SEANCE DU 3 MAI 2001
PRIME POUR L'EMPLOI
Rejet d'un projet de loi en nouvelle lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi (n°
285, 2000-2001), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en
nouvelle lecture, portant création d'une prime pour l'emploi. [Rapport n° 286
(2000-2001).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat à l'industrie.
Monsieur le président, mesdames,
messieurs les sénateurs, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de Mme
Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget, et suis très heureux d'être devant
vous pour cette nouvelle lecture du projet de loi portant création d'une prime
pour l'emploi.
Lors d'un débat très approfondi, voilà un mois, la Haute Assemblée a manifesté
des convergences, dont je me félicite, avec le diagnostic qui fondait ce projet
de loi : faire en sorte que le travail paie davantage quand il est faiblement
rémunéré.
Sans être, et de loin, le seul instrument disponible, le mécanisme novateur de
la prime pour l'emploi rejoint de façon cohérente l'ensemble des politiques
mises en place par le Gouvernement depuis 1997 en faveur de l'emploi.
Sur le fond, vous avez admis l'essentiel du dispositif proposé : quatre
amendements avaient été adoptés par le Sénat, trois d'entre eux avaient été
déposés par la commission des finances, l'un d'eux traduisant le souci que
personne parmi les 10 millions de bénéficiaires dès 2001 ne perde son droit à
la prime pour l'emploi malgré les difficultés de mise en place qui ont été
rencontrées.
Le Gouvernement est très satisfait que la nouvelle lecture à l'Assemblée
nationale ait permis de trouver sur ce point une rédaction convenable
juridiquement et efficace en pratique, une rédaction plus conforme sans doute à
votre intention véritable.
Je précise à nouveau, sur ce sujet important, que l'objectif du Gouvernement
n'est pas que les contribuables qui auraient, cette année, manqué l'occasion
attendent l'expiration du délai légal de réclamation. Au contraire, au moment
même où nous parlons et pendant plusieurs semaines, des courriers de relance
partiront. Ils sont destinés à ceux qui ont déposé leur déclaration de revenus,
mais qui n'ont pas rempli les cases correspondant à la prime pour l'emploi
alors que leur niveau de revenu pourrait les placer dans le champ de la mesure.
En répondant par retour du courrier, ils pourront faire valoir leurs droits
sans formalisme et sans réclamation.
Dans cet esprit, le Gouvernement aurait souhaité que la commission mixte
paritaire parvînt à un accord. Tel n'a pas été le cas, mais je prends note de
la tonalité positive du rapport de M. Marini et des raisons pour lesquelles il
vous propose d'adopter la motion tendant à apposer la question préalable.
Le Parlement sera à nouveau saisi de la prime pour l'emploi lors de la
discussion du projet de loi de finances pour 2002, puisqu'il prévoira la
seconde tranche de ce dispositif dont le Premier ministre a récemment confirmé
publiquement le doublement.
Nous souhaitons que la prime pour l'emploi devienne, pour nos concitoyens les
moins récompensés pour leur travail, un instrument fort, novateur, utile,
favorisant l'activité et le retour à l'activité.
C'est une condition indispensable pour que la société française continue
d'aller mieux ; c'est, mesdames, messieurs les sénateurs, la priorité du
Gouvernement.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini,
rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des
comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
secrétaire d'Etat, mes chers collègues, comme vous le savez, l'Assemblée
nationale a examiné en nouvelle lecture, le 24 avril dernier, ce texte portant
création d'une prime pour l'emploi.
Il convient de rappeler que nous avons eu sur ce sujet de longs débats, qui se
sont situés entre, d'une part, l'été dernier, le moment où M. le ministre
Laurent Fabius a annoncé son plan de baisse des impôts et des prélèvements
obligatoires et, d'autre part, la décision du Conseil constitutionnel en fin
d'année d'annuler la ristourne dégressive de contribution sociale généralisée
votée par l'Assemblée nationale dans le cadre de la loi de financement de la
sécurité sociale pour 2001.
