SEANCE DU 25 JANVIER 2001
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Rappel au règlement
(p.
1
).
MM. Patrice Gélard, le président.
3.
Date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale.
- Suite de la discussion d'une proposition de loi organique déclarée
d'urgence (p.
2
).
Discussion générale
(suite)
: MM. Bernard Fournier, Jean Boyer, Paul
Blanc, François Gerbaud, Georges Gruillot.
Suspension et reprise de la séance (p. 3 )
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
4. Questions d'actualité au Gouvernement (p. 4 ).
CHIFFRES DE LA DÉLINQUANCE (p. 5 )
MM. Ladislas Poniatowski, Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement.
FINANCEMENT DES RETRAITES
ET ATTITUDE DU MEDEF (p.
6
)
M. Claude Domeizel, Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille et à l'enfance.
FINANCEMENT DES 35 HEURES DANS LA FONCTION PUBLIQUE
ET RETRAITES DES FONCTIONNAIRES (p.
7
)
MM. Jean-Paul Hugot, Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
SITUATION DES INFIRMIÈRES (p. 8 )
M. Jean-Pierre Fourcade, Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille et
à l'enfance.
5.
Souhaits de bienvenue à une délégation de parlementaires suisses
(p.
9
).
6.
Questions d'actualité au Gouvernement
(suite)
(p.
10
).
FINANCEMENT DES RETRAITES
ET ATTITUDE DU MEDEF (p.
11
)
M. Thierry Foucaud, Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille et à l'enfance.
APPLICATION DE LA CIRCULAIRE SUR LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL
SUR LES ROUTES L'HIVER (p.
12
)
MM. Jean-Paul Amoudry, Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.
APPLICATION DE LA LOI SUR LES 35 HEURES
DANS LES PME (p.
13
)
M. Jean Boyer, Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille et à l'enfance.
PLAN DE PROTECTION DE L'ENFANCE (p. 14 )
Mmes Claire-Lise Campion, Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille et à l'enfance.
INSÉCURITÉ (p. 15 )
MM. Paul Blanc, Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement.
MOYENS DE LA JUSTICE (p. 16 )
MM. Dominique Leclerc, Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement.
Suspension et reprise de la séance (p. 17 )
PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
7.
Conférence des présidents
(p.
18
).
8.
Communication d'un avis au Parlement
(p.
19
).
9.
Date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale.
- Suite de la discussion d'une proposition de loi organique déclarée
d'urgence (p.
20
).
Discussion générale
(suite)
: MM. Patrice Gélard, Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement ; Christian Bonnet, rapporteur de la
commission des lois ; Alain Gournac, Mme Nelly Olin, MM. Jean-Philippe
Lachenaud, Henri de Richemont.
Renvoi de la suite de la discussion.
10.
Ordre du jour
(p.
21
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
RAPPEL AU RÈGLEMENT
M. Patrice Gélard.
Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
Monsieur le président, la presse a fait état de certaines déclarations du
ministre des relations avec le Parlement, qui a mis en cause un groupe de
sénateurs, une petite troupe de sénateurs plus exactement.
Je tiens à protester contre cette déclaration, qui est en réalité une atteinte
contre les droits souverains du Sénat. Nous ne faisons qu'appliquer le
règlement du Sénat et la Constitution, et il n'appartient pas à un ministre de
critiquer la façon dont se déroulent nos débats.
M. le président.
Monsieur Gélard, je vous donne acte de votre rappel au règlement.
3
DATE D'EXPIRATION DES POUVOIRS
DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Suite de la discussion d'une proposition de loi
organique déclarée d'urgence
M. le président.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi
organique (n° 166, 2000-2001), adoptée par l'Assemblée nationale, après
déclaration d'urgence, modifiant la date d'expiration des pouvoirs de
l'Assemblée nationale. [Rapport n° 186 (2000-2001).]
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Fournier.
M. Bernard Fournier.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans la
course qui place les acteurs potentiels des prochaines élections
présidentielles à la recherche d'un brevet de constitutionnalité, qu'il me soit
permis, en propos liminaires, d'évoquer le général de Gaulle, à qui, somme
toute, et contre toute attente, on se réfère sur toutes les travées de nos
assemblées, y compris sur les plus à gauche. Chacun se souviendra de cette
exclamation fameuse qu'il prononça et que j'ose reprendre à mon compte
aujourd'hui :
« Mais quels sont ces cris péremptoires et contradictoires qui s'élèvent
bruyamment au-dessus de la nation ? Hélas ! Rien autre chose que les clameurs
des partisans. »
Si j'emprunte à l'auteur du discours de Bayeux ce constat un peu désabusé,
c'est parce que je me sens un peu navré de ce que notre vie politique ne soit
plus rythmée qu'en fonction du calcul des uns, des équations des autres.
Ce que nous avions voulu éviter, nous citoyens, et nous héritiers gaullistes,
ce que nous avions voulu éviter - disais-je - un jour d'octobre 1958 est revenu
au galop : ce sont dorénavant les intérêts personnels qui ont pris le pas sur
l'intérêt supérieur de la nation.
Ce constat recouvre malheureusement bien plus que des mots puisque le débat
qui nous réunit aujourd'hui est à mon sens topique de la dérive que nous
redoutions, dérive que tous les démocrates doivent combattre et qui va vers la
cristallisation de la dynamique républicaine autour de la seule quête du
pouvoir des personnes.
Avant tout, il ne faut pas oublier les notions fondamentales de notre société
politique moderne : je veux rappeler que la Constitution doit être non pas une
coquille vide mais un texte vivant, devant lequel le législateur ordinaire ou
organique ne peut que s'incliner.
Contourner la Constitution par la loi pour éviter de la violer de front est
hardi. Tenter de justifier cela par des arguments dilatoires est condamnable,
je dirai même que c'est fallacieux.
Par un tour de passe-passe médiatique, le Gouvernement, ou tout du moins une
partie de la majorité, laisse croire aux Français que le monde est à l'envers,
que le parti socialiste est devenu le défenseur du corps de la Constitution,
tandis que la droite gaulliste chercherait à faire céder le texte fondamental
sous les coups de boutoir des intérêts de l'Elysée. Il n'en est évidemment
rien.
A ce jour, le Président préside et tout le reste n'est que supputation. Il
nous a d'ailleurs appelés à une année utile, au lieu de cela, le Gouvernement
nous enferme dans des débats stériles dont il entend nous faire porter la
responsabilité. Eh bien non ! nous ne marcherons pas dans le sens que M. Jospin
a choisi en fonction de ses seuls intérêts politiques, et c'est au Gouvernement
qu'incombe la responsabilité du « surplace » du Parlement, puisqu'il a décrété
l'urgence sur ce texte.
Un peu de décence ! Ne prenons pas les Français pour les dindons de la farce !
Nos concitoyens d'ailleurs ne sont pas dupes.
Nous, gaullistes, avons mis et continuerons à mettre dans ce débat, aussi
longtemps qu'il le faudra, un point d'honneur à être « l'avant-garde éclairée »
du respect de la Constitution.
D'ailleurs, cette notion « d'avant-garde éclairée », vous, mesdames et
messieurs de la majorité, vous la connaissez bien, pour en avoir fait usage par
le passé !
J'aurais aimé éviter les leçons d'histoire, mais l'opposition sénatoriale nous
y contraint : faut-il donc vous rappeler, mesdames, messieurs de la gauche
plurielle, que, dans un premier temps, vous avez combattu l'adoption de ce
texte, puis que vous avez combattu, ensuite, sa démocratisation en 1962 et que,
devant le « cartel des non », cartel que l'on pourrait, avec un peu de mauvais
esprit, retrouver aujourd'hui, c'est finalement le peuple de France et la
volonté éclairée d'un homme qui ont tranché, renvoyant les partis tout penauds
dans leurs foyers ?
A tout dire, et pour être francs, nous ne sommes pas surpris des attaques que
vous diligentez envers la Constitution. Nous en déplorons le caractère
indirect.
Nous ne sommes pas davantage surpris, et je le développerai plus loin, par vos
flèches décochées sur les prérogatives de l'institution présidentielle. Mais ce
que nous dénonçons, c'est la manière que vous choisissez pour porter atteinte à
la loi fondamentale : dans l'obscurité, en tentant de semer le doute et la
confusion.
Vous n'organisez pas un débat politique, vous sombrez dans la manipulation,
touchant tour à tour au débauchage, au clientélisme électoral, au marivaudage
politique et, parfois, au machiavélisme. Le droit d'inventaire est bien loin,
la méthode, Jospin oubliée, les vieux démons ont resurgi, la méthode Mitterrand
est à l'honneur, avec son cortège de tractations occultes, de majorités contre
nature !
Gaullistes, nous ne sommes pas pour autant contre toute adaptation de notre
loi fondamentale. Le débat institutionnel doit s'ouvrir, non pas pour affaiblir
la Ve République mais, au contraire, pour l'améliorer et la conforter.
Il doit s'ouvrir non pour renforcer le rôle des partis, mais pour redonner la
parole au peuple.
Il doit s'ouvrir non pour diminuer le prestige de l'institution
présidentielle, mais pour en restaurer l'autorité.
Nous débattons donc aujourd'hui de l'inversion du calendrier électoral pour
2002. Que n'avons-nous pas entendu sur ce sujet ! Les couleuvres se sont mutées
en boas et en pythons, mais nous ne les avalerons pas, je crois que le Sénat
l'a démontré, hier et avant hier encore, notamment à M. le ministre des
relations avec le Parlement.
Au préalable, il convient de rappeler que, malgré les apparences, ce qui nous
réunit lors de cette séance n'est nullement un débat constitutionnel : ne nous
y trompons pas.
Il en a certes la couleur, l'odeur, le goût, mais ce n'est qu'une mesure de
convenance,...
M. François Gerbaud.
C'est le Canada dry !
M. Bernard Fournier.
... si c'est du droit constitutionnel, il ne pourra qu'être « allégé ».
Nous sommes les mains dans le cambouis, à modifier la mécanique électorale en
fonction des
desiderata
du fait majoritaire.
Faut-il pour autant se désintéresser de ce débat ?
Je ne le crois pas ; bien au contraire !
Ce texte, inscrit à la hâte à l'ordre du jour de notre assemblée, est à la
fois important et dérisoire.
Je m'explique : il est important parce qu'il touche la fonction suprême, la
clé de voûte de nos institutions.
Ce qui est contestable, c'est qu'il le fasse par ricochet : dans la mesure où
le législateur ordinaire ne peut pas toucher au mandat du Président, que
fait-il ? Il allonge son propre mandat !
La ficelle est grosse, mais elle semble ne gêner personne. Enfin, elle aurait
dû ne gêner personne ! Mais c'était là sans compter sur l'opposition au
Gouvernement.
Cependant, ce débat reste dérisoire pour deux raisons : d'une part, parce
qu'il n'aborde pas le fond de la réflexion constitutionnelle et, d'autre part,
parce qu'il relègue au second plan des réformes importantes.
En effet, il n'aborde pas le fond de la réflexion constitutionnelle, de sorte
qu'il n'apparaît que comme une adaptation à la convenance politique d'un
candidat potentiel : citons-le, il s'agit de Lionel Jospin, personne ne le
découvre...
Ce n'est pas dit comme cela, mais, là encore, personne ne peut être
sérieusement dupe. Or, dans le contexte de cohabitation, une telle initiative
apparaît comme superflue et témoigne d'un esprit de calcul condamnable : elle
n'est ni nécessaire ni élégante et marque à coup sûr un coup de couteau dans
l'équilibre des pouvoirs. D'autre part, le débat sur le calendrier électoral
apparaît encore comme dérisoire parce que des questions fondamentales sont
reléguées au second plan.
Que penser de l'opportunité de ce débat lorsque la sécurité alimentaire est en
danger du fait de l'importation massive de farines animales ?
Que penser de l'opportunité de ce débat lorsque la délinquance augmente en
même temps que l'insécurité progresse ?
Que penser de l'opportunité de ce débat lorsque l'incivisme triomphe ?
Que penser de l'opportunité de ce débat lorsque les questions relatives à
l'élargissement de l'Europe patinent ?
Que penser de l'opportunité de ce débat lorsque l'euro se met en place dans un
silence assourdissant ?
Que penser de l'opportunité de ce débat lorsque le Gouvernement ne met en
oeuvre qu'une seule politique d'attentisme électoral ?
Que penser, enfin, de l'opportunité de ce débat lorsque le Gouvernement n'est
soucieux que de se prévaloir des fruits d'une croissance
alors qu'il n'y est
pour rien,
lui qui est si prompt à les dilapider dans le financement de
mesures dogmatiques.
Mais non ! La France n'est pas une république bananière dont on change les
lois électorales au dernier moment.
Que l'on ne nous fasse pas croire que l'on ne découvre le calendrier électoral
de 2002 qu'aujourd'hui ; il résulte, d'une part, des conséquences du décès du
président Georges Pompidou, en 1974, et, d'autre part, de la dissolution de
l'Assemblée nationale de 1997. Tous les intervenants l'ont souligné.
Ce sont des faits, des événements, malheureusement incontestables.
C'est ce qui me conduit à dire que, s'il avait fallu réformer ce calendrier,
ou du moins si on avait voulu le faire dans les meilleures conditions
institutionnelles possibles, il fallait agir dès l'installation de la dernière
législature.
De cela le Gouvernement n'a pas voulu. Il a attendu de voir de quelle manière
sa politique était perçue par l'opinion, et maintenant que les choses se
dessinent, que l'opinion pourrait défier le Gouvernement, on se livre à des
manoeuvres condamnables : il y a le feu au lac !
Aujourd'hui, modifier la séquence de l'élection du Président de la République
et des députés ne peut apparaître que comme une manoeuvre politicienne. Et c'en
est une ! Personne, je le répète, ne peut être dupe.
Le jeu est risqué pour notre démocratie : je disais à l'instant que cette «
adaptation » du calendrier à la prétendue convenance d'un candidat était
dérisoire ; j'ajoute qu'elle me paraît inopportune et maladroite. On ne joue
pas avec la loi électorale comme on joue avec la loi fiscale, mesdames et
messieurs de la gauche plurielle ! Le Gouvernement semble avoir bien vite
oublié la leçon cuisante que nos concitoyens nous ont délivrée, à nous tous, à
l'automne. Les Français se moquent des « réformettes » institutionnelles.
Faut-il vous rappeler ce qui s'est passé ce beau dimanche de septembre ?
Pendant que la classe politique s'agitait sur les débats du quinquennat, les
Français s'abstenaient très largement lors du référendum, nous délivraient un
message sans appel, que nous nous devions d'entendre.
Comme la majorité semble ne pas avoir entendu ce message, c'est donc à
l'opposition de le lui faire entendre. A mon sens, ce message était clair : il
signifiait non le désintérêt de nos concitoyens pour la matière
constitutionnelle, mais leur désaccord sur la forme de celui-ci.
Ne nous y trompons pas : les Français sont prêts à parler de l'organisation
des pouvoirs, mais au terme d'un débat de fond, transparent et permettant à
tous de s'exprimer. Ils sont las des demi-mesures, adoptées à la va-vite ou à
la sauvette.
J'évoquerai plus longuement un autre point, que je tiens à aborder parce que
rien n'est tabou et que nous avons, nous, le mérite de la franchise.
Certes, l'opposition s'est montrée divisée à l'Assemblée nationale, mais c'est
parce que le Gouvernement sait bien jouer sur ce terrain. J'ai parlé, à cet
égard, de la « génération Mitterrand ». Je dénonçais tout à l'heure le
clientélisme dont le Gouvernement fait parfois preuve. Il a beau jeu de
souligner les divergences de la droite parlementaire. Sur ce chapitre, je tiens
à le rassurer : nous savons très bien nous diviser tout seuls, sans l'aide de
personne !
Il faut cependant balayer devant sa porte avant d'aller nettoyer devant celle
du voisin : le seul choix de la technique d'une proposition de loi pour nous
imposer ce texte a été révélateur de l'impossibilité pour M. Jospin d'obtenir
le blanc-seing de son conseil des ministres sur un projet de cette sorte.
Qu'auraient dit, en effet, Mmes, MM. les membres communistes du Gouvernement,
dont l'opposition à ce texte est connue, si le Premier ministre était passé en
force sur ce point ?
Ce qui m'inquiète, c'est donc bien l'implosion constante de la majorité :
comment, sur une réforme institutionnelle, mais aussi sur l'élargissement de
l'Europe, mais encore sur la politique sociale et, récemment, sur la politique
fiscale, le Gouvernement peut-il continuer à gérer ses contradictions ? Comment
gérer, au sein d'une même équipe, un PS éclaté, des Verts écartelés, des
communistes en rupture de ban ? Comment, par là même, continuer à assumer ses
responsabilités exécutives ?
La coalition mosaïcale de la gauche plurielle n'est plus !
Elle a commencé à exploser lors de la campagne référendaire et elle se
désintègre à l'occasion de ce débat sur la manipulation du calendrier
électoral.
Revenant au coeur du débat, j'axerai mon propos sur deux points : la méthode
et le fond.
La méthode est, à mon sens, contestable et lourde d'arrière-pensées.
J'apporterai d'abord quelques précisions sémantiques, car elles sont
nécessaires. Je veux dire, après plusieurs de mes collègues, qu'il n'y a pas de
« rétablissement » du calendrier électoral, comme on voudrait nous le faire
croire. Pour qu'il y ait rétablissement, il faudrait qu'il y ait eu inversion
volontaire ! Or il n'en est rien. La situation actuelle résulte simplement du
déroulement des échéances politiques.
De plus, nulle part dans la Constitution, la séquence des élections
législatives et de l'élection présidentielle n'est abordée. Le constituant de
1958 n'a pas cru bon de préciser ce point de détail, s'en remettant au rythme,
à la respiration normale de la vie politique.
Ainsi, ce qui nous est présenté comme un rétablissement calendaire n'est en
effet rien d'autre qu'un « tripatouillage » hasardeux, qui trouve sa source
dans les arrière-pensées politiciennes des uns ou des autres, quels qu'ils
soient.
Le Premier ministre, candidat pseudo virtuel, fait preuve sur ce sujet d'un
esprit de finesse destiné à servir son intérêt politique. Cet esprit de finesse
est cependant fragile parce que fondé sur des spéculations à long terme tout à
fait hypothétiques.
La malignité du raisonnement est poussée à son paroxysme quand M. Jospin
semble à la recherche d'un « brevet de gaullisme ». Nous ne le lui accorderons
pas, car le gaullisme est l'inverse de ce que nous vivons aujourd'hui. Le
gaullisme, c'est non l'intérêt des hommes, mais celui, supérieur, de la nation.
Le gaullisme, ce n'est pas le calcul, la politicaillerie : c'est le regard sur
l'horizon, avec pour seule perspective la grandeur de la France.
(Mme Borvo
s'esclaffe.)
Cet esprit de manoeuvre, j'aurais aimé de pas avoir à le dénoncer parce que
j'ai du respect pour l'homme, dont nous connaissons la rigueur, et il ne manque
d'ailleurs pas de s'en prévaloir. Nous sommes déçus parce que cet esprit de
manoeuvre transpire des déclarations faite par le Premier ministre au cours des
dernières semaines.
Quelle constance...
M. Jospin doit s'expliquer. Il doit nous faire comprendre comment l'inversion
du calendrier électoral, ou son prétendu rétablissement circonstanciel, qu'il
qualifiait lui-même de manoeuvre politicienne il y a peu - lorsque d'autres
l'appelaient de leurs voeux - est devenue l'une des priorités de son
gouvernement, quitte à repousser l'examen d'autres textes et à s'assurer
l'adoption de celui-ci au prix de marchandages douteux.
Pourquoi ce qui apparaissait comme une manoeuvre hier n'en est plus une
aujourd'hui ?
Par quel miracle spéculatif, fruit de l'imagination débordante des
chroniqueurs journalistiques ou des prévisionnistes des instituts d'opinion,
une manoeuvre se mue-t-elle en intérêt supérieur de la nation, au point
d'inscrire ce texte en urgence à l'ordre du jour du Parlement, renvoyant de ce
fait aux calendes grecques d'autres textes, réellement importants, eux, car ils
doivent nous permettre de répondre aux attentes fondamentales de nos
concitoyens.
M. Jospin est encore est encore recalé dans sa quête de brevet de gaullisme
parce que la logique de nos institutions réside non dans le point de détail du
calendrier électoral mais dans la réalité des pouvoirs concédés à chacun des
organes qui composent la République : Président de la République, Gouvernement,
Parlement. C'est le fondement même de notre Constitution, une constitution
formelle et, somme toute, grâce à Dieu, assez rigide.
Si le Gouvernement veut respecter l'esprit des institutions de la Ve
République, que les formations qui composent la coalition aux affaires ont
pourtant longtemps combattue, il doit tout mettre en oeuvre pour veiller au
respect des sphères de pouvoir du Parlement, pour les défendre contre les
empiètements de l'exécutif, plutôt que de se perdre dans des querelles
picrocholines sur l'articulation calendaire.
S'agissant toujours de la méthode, comment ne pas évoquer une nouvelle fois la
voie du recours à un texte d'origine parlementaire qui a été choisie ? On nous
refait le coût du PACS ! Voilà encore un texte important que le Gouvernement ne
reprendra à son compte que s'il obtient une assurance tous risques de la part
de sa majorité. Quel courage politique !
Ne nous y trompons pas : il s'agit d'éviter de heurter de front le locataire
de l'Elysée. Piètre procédé, qui témoigne d'une bien faible hauteur de vue !
La procédure de la proposition de loi, outre qu'elle permet d'éviter l'examen
en conseil des ministres, a le grand avantage de faire l'impasse sur le Conseil
d'Etat. En effet, celui-ci dans sa formation consultative, n'aurait certes pas
manqué de souligner l'inopportunité du texte et les limites de sa
constitutionnalité.
L'absence d'examen en conseil des ministres prive aussi le Président de sa
faculté de faire des remarques sur l'opportunité de ce texte.
Quelle élégance ! Quelle belle conception de la dialectique démocratique !
J'entends déjà le Gouvernement s'arc-bouter derrière la mauvaise rédaction
d'un texte d'origine parlementaire dans le cas d'une censure par la rue de
Montpensier !
Chacun sait bien qu'il s'agit en fait d'une commande de Matignon à la rue de
Solférino. Nous ne sommes pas dupes !
Au fond, le Gouvernement ou, plus précisément, le parti socialiste, baigne
dans les contradictions. En effet, il se dit soucieux du respect des
institutions et de la logique constitutionnelle, mais il fait deux poids, deux
mesures, selon les cas de figure. En fonction de l'intérêt de la majorité, la
promptitude de la réaction gouvernementale n'est plus du tout la même.
Je veux évoquer ici, et ce n'est pas mon ami M. Gélard qui me contredira, la
question des élections sénatoriales, qui n'est pas sans lien avec celle du
calendrier électoral.
Rappelons le contexte : le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 6
juillet 2000 concernant la loi relative à l'élection des sénateurs, a reconnu
l'obligation, pour le législateur, de modifier la répartition du nombre de
sénateurs, et ce pour tenir compte des nouvelles réalités démographiques des
collectivités dont le Sénat, est-il besoin de le souligner ici, assure la
représentation. Les recommandations du Conseil en la matière constituaient,
pour le Gouvernement, une quasi-injonction.
Autorisez-moi, monsieur le ministre, une parenthèse : nous venons de découvrir
le peu de déférence de certains membres de la majorité à l'égard de l'autorité
- pourtant absolue - de la chose jugée par le Conseil constitutionnel. Il y a
de quoi être choqué. L'actualité récente vient en effet de nous en fournir des
illustrations, avec les critiques sévères adressées par des personnalités de
gauche envers deux décisions embarrassantes pour le Gouvernement.
Quoi qu'il en soit, le juge constitutionnel a encore - et c'est heureux ! -
son mot à dire à l'issue du processus législatif, et les sages du Palais-Royal
n'ont pas manqué de faire connaître au Gouvernement de quelle façon devaient
s'organiser les prochaines élections sénatoriales.
Le ministre de l'intérieur, en l'espèce, a pu rappeler que cette modification
n'était pas opportune aux yeux du Gouvernement, qui s'interdit « de modifier
les règles relatives à une élection dans la période qui la précède
immédiatement ». Cette déclaration a été faite le 25 octobre dernier, soit à
onze mois des prochaines élections sénatoriales.
Le texte que nous discutons ne pourra être ni adopté ni promulgué avant la fin
du mois de février ou le début du mois de mars, pour des élections normalement
prévues pour le printemps 2002.
Finissons-en avec cette hypocrisie et cessons de couper les cheveux en quatre
!
Mesdames, messieurs de la gauche plurielle, monsieur le ministre, vous jouez
sur quelques semaines pour légiférer en urgence : ce n'est respectueux ni de
nos concitoyens ni du Parlement. Vous pouvez vous draper d'indignation, mais
c'est notre devoir que de dénoncer de telles manoeuvres, qui ne relèvent pas
d'une pratique démocratique moderne.
Il nous appartiendra, lorsque l'Assemblée nationale aura dit son dernier mot
sur le sujet, de soumettre ce texte à l'examen du Conseil constitutionnel.
J'en viens au fond.
En droit, il convient, d'abord, de rappeler que la Ve République a pu dégager
une nouvelle conception du rôle du Président de la République. En 1958, on a
voulu rétablir une autorité morale et politique qui s'était dégradée à la fin
de la IIIe République et tout au long de la IVe.
Le rôle du Président de la République est aujourd'hui prééminent dans notre
loi fondamentale. D'ailleurs, il fait l'objet du premier titre réellement
normatif de ce texte.
Le général de Gaulle a voulu, en 1962, renforcer encore cette autorité en lui
conférant une onction démocratique par l'élection du Président de la République
au suffrage universel direct. C'est ce que vous n'avez pas manqué d'appeler, je
vous le rappelle, mesdames, messieurs de la majorité, le « coup d'Etat
permanent ».
Le bénéfice de l'abandon du mécanisme impliquant les grands électeurs n'est
plus à prouver - d'ailleurs, nul ne le remet en cause aujourd'hui - de sorte
que même les Etats-Unis d'Amérique seraient bien inspirés de nous copier sur ce
point.
La réduction à cinq ans du mandat du Président de la République, que le peuple
a
in fine
acceptée le 24 septembre dernier, permettra peut-être d'éviter
les accidents constitutionnels que sont les cohabitations et qui ne sont, j'en
suis convaincu, ni fertiles ni souhaitables.
Cependant, il conviendrait de revenir à un peu de décence dans nos débats.
L'argument qui est avancé à l'appui de la proposition de loi organique que nous
examinons est d'ordre politique : il s'agit d'empêcher un nouvel accident
institutionnel. Mais ne l'oublions pas, la cohabitation a été prévue par le
constituant de 1958 ; le général de Gaulle l'avait lui-même évoquée. Mais il a
fallu attendre 1986 pour qu'elle soit testée de façon empirique, lors de la
défaite de la gauche aux élections législatives, et sous la présidence de
François Mitterrand, pas d'un autre !
Si, à titre personnel, je considère que la cohabitation n'est pas souhaitable
parce qu'elle handicape la mise en place d'une politique dynamique, elle n'en
demeure pas moins une possibilité que les rédacteurs de 1958 ont prévue.
A ceux - ils existent - qui reprocheraient trop rapidement au Président de la
République en poste de n'avoir pas tiré les conclusions des résultats des
élections législatives de 1997, je veux rappeler qu'il n'y avait aucune raison
pour qu'à deux situations identiques - 1986 et 1997 - soient appliquées des
solutions différentes.
Le Président de la République, nous l'avons souligné, est au premier plan de
notre système constitutionnel ; il est, aux termes de l'article 5 de notre loi
fondamentale, le gardien du respect de la Constitution et l'arbitre en charge
du fonctionnement régulier des pouvoirs publics et de la continuité de
l'Etat.
Ce terme d'arbitre prend tout son sens dans les périodes de cohabitation. Nos
institutions fonctionnent ; il suffit de constater que le rôle présidentiel ne
s'est jamais réduit à une seule dimension protocolaire.
Dès lors, l'élection présidentielle est bien la clé de voûte de nos
institutions. De sorte qu'une modification législative organique contingente
ayant une incidence, fût-elle indirecte, sur les prérogatives de la fonction,
fragilise l'institution, car, de fait, l'élection du Président de la République
est l'acte fondamental de la vie politique française. Seul le Président de la
République peut donc avoir la maîtrise du calendrier dans les circonstances
exceptionnelles de l'espèce.
Au surplus, à la lecture de chacune des propositions de loi déposées sur le
sujet, on est frappé par les motifs de leurs auteurs, lesquels ne prennent même
pas le soin de cacher les arrière-pensées de la majorité. Aucun argument de
droit constitutionnel n'apparaît. Il s'agit plutôt d'un catalogue de
justifications politiques et de circonstance ne reposant que sur des
spéculations d'« observateurs » plus ou moins avisés.
Ce n'est pourtant ni à la presse ni à ces observateurs qu'il appartient de
rédiger la loi fondamentale ou de l'interpréter, mais au pouvoir constituant
lui-même. Le législateur organique ne peut, quant à lui, que la mettre en
oeuvre.
Si le constituant de 1958 n'a pas souhaité s'immiscer dans le détail de la
séquence des élections, c'est qu'il ne l'a pas jugé nécessaire. La Ve
République a fait ses preuves et il n'est nullement besoin de « tripatouiller »
le calendrier sous prétexte de la renforcer : la Constitution de 1958 a su,
pour le moins, s'adapter aux accidents cohabitationnels. C'est une constitution
efficace qu'il convient de laisser respirer d'elle-même.
Plus graves m'apparaissent les conséquences que le texte que nous étudions
porte en filigrane, car modifier le rythme du calendrier électoral revient en
fait à mettre en cause une prérogative du Président de la République qui
n'appartient ni au Gouvernement, ni au Parlement. Je suis en effet persuadé que
la présente proposition de loi nie la plénitude du droit de dissolution du
Président de la République.
Je m'explique : les avocats de ce texte exposent à l'appui de celui-ci qu'il
s'agit de corriger les conséquences de la dissolution de 1997. Sans qualifier
ces conséquences, on ne peut que souligner que vouloir s'attaquer aux effets de
la dissolution, c'est porter atteinte au droit de dissolution prévu à l'article
12 de la Constitution lui-même.
Si la majorité entend adresser un signal au Président de la République, soit
parce qu'elle ne trouve plus sa cohérence - c'est le cas -, soit parce qu'elle
est animée par ce fameux « esprit de 1958 » qu'elle semble découvrir, rien
n'empêche à son chef de démissionner et donc de revenir devant nos concitoyens
en provoquant ainsi des élections législatives anticipées. Il y a là, mes chers
collègues, une porte de sortie si l'on veut réellement modifier le calendrier
électoral !
Mais mettre ainsi le Président de la République et le Parlement au pied du mur
en imposant une réforme qui touche à l'une des prérogatives les plus
essentielles du chef de l'Etat conduit nécessairement à la négation d'une
partie des pouvoirs et capacités de celui-ci : il s'agit d'un empiètement sans
précédent du domaine du Premier ministre et du Parlement sur le domaine
présidentiel.
Le droit de dissolution est une prérogative essentielle et traditionnelle du
Président ; il fonde la spécificité de notre régime et contrebalance le poids
du Premier ministre.
L'originalité de la Ve République réside précisément en ceci : à l'inverse de
ses prédécesseurs de la IIIe ou
a fortiori
de la IVe République, le
Président reste libre de décider ou non de dissoudre. Seule une procédure
d'avis ou de simple information est prévue. La position du chef de l'Etat est
dominante, sa légitimité démocratique exceptionnelle, sans précédent dans notre
histoire constitutionnelle.
Cette légitimité conduit à une déférence absolue et nécessaire à l'égard de la
fonction présidentielle, qui ne souffre aucune concurrence : la primauté
présidentielle est un fait déterminant et incontestable de la vie politique
française.
En allongeant le mandat des députés au-delà de ce qui était initialement prévu
au motif de contrecarrer les effets de la dissolution, le législateur organique
s'apprête à porter un coup symbolique à l'équilibre des pouvoirs. Je ne suis
pas convaincu, par ailleurs, que l'opinion publique soit favorable à ce que le
législateur proroge son propre mandat. En tout cas, la dérive existe.
On pourra objecter qu'il ne s'agit là que de glose. Cependant, les premières
atteintes à une institution, fussent-elles symboliques, manquent rarement de
mettre en cause plus fondamentalement son essence, et elles conduisent souvent
à en saper l'assise et l'autorité.
En plus de conduire à un empiètement sur les prérogatives du Président de la
République, le texte dont nous discutons aujourd'hui semble peu respectueux du
corps électoral...
M. Alain Gournac.
Ah, ça oui !
M. Bernard Fournier.
... alors que c'est à lui, ne l'oublions pas, que nous devons notre dignité de
réprésentant de la nation.
M. Alain Gournac.
Tout à fait !
M. Bernard Fournier.
Ce texte me semble nier la clairvoyance du corps électoral. Encore une fois,
c'est l'esprit de système qui domine. On veut penser pour le peuple, à la place
du peuple ! C'est une atteinte majeure à la démocratie. Nos électeurs sont des
adultes responsables, oser l'oublier serait indécent.
La présente proposition de loi constitue donc une atteinte à la liberté de
choisir et procède de l'infantilisation du corps électoral. Cette
infantilisation est typique des majorités qui restent animées par un dogmatisme
systématique et archaïque, héritage poussiéreux d'un marxisme-léninisme d'un
autre temps, peu respectueux de la maturité et de la majorité civique des
électeurs.
Le bon sens du corps électoral est bafoué par les hypothétiques projections
des hiérarques de tout poil. On suppute dans les couloirs du pouvoir et les
cercles avertis que les Français pourraient reconduire à l'Assemblée nationale
la majorité actuelle pour la défier ensuite immédiatement en réinstallant à
l'Elysée le contradicteur de cette majorité !
Si quand bien même cela était le cas, le seul enseignement qui pourrait en
être tiré serait la fantastique impossibilité pour ladite majorité
parlementaire de se fédérer derrière un
leader.
Ce serait le constat de
sa faiblesse. Est-ce cela que l'on redoute ?
Certes, nos compatriotes sont parfois un peu joueurs. Reprenant le propos de
l'un de nos chroniqueurs en vue, je dirai que « les Français sont monarchistes
mais qu'ils ont l'instinct régicide ». Sur le même schéma de raisonnement, si à
quelques semaines d'intervalle les Français décidaient de constituer un
exécutif dissonant, faudrait-il y voir les seules conséquences d'un calendrier
« dingo » ou, plutôt, une formidable invite à repenser notre démocratie ?
Appartient-il à la classe politique d'imposer aux Français son propre rythme ?
Ne devrait-elle pas plutôt se « caler » à la volonté nationale, sans modifier
tous les quatre matins les règles du jeu en fonction des circonstances du
moment ?
M. Jean-Pierre Schosteck.
Ce serait plus convenable !
M. Bernard Fournier.
Le débat sur la modernisation de la vie politique ne peut pas se faire au
détour de lois organiques, il exige une vaste consultation et une réflexion des
constitutionnalistes et de nos concitoyens. La constitution de la Ve République
n'est pas un texte figé, c'est un texte vivant qui a su évoluer avec chacun des
détenteurs du pouvoir présidentiel, qui l'ont marqué de leur empreinte. Le
miracle de la Ve République a été de survivre à son inspirateur et de rallier
ses plus vifs opposants.
La Ve République n'est pas morte et sa Constitution n'est pas intouchable,
elle n'a pas l'inviolabilité des Tables de la Loi. La place du Parlement, le
statut du Conseil constitutionnel, la spécificité du Sénat, ne sont pas des
sujets tabous, pour autant qu'on les aborde avec science, dignité et
neutralité.
Il y a de l'indécence dans la manoeuvre à laquelle on voudrait nous associer.
Elle ne prend en considération que d'hypothétiques conclusions qui ne se
fondent même pas sur les analyses des instituts d'opinion mais sur les
sentiments de gourous. N'oublions jamais cependant que les voix des gourous ne
sont pas l'expression de la volonté générale...
Pour conclure, si l'art du politique est de prévoir, ce n'est pas en tentant
de prévoir comment garder le pouvoir qu'il trouve sa dignité mais plutôt en
tentant de servir l'intérêt du plus grand nombre ! C'est à cela que l'on
reconnaît une grande démocratie : le pouvoir est non plus une fonction, mais
une mission. Puissions-nous chacun nous en souvenir et ne pas gêner la
respiration de notre République pour l'adapter au souffle de tel ou tel.
Prenons garde de ne pas abîmer une oeuvre qui a su faire ses preuves. Sinon,
soyons prêts a assumer toutes les conséquences !
Pour toutes ces raisons, je ne voterai pas la proposition de loi qui nous est
soumise.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la
modification du calendrier électoral serait, de la part du Gouvernement
socialiste, un calcul d'intérêt, une manipulation de bas étage, une réforme de
circonstance destinée à servir les prétentions du pouvoir socialiste.
Qu'il me soit permis d'en douter car tout calcul, si déplacé soit-il, toute
manipulation et toute réforme, si contestables soient-elles, supposent un
minimum de réflexion, de cohérence et, finalement, de bons sens. Or, il faut
l'affirmer avec force, gouvernance ne rime plus aujourd'hui avec bon sens. Il y
a longtemps en effet que les socialistes ne font plus montre ni de cohérence ni
de réflexion : depuis qu'ils ont renoncé à bâtir un projet de long terme viable
et pertinent, depuis qu'ils ont renoncé à définir pour mieux les servir les
intérêts vitaux de la nation, depuis qu'en définitive ils ont renoncé à
gouverner dans l'espoir de ne pas se mettre à dos certaines catégories de
Français.
Depuis longtemps déjà, dans l'univers sclérosant et appauvrissant de la
galaxie socialo-communiste, la lutte des classes a cédé le pas à la lutte des
places. Depuis longtemps déjà, dans l'univers marxisant et lénifiant de la
constellation socialiste, l'exercice du pouvoir a cédé le pas à l'apparence du
pouvoir.
M. Jean-Pierre Schosteck.
C'est vrai !
M. Jean Boyer.
Cette démission est doublement inacceptable, d'une part, parce qu'elle fait le
jeu des intérêts privés, exacerbe les inégalités, creuse le lit de la pauvreté
et de la précarité, d'autre part, parce qu'elle n'est pas inévitable
contrairement à ce que voudrait nous faire croire le Gouvernement. Celui-ci
s'enferme de plus en plus dans un « cybermonde » au confort artificiel pour
tenter de justifier une politique que l'on peut qualifier de virtuelle tant
elle est éloignée de la réalité et des préoccupations des Français.
Les Etats conservent une capacité d'action et une marge de manoeuvre réelles
sur les données les plus élémentaires de la vie économique et sociale, comme
les prix, les niveaux d'imposition, les subventions, la politique budgétaire et
fiscale.
Les marchés boursiers eux-mêmes restent régis par des conditions qu'il
appartient aux gouvernements d'établir : la confiance des investisseurs, qui
doit aujourd'hui être restaurée, et la santé financière des entreprises, qui
doivent être libérées des charges sans cesse plus lourdes qui, dans notre pays,
pèsent sur elles.
Le Gouvernement doit et peut agir sur l'environnement de la croissance. Il lui
appartient de donner un souffle nouveau à la recherche et à la technologie. Il
est de sa responsabilité de moderniser les services publics, qui doivent
devenir plus rentables et plus compétitifs, dans l'intérêt du citoyen et de la
nation.
Comment, dans ces conditions, expliquer la démission du Gouvernement ? Ne
serait-il plus préoccupé que par les seuls sondages de popularité et l'issue
des grandes échéances électorales à venir ? Nous osons à peine le croire. Et
pourtant,...
M. Jean-Pierre Schosteck.
Eh oui !
M. Jean Boyer.
... ne partageons-nous pas désormais avec nos voisins britanniques une
caractéristique essentielle, majeure de la vie politique : le gouvernement
fantôme ?
Que pouvait-on espérer d'autre d'un gouvernement si pusillanime ?
Jamais dans l'histoire de la Ve République, en effet, un gouvernement n'a
autant « déploré », « regretté », « compati », « gémi » : les grandes
catastrophes écologiques ou naturelles ayant affecté notre pays ; l'insécurité
sur notre territoire ; la multiplication des agressions à l'encontre des forces
de l'ordre et des convoyeurs de fonds ; les classes surchargées de nos écoles ;
la démobilisation des infirmiers et des professions de santé ; nos cliniques et
nos hôpitaux exsangues, pour cause d'application de la loi sur les 35 heures
;...
M. Jean-Pierre Schosteck.
Effectivement !
M. Jean Boyer.
... le manque de représentativité de notre démocratie, l'incapacité du
Gouvernement à composer avec les partenaires sociaux, son inaptitude à aborder
la question des retraites dans une France vieillissante.
Jamais, dans l'histoire de la Ve République, un Premier ministre ne s'est
autant « étonné », « interrogé », déclaré « surpris », « ému », choqué », «
révolté » par les affaires qui ont secoué son propre parti, les mises en cause
qui ont affecté ses propres hommes de confiance, les révélations sur des
comportements douteux dans des dossiers sensibles, qu'ils aient trait à la
justice ou à la défense, le mauvais usage des deniers publics. Il faudrait
ajouter le caractère exorbitant des sommes dépensées pour compenser le coût de
l'application de la loi sur les 35 heures, à savvoir - et ce sont des chiffres
que nous devons sans cesse rappeler - près de 64 milliards de francs en 2000 et
environ 85 milliards de francs en 2001,...
M. Alain Gournac.
En effet !
M. Jean Boyer.
... tout cela pour financer le remboursement des exonérations des cotisations
patronales.
Des affaires, vous n'êtes jamais au courant ! Des réformes, vous n'avez que
faire ! Des problèmes, vous avez toujours la même approche : subir ou gémir
!
Mais enfin, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues,
ce n'est pas en gémissant et en pleurant continuellement que l'on gouverne un
pays ! Ce n'est pas en s'étonnant et en s'interrogeant perpétuellement que l'on
mène une nation ! Ce n'est pas en exprimant inlassablement ses sentiments et
son ressentiment que l'on conduit un peuple !
D'un gouvernement en général, et de son chef en particulier, on est en droit
d'attendre autre chose qu'affect et sensiblerie, étonnement ou colère.
On est en droit d'attendre une force de caractère et des convictions sans
faille, par exemple pour imprimer une marque à un projet cohérent et viable. On
est en droit d'attendre aussi du courage et une détermination sans égal pour
donner un souffle au combat politique et conduire les réformes nécessaires au
renouveau de l'action politique et publique.
Proposer aux Français un nouveau projet de société, plus humain et plus
respectueux des diversités, établir des relations entre les individus fondées
sur une plus grande justice et sur le droit, favoriser l'échange, seul facteur
de croissance et de richesse, sans s'en remettre à la force coercitive de
l'Etat, voilà les vrais défis qu'il faut relever aujourd'hui.
Il est indispensable d'engager une réflexion de fond sur l'Etat. A l'aube du
troisième millénaire, quelles doivent être ses attributions ? Quelle est la
responsabilité de l'homme public, de l'homme politique ? Comment la puissance
publique doit-elle être utilisée ? Telles sont leurs vraies questions dont il
faut débattre.
Est-il cohérent, par exemple, de réduire la durée hebdomadaire légale du
travail à 35 heures et, simultanément, de revendiquer en Europe le rôle de
premier de la classe, alors que nos voisins européens n'ont jamais autant
travaillé ?
De la même façon, est-il opportun, dans notre pays, de laisser s'éteindre les
maîtres d'apprentissage,...
M. Alain Gournac.
Voilà !
M. Jean Boyer.
... alors que tous les acteurs de la vie économique locale plaident pour la
revalorisation du travail manuel et plébiscitent le développement de
l'apprentissage ?
Comment peut-on manquer de vision à ce point ? Comment peut-on desservir nos
institutions et la classe politique dans une si large mesure ? Comment peut-on
agir ainsi, en toute conscience et en totale impunité ?
En effet, il ne faut pas s'y tromper, ce sont, au coup par coup, de façon
anodine et insidieuse, la grandeur, la viabilité et la cohérence de nos
institutions que les socialistes sacrifient sur l'autel de la médiocrité, des
intérêts à court terme et des petites ambitions personnelles.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quand le
coup d'Etat permanent rejoint le grand rêve de révolution mondiale, la
République est en danger !
Dans ces conditions, nous devrions débattre aujourd'hui non pas de l'inversion
du calendrier électoral, mais de la responsabilité de la fonction
gouvernementale, dans un contexte de cohabitation.
Celle-ci ne devrait-elle pas être étendue, par exemple lorsque le Gouvernement
privilégie systématiquement les intérêts personnels sur l'intérêt général et
qu'il remet en question, subrepticement, insidieusement, à coup de «
réformettes », tout notre édifice institutionnel ?
Comme le soulignait la semaine dernière mon collègue M. Jean-Pierre Raffarin,
un gouvernement peut-il aujourd'hui, en toute impunité, sans associer le peuple
directement, méconnaître et l'esprit et la pratique de nos institutions, en
modifiant l'élection du Président de la République sans associer au débat le
chef de l'Etat lui-même, pourtant clé de voûte de notre régime ?
De la même façon, un gouvernement pourra-t-il encore longtemps, en toute
impunité, manipuler les institutions à son profit, comme hier le mode de
scrutin régional et le mode d'élection des sénateurs ?
Inverser les dates des élections législatives et de l'élection présidentielle
en arguant du respect des institutions, c'est non seulement faire preuve de
mauvaise foi, mais, ce qui est beaucoup plus grave pour des responsables
politiques, c'est aussi et surtout faire preuve d'une méconnaissance totale de
notre histoire constitutionnelle.
Comme l'ont rappelé, la semaine dernière, mes collègues MM. Christian Bonnet
et Jean-Claude Carle, depuis 1958, en effet, à trois reprises, les élections
législatives ont précédé l'élection présidentielle : en novembre 1958, en juin
1968 et en mars 1973.
Depuis 1962, sur les six élections présidentielles au suffrage universel
direct que notre régime a connues, deux seulement, en 1981 et en 1988, ont
immédiatement précédé les élections législatives.
En réalité, les socialistes cherchent, ni plus ni moins, à mettre à bas,
unilatéralement et discrétionnairement, le régime qui a été établi voilà près
de cinquante ans par les pères fondateurs de la Ve République.
De ce point de vue, un constat s'impose. Il peut être légitime de débattre
officiellement, au grand jour, avec tous les acteurs concernés, de la
pertinence de nos institutions et de la nécessité de les reformer. Il est, en
revanche, inacceptable de chercher à le faire insidieusement, sans débat
public, pour ne pas heurter l'opinion et ne pas associer des acteurs qui
pourraient se révéler gênants, nonobstant leur légitimité.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà près
de quarante-trois ans, j'ai décidé de consacrer ma vie à la
res publica,
car je croyais que c'était la meilleure façon de servir la République et
mon pays.
Toutes ces années de combat ont été marquées par de grandes joies et de
grandes tristesses, par des moments de bonheur rares et par des blessures
profondes qui ne se refermeront sans doute jamais. Mais je ne regrette rien.
De tout cela, j'ai retenu deux choses. Consacrer sa vie à la « chose publique
» impose, à celui qui s'engage, des devoirs vis-à-vis de son pays et de ses
concitoyens. Il est question, ici, essentiellement, de respect. Mais, tout
aussi sûrement, consacrer sa vie à la « chose publique » confère également, à
celui qui s'engage, des droits. Il est question, ici, principalement,
d'honneur, l'honneur de ne jamais transiger et de ne jamais accepter les
compromissions, l'honneur de dénoncer tout ce qui dessert les intérêts
fondamentaux de notre pays et de nos compatriotes.
Tout cela m'encourage aujourd'hui, avec force et solennellement, à affirmer :
c'est une faute de brader un édifice constitutionnel qui a donné à la France sa
plus grande stabilité politique depuis 1789 ; c'est une faute de manipuler à
des fins personnelles la norme suprême de notre pays, atavisme sacré d'un passé
glorieux dont la France peut s'enorgueillir ; c'est une faute, encore, de se
poser en défenseur d'un régime que l'on a toujours combattu, avec une force et
une violence inégalées ; c'est une faute, enfin, de renoncer à gouverner, en
reportant les réformes essentielles, dans l'unique espoir de voir sa popularité
intacte et, ainsi, de gagner l'élection présidentielle.
C'est pourquoi, mes chers collègues, je réprouve que le gouvernement
socialiste discrédite chaque jour davantage la classe politique, à force de
privilégier des intérêts de personnes par rapport à aux intérêts de la
nation.
Je réprouve que le gouvernement socialiste trompe les Français, en leur
faisant croire qu'il est le garant de nos institutions et qu'il défend les
intérêts vitaux de la nation, alors qu'il mène des réformes en total décalage
avec les préoccupations et les attentes de nos compatriotes.
