SEANCE DU 25 JANVIER 2001


SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Rappel au règlement (p. 1 ).
MM. Patrice Gélard, le président.

3. Date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale. - Suite de la discussion d'une proposition de loi organique déclarée d'urgence (p. 2 ).
Discussion générale (suite) : MM. Bernard Fournier, Jean Boyer, Paul Blanc, François Gerbaud, Georges Gruillot.

Suspension et reprise de la séance (p. 3 )

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

4. Questions d'actualité au Gouvernement (p. 4 ).

CHIFFRES DE LA DÉLINQUANCE (p. 5 )

MM. Ladislas Poniatowski, Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement.

FINANCEMENT DES RETRAITES
ET ATTITUDE DU MEDEF (p. 6 )

M. Claude Domeizel, Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

FINANCEMENT DES 35 HEURES DANS LA FONCTION PUBLIQUE
ET RETRAITES DES FONCTIONNAIRES (p. 7 )

MM. Jean-Paul Hugot, Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

SITUATION DES INFIRMIÈRES (p. 8 )

M. Jean-Pierre Fourcade, Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

5. Souhaits de bienvenue à une délégation de parlementaires suisses (p. 9 ).

6. Questions d'actualité au Gouvernement (suite) (p. 10 ).

FINANCEMENT DES RETRAITES
ET ATTITUDE DU MEDEF (p. 11 )

M. Thierry Foucaud, Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

APPLICATION DE LA CIRCULAIRE SUR LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL
SUR LES ROUTES L'HIVER (p. 12 )

MM. Jean-Paul Amoudry, Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

APPLICATION DE LA LOI SUR LES 35 HEURES
DANS LES PME (p. 13 )

M. Jean Boyer, Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

PLAN DE PROTECTION DE L'ENFANCE (p. 14 )

Mmes Claire-Lise Campion, Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

INSÉCURITÉ (p. 15 )

MM. Paul Blanc, Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement.

MOYENS DE LA JUSTICE (p. 16 )

MM. Dominique Leclerc, Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement.

Suspension et reprise de la séance (p. 17 )

PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE

7. Conférence des présidents (p. 18 ).

8. Communication d'un avis au Parlement (p. 19 ).

9. Date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale. - Suite de la discussion d'une proposition de loi organique déclarée d'urgence (p. 20 ).
Discussion générale (suite) : MM. Patrice Gélard, Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement ; Christian Bonnet, rapporteur de la commission des lois ; Alain Gournac, Mme Nelly Olin, MM. Jean-Philippe Lachenaud, Henri de Richemont.
Renvoi de la suite de la discussion.

10. Ordre du jour (p. 21 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. Patrice Gélard. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. Monsieur le président, la presse a fait état de certaines déclarations du ministre des relations avec le Parlement, qui a mis en cause un groupe de sénateurs, une petite troupe de sénateurs plus exactement.
Je tiens à protester contre cette déclaration, qui est en réalité une atteinte contre les droits souverains du Sénat. Nous ne faisons qu'appliquer le règlement du Sénat et la Constitution, et il n'appartient pas à un ministre de critiquer la façon dont se déroulent nos débats.
M. le président. Monsieur Gélard, je vous donne acte de votre rappel au règlement.

