaité apporter
une première réponse aux besoins des personnes âgées dépendantes en centrant la
prestation créée sur les plus démunis et les plus dépendants.
Il s'agissait donc - il convient de le rappeler - d'un dispositif provisoire,
qui présentait explicitement un caractère transitoire, dans l'attente d'une
autre loi qui instaurerait une prestation d'autonomie au bénéfice des personnes
âgées dépendantes, dès que l'état des comptes publics le permettrait.
La loi du 24 janvier 1997 n'était donc qu'une première étape, mais une étape
essentielle qui transformait radicalement le cadre juridique existant pour
créer, pour la première fois dans notre pays, un dispositif spécialement adapté
à la prise en charge de la dépendance.
Tirant les enseignements de la prestation expérimentale dépendance, la PSD
constituait, par bien des aspects, une avancée considérable. Les principes
fondateurs de cette prestation sont d'ailleurs repris dans le texte qui nous
est aujourd'hui soumis.
La PSD - je vous le rappelle, mes chers collègues - s'est tout d'abord
substituée à l'ACTP. Si elle apportait une réponse adéquate au besoin d'aide
des personnes handicapées, l'allocation compensatrice pour tierce personne
était inadaptée pour la prise en charge des besoins particuliers des aînés en
situation de dépendance, chacun le reconnaissait.
A la différence de l'ACTP, souvent détournée de son objet, la prestation
spécifique dépendance était donc une prestation en nature, c'est-à-dire
affectée au paiement de dépenses préalablement déterminées. Elle était destinée
à couvrir l'aide dont la personne âgée dépendante avait besoin à son domicile
ou dans un établissement pour l'accomplissement des actes essentiels de la vie
ou sa surveillance régulière.
L'aide dont avait besoin le bénéficiaire de la prestation spécifique
dépendance à domicile pouvait lui être apportée soit par un ou plusieurs
salariés directement recrutés en tant qu'aides à domicile, soit par
l'intermédiaire de salariés mis à la disposition du bénéficiaire de la
prestation spécifique dépendance par un service mandataire, soit, enfin, par
les salariés d'un service prestataire d'aide à domicile.
La coordination des aides autour de la personne et l'élaboration d'un plan
personnalisé construit avec le bénéficiaire représentaient, pour leur part, un
progrès réel par rapport à l'ACTP.
Dans le cas où la personne âgée était accueillie dans un établissement, la
prestation spécifique dépendance était versée directement à l'établissement
pour financer les surcoûts liés à l'état de dépendance. Le versement de la
prestation spécifique dépendance aux établissements d'accueil des personnes
âgées dépendantes passait par une réforme de leur tarification, dont la loi
fixait le cadre général.
Le législateur avait également fait le choix de la proximité en confiant la
gestion de cette nouvelle prestation aux départements.
L'évaluation pluridisciplinaire des besoins à l'aide d'une grille de mesure
commune - la grille AGGIR - était, en outre, une avancée très importante qui
permettait de renforcer l'homogénéité des pratiques des départements.
Enfin, la PSD ouvrait la voie à une coordination des actions des différents
acteurs, coordination qui était souhaitée depuis longtemps par tous les
intervenants.
N'en déplaise à ses détracteurs, le bilan quantitatif de la PSD est loin
d'être négligeable aujourd'hui. Le nombre de bénéficiaires ne cesse de croître
depuis le premier trimestre de 1998, date à laquelle la prestation est
véritablement entrée en vigueur.
A la fin de l'an 2000, 140 000 personnes âgées de soixante ans ou plus
bénéficiaient de la PSD. Au total, depuis la création de cette prestation,
environ 400 000 dossiers ont été soumis à l'examen des conseils généraux, et
300 000 ont bénéficié d'une décision favorable.
Parmi les bénéficiaires, 53 % vivent à leur domicile et quatre sur cinq sont
des femmes. Il s'agit de personnes âgées : près de neuf sur dix ont plus de
soixante-quinze ans. Quant aux personnes qui vivent en établissement, elles
sont plus âgées que celles qui vivent à leur domicile : 95 % ont
soixante-quinze ans ou plus en établissement, contre 85 % à domicile.
La prestation mensuelle moyenne est aujourd'hui de 3 500 francs à domicile et
de 1 900 francs en établissement. S'il existe naturellement, il faut le
reconnaître, des disparités sensibles entre les départements, 75 % d'entre eux
versent une prestation comprise entre 3 000 et 4 500 francs.
A l'évidence, mes chers collègues, je considère que la PSD ne mérite pas des
critiques aussi sévères que celles qui ont été prononcées à son encontre par le
Gouvernement.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je n'en n'ai pas dit un mot
tout à l'heure !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Le dispositif était incontestablement perfectible et des
ajustements réglementaires auraient permis d'élargir sensiblement le nombre des
personnes qui en bénéficient.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Voyons, monsieur Vasselle !
M. Patrick Lassourd.
Cela aurait coûté moins cher !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Me permettez-vous de vous
interrompre, monsieur le rapporteur ?
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Certainement, madame le ministre.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre, avec l'autorisation de M. le rapporteur.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le rapporteur, je n'ai
pas dit un mot de la prestation dépendance !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Vous ne l'avez pas dit aujourd'hui, mais vous l'avez dit en
d'autres lieux, madame le ministre, ou devant les médias, qui se sont fait
l'écho de vos propos !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le rapporteur, nous
sommes ici au Sénat ! Nous ne sommes pas là pour faire des procès d'intention
!
Cela dit, la prestation dépendance est naturellement très inférieure aux
besoins. Mais vous pouvez toujours essayer de la défendre !
Pour ma part, j'avais pris soin d'éviter ce thème. Franchement, permettez-moi
de vous le dire, ce n'est pas très adroit de votre part de l'aborder maintenant
!
(Protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
Mais, si vous voulez des réponses sur la prestation dépendance, vous en aurez
tout à l'heure.
M. Bernard Murat.
Il faut interroger les maires !
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Nous aurons l'occasion, madame la ministre, d'en débattre de
façon plus approfondie lors de l'examen des articles.
Pour ma part, je présente au Sénat des données chiffrées tout à fait
objectives et qui, à mon sens, ne peuvent être contestées par qui que ce soit,
même pas par le Gouvernement. D'ailleurs, vous ne les contestez pas vous-même
!
L'allocation personnalisée d'autonomie apparaît, à travers le texte qui nous
est présenté aujourd'hui, comme une véritable « boîte noire ».
Le dispositif de l'APA est
grosso modo
identique à celui de la PSD. Il
n'y a pas eu, en ce domaine, de véritable innovation quant au fond.
Le projet de loi aurait pu être limité à une modification à la marge dans le
chapitre II du code de l'action sociale et des familles, qui a codifié la loi
du 24 janvier 1997. Le Gouvernement a pourtant choisi de procéder à une
rédaction totalement nouvelle, découpant tel article, dénumérotant tel autre,
de sorte qu'il est techniquement très difficile de suivre les modifications
effectivement apportées à la loi de 1997.
La raison de ce choix de présentation réside probablement dans la volonté du
Gouvernement de faire apparaître une rupture entre l'APA et la PSD, et de «
graver » un nouveau dispositif dans le marbre.
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Il n'y a pas de rupture, c'est clair !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
L'une des caractéristiques de ce dispositif est d'être
souvent moins développé que ne l'était le texte relatif à la PSD. De nombreuses
dispositions sont renvoyées, explicitement ou implicitement, aux décrets. Or il
est fâcheux d'abroger certaines dispositions législatives actuellement en
vigueur pour renvoyer à de futurs décrets dont nous ne connaissons pas la
teneur.
Mme Guigou nous a certes assurés que le Parlement serait étroitement associé à
l'élaboration des décrets d'application.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Heureusement ! Curieuse
conception !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Cela étant, au moment où la commission des affaires sociales
a examiné le texte, elle ne connaissait pas la teneur des décrets, ce qui est
dommageable pour le travail parlementaire.
Quelles sont les principales innovations du dispositif de l'APA ?
Le Gouvernement assure, tout d'abord, que le dispositif sera uniforme, car
fondé sur un barème national. Mais il est impossible, dès lors que l'on
maintient - et ce choix est sage - une prestation en nature, de donner à une
telle prestation un caractère véritablement égalitaire : le plan d'aide retenu
variera nécessairement en fonction des équipes médico-sociales de chaque
département, en fonction des établissements et en fonction des degrés
d'autonomie.
Le Gouvernement se félicite, en second lieu, du caractère universel de l'APA.
Mais la suppression de la condition de ressources s'accompagne de la mise en
place d'un ticket modérateur dont l'Assemblée nationale se félicite qu'il
n'atteigne jamais 100 %. Vous avouerez que la différence n'est toutefois pas
considérable.
Ces principes, conjugués avec le maintien d'une prestation en nature servie et
gérée par le département, conduisent à une certaine confusion sur la nature de
cette prestation.
Ni « prestation d'aide sociale », comme cela a été dit précédemment, ni «
prestation assurantielle », se situant toutefois « dans la philosophie d'un
cinquième risque », « prestation de solidarité nationale » financée
essentiellement par les départements et conjuguant « la décentralisation et
l'égalité des droits sur tout le territoire », l'APA selon le Gouvernement,
traduirait le « choix du pragmatisme ».
L'innovation principale consiste à retenir les personnes classées en GIR 4.
Mais cette disposition sera déterminée par décret.
De manière générale, bon nombre de dispositions de ce texte relèvent du
domaine réglementaire, comme je l'ai dit précédemment. Le Parlement
dispose-t-il de projets de décret ? Je vous ai déjà apporté la réponse : en
aucune façon ! C'est la raison pour laquelle je dis que l'APA est une véritable
« boîte noire ».
Certes, en raison de l'inclusion des GIR 4, l'APA peut être considérée comme
un dispositif « plus généreux ».
Je formulerai à cet égard une observation : cette « générosité »
supplémentaire doit s'accompagner d'un financement pérenne, ce qui n'est
absolument pas le cas à la lecture du texte.
En réalité, le Gouvernement reporte sur les départements et sur la sécurité
sociale le soin de financer les générosités de sa politique sociale.
Le financement de l'APA a retenu l'essentiel des critiques de la commission
des affaires sociales, que je vais vous livrer.
Tout d'abord, ce financement n'est pas assuré.
Le financement de l'APA, jugé « équilibré » par le Gouvernement, repose sur
une étude d'impact proche de l'indigence. Il est source de graves menaces pour
les finances locales et les finances sociales.
Le chiffrage pour 2002 est précisément fixé par l'étude d'impact à 16,3
milliards de francs, dont 11 milliards de francs de dépenses
supplémentaires.
Les départements verraient leurs dépenses augmenter de 5,5 milliards de francs
par rapport aux moyens déjà dégagés. Pourtant, dans l'étude d'impact, on nous
explique que l'augmentation de la contribution des départements ne serait que
de 2,5 milliards de francs. Tout à l'heure, vous avez même parlé de 381
millions de francs, madame la secrétaire d'Etat. Je pense qu'on est loin du
compte.
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
Je parlais d'euros !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Je n'ai pas été suffisamment attentif ; veuillez m'en
excuser, madame la secrétaire d'Etat.
Les départements auraient « économisé », du fait de la PSD, 1,4 milliard de
francs, mes chers collègues, et ils récupéreraient, au titre des économies de
gestion induites par la réforme de la tarification, exactement la même somme :
1,4 milliard de francs.
Je souhaite formuler, à cet égard, trois observations.
Première observation : l'estimation des moyens existants est sujette à
caution, l'étude d'impact s'appuyant sur des chiffres remontant à 1999.
Deuxième observation : des économies incontestables ont été réalisées sur
l'ACTP à domicile, il faut le reconnaître. A partir du moment où l'Etat s'est
engagé, au travers des critères de Maastricht, à maîtriser l'évolution des
dépenses publiques, il est toutefois curieux que certains jugent aussi
sévèrement notre souci d'utiliser au mieux les finances départementales.
Il est, en outre, réducteur de se limiter à une approche purement
quantitative. Chacun s'accorde en effet à juger que l'ACTP était une prestation
qui n'était pas conçue pour les personnes devenues dépendantes avec l'âge, et
qu'elle était, par conséquent, mal gérée et mal contrôlée.
Par ailleurs, ce phénomène global ne rend pas compte de la situation
particulière des cent départements français.
Enfin, troisième observation : les économies à attendre de la réforme de la
tarification relèvent, à mon sens, de la pure spéculation.
Pour boucler le financement de l'APA en 2002, le Gouvernement n'a pas résisté
à sa tentation préférée : créer un fonds. Sous la forme d'un établissement
public national, le Fonds national de financement de la prestation autonomie
serait doté d'environ 5,5 milliards de francs, 5 milliards de francs venant de
la CSG et 500 millions de francs d'une contribution des caisses de sécurité
sociale.
La création de ce fonds constitue, selon Mme Elisabeth Guigou, ministre de
l'emploi et de la solidarité, « une nécessité pour reconnaître, sur le plan
institutionnel et politique, la compensation de la perte d'autonomie comme un
nouveau droit ».
Cette « reconnaissance » n'interviendra pourtant que sur une fraction mineure
du total des dépenses de l'APA, le fonds ne faisant qu'apporter aux
départements un concours partiel et tardif, puisque, sur 16,3 milliards de
francs, il n'y aura que 5,5 milliards de francs qui seront censés exprimer la
solidarité nationale. Nous sommes donc loin du compte !
La commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée
nationale y voit « un instrument de clarification ». La commission des affaires
sociales du Sénat ose espérer que cette « clarification » sera d'une autre
nature que celle qui a présidé à la décision de créer le fonds de financement
de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, le FOREC.
La véritable justification de ce fonds est de permettre d'y affecter deux
recettes émanant de la sécurité sociale : la contribution versée au fonds par
les régimes de base d'assurance vieillesse - dont la constitutionnalité, je le
dis au passage, nous apparaît incertaine - et la CSG.
Les partenaires sociaux ne s'y sont d'ailleurs pas trompés : ils ont en grande
majorité émis un avis négatif lors de l'examen du projet de loi par le conseil
d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs
salariés, la CNAVTS.
Pour justifier le recours à la CSG, madame la ministre, vous avez déclaré à
l'Assemblée nationale qu'il correspondait à « la logique de solidarité
nationale sur laquelle repose ce nouveau droit ». Vous avez ajouté : « La CSG
en est la meilleure expression du fait de son universalité ». Permettez-moi de
vous rappeler le douzième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre
1946 : « La Nation proclame la solidarité et l'égalité de tous les Français
devant les charges qui résultent des calamités nationales ».
L'expression de « solidarité nationale » est bien celle qui s'applique pour
indemniser les éleveurs victimes de la crise de l'encéphalopathie spongiforme
bovine ou les habitants du département de la Somme noyés sous les eaux. On
n'imagine pourtant pas un seul instant de recourir à la CSG pour financer de
telles indemnités !
Par ce terme de « solidarité nationale », le Gouvernement introduit ainsi une
confusion supplémentaire des genres. Car le grand absent du financement de
l'APA est bien l'Etat, tandis que la sécurité sociale est mise à contribution.
La CSG - faut-il le rappeler ? - fait en réalité l'objet d'un double
détournement.
Le premier détournement de la CSG est de financer une allocation qui n'est pas
une prestation de sécurité sociale.
Affecter une fraction de CSG au financement de l'APA aurait été justifié si la
voie du cinquième risque avait été prise. A partir du moment où la sécurité
sociale ne gère pas le risque dépendance, la justification de recourir à cette
imposition, affectée jusqu'alors de manière exclusive au financement de la
sécurité sociale, est bien mince : elle ne s'explique que par la volonté du
Gouvernement, une fois de plus exprimée, de financer par la sécurité sociale
les générosités de sa politique sociale. C'est la même logique que pour le
financement des trente-cinq heures qui s'est mise en marche !
Le second détournement de la CSG est de financer un fonds de formation
professionnelle.
En effet, comme il a été rappelé tout à l'heure, le projet de loi crée, au
sein du fonds de financement de l'APA, un autre fonds, « le fonds de
modernisation de l'aide à domicile ».
L'objectif général, évidemment tout à fait louable, est de former les salariés
des associations d'aide à domicile et de contribuer ainsi à la
professionnalisation de ce secteur.
Les actions de ce fonds apparaissent déjà plus imprécises.
Son financement pose de graves questions de principe. M. Gouteyron, président
de la commission des affaires culturelles, serait certainement le premier à le
dénoncer. Comment peut-on justifier qu'un fonds de formation soit financé par
la CSG, dont l'objet est de financer de manière exclusive la sécurité sociale
?
Il convient de rappeler que le Gouvernement a refusé d'appliquer une
disposition de l'article 16 de la loi du 24 janvier 1997 portant création de la
PSD prévoyant une formation pour les salariés de l'aide à domicile. Il
suffisait d'un décret pour mettre en place, dès 1997, la disposition existante.
Je l'avais rappelé à Mme Aubry lorsqu'elle a pris ses fonctions au ministère.
Puis Mme Guigou lui a succédé en octobre 2000. Par conséquent, depuis 1997,
l'initiative qui aurait pu être prise ne l'a pas été !
Il est facile, aujourd'hui, de dénoncer les insuffisances de qualification des
agents qui interviennent à domicile ou dans des établissements, alors que l'on
avait la faculté de prendre les dispositions appropriées !
Non seulement on a attendu ce projet de loi relatif à la prise en charge de la
perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée
d'autonomie, mais, de surcroît, on veut prélever de l'argent sur la CSG pour ce
faire ! Admettez, mes chers collègues, que ce procédé est quelque peu curieux
!
Il en a été de même lorsque l'on a « renvoyé » aux régions le financement du
certificat d'aptitude aux fonctions d'aide à domicile, le CAFAD. Il faut
reconnaître que peu de régions se sont investies dans la formation des
intervenants à domicile. Tout cela mérite donc une véritable réflexion.
Le coût total de la prestation en vitesse de croisière, il faut le rappeler,
est estimé à 23 milliards de francs. Il apparaît que cette vitesse de croisière
serait atteinte en 2004. Il manque aujourd'hui 6,5 milliards de francs, ce qui
ne vous a pas empêché, madame la ministre, d'assurer que le cadre du
financement était « pérenne ».
Le Gouvernement annonce qu'un « bilan financier est prévu au plus tard le 30
juin 2003 pour adapter, le cas échéant, les modalités de financement des
dépenses d'APA en fonction de leur évolution ». Un rapport est prévu à cette
fin à l'article 13 du projet de loi.
Cette évaluation est à la fois prématurée - le bilan de la seule année 2002,
qui risque fort d'être une année de montée en charge du dispositif, sera alors
disponible - et incomplète, puisqu'elle restera sans lendemain.
Face à la dérive du dispositif, le Gouvernement sera alors placé devant deux
tentations, celle de recourir une nouvelle fois à la CSG et celle de laisser
aux départements le soin de combler la différence.
M. Louis de Broissia.
Et voilà !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Il sera difficile aux départements d'échapper au financement
du surcoût de la prestation, car leurs dépenses, pourtant supérieures, ne
seront pas visibles.
L'APA comprend également des coûts masqués, à travers notamment la suppression
du recours sur succession, qui représente un saut vers l'inconnu.
M. Louis de Broissia.
Tout à fait !
M. Alain Vasselle,
rapporteus.
Le Gouvernement a donné un avis de sagesse à l'amendement du
groupe socialiste, tout en souhaitant la suppression du gage : cette
suppression sera-t-elle à la charge des départements ? Y aura-t-il compensation
? Je pose la question.
Le deuxième coût masqué réside dans la création de 2 000 équivalents temps
plein au sein des équipes médico-sociales. Cela représentera un coût de
fonctionnement supplémentaire non négligeable, à la charge des départements.
Enfin, la participation de l'assurance maladie constitue le troisième « coût
masqué ». Elle repose sur un « plan » devant financer, sur une durée de cinq
ans, la médicalisation des établissements, pour un total de 6 milliards de
francs, et l'augmentation d'un tiers du nombre de services de soins infirmiers
à domicile, pour un montant de 1,2 milliard de francs. Par conséquent, pour
mettre les compteurs à zéro, nous sommes appelés si je comprends bien, à
financer l'ensemble des lits qui ont été autorisés, mais non financés !
Il est vrai - je me permets de le dire au passage - que l'absence de
financement n'est pas propre à votre gouvernement. Il en a été de même sous des
gouvernements précédents. Toutefois, M. Jacques Barrot, alors ministre de la
santé et de la sécurité sociale, avait mis en place un programme de rattrapage
du financement des lits de cure médicale, autorisés mais non financés, dans
nombre de maisons de retraite.
Aujourd'hui, rien n'indique dans votre projet qu'un financement pérenne des
lits qui seront créés au fur et à mesure des autorisations des commissions
régionales fera l'objet d'une inscription dans le projet de loi de financement
de la sécurité sociale !
Il importe pourtant de s'assurer d'une bonne répartition de la prise en
charge, entre la sécurité sociale et les conseils généraux, des trois forfaits,
à savoir le forfait soins, le forfait dépendance et le forfait hébergement.
Mais il faut reconnaître, s'agissant du forfait hébergement, que, compte tenu
des insuffisances de la sécurité sociale, ce sont les départements qui ont
supporté une charge indue. Non seulement ils ne trouvent aucune compensation,
mais ils vont se voir imputer 2,5 milliards de francs en plus des 11 milliards
de francs qui sont prévus.
Encore faut-il noter qu'il n'y aucun moyen pour le Parlement de vérifier si
ces objectifs seront atteints. De plus, ce coût d'investissement représente un
coût de « fonctionnement » qui, lui, n'a pas été chiffré.
Une seule question, du reste, mérite d'être posée à ce sujet, et je vous la
pose, madame la ministre : quelle sera l'évolution retenue de l'ONDAM
médico-social pour 2002 ?
En effet, il est bien évident que le financement de lits à concurrence de 6
milliards de francs aura des conséquences sur le forfait soins, et il va bien
falloir suivre au niveau de l'ONDAM !
Enfin, le financement de l'APA échappe à tout contrôle, car, même s'il est
géré par le fonds de solidarité vieillesse, le fonds de financement de l'APA ne
constituerait pas, en tant que tel, un « organisme concourant au financement
des régimes de base ».
En conséquence, il échapperait au contrôle du Parlement lors de la discussion
de la loi de financement de la sécurité sociale.
Le fonds n'apparaîtrait pas davantage en loi de finances.
Une fraction de l'un des prélèvements obligatoires les plus importants
disparaîtrait purement et simplement du contrôle du Parlement. Si le projet de
loi était adopté en l'état, la fraction de la CSG affectée au fonds de
financement n'apparaîtrait plus dans les prévisions de recettes de la loi de
financement : elle ne serait nulle part.
Un tel recul des prérogatives du Parlement en matière de finances sociales,
désormais unanimement reconnues, est, à mon sens, particulièrement grave.
Certes, l'Assemblée nationale a retenu le principe d'un conseil
d'administration et d'un conseil de surveillance. Le conseil de surveillance
comprendrait notamment des membres du Parlement. Un rapport serait transmis
chaque année au Parlement et au Gouvernement, ainsi que cela a été prévu par
l'Assemblée nationale.
Il reste que l'augmentation du nombre de parlementaires membres de conseils de
surveillance, parfois proportionnelle à l'affadissement généralisé de leurs
compétences, est un pis-aller.
Ce financement est contradictoire avec les autres priorités affichées par le
Gouvernement.
Le détournement au profit du fonds autonomie d'une partie de la CSG affectée
au FSV va à l'inverse de la politique définie le 21 mars 2000 par le Premier
ministre pour l'alimentation du fonds de réserve des retraites.
Les excédents du FSV sont en effet censés être la première source
d'alimentation de ce fonds de réserve.
Or, afin de financer les 35 heures, le Gouvernement a déjà supprimé
l'affectation des droits sur les alcools au FSV pour 11,5 milliards de francs
en 2001 et diminué une première fois le taux de CSG affectée au FSV pour 7,5
milliards de francs en 2001.
Les recettes du FSV, c'est-à-dire les moyens financiers de garantir l'avenir
des retraites, sont ainsi amputées annuellement de plus de 24 milliards de
francs, soit 19 milliards de francs résultant de la loi de financement de la
sécurité sociale pour 2001 et 5 milliards de francs au titre du financement de
l'allocation personnalisée d'autonomie.
En somme, le Gouvernement alimente un nouveau fonds par des recettes destinées
à un fonds, le FSV, qui était censé les reverser à un autre : le fonds de
réserve des retraites. Nous finissons par être perdus dans tous les fonds !
Le rapport de contrôle que j'ai eu l'honneur de présenter à la commission des
affaires sociales le 19 avril dernier expliquait ainsi que les 1 000 milliards
risquaient de ne pas être atteints, puisque, du fait de la politique du
Gouvernement, les années 2000, 2001 et 2002 montraient que le tableau de marche
était bien mal engagé.
Madame la ministre, vous nous répondrez sans doute que le FSV est amené à
dégager de toute façon des excédents du fait de la diminution du nombre des
allocataires du minimum vieillesse ; mais ces excédents ne sont pas
multipliables à l'infini, et ils s'arrêteront en 2010.
Compte tenu de ces différentes observations, mes chers collègues, la
commission des affaires sociales propose de supprimer le fonds de financement
de l'APA et de retenir le principe d'un financement alternatif reposant sur une
tout autre logique et rappelant l'Etat à ses responsabilités.
Les modalités de ce financement alternatif ont été définies par la commission
des finances, saisie pour avis de ce projet de loi, et par son rapporteur, M.
Michel Mercier, avec qui j'ai travaillé en étroite concertation et qui vous en
dira sans doute plus dans quelques instants.
Telles sont, monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire
d'Etat, mes chers collègues, les principales observations qu'appelle de la part
de la commission des affaires sociales le présent projet de loi.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Comme vous l'avez dit très
justement, madame le secrétaire d'Etat, le problème de la prise en charge de la
dépendance dans notre pays est un problème lancinant. Sous divers
gouvernements, de nombreux débats parlementaires ont porté sur ce point, sans
que, jusqu'à ce jour, une réponse satisfaisante ait été trouvée.
Voilà quelques années, comme l'a rappelé excellemment M. le rapporteur, le
Sénat a pris l'initiative de créer une prestation spécifique dépendance, qui
est, selon moi, une prestation moderne,
sui generis ;
il s'agit non pas
d'une prestation d'aide sociale ou d'une prestation de sécurité sociale, mais
de quelque chose de nouveau.
Un certain nombre de principes sont posés, s'agissant de la prise en charge de
la dépendance, une prise en charge qui tient globalement compte de l'état de la
personne, apprécié dans son environnement à partir d'une grille nationale
d'évaluation. La réponse est apportée non pas en argent, mais en nature, aidant
ces personnes à vivre.
Ces principes ne sont pas remis en cause dans le présent projet de loi. Ils
sont repris, et il est bon qu'il y ait non pas une rupture, mais un cheminement
vers un texte meilleur, puisque la PSD a toujours été présentée comme un
dispositif intermédiaire, avant qu'un autre soit mis au point.
Le texte qui nous est présenté aujourd'hui va-t-il permettre de résoudre le
problème de la prise en charge de la dépendance dans notre pays ?
Sur un certain nombre de points, je répondrai par l'affirmative. Il faut en
effet reconnaître certaines avancées : un tarif national et une prise en charge
plus large, les titulaires de revenus moyens étant pris en compte.
Pourquoi ne pas reconnaître ces progrès ? Les reconnaître nous permet de mieux
faire ressortir les graves lacunes du projet de loi.
Je serais tenté de dire que, dans sa rédaction actuelle, le texte résout le
problème de la dépense mais non celui des recettes. C'est donc sur le
financement de l'allocation personnalisée d'autonomie que devront porter
principalement nos débats. M. le rapporteur de la commission des affaires
sociales l'a dit également.
Nos deux commissions ont d'ailleurs travaillé dans un bon esprit de
coopération pour essayer de donner à ce projet de loi toute l'efficacité
possible. Mais, malheureusement, dans la mesure où il est déclaré d'urgence,
nous n'aurons probablement pas le temps de résoudre ce problème du financement.
Je le regrette car nous aurions peut-être pu régler une question importante
pour la vie des personnes âgées de notre pays. Elle ne le sera que très
imparfaitement dès lors que le financement sera imparfait.
Quelles critiques peuvent être formulées sur le financement prévu ?
D'abord, le compte n'y est pas. En effet, si la dépense est estimée à 16,5
milliards de francs pour l'exercice 2002 et à 23 milliards de francs en régime
de croisière, on ne trouve pas en face la recette correspondante. Aussi, le
maître d'ouvrage que constituent les départements devra fournir les sommes
manquantes pour assurer le financement total.
Or, dès le départ, une part importante du financement de cette allocation est
mise à la charge des départements sous forme d'une dépense obligatoire. Bien
que décidée par l'Etat, cette dépense sera lourdement supportée par les
départements, un recours limité et contestable dans sa forme étant demandé à la
solidarité nationale.
Il existe, dans notre législation, d'autres exemples de mise à la charge de
collectivités territoriales d'une dépense obligatoire. Ce n'est pas nouveau. Le
Conseil constitutionnel a encadré ce genre de décision législative en rappelant
que le législateur devait déterminer très précisément non seulement l'objet de
la dépense obligatoire, ce qui est le cas dans le projet de loi qui nous est
soumis, mais aussi la portée de cette dépense, ce qui n'est pas fait en
l'espèce.
Nous devrons donc régler ce problème de constitutionnalité avant la fin de nos
débats.
Un plafond est prévu dans le texte, mais il est purement formel dans la mesure
où c'est un plafond individuel de dépenses qui dépasse le plafond retenu pour
la prestation maximale de l'APA, fixé à 7 000 francs. En effet, tel qu'il
ressort des dispositions du projet de loi, ce plafond individuel est de 7 057
francs. Un plafond inopérant, qui ne pourra pas jouer, ne peut donc pas
répondre à l'exigence du Conseil constitutionnel. Il s'agit là d'un point de
droit important. Il faudra trouver le plafond adéquat, et j'espère, madame la
ministre, madame la secrétaire d'Etat, que vous accepterez de vous livrer aux
discussions nécessaires pour rendre constitutionnelle cette partie du texte.
Comme je le disais tout à l'heure, le financement de la dépense sera
lourdement supporté par les départements, même si la dépense est décidée par
l'Etat, par le biais du tarif national.
Je reviens brièvement sur les chifres qui ont été avancés dans les deux
exposés précédents.
Actuellement, les départements consacrent 5,5 milliards de francs au
financement de la PSD et à l'allocation compensatrice pour tierce personne.
Pour l'exercice 2002, le coût de la nouvelle allocation devrait s'élever à 16,5
milliards de francs. Or, pour financer ces 16,5 milliards de francs, en plus
des 5,5 milliards de francs des départements, la solidarité nationale apportera
5,5 milliards de francs par le biais d'une contribution des caisses de retraite
et d'une fraction du produit de la CSG. Il manque donc 5,5 milliards de francs.
Comme rien n'est prévu, ces 5,5 milliards de francs seront à la charge des
départements.
Comme justification, vous invoquez deux arguments.
Premier argument : les départements auraient économisé de l'argent et cette
économie devrait en quelque sorte être mise à leur débit. Voilà un raisonnement
quelque peu spécieux, vous en conviendrez ! Si, chaque fois qu'une collectivité
a bien géré, on lui impose de dépenser son économie, cela posera même un
problème de fond. Mais passons !
Deuxième argument : les départements devraient, en outre, économiser 1,4
milliard de francs sur une réforme de la tarification que le Gouvernement a
décidée voilà quelques années, mais qu'il est incapable de faire appliquer par
ses fonctionnaires. Cette réforme serait enfin appliquée tout à coup l'année
prochaine et elle ferait gagner 1,4 milliard de francs.
De toute façon, il manque désespérément 2,7 milliards de francs au total.
C'est le contribuable départemental qui devra les payer, sans aucune
justification nouvelle.
Puis, en régime de croisière, la dépense passera de 16,5 milliards à 23
milliards de francs, et ce sans nouvel apport de la solidarité nationale. La
contribution de la caisse vieillesse restera fixée
ne varietur
à 500
millions de francs, et la fraction de CSG connaîtra la variation habituelle que
subit le produit de la CSG, si tout va bien dans le domaine économique et
social, soit environ 3 % par an, ce qui n'est pas si mal mais donnera un
résultat fort éloigné des 6,5 milliards de francs nécessaires. C'est donc à
nouveau le contribuable départemental qui devra prendre en charge ces 6,5
milliards de francs, sauf si le rapport que l'on nous annonce peut nous laisser
espérer mieux.
Madame la ministre, si l'on veut que ce projet de loi remplisse bien son
office, il faut absolument régler définitivement ce problème de financement :
on ne peut pas laisser ainsi 5,5 milliards de francs supplémentaires à la
charge des départements dès 2002, ce qui correspond globalement à un doublement
de la charge qu'ils supportaient au titre de la PSD ; pour certains
départements, notamment des départements ruraux - je pense à un département de
la bordure orientale du Massif central - la charge sera même multipliée par
quatre.
(M. Michel Teston lève la main pour demander la parole).
On a beau dire que ces départements ne dépensaient pas assez avant, multiplier
par quatre la dépense ne sera tout de même pas facile à « faire avaler » au
contribuable local !
Aussi, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, je vous demande
instamment qu'un véritable débat de fond sur le financement de l'APA ait lieu,
sinon, ce texte ne répondra pas à l'espoir qu'il a suscité.
Ce qui manque, c'est l'effort de la solidarité nationale.
Le recours à la solidarité nationale est en effet très limité ; cela a déjà
été dit, je n'y reviens pas. J'insisterai, en revanche, sur la forme que prend
cette solidarité.
L'utilisation d'une part de la CSG, c'est l'affaire du Gouvernement. Mais ce
qui n'est pas acceptable, c'est que les modalités de fonctionnement du fonds de
financement échappent totalement au contrôle du Parlement puisque ce fonds ne
relèvera ni de la loi de financement de la sécurité sociale ni de la loi de
finances il relèvera d'une simple structure administrative.