Je réprouve que le gouvernement socialiste, à quatorze mois d'échéances
électorales décisives, sous couvert d'engager un débat institutionnel de fond
et au mépris des règles de courtoisie les plus élémentaires, truque la partie,
pipe les dés et change les règles du jeu, dans l'espoir de s'assurer une
victoire qui semble lui échapper au regard de son triste bilan.
Je réprouve que le gouvernement socialiste délaisse sciemment les réformes
difficiles qu'il faut conduire en priorité, dans l'intérêt de nos
concitoyens,...
M. Alain Gournac.
Absolument !
M. Jean Boyer.
... parce que ces réformes ne sont pas réputées porteuses sur le plan
électoral.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Pourtant, il ne manque pas de choses importantes !
M. Jean Boyer.
Je réprouve, en définitive, que le gouvernement socialiste, englué dans des
intérêts de court terme et de personnes, n'ait pas voulu ni su tirer le
meilleur parti possible de l'embellie économique exceptionnelle que la France a
connue ces cinq dernières années.
M. Allouche disait avant-hier qu'il avait mal au Sénat.
Aujourd'hui, le simple sénateur que je suis souffre pour la France et sa
grandeur, pour la République et son prestige, pour ses enfants et leur avenir.
Puisque, paraît-il, c'est encore la période des voeux, permettez-moi d'en
formuler un dernier. Puisse l'
homo politicus
retrouver, à l'aube de
cette ère nouvelle, courage, intégrité et panache. Puissent nos concitoyens à
nouveau faire confiance à nos responsables politiques. En effet, une chose est
sûre : seule la confiance en l'homme permettra de faire triompher la conscience
de l'homme.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Blanc.
M. Paul Blanc.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, énième
orateur inscrit dans cette discussion générale, je vais m'efforcer d'être bref,
n'étant pas un spécialiste de droit et,
a fortiori,
de droit
constitutionnel. Cependant, c'est l'opinion d'un sénateur de base que je
souhaite exprimer ici.
En effet, je voudrais simplement nous rafraîchir la mémoire sur les propos
tenus par le Premier ministre, il n'y a pas si longtemps, sur cette
question.
Lionel Jospin, qui s'était toujours déclaré défavorable à une telle
modification, affirmait au journal télévisé de vingt heures, qui, comme vous le
savez, a certainement l'audience la plus grande, le 19 octobre dernier : «
Toute initiative de ma part serait interprétée de façon étroitement politique,
voire politicienne. Moi, j'en resterai là et il faudrait vraiment qu'un
consensus s'esquisse pour que des initiatives puissent être prises. »
Il y aurait donc un consensus aujourd'hui, alors que, à l'Assemblée nationale,
il a fallu rassembler une majorité de bric et de broc ? Il y aurait un
consensus, alors que, ici même, au sein de la Haute Assemblée, il semble quand
même qu'une opposition forte à ce projet de loi s'exprime ?
N'est-ce pas riche d'enseignement ? Cela ne révèle-t-il pas les motivations
profondes du Premier ministre ? En effet, Lionel Jospin peut sans outrance être
suspecté de faire en ce jour une réforme de convenance. Lui-même nous invite
d'ailleurs à le penser puisqu'il reconnaît que « toute initiative de sa part
serait interprétée de façon étroitement politique, voire politicienne ».
M. Jean-Pierre Schosteck.
C'est la seule réflexion lucide de sa part !
M. Paul Blanc.
Nous ne pouvons qu'abonder dans son sens, comme le font d'ailleurs les
Français.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Bien sûr !
M. Paul Blanc.
Ils ne sont et ne seront pas dupes. Les Français y verront bien une manoeuvre
électorale, pour ne pas dire électoraliste. Cela ne sert pas l'image déjà
négative qu'ils se font de la classe politique.
M. Alain Gournac.
Ça, c'est sûr !
M. Paul Blanc.
Le Premier ministre aurait dû rester fidèle à sa parole lorsqu'il promettait
qu'il « en resterait là ». Personne ne peut comprendre un si subit revirement,
sauf peut-être les analystes politiques qui ne manquent pas, depuis quelques
mois maintenant, de rappeler que les prochaines échéances législatives ne
seront pas favorables à la majorité plurielle.
M. Alain Gournac.
Eh oui !
M. Paul Blanc.
Il s'agit là d'une opinion qui est exprimée de plus en plus dans la presse.
Ce que je déplore - et je pense que c'est également le cas de mes collègues -
c'est que cette réforme soit imposée en parfaite connaissance de cause. Si le
Premier ministre, par naïveté, n'avait pas perçu à quel point cette réforme
était privée de consensus, nous aurions pu éviter de lui faire ce procès
d'intention.
Mais compte tenu de ses propos on ne peut plus explicites - « Il faudrait
vraiment qu'un consensus s'esquisse pour que des initiatives puissent être
prises » -, on comprend que c'est en connaissance de cause que le Premier
ministre a choisi de faire passer la réforme en force, alors même que sa propre
majorité de circonstance sur ce texte s'émoussait.
Lionel Jospin a déclaré à l'Assemblée nationale, pour se justifier, que les
prochaines échéances étaient trop éloignées pour savoir si cette inversion du
calendrier jouerait en faveur de tel ou tel candidat ou en faveur de tel ou tel
camp.
Dans ces conditions, comment ne pas être surpris d'entendre Henri Emmanuelli
déclarer en marge du congrès du parti socialiste, à Grenoble, que ce débat sur
le calendrier était « disproportionné »,...
M. Jean-Pierre Schosteck.
Voilà !
M. Paul Blanc.
... que « personne n'était dupe » et que « cela fait des mois que tout le
monde sait que ce calendrier n'est pas favorable au candidat de gauche ».
(M. Gournac rit.)
Ainsi, je comprends mal - et, dans ma circonscription, les électeurs de base
sont comme moi - que Lionel Jospin fasse passer en force et en vitesse une
proposition de loi organique censée n'être favorable à personne, alors que ses
partenaires se frottent simultanément les mains en rappelant qu'il est patent
depuis des mois que le calendrier actuel ne leur est pas favorable.
Le procès d'intention ne peut être considéré comme injuste. Celui-ci, en
effet, ne me semble de fait pas totalement dénué de fondement.
Cette réforme est effectivement une réforme de convenance et, encore une fois,
il n'est pas sain, dans une démocratie moderne, de procéder à de tels
changements à des fins purement électoralistes. Les électeurs ne manqueront pas
d'en juger par eux-mêmes. Et ces manoeuvres, selon le vieux principe de
l'arroseur arrosé, seront, à n'en pas douter, sanctionnées par le peuple.
M. Hilaire Flandre.
C'est évident !
M. Paul Blanc.
Le Premier ministre aurait dû s'en remettre au Président de la République,
puisque c'est à ce dernier qu'il revenait de prendre une décision de cet ordre,
la Constitution lui conférant le rôle de gardien des institutions.
Puisque cette réforme touche, sans le dire, à l'élection présidentielle - il
s'agit bel et bien d'inverser le calendrier électoral et de faire intervenir
l'élection présidentielle avec les élections législatives - il me semblait que
la moindre des politesses aurait bien évidemment été de procéder par la voie
d'un projet de loi organique, examiné en conseil des ministres, lequel, en
vertu de l'article 9 de la Constitution, est présidé par le Président de la
République.
Le Président de la République aurait ainsi pu - cela semblait la moindre des
choses - formuler au moins des observations, voire des réserves, quant à
l'inversion du calendrier électoral.
Cela aurait relevé non pas simplement de la plus évidente des courtoisies mais
également de l'esprit même de nos institutions que certains croient défendre
aujourd'hui, après avoir été ses plus ardents détracteurs, en plaidant pour
cette inversion du calendrier.
En effet, si personne ne peut se prévaloir d'être garant de l'esprit de nos
institutions, et surtout pas ceux qui, héritiers spirituels de l'auteur du
livre
Le Coup d'Etat permanent,
le combattaient encore très récemment,
une seule chose reste cependant certaine : les réformes institutionnelles
relèvent de la compétence du Président de la République. D'ailleurs,
permettez-moi de rappeler les propos de M. le rapporteur, qui a bien fait
remarquer que, dans l'interprétation même de la Constitution, il y avait au
moins deux doctrines ; mais je n'y reviendrai pas, car cela a déjà été
brillamment démontré.
Effectivement, personne ne peut se prévaloir d'être habilité à dire si
l'inversion ou le maintien du calendrier est le plus conforme à l'esprit de nos
institutions.
J'en veux pour preuve les avis différents des éminents constitutionnalistes
auditionnés par la commission.
En revanche, il y a une chose que personne ne peut nier : c'est que la
réforme, si elle devait avoir lieu, devrait être du ressort du Président de la
République.
MM. Alain Gournac et Jean-Pierre Schosteck.
C'est sûr !
M. Paul Blanc.
Permettez-moi de citer encore une fois la Constitution, qui est déjà malmenée
en ce jour et qu'il est donc salutaire de ne pas oublier. L'article 5 de la
Constitution est on ne peut plus précis : « Le Président de la République
veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le
fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l'Etat.
» Il me semble qu'il est difficile d'être plus explicite.
De quel droit le Président de la République a-t-il donc été écarté, d'une
part, d'un débat institutionnel et, d'autre part, de l'élaboration d'un texte
de loi le concernant au premier chef ? Cette question mérite, il me semble, une
réponse nette et précise monsieur le ministre et c'est ce que j'attends de
vous.
M. Alain Gournac.
Il y a peu d'espoir !
M. Paul Blanc.
Votre réponse est d'autant plus attendue par mes collègues et par moi-même que
le Premier ministre semblait pourtant, lui aussi, extrêmement clair sur la
question.
Or c'est avec étonnement que, quelques semaines plus tard, j'ai appris, comme
l'ensemble des Français, qu'au cours d'un congrès du parti socialiste - entre
nous, est-ce la meilleure tribune pour obtenir un consensus ? - Lionel Jospin
annonçait son intention de défendre un texte inversant le calendrier électoral
et prolongeant la durée du mandat des députés, et ce à peine un an avant la
date prévue du scrutin.
Par ailleurs, était-il vraiment nécessaire de déclarer l'urgence sur ce texte
? Etait-il à ce point essentiel qu'il soit adopté au plus vite, pratiquement en
catimini, au nom de je ne sais quelle impérieuse urgence nationale ?
M. Jean-Pierre Schosteck.
Heureusement que le Sénat veille !
M. Alain Gournac.
La « petite troupe » veille !
M. Paul Blanc.
Chez moi, les gens s'étonnent que nous ayons à « plancher » sur cette
proposition de loi, alors qu'ils appellent de leurs voeux bon nombre d'autres
réformes autrement plus urgentes pour eux.
Je pense notamment à la réforme de nos impôts. La répartition de la fameuse «
cagnotte » n'aurait-elle pas mérité un grand débat au Parlement ?
M. Alain Gournac.
Certes !
M. Paul Blanc.
N'était-ce pas mieux que de laisser les gens de Bercy trancher ?
Je pense à l'avenir de nos retraites.
M. Alain Gournac.
Aussi !
M. Paul Blanc.
Aujourd'hui, une grève est lancée. A ce véritable problème, aucune réponse
n'est apportée.
Je pense à la sécurité,...
M. Alain Gournac.
Petit problème !
M. Paul Blanc.
... au moment où, dans ma région, le Languedoc-Roussillon, les gendarmes et
les policiers se font tirer comme au ball-trap,...
M. Jean-Pierre Schosteck.
Comme à la chasse !
M. Paul Blanc.
... où, à Strasbourg ou ailleurs, on commence à trouver tout à fait normal que
les voitures brûlent,...
M. Alain Gournac.
Il n'y en a pas eu beaucoup, cette année !
(Rires sur les travées du
RPR.)
M. Paul Blanc.
... où, même dans les plus petites communes, les personnes âgées n'osent plus
sortir, de crainte d'être victimes d'une agression à la sauvette.
M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement, tout récemment,
et avec raison, s'est félicité, dans les étranges lucarnes, de la diminution du
nombre de tués sur les routes en France au cours de l'année 2000.
Il nous a montré ce qu'il fallait faire, car, en même temps qu'il parlait, on
voyait des gendarmes et des policiers en train de procéder à des contrôles
routiers, après quoi confirmation nous était donnée que des consignes très
strictes avaient été transmises aux parquets pour sanctionner sévèrement les
contrevenants, notamment en cas de délit de grande vitesse ou de conduite en
état d'ivresse ou sous l'emprise de la drogue. Ces mesures, tous les citoyens
de France les acceptent, ou finissent par s'en accommoder.
Pourquoi ne donne-t-on pas la consigne aux parquets de traiter les délinquants
avec la même sévérité ? C'est ce que les Français, aujourd'hui, demandent.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Très bien !
M. Paul Blanc.
Si certains de nos ministres étaient victimes d'agressions, nul doute qu'il en
irait ainsi, pour autant que l'on arrive à prende - ou reprendre ! - lesdits
délinquants !
Encore une fois, pourquoi ce que le ministre de l'équipement, des transports
et du logement a fait en matière de sécurité routière, le ministre de
l'intérieur ne le ferait-il pas pour la petite délinquance quotidienne ?
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
Le financement de la sécurité sociale est un autre grand sujet de
préoccupation des Français.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Mais non, il n'y a pas d'urgence !
M. Alain Gournac.
Ce n'est pas pressé !
(Rires sur les travées du RPR.)
M. Paul Blanc.
Certes ! Si ce n'est que, chaque année, on nous annonce que les pourcentages
d'augmentation qui avaient été prévus dans le projet de loi de financement de
la sécurité sociale sont dépassés. Si ce n'est qu'aujourd'hui même les
professions médicales et paramédicales vont être reçues au ministère en raison
du véritable malaise qui règne dans la santé publique et du déséquilibre des
comptes de la sécurité sociale.
Pas plus tard que la semaine dernière, j'ai posé, ici même, une question à Mme
le secrétaire d'Etat à la santé pour savoir si le pôle de santé de la petite
commune de Prades, que j'ai l'honneur d'administrer depuis douze ans, allait
être maintenu. S'il ne l'était pas, c'est un maillon de plus qui sauterait, et
ce parce que l'on ne donne pas à l'hôpital local et à la clinique les moyens de
fonctionner dans de bonnes conditions.
Autre sujet de préoccupation de nos compatriotes : la construction de l'Europe
et, surtout, le passage à l'euro, dans moins d'un an.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Il n'y a pas urgence !
M. Paul Blanc.
Chez moi, les gens se font du souci ; ils se demandent comment cela va se
passer.
M. Alain Gournac.
Eh oui !
M. Paul Blanc.
En effet, à partir de janvier prochain, les prix seront affichés en euros,
notre nouvelle monnaie.
Mes chers collègues, vous vous souvenez sans doute des problèmes qu'a
occasionnés le passage des anciens francs aux nouveaux, à tel point
qu'aujourd'hui encore, chez nous, dans les campagnes - mais, évidemment, c'est
la France profonde ! - il y a des gens qui comptent en anciens francs. Qu'en
sera-t-il, demain, quand il faudra compter en euros !
M. Georges Gruillot.
Et l'ESB ?
M. Paul Blanc.
J'allais y venir, avec la protection de l'environnement et la sécurité
alimentaire.
On parle beaucoup de l'effet de serre. Mais quelle est, aujourd'hui, en
définitive, l'énergie électrique la moins polluante à cet égard ? L'énergie
électronucléaire, énergie électronucléaire sur laquelle on est en train de
faire une croix au motif que quelques membres du Gouvernement ont fait de sa
suppression leur cheval de bataille ! Ce faisant, on ne se préoccupe pas de
l'avenir de notre pays, de la façon dont va être produite son électricité,
alors que c'est pour nos compatriotes un grand sujet de préoccupation.
S'agissant de la sécurité alimentaire, que n'a-t-on pas entendu sur la « vache
folle » ? Heureusement que le Sénat, dans sa grande sagesse, a décidé de
constituer une commission d'enquête, aux travaux de laquelle, avec certains
collègues ici présents, j'ai l'honneur de participer. Là encore, nos visites
sur le terrain témoignent de l'intérêt que les Français portent à cette
question.
M. Alain Gournac.
Evidemment !
M. Paul Blanc.
Dès lors, ce débat sur l'inversion du calendrier paraît totalement
surréaliste, en décalage absolu avec les préoccupations et les attentes
légitimes des Français.
En réalité, le parti socialiste n'est pas du tout sûr de gagner les élections
législatives,...
M. Hilaire Flandre.
Il est même sûr de les perdre !
M. Paul Blanc.
... malgré l'autosatisfaction de ses dirigeants.
J'en veux pour preuve l'analyse d'Eric Perraudeau, dans
la Revue socialiste
de novembre 2000, que je cite textuellement pour ne pas trahir sa pensée :
« On oublie trop souvent que la défaite de la droite en juin 1997 ne s'est
jouée qu'à un très petit nombre de voix. Il aurait suffit, pour que le résultat
final soit inversé et que la gauche soit actuellement dans l'opposition, qu'à
l'échelle nationale moins de 1 % des électeurs modifient leur comportement.
« On ne saurait non plus minimiser les 76 triangulaires que la gauche gagna à
47 reprises. Si, comme l'a montré plusieurs fois Jérôme Jaffré » - une
référence ! - « le calcul de la droite se révèle faux et empreint d'une
certaine mauvaise foi, il n'en reste pas moins qu'une dizaine de
circonscriptions auraient pu passer à droite sans le maintien du Front national
au deuxième tour. »
M. Jean-Pierre Schosteck.
Tout à fait !
M. Paul Blanc.
Quant à l'évolution du rapport de forces politiques depuis 1997,
la Revue
socialiste
la résume en une formule implacable : « Une progression
électorale de la gauche en trompe-l'oeil. »
Voilà, sans doute, la réelle explication de ce changement !
M. Jean-Pierre Schosteck.
Evidemment !
M. Paul Blanc.
Cela nous éloigne considérablement de la prétendue philosophie de cette
réforme : revenir à l'esprit de la Constitution, remettre le calendrier dans
l'ordre.
M. Jospin a toujours combattu la Constitution de la Ve République.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Toujours !
M. Paul Blanc.
Et voilà qu'aujourd'hui il en découvre l'esprit et s'en proclame le défenseur
!
Je regrette que M. le Premier ministre ne soit pas là ce matin, lui qui est
l'élu du canton de Cintegabelle, près de Toulouse, dans ce Sud-Ouest où, chacun
le sait, le rugby est roi. Si, comme je le suppose, il suit de très près le
championnat de France de rugby, que penserait-il si, en cours de saison, on
changeait les règles du jeu ?
M. Jean-Pierre Schosteck.
Voilà !
M. Paul Blanc.
Imaginons qu'en début de saison on décide que l'équipe en faveur de laquelle
est sifflé un coup franc botté en touche et bénéficie de qu'on appell une «
pénal-touche », c'est-à-dire se voit rendre la balle pour jouer la touche -
c'est la règle aujourd'hui, elle n'était pas la même il y a deux ans. Qu'aurait
pensé le Premier ministre si, en cours de championnat, on avait changé cette
règle ?
M. Jean-Pierre Schosteck.
Il aurait trouvé cela scandaleux !
M. Paul Blanc.
Imaginons la réaction des équipes qui auraient basé une bonne partie de leur
entraînement sur cette phase de jeu ! Croyez bien qu'en pays de rugby ça ne se
serait pas passé comme ça !
Aujourd'hui, avec cette inversion de calendrier, on ne fait rien d'autre que
de changer la règle du jeu en cours de match. C'est totalement inadmissible.
M. Jospin, je l'ai dit, a combattu la Constitution et, aujourd'hui, il en
découvre l'esprit. Peut-être les vocations tardives sont-elles les plus belles
et les plus émouvantes ! En l'espèce, permettez-moi d'en douter ! Nous autres,
dans les campagnes, nous sommes naïfs, mais jusqu'à un certain point : nous ne
le sommes surtout pas assez pour y croire.
M. Jean Chérioux.
Il y a plus de joie dans le ciel pour un pécheur qui se repend que pour
quatre-vingt-dix-neuf justes qui persévèrent !
M. Paul Blanc.
Saint Jean, chapitre 23 !
(Rires sur les travées du RPR.)
M. le président.
Ne serait-ce pas plutôt « Saint-Jean-Chérioux » ?
M. Paul Blanc.
Vous l'aurez compris, et je tiens à l'affirmer très solennellement du haut de
cette tribune, je ne voterai pas ce texte.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Gerbaud.
M. François Gerbaud.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en montant à
cette tribune, j'ai une pensée particulière pour Edgar Faure. Dans un temps
assez lointain, où nous siégions, M. le rapporteur et moi-même, à l'Assemblée
nationale, Edgar Faure, à l'époque ministre de l'agriculture, pour caractériser
un débat qui jetait à la tribune quatre-vingt-seize orateurs, eut ces mots : «
litanie, liturgie, léthargie ».
(Sourires.)
Notre débat pourrait effectivement ressembler à cela aujourd'hui, mais
j'apporterai à cette formule un correctif.
Litanie, oui, parce que chacun d'entre nous a la volonté de dire ce qu'il en
pense. Liturgie, oui, parce qu'il y a, dans l'infini respect que les uns et les
autres nous avons de la Constitution, quelque chose de rituel et de sacré.
Léthargie, non, car le sujet est trop grave pour qu'on puisse l'aborder sans
fortes polémiques.
A mon tour, dans ce débat, je voudrais donner mon intime conviction. Intime,
parce que, bien entendu, il va de soi que ce que je vais dire, je le crois ;
intime aussi, au sens plus particulier du terme, car nous vivons aujourd'hui
dans cette assemblée une certaine intimité, du fait de notre petit nombre,
mais, après tout, qu'importe le nombre, pourvu qu'on ait la foi !
(Nouveaux
sourires.)
Adressant des voeux à mes amis, il y a quelques semaines, j'ai souvent
exprimé, comme beaucoup d'entre nous, le souhait que cette très symbolique
année de tous les commencements - ce n'est pas n'importe quoi : un an, un
siècle et un millénaire en même temps - réponde à leurs attentes, à leurs
préoccupations et à leurs projets, ce qui est l'espérance, je pense, partagée
par tous les Français.
Je ne suis pas certain que modifier le calendrier des grands rendez-vous
politiques de 2002 soit très précisément au coeur de leurs préoccupations
d'aujourd'hui : la rue, à Paris, en témoigne.
Aucun incendie ne s'étant déclaré, ni à l'Elysée, ni à l'Assemblée nationale,
l'urgence d'en débattre au Parlement leur semble aussi insolite que d'appeler
le SAMU pour un modeste éternuement !
(Sourires sur les travées du
RPR.)
A dire vrai, les Français, et on les comprend, ont la tête ailleurs. En 1968,
et nous siégions, M. Bonnet et moi-même, à l'Assemblée nationale, avant les
événements que l'on sait, on a dit : la France s'ennuie. Et les Français
s'ennuyaient. On peut dire aujourd'hui qu'ils s'interrogent sur la conception
et l'ordre des priorités du Gouvernement.
Sans être exagérément pessimiste, il est à craindre que ce débat que nous
livrons à leur indifférente observation...
M. Jean-Pierre Schosteck.
Pas si indifférente que cela !
M. François Gerbaud.
... ne suscite chez eux autant d'intérêt que le récent référendum sur le
quinquennat « sec » où, à l'évidence, ils ne se sont guère mouillés
d'enthousiasme !
(Rires sur les mêmes travées.)
Indifférence hier ; indifférence inquiète et gravement désinvolte sans doute
aujourd'hui : comment, en vérité, pourrait-il en être autrement à un moment où
des revendications de toute nature - pouvoir d'achat, retraites, licenciements
annoncés - peuplent les rues de Paris et des grandes villes d'un incessant
cortège de manifestants, la rue aujourd'hui en témoigne, à Paris et ailleurs
?
Comment pourrait-il en être autrement à un moment oppressant où les étals des
bouchers saignent d'inquiétude et les étables des éleveurs d'interrogations,
terrible constat d'un monde agricole partagé entre l'incertitude, la colère et
le désarroi sans compter le scepticisme des consommateurs, auxquels on ne cesse
de promettre une rigoureuse sécurité alimentaire, sans compter aussi ceux que
la maladie frappe ou guette et qui comprennent mal que systématiquement l'on
encadre les dépenses de santé dans une rigoureuse gestion comptable ?
M. Alain Gournac.
Bien sûr !
M. François Gerbaud.
Certes, elle peut avoir la vertu de la rigueur, mais dans certains cas, elle
peut être un ralentisseur d'espérance.
Est-il besoin de rappeler - là aussi, la rue en témoigne - l'urgence d'une
authentique politique de santé qui, jusqu'à présent, n'existe pas ?
M. Alain Gournac.
Très bien !
M. François Gerbaud.
Comment pourrait-il en être autrement en ces jours où, dans de nombreux
endroits de nos villes, dans nos lycées, dans nos collèges et même parfois dans
nos écoles communales, vivre au quotidien, c'est vivre à haut risque dans un
monde frappé, hélas, par la leucémie sans rémission de l'insécurité, de la
délinquance et de la violence, une violence désormais affichée depuis quelques
jours par des attentats qui peuvent nous faire craindre le pire, tragédie d'une
haine sans frontière qui blesse au coeur les Français, lesquels attendent de
toute urgence qu'on les prémunisse contre les drames annoncés ?
Oui, comment pourrait-il en être autrement et différemment, en cette période
d'application difficile des 35 heures qui pose aux artisans et à de nombreux
secteurs de l'activité nationale plus de problèmes que de réjouissantes
satisfactions ?
M. Alain Gournac.
Oh oui !
M. François Gerbaud.
Comment pourrait-il en être autrement, alors que, dans ce même temps de
compétition sans merci, l'Europe n'en finit pas d'imposer ses directives dans
notre droit et la mondialisation de faire peser les contraintes d'un
impitoyable marché international ?
En dépit des bonnes nouvelles de notre économie, d'une meilleure situation de
l'emploi qui laisse cependant sur le bord de la route du travail 2 300 000
chômeurs, l'espérance semble cependant avoir perdu sa carte vitale dans un
monde où, pour beaucoup, la vie a cessé d'être un long fleuve tranquille, si
tant est qu'elle le ne fût jamais.
M. Paul Blanc.
Très bien !
M. François Gerbaud.
Répondre à ces inquiétudes panoramiques, légitimes et récurrentes en demandant
au Parlement le sceau de son aval pour que, contrairement aux dates
constitutionnellement fixées, l'élection du Président de la République précède
les législatives, c'est en vérité ouvrir un très grave débat, et non pas
souscrire à une simple formalité. Que le peuple souverain s'en désintéresse,
lui qui est détenteur de la souveraineté nationale est, hélas, un fait ; que le
Parlement en discute en est un autre.
Chacun d'entre nous, en effet, ne fût-ce que par délégation du peuple
souverain, s'y trouve impliqué, et par conséquent démocratiquement soucieux de
donner son sentiment, même au prix d'un débat où certains esprits malins nous
accusent de traîner les pieds et de nous livrer à je ne sais quel « harcèlement
textuel ». Il y a cependant des circonstances où le silence n'est pas d'or.
Permettez-moi d'ouvrir une brève parenthèse pour préciser que l'expression «
harcèlement textuel », nous l'avons mise au point un certain jour avec
Robert-André Vivien ; elle a été employée à l'Assemblée nationale dans un débat
qui ressemblait étrangement à celui-ci, puisque, à l'époque, les vôtres,
monsieur le ministre, faisaient également ce que nous faisons et que vous nous
reprochez aujourd'hui.
(Rires.)
Vous voyez les réciprocités !
M. Jean Chérioux.
C'est cela la démocratie. Ils ont tous les droits !
M. Alain Gournac.
Et nous, aucun !
M. François Gerbaud.
En tout cas, je tenais à rendre à Robert-André Vivien la primeur d'une
expression dont nous avions discuté sous le bronze de l'Assemblée nationale.
Mais je ferme la parenthèse sur ce souvenir que je me plais à rappeler.
Il est légitime, donc, que, dans un débat aussi important, aussi inopportun
qu'insolite, l'explication un instant l'emporte sur toutes les impatiences, les
imprécations et les suspicions c'est ce que nous faisons présentement à notre
manière, avec plus ou moins de bonheur et de séduction, après que notre
excellent rapporteur, M. Christian Bonnet, a donné le coup d'envoi de cette
discussion où, à dire vrai, les redites ont une vertu au moins, celle de
fédérer les préoccupations pour bien montrer l'urgence.
Et, comme ne le dirait pas Boileau, tout n'a pas été dit depuis qu'il y a des
orateurs et qu'ils causent.
(Sourires.)
M. Jean Chérioux.
C'est La Bruyère, pas Boileau !
M. François Gerbaud.
Mille excuses !
M. Jean Chérioux.
C'est très important pour le débat !
(Rires sur les travées du RPR.)
M. François Gerbaud.
J'avais hésité, mais je rends volontiers à La Bruyère ce que, naturellement,
les racines de son histoire lui permettent d'avoir !
(Nouveaux rires sur les
mêmes travées.)
Je voudrais, parmi les orateurs, citer M. Cornu et ses
propos non alambiqués, ainsi que M. Hérisson dont nous avons apprécié... les
pointes !
Je remercie M. Bonnet de l'infinie patience dont il fait preuve dans une
écoute héroïque, alors même que, de son propre aveu - qu'il me permette cette
confidence - la patience n'est pas une de ses inclinations naturelles. Mais
après tout, à chacun son héroïsme, vous en avez vous aussi fait preuve,
monsieur le ministre, d'une certaine manière : cela méritait bien un coup de
chapeau !
Plus sérieusement, nous avons le droit de dire que nous ne pouvions pas
accepter un texte qui est une sorte d'OVNI politique ; je veux dire par la un «
objectif véritablement non identifiable ».
(Sourires.)
En effet, si les calculs qui l'inspirent sont politiquement connus et même
affichés, les grandes raisons qui le justifient restent aux « abonnés absents
».
Comme de nombreux spécialistes de la Constitution, je suis convaincu que
l'inversion du calendrier ne se justifie par aucun motif fondamental, si ce
n'est la convenance, et, peut-être faut-il un instant le regretter, la
connivence dans l'addition en francs et en euros des précautions électorales et
des acrimonies inavouées !
(M. le ministre sourit.)
Cela peut vous faire sourire, monsieur le ministre. Au cas où il en serait
ainsi sachez qu'à gauche, si vous vivez, comme vous le dites, votre diversité
dans une communauté souvent réduite aux aguets, il nous arrive parfois, et
c'est un peu le cas aujourd'hui, de vivre notre propre union dans l'adversité.
(Rires sur les travées du RPR.)
Pour ce qui nous concerne, aucun tremblement de terre n'est en vue. Quelle que
soit leur sensibilité, les volcans du Massif central, si chers à M. Giscard
d'Estaing, ne sont pas en train de se réactiver. Bref, ce n'est pas encore
Apocalypse now !
On pourrait, à la limite, dans un excès de crédulité ou d'optimisme, se
réjouir de cette réaffirmation solennelle du rôle prééminent que la
Constitution donne au Président de la République.
Certains esprits chagrins n'hésitent d'ailleurs pas à penser - ni à dire - que
cette éclatante et soudaine preuve de l'attachement à la fonction
présidentielle peut être interprétée comme une sorte de repentance de ceux qui,
par les coups d'éclat permanents de leurs critiques, ne furent jamais les
ardents prosélytes de la Ve République dans ce qu'elle a d'essentiel. Heureuse
vocation tardive, qui va finalement de « l'aversion » à « l'inversion » !
(Sourires sur les mêmes travées.)
Reste que l'inversion du calendrier électoral, telle qu'elle sera, en fait,
votée par les députés, qui ont le dernier mot, ouvre, comme je l'ai dit, un
très grave débat institutionnel.
Lorsqu'à Grenoble, devant le congrès du parti socialiste, le Premier ministre
estimait que l'ordre actuel des élections, qui résulte des hasards de la vie et
de la politique, n'était pas cohérent, il donnait ainsi le feu vert aux siens
pour adapter, recopier et s'inspirer de la proposition de loi déposée à
l'Assemblée nationale par d'éminents députés de l'opposition. Ainsi étaient-ils
les têtes de pont de ce que j'appelle la « connivence ».
C'était, comme au temps récent du quinquennat, tirer très habilement parti,
par un effet
boomerang
, d'inspirations venues fort opportunément de
l'autre camp.
Ainsi corrige-t-on aujourd'hui, de surcroît, dans l'urgence, une situation
dont on sait qu'elle existe depuis la dissolution de 1997.
Il aura donc fallu aux inspirateurs et acteurs de cette inversion du
calendrier électoral presque quatre années pour s'apercevoir que ce calendrier
de 2002, dans l'ordre prévu, élections législatives puis élection
présidentielle, échappait à toute logique et qu'il convenait au plus vite d'y
remédier, au prix contestable, et naturellement contesté, d'une modification
des règles du jeu à l'approche d'une échéance électorale. Paul Blanc a dit ce
qu'il en pensait s'agissant du rugby !
M. Paul Blanc.
Merci, monsieur Gerbaud !
M. François Gerbaud.
L'électrochoc qui a ainsi bousculé l'ordre des choses tient - cela a été dit,
mais je le redis - à deux évidences.
Première évidence : aucune élection n'est jamais gagnée d'avance et, quand
elles se suivent, même si elles ne sont pas de même nature, le peuple souverain
nous a montré, et peut-être nous montrera, que, le quinquennat compris, il peut
« zapper » en élisant deux majorités différentes à quelques semaines
d'intervalle. En ce domaine, la « contiguïté » n'est pas forcément la «
continuité ». Les prochaines élections, et elles seules - je parle de celles de
2002 -, diront si oui ou non, comme on peut l'envisager, le quinquennat va en
quelque sorte risquer d'institutionnaliser la cohabitation.
M. Jean-Pierre Schosteck.
C'est en effet un risque !
M. François Gerbaud.
Un spécialiste a dit que le zapping à la télévision, c'était le chewing-gum
des yeux. Le zapping en matière électorale, tout aussi possible d'ailleurs que
l'autre, peut être considéré, lui aussi, toute révérence gardée, comme le
chewing-gum de la démocratie ! C'est dire qu'il est terriblement audacieux même
parfois, si les sondages peuvent nous y encourager, de compter les oeufs dans
le derrière de la poule. C'est peut être en ce domaine qu'il n'y a pas la
preuve par l'oeuf !
(Sourires.)
Seconde évidence : perdre les législatives, lorsque l'on est candidat
challenger à la présidentielle, c'est courir un risque et ne pas mettre toutes
les chances de son côté. Il fallait donc, disent les partisans de l'inversion,
ne rien laisser au hasard. Et c'est très précisément cette référence faite au
hasard de la vie et de la politique qui constitue, comme l'a indiqué M. le
rapporteur, une très grave atteinte à la Constitution, à son esprit et à sa
lettre.
En réalité, le calendrier proposé au peuple français ne tient en rien du
hasard ; il résulte de la Constitution. Elle a expressément prévu un droit de
dissolution confié au Président de la République et organisé le déroulement du
mandat de ce dernier. La Constitution règle, avec précision, l'hypothèse d'une
vacance du pouvoir résultant du décès du Président.
Prétendre aujourd'hui que le calendrier électoral résulte du hasard, c'est
nier le droit du Président de la République de dissoudre l'Assemblée nationale
et, en conséquence, l'aménager. C'est nier le fait que la Constitution a prévu
la mort comme l'une des causes de la fin du mandat présidentiel.
Considérer l'analyse de certains, hostiles à confier les rênes du pouvoir à ce
qui serait donc un coup du sort, relève du calcul politique et n'a pas
d'incidence dans la vie de nos institutions.
Considérer que la survenance d'une dissolution ou le décès du Président de la
République nécessite un aménagement de nos institutions conduit inévitablement
à poser ces questions, que tout le monde a d'ailleurs posées, me
semble-t-il.
En premier lieu, le Président devra-t-il consulter, outre le Premier ministre
et les présidents des assemblées, l'ensemble des forces politiques du pays
avant de recourir à la dissolution ?
En second lieu, qu'aurions-nous dû faire à la mort de Georges Pompidou ?
Assurer la permanence du pouvoir par le recours à je ne sais quel prince
héritier ?
Déjà, de manière implicite, les partisans de l'inversion sermonnent le
Président de la République en lui disant : « Monsieur le Président, pour
l'amour du ciel, n'utilisez votre pouvoir de dissolution qu'avec discernement,
car vous nous obligeriez à inverser le calendrier électoral ! »
La volonté d'aménager le droit de dissolution du Président de la République en
en rejetant les effets et d'ériger la fin du mandat présidentiel en un caprice
du hasard, en quelque sorte un « caprice de Marianne »
(Rires sur les
travées du RPR),
le refus d'affronter sereinement le cours constitutionnel
du calendrier électoral, alors que la Constitution nous a appris à y faire
face, tout cela contribue indiscutablement à l'affaiblissement des institutions
de notre Ve République.
Avec le quinquennat, on a ouvert la boîte de Pandore et nous nous trouvons
pris dans l'engrenage d'une adaptation irréfléchie, peut-être, des institutions
pour des raisons d'opportunité politique en fonction des chances et des
résultats escomptés de chacun.
Le débat politique ne sort pas grandi de cette grave affaire et, en dépit de
mon attachement personnel àTalleyrand, je ne le suivrai pas lorsqu'il dit : «
On ne va jamais aussi loin que lorsque l'on ne sait pas où l'on va »
(Sourires sur les travées du RPR)
- c'est le cas aujourd'hui -,
convaincu que le chemin politique n'est pas un chemin de randonnée, où l'on
découvre à chaque virage un nouveau paysage.
En revanche, j'adhère à cette réflexion de Talleyrand : « Pire que le
mensonge, la vérité. » Acceptez, monsieur le ministre, que vous ayons dit notre
vérité, même si elle vous blesse. Le texte que vous soumettez à notre jugement
est un fait politique et juridique. L'important n'est peut-être pas seulement
le fait lui-même ; il est dans le temps et les incertitudes du temps, ses
redoutables ombres portées. Il n'est jamais bon de redouter les grands
rendez-vous de l'histoire !
Pour terminer, je citerai un propos qui nous ramènera au temps où M. Bonnet et
moi-même étions dans la maison à laquelle je faisais tout à l'heure allusion.
J'avais un jour parlé devant le Premier ministre Georges Pompidou de la façon
dont je souhaitais que l'on modifiât peut-être la Constitution. Il avait
répondu ce qu'il répondait toujours : « Gerbaud, ne touchez jamais à la
Constitution. Sachez-le, on n'enlève jamais une pierre dans une clé de voûte ;
l'édifice peut s'écrouler. »
(Très bien ! et applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. le président.
Monsieur Gerbaud, je vous remercie. Démonstration est faite que l'on peut
parler de choses sérieuses avec beaucoup d'esprit et de talent.
(Nouveaux
applaudissements sur les mêmes travées.)
La parole est à M. Gruillot.
M. Georges Gruillot.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans un
contexte riche en actualité parlementaire, il peut apparaître à nos concitoyens
- et je partage tout à fait leur opinion - complètement inapproprié de débattre
dans l'urgence de la proposition de loi organique visant à proroger la durée du
mandat en cours des membres de l'Assemblée nationale en reportant la date
d'expiration des pouvoirs de cette assemblée du premier mardi d'avril au
troisième mardi de juin.
Au moment où nos concitoyens sont confrontés quotidiennement aux problèmes
d'insécurité, de précarité, de chômage, de violence scolaire, où l'on
s'interroge sur l'avenir du système de retraite, où l'on prépare l'arrivée de
l'euro, il semble anachronique de se préoccuper de petits problèmes
d'organisation d'élections pour les convenances personnelles de quelques
personnalités.
Changer les règles du jeu est un aveu de faiblesse du pouvoir politique, rien
d'autre qu'une excuse pour ne pas affronter au fond les vrais problèmes de
notre société.
Il y a en effet d'autres sujets plus urgents et importants, mais le
Gouvernement en a décidé autrement.
Il a opté délibérément pour l'urgence absolue. La nécessité exclusive à
l'entrée de ce nouveau millénaire est devenue l'inversion du calendrier
électoral. Ainsi, le Parlement français marquera son entrée dans le troisième
millénaire par la priorité accordée à ce qui peut apparaître comme un simple
problème d'intendance ou d'intérêt personnel.
C'est un débat purement politicien et déconsidérant l'ensemble de la classe
politique qui s'est engagée.
Comment s'étonner alors du désintérêt sans cesse croissant des Français pour
les consultations électorales ? La classe politique, aux yeux de nos
concitoyens, se discrédite chaque jour davantage avec de telles méthodes.
Les Français ont d'autres préoccupations et ce débat est trop loin de leurs
soucis quotidiens. Ne creusons pas davantage le fossé qui sépare le citoyen du
monde politique. Le taux d'abstention des dernières élections a pourtant donné,
dans ce domaine, une leçon suffisamment claire.
Après avoir évoqué le contexte dans lequel cette proposition de loi est
examinée, venons-en maintenant aux conditions d'examen de ce texte par le
Parlement.
Ces conditions, je les trouve particulièrement contestables dans la mesure où
l'ordre des échéances électorales de 2002 est connu depuis 1997 et que ce
projet de réforme n'a, à aucun moment, figuré dans le programme annoncé lors du
discours d'investiture de M. Lionel Jospin.
Le Gouvernement a brutalement modifié sa position sur la question. En effet,
le 19 octobre 2000, M. le Premier ministre déclarait sans ambiguïté que « toute
initiative de sa part serait interprétée de façon étroitement politique, voire
politicienne ». Cela a déjà été dit par de très nombreux orateurs, mais c'est
tellement important qu'il faut le marteler.
Il a même clairement annoncé qu'il « en resterait là et qu'il faudrait
vraiment qu'un consensus s'esquisse pour que des initiatives puissent être
prises ».
Ce large consensus n'est jamais apparu dans les enquêtes d'opinion, pas plus
que dans les assemblées parlementaires.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Ni même dans la majorité plurielle !
M. Georges Gruillot.
Effectivement. En octobre 2000, le Gouvernement semblait donc soucieux du
respect des échéances fixées par les lois de la République.
Mais, peu après, le 24 novembre 2000, lors du congrès du parti socialiste à
Grenoble, le Premier ministre semblait avoir changé radicalement de position en
souhaitant que le « Printemps 2002, celui des grands rendez-vous démocratiques
à l'occasion desquels le peuple s'exprime et tranche soit non pas un printemps
de la confusion et des choix de convenance, mais un printemps de clarté ».
On peut s'étonner qu'un Premier ministre en exercice choisisse le congrès
d'une formation politique, fût-ce la sienne, pour annoncer un tel changement de
cap.
M. Paul Blanc.
Ce n'est pas le consensus !
M. Georges Gruillot.
Et quel mépris pour la représentation nationale de la part de M. Lionel Jospin
!
M. Jean-Pierre Schosteck.
Eh oui !
M. Georges Gruillot.
S'ensuivit le dépôt de plusieurs propositions de loi tendant à modifier la
date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale, les affidés ou les
amis de circonstance volant au secours d'un Premier ministre qui n'osait pas
déposer un texte d'origine gouvernementale.
Ces amis de circonstance viennent d'être interpellés par une lettre ouverte,
publiée voilà quelques jours seulement dans la presse. Je ne résiste pas à
l'envie de vous en livrer un extrait, tant il me semble correspondre à la
réalité.
« Entre les amertumes de ceux qui ont manqué le rendez-vous de l'histoire et
les ambitions de ceux qui se verraient bien dans un gouvernement avec les
socialistes, il ne manque pas de serviteurs zélés pour servir la soupe à Lionel
Jospin et tenter de déstabiliser Jacques Chirac. Comme pour le quinquennat.
« Comment ne pas nous étonner quand le parti socialiste accepte subitement
l'idée d'un débat sur les institutions proposé par d'éminents représentants de
l'opposition ?
« Comment ne pas nous interroger quand Raymond Barre signe un appel commun
dans la presse avec Michel Rocard et dépose, avec le groupe socialiste à
l'Assemblée, une même proposition de loi ?
« Les socialistes ont peur de perdre les législatives en 2002 et font machine
arrière toute. Ce n'est pas une raison pour les suivre et signer avec la gauche
un PACS électoral contre nature. »
Vous le savez, je pense, mais je vous rappelle que ces propos sont extraits
d'une lettre publique signée par l'un de nos collègues M. Henri de Raincourt,
président du groupe des Républicains et Indépendants au Sénat.
M. Jean-Pierre Schosteck.
C'est un papier excellent ! Vous avez raison d'en faire mention.
M. Georges Gruillot.
Six propositions de loi organique ont été déposées. Trois d'entre elles
visaient à reporter du premier mardi d'avril au 15 juin la date d'expiration
des pouvoirs de l'Assemblée nationale. Trois autres avaient des objectifs
différents, l'une d'entre elles allant jusqu'à prôner la concomitance des
élections présidentielle et législatives.
Ces propositions ont été inscrites à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale,
très rapidement, voire dans la précipitation. Pourquoi cette urgence ?
Le rappel des circonstances de l'inscription de ce texte m'amène à faire
plusieurs remarques.
Le calendrier de 2002, connu depuis 1997, date de la dissolution de
l'Assemblée nationale, n'a pas fait l'objet de discussions lors des débats
parlementaires relatifs au quinquennat. Alors que, depuis 1958, de nombreuses
élections, comme l'élection présidentielle au suffrage universel, les élections
européennes, les élections régionales, sont venues enrichir un calendrier déjà
bien pourvu, il était tout à fait concevable d'étudier plus tôt toute
modification afin que le Parlement puisse en débattre dans le calme et la
sérénité.
M. Alain Gournac.
Tout à fait !
M. Georges Gruillot.
Le choix de la proposition de loi organique n'est pas anodin non plus ; il
permet au Gouvernement d'accélérer la procédure en supprimant le passage obligé
d'un projet de loi devant le Conseil d'Etat et le conseil des ministres.
De plus, la proposition de loi organique, ainsi que l'ensemble des
propositions de loi soumises au Sénat comportent des exposés des motifs très
succincts et tous bien différents, ce qui ne nous permet pas d'apprécier les
motivations précises du changement proposé.
Un projet de loi aurait, quant à lui, comporté un exposé des motifs plus clair
permettant au Conseil constitutionnel d'exercer un contrôle, ce qui n'est pas
le cas de la proposition de loi organique présente, dont les motifs avancés
restent diffus, que ce soit le respect d'une logique institutionnelle de la Ve
République ou la mise en cohérence avec la réforme du quinquennat.
Par ailleurs, le Gouvernement fait référence à « l'esprit » des institutions
de la Ve République, qui impliquerait que le Président soit élu avant les
députés. Le ministre de l'intérieur rappelle les difficultés d'organisation de
la présentation des candidats à l'élection présidentielle : cela fait sourire
!
M. Jean-Pierre Schosteck.
Ce sont des arguties !
M. Georges Gruillot.
Autant d'arguments qui ne sont ni légitimes ni crédibles et qui démontrent que
les véritables motivations sont totalement inavouables.
M. Alain Gournac.
Absolument !
M. Georges Gruillot.
En admettant que le calendrier actuel pose un problème, ne serait-il pas plus
judicieux de réexaminer plutôt la date de l'élection présidentielle, comme l'a
suggéré le professeur Carcassonne ?
Le présent texte ne répond pas à l'objectif poursuivi. Les discussions
engagées à l'Assemblée nationale démontrent bien que le législateur souhaite
supprimer la notion de hasard.
En somme, pour que la situation prévue en 2002 ne se renouvelle pas, il serait
nécessaire, d'une part, que tous les futurs présidents de la République
achèvent leur mandat et, d'autre part, que le droit de dissolution ne soit pas
utilisé.
De telles conditions ne sont pas envisageables à moins de supprimer le droit
de dissolution, prérogative fondamentale du Président de la République, et de
créer une fonction de vice-président, celui-ci pouvant achever le mandat du
Président en cas d'interruption de son mandat. Il s'agirait alors d'une réforme
en profondeur de notre système français, mais cela ne peut se discuter, comme
nous le faisons aujourd'hui, à la sauvette.
M. Alain Gournac.
Très bien !
M. Georges Gruillot.
L'unique argument avancé par le Gouvernement pour justifier la modification du
calendrier électoral demeure le respect de l'esprit de nos institutions
contrarié par ce calendrier.
Or de l'esprit des institutions ne découle pas un ordre spécifique dans le
calendrier des consultations électorales, à moins que le Gouvernement ne
souhaite obtenir une majorité présidentielle qui soit la même à l'Assemblée
nationale. Il s'agirait, par conséquent, d'éviter toute cohabitation.