Je dirai une nouvelle fois, mes chers collègues, que, si le Gouvernement
avait, en temps utile, accepté d'écouter et même d'entendre la voix de la
commission des affaires sociales et de la commission des finances du Sénat, il
n'aurait pas dû improviser en début d'année un dispositif qui a été quelque peu
laborieux à mettre en place.
En effet, ce dispositif que vous appelez « prime pour l'emploi » n'est autre,
à quelques détails techniques près et négligeables à ce stade, que le « crédit
d'impôt en faveur de l'activité » que le Sénat avait voté dans son principe
lors des débats concernant la loi de financement de la sécurité sociale pour
2001, puis dans un dispositif lors des débats concernant la loi de finances
pour 2001 et la seconde loi de finances rectificative pour 2000.
L'adoption du dispositif voté par le Sénat aurait évité de perdre du temps, de
faire couler beaucoup de salive, de susciter bien des controverses juridiques.
Mais, monsieur le secrétaire d'Etat, cette proposition avait le tort de venir
d'une assemblée « ringarde », dont les avis ne sont pas suffisamment pris en
considération et le travail pas assez reconnu.
Ce crédit d'impôt a également suscité, à certains moments, monsieur le
secrétaire d'Etat - vous le reconnaîtrez sans doute - des controverses et des
interprétations diverses au sein même de votre formation politique. Certains se
posaient la question : est-il politiquement correct d'envisager un crédit
d'impôt qui n'est qu'un avatar ou le début d'un raisonnement susceptible de
conduire à cet affreux impôt négatif américain ? C'est ce que j'ai lu ou
entendu de la part de certains de vos collègues, ou, plus exactement, de vos
camarades.
M. Guy Fischer.
Vous avez de mauvaises lectures !
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Certes, j'ai le tort, mon cher collègue, d'écouter et d'être
toujours intéressé par les controverses, lorsqu'elles traduisent de véritables
interrogations, de véritables clivages politiques.
Bref, ce texte ne diffère que sur trois points des votes du Sénat.
Le premier point concerne le nom de la mesure qui, pour nous, est une question
de principe. En effet, une mesure qui est décrite et qui fonctionne comme un
crédit d'impôt doit, selon nous, recevoir une appellation conforme à sa
nature.
J'avais eu l'occasion de dire en première lecture qu'il fallait se référer à
la vieille maxime de Boileau : « J'appelle un chat un chat, et Rolet un fripon
». En l'occurrence, il s'agit d'un crédit d'impôt, et nous estimons, en ce qui
nous concerne, que le nom de la mesure doit être « crédit d'impôt », puisque
ceux qui sont redevables de l'impôt bénéficieront d'une ristourne et paieront
un peu moins d'impôts ; quant à ceux qui ne paient pas d'impôts et qui
représentent le coeur de la cible de cette mesure, ils se verront restituer
l'impôt qu'ils n'auront pas à payer. Ce dispositif est bien dans la logique
d'un crédit d'impôt.
Le deuxième point de désaccord est la question de savoir s'il faut réserver un
sort particulier aux non-salariés qui sont tout à fait en bas de l'échelle des
rémunérations, c'est-à-dire ceux qui gagnent moins de 20 575 francs par an pour
un emploi à temps plein. Se fondant sur les situations souvent préoccupantes de
petits agriculteurs ou d'agriculteurs conjoints de personnes ayant une autre
activité, notre excellent collègue M. Philippe Nogrix avait soumis à la Haute
Assemblée un amendement pour tenir compte de ces situations particulières.
L'Assemblée nationale n'a pas cru devoir le retenir et, monsieur le secrétaire
d'Etat, pour ne pas allonger les débats, la commission des finances estime
qu'il suffit de constater de ce désaccord.
Certes, les situations dont il s'agit sont dignes d'intérêt, mais leur prise
en compte n'est pas nécessairement simple sur le plan technique si l'on veut
respecter le principe d'égalité auquel le Conseil constitutionnel accorde la
vigilance très grande qu'il mérite.