Or il s'agit ici de relations entre l'Etat et les collectivités territoriales,
qui, aux termes du principe constitutionnel de libre administration, doivent
être précisément régies par le législateur. Un organisme administratif ne peut
donc se substituer en la matière au Parlement. La détermination des modalités
de répartition d'un concours financier de l'Etat aux collectivités locales ne
peut pas être renvoyée à un décret.
Finalement, quelles propositions faisons-nous, quelles pistes lançons-nous au
début de cette discussion pour améliorer notablement le projet de loi ?
Nous proposons d'abord - première piste - un partage financier équilibré entre
les départements et l'Etat. Puisque le Gouvernement a renoncé, à juste titre,
me semble-t-il, à la solution du cinquième risque faute de disposer des moyens
de le financer, il faudrait créer une cotisation permettant à la sécurité
sociale de supporter une part des 23 milliards de francs. Il faudra d'ailleurs
tenir compte de la suppression quasi généralisée du recours sur succession, que
le Parlement va probablement décider petit à petit.
Nous souhaitons - deuxième piste - que la solidarité nationale soit mise en
oeuvre conformément aux règles des finances publiques. En effet, au moment où
l'on engage la révision de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique
relative aux lois de finances, on comprendrait mal qu'un texte soit voté soit
en contradiction formelle avec l'esprit de cette révision !
Nous proposons donc que l'effort de la solidarité nationale soit retracé dans
le budget de l'Etat et prenne la forme d'un concours particulier au sein de la
DGF aux départements, effort représentant environ la moitié du financement de
l'APA et indexé sur l'évolution des dépenses de l'APA d'un exercice à l'autre.
Nous suggérons, pour répartir ce concours, d'utiliser les critères contenus
dans le projet de loi, à savoir l'effort consenti par les départements pour les
personnes âgées, le potentiel fiscal des départements et les dépenses accordées
par ces derniers aux titulaires du RMI, afin de tenir compte des spécificités à
la fois des départements ruraux pauvres et des départements urbains, qui
peuvent avoir de lourdes dépenses sociales. Un pourcentage de 80 % serait
affecté au critère principal, chacun des critères péréquateurs comptant pour 10
%.
Telles sont, monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire
d'Etat, mes chers collègues, les propositions que je suis amené à vous faire,
au nom de la commission des finances. Celle-ci considère que, telle qu'elle
nous est proposée, l'allocation personnalisée d'autonomie s'inscrit dans
l'effort que notre pays consent déjà depuis un certain nombre d'années pour
prendre en compte la dépendance. Ce projet de loi marque donc une étape dans
cette prise en compte ; mais il manque au dispositif proposé, pour être
véritablement efficace, un financement assuré, pérenne, également partagé.
Au demeurant, si vous voulez bien suivre vos commissions dans les propositions
qu'elles vous feront, mes chers collègues, je crois qu'un bon travail sera
réalisé.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et
des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. Michel Teston.
Je demande la parole.
M. le président.
Mon cher collègue, je n'ai pas souhaité que vous interrompiez M. le rapporteur
pour avis durant son exposé. Je vous donne maintenant la parole.
M. Michel Teston.
Je vous en remercie, monsieur le président.
M. le rapporteur pour avis a évoqué un très beau département, l'Ardèche, si
j'ai bien compris, et je voudrais qu'il n'y ait pas le moindre doute quant à la
position du représentant de l'Ardèche que je suis ici.
Je tiens à dire haut et fort que je suis très favorable à ce projet de loi,
même si, comme Michel Mercier, je m'interroge sur son financement en 2003.
C'est la raison pour laquelle je souhaiterais que l'on puisse obtenir quelques
précisions sur ce sujet.
M. Jean Chérioux.
Le financement, c'est tout le fond du problème !
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 60 minutes ;
Groupe socialiste, 50 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 38 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 36 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 25 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 23 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe,
8 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Huguet.
M. Roland Huguet.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, le
projet de loi qui fait l'objet de notre discussion est le cinquième grand
chantier social de cette législature, après les lois sur la réduction du temps
de travail, sur les emplois-jeunes, sur la lutte contre les exclusions et sur
la couverture maladie universelle.
Ce texte traite un problème de société difficile, eu égard, notamment, à la
façon dont on aborde aujourd'hui le vieillissement et la dépendance qui lui est
généralement associée, plus ou moins tôt.
Le regard de la société sur le vieillissement est, en effet, étrange. D'un
côté, on continue à donner aux personnes du troisième âge, par un effet de «
jeunisme », des envies et une place dans la société qui nient la réalité du
vieillissement. D'un autre côté, on les exclut trop facilement de la vie
sociale parce qu'elles sont synonymes de coûts ; on les associe à la retraite,
aux problèmes de santé, d'environnement, à la mort.
Là réside peut-être la difficulté de mettre en place les bonnes politiques en
direction de la vieillesse.
Ce projet de loi permet de dépasser cette ambiguïté en instituant des mesures
en faveur du maintien de l'autonomie. Car, finalement, le vieillissement se
marque bien par une dépendance qui s'accroît de jour en jour. Le vieillissement
se traduit par la conscience physique, le ressenti dans son propre corps, de la
difficulté grandissante à soulever un poids, à faire une promenade, à produire
un effort, etc.
Pourtant, tout le monde s'accorde à reconnaître combien l' « ancien »
représente un lien social fort. C'est, en outre, un acteur à part entière de
l'économie sociale et commerciale. Le poids des seniors sur le marché européen
est considérable : ils achètent 45 % des voitures neuves, 50 % des eaux
minérales, 50 % de toutes les huiles et représentent 40 % des dépenses de
tourisme.
Et s'il fallait une preuve de la capacité des seniors à évoluer avec leur
temps la voici : les plus de soixante-cinq ans étaient 24 000 à se connecter
sur Internet il y a un an ; ils sont aujourd'hui 150 000, soit une augmentation
de 513 % !
Par conséquent, il est nécessaire de tout faire pour donner à ceux qui, du
fait de l'âge la perdent ou risquent de perdre leur autonomie physique les
moyens de la conserver le plus longtemps possible par la prévention ou des
aides aux handicaps provoqués par le vieillissement.
Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui constitue un progrès
indéniable pour les personnes âgées dépendantes.
Notre rapporteur, Alain Vasselle, a défendu la PSD avec autant de brio que de
fougue. Mais, mon cher collègue, si vous consacrez tant de temps et d'énergie à
la défendre, c'est qu'elle a besoin d'être défendue !
Pour ma part, je ne dirai pas que la PSD a été un échec complet. C'était un
démarrage, avez-vous dit. On pouvait faire mieux ! Il reste qu'elle n'est
perçue actuellement que par 135 000 personnes, alors que l'on s'accorde à
considérer que les personnes âgées dépendantes de plus de soixante ans sont au
nombre de 800 000.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Ce sont tout de même les plus démunies et les plus
dépendantes qui bénéficient de la PSD !
M. Roland Huguet.
Les raisons de cet échec...
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Ce n'est pas un échec !
M. Roland Huguet.
... ou de ce semi-échec sont, entre autres : la non-prise en compte de 264 000
personnes classées en GIR 4, des montants généralement trop faibles, leur
variation d'un département à l'autre et le recours sur succession.
Mais je suis d'accord avec vous, monsieur Vasselle, pour dire que la PSD a eu
au moins le mérite de nous faire passer à une prestation en nature. C'était un
premier progrès. Et la création de l'équipe médico-sociale en a été un
second.
Cela étant, je veux, quant à moi, surtout parler de l'APA.
M. le rapporteur affirme que c'est « une boîte noire ». Or une boîte noire,
mes chers collègues, est faite pour dire la vérité.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Après la catastrophe !
(Sourires.)
M. Roland Huguet.
Oui mais, ici, nous ouvrons la boîte noire avant la catastrophe, pour l'éviter
!
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Justement, nous allons vous aider à l'éviter !
M. Roland Huguet.
Avec cette nouvelle prestation, nous créons un droit universel, car la seule
condition pour en bénéficier est la perte d'autonomie, un droit objectif
puisqu'il est établi à partir d'un barème fondé sur le degré de perte
d'autonomie, même faible, un droit égal puisque le montant sera identique sur
l'ensemble du territoire, un droit personnalisé, tenant compte de la situation
de chacun, dans le cadre d'un plan d'aide qui permettra l'adaptation aux
conditions de vie particulières de chaque bénéficiaire.
A partir du 1er janvier 2002, l'allocation personnalisée d'autonomie permettra
à toutes les personnes ayant perdu de l'autonomie, même si elles sont peu
dépendantes, et sans condition de ressources, de percevoir une aide destinée à
compenser le handicap.
Cette prestation sera versée aux personnes résidant en établissement comme à
celles qui restent à domicile. Pour ces dernières, un plan d'aide personnalisé
sera élaboré par une équipe médico-sociale en fonction des besoins de la
personne. Le montant de la prestation sera modulé par un ticket modérateur
variable en fonction des ressources.
Enfin, en instituant le fonds de modernisation de l'aide à domicile, le texte
prévoit des mesures en faveur de la qualité des services à domicile, ce fonds
étant destiné à soutenir les actions de formation, de développement de la
qualité des services et le renforcement de la professionnalisation de l'aide à
domicile.
Les aspects positifs de ce texte, les progrès réels qu'il permet d'accomplir
ont d'ailleurs été relevés par l'ensemble des acteurs sociaux consultés. Tous
se félicitent, notamment, du fait que cette prestation relève non plus tant de
l'aide sociale proprement dite que de l'action sociale en s'orientant vers une
prestation légale.
De même, ils considèrent que la prise en compte des GIR 4 par l'APA est une
avancée considérable.
La prise en charge du financement par 0,1 % de CSG annonce un début de
financement par la solidarité nationale.
Cependant, l'UNCCAS, l'Union nationale des centres communaux d'action sociale,
regrette l'inégalité de traitement entre les personnes qui restent à domicile
et celles qui sont en établissement, ce qui peut gêner la liberté de choix des
bénéficiaires. Elle demande que le droit ouvert soit établi en fonction du plan
d'aide individualisé en toute circonstance. Elle souhaite également
l'instauration de la mutualisation des APA par établissement pour aider à la
mise en place de projets de vie.
Une autre organisation regrette la « ségrégation par l'âge » et souhaite une
prise en charge par la sécurité sociale d'un cinquième risque.
Enfin, le principe du recours sur succession est dénoncé comme étant un frein
à la demande d'APA, comme il l'a été pour la PSD. L'Assemblée nationale l'a
d'ailleurs bien compris et en a demandé la suppression.
Globalement, ce texte comporte de nombreux éléments positifs : le caractère
universel de la prestation ; le tarif national à domicile, variant en fonction
de la dépendance et revalorisé chaque année ; le barème national de
participation des bénéficiaires selon leurs ressources, dans lesquelles le
patrimoine est pris en compte ; le plan d'aide individualisé élaboré par
l'équipe médicale ; le principe de la prestation en nature ; la création d'une
commission d'attribution et de conciliation avec, dans ce cas, représentation
des usagers, l'assimilation au domicile des hébergements collectifs de petite
taille ; la prise en compte dans le calcul de l'APA de la situation d'un couple
dont un membre réside à domicile et l'autre en établissement ; un financement
faisant appel à la solidarité nationale ; l'aide à la modernisation de l'aide à
domicile ; l'exonération totale des charges patronales pour l'emploi d'aide à
domicile.
L'UNASSAD, l'Union nationale des associations de soins et services à domicile,
demande à être partie intégrante de toutes les équipes médico-sociales
intervenant à domicile. Elle souhaite également que le plan d'aide soit élaboré
à l'issue d'une démarche confiée à des professionnels qualifiés et prenant en
compte les capacités physiques et psychiques de la personne âgée, mais aussi
son environnement affectif, géographique et économique, ses habitudes et ses
choix de vie.
Il s'agit bien, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, d'un bon
texte, représentant un véritable « plus », attendu par toutes les familles.
La gestion de la prestation est confiée aux départements, ce qui correspond à
la volonté majoritaire de ces derniers. M. Teston vous a déjà fait part du
soutien de l'Ardèche. Je vous apporte celui du Pas-de-Calais. Il y en a
quatre-vingt-dix-huit autres à convaincre, me direz-vous !
(Sourires.)
Les départements souhaitaient un renforcement de leurs compétences en ce qui
concerne les personnes âgées, eu égard à leur savoir-faire en termes
d'accompagnement individuel des personnes et de leurs familles, et
indépendamment des importantes conséquences financières qu'aura pour eux le
dispositif.
La compétence des départements est donc confirmée et élargie à la moyenne
dépendance puisque les GIR 4 seront bénéficiaires de l'APA. Il leur reviendra,
de ce fait, d'assurer l'information, la mise en oeuvre et l'animation d'une
politique gérontologique adaptée aux besoins des usagers, tant à domicile qu'en
établissement.
A ce propos, il me faut rappeler la difficulté résiduelle de prise en compte
des départements à forte population âgée et où le niveau des retraites est, en
outre, souvent très bas. J'indiquerai, à titre d'exemple - je regrette que
notre collègue Michel Mercier ne soit plus là pour l'entendre,...
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Il va revenir !
M. Roland Huguet.
... mais je ne manquerai pas de lui en faire part - que, pour le département
du Pas-de-Calais, la mise en place du dispositif représentera un coût
supplémentaire de 90 à 99 millions de francs, après intervention du fonds de
financement de l'APA, dans l'hypothèse où 70 % des personnes potentiellement
éligibles demanderaient et obtiendraient l'APA, coût ramené à 30 ou 40 millions
de francs si seulement 60 % d'entre elles sont demandeuses.
Madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, je voudrais tout de même vous
signaler que tous les départements ne sont évidemment pas à considérer de la
même façon.
M. Louis de Broissia.
Eh oui !
M. Roland Huguet.
Certains départements ont peut-être utilisé la prestation spécifique
dépendance pour diminuer leurs dépenses. Mais ce n'est pas le cas du
Pas-de-Calais !
(Sourires et murmures.)
Dans mon département, en effet,
nous avons dépensé plus pour la PSD qu'auparavant pour l'ACTP.
M. Louis de Broissia.
Il ne faut pas se justifier !
M. Roland Huguet.
Dès alors, avec le sourire, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat,
je voudrais vous demander si la compensation interviendra aussi dans l'autre
sens : puisque vous demandez à ceux qui n'ont pas suffisamment dépensé de faire
un effort pour combler leur retard, allez-vous rendre de l'argent à ceux qui
ont dépensé plus ?
(Sourires.)
M. Jean Chérioux.
Ne rêvez pas !
M. Louis de Broissia.
Noël, c'est en décembre !
(Nouveaux sourires.)
M. Roland Huguet.
Au moins, essayons de le faire à travers la péréquation.
M. Philippe Nogrix.
Il n'y a que 5,5 milliards de francs à partager !
M. Roland Huguet.
La population actuellement éligible à l'APA dans le Pas-de-Calais est
d'environ 18 000 personnes alors que 5 000 personnes bénéficient actuellement
de la prise en charge par la PSD. L'avancée sociale est donc indiscutable.
Mais il faudra aussi prendre en compte l'augmentation des coûts de gestion due
au renforcement en moyens tant humains que matériels. C'est pourquoi la
participation des organismes de sécurité sociale à la gestion du dispositif, le
renforcement des services d'aide à domicile et la médicalisation des
établissements sont plus que jamais nécessaires.
L'APA sera accordée par le président du conseil général sur proposition d'une
commission départementale, composée de représentants du département et des
organismes de sécurité sociale. Cette commission sera également chargée
d'étudier les litiges et accueillera alors des représentants des usagers ; il
sera utile de préciser le mode de désignation et les conditions de leur
représentativité.
Le financement de cette prestation sera assuré par la création d'un fonds de
financement de l'APA abondé par 0,1 point de la CSG, soit 5,5 milliards de
francs, et la participation des régimes de retraite au titre des GIR 4, soit
0,5 milliard de francs.
Ces ressources seront versées sous forme de concours particuliers aux
départements et réparties en fonction du montant des dépenses d'APA qu'ils
réalisent rapporté à la dépense totale. Une péréquation interviendra soit sur
la base du potentiel fiscal et du nombre de bénéficiaires du RMI, soit sur
celle du nombre de personnes âgées, comme le demande l'Assemblée nationale.
Il serait souhaitable que la commission consultative d'évaluation des charges
soit saisie annuellement...
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Tout à fait !
M. Roland Huguet.
... du problème de la compensation des dépenses pour analyser, selon les
principes généraux de la décentralisation, les conséquences financières de la
mise en place de la prestation.
De même, dans la mesure où l'évolution du concours de l'Etat n'est prévue
qu'en cas d'évolution de l'assiette de la CSG, on pourrait envisager une clause
de sauvegarde en fonction des évolutions globales des dépenses réalisées par
les départements et prévoir une limite, au-delà de laquelle il sera
indispensable d'assurer une compensation, plutôt qu'un indice maximal
d'évolution par bénéficiaire fixé à 120 % de la majoration pour tierce
personne, comme le prévoit le projet de loi.
Le principe de la répartition du financement de la prestation sera le suivant
: deux tiers pour les départements, un tiers pour la solidarité nationale, par
le biais de la CSG et des régimes de retraite.
Je pense pouvoir dire, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, que le
présent projet de loi fait l'unanimité sur le terrain, puisqu'il répond aux
besoins et aux aspirations de la population. Le problème de la vieillesse y est
traité de façon positive, en termes non plus de handicap et d'exclusion de la
société, mais de conservation des potentiels de la personne par une prise en
charge rapide de la perte d'autonomie, malheureusement quasiment impossible à
éviter avec les années.
Cette prestation permettra à de nombreuses personnes de continuer à vivre dans
les meilleures conditions et à chacun d'entre nous de mieux accepter le
vieillissement et les difficultés qui lui sont attachées.
La seule « vraie critique », si je peux m'exprimer ainsi, porte sur la
pérennité et le financement à long terme.
Contrairement à ce qui s'est passé pour la prestation spécifique dépendance,
votée en ces lieux et à propos de laquelle j'étais déjà intervenu, je puis
cependant vous assurer, mes chers collègues, que les moyens de mettre en oeuvre
l'allocation personnalisée d'autonomie seront assurés...
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Ah !
M. Roland Huguet.
... par la création du fonds de financement abondé par l'Etat selon les
modalités prévues.
Faut-il rappeler que la PSD avait été adoptée sans qu'aucun financement de
l'Etat ne soit prévu dans le texte ?
M. Louis de Broissia.
Elle réformait l'ACTP !
M. Roland Huguet.
Vous le savez, de nombreuses voix s'élèvent pour demander l'évolution de la
prise en charge légale du handicap - et quelle qu'en soit la cause quel que
soit l'âge de la personne - par la sécurité sociale au titre de ce que l'on
appelle le « cinquième risque ».
Le présent projet de loi s'inscrit dans le sens d'une telle évolution,
c'est-à-dire qu'il tend vers l'action sociale plutôt que vers l'aide sociale et
vers la solidarité entre générations, solidarité sur laquelle repose notre
société - nous avons parfois tendance à l'oublier.
La volonté du Gouvernement de financer l'APA est réelle. L'avenir démontrera
la nécessité d'évoluer vers une prise en charge accrue par la solidarité
nationale.
Madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, dans la mesure où il ne sera
pas dénaturé par la majorité de cette assemblée, votre texte - n'en doutez pas
- recevra le soutien sans réserve du groupe socialiste du Sénat.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. de Broissia.
M. Louis de Broissia.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, tous,
nous ne pouvons que prendre conscience, en ce début du XXIe siècle, de
l'importance du phénomène de société que représente le vieillissement de la
population française. Et tous, quelles que soient les travées sur lesquelles
nous siégeons, nous nous efforçons de permettre aux personnes âgées de tenir
leur place dans la société et de leur éviter ces ghettos que constituent les
maisons de retraite.
Hier, je me trouvais dans l'une d'elles : les regards vides des personnes
âgées de quatre-vingt-cinq à quatre-vingt-quinze ans, qui se demandent ce
qu'elles y font, me poursuivent, comme vous, madame le secrétaire d'Etat, jour
et nuit.
Quelques chiffres permettent de mieux appréhender l'augmentation du nombre de
personnes âgées et l'accroissement de la longévité : 12 millions de personnes
sont âgées de plus de soixante ans - c'est considérable - et 1,4 million de
personnes ont plus de quatre-vingt-cinq ans. De trois à cinq générations
peuvent désormais coexister dans une même famille. Un rapport présenté dans un
colloque de l'Assemblée nationale citait ainsi le chiffre de 3 300 familles
heureuses réunissant cinq générations.
Deuxième élément que nous constatons tous : si la majorité des personnes âgées
de plus de soixante-cinq ans, celles que l'on appelle dans nos campagnes les «
toujours jeunes », vivent plutôt bien et sont actives - il est d'ailleurs
important de veiller à ne pas les marginaliser pour leur éviter ce sentiment
trouble où se mêlent peur de vieillir et de mourir, isolement et sentiment
d'inutilité - si, disais-je, la majorité des personnes âgées de plus de
soixante-cinq ans vivent bien, l'allongement de la vie n'est pas forcément une
période heureuse, en particulier pour les personnes d'un grand âge qui
subissent une perte d'autonomie.
Le débat, heureusement, est ouvert dans la société française depuis - j'espère
que M. Huguet ne m'en voudra pas - 1995.
Ainsi, le principal objectif du projet de loi que la majorité d'alors à
l'Assemblée nationale soutenait en janvier 1997 - j'y étais - visait à pallier
les défauts d'une ACTP détournée de sa vocation initiale, ce que tout le monde
reconnaissait. Elément nouveau à cette époque, la PSD était versée en nature,
M. le rapporteur l'a rappelé. Autre nouveauté importante, l'évaluation par une
équipe médico-sociale de terrain du niveau de dépendance et des besoins était
prévue pour élaborer un plan d'aide.
La PSD était provisoire, cela fut dit à l'époque. Elle a néanmoins permis de
faire accéder 130 000 personnes environ à un premier degré d'assistance à la
dépendance.
Le dispositif, je l'ai dit aussi en tant que président de conseil général, a
été considéré comme médiocre, car trop restrictif dans ses conditions d'accès,
et inégalitaire dans son attribution.
Enfin, les distorsions de pratique constatées d'un département à l'autre
constituaient sans conteste un obstacle au bon fonctionnement du système,
lequel a toutefois eu le mérite d'exister.
Aujourd'hui, madame le secrétaire d'Etat, comme vous l'avez dit devant la
commission des affaires sociales du Sénat, l'ambition - nous la partageons tous
- est d'ouvrir un nouveau droit fondé sur l'université, sur l'égalité et sur la
solidarité nationale, mis en oeuvre dans un cadre de proximité et visant à
renforcer la qualité de la prise en charge des personnes âgées, notamment en
soutenant le recours à des services professionnels.
Tout cela, madame le secrétaire d'Etat, et en particulier l'accent mis sur
l'aide à domicile et le fonds de modernisation, dont on reparlera dans la
discussion, est intéressant. Cependant, quelques contradictions d'importance
doivent être mises en évidence.
Ainsi, comment concilier universalité et personnalisation de la prestation ?
On le voit sur le terrain pour la couverture maladie universelle, madame le
secrétaire d'Etat, il y a des failles dans l'universalité ! J'ai pu constater,
voilà une semaine, que le service d'odontologie du CHU-CHR de Dijon était
encombré par les bénéficiaires de la CMU, qui n'ont plus recours à l'ordre des
chirurgiens-dentistes que les départements conventionnaient auparavant. Un
système universel n'est donc pas nécessairement un système universellement
heureux !
Comment donc concilier universalité et personnalisation ? Il faudra avant tout
garantir un droit objectif avant de promouvoir un droit à la consommation
jusqu'à un certain plafond national.
De la même façon, mes chers collègues, comment concilier l'égalité d'accès à
l'allocation sur tout le territoire et la souplesse de gestion de proximité ?
Là encore, je renvoie à la CMU, madame le secrétaire d'Etat : nous avons tous
pris connaissance - dans certains départements plus vite que dans d'autres - du
nombre de bordereaux en retard à la sécurité sociale ! Un système universel ne
garantit donc pas toujours la proximité.
Or le président de conseil général que je suis reste attaché au principe de
proximité, de même qu'au principe de l'évaluation de la personne, car il doit
s'agir d'une aide véritablement « personnalisée ».
Nous sommes également attentifs à la possibilité de maintenir un partenariat
local afin d'éviter des dispositifs administratifs lourds et inefficaces.
La volonté de réforme est appréciable, mais certaines avancés sont trompeuses
- je viens de le dire à propos de l'universalité - et cela ne parvient pas à
masquer les faiblesses du projet de loi, en particulier une faiblesse que je ne
suis pas le premier et que je ne serai pas le dernier à dénoncer. Je veux
parler, bien sûr, du mode de financement de l'APA.
Mme Guigou a qualifié son financement de pérenne et d'équilibré. Nous sommes
entre nous : soyons sérieux sur un sujet sérieux ! Dois-je répéter les
interrogations que soulève le fonds national pour le financement de la
prestation économique ?
Chose curieuse, madame le secrétaire d'Etat, le Gouvernement se félicite que
le financement de l'APA - le sigle n'est pas très joli, il fait penser un peu
trop à l'« appât » - relève non seulement de la solidarité locale mais
également de la solidarité nationale.
Je veux bien, mais j'ai fait de l'arithmétique élémentaire avant de faire des
mathématiques dites supérieures. La solidarité nationale ne jouera que pour un
tiers, la solidarité locale pour les deux tiers ! Comme le dit fort justement
M. Vasselle, que je cite à nouveau, le Gouvernement crée un nouveau concept :
la solidarité nationale sans l'Etat.
Vous l'avez vous-même qualifié d'original, madame le secrétaire d'Etat,...
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
Tout à fait !
M. Louis de Broissia.
... et j'ai apprécié l'humour de la démarche au travers de cet épithète.
Vous créez - nous créerions si nous vous suivions - un nouvel impôt social
national : l'impôt local ! Ainsi, la taxe d'habitation, la taxe foncière, la
taxe sur le foncier non bâti, la taxe professionnelle deviennent des impôts de
solidarité nationale.
C'est une façon intelligente, M. le président du comité des finances locales
n'en disconviendra pas, d'aborder la solidarité nationale, et je vous entendrai
avec plaisir sur ce point, sur lequel nous n'allons pas manquer de revenir.
Avant d'aborder la question de la place prioritairequ'avec la règle du « deux
tiers-un tiers » vous entendez donner aux départements dans le financement de
l'allocation d'autonomie, qu'il me soit permis de faire quelques remarques sur
les modalités de ce financement.
Le projet de loi que nous examinons prévoit donc la création d'un fonds
national pour le financement de la prestation personnalisée d'autonomie. Les
critères exacts de la répartition restent à définir, et il faut bien avouer
qu'au jour d'aujourd'hui nous restons dans le flou le plus total.
Où en est l'étude dont devaient faire l'objet les modalités précises de
l'évolution de la péréquation, en valeur absolue et en valeur relative ? C'est
un aspect important, et il est normal que les parlementaires s'en
préoccupent.
Autre sujet d'inquiétude : dans quelle proportion va évoluer - je ne suis pas
le premier à vous poser la question et je ne serai pas le dernier - le montant
global de l'allocation au-delà des deux premières années de mise en oeuvre ?
J'ai entendu les prévisions de mon collègue Roland Huguet : 70 %, voire 60 %,
de la population y aura recours. Cependant, avec la suppression de la
récupération sur succession, l'appel d'air sera, à mes yeux, beaucoup plus
fort, car, dès lors que l'on crée un droit universel - je dis bien « universel
» - de prestation sans cotisation, ce sont 90 %, voire 95 %, des personnes qui
y accéderont.
Pour l'heure, madame le secrétaire d'Etat, permettez-moi de constater
seulement que le Gouvernement organise bien allègrement les dépenses des
départements ! Il a été dit tout à l'heure que l'A.D.F., l'Assemblée des
départements de France avait donné son accord. Secrétaire général de cette
noble institution, je n'ai pas eu le sentiment d'une concertation très
appronfondie sur ce sujet. A moins que, séjournant deux jours dans ma
Bourgogne, les nouvelles ne me soient pas parvenues de Paris. Mais,
généralement, elles m'arrivent !
Il semble d'ailleurs que le Gouvernement ait pris l'habitude - madame le
secrétaire d'Etat, je vous le redis - de décider pour les départements sans
leur proposer des recettes correspondant à l'effort financier important qu'il
leur demande. Les missions des départements sont ainsi de plus en plus
nombreuses - nous les assumons - les lois de décentralisation, conjuguées, dans
l'esprit de Maastricht, selon le principe de la subsidiarité, provoquant, elles
aussi, un appel d'air qui ne cesse de gonfler leurs compétences. Je le dis avec
gravité, mes chers collègues - et je le redirai encore demain à propos d'autres
projets de loi - je crains l'insoutenable légèreté de l'Etat à l'endroit des
départements.
C'est une constante de ce gouvernement de se décharger de dépenses honorables.
Au Gouvernement l'honneur de créer une nouvelle prestation et aux élus locaux
la honte d'assumer les impôts locaux correspondants : voilà un partage de
compétences qui est assez original !
Devrons-nous - c'est une question toute simple - augmenter la pression fiscale
? Oui, bien entendu ! Dès 2001, tous mes collègues en charge d'une institution
départementale devront proposer une augmentation forte, significative de la
taxe d'habitation, des taxes foncières et de la taxe professionnelle. En
d'autres termes, la solidarité nationale sera désormais exercée par tous les
contribuables, y compris par les plus modestes, ceux qui n'y participaient pas
auparavant.
A cela s'ajoute - M. le rapporteur a parlé à cet égard d'un « coût masqué » -
la proposition originale de nos collègues de l'Assemblée nationale visant à
mettre fin à la récupération sur succession. Au Sénat, quelques-uns m'ont dit
dans les couloirs - je ne sais pas s'ils le répéteront dans l'hémicycle - qu'il
s'agit d'une véritable « bombe à retardement ».
Vous le savez, le principe même de la récupération sur succession aboutissait
à ce que, dans les centres communaux d'action sociale, les CCAS, dans les
mairies, auprès des conseillers généraux, auprès des élus de base, lorsqu'on
venait s'enquérir d'un droit social et que l'on posait poliment la question de
l'éventuelle existence d'un système de récupération sur succession, on
repartait, en tout cas pour les personnes les plus aisées, en disant : « Eh
bien, on réfléchira ! » Cette possibilité de récupération sur succession sera
donc supprimée. Un large débat devrait s'instaurer sur l'ensemble du
financement du nouveau dispositif.
Il faut conclure. Il y a une coïncidence, et l'actualité est toujours un
signe, personne n'en doute : en ce moment a lieu, à l'Assemblée nationale, un
débat sur l'autonomie de la Corse ; au même moment, nous engageons, nous, au
Sénat, qui, aux termes de l'article 24 de la Constitution assure la
représentation des collectivités territoriales et alors que l'article 72 de la
Constitution dispose que lesdites collectivités s'administrent librement, un
débat sur la nationalisation - allez, osons le mot ! - de l'action des 102
départements et collectivités assimilées. Nous ne regrettons pas ce débat.
Nous déplorons simplement l'absence de l'indispensable volet du financement.
Mes chers collègues, je vais vous faire une confidence. Dans mon assemblée
départementale, on dénombre quarante-deux hommes et femmes de qualité. Comme je
me suis, bien sûr, exclu du lot, cette assemblée comporte en réalité
quarante-trois personnes. On y compte un membre du Gouvernement. Vous voyez de
qui je veux parler, madame le secrétaire d'Etat ? Il s'agit d'un homme
sympathique, populaire et c'est, comme on dit dans mon coin, un de mes «
conscrits ». Chaque fois qu'il parle - et il le fait avec talent - j'entends la
voix de Bercy. Il nous annonce, mes chers collègues, qu'il y a 170 milliards de
francs - j'ai noté le chiffre et il l'a répété - d'excédents chez les élus
locaux.
C'est le nouvel Eldorado du Gouvernement de Lionel Jospin. Il y a de l'argent
ailleurs. Dès lors, pourquoi réformer l'Etat, réformer les régimes de retraite
et se lancer dans une grande réforme de la décentralisation ? Ce n'est pas
nécessaire. Il faut aller chercher l'argent dans les communes, dans les
départements et dans les régions !
C'est une situation que nous avons déjà vécue ici et que nous revivrons
encore.
La discussion sur l'allocation personnalisée d'autonomie marque ce que l'on
pourrait appeler - je me permets d'employer ce terme pour vous montrer que je
vous écoute attentivement, madame le secrétaire d'Etat - une nouvelle
gouvernance, une nouvelle façon de gouverner. C'est donc une démarche
originale, au sens propre du terme, puisque cela permet d'accorder une nouvelle
prestation et de la faire payer par d'autres. Si la solidarité nationale ne
méritait pas un traitement plus élevé, j'aurais dit : Chapeau l'artiste !
Aujourd'hui, nous discutons incontestablement d'un texte important, que vous
avez vu, madame le secrétaire d'Etat, sous un angle politique, trop politique.
Je le répète : honneur à celui qui veut la prestation, honte à celui qui fait
payer l'impôt correspondant. Vous gardez l'honneur, vous nous laisserez la
honte.
Grâce au travail remarqué de la commission des affaires sociales et de son
rapporteur, M. Vasselle, grâce à l'apport de notre collègue M. Mercier,
rapporteur pour avis de la commission des finances, l'allocation personnalisée
d'autonomie, trouvera je l'espère, à travers la discussion au Sénat, une vraie
dimension.
