SEANCE DU 1ER FEVRIER 2001
M. le président.
La parole est à M. Seillier.
M. Bernard Seillier.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues,
ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale.
A l'occasion des débats relatifs à la contraception ou à l'interruption
volontaire de grossesse, l'éducation de la sexualité se trouve ou se trouvera
affirmée comme une priorité.
D'autres réalités conduisent à la même affirmation, comme les violences
physiques dans le domaine de la sexualité, qui se multiplient chez les jeunes,
frappent et scandalisent à juste titre. Ne convient-il pas, pour y porter
vraiment remède, de s'interroger sur les causes et la signification de ces
violences ? A la source de toute violence physique, n'y a-t-il pas l'amputation
de la dimension affective dans la relation ?
C'est pourquoi toute présentation de la relation sexuelle coupée de la
dimension affective et d'un projet de vie à deux risque d'engendrer un mal-être
source de violence, comme l'analysent beaucoup de ceux qui se penchent sur la
détresse des adolescents.
L'instinct sexuel, comme tous les autres instincts, a besoin d'éducation pour
échapper à la violence. Or non seulement on semble aujourd'hui renoncer à cette
éducation, mais on laisse diffuser des images et des modèles de comportements
sexuels instinctifs et primaires très loin des vrais besoins et des aspirations
profondes des jeunes. Comment ne pas évoquer ici le scandale de l'affaire
d'Abbeville ?
Je ne suis pas le seul parlementaire à avoir été interrogé par des concitoyens
sur la question de fond que pose le thème de la sexualité abordé à l'école. Par
tout ce qu'elle met en jeu, l'éducation de la sexualité nécessite un véritable
débat national.
L'Etat ne saurait en définir seul et
a priori
le contenu, ni prétendre
la réduire à un ensemble de connaissances physiologiques ou médicales sous
couvert de sa compétence en santé publique.
Dans un domaine aussi sensible, la République se doit, pour éviter une dérive
totalitaire, d'assurer les conditions de la liberté de conscience.
Il y a déjà lieu de s'alarmer aujourd'hui quand sont organisées par l'Etat des
campagnes d'information présentant la vie sexuelle précoce comme une norme ne
se discutant pas, alors même que la maturité affective n'est pas acquise et que
la formation de la conscience et de la liberté n'est pas assurée. Une véritable
dérive oppressive sur les consciences existe quand une adolescente ou un
adolescent est conduit par l'information reçue officiellement à penser qu'une
absence de relations sexuelles est anormale.
(Murmures sur les travées
socialistes.)
De même, l'atteinte à la liberté existe quand, en matière de formation à la
contraception, toutes les méthodes de maîtrise de la fécondité ne sont pas
présentées.
Au total, monsieur le ministre, au moment où l'éducation affective et sexuelle
des jeunes va devoir être sérieusement pensée et organisée au niveau national
dans le respect des principes de la liberté de conscience et de la
responsabilité parentale originelle, n'y aurait-il pas lieu d'instituer une
autorité indépendante, pluraliste et pluridisciplinaire,...
M. Raymond Courrière.
Avec des curés !
M. Bernard Seillier.
... ne faisant pas seulement appel à des médecins, mais aussi à des
philosophes, des psychologues, des psychanalystes, des conseillères conjugales
et des représentants d'associations familiales et parentales, pour concevoir,
organiser et valider l'éducation affective et sexuelle des jeunes en milieu
scolaire ?
M. Paul Raoult.
L'ordre moral !
M. Bernard Seillier.
Les perspectives esquissées dans mes propos démontrent que le conseil
supérieur de l'information sexuelle ne peut pas répondre au problème posé,
quels qu'aient été ses mérites par ailleurs.
(Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Raymond Courrière.
C'est de l'obscurantisme !
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jack Lang,
ministre de l'éducation nationale.
Monsieur le sénateur, à quelques mots
près, je pourrais partager un certain nombre de vos observations, d'autant que
certains de vos voeux sont déjà entendus par les pouvoirs publics nationaux ou
locaux.
A aucun moment, il n'a été question, en tout cas pas dans la période présente,
de dissocier ce que peut être la connaissance du corps de l'éducation au
respect de la dignité, de l'égalité entre les sexes, de la sentimentalité,...
tout simplement des sentiments.
Il est même une phrase que vous avez prononcée que je pourrais faire mienne,
quand vous avez dit que, trop souvent, des violences s'exerçaient à l'encontre
notamment des femmes, des jeunes femmes et des jeunes filles.
Le ministère de l'éducation nationale s'apprête à lancer une campagne sur ce
sujet auprès des jeunes. Il n'est pas tolérable que, dans un pays de mixité, de
parité entre les femmes et les hommes, dans un pays d'égalité des sexes, de
jeunes garçons puissent agresser, par des mots ou par des gestes, des jeunes
filles au collège, au lycée ou à l'extérieur des établissements scolaires. A
cet égard, je serai un gardien vigilant.
Mme Hélène Luc.
Très bien !
M. Jack Lang,
ministre de l'éducation nationale.
Quant au conseil supérieur, dont vous
avez parlé, sa composition peut éventuellement être encore améliorée. Ce
conseil est guidé par les principes que vous avez énoncés, et notamment celui
du pluralisme. Y sont représentés toutes les familles de pensée, les éducateurs
et divers mouvements. Le conseil veille à ce que les informations fournies
soient précises et respectueuses de la sensibilité des uns et des autres. Nous
veillerons à ce qu'il en soit toujours ainsi.
M. Emmanuel Hamel.
Bonne réponse !
PRESTATION DÉPENDANCE