3

DATE D'EXPIRATION DES POUVOIRS
DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Suite de la discussion d'une proposition de loi
organique déclarée d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi organique (n° 166, 2000-2001), adoptée par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, modifiant la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale. [Rapport n° 186 (2000-2001).]
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Fournier.
M. Bernard Fournier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans la course qui place les acteurs potentiels des prochaines élections présidentielles à la recherche d'un brevet de constitutionnalité, qu'il me soit permis, en propos liminaires, d'évoquer le général de Gaulle, à qui, somme toute, et contre toute attente, on se réfère sur toutes les travées de nos assemblées, y compris sur les plus à gauche. Chacun se souviendra de cette exclamation fameuse qu'il prononça et que j'ose reprendre à mon compte aujourd'hui :
« Mais quels sont ces cris péremptoires et contradictoires qui s'élèvent bruyamment au-dessus de la nation ? Hélas ! Rien autre chose que les clameurs des partisans. »
Si j'emprunte à l'auteur du discours de Bayeux ce constat un peu désabusé, c'est parce que je me sens un peu navré de ce que notre vie politique ne soit plus rythmée qu'en fonction du calcul des uns, des équations des autres.
Ce que nous avions voulu éviter, nous citoyens, et nous héritiers gaullistes, ce que nous avions voulu éviter - disais-je - un jour d'octobre 1958 est revenu au galop : ce sont dorénavant les intérêts personnels qui ont pris le pas sur l'intérêt supérieur de la nation.
Ce constat recouvre malheureusement bien plus que des mots puisque le débat qui nous réunit aujourd'hui est à mon sens topique de la dérive que nous redoutions, dérive que tous les démocrates doivent combattre et qui va vers la cristallisation de la dynamique républicaine autour de la seule quête du pouvoir des personnes.
Avant tout, il ne faut pas oublier les notions fondamentales de notre société politique moderne : je veux rappeler que la Constitution doit être non pas une coquille vide mais un texte vivant, devant lequel le législateur ordinaire ou organique ne peut que s'incliner.
Contourner la Constitution par la loi pour éviter de la violer de front est hardi. Tenter de justifier cela par des arguments dilatoires est condamnable, je dirai même que c'est fallacieux.
Par un tour de passe-passe médiatique, le Gouvernement, ou tout du moins une partie de la majorité, laisse croire aux Français que le monde est à l'envers, que le parti socialiste est devenu le défenseur du corps de la Constitution, tandis que la droite gaulliste chercherait à faire céder le texte fondamental sous les coups de boutoir des intérêts de l'Elysée. Il n'en est évidemment rien.
A ce jour, le Président préside et tout le reste n'est que supputation. Il nous a d'ailleurs appelés à une année utile, au lieu de cela, le Gouvernement nous enferme dans des débats stériles dont il entend nous faire porter la responsabilité. Eh bien non ! nous ne marcherons pas dans le sens que M. Jospin a choisi en fonction de ses seuls intérêts politiques, et c'est au Gouvernement qu'incombe la responsabilité du « surplace » du Parlement, puisqu'il a décrété l'urgence sur ce texte.
Un peu de décence ! Ne prenons pas les Français pour les dindons de la farce ! Nos concitoyens d'ailleurs ne sont pas dupes.
Nous, gaullistes, avons mis et continuerons à mettre dans ce débat, aussi longtemps qu'il le faudra, un point d'honneur à être « l'avant-garde éclairée » du respect de la Constitution.
D'ailleurs, cette notion « d'avant-garde éclairée », vous, mesdames et messieurs de la majorité, vous la connaissez bien, pour en avoir fait usage par le passé !
J'aurais aimé éviter les leçons d'histoire, mais l'opposition sénatoriale nous y contraint : faut-il donc vous rappeler, mesdames, messieurs de la gauche plurielle, que, dans un premier temps, vous avez combattu l'adoption de ce texte, puis que vous avez combattu, ensuite, sa démocratisation en 1962 et que, devant le « cartel des non », cartel que l'on pourrait, avec un peu de mauvais esprit, retrouver aujourd'hui, c'est finalement le peuple de France et la volonté éclairée d'un homme qui ont tranché, renvoyant les partis tout penauds dans leurs foyers ?
A tout dire, et pour être francs, nous ne sommes pas surpris des attaques que vous diligentez envers la Constitution. Nous en déplorons le caractère indirect.
Nous ne sommes pas davantage surpris, et je le développerai plus loin, par vos flèches décochées sur les prérogatives de l'institution présidentielle. Mais ce que nous dénonçons, c'est la manière que vous choisissez pour porter atteinte à la loi fondamentale : dans l'obscurité, en tentant de semer le doute et la confusion.
Vous n'organisez pas un débat politique, vous sombrez dans la manipulation, touchant tour à tour au débauchage, au clientélisme électoral, au marivaudage politique et, parfois, au machiavélisme. Le droit d'inventaire est bien loin, la méthode, Jospin oubliée, les vieux démons ont resurgi, la méthode Mitterrand est à l'honneur, avec son cortège de tractations occultes, de majorités contre nature !
Gaullistes, nous ne sommes pas pour autant contre toute adaptation de notre loi fondamentale. Le débat institutionnel doit s'ouvrir, non pas pour affaiblir la Ve République mais, au contraire, pour l'améliorer et la conforter.
Il doit s'ouvrir non pour renforcer le rôle des partis, mais pour redonner la parole au peuple.
Il doit s'ouvrir non pour diminuer le prestige de l'institution présidentielle, mais pour en restaurer l'autorité.
Nous débattons donc aujourd'hui de l'inversion du calendrier électoral pour 2002. Que n'avons-nous pas entendu sur ce sujet ! Les couleuvres se sont mutées en boas et en pythons, mais nous ne les avalerons pas, je crois que le Sénat l'a démontré, hier et avant hier encore, notamment à M. le ministre des relations avec le Parlement.
Au préalable, il convient de rappeler que, malgré les apparences, ce qui nous réunit lors de cette séance n'est nullement un débat constitutionnel : ne nous y trompons pas.
Il en a certes la couleur, l'odeur, le goût, mais ce n'est qu'une mesure de convenance,...
M. François Gerbaud. C'est le Canada dry !
M. Bernard Fournier. ... si c'est du droit constitutionnel, il ne pourra qu'être « allégé ».
Nous sommes les mains dans le cambouis, à modifier la mécanique électorale en fonction des desiderata du fait majoritaire.
Faut-il pour autant se désintéresser de ce débat ?
Je ne le crois pas ; bien au contraire !
Ce texte, inscrit à la hâte à l'ordre du jour de notre assemblée, est à la fois important et dérisoire.
Je m'explique : il est important parce qu'il touche la fonction suprême, la clé de voûte de nos institutions.
Ce qui est contestable, c'est qu'il le fasse par ricochet : dans la mesure où le législateur ordinaire ne peut pas toucher au mandat du Président, que fait-il ? Il allonge son propre mandat !
La ficelle est grosse, mais elle semble ne gêner personne. Enfin, elle aurait dû ne gêner personne ! Mais c'était là sans compter sur l'opposition au Gouvernement.
Cependant, ce débat reste dérisoire pour deux raisons : d'une part, parce qu'il n'aborde pas le fond de la réflexion constitutionnelle et, d'autre part, parce qu'il relègue au second plan des réformes importantes.
En effet, il n'aborde pas le fond de la réflexion constitutionnelle, de sorte qu'il n'apparaît que comme une adaptation à la convenance politique d'un candidat potentiel : citons-le, il s'agit de Lionel Jospin, personne ne le découvre...
Ce n'est pas dit comme cela, mais, là encore, personne ne peut être sérieusement dupe. Or, dans le contexte de cohabitation, une telle initiative apparaît comme superflue et témoigne d'un esprit de calcul condamnable : elle n'est ni nécessaire ni élégante et marque à coup sûr un coup de couteau dans l'équilibre des pouvoirs. D'autre part, le débat sur le calendrier électoral apparaît encore comme dérisoire parce que des questions fondamentales sont reléguées au second plan.
Que penser de l'opportunité de ce débat lorsque la sécurité alimentaire est en danger du fait de l'importation massive de farines animales ?
Que penser de l'opportunité de ce débat lorsque la délinquance augmente en même temps que l'insécurité progresse ?
Que penser de l'opportunité de ce débat lorsque l'incivisme triomphe ?
Que penser de l'opportunité de ce débat lorsque les questions relatives à l'élargissement de l'Europe patinent ?
Que penser de l'opportunité de ce débat lorsque l'euro se met en place dans un silence assourdissant ?
Que penser de l'opportunité de ce débat lorsque le Gouvernement ne met en oeuvre qu'une seule politique d'attentisme électoral ?
Que penser, enfin, de l'opportunité de ce débat lorsque le Gouvernement n'est soucieux que de se prévaloir des fruits d'une croissance alors qu'il n'y est pour rien, lui qui est si prompt à les dilapider dans le financement de mesures dogmatiques.
Mais non ! La France n'est pas une république bananière dont on change les lois électorales au dernier moment.
Que l'on ne nous fasse pas croire que l'on ne découvre le calendrier électoral de 2002 qu'aujourd'hui ; il résulte, d'une part, des conséquences du décès du président Georges Pompidou, en 1974, et, d'autre part, de la dissolution de l'Assemblée nationale de 1997. Tous les intervenants l'ont souligné.
Ce sont des faits, des événements, malheureusement incontestables.
C'est ce qui me conduit à dire que, s'il avait fallu réformer ce calendrier, ou du moins si on avait voulu le faire dans les meilleures conditions institutionnelles possibles, il fallait agir dès l'installation de la dernière législature.
De cela le Gouvernement n'a pas voulu. Il a attendu de voir de quelle manière sa politique était perçue par l'opinion, et maintenant que les choses se dessinent, que l'opinion pourrait défier le Gouvernement, on se livre à des manoeuvres condamnables : il y a le feu au lac !
Aujourd'hui, modifier la séquence de l'élection du Président de la République et des députés ne peut apparaître que comme une manoeuvre politicienne. Et c'en est une ! Personne, je le répète, ne peut être dupe.
Le jeu est risqué pour notre démocratie : je disais à l'instant que cette « adaptation » du calendrier à la prétendue convenance d'un candidat était dérisoire ; j'ajoute qu'elle me paraît inopportune et maladroite. On ne joue pas avec la loi électorale comme on joue avec la loi fiscale, mesdames et messieurs de la gauche plurielle ! Le Gouvernement semble avoir bien vite oublié la leçon cuisante que nos concitoyens nous ont délivrée, à nous tous, à l'automne. Les Français se moquent des « réformettes » institutionnelles.
Faut-il vous rappeler ce qui s'est passé ce beau dimanche de septembre ? Pendant que la classe politique s'agitait sur les débats du quinquennat, les Français s'abstenaient très largement lors du référendum, nous délivraient un message sans appel, que nous nous devions d'entendre.
Comme la majorité semble ne pas avoir entendu ce message, c'est donc à l'opposition de le lui faire entendre. A mon sens, ce message était clair : il signifiait non le désintérêt de nos concitoyens pour la matière constitutionnelle, mais leur désaccord sur la forme de celui-ci.
Ne nous y trompons pas : les Français sont prêts à parler de l'organisation des pouvoirs, mais au terme d'un débat de fond, transparent et permettant à tous de s'exprimer. Ils sont las des demi-mesures, adoptées à la va-vite ou à la sauvette.
J'évoquerai plus longuement un autre point, que je tiens à aborder parce que rien n'est tabou et que nous avons, nous, le mérite de la franchise.
Certes, l'opposition s'est montrée divisée à l'Assemblée nationale, mais c'est parce que le Gouvernement sait bien jouer sur ce terrain. J'ai parlé, à cet égard, de la « génération Mitterrand ». Je dénonçais tout à l'heure le clientélisme dont le Gouvernement fait parfois preuve. Il a beau jeu de souligner les divergences de la droite parlementaire. Sur ce chapitre, je tiens à le rassurer : nous savons très bien nous diviser tout seuls, sans l'aide de personne !
Il faut cependant balayer devant sa porte avant d'aller nettoyer devant celle du voisin : le seul choix de la technique d'une proposition de loi pour nous imposer ce texte a été révélateur de l'impossibilité pour M. Jospin d'obtenir le blanc-seing de son conseil des ministres sur un projet de cette sorte. Qu'auraient dit, en effet, Mmes, MM. les membres communistes du Gouvernement, dont l'opposition à ce texte est connue, si le Premier ministre était passé en force sur ce point ?
Ce qui m'inquiète, c'est donc bien l'implosion constante de la majorité : comment, sur une réforme institutionnelle, mais aussi sur l'élargissement de l'Europe, mais encore sur la politique sociale et, récemment, sur la politique fiscale, le Gouvernement peut-il continuer à gérer ses contradictions ? Comment gérer, au sein d'une même équipe, un PS éclaté, des Verts écartelés, des communistes en rupture de ban ? Comment, par là même, continuer à assumer ses responsabilités exécutives ?
La coalition mosaïcale de la gauche plurielle n'est plus !
Elle a commencé à exploser lors de la campagne référendaire et elle se désintègre à l'occasion de ce débat sur la manipulation du calendrier électoral.
Revenant au coeur du débat, j'axerai mon propos sur deux points : la méthode et le fond.
La méthode est, à mon sens, contestable et lourde d'arrière-pensées.
J'apporterai d'abord quelques précisions sémantiques, car elles sont nécessaires. Je veux dire, après plusieurs de mes collègues, qu'il n'y a pas de « rétablissement » du calendrier électoral, comme on voudrait nous le faire croire. Pour qu'il y ait rétablissement, il faudrait qu'il y ait eu inversion volontaire ! Or il n'en est rien. La situation actuelle résulte simplement du déroulement des échéances politiques.
De plus, nulle part dans la Constitution, la séquence des élections législatives et de l'élection présidentielle n'est abordée. Le constituant de 1958 n'a pas cru bon de préciser ce point de détail, s'en remettant au rythme, à la respiration normale de la vie politique.
Ainsi, ce qui nous est présenté comme un rétablissement calendaire n'est en effet rien d'autre qu'un « tripatouillage » hasardeux, qui trouve sa source dans les arrière-pensées politiciennes des uns ou des autres, quels qu'ils soient.
Le Premier ministre, candidat pseudo virtuel, fait preuve sur ce sujet d'un esprit de finesse destiné à servir son intérêt politique. Cet esprit de finesse est cependant fragile parce que fondé sur des spéculations à long terme tout à fait hypothétiques.
La malignité du raisonnement est poussée à son paroxysme quand M. Jospin semble à la recherche d'un « brevet de gaullisme ». Nous ne le lui accorderons pas, car le gaullisme est l'inverse de ce que nous vivons aujourd'hui. Le gaullisme, c'est non l'intérêt des hommes, mais celui, supérieur, de la nation. Le gaullisme, ce n'est pas le calcul, la politicaillerie : c'est le regard sur l'horizon, avec pour seule perspective la grandeur de la France. (Mme Borvo s'esclaffe.)
Cet esprit de manoeuvre, j'aurais aimé de pas avoir à le dénoncer parce que j'ai du respect pour l'homme, dont nous connaissons la rigueur, et il ne manque d'ailleurs pas de s'en prévaloir. Nous sommes déçus parce que cet esprit de manoeuvre transpire des déclarations faite par le Premier ministre au cours des dernières semaines.
Quelle constance...
M. Jospin doit s'expliquer. Il doit nous faire comprendre comment l'inversion du calendrier électoral, ou son prétendu rétablissement circonstanciel, qu'il qualifiait lui-même de manoeuvre politicienne il y a peu - lorsque d'autres l'appelaient de leurs voeux - est devenue l'une des priorités de son gouvernement, quitte à repousser l'examen d'autres textes et à s'assurer l'adoption de celui-ci au prix de marchandages douteux.
Pourquoi ce qui apparaissait comme une manoeuvre hier n'en est plus une aujourd'hui ?
Par quel miracle spéculatif, fruit de l'imagination débordante des chroniqueurs journalistiques ou des prévisionnistes des instituts d'opinion, une manoeuvre se mue-t-elle en intérêt supérieur de la nation, au point d'inscrire ce texte en urgence à l'ordre du jour du Parlement, renvoyant de ce fait aux calendes grecques d'autres textes, réellement importants, eux, car ils doivent nous permettre de répondre aux attentes fondamentales de nos concitoyens.
M. Jospin est encore est encore recalé dans sa quête de brevet de gaullisme parce que la logique de nos institutions réside non dans le point de détail du calendrier électoral mais dans la réalité des pouvoirs concédés à chacun des organes qui composent la République : Président de la République, Gouvernement, Parlement. C'est le fondement même de notre Constitution, une constitution formelle et, somme toute, grâce à Dieu, assez rigide.
Si le Gouvernement veut respecter l'esprit des institutions de la Ve République, que les formations qui composent la coalition aux affaires ont pourtant longtemps combattue, il doit tout mettre en oeuvre pour veiller au respect des sphères de pouvoir du Parlement, pour les défendre contre les empiètements de l'exécutif, plutôt que de se perdre dans des querelles picrocholines sur l'articulation calendaire.
S'agissant toujours de la méthode, comment ne pas évoquer une nouvelle fois la voie du recours à un texte d'origine parlementaire qui a été choisie ? On nous refait le coût du PACS ! Voilà encore un texte important que le Gouvernement ne reprendra à son compte que s'il obtient une assurance tous risques de la part de sa majorité. Quel courage politique !
Ne nous y trompons pas : il s'agit d'éviter de heurter de front le locataire de l'Elysée. Piètre procédé, qui témoigne d'une bien faible hauteur de vue !
La procédure de la proposition de loi, outre qu'elle permet d'éviter l'examen en conseil des ministres, a le grand avantage de faire l'impasse sur le Conseil d'Etat. En effet, celui-ci dans sa formation consultative, n'aurait certes pas manqué de souligner l'inopportunité du texte et les limites de sa constitutionnalité.
L'absence d'examen en conseil des ministres prive aussi le Président de sa faculté de faire des remarques sur l'opportunité de ce texte.
Quelle élégance ! Quelle belle conception de la dialectique démocratique !
J'entends déjà le Gouvernement s'arc-bouter derrière la mauvaise rédaction d'un texte d'origine parlementaire dans le cas d'une censure par la rue de Montpensier !
Chacun sait bien qu'il s'agit en fait d'une commande de Matignon à la rue de Solférino. Nous ne sommes pas dupes !
Au fond, le Gouvernement ou, plus précisément, le parti socialiste, baigne dans les contradictions. En effet, il se dit soucieux du respect des institutions et de la logique constitutionnelle, mais il fait deux poids, deux mesures, selon les cas de figure. En fonction de l'intérêt de la majorité, la promptitude de la réaction gouvernementale n'est plus du tout la même.
Je veux évoquer ici, et ce n'est pas mon ami M. Gélard qui me contredira, la question des élections sénatoriales, qui n'est pas sans lien avec celle du calendrier électoral.
Rappelons le contexte : le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 6 juillet 2000 concernant la loi relative à l'élection des sénateurs, a reconnu l'obligation, pour le législateur, de modifier la répartition du nombre de sénateurs, et ce pour tenir compte des nouvelles réalités démographiques des collectivités dont le Sénat, est-il besoin de le souligner ici, assure la représentation. Les recommandations du Conseil en la matière constituaient, pour le Gouvernement, une quasi-injonction.
Autorisez-moi, monsieur le ministre, une parenthèse : nous venons de découvrir le peu de déférence de certains membres de la majorité à l'égard de l'autorité - pourtant absolue - de la chose jugée par le Conseil constitutionnel. Il y a de quoi être choqué. L'actualité récente vient en effet de nous en fournir des illustrations, avec les critiques sévères adressées par des personnalités de gauche envers deux décisions embarrassantes pour le Gouvernement.
Quoi qu'il en soit, le juge constitutionnel a encore - et c'est heureux ! - son mot à dire à l'issue du processus législatif, et les sages du Palais-Royal n'ont pas manqué de faire connaître au Gouvernement de quelle façon devaient s'organiser les prochaines élections sénatoriales.
Le ministre de l'intérieur, en l'espèce, a pu rappeler que cette modification n'était pas opportune aux yeux du Gouvernement, qui s'interdit « de modifier les règles relatives à une élection dans la période qui la précède immédiatement ». Cette déclaration a été faite le 25 octobre dernier, soit à onze mois des prochaines élections sénatoriales.
Le texte que nous discutons ne pourra être ni adopté ni promulgué avant la fin du mois de février ou le début du mois de mars, pour des élections normalement prévues pour le printemps 2002.
Finissons-en avec cette hypocrisie et cessons de couper les cheveux en quatre !
Mesdames, messieurs de la gauche plurielle, monsieur le ministre, vous jouez sur quelques semaines pour légiférer en urgence : ce n'est respectueux ni de nos concitoyens ni du Parlement. Vous pouvez vous draper d'indignation, mais c'est notre devoir que de dénoncer de telles manoeuvres, qui ne relèvent pas d'une pratique démocratique moderne.
Il nous appartiendra, lorsque l'Assemblée nationale aura dit son dernier mot sur le sujet, de soumettre ce texte à l'examen du Conseil constitutionnel.
J'en viens au fond.
En droit, il convient, d'abord, de rappeler que la Ve République a pu dégager une nouvelle conception du rôle du Président de la République. En 1958, on a voulu rétablir une autorité morale et politique qui s'était dégradée à la fin de la IIIe République et tout au long de la IVe.
Le rôle du Président de la République est aujourd'hui prééminent dans notre loi fondamentale. D'ailleurs, il fait l'objet du premier titre réellement normatif de ce texte.
Le général de Gaulle a voulu, en 1962, renforcer encore cette autorité en lui conférant une onction démocratique par l'élection du Président de la République au suffrage universel direct. C'est ce que vous n'avez pas manqué d'appeler, je vous le rappelle, mesdames, messieurs de la majorité, le « coup d'Etat permanent ».
Le bénéfice de l'abandon du mécanisme impliquant les grands électeurs n'est plus à prouver - d'ailleurs, nul ne le remet en cause aujourd'hui - de sorte que même les Etats-Unis d'Amérique seraient bien inspirés de nous copier sur ce point.
La réduction à cinq ans du mandat du Président de la République, que le peuple a in fine acceptée le 24 septembre dernier, permettra peut-être d'éviter les accidents constitutionnels que sont les cohabitations et qui ne sont, j'en suis convaincu, ni fertiles ni souhaitables.
Cependant, il conviendrait de revenir à un peu de décence dans nos débats. L'argument qui est avancé à l'appui de la proposition de loi organique que nous examinons est d'ordre politique : il s'agit d'empêcher un nouvel accident institutionnel. Mais ne l'oublions pas, la cohabitation a été prévue par le constituant de 1958 ; le général de Gaulle l'avait lui-même évoquée. Mais il a fallu attendre 1986 pour qu'elle soit testée de façon empirique, lors de la défaite de la gauche aux élections législatives, et sous la présidence de François Mitterrand, pas d'un autre !
Si, à titre personnel, je considère que la cohabitation n'est pas souhaitable parce qu'elle handicape la mise en place d'une politique dynamique, elle n'en demeure pas moins une possibilité que les rédacteurs de 1958 ont prévue.
A ceux - ils existent - qui reprocheraient trop rapidement au Président de la République en poste de n'avoir pas tiré les conclusions des résultats des élections législatives de 1997, je veux rappeler qu'il n'y avait aucune raison pour qu'à deux situations identiques - 1986 et 1997 - soient appliquées des solutions différentes.
Le Président de la République, nous l'avons souligné, est au premier plan de notre système constitutionnel ; il est, aux termes de l'article 5 de notre loi fondamentale, le gardien du respect de la Constitution et l'arbitre en charge du fonctionnement régulier des pouvoirs publics et de la continuité de l'Etat.
Ce terme d'arbitre prend tout son sens dans les périodes de cohabitation. Nos institutions fonctionnent ; il suffit de constater que le rôle présidentiel ne s'est jamais réduit à une seule dimension protocolaire.
Dès lors, l'élection présidentielle est bien la clé de voûte de nos institutions. De sorte qu'une modification législative organique contingente ayant une incidence, fût-elle indirecte, sur les prérogatives de la fonction, fragilise l'institution, car, de fait, l'élection du Président de la République est l'acte fondamental de la vie politique française. Seul le Président de la République peut donc avoir la maîtrise du calendrier dans les circonstances exceptionnelles de l'espèce.
Au surplus, à la lecture de chacune des propositions de loi déposées sur le sujet, on est frappé par les motifs de leurs auteurs, lesquels ne prennent même pas le soin de cacher les arrière-pensées de la majorité. Aucun argument de droit constitutionnel n'apparaît. Il s'agit plutôt d'un catalogue de justifications politiques et de circonstance ne reposant que sur des spéculations d'« observateurs » plus ou moins avisés.
Ce n'est pourtant ni à la presse ni à ces observateurs qu'il appartient de rédiger la loi fondamentale ou de l'interpréter, mais au pouvoir constituant lui-même. Le législateur organique ne peut, quant à lui, que la mettre en oeuvre.
Si le constituant de 1958 n'a pas souhaité s'immiscer dans le détail de la séquence des élections, c'est qu'il ne l'a pas jugé nécessaire. La Ve République a fait ses preuves et il n'est nullement besoin de « tripatouiller » le calendrier sous prétexte de la renforcer : la Constitution de 1958 a su, pour le moins, s'adapter aux accidents cohabitationnels. C'est une constitution efficace qu'il convient de laisser respirer d'elle-même.
Plus graves m'apparaissent les conséquences que le texte que nous étudions porte en filigrane, car modifier le rythme du calendrier électoral revient en fait à mettre en cause une prérogative du Président de la République qui n'appartient ni au Gouvernement, ni au Parlement. Je suis en effet persuadé que la présente proposition de loi nie la plénitude du droit de dissolution du Président de la République.
Je m'explique : les avocats de ce texte exposent à l'appui de celui-ci qu'il s'agit de corriger les conséquences de la dissolution de 1997. Sans qualifier ces conséquences, on ne peut que souligner que vouloir s'attaquer aux effets de la dissolution, c'est porter atteinte au droit de dissolution prévu à l'article 12 de la Constitution lui-même.
Si la majorité entend adresser un signal au Président de la République, soit parce qu'elle ne trouve plus sa cohérence - c'est le cas -, soit parce qu'elle est animée par ce fameux « esprit de 1958 » qu'elle semble découvrir, rien n'empêche à son chef de démissionner et donc de revenir devant nos concitoyens en provoquant ainsi des élections législatives anticipées. Il y a là, mes chers collègues, une porte de sortie si l'on veut réellement modifier le calendrier électoral !
Mais mettre ainsi le Président de la République et le Parlement au pied du mur en imposant une réforme qui touche à l'une des prérogatives les plus essentielles du chef de l'Etat conduit nécessairement à la négation d'une partie des pouvoirs et capacités de celui-ci : il s'agit d'un empiètement sans précédent du domaine du Premier ministre et du Parlement sur le domaine présidentiel.
Le droit de dissolution est une prérogative essentielle et traditionnelle du Président ; il fonde la spécificité de notre régime et contrebalance le poids du Premier ministre.
L'originalité de la Ve République réside précisément en ceci : à l'inverse de ses prédécesseurs de la IIIe ou a fortiori de la IVe République, le Président reste libre de décider ou non de dissoudre. Seule une procédure d'avis ou de simple information est prévue. La position du chef de l'Etat est dominante, sa légitimité démocratique exceptionnelle, sans précédent dans notre histoire constitutionnelle.
Cette légitimité conduit à une déférence absolue et nécessaire à l'égard de la fonction présidentielle, qui ne souffre aucune concurrence : la primauté présidentielle est un fait déterminant et incontestable de la vie politique française.
En allongeant le mandat des députés au-delà de ce qui était initialement prévu au motif de contrecarrer les effets de la dissolution, le législateur organique s'apprête à porter un coup symbolique à l'équilibre des pouvoirs. Je ne suis pas convaincu, par ailleurs, que l'opinion publique soit favorable à ce que le législateur proroge son propre mandat. En tout cas, la dérive existe.
On pourra objecter qu'il ne s'agit là que de glose. Cependant, les premières atteintes à une institution, fussent-elles symboliques, manquent rarement de mettre en cause plus fondamentalement son essence, et elles conduisent souvent à en saper l'assise et l'autorité.
En plus de conduire à un empiètement sur les prérogatives du Président de la République, le texte dont nous discutons aujourd'hui semble peu respectueux du corps électoral...
M. Alain Gournac. Ah, ça oui !
M. Bernard Fournier. ... alors que c'est à lui, ne l'oublions pas, que nous devons notre dignité de réprésentant de la nation.
M. Alain Gournac. Tout à fait !
M. Bernard Fournier. Ce texte me semble nier la clairvoyance du corps électoral. Encore une fois, c'est l'esprit de système qui domine. On veut penser pour le peuple, à la place du peuple ! C'est une atteinte majeure à la démocratie. Nos électeurs sont des adultes responsables, oser l'oublier serait indécent.
La présente proposition de loi constitue donc une atteinte à la liberté de choisir et procède de l'infantilisation du corps électoral. Cette infantilisation est typique des majorités qui restent animées par un dogmatisme systématique et archaïque, héritage poussiéreux d'un marxisme-léninisme d'un autre temps, peu respectueux de la maturité et de la majorité civique des électeurs.
Le bon sens du corps électoral est bafoué par les hypothétiques projections des hiérarques de tout poil. On suppute dans les couloirs du pouvoir et les cercles avertis que les Français pourraient reconduire à l'Assemblée nationale la majorité actuelle pour la défier ensuite immédiatement en réinstallant à l'Elysée le contradicteur de cette majorité !
Si quand bien même cela était le cas, le seul enseignement qui pourrait en être tiré serait la fantastique impossibilité pour ladite majorité parlementaire de se fédérer derrière un leader. Ce serait le constat de sa faiblesse. Est-ce cela que l'on redoute ?
Certes, nos compatriotes sont parfois un peu joueurs. Reprenant le propos de l'un de nos chroniqueurs en vue, je dirai que « les Français sont monarchistes mais qu'ils ont l'instinct régicide ». Sur le même schéma de raisonnement, si à quelques semaines d'intervalle les Français décidaient de constituer un exécutif dissonant, faudrait-il y voir les seules conséquences d'un calendrier « dingo » ou, plutôt, une formidable invite à repenser notre démocratie ? Appartient-il à la classe politique d'imposer aux Français son propre rythme ? Ne devrait-elle pas plutôt se « caler » à la volonté nationale, sans modifier tous les quatre matins les règles du jeu en fonction des circonstances du moment ?
M. Jean-Pierre Schosteck. Ce serait plus convenable !
M. Bernard Fournier. Le débat sur la modernisation de la vie politique ne peut pas se faire au détour de lois organiques, il exige une vaste consultation et une réflexion des constitutionnalistes et de nos concitoyens. La constitution de la Ve République n'est pas un texte figé, c'est un texte vivant qui a su évoluer avec chacun des détenteurs du pouvoir présidentiel, qui l'ont marqué de leur empreinte. Le miracle de la Ve République a été de survivre à son inspirateur et de rallier ses plus vifs opposants.
La Ve République n'est pas morte et sa Constitution n'est pas intouchable, elle n'a pas l'inviolabilité des Tables de la Loi. La place du Parlement, le statut du Conseil constitutionnel, la spécificité du Sénat, ne sont pas des sujets tabous, pour autant qu'on les aborde avec science, dignité et neutralité.
Il y a de l'indécence dans la manoeuvre à laquelle on voudrait nous associer. Elle ne prend en considération que d'hypothétiques conclusions qui ne se fondent même pas sur les analyses des instituts d'opinion mais sur les sentiments de gourous. N'oublions jamais cependant que les voix des gourous ne sont pas l'expression de la volonté générale...
Pour conclure, si l'art du politique est de prévoir, ce n'est pas en tentant de prévoir comment garder le pouvoir qu'il trouve sa dignité mais plutôt en tentant de servir l'intérêt du plus grand nombre ! C'est à cela que l'on reconnaît une grande démocratie : le pouvoir est non plus une fonction, mais une mission. Puissions-nous chacun nous en souvenir et ne pas gêner la respiration de notre République pour l'adapter au souffle de tel ou tel. Prenons garde de ne pas abîmer une oeuvre qui a su faire ses preuves. Sinon, soyons prêts a assumer toutes les conséquences !
Pour toutes ces raisons, je ne voterai pas la proposition de loi qui nous est soumise. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la modification du calendrier électoral serait, de la part du Gouvernement socialiste, un calcul d'intérêt, une manipulation de bas étage, une réforme de circonstance destinée à servir les prétentions du pouvoir socialiste.
Qu'il me soit permis d'en douter car tout calcul, si déplacé soit-il, toute manipulation et toute réforme, si contestables soient-elles, supposent un minimum de réflexion, de cohérence et, finalement, de bons sens. Or, il faut l'affirmer avec force, gouvernance ne rime plus aujourd'hui avec bon sens. Il y a longtemps en effet que les socialistes ne font plus montre ni de cohérence ni de réflexion : depuis qu'ils ont renoncé à bâtir un projet de long terme viable et pertinent, depuis qu'ils ont renoncé à définir pour mieux les servir les intérêts vitaux de la nation, depuis qu'en définitive ils ont renoncé à gouverner dans l'espoir de ne pas se mettre à dos certaines catégories de Français.
Depuis longtemps déjà, dans l'univers sclérosant et appauvrissant de la galaxie socialo-communiste, la lutte des classes a cédé le pas à la lutte des places. Depuis longtemps déjà, dans l'univers marxisant et lénifiant de la constellation socialiste, l'exercice du pouvoir a cédé le pas à l'apparence du pouvoir.
M. Jean-Pierre Schosteck. C'est vrai !
M. Jean Boyer. Cette démission est doublement inacceptable, d'une part, parce qu'elle fait le jeu des intérêts privés, exacerbe les inégalités, creuse le lit de la pauvreté et de la précarité, d'autre part, parce qu'elle n'est pas inévitable contrairement à ce que voudrait nous faire croire le Gouvernement. Celui-ci s'enferme de plus en plus dans un « cybermonde » au confort artificiel pour tenter de justifier une politique que l'on peut qualifier de virtuelle tant elle est éloignée de la réalité et des préoccupations des Français.
Les Etats conservent une capacité d'action et une marge de manoeuvre réelles sur les données les plus élémentaires de la vie économique et sociale, comme les prix, les niveaux d'imposition, les subventions, la politique budgétaire et fiscale.
Les marchés boursiers eux-mêmes restent régis par des conditions qu'il appartient aux gouvernements d'établir : la confiance des investisseurs, qui doit aujourd'hui être restaurée, et la santé financière des entreprises, qui doivent être libérées des charges sans cesse plus lourdes qui, dans notre pays, pèsent sur elles.
Le Gouvernement doit et peut agir sur l'environnement de la croissance. Il lui appartient de donner un souffle nouveau à la recherche et à la technologie. Il est de sa responsabilité de moderniser les services publics, qui doivent devenir plus rentables et plus compétitifs, dans l'intérêt du citoyen et de la nation.
Comment, dans ces conditions, expliquer la démission du Gouvernement ? Ne serait-il plus préoccupé que par les seuls sondages de popularité et l'issue des grandes échéances électorales à venir ? Nous osons à peine le croire. Et pourtant,...
M. Jean-Pierre Schosteck. Eh oui !
M. Jean Boyer. ... ne partageons-nous pas désormais avec nos voisins britanniques une caractéristique essentielle, majeure de la vie politique : le gouvernement fantôme ?
Que pouvait-on espérer d'autre d'un gouvernement si pusillanime ?
Jamais dans l'histoire de la Ve République, en effet, un gouvernement n'a autant « déploré », « regretté », « compati », « gémi » : les grandes catastrophes écologiques ou naturelles ayant affecté notre pays ; l'insécurité sur notre territoire ; la multiplication des agressions à l'encontre des forces de l'ordre et des convoyeurs de fonds ; les classes surchargées de nos écoles ; la démobilisation des infirmiers et des professions de santé ; nos cliniques et nos hôpitaux exsangues, pour cause d'application de la loi sur les 35 heures ;...
M. Jean-Pierre Schosteck. Effectivement !
M. Jean Boyer. ... le manque de représentativité de notre démocratie, l'incapacité du Gouvernement à composer avec les partenaires sociaux, son inaptitude à aborder la question des retraites dans une France vieillissante.
Jamais, dans l'histoire de la Ve République, un Premier ministre ne s'est autant « étonné », « interrogé », déclaré « surpris », « ému », choqué », « révolté » par les affaires qui ont secoué son propre parti, les mises en cause qui ont affecté ses propres hommes de confiance, les révélations sur des comportements douteux dans des dossiers sensibles, qu'ils aient trait à la justice ou à la défense, le mauvais usage des deniers publics. Il faudrait ajouter le caractère exorbitant des sommes dépensées pour compenser le coût de l'application de la loi sur les 35 heures, à savvoir - et ce sont des chiffres que nous devons sans cesse rappeler - près de 64 milliards de francs en 2000 et environ 85 milliards de francs en 2001,...
M. Alain Gournac. En effet !
M. Jean Boyer. ... tout cela pour financer le remboursement des exonérations des cotisations patronales.
Des affaires, vous n'êtes jamais au courant ! Des réformes, vous n'avez que faire ! Des problèmes, vous avez toujours la même approche : subir ou gémir !
Mais enfin, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce n'est pas en gémissant et en pleurant continuellement que l'on gouverne un pays ! Ce n'est pas en s'étonnant et en s'interrogeant perpétuellement que l'on mène une nation ! Ce n'est pas en exprimant inlassablement ses sentiments et son ressentiment que l'on conduit un peuple !
D'un gouvernement en général, et de son chef en particulier, on est en droit d'attendre autre chose qu'affect et sensiblerie, étonnement ou colère.
On est en droit d'attendre une force de caractère et des convictions sans faille, par exemple pour imprimer une marque à un projet cohérent et viable. On est en droit d'attendre aussi du courage et une détermination sans égal pour donner un souffle au combat politique et conduire les réformes nécessaires au renouveau de l'action politique et publique.
Proposer aux Français un nouveau projet de société, plus humain et plus respectueux des diversités, établir des relations entre les individus fondées sur une plus grande justice et sur le droit, favoriser l'échange, seul facteur de croissance et de richesse, sans s'en remettre à la force coercitive de l'Etat, voilà les vrais défis qu'il faut relever aujourd'hui.
Il est indispensable d'engager une réflexion de fond sur l'Etat. A l'aube du troisième millénaire, quelles doivent être ses attributions ? Quelle est la responsabilité de l'homme public, de l'homme politique ? Comment la puissance publique doit-elle être utilisée ? Telles sont leurs vraies questions dont il faut débattre.
Est-il cohérent, par exemple, de réduire la durée hebdomadaire légale du travail à 35 heures et, simultanément, de revendiquer en Europe le rôle de premier de la classe, alors que nos voisins européens n'ont jamais autant travaillé ?
De la même façon, est-il opportun, dans notre pays, de laisser s'éteindre les maîtres d'apprentissage,...
M. Alain Gournac. Voilà !
M. Jean Boyer. ... alors que tous les acteurs de la vie économique locale plaident pour la revalorisation du travail manuel et plébiscitent le développement de l'apprentissage ?
Comment peut-on manquer de vision à ce point ? Comment peut-on desservir nos institutions et la classe politique dans une si large mesure ? Comment peut-on agir ainsi, en toute conscience et en totale impunité ?
En effet, il ne faut pas s'y tromper, ce sont, au coup par coup, de façon anodine et insidieuse, la grandeur, la viabilité et la cohérence de nos institutions que les socialistes sacrifient sur l'autel de la médiocrité, des intérêts à court terme et des petites ambitions personnelles.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quand le coup d'Etat permanent rejoint le grand rêve de révolution mondiale, la République est en danger !
Dans ces conditions, nous devrions débattre aujourd'hui non pas de l'inversion du calendrier électoral, mais de la responsabilité de la fonction gouvernementale, dans un contexte de cohabitation.
Celle-ci ne devrait-elle pas être étendue, par exemple lorsque le Gouvernement privilégie systématiquement les intérêts personnels sur l'intérêt général et qu'il remet en question, subrepticement, insidieusement, à coup de « réformettes », tout notre édifice institutionnel ?
Comme le soulignait la semaine dernière mon collègue M. Jean-Pierre Raffarin, un gouvernement peut-il aujourd'hui, en toute impunité, sans associer le peuple directement, méconnaître et l'esprit et la pratique de nos institutions, en modifiant l'élection du Président de la République sans associer au débat le chef de l'Etat lui-même, pourtant clé de voûte de notre régime ?
De la même façon, un gouvernement pourra-t-il encore longtemps, en toute impunité, manipuler les institutions à son profit, comme hier le mode de scrutin régional et le mode d'élection des sénateurs ?
Inverser les dates des élections législatives et de l'élection présidentielle en arguant du respect des institutions, c'est non seulement faire preuve de mauvaise foi, mais, ce qui est beaucoup plus grave pour des responsables politiques, c'est aussi et surtout faire preuve d'une méconnaissance totale de notre histoire constitutionnelle.
Comme l'ont rappelé, la semaine dernière, mes collègues MM. Christian Bonnet et Jean-Claude Carle, depuis 1958, en effet, à trois reprises, les élections législatives ont précédé l'élection présidentielle : en novembre 1958, en juin 1968 et en mars 1973.
Depuis 1962, sur les six élections présidentielles au suffrage universel direct que notre régime a connues, deux seulement, en 1981 et en 1988, ont immédiatement précédé les élections législatives.
En réalité, les socialistes cherchent, ni plus ni moins, à mettre à bas, unilatéralement et discrétionnairement, le régime qui a été établi voilà près de cinquante ans par les pères fondateurs de la Ve République.
De ce point de vue, un constat s'impose. Il peut être légitime de débattre officiellement, au grand jour, avec tous les acteurs concernés, de la pertinence de nos institutions et de la nécessité de les reformer. Il est, en revanche, inacceptable de chercher à le faire insidieusement, sans débat public, pour ne pas heurter l'opinion et ne pas associer des acteurs qui pourraient se révéler gênants, nonobstant leur légitimité.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà près de quarante-trois ans, j'ai décidé de consacrer ma vie à la res publica, car je croyais que c'était la meilleure façon de servir la République et mon pays.
Toutes ces années de combat ont été marquées par de grandes joies et de grandes tristesses, par des moments de bonheur rares et par des blessures profondes qui ne se refermeront sans doute jamais. Mais je ne regrette rien.
De tout cela, j'ai retenu deux choses. Consacrer sa vie à la « chose publique » impose, à celui qui s'engage, des devoirs vis-à-vis de son pays et de ses concitoyens. Il est question, ici, essentiellement, de respect. Mais, tout aussi sûrement, consacrer sa vie à la « chose publique » confère également, à celui qui s'engage, des droits. Il est question, ici, principalement, d'honneur, l'honneur de ne jamais transiger et de ne jamais accepter les compromissions, l'honneur de dénoncer tout ce qui dessert les intérêts fondamentaux de notre pays et de nos compatriotes.
Tout cela m'encourage aujourd'hui, avec force et solennellement, à affirmer : c'est une faute de brader un édifice constitutionnel qui a donné à la France sa plus grande stabilité politique depuis 1789 ; c'est une faute de manipuler à des fins personnelles la norme suprême de notre pays, atavisme sacré d'un passé glorieux dont la France peut s'enorgueillir ; c'est une faute, encore, de se poser en défenseur d'un régime que l'on a toujours combattu, avec une force et une violence inégalées ; c'est une faute, enfin, de renoncer à gouverner, en reportant les réformes essentielles, dans l'unique espoir de voir sa popularité intacte et, ainsi, de gagner l'élection présidentielle.
C'est pourquoi, mes chers collègues, je réprouve que le gouvernement socialiste discrédite chaque jour davantage la classe politique, à force de privilégier des intérêts de personnes par rapport à aux intérêts de la nation.
Je réprouve que le gouvernement socialiste trompe les Français, en leur faisant croire qu'il est le garant de nos institutions et qu'il défend les intérêts vitaux de la nation, alors qu'il mène des réformes en total décalage avec les préoccupations et les attentes de nos compatriotes.
Je réprouve que le gouvernement socialiste, à quatorze mois d'échéances électorales décisives, sous couvert d'engager un débat institutionnel de fond et au mépris des règles de courtoisie les plus élémentaires, truque la partie, pipe les dés et change les règles du jeu, dans l'espoir de s'assurer une victoire qui semble lui échapper au regard de son triste bilan.
Je réprouve que le gouvernement socialiste délaisse sciemment les réformes difficiles qu'il faut conduire en priorité, dans l'intérêt de nos concitoyens,...
M. Alain Gournac. Absolument !
M. Jean Boyer. ... parce que ces réformes ne sont pas réputées porteuses sur le plan électoral.
M. Jean-Pierre Schosteck. Pourtant, il ne manque pas de choses importantes !
M. Jean Boyer. Je réprouve, en définitive, que le gouvernement socialiste, englué dans des intérêts de court terme et de personnes, n'ait pas voulu ni su tirer le meilleur parti possible de l'embellie économique exceptionnelle que la France a connue ces cinq dernières années.
M. Allouche disait avant-hier qu'il avait mal au Sénat.
Aujourd'hui, le simple sénateur que je suis souffre pour la France et sa grandeur, pour la République et son prestige, pour ses enfants et leur avenir. Puisque, paraît-il, c'est encore la période des voeux, permettez-moi d'en formuler un dernier. Puisse l' homo politicus retrouver, à l'aube de cette ère nouvelle, courage, intégrité et panache. Puissent nos concitoyens à nouveau faire confiance à nos responsables politiques. En effet, une chose est sûre : seule la confiance en l'homme permettra de faire triompher la conscience de l'homme. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Blanc.
M. Paul Blanc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, énième orateur inscrit dans cette discussion générale, je vais m'efforcer d'être bref, n'étant pas un spécialiste de droit et, a fortiori, de droit constitutionnel. Cependant, c'est l'opinion d'un sénateur de base que je souhaite exprimer ici.
En effet, je voudrais simplement nous rafraîchir la mémoire sur les propos tenus par le Premier ministre, il n'y a pas si longtemps, sur cette question.
Lionel Jospin, qui s'était toujours déclaré défavorable à une telle modification, affirmait au journal télévisé de vingt heures, qui, comme vous le savez, a certainement l'audience la plus grande, le 19 octobre dernier : « Toute initiative de ma part serait interprétée de façon étroitement politique, voire politicienne. Moi, j'en resterai là et il faudrait vraiment qu'un consensus s'esquisse pour que des initiatives puissent être prises. »
Il y aurait donc un consensus aujourd'hui, alors que, à l'Assemblée nationale, il a fallu rassembler une majorité de bric et de broc ? Il y aurait un consensus, alors que, ici même, au sein de la Haute Assemblée, il semble quand même qu'une opposition forte à ce projet de loi s'exprime ?
N'est-ce pas riche d'enseignement ? Cela ne révèle-t-il pas les motivations profondes du Premier ministre ? En effet, Lionel Jospin peut sans outrance être suspecté de faire en ce jour une réforme de convenance. Lui-même nous invite d'ailleurs à le penser puisqu'il reconnaît que « toute initiative de sa part serait interprétée de façon étroitement politique, voire politicienne ».
M. Jean-Pierre Schosteck. C'est la seule réflexion lucide de sa part !
M. Paul Blanc. Nous ne pouvons qu'abonder dans son sens, comme le font d'ailleurs les Français.
M. Jean-Pierre Schosteck. Bien sûr !
M. Paul Blanc. Ils ne sont et ne seront pas dupes. Les Français y verront bien une manoeuvre électorale, pour ne pas dire électoraliste. Cela ne sert pas l'image déjà négative qu'ils se font de la classe politique.
M. Alain Gournac. Ça, c'est sûr !
M. Paul Blanc. Le Premier ministre aurait dû rester fidèle à sa parole lorsqu'il promettait qu'il « en resterait là ». Personne ne peut comprendre un si subit revirement, sauf peut-être les analystes politiques qui ne manquent pas, depuis quelques mois maintenant, de rappeler que les prochaines échéances législatives ne seront pas favorables à la majorité plurielle.
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Paul Blanc. Il s'agit là d'une opinion qui est exprimée de plus en plus dans la presse.
Ce que je déplore - et je pense que c'est également le cas de mes collègues - c'est que cette réforme soit imposée en parfaite connaissance de cause. Si le Premier ministre, par naïveté, n'avait pas perçu à quel point cette réforme était privée de consensus, nous aurions pu éviter de lui faire ce procès d'intention.
Mais compte tenu de ses propos on ne peut plus explicites - « Il faudrait vraiment qu'un consensus s'esquisse pour que des initiatives puissent être prises » -, on comprend que c'est en connaissance de cause que le Premier ministre a choisi de faire passer la réforme en force, alors même que sa propre majorité de circonstance sur ce texte s'émoussait.
Lionel Jospin a déclaré à l'Assemblée nationale, pour se justifier, que les prochaines échéances étaient trop éloignées pour savoir si cette inversion du calendrier jouerait en faveur de tel ou tel candidat ou en faveur de tel ou tel camp.
Dans ces conditions, comment ne pas être surpris d'entendre Henri Emmanuelli déclarer en marge du congrès du parti socialiste, à Grenoble, que ce débat sur le calendrier était « disproportionné »,...
M. Jean-Pierre Schosteck. Voilà !
M. Paul Blanc. ... que « personne n'était dupe » et que « cela fait des mois que tout le monde sait que ce calendrier n'est pas favorable au candidat de gauche ». (M. Gournac rit.)
Ainsi, je comprends mal - et, dans ma circonscription, les électeurs de base sont comme moi - que Lionel Jospin fasse passer en force et en vitesse une proposition de loi organique censée n'être favorable à personne, alors que ses partenaires se frottent simultanément les mains en rappelant qu'il est patent depuis des mois que le calendrier actuel ne leur est pas favorable.
Le procès d'intention ne peut être considéré comme injuste. Celui-ci, en effet, ne me semble de fait pas totalement dénué de fondement.
Cette réforme est effectivement une réforme de convenance et, encore une fois, il n'est pas sain, dans une démocratie moderne, de procéder à de tels changements à des fins purement électoralistes. Les électeurs ne manqueront pas d'en juger par eux-mêmes. Et ces manoeuvres, selon le vieux principe de l'arroseur arrosé, seront, à n'en pas douter, sanctionnées par le peuple.
M. Hilaire Flandre. C'est évident !
M. Paul Blanc. Le Premier ministre aurait dû s'en remettre au Président de la République, puisque c'est à ce dernier qu'il revenait de prendre une décision de cet ordre, la Constitution lui conférant le rôle de gardien des institutions.
Puisque cette réforme touche, sans le dire, à l'élection présidentielle - il s'agit bel et bien d'inverser le calendrier électoral et de faire intervenir l'élection présidentielle avec les élections législatives - il me semblait que la moindre des politesses aurait bien évidemment été de procéder par la voie d'un projet de loi organique, examiné en conseil des ministres, lequel, en vertu de l'article 9 de la Constitution, est présidé par le Président de la République.
Le Président de la République aurait ainsi pu - cela semblait la moindre des choses - formuler au moins des observations, voire des réserves, quant à l'inversion du calendrier électoral.
Cela aurait relevé non pas simplement de la plus évidente des courtoisies mais également de l'esprit même de nos institutions que certains croient défendre aujourd'hui, après avoir été ses plus ardents détracteurs, en plaidant pour cette inversion du calendrier.
En effet, si personne ne peut se prévaloir d'être garant de l'esprit de nos institutions, et surtout pas ceux qui, héritiers spirituels de l'auteur du livre Le Coup d'Etat permanent, le combattaient encore très récemment, une seule chose reste cependant certaine : les réformes institutionnelles relèvent de la compétence du Président de la République. D'ailleurs, permettez-moi de rappeler les propos de M. le rapporteur, qui a bien fait remarquer que, dans l'interprétation même de la Constitution, il y avait au moins deux doctrines ; mais je n'y reviendrai pas, car cela a déjà été brillamment démontré.
Effectivement, personne ne peut se prévaloir d'être habilité à dire si l'inversion ou le maintien du calendrier est le plus conforme à l'esprit de nos institutions.
J'en veux pour preuve les avis différents des éminents constitutionnalistes auditionnés par la commission.
En revanche, il y a une chose que personne ne peut nier : c'est que la réforme, si elle devait avoir lieu, devrait être du ressort du Président de la République.
MM. Alain Gournac et Jean-Pierre Schosteck. C'est sûr !
M. Paul Blanc. Permettez-moi de citer encore une fois la Constitution, qui est déjà malmenée en ce jour et qu'il est donc salutaire de ne pas oublier. L'article 5 de la Constitution est on ne peut plus précis : « Le Président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l'Etat. » Il me semble qu'il est difficile d'être plus explicite.
De quel droit le Président de la République a-t-il donc été écarté, d'une part, d'un débat institutionnel et, d'autre part, de l'élaboration d'un texte de loi le concernant au premier chef ? Cette question mérite, il me semble, une réponse nette et précise monsieur le ministre et c'est ce que j'attends de vous.
M. Alain Gournac. Il y a peu d'espoir !
M. Paul Blanc. Votre réponse est d'autant plus attendue par mes collègues et par moi-même que le Premier ministre semblait pourtant, lui aussi, extrêmement clair sur la question.
Or c'est avec étonnement que, quelques semaines plus tard, j'ai appris, comme l'ensemble des Français, qu'au cours d'un congrès du parti socialiste - entre nous, est-ce la meilleure tribune pour obtenir un consensus ? - Lionel Jospin annonçait son intention de défendre un texte inversant le calendrier électoral et prolongeant la durée du mandat des députés, et ce à peine un an avant la date prévue du scrutin.
Par ailleurs, était-il vraiment nécessaire de déclarer l'urgence sur ce texte ? Etait-il à ce point essentiel qu'il soit adopté au plus vite, pratiquement en catimini, au nom de je ne sais quelle impérieuse urgence nationale ?
M. Jean-Pierre Schosteck. Heureusement que le Sénat veille !
M. Alain Gournac. La « petite troupe » veille !
M. Paul Blanc. Chez moi, les gens s'étonnent que nous ayons à « plancher » sur cette proposition de loi, alors qu'ils appellent de leurs voeux bon nombre d'autres réformes autrement plus urgentes pour eux.
Je pense notamment à la réforme de nos impôts. La répartition de la fameuse « cagnotte » n'aurait-elle pas mérité un grand débat au Parlement ?
M. Alain Gournac. Certes !
M. Paul Blanc. N'était-ce pas mieux que de laisser les gens de Bercy trancher ?
Je pense à l'avenir de nos retraites.
M. Alain Gournac. Aussi !
M. Paul Blanc. Aujourd'hui, une grève est lancée. A ce véritable problème, aucune réponse n'est apportée.
Je pense à la sécurité,...
M. Alain Gournac. Petit problème !
M. Paul Blanc. ... au moment où, dans ma région, le Languedoc-Roussillon, les gendarmes et les policiers se font tirer comme au ball-trap,...
M. Jean-Pierre Schosteck. Comme à la chasse !
M. Paul Blanc. ... où, à Strasbourg ou ailleurs, on commence à trouver tout à fait normal que les voitures brûlent,...
M. Alain Gournac. Il n'y en a pas eu beaucoup, cette année ! (Rires sur les travées du RPR.)
M. Paul Blanc. ... où, même dans les plus petites communes, les personnes âgées n'osent plus sortir, de crainte d'être victimes d'une agression à la sauvette.
M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement, tout récemment, et avec raison, s'est félicité, dans les étranges lucarnes, de la diminution du nombre de tués sur les routes en France au cours de l'année 2000.
Il nous a montré ce qu'il fallait faire, car, en même temps qu'il parlait, on voyait des gendarmes et des policiers en train de procéder à des contrôles routiers, après quoi confirmation nous était donnée que des consignes très strictes avaient été transmises aux parquets pour sanctionner sévèrement les contrevenants, notamment en cas de délit de grande vitesse ou de conduite en état d'ivresse ou sous l'emprise de la drogue. Ces mesures, tous les citoyens de France les acceptent, ou finissent par s'en accommoder.
Pourquoi ne donne-t-on pas la consigne aux parquets de traiter les délinquants avec la même sévérité ? C'est ce que les Français, aujourd'hui, demandent.
M. Jean-Pierre Schosteck. Très bien !
M. Paul Blanc. Si certains de nos ministres étaient victimes d'agressions, nul doute qu'il en irait ainsi, pour autant que l'on arrive à prende - ou reprendre ! - lesdits délinquants !
Encore une fois, pourquoi ce que le ministre de l'équipement, des transports et du logement a fait en matière de sécurité routière, le ministre de l'intérieur ne le ferait-il pas pour la petite délinquance quotidienne ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
Le financement de la sécurité sociale est un autre grand sujet de préoccupation des Français.
M. Jean-Pierre Schosteck. Mais non, il n'y a pas d'urgence !
M. Alain Gournac. Ce n'est pas pressé ! (Rires sur les travées du RPR.)
M. Paul Blanc. Certes ! Si ce n'est que, chaque année, on nous annonce que les pourcentages d'augmentation qui avaient été prévus dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale sont dépassés. Si ce n'est qu'aujourd'hui même les professions médicales et paramédicales vont être reçues au ministère en raison du véritable malaise qui règne dans la santé publique et du déséquilibre des comptes de la sécurité sociale.
Pas plus tard que la semaine dernière, j'ai posé, ici même, une question à Mme le secrétaire d'Etat à la santé pour savoir si le pôle de santé de la petite commune de Prades, que j'ai l'honneur d'administrer depuis douze ans, allait être maintenu. S'il ne l'était pas, c'est un maillon de plus qui sauterait, et ce parce que l'on ne donne pas à l'hôpital local et à la clinique les moyens de fonctionner dans de bonnes conditions.
Autre sujet de préoccupation de nos compatriotes : la construction de l'Europe et, surtout, le passage à l'euro, dans moins d'un an.
M. Jean-Pierre Schosteck. Il n'y a pas urgence !
M. Paul Blanc. Chez moi, les gens se font du souci ; ils se demandent comment cela va se passer.
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Paul Blanc. En effet, à partir de janvier prochain, les prix seront affichés en euros, notre nouvelle monnaie.
Mes chers collègues, vous vous souvenez sans doute des problèmes qu'a occasionnés le passage des anciens francs aux nouveaux, à tel point qu'aujourd'hui encore, chez nous, dans les campagnes - mais, évidemment, c'est la France profonde ! - il y a des gens qui comptent en anciens francs. Qu'en sera-t-il, demain, quand il faudra compter en euros !
M. Georges Gruillot. Et l'ESB ?
M. Paul Blanc. J'allais y venir, avec la protection de l'environnement et la sécurité alimentaire.
On parle beaucoup de l'effet de serre. Mais quelle est, aujourd'hui, en définitive, l'énergie électrique la moins polluante à cet égard ? L'énergie électronucléaire, énergie électronucléaire sur laquelle on est en train de faire une croix au motif que quelques membres du Gouvernement ont fait de sa suppression leur cheval de bataille ! Ce faisant, on ne se préoccupe pas de l'avenir de notre pays, de la façon dont va être produite son électricité, alors que c'est pour nos compatriotes un grand sujet de préoccupation.
S'agissant de la sécurité alimentaire, que n'a-t-on pas entendu sur la « vache folle » ? Heureusement que le Sénat, dans sa grande sagesse, a décidé de constituer une commission d'enquête, aux travaux de laquelle, avec certains collègues ici présents, j'ai l'honneur de participer. Là encore, nos visites sur le terrain témoignent de l'intérêt que les Français portent à cette question.
M. Alain Gournac. Evidemment !
M. Paul Blanc. Dès lors, ce débat sur l'inversion du calendrier paraît totalement surréaliste, en décalage absolu avec les préoccupations et les attentes légitimes des Français.
En réalité, le parti socialiste n'est pas du tout sûr de gagner les élections législatives,...
M. Hilaire Flandre. Il est même sûr de les perdre !
M. Paul Blanc. ... malgré l'autosatisfaction de ses dirigeants.
J'en veux pour preuve l'analyse d'Eric Perraudeau, dans la Revue socialiste de novembre 2000, que je cite textuellement pour ne pas trahir sa pensée : « On oublie trop souvent que la défaite de la droite en juin 1997 ne s'est jouée qu'à un très petit nombre de voix. Il aurait suffit, pour que le résultat final soit inversé et que la gauche soit actuellement dans l'opposition, qu'à l'échelle nationale moins de 1 % des électeurs modifient leur comportement.
« On ne saurait non plus minimiser les 76 triangulaires que la gauche gagna à 47 reprises. Si, comme l'a montré plusieurs fois Jérôme Jaffré » - une référence ! - « le calcul de la droite se révèle faux et empreint d'une certaine mauvaise foi, il n'en reste pas moins qu'une dizaine de circonscriptions auraient pu passer à droite sans le maintien du Front national au deuxième tour. »
M. Jean-Pierre Schosteck. Tout à fait !
M. Paul Blanc. Quant à l'évolution du rapport de forces politiques depuis 1997, la Revue socialiste la résume en une formule implacable : « Une progression électorale de la gauche en trompe-l'oeil. »
Voilà, sans doute, la réelle explication de ce changement !
M. Jean-Pierre Schosteck. Evidemment !
M. Paul Blanc. Cela nous éloigne considérablement de la prétendue philosophie de cette réforme : revenir à l'esprit de la Constitution, remettre le calendrier dans l'ordre.
M. Jospin a toujours combattu la Constitution de la Ve République.
M. Jean-Pierre Schosteck. Toujours !
M. Paul Blanc. Et voilà qu'aujourd'hui il en découvre l'esprit et s'en proclame le défenseur !
Je regrette que M. le Premier ministre ne soit pas là ce matin, lui qui est l'élu du canton de Cintegabelle, près de Toulouse, dans ce Sud-Ouest où, chacun le sait, le rugby est roi. Si, comme je le suppose, il suit de très près le championnat de France de rugby, que penserait-il si, en cours de saison, on changeait les règles du jeu ?
M. Jean-Pierre Schosteck. Voilà !
M. Paul Blanc. Imaginons qu'en début de saison on décide que l'équipe en faveur de laquelle est sifflé un coup franc botté en touche et bénéficie de qu'on appell une « pénal-touche », c'est-à-dire se voit rendre la balle pour jouer la touche - c'est la règle aujourd'hui, elle n'était pas la même il y a deux ans. Qu'aurait pensé le Premier ministre si, en cours de championnat, on avait changé cette règle ?
M. Jean-Pierre Schosteck. Il aurait trouvé cela scandaleux !
M. Paul Blanc. Imaginons la réaction des équipes qui auraient basé une bonne partie de leur entraînement sur cette phase de jeu ! Croyez bien qu'en pays de rugby ça ne se serait pas passé comme ça !
Aujourd'hui, avec cette inversion de calendrier, on ne fait rien d'autre que de changer la règle du jeu en cours de match. C'est totalement inadmissible.
M. Jospin, je l'ai dit, a combattu la Constitution et, aujourd'hui, il en découvre l'esprit. Peut-être les vocations tardives sont-elles les plus belles et les plus émouvantes ! En l'espèce, permettez-moi d'en douter ! Nous autres, dans les campagnes, nous sommes naïfs, mais jusqu'à un certain point : nous ne le sommes surtout pas assez pour y croire.
M. Jean Chérioux. Il y a plus de joie dans le ciel pour un pécheur qui se repend que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui persévèrent !
M. Paul Blanc. Saint Jean, chapitre 23 ! (Rires sur les travées du RPR.)
M. le président. Ne serait-ce pas plutôt « Saint-Jean-Chérioux » ?
M. Paul Blanc. Vous l'aurez compris, et je tiens à l'affirmer très solennellement du haut de cette tribune, je ne voterai pas ce texte. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Gerbaud.
M. François Gerbaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en montant à cette tribune, j'ai une pensée particulière pour Edgar Faure. Dans un temps assez lointain, où nous siégions, M. le rapporteur et moi-même, à l'Assemblée nationale, Edgar Faure, à l'époque ministre de l'agriculture, pour caractériser un débat qui jetait à la tribune quatre-vingt-seize orateurs, eut ces mots : « litanie, liturgie, léthargie ». (Sourires.)
Notre débat pourrait effectivement ressembler à cela aujourd'hui, mais j'apporterai à cette formule un correctif.
Litanie, oui, parce que chacun d'entre nous a la volonté de dire ce qu'il en pense. Liturgie, oui, parce qu'il y a, dans l'infini respect que les uns et les autres nous avons de la Constitution, quelque chose de rituel et de sacré. Léthargie, non, car le sujet est trop grave pour qu'on puisse l'aborder sans fortes polémiques.
A mon tour, dans ce débat, je voudrais donner mon intime conviction. Intime, parce que, bien entendu, il va de soi que ce que je vais dire, je le crois ; intime aussi, au sens plus particulier du terme, car nous vivons aujourd'hui dans cette assemblée une certaine intimité, du fait de notre petit nombre, mais, après tout, qu'importe le nombre, pourvu qu'on ait la foi ! (Nouveaux sourires.)
Adressant des voeux à mes amis, il y a quelques semaines, j'ai souvent exprimé, comme beaucoup d'entre nous, le souhait que cette très symbolique année de tous les commencements - ce n'est pas n'importe quoi : un an, un siècle et un millénaire en même temps - réponde à leurs attentes, à leurs préoccupations et à leurs projets, ce qui est l'espérance, je pense, partagée par tous les Français.
Je ne suis pas certain que modifier le calendrier des grands rendez-vous politiques de 2002 soit très précisément au coeur de leurs préoccupations d'aujourd'hui : la rue, à Paris, en témoigne.
Aucun incendie ne s'étant déclaré, ni à l'Elysée, ni à l'Assemblée nationale, l'urgence d'en débattre au Parlement leur semble aussi insolite que d'appeler le SAMU pour un modeste éternuement ! (Sourires sur les travées du RPR.)
A dire vrai, les Français, et on les comprend, ont la tête ailleurs. En 1968, et nous siégions, M. Bonnet et moi-même, à l'Assemblée nationale, avant les événements que l'on sait, on a dit : la France s'ennuie. Et les Français s'ennuyaient. On peut dire aujourd'hui qu'ils s'interrogent sur la conception et l'ordre des priorités du Gouvernement.
Sans être exagérément pessimiste, il est à craindre que ce débat que nous livrons à leur indifférente observation...
M. Jean-Pierre Schosteck. Pas si indifférente que cela !
M. François Gerbaud. ... ne suscite chez eux autant d'intérêt que le récent référendum sur le quinquennat « sec » où, à l'évidence, ils ne se sont guère mouillés d'enthousiasme ! (Rires sur les mêmes travées.)
Indifférence hier ; indifférence inquiète et gravement désinvolte sans doute aujourd'hui : comment, en vérité, pourrait-il en être autrement à un moment où des revendications de toute nature - pouvoir d'achat, retraites, licenciements annoncés - peuplent les rues de Paris et des grandes villes d'un incessant cortège de manifestants, la rue aujourd'hui en témoigne, à Paris et ailleurs ?
Comment pourrait-il en être autrement à un moment oppressant où les étals des bouchers saignent d'inquiétude et les étables des éleveurs d'interrogations, terrible constat d'un monde agricole partagé entre l'incertitude, la colère et le désarroi sans compter le scepticisme des consommateurs, auxquels on ne cesse de promettre une rigoureuse sécurité alimentaire, sans compter aussi ceux que la maladie frappe ou guette et qui comprennent mal que systématiquement l'on encadre les dépenses de santé dans une rigoureuse gestion comptable ?
M. Alain Gournac. Bien sûr !
M. François Gerbaud. Certes, elle peut avoir la vertu de la rigueur, mais dans certains cas, elle peut être un ralentisseur d'espérance.
Est-il besoin de rappeler - là aussi, la rue en témoigne - l'urgence d'une authentique politique de santé qui, jusqu'à présent, n'existe pas ?
M. Alain Gournac. Très bien !
M. François Gerbaud. Comment pourrait-il en être autrement en ces jours où, dans de nombreux endroits de nos villes, dans nos lycées, dans nos collèges et même parfois dans nos écoles communales, vivre au quotidien, c'est vivre à haut risque dans un monde frappé, hélas, par la leucémie sans rémission de l'insécurité, de la délinquance et de la violence, une violence désormais affichée depuis quelques jours par des attentats qui peuvent nous faire craindre le pire, tragédie d'une haine sans frontière qui blesse au coeur les Français, lesquels attendent de toute urgence qu'on les prémunisse contre les drames annoncés ?
Oui, comment pourrait-il en être autrement et différemment, en cette période d'application difficile des 35 heures qui pose aux artisans et à de nombreux secteurs de l'activité nationale plus de problèmes que de réjouissantes satisfactions ?
M. Alain Gournac. Oh oui !
M. François Gerbaud. Comment pourrait-il en être autrement, alors que, dans ce même temps de compétition sans merci, l'Europe n'en finit pas d'imposer ses directives dans notre droit et la mondialisation de faire peser les contraintes d'un impitoyable marché international ?
En dépit des bonnes nouvelles de notre économie, d'une meilleure situation de l'emploi qui laisse cependant sur le bord de la route du travail 2 300 000 chômeurs, l'espérance semble cependant avoir perdu sa carte vitale dans un monde où, pour beaucoup, la vie a cessé d'être un long fleuve tranquille, si tant est qu'elle le ne fût jamais.
M. Paul Blanc. Très bien !
M. François Gerbaud. Répondre à ces inquiétudes panoramiques, légitimes et récurrentes en demandant au Parlement le sceau de son aval pour que, contrairement aux dates constitutionnellement fixées, l'élection du Président de la République précède les législatives, c'est en vérité ouvrir un très grave débat, et non pas souscrire à une simple formalité. Que le peuple souverain s'en désintéresse, lui qui est détenteur de la souveraineté nationale est, hélas, un fait ; que le Parlement en discute en est un autre.
Chacun d'entre nous, en effet, ne fût-ce que par délégation du peuple souverain, s'y trouve impliqué, et par conséquent démocratiquement soucieux de donner son sentiment, même au prix d'un débat où certains esprits malins nous accusent de traîner les pieds et de nous livrer à je ne sais quel « harcèlement textuel ». Il y a cependant des circonstances où le silence n'est pas d'or.
Permettez-moi d'ouvrir une brève parenthèse pour préciser que l'expression « harcèlement textuel », nous l'avons mise au point un certain jour avec Robert-André Vivien ; elle a été employée à l'Assemblée nationale dans un débat qui ressemblait étrangement à celui-ci, puisque, à l'époque, les vôtres, monsieur le ministre, faisaient également ce que nous faisons et que vous nous reprochez aujourd'hui. (Rires.) Vous voyez les réciprocités !
M. Jean Chérioux. C'est cela la démocratie. Ils ont tous les droits !
M. Alain Gournac. Et nous, aucun !
M. François Gerbaud. En tout cas, je tenais à rendre à Robert-André Vivien la primeur d'une expression dont nous avions discuté sous le bronze de l'Assemblée nationale. Mais je ferme la parenthèse sur ce souvenir que je me plais à rappeler.
Il est légitime, donc, que, dans un débat aussi important, aussi inopportun qu'insolite, l'explication un instant l'emporte sur toutes les impatiences, les imprécations et les suspicions c'est ce que nous faisons présentement à notre manière, avec plus ou moins de bonheur et de séduction, après que notre excellent rapporteur, M. Christian Bonnet, a donné le coup d'envoi de cette discussion où, à dire vrai, les redites ont une vertu au moins, celle de fédérer les préoccupations pour bien montrer l'urgence.
Et, comme ne le dirait pas Boileau, tout n'a pas été dit depuis qu'il y a des orateurs et qu'ils causent. (Sourires.)
M. Jean Chérioux. C'est La Bruyère, pas Boileau !
M. François Gerbaud. Mille excuses !
M. Jean Chérioux. C'est très important pour le débat ! (Rires sur les travées du RPR.)
M. François Gerbaud. J'avais hésité, mais je rends volontiers à La Bruyère ce que, naturellement, les racines de son histoire lui permettent d'avoir ! (Nouveaux rires sur les mêmes travées.) Je voudrais, parmi les orateurs, citer M. Cornu et ses propos non alambiqués, ainsi que M. Hérisson dont nous avons apprécié... les pointes !
Je remercie M. Bonnet de l'infinie patience dont il fait preuve dans une écoute héroïque, alors même que, de son propre aveu - qu'il me permette cette confidence - la patience n'est pas une de ses inclinations naturelles. Mais après tout, à chacun son héroïsme, vous en avez vous aussi fait preuve, monsieur le ministre, d'une certaine manière : cela méritait bien un coup de chapeau !
Plus sérieusement, nous avons le droit de dire que nous ne pouvions pas accepter un texte qui est une sorte d'OVNI politique ; je veux dire par la un « objectif véritablement non identifiable ». (Sourires.)
En effet, si les calculs qui l'inspirent sont politiquement connus et même affichés, les grandes raisons qui le justifient restent aux « abonnés absents ».
Comme de nombreux spécialistes de la Constitution, je suis convaincu que l'inversion du calendrier ne se justifie par aucun motif fondamental, si ce n'est la convenance, et, peut-être faut-il un instant le regretter, la connivence dans l'addition en francs et en euros des précautions électorales et des acrimonies inavouées ! (M. le ministre sourit.)
Cela peut vous faire sourire, monsieur le ministre. Au cas où il en serait ainsi sachez qu'à gauche, si vous vivez, comme vous le dites, votre diversité dans une communauté souvent réduite aux aguets, il nous arrive parfois, et c'est un peu le cas aujourd'hui, de vivre notre propre union dans l'adversité. (Rires sur les travées du RPR.)
Pour ce qui nous concerne, aucun tremblement de terre n'est en vue. Quelle que soit leur sensibilité, les volcans du Massif central, si chers à M. Giscard d'Estaing, ne sont pas en train de se réactiver. Bref, ce n'est pas encore Apocalypse now !
On pourrait, à la limite, dans un excès de crédulité ou d'optimisme, se réjouir de cette réaffirmation solennelle du rôle prééminent que la Constitution donne au Président de la République.
Certains esprits chagrins n'hésitent d'ailleurs pas à penser - ni à dire - que cette éclatante et soudaine preuve de l'attachement à la fonction présidentielle peut être interprétée comme une sorte de repentance de ceux qui, par les coups d'éclat permanents de leurs critiques, ne furent jamais les ardents prosélytes de la Ve République dans ce qu'elle a d'essentiel. Heureuse vocation tardive, qui va finalement de « l'aversion » à « l'inversion » ! (Sourires sur les mêmes travées.)
Reste que l'inversion du calendrier électoral, telle qu'elle sera, en fait, votée par les députés, qui ont le dernier mot, ouvre, comme je l'ai dit, un très grave débat institutionnel.
Lorsqu'à Grenoble, devant le congrès du parti socialiste, le Premier ministre estimait que l'ordre actuel des élections, qui résulte des hasards de la vie et de la politique, n'était pas cohérent, il donnait ainsi le feu vert aux siens pour adapter, recopier et s'inspirer de la proposition de loi déposée à l'Assemblée nationale par d'éminents députés de l'opposition. Ainsi étaient-ils les têtes de pont de ce que j'appelle la « connivence ».
C'était, comme au temps récent du quinquennat, tirer très habilement parti, par un effet boomerang , d'inspirations venues fort opportunément de l'autre camp.
Ainsi corrige-t-on aujourd'hui, de surcroît, dans l'urgence, une situation dont on sait qu'elle existe depuis la dissolution de 1997.
Il aura donc fallu aux inspirateurs et acteurs de cette inversion du calendrier électoral presque quatre années pour s'apercevoir que ce calendrier de 2002, dans l'ordre prévu, élections législatives puis élection présidentielle, échappait à toute logique et qu'il convenait au plus vite d'y remédier, au prix contestable, et naturellement contesté, d'une modification des règles du jeu à l'approche d'une échéance électorale. Paul Blanc a dit ce qu'il en pensait s'agissant du rugby !
M. Paul Blanc. Merci, monsieur Gerbaud !
M. François Gerbaud. L'électrochoc qui a ainsi bousculé l'ordre des choses tient - cela a été dit, mais je le redis - à deux évidences.
Première évidence : aucune élection n'est jamais gagnée d'avance et, quand elles se suivent, même si elles ne sont pas de même nature, le peuple souverain nous a montré, et peut-être nous montrera, que, le quinquennat compris, il peut « zapper » en élisant deux majorités différentes à quelques semaines d'intervalle. En ce domaine, la « contiguïté » n'est pas forcément la « continuité ». Les prochaines élections, et elles seules - je parle de celles de 2002 -, diront si oui ou non, comme on peut l'envisager, le quinquennat va en quelque sorte risquer d'institutionnaliser la cohabitation.
M. Jean-Pierre Schosteck. C'est en effet un risque !
M. François Gerbaud. Un spécialiste a dit que le zapping à la télévision, c'était le chewing-gum des yeux. Le zapping en matière électorale, tout aussi possible d'ailleurs que l'autre, peut être considéré, lui aussi, toute révérence gardée, comme le chewing-gum de la démocratie ! C'est dire qu'il est terriblement audacieux même parfois, si les sondages peuvent nous y encourager, de compter les oeufs dans le derrière de la poule. C'est peut être en ce domaine qu'il n'y a pas la preuve par l'oeuf ! (Sourires.)
Seconde évidence : perdre les législatives, lorsque l'on est candidat challenger à la présidentielle, c'est courir un risque et ne pas mettre toutes les chances de son côté. Il fallait donc, disent les partisans de l'inversion, ne rien laisser au hasard. Et c'est très précisément cette référence faite au hasard de la vie et de la politique qui constitue, comme l'a indiqué M. le rapporteur, une très grave atteinte à la Constitution, à son esprit et à sa lettre.
En réalité, le calendrier proposé au peuple français ne tient en rien du hasard ; il résulte de la Constitution. Elle a expressément prévu un droit de dissolution confié au Président de la République et organisé le déroulement du mandat de ce dernier. La Constitution règle, avec précision, l'hypothèse d'une vacance du pouvoir résultant du décès du Président.
Prétendre aujourd'hui que le calendrier électoral résulte du hasard, c'est nier le droit du Président de la République de dissoudre l'Assemblée nationale et, en conséquence, l'aménager. C'est nier le fait que la Constitution a prévu la mort comme l'une des causes de la fin du mandat présidentiel.
Considérer l'analyse de certains, hostiles à confier les rênes du pouvoir à ce qui serait donc un coup du sort, relève du calcul politique et n'a pas d'incidence dans la vie de nos institutions.
Considérer que la survenance d'une dissolution ou le décès du Président de la République nécessite un aménagement de nos institutions conduit inévitablement à poser ces questions, que tout le monde a d'ailleurs posées, me semble-t-il.
En premier lieu, le Président devra-t-il consulter, outre le Premier ministre et les présidents des assemblées, l'ensemble des forces politiques du pays avant de recourir à la dissolution ?
En second lieu, qu'aurions-nous dû faire à la mort de Georges Pompidou ? Assurer la permanence du pouvoir par le recours à je ne sais quel prince héritier ?
Déjà, de manière implicite, les partisans de l'inversion sermonnent le Président de la République en lui disant : « Monsieur le Président, pour l'amour du ciel, n'utilisez votre pouvoir de dissolution qu'avec discernement, car vous nous obligeriez à inverser le calendrier électoral ! »
La volonté d'aménager le droit de dissolution du Président de la République en en rejetant les effets et d'ériger la fin du mandat présidentiel en un caprice du hasard, en quelque sorte un « caprice de Marianne » (Rires sur les travées du RPR), le refus d'affronter sereinement le cours constitutionnel du calendrier électoral, alors que la Constitution nous a appris à y faire face, tout cela contribue indiscutablement à l'affaiblissement des institutions de notre Ve République.
Avec le quinquennat, on a ouvert la boîte de Pandore et nous nous trouvons pris dans l'engrenage d'une adaptation irréfléchie, peut-être, des institutions pour des raisons d'opportunité politique en fonction des chances et des résultats escomptés de chacun.
Le débat politique ne sort pas grandi de cette grave affaire et, en dépit de mon attachement personnel àTalleyrand, je ne le suivrai pas lorsqu'il dit : « On ne va jamais aussi loin que lorsque l'on ne sait pas où l'on va » (Sourires sur les travées du RPR) - c'est le cas aujourd'hui -, convaincu que le chemin politique n'est pas un chemin de randonnée, où l'on découvre à chaque virage un nouveau paysage.
En revanche, j'adhère à cette réflexion de Talleyrand : « Pire que le mensonge, la vérité. » Acceptez, monsieur le ministre, que vous ayons dit notre vérité, même si elle vous blesse. Le texte que vous soumettez à notre jugement est un fait politique et juridique. L'important n'est peut-être pas seulement le fait lui-même ; il est dans le temps et les incertitudes du temps, ses redoutables ombres portées. Il n'est jamais bon de redouter les grands rendez-vous de l'histoire !
Pour terminer, je citerai un propos qui nous ramènera au temps où M. Bonnet et moi-même étions dans la maison à laquelle je faisais tout à l'heure allusion. J'avais un jour parlé devant le Premier ministre Georges Pompidou de la façon dont je souhaitais que l'on modifiât peut-être la Constitution. Il avait répondu ce qu'il répondait toujours : « Gerbaud, ne touchez jamais à la Constitution. Sachez-le, on n'enlève jamais une pierre dans une clé de voûte ; l'édifice peut s'écrouler. » (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Monsieur Gerbaud, je vous remercie. Démonstration est faite que l'on peut parler de choses sérieuses avec beaucoup d'esprit et de talent. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
La parole est à M. Gruillot.
M. Georges Gruillot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans un contexte riche en actualité parlementaire, il peut apparaître à nos concitoyens - et je partage tout à fait leur opinion - complètement inapproprié de débattre dans l'urgence de la proposition de loi organique visant à proroger la durée du mandat en cours des membres de l'Assemblée nationale en reportant la date d'expiration des pouvoirs de cette assemblée du premier mardi d'avril au troisième mardi de juin.
Au moment où nos concitoyens sont confrontés quotidiennement aux problèmes d'insécurité, de précarité, de chômage, de violence scolaire, où l'on s'interroge sur l'avenir du système de retraite, où l'on prépare l'arrivée de l'euro, il semble anachronique de se préoccuper de petits problèmes d'organisation d'élections pour les convenances personnelles de quelques personnalités.
Changer les règles du jeu est un aveu de faiblesse du pouvoir politique, rien d'autre qu'une excuse pour ne pas affronter au fond les vrais problèmes de notre société.
Il y a en effet d'autres sujets plus urgents et importants, mais le Gouvernement en a décidé autrement.
Il a opté délibérément pour l'urgence absolue. La nécessité exclusive à l'entrée de ce nouveau millénaire est devenue l'inversion du calendrier électoral. Ainsi, le Parlement français marquera son entrée dans le troisième millénaire par la priorité accordée à ce qui peut apparaître comme un simple problème d'intendance ou d'intérêt personnel.
C'est un débat purement politicien et déconsidérant l'ensemble de la classe politique qui s'est engagée.
Comment s'étonner alors du désintérêt sans cesse croissant des Français pour les consultations électorales ? La classe politique, aux yeux de nos concitoyens, se discrédite chaque jour davantage avec de telles méthodes.
Les Français ont d'autres préoccupations et ce débat est trop loin de leurs soucis quotidiens. Ne creusons pas davantage le fossé qui sépare le citoyen du monde politique. Le taux d'abstention des dernières élections a pourtant donné, dans ce domaine, une leçon suffisamment claire.
Après avoir évoqué le contexte dans lequel cette proposition de loi est examinée, venons-en maintenant aux conditions d'examen de ce texte par le Parlement.
Ces conditions, je les trouve particulièrement contestables dans la mesure où l'ordre des échéances électorales de 2002 est connu depuis 1997 et que ce projet de réforme n'a, à aucun moment, figuré dans le programme annoncé lors du discours d'investiture de M. Lionel Jospin.
Le Gouvernement a brutalement modifié sa position sur la question. En effet, le 19 octobre 2000, M. le Premier ministre déclarait sans ambiguïté que « toute initiative de sa part serait interprétée de façon étroitement politique, voire politicienne ». Cela a déjà été dit par de très nombreux orateurs, mais c'est tellement important qu'il faut le marteler.
Il a même clairement annoncé qu'il « en resterait là et qu'il faudrait vraiment qu'un consensus s'esquisse pour que des initiatives puissent être prises ».
Ce large consensus n'est jamais apparu dans les enquêtes d'opinion, pas plus que dans les assemblées parlementaires.
M. Jean-Pierre Schosteck. Ni même dans la majorité plurielle !
M. Georges Gruillot. Effectivement. En octobre 2000, le Gouvernement semblait donc soucieux du respect des échéances fixées par les lois de la République.
Mais, peu après, le 24 novembre 2000, lors du congrès du parti socialiste à Grenoble, le Premier ministre semblait avoir changé radicalement de position en souhaitant que le « Printemps 2002, celui des grands rendez-vous démocratiques à l'occasion desquels le peuple s'exprime et tranche soit non pas un printemps de la confusion et des choix de convenance, mais un printemps de clarté ».
On peut s'étonner qu'un Premier ministre en exercice choisisse le congrès d'une formation politique, fût-ce la sienne, pour annoncer un tel changement de cap.
M. Paul Blanc. Ce n'est pas le consensus !
M. Georges Gruillot. Et quel mépris pour la représentation nationale de la part de M. Lionel Jospin !
M. Jean-Pierre Schosteck. Eh oui !
M. Georges Gruillot. S'ensuivit le dépôt de plusieurs propositions de loi tendant à modifier la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale, les affidés ou les amis de circonstance volant au secours d'un Premier ministre qui n'osait pas déposer un texte d'origine gouvernementale.
Ces amis de circonstance viennent d'être interpellés par une lettre ouverte, publiée voilà quelques jours seulement dans la presse. Je ne résiste pas à l'envie de vous en livrer un extrait, tant il me semble correspondre à la réalité.
« Entre les amertumes de ceux qui ont manqué le rendez-vous de l'histoire et les ambitions de ceux qui se verraient bien dans un gouvernement avec les socialistes, il ne manque pas de serviteurs zélés pour servir la soupe à Lionel Jospin et tenter de déstabiliser Jacques Chirac. Comme pour le quinquennat.
« Comment ne pas nous étonner quand le parti socialiste accepte subitement l'idée d'un débat sur les institutions proposé par d'éminents représentants de l'opposition ?
« Comment ne pas nous interroger quand Raymond Barre signe un appel commun dans la presse avec Michel Rocard et dépose, avec le groupe socialiste à l'Assemblée, une même proposition de loi ?
« Les socialistes ont peur de perdre les législatives en 2002 et font machine arrière toute. Ce n'est pas une raison pour les suivre et signer avec la gauche un PACS électoral contre nature. »
Vous le savez, je pense, mais je vous rappelle que ces propos sont extraits d'une lettre publique signée par l'un de nos collègues M. Henri de Raincourt, président du groupe des Républicains et Indépendants au Sénat.
M. Jean-Pierre Schosteck. C'est un papier excellent ! Vous avez raison d'en faire mention.
M. Georges Gruillot. Six propositions de loi organique ont été déposées. Trois d'entre elles visaient à reporter du premier mardi d'avril au 15 juin la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale. Trois autres avaient des objectifs différents, l'une d'entre elles allant jusqu'à prôner la concomitance des élections présidentielle et législatives.
Ces propositions ont été inscrites à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, très rapidement, voire dans la précipitation. Pourquoi cette urgence ?
Le rappel des circonstances de l'inscription de ce texte m'amène à faire plusieurs remarques.
Le calendrier de 2002, connu depuis 1997, date de la dissolution de l'Assemblée nationale, n'a pas fait l'objet de discussions lors des débats parlementaires relatifs au quinquennat. Alors que, depuis 1958, de nombreuses élections, comme l'élection présidentielle au suffrage universel, les élections européennes, les élections régionales, sont venues enrichir un calendrier déjà bien pourvu, il était tout à fait concevable d'étudier plus tôt toute modification afin que le Parlement puisse en débattre dans le calme et la sérénité.
M. Alain Gournac. Tout à fait !
M. Georges Gruillot. Le choix de la proposition de loi organique n'est pas anodin non plus ; il permet au Gouvernement d'accélérer la procédure en supprimant le passage obligé d'un projet de loi devant le Conseil d'Etat et le conseil des ministres.
De plus, la proposition de loi organique, ainsi que l'ensemble des propositions de loi soumises au Sénat comportent des exposés des motifs très succincts et tous bien différents, ce qui ne nous permet pas d'apprécier les motivations précises du changement proposé.
Un projet de loi aurait, quant à lui, comporté un exposé des motifs plus clair permettant au Conseil constitutionnel d'exercer un contrôle, ce qui n'est pas le cas de la proposition de loi organique présente, dont les motifs avancés restent diffus, que ce soit le respect d'une logique institutionnelle de la Ve République ou la mise en cohérence avec la réforme du quinquennat.
Par ailleurs, le Gouvernement fait référence à « l'esprit » des institutions de la Ve République, qui impliquerait que le Président soit élu avant les députés. Le ministre de l'intérieur rappelle les difficultés d'organisation de la présentation des candidats à l'élection présidentielle : cela fait sourire !
M. Jean-Pierre Schosteck. Ce sont des arguties !
M. Georges Gruillot. Autant d'arguments qui ne sont ni légitimes ni crédibles et qui démontrent que les véritables motivations sont totalement inavouables.
M. Alain Gournac. Absolument !
M. Georges Gruillot. En admettant que le calendrier actuel pose un problème, ne serait-il pas plus judicieux de réexaminer plutôt la date de l'élection présidentielle, comme l'a suggéré le professeur Carcassonne ?
Le présent texte ne répond pas à l'objectif poursuivi. Les discussions engagées à l'Assemblée nationale démontrent bien que le législateur souhaite supprimer la notion de hasard.
En somme, pour que la situation prévue en 2002 ne se renouvelle pas, il serait nécessaire, d'une part, que tous les futurs présidents de la République achèvent leur mandat et, d'autre part, que le droit de dissolution ne soit pas utilisé.
De telles conditions ne sont pas envisageables à moins de supprimer le droit de dissolution, prérogative fondamentale du Président de la République, et de créer une fonction de vice-président, celui-ci pouvant achever le mandat du Président en cas d'interruption de son mandat. Il s'agirait alors d'une réforme en profondeur de notre système français, mais cela ne peut se discuter, comme nous le faisons aujourd'hui, à la sauvette.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Georges Gruillot. L'unique argument avancé par le Gouvernement pour justifier la modification du calendrier électoral demeure le respect de l'esprit de nos institutions contrarié par ce calendrier.
Or de l'esprit des institutions ne découle pas un ordre spécifique dans le calendrier des consultations électorales, à moins que le Gouvernement ne souhaite obtenir une majorité présidentielle qui soit la même à l'Assemblée nationale. Il s'agirait, par conséquent, d'éviter toute cohabitation.
De toute façon, même si ces deux élections se déroulaient le même jour, un citoyen pourrait très bien voter pour un député et un Président de la République de tendances opposées.
Une telle modification du calendrier électoral est sans précédent dans l'histoire de la Ve République. Certes, plusieurs mandats électifs furent prolongés mais ils concernaient uniquement des mandats locaux ; ce fut le cas en 1966, 1972, 1988, 1990, 1994 et 1996.
Seuls deux cas de prorogation du mandat de député sont intervenus : l'un en 1918, l'autre 1940, mais cela, reconnaissons-le, dans des périodes tout à fait exceptionnelles. Cela a déjà été dit dans le débat mais méritait d'être rappelé.
Au demeurant, si le texte de l'Assemblée nationale devait être adopté, il faut aussi en évaluer les conséquences immédiates.
L'assemblée nouvellement élue débuterait ses travaux le troisième mardi de juin, pour les interrompre une semaine plus tard. Par conséquent, une session extraordinaire serait obligatoirement convoquée les années d'élections législatives, alors que l'instauration de la session unique a pour objectif de les faire disparaître.
Par ailleurs, dans ce cas de figure, le projet de budget pour l'exercice à venir serait élaboré par le Gouvernement avant les élections législatives, celles-ci pouvant éventuellement bouleverser la tendance politique.
Modifier ponctuellement les règles de fonctionnement de nos institutions est un exercice qui nous révèle donc ses limites.
Par exemple, qu'en serait-il des élections de 2007 ?
A vouloir modifier partiellement et ponctuellement le calendrier électoral pour de simples raisons de convenance d'un Premier ministre candidat à l'élection présidentielle de 2002, on aboutirait à une accumulation d'élections sans aucune cohérence : avant l'élection présidentielle devront avoir lieu des élections municipales couplées avec des cantonales, élections qu'il sera difficile de repousser au mois de juin, puisque ce serait le moment des législatives, voire en septembre, puisque auraient lieu à cette date les élections sénatoriales.
Une telle modification doit impérativement reposer sur un motif d'intérêt général bien précis pour nous démontrer que cette proposition de loi n'est pas un texte de convenance personnelle.
Le droit doit impérativement encadrer la vie politique de la nation, et une réforme des institutions ne peut être utilisée pour réaliser des coups politiques.
M. Alain Gournac. Très bien ! M. Georges Gruillot. A cet égard, le Conseil constitutionnel joue un rôle essentiel dans l'encadrement juridique de la vie politique. Au-delà de la protection des droits et libertés fondamentales, le rôle du Conseil constitutionnel est de clarifier les données du débat politique et de faire en sorte que les décisions soient prises en toute cohérence avec la Constitution de la Ve République.
Dans le cas de figure qui nous intéresse, le Conseil constitutionnel serait saisi obligatoirement de la présente loi organique et pourrait sans doute retenir favorablement certaines des observations soulevées par ce vaste débat.
L'édifice construit par ce texte, si celui-ci était voté en l'état, pourrait en effet se trouver en contradiction avec le droit de dissolution de l'Assemblée nationale, prérogative du Président de la République prévue par la Constitution, puisque toute dissolution entraîne obligatoirement de nouvelles élections législatives entre les vingt et quarante jours qui la suivent.
Les quatre décisions du Conseil constitutionnel sur les reports de dates d'élections, intervenues en 1990, 1994 - par deux fois cette année-là - et 1996, concernaient la prorogation du mandat des membres d'assemblées locales : les conseils municipaux et les conseils généraux pour les trois premières et une assemblée territoriale d'outre-mer pour la dernière. Cependant, les enseignements que l'on peut en tirer s'appliquent a fortiori à la prorogation du mandat de l'Assemblée nationale.
Chaque fois, le Conseil constitutionnel a validé la démarche tout en la subordonnant au respect de conditions strictes, à savoir le caractère exceptionnel et transitoire de la prorogation et l'existence d'une réelle justification.
Cette jurisprudence étant transposable au cas d'une élection nationale, le Conseil constitutionnel sera amené à exercer un véritable contrôle sur la validité des motifs de la modification proposée.
En somme, il n'y a pas de justification technique et, par conséquent, pas de motif à l'inversion des élections ; la seule motivation est d'ordre politique, plutôt floue, car difficilement avouable.
M. Paul Blanc. Ça oui !
M. Georges Gruillot. Le Premier ministre ne nous a d'ailleurs pas dévoilé ses conceptions personnelles sur la Constitution. Ne serait-il pas favorable au régime présidentiel ?
N'est-il pas surprenant de voir certains de ceux pour qui le vote du quinquennat devait amoindrir la fonction présidentielle nous affirmer que la prépondérance de celle-ci exige l'inversion des calendriers ?
M. Alain Gournac. Double langage !
M. Georges Gruillot. Réformer le calendrier électoral sans bouleverser en profondeur le régime de la Ve République apparaît comme techniquement très difficile.
Je regrette, pour ma part, que la révision constitutionnelle relative au quinquennat n'ait pas fait l'objet d'un débat plus appofondi, portant notamment sur ses incidences sur le régime, cette révision constituant l'une des plus importantes de la Ve République depuis une quarantaine d'années, comparable à celle de 1962, relative à l'élection au suffrage universel direct du Président de la République, et à celle de 1974, qui a ouvert la saisine du Conseil constitutionnel à l'opposition parlementaire.
Pour toutes ces raisons, je suis farouchement opposé - mais je pense que vous l'aviez déjà compris -...
M. Alain Gournac. C'était clair ! (Sourires.)
M. Georges Gruillot. ... à l'inversion du calendrier électoral, jugeant même très choquant que le Gouvernement cherche à influencer le résultat des urnes en jouant, pour ne pas dire plus, sur la date des élections. Les Français, soyez-en sûrs, ne l'oublieront pas.
Même Mme Voynet, pourtant membre de ce gouvernement, s'en inquiète.
M. Alain Gournac. Tiens, tiens !
M. Georges Gruillot. Elle doute en effet des résultats de la méthode puisqu'elle vient de mettre en garde Lionel Jospin et le parti socialiste « contre les petits calculs qui peuvent coûter cher sur le terrain de la crédibilité et de l'arithmétique électorale ».
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Paul Blanc. Elle est bien, Mme Voynet !
M. Georges Gruillot. On ne change pas les règles du jeu en cours de partie. Or la partie « élection présidentielle de 2002 » est bel et bien déjà entrée dans une phase active.
Les candidats, officiellement déclarés ou non, se grandiraient à respecter la règle imposée par le calendrier. Ils semblent oublier que la mission suprême qu'ils convoitent requiert davantage de grandeur d'âme et d'honnêteté. Elle est avant tout, permettez-moi de le rappeler, monsieur le ministre, une mission faite de dévouement envers les citoyens, la République et la France. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. Mes chers collègues, en raison de la réunion de la conférence des présidents, nous allons interrompre nos travaux. Nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

M. le président. La séance est reprise.

4

QUESTIONS D'ACTUALITÉ
AU GOUVERNEMENT

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Conformément à la règle posée par la conférence des présidents, je rappelle que l'auteur et le ministre disposent chacun de deux minutes trente.
Chaque intervenant aura à coeur de respecter le temps imparti de deux minutes trente afin que toutes les questions et toutes les réponses puissent bénéficier de la retransmission télévisée.