C'est cette dimension vraie, pérenne, sérieuse que je soutiendrai, avec mon
groupe, le RPR. Je rejetterai donc, madame le secrétaire d'Etat, mes chers
collègues qui siégez à gauche dans cet hémicycle, un texte - celui qui nous est
soumis aujourd'hui - qui traduit beaucoup trop l'alliance, à mes yeux perverse,
de la générosité et de la démagogie.
(Applaudissements sur les travées du
RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Dériot.
M. Gérard Dériot.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les
personnes âgées dépendantes sont effectivement de plus en plus nombreuses dans
notre pays, grâce à l'allongement de la vie. Actuellement, on dénombre entre
700 000 et 1 million de personnes âgées dépendantes. En 2020, la France en
comptera près de 1,2 million.
Or, jusqu'en 1997, il n'existait pas de prestation spécifique pour ces
personnes. C'est M. Jacques Barrot, alors ministre du travail et des affaires
sociales, qui a fait voter la loi du 24 janvier 1997 instaurant une prestation
spécifique dépendance, la PSD.
Aujourd'hui, il est sans doute souhaitable d'aller plus loin dans la prise en
charge de la dépendance, grâce à un financement plus large.
Avec la création de l'allocation personnalisée d'autonomie, un premier constat
s'impose : la PSD a été, selon moi, une bonne mesure, car, pour la première
fois, on a pris en compte la situation de dépendance. Cependant, très vite on
s'est aperçu de ses faiblesses. En effet, malgré ses aspects positifs
indéniables, cette prestation a fait l'objet de critiques : d'une part, les
conditions de ressources sont trop restrictives et cette prestation exclut les
demandeurs moyennement dépendants ; d'autre part, il s'agit d'une prestation
d'aide sociale, soumise à condition de ressources et ayant des conséquences en
matière de récupération sur succession et contre les donataires. En outre, son
caractère inégalitaire selon les départements est souvent mal perçu.
La nouvelle prestation, plus généreuse, plus étendue, calculée suivant un
barème national, devrait répondre à l'essentiel des critiques formulées contre
la PSD.
En outre, même si ce nouveau droit ne doit pas constituer le cinquième risque
couvert par la sécurité sociale, comme le demandent encore de nombreuses
associations de personnes âgées et nombre de professionnels du secteur, il
répondra au principe de l'universalité. En effet, partout en France, le montant
de l'allocation sera identique selon l'état de dépendance, et tout demandeur
classé dans les quatre premiers groupes de la grille nationale d'évaluation, la
grille AGGIR, aura droit à cette allocation, sans condition de ressources. En
revanche, le droit sera modulé selon le niveau de ressources par l'instauration
d'un ticket modérateur.
S'agissant de la gestion de la prestation par le département, il convient
d'attirer l'attention sur quatre aspects.
Comme pour la PSD, le département gérera la prestation, dont l'attribution
demeure de la compétence propre du président du conseil général. Toutefois, la
coopération avec les organismes de sécurité sociale sera beaucoup plus
importante et se traduira notamment par l'instauration d'une commission chargée
de préparer la décision du président du conseil général. De même, une
commission de recours amiable sera créée pour éviter les contentieux, afin de
désengorger la commission départementale et la commission centrale d'aide
sociale.
De façon générale, l'APA s'inscrira dans la démarche des coordinations
gérontologiques locales.
Les prévisions de votre ministère, madame la secrétaire d'Etat, font état,
pour la France entière, de 800 000 bénéficiaires de l'APA, contre 135 000
bénéficiaires pour la PSD. Ainsi, dans mon département, l'Allier, le nombre de
bénéficiaires passerait de 1 200 à 7 000. Cette croissance très importance
montre la nécessité d'augmenter les moyens en personnels pour assumer une telle
charge, tant pour les équipes médico-sociales sur le terrain que pour le
personne administratif.
S'agissant du coût, il me semble difficile à ce jour de le prévoir de façon
précise. Je voudrais signaler que le département de l'Allier a consacré 29
millions de francs à la PSD en 2000. Ce montant sera sans doute multiplié à peu
près par quatre. Nous mesurons l'importance du supplément qui devra être
versé.
Le coût pour le département va donc progresser dans de très fortes
proportions, malgré le système de péréquation prévu dans le projet de loi,
destiné à résorber les disparités entre départements en complétant l'apport de
ceux qui supporteront une charge plus importante.
La gestion administrative de l'APA, voisine dans ses grandes lignes de la
gestion de la PSD, avec l'ajout d'un passage systématique devant une
commission, sera certainement plus lourde et plus complexe, notamment lors de
la montée en charge à compter du 1er janvier 2002, date prévue pour
l'application de la nouvelle loi.
C'est l'une des raisons pour lesquelles quatre départements ont officiellement
saisi les pouvoirs publics en suggérant de mutualiser les coûts de la
dépendance en établissement, afin que le département accorde une enveloppe
globale à chaque établissement selon le calcul d'un GIR moyen issu des GIR de
chaque résident. Cette enveloppe couvrirait le coût global de la prise en
charge de la dépendance et s'inscrirait dans la démarche des conventions
tripartites à intervenir entre les départements, les établissements et la
sécurité sociale, pour la nouvelle tarification.
Une telle solution présenterait, à mon avis, un double avantage : d'une part,
ne pas individualiser les coûts pour les usagers des établissements et, d'autre
part, simplifier considérablement la gestion, tant pour les établissements que
pour le département, lequel pourrait ainsi davantage consacrer ses moyens
personnels au suivi individualisé des bénéficiaires de l'APA à domicile,
sachant que le maintien à domicile semble devoir rester l'objectif
prioritaire.
D'autres départements partagent d'ailleurs l'analyse des quatre départements
qui ont formulé cette suggestion, même si, à ce jour, ils n'ont accompli aucune
démarche officielle.
En première lecture, l'Assemblée nationale a approuvé, à la quasi-unanimité,
le principe de la suppression du recours sur succession. Beaucoup s'en sont
inquiété, et je m'en inquiète également.
Sur tous les bancs, les députés ont souligné que cette récupération
constituait un important frein psychologique pour les personnes âgées et
expliquait en partie le relatif échec de la PSD. En outre, paraît-il, les
sommes récupérées étaient peu importantes pour les départements, étant donné la
lourdeur administrative de la procédure de recouvrement.
Je voudrais tout de même signaler que, l'année dernière, dans mon département,
1,2 million de francs ont été récupérés au titre du recours sur succession. Il
ne s'agit pas d'une somme négligeable.
Aux termes de la loi sur la PSD, le recours sur succcession s'appliquait pour
les successions supérieures à 300 000 francs. Le projet de loi initial
prévoyait de porter ce seuil à 1 million de francs.
Ce recours sur succession est en effet très dissuasif pour les personnes
âgées. Celles-ci sont soucieuses de ne pas léser leurs héritiers et
s'inquiètent des investigations de l'administration dans les affaires
familiales et patrimoniales.
Si l'expérience de la PSD montre que les sommes récupérées sont relativement
faibles, il est peut-être souhaitable de supprimer cette récupération. Mais si
tel est le cas, attendons-nous à ouvrir toutes grandes les portes de la demande
de prestation. Une compensation financière sera nécessaire pour minimiser le
coût supporté par les départements, car, de toute façon, face à une telle
demande, ils devront augmenter leur fiscalité.
En outre, lors de la première lecture, l'Assemblée nationale a adopté, à
l'unanimité, un amendement relatif au versement de l'APA pour les personnes qui
résident en établissement.
En effet, l'APA versée en établissement est affectée au paiement des tarifs
dépendance de chaque résident, calculés dans le cadre de la réforme de la
tarification, fondée sur un dispositif de conventionnement tripartite. Or les
établissements s'inquiètent, car ils estiment que ce système précarise leur
situation.
La mesure, telle qu'elle est conçue dans le projet de loi initial, est
porteuse d'un risque de disparités de traitement selon les structures d'accueil
et les types de dépendance. En outre, elle plonge les bénéficiaires potentiels
dans une situation d'insécurité et d'angoisse particulièrement malvenue dans la
mesure où ils redoutent une réévaluation de leur dépendance entraînant une
hausse du tarif applicable.
Toujours lors de la première lecture à l'Assemblée nationale, l'ensemble des
députés ont approuvé le principe d'une expérimentation dans une quinzaine de
départements d'une dotation globale servie aux établissements, sur la base
d'une évaluation du niveau moyen de dépendance des personnes résidentes. Madame
la secrétaire d'Etat, permettez-moi de vous indiquer d'ores et déjà que le
département de l'Allier, dont je préside le conseil général, se porte candidat
pour une telle expérimentation.
S'agissant du maintien à domicile, un débat est intervenu à propos du recours,
par les personnes bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie, à
des services agréés d'aide à domicile.
En effet, les contrats de gré à gré peuvent poser des problèmes quant à la
qualification et au professionnalisme de la personne apportant l'aide, qui,
souvent, appartient à l'entourage familial de la personne âgée.
Tout en reconnaissant la nécessité d'inciter au recours à des services
prestataires grâce à des incitations financières, il me semble souhaitable
cependant de préserver la liberté de choix de la personne bénéficiaire de
l'APA,...
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Très bien !
M. Gérard Dériot.
... d'autant que certaines personnes âgées peuvent être réticentes à l'emploi
de personnes qu'elles ne connaissent pas.
Je précise toutefois qu'il me paraît nécessaire, en tout état de cause, de
chercher à réduire au minimum les emplois de gré à gré et favoriser la
professionnalisation des intervenants à domicile.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Bien sûr !
M. Gérard Dériot.
Je me félicite par ailleurs que l'Assemblée nationale ait affirmé clairement
le pouvoir d'attribution de l'allocation par le président du conseil général et
réservé à la commission consultative, qui n'intervient plus qu'en aval,
l'examen des recours gracieux. Il me paraît effectivement indispensable que les
décisions soient prises au plus près des personnes.
Par ces observations, j'ai tenu, en ma qualité de président de conseil
général, à attirer l'attention sur les grands enjeux de cette loi pour la prise
en charge des personnes âgées dépendantes et sur les conséquences financières
pour les départements.
En résumé, ce projet de loi apparaît comme une réponse satisfaisante pour la
prise en charge à domicile.
En revanche, il convient sans doute de s'interroger sur la pertinence de la
réponse apportée quant à la prise en charge en établissement, laquelle devrait
être liée plus à la réforme de la nouvelle tarification qu'à celle de la
PSD.
Je tiens, en conclusion, à renouveler mon inquiétude s'agissant du coût que va
entraîner la mise en place de l'APA pour les budgets des départements, et donc
pour la fiscalité pesant sur l'ensemble de nos concitoyens.
Telles sont, madame la secrétaire d'Etat, mers chers collègues, les quelques
observations que je tenais à présenter à cette tribune.
(Applaudissements
sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Adnot.
M. Philippe Adnot.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, un
texte qui améliore la prise en compte de la situation des personnes attire tout
naturellement la sympathie et recueille ainsi l'avis favorable de tous.
Comme il faut se méfier des textes trop généreux qui donnent le sentiment que
l'on peut tout prendre en compte sans qu'il y ait de conséquences ou de
contreparties, je souhaite, mes chers collègues, attirer votre attention sur
quelques aspects qui seront, eux, lourds de conséquences.
La prise en compte du GIR 4 se traduira par un transfert de charges de
l'assurance maladie vers les départements. D'ailleurs, nous constatons déjà,
localement, une diminution de la prise en compte de l'aide à domicile par les
caisses.
La suppression du recours sur succession aura d'importantes incidences non
seulement financières, mais également morales.
Le processus de désintégration de la cellule familiale, déjà bien entamé sous
différents aspects, se verra accéléré par la suppression de l'obligation de
solidarité entre générations.
Aujourd'hui, 4 milliards de francs sont récupérés par les conseils généraux
pour la PSD et l'aide sociale. Il est clair que des situations inégalitaires,
selon que la personne relèvera de l'aide personnalisée ou de l'aide sociale, ne
pourront être maintenues dans un même établissement. C'est donc bien sur ces 4
milliards de francs qu'il faut partir, et non pas sur les chiffres que l'on
nous a annoncés.
Est-il moral et juste que les contribuables locaux soient appelés à financer
ce qui, normalement, pour ceux qui en avaient les moyens, relevait de la
solidarité familiale ?
Que personne ne s'y trompe : le responsable des finances de l'Association des
départements de France que je suis peut vous affirmer que le prélèvement fiscal
qui sera nécessaire, et que nous appliquerons, représentera dix points de
fiscalité supplémentaires. Je trouve donc le Gouvernement bien cynique : il
supprime le recours sur succession, mais il pourra, quant à lui, augmenter son
revenu à travers les droits de succession !
(Applaudissements sur les
travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
Transfert de charges, aggravation de la déresponsabilisation familiale,
augmentation de la pression fiscale au détriment des citoyens les moins aisés
et au détriment de l'emploi par l'accroissement des charges d'entreprise, la
moitié des ressources des départements étant constituée par la taxe
professionnelle - et nous verrons quels résultats engendrera la hausse de dix
points de cette taxe ! - cynisme du Gouvernement, qui verra, lui, son revenu
fiscal augmenter à travers les droits de succession : telles sont les raisons
qui me conduisent à être défavorable à ce texte. Je proposerai donc des
amendements pour le corriger.
Mes chers collègues, j'espère que la sagesse l'emportera, car nous pouvons, en
étant raisonnables, améliorer considérablement la situation des personnes sans
remettre en cause le lien familial et sans surcharger le contribuable local.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR
et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. de Raincourt.
M. Henri de Raincourt.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
prise en charge de la dépendance des personnes âgées est un problème de
société. On en connaît les causes. On en mesure les effets. On sait qu'il faut
répondre à une attente justifiée.
Les gouvernements successifs - celui auquel vous appartenez, madame, comme
ceux qui l'ont précédé - ont tardé ; ils ont même tergiversé.
Le grand débat national que le sujet eût justifié, au pire n'a pas été lancé,
au mieux a été escamoté.
Depuis longtemps, on a utilisé des solutions qui, n'apportant pas de réponse
globale, ont accentué les difficultés.
Devant le vide, et alors que le phénomène de la dépendance était moins
répandu, les commissions techniques d'orientation et de reclassement
professionnel, ou COTOREP, ont distribué généreusement l'allocation
compensatrice pour tierce personne. Les effets pervers de cette dernière ont
été dénoncés dans un rapport sévère et documenté publié par la Cour des comptes
en novembre 1993 ; je n'ai, hélas ! pas le temps d'en lire quelques extraits,
et je le regrette vivement.
M. Alain Vasselle,
rapporteur,
et M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
C'est dommage !
M. Henri de Raincourt.
Nous avons lancé ici quelques tentatives qui sont demeurées infructueuses, Mme
Codaccioni, ministre de la solidarité entre les générations dans le
gouvernement de M. Juppé, a proposé, en octobre 1995, la mise en place de la
prestation d'autonomie pour les personnes âgées dépendantes. Devant son coût et
son absence de financement - on parlait de 15 milliards de francs - et alors
même que la discussion générale commençait, le texte a été retiré de l'ordre du
jour.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Tout à fait !
M. Henri de Raincourt.
Nous revenions ainsi au point de départ.
Courageusement, le Sénat a pris l'initiative d'adopter une proposition de loi
créant la prestation spécifique dépendance, à la lumière de l'expérimentation
qui avait été menée dans douze départements ; on ne partait pas de rien.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Très bien !
M. Henri de Raincourt.
Critiquée par la gauche, dont certains membres réclamaient le cinquième
risque, vilipendée par certaines associations, la prestation spécifique
dépendance avait un grand mérite : celui d'exister. Nous savions qu'elle
n'était pas parfaite et qu'elle ne réglerait pas toutes les questions ; d'où
son caractère temporaire inscrit dans la loi, marquant le côté très pragmatique
de notre démarche.
Globalement, je considère, à la lumière de ce que je peux observer dans mon
département, que, à domicile cela fonctionne plutôt bien.
En établissement, en revanche, de grandes différences existent selon les
départements, dans la mesure où, dans certains cas, la PSD est utilisée pour
diminuer le coût de l'hébergement. C'est d'ailleurs ce qu'avait dénoncé en son
temps la Cour des comptes à propos de l'ACTP.
On aboutit à cette situation inéquitable où deux personnes disposant des même
ressources ne payent pas la même chose : ainsi, une personne valide paye plus
qu'une personne non valide. Voilà tout de même un étrange paradoxe !
C'est un exemple parmi d'autres qui illustre la nécessité de réformer le
système. J'espérais que le projet de loi du Gouvernement, attendu depuis quatre
ans maintenant, ferait preuve d'imagination, nous permettant d'apporter des
réponses fiables et durables pour les personnes âgées et leurs familles.
Trop confiant sans doute dans la capacité créatrice du Gouvernement, j'aurais
dû me méfier.
En effet, nous avions été échaudés par Mme Aubry lors de la publication d'un
décret d'avril 1999 réformant la tarification. Véritable « usine à gaz », ce
texte est d'une telle complexité qu'il n'a pu être appliqué ! J'en veux
d'ailleurs pour preuve - comment peut-on l'interpréter autrement ? - la réforme
de la réforme de la tarification qui vient d'être - hasard du calendrier -
publiée au
Journal officiel
du 6 mai. Au premier examen de ce
changement, la simplification recherchée et annoncée ne saute pas spontanément
aux yeux !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Loin s'en faut !
M. Henri de Raincourt.
Intéressé par l'ampleur de la communication gouvernementale annonçant la
sortie de l'aide personnalisée d'autonomie, considérée par le Gouvernement - et
Mme Guigou l'a confirmé tout à l'heure - comme la « quatrième grande loi
sociale du gouvernement » de M. Jospin, j'étais impatient - sans doute comme un
certain nombre d'entre vous, mes chers collègues - d'en connaître le
contenu.
Or quelle n'a pas été ma surprise en découvrant sa réalité au fil des articles
et des débats de l'Assemblée nationale. Si sa finalité est louable, sa
déclinaison n'est pas bonne.
Qu'est-ce, pour moi, que l'APA ? C'est, en fait, un galimatias informe et
difforme. Et ce projet de loi fait irrésistiblement penser à ce personnage de
Prévert qui cherchait « la fameuse machine à peser les balances ». En effet, le
Gouvernement a décidé d'agir dans la précipitation préélectorale...
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Ça, c'est vrai !
M. Henri de Raincourt.
... sans choisir entre le sanitaire et le social. C'est même un choix
revendiqué.
Cette contradiction transpire dans la plupart des dispositions projetées.
En présentant son texte à l'Assemblée nationale, le 18 avril dernier, Mme le
ministre disait très clairement ceci : « Le projet du Gouvernement... permet
une vraie rupture au regard de l'aide sociale. L'APA n'en présente d'ailleurs
aucune des caractéristiques : elle n'est pas réservée à une population de
personnes sans ressources ou à très faibles revenus ; elle n'est pas
subsidiaire par rapport à la mise en oeuvre de droits sociaux ; elle est
identique et universelle pour tous, sur tout le territoire.
« L'APA n'est donc pas une prestation d'aide sociale. Elle n'est pas non plus
une prestation assurantielle, reposant sur des cotisations qui
conditionneraient l'ouverture des droits. Elle est très certainement et
surtout une prestation de solidarité nationale » - d'ailleurs payée pour la
plus grande part par les contribuables locaux - « parce que fondée sur un droit
objectif et financée par des ressources universelles. »
Je dois dire que j'ai eu besoin de m'adjoindre les secours d'un décodeur pour
tenter d'appréhender la substantifique moelle de l'APA.
(Sourires.)
Comme la PSD, l'allocation personnalisé d'autonomie sera versée en nature
;...
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
C'est la même chose !
M. Henri de Raincourt.
... comme la PSD, l'APA sera modulée en fonction de la grille AGGIR et
calibrée par une équipe médico-sociale départementale ; comme la PSD, l'APA
sera gérée par les départements, qui, après avoir été vilipendés, sont reconnus
pour le travail qu'ils ont accompli en ce domaine.
L'APA, sur ce plan, m'apparaît constituer non pas une révolution, mais le
prolongement de la situation actuelle, créée par la prestation spécifique
dépendance.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Excellente analyse !
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
Bien sûr, c'est la vôtre !
(Sourires.)
M. Henri de Raincourt.
Je pense que le projet de loi passe à côté de l'enjeu démographique et social,
j'irai même jusqu'à dire de l'enjeu de civilisation que constitue le
vieillissement de notre population. En effet, le problème est abordé d'une
façon technocratique, sans référence suffisante à la vie familiale et à
l'environnement. Qu'en est-il du rapport de la personne âgée dépendante avec
ses enfants et petits-enfants, du rapport de la société avec ce que l'on
appelle le « quatrième âge » ? Où est le projet politique ?
Or c'est de la réponse à cette question que dépendent la cohérence et
l'efficacité du dispositif proposé, l'équilibre et la solidarité de notre
société.
Les incohérences du projet de loi rendent parfaitement compte de ce manque de
réflexion politique.
Quand on attribue une prestation forfaitaire en fonction d'une situation
objectivement constatée et que l'on propose un plan d'aide prétendument
individualisé, je voudrais que l'on m'explique comment fonctionne le
dispositif. Quand une personne est classée en GIR 1, avec un certain niveau de
ressources et la possibilité de bénéficier de 7 000 francs de prestation
d'autonomie, et qu'on lui propose un plan d'aide pour un montant évalué de 5
800 francs à 6 400 francs, cela ne peut manquer d'entraîner des difficultés :
la personne réclamera 7 000 francs, et elle aura raison !
L'APA, c'est un peu de l'aide sociale, sans en être vraiment ; c'est un peu de
la solidarité nationale, sans en être totalement,...
M. Louis de Broissia.
Loin s'en faut !
M. Henri de Raincourt.
... puisque, pour le moment, on la fait financer aux deux tiers par les
départements, sans compter la baisse des recettes en atténuation due à la
suppression du recours sur succession ; c'est un peu de l'assurance, aussi,
sans en être clairement, puisque l'on oblige la sécurité sociale à financer,
mais que l'on oublie de prévoir les crédits ou les cotisations nécessaires.
Cette contradiction immanente naît en grande partie du financement hybride et
d'ailleurs largement virtuel qui a été choisi.
(M. de Broissia applaudit.)
M. Christian Bonnet.
Comme pour le FOREC !
M. Henri de Raincourt.
Au demeurant, peut-on vraiment parler de financement de l'APA ? Il s'agit
plutôt d'expédients puisque, en réalité, il n'est assuré que pour la première
année, et encore par le biais d'un système complexe qui a été érigé en règle
pour l'ensemble des financements sociaux.
Ainsi, l'évaluation des dépenses futures liées à l'APA laisse pour le moins à
désirer et, à cet égard, les précédents de la couverture maladie universelle et
des 35 heures, dont le coût, chaque année, dépasse les prévisions annoncées, ne
sont pas là pour nous rassurer.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Tout à fait !
M. Henri de Raincourt.
Certes, le Gouvernement dispose de statistiques fiables sur l'évolution
démographique de la population âgée. Le contraire serait d'ailleurs étonnant,
puisqu'il a commandé de nombreux rapports sur les retraites, pour se résigner
en fin de compte, reconnaissons-le, à une certaine inaction en ce domaine. En
tout cas, il semble que l'on n'ait guère tenu compte de ces statistiques sur
l'évolution démographique dans l'évaluation des coûts engendrés par l'APA.
Alors que tout donne à penser que ceux-ci connaîtront une forte croissance, le
Gouvernement table sur un montant de 23 milliards de francs, qui sera
certainement dépassé ! Les deux premières années, les départements financent,
nous dit-on, les deux tiers de la prestation. Il faudrait plutôt dire qu'ils «
devraient financer », car la suppression du recours sur succession représentera
un manque à gagner tout à fait substantiel pour les conseils généraux. A-t-il
été calculé et qui le compensera ?
M. Paul Blanc.
Le contribuable local !
M. Henri de Raincourt.
Jusqu'à présent, je n'ai pas entendu beaucoup d'éléments de réponse sur ce
point. A quand le droit, pour les collectivités locales, d'invoquer l'article
40 ?
M. Louis de Broissia.
Bravo !
M. Henri de Raincourt.
A l'instar de mon ami Philippe Adnot, je dirai que cette absence de
possibilité, pour les collectivités locales, de recourir à l'article 40 permet
aux pouvoirs publics d'organiser en toute légalité l'assèchement des budgets de
ces dernières ou, mieux - puisqu'il faut appeler les choses par leur nom -, une
véritable spoliation.
M. Alain Vasselle.
C'est vrai !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Faut-il retirer la compétence aux départements ?
M. Henri de Raincourt.
La quasi-unanimité avec laquelle on s'apprête à supprimer la récupération sur
succession me trouble un peu. En a-t-on mesuré les conséquences, sur le plan
financier aussi bien qu'au regard de l'équité ? Si l'on considère qu'il faut
supprimer ce recours pour les personnes âgées et qu'il convient, comme nous
l'avons fait au Sénat, de modifier les dispositions applicables à ce titre pour
les personnes handicapées, au nom de quelle logique pourra-t-on le maintenir
s'agissant de l'hébergement ?
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
C'est vrai !
M. Christian Bonnet.
C'est évident !
M. Henri de Raincourt.
Il faudra bien que l'on nous l'explique, et là encore j'aurai besoin de cours
du soir ! Pour faire comprendre cela aux familles, il faudra être convaincant
!
Cependant, la suppression du recours sur succession - cela a déjà été dit,
mais je le répète, parce que c'est quand même inimaginable - permettra à l'Etat
de récupérer de l'argent au titre des droits de succession.
M. Christian Bonnet.
Et voilà !
M. Henri de Raincourt.
Les départements paient, l'Etat encaisse : c'est tout de même génial !
Derrière cet élan apparemment généreux s'évanouit un principe : la famille est
et doit être le premier maillon de la solidarité. A mes yeux, les enfants
doivent être en première ligne pour accompagner dans l'amour et la dignité
leurs parents.
On a un peu l'impression, en lisant ce projet de loi, que la société se résume
à une juxtaposition d'individus autonomes. Je préfère, quant à moi, raisonner
en considérant la personne dans ses liens familiaux et sa vie sociale.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Nous aussi !
M. Henri de Raincourt.
On ne progressera pas dans la recherche d'une plus grande liberté et d'un
meilleur épanouissement des êtres humains en ayant une vision individualiste de
la société. Pourquoi, à cet égard, ne pas imaginer une aide aux familles qui
prennent en charge leurs ascendants dépendants, à l'instar de ce qui existe
s'agissant, par exemple, de la garde d'enfants à domicile ?
Je formulerai une autre remarque concernant le financement. Elle vise la
contribution imposée aux caisses de retraite à hauteur de 500 millions de
francs, question que les commissions ont très largement traitée.
Ces caisses financent déjà l'aide ménagère dont bénéficient les personnes
faiblement dépendantes qui n'étaient pas couvertes par la PSD et qui ne le
seront pas davantage par l'APA. L'aide ménagère, dans l'état actuel des choses,
participe de la prévention de la dépendance : c'est en traitant celle-ci en
amont, dès les premiers signes de sa manifestation, que l'on a peut-être
quelque chance d'en ralentir la progression.
Or les caisses peinent à assumer cette charge. Alourdir le poids de cet
engagement n'est pas raisonnable, et le résultat ne se fera pas attendre : les
caisses, obligées de financer cette nouvelle prestation, auront du mal à
assumer l'aide facultative qu'elles apportent aujourd'hui aux personnes
faiblement dépendantes.
Enfin, pour « boucler » le financement - et c'est là, me semble-t-il, le
leurre de la solidarité nationale -, on se propose de solliciter le fonds de
solidarité vieillesse, qui, on le voit bien au fil des mois, devient un fonds à
tout faire ou, ce qui me paraît encore plus vrai, un fonds sans fonds.
(Sourires sur les travées des Républicains et Indépendants et du
RPR.)
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
C'est sûr !
M. Henri de Raincourt.
En le ponctionnant, on hypothèque un peu plus encore l'avenir des
retraites,...
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Oui !
M. Henri de Raincourt.
... puisque le fonds de réserve devait bénéficier des excédents du fonds de
solidarité vieillesse.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Très bien !
M. Henri de Raincourt.
Par conséquent, le financement des prestations destinées aux personnes âgées
dépendantes s'effectuera au détriment des personnes âgées de demain, et la
commission des affaires sociales du Sénat s'y oppose à très juste titre.
Pour ma part, je ne puis me résoudre à approuver la création d'une prestation
qui m'apparaît hybride, qui brille par ses contradictions internes et dont le
financement n'est pas assuré, sauf à plumer chaque année davantage la volaille
départementale
(Sourires sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR),
à
qui reviendra le triste privilège de voter une augmentation significative des
impôts locaux.
Sur un sujet aussi sérieux, comment peut-on à ce point se tromper de direction
et rouler dans le brouillard ? Tous les ingrédients sont réunis pour que
l'application de ce texte nourrisse la désillusion et de très nombreux
contentieux.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Pas plus que pour la PSD !
M. Henri de Raincourt.
Précisément, il n'y en a pas beaucoup s'agissant de cette prestation !
(Exclamations sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen.)
M. Guy Fischer.
Ah non ?
M. Henri de Raincourt.
Monsieur Fischer, je vous donne rendez-vous : nous appartenons, vous et moi, à
la série C, et nous serons donc réélus au Sénat ensemble
(Sourires)
dans quelque temps ; nous pourrons alors reprendre le rapport
de la Cour des comptes de 1993 et substituer l'APA à l'ACTP ; il sera possible,
à bien des égards, de formuler les mêmes remarques, parce que les mêmes causes
produisent les mêmes effets.
Les conseils généraux se lamenteront sur l'envolée de la dépense, mais il sera
déjà bien tard !
Alors, que faire ? On a le choix entre trois possibilités.
Première possibilité, nous pourrions discuter le texte du Gouvernement en
essayant de limiter quelques-uns de ses effets les plus pervers et de
restreindre la portée de ses dispositions les plus redoutables. C'est ce qu'a
tenté de faire, avec beaucoup de courage, de détermination et d'imagination, la
commission des affaires sociales. Je tiens ici à rendre hommage à son
président, Jean Delaneau, et à son rapporteur, Alain Vasselle, sans oublier
évidemment les efforts accomplis par la commission des finances et le
rapporteur pour avis, Michel Mercier.
Puisse l'Assemblée nationale les entendre porter la voix de la raison dans la
logique qui a été choisie par le Gouvernement.
Deuxième possibilité, appartenant à l'opposition nationale, nous aurions
également pu envisager de reprendre les conclusions des récents ateliers de
l'alternance.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
C'est vrai !
M. Henri de Raincourt.
Elles préconisent d'améliorer la prévention et de mieux définir la dépendance
et la répartition de sa prise en charge. Nous considérons en effet qu'il
convient de distinguer deux sortes de perte d'autonomie : la diminution de
l'autonomie liée au vieillissement, qui pourrait relever de la compétence des
conseils généraux, et la perte d'autonomie liée à la maladie, la compétence en
cette matière incombant à la sécurité sociale.
Cette dernière solution aurait l'avantage de clarifier l'épineuse question de
la tarification en établissement, puisque se fondraient enfin le soin et la
dépendance, qu'en réalité rien ne sépare sur le plan pratique.
Certes, le projet de loi prévoit l'apport de crédits substantiels au titre des
soins, à hauteur de 1,5 milliard de francs par an pendant cinq ans. J'ai eu
cependant quelques inquiétudes en lisant le titre du seul quotidien
départemental de l'Yonne,...
M. Louis de Broissia.
Le meilleur !
M. Henri de Raincourt.
... à propos des menaces qui pèsent sur l'hôpital Saint-Jean, dépendant de
l'hôpital public de Sens : « Risque de retour aux mouroirs ». Il ressort de
l'article que, dans ses prévisions budgétaires pour 2002, la direction
départementale de l'action sanitaire et sociale, la DDASS, se propose d'amputer
de près d'un tiers sa dotation à la centaine de lits que compte la maison de
retraite de l'hôpital.
(Mme le secrétaire d'Etat fait des signes de
dénégation.)
Ainsi, la dotation de la DDASS à cet hôpital, qui s'est élevée cette année à
4,9 millions de francs au titre du forfait « soins », passerait, l'année
prochaine, à 3,4 millions de francs...
M. Louis de Broissia.
Et voilà !
M. Henri de Raincourt.
... soit un écart de 1,5 million de francs, soit encore l'équivalent de sept
postes d'aide-soignante ou d'infirmière !
Alors, soit le journaliste s'est trompé...
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Cela peut arriver !
M. Henri de Raincourt.
... - effectivement, cela peut arriver - soit il a eu des hallucinations -
après tout, pourquoi pas ? - mais, en tout cas, ce numéro daté des 12 et 13 mai
2001 peut légitimement susciter l'inquiétude quant à la réalité du renforcement
« substantiel » des crédits au titre des soins pour les années qui viennent. A
cet égard, le passé ne plaide pas pour l'avenir et nous ne sommes sûrs de rien
!
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Tout à fait !
M. Henri de Raincourt.
Nous serons certainement bien déçus mais, pendant ce temps-là, les conseils
généraux paieront !
Troisième possibilité, enfin, on pourrait envisager la création tant attendue
du risque dépendance géré par la sécurité sociale, à condition d'en prévoir le
financement. Et, au fond, je pensais que tel serait le projet du Gouvernement.
C'eût été, probablement, en tout cas, le projet le plus populaire et le plus
juteux sur le plan électoral !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Vous voyez !
M. Henri de Raincourt.
Etre élu, c'est choisir et assumer sa responsabilité.
Pour des raisons évidentes, et comme il est naturel, les propositions de
l'opposition parlementaire ne seront pas retenues par le Gouvernement ni par la
majorité qui le soutient.
Pour des motifs qui me paraissent tout aussi évidents, je pense que le texte
qui nous est soumis et qui sera voté en urgence - injure supplémentaire faite
au Parlement - alors que l'on piétine depuis des années, ne tiendra pas la
distance en raison de son incohérence et de l'impéritie financière qu'il
traduit.