De toute façon, même si ces deux élections se déroulaient le même jour, un
citoyen pourrait très bien voter pour un député et un Président de la
République de tendances opposées.
Une telle modification du calendrier électoral est sans précédent dans
l'histoire de la Ve République. Certes, plusieurs mandats électifs furent
prolongés mais ils concernaient uniquement des mandats locaux ; ce fut le cas
en 1966, 1972, 1988, 1990, 1994 et 1996.
Seuls deux cas de prorogation du mandat de député sont intervenus : l'un en
1918, l'autre 1940, mais cela, reconnaissons-le, dans des périodes tout à fait
exceptionnelles. Cela a déjà été dit dans le débat mais méritait d'être
rappelé.
Au demeurant, si le texte de l'Assemblée nationale devait être adopté, il faut
aussi en évaluer les conséquences immédiates.
L'assemblée nouvellement élue débuterait ses travaux le troisième mardi de
juin, pour les interrompre une semaine plus tard. Par conséquent, une session
extraordinaire serait obligatoirement convoquée les années d'élections
législatives, alors que l'instauration de la session unique a pour objectif de
les faire disparaître.
Par ailleurs, dans ce cas de figure, le projet de budget pour l'exercice à
venir serait élaboré par le Gouvernement avant les élections législatives,
celles-ci pouvant éventuellement bouleverser la tendance politique.
Modifier ponctuellement les règles de fonctionnement de nos institutions est
un exercice qui nous révèle donc ses limites.
Par exemple, qu'en serait-il des élections de 2007 ?
A vouloir modifier partiellement et ponctuellement le calendrier électoral
pour de simples raisons de convenance d'un Premier ministre candidat à
l'élection présidentielle de 2002, on aboutirait à une accumulation d'élections
sans aucune cohérence : avant l'élection présidentielle devront avoir lieu des
élections municipales couplées avec des cantonales, élections qu'il sera
difficile de repousser au mois de juin, puisque ce serait le moment des
législatives, voire en septembre, puisque auraient lieu à cette date les
élections sénatoriales.
Une telle modification doit impérativement reposer sur un motif d'intérêt
général bien précis pour nous démontrer que cette proposition de loi n'est pas
un texte de convenance personnelle.
Le droit doit impérativement encadrer la vie politique de la nation, et une
réforme des institutions ne peut être utilisée pour réaliser des coups
politiques.
M. Alain Gournac.
Très bien !
M. Georges Gruillot.
A cet égard, le Conseil constitutionnel joue un rôle essentiel dans
l'encadrement juridique de la vie politique. Au-delà de la protection des
droits et libertés fondamentales, le rôle du Conseil constitutionnel est de
clarifier les données du débat politique et de faire en sorte que les décisions
soient prises en toute cohérence avec la Constitution de la Ve République.
Dans le cas de figure qui nous intéresse, le Conseil constitutionnel serait
saisi obligatoirement de la présente loi organique et pourrait sans doute
retenir favorablement certaines des observations soulevées par ce vaste
débat.
L'édifice construit par ce texte, si celui-ci était voté en l'état, pourrait
en effet se trouver en contradiction avec le droit de dissolution de
l'Assemblée nationale, prérogative du Président de la République prévue par la
Constitution, puisque toute dissolution entraîne obligatoirement de nouvelles
élections législatives entre les vingt et quarante jours qui la suivent.
Les quatre décisions du Conseil constitutionnel sur les reports de dates
d'élections, intervenues en 1990, 1994 - par deux fois cette année-là - et
1996, concernaient la prorogation du mandat des membres d'assemblées locales :
les conseils municipaux et les conseils généraux pour les trois premières et
une assemblée territoriale d'outre-mer pour la dernière. Cependant, les
enseignements que l'on peut en tirer s'appliquent
a fortiori
à la
prorogation du mandat de l'Assemblée nationale.
Chaque fois, le Conseil constitutionnel a validé la démarche tout en la
subordonnant au respect de conditions strictes, à savoir le caractère
exceptionnel et transitoire de la prorogation et l'existence d'une réelle
justification.
Cette jurisprudence étant transposable au cas d'une élection nationale, le
Conseil constitutionnel sera amené à exercer un véritable contrôle sur la
validité des motifs de la modification proposée.
En somme, il n'y a pas de justification technique et, par conséquent, pas de
motif à l'inversion des élections ; la seule motivation est d'ordre politique,
plutôt floue, car difficilement avouable.
M. Paul Blanc.
Ça oui !
M. Georges Gruillot.
Le Premier ministre ne nous a d'ailleurs pas dévoilé ses conceptions
personnelles sur la Constitution. Ne serait-il pas favorable au régime
présidentiel ?
N'est-il pas surprenant de voir certains de ceux pour qui le vote du
quinquennat devait amoindrir la fonction présidentielle nous affirmer que la
prépondérance de celle-ci exige l'inversion des calendriers ?
M. Alain Gournac.
Double langage !
M. Georges Gruillot.
Réformer le calendrier électoral sans bouleverser en profondeur le régime de
la Ve République apparaît comme techniquement très difficile.
Je regrette, pour ma part, que la révision constitutionnelle relative au
quinquennat n'ait pas fait l'objet d'un débat plus appofondi, portant notamment
sur ses incidences sur le régime, cette révision constituant l'une des plus
importantes de la Ve République depuis une quarantaine d'années, comparable à
celle de 1962, relative à l'élection au suffrage universel direct du Président
de la République, et à celle de 1974, qui a ouvert la saisine du Conseil
constitutionnel à l'opposition parlementaire.
Pour toutes ces raisons, je suis farouchement opposé - mais je pense que vous
l'aviez déjà compris -...
M. Alain Gournac.
C'était clair !
(Sourires.)
M. Georges Gruillot.
... à l'inversion du calendrier électoral, jugeant même très choquant que le
Gouvernement cherche à influencer le résultat des urnes en jouant, pour ne pas
dire plus, sur la date des élections. Les Français, soyez-en sûrs, ne
l'oublieront pas.
Même Mme Voynet, pourtant membre de ce gouvernement, s'en inquiète.
M. Alain Gournac.
Tiens, tiens !
M. Georges Gruillot.
Elle doute en effet des résultats de la méthode puisqu'elle vient de mettre en
garde Lionel Jospin et le parti socialiste « contre les petits calculs qui
peuvent coûter cher sur le terrain de la crédibilité et de l'arithmétique
électorale ».
M. Alain Gournac.
Eh oui !
M. Paul Blanc.
Elle est bien, Mme Voynet !
M. Georges Gruillot.
On ne change pas les règles du jeu en cours de partie. Or la partie « élection
présidentielle de 2002 » est bel et bien déjà entrée dans une phase active.
Les candidats, officiellement déclarés ou non, se grandiraient à respecter la
règle imposée par le calendrier. Ils semblent oublier que la mission suprême
qu'ils convoitent requiert davantage de grandeur d'âme et d'honnêteté. Elle est
avant tout, permettez-moi de le rappeler, monsieur le ministre, une mission
faite de dévouement envers les citoyens, la République et la France.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président.
Mes chers collègues, en raison de la réunion de la conférence des présidents,
nous allons interrompre nos travaux. Nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures quarante-cinq, est reprise à quinze
heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
M. le président. La séance est reprise.
4
QUESTIONS D'ACTUALITÉ
AU GOUVERNEMENT
M. le président.
L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Conformément à la règle posée par la conférence des présidents, je rappelle
que l'auteur et le ministre disposent chacun de deux minutes trente.
Chaque intervenant aura à coeur de respecter le temps imparti de deux minutes
trente afin que toutes les questions et toutes les réponses puissent bénéficier
de la retransmission télévisée.
CHIFFRES DE LA DÉLINQUANCE
M. le président.
La parole est à M. Poniatowski.
(Applaudissements sur les travées des
Républicains et Indépendants.)
M. Ladislas Poniatowski.
Ma question s'adresse à M. Vaillant, ministre de l'intérieur, qui est absent
de l'hémicycle parce qu'il assistait ce matin aux obsèques du jeune policier de
vingt-quatre ans écrasé par un chauffard, voilà quelques jours, à Béziers. Sa
présence à cette cérémonie était d'autant plus nécessaire que les policiers et
les gendarmes n'ont, il faut le savoir, plus du tout « le moral » et perdent
confiance dans leurs dirigeants face à l'incessante croissance de
l'insécurité.
J'ai ici une liste d'actes de violence qui tous ont eu lieu au cours de la
semaine où est mort ce jeune policier. On y trouve, pêle-mêle, un palais de
justice qui explose, un convoyeur de fonds qui est tué, un professeur poignardé
par trois élèves dans son collège, ...
Mme Nelly Olin.
A Garges !
M. Ladislas Poniatowski.
... un employé de la caisse d'épargne tué d'une balle dans la tête au cours
d'un hold-up.
On y trouve aussi comme toutes les semaines, jour après jour, hélas ! une
augmentation de la délinquance qui se traduit par des voitures qui brûlent dans
nos banlieues, par des agressions physiques, par une violence quotidienne dont
les journaux ne se font même plus l'écho tant elle est devenue banale en même
temps qu'habituelle.
Si je me permets d'en parler aujourd'hui, c'est parce que les statistiques du
ministère de l'intérieur seront être publiées la semaine prochaine. On en
connaît déjà la tendance : le nombre des agressions physiques augmente, les
délinquants sont de plus en plus jeunes et de plus en plus violents, la
criminalité sort du cadre des grandes villes pour pénétrer dans les villes
moyennes et même les petites villes.
Dans son discours de politique générale de 1997, le Premier ministre, parlant
du droit à la sécurité, avait dit que la lutte contre l'insécurité serait l'une
de ses priorités.
M. Alain Gournac.
Il a beaucoup de priorités !
M. Ladislas Poniatowski.
Aujourd'hui, j'ai le sentiment que les Français attendent autre chose que des
déclarations générales ou que des déclarations comme celle que j'ai entendu il
n'y a pas même trois jours : « S'il y a une augmentation de l'insécurité, ce
n'est pas notre faute, a dit le Premier ministre, mais celle de ceux qui
étaient au pouvoir entre 1995 et 1997. »
(Exclamations sur les travées des
Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. René-Pierre Signé.
Il avait raison !
M. Ladislas Poniatowski.
De telles paroles ne sont pas responsables, et les Français en jugeront. Ma
question, monsieur le ministre, ne porte ni sur les statistiques ni sur
l'ensemble du problème de l'insécurité, car ce n'est pas en deux minutes et
demie que l'on peut aborder ce problème : elle est directement liée au voyage
effectué ce matin par le ministre de l'intérieur. Que compte-t-il faire pour
restaurer la confiance chez ces policiers et ces gendarmes qui ont le sentiment
d'être des cibles, et de n'être pas soutenus ?
(Applaudissements sur les
travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de l'Union centriste, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est a M. le ministre.
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
Monsieur le sénateur, M. Daniel
Vaillant assistait, en effet, ce matin, à Béziers, à l'enterrement du jeune
adjoint de sécurité Olivier Recasens, qui a été mortellement agressé dans sa
mission d'assistance aux personnes.
La présence du ministre de l'intérieur témoigne de notre volonté d'être aux
côtés des policiers, des gendarmes, de toutes les forces de sécurité qui se
dévouent et qui peuvent être victimes du devoir. C'est pourquoi j'estime que
votre dernière question n'est pas à sa place dans la bouche d'un élu de la
nation : on ne peut pas soutenir que les policiers ne bénéficient pas du
respect et du soutien du Gouvernement, comme de celui de l'ensemble des groupes
politiques représentés dans cet hémicycle.
Par ailleurs, monsieur le sénateur, les chiffres relatifs à la délinquance -
ils seront annoncés le 2 février prochain par le directeur général de la police
nationale - sont certes des indicateurs en matière de sécurité, mais ils ne
peuvent résumer à eux seuls notre politique globale de sécurité.
Il s'agit d'une politique difficile à conduire, car nous devons en effet faire
face à des phénomènes sociaux de montée de la violence. Cependant, conformément
à ce que le Premier ministre avait annoncé dans son discours de politique
générale en juin 1997, nous avons développé la police de proximité. C'est une
évolution essentielle de la police nationale, qui était surtout une police
d'ordre.
M. Gérard Larcher.
On attend toujours les effectifs !
M. Alain Gournac.
En effet !
M. René-Pierre Signé.
Ce sont eux qui les ont diminués !
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
J'en viens justement aux
effectifs. Avant 1997, 1 500 policiers partaient chaque année à la retraite.
Compte tenu de la démographie et des recrutements intervenus au début des
années soixante, ils sont maintenant 4 000. Or, rien n'était prévu pour
augmenter les contingents dans les écoles des gardiens de la paix. Lorsque j'ai
remplacé M. Chevènement pendant quelques mois, j'ai pu m'apercevoir, en me
rendant dans les écoles de formation des policiers, que, si nous n'avions pas
procédé à des recrutements et à des promotions exceptionnels, nous assisterions
aujourd'hui à une décrue des effectifs sur le terrain.
M. René-Pierre Signé.
Voilà ! C'est de leur faute !
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
C'est incontestable, monsieur
Poniatowski : rien n'avait été prévu.
M. le président.
Veuillez conclure, monsieur le ministre.
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
J'en termine, monsieur le
président, en soulignant que la sécurité est l'affaire de tous. C'est pourquoi
nous avons créé les contrats locaux de sécurité, qui sont maintenant au nombre
de 500 environ : ils visent à associer aux actions menées par les pouvoirs
publics les élus et toutes les forces qui peuvent exister dans la cité pour
faire reculer l'insécurité.
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
FINANCEMENT DES RETRAITES
ET ATTITUDE DU MEDEF
M. le président.
La parole est à M. Domeizel.
M. Claude Domeizel.
Ma question est ô combien d'actualité ! Elle est même en temps réel si l'on se
réfère aux manifestations qui ont lieu en ce moment dans les rues pour la
défense de la retraite à soixante ans.
M. Henri de Richemont.
Vous ne faites rien pour cela !
M. Claude Domeizel.
Expert de la « provoc » - pardon : de la provocation
(Facile ! et
protestations sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de
l'Union centriste)
- le MEDEF refuse de lever les cotisations qui
alimentent le surcoût des retraites complémentaires à soixante ans.
M. Henri de Richemont.
Démagogue !
M. Claude Domeizel.
Par cette attitude, il est clair que le patronat a décidé de s'inscrire
résolument dans une épreuve de force, de servir ses intérêts propres et
d'enfermer les partenaires sociaux dans une situation de blocage.
Je ne peux que relever l'incohérence du discours lorsque ces mêmes patrons
refusent d'embaucher les travailleurs en fin de carrière parce qu'ils sont trop
vieux alors qu'ils les empêchent de cesser leur activité professionnelle à
soixante ans ! Quelle position partisane, oui, partisane ! La délégation
patronale se sert même de l'UNEDIC comme instrument de pression dans les
conflits qu'elle rencontre depuis un certain temps avec le Gouvernement. Ce
n'est pas parce que l'opposition continue à être totalement inexistante...
M. Henri de Richemont.
On est là !
M. Patrick Lassourd.
Vous allez avoir des surprises !
M. Jean Chérioux.
Où sont les provocateurs ?
M. le président.
Je vous en prie, pas de provocation !
M. Claude Domeizel.
... même si, dans notre assemblée, elle tente un soubresaut un peu
ridicule,..
M. Henri de Richemont.
Scandaleux !
Mme Nelly Olin.
Quel mépris !
M. Claude Domeizel.
... que le patronat doit donner l'impression qu'il occupe l'espace ainsi
laissé vacant. C'est en tout cas une curieuse conception du dialogue
social,..
M. Alain Gournac.
La question !
M. Claude Domeizel.
... un mépris total du salarié et, surtout, un large accroc au paritarisme,
fondement du système social français.
Madame la ministre, nous espérons que la mobilisation d'aujourd'hui permettra
un rééquilibrage des forces entre patronat et syndicats.
Cet aspect du dossier des retraites relève pour le moment des contacts entre
les partenaires sociaux. Toutefois, si à cause de l'entêtement du patronat le
dialogue ne pouvait être renoué, quelle serait la position du Gouvernement ?
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée à la famille et à l'enfance.
Monsieur le sénateur, je
dois tout d'abord excuser Elisabeth Guigou, qui, comme vous le savez, préside
une très importante réunion rue de Grenelle sur l'avenir du système de
santé.
M. Henri de Richemont.
Elle est en campagne !
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée à la famille et à l'enfance.
Elle est évidemment
extrêmement attentive aux développements du problème que vous évoquez. La
première priorité du Gouvernement, vous le savez, est de préserver l'avenir des
régimes de retraite par répartition.
M. Henri de Richemont.
Vous ne faites rien !
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée à la famille et à l'enfance.
Nos concitoyens y sont
attachés, et ces régimes assurent depuis cinquante ans la sécurité des
retraités après leur vie de travail.
Bien sûr, une part significative des retraites dépend des régimes
complémentaires que vous évoquez. La gestion de ces régimes appartient en
premier lieu aux partenaires sociaux. L'autonomie conventionnelle est large
dans ce domaine.
Je note, comme vous, la situation de blocage dans laquelle se trouvent les
négociations sur l'avenir des régimes complémentaires et la responsabilité que
semble porter le MEDEF dans ce blocage.
M. René-Pierre Signé.
Il ne semble pas, c'est sûr !
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée à la famille et à l'enfance.
Il ne m'appartient
évidemment pas de dire aux uns et aux autres ce qu'ils ont à faire ; cela fait
partie du dialogue social. Je crois, cependant, que l'impératif de négociation
et de concertation que le Gouvernement a placé au coeur de sa démarche s'impose
finalement à tous. On ne peut pas prétendre faire de la refondation sociale,
d'un côté, et adopter la méthode du
diktat
, de l'autre.
Mme Nelly Olin.
Oh ! là ! là !
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée à la famille et à l'enfance.
Je relève aussi que les
dernières prévisions sur l'évolution financière des régimes de retraite
complémentaire s'améliorent. Cela peut permettre d'engranger des réserves
supplémentaires pour l'avenir,...
M. Jean-Jacques Hyest.
Ben voyons !
M. Alain Gournac.
La cagnotte !
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée à la famille et à l'enfance.
... de prendre le temps de
la négociation, de ne pas imposer brutalement une réduction des droits des
assurés. Les régimes de retraite complémentaire ne sont pas en crise,
contrairement à ce que certains voudraient faire croire.
(Exclamations sur
les travées du RPR.)
Pour l'heure, le Gouvernement fait confiance aux partenaires sociaux pour
trouver des solutions acceptables par tous et qui permettent de garantir les
droits des assurés. C'est à eux qu'il appartient d'en discuter les
modalités.
Mais bien évidemment, monsieur le sénateur, le Gouvernement est prêt à prendre
ses responsabilités, si cela est nécessaire, en concertation avec les
partenaires sociaux pour garantir le droit à la retraite à soixante ans.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen.)
FINANCEMENT DES 35 HEURES
DANS LA FONCTION PUBLIQUE
ET RETRAITES DES FONCTIONNAIRES
M. le président.
La parole est à M. Hugot.
M. Jean-Paul Hugot.
Ma question s'adresse à M. le ministre de la fonction publique et de la
réforme de l'Etat.
Monsieur le ministre, vous me permettrez tout d'abord de rendre un hommage
appuyé aux fonctionnaires qui remplissent chaque jour avec dévouement et
compétence leur mission : être au service de l'intérêt général, au service de
l'Etat et, par là même, au service des Français.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Ils sont mal payés !
M. Jean-Paul Hugot.
Aujourd'hui, les fonctionnaires sont inquiets sur l'avenir de leurs droits.
Malheureusement, les négociations salariales engagées pour 2001 et 2002 dans la
fonction publique viennent d'échouer. Après l'échec, l'an dernier, des
négociations du grand accord sur les 35 heures dans la fonction publique, c'est
la deuxième fois que l'impuissance du Gouvernement à faire aboutir la
négociation sociale dans la fonction publique est mise en évidence.
Aujourd'hui, l'opinion publique aurait de bonnes raisons de s'inquiéter. En
effet, compte tenu de l'effort considérable consenti par la nation pour faire
fonctionner son Etat, en termes de pression fiscale, il est essentiel que la
fonction publique réussisse à se moderniser sans faire appel à un surcroît de
sacrifices de la collectivité nationale.
Or on s'aperçoit que les seules grandes réformes administratives récentes -
réforme de France Télécom, réforme des armées - ont été courageusement lancées
par le précédent gouvernement.
M. Alain Gournac.
Oui !
M. Paul Blanc.
C'est vrai !
M. Jean-Paul Hugot.
L'incapacité du Gouvernement Jospin à réformer, dans la concertation, l'Etat
français n'a, en revanche, jamais été plus évidente.
M. Paul Blanc.
Eh oui !
M. Jean-Paul Hugot.
Ma question est donc la suivante : après l'échec de la réforme de Bercy, après
l'échec de la réforme de l'éducation nationale, les contribuables devront-ils
supporter de nouvelles charges pour financer les 35 heures dans la fonction
publique ? Où le Gouvernement prendra-t-il les 100 milliards de francs que
coûteront au budget de l'Etat les départs à la retraite des fonctionnaires dans
les dix ans à venir ?
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Jean Chérioux.
Dans la poche des contribuables !
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Si j'ai bien
compris, monsieur le président, je dispose de deux minutes trente pour répondre
à l'ensemble des questions qui viennent de m'être posées !
M. le président.
C'est exact !
(Sourires.)
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Vous
comprendrez, donc, monsieur le sénateur, que je ne puisse répondre en détail à
chacune d'entre elles.
Je dirai d'abord un mot sur les négociations salariales. Je mène, au nom du
Gouvernement, le dialogue social dans la fonction publique. En termes de
dialogue social, il y a des moments hauts, où l'on se parle, où on se comprend
et où on aboutit ; il y a également des moments bas. S'agissant des
négociations salariales, nous sommes actuellement dans un moment bas, ce qui ne
veut pas dire que l'on reste forcément bas.
M. Hilaire Flandre.
Et on en reste baba !
(Sourires.)
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Cependant,
monsieur le sénateur, je ne ferai pas, le Gouvernement ne fera pas, ce que
d'autres ont fait en 1995 et en 1996,
(exclamations sur les travées du
RPR)
à savoir ne rechercher aucun accord, ne rechercher aucun dialogue sur
les salaires de la fonction publique et bloquer totalement l'évolution des
traitements des fonctionnaires.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Ne serait-ce un peu une caricature ?
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Cette
caricature, vous la lirez, monsieur le sénateur, dans tous les bons ouvrages
!
M. Jean Chérioux.
Ecrits par vos amis ?
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
J'entendais
l'autre soir le Premier ministre de l'époque dire, avec beaucoup d'honnêteté,
qu'il n'adresserait certainement pas de critique sur ce sujet au Gouvernement
et au ministre d'aujourd'hui, lui qui avait bloqué les salaires des
fonctionnaires pendant deux ans.
M. René-Pierre Signé.
Eh oui !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Sur les
questions qui touchent à la réforme de l'Etat d'une manière générale,...
M. René-Pierre Signé.
Ils sont silencieux !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
... mieux
vaut se garder des grandes déclarations sur le fait qu'il faut la faire ou sur
fait que l'on est incapable de la faire.
Il n'y a de réforme de l'Etat que dans la durée, dans la continuité et dans la
ténacité.
Il n'y a pas le grand soir de la réforme de l'Etat ; cela n'existe pas, sauf
dans quelques grands esprits ultralibéraux qui rêvent d'importer tel ou tel
modèle d'outre-atlantique.
M. René-Pierre Signé,
Il y en a ici !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Il y a des
décisions prises les unes après les autres, dans le domaine des technologies de
l'information et de la communication, dans le domaine de la simplification
administrative, dans le domaine de la gestion prévisionnelle - on vient d'en
parler pour la police. Il en va ainsi dans toute la fonction publique. Il faut
gérer avec l'avenir en ligne de mire.
C'est ce que nous faisons pour le compte du Gouvernement et, avec l'ensemble
des ministres, je cherche à faire en sorte que nous réussissions. C'est dans ce
sens que nous marcherons.
(Bravo ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
SITUATION DES INFIRMIÈRES
M. le président.
La parole est à M. Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade.
Monsieur le président, ma question s'adressait à Mme le ministre de l'emploi
et de la solidarité, mais je la pose bien volontiers à Mme la ministre déléguée
à la famille et à l'enfance.
Madame la ministre, le personnel infirmier et une grande partie du personnel
hospitalier sont aujourd'hui plutôt dans la rue qu'à leur travail.
Les élus qui participent à la gestion des établissements hospitaliers, comme
de nombreux collègues ici, sont très inquiets de constater que la crise se
développe très rapidement parmi les personnels soignants, particulièrement
parmi les infirmières.
Il y a, d'abord, une pénurie de candidats aux métiers d'aide-soignante ou
d'infirmière, puisque les instituts de formation en soins infirmiers n'arrivent
pas à recruter suffisamment d'élèves. Pour le seul département des
Hauts-de-Seine, que je représente ici, sur les 254 places qui ont été proposées
au concours de septembre 2000, seulement 145 ont réellement été pourvues, ce
qui signifie que le déficit va rester à un niveau important.
Il y a, ensuite, un problème plus grave, qui est plus psychologique que
technique : beaucoup d'infirmières très qualifiées, notamment les infirmières
de salle d'opération...
M. Gérard Larcher.
Eh oui !
M. Jean-Pierre Fourcade.
... ont été choquées par la publication de plusieurs textes réglementaires
qui, tous, vont dans le sens de la déqualification. Cela suscite aujourd'hui
beaucoup de mouvements. Ceux-ci ne portent pas seulement sur les conditions de
travail ou sur les problèmes de salaires. Ils visent également à retrouver,
dans les établissements,...
M. Gérard Larcher.
Une certaine considération !
M. Jean-Pierre Fourcade.
... une certaine qualité du travail.
Enfin, il y a l'application trop rapide des 35 heures à la fonction publique
hospitalière. Autant c'est assez aisé dans les administrations « tranquilles »,
autant c'est difficile, tout le monde le sait, dans le système de santé.
M. Gérard Larcher.
C'est impossible !
M. Jean-Pierre Fourcade.
La désaffection des plus jeunes pour le choix de ces professions me paraît
inquiétante. La désorganisation de la plupart des établissements est un risque
que nous ne pouvons sous-estimer.
Aussi ma question est-elle la suivante : Madame la ministre, quelles mesures
envisagez-vous de prendre pour permettre un retour rapide à un fonctionnement
normal de notre système hospitalier, plus particulièrement en ce qui concerne
les services d'urgences.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de
l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants.)
M. Gérard Larcher.
Excellente question !
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée à la famille et à l'enfance.
Monsieur le sénateur,
j'aurai avec vous un point d'accord ; j'aurai également un point de désaccord,
ce qui ne vous étonnera pas.
Le point d'accord est le suivant : les infirmières et les infirmiers
représentent, en effet, un maillon essentiel de notre système de soins. J'en
rappellerai ici le nombre que l'on oublie parfois : ils sont 400 000, dont 85 %
sont des salariés. Ils et elles occupent des fonctions très importantes dans
l'acte de soin, mais aussi dans la prise en charge médico-sociale de la
population.
Ces besoins iront croissant - c'est une évidence - compte tenu, en
particulier, du vieillissement de la population.
Nous avons pris des mesures importantes pour répondre à cet accroissement
d'emplois. D'abord, nous avons compensé les départs en retraite, qui vont
augmenter d'ici à 2005. Je reprendrai volontiers ce que M. Michel Sapin a dit,
voilà un instant, sur la nécessité de programmer dans le temps et d'anticiper
la gestion des personnels. Ensuite, nous avons pris des mesures pour compenser
la réduction du temps de travail.
Je ne voudrais pas polémiquer avec vous, monsieur le sénateur, mais force est
de constater qu'en 1996, le gouvernement de l'époque avait supprimé 2 000
postes d'infirmières dans les instituts de formation en soins infirmiers, pour
l'année 1997.
M. Alain Gournac.
C'est reparti !
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée.
Or, mesdames, messieurs les sénateurs, il faut trois
ans pour former une infirmière et quatre ans pour former une infirmière
spécialisée.
M. Jean Chérioux.
On le sait !
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée.
Si l'on compte trois ans à partir de 1997, cela nous
conduit à 2000. Nous y sommes. Nous gérons, en effet, la réduction des
effectifs décidée en 1997.
M. Alain Gournac.
Oh, les pauvres !
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée.
Nous avons réagi, nous réaugmentons actuellement le
nombre de places ;...
M. Alain Gournac.
Pendant trois ans, rien !
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée.
... plus 1 000 places en 1998, plus 1 200 en 1999 et,
cette année, avec l'ensemble des représentants du secteur hospitalier, le
nombre d'élèves entrant dans les écoles a augmenté de plus de 40 %, soit 8 000
places de plus en 2001.
Parallèlement, nous avons sollicité l'appareil de formation. Aujourd'hui, ce
sont environ 92 % des 26 436 places ouvertes au concours d'entrée dans les
instituts de formation qui seront pourvues. Il faut rester vigilant pour
accompagner ce travail.
Je tiens à souligner ici que, s'agissant de l'analyse des moyens, pour motiver
les infirmières qui n'exercent plus, nous prenons des initiatives afin de les
inciter à revenir dans les établissements de santé.
Telles sont les décisions opérationnelles que prend le Gouvernement. J'espère
que, ainsi, nous pourrons répondre aux différents problèmes que vous évoquez.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
5
SOUHAITS DE BIENVENUE
À UNE DÉLÉGATION
DE PARLEMENTAIRES SUISSES
M. le président.
Mes chers collègues, nous avons le plaisir de saluer la présence, dans notre
tribune officielle, d'une délégation de parlementaires de la Confédération
suisse, accompagnés de leur ambassadeur. Ils sont venus étudier, dans notre
pays, les modalités de représentation des Français établis hors de France.
En votre nom à tous, en particulier des sénateurs représentant les Français
établis hors de France, je leur adresse nos souhaits de cordiale bienvenue au
Sénat, où nous sommes heureux de les accueillir.
(Mme et MM. les ministres
ainsi que Mmes, MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)
6
QUESTIONS D'ACTUALITÉ
AU GOUVERNEMENT
(suite)
M. le président. Nous poursuivons les questions d'actualité au Gouvernement.
FINANCEMENT DES RETRAITES
ET ATTITUDE DU MEDEF
M. le président.
La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud.
Monsieur le président, madame et messieurs les ministres, ma question porte
sur les retraites complémentaires.
Face au véritable coup de force du MEDEF, qui a décidé de suspendre sa
participation au financement des retraites complémentaires entre soixante ans
et soixante-cinq ans, les cinq grandes confédérations syndicales organisent,
aujourd'hui même - les membres de mon groupe reviennent de cette manifestation
- une journée unitaire d'action des salariés et des retraités du secteur privé
et du secteur public...
M. Hilaire Flandre.
Vous, vous avez la garantie d'une bonne retraite !
(Sourires.)
M. Thierry Foucaud.
... pour défendre le droit à la retraite à soixante ans à taux plein.
L'entreprise d'intransigeance mais aussi de démolition sociale entamée par le
MEDEF de MM. Seillière et Kessler, qui se durcit et se politise, menace
sérieusement le paritarisme et le dialogue social dans notre pays, menant ainsi
à une véritable impasse dans laquelle personne, je pense, ne trouvera son
compte.
Le débat porte aujourd'hui sur le financement des retraites, mais cette
question est intimement liée, on le sait, à la question des salaires et de
l'emploi. La défense de la retraite à soixante ans à taux plein, qui est l'un
des acquis majeurs à mettre au crédit de la gauche, passe nécessairement par
une politique salariale ambitieuse : sans hausse des salaires, il n'y aura pas
de défense crédible des retraites.
Madame la ministre, nous approuvons, vous le savez, la fermeté de vos
déclarations et de celles du Gouvernement sur l'attitude du MEDEF. Cette
riposte - c'est l'objet de notre question - doit, selon nous, se traduire
concrètement sur cinq points essentiels.
Premier point : il faut affirmer dans les faits le droit à la retraite à
soixante ans, ce qui nécessite une réduction du nombre des annuités
demandées.
Deuxième point : il faut afficher dès aujourd'hui, sans ambiguïté, la volonté
de pérenniser les retraites complémentaires sans perte de pouvoir d'achat, y
compris par voie législative.
Troisième point : il faut engager dans les délais les plus brefs une
revalorisation du SMIC à hauteur de 3,5 %, et je pense que l'Etat doit montrer
l'exemple en prenant en compte la baisse du pouvoir d'achat dans la fonction
publique.
Quatrième point : il faut abandonner la fausse bonne idée du crédit d'impôt
(Exclamations amusées sur les travées des Républicains et Indépendants et du
RPR),
qui dispense le patronat d'augmenter les salaires en reportant cette
charge sur la collectivité publique.
M. Alain Gournac.
C'est la gauche très plurielle !
M. Thierry Foucaud.
Cinquième et dernier point : il faut engager une politique déterminée de lutte
contre la précarité, précarité qui brouille d'ailleurs les bons chiffres de
l'emploi et qui créera, à l'avenir, de biens mauvaises surprises pour les
salariés en matière de retraite.
La menace qui pèse sur notre système de retraite par répartition réside, vous
le savez, madame la ministre, dans la faiblesse des salaires et du taux
d'activité.
Je pose ma question.
(Ah ! sur plusieurs travées du RPR.)
Quelles
mesures entendez-vous prendre en ce sens, madame la ministre, afin de répondre
efficacement, au-delà du positionnement d'un jour, à l'offensive du MEDEF.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée à la famille et à l'enfance.
Monsieur le sénateur, vous
avez abordé plusieurs sujets dans votre question.
S'agissant de la lutte contre la précarité, je dirai que la première action
c'est la lutte pour l'emploi et que le chômage recule ; le Gouvernement
continuera dans ce sens.
En ce qui concerne les prélèvements, le débat qui est ouvert porte sur les
baisses d'impôts, et je crois que tout le monde doit s'en réjouir. Il s'agit
non pas, comme vous l'avez évoqué, d'un crédit d'impôt,...
M. Paul Blanc.
Ah bon ?
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée.
... mais d'une prime pour l'emploi, d'une aide à
l'emploi
(Ah ! sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants)
qui vient compenser les allégements de cotisations annulés par le Conseil
constitutionnel,...
M. Alain Gournac.
Cela semble compliqué !
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée.
... décision qui, je le rappelle, a été prise après
une saisine par les parlementaires de droite.
M. Jean-Jacques Hyest.
N'avons-nous pas le droit de le faire ? Cela fait partie du rôle du Parlement
!
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée.
Le Gouvernement a donc rétabli, de ce point de vue,
pour les plus bas salaires, un avantage que les salariés intéressés
apprécieront, je pense.
(Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Jean-Pierre Schosteck.
C'est une « sucette » électorale !
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée.
Sur la question de la préservation des régimes de
retraite par répartition, j'ai déjà apporté un certain nombre d'indications
tout à l'heure, au nom d'Elisabeth Guigou.
Ce qui est préoccupant aujourd'hui, je le rappelle, ce sont non pas les
régimes de base, mais les retraites complémentaires. Il ne faudrait pas qu'il y
ait de confusion dans l'opinion publique à ce sujet. Il n'y a pas d'inquiétude
à avoir sur la pérennité de la liquidation des retraites complémentaires pour
ceux qui soit sont déjà à la retraite, soit y parviendront d'ici au 31 mars
2001. Ce qui est en cause, c'est le niveau des retraites complémentaires - et
c'est un sujet considérable - de ceux qui partiront à la retraite après le 31
mars prochain, avant l'âge de soixante-cinq ans. C'est pourquoi le Gouvernement
est très vigilant sur les discussions entre les partenaires sociaux, car il
s'agit d'abord et avant tout de leur responsabilité.
Comme vous l'avez dit, monsieur le sénateur, le versement des cotisations fait
l'objet d'une divergence juridique entre les partenaires sociaux.
Les organisations syndicales considèrent que la « déclaration commune »
adoptée en septembre dernier avec les représentants des employeurs proroge le
versement de ces cotisations. Le patronat estime pour sa part que tel n'est pas
le cas et que cette déclaration commune ne concerne que la prorogation du
versement des prestations. A ce stade, il n'appartient pas au Gouvernement de
se substituer aux parties à cette déclaration pour interpréter leur volonté
!
Quant à l'attitude du MEDEF, on ne peut que constater son incohérence :
lorsqu'on prétend oeuvrer à la refondation sociale, on ne se livre pas à un
véritable chantage. C'est là une curieuse conception de la négociation !
Sur ce sujet, je le répète, la position du Gouvernement est claire : il
prendra ses responsabilités pour garantir l'avenir de la retraite des Français.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen.)
APPLICATION DE LA CIRCULAIRE
SUR LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL SUR LES ROUTES L'HIVER
M. le président.
La parole est à M. Amoudry.
M. Jean-Paul Amoudry.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'équipement, des transports et du
logement.
(Ah ! sur les travées du RPR.)
M. Alain Gournac.
Il est là !
M. Jean-Paul Amoudry.
Monsieur le ministre, l'application de votre circulaire du 21 juillet 2000,
relative à l'organisation et à la sécurité du travail en service hivernal,
soulève de grandes difficultés dans les nombreux départements où les conditions
hivernales perturbent la circulation routière.
M. Paul Blanc.
Oui !
M. Jean-Paul Amoudry.
En effet, si ses objectifs ne sont pas contestables, cette nouvelle
réglementation entraîne des surcoûts sensibles, sans garantir pour autant le
maintien de la qualité de viabilité obtenue jusqu'alors.
A titre d'exemple, le conseil général de la Haute-Savoie, dont je suis l'un
des membres, a dû recruter, pour respecter cette circulaire, quarante-trois
agents temporaires supplémentaires pour l'hiver 2000-2001, ce qui engendre un
surcoût d'environ 4 millions de francs, alors même que le risque d'une
diminution du niveau de service, notamment durant la nuit, est accru.
En effet, les sorties de nuit perturbent l'organisation des rythmes de repos,
ce qui oblige à limiter au maximum ces interventions pour respecter les termes
de la circulaire. Par conséquent, une stricte application de ce texte risque
d'être préjudiciable à la sécurité des usagers de la route.
De même, le respect des temps de repos conduit à placer l'ensemble des agents
en astreinte durant toute la saison hivernale, ce qui est de nature à perturber
leur vie familiale.
Pourtant, monsieur le ministre, il semble que des solutions existent, puisque
cette circulaire n'a repris que l'un des cas de dérogation prévus par la
directive européenne du 23 novembre 1993, qui ouvrait, semble-t-il, la
possibilité de ramener le temps de repos continu hebdomadaire à moins de 35
heures ou de calculer le temps moyen de travail hebdomadaire maximal sur six ou
douze mois, au lieu de quatre mois.
Vous ayant alerté sur ces difficultés, nombre de conseils généraux vous ont
demandé, directement ou par la voix de l'Assemblée des départements de France,
une suspension de l'application de ce texte, le temps de permettre sa
modification à partir d'une étude d'impact approfondie.
Jusque-là, à ma connaissance, ces requêtes n'ont reçu de votre part aucune
réponse de fond.
Aussi, monsieur le ministre, je vous demande de bien vouloir indiquer à la
Haute Assemblée si vous envisagez de modifier la réglementation afin d'intégrer
les possibilités de dérogations prévues par la réglementation européenne, afin
de résoudre les difficultés vécues sur le terrain qui sont, je le rappelle, le
renchérissement du service, l'insatisfaction des personnels, une moindre
qualité de la viabilité hivernale et, pour finir, une dégradation des
conditions de sécurité des usagers.
(Applaudissements sur les travées de
l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
sénateur, les horaires réels pratiqués jusqu'alors en matière de viabilité
hivernale n'étaient pas acceptables, puisqu'ils pouvaient parfois aller jusqu'à
20 heures de travail d'affilée.
La démarche du Gouvernement tend bien à l'application de la directive
européenne de novembre 1993. Néanmoins, le Gouvernement n'a pas procédé de
manière stricte : il a d'abord discuté avec les organisations syndicales ; une
concertation approfondie a eu lieu, notamment sur les conditions de vie et de
travail des usagers de la route, mais aussi des salariés eux-mêmes. On voit
bien d'ailleurs que, en application de cela, des marges de progrès pour
l'exécution du service rendu peuvent être dégagés.
Certains départements, notamment le vôtre, monsieur Amoudry, connaissent des
situations d'enneigement particulières. Pour tenir compte de ces dernières, dès
2001, des crédits supplémentaires de vacation ont été dégagés et trente postes
supplémentaires d'agent d'exploitation ont été créés, alors que, depuis près de
vingt ans, le nombre de ces postes diminuait chaque année. Ainsi, j'ai décidé
d'affecter, pour 2001, 10 % de ces postes supplémentaires à votre département,
qui disposera donc de trois postes supplémentaires. Ces derniers ont d'ailleurs
été notifiés en décembre, c'est-à-dire quatre mois avant le calendrier en
usage.
J'ajoute que les dérogations ouvertes par la directive européenne sont bien
utilisées, notamment dans la circulaire sur la viabilité hivernale. Ainsi, pour
les situations imprévisibles ou exceptionnelles, le temps de repos hebdomadaire
minimum de 35 heures est ramené à 24 heures et la durée maximale de travail sur
une semaine - à condition que cela ne se passe pas ainsi toutes les semaines -
peut passer de 48 heures à 60 heures.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, notre démarche vise à concilier à la fois
l'application de dispositions européennes adoptées en 1993, les conditions de
vie et de travail des agents, ainsi que les conditions de circulation et la
sécurité sur les routes.
(Applaudissements sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)
APPLICATION DE LA LOI SUR LES 35 HEURES
DANS LES PME
M. le président.
La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer.
Ma question s'adressait à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, et
c'est Mme la ministre déléguée à l'enfance et à la famille qui va me répondre.
Je suis très flatté par cette substitution, qui me permet de constater la
polyvalence des valeurs féminines de ce gouvernement !
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées socialistes.)
M. René-Pierre Signé.
Elles sont meilleures que les « Jupettes » !
M. Jean Boyer.
Madame la ministre, nous recevons quotidiennement les doléances des petites
entreprises confrontées au passage aux 35 heures. Que fait le Gouvernement ?
M. Jean-Paul Amoudry.
On se le demande !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Ce n'est pas le
MEDEF !
M. Jean Boyer.
Rien ! Il semble ne pas les entendre, il reste sourd à leur appel !
Le problème est pourtant évident : dans les petites entreprises, le nombre de
salariés est insuffisant pour compenser exactement la diminution du temps de
travail par de nouvelles embauches. Soit l'entreprise recrute au-delà de ses
besoins, soit elle augmente les heures supplémentaires : dans les deux cas, le
coût est très élevé. Nous le savons, et la démonstration a été faite.
Les PME sont mises en difficulté par la réduction du temps de travail au
moment même où des pénuries de main-d'oeuvre se multiplient dans de nombreux
secteurs de l'économie : je pense à l'informatique, aux métiers de bouche, au
secteur du bâtiment et des travaux publics, à l'industrie, aux transports,
etc.
Ces pénuries apparaissent alors que le taux de chômage reste encore élevé dans
notre pays et dépasse de plus d'un point la moyenne dans l'Union européenne.
En imposant ainsi des contraintes drastiques aux PME, le Gouvernement est en
train de gâcher la croissance.
(Protestations sur les travées
socialistes.)
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Cela commençait
trop bien !
M. René-Pierre Signé.
Ils connaissent ! Ils sont experts !
M. Jean Boyer.
A la mi-décembre dernier, Mme Guigou avait clairement refusé d'assouplir la
loi sur les 35 heures. Nous savons qu'elle souhaite à tout prix se forger une
image de gauche après son passage Place Vendôme ; mais ira-t-elle jusqu'à
sacrifier les PME sur l'autel de sa nouvelle image ?
(Applaudissements sur
les travées des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées
du RPR.)
M. René-Pierre Signé.
Oh ! là, là ! C'est nul ! Quelle argumentation !
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée à la famille et à l'enfance.
Monsieur le sénateur,
j'essaierai d'apporter une nuance toute féminine à votre question, qui en
manque quelque peu, vous en conviendrez.
Vous interrogez le Gouvernement sur la situation des petites et moyennes
entreprises qui devront passer aux 35 heures dans quelques mois. Il est vrai
que les entreprises de moins de vingt salariés comportent certaines
spécificités, dont il faut tenir compte. Mais, contrairement à ce que vous
venez de déclarer, ces spécificités ont déjà conduit la loi à prévoir des
modalités particulières de passage aux 35 heures adaptées à ces entreprises,
telles que la création d'un délai supplémentaire et d'une période transitoire,
la possibilité de mandater un salarié, le passage aux 35 heures par étapes. Une
transition plus douce, si j'ose dire, pour ce passage aux 35 heures, a donc
déjà été prévue par la loi.
Reste l'attitude à adopter si de nouvelles difficultés apparaissent ou si
celles qui ont déjà été mises en évidence sont plus importantes que prévu. Le
Gouvernement n'est ni sourd ni aveugle. Mais, à ce stade, aucun élément ne
permet d'affirmer que tel soit le cas, puisque nous sommes précisément dans
cette phase de mise en application des 35 heures. On entend même, çà et là, des
réflexions sur l'attractivité de certains métiers, notamment ceux dont la durée
de travail est la plus importante. Cela signifie que ces secteurs, pour
lesquels il convient de réduire la durée du temps de travail, ne connaissent
pas tous une pénurie de main-d'oeuvre, ou alors celle-ci tiendrait à d'autres
motifs.
C'est la raison pour laquelle le ministère de l'emploi et de la solidarité
continuera, en 2001 et en 2002, à aider les entreprises à s'inscrire dans cette
démarche de réduction du temps de travail. Les ressources financières et
budgétaires seront dégagées au titre de l'appui conseil. Elles permettront, en
collaboration avec les organisations concernées, d'accompagner au mieux les
petites entreprises.
Le Gouvernement continuera également de consulter les organisations
professionnelles pour observer avec elles les indicateurs susceptibles de
mettre en évidence des difficultés imprévues et généralisées.
(Très bien !
et applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines
travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
PLAN DE PROTECTION DE L'ENFANCE
M. le président.
La parole est à Mme Campion.
Mme Claire-Lise Campion.
Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée à la famille et à
l'enfance.
Le 26 juillet dernier, le Gouvernement a annoncé un plan d'actions en cinq
axes en faveur de l'aide sociale à l'enfance.
Ces cinq axes sont les suivants : développer la prévention et la promotion
familiale, renforcer la coordination des signalements, améliorer et diversifier
la prise en charge, garantir le droit à l'expression des familles usagers de
l'aide sociale à l'enfance, enfin, mieux connaître et mieux évaluer.
Ce plan d'action s'appuie sur les constats de l'inspection générale des
affaires sociales et de l'inspection générale des services judiciaires, qui, au
mois de juin dernier, ont remis un rapport conjoint sur les placements, à Mme
la garde des sceaux, à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité et à
vous-même, madame la ministre.
Si nous saluons l'engagement de l'Etat et ses initiatives en matière de
prévention et de protection de l'enfance, nous avons quelques inquiétudes quant
à l'articulation de l'action gouvernementale avec celle des conseils
généraux.
La prévention et la protection de l'enfance demandent effectivement un effort
de synergie considérable tant au niveau horizontal - entre le ministère de la
justice, le ministère de l'emploi et de la solidarité et le ministère de
l'enfance et de la famille - qu'au niveau vertical - j'entends par là la
répartition des compétences entre l'Etat et les conseils généraux dans ce
domaine.
L'amélioration et la diversification de la prise en charge ne peuvent en effet
se concevoir que si l'on envisage les problématiques sous une approche globale,
en intégrant l'ensemble des facteurs éducatifs, médicaux et psychologiques du
parcours des jeunes et des familles.
Ainsi, et à titre d'exemple, la prévention ne peut se développer avec les
seuls appuis éducatifs et sociaux des départements alors même que l'on constate
chez les jeunes des troubles psychologiques graves, demandant une réponse
médicale et/ou thérapeutique qui sollicite l'intervention d'un réseau de
partenaires extérieurs, notamment les services de soins en milieu ouvert.
Or, un département, s'il peut préconiser un certain nombre de mesures et de
réseaux à constituer, n'a toutefois pas la maîtrise, ni même la capacité, de
l'infléchissement d'une politique de soins en la matière, au regard de ses
compétences légales.
Si le projet de circulaire interministérielle actuellement en cours de
rédaction préconise une coordination des services déconcentrés de l'Etat en
matière de prévention et de protection de l'enfance, la perspective de moyens
supplémentaires en termes de réponses soignantes ne semble pas compléter de
manière lisible les recommandations qui sont initiées.