CHIFFRES DE LA DÉLINQUANCE

M. le président. La parole est à M. Poniatowski. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants.)
M. Ladislas Poniatowski. Ma question s'adresse à M. Vaillant, ministre de l'intérieur, qui est absent de l'hémicycle parce qu'il assistait ce matin aux obsèques du jeune policier de vingt-quatre ans écrasé par un chauffard, voilà quelques jours, à Béziers. Sa présence à cette cérémonie était d'autant plus nécessaire que les policiers et les gendarmes n'ont, il faut le savoir, plus du tout « le moral » et perdent confiance dans leurs dirigeants face à l'incessante croissance de l'insécurité.
J'ai ici une liste d'actes de violence qui tous ont eu lieu au cours de la semaine où est mort ce jeune policier. On y trouve, pêle-mêle, un palais de justice qui explose, un convoyeur de fonds qui est tué, un professeur poignardé par trois élèves dans son collège, ...
Mme Nelly Olin. A Garges !
M. Ladislas Poniatowski. ... un employé de la caisse d'épargne tué d'une balle dans la tête au cours d'un hold-up.
On y trouve aussi comme toutes les semaines, jour après jour, hélas ! une augmentation de la délinquance qui se traduit par des voitures qui brûlent dans nos banlieues, par des agressions physiques, par une violence quotidienne dont les journaux ne se font même plus l'écho tant elle est devenue banale en même temps qu'habituelle.
Si je me permets d'en parler aujourd'hui, c'est parce que les statistiques du ministère de l'intérieur seront être publiées la semaine prochaine. On en connaît déjà la tendance : le nombre des agressions physiques augmente, les délinquants sont de plus en plus jeunes et de plus en plus violents, la criminalité sort du cadre des grandes villes pour pénétrer dans les villes moyennes et même les petites villes.
Dans son discours de politique générale de 1997, le Premier ministre, parlant du droit à la sécurité, avait dit que la lutte contre l'insécurité serait l'une de ses priorités.
M. Alain Gournac. Il a beaucoup de priorités !
M. Ladislas Poniatowski. Aujourd'hui, j'ai le sentiment que les Français attendent autre chose que des déclarations générales ou que des déclarations comme celle que j'ai entendu il n'y a pas même trois jours : « S'il y a une augmentation de l'insécurité, ce n'est pas notre faute, a dit le Premier ministre, mais celle de ceux qui étaient au pouvoir entre 1995 et 1997. » (Exclamations sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. René-Pierre Signé. Il avait raison !
M. Ladislas Poniatowski. De telles paroles ne sont pas responsables, et les Français en jugeront. Ma question, monsieur le ministre, ne porte ni sur les statistiques ni sur l'ensemble du problème de l'insécurité, car ce n'est pas en deux minutes et demie que l'on peut aborder ce problème : elle est directement liée au voyage effectué ce matin par le ministre de l'intérieur. Que compte-t-il faire pour restaurer la confiance chez ces policiers et ces gendarmes qui ont le sentiment d'être des cibles, et de n'être pas soutenus ? (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est a M. le ministre.
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, M. Daniel Vaillant assistait, en effet, ce matin, à Béziers, à l'enterrement du jeune adjoint de sécurité Olivier Recasens, qui a été mortellement agressé dans sa mission d'assistance aux personnes.
La présence du ministre de l'intérieur témoigne de notre volonté d'être aux côtés des policiers, des gendarmes, de toutes les forces de sécurité qui se dévouent et qui peuvent être victimes du devoir. C'est pourquoi j'estime que votre dernière question n'est pas à sa place dans la bouche d'un élu de la nation : on ne peut pas soutenir que les policiers ne bénéficient pas du respect et du soutien du Gouvernement, comme de celui de l'ensemble des groupes politiques représentés dans cet hémicycle.
Par ailleurs, monsieur le sénateur, les chiffres relatifs à la délinquance - ils seront annoncés le 2 février prochain par le directeur général de la police nationale - sont certes des indicateurs en matière de sécurité, mais ils ne peuvent résumer à eux seuls notre politique globale de sécurité.
Il s'agit d'une politique difficile à conduire, car nous devons en effet faire face à des phénomènes sociaux de montée de la violence. Cependant, conformément à ce que le Premier ministre avait annoncé dans son discours de politique générale en juin 1997, nous avons développé la police de proximité. C'est une évolution essentielle de la police nationale, qui était surtout une police d'ordre.
M. Gérard Larcher. On attend toujours les effectifs !
M. Alain Gournac. En effet !
M. René-Pierre Signé. Ce sont eux qui les ont diminués !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. J'en viens justement aux effectifs. Avant 1997, 1 500 policiers partaient chaque année à la retraite. Compte tenu de la démographie et des recrutements intervenus au début des années soixante, ils sont maintenant 4 000. Or, rien n'était prévu pour augmenter les contingents dans les écoles des gardiens de la paix. Lorsque j'ai remplacé M. Chevènement pendant quelques mois, j'ai pu m'apercevoir, en me rendant dans les écoles de formation des policiers, que, si nous n'avions pas procédé à des recrutements et à des promotions exceptionnels, nous assisterions aujourd'hui à une décrue des effectifs sur le terrain.
M. René-Pierre Signé. Voilà ! C'est de leur faute !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. C'est incontestable, monsieur Poniatowski : rien n'avait été prévu.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. J'en termine, monsieur le président, en soulignant que la sécurité est l'affaire de tous. C'est pourquoi nous avons créé les contrats locaux de sécurité, qui sont maintenant au nombre de 500 environ : ils visent à associer aux actions menées par les pouvoirs publics les élus et toutes les forces qui peuvent exister dans la cité pour faire reculer l'insécurité. (Applaudissements sur les travées socialistes.)

FINANCEMENT DES RETRAITES
ET ATTITUDE DU MEDEF

M. le président. La parole est à M. Domeizel.
M. Claude Domeizel. Ma question est ô combien d'actualité ! Elle est même en temps réel si l'on se réfère aux manifestations qui ont lieu en ce moment dans les rues pour la défense de la retraite à soixante ans.
M. Henri de Richemont. Vous ne faites rien pour cela !
M. Claude Domeizel. Expert de la « provoc » - pardon : de la provocation (Facile ! et protestations sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste) - le MEDEF refuse de lever les cotisations qui alimentent le surcoût des retraites complémentaires à soixante ans.
M. Henri de Richemont. Démagogue !
M. Claude Domeizel. Par cette attitude, il est clair que le patronat a décidé de s'inscrire résolument dans une épreuve de force, de servir ses intérêts propres et d'enfermer les partenaires sociaux dans une situation de blocage.
Je ne peux que relever l'incohérence du discours lorsque ces mêmes patrons refusent d'embaucher les travailleurs en fin de carrière parce qu'ils sont trop vieux alors qu'ils les empêchent de cesser leur activité professionnelle à soixante ans ! Quelle position partisane, oui, partisane ! La délégation patronale se sert même de l'UNEDIC comme instrument de pression dans les conflits qu'elle rencontre depuis un certain temps avec le Gouvernement. Ce n'est pas parce que l'opposition continue à être totalement inexistante...
M. Henri de Richemont. On est là !
M. Patrick Lassourd. Vous allez avoir des surprises !
M. Jean Chérioux. Où sont les provocateurs ?
M. le président. Je vous en prie, pas de provocation !
M. Claude Domeizel. ... même si, dans notre assemblée, elle tente un soubresaut un peu ridicule,..
M. Henri de Richemont. Scandaleux !
Mme Nelly Olin. Quel mépris !
M. Claude Domeizel. ... que le patronat doit donner l'impression qu'il occupe l'espace ainsi laissé vacant. C'est en tout cas une curieuse conception du dialogue social,..
M. Alain Gournac. La question !
M. Claude Domeizel. ... un mépris total du salarié et, surtout, un large accroc au paritarisme, fondement du système social français.
Madame la ministre, nous espérons que la mobilisation d'aujourd'hui permettra un rééquilibrage des forces entre patronat et syndicats.
Cet aspect du dossier des retraites relève pour le moment des contacts entre les partenaires sociaux. Toutefois, si à cause de l'entêtement du patronat le dialogue ne pouvait être renoué, quelle serait la position du Gouvernement ? (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille et à l'enfance. Monsieur le sénateur, je dois tout d'abord excuser Elisabeth Guigou, qui, comme vous le savez, préside une très importante réunion rue de Grenelle sur l'avenir du système de santé.
M. Henri de Richemont. Elle est en campagne !
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille et à l'enfance. Elle est évidemment extrêmement attentive aux développements du problème que vous évoquez. La première priorité du Gouvernement, vous le savez, est de préserver l'avenir des régimes de retraite par répartition.
M. Henri de Richemont. Vous ne faites rien !
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille et à l'enfance. Nos concitoyens y sont attachés, et ces régimes assurent depuis cinquante ans la sécurité des retraités après leur vie de travail.
Bien sûr, une part significative des retraites dépend des régimes complémentaires que vous évoquez. La gestion de ces régimes appartient en premier lieu aux partenaires sociaux. L'autonomie conventionnelle est large dans ce domaine.
Je note, comme vous, la situation de blocage dans laquelle se trouvent les négociations sur l'avenir des régimes complémentaires et la responsabilité que semble porter le MEDEF dans ce blocage.
M. René-Pierre Signé. Il ne semble pas, c'est sûr !
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille et à l'enfance. Il ne m'appartient évidemment pas de dire aux uns et aux autres ce qu'ils ont à faire ; cela fait partie du dialogue social. Je crois, cependant, que l'impératif de négociation et de concertation que le Gouvernement a placé au coeur de sa démarche s'impose finalement à tous. On ne peut pas prétendre faire de la refondation sociale, d'un côté, et adopter la méthode du diktat , de l'autre.
Mme Nelly Olin. Oh ! là ! là !
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille et à l'enfance. Je relève aussi que les dernières prévisions sur l'évolution financière des régimes de retraite complémentaire s'améliorent. Cela peut permettre d'engranger des réserves supplémentaires pour l'avenir,...
M. Jean-Jacques Hyest. Ben voyons !
M. Alain Gournac. La cagnotte !
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille et à l'enfance. ... de prendre le temps de la négociation, de ne pas imposer brutalement une réduction des droits des assurés. Les régimes de retraite complémentaire ne sont pas en crise, contrairement à ce que certains voudraient faire croire. (Exclamations sur les travées du RPR.)
Pour l'heure, le Gouvernement fait confiance aux partenaires sociaux pour trouver des solutions acceptables par tous et qui permettent de garantir les droits des assurés. C'est à eux qu'il appartient d'en discuter les modalités.
Mais bien évidemment, monsieur le sénateur, le Gouvernement est prêt à prendre ses responsabilités, si cela est nécessaire, en concertation avec les partenaires sociaux pour garantir le droit à la retraite à soixante ans. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)

FINANCEMENT DES 35 HEURES
DANS LA FONCTION PUBLIQUE
ET RETRAITES DES FONCTIONNAIRES

M. le président. La parole est à M. Hugot.
M. Jean-Paul Hugot. Ma question s'adresse à M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Monsieur le ministre, vous me permettrez tout d'abord de rendre un hommage appuyé aux fonctionnaires qui remplissent chaque jour avec dévouement et compétence leur mission : être au service de l'intérêt général, au service de l'Etat et, par là même, au service des Français.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Ils sont mal payés !
M. Jean-Paul Hugot. Aujourd'hui, les fonctionnaires sont inquiets sur l'avenir de leurs droits. Malheureusement, les négociations salariales engagées pour 2001 et 2002 dans la fonction publique viennent d'échouer. Après l'échec, l'an dernier, des négociations du grand accord sur les 35 heures dans la fonction publique, c'est la deuxième fois que l'impuissance du Gouvernement à faire aboutir la négociation sociale dans la fonction publique est mise en évidence.
Aujourd'hui, l'opinion publique aurait de bonnes raisons de s'inquiéter. En effet, compte tenu de l'effort considérable consenti par la nation pour faire fonctionner son Etat, en termes de pression fiscale, il est essentiel que la fonction publique réussisse à se moderniser sans faire appel à un surcroît de sacrifices de la collectivité nationale.
Or on s'aperçoit que les seules grandes réformes administratives récentes - réforme de France Télécom, réforme des armées - ont été courageusement lancées par le précédent gouvernement.
M. Alain Gournac. Oui !
M. Paul Blanc. C'est vrai !
M. Jean-Paul Hugot. L'incapacité du Gouvernement Jospin à réformer, dans la concertation, l'Etat français n'a, en revanche, jamais été plus évidente.
M. Paul Blanc. Eh oui !
M. Jean-Paul Hugot. Ma question est donc la suivante : après l'échec de la réforme de Bercy, après l'échec de la réforme de l'éducation nationale, les contribuables devront-ils supporter de nouvelles charges pour financer les 35 heures dans la fonction publique ? Où le Gouvernement prendra-t-il les 100 milliards de francs que coûteront au budget de l'Etat les départs à la retraite des fonctionnaires dans les dix ans à venir ? (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Jean Chérioux. Dans la poche des contribuables !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Si j'ai bien compris, monsieur le président, je dispose de deux minutes trente pour répondre à l'ensemble des questions qui viennent de m'être posées !
M. le président. C'est exact ! (Sourires.)
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Vous comprendrez, donc, monsieur le sénateur, que je ne puisse répondre en détail à chacune d'entre elles.
Je dirai d'abord un mot sur les négociations salariales. Je mène, au nom du Gouvernement, le dialogue social dans la fonction publique. En termes de dialogue social, il y a des moments hauts, où l'on se parle, où on se comprend et où on aboutit ; il y a également des moments bas. S'agissant des négociations salariales, nous sommes actuellement dans un moment bas, ce qui ne veut pas dire que l'on reste forcément bas.
M. Hilaire Flandre. Et on en reste baba ! (Sourires.)
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Cependant, monsieur le sénateur, je ne ferai pas, le Gouvernement ne fera pas, ce que d'autres ont fait en 1995 et en 1996, (exclamations sur les travées du RPR) à savoir ne rechercher aucun accord, ne rechercher aucun dialogue sur les salaires de la fonction publique et bloquer totalement l'évolution des traitements des fonctionnaires.
M. Jean-Pierre Schosteck. Ne serait-ce un peu une caricature ?
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Cette caricature, vous la lirez, monsieur le sénateur, dans tous les bons ouvrages !
M. Jean Chérioux. Ecrits par vos amis ?
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. J'entendais l'autre soir le Premier ministre de l'époque dire, avec beaucoup d'honnêteté, qu'il n'adresserait certainement pas de critique sur ce sujet au Gouvernement et au ministre d'aujourd'hui, lui qui avait bloqué les salaires des fonctionnaires pendant deux ans.
M. René-Pierre Signé. Eh oui !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Sur les questions qui touchent à la réforme de l'Etat d'une manière générale,...
M. René-Pierre Signé. Ils sont silencieux !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. ... mieux vaut se garder des grandes déclarations sur le fait qu'il faut la faire ou sur fait que l'on est incapable de la faire.
Il n'y a de réforme de l'Etat que dans la durée, dans la continuité et dans la ténacité.
Il n'y a pas le grand soir de la réforme de l'Etat ; cela n'existe pas, sauf dans quelques grands esprits ultralibéraux qui rêvent d'importer tel ou tel modèle d'outre-atlantique.
M. René-Pierre Signé, Il y en a ici !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Il y a des décisions prises les unes après les autres, dans le domaine des technologies de l'information et de la communication, dans le domaine de la simplification administrative, dans le domaine de la gestion prévisionnelle - on vient d'en parler pour la police. Il en va ainsi dans toute la fonction publique. Il faut gérer avec l'avenir en ligne de mire.
C'est ce que nous faisons pour le compte du Gouvernement et, avec l'ensemble des ministres, je cherche à faire en sorte que nous réussissions. C'est dans ce sens que nous marcherons. (Bravo ! et applaudissements sur les travées socialistes.)

SITUATION DES INFIRMIÈRES

M. le président. La parole est à M. Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, ma question s'adressait à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité, mais je la pose bien volontiers à Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.
Madame la ministre, le personnel infirmier et une grande partie du personnel hospitalier sont aujourd'hui plutôt dans la rue qu'à leur travail.
Les élus qui participent à la gestion des établissements hospitaliers, comme de nombreux collègues ici, sont très inquiets de constater que la crise se développe très rapidement parmi les personnels soignants, particulièrement parmi les infirmières.
Il y a, d'abord, une pénurie de candidats aux métiers d'aide-soignante ou d'infirmière, puisque les instituts de formation en soins infirmiers n'arrivent pas à recruter suffisamment d'élèves. Pour le seul département des Hauts-de-Seine, que je représente ici, sur les 254 places qui ont été proposées au concours de septembre 2000, seulement 145 ont réellement été pourvues, ce qui signifie que le déficit va rester à un niveau important.
Il y a, ensuite, un problème plus grave, qui est plus psychologique que technique : beaucoup d'infirmières très qualifiées, notamment les infirmières de salle d'opération...
M. Gérard Larcher. Eh oui !
M. Jean-Pierre Fourcade. ... ont été choquées par la publication de plusieurs textes réglementaires qui, tous, vont dans le sens de la déqualification. Cela suscite aujourd'hui beaucoup de mouvements. Ceux-ci ne portent pas seulement sur les conditions de travail ou sur les problèmes de salaires. Ils visent également à retrouver, dans les établissements,...
M. Gérard Larcher. Une certaine considération !
M. Jean-Pierre Fourcade. ... une certaine qualité du travail.
Enfin, il y a l'application trop rapide des 35 heures à la fonction publique hospitalière. Autant c'est assez aisé dans les administrations « tranquilles », autant c'est difficile, tout le monde le sait, dans le système de santé.
M. Gérard Larcher. C'est impossible !
M. Jean-Pierre Fourcade. La désaffection des plus jeunes pour le choix de ces professions me paraît inquiétante. La désorganisation de la plupart des établissements est un risque que nous ne pouvons sous-estimer.
Aussi ma question est-elle la suivante : Madame la ministre, quelles mesures envisagez-vous de prendre pour permettre un retour rapide à un fonctionnement normal de notre système hospitalier, plus particulièrement en ce qui concerne les services d'urgences. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants.)
M. Gérard Larcher. Excellente question !
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille et à l'enfance. Monsieur le sénateur, j'aurai avec vous un point d'accord ; j'aurai également un point de désaccord, ce qui ne vous étonnera pas.
Le point d'accord est le suivant : les infirmières et les infirmiers représentent, en effet, un maillon essentiel de notre système de soins. J'en rappellerai ici le nombre que l'on oublie parfois : ils sont 400 000, dont 85 % sont des salariés. Ils et elles occupent des fonctions très importantes dans l'acte de soin, mais aussi dans la prise en charge médico-sociale de la population.
Ces besoins iront croissant - c'est une évidence - compte tenu, en particulier, du vieillissement de la population.
Nous avons pris des mesures importantes pour répondre à cet accroissement d'emplois. D'abord, nous avons compensé les départs en retraite, qui vont augmenter d'ici à 2005. Je reprendrai volontiers ce que M. Michel Sapin a dit, voilà un instant, sur la nécessité de programmer dans le temps et d'anticiper la gestion des personnels. Ensuite, nous avons pris des mesures pour compenser la réduction du temps de travail.
Je ne voudrais pas polémiquer avec vous, monsieur le sénateur, mais force est de constater qu'en 1996, le gouvernement de l'époque avait supprimé 2 000 postes d'infirmières dans les instituts de formation en soins infirmiers, pour l'année 1997.
M. Alain Gournac. C'est reparti !
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée. Or, mesdames, messieurs les sénateurs, il faut trois ans pour former une infirmière et quatre ans pour former une infirmière spécialisée.
M. Jean Chérioux. On le sait !
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée. Si l'on compte trois ans à partir de 1997, cela nous conduit à 2000. Nous y sommes. Nous gérons, en effet, la réduction des effectifs décidée en 1997.
M. Alain Gournac. Oh, les pauvres !
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée. Nous avons réagi, nous réaugmentons actuellement le nombre de places ;...
M. Alain Gournac. Pendant trois ans, rien !
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée. ... plus 1 000 places en 1998, plus 1 200 en 1999 et, cette année, avec l'ensemble des représentants du secteur hospitalier, le nombre d'élèves entrant dans les écoles a augmenté de plus de 40 %, soit 8 000 places de plus en 2001.
Parallèlement, nous avons sollicité l'appareil de formation. Aujourd'hui, ce sont environ 92 % des 26 436 places ouvertes au concours d'entrée dans les instituts de formation qui seront pourvues. Il faut rester vigilant pour accompagner ce travail.
Je tiens à souligner ici que, s'agissant de l'analyse des moyens, pour motiver les infirmières qui n'exercent plus, nous prenons des initiatives afin de les inciter à revenir dans les établissements de santé.
Telles sont les décisions opérationnelles que prend le Gouvernement. J'espère que, ainsi, nous pourrons répondre aux différents problèmes que vous évoquez. (Applaudissements sur les travées socialistes.)

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SOUHAITS DE BIENVENUE
À UNE DÉLÉGATION
DE PARLEMENTAIRES SUISSES

M. le président. Mes chers collègues, nous avons le plaisir de saluer la présence, dans notre tribune officielle, d'une délégation de parlementaires de la Confédération suisse, accompagnés de leur ambassadeur. Ils sont venus étudier, dans notre pays, les modalités de représentation des Français établis hors de France.
En votre nom à tous, en particulier des sénateurs représentant les Français établis hors de France, je leur adresse nos souhaits de cordiale bienvenue au Sénat, où nous sommes heureux de les accueillir. (Mme et MM. les ministres ainsi que Mmes, MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)

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QUESTIONS D'ACTUALITÉ
AU GOUVERNEMENT (suite)

M. le président. Nous poursuivons les questions d'actualité au Gouvernement.

FINANCEMENT DES RETRAITES
ET ATTITUDE DU MEDEF

M. le président. La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, madame et messieurs les ministres, ma question porte sur les retraites complémentaires.
Face au véritable coup de force du MEDEF, qui a décidé de suspendre sa participation au financement des retraites complémentaires entre soixante ans et soixante-cinq ans, les cinq grandes confédérations syndicales organisent, aujourd'hui même - les membres de mon groupe reviennent de cette manifestation - une journée unitaire d'action des salariés et des retraités du secteur privé et du secteur public...
M. Hilaire Flandre. Vous, vous avez la garantie d'une bonne retraite ! (Sourires.)
M. Thierry Foucaud. ... pour défendre le droit à la retraite à soixante ans à taux plein.
L'entreprise d'intransigeance mais aussi de démolition sociale entamée par le MEDEF de MM. Seillière et Kessler, qui se durcit et se politise, menace sérieusement le paritarisme et le dialogue social dans notre pays, menant ainsi à une véritable impasse dans laquelle personne, je pense, ne trouvera son compte.
Le débat porte aujourd'hui sur le financement des retraites, mais cette question est intimement liée, on le sait, à la question des salaires et de l'emploi. La défense de la retraite à soixante ans à taux plein, qui est l'un des acquis majeurs à mettre au crédit de la gauche, passe nécessairement par une politique salariale ambitieuse : sans hausse des salaires, il n'y aura pas de défense crédible des retraites.
Madame la ministre, nous approuvons, vous le savez, la fermeté de vos déclarations et de celles du Gouvernement sur l'attitude du MEDEF. Cette riposte - c'est l'objet de notre question - doit, selon nous, se traduire concrètement sur cinq points essentiels.
Premier point : il faut affirmer dans les faits le droit à la retraite à soixante ans, ce qui nécessite une réduction du nombre des annuités demandées.
Deuxième point : il faut afficher dès aujourd'hui, sans ambiguïté, la volonté de pérenniser les retraites complémentaires sans perte de pouvoir d'achat, y compris par voie législative.
Troisième point : il faut engager dans les délais les plus brefs une revalorisation du SMIC à hauteur de 3,5 %, et je pense que l'Etat doit montrer l'exemple en prenant en compte la baisse du pouvoir d'achat dans la fonction publique.
Quatrième point : il faut abandonner la fausse bonne idée du crédit d'impôt (Exclamations amusées sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR), qui dispense le patronat d'augmenter les salaires en reportant cette charge sur la collectivité publique.
M. Alain Gournac. C'est la gauche très plurielle !
M. Thierry Foucaud. Cinquième et dernier point : il faut engager une politique déterminée de lutte contre la précarité, précarité qui brouille d'ailleurs les bons chiffres de l'emploi et qui créera, à l'avenir, de biens mauvaises surprises pour les salariés en matière de retraite.
La menace qui pèse sur notre système de retraite par répartition réside, vous le savez, madame la ministre, dans la faiblesse des salaires et du taux d'activité.
Je pose ma question. (Ah ! sur plusieurs travées du RPR.) Quelles mesures entendez-vous prendre en ce sens, madame la ministre, afin de répondre efficacement, au-delà du positionnement d'un jour, à l'offensive du MEDEF. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille et à l'enfance. Monsieur le sénateur, vous avez abordé plusieurs sujets dans votre question.
S'agissant de la lutte contre la précarité, je dirai que la première action c'est la lutte pour l'emploi et que le chômage recule ; le Gouvernement continuera dans ce sens.
En ce qui concerne les prélèvements, le débat qui est ouvert porte sur les baisses d'impôts, et je crois que tout le monde doit s'en réjouir. Il s'agit non pas, comme vous l'avez évoqué, d'un crédit d'impôt,...
M. Paul Blanc. Ah bon ?
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée. ... mais d'une prime pour l'emploi, d'une aide à l'emploi (Ah ! sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants) qui vient compenser les allégements de cotisations annulés par le Conseil constitutionnel,...
M. Alain Gournac. Cela semble compliqué !
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée. ... décision qui, je le rappelle, a été prise après une saisine par les parlementaires de droite.
M. Jean-Jacques Hyest. N'avons-nous pas le droit de le faire ? Cela fait partie du rôle du Parlement !
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée. Le Gouvernement a donc rétabli, de ce point de vue, pour les plus bas salaires, un avantage que les salariés intéressés apprécieront, je pense. (Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Jean-Pierre Schosteck. C'est une « sucette » électorale !
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée. Sur la question de la préservation des régimes de retraite par répartition, j'ai déjà apporté un certain nombre d'indications tout à l'heure, au nom d'Elisabeth Guigou.
Ce qui est préoccupant aujourd'hui, je le rappelle, ce sont non pas les régimes de base, mais les retraites complémentaires. Il ne faudrait pas qu'il y ait de confusion dans l'opinion publique à ce sujet. Il n'y a pas d'inquiétude à avoir sur la pérennité de la liquidation des retraites complémentaires pour ceux qui soit sont déjà à la retraite, soit y parviendront d'ici au 31 mars 2001. Ce qui est en cause, c'est le niveau des retraites complémentaires - et c'est un sujet considérable - de ceux qui partiront à la retraite après le 31 mars prochain, avant l'âge de soixante-cinq ans. C'est pourquoi le Gouvernement est très vigilant sur les discussions entre les partenaires sociaux, car il s'agit d'abord et avant tout de leur responsabilité.
Comme vous l'avez dit, monsieur le sénateur, le versement des cotisations fait l'objet d'une divergence juridique entre les partenaires sociaux.
Les organisations syndicales considèrent que la « déclaration commune » adoptée en septembre dernier avec les représentants des employeurs proroge le versement de ces cotisations. Le patronat estime pour sa part que tel n'est pas le cas et que cette déclaration commune ne concerne que la prorogation du versement des prestations. A ce stade, il n'appartient pas au Gouvernement de se substituer aux parties à cette déclaration pour interpréter leur volonté !
Quant à l'attitude du MEDEF, on ne peut que constater son incohérence : lorsqu'on prétend oeuvrer à la refondation sociale, on ne se livre pas à un véritable chantage. C'est là une curieuse conception de la négociation !
Sur ce sujet, je le répète, la position du Gouvernement est claire : il prendra ses responsabilités pour garantir l'avenir de la retraite des Français. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)

APPLICATION DE LA CIRCULAIRE
SUR LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL SUR LES ROUTES L'HIVER

M. le président. La parole est à M. Amoudry.
M. Jean-Paul Amoudry. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement. (Ah ! sur les travées du RPR.)
M. Alain Gournac. Il est là !
M. Jean-Paul Amoudry. Monsieur le ministre, l'application de votre circulaire du 21 juillet 2000, relative à l'organisation et à la sécurité du travail en service hivernal, soulève de grandes difficultés dans les nombreux départements où les conditions hivernales perturbent la circulation routière.
M. Paul Blanc. Oui !
M. Jean-Paul Amoudry. En effet, si ses objectifs ne sont pas contestables, cette nouvelle réglementation entraîne des surcoûts sensibles, sans garantir pour autant le maintien de la qualité de viabilité obtenue jusqu'alors.
A titre d'exemple, le conseil général de la Haute-Savoie, dont je suis l'un des membres, a dû recruter, pour respecter cette circulaire, quarante-trois agents temporaires supplémentaires pour l'hiver 2000-2001, ce qui engendre un surcoût d'environ 4 millions de francs, alors même que le risque d'une diminution du niveau de service, notamment durant la nuit, est accru.
En effet, les sorties de nuit perturbent l'organisation des rythmes de repos, ce qui oblige à limiter au maximum ces interventions pour respecter les termes de la circulaire. Par conséquent, une stricte application de ce texte risque d'être préjudiciable à la sécurité des usagers de la route.
De même, le respect des temps de repos conduit à placer l'ensemble des agents en astreinte durant toute la saison hivernale, ce qui est de nature à perturber leur vie familiale.
Pourtant, monsieur le ministre, il semble que des solutions existent, puisque cette circulaire n'a repris que l'un des cas de dérogation prévus par la directive européenne du 23 novembre 1993, qui ouvrait, semble-t-il, la possibilité de ramener le temps de repos continu hebdomadaire à moins de 35 heures ou de calculer le temps moyen de travail hebdomadaire maximal sur six ou douze mois, au lieu de quatre mois.
Vous ayant alerté sur ces difficultés, nombre de conseils généraux vous ont demandé, directement ou par la voix de l'Assemblée des départements de France, une suspension de l'application de ce texte, le temps de permettre sa modification à partir d'une étude d'impact approfondie.
Jusque-là, à ma connaissance, ces requêtes n'ont reçu de votre part aucune réponse de fond.
Aussi, monsieur le ministre, je vous demande de bien vouloir indiquer à la Haute Assemblée si vous envisagez de modifier la réglementation afin d'intégrer les possibilités de dérogations prévues par la réglementation européenne, afin de résoudre les difficultés vécues sur le terrain qui sont, je le rappelle, le renchérissement du service, l'insatisfaction des personnels, une moindre qualité de la viabilité hivernale et, pour finir, une dégradation des conditions de sécurité des usagers. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, les horaires réels pratiqués jusqu'alors en matière de viabilité hivernale n'étaient pas acceptables, puisqu'ils pouvaient parfois aller jusqu'à 20 heures de travail d'affilée.
La démarche du Gouvernement tend bien à l'application de la directive européenne de novembre 1993. Néanmoins, le Gouvernement n'a pas procédé de manière stricte : il a d'abord discuté avec les organisations syndicales ; une concertation approfondie a eu lieu, notamment sur les conditions de vie et de travail des usagers de la route, mais aussi des salariés eux-mêmes. On voit bien d'ailleurs que, en application de cela, des marges de progrès pour l'exécution du service rendu peuvent être dégagés.
Certains départements, notamment le vôtre, monsieur Amoudry, connaissent des situations d'enneigement particulières. Pour tenir compte de ces dernières, dès 2001, des crédits supplémentaires de vacation ont été dégagés et trente postes supplémentaires d'agent d'exploitation ont été créés, alors que, depuis près de vingt ans, le nombre de ces postes diminuait chaque année. Ainsi, j'ai décidé d'affecter, pour 2001, 10 % de ces postes supplémentaires à votre département, qui disposera donc de trois postes supplémentaires. Ces derniers ont d'ailleurs été notifiés en décembre, c'est-à-dire quatre mois avant le calendrier en usage.
J'ajoute que les dérogations ouvertes par la directive européenne sont bien utilisées, notamment dans la circulaire sur la viabilité hivernale. Ainsi, pour les situations imprévisibles ou exceptionnelles, le temps de repos hebdomadaire minimum de 35 heures est ramené à 24 heures et la durée maximale de travail sur une semaine - à condition que cela ne se passe pas ainsi toutes les semaines - peut passer de 48 heures à 60 heures.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, notre démarche vise à concilier à la fois l'application de dispositions européennes adoptées en 1993, les conditions de vie et de travail des agents, ainsi que les conditions de circulation et la sécurité sur les routes. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)

APPLICATION DE LA LOI SUR LES 35 HEURES
DANS LES PME

M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Ma question s'adressait à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, et c'est Mme la ministre déléguée à l'enfance et à la famille qui va me répondre. Je suis très flatté par cette substitution, qui me permet de constater la polyvalence des valeurs féminines de ce gouvernement ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
M. René-Pierre Signé. Elles sont meilleures que les « Jupettes » !
M. Jean Boyer. Madame la ministre, nous recevons quotidiennement les doléances des petites entreprises confrontées au passage aux 35 heures. Que fait le Gouvernement ?
M. Jean-Paul Amoudry. On se le demande !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Ce n'est pas le MEDEF !
M. Jean Boyer. Rien ! Il semble ne pas les entendre, il reste sourd à leur appel !
Le problème est pourtant évident : dans les petites entreprises, le nombre de salariés est insuffisant pour compenser exactement la diminution du temps de travail par de nouvelles embauches. Soit l'entreprise recrute au-delà de ses besoins, soit elle augmente les heures supplémentaires : dans les deux cas, le coût est très élevé. Nous le savons, et la démonstration a été faite.
Les PME sont mises en difficulté par la réduction du temps de travail au moment même où des pénuries de main-d'oeuvre se multiplient dans de nombreux secteurs de l'économie : je pense à l'informatique, aux métiers de bouche, au secteur du bâtiment et des travaux publics, à l'industrie, aux transports, etc.
Ces pénuries apparaissent alors que le taux de chômage reste encore élevé dans notre pays et dépasse de plus d'un point la moyenne dans l'Union européenne.
En imposant ainsi des contraintes drastiques aux PME, le Gouvernement est en train de gâcher la croissance. (Protestations sur les travées socialistes.)
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Cela commençait trop bien !
M. René-Pierre Signé. Ils connaissent ! Ils sont experts !
M. Jean Boyer. A la mi-décembre dernier, Mme Guigou avait clairement refusé d'assouplir la loi sur les 35 heures. Nous savons qu'elle souhaite à tout prix se forger une image de gauche après son passage Place Vendôme ; mais ira-t-elle jusqu'à sacrifier les PME sur l'autel de sa nouvelle image ? (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RPR.)
M. René-Pierre Signé. Oh ! là, là ! C'est nul ! Quelle argumentation !
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille et à l'enfance. Monsieur le sénateur, j'essaierai d'apporter une nuance toute féminine à votre question, qui en manque quelque peu, vous en conviendrez.
Vous interrogez le Gouvernement sur la situation des petites et moyennes entreprises qui devront passer aux 35 heures dans quelques mois. Il est vrai que les entreprises de moins de vingt salariés comportent certaines spécificités, dont il faut tenir compte. Mais, contrairement à ce que vous venez de déclarer, ces spécificités ont déjà conduit la loi à prévoir des modalités particulières de passage aux 35 heures adaptées à ces entreprises, telles que la création d'un délai supplémentaire et d'une période transitoire, la possibilité de mandater un salarié, le passage aux 35 heures par étapes. Une transition plus douce, si j'ose dire, pour ce passage aux 35 heures, a donc déjà été prévue par la loi.
Reste l'attitude à adopter si de nouvelles difficultés apparaissent ou si celles qui ont déjà été mises en évidence sont plus importantes que prévu. Le Gouvernement n'est ni sourd ni aveugle. Mais, à ce stade, aucun élément ne permet d'affirmer que tel soit le cas, puisque nous sommes précisément dans cette phase de mise en application des 35 heures. On entend même, çà et là, des réflexions sur l'attractivité de certains métiers, notamment ceux dont la durée de travail est la plus importante. Cela signifie que ces secteurs, pour lesquels il convient de réduire la durée du temps de travail, ne connaissent pas tous une pénurie de main-d'oeuvre, ou alors celle-ci tiendrait à d'autres motifs.
C'est la raison pour laquelle le ministère de l'emploi et de la solidarité continuera, en 2001 et en 2002, à aider les entreprises à s'inscrire dans cette démarche de réduction du temps de travail. Les ressources financières et budgétaires seront dégagées au titre de l'appui conseil. Elles permettront, en collaboration avec les organisations concernées, d'accompagner au mieux les petites entreprises.
Le Gouvernement continuera également de consulter les organisations professionnelles pour observer avec elles les indicateurs susceptibles de mettre en évidence des difficultés imprévues et généralisées. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du groupe communiste républicain et citoyen.)

PLAN DE PROTECTION DE L'ENFANCE

M. le président. La parole est à Mme Campion.
Mme Claire-Lise Campion. Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.
Le 26 juillet dernier, le Gouvernement a annoncé un plan d'actions en cinq axes en faveur de l'aide sociale à l'enfance.
Ces cinq axes sont les suivants : développer la prévention et la promotion familiale, renforcer la coordination des signalements, améliorer et diversifier la prise en charge, garantir le droit à l'expression des familles usagers de l'aide sociale à l'enfance, enfin, mieux connaître et mieux évaluer.
Ce plan d'action s'appuie sur les constats de l'inspection générale des affaires sociales et de l'inspection générale des services judiciaires, qui, au mois de juin dernier, ont remis un rapport conjoint sur les placements, à Mme la garde des sceaux, à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité et à vous-même, madame la ministre.
Si nous saluons l'engagement de l'Etat et ses initiatives en matière de prévention et de protection de l'enfance, nous avons quelques inquiétudes quant à l'articulation de l'action gouvernementale avec celle des conseils généraux.
La prévention et la protection de l'enfance demandent effectivement un effort de synergie considérable tant au niveau horizontal - entre le ministère de la justice, le ministère de l'emploi et de la solidarité et le ministère de l'enfance et de la famille - qu'au niveau vertical - j'entends par là la répartition des compétences entre l'Etat et les conseils généraux dans ce domaine.
L'amélioration et la diversification de la prise en charge ne peuvent en effet se concevoir que si l'on envisage les problématiques sous une approche globale, en intégrant l'ensemble des facteurs éducatifs, médicaux et psychologiques du parcours des jeunes et des familles.
Ainsi, et à titre d'exemple, la prévention ne peut se développer avec les seuls appuis éducatifs et sociaux des départements alors même que l'on constate chez les jeunes des troubles psychologiques graves, demandant une réponse médicale et/ou thérapeutique qui sollicite l'intervention d'un réseau de partenaires extérieurs, notamment les services de soins en milieu ouvert.
Or, un département, s'il peut préconiser un certain nombre de mesures et de réseaux à constituer, n'a toutefois pas la maîtrise, ni même la capacité, de l'infléchissement d'une politique de soins en la matière, au regard de ses compétences légales.
Si le projet de circulaire interministérielle actuellement en cours de rédaction préconise une coordination des services déconcentrés de l'Etat en matière de prévention et de protection de l'enfance, la perspective de moyens supplémentaires en termes de réponses soignantes ne semble pas compléter de manière lisible les recommandations qui sont initiées.
Madame la ministre, pouvez-vous donc nous dire où en est le Gouvernement dans la mise en oeuvre de ce plan d'actions et comment vous entendez articuler votre action avec celles des conseils généraux, puisque l'aide sociale à l'enfance est une compétence décentralisée ? (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille et à l'enfance. Madame la sénatrice, depuis que j'ai en charge la famille et l'enfance, j'ai eu à coeur de traiter cette question tout à fait importante de l'aide sociale à l'enfance.
L'aide sociale à l'enfance est effectivement une compétence décentralisée - c'est même le premier poste budgétaire de l'aide sociale des conseils généraux, avec le handicap et les personnes âgées.
Beaucoup d'avancées ont été réalisées en ce domaine depuis la décentralisation, notamment en matière de dépistage de la maltraitance, de modernisation des établissements - la réforme à venir de la loi de 1975 nous permettra, dans quelques jours, de dresser un bilan - de professionnalisation des familles d'accueil, etc.
Mais certaines difficultés subsistent. On relève, notamment, de grandes inégalités d'un département à l'autre. Ainsi, un département sur deux n'a pas encore mis en place le schéma départemental de l'enfance, en dépit de l'obligation faite par le législateur en 1986.
Par ailleurs - c'est l'un des enseignements importants du rapport de l'inspection générale que vous évoquez - le public de l'aide sociale à l'enfance reste très majoritairement issu des familles pauvres. Autrement dit, la plupart des enfants placés, pour ne pas dire la quasi-totalité, sont issus des familles défavorisées.
Cela pose d'ailleurs la question d'une meilleure utilisation des outils de prévention en faveur des familles, afin d'être en mesure de mobiliser très en amont les dispositifs pour les aider à retrouver sécurité économique, affective, éducative, pour les épauler sans les disqualifier. Je considère en effet - c'est ma ligne de conduite - que les familles pauvres ne sont pas de pauvres familles et qu'elles ont tout autant envie que les autres de réussir l'éducation de leurs enfants.
Or, les dépenses d'aide sociale à l'enfance des conseils généraux demeurent absorbées à 75 % par les placements. Nous comptons aujourd'hui, dans notre pays, 150 000 enfants placés, retirés de leur famille, et cela coûte beaucoup plus cher aux conseils généraux que des politiques de prévention, qu'ensemble, Etat et départements, nous pourrions développer plus profondément. Car l'heure n'est plus à se rejeter les responsabilités ; il nous faut travailler mieux ensemble.
M. Jean-Jacques Hyest. Et les juges !
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée. Précisément, j'y viens.
Dans quelques jours, sera diffusée à l'ensemble des préfets, devant lesquels je me suis rendue, une importante instruction interministérielle leur demandant d'assumer les responsabilités de l'Etat dans le domaine de la protection de l'enfance, en mettant en place, dans chaque département, un groupe départemental de protection de l'enfance...
M. Alain Gournac. Toujours des groupes, des tables rondes !
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée. ... rassemblant tous les services de l'Etat concernés par la protection de l'enfance, en y associant, bien évidemment, le président du conseil général et les services départementaux.
Le préfet pourra ainsi réunir les services de la justice, de l'éducation, de la police, de la santé, de la psychiatrie, pour que le signalement et la détection des enfants en danger se fassent de façon beaucoup plus coordonnée entre les différents services.
Il devrait en résulter une baisse du nombre de placements, et donc une meilleure utilisation des fonds publics, qu'ils soient départementaux ou nationaux.
La circulaire a été négociée et discutée très attentivement par mes soins avec l'Assemblée des départements de France, parce que je considère que, précisément, le conseil général et les services de l'Etat peuvent davantage travailler en commun pour diminuer le nombre de placements.
J'aurai l'occasion, au mois de septembre prochain, lors des états généraux de la protection de l'enfance - les départements seront associés à leur préparation - de proposer à un certain nombre de départements, à titre expérimental, de s'engager à diviser par deux le nombre d'enfants placés, afin de voir concrètement, de façon opérationnelle, comment on pourrait arriver au même résultat à l'échelon national, pour qu'il n'y ait plus, dans notre pays, 150 000 enfants retirés à leur famille. (Applaudissements sur les travées socialistes.)

