SEANCE DU 3 AVRIL 2001
M. le président.
La parole est à M. Darcos, auteur de la question n° 1017, adressée à Mme le
ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Xavier Darcos.
Monsieur le secrétaire d'Etat, dans la semaine du 23 décembre au 2 janvier
derniers, le droit de réquisition a été utilisé à l'encontre de cent vingt des
quatre cents médecins généralistes que compte le département de la Dordogne.
Pour justifier sa décision, le préfet en exercice de ce département s'est
fondé sur une loi du 11 juillet 1938 portant sur l'organisation générale de la
nation en temps de guerre, sans la moindre concertation préalable avec la
profession, qui l'avait pourtant réclamée.
Les médecins périgourdins réquisitionnés ont été soumis à des conditions de
travail inacceptables, avec deux cent vingt-huit heures consécutives
d'injonction de travail, ce qui a pu mettre en danger non seulement leur santé,
mais aussi la vie de leurs patients.
De telles pratiques sont en contradiction avec la politique du Gouvernement,
qui oeuvre pour l'allégement des rythmes de travail et défend le principe de
précaution.
Pourriez-vous donc, monsieur le secrétaire d'Etat, me donner des explications
sur les raisons qui ont pu conduire à ces conditions exceptionnelles de
réquisition, lesquelles ne correspondent aucunement aux pratiques en usage dans
les secteurs d'activité mettant en jeu la responsabilité ou la sécurité
collective ?
Quelles mesures envisagez-vous de prendre pour réparer le préjudice subi par
ces médecins réquisitionnés ?
Par ailleurs, je souhaiterais aborder un thème plus général, celui du maintien
d'un service public minimum en cas de grève dans les secteurs ou les
entreprises remplissant une mission de service public.
En 1997, une proposition de loi portant le numéro 451 avait été déposée sur le
bureau du Sénat. Elle visait à inviter les partenaires sociaux et les
employeurs, au sein des services publics, à négocier des accords sur la
prévention des conflits. Le 3 février 1999, la commission des affaires sociales
du Sénat a examiné cette proposition de loi, par un rapport remarquable de M.
Huriet portant le numéro 194 et annexé au procès-verbal de la séance du jour,
en insistant sur les insuffisances du dialogue social en France. Ces
observations confirmaient un avis précédent, en date du 11 février 1998, adopté
par le Conseil économique et social et qui mettait opportunément l'accent sur
la nécessité de développer des procédures de conciliation, de médiation ou
d'arbitrage dans les conflits du travail, car trop souvent ceux-ci sont traités
à un échelon inadéquat, et les conséquences en sont lourdes lorsque l'intérêt
général est en cause.
Le Sénat, souvent précurseur dans les domaines de la vie économique et sociale
ou de l'éthique, avait suggéré que le service minimum soit envisagé comme une
solution ultime dans l'hypothèse d'un échec du dialogue social.
Si les propositions de la Haute Assemblée relatives à l'obligation de
négociation avaient été prises en considération, le conflit intéressant les
médecins généralistes de Dordogne ne se serat jamais déroulé dans les
conditions inacceptables et périlleuses que je viens de rappeler. Monsieur le
secrétaire d'Etat, la France est, avec le Royaume-Uni, le seul pays de l'Union
européenne à ne pas avoir adopté des règles pour qu'il ne soit recouru à la
grève qu'en cas d'échec du dialogue social. Quelles mesures concrètes le
Gouvernement envisage-t-il de prendre pour relancer ce dialogue ?
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët,
secrétaire d'Etat à l'économie solidaire.
Monsieur le sénateur, je
répondrai tout d'abord à la première partie de votre question, et j'en viendrai
ensuite à la seconde, qui était moins prévisible.
Vous avez souligné les difficultés ayant été engendrées par l'usage, que vous
estimez abusif, du droit de réquisition à l'encontre des médecins généralistes
du département de la Dordogne durant la période du 23 décembre 2000 au 2
janvier 2001.