Madame la ministre, pouvez-vous donc nous dire où en est le Gouvernement dans
la mise en oeuvre de ce plan d'actions et comment vous entendez articuler votre
action avec celles des conseils généraux, puisque l'aide sociale à l'enfance
est une compétence décentralisée ?
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée à la famille et à l'enfance.
Madame la sénatrice,
depuis que j'ai en charge la famille et l'enfance, j'ai eu à coeur de traiter
cette question tout à fait importante de l'aide sociale à l'enfance.
L'aide sociale à l'enfance est effectivement une compétence décentralisée -
c'est même le premier poste budgétaire de l'aide sociale des conseils généraux,
avec le handicap et les personnes âgées.
Beaucoup d'avancées ont été réalisées en ce domaine depuis la
décentralisation, notamment en matière de dépistage de la maltraitance, de
modernisation des établissements - la réforme à venir de la loi de 1975 nous
permettra, dans quelques jours, de dresser un bilan - de professionnalisation
des familles d'accueil, etc.
Mais certaines difficultés subsistent. On relève, notamment, de grandes
inégalités d'un département à l'autre. Ainsi, un département sur deux n'a pas
encore mis en place le schéma départemental de l'enfance, en dépit de
l'obligation faite par le législateur en 1986.
Par ailleurs - c'est l'un des enseignements importants du rapport de
l'inspection générale que vous évoquez - le public de l'aide sociale à
l'enfance reste très majoritairement issu des familles pauvres. Autrement dit,
la plupart des enfants placés, pour ne pas dire la quasi-totalité, sont issus
des familles défavorisées.
Cela pose d'ailleurs la question d'une meilleure utilisation des outils de
prévention en faveur des familles, afin d'être en mesure de mobiliser très en
amont les dispositifs pour les aider à retrouver sécurité économique,
affective, éducative, pour les épauler sans les disqualifier. Je considère en
effet - c'est ma ligne de conduite - que les familles pauvres ne sont pas de
pauvres familles et qu'elles ont tout autant envie que les autres de réussir
l'éducation de leurs enfants.
Or, les dépenses d'aide sociale à l'enfance des conseils généraux demeurent
absorbées à 75 % par les placements. Nous comptons aujourd'hui, dans notre
pays, 150 000 enfants placés, retirés de leur famille, et cela coûte beaucoup
plus cher aux conseils généraux que des politiques de prévention, qu'ensemble,
Etat et départements, nous pourrions développer plus profondément. Car l'heure
n'est plus à se rejeter les responsabilités ; il nous faut travailler mieux
ensemble.
M. Jean-Jacques Hyest.
Et les juges !
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée.
Précisément, j'y viens.
Dans quelques jours, sera diffusée à l'ensemble des préfets, devant lesquels
je me suis rendue, une importante instruction interministérielle leur demandant
d'assumer les responsabilités de l'Etat dans le domaine de la protection de
l'enfance, en mettant en place, dans chaque département, un groupe
départemental de protection de l'enfance...
M. Alain Gournac.
Toujours des groupes, des tables rondes !
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée.
... rassemblant tous les services de l'Etat concernés
par la protection de l'enfance, en y associant, bien évidemment, le président
du conseil général et les services départementaux.
Le préfet pourra ainsi réunir les services de la justice, de l'éducation, de
la police, de la santé, de la psychiatrie, pour que le signalement et la
détection des enfants en danger se fassent de façon beaucoup plus coordonnée
entre les différents services.
Il devrait en résulter une baisse du nombre de placements, et donc une
meilleure utilisation des fonds publics, qu'ils soient départementaux ou
nationaux.
La circulaire a été négociée et discutée très attentivement par mes soins avec
l'Assemblée des départements de France, parce que je considère que,
précisément, le conseil général et les services de l'Etat peuvent davantage
travailler en commun pour diminuer le nombre de placements.
J'aurai l'occasion, au mois de septembre prochain, lors des états généraux de
la protection de l'enfance - les départements seront associés à leur
préparation - de proposer à un certain nombre de départements, à titre
expérimental, de s'engager à diviser par deux le nombre d'enfants placés, afin
de voir concrètement, de façon opérationnelle, comment on pourrait arriver au
même résultat à l'échelon national, pour qu'il n'y ait plus, dans notre pays,
150 000 enfants retirés à leur famille.
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
INSÉCURITÉ
M. le président.
La parole est à M. Blanc.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Paul Blanc.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
Aujourd'hui, même si les statistiques officielles révèlent, hélas ! une
augmentation de l'insécurité, les chiffres sont largement minorés, non
seulement parce que beaucoup d'actes de petite délinquance appelés «
incivilités » ne sont pas enregistrés mais aussi parce que ne sont retracés que
les faits signalés, et chacun connaît la proportion de victimes qui ne portent
pas plainte par peur des représailles ou encore parce qu'elles n'espèrent plus
rien des pouvoirs publics.
M. Hilaire Flandre.
Cela ne sert à rien !
M. Paul Blanc.
Quelques chiffres révèlent avec exactitude ce climat d'insécurité : 3,5
millions de crimes et délits ont été constatés durant l'année 2000, avec une
hausse considérable des délits à caractère économique, notamment à Paris, où
elle atteint 22 % ; augmentation de 13 %, par rapport à l'année précédente, des
vols à main armée ; hausse de 10 % de vols avec violence ; 15 000 voitures
brûlées, en particulier à Strasbourg.
N'oublions pas, dans ce triste bilan, les agressions commises à l'encontre des
convoyeurs de fonds, du corps enseignant et des forces de sécurité. Dans ma
région, le Languedoc-Roussillon, les forces de police et de gendarmerie ont
déjà payé un lourd tribut en ce début d'année 2001.
Le Premier ministre a déclaré mardi dernier : « Le Gouvernement n'a pas de
leçon à recevoir en matière de lutte contre l'insécurité », soulignant que
celui-ci avait donné depuis 1997 la priorité à la sécurité quotidienne des
Français.
(M. Gournac s'exclame.)
Force est de constater que cette priorité ne s'est pas traduite dans les
faits. On peut mettre, en parallèle, les sommes allouées au financement des 35
heures imposées - 85 milliards de francs - et celles qui sont consacrées à la
justice, à la police et à la gendarmerie - 83 milliards de francs.
En conséquence, je demande quelles mesures concrètes le Gouvernement envisage
de prendre pour garantir le droit de chacun à vivre en paix, car, encore une
fois, si mesures il y a eu, elles ne se sont pas traduites dans les faits.
Et, tout naturellement, je demande donc à M. le ministre de l'intérieur quelle
leçon il peut nous donner en matière de lutte contre l'insécurité.
(Très
bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
Monsieur le sénateur, soyez
assuré de la détermination du Gouvernement à combattre et à punir toutes les
violences.
Assurer la sécurité de nos concitoyens, agir contre les comportements
délinquants par une réponse systématique est un devoir d'Etat. Le Premier
ministre l'avait dit en 1997 et nous sommes toujours dans la même orientation.
Mais il faut dire aussi que c'est de la responsabilité de chacun, et au premier
chef, bien sûr, des parents, qui doivent élever leurs enfants dans le respect
des règles qui régissent la vie en société. Par-delà les actions qui sont
menées par l'Etat ou les conseils généraux, il convenait de le rappeler.
J'ai évoqué, tout à l'heure, les recrutements de policiers, le développement
de la police de proximité, qui sera généralisé au cours de cette année, le
renforcement des effectifs dans les vingt-six départements les plus sensibles,
les contrats locaux de sécurité.
Dans la période qui vient, nous ferons porter plus particulièrement nos
efforts - le conseil de sécurité intérieure qui doit se réunir prochainement le
confirmera - sur une plus grande efficacité des enquêtes conduites sur le
terrain par les services de police et de gendarmerie, sous l'autorité des
procureurs, afin de mieux élucider les affaires, de lutter ainsi contre
l'impunité face à tous ces phénomènes de violence, de bandes et d'économie
souterraine.
Parmi les priorités figure aussi le traitement des comportements violents
grâce à des dispositifs appropriés associant, par exemple, l'éducation
nationale, quand elle est concernée, quand il s'agit de l'école et, si
nécessaire, les structures de santé.
En matière de sécurité, il faut que tout le monde se mobilise. Il ne sert à
rien de se lancer des chiffres à la figure. Les chiffres, vous les aurez le 2
février prochain : vous verrez les évolutions, les variations. L'essentiel,
c'est une mobilisation des forces de police, bien sûr, des forces de sécurité,
bien sûr, mais aussi de l'ensemble du corps social pour faire reculer la
violence.
La lutte contre l'insécurité dans nos villes et nos campagnes doit être menée
au niveau de la prévention, de la répression, de la réparation, mais elle passe
aussi par la mobilisation de l'ensemble du corps social et relève de la
responsabilité de chacun : parents, éducateurs, familles, milieu associatif.
Sachez, en tout cas, monsieur le sénateur, que de son côté, le Gouvernement ne
faiblira pas.
(Applaudissements sur les travées des socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.- Exclamations sur les travées du
RPR.)
MOYENS DE LA JUSTICE
M. le président.
La parole est à M. Leclerc.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Dominique Leclerc.
Ma question s'adresse à Mme le garde des sceaux.
Le Gouvernement s'enorgueillit des réformes qu'il a réalisées dans le domaine
de la justice.
Comme Mme le garde des sceaux, j'ai assisté, la semaine dernière, aux
audiences solennelles de rentrée des juridictions de mon département. Alors que
j'étais dans l'Indre-et-Loire, elle était, elle, à Morlaix, qui, soit dit en
passant, n'était pas vraiment l'endroit où on l'attendait ! J'en veux pour
preuve les centaines de magistrats qui manifestaient place Vendôme. Il
n'empêche : comme moi à Tours, elle a dû être frappée par ces audiences
désertées par les magistrats qui entendaient ainsi exprimer leur
découragement.
Ainsi, après les avocats et les greffiers, c'est au tour des magistrats d'être
en grève. Que lui reprochent-ils ? Tout simplement d'avoir lancé des réformes
sans avoir, au préalable, estimé leurs conséquences financières, sans avoir
dégagé les moyens humains et matériels nécessaires à leur application.
Là encore, on me rétorquera que ce Gouvernement a créé plus de postes que tous
les gouvernements précédents, les gouvernements Juppé, Balladur,...
M. Christian Demuynck.
Eh oui !
M. Dominique Leclerc.
... et donc que les difficultés actuelles, comme toutes les autres, nous sont
imputables.
M. René-Pierre Signé.
C'est vrai !
M. Dominique Leclerc.
Moyennant quoi j'évoquerai la conjoncture de l'époque, les difficultés
inhérentes aux années 1990-1995,...
M. Christian Demuynck.
Très bien !
M. Dominique Leclerc.
... les contraintes liées aux critères de convergence - Maastricht oblige !
M. Christian Demuynck.
Très bien !
M. Dominique Leclerc.
Sincèrement, ce n'est pas sérieux. Surtout, sachez-le, ce n'est pas du tout ce
que les Français attendent aujourd'hui. Cela ne les intéresse plus.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
Devant une telle autosatisfaction, je ne peux m'empêcher de m'interroger :
pourquoi, dans ces conditions, n'avoir toujours pas nommé le nouveau directeur
des affaires criminelles et des grâces,...
M. Henri de Richemont.
Eh oui, pourquoi ?
M. Dominique Leclerc.
... le dernier en poste ayant soudainement été remercié après deux années
d'activité ?
Par ailleurs, ce que vous oublierez de me dire, c'est que plusieurs réformes,
tant en matière pénale qu'en matière civile, ont été adoptées en 2000, mais
seront appliquées en 2001 et que ces réformes, comme celle sur la présomption
d'innocence ou celle sur l'appel des décisions des cours d'assises, se
traduiront par une aggravation de la charge de travail des magistrats et des
fonctionnaires.
M. Christian Demuynck.
Eh oui !
M. Dominique Leclerc.
Alors, de grâce, assumez votre bilan !
Les magistrats, dont il a été admis que le dévouement et la disponibilité sont
sans limite, méritent mieux que d'être les boucs émissaires de réformes faites
à crédit.
Ne les rendez pas responsables de l'insuffisance manifeste de moyens humains
et budgétaires, qui ne permet en aucun cas de faire face à un fonctionnement
normal de la justice dans le respect des textes et des justiciables, non plus
que des lenteurs et des dysfonctionnements de la justice, qui ne sont que le
fait de l'absence de réflexion et de réalisme de votre majorité.
Aussi ma question sera-t-elle simple : quels moyens entendez-vous vous donner
pour mettre un terme à cette situation explosive ?
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
Monsieur le sénateur, je vous
prie, tout d'abord, d'excuser l'absence de ma collègue, Mme Marylise Lebranchu,
retenue actuellement par la Commission consultative des droits de l'homme, qui
tient sa session annuelle.
Vous connaissez le budget de la justice, monsieur le sénateur. Est-ce à vous
que je dois rappeler que, depuis trois ans, pour faire face à la montée des
contentieux, mais aussi pour assumer les réformes qui ont été votées par le
Parlement 729 postes de magistrat ont été créés entre 1998 et 2001, soit autant
que sous tous les gouvernements depuis 1981 ?
(Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Hilaire Flandre.
Pour quel résultat ?
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
Pour la moitié, ces 729 postes
sont affectés aux réformes en cours, l'autre moitié constituant un renfort pour
les juridictions.
M. Hilaire Flandre.
Tu parles !
M. Alain Gournac.
Et pourquoi ne sont-ils pas contents, alors ?
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
Cela veut donc dire qu'il y a
eu multiplication par trois du rythme d'arrivée des magistrats dans les
différentes juridictions.
(Exclamations sur les mêmes travées.)
M. Alain Gournac.
Mais pourquoi donc ne sont-ils pas contents ?
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
C'est d'autant plus méritoire
qu'il faut du temps pour former les magistrats, plusieurs années, vous le
savez. De ce point de vue-là, je peux vous dire que l'Ecole nationale de la
magistrature de Bordeaux a vu ses contingents annuels augmenter de 30 %, ce qui
veut dire que nous aurons 600 magistrats de plus dans les prochaines années.
M. Alain Gournac.
Des promesses !
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
Pour ce qui est des greffiers,
monsieur le sénateur, dois-je encore rappeler que le gouvernement précédent,
celui de M. Juppé...
(Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains
et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Alain Gournac.
Toujours lui, alors !
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
En oui, madame, messieurs les
sénateurs, M. Toubon était alors ministre de la justice.
M. René-Pierre Signé.
Le ministre de l'hélicoptère dans l'Himalaya !
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
Donc, sachez que l'Ecole des
greffes est restée vide, faute de concours. C'était en 1997 et aucun concours
n'avait été organisé !
M. Alain Gournac.
C'étaient les années Mitterrand !
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
En conséquence, aucun greffier
n'est sorti de cette école en 1998 du fait de l'imprévoyance du précédent
gouvernement, un gouvernement de droite.
M. Alain Gournac.
Et les précédents, qu'ont-ils fait ?
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
En trois ans, nous avons pourvu
270 postes de greffier. Nous en nommerons 400 cette année et 500 en 2002.
M. Henri de Richemont.
Tout va bien !
M. Jean-Pierre Schosteck.
Pourtant, les magistrats sont dans la rue.
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
Voilà les chiffres, voilà la
réalité !
Par ailleurs, 600 postes d'éducateur ont été mis en place en trois ans.
Mme Nelly Olin.
Pas dans le Val-d'Oise !
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
Les effectifs ont augmenté de
30 %, pour les éducateurs, sur le terrain, ainsi que pour les personnels
pénitentiaires. Et le recrutement va s'amplifier.
M. Henri de Richemont.
En somme, tout va bien !
M. Alain Gournac.
Eh oui, tout va bien !
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
Mesdames, messieurs les
sénateurs, un effort sans précédent est fait actuellement, vous le savez, pour
la justice.
(Exclamations sur les travées du RPR.)
Oui, j'insiste,
madame, messieurs : un effort sans précédent !
Il faut du temps pour former des magistrats. Admettez que nous payons
aujourd'hui, en ce domaine, l'impéritie et l'imprévoyance des gouvernements
précédents !
(Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste. - Applaudissements sur les travées
socialistes.)
M. René-Pierre Signé.
Quelle imprévoyance !
M. Henri de Richemont.
C'est facile !
M. Alain Gournac.
Il fallait retarder l'entrée en application de la loi !
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
C'est la réalité et il faut la
dire aux Français. Dorénavant, et sur ces nouvelles bases, la justice aura
effectivement les moyens de fonctionner.
(Applaudissements sur les travées
socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. -
Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste.)
M. René-Pierre Signé.
Bravo !
M. Georges Gruillot.
C'est sans doute pour cela que les magistrats sont dans la rue !
M. Pierre Fauchon.
Et la « rançon » ?
M. Alain Gournac.
Oui, et la « rançon » ?
M. Pierre Fauchon.
Pour défendre les magistrats, vous les laissez se faire insulter ?
M. le président.
Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
Nous les reprendrons pour la lecture des conclusions de la conférence des
présidents et la suite de la discussion de la proposition de loi organique
modifiant la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale.
M. René-Pierre Signé.
Encore ? Cela va durer combien de temps ?
M. le président.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze, sous
la présidence de M. Guy Allouche, vice-président.)
PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
7
CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS
M. le président.
La conférence des présidents a établi comme suit l'ordre du jour des
prochaines séances du Sénat :
Mardi 30 janvier 2001 :
A dix heures :
1° Dix-sept questions orales :
L'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement.
N° 870 de M. Christian Demuynck à M. le secrétaire d'Etat aux petites et
moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation (normes
d'hygiène alimentaire) ;
N° 885 de M. Philippe Richert à Mme le ministre de l'emploi et de la
solidarité (gestion budgétaire dans le secteur médico-social) ;
N° 922 de M. Xavier Darcos à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
(difficultés de l'hospitalisation privée) ;
N° 950 de M. Patrick Lassourd à Mme le ministre de la culture et de la
communication (critères d'éligibilité aux subventions pour la création de
bibliothèques) ;
N° 956 de M. Jean-Patrick Courtois à M. le ministre de l'intérieur
(augmentation des effectifs de police pour la ville de Mâcon) ;
N° 960 de M. Pierre Lefebvre à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche
(situation du lycée horticole de Raismes-Valenciennes) ;
N° 966 de M. Claude Haut à M. le ministre de la défense (conséquence de
l'implantation d'un centre de formation de pilotes sur la base
d'Orange-Caritat) ;
N° 967 de M. Thierry Foucaud à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
(aide de l'Etat aux entreprises d'insertion) ;
N° 969 de M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra à M. le ministre de l'économie,
des finances et de l'industrie (pool des risques aggravés en Corse) ;
N° 973 de M. Léon Fatous à M. le ministre de l'éducation nationale (situation
des personnels des lycées et collèges du Pas-de-Calais) ;
N° 974 de Mme Hélène Luc à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux
handicapés (remboursement des frais de photothérapie dynamique) ;
N° 976 de M. Bernard Murat à Mme le ministre déléguée à la famille et à
l'enfance (politique familiale) ;
N° 979 de M. Dominique Leclerc à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux
handicapés (repos de sécurité des médecins) ;
N° 981 de Mme Danièle Pourtaud à Mme le ministre de l'aménagement du
territoire et de l'environnement (aides à l'acquisition de véhicules propres)
;
N° 986 de M. René Marquès à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux
handicapés (prise en charge des dialysés) ;
N° 987 de M. Philippe Nogrix à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux
handicapés (campagne de dépistage gratuit du cancer du sein) ;
N° 990 de M. Roland Muzeau à M. le ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie (fermeture du centre de recherche d'Atofina à Levallois).
A seize heures :
Ordre du jour prioritaire
2° Eventuellement, suite de la discussion de la proposition de loi organique,
adoptée par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, modifiant la
date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale (n° 166, 2000-2001).
La conférence des présidents a fixé à la clôture de la discussion générale le
délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
Mercredi 31 janvier 2001 :
Ordre du jour prioritaire
A quinze heures :
Eventuellement, suite de l'ordre du jour de la veille.
Jeudi 1er février 2001 :
Ordre du jour prioritaire
A neuf heures trente :
1° Eventuellement, suite de l'ordre du jour de la veille.
A quinze heures :
2° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la
séance avant onze heures.)
Ordre du jour prioritaire
3° Eventuellement, suite de l'ordre du jour du matin.
Mardi 6 février 2001 :
A neuf heures trente :
1° Dix-sept questions orales :
L'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement.
N° 947 de M. André Maman à M. le ministre de l'éducation nationale (moyens
d'action du Comité national de lutte contre la violence à l'école) ;
N° 958 de M. Jean-Pierre Demerliat à M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement (situation financière des conseils d'architecture,
d'urbanisme et de l'environnement) ;
N° 961 de M. Gérard Cornu à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux
handicapés (situation des masseurs-kinésithérapeutes) ;
N° 965 de M. Daniel Goulet à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et
de l'environnement (enfouissement des déchets radioactifs) ;
N° 968 de M. Jean Boyer à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie (conséquences
pour les communes de la fermeture de Superphénix) ;
N° 970 de M. René-Pierre Signé à M. le secrétaire d'Etat aux petites et
moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation
(difficultés des artisans bouchers-charcutiers résultant de l'épidémie d'ESB)
;
N° 971 de M. Guy Vissac à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche
(épandage des boues d'épuration) ;
N° 977 de M. Roger Karoutchi à M. le ministre de l'équipement, des transports
et du logement (dégradation de la qualité des transports publics en
Ile-de-France) ;
N° 978 de Mme Nicole Borvo à M. le ministre de l'éducation nationale
(désamiantage de Jussieu) ;
N° 980 de M. Martial Taugourdeau à M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement (dysfonctionnements sur les liaisons ferroviaires
Chartres-Paris et Dreux-Paris) ;
N° 983 de Mme Marie-Claude Beaudeau à M. le ministre de l'économie, des
finances et de l'industrie (Haut Conseil du secteur financier public et
semi-public) ;
N° 985 de M. Bernard Fournier à M. le ministre de l'équipement, des transports
et du logement (devenir de l'ingénierie publique) ;
N° 992 de M. Michel Doublet à Mme le secrétaire d'Etat au budget (redevance
audiovisuelle due par les centres de formation pour apprentis) ;
N° 995 de M. Philippe Arnaud à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice
(moyens de fonctionnement de la justice) ;
N° 996 de M. Jean-Louis Lorrain à Mme le ministre de l'emploi et de la
solidarité (difficultés de la fonction publique hospitalière) ;
N° 999 de M. Aymeri de Montesquiou à Mme le ministre de la jeunesse et des
sports (création de centres sportifs de formation dans les zones rurales) ;
N° 1000 de M. Lucien Neuwirth à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux
handicapés (déficit d'équipements en imagerie et en radiothérapie dans la Loire
et conséquences pour la lutte contre le cancer) ;
N° 1008 de M. Charles Descours à Mme le ministre de l'emploi et de la
solidarité (malaise des infirmières).
A seize heures :
Ordre du jour prioritaire
2° Eventuellement, suite de l'ordre du jour du jeudi 1er février 2001.
Mercredi 7 février 2001 :
Ordre du jour prioritaire
A quinze heures :
Eventuellement, suite de l'ordre du jour de la veille.
Jeudi 8 février 2001 :
Ordre du jour réservé
A neuf heures trente et à quinze heures :
Conclusions de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi
de MM. Alain Lambert et Philippe Marini, portant création du revenu minimum
d'activité (n° 317, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé au mercredi 7 février 2001, à dix-sept
heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence
des présidents relative à la tenue des séances et à l'ordre du jour réservé
?...
Plusieurs sénateurs du RPR.
C'est très bien !
M. le président.
Ces propositions sont adoptées.
M. Alain Gournac.
Merci de nous donner du temps !
8
COMMUNICATION D'UN AVIS AU PARLEMENT
M. le président.
M. le président a reçu de M. le président de l'assemblée de la Polynésie
française l'avis rendu par cette assemblée sur la proposition de loi relative
au statut de l'élu local.
Acte est donné de cette communication.
Ce document a été transmis à la commission compétente.
9
DATE D'EXPIRATION DES POUVOIRS
DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Suite de la discussion d'une proposition de loi
organique déclarée d'urgence
M. le président.
Nous reprenons la discussion de la proposition de loi organique, adoptée par
l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, modifiant la date
d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Gélard.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Patrice Gélard.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais me
livrer à une analyse qui éliminera toute polémique, toute attaque individuelle
ou toute attaque à l'égard de quelque formation que ce soit. Je veux simplement
essayer, monsieur le ministre, sinon de vous convaincre, du moins de vous
ébranler.
La première chose que je voudrais dire, c'est que, dans une démocratie, ceux
qui décident, ceux qui ont le droit de faire les choix politiques, ce sont ceux
qui composent la majorité. C'est la majorité qui gouverne et qui s'incarne dans
le Gouvernement qui détermine la politique de la nation, mais sous deux
conditions, sous deux réserves que tout gouvernement et toute majorité doivent
impérativement respecter.
La première est l'obligation absolue, pour un gouvernement démocratique et une
majorité démocratique, de respecter, dans toutes ses lois, les droits de
l'homme et du citoyen. C'est pourquoi le révolutionnaire Saint-Just, quand il
disait qu'il n'y a pas de liberté pour les ennemis de la liberté, se trompait
lourdement et n'était en aucun cas un démocrate. Je me suis d'ailleurs toujours
demandé si l'on pouvait faire confiance, comme démocrates possibles, à ceux qui
utilisaient la violence ou le terrorisme pour arriver au pouvoir et défendre
leurs idées.
La seconde obligation de tout gouvernement et de toute majorité, c'est le
respect de l'Etat de droit. Sur ce point, j'ai toujours des inquiétudes en ce
qui concerne certaines réactions.
Nous sommes, je le crains, trop marqués par l'héritage de Marx, qui, en 1848,
donc en un autre siècle, disait que le droit et l'Etat sont des instruments de
domination, en d'autres termes qu'on pouvait, quand on détenait le pouvoir, se
servir de l'Etat et du droit comme on le voulait. Cette analyse marxiste, que
nous avons du mal à éliminer, n'est pas du tout celle des constitutionnalistes
anglo-saxons.
Pour ces derniers, le droit - dont la Constitution est l'élément essentiel -
n'est pas fait pour servir les gouvernants ou les majorités du moment. Il est
fait pour protéger le citoyen contre l'arbitraire de l'Etat, car Dieu sait que
celui qui détient le pouvoir peut parfois être tenté, au nom d'une certaine
conception de l'avenir de l'humanité, d'oublier cette obligation de respecter
le citoyen, estimant parfois que l'arbitraire est nécessaire au bonheur des
hommes. Trop d'expériences dans le passé nous ont montré qu'en voulant faire le
bonheur de son peuple tel ou tel dictateur a, en réalité, conduit celui-ci vers
l'enfer, l'enfer étant, comme le dit le proverbe, toujours pavé de bonnes
intentions !
M. Pierre Fauchon.
Il n'y a pas que cela !
M. Patrice Gélard.
Dans l'Etat de droit, il est un élément capital qu'il faut toujours avoir
présent à l'esprit : c'est la Constitution, sur laquelle repose l'édifice
juridique et qu'il n'est pas possible d'interpréter comme bon nous semble. Le
Président de la République en est le garant et les assemblées parlementaires
n'ont le droit d'interpréter la Constitution que sous certaines réserves.
C'est la raison pour laquelle il ne peut y avoir d'Etat de droit sans une cour
constitutionnelle qui assure la pérennité de l'interprétation et qui arbitre
les hésitations de telle ou telle chambre ou d'un gouvernement estimant qu'il
est possible parfois de « tordre » le droit.
Non ! je suis désolé, le droit ne peut pas être courbe. J'ajouterai sur ce
point que le droit est non pas le fond, mais la forme des choix. Si chacun
d'entre nous a adopté des règles constitutionnelles ou législatives, c'est pour
apporter à nos concitoyens et aux minorités une garantie, une sécurité en ce
qui concerne le déroulement de la vie démocratique.
Si le droit peut être à tout moment bafoué, si l'on peut impunément soutenir :
« vous avez juridiquement tort parce que vous êtes politiquement minoritaires
», alors nous ne sommes pas dans une démocratie, dans un Etat de droit ; nous
sommes dans une république bananière, dans une dictature, c'est la tyrannie !
C'est la raison pour laquelle je ressens toujours avec beaucoup d'amertume les
critiques que l'on peut entendre, ici ou là, à l'égard du Conseil
constitutionnel et qui sont infondées, injustifiées.
Si nous ne sommes pas d'accord avec la composition ou les compétences du
Conseil constitutionnel, il appartient aux constituants d'agir et de proposer
une révision constitutionnelle qui ferait en sorte que, peut-être, le Conseil
constitutionnel devienne autre chose.
Permettez-moi cependant de rappeler que, parmi les 110 propositions du
candidat Mitterrand en 1981, l'une d'entre elles visait à transformer le
Conseil constitutionnel en une cour constitutionnelle.
Je mentionne toutefois que, pour améliorer peut-être le fonctionnement dudit
Conseil, quelques réformes secondaires, qui relèvent non pas de la Constitution
mais de la loi organique, pourraient calmer bien des inquiétudes. Je n'en
citerai qu'une. A la fin de chaque décision du Conseil constitutionnel, on
pourrait faire figurer : « décision adoptée à l'unanimité » ou « décision
adoptée à la majorité ». Du même coup, nous aurions deux sortes de décisions du
Conseil constitutionnel : celles qui seraient adoptées à la majorité et celles
qui seraient indiscutables parce que les membres du Conseil auraient statué à
l'unanimité ; chacun sait qu'il y a toujours des gens de droite et des gens de
gauche au Conseil constitutionnel.
D'autres attaques contre le droit m'inquiètent : celles du Conseil d'Etat, ou
celles qui ont été formulées lors de la rentrée de nos cours d'appel et de nos
tribunaux de grande instance, sans oublier celles de la Cour de cassation ou
encore celles de l'anonyme Solon - ce dernier, comme chacun sait, était l'un
des Sept Sages - qui critique, sur l'internet du Conseil constitutionnel,
l'oeuvre du législateur, déclare que nos lois sont mauvaises, mal rédigées, mal
compréhensibles, et qu'il faut améliorer profondément notre système de
droit.
On peut y réfléchir et je crois même, monsieur le ministre, qu'il serait
nécessaire d'organiser une telle réflexion au sein du Parlement sur le point de
savoir comment améliorer l'appareil juridique français.
Je citerai un exemple tout simple. L'un des codes qui viennent d'être
promulgués par ordonnance, en l'occurrence le code de commerce, a dépassé la
mission que le législateur avait donnée au Gouvernement dans cette affaire. Ce
n'est pas du bon droit, ce n'est pas de la bonne justice et cela va à
l'encontre de l'Etat de droit. Tous les désaccords qui peuvent survenir sur
notre droit et notre justice viennent peut-être de cela.
C'est pourquoi je me félicite que nous ayons aujourd'hui ce vaste débat qui
touche les problèmes juridiques, mais qui va aussi plus loin puisqu'il nous
permet - ce qui nous manque peut-être - d'entamer une véritable réflexion sur
l'avenir des institutions de la France.
Je suis l'un de ceux qui pensent que le travail effectué en 1993 par la
commission Vedel était un bon travail. Mais je pense aussi que nous n'avons pas
été au fond des choses, tout d'abord parce que les révisions constitutionnelles
qui sont intervenues n'ont pas tenu compte de toutes les propositions de cette
commission.
Il serait peut-être temps, à la lumière du développement des progrès à la fois
technologiques et techniques, d'envisager la possibilité d'avoir une seconde
commission Vedel. Cela permettrait à tous ceux qui réfléchissent à l'avenir de
notre Etat et de notre Constitution de penser de façon dépassionnée et
dépolitisée à l'amélioration du fonctionnement de nos institutions, et du
dialogue démocratique entre la majorité et l'opposition.
Je me réjouis du débat remarquable qui se déroule depuis quelques jours et je
tiens tout d'abord à féliciter M. le rapporteur. Il conviendra par la suite de
relire à froid son rapport pour en mesurer toute la portée.
Je tiens également à féliciter la totalité des intervenants, non pas pour tout
ce qu'ils ont dit, mais pour une partie de ce qu'ils ont dit parce que leur
réflexion permet d'éclairer non seulement le problème de l'inversion du
calendrier électoral, mais aussi toute une série de dysfonctionnements
inconscients, non voulus de nos institutions, et par là-même elle pourra servir
de base à un débat plus vaste et plus large sur l'avenir de nos
institutions.
Je tiens également à saluer les cinq universitaires qui se sont rendus devant
la commission des lois. Je ferai simplement une remarque : il n'y avait pas
cinq constitutionnalistes, il y en avait quatre et, d'ailleurs, celui qui
n'était pas constitutionnaliste et pour lequel j'ai la plus grande admiration
en raison du rôle de témoin de notre temps qu'il assume a commis
malheureusement une grave erreur constitutionnelle dans son intervention en
déclarant que le droit de dissolution en 1997 n'aurait pas dû s'exercer.
Je suis désolé, mais l'article 12 de la Constitution précise bien que la
dissolution est laissée totalement à disposition du chef de l'Etat et qu'il ne
peut pas y avoir de limite ou de contrainte à son usage.
Cette remarque étant faite, je reviendrai sur les quatre autres interventions
en soulignant, tout d'abord, qu'il faut les relire attentivement, car il n'y a
pas eu deux interventions pour et deux contre l'inversion du calendrier. Bien
sûr, il y en a eu deux contre, cela est certain ; mais, dans son intervention,
M. Didier Maus, président de l'association française des constitutionnalistes,
après avoir déclaré d'emblée son choix personnel en faveur de l'inversion a
relevé ensuite toute une série d'anomalies qu'engendre la loi votée par
l'Assemblée nationale.
Il va bien falloir que l'on revienne sur ce point parce que ces anomalies,
auxquelles on n'a pas porté remède, risquent de nous mettre dans une situation
extrêmement difficile dans les années qui viennent.
Mais j'ai aussi un très grande admiration pour Guy Carcassonne, qui est sans
doute l'un des plus brillants constitutionnalistes de la génération qui suit la
mienne. Relisez bien, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'intervention
de Guy Carcassonne : vous verrez qu'il ne prend jamais position sur le plan
juridique ! Et je le comprends : j'aurais sans doute fait la même chose à sa
place, compte tenu du rôle éminent et largement connu de conseiller qui est le
sien. Dans ces conditions, on ne pouvait pas lui demander une analyse
strictement juridique.
Son analyse est très intéressante. D'ailleurs, son intervention est peut-être
la meilleure motivation de la proposition de loi. Mais il n'est pas allé au
fond des choses.
Tout cela pour dire qu'aucun des cinq intervenants que nous avons entendus, si
on lit à travers les lignes, n'a réellement défendu l'inversion du calendrier
électoral.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Exactement !
M. Patrice Gélard.
Je vais poursuivre ma démonstration en me fondant sur deux éléments
essentiels.
D'abord, la proposition de loi qui nous est aujourd'hui soumise est mal
motivée et peu réfléchie.
Ensuite, elle n'est conforme ni à la pratique, ni à l'esprit, ni à la lettre
de la Constitution.
Premier point : cette proposition de loi est mal motivée et peu réfléchie.
Nous aurions pu en effet trouver d'autres solutions pour éviter le carambolage
des élections et pour que les élections législatives ne précèdent pas
l'élection présidentielle.
Une première solution était laissée à la discrétion absolue du chef de l'Etat,
garant, en application de l'article 5 de la Constitution, du bon fonctionnement
de nos institutions.
Rien n'interdit en effet au chef de l'Etat de démissionner au moment qu'il
juge le plus opportun, et rien n'aurait interdit au chef de l'Etat de dire : je
vais rectifier ce calendrier qui marche sur la tête en démissionnant quelques
mois ou quelques semaines avant l'échéance.
Toutefois, cette solution présente un inconvénient : l'opinion publique
comprendrait peut-être mal que le chef de l'Etat n'aille pas au bout de son
mandat. Et puis, il n'est jamais très bon - bien qu'eût été, à ce moment-là, à
la tête de l'Etat quelqu'un que nous admirons et que nous aimons tout
particulièrement - il n'est jamais très bon, dis-je, de mettre en place un
intérim. En tout cas, c'était une possibilité.
Une autre solution, plus intéressante, aurait pu également être utilisée.
Malheureusement, elle n'est venue à l'idée de personne ; je n'en ai pas trouvé
la moindre trace dans les débats de l'Assemblée nationale. Il était possible
d'agir dans le cadre de la loi relative au quinquennat.
Permettez-moi à ce sujet d'ouvrir une parenthèse. Je pense que notre
Constitution comporte une lacune grave : aucune loi soumise à référendum ne
devrait pouvoir être considérée comme adoptée si le taux de participation au
scrutin n'était pas au moins égal à 50 %.
M. Robert Del Picchia.
C'est vrai !
M. Patrice Gélard.
Une telle disposition existe dans toutes les grandes démocraties, à commencer
par la Suisse, où le référendum est une pratique usuelle et courante. Il en est
de même en Italie, ainsi que dans tous les Etats qui ont généralisé le
référendum d'initiative populaire.
Je pense que, nous aussi, nous devrions adopter ce système qui, au moins,
banaliserait le référendum, dans la mesure où un certain nombre de propositions
susceptibles d'être soumises à référendum qui ne « passent pas la rampe »
auprès du grand public deviendraient caduques du fait de la non-participation
de nos concitoyens.
J'en reviens à mon propos d'aujourd'hui.
Lors du vote de la loi sur le quinquennat, pourquoi nos chers députés
n'auraient-ils pu dire qu'après tout la logique voulait que l'on fixe la durée
des mandats à cinq ans pour le Président de la République, à six ans pour les
sénateurs, comme nous l'avions d'ailleurs proposé, et à quatre ans pour les
députés. Du même coup, par le référendum constituant qui a ratifié le
quinquennat, on aurait pu établir le « quadriennat » de l'Assemblée nationale,
comme cela a été le cas pendant une partie de la IIIe République.
Il y avait encore une autre solution : le Premier ministre, considérant qu'il
était absolument nécessaire de modifier le calendrier électoral, aurait pu
demander au chef de l'Etat de dissoudre l'Assemblée nationale. Notre
Constitution ne prévoit pas le droit d'auto-dissolution de l'Assemblée
nationale. J'ai réfléchi un moment à cette possibilité mais elle n'est
malheureusement pas applicable parce que seuls les démissionnaires partiraient
et qu'il suffirait que quatre ou cinq députés restent pour qu'on ait recours à
des partielles. Mais rien n'aurait interdit à la majorité parlementaire de
s'adresser au Premier ministre pour lui demander de saisir le Président de la
République. Cela n'a pas été fait !
Je voudrais m'arrêter maintenant sur le problème de l'urgence. Je vais être
bref sur ce point parce que tout le monde en a parlé, mais je tenais simplement
à relever le côté assez extraordinaire de la procédure suivie, qui me fait
penser étrangement à la fable de La Fontaine
Le lièvre et la tortue
:
pendant que le lièvre mange des carottes sauvages, traîne, s'occupe d'autre
chose, il laisse passer le temps et la tortue avance.
On nous a traité dans la presse « d'escargots ». L'escargot est comme la
tortue : il porte sa maison sur le dos et va son chemin. Il est un peu dommage
que, dans cette affaire, le Gouvernement et sa majorité aient plutôt joué le
lièvre que la tortue, et je crains que le dépôt à la va-vite du texte, aggravé
par la procédure d'urgence n'ait été mal compris par une grande partie de
l'opinion publique.
Il est un autre point sur lequel je voudrais attirer votre attention, monsieur
le ministre, en reprenant en partie d'ailleurs ce que disait M. Forni à la
tribune de l'Assemblée nationale.
Je ne suis pas convaincu que le fait de renvoyer à la loi ordinaire ou à la
loi organique l'organisation de nos modes de scrutin soit la meilleure formule
; en matière électorale, on ne peut faire de transformations que sur la base du
consensus.
Il est vrai que, dans notre pays le consensus n'est pas toujours facile à
trouver. En tout cas, il est dommage - en l'occurrence, je n'attaque ni la
droite ni la gauche, nous sommes tous dans le même bateau à cet égard - que,
chaque fois que l'on a changé le mode de scrutin, que l'on a modifié les règles
du jeu, la majorité nouvelle arrivée au pouvoir se soit empressée de faire le
contraire. Il faudrait que l'on ait des règles du jeu sûres, comme nos voisins
allemands, qui ont les mêmes règles électorales depuis 1949, comme la
Grande-Bretagne, qui a les mêmes règles électorales depuis le xviie siècle,
comme les Etats-Unis, qui ont les mêmes règles électorales depuis le xviiie
siècle - même si cela leur pose parfois quelques problèmes, comme ce fut le cas
lors des dernières élections présidentielles.
Nous devrions donc avoir des règles électorales auxquelles on ne touche pas en
permanence et surtout auxquelles on ne touche pas l'année qui précède des
élections. A la limite, si l'on veut modifier la règle du jeu, qu'on le fasse
dès qu'on est élu, et que l'on n'attende pas trois ou quatre ans pour mettre en
place les réformes. J'avoue que, les uns comme les autres, nous avons trop
tendance à penser que l'on peut manipuler les modes de scrutin pour servir tel
ou tel parti politique alors que, en réalité, on se trompe à chaque fois
lourdement : les manipulations ou les manigances se retournent toujours contre
ceux qui les ourdissent.
Je soulignerai par ailleurs que, pour ce qui concerne un certain nombre de
modes de scrutin ayant fait l'objet de propositions de loi intelligentes
déposées tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, on aurait pu faire beaucoup
mieux que ce que l'on a fait - je pense aux élections européennes ou aux
élections régionales -, ces scrutins se trouvant désavoués par les électeurs,
qui ne se reconnaissent pas dans les élus qu'ils ont désignés.
(MM. Philippe
de Gaulle et Robert Del Picchia applaudissent.)
C'est un véritable appel que je vous lance, monsieur le ministre : il faudrait
que nous trouvions un
gentlemen's agreement
entre toutes les formations
politiques pour que l'on ne fasse pas n'importe quoi en matière électorale et
que toute modification dans ce domaine fasse l'objet d'un minimum de consensus
: on ne pourra pas recueillir une approbation unanime, bien évidemment, mais il
ne faut pas manipuler les élections et jouer avec elles.
J'ajoute que je suis assez d'accord avec les propos de M. Forni selon lesquels
il n'appartient pas au Sénat de se mêler du mode d'élection des députés.
Cela ne veut pas dire que l'on n'a pas le droit d'en parler. Mais nous n'avons
pas à empêcher l'Assemblée nationale de choisir ce qu'elle désire.
Mais, dès lors, l'argument de M. Forni doit jouer dans les deux sens
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
Je regrette un peu que, récemment, on ait voulu imposer des réformes au Sénat
contre sa volonté...
M. Alain Gournac.
Tout à fait !
M. Patrice Gélard...
alors que celui-ci n'était pas hostile à une amélioration des règles qui
concernent sa désignation.
(Très bien ! sur les travées du RPR.)
D'autres éléments méritent quelques commentaires.
Premier élément : le choix de la troisième semaine de juin ne me paraît
absolument pas raisonné. Il est vrai que nous avons fait, nous, une erreur en
1995 quand nous avons modifié la Constitution. Lorsqu'a été établie la session
unique, nous aurions dû, alors, modifier le calendrier des élections à
l'Assemblée nationale. Dans l'ancien système, nous avions deux sessions
parlementaires l'une commençait le 2 avril et l'autre, le 2 octobre. A ce
moment-là, l'Assemblée nationale était normalement élue avant le début d'une
session.
J'attire votre attention sur les conséquences assez dramatiques du nouveau
calendrier : l'année prochaine, en 2002, si la date de juin est maintenue, la
vacance parlementaire durera sept mois, ce qui est considérable. En effet, le
Parlement ne pourra pas siéger pendant l'élection présidentielle, ni pendant
les élections législatives, puis viendront les trois mois d'été. Cela fera sept
mois d'arrêt.
Je ne peux, pour ma part, admettre que le Parlement soit en vacances pendant
sept mois.
Une autre solution, préconisée d'ailleurs par M. Didier Maus, consistait à
reporter au mois de septembre l'élection des députés. Le mois de septembre me
semble en effet préférable au mois de juin, qui est le mois de vacances des
retraités...
M. Alain Gournac.
Exactement !
M. Patrice Gélard.
... le mois des examens et des concours, c'est-à-dire un mois pendant lequel
une grande partie des Français est indisponible. Et tant que nous conserverons
notre législation complètement absurde sur le vote par procuration, nous ne
parviendrons pas à intéresser les électeurs, pour qui les vacances, les examens
et les concours passent avant le vote.
En revanche, en septembre, tout le monde est là. Il aurait donc été bien
préférable de retenir le mois de septembre plutôt que le mois de juin, d'autant
que cela aurait permis de faire en sorte que la rentrée parlementaire
s'effectue dans les huit jours suivant l'élection des députés.
Monsieur le rapporteur, je me permettrai de formuler une remarque sur le texte
que vous proposez pour compléter l'article LO 122. Vous prévoyez un intervalle
d'au moins trente jours entre le second tour des législatives et le premier
tour de la présidentielle. Pour ma part, je proposerai, par amendement, de
ramener ce délai à vingt-huit jours, soit quatre semaines.
En effet, prévoir trente jours, c'est donner au Gouvernement la tentation
d'organiser des élections en milieu de semaine. Au demeurant, je ne suis pas
hostile à une telle formule. Peut-être faudra-t-il d'ailleurs un jour envisager
la possibilité d'organiser, comme cela se fait dans d'autres pays, les
élections non pas le dimanche mais en semaine. Peut-être les électeurs y
trouveraient-ils davantage leur compte, à condition, bien entendu que cela
s'accompagne des aménagements leur permettant de s'absenter de leur lieu de
travail pendant une heure ou deux pour aller voter.
Cela étant, trente n'est pas un multiple de sept. Trente jours, cela ne fait
pas un nombre entier de semaines. Il faut donc soit vingt-huit, soit
trente-cinq jours, mais sûrement pas trente jours.
Venons-en maintenant aux motivations qui ont été avancées par les défenseurs
de la proposition de loi.
Je peux comprendre, je l'avoue, le point de vue des uns ou des autres.
J'ai écouté avec beaucoup d'attention M. Raymond Barre, qui m'a paru d'une
grande franchise dans la défense de l'inversion du calendrier. Ce qu'il en a
dit correspond en fait parfaitement à la philosophie qui aurait été la sienne
s'il avait été élu Président de la République.
Je peux comprendre aussi les légitimes ambitions de tel ou tel qui pense
pouvoir accéder un jour à la magistrature suprême et qui considère que, après
tout, la modification de la règle du jeu lui est plus favorable.
Je peux le comprendre, mais à condition qu'on ne joue pas à une sorte de poker
menteur, en inventant les règles du jeu au fur et à mesure que l'on progresse
dans celui-ci.
Néanmoins, je suis assez effrayé de la faiblesse des motivations.
On nous a parlé de la nécessité de remettre les pendules à l'heure. On nous a
parlé de rationalité. On nous a dit qu'il était anormal que les boeufs soient
après la charrue et qu'il convenait donc de remettre la charrue derrière les
boeufs. Cela étant, je ne sais pas, en l'espèce, qui est la charrue et qui sont
les boeufs...
On nous a dit aussi que l'inversion était conforme au quinquennat. Là, je n'ai
pas compris ! Le quinquennat n'a rien à voir avec l'inversion du calendrier !
En effet, comme je le démontrerai tout à l'heure, la proposition de la loi ne
résout rien du tout. Elle risque, au contraire, de nous entraîner dans des
dérives inacceptables pour tout parlementaire digne de ce nom.
On nous a dit qu'il ne fallait plus marcher sur la tête. Mais, pour un
Australien, nous marchons sur la tête !
(Sourires.)
Et puis on nous a dit que c'était la logique
constitutionnelle.
Moi, je voudrais attirer votre attention sur l'absence totale d'étude d'impact
de la proposition de loi. Il est vrai que, si l'on fait obligation au
Gouvernement, quand il dépose un projet de loi, de l'assortir d'une étude
d'impact, on ne peut pas demander la même chose à un parlementaire qui dépose
une proposition de loi : sinon, dans les faits, nous serions privés du droit
d'initiative législative.
Il n'en reste pas moins qu'il aurait été judicieux de réfléchir à un certain
nombre des conséquences de la révision du calendrier.
La première conséquence, c'est que l'année 2007 sera véritablement calamiteuse
puisqu'elle verra nos malheureux concitoyens obligés de se rendre aux urnes
pour les municipales, les cantonales, les législatives, la présidentielle, sans
ouiblier les grands électeurs pour qui s'ajouteront les sénatoriales, le tout
entre le mois de mars et le mois de septembre ! Il y a fort à craindre que ce
maelström
électoral n'ait des effets dramatiques sur la participation à
ces différents scrutins.