INSÉCURITÉ

M. le président. La parole est à M. Blanc. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Paul Blanc. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
Aujourd'hui, même si les statistiques officielles révèlent, hélas ! une augmentation de l'insécurité, les chiffres sont largement minorés, non seulement parce que beaucoup d'actes de petite délinquance appelés « incivilités » ne sont pas enregistrés mais aussi parce que ne sont retracés que les faits signalés, et chacun connaît la proportion de victimes qui ne portent pas plainte par peur des représailles ou encore parce qu'elles n'espèrent plus rien des pouvoirs publics.
M. Hilaire Flandre. Cela ne sert à rien !
M. Paul Blanc. Quelques chiffres révèlent avec exactitude ce climat d'insécurité : 3,5 millions de crimes et délits ont été constatés durant l'année 2000, avec une hausse considérable des délits à caractère économique, notamment à Paris, où elle atteint 22 % ; augmentation de 13 %, par rapport à l'année précédente, des vols à main armée ; hausse de 10 % de vols avec violence ; 15 000 voitures brûlées, en particulier à Strasbourg.
N'oublions pas, dans ce triste bilan, les agressions commises à l'encontre des convoyeurs de fonds, du corps enseignant et des forces de sécurité. Dans ma région, le Languedoc-Roussillon, les forces de police et de gendarmerie ont déjà payé un lourd tribut en ce début d'année 2001.
Le Premier ministre a déclaré mardi dernier : « Le Gouvernement n'a pas de leçon à recevoir en matière de lutte contre l'insécurité », soulignant que celui-ci avait donné depuis 1997 la priorité à la sécurité quotidienne des Français. (M. Gournac s'exclame.)
Force est de constater que cette priorité ne s'est pas traduite dans les faits. On peut mettre, en parallèle, les sommes allouées au financement des 35 heures imposées - 85 milliards de francs - et celles qui sont consacrées à la justice, à la police et à la gendarmerie - 83 milliards de francs.
En conséquence, je demande quelles mesures concrètes le Gouvernement envisage de prendre pour garantir le droit de chacun à vivre en paix, car, encore une fois, si mesures il y a eu, elles ne se sont pas traduites dans les faits.
Et, tout naturellement, je demande donc à M. le ministre de l'intérieur quelle leçon il peut nous donner en matière de lutte contre l'insécurité. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, soyez assuré de la détermination du Gouvernement à combattre et à punir toutes les violences.
Assurer la sécurité de nos concitoyens, agir contre les comportements délinquants par une réponse systématique est un devoir d'Etat. Le Premier ministre l'avait dit en 1997 et nous sommes toujours dans la même orientation. Mais il faut dire aussi que c'est de la responsabilité de chacun, et au premier chef, bien sûr, des parents, qui doivent élever leurs enfants dans le respect des règles qui régissent la vie en société. Par-delà les actions qui sont menées par l'Etat ou les conseils généraux, il convenait de le rappeler.
J'ai évoqué, tout à l'heure, les recrutements de policiers, le développement de la police de proximité, qui sera généralisé au cours de cette année, le renforcement des effectifs dans les vingt-six départements les plus sensibles, les contrats locaux de sécurité.
Dans la période qui vient, nous ferons porter plus particulièrement nos efforts - le conseil de sécurité intérieure qui doit se réunir prochainement le confirmera - sur une plus grande efficacité des enquêtes conduites sur le terrain par les services de police et de gendarmerie, sous l'autorité des procureurs, afin de mieux élucider les affaires, de lutter ainsi contre l'impunité face à tous ces phénomènes de violence, de bandes et d'économie souterraine.
Parmi les priorités figure aussi le traitement des comportements violents grâce à des dispositifs appropriés associant, par exemple, l'éducation nationale, quand elle est concernée, quand il s'agit de l'école et, si nécessaire, les structures de santé.
En matière de sécurité, il faut que tout le monde se mobilise. Il ne sert à rien de se lancer des chiffres à la figure. Les chiffres, vous les aurez le 2 février prochain : vous verrez les évolutions, les variations. L'essentiel, c'est une mobilisation des forces de police, bien sûr, des forces de sécurité, bien sûr, mais aussi de l'ensemble du corps social pour faire reculer la violence.
La lutte contre l'insécurité dans nos villes et nos campagnes doit être menée au niveau de la prévention, de la répression, de la réparation, mais elle passe aussi par la mobilisation de l'ensemble du corps social et relève de la responsabilité de chacun : parents, éducateurs, familles, milieu associatif.
Sachez, en tout cas, monsieur le sénateur, que de son côté, le Gouvernement ne faiblira pas. (Applaudissements sur les travées des socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.- Exclamations sur les travées du RPR.)

MOYENS DE LA JUSTICE

M. le président. La parole est à M. Leclerc. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Dominique Leclerc. Ma question s'adresse à Mme le garde des sceaux.
Le Gouvernement s'enorgueillit des réformes qu'il a réalisées dans le domaine de la justice.
Comme Mme le garde des sceaux, j'ai assisté, la semaine dernière, aux audiences solennelles de rentrée des juridictions de mon département. Alors que j'étais dans l'Indre-et-Loire, elle était, elle, à Morlaix, qui, soit dit en passant, n'était pas vraiment l'endroit où on l'attendait ! J'en veux pour preuve les centaines de magistrats qui manifestaient place Vendôme. Il n'empêche : comme moi à Tours, elle a dû être frappée par ces audiences désertées par les magistrats qui entendaient ainsi exprimer leur découragement.
Ainsi, après les avocats et les greffiers, c'est au tour des magistrats d'être en grève. Que lui reprochent-ils ? Tout simplement d'avoir lancé des réformes sans avoir, au préalable, estimé leurs conséquences financières, sans avoir dégagé les moyens humains et matériels nécessaires à leur application.
Là encore, on me rétorquera que ce Gouvernement a créé plus de postes que tous les gouvernements précédents, les gouvernements Juppé, Balladur,...
M. Christian Demuynck. Eh oui !
M. Dominique Leclerc. ... et donc que les difficultés actuelles, comme toutes les autres, nous sont imputables.
M. René-Pierre Signé. C'est vrai !
M. Dominique Leclerc. Moyennant quoi j'évoquerai la conjoncture de l'époque, les difficultés inhérentes aux années 1990-1995,...
M. Christian Demuynck. Très bien !
M. Dominique Leclerc. ... les contraintes liées aux critères de convergence - Maastricht oblige !
M. Christian Demuynck. Très bien !
M. Dominique Leclerc. Sincèrement, ce n'est pas sérieux. Surtout, sachez-le, ce n'est pas du tout ce que les Français attendent aujourd'hui. Cela ne les intéresse plus. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Devant une telle autosatisfaction, je ne peux m'empêcher de m'interroger : pourquoi, dans ces conditions, n'avoir toujours pas nommé le nouveau directeur des affaires criminelles et des grâces,...
M. Henri de Richemont. Eh oui, pourquoi ?
M. Dominique Leclerc. ... le dernier en poste ayant soudainement été remercié après deux années d'activité ?
Par ailleurs, ce que vous oublierez de me dire, c'est que plusieurs réformes, tant en matière pénale qu'en matière civile, ont été adoptées en 2000, mais seront appliquées en 2001 et que ces réformes, comme celle sur la présomption d'innocence ou celle sur l'appel des décisions des cours d'assises, se traduiront par une aggravation de la charge de travail des magistrats et des fonctionnaires.
M. Christian Demuynck. Eh oui !
M. Dominique Leclerc. Alors, de grâce, assumez votre bilan !
Les magistrats, dont il a été admis que le dévouement et la disponibilité sont sans limite, méritent mieux que d'être les boucs émissaires de réformes faites à crédit.
Ne les rendez pas responsables de l'insuffisance manifeste de moyens humains et budgétaires, qui ne permet en aucun cas de faire face à un fonctionnement normal de la justice dans le respect des textes et des justiciables, non plus que des lenteurs et des dysfonctionnements de la justice, qui ne sont que le fait de l'absence de réflexion et de réalisme de votre majorité.
Aussi ma question sera-t-elle simple : quels moyens entendez-vous vous donner pour mettre un terme à cette situation explosive ? (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, je vous prie, tout d'abord, d'excuser l'absence de ma collègue, Mme Marylise Lebranchu, retenue actuellement par la Commission consultative des droits de l'homme, qui tient sa session annuelle.
Vous connaissez le budget de la justice, monsieur le sénateur. Est-ce à vous que je dois rappeler que, depuis trois ans, pour faire face à la montée des contentieux, mais aussi pour assumer les réformes qui ont été votées par le Parlement 729 postes de magistrat ont été créés entre 1998 et 2001, soit autant que sous tous les gouvernements depuis 1981 ? (Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Hilaire Flandre. Pour quel résultat ?
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Pour la moitié, ces 729 postes sont affectés aux réformes en cours, l'autre moitié constituant un renfort pour les juridictions.
M. Hilaire Flandre. Tu parles !
M. Alain Gournac. Et pourquoi ne sont-ils pas contents, alors ?
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Cela veut donc dire qu'il y a eu multiplication par trois du rythme d'arrivée des magistrats dans les différentes juridictions. (Exclamations sur les mêmes travées.)
M. Alain Gournac. Mais pourquoi donc ne sont-ils pas contents ?
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. C'est d'autant plus méritoire qu'il faut du temps pour former les magistrats, plusieurs années, vous le savez. De ce point de vue-là, je peux vous dire que l'Ecole nationale de la magistrature de Bordeaux a vu ses contingents annuels augmenter de 30 %, ce qui veut dire que nous aurons 600 magistrats de plus dans les prochaines années.
M. Alain Gournac. Des promesses !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Pour ce qui est des greffiers, monsieur le sénateur, dois-je encore rappeler que le gouvernement précédent, celui de M. Juppé... (Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Alain Gournac. Toujours lui, alors !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. En oui, madame, messieurs les sénateurs, M. Toubon était alors ministre de la justice.
M. René-Pierre Signé. Le ministre de l'hélicoptère dans l'Himalaya !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Donc, sachez que l'Ecole des greffes est restée vide, faute de concours. C'était en 1997 et aucun concours n'avait été organisé !
M. Alain Gournac. C'étaient les années Mitterrand !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. En conséquence, aucun greffier n'est sorti de cette école en 1998 du fait de l'imprévoyance du précédent gouvernement, un gouvernement de droite.
M. Alain Gournac. Et les précédents, qu'ont-ils fait ?
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. En trois ans, nous avons pourvu 270 postes de greffier. Nous en nommerons 400 cette année et 500 en 2002.
M. Henri de Richemont. Tout va bien !
M. Jean-Pierre Schosteck. Pourtant, les magistrats sont dans la rue.
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Voilà les chiffres, voilà la réalité !
Par ailleurs, 600 postes d'éducateur ont été mis en place en trois ans.
Mme Nelly Olin. Pas dans le Val-d'Oise !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Les effectifs ont augmenté de 30 %, pour les éducateurs, sur le terrain, ainsi que pour les personnels pénitentiaires. Et le recrutement va s'amplifier.
M. Henri de Richemont. En somme, tout va bien !
M. Alain Gournac. Eh oui, tout va bien !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Mesdames, messieurs les sénateurs, un effort sans précédent est fait actuellement, vous le savez, pour la justice. (Exclamations sur les travées du RPR.) Oui, j'insiste, madame, messieurs : un effort sans précédent !
Il faut du temps pour former des magistrats. Admettez que nous payons aujourd'hui, en ce domaine, l'impéritie et l'imprévoyance des gouvernements précédents ! (Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste. - Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. René-Pierre Signé. Quelle imprévoyance !
M. Henri de Richemont. C'est facile !
M. Alain Gournac. Il fallait retarder l'entrée en application de la loi !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. C'est la réalité et il faut la dire aux Français. Dorénavant, et sur ces nouvelles bases, la justice aura effectivement les moyens de fonctionner. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. - Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. René-Pierre Signé. Bravo !
M. Georges Gruillot. C'est sans doute pour cela que les magistrats sont dans la rue !
M. Pierre Fauchon. Et la « rançon » ?
M. Alain Gournac. Oui, et la « rançon » ?
M. Pierre Fauchon. Pour défendre les magistrats, vous les laissez se faire insulter ?
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants. Nous les reprendrons pour la lecture des conclusions de la conférence des présidents et la suite de la discussion de la proposition de loi organique modifiant la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale.
M. René-Pierre Signé. Encore ? Cela va durer combien de temps ?
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Guy Allouche, vice-président.)

PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

7

CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS

M. le président. La conférence des présidents a établi comme suit l'ordre du jour des prochaines séances du Sénat :
Mardi 30 janvier 2001 :
A dix heures :
1° Dix-sept questions orales :
L'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement.
N° 870 de M. Christian Demuynck à M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation (normes d'hygiène alimentaire) ;
N° 885 de M. Philippe Richert à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (gestion budgétaire dans le secteur médico-social) ;
N° 922 de M. Xavier Darcos à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (difficultés de l'hospitalisation privée) ;
N° 950 de M. Patrick Lassourd à Mme le ministre de la culture et de la communication (critères d'éligibilité aux subventions pour la création de bibliothèques) ;
N° 956 de M. Jean-Patrick Courtois à M. le ministre de l'intérieur (augmentation des effectifs de police pour la ville de Mâcon) ;
N° 960 de M. Pierre Lefebvre à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche (situation du lycée horticole de Raismes-Valenciennes) ;
N° 966 de M. Claude Haut à M. le ministre de la défense (conséquence de l'implantation d'un centre de formation de pilotes sur la base d'Orange-Caritat) ;
N° 967 de M. Thierry Foucaud à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (aide de l'Etat aux entreprises d'insertion) ;
N° 969 de M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (pool des risques aggravés en Corse) ;
N° 973 de M. Léon Fatous à M. le ministre de l'éducation nationale (situation des personnels des lycées et collèges du Pas-de-Calais) ;
N° 974 de Mme Hélène Luc à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés (remboursement des frais de photothérapie dynamique) ;
N° 976 de M. Bernard Murat à Mme le ministre déléguée à la famille et à l'enfance (politique familiale) ;
N° 979 de M. Dominique Leclerc à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés (repos de sécurité des médecins) ;
N° 981 de Mme Danièle Pourtaud à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement (aides à l'acquisition de véhicules propres) ;
N° 986 de M. René Marquès à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés (prise en charge des dialysés) ;
N° 987 de M. Philippe Nogrix à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés (campagne de dépistage gratuit du cancer du sein) ;
N° 990 de M. Roland Muzeau à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (fermeture du centre de recherche d'Atofina à Levallois).
A seize heures :

Ordre du jour prioritaire

2° Eventuellement, suite de la discussion de la proposition de loi organique, adoptée par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, modifiant la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale (n° 166, 2000-2001).
La conférence des présidents a fixé à la clôture de la discussion générale le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
Mercredi 31 janvier 2001 :

Ordre du jour prioritaire

A quinze heures :
Eventuellement, suite de l'ordre du jour de la veille.
Jeudi 1er février 2001 :

Ordre du jour prioritaire

A neuf heures trente :
1° Eventuellement, suite de l'ordre du jour de la veille.
A quinze heures :
2° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant onze heures.)

Ordre du jour prioritaire

3° Eventuellement, suite de l'ordre du jour du matin.
Mardi 6 février 2001 :
A neuf heures trente :
1° Dix-sept questions orales :
L'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement.
N° 947 de M. André Maman à M. le ministre de l'éducation nationale (moyens d'action du Comité national de lutte contre la violence à l'école) ;
N° 958 de M. Jean-Pierre Demerliat à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (situation financière des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement) ;
N° 961 de M. Gérard Cornu à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés (situation des masseurs-kinésithérapeutes) ;
N° 965 de M. Daniel Goulet à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement (enfouissement des déchets radioactifs) ;
N° 968 de M. Jean Boyer à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie (conséquences pour les communes de la fermeture de Superphénix) ;
N° 970 de M. René-Pierre Signé à M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation (difficultés des artisans bouchers-charcutiers résultant de l'épidémie d'ESB) ;
N° 971 de M. Guy Vissac à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche (épandage des boues d'épuration) ;
N° 977 de M. Roger Karoutchi à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (dégradation de la qualité des transports publics en Ile-de-France) ;
N° 978 de Mme Nicole Borvo à M. le ministre de l'éducation nationale (désamiantage de Jussieu) ;
N° 980 de M. Martial Taugourdeau à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (dysfonctionnements sur les liaisons ferroviaires Chartres-Paris et Dreux-Paris) ;
N° 983 de Mme Marie-Claude Beaudeau à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (Haut Conseil du secteur financier public et semi-public) ;
N° 985 de M. Bernard Fournier à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (devenir de l'ingénierie publique) ;
N° 992 de M. Michel Doublet à Mme le secrétaire d'Etat au budget (redevance audiovisuelle due par les centres de formation pour apprentis) ;
N° 995 de M. Philippe Arnaud à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice (moyens de fonctionnement de la justice) ;
N° 996 de M. Jean-Louis Lorrain à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (difficultés de la fonction publique hospitalière) ;
N° 999 de M. Aymeri de Montesquiou à Mme le ministre de la jeunesse et des sports (création de centres sportifs de formation dans les zones rurales) ;
N° 1000 de M. Lucien Neuwirth à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés (déficit d'équipements en imagerie et en radiothérapie dans la Loire et conséquences pour la lutte contre le cancer) ;
N° 1008 de M. Charles Descours à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (malaise des infirmières).
A seize heures :

Ordre du jour prioritaire

2° Eventuellement, suite de l'ordre du jour du jeudi 1er février 2001.
Mercredi 7 février 2001 :

Ordre du jour prioritaire

A quinze heures :
Eventuellement, suite de l'ordre du jour de la veille.
Jeudi 8 février 2001 :

Ordre du jour réservé

A neuf heures trente et à quinze heures :
Conclusions de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi de MM. Alain Lambert et Philippe Marini, portant création du revenu minimum d'activité (n° 317, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé au mercredi 7 février 2001, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relative à la tenue des séances et à l'ordre du jour réservé ?...
Plusieurs sénateurs du RPR. C'est très bien !
M. le président. Ces propositions sont adoptées.
M. Alain Gournac. Merci de nous donner du temps !

8

COMMUNICATION D'UN AVIS AU PARLEMENT

M. le président. M. le président a reçu de M. le président de l'assemblée de la Polynésie française l'avis rendu par cette assemblée sur la proposition de loi relative au statut de l'élu local.
Acte est donné de cette communication.
Ce document a été transmis à la commission compétente.

9

DATE D'EXPIRATION DES POUVOIRS
DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Suite de la discussion d'une proposition de loi
organique déclarée d'urgence

