SEANCE DU 3 AVRIL 2001
M. le président.
La parole est à M. Demilly, auteur de la question n° 1025, adressée à M. le
ministre délégué à la santé.
M. Fernand Demilly.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, monsieur le secrétaire
d'Etat, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre délégué à
la santé et concerne les effets de seuil de la couverture maladie universelle,
la CMU.
Le plafond des ressources arrêté par les pouvoirs publics à 3 600 francs pour
bénéficier de la CMU complémentaire entraîne des cas d'exclusion, notamment
celle des bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés et de ceux du
minimum vieillesse.
Les caisses primaires d'assurance maladie demandent aux départements de
s'associer à une action d'incitation et de soutien envers ces personnes, dont
le revenu est compris entre 3 600 francs et 3 800 francs, ce qui correspond au
seuil de pauvreté, et qui n'adhèrent pas à un organisme complémentaire.
Les crédits consacrés par le département à la prise en charge de l'aide
médicale au profit des bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés et
du minimum vieillesse ont été prélevés sur la dotation globale de
fonctionnement et restitués à l'Etat. Or, aujourd'hui, les départements sont
sollicités pour consacrer de nouveaux crédits à l'aide facultative destinée à
pallier les effets de seuil induits par la loi.
Une telle mesure viendrait contredire le caractère universel de la CMU et
aurait pour conséquence d'introduire une nouvelle aide individuelle attribuée
après appréciation de la situation particulière des intéressés et variant selon
les départements.
Je demande donc au Gouvernement quelles mesures il compte prendre pour ne pas
solliciter une fois encore les deniers des collectivités pour un programme
centralisé.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët,
secrétaire d'Etat à l'économie solidaire.
Monsieur le sénateur, à la fin
de janvier 2001, près de 5,1 millions de personnes bénéficiaient de la CMU.
Cela représente une augmentation de 50 % par rapport aux 3,4 millions de
personnes qui percevaient, avant le 1er janvier 2000, l'aide médicale gratuite
des départements. Sous ce seul aspect quantitatif, en ayant permis d'accorder
un droit à la couverture complémentaire maladie à plus de 1,7 million de
personnes supplémentaires, la loi du 27 juillet 1999, qui a institué la CMU,
est un grand succès.
Sur le plan qualitatif, il faut noter que, bien souvent, l'aide médicale
gratuite des départements permettait l'accès à un panier de soins moins complet
que celui qui est offert par la CMU ; en outre, une partie des bénéficiaires de
l'aide médicale gratuite y étaient admis partiellement, moyennant une
participation financière.
Ces améliorations quantitatives et qualitatives sont la conséquence de la
décision prise par le Gouvernement, au début de l'année 2000, de faire de la
CMU un dispositif national, dont les prestations doivent être les mêmes sur
l'ensemble du territoire. C'est donc très logiquement que l'Etat a repris la
compétence d'aide médicale obligatoire qui incombait auparavant aux
départements, ainsi que les crédits correspondants, au moyen d'une diminution,
à proportion de ces crédits, des dotations globales de fonctionnement.
Mais la CMU est un dispositif jeune. Nous devons veiller à ce qu'il grandisse
sans heurts. Une évaluation en est d'ailleurs prévue pour la fin de cette
année.
L'une des interrogations les plus fréquentes porte sur le seuil de ressources
qui a été retenu pour l'ouverture du droit à la CMU, soit 3 600 francs par mois
pour une personne seule. Il est difficile pour une personne d'admettre que,
pour un dépassement de quelques francs de ce seuil, elle soit privée de tout
droit à la couverture complémentaire maladie.
Certes, la loi a prévu que tous les bénéficiaires de l'aide médicale gratuite
avant le 1er janvier 2000 obtiendraient automatiquement à cette date le droit à
la CMU. Ce droit a ensuite été prolongé à deux reprises et, dernièrement,
jusqu'au 30 juin 2001. Mais à prolonger encore ce droit, on prendrait le risque
de laisser se créer une inégalité entre personnes de revenu identique selon
qu'elles ont été ou non bénéficiaires de l'aide médicale gratuite avant le 1er
janvier 2000. Il faut donc trouver une solution générale à ce problème de
l'effet de seuil de la CMU.