Mais, monsieur le ministre, il est un certain nombre d'autres lacunes dans
l'analyse des conséquences de la proposition de loi par ses promoteurs.
Ainsi, que se passerait-il en cas de décès d'un candidat peu de temps avant le
premier tour ou entre le premier et le second tour de l'élection présidentielle
?
L'article 7 de la Constitution précise que, quand un candidat décède avant la
date limite du dépôt des présentations de candidatures, le Conseil
constitutionnel peut reporter l'élection. Il est certain que le Conseil
constitutionnel la reportera s'il s'agit d'un candidat éminent, issu d'un grand
parti, afin de laisser aux instances de ce parti, qui sera momentanément «
orphelin », le temps de se ressaisir et de proposer un autre candidat.
Mais le décès peut aussi frapper un candidat obscur n'appartenant pas à un
grand parti, qui a réussi non sans mal à obtenir les signatures nécessaires,
comme il y en a toujours eu dans chacun de nos scrutins présidentiels. A partir
du moment où il était effectivement candidat avant son décès, le Conseil
constitutionnel doit reporter l'élection.
Dans les deux hypothèses que je viens d'évoquer, les élections législatives se
dérouleront nécessairement avant l'élection présidentielle.
Cela montre bien que ce dispositif ne tient pas la route !
J'évoquerai une autre hypothèse, aux conséquences encore plus graves.
Je crains que, dans les années à venir, les résultats du second tour des
élections présidentielles ne soient extrêmement serrés. En effet, la vie
politique se dépassionne, se « désidéologise » et le choix de l'électeur va
tendre à se proter sur le candidat qui, tout simplement, lui « plaît » le plus.
Je ne veux pas jouer les prophètes mais, dès lors, rien n'interdit de penser
qu'un jour, à l'issue du second tour, seules cent voix sépareront les
candidats.
Or, monsieur le ministre, lors de chaque élection présidentielle, le Conseil
constitutionnel a annulé les résultats de deux, trois, quatre ou cinq bureaux
de vote, soit parce que la fraude y est traditionnelle, soit parce qu'il s'y
est produit une quelconque anomalie dans le déroulement des opérations de
vote.
Que pourra faire le Conseil constitutionnel dans cette hypothèse-là. Inverser
le résultat des élections serait évidemment terriblement mal ressenti. Il ne va
pas proclamer élu l'un ou l'autre des candidats si l'annulation des résultats
de ces quatre ou cinq bureaux de vote modifie le résultat d'ensemble. Dès lors,
il va annuler l'élection présidentielle et déclarer qu'il faut organiser un
nouveau scrutin.
Là encore, le calendrier qui nous est proposé ne tient pas la route puisque
les élections législatives auront lieu à un moment où un Président de la
République par intérim sera à la tête de l'Etat. Bien sûr, nous pouvons, ici,
en éprouver une certaine fierté puisque le Président par intérim est
nécessairement un des nôtres, mais il faut bien reconnaître que ce n'est pas
l'idéal, pour la République, d'avoir à sa tête un Président par intérim alors
que se déroulent des élections législatives.
Je crois avoir montré, dans cette première partie de mon intervention, en quoi
cette proposition de loi organique est à la fois mal motivée et insuffisamment
pensée.
Je souhaite maintenant expliquer en quoi ce texte, non seulement n'est pas
conforme à la pratique constitutionnelle, mais déroge tant à l'esprit qu'à la
lettre de la Constitution.
Je me suis demandé quels étaient les Etats qui, depuis 1945, avaient prolongé
la durée d'une Assemblée parlementaire.
Certains Etats l'ont fait parce que le chef d'Etat a oublié de convoquer les
électeurs. Ce fut le cas de Staline, par exemple. Ce fut également le cas du
maréchal Kim Il Sung : à plusieurs reprises celui-ci a oublié de convoquer les
électeurs et le peuple de Corée du Nord n'a pas pu s'exprimer non plus
lorsqu'il a dû respecter les quatre années de deuil confucéen.
A Taïwan, après 1949, le maréchal Tchang Kai-shek a décidé de ne pas organiser
d'élections tant que la Chine ne serait pas libérée. Cela pouvait durer
longtemps ! Il a fallu que les Taïwanais imposent eux-mêmes un vote afin de
remplacer progressivement une assemblée composée d'octogénaires désignés par
une assemblée composée de personnes plus jeunes et élues par la population.
Le roi de Jordanie a fait de même lors de l'annexion de la Cisjordanie par
Israël. Il a déclaré expressément qu'il n'y aurait pas d'élections dans son
pays tant que n'aurait pas été restituée cette partie du royaume. Après cinq ou
six ans, le roi de Jordanie a compris qu'il fallait renoncer à une telle
résolution.
On ne peut pas dire que ces exemples de prolongation d'une assemblée
parlementaire témoignent en faveur d'une telle opération, au regard de la
faiblesse des bases démocratiques des pays que j'ai cités.
Qu'en est-il de l'expérience constitutionnelle française ?
Je constate d'abord que, au cours de notre histoire constitutionnelle, deux
assemblées n'ont pas eu de durée de mandat.
Il s'agit, d'une part, des Etats généraux, transformés en Assemblée nationale,
qui se sont séparés d'eux-mêmes en estimant que l'oeuvre législative accomplie
permettait de mettre en place des institutions qui géreraient l'avenir. Ils se
sont un peu trompés ! Chacun sait que la Constitution de 1791 n'a guère duré
que ce que durent les roses.
Il s'agit, d'autre part, de l'Assemblée nationale qui a été élue en 1871. Elle
avait deux missions. La première était de signer la paix avec la Prusse, ce qui
a été fait en « deux coups de cuillère à pot » au mois de mars 1871.
Personnellement, je le regrette parce que ce traité a été bâclé. C'est ce qui a
abouti à la Commune de Paris, avec ses conséquences. Sa seconde mission était
d'élaborer une Constitution. Là, les choses ont traîné jusqu'en 1875, lorsque,
grâce à un député du Nord, Henri Wallon, a été véritablement instituée la IIIe
République, à une voix de majorité.
Ces faits ne sont pas convaincants.
Quant aux précédents historiques de prolongation au sens strict, ils sont au
nombre de trois.
Le premier, c'est celui de la Convention, théoriquement élue pour deux ans,
mais qui s'est maintenue par décision du Comité de Salut public jusqu'à ce que
les envahisseurs étrangers aient quitté le territoire national. Nous étions
donc en guerre, et contre tous nos voisins : contre l'Autriche, contre les
principautés italiennes, contre les principautés allemandes, qui voulaient
restaurer la monarchie.
Les deux autres cas ont été cités de multiples fois.
En 1918, tout d'abord, nous étions presque à la fin de la guerre et il fallait
permettre à tous les soldats - près de 2 millions ! - qui se trouvaient au
front de réintégrer leur foyer pour pouvoir aller voter.
En 1940, l'Assemblée nationale élue en 1936 a décidé de prolonger son mandat
de deux ans. En l'occurrence, c'était un peu court !
Dans ces trois cas, la prolongation de la durée du mandat de l'Assemblée
nationale était légitime dans la mesure où, compte tenu de circonstances
exceptionnelle - la guerre -, il y avait impossibilité absolue d'organiser des
élections. Par conséquent, j'estime que la prolongation des mandats en 1793, en
1918 et en 1940 était juridiquement fondée.
Cela signifie que la pratique constitutionnelle ne nous donne pas d'exemple
permettant de justifier la prolongation du mandat de l'Assemblée nationale qui
nous est proposée.
Si l'on examine maintenant ce qui se passe chez nos partenaires de l'Union
européenne, on ne voit aucun Parlement prolonger son mandat. Cela n'existe pas
!
Autrement dit, ni en France ni à l'étranger, la pratique constitutionnelle ne
vient appuyer cette proposition de loi organique.
Pour ce qui est de l'argument invoquant l'esprit de la Constitution, je dois
dire qu'il faut faire preuve de beaucoup d'imagination pour y trouver dans la
justification de l'inversion du calendrier.
Tout d'abord, il n'y a pas un esprit de la Constitution. Il y a la lettre et
il y a la pratique : la pratique, je viens de vous l'indiquer, elle est
contraire ; la lettre, nous le verrons tout à l'heure, elle est rigoureusement
hostile à l'inversion du calendrier. Quant à l'esprit, il y en a eu
plusieurs.
Il y a eu l'esprit initial, celui de 1958. Or, je vous le rappelle, en 1958,
l'élection législative s'est déroulée quelques semaines avant l'élection
présidentielle. Mais, il est vrai qu'il ne s'agissait pas d'une élection
présidentielle au suffrage universel direct et qu'il fallait d'abord désigner
les représentants du peuple français pour procéder à l'élection du chef de
l'Etat. A l'époque, on disait bien que chaque élection était importante : l'une
ne primait pas l'autre.
Le chef de l'Etat, quant à lui - le général de Gaulle - avait une conception
simple, qui est celle que partage en réalité M. Raymond Barre. Il estimait
qu'il était « le » responsable devant le peuple français et que tout vote qui
dénoterait une censure à son égard justifierait son départ immédiat.
Le général de Gaulle n'aurait jamais accepté la cohabitation. Il aurait estimé
que l'élection législative était un désaveu de son action, et il serait
parti.
Le général de Gaulle, à chaque élection, remettait en cause son mandat et, dès
lors, il n'y avait pas de problème de calendrier !
Le Président Georges Pompidou serait sans doute resté dans la même logique,
bien qu'au moment des élections de 1973 il n'ait pas eu des paroles très nettes
quant à son attitude si une majorité hostile avait gagné.
Pour le Président Giscard d'Estaing, les choses sont claires, il a dit qu'il
accepterait n'importe quelle cohabitation, et il en a été de même de François
Mitterrand et de Jacques Chirac.
Par conséquent, il n'y a pas un esprit de la Constitution qui obligerait à
organiser telle élection avant telle autre. Je reprendrai sur ce point une
phrase du Président Georges Pompidou déjà citée par l'un des orateurs : on ne
peut pas toucher à la clé de voûte, parce que c'est elle qui tient le tout. Si
l'on retire une pierre, l'édifice s'écroule ! De la même façon, on ne peut pas
modifier le calendrier électoral sans remettre en cause tout l'édifice.
A cet égard, je salue notre collègue Pierre Fauchon, qui a dit tout au long de
son exposé qu'il s'agissait non pas d'une simple proposition de loi mais d'une
révision constitutionnelle, à laquelle nous procédions sans recourir à
l'article 89 de la Constitution, c'est-à-dire en utilisant des voies
tortueuses.
J'ai dit que l'esprit de la Constitution n'interdisait pas que les élections
législatives se déroulent avant l'élection présidentielle. Si l'on se réfère
aux précédents historiques de la Ve République, on constate d'ailleurs que les
élections législatives ont la plupart du temps précédé l'élection
présidentielle. Ainsi, l'élection présidentielle de 1969 avait été précédé par
des élections législatives intervenues en 1968, soit un an auparavant.
L'élection présidentielle de Valéry Giscard d'Estaing en 1974 avait été
précédée par les législatives de 1973. L'élection présidentielle de François
Mitterrand en 1981 avait été précédée par les législatives de 1978, sa
réélection en 1988 par les législatives de 1986. Quant à l'élection
présidentielle de Jacques Chirac en 1995, elle avait été précédée par les
législatives de 1993. Dans tous les cas, ce sont donc les élections
législatives qui ont précédé l'élection présidentielle, à un ou deux ans
près.
J'en viens maintenant à la péroraison : il y a plus grave, la révision
constitutionnelle qui nous est en réalité proposée est fondamentalement
contraire à la Constitution, et j'attire d'ores et déjà l'attention du Conseil
constitutionnel puisqu'il devra se prononcer sur la conformité à la
Constitution de la loi organique.
Bien sûr, on nous a opposé les quatre décisions bien connues du Conseil
constitutionnel, mais ces précédents concernait des élections municipales et
départementales ou une élection dans un territoire d'outre-mer.
Je voudrais savoir depuis quand les conseillers municipaux, les conseillers
généraux ou les conseillers territoriaux sont investis de la souveraineté
nationale ! La souveraineté nationale, le Parlement en est le détenteur, le
Président de la République le représentant. Ce ne sont pas les assemblées
locales ! Dès lors, le Conseil constitutionnel a pu reconnaître que des raisons
objectives acceptables justifiaient la modification des calendriers. Mais cette
jurisprudence relative à des élections locales est totalement inapplicable à
des élections nationales.
Ensuite - mais on l'a déjà trop dit - la présente proposition de loi constitue
une remise en cause du droit de dissolution du chef de l'Etat. Modifiera-t-on
le calendrier électoral à chaque dissolution de l'Assemblée nationale ? Nous
l'avons dit et répété, la dissolution de l'Assemblée nationale est une
prérogative du chef de l'Etat à laquelle on ne peut pas toucher sans remettre
en cause tout l'édifice constitutionnel. C'est la raison pour laquelle le
quinquennat, sur ce point, ne résout rien : il n'empêchera pas plus que le
septennat les cohabitations.
D'ailleurs, que se passera-t-il si, en 2002, le Président de la République élu
à quelques milliers ou centaines de milliers de voix de son challenger trouve
face à lui une Assemblée nationale sans majorité ou avec une majorité relative
? Tôt ou tard, le Président de la République sera obligé de dissoudre cette
assemblée, faute de quoi il ne pourra pas exercer son programme, il ne pourra
pas l'incarner.
C'est la raison pour laquelle la saine proposition de notre rapporteur est la
seule de nature à éviter tous ces carambolages, toutes ces atteintes à l'esprit
de la Constitution, à sa lettre ou à la pratique constitutionnelle.
J'en reviens au plus important : la révision constitutionnelle rompt avec un
principe démocratique essentiel. En effet, le député est le représentant du
peuple. Il dispose d'un mandat qui lui a été confié par le peuple, et ce, pour
une durée déterminée. Le peuple français a désigné ses députés pour une période
de cinq ans, et non pas pour une période de cinq ans et deux mois !
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
Or, nous sommes en train de détourner le mandat dont disposent les députés,
car en modifiant d'eux-mêmes la durée de celui-ci les députés le violent. Dans
les pays où le cas est prévu, il existe une procédure : le rappel du député.
Nous ne disposons pas de ce rappel, et c'est la raison pour laquelle je dirai -
je ne vais pas être très gentil, monsieur le ministre - qu'il est hypocrite de
la part du Gouvernement d'avoir utilisé une proposition de loi pour inverser le
calendrier et porter ainsi atteinte au principe démocratique essentiel selon
lequel on ne peut modifier la durée d'un mandat.
(M. Del Picchia
applaudit.)
Nous aurions pu accepter cette modification si elle avait fait l'objet d'un
projet de loi. En effet, dans ce cas, le Parlement aurait eu le droit de
proposer que la prolongation du mandat s'opère par la voie du référendum, alors
que le simple fait d'utiliser une proposition de loi le lui interdit. Si un
projet de loi avait été déposé, nous aurions demandé le référendum et alors
l'équilibre démocratique aurait été rétabli ; le peuple français serait resté
souverain et il aurait parfaitement pu accepter de renouveler sa confiance aux
députés pour deux mois supplémentaires.
Or cela, vous ne l'avez pas fait et c'est, à mon avis, ce qui vicie l'ensemble
du processus, de sorte que la proposition de loi organique dont nous discutons
aujourd'hui n'est pas conforme à la Constitution de la République.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Philippe François.
Très bien !
M. Georges Gruillot.
Bravo ! Belle démonstration !
M. le président.
Monsieur Gélard, vos cinquante et une minutes nous ont paru trop courtes !
M. Hilaire Flandre.
C'est un hommage !
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, M. Gélard a placé son intervention sous le
signe du droit ; il a souhaité nous livrer une analyse juridiquement établie,
tranchant un peu avec ce que M. Gerbaud appelait ce matin la litanie des
interventions. Je souhaite comme lui éviter les arguments ressassés à
l'extrême.
(Protestations sur les travées du RPR.)
M. Jean-Pierre Schosteck.
C'est toujours très désobligeant !
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
Cependant, son intervention ne
m'a pas convaincu.
M. Hilaire Flandre.
Cela ne nous surprend pas !
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
Elle ne m'a pas même ébranlé et
je dirai même qu'elle a apporté des arguments en faveur de la proposition de
loi que le Gouvernement a inscrite à l'ordre du jour.
M. Hilaire Flandre.
Il faut être tordu !
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
Permettez-moi, monsieur Gélard,
de reprendre vos différents arguments et de vous dire pourquoi ils me semblent
renforcer la conviction du Gouvernement et celle des parlementaires qui ont
déposé les propositions de loi à l'origine - j'y reviendrai - de la présente
proposition de loi organique.
Tout d'abord, en ce qui concerne vos observations sur le respect de l'Etat de
droit, je crois pouvoir affirmer que nous sommes tous attachés à celui-ci. A
cet égard, vous avez évoqué Marx ; j'invoquerai pour ma part Montesquieu et, en
tant que socialiste, Jaurès et Blum pour vous dire que, naturellement, nous
sommes attachés à l'Etat de droit. Nous n'avons pas une conception marxiste des
institutions, selon laquelle celles-ci seraient des superstructures dépendant
de l'état des rapports de force ou de production dans la société.
Entendons-nous donc bien sur ce point. Faut-il, comme vous l'avez souhaité,
faire évoluer les institutions à partir de réflexions des constitutionnalistes
? C'est probablement vrai, comme le montre l'expérience, de plus de quarante
ans de la Ve République. Ainsi, le rapport Vedel, résultat des travaux d'une
commission réunie à l'époque par le président François Mitterrand, a avancé des
propositions intéressantes. En tant qu'ancien secrétaire d'Etat à l'outre-mer,
j'ai pu constater, au moins sur ce point, l'intérêt qu'elles présentaient pour
les évolutions juridiques possibles de l'outre-mer.
Cela méritait d'être relevé, et vous savez que nous avons dû réviser la
Constitution pour la Nouvelle-Calédonie et que nous étions en train de le faire
pour la Polynésie française.
Nous sommes donc bien dans un Etat de droit, soyez-en assuré. Il n'y a pas
arbitraire, il n'y a ni écrasement par une majorité d'une opposition ni
majorité qui dicte sa loi à l'ensemble du corps social et des citoyens.
Cela étant, je voudrais vous rappeler que M. Carcassonne, à l'intervention
duquel je n'ai pas assisté, mais ses propos figurent dans le rapport, a dit,
devant la commission des lois que le texte était à ses yeux «
constitutionnellement » possible et institutionnellement indispensable.
J'en viens à vos arguments, monsieur le sénateur.
Le premier consiste à dire qu'il s'agit d'une proposition de loi « mal motivée
» et « peu réfléchie ».
Vous avez essayé de nous démontrer qu'il y avait d'autres moyens de droit pour
y parvenir. Vous en avez cité trois : la démission du Président de la
République, une nouvelle dissolution, voire un référendum.
Permettez-moi de vous dire, monsieur Gélard, que vous avez fait la
démonstration par l'absurde que nous avons employé non pas la seule voie de
droit possible, mais la seule voie de droit crédible.
Qui peut penser que le Président de la République démissionne et installe le
président du Sénat à l'Elysée ? Certes, il a la possibilité de le faire. En
tout cas, c'est une voie de droit qui lui appartient, à lui seul.
S'agissant de la dissolution - je ne reviens pas sur l'expérience de 1997 - je
suis d'accord avec votre interprétation par rapport à M. Maus. Le Président de
la République, après avoir procédé aux consultations prévues, décide, et lui
seul. Là encore, la dissolution relève de sa propre décision. Elle est
simplement encadrée par des règles de consultations.
Quant au référendum, nous venons d'en connaître un. Ce référendum s'est fait
sur la base d'un projet de loi constitutionnel, qui établissait le «
quinquennat sec ».
M. Henri de Richemont.
C'est dommage !
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
Tout le monde sait que le
Président de la République ne souhaitait pas aller plus loin. Ce projet de loi
aurait sûrement mérité, à l'époque, d'autres débats, plus amples. En tout cas,
ils n'ont pas eu lieu de par la volonté du Président de la République, qui a
été confirmée par le Premier ministre.
Le Conseil constitutionnel, qui sera conduit à trancher sur la présente
proposition de loi, a toujours déclaré qu'il ne lui appartenait pas de
rechercher si l'objectif que s'est assigné le législateur n'aurait pas pu être
atteint par d'autres voies. Certes, il pourrait l'être par d'autres voies, mais
reconnaissez qu'elles demanderaient chaque fois une initiative, extérieure au
législateur, alors que, en l'occurrence, c'est le législateur qui prend
lui-même la décision.
Vous estimez que cette décision devrait reposer sur le consensus. A cet égard,
je ferai une observation. Qui a déposé les propositions de lois ? Qui s'est
prononcé pour cette modification ou, plutôt, ce rétablissement du calendrier.
Six propositions de loi ont été déposées : une des Radicaux de gauche, une du
Mouvement des citoyens, deux d'origine socialiste, une de M. Barre, ancien
Premier ministre, donc praticien éminent des institutions, et une de M. de
Charette, qui n'est pas membre de la majorité gouvernementale,...
M. Henri de Richemont.
On ne sait pas !
(Sourires.)
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
... et qui s'inspirait de M.
Giscard d'Estaing, ancien Président de la République, qui s'est prononcé dans
ce sens. Je l'ai entendu à l'Assemblée nationale.
Donc, admettez aujourd'hui, monsieur Gélard, que ce n'est pas une majorité
politique qui vise à imposer une telle modification. Si le consensus n'est pas
total, le mouvement s'étend au-delà des frontières classiques entre la majorité
et l'opposition,...
M. Hilaire Flandre.
La IVe République !
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
... qui sont celles que connaît
le Parlement actuel, au moins l'Assemblée nationale actuelle.
« Il n'y a pas les communistes », dites-vous. C'est vrai. Les communistes ont
une lecture parlementaire des institutions. C'est leur droit.
Personnellement, ce qui m'étonne vraiment, monsieur Gélard, c'est que les
gaullistes n'y soient pas ! C'est là en effet la grande surprise de ce
débat.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Ce n'est pas la seule !
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
A cet égard, j'en appelle à la
logique des institutions. Moi, je ne ferai pas parler le général de Gaulle.
M. Hilaire Flandre.
Oh, non !
M. Jean-Pierre Schosteck.
Surtout pas vous !
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Mitterrand !
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
En effet, je crois que personne
ne peut le faire parler. Cependant, il y a eu un acte politique : la révision
constitutionnelle de 1962.
Monsieur Gélard vous avez appliqué l'expression « clé de voûte des
institutions » au calendrier.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Ce n'est pas ce qu'il a dit !
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
C'est là un cruel contresens
pour un constitutionnaliste gaulliste... La clé de voûte des institutions, dans
la lecture gaulliste des institutions, c'est le Président de la République, et
non le calendrier. C'est ce que l'on m'a appris sur les bancs de la faculté de
droit. Le calendrier, c'est un élément.
Monsieur Gélard, je n'adhère pas à cette analyse selon laquelle le Président
de la République serait la clé de voûte des institutions. Je dis simplement que
l'élection du Président de la République - et j'attends que vous me démentiez
sur ce point - est l'acte majeur, déterminant de la vie politique française.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Ultime !
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
Pourquoi est-ce l'acte majeur ?
Parce que c'est à ce moment que se produit la rencontre du peuple avec un
candidat qu'il se choisit. D'ailleurs, cela est d'autant plus démontré que, si
vous regardez la participation électorale, vous constatez que c'est toujours
lors de l'élection présidentielle qu'elle est la plus forte. Je crois que, ici,
aucun sénateur gaulliste ne pourrait dire l'inverse. Donc, ce n'est pas une
affaire de calendrier !
M. Patrice Gélard.
Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le ministre ?
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
Je vous en prie.
M. le président.
La parole est à M. Gélard, avec l'autorisation de M. le ministre.
M. Patrice Gélard.
Monsieur le ministre, je n'ai pas dit que le calendrier était la clé de voûte
de nos institutions.
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
Si, vous l'avez dit !
Mme Nelly Olin.
Non !
M. Patrice Gélard.
C'est le Président de la République qui est la clé de voûte de nos
institutions !
Si on touche à l'édifice, d'une façon ou d'une autre, par des réformes telles
que l'inversion du calendrier, on risque de détruire l'ensemble de l'édifice.
En effet, la clé de voûte tient l'ensemble de l'édifice. Il suffit que l'on
modifie une pierre pour que l'édifice s'écroule.
Mme Nelly Olin.
C'est vrai !
M. Patrice Gélard.
Or, c'est ce qui risque de se produire. En effet, on va remettre en cause, par
l'inversion du calendrier, l'équilibre et la logique de l'ensemble de nos
institutions.
En réalité, l'élection du Président de la République, c'est la phase
ultime...
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Voilà !
M. Patrice Gélard.
... qui permet en réalité de terminer le processus du choix des électeurs, et
non l'inverse.
M. Jean-Pierre Schosteck.
C'est une révélation pour M. Queyranne !
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
Au moins ce débat pourra-t-il
intéresser, je l'espère, les constitutionnalistes, puisque nous avons vu M.
Gélard nous dire - je crois que c'est important - que l'élection du président
de la République est le point ultime.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Comme la clé de voûte en architecture !
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
Il est vrai qu'en 1958 il y
avait deux lectures possibles et Michel Debré l'a très bien dit. Ces deux
lectures, on les voit bien dans les travaux du comité consultatif
constitutionnel. Il y avait une lecture que l'on peut qualifier de «
parlementarisme rationalisé à l'anglaise », qui était portée par Michel Debré,
Guy Mollet et d'autres. Il y avait une lecture de tendance « présidentialiste
», qui était à l'époque justifiée par les événements d'Algérie et par la crise
que connaissaient nos institutions,...
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Mais qui est contredite par les faits aujourd'hui !
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
... mais qui a été consolidée
en 1962, monsieur Bonnet. C'est bien cela la lecture des institutions. On peut
ensuite nous dire qu'il s'agit de présidentialisme majoritaire, d'un régime
semi-présidentiel, d'une monarchie républicaine, etc. Heureusement, les
constitutionnalistes trouvent chaque fois des formulations !
Il demeure que l'élection première de notre système politique, ou alors vous
n'êtes plus gaullistes, c'est l'élection du Président de la République. C'est
pour cela qu'il s'agit de mettre les élections dans l'ordre, et non pas dans le
désordre sur lequel nos concitoyens...
(Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt M. Gélard,
permettez-moi de lui répondre, mesdames, messieurs les sénateurs.
Nos concitoyens, c'est vrai, ne se passionnent pas pour ce débat.
M. Hilaire Flandre.
C'est le moins que l'on puisse dire !
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
Cependant, quand ils se
trouveront, monsieur Gélard, l'année prochaine devant les scrutins, ils se
poseront la question de l'ordre dans lequel ils doivent voter. La logique, pour
nos compatriotes, c'est évidemment de voter d'abord pour le Président de la
République et ensuite pour les députés, pour essayer de dégager une majorité
législative. Cela me semble une logique cohérente.
M. Hilaire Flandre.
Une logique socialiste !
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
Dans votre argumentation,
monsieur Gélard, j'ai trouvé la preuve manifeste que nous allons dans le bon
sens. En effet, vous nous dites qu'en 1995, quand nous avons instauré la
session unique, nous aurions dû repousser les élections législatives. En
septembre, avez-vous dit. Pourquoi pas ? Vous rappelez que si, dans la loi,
aujourd'hui, l'élection de l'Assemblée nationale est prévue au mois de mars,
c'est un héritage des deux sessions. Nous sommes bien d'accord. Ce calendrier
était donc lié à l'existence de deux sessions. Permettez que les législatives
interviennent en juin, afin qu'elles soient plus proches de l'élection
présidentielle !
M. Jean-Pierre Schosteck.
Il a donné des raisons !
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
A défaut de choisir septembre,
opter pour juin montre une cohérence de ce point de vue. Vous avez évoqué
l'absence de motivation au sujet de l'étude d'impact. En l'occurrence, il
s'agit de propositions de loi que le Gouvernement a accepté d'inscrire à
l'ordre du jour, compte tenu du débat qui existait, au moins parmi les hommes
politiques, les constitutionnalistes ou dans les médias. En matière
d'initiative législative, on n'est pas toujours lié à une étude d'impact, sinon
le législateur serait pieds et poings liés aux démarches des experts, qui
pourraient, dans ce domaine, mener telle ou telle enquête.
Vous avez également dit, monsieur Gélard, que la Constitution ne prévoyait pas
le cas de circonstances exceptionnelles, telles que le décès d'un candidat ou
l'annulation de bureaux de vote au moment de l'élection présidentielle. Cette
position n'a aucun rapport, si ce n'est indirect, avec le calendrier. Il est
vrai que les Etats-Unis ont connu une situation pour le moins particulière. La
Constitution prévoit de nombreux cas mais il peut se produire des circonstances
exceptionnelles imprévisibles, telles qu'un drame national. Bien évidemment,
tout ne peut être prévu à cet égard.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Il n'a pas d'argument !
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
Le Conseil constitutionnel sera
appelé, en tant que juge du résultat mais aussi de l'organisation des
élections, à apprécier ces circonstances exceptionnelles.
J'en viens à votre deuxième point. Cette proposition de loi organique n'est
pas, dites-vous, conforme à la règle et à l'esprit de la Constitution. Je ne
chercherai pas d'exemples de pays exotiques ou dans lesquels le Parlement n'est
qu'une apparence. Dans notre histoire constitutionnelle, rien n'indique que
l'assemblée élue ne puisse aller au terme de son mandat. L'article 25 de la
Constitution dispose : « Une loi organique fixe la durée des pouvoirs de chaque
assemblée, le nombre de ses membres... » La durée du mandat, vous l'avez
souligné, monsieur Gélard, est de cinq ans,...
M. Patrice Gélard.
Il s'achève en avril !
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
...le terme étant en mars selon
la législation actuelle. Admettez tout de même qu'en prolongeant ses pouvoirs
par un vote l'Assemblée nationale - donc le Parlement - effectuera un mandat
complet, pas plus mais pas moins. Je vous le concède, ce n'était pas prévu en
1997, au moment où les électeurs ont été appelés à voter. Mais rappelez-vous
que la dissolution est intervenue très rapidement.
Mme Nelly Olin.
Comme toute dissolution !
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
Elle a tellement surpris les
parlementaires, ils ont enregistré une telle défaite qu'ils n'ont pas pensé à
la question du terme du mandat de l'Assemblée nationale. Mais nous sommes bien
face à un mandat de cinq ans. Je tiens à vous le préciser.
Vous avez égrené les différentes élections qui se sont succédé. Si M. de La
Palice siégeait au Sénat, il pourrait dire : il y a toujours une élection avant
une autre,...
M. Patrice Gélard.
Nous sommes tout à fait d'accord !
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
...sauf à arrêter les horloges,
ce que personne ne souhaite ici. Par conséquent, interviendront toujours des
élections législatives avant une élection présidentielle et une élection
présidentielle avant des élections législatives.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Et alors ?
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
Il n'y a pas de
démonstration.
Quand le délai est d'un an, comme en 1973, il est déconnecté de l'élection.
Mais, vous le savez bien, le Conseil constitutionnel l'a dit, si les élections
législatives avaient lieu au mois de février 2002 se poseraient immédiatement
des problèmes d'organisation de l'élection présidentielle,...
M. Patrice Gélard.
Non !
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
...en particulier en ce qui
concerne le parrainage. Vous le savez, les délais seraient trop courts.
M. Patrice Gélard.
M. le rapporteur a démontré le contraire !
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
Il y a toujours, dans ce cadre,
une élection avant une autre.
M. Hilaire Flandre.
C'est ridicule !
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
Le vrai problème posé par le
télescopage de ces deux élections dans un délai court tient à la logique
institutionnelle.
M. Hilaire Flandre.
Non ! Pas pour les candidats !
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
Je regrette, monsieur le doyen
Gélard, que, dans votre intervention à la tribune, vous ne soyez pas entré dans
la logique institutionnelle qui aurait pu être la vôtre, et qui aurait pu être
une lecture de la Constitution ; certes, vous venez de nous la livrer, en
réponse à mon propos, en disant que l'élection présidentielle couronne le tout,
c'est-à-dire qu'elle vient à la fin d'un processus.
Pour ma part, je ne partage pas ce point de vue ; je suis plutôt dans la
lecture des institutions de 1958, revues en 1962. Vous le voyez, les bons
défenseurs ne sont peut-être pas là où on les attend toujours !
Quant aux décisions du Conseil constitutionnel, il est vrai que, jusqu'à
présent, elles portent sur des élections qui sont non pas nationales, mais
locales. Il y a tout de même là des indications, une jurisprudence établissant
le caractère exceptionnel et transitoire. Et c'est bien ce qui est vu à travers
cette proposition de loi pour les élections qui nous occupent.
Oui - et j'en termine ainsi sur votre péroraison - il s'agit non pas de priver
le peuple de ce qu'il a décidé, mais bien de permettre que cette assemblée soit
élue pour cinq ans et qu'elle aille au terme de son mandat, à quelques jours
près, au mois de juin. Elle a pris ses fonctions le 2 juin 1997 ; elle les
terminera courant juin 2002 : nous sommes bien dans cette logique-là. J'ai très
confiance de ce point de vue, et je crois, avec M. Carcassonne, que,
constitutionnellement, il n'y a pas de reproche à faire à cette proposition de
loi.
Je regrette simplement que les arguments intéressants que vous avez avancés
dans ce débat ne soient pas développés par d'autres. Cela permettrait d'aller
au fond de cette discussion et, par là, de montrer peut-être aussi que le Sénat
fait oeuvre utile en matière législative.
Maintenant, chacun peut conserver son opinion dans ce domaine. Je dirai
simplement, pour terminer, que les experts électoraux que vous êtes tous savent
bien que ce n'est pas en fixant la date d'une élection que l'on est sûr de
l'emporter !
(Vives exclamations sur les travées du RPR.)
M. Alain Gournac.
Pourquoi alors la changer ?
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
Voyez le précédent de 1997 !
Donc, cela s'applique à tout le monde. C'est bien évident sur ce plan-là.
Simplement, nous respectons les institutions, et ce - permettez-moi de vous le
dire - peut-être plus que vous ne le faites dans votre interprétation, monsieur
le doyen !
M. Hilaire Flandre.
Pourquoi ne laissez-vous pas les électeurs décider ?
M. Alain Gournac.
Il ne faut pas prendre les électeurs pour des imbéciles !
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
Votre intervention, qui était
construite et, ainsi que vous l'avez indiqué, n'était pas polémique, méritait
une réponse au fond. J'ai donc essayé de vous répondre avec vivacité, mais sans
polémique inutile.
M. Michel Pelchat.
Nous allons faire comprendre au peuple français que c'est une magouille !
M. Christian Bonnet,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Je demande
la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Mes études de droit romain et de droit public sont hélas !
si lointaines, que, après l'intervention d'un constitutionnaliste, je préfère
m'exprimer en paysan - je suis en effet d'origine terrienne - et m'aventurer
sur un terrain solide : celui des constatations.
On a parlé de lecture - moi-même j'ai abordé ce point -, et d'interprétation.
En cet instant, je ferai une constatation : quelle est l'élection première ?
N'est-ce pas celle à partir de laquelle est constitué un gouvernement qui fait
ce qu'il veut, quoi qu'en pense un président de la République ?
MM. Alain Gournac et Michel Pelchat.
Bravo !
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Telle est la constatation que je fais ! Le Président
Mitterrand n'a jamais pu empêcher les privatisations, oeuvres des gouvernements
dits « de droite » qui marquaient une rupture avec la majorité favorable au
Président.
De la même façon, aujourd'hui, le Président Chirac n'a pas pu empêcher
l'adoption de telle ou telle loi dans la mesure où il ne pouvait rien contre la
majorité de l'Assemblée nationale issue de l'élection première face à laquelle
nous nous trouvons. Elle est première aujourd'hui, et elle se trouve être la
première dans le temps. Dès lors, pourquoi changer puisque, à partir d'une
simple constatation, on s'aperçoit que c'est bien elle, qu'on le veuille ou
non, qui est l'élection majeure sur le plan des possibilités données à un
gouvernement d'agir comme il le veut ?
(Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants et du RPR.)
M. le président.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac.
Monsieur le ministre, si je suis à cette tribune en cet instant, c'est un peu
à cause de vous, ou grâce à vous !
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
Ah bon ?
M. Alain Gournac.
J'ai en effet entendu et suivi avec beaucoup d'intérêt l'ensemble du débat,
qui était de qualité. Il ne faut jamais refuser le débat, monsieur le ministre,
car c'est toujours très intéressant !
Et puis, j'ai eu connaissance d'une dépêche de l'AFP : « Le ministre des
relations avec le Parlement ironise mercredi sur une petite troupe... ». J'ai
donc tout de suite voulu faire partie de la petite troupe !
(Sourires.)
.
En effet, mes chers collègues, les petites troupes, dans l'histoire,...
Mme Nelly Olin.
... ont livré de grandes batailles !
M. Alain Gournac.
... ont empêché beaucoup d'erreurs politiques, parfois même au sein de nos
assemblées.
Dans ces conditions, je me suis dit, monsieur le ministre, qu'il était
impossible que je reste passif à écouter mes collègues et qu'il fallait que
j'intervienne, ce que je fais ! Je suis désolé, monsieur le ministre, mais il
va vous falloir entendre ma litanie !
(Applaudissements sur les travées du
RPR.)
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
Je suis là !
M. Jean-Pierre Schosteck.
Ecouter sans mépriser !
M. Alain Gournac.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quand le
Président de la République souhaite une année utile à la France et aux
Français, le Premier ministre entend « utile au parti socialiste. »
(Rires
sur certaines travées du RPR.)
Voilà, mes chers collègues, la raison pour laquelle le Parlement inaugure
l'année 2001 en travaillant sur le calendrier électoral ! « Charité bien
ordonnée commence par soi-même », murmure-t-on à l'oreille du Premier ministre.
Travailler pour la France ? Certes. Mais d'abord pour soi !
« Comment se maintenir au pouvoir ? » C'est là une question autrement plus
intéressante que de savoir, par exemple, comment nos emplois-jeunes vont
pouvoir être maintenus dans le monde du travail.
Quand on demande au Gouvernement - c'était en octobre dernier, je crois - ce
que deviennent les emplois-jeunes au bout de cinq ans, on a la réponse trois
mois après avec une proposition de loi organique modifiant la date
d'expiration, cinq ans après,... des pouvoirs de l'Assemblée nationale !
Là aussi, comme lors des voeux du Président de la République, lorsque l'on dit
« avenir des emplois-jeunes », le Gouvernement, préoccupé de l'intérêt général,
entend « avenir des socialistes » !
Telle est la raison, mes chers collègues, pour laquelle le Parlement inaugure
l'année 2001 en travaillant sur le calendrier électoral.
M. Christian Demuynck.
C'est le nouvel an chinois !
M. Alain Gournac.
Quand on alerte le Gouvernement sur les pénuries de main-d'oeuvre et qu'on lui
suggère certaines adaptations de la loi des 35 heures, en particulier dans les
petites et moyennes entreprises, il adopte la même attitude et fait preuve de
la même surdité : il entend « modification de la loi électorale ».
Peu importe que nos PME aient des difficultés à embaucher ! Il est tellement
plus important pour les élus socialistes de limiter autant que faire se peut
les risques de mises à pied en 2002, puisque telles sont leurs craintes !
« Charité bien ordonnée commence par soi-même », disais-je. Ne nous étonnons
alors pas, mes chers collègues, que nos concitoyens, devant autant de vertu
proclamée, boudent les urnes !
Autrefois, tout le monde ou presque s'appelait « camarade » ; c'était
l'appellation consacrée, affectueuse et partisane. Aujourd'hui, cela fait
plutôt ringard !
Aujourd'hui, « camarade » a été remplacé par « citoyen ». Certes, on ne va pas
jusqu'à s'interpeller : « citoyen Untel » ! Les temps ont changé, et la
communication a pris le pas sur le courage.
On ne s'appelle pas « citoyen », mais on a tout du citoyen : on a l'attitude
citoyenne, on a l'engagement citoyen, on a le vivre ensemble citoyen, on a
l'implication citoyenne,...
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
On a le chien citoyen !
M. Alain Gournac.
Mais oui, tout à fait ! On a les rencontres ou les journées citoyennes, on a
la République citoyenne, la solidarité citoyenne, les valeurs citoyennes,
l'éducation citoyenne, la responsabilité citoyenne, l'information citoyenne, la
vigilance citoyenne, on a aussi le choix citoyen, le devoir citoyen, la
déontologie citoyenne, l'effort citoyen, la politique citoyenne. L'espace est
devenu citoyen, l'avenir même est citoyen. Il y a également des démissions
citoyennes, des décisions citoyennes, des dialogues et des débats citoyens.
Tout est devenu citoyen dans la bouche citoyenne des politiques, sauf, mes
chers collègues,... sauf l'abstention ! Le vote blanc est encore citoyen, mais
l'abstention ne l'est pas. L'abstention est la seule chose qui ne soit pas
citoyenne,... quoiqu'il faille, depuis quelque temps, distinguer l'abstention
active de l'abstention passive. La première serait citoyenne, mais pas la
seconde. Et encore, concernant la première, cela dépendrait à coup sûr de qui
la prône.
« N'écoutez pas ce que je dis, regardez ce que je fais ! », professait
Bergson.
Si nombre de politiques voulaient entendre cette phrase et la mettre en
pratique, nos concitoyens ne se détourneraient pas autant de la chose
publique.
Et si, en l'occurrence, le Premier ministre ne donnait pas le mauvais exemple,
peu citoyen, avec ce texte sur le calendrier, ce n'en serait que mieux pour le
pays tout entier, car les Français attendent tout autre chose.
J'ai évoqué les emplois-jeunes, car je m'en suis un peu occupé. J'ai évoqué
également les pénuries d'emplois et le silence obstiné du Gouvernement en
réponse à nos interrogations ; mais il y a d'autres sujets de grande
préoccupation.
Quid
de l'avenir de notre système de retraite pour lequel aucune
solution durable n'a été trouvée ?
Quid
de la nécessité de refondre notre fiscalité inadaptée, pesante et
tellement dissuasive pour l'initiative ?
Quid
de la réforme de l'Etat qui permettrait à l'administration de
notre pays de retrouver souplesse et vigueur ?
Quid
du devenir de notre système éducatif dont la question n'est pas
tant celle de son poids que celle de sa place dans notre société ?
Quid,
monsieur le ministre, de l'insécurité, cette insécurité dont vous
découvrez un peu tard la réalité et qui n'était, pour vous, qu'un thème de la
droite ? Mais, monsieur le ministre, c'était un thème de la droite parce que
c'était la réalité au quotidien des Français dans leur ville, sur leur lieu de
travail et dans leurs déplacements.
Comment se fait-il que cela devienne aussi un thème de la gauche ? Serait-ce
le thème d'une gauche aux abois ? Non, pas du tout ! C'est le thème d'une
gauche en retard de quelques trains électoraux, d'une gauche prenant conscience
de sa bévue idéologique d'hier et qui s'inquiète sincèrement de ce qui se passe
dans nos banlieues, dans nos campagnes, dans nos écoles, jusque dans nos
hôpitaux, et qui n'épargne personne, comme vous le savez, monsieur le
ministre.
A ce propos, je voudrais m'interrompre un instant et ouvrir une parenthèse. Je
ne sais pas si tous mes collègues sont au courant, mais un grand responsable de
ce pays s'est fait détrousser un soir, à Paris, dans un restaurant où il dînait
avec deux amis. Deux personnes très sympathiques sont entrées dans ce
restaurant et se sont dirigées vers cette grande personnalité, qui a été
totalement détroussée : on lui a volé son téléphone portable, sa montre, son
portefeuille... Cela permet au moins de se rendre compte de la réalité des
choses : ce n'est pas simplement certaines banlieues qui sont concernées ;
l'insécurité est partout, aujourd'hui.
M. Christian Demuynck.
Eh oui !
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
C'est vrai !
M. Alain Gournac.
On essaie de nous faire croire que l'insécurité se limite à certains endroits,
mais elle est partout, et ce n'est pas mon éminente collègue Nelly Olin, qui se
bat dans une ville difficile et qui vient de vivre un drame dans son
département qui me démentira !
Quant à nos services de police, de sécurité, non seulement ils sont confrontés
à une pénurie de moyens, mais encore ils ont le moral au plus bas.
Alors, monsieur le ministre, pourquoi autant de discours ? Pourquoi autant de
longs discours ? Pourquoi autant de sénateurs inscrits dans cette discussion
générale ?
Vous avez parlé d'une « petite troupe » du RPR. J'ai tout de même relevé que
les membres de notre groupe n'étaient pas les seuls à s'exprimer, à moins qu'il
n'y ait eu de nouvelles et récentes adhésions dont on ne m'aurait pas prévenu !
(Sourires sur les travées du RPR.)
Pourquoi autant de sénateurs pour dire, heure après heure, jour après jour,
que l'urgence est ailleurs ? Pourquoi autant de sénateurs pour dire que les
Français attendent autre chose ?
Parce qu'il ne faut pas compter sur le Sénat pour se taire et faire comme si
de rien n'était. D'autant que le président de l'Assemblée nationale a quelque
peu provoqué la Haute Assemblée et les Français
(Oui ! sur les travées du
RPR)
en déclarant, comme l'a rappelé notre rapporteur, que celle-ci aurait
« quelque audace à retenir un texte qui ne la concerne pas directement. » J'ose
le dire, c'est scandaleux !
Mme Nelly Olin.
Oui, scandaleux !
M. Alain Gournac.
Il n'y a pas d'autre mot ! Nous sommes le Parlement et aucune différence ne
doit être faite entre les deux chambres, même s'il est vrai que l'Assemblée
nationale a le dernier mot.
Sans doute le président de l'Assemblée nationale voulait-il dire que ce texte
ne concernait ni les sénateurs ni les Français, mais uniquement les députés
socialistes.
D'où l'urgence, d'où la priorité accordée aux convenances électorales plutôt
qu'à ce qui préoccupe les Français, d'où le revirement du Premier ministre
devant le congrès du parti socialiste au journal de 20 heures.
Invité le 19 octobre dernier au journal de 20 heures - on l'a déjà dit, mais
je le répète -, le Premier ministre annonce qu'il ne proposera pas de réforme
du calendier électoral : « Toute initiative de ma part serait interprétée de
façon étroitement politique, voire politicienne » - Eh oui ! « Moi, j'en
resterai là, et il faudrait vraiment qu'un consensus s'exprime pour que des
initiatives puissent être prises. »
« De ma part », « moi », « je » ! Au Sénat, c'est « nous », et nous sommes
nombreux, ce qui montre que, dans le pays comme dans la classe politique, il
n'y a pas plus de consensus aujourd'hui qu'il n'y en avait en octobre dernier.
Il n'y a pas de consensus non seulement parmi la gauche plurielle mais encore
dans toute la classe politique, j'y insiste.
Le Premier ministre est-il dans son rôle quand il divise les uns et les
autres, dans son camp comme dans l'autre, sur la question de l'avenir de nos
institutions ?
On peut débattre à l'infini et faire se battre les montagnes, entendez les
constitutionnalistes, qui sont finalement, en quelque sorte, les merveilleux
talmudistes de notre loi fondamentale.
N'étant pas sûr de rassembler demain, le Premier ministre estime,
curieusement, que diviser aujourd'hui pourrait être la bonne méthode.
Pourquoi donc a-t-il fait volte-face en décembre dernier ? Pourquoi a-t-il
annoncé devant le congrès du parti socialiste son intention de défendre un
texte inversant le calendrier et prolongant la durée du mandat des députés, et
ce à un an à peine du scrutin ?
Pourquoi, par ailleurs, recourir, à ce procédé consistant à passer par
l'initiative parlementaire ? Pourquoi cette gêne à appeler les choses par leur
nom ? Pourquoi cacher sous un habillage verbal cette prolongation du mandat que
s'octroient tout à fait arbitrairement les députés ?
Notre collègue Serge Vinçon, citant M. Gélard, que je veux féliciter de son
propos, l'a rappelé : les seuls précédents historiques de la prolongation de la
durée du mandat de député sont au nombre de quatre et ont, à chaque fois, été
liés à la guerre. Monsieur le ministre, que je sache - j'ai bien vérifié
(Sourires)
- nous ne sommes pas en guerre !
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
Heureusement !
(Sourires.)
M. Alain Gournac.
Heureusement, bien sûr !
La Convention, qui avait été élue pour un an, a prolongée son existence
pendant quatre ans, la France étant en guerre avec les pays voisins ligués
contre nos armées révolutionnaires.
L'Assemblée nationale élue en 1871 pour négocier la paix et élaborer une
constitution pour notre pays est restée en place quatre ans.