M. le président. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi organique, adoptée par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, modifiant la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Gélard. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Patrice Gélard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais me livrer à une analyse qui éliminera toute polémique, toute attaque individuelle ou toute attaque à l'égard de quelque formation que ce soit. Je veux simplement essayer, monsieur le ministre, sinon de vous convaincre, du moins de vous ébranler.
La première chose que je voudrais dire, c'est que, dans une démocratie, ceux qui décident, ceux qui ont le droit de faire les choix politiques, ce sont ceux qui composent la majorité. C'est la majorité qui gouverne et qui s'incarne dans le Gouvernement qui détermine la politique de la nation, mais sous deux conditions, sous deux réserves que tout gouvernement et toute majorité doivent impérativement respecter.
La première est l'obligation absolue, pour un gouvernement démocratique et une majorité démocratique, de respecter, dans toutes ses lois, les droits de l'homme et du citoyen. C'est pourquoi le révolutionnaire Saint-Just, quand il disait qu'il n'y a pas de liberté pour les ennemis de la liberté, se trompait lourdement et n'était en aucun cas un démocrate. Je me suis d'ailleurs toujours demandé si l'on pouvait faire confiance, comme démocrates possibles, à ceux qui utilisaient la violence ou le terrorisme pour arriver au pouvoir et défendre leurs idées.
La seconde obligation de tout gouvernement et de toute majorité, c'est le respect de l'Etat de droit. Sur ce point, j'ai toujours des inquiétudes en ce qui concerne certaines réactions.
Nous sommes, je le crains, trop marqués par l'héritage de Marx, qui, en 1848, donc en un autre siècle, disait que le droit et l'Etat sont des instruments de domination, en d'autres termes qu'on pouvait, quand on détenait le pouvoir, se servir de l'Etat et du droit comme on le voulait. Cette analyse marxiste, que nous avons du mal à éliminer, n'est pas du tout celle des constitutionnalistes anglo-saxons.
Pour ces derniers, le droit - dont la Constitution est l'élément essentiel - n'est pas fait pour servir les gouvernants ou les majorités du moment. Il est fait pour protéger le citoyen contre l'arbitraire de l'Etat, car Dieu sait que celui qui détient le pouvoir peut parfois être tenté, au nom d'une certaine conception de l'avenir de l'humanité, d'oublier cette obligation de respecter le citoyen, estimant parfois que l'arbitraire est nécessaire au bonheur des hommes. Trop d'expériences dans le passé nous ont montré qu'en voulant faire le bonheur de son peuple tel ou tel dictateur a, en réalité, conduit celui-ci vers l'enfer, l'enfer étant, comme le dit le proverbe, toujours pavé de bonnes intentions !
M. Pierre Fauchon. Il n'y a pas que cela !
M. Patrice Gélard. Dans l'Etat de droit, il est un élément capital qu'il faut toujours avoir présent à l'esprit : c'est la Constitution, sur laquelle repose l'édifice juridique et qu'il n'est pas possible d'interpréter comme bon nous semble. Le Président de la République en est le garant et les assemblées parlementaires n'ont le droit d'interpréter la Constitution que sous certaines réserves.
C'est la raison pour laquelle il ne peut y avoir d'Etat de droit sans une cour constitutionnelle qui assure la pérennité de l'interprétation et qui arbitre les hésitations de telle ou telle chambre ou d'un gouvernement estimant qu'il est possible parfois de « tordre » le droit.
Non ! je suis désolé, le droit ne peut pas être courbe. J'ajouterai sur ce point que le droit est non pas le fond, mais la forme des choix. Si chacun d'entre nous a adopté des règles constitutionnelles ou législatives, c'est pour apporter à nos concitoyens et aux minorités une garantie, une sécurité en ce qui concerne le déroulement de la vie démocratique.
Si le droit peut être à tout moment bafoué, si l'on peut impunément soutenir : « vous avez juridiquement tort parce que vous êtes politiquement minoritaires », alors nous ne sommes pas dans une démocratie, dans un Etat de droit ; nous sommes dans une république bananière, dans une dictature, c'est la tyrannie ! C'est la raison pour laquelle je ressens toujours avec beaucoup d'amertume les critiques que l'on peut entendre, ici ou là, à l'égard du Conseil constitutionnel et qui sont infondées, injustifiées.
Si nous ne sommes pas d'accord avec la composition ou les compétences du Conseil constitutionnel, il appartient aux constituants d'agir et de proposer une révision constitutionnelle qui ferait en sorte que, peut-être, le Conseil constitutionnel devienne autre chose.
Permettez-moi cependant de rappeler que, parmi les 110 propositions du candidat Mitterrand en 1981, l'une d'entre elles visait à transformer le Conseil constitutionnel en une cour constitutionnelle.
Je mentionne toutefois que, pour améliorer peut-être le fonctionnement dudit Conseil, quelques réformes secondaires, qui relèvent non pas de la Constitution mais de la loi organique, pourraient calmer bien des inquiétudes. Je n'en citerai qu'une. A la fin de chaque décision du Conseil constitutionnel, on pourrait faire figurer : « décision adoptée à l'unanimité » ou « décision adoptée à la majorité ». Du même coup, nous aurions deux sortes de décisions du Conseil constitutionnel : celles qui seraient adoptées à la majorité et celles qui seraient indiscutables parce que les membres du Conseil auraient statué à l'unanimité ; chacun sait qu'il y a toujours des gens de droite et des gens de gauche au Conseil constitutionnel.
D'autres attaques contre le droit m'inquiètent : celles du Conseil d'Etat, ou celles qui ont été formulées lors de la rentrée de nos cours d'appel et de nos tribunaux de grande instance, sans oublier celles de la Cour de cassation ou encore celles de l'anonyme Solon - ce dernier, comme chacun sait, était l'un des Sept Sages - qui critique, sur l'internet du Conseil constitutionnel, l'oeuvre du législateur, déclare que nos lois sont mauvaises, mal rédigées, mal compréhensibles, et qu'il faut améliorer profondément notre système de droit.
On peut y réfléchir et je crois même, monsieur le ministre, qu'il serait nécessaire d'organiser une telle réflexion au sein du Parlement sur le point de savoir comment améliorer l'appareil juridique français.
Je citerai un exemple tout simple. L'un des codes qui viennent d'être promulgués par ordonnance, en l'occurrence le code de commerce, a dépassé la mission que le législateur avait donnée au Gouvernement dans cette affaire. Ce n'est pas du bon droit, ce n'est pas de la bonne justice et cela va à l'encontre de l'Etat de droit. Tous les désaccords qui peuvent survenir sur notre droit et notre justice viennent peut-être de cela.
C'est pourquoi je me félicite que nous ayons aujourd'hui ce vaste débat qui touche les problèmes juridiques, mais qui va aussi plus loin puisqu'il nous permet - ce qui nous manque peut-être - d'entamer une véritable réflexion sur l'avenir des institutions de la France.
Je suis l'un de ceux qui pensent que le travail effectué en 1993 par la commission Vedel était un bon travail. Mais je pense aussi que nous n'avons pas été au fond des choses, tout d'abord parce que les révisions constitutionnelles qui sont intervenues n'ont pas tenu compte de toutes les propositions de cette commission.
Il serait peut-être temps, à la lumière du développement des progrès à la fois technologiques et techniques, d'envisager la possibilité d'avoir une seconde commission Vedel. Cela permettrait à tous ceux qui réfléchissent à l'avenir de notre Etat et de notre Constitution de penser de façon dépassionnée et dépolitisée à l'amélioration du fonctionnement de nos institutions, et du dialogue démocratique entre la majorité et l'opposition.
Je me réjouis du débat remarquable qui se déroule depuis quelques jours et je tiens tout d'abord à féliciter M. le rapporteur. Il conviendra par la suite de relire à froid son rapport pour en mesurer toute la portée.
Je tiens également à féliciter la totalité des intervenants, non pas pour tout ce qu'ils ont dit, mais pour une partie de ce qu'ils ont dit parce que leur réflexion permet d'éclairer non seulement le problème de l'inversion du calendrier électoral, mais aussi toute une série de dysfonctionnements inconscients, non voulus de nos institutions, et par là-même elle pourra servir de base à un débat plus vaste et plus large sur l'avenir de nos institutions.
Je tiens également à saluer les cinq universitaires qui se sont rendus devant la commission des lois. Je ferai simplement une remarque : il n'y avait pas cinq constitutionnalistes, il y en avait quatre et, d'ailleurs, celui qui n'était pas constitutionnaliste et pour lequel j'ai la plus grande admiration en raison du rôle de témoin de notre temps qu'il assume a commis malheureusement une grave erreur constitutionnelle dans son intervention en déclarant que le droit de dissolution en 1997 n'aurait pas dû s'exercer.
Je suis désolé, mais l'article 12 de la Constitution précise bien que la dissolution est laissée totalement à disposition du chef de l'Etat et qu'il ne peut pas y avoir de limite ou de contrainte à son usage.
Cette remarque étant faite, je reviendrai sur les quatre autres interventions en soulignant, tout d'abord, qu'il faut les relire attentivement, car il n'y a pas eu deux interventions pour et deux contre l'inversion du calendrier. Bien sûr, il y en a eu deux contre, cela est certain ; mais, dans son intervention, M. Didier Maus, président de l'association française des constitutionnalistes, après avoir déclaré d'emblée son choix personnel en faveur de l'inversion a relevé ensuite toute une série d'anomalies qu'engendre la loi votée par l'Assemblée nationale.
Il va bien falloir que l'on revienne sur ce point parce que ces anomalies, auxquelles on n'a pas porté remède, risquent de nous mettre dans une situation extrêmement difficile dans les années qui viennent.
Mais j'ai aussi un très grande admiration pour Guy Carcassonne, qui est sans doute l'un des plus brillants constitutionnalistes de la génération qui suit la mienne. Relisez bien, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'intervention de Guy Carcassonne : vous verrez qu'il ne prend jamais position sur le plan juridique ! Et je le comprends : j'aurais sans doute fait la même chose à sa place, compte tenu du rôle éminent et largement connu de conseiller qui est le sien. Dans ces conditions, on ne pouvait pas lui demander une analyse strictement juridique.
Son analyse est très intéressante. D'ailleurs, son intervention est peut-être la meilleure motivation de la proposition de loi. Mais il n'est pas allé au fond des choses.
Tout cela pour dire qu'aucun des cinq intervenants que nous avons entendus, si on lit à travers les lignes, n'a réellement défendu l'inversion du calendrier électoral.
M. Jean-Pierre Schosteck. Exactement !
M. Patrice Gélard. Je vais poursuivre ma démonstration en me fondant sur deux éléments essentiels.
D'abord, la proposition de loi qui nous est aujourd'hui soumise est mal motivée et peu réfléchie.
Ensuite, elle n'est conforme ni à la pratique, ni à l'esprit, ni à la lettre de la Constitution.
Premier point : cette proposition de loi est mal motivée et peu réfléchie.
Nous aurions pu en effet trouver d'autres solutions pour éviter le carambolage des élections et pour que les élections législatives ne précèdent pas l'élection présidentielle.
Une première solution était laissée à la discrétion absolue du chef de l'Etat, garant, en application de l'article 5 de la Constitution, du bon fonctionnement de nos institutions.
Rien n'interdit en effet au chef de l'Etat de démissionner au moment qu'il juge le plus opportun, et rien n'aurait interdit au chef de l'Etat de dire : je vais rectifier ce calendrier qui marche sur la tête en démissionnant quelques mois ou quelques semaines avant l'échéance.
Toutefois, cette solution présente un inconvénient : l'opinion publique comprendrait peut-être mal que le chef de l'Etat n'aille pas au bout de son mandat. Et puis, il n'est jamais très bon - bien qu'eût été, à ce moment-là, à la tête de l'Etat quelqu'un que nous admirons et que nous aimons tout particulièrement - il n'est jamais très bon, dis-je, de mettre en place un intérim. En tout cas, c'était une possibilité.
Une autre solution, plus intéressante, aurait pu également être utilisée. Malheureusement, elle n'est venue à l'idée de personne ; je n'en ai pas trouvé la moindre trace dans les débats de l'Assemblée nationale. Il était possible d'agir dans le cadre de la loi relative au quinquennat.
Permettez-moi à ce sujet d'ouvrir une parenthèse. Je pense que notre Constitution comporte une lacune grave : aucune loi soumise à référendum ne devrait pouvoir être considérée comme adoptée si le taux de participation au scrutin n'était pas au moins égal à 50 %.
M. Robert Del Picchia. C'est vrai !
M. Patrice Gélard. Une telle disposition existe dans toutes les grandes démocraties, à commencer par la Suisse, où le référendum est une pratique usuelle et courante. Il en est de même en Italie, ainsi que dans tous les Etats qui ont généralisé le référendum d'initiative populaire.
Je pense que, nous aussi, nous devrions adopter ce système qui, au moins, banaliserait le référendum, dans la mesure où un certain nombre de propositions susceptibles d'être soumises à référendum qui ne « passent pas la rampe » auprès du grand public deviendraient caduques du fait de la non-participation de nos concitoyens.
J'en reviens à mon propos d'aujourd'hui.
Lors du vote de la loi sur le quinquennat, pourquoi nos chers députés n'auraient-ils pu dire qu'après tout la logique voulait que l'on fixe la durée des mandats à cinq ans pour le Président de la République, à six ans pour les sénateurs, comme nous l'avions d'ailleurs proposé, et à quatre ans pour les députés. Du même coup, par le référendum constituant qui a ratifié le quinquennat, on aurait pu établir le « quadriennat » de l'Assemblée nationale, comme cela a été le cas pendant une partie de la IIIe République.
Il y avait encore une autre solution : le Premier ministre, considérant qu'il était absolument nécessaire de modifier le calendrier électoral, aurait pu demander au chef de l'Etat de dissoudre l'Assemblée nationale. Notre Constitution ne prévoit pas le droit d'auto-dissolution de l'Assemblée nationale. J'ai réfléchi un moment à cette possibilité mais elle n'est malheureusement pas applicable parce que seuls les démissionnaires partiraient et qu'il suffirait que quatre ou cinq députés restent pour qu'on ait recours à des partielles. Mais rien n'aurait interdit à la majorité parlementaire de s'adresser au Premier ministre pour lui demander de saisir le Président de la République. Cela n'a pas été fait !
Je voudrais m'arrêter maintenant sur le problème de l'urgence. Je vais être bref sur ce point parce que tout le monde en a parlé, mais je tenais simplement à relever le côté assez extraordinaire de la procédure suivie, qui me fait penser étrangement à la fable de La Fontaine Le lièvre et la tortue : pendant que le lièvre mange des carottes sauvages, traîne, s'occupe d'autre chose, il laisse passer le temps et la tortue avance.
On nous a traité dans la presse « d'escargots ». L'escargot est comme la tortue : il porte sa maison sur le dos et va son chemin. Il est un peu dommage que, dans cette affaire, le Gouvernement et sa majorité aient plutôt joué le lièvre que la tortue, et je crains que le dépôt à la va-vite du texte, aggravé par la procédure d'urgence n'ait été mal compris par une grande partie de l'opinion publique.
Il est un autre point sur lequel je voudrais attirer votre attention, monsieur le ministre, en reprenant en partie d'ailleurs ce que disait M. Forni à la tribune de l'Assemblée nationale.
Je ne suis pas convaincu que le fait de renvoyer à la loi ordinaire ou à la loi organique l'organisation de nos modes de scrutin soit la meilleure formule ; en matière électorale, on ne peut faire de transformations que sur la base du consensus.
Il est vrai que, dans notre pays le consensus n'est pas toujours facile à trouver. En tout cas, il est dommage - en l'occurrence, je n'attaque ni la droite ni la gauche, nous sommes tous dans le même bateau à cet égard - que, chaque fois que l'on a changé le mode de scrutin, que l'on a modifié les règles du jeu, la majorité nouvelle arrivée au pouvoir se soit empressée de faire le contraire. Il faudrait que l'on ait des règles du jeu sûres, comme nos voisins allemands, qui ont les mêmes règles électorales depuis 1949, comme la Grande-Bretagne, qui a les mêmes règles électorales depuis le xviie siècle, comme les Etats-Unis, qui ont les mêmes règles électorales depuis le xviiie siècle - même si cela leur pose parfois quelques problèmes, comme ce fut le cas lors des dernières élections présidentielles.
Nous devrions donc avoir des règles électorales auxquelles on ne touche pas en permanence et surtout auxquelles on ne touche pas l'année qui précède des élections. A la limite, si l'on veut modifier la règle du jeu, qu'on le fasse dès qu'on est élu, et que l'on n'attende pas trois ou quatre ans pour mettre en place les réformes. J'avoue que, les uns comme les autres, nous avons trop tendance à penser que l'on peut manipuler les modes de scrutin pour servir tel ou tel parti politique alors que, en réalité, on se trompe à chaque fois lourdement : les manipulations ou les manigances se retournent toujours contre ceux qui les ourdissent.
Je soulignerai par ailleurs que, pour ce qui concerne un certain nombre de modes de scrutin ayant fait l'objet de propositions de loi intelligentes déposées tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, on aurait pu faire beaucoup mieux que ce que l'on a fait - je pense aux élections européennes ou aux élections régionales -, ces scrutins se trouvant désavoués par les électeurs, qui ne se reconnaissent pas dans les élus qu'ils ont désignés. (MM. Philippe de Gaulle et Robert Del Picchia applaudissent.)
C'est un véritable appel que je vous lance, monsieur le ministre : il faudrait que nous trouvions un gentlemen's agreement entre toutes les formations politiques pour que l'on ne fasse pas n'importe quoi en matière électorale et que toute modification dans ce domaine fasse l'objet d'un minimum de consensus : on ne pourra pas recueillir une approbation unanime, bien évidemment, mais il ne faut pas manipuler les élections et jouer avec elles.
J'ajoute que je suis assez d'accord avec les propos de M. Forni selon lesquels il n'appartient pas au Sénat de se mêler du mode d'élection des députés.
Cela ne veut pas dire que l'on n'a pas le droit d'en parler. Mais nous n'avons pas à empêcher l'Assemblée nationale de choisir ce qu'elle désire.
Mais, dès lors, l'argument de M. Forni doit jouer dans les deux sens (Applaudissements sur les travées du RPR.)
Je regrette un peu que, récemment, on ait voulu imposer des réformes au Sénat contre sa volonté...
M. Alain Gournac. Tout à fait !
M. Patrice Gélard... alors que celui-ci n'était pas hostile à une amélioration des règles qui concernent sa désignation. (Très bien ! sur les travées du RPR.)
D'autres éléments méritent quelques commentaires.
Premier élément : le choix de la troisième semaine de juin ne me paraît absolument pas raisonné. Il est vrai que nous avons fait, nous, une erreur en 1995 quand nous avons modifié la Constitution. Lorsqu'a été établie la session unique, nous aurions dû, alors, modifier le calendrier des élections à l'Assemblée nationale. Dans l'ancien système, nous avions deux sessions parlementaires l'une commençait le 2 avril et l'autre, le 2 octobre. A ce moment-là, l'Assemblée nationale était normalement élue avant le début d'une session.
J'attire votre attention sur les conséquences assez dramatiques du nouveau calendrier : l'année prochaine, en 2002, si la date de juin est maintenue, la vacance parlementaire durera sept mois, ce qui est considérable. En effet, le Parlement ne pourra pas siéger pendant l'élection présidentielle, ni pendant les élections législatives, puis viendront les trois mois d'été. Cela fera sept mois d'arrêt.
Je ne peux, pour ma part, admettre que le Parlement soit en vacances pendant sept mois.
Une autre solution, préconisée d'ailleurs par M. Didier Maus, consistait à reporter au mois de septembre l'élection des députés. Le mois de septembre me semble en effet préférable au mois de juin, qui est le mois de vacances des retraités...
M. Alain Gournac. Exactement !
M. Patrice Gélard. ... le mois des examens et des concours, c'est-à-dire un mois pendant lequel une grande partie des Français est indisponible. Et tant que nous conserverons notre législation complètement absurde sur le vote par procuration, nous ne parviendrons pas à intéresser les électeurs, pour qui les vacances, les examens et les concours passent avant le vote.
En revanche, en septembre, tout le monde est là. Il aurait donc été bien préférable de retenir le mois de septembre plutôt que le mois de juin, d'autant que cela aurait permis de faire en sorte que la rentrée parlementaire s'effectue dans les huit jours suivant l'élection des députés.
Monsieur le rapporteur, je me permettrai de formuler une remarque sur le texte que vous proposez pour compléter l'article LO 122. Vous prévoyez un intervalle d'au moins trente jours entre le second tour des législatives et le premier tour de la présidentielle. Pour ma part, je proposerai, par amendement, de ramener ce délai à vingt-huit jours, soit quatre semaines.
En effet, prévoir trente jours, c'est donner au Gouvernement la tentation d'organiser des élections en milieu de semaine. Au demeurant, je ne suis pas hostile à une telle formule. Peut-être faudra-t-il d'ailleurs un jour envisager la possibilité d'organiser, comme cela se fait dans d'autres pays, les élections non pas le dimanche mais en semaine. Peut-être les électeurs y trouveraient-ils davantage leur compte, à condition, bien entendu que cela s'accompagne des aménagements leur permettant de s'absenter de leur lieu de travail pendant une heure ou deux pour aller voter.
Cela étant, trente n'est pas un multiple de sept. Trente jours, cela ne fait pas un nombre entier de semaines. Il faut donc soit vingt-huit, soit trente-cinq jours, mais sûrement pas trente jours.
Venons-en maintenant aux motivations qui ont été avancées par les défenseurs de la proposition de loi.
Je peux comprendre, je l'avoue, le point de vue des uns ou des autres.
J'ai écouté avec beaucoup d'attention M. Raymond Barre, qui m'a paru d'une grande franchise dans la défense de l'inversion du calendrier. Ce qu'il en a dit correspond en fait parfaitement à la philosophie qui aurait été la sienne s'il avait été élu Président de la République.
Je peux comprendre aussi les légitimes ambitions de tel ou tel qui pense pouvoir accéder un jour à la magistrature suprême et qui considère que, après tout, la modification de la règle du jeu lui est plus favorable.
Je peux le comprendre, mais à condition qu'on ne joue pas à une sorte de poker menteur, en inventant les règles du jeu au fur et à mesure que l'on progresse dans celui-ci.
Néanmoins, je suis assez effrayé de la faiblesse des motivations.
On nous a parlé de la nécessité de remettre les pendules à l'heure. On nous a parlé de rationalité. On nous a dit qu'il était anormal que les boeufs soient après la charrue et qu'il convenait donc de remettre la charrue derrière les boeufs. Cela étant, je ne sais pas, en l'espèce, qui est la charrue et qui sont les boeufs...
On nous a dit aussi que l'inversion était conforme au quinquennat. Là, je n'ai pas compris ! Le quinquennat n'a rien à voir avec l'inversion du calendrier ! En effet, comme je le démontrerai tout à l'heure, la proposition de la loi ne résout rien du tout. Elle risque, au contraire, de nous entraîner dans des dérives inacceptables pour tout parlementaire digne de ce nom.
On nous a dit qu'il ne fallait plus marcher sur la tête. Mais, pour un Australien, nous marchons sur la tête ! (Sourires.) Et puis on nous a dit que c'était la logique constitutionnelle.
Moi, je voudrais attirer votre attention sur l'absence totale d'étude d'impact de la proposition de loi. Il est vrai que, si l'on fait obligation au Gouvernement, quand il dépose un projet de loi, de l'assortir d'une étude d'impact, on ne peut pas demander la même chose à un parlementaire qui dépose une proposition de loi : sinon, dans les faits, nous serions privés du droit d'initiative législative.
Il n'en reste pas moins qu'il aurait été judicieux de réfléchir à un certain nombre des conséquences de la révision du calendrier.
La première conséquence, c'est que l'année 2007 sera véritablement calamiteuse puisqu'elle verra nos malheureux concitoyens obligés de se rendre aux urnes pour les municipales, les cantonales, les législatives, la présidentielle, sans ouiblier les grands électeurs pour qui s'ajouteront les sénatoriales, le tout entre le mois de mars et le mois de septembre ! Il y a fort à craindre que ce maelström électoral n'ait des effets dramatiques sur la participation à ces différents scrutins.
Mais, monsieur le ministre, il est un certain nombre d'autres lacunes dans l'analyse des conséquences de la proposition de loi par ses promoteurs.
Ainsi, que se passerait-il en cas de décès d'un candidat peu de temps avant le premier tour ou entre le premier et le second tour de l'élection présidentielle ?
L'article 7 de la Constitution précise que, quand un candidat décède avant la date limite du dépôt des présentations de candidatures, le Conseil constitutionnel peut reporter l'élection. Il est certain que le Conseil constitutionnel la reportera s'il s'agit d'un candidat éminent, issu d'un grand parti, afin de laisser aux instances de ce parti, qui sera momentanément « orphelin », le temps de se ressaisir et de proposer un autre candidat.
Mais le décès peut aussi frapper un candidat obscur n'appartenant pas à un grand parti, qui a réussi non sans mal à obtenir les signatures nécessaires, comme il y en a toujours eu dans chacun de nos scrutins présidentiels. A partir du moment où il était effectivement candidat avant son décès, le Conseil constitutionnel doit reporter l'élection.
Dans les deux hypothèses que je viens d'évoquer, les élections législatives se dérouleront nécessairement avant l'élection présidentielle.
Cela montre bien que ce dispositif ne tient pas la route !
J'évoquerai une autre hypothèse, aux conséquences encore plus graves.
Je crains que, dans les années à venir, les résultats du second tour des élections présidentielles ne soient extrêmement serrés. En effet, la vie politique se dépassionne, se « désidéologise » et le choix de l'électeur va tendre à se proter sur le candidat qui, tout simplement, lui « plaît » le plus. Je ne veux pas jouer les prophètes mais, dès lors, rien n'interdit de penser qu'un jour, à l'issue du second tour, seules cent voix sépareront les candidats.
Or, monsieur le ministre, lors de chaque élection présidentielle, le Conseil constitutionnel a annulé les résultats de deux, trois, quatre ou cinq bureaux de vote, soit parce que la fraude y est traditionnelle, soit parce qu'il s'y est produit une quelconque anomalie dans le déroulement des opérations de vote.
Que pourra faire le Conseil constitutionnel dans cette hypothèse-là. Inverser le résultat des élections serait évidemment terriblement mal ressenti. Il ne va pas proclamer élu l'un ou l'autre des candidats si l'annulation des résultats de ces quatre ou cinq bureaux de vote modifie le résultat d'ensemble. Dès lors, il va annuler l'élection présidentielle et déclarer qu'il faut organiser un nouveau scrutin.
Là encore, le calendrier qui nous est proposé ne tient pas la route puisque les élections législatives auront lieu à un moment où un Président de la République par intérim sera à la tête de l'Etat. Bien sûr, nous pouvons, ici, en éprouver une certaine fierté puisque le Président par intérim est nécessairement un des nôtres, mais il faut bien reconnaître que ce n'est pas l'idéal, pour la République, d'avoir à sa tête un Président par intérim alors que se déroulent des élections législatives.
Je crois avoir montré, dans cette première partie de mon intervention, en quoi cette proposition de loi organique est à la fois mal motivée et insuffisamment pensée.
Je souhaite maintenant expliquer en quoi ce texte, non seulement n'est pas conforme à la pratique constitutionnelle, mais déroge tant à l'esprit qu'à la lettre de la Constitution.
Je me suis demandé quels étaient les Etats qui, depuis 1945, avaient prolongé la durée d'une Assemblée parlementaire.
Certains Etats l'ont fait parce que le chef d'Etat a oublié de convoquer les électeurs. Ce fut le cas de Staline, par exemple. Ce fut également le cas du maréchal Kim Il Sung : à plusieurs reprises celui-ci a oublié de convoquer les électeurs et le peuple de Corée du Nord n'a pas pu s'exprimer non plus lorsqu'il a dû respecter les quatre années de deuil confucéen.
A Taïwan, après 1949, le maréchal Tchang Kai-shek a décidé de ne pas organiser d'élections tant que la Chine ne serait pas libérée. Cela pouvait durer longtemps ! Il a fallu que les Taïwanais imposent eux-mêmes un vote afin de remplacer progressivement une assemblée composée d'octogénaires désignés par une assemblée composée de personnes plus jeunes et élues par la population.
Le roi de Jordanie a fait de même lors de l'annexion de la Cisjordanie par Israël. Il a déclaré expressément qu'il n'y aurait pas d'élections dans son pays tant que n'aurait pas été restituée cette partie du royaume. Après cinq ou six ans, le roi de Jordanie a compris qu'il fallait renoncer à une telle résolution.
On ne peut pas dire que ces exemples de prolongation d'une assemblée parlementaire témoignent en faveur d'une telle opération, au regard de la faiblesse des bases démocratiques des pays que j'ai cités.
Qu'en est-il de l'expérience constitutionnelle française ?
Je constate d'abord que, au cours de notre histoire constitutionnelle, deux assemblées n'ont pas eu de durée de mandat.
Il s'agit, d'une part, des Etats généraux, transformés en Assemblée nationale, qui se sont séparés d'eux-mêmes en estimant que l'oeuvre législative accomplie permettait de mettre en place des institutions qui géreraient l'avenir. Ils se sont un peu trompés ! Chacun sait que la Constitution de 1791 n'a guère duré que ce que durent les roses.
Il s'agit, d'autre part, de l'Assemblée nationale qui a été élue en 1871. Elle avait deux missions. La première était de signer la paix avec la Prusse, ce qui a été fait en « deux coups de cuillère à pot » au mois de mars 1871. Personnellement, je le regrette parce que ce traité a été bâclé. C'est ce qui a abouti à la Commune de Paris, avec ses conséquences. Sa seconde mission était d'élaborer une Constitution. Là, les choses ont traîné jusqu'en 1875, lorsque, grâce à un député du Nord, Henri Wallon, a été véritablement instituée la IIIe République, à une voix de majorité.
Ces faits ne sont pas convaincants.
Quant aux précédents historiques de prolongation au sens strict, ils sont au nombre de trois.
Le premier, c'est celui de la Convention, théoriquement élue pour deux ans, mais qui s'est maintenue par décision du Comité de Salut public jusqu'à ce que les envahisseurs étrangers aient quitté le territoire national. Nous étions donc en guerre, et contre tous nos voisins : contre l'Autriche, contre les principautés italiennes, contre les principautés allemandes, qui voulaient restaurer la monarchie.
Les deux autres cas ont été cités de multiples fois.
En 1918, tout d'abord, nous étions presque à la fin de la guerre et il fallait permettre à tous les soldats - près de 2 millions ! - qui se trouvaient au front de réintégrer leur foyer pour pouvoir aller voter.
En 1940, l'Assemblée nationale élue en 1936 a décidé de prolonger son mandat de deux ans. En l'occurrence, c'était un peu court !
Dans ces trois cas, la prolongation de la durée du mandat de l'Assemblée nationale était légitime dans la mesure où, compte tenu de circonstances exceptionnelle - la guerre -, il y avait impossibilité absolue d'organiser des élections. Par conséquent, j'estime que la prolongation des mandats en 1793, en 1918 et en 1940 était juridiquement fondée.
Cela signifie que la pratique constitutionnelle ne nous donne pas d'exemple permettant de justifier la prolongation du mandat de l'Assemblée nationale qui nous est proposée.
Si l'on examine maintenant ce qui se passe chez nos partenaires de l'Union européenne, on ne voit aucun Parlement prolonger son mandat. Cela n'existe pas !
Autrement dit, ni en France ni à l'étranger, la pratique constitutionnelle ne vient appuyer cette proposition de loi organique.
Pour ce qui est de l'argument invoquant l'esprit de la Constitution, je dois dire qu'il faut faire preuve de beaucoup d'imagination pour y trouver dans la justification de l'inversion du calendrier.
Tout d'abord, il n'y a pas un esprit de la Constitution. Il y a la lettre et il y a la pratique : la pratique, je viens de vous l'indiquer, elle est contraire ; la lettre, nous le verrons tout à l'heure, elle est rigoureusement hostile à l'inversion du calendrier. Quant à l'esprit, il y en a eu plusieurs.
Il y a eu l'esprit initial, celui de 1958. Or, je vous le rappelle, en 1958, l'élection législative s'est déroulée quelques semaines avant l'élection présidentielle. Mais, il est vrai qu'il ne s'agissait pas d'une élection présidentielle au suffrage universel direct et qu'il fallait d'abord désigner les représentants du peuple français pour procéder à l'élection du chef de l'Etat. A l'époque, on disait bien que chaque élection était importante : l'une ne primait pas l'autre.
Le chef de l'Etat, quant à lui - le général de Gaulle - avait une conception simple, qui est celle que partage en réalité M. Raymond Barre. Il estimait qu'il était « le » responsable devant le peuple français et que tout vote qui dénoterait une censure à son égard justifierait son départ immédiat.
Le général de Gaulle n'aurait jamais accepté la cohabitation. Il aurait estimé que l'élection législative était un désaveu de son action, et il serait parti.
Le général de Gaulle, à chaque élection, remettait en cause son mandat et, dès lors, il n'y avait pas de problème de calendrier !
Le Président Georges Pompidou serait sans doute resté dans la même logique, bien qu'au moment des élections de 1973 il n'ait pas eu des paroles très nettes quant à son attitude si une majorité hostile avait gagné.
Pour le Président Giscard d'Estaing, les choses sont claires, il a dit qu'il accepterait n'importe quelle cohabitation, et il en a été de même de François Mitterrand et de Jacques Chirac.
Par conséquent, il n'y a pas un esprit de la Constitution qui obligerait à organiser telle élection avant telle autre. Je reprendrai sur ce point une phrase du Président Georges Pompidou déjà citée par l'un des orateurs : on ne peut pas toucher à la clé de voûte, parce que c'est elle qui tient le tout. Si l'on retire une pierre, l'édifice s'écroule ! De la même façon, on ne peut pas modifier le calendrier électoral sans remettre en cause tout l'édifice.
A cet égard, je salue notre collègue Pierre Fauchon, qui a dit tout au long de son exposé qu'il s'agissait non pas d'une simple proposition de loi mais d'une révision constitutionnelle, à laquelle nous procédions sans recourir à l'article 89 de la Constitution, c'est-à-dire en utilisant des voies tortueuses.
J'ai dit que l'esprit de la Constitution n'interdisait pas que les élections législatives se déroulent avant l'élection présidentielle. Si l'on se réfère aux précédents historiques de la Ve République, on constate d'ailleurs que les élections législatives ont la plupart du temps précédé l'élection présidentielle. Ainsi, l'élection présidentielle de 1969 avait été précédé par des élections législatives intervenues en 1968, soit un an auparavant. L'élection présidentielle de Valéry Giscard d'Estaing en 1974 avait été précédée par les législatives de 1973. L'élection présidentielle de François Mitterrand en 1981 avait été précédée par les législatives de 1978, sa réélection en 1988 par les législatives de 1986. Quant à l'élection présidentielle de Jacques Chirac en 1995, elle avait été précédée par les législatives de 1993. Dans tous les cas, ce sont donc les élections législatives qui ont précédé l'élection présidentielle, à un ou deux ans près.
J'en viens maintenant à la péroraison : il y a plus grave, la révision constitutionnelle qui nous est en réalité proposée est fondamentalement contraire à la Constitution, et j'attire d'ores et déjà l'attention du Conseil constitutionnel puisqu'il devra se prononcer sur la conformité à la Constitution de la loi organique.
Bien sûr, on nous a opposé les quatre décisions bien connues du Conseil constitutionnel, mais ces précédents concernait des élections municipales et départementales ou une élection dans un territoire d'outre-mer.
Je voudrais savoir depuis quand les conseillers municipaux, les conseillers généraux ou les conseillers territoriaux sont investis de la souveraineté nationale ! La souveraineté nationale, le Parlement en est le détenteur, le Président de la République le représentant. Ce ne sont pas les assemblées locales ! Dès lors, le Conseil constitutionnel a pu reconnaître que des raisons objectives acceptables justifiaient la modification des calendriers. Mais cette jurisprudence relative à des élections locales est totalement inapplicable à des élections nationales.
Ensuite - mais on l'a déjà trop dit - la présente proposition de loi constitue une remise en cause du droit de dissolution du chef de l'Etat. Modifiera-t-on le calendrier électoral à chaque dissolution de l'Assemblée nationale ? Nous l'avons dit et répété, la dissolution de l'Assemblée nationale est une prérogative du chef de l'Etat à laquelle on ne peut pas toucher sans remettre en cause tout l'édifice constitutionnel. C'est la raison pour laquelle le quinquennat, sur ce point, ne résout rien : il n'empêchera pas plus que le septennat les cohabitations.
D'ailleurs, que se passera-t-il si, en 2002, le Président de la République élu à quelques milliers ou centaines de milliers de voix de son challenger trouve face à lui une Assemblée nationale sans majorité ou avec une majorité relative ? Tôt ou tard, le Président de la République sera obligé de dissoudre cette assemblée, faute de quoi il ne pourra pas exercer son programme, il ne pourra pas l'incarner.
C'est la raison pour laquelle la saine proposition de notre rapporteur est la seule de nature à éviter tous ces carambolages, toutes ces atteintes à l'esprit de la Constitution, à sa lettre ou à la pratique constitutionnelle.
J'en reviens au plus important : la révision constitutionnelle rompt avec un principe démocratique essentiel. En effet, le député est le représentant du peuple. Il dispose d'un mandat qui lui a été confié par le peuple, et ce, pour une durée déterminée. Le peuple français a désigné ses députés pour une période de cinq ans, et non pas pour une période de cinq ans et deux mois ! (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Or, nous sommes en train de détourner le mandat dont disposent les députés, car en modifiant d'eux-mêmes la durée de celui-ci les députés le violent. Dans les pays où le cas est prévu, il existe une procédure : le rappel du député. Nous ne disposons pas de ce rappel, et c'est la raison pour laquelle je dirai - je ne vais pas être très gentil, monsieur le ministre - qu'il est hypocrite de la part du Gouvernement d'avoir utilisé une proposition de loi pour inverser le calendrier et porter ainsi atteinte au principe démocratique essentiel selon lequel on ne peut modifier la durée d'un mandat. (M. Del Picchia applaudit.)
Nous aurions pu accepter cette modification si elle avait fait l'objet d'un projet de loi. En effet, dans ce cas, le Parlement aurait eu le droit de proposer que la prolongation du mandat s'opère par la voie du référendum, alors que le simple fait d'utiliser une proposition de loi le lui interdit. Si un projet de loi avait été déposé, nous aurions demandé le référendum et alors l'équilibre démocratique aurait été rétabli ; le peuple français serait resté souverain et il aurait parfaitement pu accepter de renouveler sa confiance aux députés pour deux mois supplémentaires.
Or cela, vous ne l'avez pas fait et c'est, à mon avis, ce qui vicie l'ensemble du processus, de sorte que la proposition de loi organique dont nous discutons aujourd'hui n'est pas conforme à la Constitution de la République. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Philippe François. Très bien !
M. Georges Gruillot. Bravo ! Belle démonstration !
M. le président. Monsieur Gélard, vos cinquante et une minutes nous ont paru trop courtes !
M. Hilaire Flandre. C'est un hommage !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, M. Gélard a placé son intervention sous le signe du droit ; il a souhaité nous livrer une analyse juridiquement établie, tranchant un peu avec ce que M. Gerbaud appelait ce matin la litanie des interventions. Je souhaite comme lui éviter les arguments ressassés à l'extrême. (Protestations sur les travées du RPR.)
M. Jean-Pierre Schosteck. C'est toujours très désobligeant !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Cependant, son intervention ne m'a pas convaincu.
M. Hilaire Flandre. Cela ne nous surprend pas !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Elle ne m'a pas même ébranlé et je dirai même qu'elle a apporté des arguments en faveur de la proposition de loi que le Gouvernement a inscrite à l'ordre du jour.
M. Hilaire Flandre. Il faut être tordu !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Permettez-moi, monsieur Gélard, de reprendre vos différents arguments et de vous dire pourquoi ils me semblent renforcer la conviction du Gouvernement et celle des parlementaires qui ont déposé les propositions de loi à l'origine - j'y reviendrai - de la présente proposition de loi organique.
Tout d'abord, en ce qui concerne vos observations sur le respect de l'Etat de droit, je crois pouvoir affirmer que nous sommes tous attachés à celui-ci. A cet égard, vous avez évoqué Marx ; j'invoquerai pour ma part Montesquieu et, en tant que socialiste, Jaurès et Blum pour vous dire que, naturellement, nous sommes attachés à l'Etat de droit. Nous n'avons pas une conception marxiste des institutions, selon laquelle celles-ci seraient des superstructures dépendant de l'état des rapports de force ou de production dans la société.
Entendons-nous donc bien sur ce point. Faut-il, comme vous l'avez souhaité, faire évoluer les institutions à partir de réflexions des constitutionnalistes ? C'est probablement vrai, comme le montre l'expérience, de plus de quarante ans de la Ve République. Ainsi, le rapport Vedel, résultat des travaux d'une commission réunie à l'époque par le président François Mitterrand, a avancé des propositions intéressantes. En tant qu'ancien secrétaire d'Etat à l'outre-mer, j'ai pu constater, au moins sur ce point, l'intérêt qu'elles présentaient pour les évolutions juridiques possibles de l'outre-mer.
Cela méritait d'être relevé, et vous savez que nous avons dû réviser la Constitution pour la Nouvelle-Calédonie et que nous étions en train de le faire pour la Polynésie française.
Nous sommes donc bien dans un Etat de droit, soyez-en assuré. Il n'y a pas arbitraire, il n'y a ni écrasement par une majorité d'une opposition ni majorité qui dicte sa loi à l'ensemble du corps social et des citoyens.
Cela étant, je voudrais vous rappeler que M. Carcassonne, à l'intervention duquel je n'ai pas assisté, mais ses propos figurent dans le rapport, a dit, devant la commission des lois que le texte était à ses yeux « constitutionnellement » possible et institutionnellement indispensable.
J'en viens à vos arguments, monsieur le sénateur.
Le premier consiste à dire qu'il s'agit d'une proposition de loi « mal motivée » et « peu réfléchie ».
Vous avez essayé de nous démontrer qu'il y avait d'autres moyens de droit pour y parvenir. Vous en avez cité trois : la démission du Président de la République, une nouvelle dissolution, voire un référendum.
Permettez-moi de vous dire, monsieur Gélard, que vous avez fait la démonstration par l'absurde que nous avons employé non pas la seule voie de droit possible, mais la seule voie de droit crédible.
Qui peut penser que le Président de la République démissionne et installe le président du Sénat à l'Elysée ? Certes, il a la possibilité de le faire. En tout cas, c'est une voie de droit qui lui appartient, à lui seul.
S'agissant de la dissolution - je ne reviens pas sur l'expérience de 1997 - je suis d'accord avec votre interprétation par rapport à M. Maus. Le Président de la République, après avoir procédé aux consultations prévues, décide, et lui seul. Là encore, la dissolution relève de sa propre décision. Elle est simplement encadrée par des règles de consultations.
Quant au référendum, nous venons d'en connaître un. Ce référendum s'est fait sur la base d'un projet de loi constitutionnel, qui établissait le « quinquennat sec ».
M. Henri de Richemont. C'est dommage !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Tout le monde sait que le Président de la République ne souhaitait pas aller plus loin. Ce projet de loi aurait sûrement mérité, à l'époque, d'autres débats, plus amples. En tout cas, ils n'ont pas eu lieu de par la volonté du Président de la République, qui a été confirmée par le Premier ministre.
Le Conseil constitutionnel, qui sera conduit à trancher sur la présente proposition de loi, a toujours déclaré qu'il ne lui appartenait pas de rechercher si l'objectif que s'est assigné le législateur n'aurait pas pu être atteint par d'autres voies. Certes, il pourrait l'être par d'autres voies, mais reconnaissez qu'elles demanderaient chaque fois une initiative, extérieure au législateur, alors que, en l'occurrence, c'est le législateur qui prend lui-même la décision.
Vous estimez que cette décision devrait reposer sur le consensus. A cet égard, je ferai une observation. Qui a déposé les propositions de lois ? Qui s'est prononcé pour cette modification ou, plutôt, ce rétablissement du calendrier. Six propositions de loi ont été déposées : une des Radicaux de gauche, une du Mouvement des citoyens, deux d'origine socialiste, une de M. Barre, ancien Premier ministre, donc praticien éminent des institutions, et une de M. de Charette, qui n'est pas membre de la majorité gouvernementale,...
M. Henri de Richemont. On ne sait pas ! (Sourires.)
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. ... et qui s'inspirait de M. Giscard d'Estaing, ancien Président de la République, qui s'est prononcé dans ce sens. Je l'ai entendu à l'Assemblée nationale.
Donc, admettez aujourd'hui, monsieur Gélard, que ce n'est pas une majorité politique qui vise à imposer une telle modification. Si le consensus n'est pas total, le mouvement s'étend au-delà des frontières classiques entre la majorité et l'opposition,...
M. Hilaire Flandre. La IVe République !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. ... qui sont celles que connaît le Parlement actuel, au moins l'Assemblée nationale actuelle.
« Il n'y a pas les communistes », dites-vous. C'est vrai. Les communistes ont une lecture parlementaire des institutions. C'est leur droit.
Personnellement, ce qui m'étonne vraiment, monsieur Gélard, c'est que les gaullistes n'y soient pas ! C'est là en effet la grande surprise de ce débat.
M. Christian Bonnet, rapporteur. Ce n'est pas la seule !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. A cet égard, j'en appelle à la logique des institutions. Moi, je ne ferai pas parler le général de Gaulle.
M. Hilaire Flandre. Oh, non !
M. Jean-Pierre Schosteck. Surtout pas vous !
M. Jean-Philippe Lachenaud. Mitterrand !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. En effet, je crois que personne ne peut le faire parler. Cependant, il y a eu un acte politique : la révision constitutionnelle de 1962.
Monsieur Gélard vous avez appliqué l'expression « clé de voûte des institutions » au calendrier.
M. Jean-Pierre Schosteck. Ce n'est pas ce qu'il a dit !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. C'est là un cruel contresens pour un constitutionnaliste gaulliste... La clé de voûte des institutions, dans la lecture gaulliste des institutions, c'est le Président de la République, et non le calendrier. C'est ce que l'on m'a appris sur les bancs de la faculté de droit. Le calendrier, c'est un élément.
Monsieur Gélard, je n'adhère pas à cette analyse selon laquelle le Président de la République serait la clé de voûte des institutions. Je dis simplement que l'élection du Président de la République - et j'attends que vous me démentiez sur ce point - est l'acte majeur, déterminant de la vie politique française.
M. Christian Bonnet, rapporteur. Ultime !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Pourquoi est-ce l'acte majeur ? Parce que c'est à ce moment que se produit la rencontre du peuple avec un candidat qu'il se choisit. D'ailleurs, cela est d'autant plus démontré que, si vous regardez la participation électorale, vous constatez que c'est toujours lors de l'élection présidentielle qu'elle est la plus forte. Je crois que, ici, aucun sénateur gaulliste ne pourrait dire l'inverse. Donc, ce n'est pas une affaire de calendrier !
M. Patrice Gélard. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le ministre ?
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Je vous en prie.
M. le président. La parole est à M. Gélard, avec l'autorisation de M. le ministre.
M. Patrice Gélard. Monsieur le ministre, je n'ai pas dit que le calendrier était la clé de voûte de nos institutions.
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Si, vous l'avez dit !
Mme Nelly Olin. Non !
M. Patrice Gélard. C'est le Président de la République qui est la clé de voûte de nos institutions !
Si on touche à l'édifice, d'une façon ou d'une autre, par des réformes telles que l'inversion du calendrier, on risque de détruire l'ensemble de l'édifice. En effet, la clé de voûte tient l'ensemble de l'édifice. Il suffit que l'on modifie une pierre pour que l'édifice s'écroule.
Mme Nelly Olin. C'est vrai !
M. Patrice Gélard. Or, c'est ce qui risque de se produire. En effet, on va remettre en cause, par l'inversion du calendrier, l'équilibre et la logique de l'ensemble de nos institutions.
En réalité, l'élection du Président de la République, c'est la phase ultime...
M. Christian Bonnet, rapporteur. Voilà !
M. Patrice Gélard. ... qui permet en réalité de terminer le processus du choix des électeurs, et non l'inverse.
M. Jean-Pierre Schosteck. C'est une révélation pour M. Queyranne !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Au moins ce débat pourra-t-il intéresser, je l'espère, les constitutionnalistes, puisque nous avons vu M. Gélard nous dire - je crois que c'est important - que l'élection du président de la République est le point ultime.
M. Christian Bonnet, rapporteur. Comme la clé de voûte en architecture !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Il est vrai qu'en 1958 il y avait deux lectures possibles et Michel Debré l'a très bien dit. Ces deux lectures, on les voit bien dans les travaux du comité consultatif constitutionnel. Il y avait une lecture que l'on peut qualifier de « parlementarisme rationalisé à l'anglaise », qui était portée par Michel Debré, Guy Mollet et d'autres. Il y avait une lecture de tendance « présidentialiste », qui était à l'époque justifiée par les événements d'Algérie et par la crise que connaissaient nos institutions,...
M. Christian Bonnet, rapporteur. Mais qui est contredite par les faits aujourd'hui !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. ... mais qui a été consolidée en 1962, monsieur Bonnet. C'est bien cela la lecture des institutions. On peut ensuite nous dire qu'il s'agit de présidentialisme majoritaire, d'un régime semi-présidentiel, d'une monarchie républicaine, etc. Heureusement, les constitutionnalistes trouvent chaque fois des formulations !
Il demeure que l'élection première de notre système politique, ou alors vous n'êtes plus gaullistes, c'est l'élection du Président de la République. C'est pour cela qu'il s'agit de mettre les élections dans l'ordre, et non pas dans le désordre sur lequel nos concitoyens... (Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.) J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt M. Gélard, permettez-moi de lui répondre, mesdames, messieurs les sénateurs.
Nos concitoyens, c'est vrai, ne se passionnent pas pour ce débat.
M. Hilaire Flandre. C'est le moins que l'on puisse dire !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Cependant, quand ils se trouveront, monsieur Gélard, l'année prochaine devant les scrutins, ils se poseront la question de l'ordre dans lequel ils doivent voter. La logique, pour nos compatriotes, c'est évidemment de voter d'abord pour le Président de la République et ensuite pour les députés, pour essayer de dégager une majorité législative. Cela me semble une logique cohérente.
M. Hilaire Flandre. Une logique socialiste !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Dans votre argumentation, monsieur Gélard, j'ai trouvé la preuve manifeste que nous allons dans le bon sens. En effet, vous nous dites qu'en 1995, quand nous avons instauré la session unique, nous aurions dû repousser les élections législatives. En septembre, avez-vous dit. Pourquoi pas ? Vous rappelez que si, dans la loi, aujourd'hui, l'élection de l'Assemblée nationale est prévue au mois de mars, c'est un héritage des deux sessions. Nous sommes bien d'accord. Ce calendrier était donc lié à l'existence de deux sessions. Permettez que les législatives interviennent en juin, afin qu'elles soient plus proches de l'élection présidentielle !
M. Jean-Pierre Schosteck. Il a donné des raisons !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. A défaut de choisir septembre, opter pour juin montre une cohérence de ce point de vue. Vous avez évoqué l'absence de motivation au sujet de l'étude d'impact. En l'occurrence, il s'agit de propositions de loi que le Gouvernement a accepté d'inscrire à l'ordre du jour, compte tenu du débat qui existait, au moins parmi les hommes politiques, les constitutionnalistes ou dans les médias. En matière d'initiative législative, on n'est pas toujours lié à une étude d'impact, sinon le législateur serait pieds et poings liés aux démarches des experts, qui pourraient, dans ce domaine, mener telle ou telle enquête.
Vous avez également dit, monsieur Gélard, que la Constitution ne prévoyait pas le cas de circonstances exceptionnelles, telles que le décès d'un candidat ou l'annulation de bureaux de vote au moment de l'élection présidentielle. Cette position n'a aucun rapport, si ce n'est indirect, avec le calendrier. Il est vrai que les Etats-Unis ont connu une situation pour le moins particulière. La Constitution prévoit de nombreux cas mais il peut se produire des circonstances exceptionnelles imprévisibles, telles qu'un drame national. Bien évidemment, tout ne peut être prévu à cet égard.
M. Jean-Pierre Schosteck. Il n'a pas d'argument !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Le Conseil constitutionnel sera appelé, en tant que juge du résultat mais aussi de l'organisation des élections, à apprécier ces circonstances exceptionnelles.
J'en viens à votre deuxième point. Cette proposition de loi organique n'est pas, dites-vous, conforme à la règle et à l'esprit de la Constitution. Je ne chercherai pas d'exemples de pays exotiques ou dans lesquels le Parlement n'est qu'une apparence. Dans notre histoire constitutionnelle, rien n'indique que l'assemblée élue ne puisse aller au terme de son mandat. L'article 25 de la Constitution dispose : « Une loi organique fixe la durée des pouvoirs de chaque assemblée, le nombre de ses membres... » La durée du mandat, vous l'avez souligné, monsieur Gélard, est de cinq ans,...
M. Patrice Gélard. Il s'achève en avril !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. ...le terme étant en mars selon la législation actuelle. Admettez tout de même qu'en prolongeant ses pouvoirs par un vote l'Assemblée nationale - donc le Parlement - effectuera un mandat complet, pas plus mais pas moins. Je vous le concède, ce n'était pas prévu en 1997, au moment où les électeurs ont été appelés à voter. Mais rappelez-vous que la dissolution est intervenue très rapidement.
Mme Nelly Olin. Comme toute dissolution !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Elle a tellement surpris les parlementaires, ils ont enregistré une telle défaite qu'ils n'ont pas pensé à la question du terme du mandat de l'Assemblée nationale. Mais nous sommes bien face à un mandat de cinq ans. Je tiens à vous le préciser.
Vous avez égrené les différentes élections qui se sont succédé. Si M. de La Palice siégeait au Sénat, il pourrait dire : il y a toujours une élection avant une autre,...
M. Patrice Gélard. Nous sommes tout à fait d'accord !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. ...sauf à arrêter les horloges, ce que personne ne souhaite ici. Par conséquent, interviendront toujours des élections législatives avant une élection présidentielle et une élection présidentielle avant des élections législatives.
M. Jean-Pierre Schosteck. Et alors ?
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Il n'y a pas de démonstration.
Quand le délai est d'un an, comme en 1973, il est déconnecté de l'élection. Mais, vous le savez bien, le Conseil constitutionnel l'a dit, si les élections législatives avaient lieu au mois de février 2002 se poseraient immédiatement des problèmes d'organisation de l'élection présidentielle,...
M. Patrice Gélard. Non !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. ...en particulier en ce qui concerne le parrainage. Vous le savez, les délais seraient trop courts.
M. Patrice Gélard. M. le rapporteur a démontré le contraire !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Il y a toujours, dans ce cadre, une élection avant une autre.
M. Hilaire Flandre. C'est ridicule !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Le vrai problème posé par le télescopage de ces deux élections dans un délai court tient à la logique institutionnelle.
M. Hilaire Flandre. Non ! Pas pour les candidats !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Je regrette, monsieur le doyen Gélard, que, dans votre intervention à la tribune, vous ne soyez pas entré dans la logique institutionnelle qui aurait pu être la vôtre, et qui aurait pu être une lecture de la Constitution ; certes, vous venez de nous la livrer, en réponse à mon propos, en disant que l'élection présidentielle couronne le tout, c'est-à-dire qu'elle vient à la fin d'un processus.
Pour ma part, je ne partage pas ce point de vue ; je suis plutôt dans la lecture des institutions de 1958, revues en 1962. Vous le voyez, les bons défenseurs ne sont peut-être pas là où on les attend toujours !
Quant aux décisions du Conseil constitutionnel, il est vrai que, jusqu'à présent, elles portent sur des élections qui sont non pas nationales, mais locales. Il y a tout de même là des indications, une jurisprudence établissant le caractère exceptionnel et transitoire. Et c'est bien ce qui est vu à travers cette proposition de loi pour les élections qui nous occupent.
Oui - et j'en termine ainsi sur votre péroraison - il s'agit non pas de priver le peuple de ce qu'il a décidé, mais bien de permettre que cette assemblée soit élue pour cinq ans et qu'elle aille au terme de son mandat, à quelques jours près, au mois de juin. Elle a pris ses fonctions le 2 juin 1997 ; elle les terminera courant juin 2002 : nous sommes bien dans cette logique-là. J'ai très confiance de ce point de vue, et je crois, avec M. Carcassonne, que, constitutionnellement, il n'y a pas de reproche à faire à cette proposition de loi.
Je regrette simplement que les arguments intéressants que vous avez avancés dans ce débat ne soient pas développés par d'autres. Cela permettrait d'aller au fond de cette discussion et, par là, de montrer peut-être aussi que le Sénat fait oeuvre utile en matière législative.
Maintenant, chacun peut conserver son opinion dans ce domaine. Je dirai simplement, pour terminer, que les experts électoraux que vous êtes tous savent bien que ce n'est pas en fixant la date d'une élection que l'on est sûr de l'emporter ! (Vives exclamations sur les travées du RPR.)
M. Alain Gournac. Pourquoi alors la changer ?
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Voyez le précédent de 1997 ! Donc, cela s'applique à tout le monde. C'est bien évident sur ce plan-là. Simplement, nous respectons les institutions, et ce - permettez-moi de vous le dire - peut-être plus que vous ne le faites dans votre interprétation, monsieur le doyen !
M. Hilaire Flandre. Pourquoi ne laissez-vous pas les électeurs décider ?
M. Alain Gournac. Il ne faut pas prendre les électeurs pour des imbéciles !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Votre intervention, qui était construite et, ainsi que vous l'avez indiqué, n'était pas polémique, méritait une réponse au fond. J'ai donc essayé de vous répondre avec vivacité, mais sans polémique inutile.
M. Michel Pelchat. Nous allons faire comprendre au peuple français que c'est une magouille !
M. Christian Bonnet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet, rapporteur. Mes études de droit romain et de droit public sont hélas ! si lointaines, que, après l'intervention d'un constitutionnaliste, je préfère m'exprimer en paysan - je suis en effet d'origine terrienne - et m'aventurer sur un terrain solide : celui des constatations.
On a parlé de lecture - moi-même j'ai abordé ce point -, et d'interprétation. En cet instant, je ferai une constatation : quelle est l'élection première ? N'est-ce pas celle à partir de laquelle est constitué un gouvernement qui fait ce qu'il veut, quoi qu'en pense un président de la République ?
MM. Alain Gournac et Michel Pelchat. Bravo !
M. Christian Bonnet, rapporteur. Telle est la constatation que je fais ! Le Président Mitterrand n'a jamais pu empêcher les privatisations, oeuvres des gouvernements dits « de droite » qui marquaient une rupture avec la majorité favorable au Président.
De la même façon, aujourd'hui, le Président Chirac n'a pas pu empêcher l'adoption de telle ou telle loi dans la mesure où il ne pouvait rien contre la majorité de l'Assemblée nationale issue de l'élection première face à laquelle nous nous trouvons. Elle est première aujourd'hui, et elle se trouve être la première dans le temps. Dès lors, pourquoi changer puisque, à partir d'une simple constatation, on s'aperçoit que c'est bien elle, qu'on le veuille ou non, qui est l'élection majeure sur le plan des possibilités données à un gouvernement d'agir comme il le veut ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac. Monsieur le ministre, si je suis à cette tribune en cet instant, c'est un peu à cause de vous, ou grâce à vous !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Ah bon ?
M. Alain Gournac. J'ai en effet entendu et suivi avec beaucoup d'intérêt l'ensemble du débat, qui était de qualité. Il ne faut jamais refuser le débat, monsieur le ministre, car c'est toujours très intéressant !
Et puis, j'ai eu connaissance d'une dépêche de l'AFP : « Le ministre des relations avec le Parlement ironise mercredi sur une petite troupe... ». J'ai donc tout de suite voulu faire partie de la petite troupe ! (Sourires.) . En effet, mes chers collègues, les petites troupes, dans l'histoire,...
Mme Nelly Olin. ... ont livré de grandes batailles !
M. Alain Gournac. ... ont empêché beaucoup d'erreurs politiques, parfois même au sein de nos assemblées.
Dans ces conditions, je me suis dit, monsieur le ministre, qu'il était impossible que je reste passif à écouter mes collègues et qu'il fallait que j'intervienne, ce que je fais ! Je suis désolé, monsieur le ministre, mais il va vous falloir entendre ma litanie ! (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Je suis là !
M. Jean-Pierre Schosteck. Ecouter sans mépriser !
M. Alain Gournac. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quand le Président de la République souhaite une année utile à la France et aux Français, le Premier ministre entend « utile au parti socialiste. » (Rires sur certaines travées du RPR.)
Voilà, mes chers collègues, la raison pour laquelle le Parlement inaugure l'année 2001 en travaillant sur le calendrier électoral ! « Charité bien ordonnée commence par soi-même », murmure-t-on à l'oreille du Premier ministre. Travailler pour la France ? Certes. Mais d'abord pour soi !
« Comment se maintenir au pouvoir ? » C'est là une question autrement plus intéressante que de savoir, par exemple, comment nos emplois-jeunes vont pouvoir être maintenus dans le monde du travail.
Quand on demande au Gouvernement - c'était en octobre dernier, je crois - ce que deviennent les emplois-jeunes au bout de cinq ans, on a la réponse trois mois après avec une proposition de loi organique modifiant la date d'expiration, cinq ans après,... des pouvoirs de l'Assemblée nationale !
Là aussi, comme lors des voeux du Président de la République, lorsque l'on dit « avenir des emplois-jeunes », le Gouvernement, préoccupé de l'intérêt général, entend « avenir des socialistes » !
Telle est la raison, mes chers collègues, pour laquelle le Parlement inaugure l'année 2001 en travaillant sur le calendrier électoral.
M. Christian Demuynck. C'est le nouvel an chinois !
M. Alain Gournac. Quand on alerte le Gouvernement sur les pénuries de main-d'oeuvre et qu'on lui suggère certaines adaptations de la loi des 35 heures, en particulier dans les petites et moyennes entreprises, il adopte la même attitude et fait preuve de la même surdité : il entend « modification de la loi électorale ».
Peu importe que nos PME aient des difficultés à embaucher ! Il est tellement plus important pour les élus socialistes de limiter autant que faire se peut les risques de mises à pied en 2002, puisque telles sont leurs craintes !
« Charité bien ordonnée commence par soi-même », disais-je. Ne nous étonnons alors pas, mes chers collègues, que nos concitoyens, devant autant de vertu proclamée, boudent les urnes !
Autrefois, tout le monde ou presque s'appelait « camarade » ; c'était l'appellation consacrée, affectueuse et partisane. Aujourd'hui, cela fait plutôt ringard !
Aujourd'hui, « camarade » a été remplacé par « citoyen ». Certes, on ne va pas jusqu'à s'interpeller : « citoyen Untel » ! Les temps ont changé, et la communication a pris le pas sur le courage.
On ne s'appelle pas « citoyen », mais on a tout du citoyen : on a l'attitude citoyenne, on a l'engagement citoyen, on a le vivre ensemble citoyen, on a l'implication citoyenne,...
M. Christian Bonnet, rapporteur. On a le chien citoyen !
M. Alain Gournac. Mais oui, tout à fait ! On a les rencontres ou les journées citoyennes, on a la République citoyenne, la solidarité citoyenne, les valeurs citoyennes, l'éducation citoyenne, la responsabilité citoyenne, l'information citoyenne, la vigilance citoyenne, on a aussi le choix citoyen, le devoir citoyen, la déontologie citoyenne, l'effort citoyen, la politique citoyenne. L'espace est devenu citoyen, l'avenir même est citoyen. Il y a également des démissions citoyennes, des décisions citoyennes, des dialogues et des débats citoyens.
Tout est devenu citoyen dans la bouche citoyenne des politiques, sauf, mes chers collègues,... sauf l'abstention ! Le vote blanc est encore citoyen, mais l'abstention ne l'est pas. L'abstention est la seule chose qui ne soit pas citoyenne,... quoiqu'il faille, depuis quelque temps, distinguer l'abstention active de l'abstention passive. La première serait citoyenne, mais pas la seconde. Et encore, concernant la première, cela dépendrait à coup sûr de qui la prône.
« N'écoutez pas ce que je dis, regardez ce que je fais ! », professait Bergson.
Si nombre de politiques voulaient entendre cette phrase et la mettre en pratique, nos concitoyens ne se détourneraient pas autant de la chose publique.
Et si, en l'occurrence, le Premier ministre ne donnait pas le mauvais exemple, peu citoyen, avec ce texte sur le calendrier, ce n'en serait que mieux pour le pays tout entier, car les Français attendent tout autre chose.
J'ai évoqué les emplois-jeunes, car je m'en suis un peu occupé. J'ai évoqué également les pénuries d'emplois et le silence obstiné du Gouvernement en réponse à nos interrogations ; mais il y a d'autres sujets de grande préoccupation.
Quid de l'avenir de notre système de retraite pour lequel aucune solution durable n'a été trouvée ?
Quid de la nécessité de refondre notre fiscalité inadaptée, pesante et tellement dissuasive pour l'initiative ?
Quid de la réforme de l'Etat qui permettrait à l'administration de notre pays de retrouver souplesse et vigueur ?
Quid du devenir de notre système éducatif dont la question n'est pas tant celle de son poids que celle de sa place dans notre société ?
Quid, monsieur le ministre, de l'insécurité, cette insécurité dont vous découvrez un peu tard la réalité et qui n'était, pour vous, qu'un thème de la droite ? Mais, monsieur le ministre, c'était un thème de la droite parce que c'était la réalité au quotidien des Français dans leur ville, sur leur lieu de travail et dans leurs déplacements.
Comment se fait-il que cela devienne aussi un thème de la gauche ? Serait-ce le thème d'une gauche aux abois ? Non, pas du tout ! C'est le thème d'une gauche en retard de quelques trains électoraux, d'une gauche prenant conscience de sa bévue idéologique d'hier et qui s'inquiète sincèrement de ce qui se passe dans nos banlieues, dans nos campagnes, dans nos écoles, jusque dans nos hôpitaux, et qui n'épargne personne, comme vous le savez, monsieur le ministre.
A ce propos, je voudrais m'interrompre un instant et ouvrir une parenthèse. Je ne sais pas si tous mes collègues sont au courant, mais un grand responsable de ce pays s'est fait détrousser un soir, à Paris, dans un restaurant où il dînait avec deux amis. Deux personnes très sympathiques sont entrées dans ce restaurant et se sont dirigées vers cette grande personnalité, qui a été totalement détroussée : on lui a volé son téléphone portable, sa montre, son portefeuille... Cela permet au moins de se rendre compte de la réalité des choses : ce n'est pas simplement certaines banlieues qui sont concernées ; l'insécurité est partout, aujourd'hui.
M. Christian Demuynck. Eh oui !
M. Christian Bonnet, rapporteur. C'est vrai !
M. Alain Gournac. On essaie de nous faire croire que l'insécurité se limite à certains endroits, mais elle est partout, et ce n'est pas mon éminente collègue Nelly Olin, qui se bat dans une ville difficile et qui vient de vivre un drame dans son département qui me démentira !
Quant à nos services de police, de sécurité, non seulement ils sont confrontés à une pénurie de moyens, mais encore ils ont le moral au plus bas.
Alors, monsieur le ministre, pourquoi autant de discours ? Pourquoi autant de longs discours ? Pourquoi autant de sénateurs inscrits dans cette discussion générale ?
Vous avez parlé d'une « petite troupe » du RPR. J'ai tout de même relevé que les membres de notre groupe n'étaient pas les seuls à s'exprimer, à moins qu'il n'y ait eu de nouvelles et récentes adhésions dont on ne m'aurait pas prévenu ! (Sourires sur les travées du RPR.)
Pourquoi autant de sénateurs pour dire, heure après heure, jour après jour, que l'urgence est ailleurs ? Pourquoi autant de sénateurs pour dire que les Français attendent autre chose ?
Parce qu'il ne faut pas compter sur le Sénat pour se taire et faire comme si de rien n'était. D'autant que le président de l'Assemblée nationale a quelque peu provoqué la Haute Assemblée et les Français (Oui ! sur les travées du RPR) en déclarant, comme l'a rappelé notre rapporteur, que celle-ci aurait « quelque audace à retenir un texte qui ne la concerne pas directement. » J'ose le dire, c'est scandaleux !
Mme Nelly Olin. Oui, scandaleux !
M. Alain Gournac. Il n'y a pas d'autre mot ! Nous sommes le Parlement et aucune différence ne doit être faite entre les deux chambres, même s'il est vrai que l'Assemblée nationale a le dernier mot.
Sans doute le président de l'Assemblée nationale voulait-il dire que ce texte ne concernait ni les sénateurs ni les Français, mais uniquement les députés socialistes.
D'où l'urgence, d'où la priorité accordée aux convenances électorales plutôt qu'à ce qui préoccupe les Français, d'où le revirement du Premier ministre devant le congrès du parti socialiste au journal de 20 heures.
Invité le 19 octobre dernier au journal de 20 heures - on l'a déjà dit, mais je le répète -, le Premier ministre annonce qu'il ne proposera pas de réforme du calendier électoral : « Toute initiative de ma part serait interprétée de façon étroitement politique, voire politicienne » - Eh oui ! « Moi, j'en resterai là, et il faudrait vraiment qu'un consensus s'exprime pour que des initiatives puissent être prises. »
« De ma part », « moi », « je » ! Au Sénat, c'est « nous », et nous sommes nombreux, ce qui montre que, dans le pays comme dans la classe politique, il n'y a pas plus de consensus aujourd'hui qu'il n'y en avait en octobre dernier. Il n'y a pas de consensus non seulement parmi la gauche plurielle mais encore dans toute la classe politique, j'y insiste.
Le Premier ministre est-il dans son rôle quand il divise les uns et les autres, dans son camp comme dans l'autre, sur la question de l'avenir de nos institutions ?
On peut débattre à l'infini et faire se battre les montagnes, entendez les constitutionnalistes, qui sont finalement, en quelque sorte, les merveilleux talmudistes de notre loi fondamentale.
N'étant pas sûr de rassembler demain, le Premier ministre estime, curieusement, que diviser aujourd'hui pourrait être la bonne méthode.
Pourquoi donc a-t-il fait volte-face en décembre dernier ? Pourquoi a-t-il annoncé devant le congrès du parti socialiste son intention de défendre un texte inversant le calendrier et prolongant la durée du mandat des députés, et ce à un an à peine du scrutin ?
Pourquoi, par ailleurs, recourir, à ce procédé consistant à passer par l'initiative parlementaire ? Pourquoi cette gêne à appeler les choses par leur nom ? Pourquoi cacher sous un habillage verbal cette prolongation du mandat que s'octroient tout à fait arbitrairement les députés ?
Notre collègue Serge Vinçon, citant M. Gélard, que je veux féliciter de son propos, l'a rappelé : les seuls précédents historiques de la prolongation de la durée du mandat de député sont au nombre de quatre et ont, à chaque fois, été liés à la guerre. Monsieur le ministre, que je sache - j'ai bien vérifié (Sourires) - nous ne sommes pas en guerre !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Heureusement ! (Sourires.)
M. Alain Gournac. Heureusement, bien sûr !
La Convention, qui avait été élue pour un an, a prolongée son existence pendant quatre ans, la France étant en guerre avec les pays voisins ligués contre nos armées révolutionnaires.
L'Assemblée nationale élue en 1871 pour négocier la paix et élaborer une constitution pour notre pays est restée en place quatre ans.
La Chambre des députés élue en 1914 s'est maintenue jusqu'à la fin de la guerre pour des raisons d'union nationale imposée par les événements.
Enfin, la Chambre des députés du Front populaire s'est prolongée de deux ans à cause de la déclaration de guerre et de l'occupation d'une partie du territoire national par des forces ennemies.
C'est donc bien dans des situations tout à fait exceptionnelles que sont intervenues ces prolongations du mandat des députés.
Quelle crise, aujourd'hui, justifie pareille modification ? Aucune, si ce n'est une crise de confiance du Premier ministre et des siens en leurs propres chances.
Mais sur quoi doit-on s'interroger ? Sur la modification du calendrier ou sur le revirement du Premier ministre ?
Certains ont voulu comparer ce revirement à un autre. Mais comparaison n'est pas raison, et il serait fort difficile de montrer une similitude dans les motivations ayant présidé à ces changements.
Pourquoi - question lancinante ! - une telle volte-face en l'espace de cinq semaines ? Pourquoi cette volonté soudaine de modifier le calendrier électoral, alors qu'il n'y avait pas plus de consensus en novembre qu'en octobre ?
Seraient-ce les sondages d'un jour qui commanderaient que l'on retouche la règle commune ? Seraient-ce les commentaires des analystes politiques qui inciteraient les députés à s'octroyer le droit de modifier la loi électorale ?