Je présume qu'il faudra, et croyez bien que je ne m'en réjouis nullement, dans
un avenir probablement plus proche qu'on ne l'imagine, remettre l'ouvrage sur
le métier.
A ce moment-là, les occasions manquées conduiront peut-être les responsables
de l'époque à tirer les leçons de ce gâchis et à franchir l'obstacle que l'on
aura aujourd'hui soigneusement contourné, peut-être par une certaine absence de
courage et, surtout, je le répète, pour des raisons électorales.
Aussi, contrairement peut-être à la plupart de mes collègues présidents de
conseils généraux, je choisis ma voie, celle de l'instauration du cinquième
risque. Je sais que je suis probablement très isolé...
M. Roland Huguet.
Non, non !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Il faut changer de camp !
M. Henri de Raincourt.
... et que je ne serai pas entendu, mais, à défaut de vous avoir convaincus,
mes chers collègues,
(protestations amusées sur les travées socialiste),
j'espère vous avoir
traduit le sentiment profond qui m'anime, qui, seul, inspire ma démarche
solitaire, mais qui se veut solidaire à l'égard des personnes âgées, sans
écrasement insidieux des contribuables locaux et sans coopération tronquée et
forcée des conseils généraux !
(Applaudissements sur les travées des
Républicains et Indépendants, du RPR, ainsi que sur certraines travées du RDSE
et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, après
les excellentes interventions des deux rapporteurs, qui ont parfaitement exposé
les problèmes posés par le texte tel qu'il nous vient de l'Assemblée nationale,
et après avoir entendu un certain nombre d'orateurs s'exprimer tous sur
l'aspect très généreux du texte mais sur son évidente absence de financement,
je me bornerai à cinq observations.
Première observation : oui, madame la secrétaire d'Etat, votre texte est très
généreux.
En effet, vous créez un droit universel, donc ouvert à tous, avec des maxima
de ressources importants ; simplement, vous l'adaptez en fonction de la
classification du GIR. Vous ouvrez le dispositif au GIR 4, qui était le
principal problème rencontré dans la mise en oeuvre de la PSD, et vous annoncez
des montants de 7 000 francs à 600 francs en fonction du GIR et du niveau des
revenus. En somme, il s'agit d'une nouvelle prestation, une sorte de RMI pour
personnes âgées !
De surcroît, ce dispositif est le successeur direct de la PSD. Il était donc
inutile de nous abreuver d'observations désagréables depuis deux ou trois ans !
Le texte était mal fait et il n'était pas appliqué ? Mais vous le reprenez,
avec le système de grille ; vous l'étendez aux amblyopes, à certains types de
handicaps, ce qui était nécessaire, et au GIR 4. Vous reprenez également
l'équipe médicale locale et la gestion par le conseil général.
Cependant, en ouvrant le dispositif à tous et en faisant sauter le « verrou »
que constituait la règle de récupération sur succession, vous suscitez une
généralisation de la dépense, que vous chiffrez à 23 milliards de francs par an
en régime de croisière, soutenant qu'au départ elle sera un peu inférieure et
s'établira à 15,5 milliards de francs. Mais personne n'en sait rien, car
personne ne peut prévoir aujourd'hui ce que sera l'évolution de la maladie
d'Alzheimer, ni la vitesse à laquelle nous arriverons à trouver un vaccin ou
des traitements préventifs, sans parler des conséquences, sur la santé des
personnes qui prendront de l'âge, de tous les problèmes alimentaires que nous
connaissons partout en Europe.
Donc, ce texte très généreux va susciter une dépense considérable, que tous
les orateurs ont soulignée. Quant à moi, fort de certains souvenirs que je
partage avec nos collègues de la commissions des affaires sociales, j'estime
que 23 milliards de francs est certainement un minimum, et que, compte tenu du
vieillissement de la population et de l'allongement de la durée de la vie,
d'ici à quatre ans, à cinq ans ou dix ans, nous serons plus près de 40
milliards de francs que de 23 milliards de francs.
Deuxième observation, je m'étonne que le texte ne tienne pas compte de l'avis
des principaux gériatres que nous avons consultés, en France et à l'étranger,
consultations sur lesquelles M. de Raincourt a fondé ses remarques. Pour ces
spécialistes, il faut distinguer. Il y a, d'une part, des personnes qui,
atteignant un certain âge, sont frappées d'une maladie qui entraîne un handicap
et un certain nombre de conséquences de plus en plus dramatiques au fur et à
mesure qu'elles vieillissent. Mais, comme on a fait beaucoup de progrès en
matière de traitements, notamment médicamenteux, on les maintient en vie. Il y
a, d'autre part, des personnes qui, beaucoup plus tard, à quatre-vingts ans, à
quatre-vingt-cinq ans ou à quatre-vingt-dix ans, perdent un certain nombre de
leurs facultés, auditives, visuelles, motrices, notamment, et qui, par
conséquent, supportent des handicaps.
Tous les gériatres modernes, hommes et femmes, français, suédois, norvégiens
ou britanniques, reconnaissent donc qu'il y a deux problèmes distincts, celui
de la prise en charge totale, complète, du handicap de la personne qui
s'aggrave en fonction de l'âge et celui des conséquences du vieillissement sur
les facultés mentales et physiques d'un certain nombre de personnes, et que ces
deux sujets distincts - toute la science moderne va dans ce sens - répondent à
deux méthodes distinctes de prise en charge.
Autant il est, sinon facile, du moins possible de maintenir à domicile le plus
longtemps possible les personnes de la seconde catégorie, c'est-à-dire celles
qui présentent un vieillissement qui évolue selon les âges, mais qui peut être
corrigé par un certain nombre de prestations ou d'aides et de soins à domicile,
autant il est difficile de lutter contre le handicap et la maladie, qui crée un
certain nombre de conséquences et qui nécessite, à un certain âge, l'accueil
dans des établissements.
C'est la raison pour laquelle, me fondant sur cette théorie des gériatres - et
nous en avons consulté beaucoup - il me semblait naturel d'aller vers une
évolution dans laquelle on laisserait aux départements et aux collectivités
locales - je vais y revenir - le problème du traitement de la seconde catégorie
de personnes, c'est-à-dire celles qui vieillissent tout naturellement mais qui
connaissent un certain nombre de difficultés.
En revanche, il serait nécessaire de créer un compte particulier, dans les
caisses d'assurance maladie et dans tous les autres régimes maladie, pour
isoler les dépenses afférentes à des personnes handicapées, que ce soit depuis
l'âge de vingt ans, ou depuis leurs soixante ans, avec la maladie d'Alzheimer
ou autres. Ce compte répondrait, non pas au cinquième risque mais à une logique
de prise en charge à 100 % par l'assurance maladie.
A mon avis, c'est ainsi que nous pourrons traiter le problème de façon
moderne, comme le font nos voisins et nos partenaires de l'Union européenne.
Nous devons donc prendre en charge, à l'échelon le plus proche du terrain
possible, le problème du vieillissement, et laisser à l'assurance maladie, dont
il relève manifestement, le problème de la comptabilisation spécifique des
handicaps dont souffrent un certain nombre de nos concitoyens.
C'est l'absence d'une telle suggestion qui me fait dire - mais le propos ne se
veut pas désagréable, madame la secrétaire d'Etat - qu'il y a, dans votre
texte, un côté un peu « ringard ». En effet, on a l'air de passer à côté de
l'ensemble de ce que nous enseignent à l'heure actuelle les différentes sources
scientifiques en la matière.
Pour avoir participé à d'innombrables colloques, pour m'être entretenu avec
d'innombrables médecins, pour gérer moi-même un établissement de personnes
âgées aux structures tout à fait modernes pour traiter la maladie d'Alzheimer,
je considère que le fait de ne pas établir cette distinction, pourtant
fondamentale à l'heure actuelle, est tout à fait anormal.
Troisième observation - et je m'en étonne devant vous avec d'autant plus de
force que je suis le premier à le faire - dans les mécanismes de financement
que vous proposez, le Gouvernement semble avoir une idée de la solidarité
nationale qui exclut la prévoyance individuelle. Or toutes les sociétés
européennes organisées - on vient de voir que la société allemande a fait de
gros progrès en matière de financement des retraites par capitalisation -
accordent une place à la prévoyance individuelle. Par conséquent, ne pas
évoquer, même d'un mot, dans l'ensemble du texte la possibilité de souscrire
une assurance individuelle qui permet de s'assurer contre les risques de la
dépendance montre que ce texte date, là aussi, de vingt-cinq ans.
Aujourd'hui, les mécanismes de prévoyance individuelle se développent. C'est
le cas, par exemple, de la caisse de retraite de la SNCF, que j'ai bien connue
puisque j'ai été administrateur de cette honorable société, qui a inventé, il y
a vingt ans, une cotisation supplémentaire à la charge des agents pour prévenir
le risque de dépendance. Cela existe dans beaucoup de régimes particuliers, et
je m'étonne que personne n'évoque ce problème.
Pour moi, la solidarité nationale doit être un filet de sécurité, mais il doit
y avoir place pour la prévoyance individuelle. Or je n'en vois pas trace dans
ce texte.
Ma quatrième observation porte sur le problème, très difficile, des
établissements. Si la PSD n'a pas eu tous les résultats escomptés, c'est parce
que, madame la secrétaire d'Etat, il faut que vous le sachiez, elle s'est
heurtée à l'incapacité des administrations centrales de l'Etat à réformer la
tarification et à l'hostilité manifeste des directeurs d'établissement.
Dans ma carrière - qui est un peu longue, je le reconnais, puisque je suis
moi-même une personne âgée...
M. Henri de Raincourt.
Vous pouvez donc demander l'APA !
(Sourires.)
M. Jean-Pierre Fourcade.
... non dépendante et parfaitement autonome - j'ai subi deux échecs
manifestes, le premier étant la réforme de l'allocation logement.
Nous avions entrepris - nous n'étions pas les premiers - avec Christian Bonnet
et Jacques Barrot, d'essayer de passer de l'aide à la pierre à l'aide à la
personne. Nous pensions en effet que, dans une société qui s'urbanise et se
développe, l'aide à la personne était la forme la plus précise d'intervention
que l'on pouvait envisager pour gommer les inégalités.
Nous nous sommes alors heurtés au lobby - si je puis dire - des présidents de
HLM et de l'ensemble des organismes, qui ont « démoli » la réforme. Nous vivons
donc aujourd'hui dans un régime mixte, composé, pour moitié, d'une aide à la
pierre et, pour moitié, d'une aide à la personne. Si bien que personne n'est
satisfait.
Alors que nous sommes le pays d'Europe qui dépense le plus pour le logement
social, c'est chez nous qu'on rencontre les plus grandes difficultés. Tout cela
parce qu'une réforme, qui a été lancée il y a une vingtaine d'années, a été
totalement court-circuitée par ceux qui devaient l'appliquer.
Il en a été de même pour la PSD parce qu'elle n'a pas été acceptée par les
directeurs d'établissement.
Les établissements sont gérés de manière extrêmement diverse sur l'ensemble du
territoire, selon qu'ils sont plus sociaux que médicaux, ou plus médicaux que
sociaux.
Par ailleurs, ils appliquent des tarifs variables suivant qu'il s'agit de
personnes très âgées, atteintes de la maladie d'Alzheimer ou pas trop
dépendantes. En général, leurs directeurs refusent les systèmes mixtes
permettant de mettre en place, d'une part, des soins de suite qui les
conduiraient à servir de dispensaire, en quelque sorte, pour les personnes
âgées restées à leur domicile, et, d'autre part, des soins de longue durée.
Ces gestionnaires ont donc refusé une réforme qui reposait - car c'était bien
le principe de base de la PSD, et vous l'avez repris, madame la secrétaire
d'Etat - sur le projet personnel de l'intéressé, élaboré après consultation du
médecin de famille et prise en compte d'un certain nombre d'éléments médicaux
et sociaux.
En conséquence, la réforme n'a pas été appliquée, et je crains que vous ne
subissiez le même échec que nous, madame la secrétaire d'Etat.
Les chefs d'établissement ne veulent pas d'une tarification simple. Ils
veulent mélanger les soins et l'hébergement. Ils n'acceptent pas que les
personnes qui leur sont confiées bénéficient d'un traitement individualisé.
Et tant que vous n'arriverez pas à reprendre de l'autorité sur ces
responsables, tant que les réformes votées par le Parlement se heurteront à
l'hostilité d'un certain nombre de directeurs d'établissement, vous n'arriverez
pas, madame la secrétaire d'Etat, que le Gouvernement soit de gauche ou de
droite, à faire respecter le principe d'invididualisme et d'humanité qui était
à la base de la PSD.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Très bien !
M. Jean-Pierre Fourcade.
Le cinquième point que je voulais évoquer, bien sûr, c'est le financement.
Vous avez essayé, madame la secrétaire d'Etat, de trouver une solution pour
faire face à l'extension de la prestation. Je ne vous en fais pas le
reproche.
On passe d'une prestation très limitée, tant pour ce qui concerne le niveau
des revenus que pour l'application de la grille AGGIR, à un système beaucoup
plus large. Il faut donc, en toute logique, trouver un financement plus large.
Vous avez, dès lors, essayé de taxer un peu plus les départements et vous avez
ajouté un demi-point de CSG pour essayer de faire l'appoint.
Mais le système que vous avez proposé, comme l'a très justement démontré mon
excellent collègue Michel Mercier, ne respecte pas les droits du Parlement. En
effet, alors que jusqu'à ce jour - je fais allusion au système des 35 heures -
on hésitait entre le budget de l'Etat et le budget de la sécurité sociale, vous
avez trouvé un merveilleux système, une « troisième voie » que tout le monde
cherchait et qui consiste à créer un mécanisme que personne ne contrôle, hormis
un conseil d'administration qui se réunira de temps en temps et dans lequel on
ne nommera, bien évidemment, que des personnes qui ne feront pas preuve de trop
de curiosité.
Ce n'est pas acceptable ! Je crois, en revanche, que, pour financer la
prestation généreuse qui figure dans le texte, il faut partager le financement
en deux parts.
Une part serait à la charge des départements, puisque les départements
souhaitent conserver l'organisation et la gestion de la prestation à
domicile.
Une part serait à la charge de l'Etat, avec une affectation de points de CSG,
de dotation budgétaire, ou de DGF, étant entendu que la croissance de la masse
financière serait partagée équitablement entre l'Etat et les départements, au
fur et à mesure de l'évolution du système.
La solution proposée par la commission des finances, le partage à 50-50, me
paraît applicable et raisonnable. Elle doit donc être retenue.
Toutefois - et ce sera ma conclusion - j'insiste sur le fait que personne
n'arrivera à instaurer un système unitaire pour financer à la fois le placement
en établissement hospitalier et le maintien, nécessaire, le plus longtemps
possible, des personnes qui vieillissent à domicile.
L'aide à domicile traduit un progrès social considérable. Ainsi, les personnes
âgées restent dans leur quartier, près de leur famille, dans un environnement
qu'elles connaissent.
Nous voyons bien, nous les gestionnaires de grandes collectivités, comme celle
que j'ai l'honneur d'administrer, que ces personnes restent à leur domicile
jusqu'à plus de quatre-vingts ans et que l'âge d'entrée dans un établissement
est aujourd'hui de quatre-vingt-sept ans dans ma commune.
Entre soixante-cinq ans et soixante-dix ans, années où apparaissent les
premiers signes de vieillissement, et quatre-vingt-cinq ans, nous avons de la
marge. Je crois donc à un financement partagé pour moitié entre l'Etat et les
départements en ce qui concerne le maintien à domicile.
Mais, s'agissant du placement en établissement, le financement doit dépendre
de la branche maladie du régime général de la sécurité sociale, avec la
création d'un compte particulier, car, en établissement, vous aurez de plus en
plus des longs séjours et des moyens séjours. Par ailleurs, vous n'arriverez
jamais à faire comprendre à un directeur d'établissement, surtout lorsque cet
établissement compte quatre cents lits, qu'il faut appliquer un traitement
personnalisé à chacun des pensionnaires.
Je ne suis pas pour autant un partisan de la dotation globale. En effet, avec
une allocation globale - ce que réclament un certain nombre de mes collègues -
nous aurons les mêmes ennuis qu'avec la dotation globale hospitalière.
Par conséquent, madame la secrétaire d'Etat, si vous instaurez un financement
mixte Etat-département pour la prestation versée aux personnes qui sont à
domicile, avec les critères que vous avez fixés - ils me paraissent généreux,
mais ils sont bons - et si vous avez par ailleurs un financement des
établissements par le régime général de sécurité sociale, vous arriverez à un
système satisfaisant et vous aurez, avec un certain nombre d'autres, participé
au début du règlement de ce grand problème social qu'est la dépendance.
Je souhaite que le Sénat vote, comme le proposent les rapporteurs des deux
commissions, un texte applicable qui apporte un progrès et qui n'aboutisse pas
à un transfert de responsabilité et de charges de l'Etat vers les collectivités
teritoriales comme le Gouvernement auquel vous appartenez, madame la secrétaire
d'Etat, a trop souvent tendance à le faire.
(Applaudissements sur certaines
travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente cinq, est reprise à vingt et
une heures cinquante, sous la présidence de M. Jean Faure.)
PRÉSIDENCE de M. JEAN FAURE
vice-président
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée
nationale, après déclaration d'urgence, relatif à la prise en charge de la
perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée
d'autonomie.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le président, je
souhaite répondre sur les deux points qui sont vraiment les points les plus
importants du débat et qui ont été évoqués par le rapporteur, M. Vasselle, et
le rapporteur pour avis, M. Mercier, ainsi que par le premier orateur M.
Huguet, points sur lesquels nous aurons l'occasion de revenir.
Mme Paulette Guinchard-Kunstler, pour sa part, répondra à l'ensemble des
orateurs à la fin de la discussion générale et apportera d'autres
précisions.
Je laisserai de côté, pour l'instant, la question soulevée par M. Vasselle et
relative au fonds de réserve des retraites. Je préciserai seulement, s'agissant
de son financement, que celui-ci est assuré. Je l'ai d'ailleurs indiqué à
l'Assemblée nationale lors de la discussion du projet de loi portant diverses
dispositions d'ordre social, éducatif et culturel. Il sera régulièrement
alimenté pour atteindre 1 000 milliards de francs.
Quant au fonds social vieillesse, son équilibre n'est pas compromis par la
création de l'APA, ni d'ailleurs sa capacité à alimenter le fonds de réserve.
Il faut savoir en effet que le fonds social vieillesse dégage des excédents
cumulés croissants du fait que ses recettes sont plus dynamiques que ses
dépenses et qu'il finance le minimum vieillesse, dont le nombre d'allocataires
diminue régulièrement, ainsi que les cotisations de retraite des chômeurs, dont
le nombre a fortement diminué grâce au succès rencontré sur le terrain de
l'emploi.
C'est précisément parce que la politique du Gouvernement engendre ces succès
et ces excédents que nous pouvons prévoir un financement par la CSG, de
l'allocation personnalisée d'autonomie, ce qui n'a pas été possible en janvier
1997 compte tenu de la situation très dégradée des comptes sociaux et de la
conjoncture économique.
J'en viens à la comparaison, qui a été évoquée longuement par M. Vasselle tout
à l'heure, entre l'allocation personnalisée d'autonomie et la prestation
spécifique dépendance. A ce sujet, le Gouvernement a évité d'entrer dans une
polémique qui, je crois, n'aurait d'ailleurs pas été la bienvenue. L'exposé des
motifs rappelle donc sobrement les insuffisances constatées de la prestation
spécifique dépendance. Moi-même, je n'y ai pas insisté dans mon discours
introductif.
Mais on peut dire, si on le lit bien, que ce projet de loi reprend certaines
des modalités de la PSD - M. Huguet l'a d'ailleurs rappelé - le plan d'aide ou
l'évaluation sur la base d'une grille nationale, par exemple, modalités que
nous n'avons pas voulu écarter, car elles nous paraissaient être des acquis
positifs. Cela montre que nous n'avons pas eu une attitude politicienne ! En
effet, ce n'est pas parce qu'un texte a été voté par une autre majorité que
nous n'avons pas à en reprendre les points positifs.
Cela étant dit, il est vrai que la PSD présente des insuffisances
flagrantes.
D'abord, les conditions de ressources sont plus restrictives. Ainsi, au-dessus
de 6 000 francs par mois de revenus, les droits des personnes âgées diminuent
considérablement. Ils s'éteignent pratiquement au-delà de 10 800 francs.
Il faut souligner, en revanche, l'absence de plafond de ressources de l'APA et
le nombre plus important de personnes qui pourront bénéficier de cette nouvelle
allocation : 800 000 personnes âgées contre 140 000 seulement qui bénéficient
aujourd'hui de la PSD.
En effet, aux 300 000 personnes qui pourraient théoriquement prétendre à la
PSD actuellement, il faut ajouter les personnes classées en GIR de 1 à 3, ainsi
que celles qui sont classées en GIR 4, soit 500 000 personnes en tout.
Voilà des chiffres qui permettent de se faire une bonne idée de la nouvelle
allocation.
Ensuite - c'est la principale insuffisance - la PSD engendre des inégalités
majeures. En effet, le montant moyen de la PSD à domicile varie de 1 374 francs
à 6 414 francs par mois dans les départements les plus généreux et les plus
riches, soit un rapport qui est tout de même de 1 à 4,7 ! Je ne crois pas
qu'une telle situation soit tenable.
Elle a d'ailleurs fait l'objet de fortes critiques qui émanaient non pas
exclusivement du Gouvernement, mais de toutes les associations représentatives
des retraités et des personnes âgées, de l'ensemble des professionnels, ainsi
que des députés, qui, sur tous les bancs, ont constaté qu'une telle inégalité
ne devait pas perdurer.
Si le projet de loi reprend ce qui nous a paru bon dans la prestation
spécifique dépendance, il instaure toutefois une vraie rupture en créant un
droit universel qui est égal sur tout le territoire, et ces deux principes
essentiels font que l'on est vraiment très près du cinquième risque,...
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Sauf pour le
financement !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... le mode de gestion mis à
part.
J'ai entendu tout à l'heure M. Vasselle parler de la nécessité de procéder
par voie réglementaire. Non ! On fait d'abord la loi,...
M. Philippe Nogrix.
Il n'y a rien dans ce texte !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... puis on définit les
décrets. En revanche, je puis vous assurer que vous serez associés à la
rédaction de ces décrets, qui sont, c'est vrai, importants. Il en sera de même
des députés ; je le leur ai dit.
Le Gouvernement n'a jamais songé à reprocher à quiconque l'échec de la
PSD,...
M. Philippe Nogrix.
Elle n'a pas échoué !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... échec relatif d'ailleurs,
car c'est déjà bien que 140 000 personnes bénéficient de cette prestation. Il
s'agit toutefois d'une tentative qui n'a pas atteint les objectifs fixés ; il
faut donc être beau joueur. Je n'aurais d'ailleurs pas fait cette mise au point
si M. Vasselle ne s'était pas exprimé sur le ton qu'il a adopté.
(Protestations sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains indépendants.)
M. Huguet a dit ce qu'il fallait dire, et je pense que nous n'avons pas à nous
livrer à un jeu politicien stérile pour tenter de minimiser les avancées
considérables que représente l'allocation personnalisée d'autonomie. Je vous
remercie, monsieur le rapporteur pour avis, d'avoir eu l'honnêteté de
reconnaître précisément ces avancées.
Au demeurant, vous avez formulé des interrogations auxquelles je vais
maintenant m'attacher à repondre, notamment en précisant le contenu de l'effort
supplémentaire demandé aux départements.
Nous partons - vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur pour avis - d'une
dépense actuelle de 5 milliards de francs au titre de la PSD et de l'allocation
compensatrice pour tierce personne, qui demeure. S'y ajoute, de façon, selon
moi, peu contestable, le recyclage des dépenses que les mêmes départements
consacrent à l'aide ménagère aux personnes relevant du GIR 4 et appelées à
bénéficier de l'APA, soit 500 millions de francs.
La même logique, celle du redéploiement des dépenses, vaut pour les dépenses
d'aide sociale à l'hébergement, qui seront effectivement réduites, pour les
départements, par l'effet de la réforme de la tarification des établissements
d'hébergement,...
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Si vous la faites mieux appliquer que la précédente
!
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... d'un montant estimé à 1,4
milliard de francs. Comme vous le savez, la recomposition du budget de ces
établissements en trois sections - hébergement, dépendance et soins - va
réduire les coûts, et donc l'aide sociale payée par les départements.
Nous en sommes à près de 7 milliards de francs légitimement considérés comme
la reconduction des dépenses actuelles...
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Je ne l'ai pas contesté.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Non, mais vous avez été très
habile, vous avez présenté cela comme des économies à réaliser. Non, il s'agit
bien de dépenses actuelles.
J'ajouterai que l'observatoire décentralisé de l'action sociale, l'ODAS,
présidé par M. Méhaignerie, a évalué à quelque 1,4 milliard de francs la baisse
des dépenses affectées à la perte d'autonomie à l'occasion du passage de l'ACTP
à la PSD entre 1996 et 2000. Cette somme, qu'on qualifie d'économie pour faire
court, doit effectivement être agrégée à l'estimation des engagements actuels
des départements, soit un total de 8,5 milliards de francs environ.
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Oui, bien sûr !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
La contribution des
départements étant proche de 11 milliards de francs - 10,8 milliards de francs
pour être précise - ce sont donc bien 2,5 milliards de francs supplémentaires
qui leur sont demandés et non pas 5 milliards de francs.
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Mais j'ai bien mentionné 2,5 milliards de
francs.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Nous sommes donc d'accord sur
ce point.
M. Philippe Nogrix.
Mais non !
M. Alain Joyandet.
C'est de la prestidigitation !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
D'ailleurs, nous ne pouvons
qu'être d'accord, monsieur Mercier, puisque vous savez très bien - vous étiez
présent - que ces données ont fait l'objet de rencontres,...
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Mais non, justement, je n'étais pas là.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... et d'échanges de courriers
entre l'Assemblée des départements de France et Martine Aubry. Vous le savez,
les ministères ont de la mémoire et conservent des comptes rendus des réunions,
des échanges de lettres, et, Martine Aubry et moi, nous nous parlons !
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Vous avez raison !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Donc, quand j'ai des doutes, je
vérifie.
Le principe d'une dépense supplémentaire des départements avait été clairement
exposé pour un montant de 2,5 milliards de francs. D'ailleurs, dans son dernier
courrier, M. Puech sollicitait une contribution significative extérieure à
celle des départements, et je crois que le projet du Gouvernement y répond,
avec un apport de 5,5 milliards de francs.
En tout cas, ce que je peux dire, c'est que nous avons manifesté, et vous y
avez d'ailleurs répondu, une volonté constante de concertation avec les
départements. Ainsi, la décision que nous prenons, qui est critiquée par
certains, de laisser aux départements, comme cela paraît normal pour toutes les
raisons que j'ai dites, la responsabilité de la décision et de la distribution
de l'APA témoigne du fait que le Gouvernement a recherché une solution
équilibrée.
L'affectation d'un prélèvement comme celui de la CSG est également un point
fort pour sécuriser le financement dans l'intérêt même des départements. C'est
un financement très lisible, très sûr et qui n'est pas soumis à l'annualité
budgétaire, donc aux contraintes qui pourraient en résulter pour le financement
de la prestation.
Par conséquent, il me semble que vous devriez plutôt vous réjouir des
modalités de financement mises en oeuvre.
Vous vous êtes interrogé sur la répartition des efforts des différents
financeurs au cours de la montée en charge et en régime de croisière. C'est une
vraie question.
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Il manque 6,5 milliards de francs !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Nous en avons d'ailleurs
beaucoup débattu à l'Assemblée nationale.
Toutefois, vous avez dû noter que, dans le projet de loi, rendez-vous est
donné en 2003. Nous savons très bien que, lorsqu'une nouvelle prestation est
créée, le coût qu'elle atteindra ne se dégage pas immédiatement. Nous avons
donc mis les chiffres sur la table et nous avons dit que nos premières
estimations de dépenses et de financement étaient fondées sur une montée en
charge. En 2003, nous ferons un bilan, et je suis sûre que, du moment où nous
aurons dispensé une prestation qui répondra véritablement aux besoins des
personnes âgées, il sera impossible de revenir en arrière. Je suis persuadée
que nous saurons alors trouver le bon équilibre pour faire face aux dépenses
nécessaires en régime de croisière parce qu'il n'y aura plus, à l'égard de
cette prestation, la défiance que nous avons pu constater ces dernières
années.
A ce propos, M. Barrot, à l'Assemblée nationale, a eu l'honnêteté de
reconnaître que si, en janvier 1997 - mais c'était dans un autre contexte, un
contexte de déficit des régimes de sécurité sociale, un contexte de stagnation
économique - si, disais-je, en janvier 1997, on n'était pas allé plus loin,
c'est parce que les problèmes de financement n'avaient pas pu être résolus.
Nous entendons envoyer un signe fort en disant que les départements, ce dont
nous les remercions, et la solidarité nationale, via la CSG, financent, et
qu'une fois la preuve faite sur le terrain de l'utilité de la réponse à ces
nouveaux besoins, la collectivité nationale saura, en 2003, trouver les
financements supplémentaires.
M. Alain Joyandet.
En 2003, c'est nous qui serons au pouvoir !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
N'en soyez pas si sûr, monsieur
le sénateur, car nous ferons tout, rassurez-vous, pour être là en 2003 afin de
continuer cette grande réforme.
M. Alain Joyandet.
En 2003, c'est nous qui paierons !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
S'il n'y a que cela qui vous
inquiète, rassurez-vous !
M. Alain Joyandet.
En général, c'est vous qui passez les commandes et c'est nous qui payons !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mais non ! Rassurez-vous ! Nous
saurons gagner les élections pour continuer à proposer les projets que vous
n'avez pas su engager parce que vous avez mené une politique économique qui
était à contre-sens !
M. Alain Joyandet.
C'est nous qui allons payer !
M. le président.
Mes chers collègues, la parole est à Mme le ministre, et à celle seule !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Vous devriez éviter de vous
montrer trop arrogants ! Ce n'est jamais une bonne chose !
Plusieurs sénateurs de l'Union centriste et du R.P.R.
C'est vous qui êtes arrogante !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mais non ! Je vous réponds de
manière très détaillée, avec des éléments précis à l'appui !
M. Philippe Nogrix.
Non ! Pas du tout.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Vous pouvez toujours manier les
invectives, ce n'est pas ainsi que vous allez convaincre, même si cela peut
vous faire plaisir sur le moment !
M. Bernard Murat.
Et les municipales ?
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
J'en viens à l'intervention de
M. Huguet, qui a souligné les avancées que représente le projet du
Gouvernement, et je l'en remercie.
Il nous a également fait part de ses préoccupations quant à sa mise en oeuvre,
et elles sont légitimes.
(Ah ! sur les travées de l'Union centriste et du
RPR.)
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Vous manquez vraiment d'élégance, messieurs !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je voudrais vous dire, monsieur
le sénateur - et Mme Guinchard-Kunstler aura l'occasion de le préciser à
nouveau -, que nous sommes toutes les deux extrêmement attentives aux
conditions d'application et de mise en oeuvre de cette réforme.
Vous avez d'ailleurs très justement souligné que tous les départements n'ont
pas apporté la même réponse aux besoins des personnes âgées. Certains
départements, comme le vôtre, ont accru leurs efforts, d'autres les ont
diminués.
Vous nous demandez d'en tenir compte dans la péréquation qui sera mise en
place. Je peux vous répondre que telle est bien l'intention du Gouvernement.
Mme Claire-Lise Campion.
Très bien !
M. Philippe Nogrix.
Comment pourrez-vous le faire ?
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Si vous m'écoutez, vous le
saurez !
(Rires.)
M. Hilaire Flandre.
Par un tour de passe-passe, simplement !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Les modalités de mise en oeuvre
de la péréquation sont fondées, me semble-t-il, sur des critères objectifs et
équitables : le nombre de personnes âgées ; le potentiel fiscal, pour tenir
compte de la richesse relative de chaque département ; le nombre de
bénéficiaires du revenu minimum d'insertion, pour tenir compte des coûts
sociaux que supportent certains départements. Je m'engage d'ailleurs à ce que
la combinaison de ces différents critères fasse l'objet d'une concertation
approfondie avec les départements et les instances qui les représentent,...
M. Roland Huguet.
Très bien !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... pour essayer de parvenir,
compte tenu de l'hétérogénéité des situations, à l'appréciation la plus
équilibrée possible - je ne dirai pas la plus exacte, car il va bien falloir
trouver un compromis entre les intérêts divergents des départements.
En tout cas, ces décisions ne seront pas prises par le seul Gouvernement. Je
l'ai dit à l'Assemblée nationale, je le redis ici, nous mènerons avec toutes
les composantes politiques une concertation sur les modalités et les critères
de répartition de ce financement.
M. Philippe Nogrix.
Il manque toujours 5,5 milliards de francs !
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Madame la ministre,
veuillez m'excuser de prendre la parole maintenant, mais notre souci est de
faire en sorte que le dialogue entre la commission, le Sénat ou Mme
Guinchard-Kunstler et vous-même, soit le plus fécond possible.
Vers vingt heures, le rapporteur, M. Vasselle, m'a fait savoir qu'il aurait
quelques minutes de retard à la reprise de la séance. Il est bien certain que,
si nous avions pu savoir que vous répondriez dès la reprise aux orateurs qui se
sont exprimés avant la suspension de séance, il aurait fait l'impossible pour
retraverser Paris et être ici à l'heure.
Puisque nous évoquons ce problème, je note qu'une douzaine d'orateurs doivent
encore intervenir. Leur répondrez-vous ?
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
C'est Mme Guinchard-Kunstler
qui leur répondra, ainsi que je l'ai dit tout à l'heure.
Quant à M. Vasselle, je ne lui reproche absolument pas son retard, chacun a
ses obligations : j'ai les miennes et vous avez les vôtres.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Je tenais simplement à
vous expliquer pourquoi les choses s'étaient déroulées de la sorte.