La Chambre des députés élue en 1914 s'est maintenue jusqu'à la fin de la
guerre pour des raisons d'union nationale imposée par les événements.
Enfin, la Chambre des députés du Front populaire s'est prolongée de deux ans à
cause de la déclaration de guerre et de l'occupation d'une partie du territoire
national par des forces ennemies.
C'est donc bien dans des situations tout à fait exceptionnelles que sont
intervenues ces prolongations du mandat des députés.
Quelle crise, aujourd'hui, justifie pareille modification ? Aucune, si ce
n'est une crise de confiance du Premier ministre et des siens en leurs propres
chances.
Mais sur quoi doit-on s'interroger ? Sur la modification du calendrier ou sur
le revirement du Premier ministre ?
Certains ont voulu comparer ce revirement à un autre. Mais comparaison n'est
pas raison, et il serait fort difficile de montrer une similitude dans les
motivations ayant présidé à ces changements.
Pourquoi - question lancinante ! - une telle volte-face en l'espace de cinq
semaines ? Pourquoi cette volonté soudaine de modifier le calendrier électoral,
alors qu'il n'y avait pas plus de consensus en novembre qu'en octobre ?
Seraient-ce les sondages d'un jour qui commanderaient que l'on retouche la
règle commune ? Seraient-ce les commentaires des analystes politiques qui
inciteraient les députés à s'octroyer le droit de modifier la loi électorale
?
Pourquoi non pas cette erreur, puisque ce sont les urnes qui détiennent la
vérité, mais cette faute ? Pourquoi cette main tendue vers le fruit défendu ?
Que la tentation est forte ! Le revirement est une hésitation qui tourne
mal.
Daniel Cohn-Bendit.
(Exclamations sur les travées du RPR)...
Oui, mes chers collègues, je cite Daniel Cohn-Bendit. J'ai de bonnes lectures,
j'écoute la radio, je regarde la télévision.
Daniel Cohn-Bendit, disais-je, avait moins de retenue lorsqu'il déclarait : «
Je suis pour l'inversion du calendrier parce que je veux que Lionel Jospin
gagne la présidentielle ». Au moins, lui, est clair.
(Rires sur les travées
du RPR.)
Qu'on l'apprécie ou non, il faut reconnaître qu'il dit ce qu'il en
est, et il faut lui en rendre hommage.
Daniel Cohn-Bendit dit-il ce qu'il pense ? Je dirai plutôt qu'il dit ce qu'il
est, car, souvenez-vous, aux européennes avec quelle fougue il demandait un
grand débat démocratique qui lui semblait - c'était tout à son honneur - le
chemin normal de Strasbourg !
Aujourd'hui, il souhaite, pour Lionel Jospin, un chemin plus court : le
changement de la règle du jeu. Il sait, en même temps, qu'il ne fait que
flatter un travers gouvernemental des socialistes, un goût particulièrement
prononcé pour la tactique électorale : élections régionales, élections
sénatoriales, système électoral des agglomérations et des assemblées
départementales !
Comment se maintenir quand le verbe s'use si vite ? Comment conquérir quand
l'art de persuader, au fil des ans, vous trahit ?
Sur les six propositions de loi organique qui avaient été déposées, trois
visaient à reporter du premier mardi d'avril au 15 juin la date d'expiration
des pouvoirs de l'Assemblée nationale. Les trois autres avaient un objet
quelque peu différent, l'une d'elles proposant même un couplage des élections
présidentielle et législatives.
La proposition de loi organique résultant des travaux de l'Assemblée nationale
reporte, dans son article 1er, la date d'expiration des mandats des députés du
premier mardi d'avril au troisième mardi de juin. L'article 2, quant à lui,
prévoit l'application de cette disposition à l'assemblée élue en 1997.
Talleyrand disait à peu près ceci : « La parole a été donnée à l'homme pour
qu'il cache ce qu'il pense ». Le titre de la proposition de loi organique
soumise à notre examen en est une magnifique, ou déplorable, illustration.
Si l'on veut reporter les élections législatives de telle façon que l'élection
présidentielle puisse avoir lieu avant, alors mentionnons-le clairement dans le
titre de la proposition de loi organique et amendons le texte en conséquence,
afin de garantir la réalité de cet objectif !
Ce qui est parfaitement étonnant, c'est de dénoncer le hasard à l'origine du
calendrier actuel et de ne pas, au nom d'une prétendue logique
institutionnelle, instaurer dans le texte proposé un dispositif empêchant toute
modification hasardeuse du calendrier.
On voit bien en filigrane, dans cette incohérence, l'intention opportuniste,
le petit calcul électoral, l'inquiétude qu'alimentent les sondages. On voit le
peu de confiance dans la souveraineté populaire, et peut-être le doute quant à
ses propres mérites.
Par ailleurs, la méthode utilisée pour faire passer la réforme n'est pas
acceptable, et le procédé est peu élégant.
En procédant ainsi, le Premier ministre se dispense de l'avis du Conseil
d'Etat, qui aurait été sollicité s'il s'était agi d'un projet de loi
organique.
La loi électorale gêne le Gouvernement, le Sénat est une anomalie, le Conseil
constitutionnel est critiqué et, maintenant, le Conseil d'Etat est évité !
Mais ce qui est plus inquiétant, c'est la volonté du Gouvernement de se passer
du contreseing du Président de la République, qui est à tout le moins - quelle
que soit la mauvaise foi déployée par les initiateurs du texte - concerné par
le calendrier, c'est le moins que l'on puisse dire !
La moindre des élégances eût été de passer par un projet de loi organique,
qui, examiné en conseil des ministres, aurait pu faire l'objet des observations
et des réserves du chef de l'Etat.
Que signifient tous ces manques de considération à l'égard de nos institutions
?
Que signifie, au juste, cette confusion entre les institutions et les hommes
qui y travaillent, entre les fonctions et les hommes qui en ont la charge ?
Monsieur le ministre, pensez-vous que ces critiques répétées de votre
Gouvernement, que cette désinvolture du propos et de l'attitude à l'égard de
nos institutions soient un bon exemple, un exemple « citoyen » pour notre
jeunesse, que vous appelez à toujours plus de citoyenneté ?
Quand souvent les repères lui font défaut, pensez-vous qu'il soit opportun et
responsable de jouer avec la règle commune, de sans cesse attaquer nos
institutions ?
Songez à l'école, à la difficulté de plus en plus grande de faire comprendre
aux enfants la nécessité de respecter la règle et le bien commun !
On doit un constant respect aux intitutions, qu'elles aillent dans le sens qui
nous convient ou en sens inverse.
Ce n'est pas la première fois que notre Haute Assemblée déplore ces
manquements ; il me souvient d'une séance de questions d'actualité au
Gouvernement où nous avions déjà dénoncé une étrange appréciation d'un membre
de votre gouvernement à la suite d'une décision de justice.
Le respect de nos institutions et de la loi électorale est le seul chemin à
emprunter en démocratie, et le mieux est de l'emprunter franchement, en
marchant au milieu !
Loin de moi, l'idée de contester à quiconque d'avoir sa lecture de la
Constitution. Ce serait croire, comme l'écrit le professeur Pierre Avril qu'«
un texte aurait normalement un sens vrai, et un seul, indépendamment de la
lecture qui en est faite, que ce sens préexisterait à l'application, et que la
mission des pouvoirs publics se bornerait à appliquer purement et simplement
les dispositions qu'il contient, sauf à interpréter celles qui seraient
obscures ».
L'interprétation se réduirait, alors, à une activité intellectuelle, par
laquelle « on amènerait au jour des vérités certaines, évidentes, mais qui
étaient déjà données - exactement comme l'archéologue ne peut pas trouver, dans
le sol de la Grèce, d'autres vases ou statues que ceux qui y étaient lorsqu'il
entreprend ses fouilles. »
La théorie moderne de l'interprétation affirme, au contraire, que tout texte
comporte virtuellement une pluralité de significations et que ce sont les
autorités chargées de l'appliquer qui déterminent celle de ces significations
qui sera le droit positif ; l'interprétation juridique est aussi et d'abord un
acte de volonté par lequel l'interprète autorisé choisit un sens entre ceux que
le texte contient.
Mais, cela étant dit, toutes les lectures n'ont ni même authenticité ni même
autorité.
Le Conseil constitutionnel est - je cite toujours Pierre Avril - sans
conteste, l'interprète authentique de la Constitution, sinon de toute la
Constitution.
Sa compétence est une compétence d'attribution qui ne concerne que la
conformité à la Constitution des lois organiques et des règlements des
assemblées parlementaires et, sur saisine facultative, celle des lois
ordinaires ainsi que la compatibilité des traités et la protection du domaine
règlementaire.
En revanche, il n'a pas à connaître des rapports entre les pouvoirs publics,
qui relèvent de la seule responsabilité politique.
Mais, dans les limites de cette compétence, il répond à la définition de
l'interprète authentique que donne Michel Troper dans son livre
Pour une
théorie juridique de l'Etat
.
En premier lieu, il statue sans appel et souverainement : ses décisions « ne
sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à
toutes les autorités administratives et juridictionnelles ».
En second lieu, il énonce des normes générales, ainsi qu'il l'a lui-même
précisé : l'autorité des décisions visées à l'article 62, alinéa 2, de la
Constitution « s'attache non seulement à leur dispositif, mais aussi aux motifs
qui en sont le soutien nécessaire et en constituent le fondement même. »
Si le Conseil constitutionnel est le détenteur de l'interprétation
authentique, le Président de la République est, quant à lui, le détenteur de
l'interprétation autorisée.
Cette distinction est d'une extrême importance.
Le chef de l'Etat peut aussi interpréter la Constitution, mais il ne le peut,
estime Jean Massot, cité par Pierre Avril, « qu'en tant qu'acteur de la vie
publique », tout en convenant que « sa mission d'arbitre du fonctionnement
régulier des pouvoirs publics lui fournit de nombreuses occasions d'une telle
interprétation
in concreto
».
Il ne s'agit donc plus ici d'interprétations de même nature que celles
auxquelles procède le Conseil constitutionnel lorsque, en déterminant la
signification d'une disposition, il dit « le droit de la Constitution », parce
que le Président de la République n'est pas habilité à énoncer des normes
générales dotées de cette autorité.
En revanche, à l'occasion des décisions par lesquelles il fait application de
ses pouvoirs, il est conduit, implicitement ou explicitement, à les interpréter
préalablement. Il s'agit alors de « normes particulières » ou d'«
interprétations circonstancielles » dont l'autorité juridique est limitée à la
décision que sous-tend cette interprétation.
A travers les précédents qui en résultent et la pratique qu'ils instituent, de
telles interprétations définissent cependant la Constitution autant sinon plus
que les interprétations authentiques du Conseil constitutionnel.
La décision par laquelle le général de Gaulle refusa, le 18 mars 1960, la
convocation d'une session extraordinaire, en offre un exemple, à la fois par
l'argumentation qui la sous-tendait et par la postérité qu'elle a eue.
Tout cela est bien connu.
Autrement dit, le sens vivant de la Constitution se trouve à la croisée de
l'interprétation théorique du Conseil constitutionnel et de l'interprétation
pratique - ou politique, au sens le plus noble qui soit - du chef de l'Etat.
Mais ne changeons pas le vocabulaire précis et éclairant : d'un côté donc,
l'interprétation authentique du Conseil constitutionnel, de l'autre - ce qui ne
signifie pas à l'opposé - l'interprétation autorisée du chef de l'Etat. C'est
pourquoi nos éminents collègues, notamment MM. Jean-Pierre Raffarin et Philippe
Marini, ont eu raison de rappeler avec vigueur, chacun à leur manière, que,
sous la Ve République, le chef de l'Etat est en charge de l'essentiel. Or le
Conseil constitutionnel, dans les observations qu'il a formulées le 23 juillet
2000, n'a jamais, jamais, évoqué l'ordre du calendrier.
Quant au Président de la République, le procédé de la loi organique, en
dispensant le texte du passage en conseil des ministres, a révélé une intention
scandaleuse et, au fond, anticonstitutionnelle d'éviter son avis « au-to-ri-sé
».
Revenons sur les observations du Conseil constitutionnel. Elles concernaient,
comme l'a fort bien rappelé notre excellent rapporteur, les mesures
d'organisation des opérations électorales, la présentation des candidats, le
déroulement de la campagne électorale et les comptes de campagne. Toutefois, la
première de ses observations concerne la date des scrutins prévus en 2002,
c'est-à-dire le délai les séparant et non pas leur ordre de succession.
« Pour des raisons de principe autant que pour des motifs pratiques, il
importe que les citoyens habilités à présenter les candidats en application de
l'article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 puissent le faire » -
j'insiste : puissent le faire - « après avoir pris connaissance des résultats
de l'élection à l'Assemblée nationale. Le deuxième tour de cette élection
devrait donc avoir eu lieu lorsque s'ouvrira la période de recueil des
présentations par le Conseil constitutionnel. »
Ayant rappelé l'ensemble des règles permettant de comprendre cette
recommandation, notre rapporteur en a conclu que les élections législatives
pourraient être organisées le 3 février et le 31 mars, l'élection
présidentielle pouvant être organisée, elle, les 14 et 28 avril ou les 21 avril
et 5 mai.
Il a, par ailleurs, démontré de manière irréfutable que les arguments tant du
ministre de l'intérieur que du rapporteur de la commission des lois de
l'Assemblée nationale ne « tenaient pas la route » et que la sage
recommandation du Conseil constitutionnel pouvait donc être mise en oeuvre sans
bouleverser l'ordre d'organisation des consultations électorales.
C'est pourquoi la commission des lois de la Haute Assemblée a tout simplement
proposé un amendement visant à faire prendre pleinement en considération la
recommandation du Conseil constitutionnel relative à l'organisation des
parrainages, et c'est bien normal !
Mais chacun sait que le fond de l'affaire est ailleurs. En effet, il ressort
des débats de l'Assemblée nationale que la principale justification de la
proposition de loi organique serait la nécessité de respecter « la logique », «
l'esprit », « le principe de fonctionnement » des institutions de la Ve
République en modifiant un calendrier qui s'apparenterait à « un coup de force
du hasard ».
Mes chers collègues, hier, il s'agissait d'un « coup d'Etat permanent » ;
aujourd'hui il s'agit d'un « coup de force du hasard » ! Hier, il fallait
entraver le chef de l'Etat par la vilenie du propos ; aujourd'hui, il s'agit de
l'enfermer dans un calendrier.
Dans les deux cas, mes chers collègues, c'est la fonction présidentielle
définie par la Constitution qui n'est pas acceptée. C'est elle, c'est son
autorité toute particulière qui n'est pas admise.
Je le répète, mes chers collègues, d'une part, le Conseil constitutionnel est
l'interprète authentique de la Constitution.
Or que voit-on ? On voit l'Assemblée nationale, notamment les héritiers des
adversaires de notre loi fondamentale, faire référence à l'esprit des
institutions et outrepasser les recommandations du Conseil constitutionnel.
D'autre part, le chef de l'Etat est l'interprète autorisé de la
Constitution.
Or, que voit-on ? On voit le Gouvernement monter tout un scénario d'une
hypocrisie rare pour contourner le Président de la République et éviter son
avis ainsi que ses observations, et ce sur un sujet, mes chers collègues, qui
le concerne.
Comment qualifier le procédé ?
Disons qu'il est peu glorieux. Mais, surtout, faisons confiance à la sagesse
suprême du peuple français, peuple souverain qui, lui, depuis presque un
demi-siècle, a compris le génie de notre Constitution et a su toujours
apprécier, avec une certaine fierté, l'autorité éminente de la fonction
présidentielle.
Non, monsieur le ministre, et je pense que vous l'aurez bien compris, non,
vous n'aurez pas mon soutien dans cette affaire. Nous parlions tout à l'heure
technique, mais il ne s'agit même plus de technique ici : simplement, on veut
mettre en difficulté le Président de la République. Mais vous le savez bien,
tout le monde le sait. Alors, parlons franc et disons les choses comme elles
sont !
Monsieur le ministre, tout cela est insupportable, et non seulement je ne
voterai pas ce texte, comme la « petite troupe », mais, en plus, soyez
tranquille, je le combattrai !
(Applaudissements sur les travées du
RPR.)
Mme Nelly Olin.
Bravo !
M. le président.
La parole est à Mme Olin.
Mme Nelly Olin.
Monsieur le ministre, écoutant M. Gélard nous donner cette belle et grande
leçon de droit, avec son talent, sa compétence, son honnêteté aussi et sur un
ton plus que modéré, je m'apprêtais à modifier mon propos. Hélas, votre rejet
des arguments de M. Gélard, d'une manière quelque peu inélégante, et, surtout,
peu convaincante, et votre référence peu aimable, c'est le moins que l'on
puisse dire, aux « litanies » m'incite à ne le modifier en rien.
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
C'est à M. Gerbaud qu'il
revient d'avoir parlé le premier de « litanies ».
Mme Nelly Olin.
J'en suis navrée, mais vous allez entendre, si vous voulez bien m'écouter, une
nouvelle litanie, monsieur le ministre !
M. Hilaire Flandre.
Très bien !
M. Alain Gournac.
C'est la « petite troupe » !
Mme Nelly Olin.
Nous sommes aujourd'hui réunis pour examiner la proposition de loi organique
adoptée par l'Assemblée nationale, modifiant la date d'expiration des pouvoirs
de l'Assemblée nationale.
Une fois encore, et certainement une fois de trop, c'est dans l'urgence que
nous sommes amenés à examiner ce texte qui, il faut bien le dire, n'a rien
d'urgent. C'est parfaitement inacceptable !
Le Gouvernement l'a inscrit à l'ordre du jour du Sénat seulement huit jours
après les congés d'hiver. Je vous rappelle que l'Assemblée nationale a, quant à
elle, examiné ce texte les 19 et 20 décembre dernier.
De qui se moque-t-on, sinon des Français mais aussi des sénateurs ?
On fait décidément grand cas de notre Haute Assemblée en voulant nous imposer
quelques malheureux jours de réflexion !
De plus, comme l'a justement fait remarquer M. Christian Bonnet dans son
excellent rapport, le président de l'Assemblée nationale n'a eu aucun état
d'âme à déclarer : « Le Sénat aurait quelque audace à retenir un texte qui ne
le concerne pas directement, puisqu'il s'agit des élections à l'Assemblée
nationale ». Comment qualifier ces propos ? Ironiques ? Oui. Méprisants ? Oui
également !
Quant à vous, monsieur le ministre des relations avec le Parlement, vous avez
déclaré sur LCI : « Je ne vois pas une chambre se mêler de manière intempestive
des pouvoirs qui concernent l'autre assemblée. »
Permettez-moi de vous dire que de tels propos n'honorent pas le Gouvernement
et constituent une véritable provocation vis-à-vis de la démocratie.
Il me semble pourtant - si ma mémoire est bonne et elle l'est encore - que
l'Assemblée nationale a bel et bien débattu du mode d'élection des sénateurs
Personne, ni au Gouvernement, ni à l'Assemblée nationale, ne s'est alors étonné
de voir les députés se « mêler » des affaires du Sénat.
Voilà une bien étrange conception de l'esprit de nos institutions, avec
lesquelles vous voulez jouer, mais seulement quand cela vous arrange !
Pour revenir sur les propos de M. le président de l'Assemblée nationale, M.
Forni, quelle est la réelle portée du texte ? Je ne pense pas qu'il s'agisse
simplement de modifier la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée
nationale.
Le titre même de la proposition de loi est lourd d'hypocrisie. Il ne s'agit
pas seulement de modifier la durée d'un mandat, il s'agit de le prolonger.
Cette prolongation n'a qu'un objectif, c'est l'inversion du calendrier
électoral de telle sorte que l'élection présidentielle précède les élections
législatives.
Je pense que, sur ce point, le Sénat a largement son mot à dire, ne vous en
déplaise, monsieur le ministre, et n'en déplaise au Gouvernement !
J'en viens au problème de la prolongation du mandat de député. On l'a dit,
sous la Ve République, des mandats électifs ont été prolongés, mais ces
prolongations ne concernaient que des assemblées locales et elles n'étaient pas
décidées quelques mois avant les échéances.
S'agissant des députés, il faut remonter en 1918 et en 1940 pour trouver des
exemples de prolongation de mandat. Je vous rappelle que la France était alors
impliquée dans ces conflits armés.
En 1918, c'était l'union nationale qui était en jeu, et il était alors bien
naturel que la Chambre des députés, élue en 1914, prolonge le mandat des
députés jusqu'à la fin de la guerre qui fut la plus meurtrière de notre
histoire.
En 1936, la Chambre des députés du Front populaire a prolongé ses mandats de
deux ans. Le début de la Seconde Guerre mondiale et l'occupation d'une partie
du territoire national par les forces ennemies expliquent très bien cette
décision.
Pouvez-vous nous dire quelle est la grave crise nationale qui justifie une
prolongation du mandat des députés ? Comme tout le monde, je lis le journal et
je regarde la télévision. Hormis, et malheureusement, les inondations et les
drames au quotidien, je n'en vois pas.
Vous avez invoqué l'esprit des institutions qui veut que majorité
présidentielle et majorité à l'Assemblée nationale soient cohérentes.
Pourtant, l'histoire nous montre que cet esprit-là ne correspond pas toujours
à la réalité des urnes. Et cela, nous n'y pouvons rien !
Qui peut aujourd'hui avoir la prétention de se dire le garant de l'esprit de
nos institutions ? Je vous rappelle - n'en déplaise au Premier ministre ! - que
les réformes institutionnelles sont principalement du ressort du Président de
la République.
L'article 5 de notre Constitution le dit bien : « Le Président de la
République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage,
le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de
l'Etat ».
Cette réforme, dont personne ne peut dire qu'elle est nécessaire, devrait
dépendre du Président de la République et de personne d'autre.
Permettez-moi donc de m'étonner que le Gouvernement n'ait pas eu le courage -
je dis bien le courage - de déposer en son nom un projet de loi. Un texte d'une
telle importance, voulu par le Premier ministre, aurait dû émaner du
Gouvernement. Cela aurait été courageux et honnête. Encore une fois, le
Gouvernement ne prend pas ses responsabilités ; il s'abrite derrière une
initiative parlementaire. C'est quelque peu déplorable !
Bien sûr, élaborer un projet de loi nécessitait de demander l'avis du
Président de la République, ce que vous refusez. L'adoption d'un tel texte en
conseil des ministres, sous la présidence du Président de la République, aurait
été laborieuse alors vous avez voulu l'éviter. Le résultat est une dérive
indigne.
Vos démarches sont malheureusement pleines de contradictions. Vous nous dites
que vous voulez respecter l'esprit des institutions, selon lequel le Président
de la République, élu au suffrage universel direct, est le pilote et le garant
de la vie politique. Mais il semble que vous fassiez bien peu cas du Président
de la République actuel, puisque vous avez décidé de vous passer de son
avis.
Pourtant, M. le Premier ministre déclarait en octobre dernier - la méthode
Coué est parfois nécessaire ! - s'en remettre à Jacques Chirac, à qui il
revenait de prendre ce type de décision en tant que « gardien des institutions
». Mais il est vrai que nous sommes habitués aux contradictions ou aux
changements de cap - c'est le cas ! - du Premier ministre. Ce n'est pas la
première fois qu'il annonce publiquement une chose et fait le contraire peu de
temps après.
C'est pourtant bien le 19 octobre - il y donc peu de temps - qu'il a annoncé
qu'il ne ferait rien dans ce domaine sauf s'il y avait un large consensus.
C'est comme pour la guerre, que nous ne connaissons pas en France,
heureusement. Mais où est le consensus ? Je n'en ai vu aucun. Avec une telle
attitude, quelle crédibilité accorder vraiment au Gouvernement et à son chef
?
En tout cas, il n'est pas acceptable d'écarter le Président de la République
d'un débat institutionnel. Nous ne l'acceptons pas et nous le disons haut et
fort. Après une telle manoeuvre, vous n'aurez plus le droit de parler de
démocratie, car vous venez de la bafouer !
Vous voulez éviter l'examen du texte par le Conseil d'Etat parce que vous
redoutez son avis et que vous n'êtes pas prêts à accepter un avis contraire à
celui du Gouvernement.
Heureusement, vous ne pourrez pas passer outre le Conseil constitutionnel, qui
sera obligatoirement saisi et nous lui faisons confiance.
Je rappelle que le Conseil constitutionnel s'est prononcé à quatre reprises
sur des textes législatifs ayant pour objet de reporter la date d'élections. Je
rappelle également qu'il s'agissait d'élections locales et non d'élections
législatives.
Aujourd'hui, aucune décision du Conseil constitutionnel ne justifie la
proposition de loi qui nous est présentée, et vous le savez fort bien.
Il est exact que le Conseil constitutionnel, en juillet dernier, a formulé des
observations s'agissant de l'élection présidentielle de 2002. Elles ne portent
finalement que sur un problème de délai entre les deux élections et donc de
présentation de candidats, les candidatures devant être adressées au Conseil
constitutionnel.
Aussi, il est bien légitime de s'étonner que, lors de l'examen du texte
relatif au quinquennat, le Gouvernement n'ait pas cru bon de faire des
propositions s'agissant des dates des élections ! Il est vrai qu'à l'époque le
Premier ministre ne pensait pas encore ce qu'il pense aujourd'hui. Le
déroulement de sa pensée est bien difficile à suivre !
Je reviens donc sur ce revirement pour le moins étrange qui, si le sujet eut
été moins grave, aurait pu nous faire sourire, ou nous laisser indifférents.
Le 19 octobre dernier, M. Jospin déclarait : « Toute initiative de ma part
serait interprétée de façon étroitement politique, voire politicienne ». Qu'il
se rassure, cette initiative est bien perçue de façon politicienne, et les
Français le jugeront pour cela sévèrement !
Aujourd'hui, vous insistez sur le fait que ce revirement ne résulterait
nullement d'un choix politique. Soyez au moins décents, car qui peut y croire à
part vous ?
Pourquoi le Premier ministre a-t-il choisi de faire une telle déclaration lors
du congrès du parti socialiste, instant politique par excellence ?
Pourquoi ce qui n'a jamais suscité de débat depuis 1997 est-il soudain devenu
une urgence à un an des échéances électorales ?
Nous savons tous qu'il s'agit d'une bien triste manoeuvre politique visant à
se donner toutes les chances de gagner aux prochaines élections présidentielle
et législatives.
Après plus de vingt siècles, on se retrouve aujourd'hui dans la situation de
la fin de la République romaine, quand des politiciens manipulaient le
calendrier en fonction de leur propre intérêt.
Je m'interroge, monsieur le ministre. Est-ce bien honnête de vouloir modifier
la Constitution pour servir des ambitions électorales ? Non ! Croyez-vous que
les Français seront dupes ? Non ! C'est le peuple qui aura le dernier mot, et
il saura faire le bon choix en 2002. Ignorer le peuple, c'est mettre en danger
nos institutions, la démocratie et la République.
Je pense sincèrement qu'à quelques semaines de distance les Français voteront
dans le même sens, quel que soit l'ordre des élections. C'est leur faire bien
peu confiance que de penser le contraire !
Comme je l'ai dit, je regrette que l'urgence soit demandée pour un texte qui
sert la politique du Gouvernement. Il est bien dommage que celui-ci ne
considère pas comme urgents les problèmes de sécurité, d'éducation ou de
justice qui préoccupent à juste titre nos concitoyens. Car les vrais problèmes,
eux, vous ne les traitez pas !
Dans ma ville, ce sont trois jeunes âgés de douze et treize ans qui viennent
de poignarder un enseignant en pleine classe. Dans nos banlieues, les citoyens
n'en peuvent plus, car la vérité et la gravité de la situation sont masquées
sous des appellations hypocrites.
Que sont aujourd'hui les incivilités sinon de véritables agressions ? Que sont
aujourd'hui les sauvageons, sinon de véritables délinquants ?
Ajoutons à cela le manque d'effectifs de police et de gendarmerie, de
magistrats et de greffiers dans les tribunaux, d'enseignants, d'assistantes
sociales et de personnel d'encadrement dans les établissements scolaires.
Le tribunal du Val-d'Oise croule sous le poids du travail et aucune mesure
n'est prise. Il est dommage que les ministres val-d'oisiens - et nous en avons
- qui inaugurent tout et rien dans le département mais que l'on qualifie de
ministres à plein temps, ne soient pas venus entendre ce qu'ont dit le
procureur et le président sur l'état du tribunal.
Là est l'urgence, et ne pas en prendre conscience est grave de conséquences.
Là sont les priorités, car demain il sera trop tard !
(Applaudissements sur
les travées du RPR.)
Mais, à ces vérités, à ces réalités, vous préférez faire la sourde oreille et
bricoler pour passer en force un texte destiné à vous servir, et vous servir
seulement. Avez-vous oublié que c'est la France et les Français qui doivent
être servis ?
Dois-je rappeler que, depuis 1958, l'actuelle Constitution a été révisée
quinze fois ? Je regrette sincèrement que ces diverses révisions n'aient jamais
donné lieu à un réel débat sur les institutions. Ce texte aurait pu nous en
fournir l'occasion ; malheureusement, le Gouvernement use et abuse de son droit
de déclarer l'urgence.
Les réformes constitutionnelles engagées depuis quelque temps représentent une
sorte de bricolage dont on ne connaît pas les conséquences sur le long
terme.
Je vous rappelle que, si nous prolongeons les pouvoirs de l'Assemblée
nationale, ce sont de nombreuses élections qui seront reportées dans l'avenir.
Avez-vous réellement réfléchi à ce que cela risque d'impliquer ?
Pouvons-nous décemment jouer sur les dates d'élections, quelles qu'elles
soient ?
Monsieur le ministre, les Français ont élu leurs députés pour cinq ans, ni
plus ni moins. Comme l'ont dit mes collègues, personne ici ne leur a demandé
leur avis sur la question, qui, entre parenthèses, ne semble guère les
mobiliser.
Ainsi, nos concitoyens élisent leur député au suffrage universel direct, ce
qui garantit une grande démocratie. Aujourd'hui, le Gouvernement voudrait
remettre en cause ce principe : certes, les Français ont choisi, mais, sans
leur demander leur avis, on prolonge les pouvoirs de l'Assemblée nationale. Ce
n'est ni plus ni moins que du mépris envers nos concitoyens, et je constate,
fort tristement d'ailleurs, que, quel que soit le sujet traité, vous avez pour
habitude de passer outre à l'avis des Français.
Le Gouvernement détiendrait-il la science infuse ou pensez-vous que, comme il
s'agit d'un problème qui n'intéresse pas les Français, mieux vaut ne rien leur
demander ?
Quoi qu'il en soit, sachez que les Français suaront faire la part des choses,
et je suis certaine qu'ils apprécieront à sa juste valeur le comportement du
Gouvernement à leur égard !
Si nous constatons certaines incohérences au sein de nos institutions, ayons
le courage d'engager un réel débat à ce sujet. Arrêtons de modifier par petites
touches ce qui constitue le pilier de notre République.
Rien ne nous garantit que l'élection du Président de la République avant celle
de l'Assemblée nationale nous protégera de la cohabitation. Encore une fois, ce
sont les Français qui prendront la décision en toute conscience.
Au demeurant, vouloir, à tout prix, placer l'élection présidentielle avant
l'élection législative, c'est, après le quinquennat, franchir un nouveau pas
vers le régime purement présidentiel.
Sans être favorable à un retour au régime des assemblées, je pense qu'il
serait bon de trouver le bon équilibre entre le pouvoir exécutif et le pouvoir
législatif. il n'est pas possible de fonder la politique d'un pays sur
l'élection d'un seul homme.
Une nouvelle fois, comme mes collègues, je ne peux que constater la volonté du
Premier ministre non seulement d'affaiblir le Parlement mais également de
passer outre à son pouvoir de décision. Les récentes ordonnances témoignent
d'ailleurs de l'importance que revêt le Parlement aux yeux de M. Jospin.
Enfin, une modification de la Constitution ne saurait être légitime si elle
n'est pas dictée par l'intérêt général ou si elle ne repose pas sur le constat
que nos institutions telles qu'elles existent aujourd'hui ne fonctionnent
pas.
Or, je l'ai dit, l'inversion du calendrier ne répond en aucune façon à un
motif d'intérêt général.
S'agissant du dysfonctionnement de nos institutions, la proposition de loi qui
nous est présentée ne répond pas au problème que peut poser une éventuelle
dissolution de l'Assemblée nationale ou le décès d'un Président de la
République.
Pour revenir au fond du problème, je ne vois rien dans la Constitution qui
implique que l'élection présidentielle doive précéder les élections
législatives.
Comme mes collègues l'ont souligné, si votre principale préoccupation était
bien l'ordre des élections, il aurait fallu élaborer un texte visant à ce que
toute nouvelle élection présidentielle entraîne l'expiration des pouvoirs de
l'Assemblée nationale, celle-ci étant ainsi renouvelée après chaque nouvelle
élection d'un Président de la République.
Cette réforme aurait conduit nos concitoyens à se prononcer par voie de
référendum et aurait donné lieu à un large débat sur nos institutions.
La réforme qui nous est proposée est tout à fait ponctuelle et, comme je l'ai
dit, ne règle en rien les problèmes qui risquent de se poser dans l'avenir.
Rien ne justifie l'adoption d'une proposition de loi organique qui ne résout
pas les futures difficultés éventuelles de calendrier.
L'examen de ce texte a donné lieu à un débat portant sur le régime
présidentiel ou le régime parlementaire.
Il est bien évident que nos institutions sont de nature présidentielle ;
l'élection du Président de la République au suffrage universel direct en est la
preuve. Mais nos institutions sont également de nature parlementaire puisque le
Premier ministre est le chef de la majorité parlementaire et que l'Assemblée
nationale a le pouvoir de renverser le Gouvernement.
S'il est vrai que certaines incohérences apparaissent parfois, en cas de
cohabitation par exemple, il n'en est pas moins vrai que la Constitution telle
qu'elle est actuellement est garante de la continuité de l'Etat.
Cette continuité de l'Etat est ainsi assurée par la mixité des pouvoirs du
Président de la République et du Parlement. Et cette mixité nous garantit une
meilleure démocratie.
Placer l'élection présidentielle avant les élections législatives pour assurer
au futur Président de la République la plus forte majorité possible, c'est
remettre en cause cette mixité et donc remettre en cause la démocratie.
Une telle volonté ne correspond que trop bien à l'esprit du Gouvernement, qui
nous a prouvé à plusieurs reprises quel mépris il éprouvait pour l'opposition à
l'Assemblée nationale et quel mépris il éprouvait pour la majorité
sénatoriale.
Quoi qu'il en soit je rappelle que les élections de 2002 ne permettront pas
forcément au futur Président de la République d'avoir une forte majorité à
l'Assemblée nationale pendant cinq ans. Une cohabitation est toujours possible
et la balance penchera alors vers l'Assemblée nationale quand il s'agira de
mener la politique de la nation.
M. le Premier ministre se plaît à préciser continuellement qu'il a voté contre
la Constitution de 1958. Aujourd'hui, se réclamer des institutions de la Ve
République me semble donc quelque peu osé de sa part ; je dirais même
inconvenant.
Les convenances personnelles poussent certains à adopter un esprit gaullien de
la Constitution, et je le déplore.
Aujourd'hui, vous semblez vous réclamer du gaullisme. Pour légitimer cette
proposition de loi, vous avancez comme argument que, selon l'esprit de nos
institutions, c'est un président fort qui dirige la politique de la France.
Il me semble pourtant que le général de Gaulle n'a jamais fait preuve
d'ingérence dans l'action du Gouvernement.
Aussi est-il indécent de se reférer au général de Gaulle pour trouver des
arguments en faveur d'un tel texte, surtout de la part de ceux qui n'ont eu de
cesse de le combattre, parfois d'une manière lamentable.
Il n'y a en fait aucune légitimité à vouloir modifier le calendrier et il est
inconvenant de le faire alors que la partie est pratiquement engagée. Nous
voyons bien que M. Jospin est divisé entre son rôle de Premier ministre et son
rôle, enfin dévoilé, de candidat à la présidentielle.
Je le répète, l'esprit des institutions est une fausse excuse, une bien
mauvaise excuse, qui ne fait pas honneur au Gouvernement.
Si nous sommes divisés sur la question de l'inversion du calendrier électoral,
votre majorité plurielle l'est également, monsieur le ministre.
A moins que vous ne restiez éternellement au Gouvernement, que se passera-t-il
lorsqu'il y aura un changement de majorité ? Et il y en aura un ! En effet,
ignorer les préoccupations prioritaires des Français comme vous le faites
depuis que vous êtes au pouvoir, c'est sans aucun doute la chute assurée ; et
c'est parce que vous craignez cela qu'en cours de route vous changez la règle
!
Je ne peux terminer cette intervention sans évoquer le comportement du
Gouvernement. Jamais nous n'avons constaté de sa part tant d'arrogance envers
le Président de la République ou le Sénat, et si une preuve de cette arrogance
était encore nécessaire aujourd'hui, ce serait bien ce texte, qui voulait
ignorer et le Président de la République et le Sénat, qui nous la donnerait.
Nous n'acceptons pas - je l'ai dit et je le redis - de telles attitudes, et
nous refuserons de voter ce texte, qui joue avec nos institutions et qui est un
véritable camouflet à la démocratie.
(Applaudissements sur les travées du
RPR, ainsi que sur certaines travées des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Lachenaud.
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, succédant à
cette tribune à ma collègue Mme Olin, vous comprendrez que je m'arrête un
instant sur la situation qu'elle a évoquée, celle du Val-d'Oise.
Nous sommes tous les deux sénateurs de cet important département de la région
d'Ile-de-France, qui compte 1 200 millions d'habitants, qui a connu une
croissance démographique exceptionnelle, une croissance économique tout aussi
remarquable et qui se caractérise par un équilibre harmonieux entre des zones
rurales et des zones urbaines.
Ma chère collègue, vous administrez une commune importante, mais difficile.
Vous avez, au cours de ce dernier mandat, mené une action tout à fait
remarquable d'équipement de la ville et, plus encore, de pacification de toute
la communauté de Garges-lès-Gonesses. Je suis certain que, lors des prochaines
élections municipales, celle-ci saura reconnaître votre valeur, celle de votre
équipe et vous donnera les moyens de poursuivre votre mission.
En cet instant, j'imagine les Pontoisiens ! Peut-être suivent-ils nos débats,
peut-être liront-ils demain dans la presse le compte rendu de ces débats. Ils
se diront alors que, vraiment - restons polis ! - nous nous occupons de choses
très minimes et de peu d'importance ! Les vrais problèmes qui les touchent, ce
sont les problèmes d'environnement, de nuisances aéroportuaires, les lacunes de
la justice, le projet de tribunal toujours reporté, les difficultés de la
politique urbaine. Tels sont les grands enjeux d'un département comme le
Val-d'Oise, qui, à l'image de la France d'aujourd'hui, éprouve des problèmes
d'équilibre et de développement économique et social et doit trouver sa voie, à
la veille du troisième millénaire, pour promouvoir une société plus juste, plus
équitable, mais en même temps, plus ouverte sur l'extérieur et progressant de
manière dynamique.
Constatant ce décalage entre l'état de l'opinion publique et l'attente de nos
citoyens, comprenant combien l'abstention est justifiée, non pas tellement par
une critique de notre action ou par une critique de la personnalité des hommes
politiques et des femmes politiques qui les représentent, mais du fait du
décalage entre leurs sujets de préoccupation et nos discours, les réformes,
plutôt les « réformettes » qui nous sont proposées, les modifications
incessantes de la Constitution et des règles du jeu qui nous sont imposées par
le Gouvernement, je mesure combien ce débat est irréel. Notre collègue M.
Marini a déjà traité ce débat d'irréel : il a parlé d'un théâtre d'ombres
irréel, surréaliste, en tout cas tout à fait inacceptable si on le rapporte aux
préoccupations de nos concitoyens.
En introduction - parce que, finalement, j'ai décidé d'intervenir dans ce
débat et de présenter publiquement mon point de vue sur cette question
institutionnelle importante - je voudrais m'arrêter un instant sur les raisons
qui m'ont conduit à faire cette intervention alors qu'à ce stade du débat je ne
pourrai rien ajouter de nouveau, tous les arguments ayant été dits et
redits.
Monsieur le président, j'ai bien failli en rester là. Peut-être le débat y
aurait-il gagné en concision et cela aurait sans doute fait plaisir à M. le
ministre mais, comme de toute façon il n'écoute pas, cela n'aurait pas changé
son point de vue, je n'aurais pas réussi à la convaincre.
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
Je vous écoute assidûment !
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Nous le verrons bien par la suite !
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
Vous me permettrez d'ajouter
que je réponds quand les arguments sont dignes d'intérêt et ne sont pas
répétitifs : je l'ai montré tout à l'heure !
M. Jean-Pierre Schosteck.
Merci pour nous !
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Je vais donc brièvement commencer par une introduction, comme cela se fait
dans tout bon exposé. Nous avons, en effet, appris de nos professeurs à
Sciences-Po ou à la faculté de droit que tout bon exposé doit comprendre trois
parties et comporter une introduction, un développement et une conclusion. Il
faut, de préférence, que l'introduction soit brève, de même que les
conclusions. En revanche, le développement mérite d'être nourri par une
argumentation développée.
Au Sénat, nous n'avons pas eu la chance qu'a eue l'Assemblée nationale de
disposer d'un petit temps réservé à la préparation de ce texte. Il n'était pas
prévu que nous ayons du temps pour débattre de la Constitution, de son esprit -
très présent dans la discussion - de la volonté de ses fondateurs, de
l'évolution de la pratique constitutionnelle depuis 1958 et surtout depuis
1962, étape importante de la Constitution.
Alors, je me suis dit : s'il n'y a pas de débat sur les institutions, il faut
en revenir au texte.
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
Monsieur le sénateur, me
permettez-vous de vous interrompre ?
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Je vous en prie, monsieur le ministre.
M. le président.
La parole est à M. le ministre, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
Monsieur le sénateur,
permettez-moi de vous rappeler simplement que, lors de la conférence des
présidents, à laquelle M. Allouche était présent, j'ai justement proposé qu'il
y ait un débat organisé, comme à l'Assemblée nationale. Cette proposition n'a
pas été retenue. Vous ne pouvez donc pas invoquer cet argument.
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur Lachenaud.
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Mais c'est bien ce que je compte faire, monsieur le président !
De toute façon, qu'un débat ait été prévu ou non, nous avons pris la parole
parce que nous avons l'audace de nous exprimer, même sur un sujet à propos
duquel on entend avec stupéfaction le président de l'Assemblée nationale, M.
Forni, déclarer que nous n'avons pas le droit à la parole et qu'il serait
audacieux de parler des institutions. Eh bien, nous parlerons à la fois du
texte et des institutions
(Très bien ! sur les travées du RPR.)
M. Hilaire Flandre.
Il a raison !
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Revenons au texte. C'est ce qu'a fait M. le rapporteur, se disant : comme cela
est normal dans la procédure du Sénat, je vais étudier ce texte de manière
approfondie et présenter l'ensemble des arguments techniques, institutionnels
et juridiques qui s'y rapportent.
Ce texte, je vais me permettre de vous le lire parce que, à ce stade du débat,
après une quarantaine d'intervenants, il se peut que certains l'aient oublié,
bien qu'il soit inoubliable.
Tout d'abord, le titre : « Date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée
nationale ». Cela laisse présager un contenu très intéressant.
Voici le texte adopté par l'Assemblée nationale :
« Article 1er. - L'article LO 121 du code électoral est ainsi rédigé :
«
Art. L.O. 121. -
Les pouvoirs de l'Assemblée nationale expirent le
troisième mardi de juin de la cinquième année qui suit son élection. »
Article 2. - L'article 1er s'applique à l'Assemblée nationale élue en juin
1997. »
A mon avis, l'article 2 est plus important que l'article 1er. La simple
lecture de cet article montre qu'il s'agit d'un texte de circonstance, de pure
convenance politique, puisqu'il ne s'applique qu'à la prochaine élection.
Au fond, sous un titre tout à fait anodin, sans importance, sous une apparence
d'inexistence juridique, de vanité, de vide absolu, de texte absolument inodore
et sans saveur, voilà tout de même des dispositions dont on parle depuis des
semaines, qui font l'objet d'articles dans les journaux, de déclarations tout à
fait contradictoires du Gouvernement, de prises de position des plus éminents
constitutionnalistes. Tout cela à propos de deux articles que je me suis permis
de relire en constatant avec vous, mes chers collègues, que, véritablement, ils
ne devraient normalement pas avoir de réelle portée politique.
Finalement, quelle est la seule qualité de ce texte, monsieur le ministre ?
Je n'ai pas découvert un seul argument en faveur de ce texte. En revanche, je
lui ai trouvé une qualité, une seule : la brièveté.
(Sourires.)
Vous
évoquiez tout à l'heure vos études de droit, monsieur le ministre. Eh bien, un
peu antérieurement à vous, malheureusement, quand nous apprenions les articles
du code, on nous disait : « Ce qui est bien dans le code Napoléon, c'est la
brièveté ! »
(Nouveaux sourires.)
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Portalis, reviens !
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Et l'on nous citait toujours cet exemple : « Tout condamné à mort aura la tête
tranchée. »
Telle est la seule qualité du texte ! Il est aussi bref que cet article du
code pénal. Pour le reste, il est franchement mauvais.
M. le président.
C'est un peu court !
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Ne vous inquiétez pas, monsieur le président, je vais développer mon
argumentation. Auparavant, je dois néanmoins aller au terme de mon introduction
et expliquer quel style de discours j'avais l'intention de faire, même à cette
heure de la nuit. Encore que, dans cet hémicycle, il fasse pratiquement
toujours nuit, même quand il fait jour dehors, surtout dans l'obscurité de
textes juridiques aussi complexes !
Mme Nelly Olin.
Nous sommes effectivement dans le noir !
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Au fond, on a vu se dérouler quelque chose d'extraordinaire à l'Assemblée
nationale : l'adoption de ce texte a été un véritable psychodrame, et cela est
dû à vos manoeuvres, monsieur le ministre. Comment pourriez-vous nier que le
psychodrame et la manière dont le texte a été voté à l'Assemblée nationale
aient été le résultat des manoeuvres du Gouvernement ?
Ce dernier n'a pas eu le courage d'assumer le texte, de prendre la
responsabilité de présenter un projet de loi qui aurait dû être soumis au
conseil des ministres, présenté au Président de la République et passer
évidemment devant le Conseil d'Etat, ce qui lui aurait donné une garantie
supplémentaire de validité juridique. Car vous courez des risques à cet égard
!
Par ailleurs, vous avez montré les plus mauvais côtés de la manoeuvre
politicienne, telle qu'elle peut être menée parfois, dans certaines
circonstances, par le Gouvernement auprès des parlementaires. Par moments, cela
me rappelait la IVe République. Et ce n'est pas un bon souvenir pour ceux
d'entre nous qui ont fait leurs études de droit dans les années 1958, 1960.
A cette époque, nous avions d'éminents professeurs - pour certains d'entre
eux, lorsqu'ils étaient encore vivants, ont été consultés -, notamment les
professeurs Vedel, Prélot, Burdeau. Ces éminents constitutionnalistes nous ont
appris à réfléchir sur les textes et à présenter des exposés. Nous étions
formés à une réflexion sur la pratique institutionnelle qui nous a conduits à
détester la pratique de la IVe République et à souhaiter qu'une nouvelle
Constitution soit donnée à la France.
Malheureusement, ce jeu avec quelques parlementaires, ces promesses, ces
indications et ces tentations nous ont rappelé les mauvais souvenirs de la IVe
République.
Et puis on a vu se succéder des démonstrations brillantes, mais
contradictoires et pas du tout convaincantes des constitutionnalistes. Un
ancien Président de la République, d'anciens Premiers ministres, des
constitutionnalistes ont en quelque sorte monopolisé le débat. C'était
insupportable ! Il fallait rendre la parole au Parlement. Au Sénat, nous avons
pris la parole et nous avons l'intention de la garder un certain temps
encore.
Nous avons donc pris la parole, et le débat au Sénat, grâce à vous, monsieur
le rapporteur, a pris enfin toute sa dimension.
Je voudrais rendre hommage au travail tout à fait remarquable qui a été fait
par la commission des lois et par vous-même, mon cher collègue. Quel humour,
quelle ironie, quelle réflexion historique et, en même temps, quelle sagesse,
quelle expérience des affaires de l'Etat !
Toutes ces qualités apparaissent dès la première citation que vous faites
figurer dans votre rapport.
Elle est si adéquate que je ne résiste pas à l'envie d'en donner lecture : «
Cependant, dans les derniers temps de la République, en tant que régulateur des
relations sociales, le calendrier n'était plus à l'abri des luttes de pouvoir
et de leurs conséquences. »
Je ne sais pas comment vous avez trouvé cette citation, mais je voulais vous
présenter toutes mes félicitations, car elle est, hélas ! particulièrement
adaptée aux circonstances actuelles.