Ainsi, nous bornant à rappeler notre vote de première lecture, nous avons
estimé, au sein de la commission des finances, qu'il n'était pas indispensable
de refaire la démonstration d'un vote majoritaire de la Haute Assemblée sur
cette question. Néanmoins, nous estimons que ce problème devra être traité le
moment venu !
Par ailleurs - et ce troisième point est en vérité essentiel -, nous avons
fait valoir en première lecture que l'application de la mesure était complexe
et qu'il fallait, en quelque sorte, accorder au contribuable un droit à
repentir pour un temps suffisant, de telle sorte qu'il puisse faire état de
tous les éléments de sa situation. Cela n'était pas correctement prévu, à notre
sens, dans le texte initial du Gouvernement, d'où la mesure que la commission
des finances, mes chers collègues, vous avait demandé de voter.
L'Assemblée nationale a encore amélioré l'approche technique de la question.
Elle a affirmé par voie législative, comme nous le souhaitions, le droit à
rectification, et cela conduit à un dispositif techniquement différent de celui
que nous avons voté, mais qui, dans l'ensemble, nous paraît satisfaisant, car
il a les mêmes objectifs.
Monsieur le secrétaire d'Etat, compte tenu de cette analyse que je viens de
résumer brièvement et de l'échec de la commission mixte paritaire, la
commission des finances du Sénat s'est interrogée sur la conduite à tenir en
nouvelle lecture.
Nous pourrions, naturellement, sur le nom de la mesure et sur la question des
travailleurs indépendants, plus particulièrement des agriculteurs les moins
favorisés, reprendre nos positions de principe. Mais, à la vérité, il nous
semble peu probable que l'Assemblée nationale, qui aura le dernier mot, change
son analyse. Il n'est pas nécessairement indispensable, sur ce texte qui a fait
l'objet d'effets d'annonce il y a longtemps déjà, de renouveler pour des
raisons de principes les votes que nous avions émis en première lecture.
Toutefois, en notant que le rapport de mon homologue à l'Assemblée nationale
était coloré d'une teinte assez élogieuse à l'égard des travaux du Sénat sur ce
sujet, et pour éviter à celui-ci de se dédire, la commission des finances
propose l'adoption d'une motion tendant à opposer la question préalable,
question préalable que je qualifierai en l'occurrence de « positive »
(Sourires)...
M. Guy Fischer.
Ce serait un nouveau concept !
M. Philippe Marini,
rapporteur.
... en laissant aux spécialistes du travail parlementaire la
liberté de décrypter cette expression.
La formule me semble de nature à tenir compte et des positions que nous avons
prises et de notre jugement, dans l'ensemble favorable, sur le principe du
crédit d'impôt pour l'activité.
La commission des finances vous incitera, mes chers collègues, à adopter la
motion par scrutin public, compte tenu de l'importance symbolique de ce
vote.
Je voudrais insister, en terminant, sur un dernier point.
Le crédit d'impôt pour l'activité est important mais, de notre point de vue,
il serait d'autant plus important, d'autant plus utile et d'autant plus
efficace qu'il se placerait à l'intérieur d'un contexte, d'un ensemble cohérent
de mesures législatives visant à inciter au retour à l'activité.
Le crédit d'impôt pour l'activité vise à placer les salariés les moins
favorisés dans une situation qui devrait conduire, objectivement, à leur
reconnaître la capacité de progresser. Cette mesure devrait donc être de nature
à faciliter l'augmentation de leur pouvoir d'achat. De ce point de vue, elle
est propice à la promotion sociale des salariés les moins favorisés. Mais, si
l'on s'occupe de cette catégorie, et à juste titre, il ne faut pas oublier,
monsieur le secrétaire d'Etat, celles et ceux qui sont complètement laissés sur
le bord du chemin, c'est-à-dire celles et ceux qui n'ont pas d'emploi, qui
figurent sous la rubrique de l'inactivité, qui contribuent à la persistance
d'un niveau de chômage structurel exceptionnellement élevé dans notre pays par
rapport à celui qui prévaut dans les pays comparables.