Pourquoi non pas cette erreur, puisque ce sont les urnes qui détiennent la vérité, mais cette faute ? Pourquoi cette main tendue vers le fruit défendu ? Que la tentation est forte ! Le revirement est une hésitation qui tourne mal.
Daniel Cohn-Bendit. (Exclamations sur les travées du RPR)...
Oui, mes chers collègues, je cite Daniel Cohn-Bendit. J'ai de bonnes lectures, j'écoute la radio, je regarde la télévision.
Daniel Cohn-Bendit, disais-je, avait moins de retenue lorsqu'il déclarait : « Je suis pour l'inversion du calendrier parce que je veux que Lionel Jospin gagne la présidentielle ». Au moins, lui, est clair. (Rires sur les travées du RPR.) Qu'on l'apprécie ou non, il faut reconnaître qu'il dit ce qu'il en est, et il faut lui en rendre hommage.
Daniel Cohn-Bendit dit-il ce qu'il pense ? Je dirai plutôt qu'il dit ce qu'il est, car, souvenez-vous, aux européennes avec quelle fougue il demandait un grand débat démocratique qui lui semblait - c'était tout à son honneur - le chemin normal de Strasbourg !
Aujourd'hui, il souhaite, pour Lionel Jospin, un chemin plus court : le changement de la règle du jeu. Il sait, en même temps, qu'il ne fait que flatter un travers gouvernemental des socialistes, un goût particulièrement prononcé pour la tactique électorale : élections régionales, élections sénatoriales, système électoral des agglomérations et des assemblées départementales !
Comment se maintenir quand le verbe s'use si vite ? Comment conquérir quand l'art de persuader, au fil des ans, vous trahit ?
Sur les six propositions de loi organique qui avaient été déposées, trois visaient à reporter du premier mardi d'avril au 15 juin la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale. Les trois autres avaient un objet quelque peu différent, l'une d'elles proposant même un couplage des élections présidentielle et législatives.
La proposition de loi organique résultant des travaux de l'Assemblée nationale reporte, dans son article 1er, la date d'expiration des mandats des députés du premier mardi d'avril au troisième mardi de juin. L'article 2, quant à lui, prévoit l'application de cette disposition à l'assemblée élue en 1997.
Talleyrand disait à peu près ceci : « La parole a été donnée à l'homme pour qu'il cache ce qu'il pense ». Le titre de la proposition de loi organique soumise à notre examen en est une magnifique, ou déplorable, illustration.
Si l'on veut reporter les élections législatives de telle façon que l'élection présidentielle puisse avoir lieu avant, alors mentionnons-le clairement dans le titre de la proposition de loi organique et amendons le texte en conséquence, afin de garantir la réalité de cet objectif !
Ce qui est parfaitement étonnant, c'est de dénoncer le hasard à l'origine du calendrier actuel et de ne pas, au nom d'une prétendue logique institutionnelle, instaurer dans le texte proposé un dispositif empêchant toute modification hasardeuse du calendrier.
On voit bien en filigrane, dans cette incohérence, l'intention opportuniste, le petit calcul électoral, l'inquiétude qu'alimentent les sondages. On voit le peu de confiance dans la souveraineté populaire, et peut-être le doute quant à ses propres mérites.
Par ailleurs, la méthode utilisée pour faire passer la réforme n'est pas acceptable, et le procédé est peu élégant.
En procédant ainsi, le Premier ministre se dispense de l'avis du Conseil d'Etat, qui aurait été sollicité s'il s'était agi d'un projet de loi organique.
La loi électorale gêne le Gouvernement, le Sénat est une anomalie, le Conseil constitutionnel est critiqué et, maintenant, le Conseil d'Etat est évité !
Mais ce qui est plus inquiétant, c'est la volonté du Gouvernement de se passer du contreseing du Président de la République, qui est à tout le moins - quelle que soit la mauvaise foi déployée par les initiateurs du texte - concerné par le calendrier, c'est le moins que l'on puisse dire !
La moindre des élégances eût été de passer par un projet de loi organique, qui, examiné en conseil des ministres, aurait pu faire l'objet des observations et des réserves du chef de l'Etat.
Que signifient tous ces manques de considération à l'égard de nos institutions ?
Que signifie, au juste, cette confusion entre les institutions et les hommes qui y travaillent, entre les fonctions et les hommes qui en ont la charge ?
Monsieur le ministre, pensez-vous que ces critiques répétées de votre Gouvernement, que cette désinvolture du propos et de l'attitude à l'égard de nos institutions soient un bon exemple, un exemple « citoyen » pour notre jeunesse, que vous appelez à toujours plus de citoyenneté ?
Quand souvent les repères lui font défaut, pensez-vous qu'il soit opportun et responsable de jouer avec la règle commune, de sans cesse attaquer nos institutions ?
Songez à l'école, à la difficulté de plus en plus grande de faire comprendre aux enfants la nécessité de respecter la règle et le bien commun !
On doit un constant respect aux intitutions, qu'elles aillent dans le sens qui nous convient ou en sens inverse.
Ce n'est pas la première fois que notre Haute Assemblée déplore ces manquements ; il me souvient d'une séance de questions d'actualité au Gouvernement où nous avions déjà dénoncé une étrange appréciation d'un membre de votre gouvernement à la suite d'une décision de justice.
Le respect de nos institutions et de la loi électorale est le seul chemin à emprunter en démocratie, et le mieux est de l'emprunter franchement, en marchant au milieu !
Loin de moi, l'idée de contester à quiconque d'avoir sa lecture de la Constitution. Ce serait croire, comme l'écrit le professeur Pierre Avril qu'« un texte aurait normalement un sens vrai, et un seul, indépendamment de la lecture qui en est faite, que ce sens préexisterait à l'application, et que la mission des pouvoirs publics se bornerait à appliquer purement et simplement les dispositions qu'il contient, sauf à interpréter celles qui seraient obscures ».
L'interprétation se réduirait, alors, à une activité intellectuelle, par laquelle « on amènerait au jour des vérités certaines, évidentes, mais qui étaient déjà données - exactement comme l'archéologue ne peut pas trouver, dans le sol de la Grèce, d'autres vases ou statues que ceux qui y étaient lorsqu'il entreprend ses fouilles. »
La théorie moderne de l'interprétation affirme, au contraire, que tout texte comporte virtuellement une pluralité de significations et que ce sont les autorités chargées de l'appliquer qui déterminent celle de ces significations qui sera le droit positif ; l'interprétation juridique est aussi et d'abord un acte de volonté par lequel l'interprète autorisé choisit un sens entre ceux que le texte contient.
Mais, cela étant dit, toutes les lectures n'ont ni même authenticité ni même autorité.
Le Conseil constitutionnel est - je cite toujours Pierre Avril - sans conteste, l'interprète authentique de la Constitution, sinon de toute la Constitution.
Sa compétence est une compétence d'attribution qui ne concerne que la conformité à la Constitution des lois organiques et des règlements des assemblées parlementaires et, sur saisine facultative, celle des lois ordinaires ainsi que la compatibilité des traités et la protection du domaine règlementaire.
En revanche, il n'a pas à connaître des rapports entre les pouvoirs publics, qui relèvent de la seule responsabilité politique.
Mais, dans les limites de cette compétence, il répond à la définition de l'interprète authentique que donne Michel Troper dans son livre Pour une théorie juridique de l'Etat .
En premier lieu, il statue sans appel et souverainement : ses décisions « ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ».
En second lieu, il énonce des normes générales, ainsi qu'il l'a lui-même précisé : l'autorité des décisions visées à l'article 62, alinéa 2, de la Constitution « s'attache non seulement à leur dispositif, mais aussi aux motifs qui en sont le soutien nécessaire et en constituent le fondement même. »
Si le Conseil constitutionnel est le détenteur de l'interprétation authentique, le Président de la République est, quant à lui, le détenteur de l'interprétation autorisée.
Cette distinction est d'une extrême importance.
Le chef de l'Etat peut aussi interpréter la Constitution, mais il ne le peut, estime Jean Massot, cité par Pierre Avril, « qu'en tant qu'acteur de la vie publique », tout en convenant que « sa mission d'arbitre du fonctionnement régulier des pouvoirs publics lui fournit de nombreuses occasions d'une telle interprétation in concreto ».
Il ne s'agit donc plus ici d'interprétations de même nature que celles auxquelles procède le Conseil constitutionnel lorsque, en déterminant la signification d'une disposition, il dit « le droit de la Constitution », parce que le Président de la République n'est pas habilité à énoncer des normes générales dotées de cette autorité.
En revanche, à l'occasion des décisions par lesquelles il fait application de ses pouvoirs, il est conduit, implicitement ou explicitement, à les interpréter préalablement. Il s'agit alors de « normes particulières » ou d'« interprétations circonstancielles » dont l'autorité juridique est limitée à la décision que sous-tend cette interprétation.
A travers les précédents qui en résultent et la pratique qu'ils instituent, de telles interprétations définissent cependant la Constitution autant sinon plus que les interprétations authentiques du Conseil constitutionnel.
La décision par laquelle le général de Gaulle refusa, le 18 mars 1960, la convocation d'une session extraordinaire, en offre un exemple, à la fois par l'argumentation qui la sous-tendait et par la postérité qu'elle a eue.
Tout cela est bien connu.
Autrement dit, le sens vivant de la Constitution se trouve à la croisée de l'interprétation théorique du Conseil constitutionnel et de l'interprétation pratique - ou politique, au sens le plus noble qui soit - du chef de l'Etat.
Mais ne changeons pas le vocabulaire précis et éclairant : d'un côté donc, l'interprétation authentique du Conseil constitutionnel, de l'autre - ce qui ne signifie pas à l'opposé - l'interprétation autorisée du chef de l'Etat. C'est pourquoi nos éminents collègues, notamment MM. Jean-Pierre Raffarin et Philippe Marini, ont eu raison de rappeler avec vigueur, chacun à leur manière, que, sous la Ve République, le chef de l'Etat est en charge de l'essentiel. Or le Conseil constitutionnel, dans les observations qu'il a formulées le 23 juillet 2000, n'a jamais, jamais, évoqué l'ordre du calendrier.
Quant au Président de la République, le procédé de la loi organique, en dispensant le texte du passage en conseil des ministres, a révélé une intention scandaleuse et, au fond, anticonstitutionnelle d'éviter son avis « au-to-ri-sé ».
Revenons sur les observations du Conseil constitutionnel. Elles concernaient, comme l'a fort bien rappelé notre excellent rapporteur, les mesures d'organisation des opérations électorales, la présentation des candidats, le déroulement de la campagne électorale et les comptes de campagne. Toutefois, la première de ses observations concerne la date des scrutins prévus en 2002, c'est-à-dire le délai les séparant et non pas leur ordre de succession.
« Pour des raisons de principe autant que pour des motifs pratiques, il importe que les citoyens habilités à présenter les candidats en application de l'article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 puissent le faire » - j'insiste : puissent le faire - « après avoir pris connaissance des résultats de l'élection à l'Assemblée nationale. Le deuxième tour de cette élection devrait donc avoir eu lieu lorsque s'ouvrira la période de recueil des présentations par le Conseil constitutionnel. »
Ayant rappelé l'ensemble des règles permettant de comprendre cette recommandation, notre rapporteur en a conclu que les élections législatives pourraient être organisées le 3 février et le 31 mars, l'élection présidentielle pouvant être organisée, elle, les 14 et 28 avril ou les 21 avril et 5 mai.
Il a, par ailleurs, démontré de manière irréfutable que les arguments tant du ministre de l'intérieur que du rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale ne « tenaient pas la route » et que la sage recommandation du Conseil constitutionnel pouvait donc être mise en oeuvre sans bouleverser l'ordre d'organisation des consultations électorales.
C'est pourquoi la commission des lois de la Haute Assemblée a tout simplement proposé un amendement visant à faire prendre pleinement en considération la recommandation du Conseil constitutionnel relative à l'organisation des parrainages, et c'est bien normal !
Mais chacun sait que le fond de l'affaire est ailleurs. En effet, il ressort des débats de l'Assemblée nationale que la principale justification de la proposition de loi organique serait la nécessité de respecter « la logique », « l'esprit », « le principe de fonctionnement » des institutions de la Ve République en modifiant un calendrier qui s'apparenterait à « un coup de force du hasard ».
Mes chers collègues, hier, il s'agissait d'un « coup d'Etat permanent » ; aujourd'hui il s'agit d'un « coup de force du hasard » ! Hier, il fallait entraver le chef de l'Etat par la vilenie du propos ; aujourd'hui, il s'agit de l'enfermer dans un calendrier.
Dans les deux cas, mes chers collègues, c'est la fonction présidentielle définie par la Constitution qui n'est pas acceptée. C'est elle, c'est son autorité toute particulière qui n'est pas admise.
Je le répète, mes chers collègues, d'une part, le Conseil constitutionnel est l'interprète authentique de la Constitution.
Or que voit-on ? On voit l'Assemblée nationale, notamment les héritiers des adversaires de notre loi fondamentale, faire référence à l'esprit des institutions et outrepasser les recommandations du Conseil constitutionnel.
D'autre part, le chef de l'Etat est l'interprète autorisé de la Constitution.
Or, que voit-on ? On voit le Gouvernement monter tout un scénario d'une hypocrisie rare pour contourner le Président de la République et éviter son avis ainsi que ses observations, et ce sur un sujet, mes chers collègues, qui le concerne.
Comment qualifier le procédé ?
Disons qu'il est peu glorieux. Mais, surtout, faisons confiance à la sagesse suprême du peuple français, peuple souverain qui, lui, depuis presque un demi-siècle, a compris le génie de notre Constitution et a su toujours apprécier, avec une certaine fierté, l'autorité éminente de la fonction présidentielle.
Non, monsieur le ministre, et je pense que vous l'aurez bien compris, non, vous n'aurez pas mon soutien dans cette affaire. Nous parlions tout à l'heure technique, mais il ne s'agit même plus de technique ici : simplement, on veut mettre en difficulté le Président de la République. Mais vous le savez bien, tout le monde le sait. Alors, parlons franc et disons les choses comme elles sont !
Monsieur le ministre, tout cela est insupportable, et non seulement je ne voterai pas ce texte, comme la « petite troupe », mais, en plus, soyez tranquille, je le combattrai ! (Applaudissements sur les travées du RPR.)
Mme Nelly Olin. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Olin.
Mme Nelly Olin. Monsieur le ministre, écoutant M. Gélard nous donner cette belle et grande leçon de droit, avec son talent, sa compétence, son honnêteté aussi et sur un ton plus que modéré, je m'apprêtais à modifier mon propos. Hélas, votre rejet des arguments de M. Gélard, d'une manière quelque peu inélégante, et, surtout, peu convaincante, et votre référence peu aimable, c'est le moins que l'on puisse dire, aux « litanies » m'incite à ne le modifier en rien.
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. C'est à M. Gerbaud qu'il revient d'avoir parlé le premier de « litanies ».
Mme Nelly Olin. J'en suis navrée, mais vous allez entendre, si vous voulez bien m'écouter, une nouvelle litanie, monsieur le ministre !
M. Hilaire Flandre. Très bien !
M. Alain Gournac. C'est la « petite troupe » !
Mme Nelly Olin. Nous sommes aujourd'hui réunis pour examiner la proposition de loi organique adoptée par l'Assemblée nationale, modifiant la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale.
Une fois encore, et certainement une fois de trop, c'est dans l'urgence que nous sommes amenés à examiner ce texte qui, il faut bien le dire, n'a rien d'urgent. C'est parfaitement inacceptable !
Le Gouvernement l'a inscrit à l'ordre du jour du Sénat seulement huit jours après les congés d'hiver. Je vous rappelle que l'Assemblée nationale a, quant à elle, examiné ce texte les 19 et 20 décembre dernier.
De qui se moque-t-on, sinon des Français mais aussi des sénateurs ?
On fait décidément grand cas de notre Haute Assemblée en voulant nous imposer quelques malheureux jours de réflexion !
De plus, comme l'a justement fait remarquer M. Christian Bonnet dans son excellent rapport, le président de l'Assemblée nationale n'a eu aucun état d'âme à déclarer : « Le Sénat aurait quelque audace à retenir un texte qui ne le concerne pas directement, puisqu'il s'agit des élections à l'Assemblée nationale ». Comment qualifier ces propos ? Ironiques ? Oui. Méprisants ? Oui également !
Quant à vous, monsieur le ministre des relations avec le Parlement, vous avez déclaré sur LCI : « Je ne vois pas une chambre se mêler de manière intempestive des pouvoirs qui concernent l'autre assemblée. »
Permettez-moi de vous dire que de tels propos n'honorent pas le Gouvernement et constituent une véritable provocation vis-à-vis de la démocratie.
Il me semble pourtant - si ma mémoire est bonne et elle l'est encore - que l'Assemblée nationale a bel et bien débattu du mode d'élection des sénateurs Personne, ni au Gouvernement, ni à l'Assemblée nationale, ne s'est alors étonné de voir les députés se « mêler » des affaires du Sénat.
Voilà une bien étrange conception de l'esprit de nos institutions, avec lesquelles vous voulez jouer, mais seulement quand cela vous arrange !
Pour revenir sur les propos de M. le président de l'Assemblée nationale, M. Forni, quelle est la réelle portée du texte ? Je ne pense pas qu'il s'agisse simplement de modifier la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale.
Le titre même de la proposition de loi est lourd d'hypocrisie. Il ne s'agit pas seulement de modifier la durée d'un mandat, il s'agit de le prolonger.
Cette prolongation n'a qu'un objectif, c'est l'inversion du calendrier électoral de telle sorte que l'élection présidentielle précède les élections législatives.
Je pense que, sur ce point, le Sénat a largement son mot à dire, ne vous en déplaise, monsieur le ministre, et n'en déplaise au Gouvernement !
J'en viens au problème de la prolongation du mandat de député. On l'a dit, sous la Ve République, des mandats électifs ont été prolongés, mais ces prolongations ne concernaient que des assemblées locales et elles n'étaient pas décidées quelques mois avant les échéances.
S'agissant des députés, il faut remonter en 1918 et en 1940 pour trouver des exemples de prolongation de mandat. Je vous rappelle que la France était alors impliquée dans ces conflits armés.
En 1918, c'était l'union nationale qui était en jeu, et il était alors bien naturel que la Chambre des députés, élue en 1914, prolonge le mandat des députés jusqu'à la fin de la guerre qui fut la plus meurtrière de notre histoire.
En 1936, la Chambre des députés du Front populaire a prolongé ses mandats de deux ans. Le début de la Seconde Guerre mondiale et l'occupation d'une partie du territoire national par les forces ennemies expliquent très bien cette décision.
Pouvez-vous nous dire quelle est la grave crise nationale qui justifie une prolongation du mandat des députés ? Comme tout le monde, je lis le journal et je regarde la télévision. Hormis, et malheureusement, les inondations et les drames au quotidien, je n'en vois pas.
Vous avez invoqué l'esprit des institutions qui veut que majorité présidentielle et majorité à l'Assemblée nationale soient cohérentes.
Pourtant, l'histoire nous montre que cet esprit-là ne correspond pas toujours à la réalité des urnes. Et cela, nous n'y pouvons rien !
Qui peut aujourd'hui avoir la prétention de se dire le garant de l'esprit de nos institutions ? Je vous rappelle - n'en déplaise au Premier ministre ! - que les réformes institutionnelles sont principalement du ressort du Président de la République.
L'article 5 de notre Constitution le dit bien : « Le Président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l'Etat ».
Cette réforme, dont personne ne peut dire qu'elle est nécessaire, devrait dépendre du Président de la République et de personne d'autre.
Permettez-moi donc de m'étonner que le Gouvernement n'ait pas eu le courage - je dis bien le courage - de déposer en son nom un projet de loi. Un texte d'une telle importance, voulu par le Premier ministre, aurait dû émaner du Gouvernement. Cela aurait été courageux et honnête. Encore une fois, le Gouvernement ne prend pas ses responsabilités ; il s'abrite derrière une initiative parlementaire. C'est quelque peu déplorable !
Bien sûr, élaborer un projet de loi nécessitait de demander l'avis du Président de la République, ce que vous refusez. L'adoption d'un tel texte en conseil des ministres, sous la présidence du Président de la République, aurait été laborieuse alors vous avez voulu l'éviter. Le résultat est une dérive indigne.
Vos démarches sont malheureusement pleines de contradictions. Vous nous dites que vous voulez respecter l'esprit des institutions, selon lequel le Président de la République, élu au suffrage universel direct, est le pilote et le garant de la vie politique. Mais il semble que vous fassiez bien peu cas du Président de la République actuel, puisque vous avez décidé de vous passer de son avis.
Pourtant, M. le Premier ministre déclarait en octobre dernier - la méthode Coué est parfois nécessaire ! - s'en remettre à Jacques Chirac, à qui il revenait de prendre ce type de décision en tant que « gardien des institutions ». Mais il est vrai que nous sommes habitués aux contradictions ou aux changements de cap - c'est le cas ! - du Premier ministre. Ce n'est pas la première fois qu'il annonce publiquement une chose et fait le contraire peu de temps après.
C'est pourtant bien le 19 octobre - il y donc peu de temps - qu'il a annoncé qu'il ne ferait rien dans ce domaine sauf s'il y avait un large consensus. C'est comme pour la guerre, que nous ne connaissons pas en France, heureusement. Mais où est le consensus ? Je n'en ai vu aucun. Avec une telle attitude, quelle crédibilité accorder vraiment au Gouvernement et à son chef ?
En tout cas, il n'est pas acceptable d'écarter le Président de la République d'un débat institutionnel. Nous ne l'acceptons pas et nous le disons haut et fort. Après une telle manoeuvre, vous n'aurez plus le droit de parler de démocratie, car vous venez de la bafouer !
Vous voulez éviter l'examen du texte par le Conseil d'Etat parce que vous redoutez son avis et que vous n'êtes pas prêts à accepter un avis contraire à celui du Gouvernement.
Heureusement, vous ne pourrez pas passer outre le Conseil constitutionnel, qui sera obligatoirement saisi et nous lui faisons confiance.
Je rappelle que le Conseil constitutionnel s'est prononcé à quatre reprises sur des textes législatifs ayant pour objet de reporter la date d'élections. Je rappelle également qu'il s'agissait d'élections locales et non d'élections législatives.
Aujourd'hui, aucune décision du Conseil constitutionnel ne justifie la proposition de loi qui nous est présentée, et vous le savez fort bien.
Il est exact que le Conseil constitutionnel, en juillet dernier, a formulé des observations s'agissant de l'élection présidentielle de 2002. Elles ne portent finalement que sur un problème de délai entre les deux élections et donc de présentation de candidats, les candidatures devant être adressées au Conseil constitutionnel.
Aussi, il est bien légitime de s'étonner que, lors de l'examen du texte relatif au quinquennat, le Gouvernement n'ait pas cru bon de faire des propositions s'agissant des dates des élections ! Il est vrai qu'à l'époque le Premier ministre ne pensait pas encore ce qu'il pense aujourd'hui. Le déroulement de sa pensée est bien difficile à suivre !
Je reviens donc sur ce revirement pour le moins étrange qui, si le sujet eut été moins grave, aurait pu nous faire sourire, ou nous laisser indifférents.
Le 19 octobre dernier, M. Jospin déclarait : « Toute initiative de ma part serait interprétée de façon étroitement politique, voire politicienne ». Qu'il se rassure, cette initiative est bien perçue de façon politicienne, et les Français le jugeront pour cela sévèrement !
Aujourd'hui, vous insistez sur le fait que ce revirement ne résulterait nullement d'un choix politique. Soyez au moins décents, car qui peut y croire à part vous ?
Pourquoi le Premier ministre a-t-il choisi de faire une telle déclaration lors du congrès du parti socialiste, instant politique par excellence ?
Pourquoi ce qui n'a jamais suscité de débat depuis 1997 est-il soudain devenu une urgence à un an des échéances électorales ?
Nous savons tous qu'il s'agit d'une bien triste manoeuvre politique visant à se donner toutes les chances de gagner aux prochaines élections présidentielle et législatives.
Après plus de vingt siècles, on se retrouve aujourd'hui dans la situation de la fin de la République romaine, quand des politiciens manipulaient le calendrier en fonction de leur propre intérêt.
Je m'interroge, monsieur le ministre. Est-ce bien honnête de vouloir modifier la Constitution pour servir des ambitions électorales ? Non ! Croyez-vous que les Français seront dupes ? Non ! C'est le peuple qui aura le dernier mot, et il saura faire le bon choix en 2002. Ignorer le peuple, c'est mettre en danger nos institutions, la démocratie et la République.
Je pense sincèrement qu'à quelques semaines de distance les Français voteront dans le même sens, quel que soit l'ordre des élections. C'est leur faire bien peu confiance que de penser le contraire !
Comme je l'ai dit, je regrette que l'urgence soit demandée pour un texte qui sert la politique du Gouvernement. Il est bien dommage que celui-ci ne considère pas comme urgents les problèmes de sécurité, d'éducation ou de justice qui préoccupent à juste titre nos concitoyens. Car les vrais problèmes, eux, vous ne les traitez pas !
Dans ma ville, ce sont trois jeunes âgés de douze et treize ans qui viennent de poignarder un enseignant en pleine classe. Dans nos banlieues, les citoyens n'en peuvent plus, car la vérité et la gravité de la situation sont masquées sous des appellations hypocrites.
Que sont aujourd'hui les incivilités sinon de véritables agressions ? Que sont aujourd'hui les sauvageons, sinon de véritables délinquants ?
Ajoutons à cela le manque d'effectifs de police et de gendarmerie, de magistrats et de greffiers dans les tribunaux, d'enseignants, d'assistantes sociales et de personnel d'encadrement dans les établissements scolaires.
Le tribunal du Val-d'Oise croule sous le poids du travail et aucune mesure n'est prise. Il est dommage que les ministres val-d'oisiens - et nous en avons - qui inaugurent tout et rien dans le département mais que l'on qualifie de ministres à plein temps, ne soient pas venus entendre ce qu'ont dit le procureur et le président sur l'état du tribunal.
Là est l'urgence, et ne pas en prendre conscience est grave de conséquences. Là sont les priorités, car demain il sera trop tard ! (Applaudissements sur les travées du RPR.)
Mais, à ces vérités, à ces réalités, vous préférez faire la sourde oreille et bricoler pour passer en force un texte destiné à vous servir, et vous servir seulement. Avez-vous oublié que c'est la France et les Français qui doivent être servis ?
Dois-je rappeler que, depuis 1958, l'actuelle Constitution a été révisée quinze fois ? Je regrette sincèrement que ces diverses révisions n'aient jamais donné lieu à un réel débat sur les institutions. Ce texte aurait pu nous en fournir l'occasion ; malheureusement, le Gouvernement use et abuse de son droit de déclarer l'urgence.
Les réformes constitutionnelles engagées depuis quelque temps représentent une sorte de bricolage dont on ne connaît pas les conséquences sur le long terme.
Je vous rappelle que, si nous prolongeons les pouvoirs de l'Assemblée nationale, ce sont de nombreuses élections qui seront reportées dans l'avenir. Avez-vous réellement réfléchi à ce que cela risque d'impliquer ?
Pouvons-nous décemment jouer sur les dates d'élections, quelles qu'elles soient ?
Monsieur le ministre, les Français ont élu leurs députés pour cinq ans, ni plus ni moins. Comme l'ont dit mes collègues, personne ici ne leur a demandé leur avis sur la question, qui, entre parenthèses, ne semble guère les mobiliser.
Ainsi, nos concitoyens élisent leur député au suffrage universel direct, ce qui garantit une grande démocratie. Aujourd'hui, le Gouvernement voudrait remettre en cause ce principe : certes, les Français ont choisi, mais, sans leur demander leur avis, on prolonge les pouvoirs de l'Assemblée nationale. Ce n'est ni plus ni moins que du mépris envers nos concitoyens, et je constate, fort tristement d'ailleurs, que, quel que soit le sujet traité, vous avez pour habitude de passer outre à l'avis des Français.
Le Gouvernement détiendrait-il la science infuse ou pensez-vous que, comme il s'agit d'un problème qui n'intéresse pas les Français, mieux vaut ne rien leur demander ?
Quoi qu'il en soit, sachez que les Français suaront faire la part des choses, et je suis certaine qu'ils apprécieront à sa juste valeur le comportement du Gouvernement à leur égard !
Si nous constatons certaines incohérences au sein de nos institutions, ayons le courage d'engager un réel débat à ce sujet. Arrêtons de modifier par petites touches ce qui constitue le pilier de notre République.
Rien ne nous garantit que l'élection du Président de la République avant celle de l'Assemblée nationale nous protégera de la cohabitation. Encore une fois, ce sont les Français qui prendront la décision en toute conscience.
Au demeurant, vouloir, à tout prix, placer l'élection présidentielle avant l'élection législative, c'est, après le quinquennat, franchir un nouveau pas vers le régime purement présidentiel.
Sans être favorable à un retour au régime des assemblées, je pense qu'il serait bon de trouver le bon équilibre entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. il n'est pas possible de fonder la politique d'un pays sur l'élection d'un seul homme.
Une nouvelle fois, comme mes collègues, je ne peux que constater la volonté du Premier ministre non seulement d'affaiblir le Parlement mais également de passer outre à son pouvoir de décision. Les récentes ordonnances témoignent d'ailleurs de l'importance que revêt le Parlement aux yeux de M. Jospin.
Enfin, une modification de la Constitution ne saurait être légitime si elle n'est pas dictée par l'intérêt général ou si elle ne repose pas sur le constat que nos institutions telles qu'elles existent aujourd'hui ne fonctionnent pas.
Or, je l'ai dit, l'inversion du calendrier ne répond en aucune façon à un motif d'intérêt général.
S'agissant du dysfonctionnement de nos institutions, la proposition de loi qui nous est présentée ne répond pas au problème que peut poser une éventuelle dissolution de l'Assemblée nationale ou le décès d'un Président de la République.
Pour revenir au fond du problème, je ne vois rien dans la Constitution qui implique que l'élection présidentielle doive précéder les élections législatives.
Comme mes collègues l'ont souligné, si votre principale préoccupation était bien l'ordre des élections, il aurait fallu élaborer un texte visant à ce que toute nouvelle élection présidentielle entraîne l'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale, celle-ci étant ainsi renouvelée après chaque nouvelle élection d'un Président de la République.
Cette réforme aurait conduit nos concitoyens à se prononcer par voie de référendum et aurait donné lieu à un large débat sur nos institutions.
La réforme qui nous est proposée est tout à fait ponctuelle et, comme je l'ai dit, ne règle en rien les problèmes qui risquent de se poser dans l'avenir.
Rien ne justifie l'adoption d'une proposition de loi organique qui ne résout pas les futures difficultés éventuelles de calendrier.
L'examen de ce texte a donné lieu à un débat portant sur le régime présidentiel ou le régime parlementaire.
Il est bien évident que nos institutions sont de nature présidentielle ; l'élection du Président de la République au suffrage universel direct en est la preuve. Mais nos institutions sont également de nature parlementaire puisque le Premier ministre est le chef de la majorité parlementaire et que l'Assemblée nationale a le pouvoir de renverser le Gouvernement.
S'il est vrai que certaines incohérences apparaissent parfois, en cas de cohabitation par exemple, il n'en est pas moins vrai que la Constitution telle qu'elle est actuellement est garante de la continuité de l'Etat.
Cette continuité de l'Etat est ainsi assurée par la mixité des pouvoirs du Président de la République et du Parlement. Et cette mixité nous garantit une meilleure démocratie.
Placer l'élection présidentielle avant les élections législatives pour assurer au futur Président de la République la plus forte majorité possible, c'est remettre en cause cette mixité et donc remettre en cause la démocratie.
Une telle volonté ne correspond que trop bien à l'esprit du Gouvernement, qui nous a prouvé à plusieurs reprises quel mépris il éprouvait pour l'opposition à l'Assemblée nationale et quel mépris il éprouvait pour la majorité sénatoriale.
Quoi qu'il en soit je rappelle que les élections de 2002 ne permettront pas forcément au futur Président de la République d'avoir une forte majorité à l'Assemblée nationale pendant cinq ans. Une cohabitation est toujours possible et la balance penchera alors vers l'Assemblée nationale quand il s'agira de mener la politique de la nation.
M. le Premier ministre se plaît à préciser continuellement qu'il a voté contre la Constitution de 1958. Aujourd'hui, se réclamer des institutions de la Ve République me semble donc quelque peu osé de sa part ; je dirais même inconvenant.
Les convenances personnelles poussent certains à adopter un esprit gaullien de la Constitution, et je le déplore.
Aujourd'hui, vous semblez vous réclamer du gaullisme. Pour légitimer cette proposition de loi, vous avancez comme argument que, selon l'esprit de nos institutions, c'est un président fort qui dirige la politique de la France.
Il me semble pourtant que le général de Gaulle n'a jamais fait preuve d'ingérence dans l'action du Gouvernement.
Aussi est-il indécent de se reférer au général de Gaulle pour trouver des arguments en faveur d'un tel texte, surtout de la part de ceux qui n'ont eu de cesse de le combattre, parfois d'une manière lamentable.
Il n'y a en fait aucune légitimité à vouloir modifier le calendrier et il est inconvenant de le faire alors que la partie est pratiquement engagée. Nous voyons bien que M. Jospin est divisé entre son rôle de Premier ministre et son rôle, enfin dévoilé, de candidat à la présidentielle.
Je le répète, l'esprit des institutions est une fausse excuse, une bien mauvaise excuse, qui ne fait pas honneur au Gouvernement.
Si nous sommes divisés sur la question de l'inversion du calendrier électoral, votre majorité plurielle l'est également, monsieur le ministre.
A moins que vous ne restiez éternellement au Gouvernement, que se passera-t-il lorsqu'il y aura un changement de majorité ? Et il y en aura un ! En effet, ignorer les préoccupations prioritaires des Français comme vous le faites depuis que vous êtes au pouvoir, c'est sans aucun doute la chute assurée ; et c'est parce que vous craignez cela qu'en cours de route vous changez la règle !
Je ne peux terminer cette intervention sans évoquer le comportement du Gouvernement. Jamais nous n'avons constaté de sa part tant d'arrogance envers le Président de la République ou le Sénat, et si une preuve de cette arrogance était encore nécessaire aujourd'hui, ce serait bien ce texte, qui voulait ignorer et le Président de la République et le Sénat, qui nous la donnerait.
Nous n'acceptons pas - je l'ai dit et je le redis - de telles attitudes, et nous refuserons de voter ce texte, qui joue avec nos institutions et qui est un véritable camouflet à la démocratie. (Applaudissements sur les travées du RPR, ainsi que sur certaines travées des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Lachenaud. M. Jean-Philippe Lachenaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, succédant à cette tribune à ma collègue Mme Olin, vous comprendrez que je m'arrête un instant sur la situation qu'elle a évoquée, celle du Val-d'Oise.
Nous sommes tous les deux sénateurs de cet important département de la région d'Ile-de-France, qui compte 1 200 millions d'habitants, qui a connu une croissance démographique exceptionnelle, une croissance économique tout aussi remarquable et qui se caractérise par un équilibre harmonieux entre des zones rurales et des zones urbaines.
Ma chère collègue, vous administrez une commune importante, mais difficile. Vous avez, au cours de ce dernier mandat, mené une action tout à fait remarquable d'équipement de la ville et, plus encore, de pacification de toute la communauté de Garges-lès-Gonesses. Je suis certain que, lors des prochaines élections municipales, celle-ci saura reconnaître votre valeur, celle de votre équipe et vous donnera les moyens de poursuivre votre mission.
En cet instant, j'imagine les Pontoisiens ! Peut-être suivent-ils nos débats, peut-être liront-ils demain dans la presse le compte rendu de ces débats. Ils se diront alors que, vraiment - restons polis ! - nous nous occupons de choses très minimes et de peu d'importance ! Les vrais problèmes qui les touchent, ce sont les problèmes d'environnement, de nuisances aéroportuaires, les lacunes de la justice, le projet de tribunal toujours reporté, les difficultés de la politique urbaine. Tels sont les grands enjeux d'un département comme le Val-d'Oise, qui, à l'image de la France d'aujourd'hui, éprouve des problèmes d'équilibre et de développement économique et social et doit trouver sa voie, à la veille du troisième millénaire, pour promouvoir une société plus juste, plus équitable, mais en même temps, plus ouverte sur l'extérieur et progressant de manière dynamique.
Constatant ce décalage entre l'état de l'opinion publique et l'attente de nos citoyens, comprenant combien l'abstention est justifiée, non pas tellement par une critique de notre action ou par une critique de la personnalité des hommes politiques et des femmes politiques qui les représentent, mais du fait du décalage entre leurs sujets de préoccupation et nos discours, les réformes, plutôt les « réformettes » qui nous sont proposées, les modifications incessantes de la Constitution et des règles du jeu qui nous sont imposées par le Gouvernement, je mesure combien ce débat est irréel. Notre collègue M. Marini a déjà traité ce débat d'irréel : il a parlé d'un théâtre d'ombres irréel, surréaliste, en tout cas tout à fait inacceptable si on le rapporte aux préoccupations de nos concitoyens.
En introduction - parce que, finalement, j'ai décidé d'intervenir dans ce débat et de présenter publiquement mon point de vue sur cette question institutionnelle importante - je voudrais m'arrêter un instant sur les raisons qui m'ont conduit à faire cette intervention alors qu'à ce stade du débat je ne pourrai rien ajouter de nouveau, tous les arguments ayant été dits et redits.
Monsieur le président, j'ai bien failli en rester là. Peut-être le débat y aurait-il gagné en concision et cela aurait sans doute fait plaisir à M. le ministre mais, comme de toute façon il n'écoute pas, cela n'aurait pas changé son point de vue, je n'aurais pas réussi à la convaincre.
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Je vous écoute assidûment !
M. Jean-Philippe Lachenaud. Nous le verrons bien par la suite !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Vous me permettrez d'ajouter que je réponds quand les arguments sont dignes d'intérêt et ne sont pas répétitifs : je l'ai montré tout à l'heure !
M. Jean-Pierre Schosteck. Merci pour nous !
M. Jean-Philippe Lachenaud. Je vais donc brièvement commencer par une introduction, comme cela se fait dans tout bon exposé. Nous avons, en effet, appris de nos professeurs à Sciences-Po ou à la faculté de droit que tout bon exposé doit comprendre trois parties et comporter une introduction, un développement et une conclusion. Il faut, de préférence, que l'introduction soit brève, de même que les conclusions. En revanche, le développement mérite d'être nourri par une argumentation développée.
Au Sénat, nous n'avons pas eu la chance qu'a eue l'Assemblée nationale de disposer d'un petit temps réservé à la préparation de ce texte. Il n'était pas prévu que nous ayons du temps pour débattre de la Constitution, de son esprit - très présent dans la discussion - de la volonté de ses fondateurs, de l'évolution de la pratique constitutionnelle depuis 1958 et surtout depuis 1962, étape importante de la Constitution.
Alors, je me suis dit : s'il n'y a pas de débat sur les institutions, il faut en revenir au texte.
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Jean-Philippe Lachenaud. Je vous en prie, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à M. le ministre, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, permettez-moi de vous rappeler simplement que, lors de la conférence des présidents, à laquelle M. Allouche était présent, j'ai justement proposé qu'il y ait un débat organisé, comme à l'Assemblée nationale. Cette proposition n'a pas été retenue. Vous ne pouvez donc pas invoquer cet argument.
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Lachenaud.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Mais c'est bien ce que je compte faire, monsieur le président !
De toute façon, qu'un débat ait été prévu ou non, nous avons pris la parole parce que nous avons l'audace de nous exprimer, même sur un sujet à propos duquel on entend avec stupéfaction le président de l'Assemblée nationale, M. Forni, déclarer que nous n'avons pas le droit à la parole et qu'il serait audacieux de parler des institutions. Eh bien, nous parlerons à la fois du texte et des institutions (Très bien ! sur les travées du RPR.)
M. Hilaire Flandre. Il a raison !
M. Jean-Philippe Lachenaud. Revenons au texte. C'est ce qu'a fait M. le rapporteur, se disant : comme cela est normal dans la procédure du Sénat, je vais étudier ce texte de manière approfondie et présenter l'ensemble des arguments techniques, institutionnels et juridiques qui s'y rapportent.
Ce texte, je vais me permettre de vous le lire parce que, à ce stade du débat, après une quarantaine d'intervenants, il se peut que certains l'aient oublié, bien qu'il soit inoubliable.
Tout d'abord, le titre : « Date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale ». Cela laisse présager un contenu très intéressant.
Voici le texte adopté par l'Assemblée nationale :
« Article 1er. - L'article LO 121 du code électoral est ainsi rédigé :
« Art. L.O. 121. - Les pouvoirs de l'Assemblée nationale expirent le troisième mardi de juin de la cinquième année qui suit son élection. »
Article 2. - L'article 1er s'applique à l'Assemblée nationale élue en juin 1997. »
A mon avis, l'article 2 est plus important que l'article 1er. La simple lecture de cet article montre qu'il s'agit d'un texte de circonstance, de pure convenance politique, puisqu'il ne s'applique qu'à la prochaine élection.
Au fond, sous un titre tout à fait anodin, sans importance, sous une apparence d'inexistence juridique, de vanité, de vide absolu, de texte absolument inodore et sans saveur, voilà tout de même des dispositions dont on parle depuis des semaines, qui font l'objet d'articles dans les journaux, de déclarations tout à fait contradictoires du Gouvernement, de prises de position des plus éminents constitutionnalistes. Tout cela à propos de deux articles que je me suis permis de relire en constatant avec vous, mes chers collègues, que, véritablement, ils ne devraient normalement pas avoir de réelle portée politique.
Finalement, quelle est la seule qualité de ce texte, monsieur le ministre ?
Je n'ai pas découvert un seul argument en faveur de ce texte. En revanche, je lui ai trouvé une qualité, une seule : la brièveté. (Sourires.) Vous évoquiez tout à l'heure vos études de droit, monsieur le ministre. Eh bien, un peu antérieurement à vous, malheureusement, quand nous apprenions les articles du code, on nous disait : « Ce qui est bien dans le code Napoléon, c'est la brièveté ! » (Nouveaux sourires.)
M. Christian Bonnet, rapporteur. Portalis, reviens !
M. Jean-Philippe Lachenaud. Et l'on nous citait toujours cet exemple : « Tout condamné à mort aura la tête tranchée. »
Telle est la seule qualité du texte ! Il est aussi bref que cet article du code pénal. Pour le reste, il est franchement mauvais.
M. le président. C'est un peu court !
M. Jean-Philippe Lachenaud. Ne vous inquiétez pas, monsieur le président, je vais développer mon argumentation. Auparavant, je dois néanmoins aller au terme de mon introduction et expliquer quel style de discours j'avais l'intention de faire, même à cette heure de la nuit. Encore que, dans cet hémicycle, il fasse pratiquement toujours nuit, même quand il fait jour dehors, surtout dans l'obscurité de textes juridiques aussi complexes !
Mme Nelly Olin. Nous sommes effectivement dans le noir !
M. Jean-Philippe Lachenaud. Au fond, on a vu se dérouler quelque chose d'extraordinaire à l'Assemblée nationale : l'adoption de ce texte a été un véritable psychodrame, et cela est dû à vos manoeuvres, monsieur le ministre. Comment pourriez-vous nier que le psychodrame et la manière dont le texte a été voté à l'Assemblée nationale aient été le résultat des manoeuvres du Gouvernement ?
Ce dernier n'a pas eu le courage d'assumer le texte, de prendre la responsabilité de présenter un projet de loi qui aurait dû être soumis au conseil des ministres, présenté au Président de la République et passer évidemment devant le Conseil d'Etat, ce qui lui aurait donné une garantie supplémentaire de validité juridique. Car vous courez des risques à cet égard !
Par ailleurs, vous avez montré les plus mauvais côtés de la manoeuvre politicienne, telle qu'elle peut être menée parfois, dans certaines circonstances, par le Gouvernement auprès des parlementaires. Par moments, cela me rappelait la IVe République. Et ce n'est pas un bon souvenir pour ceux d'entre nous qui ont fait leurs études de droit dans les années 1958, 1960.
A cette époque, nous avions d'éminents professeurs - pour certains d'entre eux, lorsqu'ils étaient encore vivants, ont été consultés -, notamment les professeurs Vedel, Prélot, Burdeau. Ces éminents constitutionnalistes nous ont appris à réfléchir sur les textes et à présenter des exposés. Nous étions formés à une réflexion sur la pratique institutionnelle qui nous a conduits à détester la pratique de la IVe République et à souhaiter qu'une nouvelle Constitution soit donnée à la France.
Malheureusement, ce jeu avec quelques parlementaires, ces promesses, ces indications et ces tentations nous ont rappelé les mauvais souvenirs de la IVe République.
Et puis on a vu se succéder des démonstrations brillantes, mais contradictoires et pas du tout convaincantes des constitutionnalistes. Un ancien Président de la République, d'anciens Premiers ministres, des constitutionnalistes ont en quelque sorte monopolisé le débat. C'était insupportable ! Il fallait rendre la parole au Parlement. Au Sénat, nous avons pris la parole et nous avons l'intention de la garder un certain temps encore.
Nous avons donc pris la parole, et le débat au Sénat, grâce à vous, monsieur le rapporteur, a pris enfin toute sa dimension.
Je voudrais rendre hommage au travail tout à fait remarquable qui a été fait par la commission des lois et par vous-même, mon cher collègue. Quel humour, quelle ironie, quelle réflexion historique et, en même temps, quelle sagesse, quelle expérience des affaires de l'Etat !
Toutes ces qualités apparaissent dès la première citation que vous faites figurer dans votre rapport.
Elle est si adéquate que je ne résiste pas à l'envie d'en donner lecture : « Cependant, dans les derniers temps de la République, en tant que régulateur des relations sociales, le calendrier n'était plus à l'abri des luttes de pouvoir et de leurs conséquences. »
Je ne sais pas comment vous avez trouvé cette citation, mais je voulais vous présenter toutes mes félicitations, car elle est, hélas ! particulièrement adaptée aux circonstances actuelles.
Quelle excellente argumentation, technique et institutionnelle ! Quelle sage conclusion !
Là encore, sans vouloir lasser votre patience, ne pouvant pas à ce stade du débat ajouter des éléments complémentaires, je cède au plaisir de relire les conclusions de la commission.
« Le rapporteur a notamment formulé les observations suivantes :
« Les conditions d'examen de la proposition de loi organique par le Parlement ne sont pas acceptables, dans la mesure où l'ordre des échéances électorales de 2002 est connu depuis 1997 ; le Gouvernement a brutalement changé de position sur cette question et a dès lors imposé aux assemblées de se saisir de cette question dans la précipitation.
« Le mandat des députés n'a été prorogé qu'à deux reprises au cours du xxe siècle, en 1918 et 1940...
« Un changement de la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale n'évitera pas à l'avenir que la situation prévue en 2002 se reproduise, sauf à supprimer le droit de dissolution et à prévoir la continuation par un vice-président du mandat du Président de la République en cas de décès ou de démission de ce dernier.
« Rien ne permet d'affirmer qu'un changement de l'ordre des élections contribuera à éviter une nouvelle situation de cohabitation.
« Le choix du troisième mardi de juin comme date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale est loin d'être satisfaisant... »
En résumé, aucun motif d'intérêt général ne justifie la mesure proposée. Voilà une conclusion à laquelle j'adhère complètement.
Dès le mardi 16 janvier, les interventions successives des présidents des groupes de la majorité sénatoriale et de plusieurs autres orateurs ont démonté la manoeuvre du gouvernement socialiste et démantelé toute l'argumentation fallacieuse développée pour défendre ce texte.
J'évoquerai, à titre d'exemple, quelques temps forts de l'intervention du président de mon groupe.
Tout à l'heure, monsieur le ministre, vous avez indiqué que seule « une petite troupe » appartenant au groupe du RPR exprimait une opposition à ce texte. Au demeurant, c'est une opposition fondamentale, qui s'appuie sur des motifs juridiques, techniques et politiques absolument irréfutables, et auxquels, d'ailleurs, nous n'avons jamais entendu apporter la moindre réponse.
Le président du groupe des Républicains et Indépendants - dont M. le rapporteur est lui-même membre - de même que plusieurs de mes collègues de ce groupe, d'ailleurs, a conclu son intervention en précisant bien : « Les sénateurs de mon groupe, et ce sera mon cas, voteront contre la proposition de loi organique. »
Cela me permet d'ailleurs d'annoncer déjà ma conclusion : nous voterons effectivement contre le texte qui nous est présenté.
M. Henri de Raincourt a ajouté que les sénateurs de son groupe étaient « pour le maintien d'un calendrier républicain et indépendant de toute préoccupation politique ». Voilà ce qui devait être dit ! (Mme Olin applaudit.)
Peut-être vais-je renoncer à lire les extraits de l'intervention du président de mon groupe où il avance ses principaux arguments pour évoquer cette phase importante de la discussion qu'est ce jeudi 25 janvier, qui n'est cependant pas le dernier jour de la discussion, ce dont je me réjouis.
Que pouvais-je ajouter comme argument ? Est-il nécessaire d'ajouter une litanie aux autres litanies, comme vous l'avez malencontreusement dit, monsieur le ministre ?
J'avais apprécié l'ironie et la compétence des excellents juristes que sont mes collègues et amis René Garrec et Patrice Gélard. J'avais apprécié la rigueur de la démonstration d'un Philippe Marini et toutes les convictions exprimées fortement, intervention après intervention, par tous mes collègues dans ce débat. Et je me disais : « Quel style, quelle durée donner à mon intervention pour qu'elle soit un peu différente ? »
Vous le voyez, monsieur le président, j'en suis toujours à mon introduction (Mme Olin s'esclaffe) ; je n'en suis pas encore à la phase de développement des arguments ni, évidemment, à la conclusion, même si je l'ai déjà dévoilée tout à l'heure pour bien en marquer la force et la brièveté, et aussi pour souligner la cohérence de la position du groupe des Républicains et Indépendants avec celle de l'ensemble de la majorité sénatoriale, notamment du groupe du RPR. Nous sommes une petite troupe, mais nous sommes tout de même nombreux et nous ne désespérons pas de rallier d'autres parlementaires à notre jugement, à nos convictions sur cette modification du calendrier.
Quel style, quelle durée devais-je donc donner à mon intervention ? Comprenez mes hésitations et mes réticences !
Hier, monsieur le ministre, j'ai constaté que celui de vos collègues qui occupait le banc où vous êtes assis aujourd'hui semblait un peu épuisé ; il avait l'air un peu abattu, et il était assez peu attentif et je craignais fort d'avoir peu de chances de le convaincre. Aujourd'hui, je n'en ai guère davantage de vous convaincre, - il faut quand même être réaliste - mais je me disais que vous seriez peut-être un peu plus attentif. Cependant, il paraît que vous êtes beaucoup plus préoccupé par les élections de Lyon, où déjà, d'après les gazettes, avec vos amis, vous commencez à vous répartir les postes de la mairie de Lyon et de la communauté urbaine. A mon avis, il vaudrait mieux attendre le résultat des élections !
Mme Nelly Olin. Comme à Pontoise !
M. Jean-Philippe Lachenaud. Voilà qui m'offre une transition dialectique avec le Val-d'Oise, département où le décalage entre l'action du Gouvernement et son discours influe justement sur les élections. Monsieur le ministre, vous n'êtes certes pas ministre de l'intérieur - quoique celui-ci ne soit pas chargé d'organiser des élections, tout au plus d'en commenter les résultats devant les télévisions - mais il ne vous a peut-être pas échappé qu'une élection cantonale s'était déroulée dimanche dernier dans le canton de Pontoise.
Mme Olin soulignait tout à l'heure que ce département comptait de nombreux ministres. Nous en avons eu et nous en aurons encore sans doute beaucoup. Ce département est une pépinière extraordinaire : M. Hue, qui a failli être ministre, siège au conseil général ; il y eut M. Strauss-Kahn un temps ; il y a Mme Gillot et M. Richard.
Que font ces ministres ? Du tourisme ! Des inaugurations ! Lorsqu'ils sont dans le département, ils mêlent fonctions ministérielles et politiques. Ils cumulent les mandats et sont présents à toutes les élections ! M. Richard, par exemple, qui est ministre de la défense, est venu soutenir à deux reprises le candidat socialiste aux élections cantonales de Pontoise. Il est d'ailleurs parti au moment des résultats car, à la stupéfaction générale, le vainqueur a été Philippe Houillon, membre du groupe des Républicains et Indépendants et ami du RPR, qui le soutient comme l'ensemble de la majorité républicaine présente au Sénat : il a gagné cette élection avec près de 56 % des voix ! (Applaudissements sur les travées du RPR.)
Voilà ce à quoi conduit le décalage entre le discours et l'action du Gouvernement, entre l'action et la réalité. La réalité, ce sont les conditions de vie très dures, les incertitudes liées aux problèmes réels des retraites, de la santé, de la sécurité alimentaire, de l'environnement, problèmes qui sont particulièrement oppressants dans le Val-d'Oise.
Revenons au texte et à mon projet de discours, discours qui, pour le moment, n'est pas encore véritablement engagé...
M. le président. Monsieur Lachenaud, je me permets de vous rappeler que selon le règlement de notre assemblée aucune intervention ne peut excéder quarante-cinq minutes .
M. Jean-Philippe Lachenaud. J'en suis loin encore !
M. le président. Vous en êtes à vingt-quatre minutes et trente et une secondes. Je vous rappelle d'ailleurs que vous disposez d'un chronomètre.
M. Jean-Philippe Lachenaud. En effet. J'avais d'ailleurs prévu de consacrer un développement particulier au problème de la durée : comme l'a déclaré un illusionniste très célèbre, il faut donner « du temps au temps » ...
M. Philippe de Gaulle. C'était un pléonasme.
M. Jean-Philippe Lachenaud. ... et je vais donc donner du temps à une réflexion sur le temps.
M. le président. Je dois vous rappeler le règlement de notre assemblée !
M. Jean-Philippe Lachenaud. Tout à fait. Le temps n'en est pas moins mesuré de diverses manières - là, il l'est par une horloge électronique - et j'évoquerai tout à l'heure les temps de parole d'illustres orateurs ...
M. le président. Permettez-moi de vous dire que je veux bien concéder du temps aux orateurs, mais je ne veux pas que ce temps me soit imposé.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Monsieur le président, je ne dépasserai pas le temps de parole qui a été imparti à M. Badinter.
M. le président. Monsieur Lachenaud, des orateurs de la majorité sénatoriale ont également largement dépassé leur temps. Si vous aviez suivi nos travaux depuis le début, vous vous en seriez aperçu.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Je les ai suivis avec beaucoup d'attention, et c'est d'ailleurs ce qui me permettra tout à l'heure, dans le cours d'un développement qui ne saurait intervenir avant très longtemps, de faire une synthèse des arguments contre le texte.
Tout d'abord, le texte n'est pas présenté par le Gouvernement. On peut se demander pourquoi. La réponse est cependant claire : le Gouvernement n'est pas courageux et il n'a pas eu le courage d'assumer la responsabilité de ce texte.
Pourquoi n'est-il pas courageux ? Pour deux raisons : premièrement, par nature ; deuxièmement, parce que la majorité plurielle existe.
Les communistes ont l'intention de voter contre.
Les Verts ? Ce débat est un théâtre d'ombres et, de surcroît, les Verts ne sont pas représentés au Sénat, mais ils sont présents dans la majorité plurielle. Ils auraient pu, par exemple, faire des observations si le texte avait été présenté en conseil des ministres, car ils ne sont pas du tout absents de ce débat institutionnel. J'en veux pour preuve deux articles parus dans un journal du soir généralement bien informé, articles que je ne vais pas vous lire en entier, je vous rassure, bien qu'ils soient significatifs du poids des Verts.
Le titre du premier de ces deux articles juxtaposés est complètement inexact, mais tout à fait dans l'esprit du Monde : « Le Sénat poursuit son opération escargot sur le calendrier électoral. » Comment Le Monde a-t-il pu titrer ainsi ?
Le second s'intitule : « Les Verts maintiennent leur pression en faveur de la proportionnelle en 2002. » Tiens, une modification institutionnelle pourrait-elle - comme les trains - en cacher une autre, voire plusieurs autres ? C'est là toute l'ambiguïté du texte. Je la dénoncerai tout à l'heure ; pour l'instant, je laisse la parole aux Verts.
Je ne résiste pas au plaisir de lire quelques paragraphes particulièrement savoureux. « Le docteur Voynet, qui aime les posologies exactes, ressent un malaise devant l'expression "dose de proportionnelle" ; en faut-il une pincée, une louche ? » Cela ne vous rappelle-t-il pas le débat sur l'« instillation » de la proportionnelle ?
« Mme Voynet s'était laissée aller à quelque scepticisme quant aux gains électoraux. » C'est quand même cela l'essentiel : si l'on modifie le calendrier électoral ou les règles électorales, c'est bien pour obtenir des gains électoraux ! Je continue ma lecture : « Mais les Verts ne peuvent admettre l'idée qu'il s'agirait d'un bricolage ou d'un mécano pour la défense de leurs intérêts. » Bricolage, mécano, on croirait la description du texte qui nous occupe !
« Ce qui est en jeu, c'est la nécessité d'un profond renouvellement démocratique dont ce mode de scrutin me paraît inséparable. »
M. Yann Gaillard. Bien voyons !
M. Jean-Philippe Lachenaud. Ensuite, les Verts, très fidèles à leurs idées, s'attaquent aux socialistes, ce qui vous a peut-être échappé, monsieur le ministre : « Les petits calculs pour différer la prise en compte de la réalité peuvent coûter cher sur le terrain de la crédibilité et de l'arithmétique électorale. Avec ironie, Denis Beaupin a démonté un à un les arguments du PS avancés pour renoncer à la proportionnelle pourtant promise dans les accords de 1997 : le retour de l'extrême droite, l'instabilité politique, le refus de changer les règles avant des élections, l'absence de place dans le calendrier parlementaire ou le risque d'accusation de magouille invoqué par le PS ne tiennent plus, a fait valoir le porte-parole des Verts, ajoutant que « si l'on ne connaissait la bonne foi proverbiale de nos amis socialistes, on dirait que ce sont des prétextes. » (Mme Nelly Olin sourit.)
La bonne foi, l'absence de contradiction dans les déclaration successives sur la proportionnelle, comme la bonne foi et l'absence de contradiction dans les déclarations successives des responsables socialistes sur la modification du calendrier... J'avais cependant cru entendre le Premier ministre lui-même dire qu'il ne s'engagerait pas dans une modification du calendrier !
Voilà quelle est la position des communistes, voilà quelle est la position des Verts, voilà quelle est la position de la majorité plurielle : toute une série de contradictions, toute une série d'incohérences !
Vous avez parlé tout à l'heure de litanie, moi, je parlerai de palinodie à propos des déclarations du Premier ministre !
La situation dans la majorité plurielle, il est vrai, ne nous étonne pas trop, puisqu'il y a eu souvent des changements à propos des réformes institutionnelles. Les Verts, on peut les comprendre, n'aiment en outre pas trop les élections où il faut obtenir la majorité des voix. C'est peut-être démocratique, mais c'est difficile, et les Verts ne savent pas le faire.
M. Hilaire Flandre. Heureusement !
M. Jean-Philippe Lachenaud. Il me fallait définir la forme de mon discours. C'est fait. Je n'ai certes pas l'espoir de figurer dans l'anthologie des grands discours politiques, où l'on trouve par exemple un excellent discours de Victor Hugo sur la peine de mort, qui avait duré trois heures.
Je vais pour ma part essayer d'être bref. Je vais tout de même parler de Jaurès, à qui, monsieur le ministre, vous vous êtes référé.
Quand on s'interroge sur la durée des discours, on pense évidemment d'abord aux Catilinaires de Cicéron. Plusieurs clepsydres s'écoulaient avant la fin du discours.
Puis on pense à l'un de vos amis, le dictateur Castro, qui fait des discours de sept heures devant plusieurs centaines de milliers de personnes, ce qui paraît-il commence à lasser.
Jaurès - peut-être ignorez-vous ce point, monsieur le ministre - était, lui, un orateur d'une extraordinaire qualité. Il faisait des discours passionnés et dépassait toujours, monsieur le président, le temps qui lui était imparti, parlant souvent deux ou trois heures.
Dans un ouvrage intitulé A la manière de, écrit par deux écrivains souvent donnés en lecture dans les khâgnes ou à l'Ecole normale supérieure, MM. Reboux et Muller, quelle n'a pas été ma stupeur de trouver un pastiche d'un discours de Jaurès.
A la première heure, Jaurès parle des origines de l'humanité. A la troisième heure, il parle des origines du socialisme, avec Cabet et Proudhon. A la quatrième heure, il annonce qu'il va engager la conclusion de son discours. A la huitième heure, il conclut !
Ne vous inquiétez pas, je ne vais pas faire de même et je vais maintenant entrer dans le vif du sujet.
Mon intervention s'articule en trois parties. La première partie sera consacrée à la thèse, la deuxième partie à l'antithèse, la troisième partie non pas à la foutaise (sourires) mais à la synthèse.
Dans la thèse, je développerai vingt et un arguments contre la proposition de loi ! Je comptais en trouver trente-six mais je n'en ai trouvé que vingt et un.
Deuxièmement, l'antithèse : zéro argument favorable, et je peux vous annoncer que je serai vraiment très bref dans cette deuxième partie de mon discours.
Troisième partie, la synthèse, très brève aussi : rejet, je l'ai déjà dit, du texte.
Je vais maintenant vous lire les vingt et un arguments, mais je ne crois pas que j'aurai le temps de les développer. Je vais finalement devoir y renoncer pour rester dans le temps qui m'est imparti par la présidence et par les règles de ce débat très bien organisé.
Les arguments sont les suivants.
Premier argument : le débat est irréel, voire surréaliste, et ne répond pas aux attentes des Français. Cela ne mérite pas de développement.
Deuxième argument : la procédure d'urgence n'est pas justifiable. C'est évident.
Troisième argument : l'initiative parlementaire est le camouflage d'un projet du Gouvernement. Là aussi, chacun l'a dit, c'est évident. D'ailleurs, M. le ministre n'a pas répondu sur ce point.
Quatrième argument : les droits du Parlement à un débat complet sont ignorés, bafoués. C'est indiscutable aussi.
Cinquière argument : le texte, à l'apparence juridique anodine, révèle une volonté de modifier l'équilibre des institutions.
Sixième argument : le texte n'a pas, puisqu'il s'agit d'une proposition de loi, été soumis au conseil des ministres ni au Conseil d'Etat, ce qui diminue sa valeur politique et sa garantie juridique.
Septième argument : il est trop tard pour modifier les règles du débat démocratique en bouleversant un calendrier connu depuis longtemps, à savoir 1997.
Huitième argument : le texte proposé ne répond à aucun motif d'intérêt général. Il est de circonstance et de convenance politique. C'est clairement une manoeuvre de M. Jospin pour renforcer ses chances à l'élection présidentielle et écarter le risque, tout à fait réel, de perdre les élections législatives.
Neuvième argument : le mandat des députés n'a été prorogé à deux reprises que dans des circonstances dramatiques rappelées par M. le rapporteur, en 1918 et en 1940.
Dixième argument : l'effet du texte n'est assuré que pour 2002, et non pour l'avenir. Cela aussi est évident.
Onzième argument : le choix du mois de juin pour le terme des pouvoirs de l'Assemblée nationale présente des inconvénients importants par rapport à celui du mois d'avril.
Douzième argument : l'inversion du calendrier électoral est contraire aux déclarations initiales du Premier ministre, ce qui démontre à l'évidence la manoeuvre politicienne.
Treizième argument : modifier insidieusement la pratique institutionnelle sans engager les procédures de révision constitutionnelle, et donc éventuellement procéder à un référendum, n'est pas démocratique. La méthode est loin d'être démocratique.
Quatorzième argument : le calendrier inversé n'est pas dans la logique ou l'esprit de la Constitution de 1958, contrairement à ce qui a été affirmé ici et là.
Quinzième argument : le calendrier inversé ne pourrait être respecté qu'en supprimant ou en limitant le droit de dissolution, dont la légitimité est ainsi contestée.
Seizième argument : l'inversion du calendrier, en y ajoutant le quinquennat, ne garantit en rien qu'il ne pourrait plus y avoir de cohabitation.
Dix-septième argument : l'inversion du calendrier risque de pousser à une présidentialisation du régime.
Dix-huitième argument : ce texte comporte aussi des risques de retour aux excès du parlementarisme.
Là est l'ambiguïté du texte. Il recèle les deux risques, qui ont été soulignés parfois de manière qui aurait pu être jugée contradictoire. En effet, suivant les étapes ultérieures et les propositions de réforme constitutionnelle, la présente réforme peut amorcer plus de présidentialisation ou des risques de retour aux excès du parlementarisme. Rappelant que 1851 c'était voilà cent cinquante ans, M. de Raincourt faisait observer que l'on voulait peut-être ainsi commémorer en 2001, par une perspective d'ultra-présidentialisation, l'arrivée de Napoléon III au pouvoir.
Il y a donc une ambiguïté dans ce texte. C'est pourquoi on peut affirmer aujourd'hui sans se contredire qu'il recèle un risque de présidentialisation et des risques de retour aux excès du parlementarisme.
Dix-neuvième argument : le texte présente des risques réels d'anticonstitutionnalité. Il appartiendra au Conseil constitutionnel d'en débattre.
On peut d'ores et déjà observer qu'il y a un réel problème entre ce gouvernement socialiste et le Conseil constitutionnel. En effet, des députés ont critiqué violemment les décisions récentes du Conseil constitutionnel, ce qui est regrettable dans le fonctionnement des institutions. Si nos avis de sagesse avaient été écoutés, le Gouvernement aurait tout de suite mesuré le risque d'anticonstitutionnalité des textes sur la contribution sociale généralisée et sur l'écotaxe.
Il est affligeant d'avoir vu certains parlementaires du groupe socialiste exprimer des critiques personnelles à l'égard de tel ou tel membre du Conseil constitutionnel, dénoncer la dérive soi-disant politique du Conseil constitutionnel, déclarer que le Conseil constitutionnel ne s'était pas limité à une appréciation de la constitutionnalité par rapport au bloc constitutionnel, c'est-à-dire non seulement la Constitution de 1958, mais aussi les principes généraux du droit exprimés et développés depuis 1789, tels qu'ils ont été inscrits dans la Constitution de 1946 et son préambule.
Ainsi, ils ont noté que l'effet de serre était une invention du Conseil constitutionnel. C'est une caricature des raisonnements du Conseil constitutionnel. C'est aussi une attaque très vive contre un des éléments fondamentaux de l'équilibre des pouvoirs. C'est également une attaque très vive contre la situation que nous souhaitons tous pour la France, à savoir un Etat de droit qui soit à l'instar de celui que connaissent les pays les plus développés, notamment les Etats-Unis et certains pays européens. En effet, ces pays ont su développer un contrôle constitutionnel qui, tout en respectant la légitimité démocratique des différentes autorités, assure la régularité de leurs décisions et la conformité de celles-ci à la Constitution et aux principes généraux du droit. Donc, selon moi, le texte comporte de réels risques d'anticonstitutionnalité. Il appartiendra au Conseil constitutionnel de se prononcer.
Vingtième argument : les difficultés pratiques invoquées pour l'organisation successive des deux scrutins peuvent très facilement être surmontées. Le dispositif spécifique sur les délais présenté par M. le rapporteur et la commission des lois permet de résoudre le problème très simplement.
Vingt et unième et dernier argument : les Français, au nom du respect de la démocratie, ont droit au respect du calendrier électoral.
J'en viens à la deuxième partie : l'antithèse. Je serai beaucoup plus concis. En effet, je n'ai trouvé aucun argument en faveur du texte.
Me voici donc parvenu à la conclusion. Les sénateurs du groupe des Républicains et Indépendants dénoncent la manoeuvre politique de M. Lionel Jospin. Les sénateurs de notre groupe et toute la majorité sénatoriale récusent l'aventure institutionnelle et dénoncent l'ambiguïté de ce texte, malgré son apparence juridique anodine. Nous voulons garantir la cohérence et l'équilibre des pouvoirs. C'est la raison pour laquelle nous voterons le maintien d'un calendrier républicain et indépendant. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. Monsieur de Richemont, votre tour est venu mais je dois vous indiquer que, selon la décision de la majorité de la conférence des présidents, je devrai impérativement lever la séance à dix-neuf heures trente. Or il est dix-neuf heures vingt-cinq. De deux choses l'une : ou bien vous parlez cinq minutes, ou bien vous reportez votre intervention à mardi prochain.
M. Henri de Richemont. Mon intervention durera cinq minutes, monsieur le président.
M. le président. Soit ! Je me devais de vous informer de la décision de la conférence des présidents. Je l'ai fait contre mon gré, à plus d'un titre, mais j'étais tenu de le faire.
M. Christian Bonnet rapporteur. C'est vrai !
M. le président. Vous avez donc la parole, monsieur de Richemont.
M. Henri de Richemont. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après l'intervention passionnante de notre collègue M. Lachenaud, je mesure la difficulté que représente le fait de ne disposer que de cinq minutes.
Tout à l'heure, je m'étais réjoui, monsieur le président, car vous m'aviez dit que je pourrais parler le temps que je voudrais. Pour une fois, à cette tribune, il était possible de parler le temps qu'on voulait ! Or, à l'instant, vous venez de me dire que je disposais de cinq minutes, et pas plus. Toutefois, je me console car, comme le disait un grand parlementaire de ma région, Michel Crépeau, un bon discours, c'est comme la jupe d'une jolie femme : il faut que ce soit suffisamment long pour couvrir le sujet et suffisamment court pour retenir l'attention. (Sourires.) Je ne sais pas si je serai suffisamment long pour couvrir le sujet. En tout cas, je suis sûr que je serai suffisamment court pour retenir votre attention.
Monsieur le ministre, je vous ai écouté avec un grand intérêt tout à l'heure lorsque vous parliez des litanies. L'ancien élève des jésuites que je suis croit aux litanies parce que, en invoquant les saints du paradis, l'Esprit saint vient. Mais l'expérience m'a montré que celui-ci inspire ceux qui veulent l'entendre, ce qui n'est pas toujours le cas.
En tout état de cause, tout a été dit et l'excellent rapport de M. Bonnet contient les points essentiels du débat. Tout à l'heure, lorsque vous avez répondu à M. Gélard, j'avais le sentiment que vous aviez employé le mot juste. Vous avez déclaré en effet que l'essentiel c'est la primauté du Président de la République, clé de voûte de nos institutions. Nous pourrions soutenir avec vous qu'à partir de ce moment-là il faut une majorité parlementaire pour soutenir le Président de la République. Dans ces conditions, il est souhaitable que l'Assemblée nationale soit élue après le Président de la République.
Au fond, monsieur le ministre, on peut approuver les propos que vous teniez tout à l'heure, mais le vrai problème n'est pas là. Le problème, c'est le moment où cette réforme nous a été proposée. Je ne comprends pas en effet pourquoi nous n'avons pas eu ce débat de fond avant, ni pourquoi on n'a pas consacré de manière pérenne la primauté du Président de la République. J'étais un peu d'accord avec M. Jospin. Nombre d'orateurs l'ont cité en disant que toute initiative de sa part serait considérée comme politicienne et qu'il devait attendre un consensus.
Un mois plus tard il a effectué un revirement de position. En effet, après l'épisode des farines animales, il a déclaré qu'il était temps de procéder à cette réforme.
Comme cela a été dit tout à l'heure, le consensus qui, selon lui, était la justification d'initiatives de sa part n'existe nulle part. Le débat constitutionnel nous l'a montré. Les éminents juristes que nous avons entendus nous ont indiqué que rien dans la Constitution ne nous impose l'élection du Président de la République avant ou après les élections législatives, et que le problème n'est pas d'ordre constitutionnel.
Le problème est avant tout politique. Finalement, je comprends que M. le Premier ministre ait demandé à des parlementaires de sa majorité de déposer une proposition de loi, car il était conscient qu'il n'y avait pas de consensus. En effet, l'accord entre le parti socialiste et une partie de l'opposition nationale ne peut constituer un consensus dans notre pays.
La Revue socialiste, en 1997, a résumé la situation ainsi : une progression électorale de la gauche en trompe-l'oeil. Vous avez considéré que si les élections législatives avaient lieu avant l'élection présidentielle, vous risquiez de les perdre, ce qui enlèverait à M. Jospin toute chance d'être élu Président de la République. Le vrai problème est là. Pour que M. Jospin puisse être élu Président de la République, il ne faut pas qu'il perde les élections législatives. Or il risque de les perdre si elles ont lieu avant l'élection présidentielle. Dans ces conditions, il est préférable que l'élection présidentielle ait lieu avant les élections législatives.
C'est la raison pour laquelle, vous le comprendrez, monsieur le ministre, nous voterons contre l'inversion du calendrier. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La suite de la discussion de la proposition de loi organique est renvoyée à la prochaine séance.