Quelle excellente argumentation, technique et institutionnelle ! Quelle sage
conclusion !
Là encore, sans vouloir lasser votre patience, ne pouvant pas à ce stade du
débat ajouter des éléments complémentaires, je cède au plaisir de relire les
conclusions de la commission.
« Le rapporteur a notamment formulé les observations suivantes :
« Les conditions d'examen de la proposition de loi organique par le Parlement
ne sont pas acceptables, dans la mesure où l'ordre des échéances électorales de
2002 est connu depuis 1997 ; le Gouvernement a brutalement changé de position
sur cette question et a dès lors imposé aux assemblées de se saisir de cette
question dans la précipitation.
« Le mandat des députés n'a été prorogé qu'à deux reprises au cours du xxe
siècle, en 1918 et 1940...
« Un changement de la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale
n'évitera pas à l'avenir que la situation prévue en 2002 se reproduise, sauf à
supprimer le droit de dissolution et à prévoir la continuation par un
vice-président du mandat du Président de la République en cas de décès ou de
démission de ce dernier.
« Rien ne permet d'affirmer qu'un changement de l'ordre des élections
contribuera à éviter une nouvelle situation de cohabitation.
« Le choix du troisième mardi de juin comme date d'expiration des pouvoirs de
l'Assemblée nationale est loin d'être satisfaisant... »
En résumé, aucun motif d'intérêt général ne justifie la mesure proposée. Voilà
une conclusion à laquelle j'adhère complètement.
Dès le mardi 16 janvier, les interventions successives des présidents des
groupes de la majorité sénatoriale et de plusieurs autres orateurs ont démonté
la manoeuvre du gouvernement socialiste et démantelé toute l'argumentation
fallacieuse développée pour défendre ce texte.
J'évoquerai, à titre d'exemple, quelques temps forts de l'intervention du
président de mon groupe.
Tout à l'heure, monsieur le ministre, vous avez indiqué que seule « une petite
troupe » appartenant au groupe du RPR exprimait une opposition à ce texte. Au
demeurant, c'est une opposition fondamentale, qui s'appuie sur des motifs
juridiques, techniques et politiques absolument irréfutables, et auxquels,
d'ailleurs, nous n'avons jamais entendu apporter la moindre réponse.
Le président du groupe des Républicains et Indépendants - dont M. le
rapporteur est lui-même membre - de même que plusieurs de mes collègues de ce
groupe, d'ailleurs, a conclu son intervention en précisant bien : « Les
sénateurs de mon groupe, et ce sera mon cas, voteront contre la proposition de
loi organique. »
Cela me permet d'ailleurs d'annoncer déjà ma conclusion : nous voterons
effectivement contre le texte qui nous est présenté.
M. Henri de Raincourt a ajouté que les sénateurs de son groupe étaient « pour
le maintien d'un calendrier républicain et indépendant de toute préoccupation
politique ». Voilà ce qui devait être dit !
(Mme Olin applaudit.)
Peut-être vais-je renoncer à lire les extraits de l'intervention du président
de mon groupe où il avance ses principaux arguments pour évoquer cette phase
importante de la discussion qu'est ce jeudi 25 janvier, qui n'est cependant pas
le dernier jour de la discussion, ce dont je me réjouis.
Que pouvais-je ajouter comme argument ? Est-il nécessaire d'ajouter une
litanie aux autres litanies, comme vous l'avez malencontreusement dit, monsieur
le ministre ?
J'avais apprécié l'ironie et la compétence des excellents juristes que sont
mes collègues et amis René Garrec et Patrice Gélard. J'avais apprécié la
rigueur de la démonstration d'un Philippe Marini et toutes les convictions
exprimées fortement, intervention après intervention, par tous mes collègues
dans ce débat. Et je me disais : « Quel style, quelle durée donner à mon
intervention pour qu'elle soit un peu différente ? »
Vous le voyez, monsieur le président, j'en suis toujours à mon introduction
(Mme Olin s'esclaffe) ;
je n'en suis pas encore à la phase de
développement des arguments ni, évidemment, à la conclusion, même si je l'ai
déjà dévoilée tout à l'heure pour bien en marquer la force et la brièveté, et
aussi pour souligner la cohérence de la position du groupe des Républicains et
Indépendants avec celle de l'ensemble de la majorité sénatoriale, notamment du
groupe du RPR. Nous sommes une petite troupe, mais nous sommes tout de même
nombreux et nous ne désespérons pas de rallier d'autres parlementaires à notre
jugement, à nos convictions sur cette modification du calendrier.
Quel style, quelle durée devais-je donc donner à mon intervention ? Comprenez
mes hésitations et mes réticences !
Hier, monsieur le ministre, j'ai constaté que celui de vos collègues qui
occupait le banc où vous êtes assis aujourd'hui semblait un peu épuisé ; il
avait l'air un peu abattu, et il était assez peu attentif et je craignais fort
d'avoir peu de chances de le convaincre. Aujourd'hui, je n'en ai guère
davantage de vous convaincre, - il faut quand même être réaliste - mais je me
disais que vous seriez peut-être un peu plus attentif. Cependant, il paraît que
vous êtes beaucoup plus préoccupé par les élections de Lyon, où déjà, d'après
les gazettes, avec vos amis, vous commencez à vous répartir les postes de la
mairie de Lyon et de la communauté urbaine. A mon avis, il vaudrait mieux
attendre le résultat des élections !
Mme Nelly Olin.
Comme à Pontoise !
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Voilà qui m'offre une transition dialectique avec le Val-d'Oise, département
où le décalage entre l'action du Gouvernement et son discours influe justement
sur les élections. Monsieur le ministre, vous n'êtes certes pas ministre de
l'intérieur - quoique celui-ci ne soit pas chargé d'organiser des élections,
tout au plus d'en commenter les résultats devant les télévisions - mais il ne
vous a peut-être pas échappé qu'une élection cantonale s'était déroulée
dimanche dernier dans le canton de Pontoise.
Mme Olin soulignait tout à l'heure que ce département comptait de nombreux
ministres. Nous en avons eu et nous en aurons encore sans doute beaucoup. Ce
département est une pépinière extraordinaire : M. Hue, qui a failli être
ministre, siège au conseil général ; il y eut M. Strauss-Kahn un temps ; il y a
Mme Gillot et M. Richard.
Que font ces ministres ? Du tourisme ! Des inaugurations ! Lorsqu'ils sont
dans le département, ils mêlent fonctions ministérielles et politiques. Ils
cumulent les mandats et sont présents à toutes les élections ! M. Richard, par
exemple, qui est ministre de la défense, est venu soutenir à deux reprises le
candidat socialiste aux élections cantonales de Pontoise. Il est d'ailleurs
parti au moment des résultats car, à la stupéfaction générale, le vainqueur a
été Philippe Houillon, membre du groupe des Républicains et Indépendants et ami
du RPR, qui le soutient comme l'ensemble de la majorité républicaine présente
au Sénat : il a gagné cette élection avec près de 56 % des voix !
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
Voilà ce à quoi conduit le décalage entre le discours et l'action du
Gouvernement, entre l'action et la réalité. La réalité, ce sont les conditions
de vie très dures, les incertitudes liées aux problèmes réels des retraites, de
la santé, de la sécurité alimentaire, de l'environnement, problèmes qui sont
particulièrement oppressants dans le Val-d'Oise.
Revenons au texte et à mon projet de discours, discours qui, pour le moment,
n'est pas encore véritablement engagé...
M. le président.
Monsieur Lachenaud, je me permets de vous rappeler que selon le règlement de
notre assemblée aucune intervention ne peut excéder quarante-cinq minutes .
M. Jean-Philippe Lachenaud.
J'en suis loin encore !
M. le président.
Vous en êtes à vingt-quatre minutes et trente et une secondes. Je vous
rappelle d'ailleurs que vous disposez d'un chronomètre.
M. Jean-Philippe Lachenaud.
En effet. J'avais d'ailleurs prévu de consacrer un développement particulier
au problème de la durée : comme l'a déclaré un illusionniste très célèbre, il
faut donner « du temps au temps » ...
M. Philippe de Gaulle.
C'était un pléonasme.
M. Jean-Philippe Lachenaud.
... et je vais donc donner du temps à une réflexion sur le temps.
M. le président.
Je dois vous rappeler le règlement de notre assemblée !
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Tout à fait. Le temps n'en est pas moins mesuré de diverses manières - là, il
l'est par une horloge électronique - et j'évoquerai tout à l'heure les temps de
parole d'illustres orateurs ...
M. le président.
Permettez-moi de vous dire que je veux bien concéder du temps aux orateurs,
mais je ne veux pas que ce temps me soit imposé.
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Monsieur le président, je ne dépasserai pas le temps de parole qui a été
imparti à M. Badinter.
M. le président.
Monsieur Lachenaud, des orateurs de la majorité sénatoriale ont également
largement dépassé leur temps. Si vous aviez suivi nos travaux depuis le début,
vous vous en seriez aperçu.
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Je les ai suivis avec beaucoup d'attention, et c'est d'ailleurs ce qui me
permettra tout à l'heure, dans le cours d'un développement qui ne saurait
intervenir avant très longtemps, de faire une synthèse des arguments contre le
texte.
Tout d'abord, le texte n'est pas présenté par le Gouvernement. On peut se
demander pourquoi. La réponse est cependant claire : le Gouvernement n'est pas
courageux et il n'a pas eu le courage d'assumer la responsabilité de ce
texte.
Pourquoi n'est-il pas courageux ? Pour deux raisons : premièrement, par nature
; deuxièmement, parce que la majorité plurielle existe.
Les communistes ont l'intention de voter contre.
Les Verts ? Ce débat est un théâtre d'ombres et, de surcroît, les Verts ne
sont pas représentés au Sénat, mais ils sont présents dans la majorité
plurielle. Ils auraient pu, par exemple, faire des observations si le texte
avait été présenté en conseil des ministres, car ils ne sont pas du tout
absents de ce débat institutionnel. J'en veux pour preuve deux articles parus
dans un journal du soir généralement bien informé, articles que je ne vais pas
vous lire en entier, je vous rassure, bien qu'ils soient significatifs du poids
des Verts.
Le titre du premier de ces deux articles juxtaposés est complètement inexact,
mais tout à fait dans l'esprit du
Monde :
« Le Sénat poursuit son
opération escargot sur le calendrier électoral. » Comment
Le Monde
a-t-il pu titrer ainsi ?
Le second s'intitule : « Les Verts maintiennent leur pression en faveur de la
proportionnelle en 2002. » Tiens, une modification institutionnelle
pourrait-elle - comme les trains - en cacher une autre, voire plusieurs autres
? C'est là toute l'ambiguïté du texte. Je la dénoncerai tout à l'heure ; pour
l'instant, je laisse la parole aux Verts.
Je ne résiste pas au plaisir de lire quelques paragraphes particulièrement
savoureux. « Le docteur Voynet, qui aime les posologies exactes, ressent un
malaise devant l'expression "dose de proportionnelle" ; en faut-il une pincée,
une louche ? » Cela ne vous rappelle-t-il pas le débat sur l'« instillation »
de la proportionnelle ?
« Mme Voynet s'était laissée aller à quelque scepticisme quant aux gains
électoraux. » C'est quand même cela l'essentiel : si l'on modifie le calendrier
électoral ou les règles électorales, c'est bien pour obtenir des gains
électoraux ! Je continue ma lecture : « Mais les Verts ne peuvent admettre
l'idée qu'il s'agirait d'un bricolage ou d'un mécano pour la défense de leurs
intérêts. » Bricolage, mécano, on croirait la description du texte qui nous
occupe !
« Ce qui est en jeu, c'est la nécessité d'un profond renouvellement
démocratique dont ce mode de scrutin me paraît inséparable. »
M. Yann Gaillard.
Bien voyons !
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Ensuite, les Verts, très fidèles à leurs idées, s'attaquent aux socialistes,
ce qui vous a peut-être échappé, monsieur le ministre : « Les petits calculs
pour différer la prise en compte de la réalité peuvent coûter cher sur le
terrain de la crédibilité et de l'arithmétique électorale. Avec ironie, Denis
Beaupin a démonté un à un les arguments du PS avancés pour renoncer à la
proportionnelle pourtant promise dans les accords de 1997 : le retour de
l'extrême droite, l'instabilité politique, le refus de changer les règles avant
des élections, l'absence de place dans le calendrier parlementaire ou le risque
d'accusation de magouille invoqué par le PS ne tiennent plus, a fait valoir le
porte-parole des Verts, ajoutant que « si l'on ne connaissait la bonne foi
proverbiale de nos amis socialistes, on dirait que ce sont des prétextes. »
(Mme Nelly Olin sourit.)
La bonne foi, l'absence de contradiction dans les déclaration successives sur
la proportionnelle, comme la bonne foi et l'absence de contradiction dans les
déclarations successives des responsables socialistes sur la modification du
calendrier... J'avais cependant cru entendre le Premier ministre lui-même dire
qu'il ne s'engagerait pas dans une modification du calendrier !
Voilà quelle est la position des communistes, voilà quelle est la position des
Verts, voilà quelle est la position de la majorité plurielle : toute une série
de contradictions, toute une série d'incohérences !
Vous avez parlé tout à l'heure de litanie, moi, je parlerai de palinodie à
propos des déclarations du Premier ministre !
La situation dans la majorité plurielle, il est vrai, ne nous étonne pas trop,
puisqu'il y a eu souvent des changements à propos des réformes
institutionnelles. Les Verts, on peut les comprendre, n'aiment en outre pas
trop les élections où il faut obtenir la majorité des voix. C'est peut-être
démocratique, mais c'est difficile, et les Verts ne savent pas le faire.
M. Hilaire Flandre.
Heureusement !
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Il me fallait définir la forme de mon discours. C'est fait. Je n'ai certes pas
l'espoir de figurer dans l'anthologie des grands discours politiques, où l'on
trouve par exemple un excellent discours de Victor Hugo sur la peine de mort,
qui avait duré trois heures.
Je vais pour ma part essayer d'être bref. Je vais tout de même parler de
Jaurès, à qui, monsieur le ministre, vous vous êtes référé.
Quand on s'interroge sur la durée des discours, on pense évidemment d'abord
aux
Catilinaires
de Cicéron. Plusieurs clepsydres s'écoulaient avant la
fin du discours.
Puis on pense à l'un de vos amis, le dictateur Castro, qui fait des discours
de sept heures devant plusieurs centaines de milliers de personnes, ce qui
paraît-il commence à lasser.
Jaurès - peut-être ignorez-vous ce point, monsieur le ministre - était, lui,
un orateur d'une extraordinaire qualité. Il faisait des discours passionnés et
dépassait toujours, monsieur le président, le temps qui lui était imparti,
parlant souvent deux ou trois heures.
Dans un ouvrage intitulé
A la manière de,
écrit par deux écrivains
souvent donnés en lecture dans les khâgnes ou à l'Ecole normale supérieure, MM.
Reboux et Muller, quelle n'a pas été ma stupeur de trouver un pastiche d'un
discours de Jaurès.
A la première heure, Jaurès parle des origines de l'humanité. A la troisième
heure, il parle des origines du socialisme, avec Cabet et Proudhon. A la
quatrième heure, il annonce qu'il va engager la conclusion de son discours. A
la huitième heure, il conclut !
Ne vous inquiétez pas, je ne vais pas faire de même et je vais maintenant
entrer dans le vif du sujet.
Mon intervention s'articule en trois parties. La première partie sera
consacrée à la thèse, la deuxième partie à l'antithèse, la troisième partie non
pas à la foutaise
(sourires)
mais à la synthèse.
Dans la thèse, je développerai vingt et un arguments contre la proposition de
loi ! Je comptais en trouver trente-six mais je n'en ai trouvé que vingt et
un.
Deuxièmement, l'antithèse : zéro argument favorable, et je peux vous annoncer
que je serai vraiment très bref dans cette deuxième partie de mon discours.
Troisième partie, la synthèse, très brève aussi : rejet, je l'ai déjà dit, du
texte.
Je vais maintenant vous lire les vingt et un arguments, mais je ne crois pas
que j'aurai le temps de les développer. Je vais finalement devoir y renoncer
pour rester dans le temps qui m'est imparti par la présidence et par les règles
de ce débat très bien organisé.
Les arguments sont les suivants.
Premier argument : le débat est irréel, voire surréaliste, et ne répond pas
aux attentes des Français. Cela ne mérite pas de développement.
Deuxième argument : la procédure d'urgence n'est pas justifiable. C'est
évident.
Troisième argument : l'initiative parlementaire est le camouflage d'un projet
du Gouvernement. Là aussi, chacun l'a dit, c'est évident. D'ailleurs, M. le
ministre n'a pas répondu sur ce point.
Quatrième argument : les droits du Parlement à un débat complet sont ignorés,
bafoués. C'est indiscutable aussi.
Cinquière argument : le texte, à l'apparence juridique anodine, révèle une
volonté de modifier l'équilibre des institutions.
Sixième argument : le texte n'a pas, puisqu'il s'agit d'une proposition de
loi, été soumis au conseil des ministres ni au Conseil d'Etat, ce qui diminue
sa valeur politique et sa garantie juridique.
Septième argument : il est trop tard pour modifier les règles du débat
démocratique en bouleversant un calendrier connu depuis longtemps, à savoir
1997.
Huitième argument : le texte proposé ne répond à aucun motif d'intérêt
général. Il est de circonstance et de convenance politique. C'est clairement
une manoeuvre de M. Jospin pour renforcer ses chances à l'élection
présidentielle et écarter le risque, tout à fait réel, de perdre les élections
législatives.
Neuvième argument : le mandat des députés n'a été prorogé à deux reprises que
dans des circonstances dramatiques rappelées par M. le rapporteur, en 1918 et
en 1940.
Dixième argument : l'effet du texte n'est assuré que pour 2002, et non pour
l'avenir. Cela aussi est évident.
Onzième argument : le choix du mois de juin pour le terme des pouvoirs de
l'Assemblée nationale présente des inconvénients importants par rapport à celui
du mois d'avril.
Douzième argument : l'inversion du calendrier électoral est contraire aux
déclarations initiales du Premier ministre, ce qui démontre à l'évidence la
manoeuvre politicienne.
Treizième argument : modifier insidieusement la pratique institutionnelle sans
engager les procédures de révision constitutionnelle, et donc éventuellement
procéder à un référendum, n'est pas démocratique. La méthode est loin d'être
démocratique.
Quatorzième argument : le calendrier inversé n'est pas dans la logique ou
l'esprit de la Constitution de 1958, contrairement à ce qui a été affirmé ici
et là.
Quinzième argument : le calendrier inversé ne pourrait être respecté qu'en
supprimant ou en limitant le droit de dissolution, dont la légitimité est ainsi
contestée.
Seizième argument : l'inversion du calendrier, en y ajoutant le quinquennat,
ne garantit en rien qu'il ne pourrait plus y avoir de cohabitation.
Dix-septième argument : l'inversion du calendrier risque de pousser à une
présidentialisation du régime.
Dix-huitième argument : ce texte comporte aussi des risques de retour aux
excès du parlementarisme.
Là est l'ambiguïté du texte. Il recèle les deux risques, qui ont été soulignés
parfois de manière qui aurait pu être jugée contradictoire. En effet, suivant
les étapes ultérieures et les propositions de réforme constitutionnelle, la
présente réforme peut amorcer plus de présidentialisation ou des risques de
retour aux excès du parlementarisme. Rappelant que 1851 c'était voilà cent
cinquante ans, M. de Raincourt faisait observer que l'on voulait peut-être
ainsi commémorer en 2001, par une perspective d'ultra-présidentialisation,
l'arrivée de Napoléon III au pouvoir.
Il y a donc une ambiguïté dans ce texte. C'est pourquoi on peut affirmer
aujourd'hui sans se contredire qu'il recèle un risque de présidentialisation et
des risques de retour aux excès du parlementarisme.
Dix-neuvième argument : le texte présente des risques réels
d'anticonstitutionnalité. Il appartiendra au Conseil constitutionnel d'en
débattre.
On peut d'ores et déjà observer qu'il y a un réel problème entre ce
gouvernement socialiste et le Conseil constitutionnel. En effet, des députés
ont critiqué violemment les décisions récentes du Conseil constitutionnel, ce
qui est regrettable dans le fonctionnement des institutions. Si nos avis de
sagesse avaient été écoutés, le Gouvernement aurait tout de suite mesuré le
risque d'anticonstitutionnalité des textes sur la contribution sociale
généralisée et sur l'écotaxe.
Il est affligeant d'avoir vu certains parlementaires du groupe socialiste
exprimer des critiques personnelles à l'égard de tel ou tel membre du Conseil
constitutionnel, dénoncer la dérive soi-disant politique du Conseil
constitutionnel, déclarer que le Conseil constitutionnel ne s'était pas limité
à une appréciation de la constitutionnalité par rapport au bloc
constitutionnel, c'est-à-dire non seulement la Constitution de 1958, mais aussi
les principes généraux du droit exprimés et développés depuis 1789, tels qu'ils
ont été inscrits dans la Constitution de 1946 et son préambule.
Ainsi, ils ont noté que l'effet de serre était une invention du Conseil
constitutionnel. C'est une caricature des raisonnements du Conseil
constitutionnel. C'est aussi une attaque très vive contre un des éléments
fondamentaux de l'équilibre des pouvoirs. C'est également une attaque très vive
contre la situation que nous souhaitons tous pour la France, à savoir un Etat
de droit qui soit à l'instar de celui que connaissent les pays les plus
développés, notamment les Etats-Unis et certains pays européens. En effet, ces
pays ont su développer un contrôle constitutionnel qui, tout en respectant la
légitimité démocratique des différentes autorités, assure la régularité de
leurs décisions et la conformité de celles-ci à la Constitution et aux
principes généraux du droit. Donc, selon moi, le texte comporte de réels
risques d'anticonstitutionnalité. Il appartiendra au Conseil constitutionnel de
se prononcer.
Vingtième argument : les difficultés pratiques invoquées pour l'organisation
successive des deux scrutins peuvent très facilement être surmontées. Le
dispositif spécifique sur les délais présenté par M. le rapporteur et la
commission des lois permet de résoudre le problème très simplement.
Vingt et unième et dernier argument : les Français, au nom du respect de la
démocratie, ont droit au respect du calendrier électoral.
J'en viens à la deuxième partie : l'antithèse. Je serai beaucoup plus concis.
En effet, je n'ai trouvé aucun argument en faveur du texte.
Me voici donc parvenu à la conclusion. Les sénateurs du groupe des
Républicains et Indépendants dénoncent la manoeuvre politique de M. Lionel
Jospin. Les sénateurs de notre groupe et toute la majorité sénatoriale récusent
l'aventure institutionnelle et dénoncent l'ambiguïté de ce texte, malgré son
apparence juridique anodine. Nous voulons garantir la cohérence et l'équilibre
des pouvoirs. C'est la raison pour laquelle nous voterons le maintien d'un
calendrier républicain et indépendant.
(Très bien ! et applaudissements sur
les travées du RPR.)
M. le président.
Monsieur de Richemont, votre tour est venu mais je dois vous indiquer que,
selon la décision de la majorité de la conférence des présidents, je devrai
impérativement lever la séance à dix-neuf heures trente. Or il est dix-neuf
heures vingt-cinq. De deux choses l'une : ou bien vous parlez cinq minutes, ou
bien vous reportez votre intervention à mardi prochain.
M. Henri de Richemont.
Mon intervention durera cinq minutes, monsieur le président.
M. le président.
Soit ! Je me devais de vous informer de la décision de la conférence des
présidents. Je l'ai fait contre mon gré, à plus d'un titre, mais j'étais tenu
de le faire.
M. Christian Bonnet
rapporteur.
C'est vrai !
M. le président.
Vous avez donc la parole, monsieur de Richemont.
M. Henri de Richemont.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après
l'intervention passionnante de notre collègue M. Lachenaud, je mesure la
difficulté que représente le fait de ne disposer que de cinq minutes.
Tout à l'heure, je m'étais réjoui, monsieur le président, car vous m'aviez dit
que je pourrais parler le temps que je voudrais. Pour une fois, à cette
tribune, il était possible de parler le temps qu'on voulait ! Or, à l'instant,
vous venez de me dire que je disposais de cinq minutes, et pas plus. Toutefois,
je me console car, comme le disait un grand parlementaire de ma région, Michel
Crépeau, un bon discours, c'est comme la jupe d'une jolie femme : il faut que
ce soit suffisamment long pour couvrir le sujet et suffisamment court pour
retenir l'attention.
(Sourires.)
Je ne sais pas si je serai suffisamment
long pour couvrir le sujet. En tout cas, je suis sûr que je serai suffisamment
court pour retenir votre attention.
Monsieur le ministre, je vous ai écouté avec un grand intérêt tout à l'heure
lorsque vous parliez des litanies. L'ancien élève des jésuites que je suis
croit aux litanies parce que, en invoquant les saints du paradis, l'Esprit
saint vient. Mais l'expérience m'a montré que celui-ci inspire ceux qui veulent
l'entendre, ce qui n'est pas toujours le cas.
En tout état de cause, tout a été dit et l'excellent rapport de M. Bonnet
contient les points essentiels du débat. Tout à l'heure, lorsque vous avez
répondu à M. Gélard, j'avais le sentiment que vous aviez employé le mot juste.
Vous avez déclaré en effet que l'essentiel c'est la primauté du Président de la
République, clé de voûte de nos institutions. Nous pourrions soutenir avec vous
qu'à partir de ce moment-là il faut une majorité parlementaire pour soutenir le
Président de la République. Dans ces conditions, il est souhaitable que
l'Assemblée nationale soit élue après le Président de la République.
Au fond, monsieur le ministre, on peut approuver les propos que vous teniez
tout à l'heure, mais le vrai problème n'est pas là. Le problème, c'est le
moment où cette réforme nous a été proposée. Je ne comprends pas en effet
pourquoi nous n'avons pas eu ce débat de fond avant, ni pourquoi on n'a pas
consacré de manière pérenne la primauté du Président de la République. J'étais
un peu d'accord avec M. Jospin. Nombre d'orateurs l'ont cité en disant que
toute initiative de sa part serait considérée comme politicienne et qu'il
devait attendre un consensus.
Un mois plus tard il a effectué un revirement de position. En effet, après
l'épisode des farines animales, il a déclaré qu'il était temps de procéder à
cette réforme.
Comme cela a été dit tout à l'heure, le consensus qui, selon lui, était la
justification d'initiatives de sa part n'existe nulle part. Le débat
constitutionnel nous l'a montré. Les éminents juristes que nous avons entendus
nous ont indiqué que rien dans la Constitution ne nous impose l'élection du
Président de la République avant ou après les élections législatives, et que le
problème n'est pas d'ordre constitutionnel.
Le problème est avant tout politique. Finalement, je comprends que M. le
Premier ministre ait demandé à des parlementaires de sa majorité de déposer une
proposition de loi, car il était conscient qu'il n'y avait pas de consensus. En
effet, l'accord entre le parti socialiste et une partie de l'opposition
nationale ne peut constituer un consensus dans notre pays.
La Revue socialiste,
en 1997, a résumé la situation ainsi : une
progression électorale de la gauche en trompe-l'oeil. Vous avez considéré que
si les élections législatives avaient lieu avant l'élection présidentielle,
vous risquiez de les perdre, ce qui enlèverait à M. Jospin toute chance d'être
élu Président de la République. Le vrai problème est là. Pour que M. Jospin
puisse être élu Président de la République, il ne faut pas qu'il perde les
élections législatives. Or il risque de les perdre si elles ont lieu avant
l'élection présidentielle. Dans ces conditions, il est préférable que
l'élection présidentielle ait lieu avant les élections législatives.
C'est la raison pour laquelle, vous le comprendrez, monsieur le ministre, nous
voterons contre l'inversion du calendrier.
(Applaudissements sur les travées
du RPR.)
M. le président.
La suite de la discussion de la proposition de loi organique est renvoyée à la
prochaine séance.
10
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine sénace publique, précédemment
fixée au mardi 30 janver 2001.
A dix heures :
1. Questions orales suivantes :
I. - M. Christian Demuynck attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat aux
petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la
consommation sur la draconienne entrée en application de l'arrêté du 9 mai
1999.
A compter du 16 mai 2000, ce dernier impose, en vertu d'une directive
européenne, de nouvelles règles d'hygiène concernant les « aliments remis
directement aux consommateurs ». Ces mesures touchent les marchés de plein air,
les producteurs à la ferme et les fermes-auberges.
Un tel dispositif juridique risque de mettre en cause l'existence de ces
exploitations. Il y a ici une disproportion entre des normes tout autant
applicables aux grands groupes industriels et aux petits exploitants incapables
d'investir dans le matériel requis.
Dans leur immense majorité, les petits producteurs ou artisans vendent des
produits d'une excellente fraîcheur, car la marchandise n'est que peu de temps
conservée.
L'arrêté en cause ne va pas dans le sens d'une protection des marchés, au sein
desquels certains exploitants contestent le bien-fondé d'une conservation à
basse température, notamment s'agissant des fromages.
Il met au contraire en péril la pérennité de ces lieux de rencontre.
Il entend savoir si une telle sévérité du texte français, accentuée par
rapport à la norme européenne, sera maintenue. (N° 870.)
II. - M. Philippe Richert attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi et
de la solidarité sur les problèmes budgétaires rencontrés par le secteur
médico-social.
Depuis la loi de finances pour 1999, n° 98-1266 du 30 décembre 1998,
l'enveloppe médico-sociale a été intégrée dans l'ONDAM, l'objectif national de
dépenses de l'assurance maladie. Dès lors, les dépenses réelles de l'assurance
maladie doivent respecter le montant des budgets alloués.
Or beaucoup d'établissements ont finalement des écarts de l'ordre de 10 % à 15
% entre budget alloué et dépenses réelles. Ils ne peuvent équilibrer leurs
comptes qu'en faisant de la suractivité réelle, c'est-à-dire en accueillant
plus de personnes que leur agrément ne le leur permet - ce qui n'est pas sans
poser des problèmes de qualité et de sécurité - ou en faisant de la suractivité
fictive, c'est-à-dire en négociant avec la DDASS, la direction départementale
des affaires sanitaires et sociales, des prévisions de journées plus basses que
celles que l'on va effectivement réaliser. Il s'agit de pratiques fallacieuses
et malsaines dénoncées par les établissements ainsi que par les organisations
professionnelles.
Si personne ne conteste sur le fond les objectifs de rationalisation des
dépenses de l'assurance maladie, il convient de reconnaître que certains
établissements risquent d'être mis dans des situations financières
inextricables du simple fait d'un décalage significatif entre leur prévision et
leur réalisation de dépenses. L'existence de ce problème a été reconnue dans la
circulaire budgétaire du 18 février 2000, mais pour l'instant aucune
proposition concrète n'est parvenue aux intéressés.
Aussi, il souhaiterait connaître ses intentions, afin que ce problème soit
résolu au plus vite. (N° 885.)
III. - M. Xavier Darcos appelle l'attention de Mme le ministre de l'emploi et
de la solidarité sur les vives préoccupations des secteurs de l'hospitalisation
privée.
En effet, de nombreux établissements privés sont à la limite de l'équilibre
financier ou affirment être déficitaires : suppression de deux cents lits à
Bordeaux et de quatre-vingt à Agen, etc.
L'évolution de tarifs, surtout en 1999, a été trop faible pour contrebalancer
l'augmentation des charges principalement due au surcoût engendré par
l'application de la loi sur les trente-cinq heures.
A ce jour, ces établissement ne peuvent répondre aux revendications salariales
de leurs personnels, qui aspirent légitimement à des rémunérations équivalentes
à celles de leurs homologues du secteur public.
C'est pourquoi il lui demande si elle entend mettre en oeuvre une politique
tarifaire traduisant une volonté de traitement équitable à l'égard des
établissements de santé des deux secteurs hospitaliers et notamment des
personnels qui y exercent. (N° 922.)
IV. - M. Patrick Lassourd souhaite appeler l'attention de Mme le ministre de
la culture et de la communication sur le caractère beaucoup trop contraignant
des critères d'éligibilité aux subventions, pour la construction des
bibliothèques, dans les petites villes et les zones rurales.
Le critère de taille, déterminé par circulaire, de 7 mètres carrés pour 100
habitants, ne tient pas à l'épreuve du terrain, et s'avère hors de proportion
eu égard au coût du bâtiment et aux besoins réels de la population.
Le critère de personnel, imposant un emploi à temps complet pour 2 000
habitants, et 50 % des emplois affectés aux catégories A ou B, se révèle
également largement inadapté. Quand on connaît le rôle majeur joué par le
bénévolat dans ces petites et moyennes bibliothèques, on mesure
l'impossibilité, pour les communes, d'assumer le coût de ces personnels.
Il souhaite que ces critères puissent être revus, en rapportant de 7 mètres
carrés à 5 mètres carrés le critère de taille pour 100 habitants, et en
permettant aux communes de répondre progressivement au critère de personnel,
par une montée en charge sur quatre ou cinq ans, qui facilitera par là même la
transition avec les bénévoles.
Il lui demande de bien vouloir examiner ces propositions, vitales pour la
diffusion de la culture en zone rurale, et lui préciser sa position sur ce
problème, pour répondre à une véritable attente, tant des communes que des
citoyens. (N° 950.)
V. - M. Jean-Patrick Courtois appelle l'attention de M. le ministre de
l'intérieur sur le nombre croissant d'actes d'incivilité, de délinquance et de
délits de tous ordres, souvent passés sous silence, et presque toujours
impunis, perpétrés dans la ville de Mâcon.
Malgré une action exemplaire, le désarroi des forces de police aux premières
lignes de cette lutte pour la garantie de nos libertés s'enracine dans une
remarquable évidence : une part importante de cette délinquance est le fait de
récidivistes connus sur place.
Le taux d'élucidation des crimes et délits est de 35 % à Mâcon, ce qui est
très faible quand on sait que ce chiffre exprime la part des infractions
constatées dont le ou les auteurs ont été identifiés et entendus par
procès-verbal. Or beaucoup d'actes de petite délinquance, ceux qui embarrassent
la vie quotidienne des Mâconnais, ne sont ni signalés ni enregistrés.
De même, la délinquance des mineurs et les actes d'incivilité connaissent une
augmentation foudroyante : tags, rackets, dégradations volontaires, véhicules
incendiés, agressions se multiplient de toute part dans les quartiers de
Mâcon.
Il est donc essentiel que la politique de sécurité élaborée par les services
de l'Etat se donne pour objectif la disparition de toute impunité, afin que les
citoyens ne se sentent plus dans l'obligation de s'isoler chez eux pour ne pas
mettre leur existence et leurs biens en danger. Encore faut-il leur en donner
les moyens !
Or, à Mâcon, le nombre des fonctionnaires de police a subi une baisse de douze
postes et les crédits affectés à la Saône-et-Loire ont été diminués de plus de
quatre cent mille francs. Devant cette situation intolérable qui affecte
profondément les Mâconnais dans leur vie au quotidien, il lui demande de bien
vouloir lui indiquer les mesures que le Gouvernement entend prendre pour
procéder au rétablissement de l'effectif et pour amplifier la création de
postes que nécessite la dérive de la situation actuelle en Mâconnais, et
souhaite savoir quand ces mesures seront prises. (N° 956.)
VI. - M. Pierre Lefebvre souhaite attirer l'attention de M. le ministre de
l'agriculture et de la pêche sur les conditions d'enseignement, d'hébergement
et de fonctionnement du lycée horticole de Raismes-Valenciennes.
C'est d'ailleurs la répétition des circonstances qui, en 1981, ont conduit à
son transfert de Valenciennes à Raismes.
Le lycée professionnel horticole de Raismes est donc installé, depuis cette
date, dans des locaux mis à sa disposition, à titre gracieux, par la commune,
qui assure, par ailleurs, une grande partie de l'entretien.
La ville de Raismes participe largement au financement de ses activités par
une dotation annuelle de 150 000 francs, c'est-à-dire la moitié de ce que verse
le ministère, et elle met également à la disposition des élèves ses
installations municipales pour la pratique du sport.
Il convient de préciser l'attrait particulier que l'enseignement horticole
présente pour les publics en attente d'insertion sociale et professionnelle.
L'effectif est ainsi passé de 160 en 1981 à 400 en 2000.
Il lui précise que cet établissement ne dispose pas non plus de restauration
scolaire et que les élèves mangent à l'extérieur en toutes saisons.
Il est urgent d'envisager la reconstruction de ce lycée et la ville de
Raismes, encore une fois, est déterminée à rechercher des terrains disponibles,
qui sont fort nombreux sur le territoire de la commune. Il joue et doit
continuer à jouer un rôle important dans la formation des jeunes pour tout le
sud du département. (N° 960.)
VII. - M. Claude Haut attire l'attention de M. le ministre de la défense sur
l'affectation, en juillet 1998, sur la base militaire d'Orange-Caritat,
implantée au coeur d'une zone urbanisée - sans aucune concertation au plan
local, ni étude d'impact -, d'un escadron de transformation de pilotes sur
Mirage 2000, générant une situation intolérable pour les habitants des communes
riveraines de la base en raison des nuisances sonores produites par cette
activité de formation d'élèves pilotes.
Sur le plan local, les autorités militaires, conscientes des nuisances et de
la gêne occasionnées aux riverains, ont consenti des aménagements aux
conditions de survol des localités situées à proximité immédiate de la base.
Mais ces concessions ont atteint aujourd'hui les limites des nécessités
opérationnelles sans que les aménagements consentis permettent de rendre le
niveau de nuisance acceptable par la population.
Outre la légitime aspiration à la quiétude manifestée par nos concitoyens, ces
nuisances phoniques quotidiennes réduisent à néant l'ensemble des efforts
entrepris par les acteurs locaux en faveur du développement touristique, qui
est conditionné par le respect de notre cadre de vie et de notre qualité de
vie.
La situation étant aujourd'hui bloquée, il lui demande, en conséquence,
quelles solutions sont envisagées par son ministère afin de préserver
l'environnement de ce secteur du Haut Vaucluse, situé dans le triangle formé
par les bases d'Orange, Salon-de-Provence et Istres, et s'il est envisageable à
moyen terme de délocaliser cet escadron de formation. (N° 966.)
VIII. - M. Thierry Foucaud souhaiterait attirer l'attention de Mme le ministre
de l'emploi et de la solidarité sur les modifications apportées en matière
d'aide de l'Etat aux entreprises d'insertion.
Ces entreprises bénéficiaient auparavant d'une aide forfaitaire attribuée par
la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation
professionnelle, et d'une aide globale de la direction des affaires
sociales.
La nécessité de renforcer l'accompagnement des salariés en insertion est
reconnue par la loi de lutte contre les exclusions n° 98-657 du 29 juillet
1998, qui a modifié les modalités du soutien financier de l'Etat ; depuis 1999,
les entreprises d'insertion se voient attribuer une seule aide au poste,
forfaitaire et non indexée, ce qui génère des difficultés en cas d'augmentation
du salaire minimum interprofessionnel de croissance, le SMIC. Cette aide
finance à la fois l'accompagnement social, l'encadrement et la moindre
productivité des salariés en insertion. Les directions départementales de
l'action sanitaire et sociale peuvent fournir, exceptionnellement, un soutien
financier dans la mesure où l'entreprise d'insertion intervient auprès de
publics spécifiques.
Or les entreprises d'insertion connaissent les populations les plus en
difficulté, dont l'accès à la qualification et à l'emploi imposent un
encadrement fort. C'est d'autant plus vrai avec la reprise économique. Par
ailleurs, ces entreprises interviennent dans des secteurs variés et les besoins
d'encadrement sont différents d'un secteur à l'autre, mais aussi à l'intérieur
d'un même secteur, selon les corps de métiers. L'attribution d'une aide au
poste forfaitaire, non indexée, ne prend pas en compte ces réalités. Il en est
de même pour les entreprises de travail temporaire d'insertion qui assurent,
elles aussi, le changement de nature des difficultés sociales et
professionnelles des salariés en insertion.
Aussi, il lui demande quelles mesures elle envisage pour que l'accompagnement
des salariés en insertion soit assuré dans les meilleures conditions. (N°
967.)
IX. - En 1988, face aux nombreux attentats perpétrés en Corse et afin d'y
maintenir néanmoins une bonne couverture des risques, les compagnies
d'assurances s'étaient regroupées sous la forme d'un « pool des risques
aggravés ». Ce dispositif a été reconduit chaque année en dépit de son coût
élevé jusqu'au 31 décembre 2000 et a permis le maintien d'une offre d'assurance
dans des conditions satisfaisantes aussi bien pour les risques des particuliers
que pour ceux des entreprises et des collectivités territoriales.
Or le Gouvernement a dissous ce pool le 30 juin 2000 pour les seules
collectivités territoriales corses et les établissements publics. Cette
situation paradoxale contraint aujourd'hui les collectivités publiques de Corse
à subir les lois concurrentielles du marché de l'assurance, alors que les
sociétés privées et les particuliers peuvent bénéficier d'une tarification par
le biais du pool corse. Cette situation est contraire aux dispositions de
l'article L. 126-2 du code des assurances qui organise la mutualisation du
risque, notamment celui des attentats qui n'est pas spécifique aux départements
de Corse.
Or on constate que cette mutualisation est dévoyée d'autant que, pour la
France continentale, les assureurs instituent une surprime de 1,70 %, alors que
la Corse bénéficie du « privilège » d'une surprime de 30 %.
En conséquence, M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra demande à M. le ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie pourquoi le pool des risques
aggravés a été supprimé pour les seules collectivités, comment il entend
remédier à cette situation et ce qu'il adviendra lorsqu'une collectivité ne
pourra s'assurer, faute de moyens financiers suffisants. (N° 969.)
X. - M. Léon Fatous attire l'attention de M. le ministre de l'éducation
nationale sur les lycées et collèges du Pas-de-Calais dont un certain nombre de
postes, liés à des services, sont occupés par des personnes en contrat
emploi-solidarité, les CES.
Depuis quelques mois, les établissements ne peuvent plus renouveler ces
contrats.
La direction départementale du travail a fait savoir aux principaux des
collèges et aux proviseurs des lycées que pour l'année 2001 un nombre très
restreint de contrats emploi consolidé, CEC, leur serait accordé.
Outre les problèmes humains que cela pose aux intéressés, il est évident que
le fonctionnement des établissements en sera perturbé.
Aussi il lui demande quelles mesures il entend prendre pour rétablir une vie
scolaire satisfaisante. (N° 973.)
XI - Mme Hélène Luc attire l'attention de Mme le secrétaire d'Etat à la santé
et aux handicapés sur le remboursement des frais occasionnés par la
photothérapie dynamique.
La dégénérescence maculaire liée à l'âge, la DMLA, touche actuellement un
million de personnes, sur les dix millions de Français âgés de plus de 65
ans.
Cette pathologie dégénérescente du centre de la rétine - la macula - menace la
vision. Toujours invalidante, elle pèse lourdement sur les actes de la vie
quotidienne et peut aboutir à la cécité.
Dans sa forme dite « humide », l'évolution de la DMLA est rapide. Une
technique très récente - la photothérapie dynamique - mise sur le marché depuis
le 1er septembre 2000 et validée par le ministère de la santé - permet de
stabiliser l'évolution du mal. Cette technique utilise une molécule chimique,
la Visudyne, photo-sensibilisant qui se fixe sur les néo-vaisseaux. En
irradiant le fond de l'oeil par une lumière laser, on provoque une réaction
chimique qui détruit les néo-vaisseaux sans détruire la rétine.
Ce traitement doit être renouvelé au moins deux ou trois fois. Mais la
Visudyne coûte cher - 9 300 francs l'ampoule - et elle n'est pas encore
codifiée et,
a fortiori,
remboursée, même partiellement, par la sécurité
sociale. Chaque intervention sur le patient dépasse 10 000 francs. Un tel coût
est insupportable pour les revenus modestes.
Elle lui demande donc quelles mesures peuvent être prises pour faire cesser ce
qu'elle appellerait une médecine à deux vitesses. (N° 974.)
XII. - M. Bernard Murat appelle l'attention de Mme le ministre déléguée à la
famille et à l'enfance sur la politique familiale.
La famille contribue à l'équilibre et à l'harmonie sociale ; elle est un
moteur de la croissance économique. En retour, elle doit voir reconnaître sa
fonction sociale et participer aux fruits de la croissance. La croissance
économique a généré des moyens considérables qui ont fait naître, dans toutes
les familles, l'espoir qu'elles seraient davantage écoutées et, surtout,
davantage soutenues.
En effet, les familles attendent des pouvoirs publics qu'ils renforcent leur
pouvoir d'achat, d'une part, et qu'ils facilitent la conciliation entre vie
familiale et vie professionnelle, d'autre part. Or il constate que la
confiscation des excédents de la branche famille du régime général et le plan
de réforme fiscale annoncé en août dernier ne permettront pas l'élaboration
d'une politique familiale à la hauteur de ses besoins.
Il lui rappelle que la conduite d'une politique familiale ambitieuse ne peut
reposer que sur des moyens importants. Tout d'abord, en ce qui concerne le
pouvoir d'achat des familles, il lui demande, entre autres mesures, le
versement des allocations familiales dès le premier enfant, la suppression de
la condition de ressources sur l'allocation pour jeune enfant ainsi que
l'extension jusqu'à vingt-deux ans de l'âge limite de versement des prestations
logement et du complément familial. Ensuite, en ce qui concerne la conciliation
entre vie professionnelle et vie familiale, il estime nécessaire de renforcer
la possibilité, pour chaque famille, de recourir au mode de garde de son choix.
Or les mesures annoncées en faveur de la garde des enfants demeurent
insuffisantes parce qu'elles sont uniquement tournées vers l'accueil collectif.
Aussi, il lui demande, entre autres mesures, la suppression de l'abaissement du
montant de l'allocation de garde d'enfant à domicile, l'AGED, ainsi que
l'extension jusqu'au sixième anniversaire de l'enfant du temps partiel choisi.
(N° 976.)
XIII. - M. Dominique Leclerc souhaite interroger Mme le secrétaire d'Etat à la
santé et aux handicapés sur l'application du repos de sécurité qui limite
l'enchaînement des nuits de garde et de journée de travail. Il lui serait
reconnaissant de bien vouloir lui faire savoir si elle envisage de prendre
effectivement des mesures afin que ce repos de sécurité devienne une réalité
pour tous les médecins, y compris les internes, et ce dès 2001. (N° 979.)
XIV. - Mme Danièle Pourtaud souhaite interroger Mme le ministre de
l'aménagement du territoire et de l'environnement sur les aides à l'acquisition
de véhicules propres.
La pollution atmosphérique crée de graves lésions respiratoires, notamment
chez les jeunes enfants. Les conséquences néfastes de l'effet de serre sur les
dérèglements climatiques ne sont par ailleurs plus à démontrer. Dans les
grandes villes et à Paris, en particulier, cette pollution est essentiellement
le produit de la circulation automobile.
La promotion des véhicules propres doit donc demeurer une priorité du
Gouvernement. Le groupe socialiste du Sénat, qui, depuis quatre ans, proposait
dans la loi de finances qu'un crédit d'impôt soit accordé aux acheteurs de
véhicules propres, se félicite que le Gouvernement ait accepté de rendre cette
mesure opérationnelle au 1er janvier 2001 à hauteur de 10 000 francs par
véhicule.
Par ailleurs, notamment à Paris, un grand nombre de véhicules appartiennent
aux administrations, à la Ville de Paris ou à d'autres personnes publiques
comme la RATP. De même, les taxis représentent une partie importante du
trafic.
Concernant les propriétaires de taxis, Mme le secrétaire d'Etat au budget a
indiqué, lors de l'examen du projet de loi de finances 2001, qu'une aide de 20
000 francs leur était d'ores et déjà accordée pour s'équiper en véhicule
propre.
De plus, l'article 24-III de la loi n° 96-1236 du 30 décembre 1996 sur l'air a
introduit dans le code de la route une obligation pour l'Etat et pour certaines
personnes publiques, lorsqu'ils gèrent une flotte de plus de vingt véhicules,
d'acquérir, lors du renouvellement de leur flotte et dans une proportion de 20
%, des véhicules fonctionnant à l'électricité, au gaz de pétrole liquéfié, GPL,
ou au gaz naturel véhicule, GNV. Le décret d'application est entré en vigueur
au début de l'année 1999.
Compte tenu de ces éléments, elle lui demande, d'une part, de bien vouloir lui
préciser qui distribue l'aide aux propriétaires de taxis et selon quels
critères et, d'autre part, de bien vouloir lui fournir un bilan de
l'application de l'article 24-III de la loi sur l'air. (N° 981.)