En effet, il convient de rappeler, mes chers collègues, que, dans cette
période de relative prospérité économique, la France continue à présenter un
niveau de chômage structurel qui, comme la plupart des experts le
reconnaissent, est de l'ordre de 6 % à 7 % de la population active, soit
beaucoup plus que ce que l'on constate dans des pays voisins comme les Pays-Bas
et le Royaume-Uni, pour ne pas parler d'autres pays jouant un rôle majeur sur
la scène économique internationale. Je pourrais d'ailleurs évoquer à cet égard
la situation de certains pays scandinaves et d'une grande partie de l'Europe du
Nord.
Faut-il se satisfaire, monsieur le secrétaire d'Etat, de cette situation dans
laquelle une part très significative de la population active se trouve abritée
sous le parapluie de mesures d'assistance ? Celles-ci sont certes
indispensables pour lui permettre de vivre, mais elles ne doivent assurément
pas tuer l'énergie et la volonté nécessaires au retour vers la vie de travail,
qui seule permet à une personne humaine d'affirmer sa dignité et celle de sa
famille.
Par conséquent, monsieur le secrétaire d'Etat, lorsque nous, membres de la
majorité sénatoriale, nous prononçons favorablement sur le crédit d'impôt pour
l'activité, nous le faisons bien entendu dans l'optique de cette analyse,
c'est-à-dire que notre vote d'il y a quelques semaines sur le revenu minimum
d'activité est une étape à nos yeux indispensable.
Il est indispensable en effet de trouver avec les entreprises le moyen de
conduire sur le marché du travail, grâce à de vrais emplois et à de vrais
contrats normalement rémunérés selon la législation de droit commun, une partie
au moins des personnes qui bénéficient aujourd'hui du revenu minimum
d'insertion ou d'autres prestations d'assistance, notamment celles qui sont
versées par l'UNEDIC, car le partenariat avec ces entreprises est le seul
capable de créer de vrais emplois dans le secteur marchand.
Je terminerai en disant que le vote du Sénat, favorable à la prime pour
l'emploi, mais dans notre esprit au crédit d'impôt pour l'activité, ne s'entend
que dans ce sens. Ce sont, à nos yeux, deux étages indissociables de la même
démarche et de la même doctrine. Ce sujet, même s'il n'est peut-être pas
aujourd'hui perçu médiatiquement comme il devrait l'être, est tout à fait
crucial et structurant du débat public qui se prolongera jusqu'aux échéances,
essentielles bien sûr, auxquelles nous accordons les uns et les autres toute
notre attention et consacrons tous nos efforts.
C'est dire, mes chers collègues, l'importance du vote de la motion tendant à
opposer la question préalable que la commission des finances vous soumettra,
importance justifiant, je le répète, que la Haute Assemblée se prononce par
scrutin public.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union
centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
Je tiens à préciser que sont actuellement réunies quatre commissions, au sein
desquelles nombre de nos collègues sont par conséquent retenus.
La parole est à M. Sergent.
M. Michel Sergent.
Monsieur le président, je vous remercie de cette précision, mais nous savons
bien que, à défaut de quantité, il y a la qualité !
(Sourires.)
M. Gérard Braun.
Merci !
M. Michel Sergent.
Nous voici réunis afin d'examiner, pour la deuxième fois, le projet de loi
portant création d'une prime pour l'emploi, mesure fiscale due, rappelons-le, à
la censure, par le Conseil constitutionnel, d'une mesure de réduction de la
contribution sociale généralisée, la CSG, et de la contribution pour le
remboursement de la dette sociale, la CRDS, et ce après l'échec, que nous
regrettons, de la commission mixte paritaire.
Je me bornerai à rappeler en quoi cette mesure fiscale, non seulement
nouvelle, mais aussi novatrice, est importante.
Elle est importante parce qu'elle favorise la lutte contre les « trappes à
inactivité », qui freinent la reprise d'une activité professionnelle par
certains travailleurs sans emploi, en allégeant la charge fiscale pesant sur
les titulaires de bas revenus, tout en encourageant leur emploi.