10

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine sénace publique, précédemment fixée au mardi 30 janver 2001.
A dix heures :
1. Questions orales suivantes :
I. - M. Christian Demuynck attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation sur la draconienne entrée en application de l'arrêté du 9 mai 1999.
A compter du 16 mai 2000, ce dernier impose, en vertu d'une directive européenne, de nouvelles règles d'hygiène concernant les « aliments remis directement aux consommateurs ». Ces mesures touchent les marchés de plein air, les producteurs à la ferme et les fermes-auberges.
Un tel dispositif juridique risque de mettre en cause l'existence de ces exploitations. Il y a ici une disproportion entre des normes tout autant applicables aux grands groupes industriels et aux petits exploitants incapables d'investir dans le matériel requis.
Dans leur immense majorité, les petits producteurs ou artisans vendent des produits d'une excellente fraîcheur, car la marchandise n'est que peu de temps conservée.
L'arrêté en cause ne va pas dans le sens d'une protection des marchés, au sein desquels certains exploitants contestent le bien-fondé d'une conservation à basse température, notamment s'agissant des fromages.
Il met au contraire en péril la pérennité de ces lieux de rencontre.
Il entend savoir si une telle sévérité du texte français, accentuée par rapport à la norme européenne, sera maintenue. (N° 870.)
II. - M. Philippe Richert attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur les problèmes budgétaires rencontrés par le secteur médico-social.
Depuis la loi de finances pour 1999, n° 98-1266 du 30 décembre 1998, l'enveloppe médico-sociale a été intégrée dans l'ONDAM, l'objectif national de dépenses de l'assurance maladie. Dès lors, les dépenses réelles de l'assurance maladie doivent respecter le montant des budgets alloués.
Or beaucoup d'établissements ont finalement des écarts de l'ordre de 10 % à 15 % entre budget alloué et dépenses réelles. Ils ne peuvent équilibrer leurs comptes qu'en faisant de la suractivité réelle, c'est-à-dire en accueillant plus de personnes que leur agrément ne le leur permet - ce qui n'est pas sans poser des problèmes de qualité et de sécurité - ou en faisant de la suractivité fictive, c'est-à-dire en négociant avec la DDASS, la direction départementale des affaires sanitaires et sociales, des prévisions de journées plus basses que celles que l'on va effectivement réaliser. Il s'agit de pratiques fallacieuses et malsaines dénoncées par les établissements ainsi que par les organisations professionnelles.
Si personne ne conteste sur le fond les objectifs de rationalisation des dépenses de l'assurance maladie, il convient de reconnaître que certains établissements risquent d'être mis dans des situations financières inextricables du simple fait d'un décalage significatif entre leur prévision et leur réalisation de dépenses. L'existence de ce problème a été reconnue dans la circulaire budgétaire du 18 février 2000, mais pour l'instant aucune proposition concrète n'est parvenue aux intéressés.
Aussi, il souhaiterait connaître ses intentions, afin que ce problème soit résolu au plus vite. (N° 885.)
III. - M. Xavier Darcos appelle l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur les vives préoccupations des secteurs de l'hospitalisation privée.
En effet, de nombreux établissements privés sont à la limite de l'équilibre financier ou affirment être déficitaires : suppression de deux cents lits à Bordeaux et de quatre-vingt à Agen, etc.
L'évolution de tarifs, surtout en 1999, a été trop faible pour contrebalancer l'augmentation des charges principalement due au surcoût engendré par l'application de la loi sur les trente-cinq heures.
A ce jour, ces établissement ne peuvent répondre aux revendications salariales de leurs personnels, qui aspirent légitimement à des rémunérations équivalentes à celles de leurs homologues du secteur public.
C'est pourquoi il lui demande si elle entend mettre en oeuvre une politique tarifaire traduisant une volonté de traitement équitable à l'égard des établissements de santé des deux secteurs hospitaliers et notamment des personnels qui y exercent. (N° 922.)
IV. - M. Patrick Lassourd souhaite appeler l'attention de Mme le ministre de la culture et de la communication sur le caractère beaucoup trop contraignant des critères d'éligibilité aux subventions, pour la construction des bibliothèques, dans les petites villes et les zones rurales.
Le critère de taille, déterminé par circulaire, de 7 mètres carrés pour 100 habitants, ne tient pas à l'épreuve du terrain, et s'avère hors de proportion eu égard au coût du bâtiment et aux besoins réels de la population.
Le critère de personnel, imposant un emploi à temps complet pour 2 000 habitants, et 50 % des emplois affectés aux catégories A ou B, se révèle également largement inadapté. Quand on connaît le rôle majeur joué par le bénévolat dans ces petites et moyennes bibliothèques, on mesure l'impossibilité, pour les communes, d'assumer le coût de ces personnels.
Il souhaite que ces critères puissent être revus, en rapportant de 7 mètres carrés à 5 mètres carrés le critère de taille pour 100 habitants, et en permettant aux communes de répondre progressivement au critère de personnel, par une montée en charge sur quatre ou cinq ans, qui facilitera par là même la transition avec les bénévoles.
Il lui demande de bien vouloir examiner ces propositions, vitales pour la diffusion de la culture en zone rurale, et lui préciser sa position sur ce problème, pour répondre à une véritable attente, tant des communes que des citoyens. (N° 950.)
V. - M. Jean-Patrick Courtois appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur le nombre croissant d'actes d'incivilité, de délinquance et de délits de tous ordres, souvent passés sous silence, et presque toujours impunis, perpétrés dans la ville de Mâcon.
Malgré une action exemplaire, le désarroi des forces de police aux premières lignes de cette lutte pour la garantie de nos libertés s'enracine dans une remarquable évidence : une part importante de cette délinquance est le fait de récidivistes connus sur place.
Le taux d'élucidation des crimes et délits est de 35 % à Mâcon, ce qui est très faible quand on sait que ce chiffre exprime la part des infractions constatées dont le ou les auteurs ont été identifiés et entendus par procès-verbal. Or beaucoup d'actes de petite délinquance, ceux qui embarrassent la vie quotidienne des Mâconnais, ne sont ni signalés ni enregistrés.
De même, la délinquance des mineurs et les actes d'incivilité connaissent une augmentation foudroyante : tags, rackets, dégradations volontaires, véhicules incendiés, agressions se multiplient de toute part dans les quartiers de Mâcon.
Il est donc essentiel que la politique de sécurité élaborée par les services de l'Etat se donne pour objectif la disparition de toute impunité, afin que les citoyens ne se sentent plus dans l'obligation de s'isoler chez eux pour ne pas mettre leur existence et leurs biens en danger. Encore faut-il leur en donner les moyens !
Or, à Mâcon, le nombre des fonctionnaires de police a subi une baisse de douze postes et les crédits affectés à la Saône-et-Loire ont été diminués de plus de quatre cent mille francs. Devant cette situation intolérable qui affecte profondément les Mâconnais dans leur vie au quotidien, il lui demande de bien vouloir lui indiquer les mesures que le Gouvernement entend prendre pour procéder au rétablissement de l'effectif et pour amplifier la création de postes que nécessite la dérive de la situation actuelle en Mâconnais, et souhaite savoir quand ces mesures seront prises. (N° 956.)
VI. - M. Pierre Lefebvre souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur les conditions d'enseignement, d'hébergement et de fonctionnement du lycée horticole de Raismes-Valenciennes.
C'est d'ailleurs la répétition des circonstances qui, en 1981, ont conduit à son transfert de Valenciennes à Raismes.
Le lycée professionnel horticole de Raismes est donc installé, depuis cette date, dans des locaux mis à sa disposition, à titre gracieux, par la commune, qui assure, par ailleurs, une grande partie de l'entretien.
La ville de Raismes participe largement au financement de ses activités par une dotation annuelle de 150 000 francs, c'est-à-dire la moitié de ce que verse le ministère, et elle met également à la disposition des élèves ses installations municipales pour la pratique du sport.
Il convient de préciser l'attrait particulier que l'enseignement horticole présente pour les publics en attente d'insertion sociale et professionnelle. L'effectif est ainsi passé de 160 en 1981 à 400 en 2000.
Il lui précise que cet établissement ne dispose pas non plus de restauration scolaire et que les élèves mangent à l'extérieur en toutes saisons.
Il est urgent d'envisager la reconstruction de ce lycée et la ville de Raismes, encore une fois, est déterminée à rechercher des terrains disponibles, qui sont fort nombreux sur le territoire de la commune. Il joue et doit continuer à jouer un rôle important dans la formation des jeunes pour tout le sud du département. (N° 960.)
VII. - M. Claude Haut attire l'attention de M. le ministre de la défense sur l'affectation, en juillet 1998, sur la base militaire d'Orange-Caritat, implantée au coeur d'une zone urbanisée - sans aucune concertation au plan local, ni étude d'impact -, d'un escadron de transformation de pilotes sur Mirage 2000, générant une situation intolérable pour les habitants des communes riveraines de la base en raison des nuisances sonores produites par cette activité de formation d'élèves pilotes.
Sur le plan local, les autorités militaires, conscientes des nuisances et de la gêne occasionnées aux riverains, ont consenti des aménagements aux conditions de survol des localités situées à proximité immédiate de la base. Mais ces concessions ont atteint aujourd'hui les limites des nécessités opérationnelles sans que les aménagements consentis permettent de rendre le niveau de nuisance acceptable par la population.
Outre la légitime aspiration à la quiétude manifestée par nos concitoyens, ces nuisances phoniques quotidiennes réduisent à néant l'ensemble des efforts entrepris par les acteurs locaux en faveur du développement touristique, qui est conditionné par le respect de notre cadre de vie et de notre qualité de vie.
La situation étant aujourd'hui bloquée, il lui demande, en conséquence, quelles solutions sont envisagées par son ministère afin de préserver l'environnement de ce secteur du Haut Vaucluse, situé dans le triangle formé par les bases d'Orange, Salon-de-Provence et Istres, et s'il est envisageable à moyen terme de délocaliser cet escadron de formation. (N° 966.)
VIII. - M. Thierry Foucaud souhaiterait attirer l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur les modifications apportées en matière d'aide de l'Etat aux entreprises d'insertion.
Ces entreprises bénéficiaient auparavant d'une aide forfaitaire attribuée par la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, et d'une aide globale de la direction des affaires sociales.
La nécessité de renforcer l'accompagnement des salariés en insertion est reconnue par la loi de lutte contre les exclusions n° 98-657 du 29 juillet 1998, qui a modifié les modalités du soutien financier de l'Etat ; depuis 1999, les entreprises d'insertion se voient attribuer une seule aide au poste, forfaitaire et non indexée, ce qui génère des difficultés en cas d'augmentation du salaire minimum interprofessionnel de croissance, le SMIC. Cette aide finance à la fois l'accompagnement social, l'encadrement et la moindre productivité des salariés en insertion. Les directions départementales de l'action sanitaire et sociale peuvent fournir, exceptionnellement, un soutien financier dans la mesure où l'entreprise d'insertion intervient auprès de publics spécifiques.
Or les entreprises d'insertion connaissent les populations les plus en difficulté, dont l'accès à la qualification et à l'emploi imposent un encadrement fort. C'est d'autant plus vrai avec la reprise économique. Par ailleurs, ces entreprises interviennent dans des secteurs variés et les besoins d'encadrement sont différents d'un secteur à l'autre, mais aussi à l'intérieur d'un même secteur, selon les corps de métiers. L'attribution d'une aide au poste forfaitaire, non indexée, ne prend pas en compte ces réalités. Il en est de même pour les entreprises de travail temporaire d'insertion qui assurent, elles aussi, le changement de nature des difficultés sociales et professionnelles des salariés en insertion.
Aussi, il lui demande quelles mesures elle envisage pour que l'accompagnement des salariés en insertion soit assuré dans les meilleures conditions. (N° 967.)
IX. - En 1988, face aux nombreux attentats perpétrés en Corse et afin d'y maintenir néanmoins une bonne couverture des risques, les compagnies d'assurances s'étaient regroupées sous la forme d'un « pool des risques aggravés ». Ce dispositif a été reconduit chaque année en dépit de son coût élevé jusqu'au 31 décembre 2000 et a permis le maintien d'une offre d'assurance dans des conditions satisfaisantes aussi bien pour les risques des particuliers que pour ceux des entreprises et des collectivités territoriales.
Or le Gouvernement a dissous ce pool le 30 juin 2000 pour les seules collectivités territoriales corses et les établissements publics. Cette situation paradoxale contraint aujourd'hui les collectivités publiques de Corse à subir les lois concurrentielles du marché de l'assurance, alors que les sociétés privées et les particuliers peuvent bénéficier d'une tarification par le biais du pool corse. Cette situation est contraire aux dispositions de l'article L. 126-2 du code des assurances qui organise la mutualisation du risque, notamment celui des attentats qui n'est pas spécifique aux départements de Corse.
Or on constate que cette mutualisation est dévoyée d'autant que, pour la France continentale, les assureurs instituent une surprime de 1,70 %, alors que la Corse bénéficie du « privilège » d'une surprime de 30 %.
En conséquence, M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra demande à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie pourquoi le pool des risques aggravés a été supprimé pour les seules collectivités, comment il entend remédier à cette situation et ce qu'il adviendra lorsqu'une collectivité ne pourra s'assurer, faute de moyens financiers suffisants. (N° 969.)
X. - M. Léon Fatous attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur les lycées et collèges du Pas-de-Calais dont un certain nombre de postes, liés à des services, sont occupés par des personnes en contrat emploi-solidarité, les CES.
Depuis quelques mois, les établissements ne peuvent plus renouveler ces contrats.
La direction départementale du travail a fait savoir aux principaux des collèges et aux proviseurs des lycées que pour l'année 2001 un nombre très restreint de contrats emploi consolidé, CEC, leur serait accordé.
Outre les problèmes humains que cela pose aux intéressés, il est évident que le fonctionnement des établissements en sera perturbé.
Aussi il lui demande quelles mesures il entend prendre pour rétablir une vie scolaire satisfaisante. (N° 973.)
XI - Mme Hélène Luc attire l'attention de Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés sur le remboursement des frais occasionnés par la photothérapie dynamique.
La dégénérescence maculaire liée à l'âge, la DMLA, touche actuellement un million de personnes, sur les dix millions de Français âgés de plus de 65 ans.
Cette pathologie dégénérescente du centre de la rétine - la macula - menace la vision. Toujours invalidante, elle pèse lourdement sur les actes de la vie quotidienne et peut aboutir à la cécité.
Dans sa forme dite « humide », l'évolution de la DMLA est rapide. Une technique très récente - la photothérapie dynamique - mise sur le marché depuis le 1er septembre 2000 et validée par le ministère de la santé - permet de stabiliser l'évolution du mal. Cette technique utilise une molécule chimique, la Visudyne, photo-sensibilisant qui se fixe sur les néo-vaisseaux. En irradiant le fond de l'oeil par une lumière laser, on provoque une réaction chimique qui détruit les néo-vaisseaux sans détruire la rétine.
Ce traitement doit être renouvelé au moins deux ou trois fois. Mais la Visudyne coûte cher - 9 300 francs l'ampoule - et elle n'est pas encore codifiée et, a fortiori, remboursée, même partiellement, par la sécurité sociale. Chaque intervention sur le patient dépasse 10 000 francs. Un tel coût est insupportable pour les revenus modestes.
Elle lui demande donc quelles mesures peuvent être prises pour faire cesser ce qu'elle appellerait une médecine à deux vitesses. (N° 974.)
XII. - M. Bernard Murat appelle l'attention de Mme le ministre déléguée à la famille et à l'enfance sur la politique familiale.
La famille contribue à l'équilibre et à l'harmonie sociale ; elle est un moteur de la croissance économique. En retour, elle doit voir reconnaître sa fonction sociale et participer aux fruits de la croissance. La croissance économique a généré des moyens considérables qui ont fait naître, dans toutes les familles, l'espoir qu'elles seraient davantage écoutées et, surtout, davantage soutenues.
En effet, les familles attendent des pouvoirs publics qu'ils renforcent leur pouvoir d'achat, d'une part, et qu'ils facilitent la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, d'autre part. Or il constate que la confiscation des excédents de la branche famille du régime général et le plan de réforme fiscale annoncé en août dernier ne permettront pas l'élaboration d'une politique familiale à la hauteur de ses besoins.
Il lui rappelle que la conduite d'une politique familiale ambitieuse ne peut reposer que sur des moyens importants. Tout d'abord, en ce qui concerne le pouvoir d'achat des familles, il lui demande, entre autres mesures, le versement des allocations familiales dès le premier enfant, la suppression de la condition de ressources sur l'allocation pour jeune enfant ainsi que l'extension jusqu'à vingt-deux ans de l'âge limite de versement des prestations logement et du complément familial. Ensuite, en ce qui concerne la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, il estime nécessaire de renforcer la possibilité, pour chaque famille, de recourir au mode de garde de son choix. Or les mesures annoncées en faveur de la garde des enfants demeurent insuffisantes parce qu'elles sont uniquement tournées vers l'accueil collectif. Aussi, il lui demande, entre autres mesures, la suppression de l'abaissement du montant de l'allocation de garde d'enfant à domicile, l'AGED, ainsi que l'extension jusqu'au sixième anniversaire de l'enfant du temps partiel choisi. (N° 976.)
XIII. - M. Dominique Leclerc souhaite interroger Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés sur l'application du repos de sécurité qui limite l'enchaînement des nuits de garde et de journée de travail. Il lui serait reconnaissant de bien vouloir lui faire savoir si elle envisage de prendre effectivement des mesures afin que ce repos de sécurité devienne une réalité pour tous les médecins, y compris les internes, et ce dès 2001. (N° 979.)
XIV. - Mme Danièle Pourtaud souhaite interroger Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur les aides à l'acquisition de véhicules propres.
La pollution atmosphérique crée de graves lésions respiratoires, notamment chez les jeunes enfants. Les conséquences néfastes de l'effet de serre sur les dérèglements climatiques ne sont par ailleurs plus à démontrer. Dans les grandes villes et à Paris, en particulier, cette pollution est essentiellement le produit de la circulation automobile.
La promotion des véhicules propres doit donc demeurer une priorité du Gouvernement. Le groupe socialiste du Sénat, qui, depuis quatre ans, proposait dans la loi de finances qu'un crédit d'impôt soit accordé aux acheteurs de véhicules propres, se félicite que le Gouvernement ait accepté de rendre cette mesure opérationnelle au 1er janvier 2001 à hauteur de 10 000 francs par véhicule.
Par ailleurs, notamment à Paris, un grand nombre de véhicules appartiennent aux administrations, à la Ville de Paris ou à d'autres personnes publiques comme la RATP. De même, les taxis représentent une partie importante du trafic.
Concernant les propriétaires de taxis, Mme le secrétaire d'Etat au budget a indiqué, lors de l'examen du projet de loi de finances 2001, qu'une aide de 20 000 francs leur était d'ores et déjà accordée pour s'équiper en véhicule propre.
De plus, l'article 24-III de la loi n° 96-1236 du 30 décembre 1996 sur l'air a introduit dans le code de la route une obligation pour l'Etat et pour certaines personnes publiques, lorsqu'ils gèrent une flotte de plus de vingt véhicules, d'acquérir, lors du renouvellement de leur flotte et dans une proportion de 20 %, des véhicules fonctionnant à l'électricité, au gaz de pétrole liquéfié, GPL, ou au gaz naturel véhicule, GNV. Le décret d'application est entré en vigueur au début de l'année 1999.
Compte tenu de ces éléments, elle lui demande, d'une part, de bien vouloir lui préciser qui distribue l'aide aux propriétaires de taxis et selon quels critères et, d'autre part, de bien vouloir lui fournir un bilan de l'application de l'article 24-III de la loi sur l'air. (N° 981.)
XV. - M. René Marquès appelle l'attention de Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés sur le problème de la dialyse en France.
Il lui indique qu'aujourd'hui les traitements de dialyse dits « hors centre », c'est-à-dire à domicile et dans les centres d'autodialyse, ont été largement développés et ont permis un moindre coût de cette pathologie lourde.
Il lui rappelle que la nécessité d'augmenter le nombre de postes de dialyse en centre, soumis à la régulation par la carte sanitaire, vient d'être reconnue, puisqu'un indice des besoins plus large a été décidé par le secrétariat d'Etat à la santé et aux handicapés en août 1999.
Or il lui indique que la Caisse nationale d'assurance maladie, la CNAM, dans les dernières propositions adoptées par le conseil d'administration au cours de sa séance du 7 novembre 2000, propose à l'agrément du ministre des mesures de diminution de la valeur de l'acte de surveillance en hémodialyse.
En allant jusqu'au bout d'une logique de régulation strictement comptable, il lui fait observer que la CNAM ne prend pas en compte les besoins de santé publique de la population, puisque le traitement par hémodialyse est indispensable à la vie de ces populations fragiles.
Il lui précise que la mesure de baisse de l'honoraire de surveillance d'hémodialyse représente 5,5 % de décote, après une décote de 7,5 % intervenue voila à peine plus de trois ans pour le même acte médical. Il lui rappelle que l'acte de surveillance d'hémodialyse constitue 90 % environ du chiffre d'affaires des néphrologues qui verraient ainsi leur spécialité touchée par une décote de 13 % en trois ans.
Il lui fait observer que cette évolution ne fait que correspondre à un besoin de santé publique et touche une spécialité médicale très astreignante.
C'est la raison pour laquelle il lui demande quelles mesures elle compte prendre pour remédier à cette situation inacceptable, s'agissant d'un problème visant à la défense de la qualité des soins apportés au patient et d'une réponse à un besoin en termes de santé publique, dont ni les professionnels concernés, ni les patients, ne sauraient être les victimes. (N° 986.)
XVI. - M. Philippe Nogrix appelle l'attention de Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés sur l'annonce faite par le Gouvernement d'étendre à tous les départements français le dépistage gratuit du cancer du sein.
Il lui rappelle que la campagne de dépistage du cancer du sein existe uniquement dans trente-deux départements français et que la généralisation annoncée par le Gouvernement tarde à se mettre en place.
Il lui indique que non seulement ce retard est dommageable pour les femmes des soixante-cinq départements qui ne peuvent en bénéficier, mais qu'il risque également de perturber gravement les campagnes en cours dans les trente-deux départements pionniers.
Il lui précise, en effet, que la direction générale de la santé, pour se conformer aux recommandations scientifiques, a préconisé aux radiologues participant à ce dépistage de réaliser pour chaque femme non plus une mais deux incidences par sein, ce qui revient à doubler l'examen en clichés, en temps, en consommables et en usure de matériel. Il lui indique que pour cette modification technique la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAMTS, a décidé de fixer la rémunération à 280 francs, alors qu'elle était précédemment à 250 francs, tarif en vigueur depuis 1992.
Il lui indique que l'évolution tarifaire est extrêmement faible alors que les exigences ont pratiquement doublé depuis 1992, et que cet état de fait est ressenti par les professionnels comme une véritable provocation, d'autant que ce tarif a été fixé sans la moindre concertation avec les intéressés.
Il lui fait observer que dans les trente-deux départements pionniers les radiologues se sont réellement investis dans cette opération de santé publique qui, financièrement, n'était pas très intéressante pour eux puisque, dans le même temps, une mammographie complète est tarifée à environ 434 francs.
En conséquence, il lui indique que dans ces départements, en situation de crise et de blocage risquant de ruiner les campagnes en cours, la solution serait bien entendu la généralisation du dépistage à la France entière avec fixation d'un tarif raisonnable.
Il lui demande donc de bien vouloir lui indiquer si cette généralisation du dépistage du cancer du sein va bientôt prendre effet. (N° 987.)
XVII. - M. Roland Muzeau attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les conséquences économiques et sociales qu'entraînerait la suppression du centre de recherche d'Atofina, à Levallois.
Depuis la fusion l'an dernier des groupes TotalFina et Elf donnant naissance à un des cinq plus grands groupes mondiaux dans le domaine du pétrole et de la chimie, restructurations et plans sociaux se sont succédé. Sur les 1 500 postes de recherche, un sur trois est menacé de suppression ou de transfert. L'émotion des cadres, techniciens, employés et ouvriers est d'autant plus vive que les suppressions et délocalisations interviennent dans un contexte de plusieurs années d'excellents résultats financiers et de perspectives de commandes excellentes.
Et pourtant, Atofina prévoit de fermer à Levallois son centre de recherche appliquée qui occupe 240 personnes recherchant, à partir des produits chimiques existants, des applications socialement utiles, notamment dans le domaine de la protection de notre environnement, tels que les substituts aux composants attaquant la couche d'ozone, les moyens de traiter les eaux polluées, la neutralisation des rejets produits par l'industrie papetière.
Outre son utilité reconnue, ce centre n'est en aucune façon en doublon avec les autres centres issus de la fusion - Feluy en Belgique et La Porte aux USA - et personne ne conteste son intérêt stratégique lié à sa position en région parisienne - c'est le seul centre de recherche de la région dans ce domaine - à la proximité avec le siège social, à sa bonne desserte et aux synergies existantes avec la communauté scientifique d'Ile-de-France, la troisième mondiale. Le maintien sur le site ou dans un secteur proche de La Défense comporte beaucoup plus d'atouts que la délocalisation et la dispersion, comme le démontre le résultat de l'audit réalisé à la demande de l'intersyndicale.
S'agissant, dans le cadre de la production d'énergie, de recherches ayant des implications sur l'environnement, le Gouvernement ne peut se désintéresser des effets négatifs d'une OPA, offre publique d'achat, dont il a accepté le principe. Aussi lui demande-t-il ce qu'il pense de la fermeture du centre de Levallois et quelles sont les interventions qu'il compte entreprendre pour maintenir les emplois et les activités de recherche dans la région. (N° 990.)
A seize heures :
2. Suite de la discussion de la proposition de loi organique (n° 166, 2000-2001), adoptée par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, modifiant la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale.
Rapport (n° 186, 2000-2001) de M. Christian Bonnet, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est fixé à la clôture de la discussion générale.
Scrutin public ordinaire de droit sur l'ensemble de la proposition de loi organique.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES DU SÉNAT
établi par le Sénat dans sa séance du jeudi 25 janvier 2001
à la suite des conclusions de la conférence des présidents
L'ordre du jour ainsi établi pourrait être modifié
en fonction de l'état d'avancement des travaux

Mardi 30 janvier 2001 :
A 10 heures :
1° Dix-sept questions orales (l'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement) :

- n° 870 de M. Christian Demuynck à M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation (Normes d'hygiène alimentaire) ;

- n° 885 de M. Philippe Richert à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (Gestion budgétaire dans le secteur médico-social) ;

- n° 922 de M. Xavier Darcos à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (Difficultés de l'hospitalisation privée) ;

- n° 950 de M. Patrick Lassourd à Mme le ministre de la culture et de la communication (Critères d'éligibilité aux subventions pour la création de bibliothèques) ;

- n° 956 de M. Jean-Patrick Courtois à M. le ministre de l'intérieur (Augmentation des effectifs de police pour la ville de Mâcon) ;

- n° 960 de M. Pierre Lefebvre à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche (Situation du lycée horticole de Raismes-Valenciennes) ;

- n° 966 de M. Claude Haut à M. le ministre de la défense (Conséquence de l'implantation d'un centre de formation de pilotes sur la base d'Orange-Caritat) ;

- n° 967 de M. Thierry Foucaud à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (Aide de l'Etat aux entreprises d'insertion) ;

- n° 969 de M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (Pool des risques aggravés en Corse) ;

- n° 973 de M. Léon Fatous à M. le ministre de l'éducation nationale (Situation des personnels des lycées et collèges du Pas-de-Calais) ;

- n° 974 de Mme Hélène Luc à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés (Remboursement des frais de photothérapie dynamique) ;

- n° 976 de M. Bernard Murat à Mme le ministre déléguée à la famille et à l'enfance (Politique familiale) ;

- n° 979 de M. Dominique Leclerc à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés (Repos de sécurité des médecins) ;

- n° 981 de Mme Danièle Pourtaud à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement (Aides à l'acquisition de véhicules propres) ;

- n° 986 de M. René Marquès à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés (Prise en charge des dialysés) ;

- n° 987 de M. Philippe Nogrix à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés (Campagne de dépistage gratuit du cancer du sein) ;

- n° 990 de M. Roland Muzeau à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (Fermeture du centre de recherche d'Atofina à Levallois).

A 16 heures :

Ordre du jour prioritaire

2° Suite de la discussion de la proposition de loi organique, adoptée par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, modifiant la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale (n° 166, 2000-2001).
(La conférence des présidents a fixé à la clôture de la discussion générale le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)

Mercredi 31 janvier 2001 :

Ordre du jour prioritaire

A 15 heures :
Eventuellement, suite de l'ordre du jour de la veille.

Jeudi 1er février 2001 :

Ordre du jour prioritaire

A 9 h 30 :
1° Eventuellement, suite de l'ordre du jour de la veille.
A 15 heures :
2° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures.)

Ordre du jour prioritaire

3° Eventuellement, suite de l'ordre du jour du matin.
Mardi 6 février 2001 :
A 9 h 30 :
1° Dix-huit questions orales (l'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement) :
- n° 947 de M. André Maman à M. le ministre de l'éducation nationale (Moyens d'action du Comité national de lutte contre la violence à l'école) ;

- n° 958 de M. Jean-Pierre Demerliat à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (Situation financière des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement) ;

- n° 961 de M. Gérard Cornu à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés (Situation des masseurs-kinésithérapeutes) ;

- n° 965 de M. Daniel Goulet à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement (Enfouissement des déchets radioactifs) ;

- n° 968 de M. Jean Boyer à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie (Conséquences pour les communes de la fermeture de Superphénix) ;

- n° 970 de M. René-Pierre Signé à M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation (Difficultés des artisans bouchers-charcutiers résultant de l'épidémie d'ESB) ;

- n° 971 de M. Guy Vissac à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche (Epandage des boues d'épuration) ;

- n° 977 de M. Roger Karoutchi à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (Dégradation de la qualité des transports publics en Ile-de-France) ;

- n° 978 de Mme Nicole Borvo à M. le ministre de l'éducation nationale (Désamiantage de Jussieu) ;

- n° 980 de M. Martial Taugourdeau à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (Dysfonctionnements sur les liaisons ferroviaires Chartres-Paris et Dreux-Paris) ;

- n° 983 de Mme Marie-Claude Beaudeau à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (Haut Conseil du secteur financier public et semi-public) ;

- n° 985 de M. Bernard Fournier à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (Devenir de l'ingénierie publique) ;

- n° 992 de M. Michel Doublet à Mme le secrétaire d'Etat au budget (Redevance audiovisuelle due par les centres de formation pour apprentis) ;

- n° 995 de M. Philippe Arnaud à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice (Moyens de fonctionnement de la justice) ;

- n° 996 de M. Jean-Louis Lorrain à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (Difficultés de la fonction publique hospitalière) ;

- n° 999 de M. Aymeri de Montesquiou à Mme le ministre de la jeunesse et des sports (Création de centres sportifs de formation dans les zones rurales) ;

- n° 1000 de M. Lucien Neuwirth à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés (Déficit d'équipements en imagerie et en radiothérapie dans la Loire et conséquences pour la lutte contre le cancer) ;

- n° 1008 de M. Charles Descours à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (Malaise des infirmières).

A 16 heures :

Ordre du jour prioritaire

2° Eventuellement, suite de l'ordre du jour du jeudi 1er février 2001.

Mercredi 7 février 2001 :

Ordre du jour prioritaire

A 15 heures :
Eventuellement, suite de l'ordre du jour de la veille.