D'ores et déjà, le Gouvernement a décidé d'affecter 400 millions de francs aux
fonds d'action sanitaire et sociale des caisses primaires d'assurance maladie
pour la prise en charge des personnes dont les revenus dépassent le plafond de
ressources fixé pour l'ouverture du droit à la CMU complémentaire. Il entre
dans les compétences des caisses primaires de rechercher les moyens de réaliser
une coordination de leur intervention avec celles d'autres partenaires, comme
les organismes dispensateurs de couvertures maladie complémentaires ou les
départements.
S'agissant des départements, il y a lieu de souligner qu'ils conservent une
compétence générale en matière d'aide sociale facultative, laquelle trouve
parfaitement à s'exercer dans le domaine de l'aide au maintien de la couverture
maladie des personnes qui sortent de la CMU. Certains département, comme
l'Essonne ou le Val-de-Marne, mais aussi l'Ille-et-Vilaine, ont d'ores et déjà
noué des partenariats locaux avec les caisses primaires d'assurance maladie, et
je ne vois que des avantages à ce qu'une partie des difficultés inhérentes à
l'effet de seuil de la CMU puisse être résolue au niveau local.
Toutefois, l'ampleur du problème qui se posera le 30 juin prochain avec
l'arrivée à son terme du droit automatique à la CMU des anciens bénéficiaires
de l'aide médicale gratuite - plusieurs centaines de milliers de personnes -,
engage directement la responsabilité de l'Etat.
Le Gouvernement annoncera prochainement des mesures importantes qui
garantiront que toute personne dont les ressources sont à peine supérieures au
plafond de la CMU se verra proposer le maintien d'une couverture maladie de
qualité à un prix supportable par elle.
M. Fernand Demilly.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Demilly.
M. Fernand Demilly.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de m'avoir apporté la réponse
de M. le ministre délégué à la santé. Mais cette réponse n'est guère
satisfaisante.
En effet, malgré les effets bénéfiques de la loi, que vous avez rappelés,
demeure le problème de l'inégal accès aux soins des plus démunis.
Parmi les prestations sociales, cinq minima sociaux ont été revalorisés de 2,2
% au 1er janvier 2001.
Le revenu minimum d'insertion atteint maintenant 2 608,50 francs, l'allocation
de solidarité spécifique, 2 613 francs et l'allocation d'insertion, 1 840
francs.
Il n'y a donc pas de problème pour ces trois minima.
En revanche, le montant de l'allocation aux adultes handicapés et celui du
minimum vieillesse s'élèvent désormais à 3 654,50 francs.
Il y a donc un problème pour 54,50 francs, problème qui n'existait pas avant
la revalorisation du 1er janvier dernier.
Il conviendrait donc, pour maintenir le caractère universel de la CMU accordée
« aux plus modestes » et ne pas introduire une nouvelle aide individuelle
différenciée selon les situations particulières et les départements, que les
conditions d'accès soient simplement relevées au niveau du seuil de pauvreté,
soit 3 800 francs par mois, ce qui règlerait le problème des personnes dont le
revenu est compris entre 3 600 francs et 3 800 francs, et qui n'adhèrent pas à
un organisme complémentaire.
Au demeurant, on ne peut pas solliciter à nouveau les départements, car les
crédits qu'ils consacraient à la prise en charge de l'aide médicale des
bénéficiaires de l'AAH et du FNS ont été prélevés sur la dotation globale de
fonctionnement et restitués à l'Etat.
Obliger les départements à affecter de nouveaux crédits à une aide facultative
destinée à pallier les effets de seuil introduits par la loi reviendrait, en
fait, à faire payer les départements deux fois, ce qui n'est pas convenable.
J'ai bien noté, monsieur le secrétaire d'Etat, que le Gouvernement entendait
prendre des mesures prochainement. J'en attends l'annonce avec beaucoup
d'intérêt.
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