Elle est importante parce que, préservant la progression du pouvoir d'achat
des foyers modestes, elle soutient la consommation des ménages et, par
conséquent, la progression de l'emploi, qui elle-même conforte la croissance de
l'économie française.
Elle est importante, non seulement parce qu'elle entraînera une réduction de
l'impôt sur le revenu de certains foyers, mais aussi, ce qui est beaucoup plus
original, parce qu'elle donnera lieu au versement d'un chèque, établi par
l'administration fiscale, au profit des personnes non imposables ou des foyers
dont la contribution à l'impôt sur le revenu sera inférieure au montant de la
prime.
La prime pour l'emploi est importante parce que, visant les personnes
percevant un revenu d'activité inférieur à 1,4 fois le SMIC, elle est
conditionnée par les seuls revenus de l'activité professionnelle, puisqu'elle
vise à accroître et à conforter cette activité professionnelle, tout en tenant
compte de l'ensemble des revenus du foyer ainsi que des charges de famille de
ses bénéficiaires.
C'est dans le même esprit que les contribuables à revenus d'activité modestes
bénéficieront de la prime, même s'ils perçoivent ensuite des revenus
complémentaires.
Je ne souhaite donc pas que l'on se remette à discuter du sexe des anges et
que l'on se demande si cette prime pour l'emploi est un crédit d'impôt, un
impôt négatif ou une prime pour l'emploi !
Ce qui compte, c'est que cette prime, qui sera versée aux travailleurs les
plus modestes pour compléter leur revenu, concernera 10 millions de personnes
et coûtera, à terme, 25 milliards de francs, c'est-à-dire le même montant que
la mesure initialement prévue, tout en accroissant le nombre des bénéficiaires
de cette mesure initiale et en majorant l'aide prévue pour les personnes à leur
charge.
Ce qui compte, c'est que, sur 8 millions de foyers fiscaux concernés, 5
millions recevront plus de 1 000 francs dès 2001 et 600 000 plus de 2 000
francs.
Ce qui compte, c'est que 30 % des foyers concernés bénéficieront d'une
réduction d'impôt et que 70 % des foyers bénéficiaires, non imposables,
recevront un chèque en provenance des services fiscaux.
Ce qui compte encore, c'est qu'une moitié des sommes distribuées bénéficiera à
des couples, et l'autre moitié à des personnes seules.
La prime pour l'emploi, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, va donc encourager l'exercice ou la reprise d'une activité
professionnelle par les travailleurs à bas revenus, qu'ils soient salariés,
commerçants, artisans, agriculteurs ou travailleurs indépendants, sans
favoriser le temps partiel et sans aider les employeurs à contenir les
salaires.
Caractéristique du souci constant du Gouvernement d'allier la justice sociale
à l'efficacité économique, la prime pour l'emploi est un dispositif de justice
sociale visant à faire bénéficier d'allégements fiscaux des personnes insérées
dans la vie professionnelle mais qui ne bénéficient pas, ou peu, de la baisse
de l'impôt sur le revenu, tout en étant un dispositif de stimulation de la
demande intérieure, facteur de croissance et de création d'emplois.
Pour toutes ces raisons, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, le groupe socialiste soutiendra une nouvelle fois ce
projet de loi portant création d'une prime pour l'emploi, et ce tel qu'il a été
adopté en nouvelle lecture par l'Assemblée nationale.
(Applaudissements sur
les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les
termes du débat ont peu évolué depuis l'examen du présent texte en première
lecture par notre assemblée, le 3 avril dernier, et à la suite du débat en
nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, si ce n'est que M. le rapporteur de
la commission des finances va présenter une motion tendant à opposer la
question préalable, qu'il a qualifiée de « positive ».
Je ne reprendrai donc par la totalité des arguments développés par mon ami
Roland Muzeau à cette occasion.
Je souhaite d'emblée rappeler les responsabilités de la droite. Si elle
n'avait pas suscité, par son recours devant le Conseil constitutionnel contre
la loi de finances pour 2001, l'annulation de l'allégement de la CSG pour les
revenus les plus modestes...