Jeudi 8 février 2001 :

Ordre du jour réservé

A 9 h 30 et à 15 heures :
Conclusions de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi de MM. Alain Lambert et Philippe Marini, portant création du revenu minimum d'activité (n° 317, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 7 février 2001, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)

A N N E X E
1. Questions orales inscrites à l'ordre du jour
de la séance du mardi 30 janvier 2001

N° 870. - M. Christian Demuynck attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation sur la drastique entrée en application de l'arrêté du 9 mai 1999. A compter du 16 mai 2000, ce dernier impose, en vertu d'une directive européenne, de nouvelles règles d'hygiène concernant les « aliments remis directement aux consommateurs ». Ces mesures touchent les marchés de plein air, les producteurs à la ferme et les fermes-auberges. Un tel dispositif juridique risque de mettre en cause l'existence de ces exploitations. Il y a ici une disproportion entre des normes tout autant applicables aux grands groupes industriels et aux petits exploitants incapables d'investir dans le matériel requis. Dans leur immense majorité, les petits producteurs ou artisans vendent des produits d'une excellente fraîcheur, car la marchandise n'est que peu de temps conservée. L'arrêté en cause ne va pas dans le sens d'une protection des marchés, au sein desquels certains exploitants contestent le bien-fondé d'une conservation à basse température, notamment s'agissant des fromages. Il met au contraire en péril la pérennité de ces lieux de rencontre. Il entend savoir si une telle sévérité du texte français, accentuée par rapport à la norme européenne, sera maintenue.
N° 885. - M. Philippe Richert attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur les problèmes budgétaires rencontrés par le secteur médico-social. Depuis la loi de finances pour 1999 (n° 98-1266 du 30 décembre 1998), l'enveloppe médico-sociale a été intégrée dans l'ONDAM (objectif national de dépenses de l'assurance maladie). Dès lors, les dépenses réelles de l'assurance maladie doivent respecter le montant des budgets alloués. Or, beaucoup d'établissements ont finalement des écarts de l'ordre de 10 à 15 % entre budget alloué et dépenses réelles. Ils ne peuvent équilibrer leurs comptes qu'en faisant de la suractivité réelle, c'est-à-dire en accueillant plus de personnes que leur agrément ne le leur permet (ce qui n'est pas sans poser des problèmes de qualité et de sécurité) ou en faisant de la suractivité fictive, c'est-à-dire en négociant avec la DDASS (direction départementale des affaires sanitaires et sociales) des prévisions de journées plus basses que celles qu'on va effectivement réaliser. Il s'agit de pratiques fallacieuses et malsaines dénoncées par les établissements ainsi que par les organisations professionnelles. Si personne ne conteste sur le fond les objectifs de rationalisation des dépenses de l'assurance maladie, il convient de reconnaître que certains établissements risquent d'être mis dans des situations financières inextricables du simple fait d'un décalage significatif entre leur prévision et leur réalisation de dépenses. L'existence de ce problème a été reconnue dans la circulaire budgétaire du 18 février 2000, mais pour l'instant aucune proposition concrète n'est parvenue aux intéressés. Aussi, il souhaiterait connaître ses intentions, afin que ce problème soit résolu au plus vite.
N° 922. - M. Xavier Darcos appelle l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur les vives préoccupations des secteurs de l'hospitalisation privée. En effet, de nombreux établissements privés sont à la limite de l'équilibre financier ou affirment être déficitaires (suppression de 200 lits à Bordeaux et 80 à Agen...). L'évolution de tarifs, surtout en 1999, a été trop faible pour contrebalancer l'augmentation des charges principalement due au surcoût engendré par l'application de la loi sur les trente-cinq heures. A ce jour, ces établissement ne peuvent répondre aux revendications salariales de leurs personnels, qui aspirent légitimement à des rémunérations équivalentes à celles de leurs homologues du secteur public. C'est pourquoi il lui demande si elle entend mettre en oeuvre une politique tarifaire traduisant une volonté de traitement équitable à l'égard des établissements de santé des deux secteurs hospitaliers et notamment des personnels qui y exercent.
N° 950. - M. Patrick Lassourd souhaite appeler l'attention de Mme le ministre de la culture et de la communication sur le caractère beaucoup trop contraignant des critères d'éligibilité aux subventions, pour la construction des bibliothèques, dans les petites villes et les zones rurales. Le critère de taille, déterminé par circulaire, de 7 mètres carrés pour 100 habitants, ne tient pas à l'épreuve du terrain, et s'avère hors de proportion eu égard au coût du bâtiment, et aux besoins réels de la population. Le critère de personnel, imposant un emploi à temps complet pour 2 000 habitants, et 50 % des emplois affectés aux catégories A ou B, se révèle également largement inadapté. Quand on connaît le rôle majeur joué par le bénévolat dans ces petites et moyennes bibliothèques, on mesure l'impossibilité pour les communes, d'assumer le coût de ces personnels. Il souhaite que ces critères puissent être revus, en rapportant de 7 à 5 mètres carrés le critère de taille pour 100 habitants, et en permettant aux communes de répondre progressivement au critère de personnel, par une montée en charge sur quatre ou cinq ans, qui facilitera par là même la transition avec les bénévoles. Il lui demande de bien vouloir examiner ces propositions, vitales pour la diffusion de la culture en zone rurale, et lui préciser sa position sur ce problème, pour répondre à une véritable attente, tant des communes que des citoyens.
N° 956. - M. Jean-Patrick Courtois appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur le nombre croissant d'actes d'incivilité, de délinquance et de délits de tous ordres, souvent passés sous silence, et presque toujours impunis, perpétrés dans la ville de Mâcon. Malgré une action exemplaire, le désarroi des forces de police aux premières lignes de cette lutte pour la garantie de nos libertés s'enracine dans une remarquable évidence : une part importante de cette délinquance est le fait de récidivistes connus sur place. Le taux d'élucidation des crimes et délits est de 35 % à Mâcon, ce qui est très faible quand on sait que ce chiffre exprime la part des infractions constatées dont le ou les auteurs ont été identifiés et entendus par procès-verbal. Or, beaucoup d'actes de petite délinquance, ceux qui embarrassent la vie quotidienne des Mâconnais, ne sont ni signalés ni enregistrés. De même, la délinquance des mineurs et les actes d'incivilité connaissent une augmentation foudroyante : tags, rackets, dégradations volontaires, véhicules incendiés, agressions se multiplient de toute part dans les quartiers de Mâcon. Il est donc essentiel que la politique de sécurité élaborée par les services de l'Etat se donne pour objectif la disparition de toute impunité, afin que les citoyens ne se sentent plus dans l'obligation de s'isoler chez eux pour ne pas mettre leur existence et leurs biens en danger. Mais encore faut-il leur en donner les moyens. Or, à Mâcon, le nombre des fonctionnaires de police a subi une baisse de douze postes et les crédits affectés à la Saône-et-Loire ont été diminués de plus de quatre cent mille francs. Devant cette situation intolérable qui affecte profondément les Mâconnais dans leur vie au quotidien, il lui demande de bien vouloir lui indiquer les mesures que le Gouvernement entend prendre pour procéder au rétablissement de l'effectif et pour amplifier la création de postes que nécessite la dérive de la situation actuelle en Mâconnais, et souhaite savoir quand ces mesures seront prises.
N° 960. - M. Pierre Lefebvre souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur les conditions d'enseignement, d'hébergement et de fonctionnement du lycée horticole de Raismes-Valenciennes. C'est d'ailleurs la répétition des circonstances qui, en 1981, ont conduit à son transfert de Valenciennes à Raismes. Le lycée professionnel horticole de Raismes est donc installé, depuis cette date, dans des locaux mis à sa disposition, à titre gracieux, par la commune, qui assure, par ailleurs, une grande partie de l'entretien. La ville de Raismes participe largement au financement de ses activités par une dotation annuelle de 150 000 francs, c'est-à-dire la moitié de ce que verse le ministère, et elle met également à la disposition des élèves ses installations municipales pour la pratique du sport. Il convient de préciser l'attrait particulier que l'enseignement horticole présente pour les publics en attente d'insertion sociale et professionnelle. L'effectif est ainsi passé de 160 en 1981 à 400 en 2000. Il lui précise que cet établissement ne dispose pas non plus de restauration scolaire et que les élèves mangent à l'extérieur en toutes saisons. Il est urgent d'envisager la reconstruction de ce lycée et la ville de Raismes, encore une fois, est déterminée à rechercher des terrains disponibles, qui sont sur la commune fort nombreux. Il joue et doit continuer à jouer un rôle important dans la formation des jeunes pour tout le sud du département.
N° 966. - M. Claude Haut attire l'attention de M. le ministre de la défense sur l'affectation, en juillet 1998, sur la base militaire d'Orange-Caritat, implantée au coeur d'une zone urbanisée _ sans aucune concertation au plan local, ni étude d'impact _, d'un escadron de transformation de pilotes sur Mirage 2000, générant une situation intolérable pour les habitants des communes riveraines de la base en raison des nuisances sonores produites par cette activité de formation d'élèves pilotes. Au plan local, les autorités militaires, conscientes des nuisances et de la gêne occasionnées aux riverains, ont consenti des aménagements aux conditions de survol des localités situées à proximité immédiate de la base. Mais ces concessions ont atteint aujourd'hui les limites des nécessités opérationnelles sans que les aménagements consentis permettent de rendre le niveau de nuisance acceptable par la population. Outre la légitime aspiration à la quiétude manifestée par nos concitoyens, ces nuisances phoniques quotidiennes réduisent à néant l'ensemble des efforts entrepris par les acteurs locaux en faveur du développement touristique, qui est conditionné par le respect de notre cadre et qualité de vie. La situation étant aujourd'hui bloquée, il lui demande, en conséquence, quelles solutions sont envisagées par son ministère afin de préserver l'environnement de ce secteur du Haut-Vaucluse, situé dans le triangle formé par les bases d'Orange, Salon-de-Provence et Istres, et s'il est envisageable à moyen terme de délocaliser cet escadron de formation.
N° 967. - M. Thierry Foucaud souhaiterait attirer l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur les modifications apportées en matière d'aide de l'Etat aux entreprises d'insertion. Ces entreprises bénéficiaient auparavant d'une aide forfaitaire attribuée par la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, et d'une aide globale de la direction des affaires sociales. La nécessité de renforcer l'accompagnement des salariés en insertion est reconnue par la loi de lutte contre les exclusions n° 98-657 du 29 juillet 1998, qui a modifié les modalités du soutien financier de l'Etat ; depuis 1999, les entreprises d'insertion se voient attribuer une seule aide au poste, forfaitaire et non indexée, ce qui génère des difficultés en cas d'augmentation du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC). Cette aide finance à la fois l'accompagnement social, l'encadrement et la moindre productivité des salariés en insertion. Les directions départementales de l'action sanitaire et sociale peuvent fournir, exceptionnellement, un soutien financier dans la mesure où l'entreprise d'insertion intervient auprès de publics spécifiques. Or les entreprises d'insertion connaissent les populations les plus en difficulté, dont l'accès à la qualification et à l'emploi imposent un encadrement fort. C'est d'autant plus vrai avec la reprise économique. Par ailleurs, ces entreprises interviennent dans des secteurs variés et les besoins d'encadrement sont différents d'un secteur à l'autre, mais aussi à l'intérieur d'un même secteur, selon les corps de métiers. L'attribution d'une aide au poste forfaitaire, non indexée, ne prend pas en compte ces réalités. Il en est de même pour les entreprises de travail temporaire d'insertion qui assurent, elles aussi, le changement de nature des difficultés sociales et professionnelles des salariés en insertion. Aussi, il lui demande quelles mesures elle envisage pour que l'accompagnement des salariés en insertion soit assuré dans les meilleures conditions.
N° 969. - En 1988, face aux nombreux attentats perpétrés en Corse et afin d'y maintenir néanmoins une bonne couverture des risques, les compagnies d'assurances s'étaient regroupées sous la forme d'un « pool des risques aggravés ». Ce dispositif a été reconduit chaque année en dépit de son coût élevé jusqu'au 31 décembre 2000 et a permis le maintien d'une offre d'assurance dans des conditions satisfaisantes aussi bien pour les risques des particuliers que pour ceux des entreprises et des collectivités territoriales.
Or, le Gouvernement a dissous ce pool le 30 juin 2000 pour les seules collectivités territoriales corses et les établissements publics. Cette situation paradoxale contraint aujourd'hui les collectivités publiques de Corse à subir les lois concurrentielles du marché de l'assurance, alors que les sociétés privées et les particuliers peuvent bénéficier d'une tarification par le biais du pool corse. Cette situation est contraire aux dispositions de l'article L. 126-2 du code des assurances qui organise la mutualisation du risque, notamment celui des attentats qui n'est pas spécifique aux départements de Corse.
Or, l'on constate que cette mutualisation est dévoyée d'autant que, pour la France continentale, les assureurs instituent une surprime de 1,70 % alors que la Corse bénéficie du « privilège » d'une surprime de 30 %.
En conséquence, M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra demande à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie pourquoi le pool des risques aggravés a été supprimé pour les seules collectivités, comment il entend remédier à cette situation et qu'adviendra-t-il lorsqu'une collectivité ne pourra s'assurer, faute de moyens financiers suffisants.
N° 973. - M. Léon Fatous attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur les lycées et collèges du Pas-de-Calais dont un certain nombre de postes, liés à des services, sont occupés par des personnes en contrat emploi-solidarité (CES).
Depuis quelques mois, les établissements ne peuvent plus renouveler ces contrats.
La direction départementale du travail a fait savoir aux principaux des collèges et aux proviseurs des lycées que pour l'année 2001 un nombre très restreint de contrats emploi consolidé (CEC) leur serait accordé.
Outre les problèmes humains que cela pose aux intéressés, il est évident que le fonctionnement des établissements en sera perturbé.
Aussi il lui demande quelles mesures il entend prendre pour rétablir une vie scolaire satisfaisante.
N° 974. - Mme Hélène Luc attire l'attention de Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés sur le remboursement des frais occasionnés par la photothérapie dynamique.
La dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA) touche actuellement un million de personnes, sur les dix millions de Français âgés de plus de soixante-cinq ans.
Cette pathologie dégénérescente du centre de la rétine _ la macula _ menace la vision. Toujours invalidante, elle pèse lourdement sur les actes de la vie quotidienne et peut aboutir à la cécité.
Dans sa forme dite « humide », l'évolution de la DMLA est rapide. Une technique très récente _ la photothérapie dynamique _ mise sur le marché depuis le 1er septembre 2000 et validée par le ministère de la Santé permet de stabiliser l'évolution du mal. Cette technique utilise une molécule chimique, la Visudyne, photo-sensibilisant qui se fixe sur les néo-vaisseaux. En irradiant le fond de l'oeil par une lumière laser, on provoque une réaction chimique qui détruit les néo-vaisseaux sans détruire la rétine.
Ce traitement doit être renouvelé au moins deux ou trois fois. Mais la Visudyne coûte cher (9 300 F l'ampoule) et elle n'est pas encore codifiée et, a fortiori, remboursée (même partiellement) par la sécurité sociale. Chaque intervention sur le patient dépasse 10 000 F. Un tel coût est insupportable pour les revenus modestes.
Elle lui demande donc quelles mesures peuvent être prises pour faire cesser ce qu'elle appellerait une médecine à deux vitesses.
N° 976. - M. Bernard Murat appelle l'attention de Mme le ministre délégué à la famille et à l'enfance sur la politique familiale. La famille contribue à l'équilibre et à l'harmonie sociale ; elle est un moteur de la croissance économique. En retour elle doit voir reconnaître sa fonction sociale et participer aux fruits de la croissance. La croissance économique a généré des moyens considérables qui ont fait naître, dans toutes les familles, l'espoir qu'elles seraient davantage écoutées et surtout davantage soutenues. En effet, les familles attendent des pouvoirs publics qu'ils renforcent leur pouvoir d'achat, d'une part, et qu'ils facilitent la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, d'autre part. Or, il constate que la confiscation des excédents de la branche famille du régime général et le plan de réforme fiscale annoncé en août dernier ne permettront pas l'élaboration d'une politique familiale à la hauteur de ses besoins. Il lui rappelle que la conduite d'une politique familiale ambitieuse ne peut reposer que sur des moyens importants. Tout d'abord, en ce qui concerne le pouvoir d'achat des familles, il lui demande, entre autres, le versement des allocations familiales dès le premier enfant, la suppression de la condition de ressources sur l'allocation pour jeune enfant ainsi que l'extension jusqu'à vingt-deux ans de l'âge limite de versement des prestations logement et du complément familial. Ensuite, en ce qui concerne la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, il estime nécessaire de renforcer la possibilité pour chaque famille de recourir au mode de garde de son choix. Or, les mesures annoncées en faveur de la garde des enfants demeurent insuffisantes parce que uniquement tournées vers l'accueil collectif. Aussi, il lui demande, entre autres, la suppression de l'abaissement du montant de l'allocation de garde d'enfant à domicile (AGED) ainsi que l'extension jusqu'au sixième anniversaire de l'enfant du temps partiel choisi.
N° 979. - M. Dominique Leclerc souhaite interroger Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés sur l'application du repos de sécurité qui limite l'enchaînement des nuits de garde et de journée de travail. Il lui serait reconnaissant de bien vouloir lui faire savoir si elle envisage de prendre effectivement des mesures afin que ce repos de sécurité devienne une réalité pour tous les médecins y compris les internes, et ce dès 2001.
N° 981. - Mme Danièle Pourtaud souhaite interroger Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur les aides à l'acquisition de véhicules propres.
La pollution atmosphérique crée de graves lésions respiratoires, notamment chez les jeunes enfants. Les conséquences néfastes de l'effet de serre sur les dérèglements climatiques ne sont par ailleurs plus à démontrer. Dans les grandes villes et à Paris, en particulier, cette pollution est essentiellement le produit de la circulation automobile.
La promotion des véhicules propres doit donc demeurer une priorité du Gouvernement. Le groupe socialiste du Sénat, qui, depuis quatre ans, proposait dans la loi de finances qu'un crédit d'impôt soit accordé aux acheteurs de véhicules propres, se félicite que le Gouvernement ait accepté de rendre cette mesure opérationnelle au 1er janvier 2001 à hauteur de 10 000 francs par véhicule.
Par ailleurs, notamment à Paris, un grand nombre de véhicules appartiennent aux administrations, à la Ville de Paris ou à d'autres personnes publiques comme la RATP. De même, les taxis représentent une partie importante du trafic.
Concernant les propriétaires de taxis, Mme le secrétaire d'Etat au budget a indiqué, lors de l'examen du projet de loi de finances 2001, qu'une aide de 20 000 francs leur était d'ores et déjà accordée pour s'équiper en véhicule propre.
De plus, l'article 24-III de la loi n° 96-1236 du 30 décembre 1996 sur l'air a introduit dans le code de la route une obligation pour l'Etat et pour certaines personnes publiques, lorsqu'ils gèrent une flotte de plus de 20 véhicules, d'acquérir, lors du renouvellement de leur flotte et dans une proportion de 20 % des véhicules fonctionnant à l'électricité, au gaz de pétrole liquéfié (GPL) ou au gaz naturel véhicule (GNV). Le décret d'application est entré en vigueur au début de l'année 1999.
Compte tenu de ces éléments, elle lui demande, d'une part, de bien vouloir lui préciser qui distribue l'aide aux propriétaires de taxis et selon quels critères et, d'autre part, de bien vouloir lui fournir un bilan de l'application de l'article 24-III de la loi sur l'air.
N° 986. - M. René Marquès appelle l'attention de Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés sur le problème de la dialyse en France.
Il lui indique qu'aujourd'hui les traitements de dialyse dits « hors centre », c'est-à-dire à domicile et dans les centres d'autodialyse, ont été largement développés et ont permis un moindre coût de cette pathologie lourde.
Il lui rappelle que la nécessité d'augmenter le nombre de postes de dialyse en centre, soumis à la régulation par la carte sanitaire, vient d'être reconnue, puisqu'un indice des besoins plus large a été décidé par le secrétariat d'Etat à la santé et aux handicapés en août 1999.
Or, il lui indique que la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM), dans les dernières propositions adoptées par le conseil d'administration au cours de sa séance du 7 novembre 2000, propose à l'agrément du ministre des mesures de diminution de la valeur de l'acte de surveillance en hémodialyse.
En allant jusqu'au bout d'une logique de régulation strictement comptable, il lui fait observer que la CNAM ne prend pas en compte les besoins de santé publique de la population, puisque le traitement par hémodialyse est indispensable à la vie de ces populations fragiles.
Il lui précise que la mesure de baisse de l'honoraire de surveillance d'hémodialyse représente 5,5 % de décote, après une décote de 7,5 % intervenue il y a à peine plus de trois ans pour le même acte médical. Il lui rappelle que l'acte de surveillance d'hémodialyse constitue 90 % environ du chiffre d'affaires des néphrologues qui verraient ainsi leur spécialité touchée par une décote de 13 % en trois ans.
Il lui fait observer que cette évolution ne fait que correspondre à un besoin de santé publique et touche une spécialité médicale très astreignante.
C'est la raison pour laquelle il lui demande quelles mesures elle compte prendre pour remédier à cette situation inacceptable, s'agissant d'un problème visant à la défense de la qualité des soins apportés au patient et d'une réponse à un besoin en termes de santé publique, dont ni les professionnels concernés, ni les patients, ne sauraient être les victimes.
N° 987. - M. Philippe Nogrix appelle l'attention de Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés sur l'annonce faite par le Gouvernement d'étendre à tous les départements français le dépistage gratuit du cancer du sein.
Il lui rappelle que la campagne de dépistage du cancer du sein existe uniquement dans 32 départements français et que la généralisation annoncée par le Gouvernement tarde à se mettre en place.
Il lui indique que ce retard est non seulement dommageable pour les femmes des 65 départements qui ne peuvent en bénéficier, mais qu'il risque également de perturber gravement les campagnes en cours dans les 32 départements pionniers.
Il lui précise, en effet, que la direction générale de la santé, pour se conformer aux recommandations scientifiques, a préconisé aux radiologues participant à ce dépistage de réaliser pour chaque femme non plus une mais deux incidences par sein, ce qui revient à doubler l'examen en clichés, en temps, en consommables et en usure de matériel. Il lui indique que pour cette modification technique la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) a décidé de fixer la rémunération à 280 francs alors qu'elle était précédemment à 250 francs (tarif en vigueur depuis 1992).
Il lui indique que l'évolution tarifaire est extrêmement faible alors que les exigences ont pratiquement doublé depuis 1992, et que cet état de fait est ressenti par les professionnels comme une véritable provocation, d'autant que ce tarif a été fixé sans la moindre concertation avec les intéressés.
Il lui fait observer que dans les 32 départements pionniers les radiologues se sont réellement investis dans cette opération de santé publique qui, financièrement, n'était pas très intéressante pour eux puisque, dans le même temps, une mammographie complète est tarifée à environ 434 francs.
En conséquence, il lui indique que dans ces départements, en situation de crise et de blocage risquant de ruiner les campagnes en cours, la solution serait bien entendu la généralisation du dépistage à la France entière avec fixation d'un tarif raisonnable.
Il lui demande donc de bien vouloir lui indiquer si cette généralisation du dépistage du cancer du sein va bientôt prendre effet.
N° 990. - M. Roland Muzeau attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les conséquences économiques et sociales qu'entraînerait la suppression du centre de recherche d'Atofina, à Levallois. Depuis la fusion l'an dernier des groupes TotalFina et Elf donnant naissance à un des cinq plus grands groupes mondiaux dans le domaine du pétrole et de la chimie, restructurations et plans sociaux se sont succédé. Sur les 1 500 postes de recherche, 1 sur 3 est menacé de suppression ou de transfert. L'émotion des cadres, techniciens, employés et ouvriers est d'autant plus vive que les suppressions et délocalisations interviennent dans un contexte de plusieurs années d'excellents résultats financiers et de perspectives de commandes excellentes. Et pourtant, Atofina prévoit de fermer à Levallois son centre de recherche appliquée qui occupe 240 personnes recherchant, à partir des produits chimiques existants, des applications socialement utiles, notamment dans le domaine de la protection de notre environnement, tels que les substituts aux composants attaquant la couche d'ozone, les moyens de traiter les eaux polluées, la neutralisation des rejets produits par l'industrie papetière. Outre son utilité reconnue, ce centre n'est en aucune façon en doublon avec les autres centres issus de la fusion _ Feluy en Belgique et La Porte aux USA _ et personne ne conteste son intérêt stratégique lié à sa position en région parisienne (c'est le seul centre de recherche de la région dans ce domaine), à la proximité avec le siège social, à sa bonne desserte et aux synergies existantes avec la communauté scientifique d'Ile-de-France (la troisième mondiale). Le maintien sur le site ou dans un secteur proche de La Défense comporte beaucoup plus d'atouts que la délocalisation et la dispersion, comme le démontre le résultat de l'audit réalisé à la demande de l'intersyndicale. S'agissant, dans le cadre de la production d'énergie, de recherches ayant des implications sur l'environnement, le Gouvernement ne peut se désintéresser des effets négatifs d'une OPA (offre publique d'achat) dont il a accepté le principe. Aussi lui demande-t-il ce qu'il pense de la fermeture du centre de Levallois et quelles sont les interventions qu'il compte entreprendre pour maintenir les emplois et les activités de recherche dans la région.

Questions orales inscrites à l'ordre du jour
du mardi 6 février 2001

N° 947. - M. André Maman appelle l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur les moyens d'action du Comité national de lutte contre la violence à l'école, récemment créé.
Il lui rappelle, en effet, que le Comité national de lutte contre la violence à l'école, qui a été officiellement installé le 24 octobre dernier, a pour objectif d'identifier et d'analyser les phénomènes de violence à l'école et de proposer des réponses, visant à lutter contre les diverses manifestations de ces phénomènes. Parallèlement, une mission a été mise sur pied, afin d'organiser prochainement une campagne de mobilisation contre la violence, mission qui doit être menée en étroite collaboration avec le Comité national de lutte contre la violence à l'école. S'il se félicite de la création d'une telle instance, il se demande quels sont les moyens qui ont été prévus, afin de garantir l'efficacité de la lutte menée contre la violence à l'école.
En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui indiquer quelles sont les mesures que son ministère entend initier afin que les déclarations d'intention soient suivies d'effet et que cette initiative ne reste pas lettre morte.
N° 958. - M. Jean-Pierre Demerliat attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur la situation financière délicate dans laquelle se trouvent un certain nombre de conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE). Ces organismes ont, aux termes de l'article 7 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l'architecture, « pour mission de développer l'information, la sensibilité et l'esprit de participation du public dans le domaine de l'architecture, de l'urbanisme et de l'environnement ». Ils sont « à la disposition des collectivités qui peuvent les consulter sur tout projet d'urbanisme, d'architecture ou d'environnement ». Ces prestations, gratuites, sont particulièrement appréciées des maires des petites communes, qui trouvent là une aide précieuse pour leurs choix d'urbanisme, d'aménagement et de développement. Pour leur financement, les CAUE bénéficient de la taxe départementale pour les CAUE, qui est instituée par délibération du conseil général. Cette taxe est calculée sur la même base que la taxe locale d'équipement. L'assiette de cette taxe n'est donc pas stable, du fait notamment de l'irrégularité du rythme des constructions. Cette évolution pourrait ouvrir la voie à des difficultés budgétaires pour les CAUE. Il souhaite donc savoir quelles solutions le Gouvernement compte proposer pour garantir des ressources stables aux CAUE, afin de les rassurer sur leur avenir et leur pérennité.
N° 961. - M. Gérard Cornu appelle l'attention de Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés sur la situation des masseurs-kinésithérapeutes rééducateurs libéraux. Au mois d'août 2000, le conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) a décidé arbitrairement la baisse de leurs honoraires de 3 %, ramenant la valeur de leur lettre clé AMK à celle qu'elle était en avril 1997. Cette baisse a été décidée consécutivement à l'augmentation en volume des soins remboursés aux assurés sociaux au cours du premier quadrimestre 2000, à laquelle il a été ajouté les sanctions collectives en cas de dépassement des enveloppes. Or, cette augmentation est essentiellement due aux retards pris par les caisses dans le remboursement aux assurés en 1999 et à l'instauration de la couverture maladie universelle (CMU). La kinésithérapie libérale, qui ne représente que 0,9 % du budget total de la sécurité sociale, contre 58 % de dépenses hospitalières, voit dans cette décision une maîtrise purement comptable de la gestion du système de soins qui refuse de prendre en compte le réel besoin de nos concitoyens en matière de santé. En conséquence, il lui demande de bien vouloir mettre tout en oeuvre afin de redonner aux masseurs-kinésithérapeutes libéraux la considération qu'ils sont en droit d'attendre en réajustant à son niveau 2000 la valeur de leur lettre clé et afin d'empêcher à l'avenir que la CNAM ne prenne de telles décisions sans aucune concertation préalable avec les professionnels concernés.
N° 965. - M. Daniel Goulet interroge Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement au sujet de l'enfouissement des déchets radioactifs.
En effet, l'application de la loi n° 91-1381 du 30 décembre 1991 donne lieu à des difficultés d'interprétation.
Ainsi le projet d'ouverture d'un second site d'enfouissement des déchets radioactifs est programmé dans le secteur d'ATHIS, dans l'Orne.
La suspension de la « mission granite » n'a rassuré ni les riverains, ni les associations de défense de l'environnement, ni les élus.
Il lui demande de donner au Sénat quelques assurances, notamment sur la prise en charge par la future Agence française de sécurité sanitaire environnementale des questions touchant au nucléaire, comme le Sénat l'a demandé par amendement.
Il lui demande de lui donner l'assurance qu'aucun nouveau projet de site d'enfouissement n'est à l'étude dans le secteur d'ATHIS, dans l'Orne.
N° 968. - M. Jean Boyer attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à l'industrie sur la situation financière excessivement délicate des communes du canton de MORESTEL suite aux promesses non tenues par le Gouvernement quant à la prise en charge du remboursement des emprunts réalisés par ces communes.
Effectivement, du fait de l'arrêt de SUPERPHÉNIX, la taxe professionnelle a été supprimée.
Aujourd'hui, des négociations sont en cours entre les communes concernées et la préfecture de l'Isère, c'est pourquoi il lui demande où en sont ces négociations et quel résultat peut-on en escompter.
N° 970. - M. René-Pierre Signé souhaite attirer l'attention de M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation sur les difficultés que rencontrent les artisans bouchers-charcutiers en raison de la psychose créée par les récentes informations diffusées à propos de l'épidémie d'encéphalopathie spongiforme bovine.
Les professionnels de la boucherie-charcuterie exercent, de façon générale, leur métier de façon irréprochable. Ils sont, au contact de leurs clients, les derniers maillons d'une véritable chaîne de qualité.
Après avoir subi une baisse de consommation particulièrement importante, les bouchers-charcutiers sont inquiets des nombreuses incertitudes qui subsistent quant à l'information véritable des consommateurs. Le plan présenté par le Premier ministre, le 14 novembre 2000, contenait certes une disposition visant à restaurer la confiance, au travers d'un numéro vert et d'un guide qui a été depuis diffusé par l'OFIVAL (Office national interprofessionnel des viandes, de l'élevage et de l'aviculture).
Mais si la consommation doit reprendre peu à peu, ce que les analystes du marché appellent « l'indice de confiance » des Français envers la viande bovine demeure très faible, inférieur à 30 % pour être précis.
Une information est nécessaire ; une information précise et complète, sous peine d'entretenir la psychose et de commettre des erreurs.
Par ailleurs, des décisions prises par certains élus, et relatives au retrait de la viande des cantines scolaires, laissent à penser que le muscle de bovin peut être un produit à risque. C'est pourtant scientifiquement faux. Est-il normal de laisser à des non-spécialistes l'appréciation d'un tel risque, quand les pouvoirs publics eux-mêmes s'en remettent à des spécialistes ?
Il lui demande donc si de nouvelles mesures de protection de la profession d'artisan boucher-charcutier sont envisagées. Ces mesures sont assurément nécessaires et indispensables.
N° 971. - M. Guy Vissac attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur le grave problème de l'épandage des boues d'épuration. Il lui rappelle que la plupart des boues urbaines issues des stations d'épuration en France sont épandues sur des terres agricoles (60 %), le reste étant soit incinéré soit mis en décharge. S'agissant de l'incinération, dont le coût est nettement plus élevé que l'épandage agricole, celle-ci restera la seule alternative envisageable, compte tenu des dispositions législatives limitant la mise en décharge aux seuls déchets ultimes à partir de 2002. Il lui rappelle également que, dès 1997, les organisations professionnelles ou syndicales agricoles commencèrent à demander aux agriculteurs de suspendre tout épandage de boues. En février 1998, un comité national de l'épandage a été mis en place. Les agriculteurs ont également sollicité la création d'un fonds de garantie pour permettre l'indemnisation de dommages éventuels et pour garantir le risque environnemental à long terme. Face à une situation bloquée, les élus locaux ayant les pires difficultés pour réaliser l'épandage des boues, il souhaiterait savoir quelles solutions sont envisagées pour que ce problème des boues ne devienne pas un fardeau financier pour les communes, notamment en Haute-Loire.
N° 977. - M. Roger Karoutchi attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur la dégradation de la qualité du service dans les transports publics d'Ile-de-France.
Il constate que, depuis plusieurs années, du fait du désengagement progressif de l'Etat, les transports publics coûtent de plus en plus cher aux usagers et aux collectivités locales franciliennes. Ainsi, il observe que pour la seule année 2000, le prix du carnet de 10 tickets de métro a augmenté de 5,45 %, ce qui correspond à une progression très sensiblement supérieure à celle des prix. La contribution des voyageurs à l'exploitation de la RATP est ainsi passée de 40,5 % en 1996 à près de 45 % aujourd'hui. Il lui fait remarquer que, dans le même temps, la région Ile-de-France n'a cessé d'accroître sa contribution au financement des infrastructures, des opérations d'accessibilité des réseaux, de la sécurisation des transports collectifs, de radio-localisation des bus, de restructuration et de rénovation des gares et stations, de réorganisation des pôles d'échanges, de rénovation et réfection du matériel roulant.
Or, il constate que malgré l'accroissement sensible de ces sources de financement, la qualité du service ne cesse de se dégrader : détérioration du matériel roulant (graffitis, tags, lacération des sièges...), perturbations et nombreux retards dans le trafic ferroviaire et métropolitain, fraude massive sur l'ensemble des réseaux et atteintes à la sécurité des voyageurs sur le réseau en très nette augmentation (+ 10 % pour le premier semestre 2000).
Il lui rappelle que la réforme du syndicat des transports parisiens, très insuffisante par rapport à la décentralisation attendue, laisse à l'Etat la véritable tutelle ainsi celle des deux entreprises de transport (SNCF et RATP).
En conséquence, il lui demande quelles mesures il entend prendre, en liaison avec les entreprises, pour remédier à ces dysfonctionnements, rétablir le droit sur les réseaux ferrés d'Ile-de-France et assurer la sécurité des personnes et des biens.
N° 978. - Mme Nicole Borvo attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur le chantier de désamiantage du campus de Jussieu.
Alors qu'il y a quatre ans, le 4 décembre 1996, un contrat était signé par le ministre de l'éducation nationale de l'époque prévoyant de désamianter et de mettre en sécurité le campus de Jussieu en trois ans, les travaux ne sont terminés que pour une seule « barre », soit 2,5 % de la surface à traiter. Quelque 7,5 % sont en travaux et il est projeté de mettre en chantier 10 % du campus au cours de l'année prochaine.
Restent 80 % du campus pour lesquels rien n'est programmé. On ne peut qu'être inquiet quant à cette situation qui oblige 50 000 personnes à fréquenter un campus sans signal d'alarme et avec des bâtiments dont la tenue au feu est de dix minutes au lieu de la durée réglementaire fixée à 1 h 30.
Pourtant l'établissement public en charge du chantier, après avoir fixé lui-même un calendrier de travaux de cinq ans à l'automne 1997, n'a jamais respecté ces délais.
Elle lui demande quelles mesures il envisage de prendre pour accélérer les travaux de manière significative.
N° 980. - M. Martial Taugourdeau appelle l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur les dysfonctionnements des lignes SNCF Chartres-Paris et Dreux-Paris : retards incessants, suppressions de trains, manque d'information des voyageurs, stationnement des trains hors des quais en gare, suppression de voitures, confort médiocre proposé sur des lignes et dans des gares particulièrement bien fréquentées.
Tout en regrettant qu'aucun crédit n'ait été inscrit au contrat de plan Etat-Région pour l'amélioration de ces liaisons, il lui demande quelles mesures il compte prendre pour remédier aux difficultés quotidiennes et persistantes rencontrées par les usagers de ces liaisons ferroviaires au regard du service attendu et des conditions de sécurité.
Par ailleurs, il serait bon que la SNCF puisse dédommager les usagers pour les conditions particulièrement déplorables de transport des mois d'octobre et de novembre 2000.
N° 983. - Mme Marie-Claude Beaudeau attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la composition, la vocation, les missions du Haut Conseil du secteur financier public et semi-public installé le 4 octobre 2000. Elle lui demande s'il s'agit de la reconnaissance du pôle financier public créé en application de la loi n° 99-532 du 25 juin 1999 et structuré autour de la Caisse des dépôts et consignations, et comprenant la Caisse nationale de prévoyance, La Poste, la Banque de développement des petites et moyennes entreprises, les caisses d'épargne et le Crédit foncier. Elle lui demande de lui préciser si ce « pôle » aura bien pour vocation d'animer une forme importante du service public, de l'épargne, du crédit au service du financement de l'emploi et de la formation, ainsi que les premières actions instruites par le Haut Conseil. Elle lui demande, après la première réunion de ce Haut Conseil, si les mesures définies n'ont pas pour objectif de valoriser un système essentiellement fondé sur des résultats et non sur la notion première d'intérêt public. Elle lui demande également de lui faire connaître les raisons pour lesquelles ne figurent plus dans la composition de ce « pôle » public la Banque de France, l'Agence française de développement et certains organismes de soutien au commerce extérieur, à la recherche et celles justifiant l'absence dans le Haut Conseil de représentant de la Caisse des dépôts et consignations, aux côtés de ceux de la Caisse d'épargne.
N° 985. - M. Bernard Fournier appelle l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur le devenir de l'ingénierie publique.
Les ingénieurs intervenant dans ce cadre remplissent des missions fondamentales de conseil auprès des collectivités locales, assurant ainsi une assistance particulière au nom de l'Etat, lequel est alors un partenaire aidant les communes et les établissements de coopération intercommunale à respecter les contraintes de la réglementation. L'ingénierie publique exerce donc des missions de solidarité de l'Etat et d'impulseur des politiques publiques.
Depuis début 2000, des interrogations se font jour, notamment dans la perspective de l'entrée de l'ingénierie publique dans le champ concurrentiel au regard de l'applicabilité de la directive européenne « services » et de la réforme du code des marchés publics.
Les missions de l'ingénierie publique sont remises en cause de sorte que les personnels et les élus locaux s'interrogent sur la pérennité de la conception de l'action de l'Etat auprès des collectivités, d'une part, mais aussi, d'autre part, quant à l'implantation de la présence de l'Etat sur le territoire, notamment par le biais des subdivisions de l'équipement.
Aussi il le remercie de lui indiquer si l'Etat entend se désengager de ces missions d'ingénierie publique, si la voie législative sera préférée à la réforme réglementaire afin de permettre à la représentation nationale, et plus particulièrement au Sénat, de se prononcer et de lui préciser enfin l'état de la réflexion et des orientations du Gouvernement dans ce domaine.
N° 992. - M. Michel Doublet attire l'attention de Mme le secrétaire d'Etat au budget sur la situation des centres de formation pour apprentis assujettis au paiement de la redevance audiovisuelle pour les appareils utilisés à des fins pédagogiques. Il lui demande dans quelles conditions les CFA peuvent bénéficier de la mise hors champ de la redevance et s'ils sont considérés comme des établissements publics de l'Etat.
N° 995. - M. Philippe Arnaud attire l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'inquiétude grandissante en ce début d'année de bon nombre de magistrats et d'auxiliaires de justice. En refusant de se rendre aux audiences de rentrée certains ont clairement manifesté leur légitime mécontentement.
Les récentes dispositions adoptées par le Parlement, qui constituent pour le justiciable de réelles et appréciables avancées sur le plan des libertés fondamentales, ont des répercussions majeures sur l'organisation et le travail de la justice. Or, il apparaît que celles-ci ont été insuffisamment envisagées lors des débats relatifs au vote du budget de la justice que la majorité sénatoriale a décidé de rejeter pour ces raisons.
En augmentant de façon significative le nombre de missions incombant au personnel judiciaire, sans les accompagner du financement nécessaire à leur bonne exécution, le Gouvernement est venu aggraver une situation déjà fort préoccupante.
Chacun, en effet, depuis de nombreuses années déjà, s'accorde à souligner l'impuissance d'une justice, régulièrement condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme pour dépassement des « délais raisonnables d'instance », qui s'épuise à remplir toutes ses tâches, accablée par leur poids et perdue dans leur complexité.
En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui indiquer les mesures que le Gouvernement entend prendre pour pallier les insuffisances de moyens afin que la justice redevienne ce qu'elle a vocation à être _ une priorité de l'Etat _, et si elle entend accéder à la demande d'une indispensable création de poste de substitut du procureur au tribunal de grande instance d'Angoulême.
N° 996. - M. Jean-Louis Lorrain appelle l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur les difficultés actuelles de la fonction publique hospitalière.
L'augmentation significative de l'emploi précaire, signalée dans le rapport Roche, ne prend pas en compte l'importance des effectifs non médicaux.
Le temps de travail du personnel de nuit a été fixé en 1994 sur la base de 35 heures hebdomadaires, soit 220 jours de présence ou 1 540 heures ouvrées. Or, le décret relatif à l'aménagement du temps de travail dans la fonction publique d'Etat prévoit un décompte du temps de travail sur une base annuelle de 1 600 heures ouvrées.
Il est compréhensible qu'un décret particulier soit le souhait des syndicats, incluant un cadre réglementaire national, défini sur la base existante (ordonnance de mars 1982, décret d'octobre 1982).
Les personnels hospitaliers s'opposeront donc à la flexibilité comme mode de gestion des effectifs. Ils estiment que la nouvelle réduction du temps de travail ne doit pas systématiquement générer l'annualisation des salaires.
Par ailleurs, les cadres hospitaliers constatent la dégradation de leurs conditions de travail : la surcharge de travail qui pèse sur eux, liée à la multiplicité et à la complexité des dossiers à gérer, entraîne régulièrement le dépassement du temps réglementaire. Elle a un impact négatif sur la vie privée et la santé des intéressés.
De plus, les statuts des différentes filières professionnelles sont maintenant obsolètes. L'activité professionnelle requiert des compétences techniques de plus en plus pointues. L'absence de promotion bouche l'horizon de l'encadrement hospitalier et les grilles indiciaires connaissent un phénomène d'écrasement. L'inadéquation des rémunérations aux responsabilités assumées, les insuffisances de la formation initiale face aux enjeux actuels, nécessitent des mesures urgentes.
Quelle politique compte mener à court et à moyen terme le ministère de l'emploi et de la solidarité pour remédier aux difficultés précitées.
N° 999. - M. Aymeri de Montesquiou appelle l'attention de Mme le ministre de la jeunesse et des sports sur la nécessité de développer des centres sportifs de formation dans les zones rurales. Si notre pays a la chance de posséder actuellement de très grands sportifs qui constituent des exemples pour notre jeunesse, la relève se prépare dès aujourd'hui en repérant de nouveaux talents sur l'ensemble du territoire, par exemple dans les sports collectifs comme le rugby, le basket, le football, qui développent à la fois l'esprit de compétition et de solidarité. Or, dans les zones rurales, et malgré les compétences et le dévouement des entraîneurs dans les écoles de sport des petits clubs, les jeunes talents issus de la ruralité ne bénéficient pas des mêmes chances que ceux issus des grands centres urbains. Afin qu'ils puissent mieux concilier entraînement intensif et scolarité, il serait donc utile de créer des centres sportifs de formation de niveau intermédiaire dans les zones rurales. Il lui demande si elle est favorable à la création de tels centres et si elle entend prendre les moyens nécessaires.
N° 1000. - M. Lucien Neuwirth attire l'attention de Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés sur l'important déficit d'équipements de radiothérapie et d'imagerie médicale dont souffre le département de la Loire, plus spécialement dans le cadre de la lutte contre le cancer.
La vétusté du parc des appareils en hôpitaux publics ou participant au service hospitalier public est reconnue par tous les professionnels de santé concernés : par exemple, quatre accélérateurs sur cinq sont âgés de plus de quinze ans, leur taux de panne est très fréquent, la fiabilité des appareils très aléatoire, à la merci d'une panne définitive. L'institut de cancérologie de la Loire est en attente de sa mise en service depuis plusieurs années, et les deux nouveaux accélérateurs linéaires promis pour fin 2000, pour remplacer les appareils de radiothérapie déficients et actuellement totalement saturés, ne sont pas au rendez-vous ; un troisième IRM s'avérerait d'ailleurs indispensable. Les deux seules autorisations de chambre de curiethérapie du département de la Loire ne semblent pas être reconduites. Aucun pet-scan n'est encore installé, ni d'appareil de radiothérapie équipé d'un système d'imagerie portable pour répondre aux besoins nouveaux et faciliter les diagnostics précoces.
Une telle situation fait perdre aux patients cancéreux de la Loire des chances de guérison et ce, malgré les efforts et le dévouement du personnel médical et soignant.
Il lui demande quand elle compte mettre un terme à cette situation.
N° 1008. - M. Charles Descours attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur le malaise des infirmiers et infirmières des blocs opératoires et anesthésistes.
Au printemps dernier, ces professionnels avaient engagé un mouvement revendicatif de grève pour demander à la fois une amélioration salariale en modifiant la grille indiciaire et une reconnaissance statutaire de leur profession.
Ils ont suspendu ce mouvement sous la promesse du ministre de l'emploi et de la solidarité que les négociations sur un avenant débuteraient au 1er décembre 2000 et que le décret de compétences dont les travaux touchent à leur fin serait publié l'été dernier.
En effet, dans une lettre datée du 18 mai 2000 et adressée aux organisations syndicales, votre prédécesseur proposait cette date pour la sortie du décret et déclarait que : « les négociations seront conduites en parallèle, pour chacune des professions concernées. Ainsi, la négociation sur le statut des infirmières s'ouvrira-t-elle dès le 1er décembre prochain sur la base d'une grille indiciaire spécifique. »
Or le décret de compétences n'est toujours pas sorti le 25 janvier 2001 et les propositions du Gouvernement du 1er décembre ont été telles que le 24 janvier les infirmiers et infirmières ont déclenché une journée « blocs opératoires morts ».
En conséquence, il lui demande quelles mesures elle compte prendre pour mettre fin à cette situation préjudiciable à la santé de nos concitoyens.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Statut des caisses d'épargne

1007. - 25 janvier 2001. - M. Gérard Delfau attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la mise en place du nouveau statut des caisses d'épargne, auquel le Parlement accorde une attention toute particulière. Il constate une inquiétude chez les personnels, à qui la nouvelle direction a fixé des critères de rentabilité dignes du secteur privé ; ces salariés, soumis à une logique de productivité très forte, craignant de devoir se désengager de leur mission traditionnelle auprès de la clientèle populaire ; ils se demandent si nombre de caisses locales ne risquent pas d'être regroupées, au détriment du service de proximité. Il souhaiterait savoir, en outre, si les grandes orientations fixées par la caisse centrale au sujet des « missions d'intérêt général » sont conformes à l'esprit de la loi n° 99-532 du 25 juin 1999, en termes d'engagements financiers et dans le choix des chantiers. S'agissant de la synergie avec le Crédit foncier, il voudrait savoir si les objectifs fixés par le ministère de tutelle seront atteints. Plus généralement, il voudrait connaître son sentiment sur le rôle que la Caisse des dépôts et consignations peut jouer dans cet ensemble d'établissements financiers et semi-publics.

Malaise des infirmiers et infirmières

1008. - 25 janvier 2001. - M. Charles Descours attirr l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur le malaise des infirmiers et infirmières des blocs opératoires et anesthésistes. Au printemps dernier, ces professionnels avaient engagé un mouvement revendicatif de grève pour demander à la fois une amélioration salariale en modifiant la grille indiciaire et une reconnaissance statutaire de leur profession. Ils ont suspendu ce mouvement sous la promesse du ministre de l'emploi et de la solidarité que les négociations sur un avenant débuteraient au 1er décembre 2000, et que le décret de compétences dont les travaux touchent à leur fin serait publié l'été dernier. En effet, dans une lettre datée du 18 mai 2000 et adressée aux organisations syndicales votre prédécesseur proposait cette date pour la sortie du décret et déclarait que : « les négociations seront conduites en parallèle, pour chacune des professions concernées. Ainsi, la négociation sur le statut des infirmières s'ouvrira-t-elle dès le 1er décembre prochain sur la base d'une grille indiciaire spécifique. » Or le décret de compétences n'est toujours pas sorti le 25 janvier 2001 et les propositions du Gouvernement du 1er décembre ont été telles, que le 24 janvier, les infirmiers et infirmières ont déclenché une journée « blocs opératoires morts ». En conséquence, il lui demande quelles mesures elle compte prendre pour mettre fin à cette situation préjudiciable à la santé de nos concitoyens.

Fret ferroviaire dans le bassin d'Alès

1009. - 25 janvier 2001. - M. André Rouvière appelle l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur les difficultés que rencontre un industriel du bois pour être desservi par le mode ferroviaire. En effet, cet industriel qui fabrique des palettes à Bessèges, dans le Gard, souhaite s'approvisionner par fer en bois de sciage auprès de la société Archimbaud située dans les Landes. Or, la direction des chemins de fer propose un transport par fer depuis la gare de Labouheyre (40) jusqu'à Alès (30), puis le transbordement sur camion jusqu'à Bessèges. Cette proposition est surprenante puisque la ligne de chemin de fer vient jusqu'à Bessèges et que le fret arrive à Saint-Ambroix, ville située entre Alès et Bessèges, et qui n'est qu'à 10 kilomètres en aval de Bessèges. Il est étonnant de constater que la Société nationale des chemins de fer ne trouve pas de solution. Ce problème est important pour la société de palettes (SPB) concernée mais aussi pour d'autres industriels qui souhaiteraient s'implanter dans la région. Il semblerait que la SNCF ne soit pas intéressée pour trouver une solution plus rationnelle. Cela paraît être un petit problème pour le chemin de fer mais il est très important pour le bassin industriel et vital pour la SPB. Le sachant très attaché au chemin de fer, il lui demande ce qu'il pense faire pour inciter les responsables du rail et du train à trouver une solution à ce sujet.