M. le président.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, dès
1995, à plusieurs reprises, à cette même tribune, je disais à propos du projet
de loi instaurant une prestation d'autonomie :
« Les organisations syndicales, les associations de retraités, le mouvement
mutualiste, qui ont vu venir la situation actuelle de très loin, réclament
depuis plus de dix ans - et nous les soutenons - la création d'une véritable
prestation d'autonomie qui regroupe l'ensemble des prestations, aides et
allocations diverses et qui permette la coordination des différents
intervenants.
« Il est urgent de mettre en place cette allocation, car, selon une étude de
la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés de 1994,
près de 700 000 personnes âgées connaissent aujourd'hui des problèmes de
dépendance, et leur nombre devrait doubler dans les vingt-cinq prochaines
années. »
Dès 1995, je rappelais donc cette réalité : le vieillissement de la population
est un phénomène de société qui s'impose et s'imposera de plus en plus à
nous.
Aujourd'hui, les personnes âgées dépendantes sont plus de 800 000.
Je ne revendique nullement la paternité de ces constatations puisqu'elles
reprenaient, à l'époque, les analyses du livre noir de la PSD, signé par les
représentants des personnes âgées, des familles et des professionnels.
Dans l'exposé des motifs du projet de loi qui nous est soumis, on peut lire :
« Le bilan de quatre ans d'application de la loi du 24 janvier 1997, qui a
institué la prestation spécifique dépendance, rend nécessaire une refonte
d'ensemble du dispositif de prise en charge des personnes âgées : l'accès à
cette prestation est en effet trop restrictif puisque 140 000 personnes
seulement la perçoivent à la fin de l'année 2000. » En effet, potentiellement,
300 000 personnes pourraient être attributaires de cette prestation.
Je poursuis ma citation : « Prestation insuffisante au regard des besoins pour
constituer un véritable soutien à l'autonomie, elle présente au demeurant de
très fortes disparités selon les départements. » Voilà pourquoi nous étions
opposés au projet de loi en 1997.
La majorité gouvernementale d'alors, mes chers collègues, avait pourtant fait
appliquer cette très inégalitaire PSD, caractérisée, à notre sens, par de
nombreuses incohérences et facteurs dissuasifs : des plafonds de ressources
draconiens ; un recours sur succession et donation, notamment.
Et vous voulez aujourd'hui, malgré les travers avérés de la PSD et les
critiques qui lui ont été adressées de toutes parts, transformer le dispositif
proposé par le Gouvernement en une « PSD
bis
» ! J'en veux pour preuve
le rapport de notre collègue Alain Vasselle. En effet, celui-ci, tout en
reconnaissant tardivement que la PSD était un dispositif transitoire,...
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Ah non !
M. Guy Fischer.
J'y reviendrai, monsieur le rapporteur.
... mais en omettant l'économie de 1,4 milliard de francs réalisée par les
départements, accuse le Gouvernement de vouloir faire apparaître une rupture
ente l'APA et la PSD qui ne se justifierait pas, le bilan de cette dernière
étant jugé encourageant.
Il suffirait, selon M. Alain Vasselle et M. Michel Mercier, de modifier à la
marge le chapitre II du code de l'action sociale et des familles.
C'est là une démarche que nous désapprouvons totalement.
Après ces quelques réflexions, j'en viens aux éléments incontestablement
positifs du nouveau dispositif qui nous est proposé.
Selon le texte, l'APA devrait profiter à terme aux 800 000 personnes
concernées. Si l'on compare ce nombre aux 135 000 bénéficiaires de la PSD, on
mesure bien la volonté de toucher la plupart, sinon la quasi-totalité, des
personnes qui ont effectivement besoin d'une telle allocation.
Le barème serait fixé à l'échelle national - il serait donc plus égalitaire -
et varierait en fonction du degré de dépendance et des revenus.
Je rappelle que l'expérimentation qui avait été menée jadis dans douze
départements concernant la PSD faisait apparaître une très grande inégalité
entre eux. Notre collègue M. de Raincourt, qui a tout à l'heure véritablement «
descendu en flammes » le présent projet de loi, est pourtant l'élu d'un de ces
départements où les prestataires avaient peu à attendre.
Il convient par ailleurs de souligner la nouveauté que constitue l'admission
au sein du dispositif des personnes classées en GIR 4, c'est-à-dire moyennement
dépendantes, alors que celles-ci ne bénéficiaient pas de la PSD. C'est là une
avancée non négligeable. En vérité, la frontière qui avait été placée entre le
GIR 3 et le GIR 4 était artificielle. Or elle déterminait sans transition
l'acceptation ou le refus de la prise en charge au titre de la PSD.
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Entre le GIR 4 et le GIR 5, ce sera pareil !
M. Guy Fischer.
Pardonnez-moi, mon cher collègue, mais l'intégration du GIR 4 permet tout de
même de faire progresser de manière significative le nombre de bénéficiaires
!
D'ailleurs, M. Jean-Pierre Sueur, dans son rapport, avait reconnu le caractère
largement artificiel de cette frontière, sur laquelle les départements avaient
pu jouer.
Cela dit, monsieur Mercier, vous avez, dans le département du Rhône, vous-même
réparé l'erreur que vous aviez commise à la Haute Assemblée en modifiant le
dispositif à plusieurs reprises, je suis là pour en témoigner.
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Monsieur Fischer, me permettez-vous de vous
interrompre ?
M. Guy Fischer.
Je vous en prie.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, avec l'autorisation de
l'orateur.
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Puisque M. Fischer a l'amabilité de me laisser
l'interrompre, je voudrais, avant de commenter les propos qu'il vient de tenir,
en profiter pour répondre à Mme la ministre.
Les départements ne peuvent pas être mis en permanence en accusation dans
cette affaire. La décentralisation implique certaines règles, telle celle qui
doit conduire à traiter chaque situation en fonction des conditions locales.
Or, ici, on est en train - et c'est peut-être judicieux - de faire gérer par
une collectivité locale une prestation qui est, dans son économie générale, une
prestation nationale.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Bien sûr !
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Là réside le changement.
La critique que nous avons formulée tout à l'heure porte essentiellement sur
le fait que le financement n'est pas assuré.
M. Charles Revet.
Comme toujours !
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Je vous remercie, madame le ministre, de l'avoir
dit très clairement en faisant les additions. Vous avez en effet admis que, si
tout était là pour 2002, il manquait beaucoup pour après. Je pense, moi, que le
compte n'y est pas tout à fait pour 2002 et qu'il manquera effectivement
beaucoup pour après.
M. Charles Revet.
Voilà !
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Nous souhaitons donc que, dans le débat qui va
s'ouvrir, le Gouvernement accepte de travailler avec le Sénat pour rendre
pérenne un financement qui ne serait pas supporté uniquement par les
départements.
Il est clair, en effet, que les impôts départementaux ne peuvent pas fournir
17 milliards de francs d'un coup de baguette magique. Or c'est ce qui leur est
demandé !
M. Fischer a dit que j'avais modifié les conditions d'application de la loi
dans notre département...
M. Guy Fischer.
Que vous les aviez améliorées !
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
... et Mme la ministre avait dit que j'avais
largement négocié avec le ministère. En fait, j'ai négocié un peu et puis j'ai
eu la chance ou la malchance de ne plus pouvoir participer aux négociations.
Je n'ai donc pas participé aux négociations sur l'APA. Je suis solidaire de ce
que peuvent faire mes collègues membres de l'Assemblée des départements de
France, mais je ne suis pas engagé par leur vote.
(Applaudissements sur les
travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
indépendants.)
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur Fischer.
M. Guy Fischer.
Je suis heureux d'avoir permis à M. le rapporteur pour avis d'apporter ces
éléments.
Lors de la première lecture à l'Assemblée nationale, les amendements et les
engagements du Gouvernement ont permis de réaliser des progrès sensibles.
Ainsi, le recours sur succession, principal écueil du dispositif, a été
supprimé.
M. Philippe Nogrix.
Ce n'est pas le Gouvernement qui l'a supprimé !
M. Guy Fischer.
Certes, l'amendement était d'origine parlementaire, mais le Gouvernement ne
s'y est pas opposé et n'a pas invoqué l'article 40.
M. Philippe Nogrix.
Mais ce n'etait pas une proposition du Gouvernement !
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Le Gouvernement l'a tout de même acceptée.
M. Guy Fischer.
J'accueille avec d'autant plus de satisfaction cette avancée que je m'étais,
d'emblée, opposé à une mesure dont le pouvoir de dissuasion est considérable.
La barre des 300 000 francs faisait tomber le couperet trop souvent et les
familles touchées étaient modestes. C'étaient souvent les économies d'une vie,
un petit patrimoine qui étaient en cause. Admettez que de nombreuses familles
ne demandaient pas la prestation spécifique dépendance de peur de voir un
patrimoine somme toute très modeste récupéré dès le premier franc. Croyez-moi,
j'en ai vu de nombreux exemples.
Nous allons maintenant devoir examiner la situation des personnes handicapées.
Nous attendons, madame la ministre, une prise de position de votre part. En
effet, lors du débat sur le projet de loi de modernisation sociale, vous nous
avez renvoyé à la discussion du présent texte. Les handicapés ne comprendraient
pas que l'on exonère l'APA de tout recours sur succession, ce qui nous paraît
logique, puisque cette allocation sort du champ de l'aide sociale, et qu'on
maintienne le recours en cas de retour à meilleure fortune.
Par ailleurs, à l'Assemblée nationale, le Gouvernement s'est engagé à
généraliser l'attribution de l'APL en établissement pour diminuer le coût de
l'hébergement.
Bien entendu, même si la grille AGGIR apparaît aujourd'hui comme le référent,
peut-être faudra-t-il l'adapter, de manière à mieux prendre en compte les
besoins réels.
De même, il conviendrait que l'effet de seuil lié à la CMU soit réexaminé pour
faciliter l'accès à une couverture complémentaire.
Enfin, l'ouverture d'une enveloppe de 500 millions de francs consacrée à la
formation des aides à domicile pourra être multipliée par deux en fonction des
besoins constatés. L'amendement adopté a permis de pérenniser le fonds de
modernisation destiné à cette profession.
Lorsque notre collègue rapporteur fustige les « coûts masqués » de la réforme,
il ne craint pas la contradiction !
En effet, la majorité sénatoriale réclame constamment l'augmentation du
soutien financier accordé à l'aide à domicile ; c'est un véritable
leitmotiv
!
Mais cela n'empêche pas M. Vasselle de reprocher au Gouvernement la
création de ce fonds destiné à la modernisation et à la professionnalisation de
l'aide à domicile.
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Comment est-il financé ?
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
C'est le financement qui est contesté, cher collègue !
M. Guy Fischer.
Est-il permis de douter qu'il soit fondamental de mettre au coeur de cette
réforme les personnels qui vont précisément, sur le terrain, rendre aux
personnes dépendantes un service essentiel tant sur le plan des soins que sur
celui de l'accompagnement, aussi bien à domicile qu'en établissement ?
Je voudrais à présent pointer certaines lacunes et faire des propositions
constructives pour améliorer ce texte.
En effet, malgré un progrès certain, celui-ci ne va pas aussi loin que ce qui
est réclamé par les associations et les syndicats de retraités ou les
gestionnaires d'établissement.
J'ai pris soin de les écouter, comme vous toutes et vous tous, et je partage
largement leurs inquiétudes.
La question fondamentale me semble bien être de savoir si, oui ou non, nous
voulons considérer la dépendance comme une pathologie, justifiant son
inscription dans le dispositif des risques prévus par la sécurité sociale. Pour
notre part, nous nous prononçons pour une intégration dans la branche
maladie.
Je m'appuierai sur le rapport de M. Pascal Terrasse, qui énonce que l'APA
correspond à un besoin social nouveau qui exige qu'il soit fait appel à la
solidarité nationale. Avec la proposition que nous formulons, la solidarité
nationale pourra pleinement s'exprimer.
Nous ne pouvons que déplorer - et c'est le point majeur de divergence entre
nous - que la prestation demeure gérée par les conseils généraux, même si c'est
en coopération avec les organismes de sécurité sociale. Ainsi, la notion de
subsidiarité est maintenue. Nous sommes donc encore en partie dans la logique
de l'action sociale, et non dans celle de la véritable solidarité nationale au
sens où nous l'entendons.
Même si nous comprenons la nécessité d'aller par étapes vers cette prestation
universelle - et nous reconnaissons qu'est établie pour la première fois une
prestation universelle - nous aurions cependant apprécié que la « clause de
rendez-vous » introduite dans ce projet de loi garantisse la volonté du
Gouvernement d'aller jusqu'au bout de sa volonté de traiter dignement,
globalement et sur le long terme, l'importante question de la dépendance.
Nous aurions également souhaité que l'arbitraire limite d'âge soit supprimée.
En effet, pourquoi perpétuer une telle inégalité, alors que, nous le savons, on
peut devenir dépendant à tout âge, à la suite d'une maladie, ou d'un accident
?
J'aurai l'occasion de revenir sur ces deux points particulièrement importants
lorsque je présenterai nos amendements visant à instituer une véritable
prestation de sécurité sociale.
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Comme M. de Raincourt !
M. Guy Fischer.
Examinons à présent les lacunes qui nous inquiètent le plus.
Les nouveaux tarifs ne valent que pour les personnes maintenues à domicile.
Pour celles qui sont hébergées en établissement, ils seraient réduits de
manière à couvrir seulement la part dépendance. Le décret réformant la
tarification des établissements - décret qui vient de paraître, alors qu'il est
issu de la loi instituant la PSD, laquelle est sur le point d'être abrogée ! -
va distinguer trois domaines : les soins, l'hébergement et la dépendance. Les
solutions retenues contribuent donc, selon nous - mais nous ne demandons qu'à
être convaincus du contraire - à maintenir une certaine inégalité de traitement
entre domicile et établissement, inégalité que l'ensemble des organisations et
gestionnaires d'établissement a toujours rejetée.
La justice voudrait en effet que l'on revienne à une tarification binaire et
que l'APA soit versée aux établissements sous forme de dotation globale. Ce
point fait l'objet d'un débat. Un amendement a été déposé par M. Méhaignerie.
Nous sommes prêts à partager une certaine vision des choses. Nous y reviendrons
lors de la discussion des articles.
En tout cas, nous souhaitons vivement que les familles et les établissements
accueillent favorablement cette réforme.
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Et les contribuables ?
M. Guy Fischer.
Mais, là encore, il faut convaincre. En vérité, nous attendons plus de
transparence et de lisibilité, car nous ne voudrions pas que les familles
soient confrontées à des charges qu'elles ne pourraient maîtriser, donc à des
augmentations sensibles, et que la situation des établissements devienne plus
difficile, voire précaire. D'ailleurs, il faut construire des établissements
car, eu égard aux longues listes d'attente qui sont recensées, un grand nombre
de besoins ne sont pas satisfaits.
En matière de qualification du personnel, il me semble que le texte devrait
préciser la notion de qualité des intervenants, en privilégiant des
professionnels qualifiés encadrés par des services prestataires dûment agréés,
afin de garantir une qualité d'accompagnement, ce qui n'est pas toujours le cas
dans les situations de gré à gré.
Enfin, un volet me semble cruellement manquer au chapitre des personnels ; il
s'agit des établissements. Même si l'on entend privilégier le maintien à
domicile, il est bien évident que l'augmentation de la longévité s'accompagnera
inéluctablement de pathologies plus lourdes en matière de dépendance. Pour ces
personnes-là, il conviendrait, dès à présent, de prévoir la montée en charge
d'une augmentation significative de personnels formés à l'accompagnement dans
les établissements. Certes, le Gouvernement propose 6 milliards de francs sur 5
ans. Mais une part de cette somme insuffisante risque fort de servir non pas à
créer des emplois nouveaux, mais à diminuer les tarifs fixés par les
départements.
Par ailleurs, le tarif dépendance des établissements sous-estime notoirement
les besoins d'aide. Il en résulte deux conséquences : inégalité entre
établissements et domicile, ce qui est une entrave au libre choix, et maintien
de moyens notoirement insuffisants, notamment en personnels travaillant dans
les établissements.
Dans le même esprit, il conviendrait d'élaborer un plan d'aide individuel,
valable également pour le domicile et l'établissement, et de veiller à la
présence au sein des instances, de représentants de professionnels et de
retraités, ainsi que de représentants des services d'aide à domicile. C'est, à
mon avis, dans ce sens que la grille AGGIR devrait pouvoir être remplacée, tout
au moins mise à jour, pour devenir un outil de mesure plus fin et plus
approprié aux conditions de vie sociale des personnes, quel que soit leur degré
de dépendance.
Tout cela nous amène, bien sûr, à la question du financement.
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Ah !
M. Guy Fischer.
Nous craignons, en effet, que le budget prévu ne soit très rapidement
insuffisant eu égard aux besoins : le projet de loi prévoit de laisser 11
milliards de francs à la charge des départements, avec un mécanisme de
péréquation selon leur richesse, de prélever 5 milliards de francs sur les
recettes de CSG et de faire contribuer à hauteur de 500 millions de francs les
caisses de sécurité sociale. Nous demandons à être convaincus, madame la
ministre. Qu'en sera-t-il après 2003 ? A cette époque, le coût de la mesure
devrait en effet atteindre 23 milliards de francs.
A fortiori,
si l'on s'oriente vers un financement par la solidarité
nationale - bien que, madame la ministre, vous ne soyez pas encore convaincue
d'une telle nécessité, même si, tout à l'heure, vous avez pratiquement parlé de
cinquième risque, ce qui nous semble un point capital - il faudra se donner des
moyens beaucoup plus importants.
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Il faudra une cotisation !
M. Guy Fischer.
C'est précisément ce que nous ne voulons pas !
Un traitement de la dépendance digne de ce nom en France comporte, bien
entendu, un coût. Si l'on prend l'exemple de l'Allemagne, où plus de 110
milliards de francs sont consacrés à la dépendance on mesure mieux le chemin
qu'il nous reste à parcourir.
S'agissant des choix qui ont été faits en matière de financement, vous n'êtes
pas sans savoir, madame la ministre, que nous ne les partageons pas. Cette
année, la CSG a engendré des rentrées intéressantes. Qu'en sera-t-il demain, en
année pleine ?
Avec force, nous défendrons un amendement visant à augmenter le taux de CSG
sur les produits de placements et les revenus du patrimoine.
Mais, au fond, la solution consiste non pas, comme le propose la commission
des finances, à augmenter la dotation globale de fonctionnement, mais bel et
bien à instituer une prestation sécurité sociale financée par la solidarité
nationale, non par les seuls salariés mais également par les employeurs.
Pour augmenter de façon significative les ressources de la protection sociale,
pourquoi ne pas tout simplement aller jusqu'au bout de la réforme des
cotisations sociales, que nous appelons de nos voeux, en modulant notamment ces
dernières en fonction de la part des salaires dans la valeur ajoutée ?
La majorité sénatoriale, par un véritable subterfuge, oublie pour un instant
son leitmotiv favori, à savoir la baisse des prélèvements sociaux, et n'hésite
pas à demander, voire à revendiquer, un nouveau concours de l'Etat. Elle
préfère encenser, embaumer son enfant, la PSD, qui n'avait pu grandir faute
d'ambition.
Quoi qu'il en soit, excepté ce débat sur le financement, le texte est
globalement perçu comme une avancée importante.
Au regard des amendements présentés par la commission des affaires sociales et
par la commission des finances, et de tous ceux que nous découvrirons
demain,...
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Dont ceux du Gouvernement !
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Et ceux du groupe communiste républicain et citoyen
!
M. Guy Fischer.
... je doute fort que le dispositif dont nous avons montré tout l'intérêt mais
aussi les limites puisse être amélioré, contrairement à ce qui s'est passé à
l'Assemblée nationale.
(Applaudissements sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen, ainsi que sur plusieurs travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à Mme Campion.
Mme Claire-Lise Campion.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, autrefois, les générations se succédaient ; désormais, elles
cohabitent. Chaque génération voit son passé et son avenir s'allonger.
Cette évolution démographique vers un vieillissement de la population
française, mais aussi européenne, est un défi pour notre société. Défi, dans le
sens où nous devons maintenir les liens entre les générations, afin que cette
cohabitation soit une chance pour le renforcement de la cohésion sociale. La
vieillesse ne doit plus être vécue comme un amoindrissement, comme une angoisse
par les personnes, ni même comme un sacrifice par les familles.
Il n'y a pas si longtemps encore, seul le dévouement, le renoncement à une vie
professionnelle de la femme, de la fille ou de la belle-fille permettaient aux
parents âgés en perte d'autonomie de rester chez eux. C'est dans ce contexte
que les questions du rôle des aînés et de la place que notre société est prête
à leur laisser doivent être posées.
De rapports oubliés en projet de loi avorté, le Parlement a adopté, le 24
janvier 1997, un dispositif imparfait : la prestation spécifique dépendance -
nous en avons longuement parlé ce soir - dont nous savions déjà à l'époque
qu'elle serait vécue comme un recul, et cela s'est, hélas ! confirmé.
D'un montant inférieur à l'allocation compensatrice pour tierce personne, la
prestation spécifique dépendance a, en outre, l'inconvénient de poser des
conditions de ressources trop restrictives et d'être inégalement répartie, en
raison des disparités financières entre les départements. A cela s'ajoutent les
difficultés qui résultent du classement des personnes, selon les groupes
iso-ressource. Enfin, bien sûr, les récupérations sur les successions et les
donations ont largement contribué à détourner de nombreuses personnes du
bénéfice de cette aide.
Personne ne regrettera donc la disparition de cette prestation, qui a engendré
déception et insatisfaction. Les chiffres sont là pour nous en convaincre : à
ce jour, 135 000 personnes perçoivent la prestation spécifique dépendance et 40
000 l'allocation compensatrice pour tierce personne, alors que le nombre de
personnes âgées en perte d'autonomie, nécessitant une assistance permanente ou
régulière, est estimé à environ 800 000, comme cela a été dit à plusieurs
reprises.
Le projet de loi mettant en place une aide personnalisée à l'autonomie, que
vous nous présentez aujourd'hui, madame la ministre, madame la secrétaire
d'Etat, est une avancée majeure et attendue, qu'il convient de saluer.
Je me réjouis donc de constater que cette nouvelle prise en charge de la
dépendance est réellement un droit universel, objectif et personnalisé. En
effet, l'absence de plafond de ressources et la fixation d'un barème national,
dont l'objet est de remédier aux disparités dues à la liberté laissée aux
conseils généraux, instaurent une équité de traitement pour tous les
bénéficiaires.
Le montant de la prestation sera modulé en fonction du degré de perte
d'autonomie et du niveau de ressources, et prendra en compte la diversité des
besoins, ce dont je me félicite.
Enfin, cette prestation, par son montant, donne et reconnaît enfin le droit à
nos aînés et à leur famille de choisir véritablement les modalités d'aide les
mieux à même de leur convenir.
Je regrette pourtant le maintien de la ségrégation par l'âge. En refusant de
supprimer cette barrière, nous maintenons un dispositif qui a montré ses
limites. Nous savons que, dans un avenir proche, de nombreuses personnes de
moins de soixante ans risquent d'être touchées par des maladies dégénératives
et qu'il sera nécessaire de trouver de meilleures réponses à leurs besoins.
Les orientations de la politique sociale européenne ont pris conscience de ces
risques et vont également vers la suppression de ce critère d'âge. Certains
pays européens l'ont d'ailleurs déjà écarté. La France ne pourra donc, à terme,
maintenir une telle position. Comment en effet justifier une différence de
prise en charge, par exemple, entre le jeune handicapé et celui qui est âgé de
soixante ans ou plus, différence déjà introduite, ne l'oublions pas, par la
prestation spécifique dépendance ?
Si, comme certains l'ont regretté, l'allocation personnalisée d'autonomie
n'est pas, en tant que telle, la reconnaissance d'un cinquième risque, elle y
concourt. L'importance de l'événement ne doit pas, en effet, être sous-estimée.
Depuis les ordonnances de 1946, créant les quatre branches de la sécurité
sociale, les grandes réformes instaurant un nouveau droit social sont
exceptionnelles. Je les rappelle : 1958, l'assurance chômage ; 1971, le droit à
la formation professionnelle ; 1988, le revenu minimum d'insertion. La retraite
à soixante ans, en 1982, ou la CMU, en 1999, progrès sociaux majeurs, ont, pour
leur part, étendu des droits existants.
L'allocation personnalisée d'autonomie est une étape supplémentaire vers la
reconnaissance d'un cinquième risque ; elle en a les caractéristiques
principales, et en cela elle constitue une avancée sociale.
Cette nouvelle allocation combine l'avantage d'être une prestation quasiment
légale, dès lors que l'on a supprimé l'obligation alimentaire et le recours sur
succession, et l'avantage d'avoir une gestion de proximité, assurée par les
départements, en association avec les caisses de retraite, dont le savoir-faire
est incontestable dans le domaine de la coordination gérontologique.
La mise en oeuvre réelle et efficace de l'aide aux personnes dépendantes me
paraît, à ce jour, plus importante que la réflexion sur la création d'un
cinquième risque.
Nombre de mes collègues ont parlé du coût de ce nouveau droit. Pour ma part,
je m'attacherai à développer la mise en oeuvre de cette allocation et les
bénéfices qu'en retireront les personnes concernées.
La prise en charge de tous les aspects de la dépendance me paraît majeure. En
cela, la collaboration entre les départements et les services des caisses de
retraite est essentielle. Elle permettra l'établissement de plans
personnalisés, suffisamment globaux, pour prendre en charge les dépenses liées
aux personnels, à l'accueil et aux aides techniques, mais aussi à l'adaptation
du logement. Ces plans tiendront compte de chaque situation particulière en
fonction de l'environnement, du handicap, de l'entourage, ce qui rendra
possible une adaptation au cas par cas des aides apportées.
L'allocation personnalisée d'autonomie permettra ainsi une meilleure
solvabilité des personnes vieillissantes, ce qui facilitera le recours à une
tierce personne, condition de leur maintien à domicile. Cela me paraît
essentiel.
Par ailleurs, je suis très soucieuse de la qualité de l'aide qui sera apportée
à ces personnes et, par là même, de la qualification des personnels qui
participeront à ce maintien à domicile.
Je suis, pour ma part, favorable au recours à un organisme agréé de service
d'aide à domicile, dans le cadre d'une activité prestataire. Selon moi, le
contrat de gré à gré doit, quant à lui, être assorti d'un véritable
encadrement, voire d'une formation minimale et d'un contrôle, afin de garantir
une prestation de qualité.
L'aide à domicile apportée pour le maintien d'une personne en perte
d'autonomie dépasse largement le concept - je vous prie d'excuser le mot un peu
provocateur - de « gardiennage » ; elle exige, au contraire, des qualités
techniques de soin mais aussi d'écoute et d'observation que seule une formation
permet d'acquérir.
La qualité des aides et des soins apportés aux personnes âgées dépendantes
doit donc être une préoccupation constante : à cet égard, nous serons très
attentifs au contenu des décrets d'application.
Des moyens financiers considérables vont être alloués au maintien à domicile,
en faisant appel en partie à la solidarité nationale, ce qui me paraît
inévitable, et même souhaitable, dans le contexte démographique qui est le
nôtre et que j'ai rappelé précédemment.
Il ne faudrait cependant pas que cette avancée sociale soit compromise par un
déficit non pas financier, mais matériel ou humain.
Les associations rencontrent aujourd'hui - nous le savons tous - de sérieuses
difficultés de recrutement, en grande partie pour des raisons liées aux
carences statutaires et salariales.
Le maintien à domicile doit être considéré comme un gisement d'emplois et doit
donc bénéficier de programmes de formation, ainsi que d'une revalorisation
statutaire et salariale de ces professions.
L'allocation personnalisée d'autonomie doit être en cela une chance de
reconsidérer le champ de l'aide à domicile en redonnant un sens aux actions de
ce secteur. J'espère à ce titre obtenir de votre part, madame la ministre,
madame la secrétaire d'Etat, l'assurance que des décisions allant dans cette
direction seront prises.
Selon les statistiques de l'INSEE, en 2020, le nombre de personnes dépendantes
s'élèvera à environ 3 millions, dont 600 000 seront atteintes de la maladie
d'Alzheimer ou de maladies apparentées.
Il est dommageable que la prévention des risques ne soit pas davantage prise
en compte dans ce texte.
Ces statistiques mettent également en évidence que, si le maintien à domicile
peut être une solution, nous aurions tort de minimiser le rôle fondamental des
établissements spécialisés.
A ce titre, la différence entre les prestations servies pour le maintien à
domicile et celles qui sont prévues pour le placement en établissement me
paraît encore trop importante. C'est pourquoi je me réjouis de l'initiative de
l'Assemblée nationale, qui a adopté un amendement de son rapporteur, Pascal
Terrasse, visant à garantir une égalité de traitement entre aide à domicile et
hébergement en établissement, majorant pour ce faire la déduction fiscale pour
les dépenses d'hébergement en établissement, en portant son taux de 25 % à 50
%.
Le Gouvernement nous donne l'occasion par ce texte d'offrir aux personnes
vieillissantes une fin de vie digne. L'allocation d'autonomie personnalisée
sera, à mon sens, une véritable réussite en tant que point de départ vers la
construction d'une politique du vieillissement, en lien avec celle du
handicap.
Madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, vous nous avez fait part de
votre volonté de progrès social. Je souhaite vous assurer de tout mon soutien.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Murat.
M. Bernard Murat.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, la prise en charge de la dépendance est un enjeu majeur pour
notre société. En 1900, 40 % des Français atteignaient l'âge de soixante-cinq
ans. Aujourd'hui, ils sont 80 %.
Dans mon département, la Corrèze, 28 % de la population a plus de soixante
ans. Nous devons offrir à ces personnes la même qualité de vie qu'à l'ensemble
de la population. En effet, préserver la cohésion sociale, c'est aussi
maintenir le lien entre les générations. Cela implique que nous soyons
attentifs aux besoins des personnes âgées qui ne sont pas totalement autonomes
dans les actes essentiels de la vie quotidienne.
La loi de 1997 créant la prestation spécifique dépendance a constitué une
première étape importante dans la satisfaction des besoins des personnes âgées.
Cette loi visait à répondre aux besoins des personnes âgées dépendantes en
axant cette nouvelle prestation sur les plus dépendants et les plus démunis. Il
s'agissait d'une première étape dont nous admettons tous qu'elle comportait
certaines insuffisances ; mais c'était un progrès, et il était clairement posé
que ce dispositif était transitoire, dans l'attente d'une amélioration de la
situation économique et financière de la France.
La PSD était, certes, une étape perfectible, mais elle était surtout une étape
essentielle dans la prise en charge des personnes âgées dépendantes. En effet,
grâce à elle, et pour la première fois dans notre histoire, était créé un
dispositif spécialement adapté à la prise en charge de la dépendance. On
apportait ainsi une première réponse aux familles en plein désarroi.
Par ailleurs, je constate que le bilan quantitatif de la PSD est encourageant
puisque le nombre des bénéficiaires est en croissance continue.
A la fin de l'année 2000, 140 000 personnes âgées de plus de soixante ans
percevaient la PSD. Au total, depuis la création de cette prestation, 300 000
demandes ont reçu une réponse favorable des conseils généraux. Par ailleurs, 75
% des conseils généraux versent une prestation comprise entre 3 000 et 4 500
francs.
Aujourd'hui, le Gouvernement soumet à notre examen un projet de loi relatif à
la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à
l'allocation personnalisée d'autonomie.
En préambule, le Gouvernement rappelle à la nation, comme pour mieux s'en
convaincre lui-même, que la PSD, mise en place par un gouvernement de droite,
est inadaptée et sans effectivité pour une véritable prise en charge de
l'autonomie des personnes âgées.
Madame la ministre, lors de l'examen de votre projet de loi par l'Assemblée
nationale, vous avez déclaré que, en améliorant considérablement la vie
quotidienne des personnes âgées, ce texte constituera une avancée majeure et
une vraie rupture par rapport à ce qui existe aujourd'hui.
Alors, comment pouvez-vous expliquer que le dispositif de l'allocation
personnalisée d'autonomie soit
grosso modo
identique à celui qui avait
été retenu pour la PSD ? En effet, comme la PSD, l'allocation personnalisée
d'autonomie est une prestation en nature versée par les départements. Comme
pour la PSD, le montant de l'allocation personnalisée d'autonomie versée à
domicile est fonction des besoins de la personne tels que définis dans un plan
d'aide, ce dernier demeurant établi par l'équipe médico-sociale du
département.
En fait, le dispositif de l'APA n'innove que sur deux points.
Tout d'abord, ce dispositif devrait être uniforme puisqu'il est fondé sur un
barème national. Or il me semble délicat, voire impossible, de donner à cette
prestation un caractère totalement égalitaire. En effet, le plan d'aide retenu
variera nécessairement en fonction à la fois des équipes médico-sociales de
chaque département, des établissements et des degrés d'autonomie.
Aussi, une nouvelle fois, le Gouvernement avance des concepts généreux qui
donneront lieu à des réveils douloureux. Pour s'en convaincre, il suffit de se
remémorer nos débats sur la couverture maladie universelle. Mme Martine Aubry
nous annonçait la disparition de l'exclusion en France. Deux ans plus tard,
qu'en est-il ? Tous les maires savent que l'exclusion s'est considérablement
aggravée dans chaque commune. De plus, avec l'application de la CMU, certaines
personnes défavorisées ont vu leurs ressources décroître. Ainsi, les personnes
qui perçoivent l'allocation aux adultes handicapés ne peuvent plus bénéficier
de l'aide médicale gratuite puisque leurs ressources sont légèrement
supérieures au plafond fixé par la CMU, soit 3 500 francs.