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Parce qu'il ne faudrait pas que les parlementaires utilisent
leurs droits ! Voyons, mon cher collègue !
M. Guy Fischer.
Je n'ai pas dit cela ! Vous savez bien la différence d'interprétation qui nous
sépare !
En tout cas, si la droite n'avait pas saisi le Conseil constitutionnel nous
n'en serions pas là, et les plus modestes auraient reçu, bien que de manière
insatisfaisante, certes, dès le 1er janvier de cette année, la somme dont le
Gouvernement s'apprêtait à les faire bénéficier.
Pour en revenir à la mesure elle-même, qui peut s'opposer à l'octroi de sommes
supplémentaires à nos concitoyens qui en ont le plus besoin ? Certainement pas
les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen.
Cela étant dit, nous tenons à souligner les ambiguïtés de cette disposition,
nous l'avons fait savoir dans différentes assemblées. Nous souhaitons voir
avancer une réflexion bien plus globale, notamment sur l'absence de réforme
fiscale d'ampleur générale visant à renforcer, par exemple, le principe de
l'impôt progressif - je pense notamment aux revenus financiers, à propos
desquels des progrès substantiels restent à faire.
Sur ce dernier point, je souhaite saisir l'occasion de ce débat, qui allie, au
moins dans son intitulé, le social et le fiscal, pour souligner la
contradiction entre la volonté affichée de lutter contre l'action de grands
groupes multinationaux qui licencient à tour de bras depuis quelques semaines
et l'absence de mesures fortes pour les contraindre fiscalement à cesser leurs
agissements anti-sociaux.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ont d'ailleurs
déposé, lors de l'examen du projet de loi de modernisation sociale, une série
d'amendements visant à sanctionner fiscalement et financièrement les
entreprises bénéficiaires qui licencient. Mais le débat se développe dans le
pays, et il n'est pas près de cesser !
De telles mesures seraient, à notre sens, un acte de résistance à cette
offensive libérale. En fait, le crédit d'impôt que le Gouvernement nous propose
sous l'appellation de « prime pour l'emploi » est reconnu par beaucoup comme
une disposition d'accompagnement du libéralisme. Vous le savez, nous avons été
critiques sur ce point : nous suivons l'expérience qui est menée dans certains
pays anglo-saxons.
En effet, c'est bien la collectivité publique qui va prendre en charge
l'augmentation du pouvoir d'achat des salariés les plus modestes, permettant
ainsi aux entreprises de se dégager de leurs responsabilités.
C'est ce point, vous l'aurez compris, monsieur le secrétaire d'Etat, qui
suscite notre première réserve essentielle à l'égard de ce projet.
La seconde réserve porte sur l'absence pour le moment, malgré les assurances
de M. le Premier ministre, d'augmentation significative du pouvoir d'achat et
du SMIC.
Comment la gauche plurielle pourra-t-elle faire face à son bilan si elle n'a
pas pu renforcer la part du salaire dans la valeur ajoutée, alors que ce sont
les revenus financiers qui progressent toujours.
Le projet de loi créant une prime pour l'emploi ne nous satisfait pas.
Toutefois, nous ne nous y opposerons pas car les salariés les plus modestes en
seront bénéficiaires. En tout cas, il faudra être souple dans l'appréciation
des feuilles d'impôts, qui étaient peu compréhensibles sur ce point. Vous avez
précisé à cet égard, monsieur le secrétaire d'Etat, que des lettres de relance
avaient été envoyées.
Au demeurant, nous regrettons fortement que ce soit ce gouvernement qui érige
en principe supérieur la baisse d'impôt alors que, dans notre pays, la
croissance a, pensons-nous, besoin d'une dépense publique forte, tournée vers
l'emploi et vers le service public.
M. le rapporteur de la commission des finances s'apprête à présenter une
motion tendant à opposer la question préalable. Nous n'allons pas entrer dans
ce jeu-là. Nous nous étions abstenus lors de la précédente lecture de ce texte,
et nous maintiendrons cette position.
(Applaudissements sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Question préalable