D'une part, la loi du 11 juillet 1938, que vous avez évoquée, pose en son
article 31 le principe de l'obligation de déférer aux réquisitions de
l'autorité publique, y compris en temps de paix, des sanctions étant prévues en
cas de refus. La loi susvisée demeure à ce jour le texte de référence en
matière de réquisition.
D'autre part, il ressort de l'examen détaillé des faits intervenus au cours de
la période concernée que le conseil départemental de l'ordre des médecins a,
conformément à sa mission de service public consistant à réglementer l'exercice
de la profession, tenté, mais sans succès, d'effectuer un recensement des
médecins grévistes. Il a alors été procédé à réquisition par les services de la
DDASS, la direction départementale des affaires sanitaires et sociales, sur le
fondement des dispositions précitées. C'est de propos délibéré que les
réquisitions ont concerné de nombreux praticiens sur l'ensemble de la période,
afin que ceux-ci s'organisent entre eux et que la charge effective pour chacun
soit allégée. Dans un souci de concertation, la DDASS a alors organisé, avec
l'ensemble des syndicats médicaux, une réunion dont l'objet était de proposer
la levée partielle des réquisitions, sous réserve que le service minimum soit
assuré. Les syndicats ont refusé cette proposition, laquelle a néanmoins été
mise en oeuvre.
Dans ces conditions, les services de l'Etat ont déployé le maximum d'efforts
afin de concilier la nécessité d'assurer la continuité de la prise en charge
sanitaire de la population, laquelle impliquait des réquisitions, et le
principe de la liberté d'exercice.
Je crois qu'il s'agit de cas tout à fait exceptionnels et, pour élargir mon
propos, puisque vous-même l'avez fait, monsieur le sénateur, j'indiquerai qu'il
faut hiérarchiser les situations. Certes, il est évident que nous vivons dans
un pays où nous devons, les uns et les autres, travailler à enrichir le
dialogue social et à dégager des consensus pour éviter de déboucher sur des
conflits. Cela étant, ne pas pouvoir prendre un train le matin est une chose,
être gravement malade et ne pouvoir trouver aucun médecin qui soit disponible
dans un périmètre raisonnable en est une autre.
Il faut donc, c'est une évidence, oeuvrer en faveur du dialogue social et
respecter les libertés fondamentales, notamment l'exercice du droit de grève,
mais aussi, quand c'est nécessaire, prendre les mesures qui s'imposent dans des
situations d'exception.
Vous avez affirmé, monsieur le sénateur, que le nombre d'heures de travail
fournies par les médecins requis a mis en danger la santé des praticiens et
celle des patients ; mais croyez-vous que la situation aurait été meilleure si
aucun médecin n'avait été disponible ? Pour ma part, je crois que non.
M. Xavier Darcos.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Darcos.
M. Xavier Darcos.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de votre réponse. Cela étant,
s'il est vrai que la situation était exceptionnelle, je persiste à penser qu'il
est contradictoire et inacceptable que l'on puisse réquisitionner les médecins
alors que, lorsque le service public est en grève, on ne peut réquisitionner
personne.
Je pense qu'il y a deux poids deux mesures. Dans le cas d'espèce que j'ai
cité, on a requis des médecins tandis que, lorsque le service public se trouve
désorganisé pour des motifs dérisoires, égoïstes et reflétant des intérêts
purement privés, le Gouvernement paraît subitement muet.
(M. About
applaudit.)
M. Guy Hascoët,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le sénateur, il est toujours aisé de dire que
les raisons qui conduisent telle ou telle catégorie de personnes à décider de
se mettre en grève sont dérisoires et égoïstes. Ceux qui liront les comptes
rendus de nos débats apprécieront vos propos. Pour ma part, j'estime que de
tels commentaires peuvent amener à vouloir s'attaquer progressivement au droit
de grève lui-même. Nous avons sans doute, sur ce dossier, des points de vue
très différents.
M. Nicolas About.
Les moyens d'aller travailler sont plus importants que la télévision ! Or, à
la télévision, un service minimum est organisé !
DEVENIR DE L'ASSOCIATION
« SOLIDARITÉ ENFANTS SIDA »