L'autre innovation de l'APA consiste à retenir les personnes classées en GIR
4. Ainsi, l'APA peut être considérée comme plus généreuse que la PSD. Mais
encore faudrait-il que l'APA s'accompagne d'un financement spécifique, sûr et
pérenne. Or tel n'est pas le cas.
Je ne reviendrai pas sur la question du financement de l'APA, qui a largement
été évoquée par nos collègues Alain Vasselle et Louis de Broissia. Je remarque
seulement, d'une part, que l'Etat est absent dans le financement de l'APA et,
d'autre part, que l'APA n'est plus financée dès 2003, selon les chiffres
affichés par le Gouvernement.
Enfin, à la lecture de ce projet de loi, je m'interroge sur deux autres
points.
Quelle place l'APA fait-elle aux centres locaux d'information et de
coordination gérontologique ?
Depuis le début de l'année, j'ai créé dans ma commune de Brive-la-Gaillarde un
tel centre pour améliorer l'aide aux personnes en perte d'autonomie. Cette
structure constitue le lieu unique regroupant les services de maintien à
domicile. Aussi, il me paraît étonnant que ces structures ne soient pas
associées, dans ce projet de loi, à la prise en charge de l'autonomie des
personnes âgées, alors que la logique voudrait qu'elles soient pleinement
intégrées à ce dispositif.
De même, je note que l'augmentation du nombre des bénéficiaires potentiels de
la nouvelle allocation ne s'accompagnera pas d'un soutien des associations
d'aide à domicile.
Comme vous le savez tous, mes chers collègues, les associations d'aide à
domicile jouent un rôle capital dans la prise en charge des personnes âgées
dépendantes. Or, depuis quelques années, elles traversent une période très
difficile. Le Gouvernement a augmenté leurs charges financières, d'une part, en
supprimant l'exonération de charges sociales dont elles bénéficiaient pour
l'emploi de personnes à contrat à durée déterminée et, d'autre part, en ne
finançant pas le passage aux 35 heures dans ces structures, comme c'est
d'ailleurs le cas dans l'ensemble des collectivités locales.
Or, comme vous le savez, les tarifs des associations d'aide à domicile sont
fixés conventionnellement. Ces associations n'ont donc aucune marge de
manoeuvre pour assurer leur équilibre financier. Et, aujourd'hui, le
Gouvernement va augmenter les bénéficiaires potentiels de la nouvelle
allocation, alors que ces associations sont incapables - et j'insiste sur ce
mot - de répondre à la demande d'aide en forte hausse.
Par ailleurs, le développement du maintien à domicile dans toutes ses
composantes - habitat, santé, social - de manière à aller vers une
hospitalisation à domicile constitue, à mes yeux, un élément capital.
L'hospitalisation à domicile, d'une part, permettrait d'améliorer la qualité
de la vie des personnes âgées, la cohésion sociale au sein de la cellule
familiale, et, d'autre part, serait moins coûteuse pour les finances sociales
que l'hospitalisation dans un établissement public ou privé : je n'en veux pour
preuve que le coût d'un lit d'hôpital qui, en moyenne, s'élève à 2 500 francs
par jour, alors que le coût d'un lit à domicile est, en moyenne, de 1 000
francs par jour.
Aussi, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, il me paraît urgent
que le Gouvernement réexamine sa politique envers les associations d'aide à
domicile.
Nous avons tous conscience de l'importance majeure de ce débat car il y va du
bonheur et de la dignité de nos vieux parents, que nous chérissons. Mais c'est
aussi l'honneur d'une démocratie d'assurer à cette population, à qui nous
devons tout, une fin de vie qui soit citoyenne.
Madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, il existe un certain
consensus sur les principes qui gouvernent l'allocation personnalisée
d'autonomie puisque, sous couvert d'une révolution sociale, vous reprenez un
dispositif quasi similaire à celui de la PSD. Vous ne faites qu'élargir le
nombre des bénéficiaires, conformément à ce dont nous étions tous convenus lors
de l'adoption de la loi de 1997 ; mais nous vous en donnons acte.
C'est pourquoi je voterai le texte tel que modifié par la commission des
affaires sociales.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert.
Monsieur le président, madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, dans notre pays, comme dans toute l'Europe, l'espérance de vie
ne cesse de croître, et c'est une chance dont nous sommes tous heureux : les
générations passées n'ont pas eu le bonheur de pouvoir vivre aussi longtemps
que vivent les générations actuelles et que vivront, j'espère, les générations
futures.
Mais nous savons aussi que ce bouleversement de la pyramide des âges
s'accompagne de véritables défis à relever.
L'un d'eux, particulièrement aigu, est le financement de nos retraites. La
solution préconisée est celle de la mise en place d'un fonds de réserve des
retraites financé, notamment, par les excédents du fonds de solidarité
vieillesse. Je ne reprendrai pas le débat. Je note simplement que le fait de
vider ce fonds de 50 milliards de francs en trois ans aboutit à le rendre
quasiment moribond. Le débat est donc repoussé, et ce sont les générations
futures qui auront à trouver des solutions.
Un autre défi est celui du bien-être et de la dignité des personnes âgées
dépendantes. Je me réjouis, madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat,
que le Gouvernement ait inscrit à l'ordre du jour du Parlement le chantier de
l'allocation personnalisée d'autonomie afin de mieux répondre aux attentes
légitimes des personnes âgées et de leur famille.
Je ne reprendrai pas tous les arguments qui ont déjà été excellemment
développés par les orateurs précédents, notamment par M. le rapporteur et M. le
rapporteur pour avis. Je limiterai donc mon intervention à trois
observations.
Tout d'abord, je voudrais rappeler que la prestation spécifique dépendance,
souvent vilipendée, voit ses principes fondamentaux reconduits dans la nouvelle
allocation. Il s'agit à nouveau d'une prestation en nature versée aux personnes
hébergées en établissements ou maintenues à domicile et qui tient compte à la
fois des ressources et du degré de dépendance des personnes âgées.
Fallait-il, à partir de là, critiquer cette mesure, comme cela a été fait,
parce qu'elle ne prévoit pas le versement de cette prestation à tous ceux qui
auraient souhaité la percevoir ? L'objectif est-il de dépenser à tout prix le
maximum ? Je n'en suis pas sûr !
A mon avis, l'objectif doit rester le versement de cette prestation à ceux qui
en ont véritablement besoin. S'il en faut 600 000 ou 800 000, ce sera 600 000
ou 800 000 ! Mais on peut se demander si l'on n'est pas allé parfois un peut
vite en besogne.
Néanmoins, le passage de la PSD à l'APA permettrait d'apporter des
améliorations ainsi, le versement de l'allocation pour des handicaps légers
constituerait, pour de nombreuses familles, un progrès substantiel.
De la même façon, le maintien de la prestation malgré des niveaux de
ressources plus élevés marque une avancée. La suppression de la barrière
psychologique de la récupération sur succession permettra à de nouveaux
bénéficiaires de formuler des demandes sans arrière-pensées. Enfin, une autre
amélioration a trait à la formation des intervenants à domicile.
Toutes ces mesures devraient se traduire par une augmentation substantielle du
nombre des bénéficiaires, qui passerait de 135 000 à 800 000. Chacun d'entre
nous aura établi les ratios qui s'imposent pour son département, car - et c'est
là que le bât blesse - il existe des conséquences financières qui,
malheureusement, ne laissent pas de vous étonner.
En effet, si je reprends ce qui a déjà été dit, je constate que, dès 2002, et
sans parler de la suite, les conseils généraux seront amenés à contribuer à
hauteur de plus de 5 milliards de francs sur fonds propres, sans compensation
de l'Etat. Or nous savons tous combien les marges fiscales des départements ont
été rognées, ces dernières années, par des mesures gouvernementales
successives. L'inscription presque d'office de ces dépenses nouvelles met les
conseils généraux en état de dépendance aggravée.
Si l'uniformisation des allocations est établie, au plan national, pour
répondre à un souci d'universalité, si les principes sont arrêtés par l'Etat,
si l'attribution se fait de façon quasiment automatique, on peut se demander
dans quelle mesure les conseils généraux ne sont pas assimilés à des services
déconcentrés de l'Etat. Il s'agit là d'une démarche bien peu respectueuse de
l'esprit de la décentralisation, où l'Etat finance sa promotion avec les moyens
des collectivités.
Sans doute me dira-t-on que j'exagère. Si peu ! Je prendrai un exemple pour
illustrer mon propos : le 18 mai prochain, Mme Guinchard-Kunstler, secrétaire
d'Etat, dirigera à Strasbourg une réunion sur le bilan de la PSD et sur les
perspectives de l'APA dans le Bas-Rhin. Vu le rôle que le département est amené
à jouer - c'était du moins ce que j'avais cru comprendre - on aurait pu
imaginer que cette manifestation serait, pour le moins, organisée de façon
conjointe. Mais non, le président du conseil général, qui est pourtant,
semble-t-il, un acteur essentiel, a été informé de cette initiative de manière
tardive et annexe !
Cette façon de procéder est tout à fait révélatrice de l'état d'esprit qui
prévaut aujourd'hui au sein du Gouvernement, en dépit de toutes les assurances
qui nous sont données aujourd'hui.
Je conclurai mon propos en évoquant l'approche globale.
A cet égard, on a beaucoup parlé du cinquième risque : nous le savons tous, le
problème du veillissement de la population, avec ses nombreux corollaires, ne
pourra être résolu par le biais de solutions timides ou partisanes. Il est donc
nécessaire d'opérer une véritable mutation, un changement d'état d'esprit quant
à la prise en considération de la personne âgée dans la cité.
Ainsi, l'urbanisme, l'architecture, l'organisation de la vie culturelle,
sportive, économique et sociale sont à repenser l'implantation des immeubles,
leur agencement, la conception des logements, la réalisation de la voirie,
l'organisation des transports en commun, le rôle et le fonctionnement des
associations doivent tenir compte de la personne âgée dépendante.
Je crois qu'il est absolument nécessaire de placer la personne âgée au coeur
de nos préoccupations et d'organiser la cité en fonction de ses besoins, et non
pas en fonction de nos priorités actuelles.
Comme vous le voyez, nous sommes encore loin de cette approche globale,
pourtant souvent déjà retenue à l'étranger.
Pour l'heure, j'espère que nos débats permettront de corriger les dispositifs
viciés prévus par le texte que le Gouvernement nous soumet, et que celui-ci
aura à coeur de tenir compte de nos propositions lors de l'ultime lecture à
l'Assemblée nationale.
C'est avec cet espoir, madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat, que
nous examinerons les amendements déposés par les commissions des affaires
sociales et des finances.
(Applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Cazeau.
M. Bernard Cazeau.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, le texte relatif à l'allocation personnalisée d'autonomie dont
nous débattons aujourd'hui nous a été présenté comme la quatrième grande loi
sociale de cette législature.
En effet, il permettra d'instaurer, à compter du 1er janvier 2002,
l'allocation personnalisée d'autonomie pour quelque 800 000 personnes
actuellement âgées de plus de soixante ans, moyennement ou très dépendantes.
Ce texte, nous le savons, remplacera la loi du 24 janvier 1997, qui a créé la
prestation spécifique dépendance. Mise en oeuvre par le précédent gouvernement,
celle-ci est très rapidement devenue la cible de l'ensemble des associations
représentatives des personnes âgées du fait de ses insuffisances, dont deux au
moins nous paraissent d'importance : la première tient à la prise en compte
d'une partie seulement de la dépendance, avec, de plus, un frein efficace,
celui de la fixation des recours, notamment sur succession, à un niveau plutôt
bas, puisqu'il était question de 300 000 francs, la seconde consiste en
l'inégalité de la prise en charge financière selon les départements.
Tout cela montre que des intentions louables ne font pas la qualité d'une loi
et que, en l'occurrence, un texte plutôt improvisé a eu des répercussions
fâcheuses sur la volonté de l'ensemble des conseils généraux d'assumer
convenablement leur principale compétence, à savoir la compétence sociale.
Le projet de loi que nous discutons aujourd'hui a pour vocation de dépasser
les limites du système antérieur prenant en compte la dépendance forte et
moyenne, il prévoit de créer un droit objectif, fonction de la perte
d'autonomie, un droit universel, avec un barème unique pour l'ensemble du
territoire, et un droit personnalisé, fondé sur un plan d'aide. Il s'agit là,
comme vous l'avez rappelé, madame la ministre, d'« une intervention publique
d'une autre échelle et d'une autre nature ».
Je voudrais, dans un premier temps, relever, pour m'en réjouir, deux éléments
fondamentaux constitutifs du projet de loi.
En premier lieu, les moyens mis à la disposition des personnes dépendantes
permettront une véritable politique de maintien à domicile, condition
essentielle, nous le savons, de la bonne évolution physique et psychique de ces
personnes. J'ajouterai que l'effort consenti en 2001 par le Gouvernement, et
qu'il faudra poursuivre, dans le cadre des services de soins infirmiers à
domicile, est un complément indispensable tant au bien-être des personnes qu'à
la maîtrise des coûts sociaux.
Cette politique de maintien à domicile se doublera par ailleurs, au sein des
établissements, d'une véritable politique de prise en charge de la dépendance,
et ce pour au moins une raison : son individualisation au travers de la
tarification rendra la dépendance beaucoup plus « lisible » et incitera, je
l'espère, un certain nombre de responsables d'établissement à la prendre
réellement en compte.
En second lieu, je me félicite du choix du département comme acteur principal
de la gestion. En effet, c'est à cet échelon que s'expriment le mieux
l'expérience et la compétence sociale, ainsi que la notion de proximité, qui
permet de connaître les besoins et de coordonner les actions avec les
principaux partenaires.
J'en viens maintenant à la seconde partie de mon propos, relative au plan de
financement.
Ce dernier, qui représente une somme totale de 16,5 milliards de francs, se
partage entre la participation des départements, celle d'un fonds national
redistribuant les recettes de la CSG et celle des caisses, au travers - cela
est important et avait souvent été demandé - d'un système de péréquation
départementale.
En ce qui concerne la part de financement assumée par les départements, elle
est estimée à 11 milliards de francs, selon un calcul additionnant le coût
actuel de la PSD, un effort supplémentaire de 2,5 milliards de francs et des
économies réalisées tant sur la PSD que grâce à la future tarification.
Les deux premiers termes de cette addition ne soulèvent pas de discussion sur
le plan des principes, puisque, la volonté des départements étant de gérer
l'allocation, ceux-ci se sont engagés non seulement à reconduire les dépenses
liées à la PSD, mais aussi à fournir un effort supplémentaire à hauteur de 2,5
milliards de francs. A cet égard, je regrette que M. Michel Mercier ait quitté
l'hémicycle, car j'aurais pu lui rappeler la visite que nous avons rendue à Mme
la ministre en compagnie de M. Puech, au cours de laquelle nous nous sommes
engagés, en contrepartie, bien sûr, de la gestion départementale, à consentir
l'effort précité.
M. Henri de Raincourt.
Très bien !
M. Bernard Cazeau.
S'agissant des économies faites depuis 1997 sur la PSD, elles sont, il est
vrai, madame la ministre, très variables suivant les départements, et ce
système avantagera ceux qui n'ont pas toujours véritablement joué le jeu.
Par ailleurs, les économies liées à la mise en oeuvre de la nouvelle
tarification me paraissent très prospectives et mériteront d'être vérifiées, le
moment venu, en vue d'un éventuel rééquilibrage, peut-être lorsque le bilan
sera établi, en 2003.
En ce qui concerne le financement par le biais de la CSG, je voudrais faire
part de notre accord à la fois sur le principe de la création d'un fonds et sur
celui du recours à une recette de solidarité nationale telle que la CSG.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Oui !
M. Bernard Cazeau.
S'agissant du choix de la CSG, il nous semble tout à fait normal que
l'équilibre du financement de l'APA corresponde à une logique de solidarité
nationale. En effet, cette nouvelle allocation nous paraît devoit être
considérée comme une véritable allocation sociale.
Contrairement à M. le rapporteur, je ne trouve pas non plus extraordinaire que
nous fassions dès aujourd'hui un « clin d'oeil » au cinquième risque, pour
reprendre votre propre expression, monsieur Vasselle, principe d'ailleurs
retenu de manière presque unanime par les associations. En effet, l'évolution
de la dépendance, telle qu'on peut l'envisager aujourd'hui, deviendra tellement
exponentielle au fil des années que le mode de financement devra non seulement
être revu, mais aussi obligatoirement faire appel, à un moment ou à un autre, à
un véritable effort de solidarité nationale, tel qu'il peut être défini, par
exemple, dans l'optique d'un cinquième risque.
Sur le plan du financement départemental, cette méthode me paraît beaucoup
plus lisible et beaucoup plus rassurante qu'une dotation globale de
fonctionnement à l'évolution hypothétique, dont le calcul n'a rien à voir avec
l'évolution de la dépendance.
Enfin, pourquoi ne pas instaurer un fonds de redistribution, dès lors que la
péréquation voulue par les départements et acceptée par le Gouvernement
nécessite un calcul très transparent à partir d'une recette bien individualisée
?
Telles sont, monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire
d'Etat, mes chers collègues, les quelques réflexions que je souhaitais formuler
dans un premier temps.
Il est certain que la dépendance est devenue aujourd'hui un sujet de société,
et son financement une question qui ne sera pas résolue d'un seul coup de
baguette ou de loi magique, qui imposera des remises en chantier au fur et à
mesure de l'accroissement du nombre de personnes dépendantes auquel la société
d'aujourd'hui, et plus encore celle de demain, auront à faire face.
Un seul exemple tiré d'une simulation effectuée dans le département de la
Dordogne montre que, entre 2000 et 2010, le nombre des personnes âgées de
soixante-quinze ans et plus passera d'un peu plus de 35 000 à un peu plus de 58
000, soit 66 % d'augmentation.
De telles perspectives doivent rendre modeste le législateur le plus
perspicace et amener à considérer que, si le projet de loi qui nous est proposé
constitue un très important progrès pour la prise en charge sociale de cette
catégorie de Français, il ne nous exonère pas de réfléchir dès maintenant à
l'avenir.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Eckenspieller.
M. Daniel Eckenspieller.
Monsieur le président, madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, 12 millions de nos concitoyens sont aujourd'hui âgés de
soixante à soixante-quinze ans, et ils sont 4,2 millions à dépasser l'âge de
soixante-quinze ans.
En une vingtaine d'années, l'espérance de vie s'est accrue en France de plus
de trois ans, et la moitié des fillettes qui naissent actuellement devraient,
si l'on en croit les prévisions démographiques, devenir centenaires.
Parallèlement à ce constat, il convient de se réjouir du fait que l'âge moyen
auquel surviennent des ennuis véritablement invalidants a considérablement
reculé.
Cette très importante population âgée attend, sur le plan tant collectif
qu'individuel, que notre société lui accorde un regard plus bienveillant.
Elle entend, notamment, que son utilité non seulement sociale mais aussi
économique soit mieux reconnue.
Elle revendique également, et trop souvent en vain, une plus juste
représentativité au sein des instances qui débattent et décident de son sort,
et même, bien au-delà, au sein de celles où sont traités les problèmes de la
société dont elle continue de partager le destin.
En fait, elle refuse très légitimement que la mort biologique soit précédée
d'une longue et insidieuse mort sociale dans un monde où elle est souvent
blessée par le « jeunisme » trop agressif et arrogant que véhiculent les médias
et qui finit par dominer notre conscience collective.
Il est sans doute symptomatique de constater que 7,7 % seulement des médecins
généralistes déclarent appartenir à un réseau gérontologique, alors que les
personnes âgées constituent la très grande majorité de leur clientèle.
Par ailleurs, l'enseignement de la gériatrie n'est obligatoire que depuis
trois ans et il reste à faire, dans le domaine de la prévention du
vieillissement, un travail de recherche et de mise en oeuvre considérable.
La dépendance lourde croît rapidement avec l'âge. Les chiffres sont, à cet
égard, éloquents : 1,7 % des personnes âgées de soixante-cinq à soixante-neuf
ans sont confinées au lit ou en fauteuil et doivent être aidées pour la
toilette, l'habillage et la prise des repas. Elles sont 9 % à quatre-vingt ans,
20 % à quatre-vingt-cinq ans et 35 % à quatre-vingt-dix ans.
Il en résulte des conséquences très lourdes pour les familles, qui, en cette
aube du XXIe siècle, voient souvent coexister quatre, voire cinq générations,
mais sont, dans le même temps, marquées par des séparations, des ruptures, des
bouleversements imprévisibles.
Il se trouve en général, au pivot de cette organisation ou de cette
désorganisation familiale, une personne - presque toujours une femme - qui, le
regard tourné à la fois vers les plus jeunes et vers les plus âgés, prend sur
elle de gérer, au quotidien, les appels au secours des uns et des autres.
Cette tâche est d'autant plus épuisante, physiquement comme moralement,
qu'elle incombe souvent à une personne qui n'est plus très jeune elle-même et
que, de surcroît, ses décisions ne sont pas toujours bien acceptées par les
membres plus passifs de la famille, sur fond de tabous, de secrets et de
conflits latents.
Aussi, pour la souffrance des personnes âgées dépendantes autant que pour
celle de leurs proches, on ne peut qu'adhérer à l'ambition du projet de loi
dont nous débattons aujourd'hui, qui consiste à apporter, d'une manière
uniforme sur tout le territoire national, une aide personnalisée, en fonction
du degré de dépendance et du niveau des ressources, aussi bien aux personnes
âgées résidant à leur domicile qu'à celles qui sont hébergées dans des
établissements spécialisés.
Par-delà cet objectif annoncé, bien des interrogations et des inquiétudes me
paraissent cependant devoir être évoquées. Je retiendrai trois d'entre elles, à
savoir le financement, l'aide à domicile et l'aide en établissement.
La première interrogation tient au financement des dispositions proposées.
Beaucoup d'intervenants l'ont évoquée avant moi.
Autant la proportion initiale entre les trois sources de financement peut, à
la rigueur, paraître acceptable, autant son évolution dans la durée doit être
de nature à préoccuper les responsables départementaux.
En effet, aucune projection sérieuse ne permet aujourd'hui de mesurer la
charge qu'ils auront à assumer à ce titre, ne serait-ce qu'à l'horizon des cinq
années à venir.
Il m'eût semblé beaucoup plus équitable que le projet de loi pérennise la
participation de l'Etat dans la proportion qui est la sienne au moment de la
mise en oeuvre de la loi, soit à hauteur d'un tiers environ.
Les départements verront donc croître, après d'autres lignes budgétaires,
cette charge incontournable, sans que des concours extérieurs viennent
accompagner cet effort.
Comment ne pas souligner ici qu'il s'agit malheureusement d'une stratégie
constante de ce gouvernement, qui, dans de nombreux domaines, signe des traites
sur l'avenir, sans se préoccuper avec suffisamment de rigueur de la manière
dont elles seront honorées ?
J'en reviens à l'allocation personnalisée d'autonomie proprement dite pour
évoquer le maintien à domicile.
Aujourd'hui 80 % des personnes âgées vivent à domicile, et il faut s'en
réjouir, tant que l'environnement humain et matériel le permet dans des
conditions convenables.
L'environnement humain est d'abord celui de la famille. Deux tiers des
personnes âgées vivent seules ; la plupart d'entre elles sont des veuves. Ces
personnes ont, certes, besoin d'aide pour les gestes de la vie quotidienne,
mais elles ont aussi, et surtout peut-être, besoin d'un contact humain et
chaleureux, besoin de parler, d'écouter de sentir des présences autour
d'elles.
Plus on facilitera la prise en charge des soins aux familles, plus celles-ci
pourront se consacrer au côté relationnel et affectif de la prise en charge de
leurs parents.
Cependant, pour celles et ceux qui remplissent pleinement cette obligation, la
tâche est très lourde et souvent difficile à assumer sur le plan psychologique.
Dans des cas extrêmes, cette difficulté peut conduire à la maltraitance ou au
suicide.
Aussi faut-il faire en sorte que soient utilisées pleinement les possibilités
qu'offrent l'accueil de jour ou le séjour temporaire dans un établissement
spécialisé, services qui permettent à la famille de « souffler » et qui, dans
bien des cas, constituent une préparation utile dans la perspective d'un
placement ultérieur.
Il y aurait également toute une réflexion à mener sur le rôle des
foyers-résidences, qui pemettent à la famille de se contenter d'une présence
plus intermittente.
Mais ce qui apparaît essentiel pour que le maintien à domicile soit assuré
dans les meilleurs conditions, c'est que le dispositif puisse s'appuyer sur des
équipes d'intervenants très professionnels.
Aujourd'hui, les services d'aide à domicile appellent au secours parce que les
moyens leur sont trop chichement comptés, et leurs personnels se plaignent à
juste titre d'une absence de véritable reconnaissance de leur statut, de
rémunérations insuffisantes et aléatoires, d'une formation pratiquement
inexistante.
Il y aura là un énorme effort à faire pour que l'allocation personnalisée
d'autonomie puisse produire tous les effets attendus.
L'intervention des services ne devra pas se limiter au financement d'heures de
ménage et de cuisine. Il faudra qu'ils sachent faire du « sur-mesure » avec des
professionnels de qualité, financer des déplacements, animer des groupes de
parole, de culture, de musicothérapie, de gymnastique d'entretien, de soutien
psychologique.
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
Très bien !
M. Daniel Eckenspieller.
Reste le problème des personnes hébergées en maison de retraite. C'est là que
se trouvent concentrés les cas les plus lourds, sur le plan tant de la
dépendance physique que de la détérioration intellectuelle.
Le placement en établissement est toujours terriblement traumatisant, pour la
famille, qui culpabilise, alors qu'elle vient d'achever d'interminables et
usantes démarches pour trouver une place d'accueil, et pour la personne âgée
elle-même, qui a perdu tous ses repères.
Presque toutes les maisons de retraite ont une très longue liste d'attente,
mais, quatre fois sur cinq, ce n'est pas cette liste d'attente qui alimente les
admissions : des situations d'urgence, souvent imprévisibles quinze jours plus
tôt - une hospitalisation à la suite d'une chute, d'un accident vasculaire,
d'une intervention chirurgicale - font que le retour au domicile n'est plus
envisageable. L'hôpital devant libérer le lit pour un autre patient, les
maisons de retraite se retrouvent avec un personnel notoirement insuffisant
pour assurer ce qui relève de la partie « soins ».
Par un glissement insidieux, ce sont les moyens consacrés à l'hébergement qui
viennent pallier cette insuffisance...
M. Charles Revet.
C'est exact ! C'est tout à fait anormal !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Eh oui !
M. Daniel Eckenspieller.
... et ce sont, à leur tour, les moyens des services qui se trouvent
dépouillés, avec les conséquences inévitables que cela entraîne sur le
fonctionnement général.
La situation est aujourd'hui véritablement dramatique, et personne ne comprend
pourquoi le décret relatif à la tarification, attendu depuis trois ans, n'a été
publié que la semaine dernière, décret d'ailleurs d'une complexité
redoutable.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Eh oui !
M. Daniel Eckenspieller.
Quant au plan de médicalisation et aux moyens financiers qui y seront
consacrés, nous restons dans un flou préoccupant.
M. Charles Revet.
Comme d'habitude !
(Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Daniel Eckenspieller.
Le stress du personnel est considérable. La qualité du service en pâtit et,
surtout, la surcharge de travail ne permet plus d'assurer les gestes de soins,
la présence dans la chambre pour le ménage, un minimum d'écoute et d'échange,
sans même parler de la sécurité, qui ne peut pas toujours être garantie dans
les conditions requises.
Quand quatre ou cinq personnes doivent, en trois heures, lever, laver,
habiller, conduire à la salle à manger une soixantaine de personnes âgées
infirmes ou gravement perturbées, le seuil de l'inacceptable est atteint.
Il n'est pas rare que des personnes hospitalisées le matin soient renvoyées à
la maison de retraite dans la journée.
Quant à l'accompagnement des mourants, il reste, lui aussi, insuffisant, faute
de temps.
Il est plus qu'urgent que soient mises en oeuvre des mesures qui donnent aux
personnels soignants les moyens de faire leur travail dans des conditions tout
à la fois acceptables pour les résidents et supportables pour eux-mêmes.
Restera la difficulté de recruter des infirmières, alors que nous sommes
actuellement contraints d'aller les chercher en Espagne ou ailleurs. Restera
aussi, véritable épée de Damoclès pour les établissements, l'imminente mise en
oeuvre de la réduction à trente-cinq heures du temps de travail !
La disposition proposée et adoptée par l'Assemblée nationale selon laquelle, à
titre expérimental, dans une quinzaine de départements, l'allocation
personnalisée d'autonomie peut être globalisée me paraît sage et devra, sans
nul doute, être généralisée à brève échéance.
Elle évitera les distorsions de prix au sein d'un même établissement,
instituera une solidarité interne et évitera la conséquence désastreuse d'un
changement de prix qui traduirait, d'une manière indécente vis-à-vis de la
personne concernée et de la famille, l'aggravation de sa dépendance.
Par ailleurs, si l'attribution de l'allocation fait bien l'objet d'une
révision périodique, il est des cas très nombreux où l'évolution de la
dépendance n'est pas linéaire, où il se produit des ruptures brutales faisant
passer, d'une heure à l'autre, un patient de l'échelle 4 ou 5 de la grille
AGGIR à l'échelle 1 ou 2.
La réactivité de l'administration ne pourra pas être suffisante pour prendre
en compte ces situations.
C'est pourquoi la mutualisation, au sein d'un même établissement, d'un niveau
moyen de dépendance, régulièrement réévalué, paraît aller tout à la fois dans
le sens d'une plus grande simplicité et d'une meilleure efficacité.
J'ai voulu insister sur les conséquences très graves qu'entraîne aujourd'hui
le retard apporté à la mise en place de la nouvelle tarification de la prise en
charge des soins en établissement. Cette situation exaspère, à juste titre, les
responsables, le personnel, les familles dont un parent vit là ses dernières
années.
Il me paraît indispensable, madame le sécrétaire d'Etat, que vous nous donniez
des indications quant aux modalités concrètes et au calendrier de mise en
oeuvre du décret relatif à la tarification et, surtout, sur le plan de
médicalisation que vous avez évoqué en présentant le projet de loi devant notre
assemblée.
Votre réponse est attendue avec énormément d'intérêt par toutes celles et tous
ceux dont la tâche quotidienne consiste à apporter aux plus vulnérables d'entre
nos aînés non seulement des soins mais encore le réconfort d'une présence
chaleureuse.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
jusqu'en 1997, il n'existait pas de prestation spécifique à destination des
personnes âgées dépendantes.
Pour faire face aux problèmes inhérents à la dépendance, M. Jacques Barrot,
alors ministre du travail et des affaires sociales, avait fait voter, le 24
janvier 1997, une loi instaurant une prestation spécifique dépendance.
Cette loi n'a pu être qu'une première étape à la prise en charge des personnes
âgées dépendantes. Il était nécessaire d'améliorer ce texte.
Il est évident que tous les acteurs de la prestation spécifique dépendance, y
compris les services qui sont chargés de la gestion, seront satisfaits qu'elle
soit remplacée par une nouvelle prestation.
Toutefois, tout en reconnaissant les avancées que représentent certaines
dispositions du projet de loi - je pense à la suppression du recours sur
succession - de nombreuses améliorations restent à apporter, notamment en
matière de financement.
Comme pour la PSD, il est nécessaire de distinguer les deux volets distincts
de la future prestation selon qu'elle sera versée à une personne âgée restée à
domicile ou à une personne séjournant dans un établissement. Les montants et
les enjeux ne sont pas de même ordre.
L'APA à domicile répond à l'objectif, admis par tous, de favoriser au maximum
le maintien à domicile. L'APA en établissement, en revanche, a pour but de
solvabiliser les résidents au regard du tarif afférent à la dépendance,
résultant, dans chaque établissement, de l'application prochaine de la nouvelle
tarification ternaire fondée sur les soins, l'hébergement et le degré de
dépendance.
Si le maintien à domicile est un choix logique et légitime des personnes
âgées, il doit, à ce titre, bénéficier de moyens suffisants. Les établissements
d'hébergement ne doivent pas être pénalisés, car leur rôle est essentiel
lorsque le niveau pathologique et l'état de dépendance de la personne âgée
nécessitent un environnement médicalisé.
En l'espèce, les moyens dont bénéficient les établissements d'accueil
apparaissent bien insuffisants.
La manière dont le projet de loi prévoit le versement de l'allocation
personnalisée d'autonomie dans les établissements suscite une autre inquiétude.
En effet, l'APA versée en établissement est affectée au paiement des tarifs
dépendance de chaque résident, le montant étant calculé dans le cadre de la
réforme de la tarification en se fondant sur trois éléments.
Il est à cet égard regrettable que les décrets d'application de la réforme de
la tarification n'aient pas été transmis au moment de la discussion du texte en
commission cela aurait donné une plus grande transparence au débat.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Bien sûr !
M. Jean-Louis Lorrain.
En tout état de cause, la mesure figurant dans le projet de loi risque de
donner lieu à des disparités de traitement selon les structures d'accueil ou
les types de dépendance. Elle plonge, en outre, dans une situation d'insécurité
et d'angoisse le bénéficiaire potentiel, qui redoute une réévaluation de son
degré de dépendance, laquelle entraînerait une hausse du tarif applicable.
C'est la raison pour laquelle l'Assemblée nationale a approuvé, sur
proposition de nos collègues du groupe UDF, le principe d'une expérimentation :
dans plusieurs départements, une dotation globale sera versée aux
établissements sur la base d'une évaluation du niveau moyen des personnes
résidentes.
Au moment de la détermination de la nouvelle allocation, on pourra déjà
mesurer les effets de cette expérience et décider, à la lumière de ses
résultats, de sa généralisation.
Aux tarifications complexes, dites ternaires, je préfère une expérimentation,
qui posera le problème de la revalorisation substantielle du rôle de
l'assurance maladie. Nos établissements doivent en effet en finir avec les
forfaits « soins » squelettiques.
