SEANCE DU 24 AVRIL 2001
M. le président.
La parole est à M. Courteau, auteur de la question n° 1035, adressée à Mme le
ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Roland Courteau.
Madame la secrétaire d'Etat, le harcèlement moral au travail, ou harcèlement
psychologique, est un phénomène qui prend, semble-t-il, beaucoup d'ampleur. Il
se traduit, chacun le sait, de différentes manières et de façon répétitive :
agressions verbales, humiliations, vexations, refus de communications ou encore
pressions psychologiques diverses, telles que des mutations ou des changements
de poste, dans le dessein de déstabiliser le salarié.
Si le harcèlement moral au travail peut être le fait de dérives perverses de
supérieurs hiérarchiques et, plus rarement, de collègues, il peut aussi, dans
certains cas, être un moyen de pousser le salarié à la démission pour échapper
aux procédures légales de licenciement, qui peuvent être longues et coûteuses.
Dans de très nombreux cas, la répétition de ces agressions pousse les victimes
à la démission, parfois à la dépression, voire au suicide.
Le Conseil économique et social, qui propose l'interdiction du harcèlement
moral, avance une définition : « Aucun salarié ne doit subir les agissements
répétés du harcèlement moral de l'employeur, de son représentant ou de
quiconque visant à dégrader les conditions humaines, relationnelles,
matérielles de son travail, de nature à porter atteinte à ses droits et à sa
dignité, pouvant altérer gravement son état de santé et pouvant compromettre
son avenir professionnel. » Dans de nombreux cas, on constate en effet, madame
la secrétaire d'Etat, une détérioration intentionnelle des conditions de
travail, ce qui constitue un abus de droit inacceptable.
Faut-il préciser, par ailleurs, que de tels agissements ne sont pas propres au
secteur privé ? On les retrouve, en effet, plus nombreux encore dans le secteur
public.
Or, si le harcèlement sexuel est puni depuis la loi du 2 novembre 1992, il
apparaît que les dispositions du droit en vigueur concernant le harcèlement
moral au travail sont mal connues et manquent en tout cas d'efficacité.
Je souhaiterais donc, madame la secrétaire d'Etat, connaître votre sentiment
sur l'efficacité des dispositifs actuellement applicables à ce type de
harcèlement.
Ne vous apparaît-il pas nécessaire et urgent de proposer le renforcement des
mesures législatives existantes en vue de mieux prévenir, de mieux sanctionner
de telles pratiques, et de faire apparaître clairement, pour les auteurs de
tels actes comme pour les victimes, que le harcèlement moral au travail est un
acte répréhensible ? En ce sens, la sanction ou la menace de sanction peut
avoir des vertus pédagogiques.
Ne convient-il pas d'introduire l'interdiction du harcèlement moral au travail
dans le code du travail et dans le titre Ier du statut général des
fonctionnaires, et de prévoir des sanctions tant civiles que pénales ?
Je tiens également à insister sur la nécessaire protection dont les témoins
doivent faire l'objet dans ce genre d'affaires, étant entendu que, faute de
témoignages, il est parfois difficile de faire la preuve du harcèlement.
Il me paraît, enfin, tout aussi nécessaire que les plus graves conséquences
médicales du harcèlement soient reconnues comme maladies professionnelles. La
santé mentale doit être en effet prise en compte de la même manière que l'est
la santé physique.
Je souhaiterais donc, madame la secrétaire d'Etat, connaître votre sentiment
sur l'ensemble de ces questions.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat aux personnes âgées.
Monsieur le président, mesdames,
messieurs les sénateurs, je vous prie d'excuser l'absence de Mme Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité, qui est retenue à l'Assemblée
nationale.
Monsieur le sénateur, comme vous l'avez bien expliqué, la société a pris la
mesure de l'ampleur du phénomène du harcèlement moral au travail. C'est
pourquoi M. le Premier ministre a saisi le Conseil économique et social, qui a
rendu, le 11 avril 2001, un avis de très grande qualité.
Le 11 janvier 2001, l'Assemblée nationale a terminé l'examen, auquel j'ai
largement participé en tant que député, du projet de loi de modernisation
sociale. Au sein de ce texte, elle a adopté des articles présentant une
définition du harcèlement moral et précisant les obligations de l'employeur
pour en prévenir la réalisation et en annuler les effets pour les salariés,
notamment quand le harcèlement moral aura été provoqué en vue d'aboutir à la
rupture du contrat de travail.
Ainsi que l'affirme cette définition, le harcèlement moral se caractérise
essentiellement comme une atteinte à la dignité du travailleur. C'est aussi un
facteur de dégradation de santé non seulement au travail, mais aussi dans sa
vie privée, comme vous l'avez souligné, monsieur le sénateur.
Aussi, dans la perspective d'un alignement avec les dispositions du droit
communautaire, le Gouvernement entend créer un droit de la prévention et de la
réparation du harcèlement moral qui passera par un allégement de la charge de
la preuve pour le salarié, dans le cadre d'un recours facilité au juge.
Je crois - et j'y insiste, pour avoir constaté sur le terrain combien cela
pouvait résorber toutes les difficultés pouvant être vécues dans le cadre du
travail - qu'il sera nécessaire de réfléchir à toutes les actions de
prévention, en particulier dans le cadre de la consultation de victimologie.
La Haute Assemblée va débattre, cet après-midi, du projet de loi de
modernisation sociale. Je crois qu'un certain nombre de discussions permettront
de répondre à l'ensemble des questions que vous venez de poser, monsieur le
sénateur. Je vous souhaite très sincèrement un débat extrêmement fructueux, le
point que vous avez soulevé correspondant à un vrai problème de société.
M. Roland Courteau.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Courteau.
M. Roland Courteau.
Madame la secrétaire d'Etat, je tiens à vous remercier de votre réponse.
Comme un certain nombre de parlementaires, je souhaite qu'un regard nouveau
soit porté sur les atteintes à la dignité, aux droits de la personne au travail
et à la santé psychique. Il faut, en effet, mettre un terme à ces situations de
violences interpersonnelles qui sont inadmissibles.
Nous ne manquerons pas de donner suite à l'échange de vues de ce matin.
SITUATION DE L'ASSOCIATION INTERCANTONALE
D'AIDE A` DOMICILE POUR PERSONNES A^GÉES A` TULLE