Un autre point du projet de loi aurait mérité d'être mieux traité. Je veux
parler du maintien du seuil de l'âge.
En effet, l'APA s'adresse uniquement aux personnes dépendantes âgées,
c'est-à-dire aux personnes âgées de plus de soixante ans ; or la dépendance
affecte également des personnes adultes plus jeunes, qu'elle résulte des suites
d'une maladie ou d'un accident.
La référence à l'âge introduit donc une différence artificielle et constitue
un seuil qu'il convient, à terme, de dépasser, en mettant en place une
allocation prenant en compte la dépendance en tant que telle, et non pas
seulement la dépendance des personnes âgées.
Ensuite, il faut regretter que le débat concernant la mise en place d'une
véritable prestation prise en charge par la sécurité sociale ne soit pas allé
plus loin. La dépendance est en effet un aléa de la vie et, compte tenu du
vieillissement inéluctable de la population, ce phénomène est appelé à
s'amplifier. Si l'on veut garantir des financements stables, il est donc
nécessaire de sortir d'une logique d'aide sociale.
Si l'examen, en première lecture, du projet de loi par l'Assemblée nationale a
permis d'améliorer le texte sur certains points, de nombreuses incertitudes
demeurent, notamment sur le financement de l'allocation.
Dans votre intervention liminaire, madame la secrétaire d'Etat, vous avez
exclu tout développement liant dépendance et retraite. Il nous paraît pourtant
indispensable d'attribuer des retraites suffisamment élevées et, dans le même
temps, de prendre en charge les coûts supplémentaires liés à la dépendance.
Appréhender les coûts, c'est véritablement la question. Il eût été nécessaire,
à cet égard, de distinguer la perte d'autonomie liée au vieillissement,
relevant de la solidarité familiale et de proximité, de la dépendance liée à
une pathologie lourde, donc médicalisée.
Il faut malheureusement dénoncer un financement aussi incertain que celui qui
a été mis en place pour les 35 heures. Il convient aussi de souligner le choix
du Gouvernement à propos du fonds de réserve des retraites, qui verra, une fois
de plus, ses maigres ressources encore restreintes.
Cette absence de moyens ne pourra qu'amplifier les difficultés que rencontrent
déjà les associations d'aide à domicile et leurs salariés en termes de
rémunération, de formation et de recrutement, au point de remettre en cause la
mise en oeuvre de l'allocation personnalisée à l'autonomie.
Je veux plaider aujourd'hui en faveur d'une politique de maintien à
domicile.
Les manifestations du 21 octobre 2000 ont montré le malaise d'une profession
encore insuffisamment reconnue et soutenue. Elles ont, en outre, mis en
évidence les incohérences d'une gestion partielle et d'un manque de vision
globale pour une réelle politique de maintien à domicile.
L'aide à domicile concerne une population fragilisée très importante : les
personnes âgées, les personnes atteintes de handicaps ou de maladies, les
personnes victimes de difficultés sociales parfois insurmontables.
Les enjeux de la refonte de la loi du 30 juin 1975 sont donc multiples.
Il s'agit, d'abord, de consolider le socle légal de l'aide à domicile,
notamment au niveau de son financement, et de définir un statut professionnel
des intervenants.
Plus encore, il s'agit de permettre à des millions de personnes de faire un
choix de vie, celui du maintien à domicile. Ce dernier passe par la
reconnaissance d'un droit à des prestations d'aide à domicile ouvert aux
familles et aux personnes souffrant d'incapacités.
L'évaluation individualisée de leur situation devrait permettre le respect de
leur choix de vie.
Quelque 120 000 salariés travaillent dans le secteur de l'aide à domicile. Ces
salariés, des femmes en majorité, sont dans une situation de précarité
alarmante : 60 % ne touchent que le SMIC.
Par ailleurs, leur statut n'a aucune assise juridique. C'est la raison pour
laquelle, madame la secrétaire d'Etat, je plaiderai pour que la loi sur les
institutions sociales et médico-sociales, que nous devrons examiner avant
l'été, soit inscrite le plus rapidement possible à l'ordre du jour de notre
Haute Assemblée.
Les difficultés rencontrées par l'aide à domicile concernent l'avenir de notre
société. En effet, devant le vieillissement accéléré et l'augmentation
significative du nombre des personnes âgées, une politique active de maintien à
domicile doit se développer. Cela doit rester l'objet prioritaire du projet de
loi qui nous est présenté aujourd'hui.
Par ailleurs, je me permettrai de rappeler ce qui a déjà été dit par certains
de mes collègues, à savoir qu'il faut tenter de limiter le maintien à domicile
s'agissant des contrats de gré à gré. Ceux-ci peuvent poser des problèmes quant
à la qualification et au professionnalisme de la personne, qui, souvent, fait
partie de l'entourage familial de la personne âgée.
Il est donc urgent, madame la secrétaire d'Etat, d'assurer un socle légal
solide à l'aide à domicile et de promouvoir ce choix de vie, qui représentera
l'une des réponses essentielles aux questions soulevées par le déclin
démographique et par le vieillissement croissant de la population.
Le développement massif de l'aide à domicile représente une étape,
fondamentale dans l'évolution de notre société, qu'il nous appartient de
franchir en respectant au mieux les intérêts des populations concernées, tout
en connaissant ses limites.
(Applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous
venons d'entendre beaucoup de propos très justes et très intéressants sur la
dépendance des personnes âgées.
Les chiffres qui expriment le vieillissement de notre population sont
éloquents. Ils devraient être enthousiasmants. Pourtant, ils traduisent
l'ampleur d'un problème que nous devons poser d'un point de vue sociétal et
auquel nous devons apporter des solutions en termes éthiques.
Quant à la réalité humaine, elle est connue de tous : chacune et chacun a été,
est ou sera confronté sinon à la dépendance d'une personne proche, du moins à
sa propre crainte de vivre totalement exclu du monde, en raison des
conséquences de sa propre vieillesse et du regard stigmatisant que la société
portera sur lui.
Souvent, les orateurs emploient les mêmes mots pour parler de la souffrance et
de l'humiliation de ces personnes âgées, qui, comme chaque être humain, ont
droit à la dignité et au respect.
La prise en charge de la dépendance se présente donc comme un véritable défi
de société.
Le texte sur la PSD que nous avions discuté il y a quatre ans avait le mérite
d'exprimer la conscience d'un devoir. En fait, il n'allait pas plus loin. Il ne
marquait pas une profonde rupture qualitative et quantitative par rapport aux
dispositifs déjà en vigueur. Avec mes collègues du groupe socialiste, nous
avions avancé des raisons pour ne pas le voter. Aujourd'hui, nous constatons
que nous étions malheureusement dans le vrai.
En revanche, j'ai confiance dans le texte actuel instituant l'APA. Je lui
reconnais, en particulier, une immense qualité, celle de répondre à ce « devoir
d'humanité » que vous avez défini, madame la secrétaire d'Etat, avec beaucoup
de tact, traduisant ainsi l'éthique qui vous anime pour traiter le problème.
L'enjeu est clair : le nombre de personnes âgées va augmenter et la société
doit relever le défi de la prise en charge du vieillissement de la population.
L'évolution de notre civilisation fait que de plus en plus de personnes se
trouvent isolées, aussi bien en ville qu'en zone rurale.
Nous ne pouvons pas laisser le fossé se creuser entre celles et ceux qui sont
entourés et les autres, qui ne le seraient pas. Il faut également faire en
sorte que la dégradation de l'état physique et mental d'une personne ne
détériore pas la relation qu'elle entretient avec ses proches.
Ici, la solidarité revêt un sens noble. Elle correspond, dans cette acception,
à notre choix de société. Il ne s'agit pas seulement d'aider des personnes à
vivre, mais d'oeuvrer pour qu'elles puissent être des citoyens à part entière,
donc capables d'échanger, d'enrichir l'histoire et de transmettre la
mémoire.
Si envisager de vivre longtemps est réconfortant, la perspective qu'une partie
très longue de l'existence risque d'être dégradante est quelque peu
angoissante.
Les personnes âgées, comme les jeunes enfants, sont une population dépendante.
Les enfants sont pris en charge sérieusement et les moyens nécessaires sont
mobilisés. Au nom de quoi les personnes âgées ne le seraient-elles pas ?
Personne, dans un monde civilisé, ne pourrait le justifier.
Mais des blocages existent. Il s'agit, d'abord, d'obstacles financiers.
Aujourd'hui, ils s'estompent cependant grâce à la reprise économique et au
retour à l'équilibre des comptes de la sécurité sociale.
Il s'agit, ensuite, de problèmes de choix entre différentes priorités.
Je crois toutefois que, ce soir, nous sommes en train de dépasser ces
blocages. Notre démarche en direction des personnes âgées passe d'une logique
d'aide et d'assistance à un véritable soutien personnalisé favorisant la
socialisation. Cette approche sous-tend toute l'action du Gouvernement en
direction des plus vulnérables et de ceux qui sont exposés à l'exclusion. Nous
retrouvons dans l'APA des points de convergence qui rejoignent cette
philosophie politique.
Notre objectif doit être en permanence de faire en sorte que l'usager, sa
liberté et sa dignité soient au centre des dispositifs que nous créons. Dès
lors que les moyens existent et sont dégagés dans le cadre des priorités, la
complexité des questions financières et de gestion doit être relativisée. Elle
n'est que la conséquence de l'ambition de résoudre de plus en plus de questions
sociales, tout en allant vers du « sur-mesure ».
Il ne s'agit pas pour moi d'opposer nécessité d'apporter une solution et prise
en compte de la contrainte financière dans la transparence. Bien au contraire,
je crois que l'une des conditions de la réussite de l'application de l'APA
réside dans la conscience que chaque acteur a d'être identifié à travers ses
propres responsabilités : cela vaut de l'Etat jusqu'à la personne âgée
elle-même, qui doit être consultée, en passant par son entourage familial ou
médico-social, par les responsables d'associations d'aide à domicile ou
d'établissement, par les conseils généraux et par les gestionnaires des caisses
de sécurité sociale.
Je crois que ce texte est une étape. J'apprécie la façon dont il concilie la
nécessaire clarté de la définition de la mission d'aide à l'autonomie des
personnes âgées et la possibilité d'engager un cheminement vers la création
d'un risque, avec la perspective d'en rediscuter en se fondant sur l'expérience
engagée.
S'il en est ainsi, c'est grâce à l'importance des moyens mis en oeuvre. Les
principaux défauts de la PSD découlaient de ce manque de ressources. Le
dispositif incitait en fait les départements à le détourner pour faire des
économies. Nous dénoncions alors l'évident sous-dimensionnement du conseil
général pour assumer correctement la prise en charge de ce risque sans apport
supplémentaire. Pourtant, certains départements ont fait l'impossible. Mais,
comme nous l'avions prévu, nous avons eu à déplorer une grande disparité entre
les départements et finalement, pour les usagers, des inégalités scandaleuses
de traitement d'un lieu à l'autre. Il s'agissait donc bien d'un dispositif
gravement inadapté.
Aujourd'hui, l'Etat entend mobiliser 5 milliards de francs sur la CSG. Il
concrétise ainsi son objectif de solidarité nationale sans pour autant mettre
en péril le FSV. La reprise est là. Les cotisations rentrent. C'est l'effet de
la croissance, de la politique volontariste de l'emploi conduite par le
Gouvernement qui connaît un incontestable succès. Notons ici que l'APA
permettra des créations d'emplois estimées à 20 000.
Par ailleurs, l'Etat sollicite 500 millions des fonds de la sécurité sociale.
Ils correspondent à la prise en charge du GIR 4. Ce transfert ne me paraît pas
pénaliser le GIR 5 et le GIR 6.
Il est une autre caractéristique qu'il faut souligner dans ce texte, au-delà
des moyens mis pour combler les disparités, à travers le fonds de péréquation,
c'est l'augmentation globale de l'engagement financier. Chacun pourra le
mesurer concrètement. Il s'agit de rendre cette prestation universelle et
efficace.
Nous créons là un nouveau droit. La conséquence naturelle en est qu'il ne doit
pas y avoir d'obstacles à son accessibilité. Nos collègues de l'Assemblée
nationale l'ont bien compris, en faisant disparaître la récupération sur
succession.
Le réseau des CLIC, qui va se développer, permettra d'informer et d'aider les
intéressés, afin que les démarches ne rebutent plus personne. Il devra aussi
permettre l'indispensable coordination des différents intervenants auprès des
personnes âgées et leur complémentarité.
Je disais que ce texte nous apparaît comme une étape. Il doit améliorer
considérablement les relations entre les personnes âgées, les acteurs
professionnels et l'entourage familial. Il permet d'envisager l'avenir de façon
plus sereine.
Cependant, il laisse sans réponse plusieurs questions.
Certaines d'entre elles auraient pu trouver une réponse dès maintenant et
portent sur des sujets sur lesquels nous déposerons des amendements. D'autres
questions sont liées à une réflexion plus générale sur la perte d'autonomie et
sur l'avenir des institutions sociales et médico-sociales.
Tout d'abord, nous pouvons nous interroger sur l'usage qui est fait de la
grille AGGIR, destinée à mesurer le degré de perte d'autonomie. S'il est bien
que les personnes classées en GIR 4 puissent se voir proposer un plan
d'autonomie - et pas seulement celles qui sont classées en GIR 1, 2 et 3 -
pourquoi celles qui sont classées en GIR 5 et 6 n'ont-elles pas ce même droit
?
La grille est malheureusement utilisée comme critère unique d'accès au plan
d'autonomie, alors que ce dernier se fonde sur la prise en compte de tout un
contexte, notamment sur la présence ou non d'un entourage. On peut penser que,
si elles bénéficiaient de l'APA, des personnes classées en GIR 5 qui vivent
seules se verraient proposer des plans d'autonomie appelant plus de moyens que
des personnes classées en GIR 4 disposant de meilleurs revenus et étant mieux
entourées. L'APA serait alors plus clairement universelle. Evaluer la situation
des personnes âgées en GIR 5 et 6 permettrait surtout de se donner les moyens
de la prévention, qui doit être privilégiée.
Par ailleurs, ayons la démarche que je suggérais au début de mon propos : ne
pensons qu'à garantir respect et dignité aux usagers. Cela passe par la liberté
de choix quant à leur lieu de vie. Si la majorité des personnes âgées restent à
domicile et que d'autres choisissent d'aller en établissement, n'oublions pas
que beaucoup de celles qui s'y trouvent en souffrent comme d'une contrainte,
voire d'une injustice. Il me paraîtrait normal qu'une personne se retrouvant en
établissement puisse revendiquer aussi un plan d'aide individuel pour le calcul
du montant de l'APA la concernant. Ce montant doit être établi avec la même
rigueur et le même souci de justice que pour la personne restant à domicile, en
prenant en compte tous les éléments du contexte, notamment la rupture avec le
domicile.
Les personnes en établissement représentent, de fait, les situations les plus
lourdes. Ce problème doit pouvoir être géré dans le cadre législatif, tout en
laissant aux acteurs une marge de manoeuvre suffisante. Les conventions
tripartites doivent encadrer la mise en oeuvre de l'APA. La possibilité
d'envisager une mutualisation n'est pas contradictoire avec le souhait que je
viens de formuler et elle doit s'insérer dans une réforme de la
tarification.
Une formation et une professionnalisation de qualité pour les personnels est
une préoccupation forte. Cette exigence va de pair avec celle de la
revalorisation du statut des aides ménagères. Elle représente un enjeu majeur.
Nous avons déposé un amendement à ce propos pour mieux encadrer les contrats de
gré à gré.
Les rencontres que nous avons eues avec des responsables d'association ou
d'établissement nous ont parfois interpellés par les critiques que nous avons
entendues et qui expriment des angoisses. Certaines de ces critiques sont
celles qui étaient déjà formulées contre la PSD. Les méfiances sont aussi liées
aux déceptions, aux frustrations, qu'avait entraînées la PSD. Plutôt que de
retenir ce que le texte apporte, beaucoup sont tentés de ne se fixer que sur ce
qu'ils considèrent comme étant des lacunes. On sent certaines réticences chez
les acteurs, liées, sans doute, à la dimension du dispositif à maîtriser,
inhérente à l'ambition même qui le porte.
Il faut considérer ces inquiétudes avec beaucoup d'intérêt. Elles
correspondent, pour l'essentiel, à une contestation de la barrière de l'âge
pour l'accès à la prestation et à des attentes sur la notion de cinquième
risque.
Avec l'APA, sommes-nous si éloignés de la notion de cinquième risque ? Ce qui
nous en sépare, c'est tout d'abord l'absence de cotisation de sécurité sociale,
encore que l'introduction d'un apport de CSG fasse intervenir la solidarité
nationale, et, ensuite, le rôle des conseils généraux, dans la suite de leurs
compétences et parce que vous avez considéré, madame la secrétaire d'Etat, que
le département avait tout son rôle de proximité à jouer pour rendre plus
efficace l'application de l'APA.
Chacun de ces deux problèmes, barrière à soixante ans et cinquième risque,
pourrait trouver sa propre solution, mais celle qui est apportée à l'un
conditionne celle qui est appliquée à l'autre. Nous avons le devoir d'apporter
des réponses cohérentes, lisibles, inspirées par un même esprit, à nos
concitoyens, qui demandent de la clarté en ce qui concerne les règles de la
société.
C'est souvent le manque de lisibilité des mesures, par leur enchevêtrement,
qui contribue à créer l'exclusion. Il faut que les différents dispositifs,
adaptés à chaque type de situation de handicap social, convergent dans une même
logique de mise en oeuvre. C'est la démarche qui avait prévalu lors de la mise
en place des différentes branches de la sécurité sociale.
Les termes du débat peuvent se résumer en une question fondamentale pour
l'avenir de la cohésion de notre société et du rapport de confiance entre les
citoyens et les gouvernants : par quel mécanisme juste et efficace assurer à
chaque personne qu'elle pourra être un noeud de liens sociaux ?
Ce débat sera sans doute popularisé avec l'approche des futures élections
nationales. Il faut absolument le faire vivre et lui apporter une solution,
sans quoi nous aurons du mal à faire entendre notre voix dans une Europe qui
demandera de plus en plus une harmonisation en matière sociale.
Si nous ne parvenons pas à résoudre cette question, nos concitoyens
manifesteront encore plus de défiance envers leurs dirigeants nationaux et
envers l'Europe. Mais je suis optimiste. Le dispositif de l'APA, parce qu'il
pose ce débat de manière intelligente, tout en apportant dans l'immédiat, pour
les personnes âgées, des solutions concrètes qui perfectionnent notre société,
nous aide à aller dans le bon sens.
Madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'ai noté durant ce débat,
de même qu'à l'Assemblée nationale, qu'au-delà des appartenances politiques
nous nous retrouvions pour saluer les mêmes avancées de l'APA et pour souligner
les mêmes questions à approfondir. Preuve que le travail du Gouvernement est en
phase avec l'évolution de notre société.
(Applaudissements sur les travées
du groupe socialiste et celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à Mme Bocandé.
Mme Annick Bocandé.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
l'évolution de notre société permet de vivre de plus en plus longtemps, mais
cet allongement de la vie s'accompagne souvent d'une perte d'autonomie, voire
d'une dépendance qui s'accroît avec les années.
C'est pourquoi, pour répondre aux situations lourdes, tant sur le plan médical
que sur le plan social, des personnes âgées et de leurs familles,
l'organisation de la prise en charge de la dépendance est devenue une priorité.
C'est juste et généreux. Encore ne faut-il pas se tromper de méthode.
Sur l'initiative du Sénat, la loi du 24 janvier 1997 créait la prestation
spécifique dépendance, qui fut la première étape décisive d'une prise en charge
solidaire.
La PSD avait pour principal objectif de corriger les défauts de l'allocation
compensatrice pour tierce personne, en la remplaçant par une prestation en
nature.
Elle instaurait, pour la première fois, l'évaluation par une équipe
médico-sociale du niveau de dépendance de la personne, au moyen d'une grille
nationale, la définition de ses besoins et l'élaboration d'un plan d'aide
personnalisé. Sur ces points, l'APA n'est pas novatrice.
Son caractère transitoire annonçait la révision de son dispositif après les
premières années d'application. C'est l'objet du texte de loi que nous
examinons aujourd'hui et qui institue l'allocation personnalisée
d'autonomie.
Cette réforme, intéressante, puisqu'elle propose d'élargir le champ
d'application de la PSD et offre un traitement égal de la dépendance sur tout
le territoire, ne semble cependant pas à la hauteur des espérances.
On peut en effet craindre que ce texte ne simplifie pas les procédures
d'instruction, de versement et de contrôle, et regretter qu'il crée une
disparité entre le domicile et l'établissement, pénalisant ainsi les structures
d'hébergement indispensables lorsque le degré de la dépendance ne peut être
assumé que dans un environnement médicalisé.
On peut également déplorer que l'épineuse réforme de la tarification dans les
établissements ne soit pas mise en place simultanément et systématiquement avec
cette nouvelle allocation présentant un risque supplémentaire de majoration de
charges pour les départements,...
M. Charles Revet.
Tout à fait !
Mme Annick Bocandé.
... contrairement à ce que vous affirmez, madame le secrétaire d'Etat.
Par ailleurs, la définition des règles d'intervention au niveau national
limite l'autonomie des départements, principaux financeurs de l'APA, et va à
l'encontre des principes de décentralisation.
Puisque l'on voulait uniformiser le dispositif sur le plan national, ne
fallait-il pas privilégier un autre mode de financement, par exemple par la
création d'un risque supplémentaire, comme le demandent les associations de
personnes âgées, ou encore par une contribution du budget de l'Etat, plutôt que
de faire appel aux finances des départements ? Mais était-ce envisageable si
près d'échéances électorales importantes ?
Une nouvelle fois l'Etat décide, les départements financent !
En effet, le financement repose, pour une part minime, sur la solidarité
nationale, par l'affectation d'une partie de la CSG au détriment du fonds de
solidarité vieillesse - déjà ponctionné pour les 35 heures - donc une nouvelle
fois au détriment du fonds de réserve des retraites, et, pour la plus grande
part, sur la solidarité locale, ce qui imposera des efforts budgétaires
considérables aux départements.
J'en veux pour preuve le coût des deux premières années, qui a été estimé
entre 15 milliards et 17 milliards de francs par an, avec une prise en charge
d'environ 11 milliards de francs par les conseils généraux, et 5,5 milliards de
francs par l'Etat et la sécurité sociale.
A terme, il est évoqué 23 milliards de francs, en espérant que ces estimations
n'ont pas été minimisées, madame le secrétaire d'Etat.
Prenons l'exemple de mon département, reconnu pour ses efforts en matière de
politique sociale.
M. Charles Revet.
C'est vrai !
Mme Annick Bocandé.
En Seine-Maritime, la prise en charge des 3 200 bénéficiaires représente
actuellement une masse budgétaire de 120 millions de francs.
Si l'on projette au niveau départemental les estimations faites au niveau
national sur le nombre de bénéficiaires, la dépense serait augmentée dans des
proportions inquiétantes.
Tous les conseils généraux pourront-ils assumer cette nouvelle charge sans
avoir recours à l'impôt ?
On peut d'ailleurs s'interroger sur les modalités de répartition du fonds de
financement de l'APA par l'Etat, tous les critères sont surprenants.
De plus, la complexité et le croisement des multiples sources de financement
ne sont pas sans poser le problème de la gestion à long terme de cette
allocation.
Enfin, on ne peut que déplorer, sur ce point comme sur quantités d'autres, le
renvoi systématique à de futurs décrets, confirmant les aspects incertains de
cette proposition.
Même si le projet de loi constitue une tentative pour améliorer le dispositif
existant, son contenu est décevant. Il ne correspond pas à la grande réforme
annoncée. Il oublie complètement la dimension familiale, espace privilégié
d'affection et de solidarité.
Mais je ne doute pas que notre assemblée, grâce à ses nombreux amendements,
parvienne à modifier ce texte de façon constructive, comme l'a fait l'Assemblée
nationale en adoptant notamment l'amendement du groupe de l'UDF qui supprime le
recours sur succession, considéré comme un frein réel à la libre expression des
besoins.
C'est sûrement vrai, mais cette décision induira encore un manque à gagner non
négligeable pour les finances départementales,...
M. Charles Revet.
Eh oui !
Mme Annick Bocandé.
... qu'il serait bienvenu de compenser, madame le secrétaire d'Etat.
Une société s'honore quand elle s'occupe de ses aînés. Souhaitons que nos
travaux contribuent à renforcer la tranquillité des personnes âgées et à
améliorer la qualité de leur fin de vie.
(Applaudissements sur les travées
de l'Union centriste, du RPR, et des Républicains et Indépendants, ainsi que
sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Nogrix.
M. Philippe Nogrix.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, parmi
les principales mesures adoptées à l'Assemblée nationale, il faut noter la
suppression du recours sur succession, ainsi que le droit à l'expérimentation
des départements pour le versement de l'APA en établissement sous forme d'une
dotation globale. S'agissant du recours, l'amendement du groupe UDF, défendu
par mon excellent collègue d'Ille-et-Vilaine Pierre Méhaignerie a été adopté à
l'unanimité, alors que le projet de loi n'abordait pas ces sujets, si sensibles
pour la population !
Un débat s'est instauré à propos de la nature de l'aide apportée aux personnes
âgées dépendantes à ce stade. De nombreux députés ont défendu la mise en place,
à terme, d'une prestation financée par les organismes de sécurité sociale.
Notre collègue Henri de Raincourt a repris cette proposition.
Le Gouvernement, tout en admettant que la question se poserait un jour ou
l'autre, a estimé que le plus important était « l'efficacité de la mise en
oeuvre de cette prestation de solidarité nationale ».
De nombreuses incertitudes persistant au sujet du financement, nos collègues
députés du groupe UDF se sont abstenus, tout comme l'ensemble des groupes de
l'opposition, ainsi que le groupe communiste, qui fait pourtant partie de la
majorité plurielle du Gouvernement, à ce jour, que je sache.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Pas pour longtemps !
M. Philippe Nogrix.
Notre pays consacre 1 % de son PIB à la dépendance, contre 3 % en moyenne dans
les pays de l'OCDE. La prise en charge collective de la dépendance constitue
donc, d'ores et déjà, un enjeu majeur de solidarité nationale et de santé
publique.
Sous le terme dépendance, on a tendance à confondre deux problèmes.
Le premier correspond à une difficulté d'adaptation de la personne âgée à son
environnement. Il est vrai qu'à partir d'un certain âge le rapport de la
personne âgée à son environnement se complique : fatigue dans les actes de la
vie quotidienne, peur d'aller faire les courses, à tel point que Montherlant
écrivait dans ses carnets que beaucoup de vieillards mouraient parce qu'ils
étaient moins ou pas aimés du tout. Il n'y a pas, dans cette forme de
dépendance, de cause pathologique, on en est bien d'accord.
Le second problème, en revanche, concerne le handicap lié à des complications
pathologiques.
La distinction entre ces deux formes de dépendance constitue probablement la
clé d'une politique de prise en charge de la dépendance. C'est la distinction,
qui doit être faite et que nous devons faire entre le sanitaire et le social.
Sans cette distinction se présenteront des problèmes de financement très
complexes que nous ne réussirons pas à résoudre.
C'est le sanitaire qui est dominant en cas de handicap et le social en cas de
manque d'adaptation à l'environnement.
Le financement qui nous est proposé est essentiellement social. Il faudrait,
sans doute, trouver quelques fils directeur permettant d'opérer l'attribution
des responsabilités entre secteur social et secteur médical.
La nouvelle prestation qui nous est proposée, madame la secrétaire d'Etat,
correspond-elle vraiment aux attentes et à la modernisation souhaitable et
souhaitée par tous de la prise en charge de la dépendance ? Sincèrement, je ne
le crois pas, car l'APA relève à la fois de l'aide sociale et de la solidarité
nationale et ne règle en rien le lancinant problème de la tarification dans les
établissements.
Ce n'est en réalité, - nombre de mes collègues l'ont souligné - qu'une PSD
améliorée par un élargissement des conditions d'accès, accompagné, hélas ! d'un
renchérissement pour l'instant non financé de façon claire, transparente,
équilibrée et pérenne.
Avec ce texte, on voudrait nous faire oublier la nécessité d'engager une
réforme audacieuse, en profondeur, de la prise en charge de la dépendance,
comme l'a fait l'Allemagne, notamment.
Fallait-il continuer à traiter de la même façon le domicile et l'établissement
? Ne pouvait-on envisager, par exemple, de continuer à faire confiance aux
acteurs de proximité sous la responsabilité des départements pour ce qui
concerne le domicile et réformer, en le simplifiant, l'hébergement en
établissement ? Sur ce point, M. Fourcade avait raison.
Nous savons tous que les établissements à développer sont les établissements
d'hébergement temporaire et d'accueil de jour permettant une transition avec un
hébergement complet en institution, souvent inéluctable.
Les établissements restent très inégaux en nombre et en qualité. Or le projet
de loi ne fait pas allusion à cet aspect essentiel.
Les aléas de la tarification ont freiné, nous le savons, nombre de directeurs
d'établissement et de décideurs. Manifestement, un certain nombre d'obstacles
ont freiné le développement des institutions, et nous sommes actuellement en
situation de manque.
Les années de mise en place de la PSD nous ont toutefois apporté des
enseignements intéressants, dont le principal fait ressortir que
l'accompagnement à domicile était presque satisfaisant, les difficultés venant
essentiellement des établissements.
Le deuxième enseignement, c'est qu'un effort important de formation doit être
accompli sur l'ensemble du réseau de gérontologie : seules deux heures sont
consacrées actuellement à l'acquisition de la connaissance spécifique des
personnes âgées dans le cursus médical !
La réforme des études médicales devrait remédier à ce manque, mais un problème
demeure : il n'existe que trente gériatres enseignant sur l'ensemble du
territoire français.
Mme Paulette Guinchard-Kunstler.
Tout à fait !
M. Philippe Nogrix.
Mais il n'en est pas question dans le projet de loi.
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Il est vide ce projet de loi !
M. Philippe Nogrix.
Or, quelle réponse donne le présent texte ? Une réforme tellement complexe de
la tarification, malgré les récentes adaptations, que les gestionnaires
d'établissement et les représentants des personnes âgées ne s'y retrouvent
absolument pas.
M. Charles Revet.
C'est tout à fait vrai !
M. Philippe Nogrix.
En outre, le financement du nouveau dispositif fait appel à une nouvelle
trésorerie dont seule a le secret la majorité plurielle actuelle, ce qui rend
hypothétique le bouclage financier.
La mesure est chère. Une partie de son financement nous est proposée à travers
un fonds - un fonds de plus ! - qui va fragiliser, de par les ressources
sollicitées, le fonds de réserve des retraites, que nous savons, les uns et les
autres, déjà insuffisamment alimenté. Qui plus est, le contrôle de ce fonds
échappera au Parlement, puisqu'il sera absent de la loi de financement comme de
la loi de finances. C'est une atteinte de plus aux prérogatives du
Parlement.
Le seul à limiter son intervention financière, c'est l'Etat. Aussi, je
voudrais dire à mon collègue Roland Huguet, à propos de la demande qu'il a
faite à Mme la secrétaire d'Etat eu égard à la dépense engagée dans son
département exemplaire, particulièrement en pointe sur la PSD, qu'il ne pourra
rien obtenir de l'Etat en plus des 5,5 milliards de francs répartis sur
l'ensemble des départements, car le fonds est plafonné à ce montant, tandis que
les dépenses engagées dans chaque département sont sans limite connue ; tous
les calculs qui nous ont été présentés cet après-midi ne sont basés que sur des
hypothèses.
Je voulais donc avertir notre collègue Roland Huguet, quoique je sois sûr
qu'il a, hélas ! bien compris ! Mais il se doit de croire aux prévisions
annoncées par le Gouvernement qu'il soutient ! Je crains que la mise au point
qui sera faite en 2003 ne lui soit aussi amère, compte tenu de l'accroissement
de la fiscalité qu'il aura dû prévoir dans son budget départemental d'alors par
rapport à celui de 2001.
Avec mes collègues de l'Union centriste, je pense que l'examen du projet de
loi en première lecture à l'Assemblée nationale a permis, grâce à l'adoption de
certains amendements de nos collègues du groupe UDF, d'améliorer le texte sur
certains points. Néanmoins, de nombreuses incertitudes demeurent, notamment sur
le financement, une fois de plus hasardeux, de cette allocation.
Avant de conclure, je voudrais rappeler que le problème de la prise en charge
de la dépendance aurait sans doute déjà trouvé sa solution, madame la
secrétaire d'Etat, si, d'une part, la création de postes de soins infirmiers à
domicile avait suivi les besoins et, surtout, d'autre part, si la
médicalisation des établissements avait été convenablement opérée et
financée.
Les retards accumulés ont entraîné une dégradation générale, qui s'est
cristallisée à tort sur la PSD et les départements, lesquels ont servi de bouc
émissaire. Par l'institution de la nouvelle APA, ils seront transformés en
financeurs uniques, contraints et forcés, en l'absence d'une concertation
suffisante, sans aide de la solidarité nationale, qui aurait dû se manifester
par un accompagnement financier de l'Etat à hauteur des évolutions.
M. Charles Revet.
Tout à fait !
M. Philippe Nogrix.
Qu'importe au Gouvernement de voir les impôts des départements augmenter !
Il est vrai que la réforme qu'il propose améliorera quelque peu la prise en
charge des personnes âgées, mais peu de contribuables y verront un lien avec
l'augmentation inéluctable de la fiscalité locale que connaîtront les
départements.
En conséquence, avec mes collègues du groupe de l'Union centriste, je
soutiendrai le « contre-projet » de financement, élaboré en étroite
concertation par les commissions des affaires sociales et des finances,
proposant un financement alternatif et rappelant le Gouvernement à ses
responsabilités.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du
RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat aux personnes âgées.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
Mesdames, messieurs les sénateurs, Mme Guigou a déjà
largement répondu aux questions posées par MM. les rapporteurs au sujet du
financement. J'aimerais cependant, monsieur Vasselle, vous apporter un certain
nombre d'explications au sujet de l'utilisation de la CSG pour financer le
fonds de modernisation de l'aide à domicile.
J'ai pris le temps d'écouter, avec beaucoup d'intérêt, ce que disaient
l'ensemble de vos collègues. Il faut que nous soyons très clairs et que nous
reconnaissions l'obligation de faire évoluer, de structurer de façon très
importante l'ensemble de nos services de maintien à domicile. C'est en tout cas
le discours que j'ai entendu tenir par l'ensemble des orateurs.
Monsieur Vasselle, vous avez critiqué, en parlant de détournement,
l'utilisation de la CSG pour financer le fonds de modernisation de l'aide à
domicile, qualifié de fonds de formation professionnelle.
Ce fonds de modernisation ne se substitue ni au budget de l'Etat, qui finance
les formations initiales en travail social, ni aux employeurs, qui doivent
assumer toutes leurs responsabilités en matière de formation
professionnelle.
Si le Gouvernement propose d'affecter une fraction dûment encadrée par la loi
à la modernisation du secteur de l'aide à domicile, c'est parce qu'il est
indispensable et urgent de faire un effort très significatif pour ce secteur,
dont chacun connaît les handicaps ; vous les avez tous rappelés : faibles
rémunérations, faibles qualifications et difficultés de recrutement.
Si l'on veut faire des progrès réels et rapides en matière de maintien à
domicile, il faut aider ce secteur à se professionnaliser, améliorer le niveau
de la qualification des salariés et les encourager à s'engager dans la voie de
la validation des acquis de l'expérience. C'est à ces conditions que le
maintien à domicile deviendra plus attractif et qu'il pourra répondre, dans les
années à venir, aux attentes et aux besoins des personnes âgées qui veulent
rester chez elles le plus longtemps possible.
Cet objectif est inséparable de la politique globale de compensation de la
perte d'autonomie portée par l'APA. Il est donc parfaitement naturel que le
fonds de financement de l'APA alimente la modernisation de l'aide à
domicile.
Vous avez été nombreux, me semble-t-il, à trouver les mots justes pour évoquer
l'évolution des métiers de l'accompagnement, leur reconnaissance et la
nécessité de la formation. Vous connaissez tous mon engagement sur ce sujet.
Madame Campion, vous avez su dire en quoi ce projet de loi permet de créer un
véritable droit.
Vous avez d'ailleurs été nombreux à poser le problème de la ségrégation par
l'âge. Je pense qu'il nous faudra encore réfléchir sur ce point.
L'un d'entre vous a bien montré combien le problème de l'accompagnement, en
particulier à domicile, est un problème de femmes. Ce sont en effet souvent les
filles ou les belles-filles qui accompagnent leur mère ou leur belle-mère. Cela
est trop souvent oublié et il était juste de le souligner.
M. Murat a insisté sur la place à réserver aux CLIC. Je crois que le projet de
loi va dans ce sens, d'autant que l'Assemblée nationale a tenu à leur donner,
précisément, toute leur place.
MM. Adnot et de Raincourt ont évoqué la suppression des recours sur
succession. C'est un sujet que nous avons déjà évoqué la semaine dernière lors
du débat sur le projet de loi de modernisation sociale, et je ne peux que
répéter ce que je vous en ai dit alors.
Si le Gouvernement a suivi la proposition quasi unanime de l'Assemblée
nationale en faveur de la suppression des recours sur succession, c'est parce
que cette mesure présente une réelle cohérence avec la nature même de l'APA. En
effet, l'APA ne relève plus de l'aide sociale subsidiaire. Elle constitue une
prestation de solidarité destinée à compenser un risque, celui de la perte
d'autonomie, qui guette chacun et dont la charge financière dépasse très
souvent les capacités financières et humaines des familles. C'est donc à ce
titre qu'il est légitime de ne pas soumettre l'APA au recours en récupération
sur succession.
En revanche, il n'est pas dans l'intention du Gouvernement d'étendre cette
exonération au-delà du champ de la prise en charge de la perte d'autonomie. En
particulier, les recours en récupération opérés sur les bénéficiaires de l'aide
sociale à l'hébergement ou sur les ayants droit expriment la mise en oeuvre des
solidarités familiales, et il n'y a pas lieu d'y mettre un terme. Je l'ai fait
valoir devant l'Assemblée nationale et je le dis à nouveau devant vous,
mesdames, messieurs les sénateurs, comme je l'ai fait la semaine dernière.
Au demeurant, vous le savez comme moi, l'essentiel des recettes issues de la
récupération sur les successions provient des recours exercés sur les
prestations d'hébergement.
Il serait vraiment très intéressant qu'un travail de fond soit mené sur
l'ensemble des dispositifs de récupération pour voir réellement à quoi cela
correspond. Mme Guigou et moi-même avons pris l'engagement de faire en sorte
que ce travail soit mené afin que le problème puisse réellement être posé non
seulement en termes financiers mais aussi au regard des solidarités familiales
vis-à-vis de l'hébergement et de la perte d'autonomie.
M. de Raincourt, si je l'ai bien compris, choisit le cinquième risque, presque
en solitaire, pour soulager à terme la collectivité de certaines charges.
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Avec Mme Dieulangard et M. Fischer.
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
Non, Mme Dieulangard a dit très clairement combien le
dispositif proposé permettait réellement de créer un droit.
M. de Raincourt a, lui, explicitement exprimé sa volonté de se défaire très
rapidement du système de financement.
Mais le cinquième risque a aussi un coût, qui doit être supporté par l'assuré
social, le cotisant ou le contribuable. Quelle que soit la poche d'où l'on tire
l'argent, il faudra bien payer ! Moi qui suis aussi élue locale, je l'ai très
souvent entendu dire par des responsables de collectivités locales, toutes
tendances confondues.
La vraie question, que l'on ne peut esquiver, est de savoir si l'on veut se
donner les moyens d'affronter un défi social majeur des trente prochaines
années. L'effort supplémentaire qui est demandé aux départements représente 3 %
de leur budget social. Comment, dans ces conditions, M. le Raincourt peut-il
dire que le Gouvernement va spolier les départements ?
L'une des différences majeures entre le dispositif que nous proposons et celui
de la PSD tient à la mise en oeuvre du fonds de financement. Un certain nombre
de vos collègues de l'Assemblée nationale l'ont d'ailleurs admis. Ce fonds est
précisément destiné à compenser largement le surcoût pour les départements,
dans une optique de péréquation et de solidarité.
M. Fourcade a reconnu le caractère généreux de ce projet de loi, et j'y ai été
très sensible. D'une manière générale, j'ai noté la pertinence de ses analyses,
son réalisme et sa conscience de l'importance des enjeux.
En revanche, je ne vois pas quels gériatres ont pu dire qu'il fallait des
modes de prise en charge fondamentalement distincts pour les incapacités liées
au vieillissement et celles qui sont dues à des handicaps plus anciens. C'est
d'ailleurs une affirmation qui a été reprise par M. Nogrix.
Depuis des années, j'écoute attentivement les gériatres et j'observe ce qui se
passe dans d'autres pays. Ce débat a eu lieu, par exemple, en Allemagne lorsque
ce pays a mis en place son système de prise en charge de la dépendance.
Certains faisaient une distinction entre la dépendance liée au vieillissement
et la dépendance liée au handicap. Mais, très rapidement, les Allemands ont
cessé de se poser cette question, l'enjeu étant, non pas de connaître les
causes de la perte d'autonomie, mais bien l'organisation de la prise en charge
de l'autonomie.
Je ne souhaite pas du tout que, en France, s'ouvre un débat sur la question de
savoir quel système mettre en place selon la cause de la perte d'autonomie.
J'ai cru comprendre que, dans le débat relatif à la suppression de la barrière
d'âge, c'est cela que vous affirmiez : organisons-nous correctement pour une
prise en charge de l'autonomie.
En tout cas, concernant les personnes âgées, il serait extrêmement dangereux
de faire une différence selon que l'origine de la perte d'autonomie est le
vieillissement ou un handicap.
On ne peut pas opposer vieillissement et handicap, prendre le risque d'une
dichotomie, comme le propose M. Fourcade, entre maintien à domicile et
hébergement en établissement. Les frontières du maintien à domicile
s'élargissent sans cesse : 70 % des personnes très peu autonomes, confinées au
lit et au fauteuil, restent aujourd'hui à domicile.
Il faut organiser un dispositif global et coordonné élargissant sans cesse le
champ du maintien à domicile, organisant la coordination entre le sanitaire et
le social, permettant à tous les établissements confrontés à une population de
plus en plus dépendante de bénéficier des financements de l'assurance maladie.
Telle est notre volonté.
D'ores et déjà, l'assurance maladie est le premier financeur de la dépendance,
avec un engagement de près de 20 milliards de francs, et nous allons
considérablement l'accroître en cinq ans.
Je laisse à M. Fourcade la responsabilité de ses critiques à l'égard des
directeurs d'établissement. J'avoue en avoir été un peu surprise.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Ils n'ont pas toujours
joué le jeu !
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
Quoi qu'il en soit, je partage largement son analyse
selon laquelle nous ne pourrons traiter efficacement les problèmes de la perte
d'autonomie sans la conjonction des efforts de tous : les hôpitaux, les
départements, les collectivités locales, l'assurance maladie...
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Et l'Etat !
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
... et l'Etat, bien sûr.
Le sujet du versement de l'APA sous forme d'une dotation globale en
établissement a été évoqué par M. Dériot, que je remercie de se porter candidat
à l'expérimentation, et par M. Fischer. Le Gouvernement est prêt à tenter cette
expérimentation, mais reste très attaché à tout ce qui favorise, que ce soit à
domicile ou en établissement, la personnalisation de l'aide, y compris
l'individualisation de l'allocation. J'ai entendu des directeurs
d'établissement dire combien il était important de préserver un système
d'individualisation en établissement.
S'agissant de votre souci de qualifier les personnels en établissement, vous
avez sans doute noté, monsieur Fischer, que, dans mon discours liminaire,
j'avais insisté sur mon engagement à prendre des initiatives urgentes en
matière de formation des personnels non qualifiés en fonction.
C'est justement parce que je m'intéresse tout particulièrement à la qualité de
la prise en charge gériatrique dans les établissements de santé et aux liens
entre les établissements et leur environnement que je me rendrai à Strasbourg
dans quelques jours - vous ne pouviez pas le savoir puisque la décision a été
prise hier - pour soutenir la mise en oeuvre d'un véritable volet
gérontologique du schéma régional d'organisation sanitaire. J'aurai sans doute
le plaisir de rencontrer M. Richert à cette occasion.
L'APA n'est pas dissociable de l'action que nous devons mener pour promouvoir
les réseaux gérontologiques et développer une filière gériatrique de qualité.
Le problème de l'absence des gériatres des PUPH, en particulier, a été posé,
mais ce n'était pas l'objet de ce projet de loi. Il reste que c'est un des
points sur lesquels je souhaite travailler très rapidement. Reconnaissez
cependant avec moi que ce n'est pas une des filières reconnues comme les plus
nobles.
Monsieur Eckenspieller, j'ai été ravie de vous entendre dire que le rôle de
l'aide à domicile ne se borne pas à la cuisine et au ménage.
Je partage votre appréciation sur le caractère très aléatoire de l'orientation
vers les établissements, qui se fait plus en fonction des disponibilités qu'en
raison de l'adaptation du projet de vie aux besoins de la personne.
Sur tous ces points, reconnaissez que, avec le fonds de modernisation et les
CLIC, nous nous dotons des outils qui nous permettront de faire avancer
également la prise en compte des besoins de la personne et de la situation des
familles.
Nous allons accélérer la mise en oeuvre de la réforme tarifaire. Vous avez pu
voir les premiers signes de cette accélération avec la parution d'un décret
longtemps attendu.
Je crois qu'il n'y a jamais eu un plan d'une telle hauteur pour le financement
des maisons de retraite et de l'ensemble des structures d'hébergement.
Mme Dieulangard parlait tout à l'heure du devoir d'humanité. C'est une notion
à laquelle je suis très attachée. Je crois que le plan financier correspond à
un devoir d'humanité non seulement en direction des personnes âgées mais aussi
en direction du personnel.
Je le répète, je suis prête à prendre le temps de vous expliquer les enjeux de
la réforme de la tarification non seulement en termes financiers mais aussi
quant à son organisation - quoi qu'ait pu dire M. Michel Mercier de sa
complexité - qui fait que la qualification sera une priorité...
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Mais vous ne pouvez pas en même temps réaliser un
financement global. On ne peut pas faire une chose et son contraire !
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
Mais c'est tout l'intérêt de l'expérimentation : elle
doit nous permettre d'y voir clair et de mesurer les avantages de la
tarification.
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Les deux choses sont antinomiques !
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
C'est un débat, et il va aussi se dérouler au sein des
conseils généraux.
Au coeur de la réforme de la tarification, il y a la qualité de la prise en
charge et la qualification du personnel.
Par ailleurs, vous ne pouvez pas dire que ce dispositif n'est pas financé. Mme
Guigou a rappelé clairement quelle était la part qui revenait actuellement aux
départements : c'est un effort de 2,5 milliards de francs qui leur est demandé
et qui vient s'ajouter aux 5,5 milliards de francs tirés de la CSG.
Je vous redis, après Mme Guigou, qu'un bilan sera réalisé en 2003. Il nous
permettra de prévoir les adaptations nécessaires à l'équilibre que fixe la loi
entre la contribution financière des départements et ce qui relève de la
solidarité nationale. Je réaffirme que c'est une démarche de bon sens, qui
s'effectue dans la transparence.
Je tiens à remercier M. Cazeau d'avoir rappelé l'accord de l'ADF sur l'effort
supplémentaire des départements en contrepartie de l'engagement que la gestion
de cette allocation serait confiée aux départements.
Mme Dieulangard a très justement rappelé que notre philosophie politique
consistait à lier l'exercice d'un droit et la personnalisation de l'action.
Je l'ai dit tout à l'heure, l'un des avantages de la prestation spécifique
dépendance fut de nous faire avancer vers l'individualisation, vers la prise en
charge individuelle, vers la reconnaissance de la situation particulière. Plus
on vieillit, plus on est singulier. Plus nous vieillirons, mesdames, messieurs,
plus nous serons singuliers.
Je pense ici à un vieux monsieur qui se trouvait dans une maison de retraite
de l'Ain. C'était un ancien conseiller général, mais aucun des membres du
personnel ne le savait, d'autant qu'il était complètement sénile. Ce n'est qu'à
partir du moment où ceux qui s'occupaient de lui ont su quelle avait été sa vie
qu'ils ont pu le reconnaître comme un individu particulier, le respecter.
L'enjeu de l'organisation mise en place par le projet de loi, l'enjeu du plan
ambitieux qu'il contient, que ce soit par le biais de l'APA, par les services
de soins à domicile ou par la mise en place de la réforme de la tarification,
par les six milliards de francs destinés au financement des maisons de retraite
et des structures d'hébergement, c'est de permettre, enfin, non seulement que
l'individualisation, la reconnaissance de chacun des individus, soit réellement
atteinte, que l'ensemble du secteur soit professionnalisé, que de véritables
services de maintien à domicile soient créés, mais, surtout, que nous
répondions à ce devoir d'humanité.
Je suis convaincue que nous avons dans les mains un véritable outil qui vous
permettra, qui nous permettra à tous de créer une véritable politique de prise
en charge des personnes âgées en perte d'autonomie.
Voilà ce que je voulais vous dire.
M. Philippe Nogrix.
Et le financement ?
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
Le financement, je l'ai redit, est clair.
M. Philippe Nogrix.
Mais non !
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
Quand il sera nécessaire de poser à nouveau la
question du financement, nous le ferons.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Bien sûr !
M. Philippe Nogrix.
Comment ?
M. Charles Revet.
Vous ne serez plus là !
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
Nous serons là, j'en suis persuadée.
M. Philippe Nogrix.
Il n'y a rien dans la loi de finances !
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
Je sais que ce plan ambitieux, comme l'a dit
MmeDieulangard, nous permettra de respecter ce devoir d'humanité que
j'évoquais.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. Hilaire Flandre.
Ce n'est pas très convaincant !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Compte tenu de l'heure, je ne souhaite pas rebondir sur
l'intervention de Mme Guigou ni sur celle qui vient d'être prononcée par Mme le
secrétaire d'Etat.
Il me paraît cependant nécessaire de revenir sur quelques points pour lever
d'éventuelles ambiguïtés à la suite des informations qui ont été apportées par
les membres du Gouvernement.
Premier point : en ce qui concerne les décrets d'application, Mme Guigou a
affirmé qu'une concertation très étroite serait menée avec les différents
partenaires après l'approbation du texte. Or, devant l'Assemblée nationale et
en commission, Mme Guigou avait affirmé que les décrets d'application,
notamment s'agissant des critères de distribution des crédits du fonds de
péréquation, seraient transmis pour information parlementaire pendant la
discussion devant les deux assemblées ».
Je tenais à rappeler ce point pour remettre les pendules à l'heure, si
nécessaire. En effet, les engagements pris par le Gouvernement devant
l'Assemblée nationale ne semblent pas être les mêmes que ceux qu'il a
l'intention de prendre devant la Haute Assemblée. Le Sénat a autant de
légitimité que l'Assemblée nationale et doit être traité de la même manière en
ce qui concerne la connaissance des décrets d'application.
J'en viens au deuxième point que je souhaite évoquer, à savoir le caractère
transitoire. Comme j'ai renoncé tout à l'heure à demander à M. Fischer de
m'autoriser à l'interrompre,...
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
C'est dommage !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
... je voudrais lui dire que l'aspect transitoire figurait en
chapeau du texte que le Sénat avait adopté. Il n'a jamais été dit devant la
Haute Assemblée que le texte que nous adoptions avait un caractère
définitif.
D'ailleurs, je l'ai indiqué lors de mon intervention dans la discussion
générale. Je suis surpris, monsieur Fischer, que vous n'y ayez pas été
attentif. Sans doute étiez-vous conduit par un autre objectif, qui consistait
plutôt à critiquer ce que la commission des affaires sociales envisageait, pour
vous donner plus de poids dans l'approbation d'un texte sur lequel vous avez
d'ailleurs émis un avis qui était plutôt partagé, puisque vous avez terminé
votre intervention en prônant le cinquième risque et en critiquant le
financement tel qu'il a été imaginé par le Gouvernement.
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
Ce n'est pas tout à fait cela !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
J'en arrive au troisième point de mon intervention, et je
souhaite, madame le secrétaire d'Etat, que vous vous fassiez l'écho auprès de
Mme Guigou de cette réplique à son intention.
Mme la ministre a fait référence aux propos de M. Barrot, ancien ministre, en
affirmant que lui au moins avait fait preuve d'objectivité en reconnaissant
qu'avec la prestation spécifique dépendance on n'était pas allé jusqu'au bout
de ce qui aurait été souhaitable, compte tenu de la situation de déficit de la
sécurité sociale.
Mais je n'ai rien dit d'autre dans mon propos lors de la discussion générale
! J'ai rappelé que la prestation spécifique dépendance avait été mise en place,
sur l'initiative du Sénat, dans un contexte qui ne permettait pas de mettre en
oeuvre la prestation d'autonomie. J'ai rappelé que le Premier ministre, M.
Alain Juppé, avait retiré le texte de l'examen des deux assemblées compte tenu
de la conjoncture dans laquelle nous nous trouvions à l'époque.
C'est parce que nous souhaitions apporter une réponse aux personnes âgées que
M. Fourcade et plusieurs membres de la commission des affaires sociales avaient
déposé une proposition de loi visant à mettre en place une prestation
spécifique dépendance à l'intention de ceux qui nécessitaient une réponse
urgente, c'est-à-dire les personnes les plus dépendantes et les plus démunies.
Mais, ce faisant, nous savions que nous n'apportions une réponse qu'à une
partie de celles et de ceux qui étaient en situation de dépendance. C'est parce
que le contexte, alors, ne permettait pas d'aller au-delà.
Cependant, nous avions pris l'engagement devant la représentation nationale,
et le Gouvernement en était d'accord, de revenir sur ce texte dès que les
moyens de la France le permettraient. Vous l'avez fait, un peu tard certes,
mais il n'est jamais trop tard pour bien faire !
Enfin, je terminerai en disant que nous sommes tout à fait en désaccord avec
le Gouvernement quant à la pérennité du financement. Contrairement à ce qu'a
affirmé Mme Guigou à l'Assemblée nationale, la pérennité dudit financement
n'est pas assurée. Une clef de répartition est prévue dans le texte,
dites-vous. I l n'y a pas de clef de répartition dans le texte. La preuve en
est que nous avons éprouvé le besoin, avec notre collègue Michel Mercier, de
déposer un amendement pour définir cette clef.
Nous verrons, lors de l'examen des amendements, si le Gouvernement est prêt à
prendre en considération nos propositions, qui vont dans le sens, semble-t-il,
de ce que vous êtes prêtes à accepter dans le cadre des discussions que vous
mènerez avec les partenaires traditionnels de l'Etat dans ce domaine,
c'est-à-dire les départements et l'ADF.
Voilà les quelques points que je souhaitais évoquer brièvement. Bien entendu,
nous aurons l'occasion demain, lors de la discussion des articles, de revenir
plus longuement sur ces différents points et d'apporter d'autres précisions.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
5
TRANSMISSION DE PROJETS DE LOI
M. le président.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par
l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant diverses
dispositions d'ordre social, éducatif et culturel.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 322, distribué et renvoyé à la
commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle
d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par
l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif aux musées de
France.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 323, distribué et renvoyé à la
commission des affaires culturelles, sous réserve de la constitution éventuelle
d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
6
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de MM. Jacques Oudin, Patrice Gélard, Louis Althapé, Pierre André,
Jean Bernard, Roger Besse, Laurent Béteille, Jean Bizet, Paul Blanc, Gérard
Braun, Dominique Braye, Mme Paulette Brisepierre, MM. Louis de Broissia, Robert
Calmejane, Auguste Cazalet, Gérard César, Jacques Chaumont, Gérard Cornu,
Charles de Cuttoli, Xavier Darcos, Désiré Debavelaere, Luc Dejoie, Robert Del
Picchia, Charles Descours, Michel Doublet, Alain Dufaut, Daniel Eckenspieller,
Michel Esneu, Bernard Fournier, Alain Gérard, Fançois Gerbaud, Charles Ginésy,
Francis Giraud, Daniel Goulet, Adrien Gouteyron, Georges Gruillot, André
Jourdain, Gérard Larcher, Robert Laufoaulu, Jacques Legendre, Max Marest,
Philippe Marini, Pierre Martin, Paul Masson, Bernard Murat, Paul Natali, Paul
d'Ornano, Joseph Ostermann, Henri de Richemont, Louis Souvet, Martial
Taugourdeau et Alain Vasselle une proposition de loi relative à la
clarification des modalités de la mise à disposition des fonctionnaires.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 324, distribuée et renvoyée à
la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la
constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues
par le règlement.
7
TRANSMISSION D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi,
adoptée par l'Assemblée nationale, visant à accorder une priorité dans
l'attribution des logements sociaux aux personnes en situation de handicap ou
aux familles ayant à leur charge une personne en situation de handicap.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 325, distribuée et renvoyée à
la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle
d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
8
TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion d'un accord sous
forme d'échanges de lettres entre la Communauté européenne et la République de
Chypre ajoutant à l'accord d'association entre la Communauté économique
européenne et la République de Chypre un protocole relatif à l'assistance
administrative mutuelle en matière douanière.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1725 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de directive du Conseil portant modification de la directive
2000/29/CE du Conseil concernant les mesures de protection contre
l'introduction dans la Communauté d'organismes nuisibles aux végétaux ou aux
produits végétaux et contre leur propagation à l'intérieur de la Communauté.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1726 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil concernant la signature, au nom de la
Communauté européenne, d'un accord euro-méditerranéen établissant une
association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres et la
République arabe d'Egypte. Proposition de décision du Conseil et de la
Commission concernant la conclusion d'un accord euro-méditerranéen établissant
une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une
part, et la République arabe d'Egypte, d'autre part.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1727 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1255/96
portant suspension temporaire des droits autonomes du tarif douanier commun sur
certains produits industriels, agricoles et de la pêche.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1728 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion d'un accord sous
forme d'échange de lettres entre la Communauté européenne et la République
d'Argentine dans le cadre de l'article XXVIII de l'Accord général sur les
tarifs douaniers et le commerce (GATT) de 1994, en vue de la modification des
concessions, en ce qui concerne l'ail, prévues dans la liste CXL annexée au
GATT.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1729 et distribué.
9
RENVOI POUR AVIS
M. le président. J'informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant diverses propositions d'ordre social, éducatif et culturel (n° 322, 2000-2001) dont la commission des affaires sociales est saisie au fond est renvoyé pour avis à sa demande, à la commission des affaires culturelles.
10
DÉPÔT DE RAPPORTS D'INFORMATION
M. le président.
J'ai reçu de M. Joël Bourdin un rapport d'information fait au nom de la
délégation du Sénat pour la planification sur l'information économique aux
Etats-Unis.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 326 et distribué.
J'ai reçu de MM. Jean François-Poncet et Jean-François Le Grand un rapport
d'information fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan
par le groupe de travail sur l'avenir des dessertes aériennes régionales, ainsi
que sur le fonctionnement du fonds d'investissement des aéroports et du
transport aérien (FIATA).
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 327 et distribué.
11
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au mercredi 16 mai 2001, à quinze heures et le soir :
1. Examen d'une demande d'autorisation présentée par la commission des
affaires sociales tendant à obtenir du Sénat l'autorisation de désigner une
mission d'information au Viêt-Nam consacrée à l'étude de la politique sanitaire
de ce pays.
2. Suite de la discussion du projet de loi (n° 279, 2000-2001), adopté par
l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à la prise en
charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation
personnalisée d'autonomie.
Rapport (n° 315, 2000-2001) deM. Alain Vasselle, fait au nom de la commission
des affaires sociales.
Avis (n° 316, 2000-2001) de M. Michel Mercier, fait au nom de la commission
des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la
nation.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
3. Discussion du projet de loi (n° 254, 2000-2001), adopté par l'Assemblée
nationale, après déclaration d'urgence, relatif à la réalisation d'un
itinéraire à très grand gabarit entre le port de Bordeaux et Toulouse.
Rapport (n° 299, 2000-2001) de M. Aymeri de Montesquiou, fait au nom de la
commission des affaires économiques et du Plan.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements
Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi organique de
M. Josselin de Rohan et de plusieurs de ses collègues tendant à harmoniser les
conditions d'éligibilité aux mandats électoraux et aux fonctions électives (n°
6, 2000-2001) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 16 mai 2001, à dix-sept
heures.
Conclusions de la commission des lois sur :
- la proposition de loi de M. Josselin de Rohan et de plusieurs de ses
collègues tendant à harmoniser les conditions d'éligibilité aux mandats
électoraux et aux fonctions électives (n° 7, 2000-2001) ;
- la proposition de loi de M. Daniel Hoeffel modifiant la loi n° 77-080 du 19
juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages
d'opinion (n° 57, 2000-2001) ;
- la proposition de loi de MM. Alain Dufaut et Patrice Gélard tendant à
permettre à des élus se trouvant dans une situation d'incompatibilité, en
raison de l'acquisition d'un mandat en remplacement d'un autre élu, de la faire
cesser en démissionnant du mandat de leur choix (n° 280, 2000-2001) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 16 mai 2001, à dix-sept
heures.
Conclusions de la commission des affaires culturelles sur la proposition de
loi de Mme Danièle Pourtaud et des membres du groupe socialiste et apparentés
tendant à prévoir un barème de rémunération équitable applicable aux
discothèques et activités similaires (n° 244, 2000-2001) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 16 mai 2001, à dix-sept
heures.
Conclusions de la commission des affaires culturelles sur la proposition de
loi de Mme Danièle Pourtaud et des membres du groupe socialiste et apparentés
modifiant le code de la propriété intellectuelle et tendant à prévoir une
rémunération pour la copie privée numérique (n° 245, 2000-2001) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 16 mai 2001, à dix-sept
heures.
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence,
relatif à la sécurité quotidienne (n° 296, 2000-2001) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
lundi 21 mai 2001, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 21 mai 2001, à dix-sept
heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 16 mai 2001, à zéro heure
trente-cinq.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Situation de France Télécom
1076.
- 10 mai 2001. -
M. Thierry Foucaud
souhaite attirer l'attention de
M. le secrétaire d'Etat à l'industrie
sur la situation de France Télécom. Tous ceux qui sont attachés au service
public, à la bonne couverture du territoire par cet opérateur à une politique
de proximité en même temps qu'à une offre moderne accessible à tous sont
préoccupés par les évolutions intervenues dans cette entreprise. L'endettement
massif de France Télécom suite à l'acquisition d'opérateurs étrangers pèse sur
les moyens que l'entreprise peut mettre en oeuvre sur le territoire national et
entraîne des réorganisations qui suscitent l'émotion chez les personnels et les
usagers. Ainsi la fusion des directions régionales Haute et Basse Normandie en
une seule sera effectuée en juin prochain. Les agences d'Evreux, de Rouen et du
Havre seraient réunies en une seule pour toute la région administrative. Mille
soixante-sept salariés se retrouveraient regroupés dans un nouvel établissement
technique. L'importance et le rôle de France Télécom par les missions qui lui
sont confiées comme par le nombre de ses salariés, 5 000 en Normandie, n'est
plus à démontrer. Mais sa fragilisation, liée à sa politique extérieure, est
inquiétante dès lors qu'elle entraîne une dégradation au plan national comme à
l'intérieur de l'entreprise. En conséquence, il lui demande les mesures qu'il
compte prendre pour que France Télécom conserve et développe les moyens
techniques et administratifs de proximité nécessaires à ses missions.
Application du congé de fin d'activité aux fonctionnaires
1077.
- 10 mai 2001. -
Mme Marie-Madeleine Dieulangard
souhaite interroger
M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat
sur les disparités, voire les incohérences, qui se révèlent lors de
l'application du congé de fin d'activité aux fonctionnaires. Depuis la mise en
place de la loi permettant aux mères de trois enfants ayant effectué quinze ans
d'activité professionnelle de faire valoir les droits à la retraite, d'autres
dispositifs sont venus se mettre en place, favorisant soit la cessation
progressive d'activité, soit instituant le congé de fin d'activité pour les
fonctionnaires. Or, il apparaît que les fonctionnaires concernées, ayant trois
enfants, ne peuvent bénéficier d'un congé de fin d'activité, dès lors qu'elles
peuvent prendre leur retraite, alors qu'une mère de deux enfants pourrait,
elle, en bénéficier. Elle souhaite connaître les intentions du Gouvernement sur
les dispositions qu'il entend prendre pour harmoniser ces textes, afin de
permettre l'accès au moins équitable à ce dispositif aux mères de trois enfants
remplissant les conditions de départ en retraite et qui le choisissent.
Contentieux liés aux conditions d'immatriculation
des étudiants à la sécurité sociale
1078.
- 11 mai 2001. -
Mme Marie-Madeleine Dieulangard
souhaite interroger
Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
sur le nombre important de contentieux auxquels doivent faire face les caisses
primaires d'assurance maladie et qui sont liés aux conditions d'immatriculation
et d'affiliation des étudiants au régime obligatoire de la sécurité sociale,
telles que définies dans une circulaire conjointe DSS/DES du 21 juillet 2000.
Les difficultés rencontrées résultent de la rédaction même du texte : la
cotisation due par les bénéficiaires du régime d'assurance/maternité des
étudiants est « forfaitaire et indivisible et fait l'objet d'un versement
unique pour chaque année d'assurance ». Elle est due pour une période du 1er
octobre au 30 septembre suivant, dès lors que l'étudiant atteint son vingtième
anniversaire au cours de ladite période. A quelques jours près, un étudiant
pourrait demeurer ayant droit de ses parents et être exonoré de la totalité de
la cotisation. Par ailleurs, les CPAM ne peuvent pas prendre en compte
l'activité salariée exercée à temps partiel par de nombreux étudiants. Elle
souhaite connaître les mesures ou les initiatives que le Gouvernement entend
prendre afin d'établir une plus grande équité et d'éviter les nombreux litiges
auxquels les CPAM sont régulièrement confrontées et souhaite savoir si,
notamment, il n'est pas possible d'envisager d'ôter à cette cotisation son
caractère forfaitaire et de la rendre ainsi plus fractionnable.
Election des présidents des communautés d'agglomération
1079.
- 15 mai 2001. -
M. Xavier Darcos
appelle l'attention de
M. le ministre de l'intérieur
sur les difficultés soulevées par l'élection des présidents des communautés
d'agglomération. Les récentes élections de ces présidents ont permis de
constater qu'arithmétique électorale et démographie s'opposaient et que grâce
au dosage subtil de répartition des sièges des délégués de communes des
minorités électorales se retrouvaient représentées par leur président à la tête
de communautés d'agglomération. Pendant de nombreuses années, existait une
règle qui, sans être écrite, était respectée dans la plupart des
agglomérations, à gauche comme à droite, à savoir que le maire de la ville
centre préside la structure intercommunale. Or, cette règle de bon sens n'a
plus toujours été respectée à l'issue des dernières élections locales et il
s'en est suivi de grandes manoeuvres politiciennes ou des petites combines
partisanes qui nuisent au bon fonctionnement des communautés d'agglomération.
Lors du dernier congrès des maires de France, M. le Premier ministre avait
pourtant admis que la réforme de l'élection de ces exécutifs était nécessaire.
Il lui demande donc de lui faire connaître les mesures qu'il envisage de
prendre afin de favoriser l'élection au suffrage universel direct des
présidents des structures intercommunales les plus importantes pour éviter que
l'on s'oriente rapidement vers la paralysie de ces structures faute d'une
réelle représentativité de leur président.