XV. - M. René Marquès appelle l'attention de Mme le secrétaire d'Etat à la
santé et aux handicapés sur le problème de la dialyse en France.
Il lui indique qu'aujourd'hui les traitements de dialyse dits « hors centre »,
c'est-à-dire à domicile et dans les centres d'autodialyse, ont été largement
développés et ont permis un moindre coût de cette pathologie lourde.
Il lui rappelle que la nécessité d'augmenter le nombre de postes de dialyse en
centre, soumis à la régulation par la carte sanitaire, vient d'être reconnue,
puisqu'un indice des besoins plus large a été décidé par le secrétariat d'Etat
à la santé et aux handicapés en août 1999.
Or il lui indique que la Caisse nationale d'assurance maladie, la CNAM, dans
les dernières propositions adoptées par le conseil d'administration au cours de
sa séance du 7 novembre 2000, propose à l'agrément du ministre des mesures de
diminution de la valeur de l'acte de surveillance en hémodialyse.
En allant jusqu'au bout d'une logique de régulation strictement comptable, il
lui fait observer que la CNAM ne prend pas en compte les besoins de santé
publique de la population, puisque le traitement par hémodialyse est
indispensable à la vie de ces populations fragiles.
Il lui précise que la mesure de baisse de l'honoraire de surveillance
d'hémodialyse représente 5,5 % de décote, après une décote de 7,5 % intervenue
voila à peine plus de trois ans pour le même acte médical. Il lui rappelle que
l'acte de surveillance d'hémodialyse constitue 90 % environ du chiffre
d'affaires des néphrologues qui verraient ainsi leur spécialité touchée par une
décote de 13 % en trois ans.
Il lui fait observer que cette évolution ne fait que correspondre à un besoin
de santé publique et touche une spécialité médicale très astreignante.
C'est la raison pour laquelle il lui demande quelles mesures elle compte
prendre pour remédier à cette situation inacceptable, s'agissant d'un problème
visant à la défense de la qualité des soins apportés au patient et d'une
réponse à un besoin en termes de santé publique, dont ni les professionnels
concernés, ni les patients, ne sauraient être les victimes. (N° 986.)
XVI. - M. Philippe Nogrix appelle l'attention de Mme le secrétaire d'Etat à la
santé et aux handicapés sur l'annonce faite par le Gouvernement d'étendre à
tous les départements français le dépistage gratuit du cancer du sein.
Il lui rappelle que la campagne de dépistage du cancer du sein existe
uniquement dans trente-deux départements français et que la généralisation
annoncée par le Gouvernement tarde à se mettre en place.
Il lui indique que non seulement ce retard est dommageable pour les femmes des
soixante-cinq départements qui ne peuvent en bénéficier, mais qu'il risque
également de perturber gravement les campagnes en cours dans les trente-deux
départements pionniers.
Il lui précise, en effet, que la direction générale de la santé, pour se
conformer aux recommandations scientifiques, a préconisé aux radiologues
participant à ce dépistage de réaliser pour chaque femme non plus une mais deux
incidences par sein, ce qui revient à doubler l'examen en clichés, en temps, en
consommables et en usure de matériel. Il lui indique que pour cette
modification technique la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs
salariés, la CNAMTS, a décidé de fixer la rémunération à 280 francs, alors
qu'elle était précédemment à 250 francs, tarif en vigueur depuis 1992.
Il lui indique que l'évolution tarifaire est extrêmement faible alors que les
exigences ont pratiquement doublé depuis 1992, et que cet état de fait est
ressenti par les professionnels comme une véritable provocation, d'autant que
ce tarif a été fixé sans la moindre concertation avec les intéressés.
Il lui fait observer que dans les trente-deux départements pionniers les
radiologues se sont réellement investis dans cette opération de santé publique
qui, financièrement, n'était pas très intéressante pour eux puisque, dans le
même temps, une mammographie complète est tarifée à environ 434 francs.
En conséquence, il lui indique que dans ces départements, en situation de
crise et de blocage risquant de ruiner les campagnes en cours, la solution
serait bien entendu la généralisation du dépistage à la France entière avec
fixation d'un tarif raisonnable.
Il lui demande donc de bien vouloir lui indiquer si cette généralisation du
dépistage du cancer du sein va bientôt prendre effet. (N° 987.)
XVII. - M. Roland Muzeau attire l'attention de M. le ministre de l'économie,
des finances et de l'industrie sur les conséquences économiques et sociales
qu'entraînerait la suppression du centre de recherche d'Atofina, à
Levallois.
Depuis la fusion l'an dernier des groupes TotalFina et Elf donnant naissance à
un des cinq plus grands groupes mondiaux dans le domaine du pétrole et de la
chimie, restructurations et plans sociaux se sont succédé. Sur les 1 500 postes
de recherche, un sur trois est menacé de suppression ou de transfert. L'émotion
des cadres, techniciens, employés et ouvriers est d'autant plus vive que les
suppressions et délocalisations interviennent dans un contexte de plusieurs
années d'excellents résultats financiers et de perspectives de commandes
excellentes.
Et pourtant, Atofina prévoit de fermer à Levallois son centre de recherche
appliquée qui occupe 240 personnes recherchant, à partir des produits chimiques
existants, des applications socialement utiles, notamment dans le domaine de la
protection de notre environnement, tels que les substituts aux composants
attaquant la couche d'ozone, les moyens de traiter les eaux polluées, la
neutralisation des rejets produits par l'industrie papetière.
Outre son utilité reconnue, ce centre n'est en aucune façon en doublon avec
les autres centres issus de la fusion - Feluy en Belgique et La Porte aux USA -
et personne ne conteste son intérêt stratégique lié à sa position en région
parisienne - c'est le seul centre de recherche de la région dans ce domaine - à
la proximité avec le siège social, à sa bonne desserte et aux synergies
existantes avec la communauté scientifique d'Ile-de-France, la troisième
mondiale. Le maintien sur le site ou dans un secteur proche de La Défense
comporte beaucoup plus d'atouts que la délocalisation et la dispersion, comme
le démontre le résultat de l'audit réalisé à la demande de l'intersyndicale.
S'agissant, dans le cadre de la production d'énergie, de recherches ayant des
implications sur l'environnement, le Gouvernement ne peut se désintéresser des
effets négatifs d'une OPA, offre publique d'achat, dont il a accepté le
principe. Aussi lui demande-t-il ce qu'il pense de la fermeture du centre de
Levallois et quelles sont les interventions qu'il compte entreprendre pour
maintenir les emplois et les activités de recherche dans la région. (N°
990.)
A seize heures :
2. Suite de la discussion de la proposition de loi organique (n° 166,
2000-2001), adoptée par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence,
modifiant la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale.
Rapport (n° 186, 2000-2001) de M. Christian Bonnet, fait au nom de la
commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel,
du règlement et d'administration générale.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est fixé à la clôture de la
discussion générale.
Scrutin public ordinaire de droit sur l'ensemble de la proposition de loi
organique.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures trente.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES DU SÉNAT
établi par le Sénat dans sa séance du jeudi 25 janvier 2001
à la suite des conclusions de la conférence des présidents
L'ordre du jour ainsi établi pourrait être modifié
en fonction de l'état d'avancement des travaux
Mardi 30 janvier 2001 :
A
10 heures :
1° Dix-sept questions orales (l'ordre d'appel des questions sera fixé
ultérieurement) :
- n° 870 de M. Christian Demuynck à M. le secrétaire d'Etat aux petites et
moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation (Normes
d'hygiène alimentaire) ;
- n° 885 de M. Philippe Richert à Mme le ministre de l'emploi et de la
solidarité (Gestion budgétaire dans le secteur médico-social) ;
- n° 922 de M. Xavier Darcos à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
(Difficultés de l'hospitalisation privée) ;
- n° 950 de M. Patrick Lassourd à Mme le ministre de la culture et de la
communication (Critères d'éligibilité aux subventions pour la création de
bibliothèques) ;
- n° 956 de M. Jean-Patrick Courtois à M. le ministre de l'intérieur
(Augmentation des effectifs de police pour la ville de Mâcon) ;
- n° 960 de M. Pierre Lefebvre à M. le ministre de l'agriculture et de la
pêche (Situation du lycée horticole de Raismes-Valenciennes) ;
- n° 966 de M. Claude Haut à M. le ministre de la défense (Conséquence de
l'implantation d'un centre de formation de pilotes sur la base
d'Orange-Caritat) ;
- n° 967 de M. Thierry Foucaud à Mme le ministre de l'emploi et de la
solidarité (Aide de l'Etat aux entreprises d'insertion) ;
- n° 969 de M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra à M. le ministre de l'économie,
des finances et de l'industrie (Pool des risques aggravés en Corse) ;
- n° 973 de M. Léon Fatous à M. le ministre de l'éducation nationale
(Situation des personnels des lycées et collèges du Pas-de-Calais) ;
- n° 974 de Mme Hélène Luc à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux
handicapés (Remboursement des frais de photothérapie dynamique) ;
- n° 976 de M. Bernard Murat à Mme le ministre déléguée à la famille et à
l'enfance (Politique familiale) ;
- n° 979 de M. Dominique Leclerc à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux
handicapés (Repos de sécurité des médecins) ;
- n° 981 de Mme Danièle Pourtaud à Mme le ministre de l'aménagement du
territoire et de l'environnement (Aides à l'acquisition de véhicules propres)
;
- n° 986 de M. René Marquès à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux
handicapés (Prise en charge des dialysés) ;
- n° 987 de M. Philippe Nogrix à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux
handicapés (Campagne de dépistage gratuit du cancer du sein) ;
- n° 990 de M. Roland Muzeau à M. le ministre de l'économie, des finances et
de l'industrie (Fermeture du centre de recherche d'Atofina à Levallois).
A
16 heures :
Ordre du jour prioritaire
2° Suite de la discussion de la proposition de loi organique, adoptée par
l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, modifiant la date
d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale (n° 166, 2000-2001).
(La conférence des présidents a fixé à la clôture de la discussion générale
le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
Mercredi 31 janvier 2001 :
Ordre du jour prioritaire
A
15 heures :
Eventuellement, suite de l'ordre du jour de la veille.
Jeudi 1er février 2001 :
Ordre du jour prioritaire
A
9 h 30 :
1° Eventuellement, suite de l'ordre du jour de la veille.
A
15 heures :
2° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de
la séance avant 11 heures.)
Ordre du jour prioritaire
3° Eventuellement, suite de l'ordre du jour du matin.
Mardi 6 février 2001 :
A
9 h 30 :
1° Dix-huit questions orales (l'ordre d'appel des questions sera fixé
ultérieurement) :
- n° 947 de M. André Maman à M. le ministre de l'éducation nationale (Moyens
d'action du Comité national de lutte contre la violence à l'école) ;
- n° 958 de M. Jean-Pierre Demerliat à M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement (Situation financière des conseils d'architecture,
d'urbanisme et de l'environnement) ;
- n° 961 de M. Gérard Cornu à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux
handicapés (Situation des masseurs-kinésithérapeutes) ;
- n° 965 de M. Daniel Goulet à Mme le ministre de l'aménagement du territoire
et de l'environnement (Enfouissement des déchets radioactifs) ;
- n° 968 de M. Jean Boyer à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie
(Conséquences pour les communes de la fermeture de Superphénix) ;
- n° 970 de M. René-Pierre Signé à M. le secrétaire d'Etat aux petites et
moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation
(Difficultés des artisans bouchers-charcutiers résultant de l'épidémie d'ESB)
;
- n° 971 de M. Guy Vissac à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche
(Epandage des boues d'épuration) ;
- n° 977 de M. Roger Karoutchi à M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement (Dégradation de la qualité des transports publics en
Ile-de-France) ;
- n° 978 de Mme Nicole Borvo à M. le ministre de l'éducation nationale
(Désamiantage de Jussieu) ;
- n° 980 de M. Martial Taugourdeau à M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement (Dysfonctionnements sur les liaisons ferroviaires
Chartres-Paris et Dreux-Paris) ;
- n° 983 de Mme Marie-Claude Beaudeau à M. le ministre de l'économie, des
finances et de l'industrie (Haut Conseil du secteur financier public et
semi-public) ;
- n° 985 de M. Bernard Fournier à M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement (Devenir de l'ingénierie publique) ;
- n° 992 de M. Michel Doublet à Mme le secrétaire d'Etat au budget (Redevance
audiovisuelle due par les centres de formation pour apprentis) ;
- n° 995 de M. Philippe Arnaud à Mme le garde des sceaux, ministre de la
justice (Moyens de fonctionnement de la justice) ;
- n° 996 de M. Jean-Louis Lorrain à Mme le ministre de l'emploi et de la
solidarité (Difficultés de la fonction publique hospitalière) ;
- n° 999 de M. Aymeri de Montesquiou à Mme le ministre de la jeunesse et des
sports (Création de centres sportifs de formation dans les zones rurales) ;
- n° 1000 de M. Lucien Neuwirth à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux
handicapés (Déficit d'équipements en imagerie et en radiothérapie dans la Loire
et conséquences pour la lutte contre le cancer) ;
- n° 1008 de M. Charles Descours à Mme le ministre de l'emploi et de la
solidarité (Malaise des infirmières).
A
16 heures :
Ordre du jour prioritaire
2° Eventuellement, suite de l'ordre du jour du jeudi 1er février 2001.
Mercredi 7 février 2001 :
Ordre du jour prioritaire
A
15 heures :
Eventuellement, suite de l'ordre du jour de la veille.
Jeudi 8 février 2001 :
Ordre du jour réservé
A
9 h 30
et à
15 heures :
Conclusions de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi
de MM. Alain Lambert et Philippe Marini, portant création du revenu minimum
d'activité (n° 317, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 7 février 2001, à 17
heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
A N N E X E
1. Questions orales inscrites à l'ordre du jour
de la séance du mardi 30 janvier 2001
N° 870. - M. Christian Demuynck attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat
aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la
consommation sur la drastique entrée en application de l'arrêté du 9 mai 1999.
A compter du 16 mai 2000, ce dernier impose, en vertu d'une directive
européenne, de nouvelles règles d'hygiène concernant les « aliments remis
directement aux consommateurs ». Ces mesures touchent les marchés de plein air,
les producteurs à la ferme et les fermes-auberges. Un tel dispositif juridique
risque de mettre en cause l'existence de ces exploitations. Il y a ici une
disproportion entre des normes tout autant applicables aux grands groupes
industriels et aux petits exploitants incapables d'investir dans le matériel
requis. Dans leur immense majorité, les petits producteurs ou artisans vendent
des produits d'une excellente fraîcheur, car la marchandise n'est que peu de
temps conservée. L'arrêté en cause ne va pas dans le sens d'une protection des
marchés, au sein desquels certains exploitants contestent le bien-fondé d'une
conservation à basse température, notamment s'agissant des fromages. Il met au
contraire en péril la pérennité de ces lieux de rencontre. Il entend savoir si
une telle sévérité du texte français, accentuée par rapport à la norme
européenne, sera maintenue.
N° 885. - M. Philippe Richert attire l'attention de Mme le ministre de
l'emploi et de la solidarité sur les problèmes budgétaires rencontrés par le
secteur médico-social. Depuis la loi de finances pour 1999 (n° 98-1266 du 30
décembre 1998), l'enveloppe médico-sociale a été intégrée dans l'ONDAM
(objectif national de dépenses de l'assurance maladie). Dès lors, les dépenses
réelles de l'assurance maladie doivent respecter le montant des budgets
alloués. Or, beaucoup d'établissements ont finalement des écarts de l'ordre de
10 à 15 % entre budget alloué et dépenses réelles. Ils ne peuvent équilibrer
leurs comptes qu'en faisant de la suractivité réelle, c'est-à-dire en
accueillant plus de personnes que leur agrément ne le leur permet (ce qui n'est
pas sans poser des problèmes de qualité et de sécurité) ou en faisant de la
suractivité fictive, c'est-à-dire en négociant avec la DDASS (direction
départementale des affaires sanitaires et sociales) des prévisions de journées
plus basses que celles qu'on va effectivement réaliser. Il s'agit de pratiques
fallacieuses et malsaines dénoncées par les établissements ainsi que par les
organisations professionnelles. Si personne ne conteste sur le fond les
objectifs de rationalisation des dépenses de l'assurance maladie, il convient
de reconnaître que certains établissements risquent d'être mis dans des
situations financières inextricables du simple fait d'un décalage significatif
entre leur prévision et leur réalisation de dépenses. L'existence de ce
problème a été reconnue dans la circulaire budgétaire du 18 février 2000, mais
pour l'instant aucune proposition concrète n'est parvenue aux intéressés.
Aussi, il souhaiterait connaître ses intentions, afin que ce problème soit
résolu au plus vite.
N° 922. - M. Xavier Darcos appelle l'attention de Mme le ministre de l'emploi
et de la solidarité sur les vives préoccupations des secteurs de
l'hospitalisation privée. En effet, de nombreux établissements privés sont à la
limite de l'équilibre financier ou affirment être déficitaires (suppression de
200 lits à Bordeaux et 80 à Agen...). L'évolution de tarifs, surtout en 1999, a
été trop faible pour contrebalancer l'augmentation des charges principalement
due au surcoût engendré par l'application de la loi sur les trente-cinq heures.
A ce jour, ces établissement ne peuvent répondre aux revendications salariales
de leurs personnels, qui aspirent légitimement à des rémunérations équivalentes
à celles de leurs homologues du secteur public. C'est pourquoi il lui demande
si elle entend mettre en oeuvre une politique tarifaire traduisant une volonté
de traitement équitable à l'égard des établissements de santé des deux secteurs
hospitaliers et notamment des personnels qui y exercent.
N° 950. - M. Patrick Lassourd souhaite appeler l'attention de Mme le ministre
de la culture et de la communication sur le caractère beaucoup trop
contraignant des critères d'éligibilité aux subventions, pour la construction
des bibliothèques, dans les petites villes et les zones rurales. Le critère de
taille, déterminé par circulaire, de 7 mètres carrés pour 100 habitants, ne
tient pas à l'épreuve du terrain, et s'avère hors de proportion eu égard au
coût du bâtiment, et aux besoins réels de la population. Le critère de
personnel, imposant un emploi à temps complet pour 2 000 habitants, et 50 % des
emplois affectés aux catégories A ou B, se révèle également largement inadapté.
Quand on connaît le rôle majeur joué par le bénévolat dans ces petites et
moyennes bibliothèques, on mesure l'impossibilité pour les communes, d'assumer
le coût de ces personnels. Il souhaite que ces critères puissent être revus, en
rapportant de 7 à 5 mètres carrés le critère de taille pour 100 habitants, et
en permettant aux communes de répondre progressivement au critère de personnel,
par une montée en charge sur quatre ou cinq ans, qui facilitera par là même la
transition avec les bénévoles. Il lui demande de bien vouloir examiner ces
propositions, vitales pour la diffusion de la culture en zone rurale, et lui
préciser sa position sur ce problème, pour répondre à une véritable attente,
tant des communes que des citoyens.
N° 956. - M. Jean-Patrick Courtois appelle l'attention de M. le ministre de
l'intérieur sur le nombre croissant d'actes d'incivilité, de délinquance et de
délits de tous ordres, souvent passés sous silence, et presque toujours
impunis, perpétrés dans la ville de Mâcon. Malgré une action exemplaire, le
désarroi des forces de police aux premières lignes de cette lutte pour la
garantie de nos libertés s'enracine dans une remarquable évidence : une part
importante de cette délinquance est le fait de récidivistes connus sur place.
Le taux d'élucidation des crimes et délits est de 35 % à Mâcon, ce qui est très
faible quand on sait que ce chiffre exprime la part des infractions constatées
dont le ou les auteurs ont été identifiés et entendus par procès-verbal. Or,
beaucoup d'actes de petite délinquance, ceux qui embarrassent la vie
quotidienne des Mâconnais, ne sont ni signalés ni enregistrés. De même, la
délinquance des mineurs et les actes d'incivilité connaissent une augmentation
foudroyante : tags, rackets, dégradations volontaires, véhicules incendiés,
agressions se multiplient de toute part dans les quartiers de Mâcon. Il est
donc essentiel que la politique de sécurité élaborée par les services de l'Etat
se donne pour objectif la disparition de toute impunité, afin que les citoyens
ne se sentent plus dans l'obligation de s'isoler chez eux pour ne pas mettre
leur existence et leurs biens en danger. Mais encore faut-il leur en donner les
moyens. Or, à Mâcon, le nombre des fonctionnaires de police a subi une baisse
de douze postes et les crédits affectés à la Saône-et-Loire ont été diminués de
plus de quatre cent mille francs. Devant cette situation intolérable qui
affecte profondément les Mâconnais dans leur vie au quotidien, il lui demande
de bien vouloir lui indiquer les mesures que le Gouvernement entend prendre
pour procéder au rétablissement de l'effectif et pour amplifier la création de
postes que nécessite la dérive de la situation actuelle en Mâconnais, et
souhaite savoir quand ces mesures seront prises.
N° 960. - M. Pierre Lefebvre souhaite attirer l'attention de M. le ministre de
l'agriculture et de la pêche sur les conditions d'enseignement, d'hébergement
et de fonctionnement du lycée horticole de Raismes-Valenciennes. C'est
d'ailleurs la répétition des circonstances qui, en 1981, ont conduit à son
transfert de Valenciennes à Raismes. Le lycée professionnel horticole de
Raismes est donc installé, depuis cette date, dans des locaux mis à sa
disposition, à titre gracieux, par la commune, qui assure, par ailleurs, une
grande partie de l'entretien. La ville de Raismes participe largement au
financement de ses activités par une dotation annuelle de 150 000 francs,
c'est-à-dire la moitié de ce que verse le ministère, et elle met également à la
disposition des élèves ses installations municipales pour la pratique du sport.
Il convient de préciser l'attrait particulier que l'enseignement horticole
présente pour les publics en attente d'insertion sociale et professionnelle.
L'effectif est ainsi passé de 160 en 1981 à 400 en 2000. Il lui précise que cet
établissement ne dispose pas non plus de restauration scolaire et que les
élèves mangent à l'extérieur en toutes saisons. Il est urgent d'envisager la
reconstruction de ce lycée et la ville de Raismes, encore une fois, est
déterminée à rechercher des terrains disponibles, qui sont sur la commune fort
nombreux. Il joue et doit continuer à jouer un rôle important dans la formation
des jeunes pour tout le sud du département.
N° 966. - M. Claude Haut attire l'attention de M. le ministre de la défense
sur l'affectation, en juillet 1998, sur la base militaire d'Orange-Caritat,
implantée au coeur d'une zone urbanisée _ sans aucune concertation au plan
local, ni étude d'impact _, d'un escadron de transformation de pilotes sur
Mirage 2000, générant une situation intolérable pour les habitants des communes
riveraines de la base en raison des nuisances sonores produites par cette
activité de formation d'élèves pilotes. Au plan local, les autorités
militaires, conscientes des nuisances et de la gêne occasionnées aux riverains,
ont consenti des aménagements aux conditions de survol des localités situées à
proximité immédiate de la base. Mais ces concessions ont atteint aujourd'hui
les limites des nécessités opérationnelles sans que les aménagements consentis
permettent de rendre le niveau de nuisance acceptable par la population. Outre
la légitime aspiration à la quiétude manifestée par nos concitoyens, ces
nuisances phoniques quotidiennes réduisent à néant l'ensemble des efforts
entrepris par les acteurs locaux en faveur du développement touristique, qui
est conditionné par le respect de notre cadre et qualité de vie. La situation
étant aujourd'hui bloquée, il lui demande, en conséquence, quelles solutions
sont envisagées par son ministère afin de préserver l'environnement de ce
secteur du Haut-Vaucluse, situé dans le triangle formé par les bases d'Orange,
Salon-de-Provence et Istres, et s'il est envisageable à moyen terme de
délocaliser cet escadron de formation.
N° 967. - M. Thierry Foucaud souhaiterait attirer l'attention de Mme le
ministre de l'emploi et de la solidarité sur les modifications apportées en
matière d'aide de l'Etat aux entreprises d'insertion. Ces entreprises
bénéficiaient auparavant d'une aide forfaitaire attribuée par la direction
départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, et
d'une aide globale de la direction des affaires sociales. La nécessité de
renforcer l'accompagnement des salariés en insertion est reconnue par la loi de
lutte contre les exclusions n° 98-657 du 29 juillet 1998, qui a modifié les
modalités du soutien financier de l'Etat ; depuis 1999, les entreprises
d'insertion se voient attribuer une seule aide au poste, forfaitaire et non
indexée, ce qui génère des difficultés en cas d'augmentation du salaire minimum
interprofessionnel de croissance (SMIC). Cette aide finance à la fois
l'accompagnement social, l'encadrement et la moindre productivité des salariés
en insertion. Les directions départementales de l'action sanitaire et sociale
peuvent fournir, exceptionnellement, un soutien financier dans la mesure où
l'entreprise d'insertion intervient auprès de publics spécifiques. Or les
entreprises d'insertion connaissent les populations les plus en difficulté,
dont l'accès à la qualification et à l'emploi imposent un encadrement fort.
C'est d'autant plus vrai avec la reprise économique. Par ailleurs, ces
entreprises interviennent dans des secteurs variés et les besoins d'encadrement
sont différents d'un secteur à l'autre, mais aussi à l'intérieur d'un même
secteur, selon les corps de métiers. L'attribution d'une aide au poste
forfaitaire, non indexée, ne prend pas en compte ces réalités. Il en est de
même pour les entreprises de travail temporaire d'insertion qui assurent, elles
aussi, le changement de nature des difficultés sociales et professionnelles des
salariés en insertion. Aussi, il lui demande quelles mesures elle envisage pour
que l'accompagnement des salariés en insertion soit assuré dans les meilleures
conditions.
N° 969. - En 1988, face aux nombreux attentats perpétrés en Corse et afin d'y
maintenir néanmoins une bonne couverture des risques, les compagnies
d'assurances s'étaient regroupées sous la forme d'un « pool des risques
aggravés ». Ce dispositif a été reconduit chaque année en dépit de son coût
élevé jusqu'au 31 décembre 2000 et a permis le maintien d'une offre d'assurance
dans des conditions satisfaisantes aussi bien pour les risques des particuliers
que pour ceux des entreprises et des collectivités territoriales.
Or, le Gouvernement a dissous ce pool le 30 juin 2000 pour les seules
collectivités territoriales corses et les établissements publics. Cette
situation paradoxale contraint aujourd'hui les collectivités publiques de Corse
à subir les lois concurrentielles du marché de l'assurance, alors que les
sociétés privées et les particuliers peuvent bénéficier d'une tarification par
le biais du pool corse. Cette situation est contraire aux dispositions de
l'article L. 126-2 du code des assurances qui organise la mutualisation du
risque, notamment celui des attentats qui n'est pas spécifique aux départements
de Corse.
Or, l'on constate que cette mutualisation est dévoyée d'autant que, pour la
France continentale, les assureurs instituent une surprime de 1,70 % alors que
la Corse bénéficie du « privilège » d'une surprime de 30 %.
En conséquence, M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra demande à M. le ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie pourquoi le pool des risques
aggravés a été supprimé pour les seules collectivités, comment il entend
remédier à cette situation et qu'adviendra-t-il lorsqu'une collectivité ne
pourra s'assurer, faute de moyens financiers suffisants.
N° 973. - M. Léon Fatous attire l'attention de M. le ministre de l'éducation
nationale sur les lycées et collèges du Pas-de-Calais dont un certain nombre de
postes, liés à des services, sont occupés par des personnes en contrat
emploi-solidarité (CES).
Depuis quelques mois, les établissements ne peuvent plus renouveler ces
contrats.
La direction départementale du travail a fait savoir aux principaux des
collèges et aux proviseurs des lycées que pour l'année 2001 un nombre très
restreint de contrats emploi consolidé (CEC) leur serait accordé.
Outre les problèmes humains que cela pose aux intéressés, il est évident que
le fonctionnement des établissements en sera perturbé.
Aussi il lui demande quelles mesures il entend prendre pour rétablir une vie
scolaire satisfaisante.
N° 974. - Mme Hélène Luc attire l'attention de Mme le secrétaire d'Etat à la
santé et aux handicapés sur le remboursement des frais occasionnés par la
photothérapie dynamique.
La dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA) touche actuellement un million
de personnes, sur les dix millions de Français âgés de plus de soixante-cinq
ans.
Cette pathologie dégénérescente du centre de la rétine _ la macula _ menace la
vision. Toujours invalidante, elle pèse lourdement sur les actes de la vie
quotidienne et peut aboutir à la cécité.
Dans sa forme dite « humide », l'évolution de la DMLA est rapide. Une
technique très récente _ la photothérapie dynamique _ mise sur le marché depuis
le 1er septembre 2000 et validée par le ministère de la Santé permet de
stabiliser l'évolution du mal. Cette technique utilise une molécule chimique,
la Visudyne, photo-sensibilisant qui se fixe sur les néo-vaisseaux. En
irradiant le fond de l'oeil par une lumière laser, on provoque une réaction
chimique qui détruit les néo-vaisseaux sans détruire la rétine.
Ce traitement doit être renouvelé au moins deux ou trois fois. Mais la
Visudyne coûte cher (9 300 F l'ampoule) et elle n'est pas encore codifiée et, a
fortiori, remboursée (même partiellement) par la sécurité sociale. Chaque
intervention sur le patient dépasse 10 000 F. Un tel coût est insupportable
pour les revenus modestes.
Elle lui demande donc quelles mesures peuvent être prises pour faire cesser ce
qu'elle appellerait une médecine à deux vitesses.
N° 976. - M. Bernard Murat appelle l'attention de Mme le ministre délégué à la
famille et à l'enfance sur la politique familiale. La famille contribue à
l'équilibre et à l'harmonie sociale ; elle est un moteur de la croissance
économique. En retour elle doit voir reconnaître sa fonction sociale et
participer aux fruits de la croissance. La croissance économique a généré des
moyens considérables qui ont fait naître, dans toutes les familles, l'espoir
qu'elles seraient davantage écoutées et surtout davantage soutenues. En effet,
les familles attendent des pouvoirs publics qu'ils renforcent leur pouvoir
d'achat, d'une part, et qu'ils facilitent la conciliation entre vie familiale
et vie professionnelle, d'autre part. Or, il constate que la confiscation des
excédents de la branche famille du régime général et le plan de réforme fiscale
annoncé en août dernier ne permettront pas l'élaboration d'une politique
familiale à la hauteur de ses besoins. Il lui rappelle que la conduite d'une
politique familiale ambitieuse ne peut reposer que sur des moyens importants.
Tout d'abord, en ce qui concerne le pouvoir d'achat des familles, il lui
demande, entre autres, le versement des allocations familiales dès le premier
enfant, la suppression de la condition de ressources sur l'allocation pour
jeune enfant ainsi que l'extension jusqu'à vingt-deux ans de l'âge limite de
versement des prestations logement et du complément familial. Ensuite, en ce
qui concerne la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, il
estime nécessaire de renforcer la possibilité pour chaque famille de recourir
au mode de garde de son choix. Or, les mesures annoncées en faveur de la garde
des enfants demeurent insuffisantes parce que uniquement tournées vers
l'accueil collectif. Aussi, il lui demande, entre autres, la suppression de
l'abaissement du montant de l'allocation de garde d'enfant à domicile (AGED)
ainsi que l'extension jusqu'au sixième anniversaire de l'enfant du temps
partiel choisi.
N° 979. - M. Dominique Leclerc souhaite interroger Mme le secrétaire d'Etat à
la santé et aux handicapés sur l'application du repos de sécurité qui limite
l'enchaînement des nuits de garde et de journée de travail. Il lui serait
reconnaissant de bien vouloir lui faire savoir si elle envisage de prendre
effectivement des mesures afin que ce repos de sécurité devienne une réalité
pour tous les médecins y compris les internes, et ce dès 2001.
N° 981. - Mme Danièle Pourtaud souhaite interroger Mme le ministre de
l'aménagement du territoire et de l'environnement sur les aides à l'acquisition
de véhicules propres.
La pollution atmosphérique crée de graves lésions respiratoires, notamment
chez les jeunes enfants. Les conséquences néfastes de l'effet de serre sur les
dérèglements climatiques ne sont par ailleurs plus à démontrer. Dans les
grandes villes et à Paris, en particulier, cette pollution est essentiellement
le produit de la circulation automobile.
La promotion des véhicules propres doit donc demeurer une priorité du
Gouvernement. Le groupe socialiste du Sénat, qui, depuis quatre ans, proposait
dans la loi de finances qu'un crédit d'impôt soit accordé aux acheteurs de
véhicules propres, se félicite que le Gouvernement ait accepté de rendre cette
mesure opérationnelle au 1er janvier 2001 à hauteur de 10 000 francs par
véhicule.
Par ailleurs, notamment à Paris, un grand nombre de véhicules appartiennent
aux administrations, à la Ville de Paris ou à d'autres personnes publiques
comme la RATP. De même, les taxis représentent une partie importante du
trafic.
Concernant les propriétaires de taxis, Mme le secrétaire d'Etat au budget a
indiqué, lors de l'examen du projet de loi de finances 2001, qu'une aide de 20
000 francs leur était d'ores et déjà accordée pour s'équiper en véhicule
propre.
De plus, l'article 24-III de la loi n° 96-1236 du 30 décembre 1996 sur l'air a
introduit dans le code de la route une obligation pour l'Etat et pour certaines
personnes publiques, lorsqu'ils gèrent une flotte de plus de 20 véhicules,
d'acquérir, lors du renouvellement de leur flotte et dans une proportion de 20
% des véhicules fonctionnant à l'électricité, au gaz de pétrole liquéfié (GPL)
ou au gaz naturel véhicule (GNV). Le décret d'application est entré en vigueur
au début de l'année 1999.
Compte tenu de ces éléments, elle lui demande, d'une part, de bien vouloir lui
préciser qui distribue l'aide aux propriétaires de taxis et selon quels
critères et, d'autre part, de bien vouloir lui fournir un bilan de
l'application de l'article 24-III de la loi sur l'air.
N° 986. - M. René Marquès appelle l'attention de Mme le secrétaire d'Etat à la
santé et aux handicapés sur le problème de la dialyse en France.
Il lui indique qu'aujourd'hui les traitements de dialyse dits « hors centre »,
c'est-à-dire à domicile et dans les centres d'autodialyse, ont été largement
développés et ont permis un moindre coût de cette pathologie lourde.
Il lui rappelle que la nécessité d'augmenter le nombre de postes de dialyse en
centre, soumis à la régulation par la carte sanitaire, vient d'être reconnue,
puisqu'un indice des besoins plus large a été décidé par le secrétariat d'Etat
à la santé et aux handicapés en août 1999.
Or, il lui indique que la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM), dans
les dernières propositions adoptées par le conseil d'administration au cours de
sa séance du 7 novembre 2000, propose à l'agrément du ministre des mesures de
diminution de la valeur de l'acte de surveillance en hémodialyse.
En allant jusqu'au bout d'une logique de régulation strictement comptable, il
lui fait observer que la CNAM ne prend pas en compte les besoins de santé
publique de la population, puisque le traitement par hémodialyse est
indispensable à la vie de ces populations fragiles.
Il lui précise que la mesure de baisse de l'honoraire de surveillance
d'hémodialyse représente 5,5 % de décote, après une décote de 7,5 % intervenue
il y a à peine plus de trois ans pour le même acte médical. Il lui rappelle que
l'acte de surveillance d'hémodialyse constitue 90 % environ du chiffre
d'affaires des néphrologues qui verraient ainsi leur spécialité touchée par une
décote de 13 % en trois ans.
Il lui fait observer que cette évolution ne fait que correspondre à un besoin
de santé publique et touche une spécialité médicale très astreignante.
C'est la raison pour laquelle il lui demande quelles mesures elle compte
prendre pour remédier à cette situation inacceptable, s'agissant d'un problème
visant à la défense de la qualité des soins apportés au patient et d'une
réponse à un besoin en termes de santé publique, dont ni les professionnels
concernés, ni les patients, ne sauraient être les victimes.
N° 987. - M. Philippe Nogrix appelle l'attention de Mme le secrétaire d'Etat à
la santé et aux handicapés sur l'annonce faite par le Gouvernement d'étendre à
tous les départements français le dépistage gratuit du cancer du sein.
Il lui rappelle que la campagne de dépistage du cancer du sein existe
uniquement dans 32 départements français et que la généralisation annoncée par
le Gouvernement tarde à se mettre en place.
Il lui indique que ce retard est non seulement dommageable pour les femmes des
65 départements qui ne peuvent en bénéficier, mais qu'il risque également de
perturber gravement les campagnes en cours dans les 32 départements
pionniers.
Il lui précise, en effet, que la direction générale de la santé, pour se
conformer aux recommandations scientifiques, a préconisé aux radiologues
participant à ce dépistage de réaliser pour chaque femme non plus une mais deux
incidences par sein, ce qui revient à doubler l'examen en clichés, en temps, en
consommables et en usure de matériel. Il lui indique que pour cette
modification technique la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs
salariés (CNAMTS) a décidé de fixer la rémunération à 280 francs alors qu'elle
était précédemment à 250 francs (tarif en vigueur depuis 1992).
Il lui indique que l'évolution tarifaire est extrêmement faible alors que les
exigences ont pratiquement doublé depuis 1992, et que cet état de fait est
ressenti par les professionnels comme une véritable provocation, d'autant que
ce tarif a été fixé sans la moindre concertation avec les intéressés.
Il lui fait observer que dans les 32 départements pionniers les radiologues se
sont réellement investis dans cette opération de santé publique qui,
financièrement, n'était pas très intéressante pour eux puisque, dans le même
temps, une mammographie complète est tarifée à environ 434 francs.
En conséquence, il lui indique que dans ces départements, en situation de
crise et de blocage risquant de ruiner les campagnes en cours, la solution
serait bien entendu la généralisation du dépistage à la France entière avec
fixation d'un tarif raisonnable.
Il lui demande donc de bien vouloir lui indiquer si cette généralisation du
dépistage du cancer du sein va bientôt prendre effet.
N° 990. - M. Roland Muzeau attire l'attention de M. le ministre de l'économie,
des finances et de l'industrie sur les conséquences économiques et sociales
qu'entraînerait la suppression du centre de recherche d'Atofina, à Levallois.
Depuis la fusion l'an dernier des groupes TotalFina et Elf donnant naissance à
un des cinq plus grands groupes mondiaux dans le domaine du pétrole et de la
chimie, restructurations et plans sociaux se sont succédé. Sur les 1 500 postes
de recherche, 1 sur 3 est menacé de suppression ou de transfert. L'émotion des
cadres, techniciens, employés et ouvriers est d'autant plus vive que les
suppressions et délocalisations interviennent dans un contexte de plusieurs
années d'excellents résultats financiers et de perspectives de commandes
excellentes. Et pourtant, Atofina prévoit de fermer à Levallois son centre de
recherche appliquée qui occupe 240 personnes recherchant, à partir des produits
chimiques existants, des applications socialement utiles, notamment dans le
domaine de la protection de notre environnement, tels que les substituts aux
composants attaquant la couche d'ozone, les moyens de traiter les eaux
polluées, la neutralisation des rejets produits par l'industrie papetière.
Outre son utilité reconnue, ce centre n'est en aucune façon en doublon avec les
autres centres issus de la fusion _ Feluy en Belgique et La Porte aux USA _ et
personne ne conteste son intérêt stratégique lié à sa position en région
parisienne (c'est le seul centre de recherche de la région dans ce domaine), à
la proximité avec le siège social, à sa bonne desserte et aux synergies
existantes avec la communauté scientifique d'Ile-de-France (la troisième
mondiale). Le maintien sur le site ou dans un secteur proche de La Défense
comporte beaucoup plus d'atouts que la délocalisation et la dispersion, comme
le démontre le résultat de l'audit réalisé à la demande de l'intersyndicale.
S'agissant, dans le cadre de la production d'énergie, de recherches ayant des
implications sur l'environnement, le Gouvernement ne peut se désintéresser des
effets négatifs d'une OPA (offre publique d'achat) dont il a accepté le
principe. Aussi lui demande-t-il ce qu'il pense de la fermeture du centre de
Levallois et quelles sont les interventions qu'il compte entreprendre pour
maintenir les emplois et les activités de recherche dans la région.
Questions orales inscrites à l'ordre du jour
du mardi 6 février 2001
N° 947. - M. André Maman appelle l'attention de M. le ministre de l'éducation
nationale sur les moyens d'action du Comité national de lutte contre la
violence à l'école, récemment créé.
Il lui rappelle, en effet, que le Comité national de lutte contre la violence
à l'école, qui a été officiellement installé le 24 octobre dernier, a pour
objectif d'identifier et d'analyser les phénomènes de violence à l'école et de
proposer des réponses, visant à lutter contre les diverses manifestations de
ces phénomènes. Parallèlement, une mission a été mise sur pied, afin
d'organiser prochainement une campagne de mobilisation contre la violence,
mission qui doit être menée en étroite collaboration avec le Comité national de
lutte contre la violence à l'école. S'il se félicite de la création d'une telle
instance, il se demande quels sont les moyens qui ont été prévus, afin de
garantir l'efficacité de la lutte menée contre la violence à l'école.
En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui indiquer quelles sont les
mesures que son ministère entend initier afin que les déclarations d'intention
soient suivies d'effet et que cette initiative ne reste pas lettre morte.
N° 958. - M. Jean-Pierre Demerliat attire l'attention de M. le ministre de
l'équipement, des transports et du logement sur la situation financière
délicate dans laquelle se trouvent un certain nombre de conseils
d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE). Ces organismes ont,
aux termes de l'article 7 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur
l'architecture, « pour mission de développer l'information, la sensibilité et
l'esprit de participation du public dans le domaine de l'architecture, de
l'urbanisme et de l'environnement ». Ils sont « à la disposition des
collectivités qui peuvent les consulter sur tout projet d'urbanisme,
d'architecture ou d'environnement ». Ces prestations, gratuites, sont
particulièrement appréciées des maires des petites communes, qui trouvent là
une aide précieuse pour leurs choix d'urbanisme, d'aménagement et de
développement. Pour leur financement, les CAUE bénéficient de la taxe
départementale pour les CAUE, qui est instituée par délibération du conseil
général. Cette taxe est calculée sur la même base que la taxe locale
d'équipement. L'assiette de cette taxe n'est donc pas stable, du fait notamment
de l'irrégularité du rythme des constructions. Cette évolution pourrait ouvrir
la voie à des difficultés budgétaires pour les CAUE. Il souhaite donc savoir
quelles solutions le Gouvernement compte proposer pour garantir des ressources
stables aux CAUE, afin de les rassurer sur leur avenir et leur pérennité.
N° 961. - M. Gérard Cornu appelle l'attention de Mme le secrétaire d'Etat à la
santé et aux handicapés sur la situation des masseurs-kinésithérapeutes
rééducateurs libéraux. Au mois d'août 2000, le conseil d'administration de la
Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) a décidé arbitrairement la baisse
de leurs honoraires de 3 %, ramenant la valeur de leur lettre clé AMK à celle
qu'elle était en avril 1997. Cette baisse a été décidée consécutivement à
l'augmentation en volume des soins remboursés aux assurés sociaux au cours du
premier quadrimestre 2000, à laquelle il a été ajouté les sanctions collectives
en cas de dépassement des enveloppes. Or, cette augmentation est
essentiellement due aux retards pris par les caisses dans le remboursement aux
assurés en 1999 et à l'instauration de la couverture maladie universelle (CMU).
La kinésithérapie libérale, qui ne représente que 0,9 % du budget total de la
sécurité sociale, contre 58 % de dépenses hospitalières, voit dans cette
décision une maîtrise purement comptable de la gestion du système de soins qui
refuse de prendre en compte le réel besoin de nos concitoyens en matière de
santé. En conséquence, il lui demande de bien vouloir mettre tout en oeuvre
afin de redonner aux masseurs-kinésithérapeutes libéraux la considération
qu'ils sont en droit d'attendre en réajustant à son niveau 2000 la valeur de
leur lettre clé et afin d'empêcher à l'avenir que la CNAM ne prenne de telles
décisions sans aucune concertation préalable avec les professionnels
concernés.
N° 965. - M. Daniel Goulet interroge Mme le ministre de l'aménagement du
territoire et de l'environnement au sujet de l'enfouissement des déchets
radioactifs.
En effet, l'application de la loi n° 91-1381 du 30 décembre 1991 donne lieu à
des difficultés d'interprétation.
Ainsi le projet d'ouverture d'un second site d'enfouissement des déchets
radioactifs est programmé dans le secteur d'ATHIS, dans l'Orne.
La suspension de la « mission granite » n'a rassuré ni les riverains, ni les
associations de défense de l'environnement, ni les élus.
Il lui demande de donner au Sénat quelques assurances, notamment sur la prise
en charge par la future Agence française de sécurité sanitaire environnementale
des questions touchant au nucléaire, comme le Sénat l'a demandé par
amendement.
Il lui demande de lui donner l'assurance qu'aucun nouveau projet de site
d'enfouissement n'est à l'étude dans le secteur d'ATHIS, dans l'Orne.
N° 968. - M. Jean Boyer attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à
l'industrie sur la situation financière excessivement délicate des communes du
canton de MORESTEL suite aux promesses non tenues par le Gouvernement quant à
la prise en charge du remboursement des emprunts réalisés par ces communes.
Effectivement, du fait de l'arrêt de SUPERPHÉNIX, la taxe professionnelle a
été supprimée.
Aujourd'hui, des négociations sont en cours entre les communes concernées et
la préfecture de l'Isère, c'est pourquoi il lui demande où en sont ces
négociations et quel résultat peut-on en escompter.
N° 970. - M. René-Pierre Signé souhaite attirer l'attention de M. le
secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à
l'artisanat et à la consommation sur les difficultés que rencontrent les
artisans bouchers-charcutiers en raison de la psychose créée par les récentes
informations diffusées à propos de l'épidémie d'encéphalopathie spongiforme
bovine.
Les professionnels de la boucherie-charcuterie exercent, de façon générale,
leur métier de façon irréprochable. Ils sont, au contact de leurs clients, les
derniers maillons d'une véritable chaîne de qualité.
Après avoir subi une baisse de consommation particulièrement importante, les
bouchers-charcutiers sont inquiets des nombreuses incertitudes qui subsistent
quant à l'information véritable des consommateurs. Le plan présenté par le
Premier ministre, le 14 novembre 2000, contenait certes une disposition visant
à restaurer la confiance, au travers d'un numéro vert et d'un guide qui a été
depuis diffusé par l'OFIVAL (Office national interprofessionnel des viandes, de
l'élevage et de l'aviculture).
Mais si la consommation doit reprendre peu à peu, ce que les analystes du
marché appellent « l'indice de confiance » des Français envers la viande bovine
demeure très faible, inférieur à 30 % pour être précis.
Une information est nécessaire ; une information précise et complète, sous
peine d'entretenir la psychose et de commettre des erreurs.
Par ailleurs, des décisions prises par certains élus, et relatives au retrait
de la viande des cantines scolaires, laissent à penser que le muscle de bovin
peut être un produit à risque. C'est pourtant scientifiquement faux. Est-il
normal de laisser à des non-spécialistes l'appréciation d'un tel risque, quand
les pouvoirs publics eux-mêmes s'en remettent à des spécialistes ?
Il lui demande donc si de nouvelles mesures de protection de la profession
d'artisan boucher-charcutier sont envisagées. Ces mesures sont assurément
nécessaires et indispensables.
N° 971. - M. Guy Vissac attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture
et de la pêche sur le grave problème de l'épandage des boues d'épuration. Il
lui rappelle que la plupart des boues urbaines issues des stations d'épuration
en France sont épandues sur des terres agricoles (60 %), le reste étant soit
incinéré soit mis en décharge. S'agissant de l'incinération, dont le coût est
nettement plus élevé que l'épandage agricole, celle-ci restera la seule
alternative envisageable, compte tenu des dispositions législatives limitant la
mise en décharge aux seuls déchets ultimes à partir de 2002. Il lui rappelle
également que, dès 1997, les organisations professionnelles ou syndicales
agricoles commencèrent à demander aux agriculteurs de suspendre tout épandage
de boues. En février 1998, un comité national de l'épandage a été mis en place.
Les agriculteurs ont également sollicité la création d'un fonds de garantie
pour permettre l'indemnisation de dommages éventuels et pour garantir le risque
environnemental à long terme. Face à une situation bloquée, les élus locaux
ayant les pires difficultés pour réaliser l'épandage des boues, il souhaiterait
savoir quelles solutions sont envisagées pour que ce problème des boues ne
devienne pas un fardeau financier pour les communes, notamment en
Haute-Loire.
N° 977. - M. Roger Karoutchi attire l'attention de M. le ministre de
l'équipement, des transports et du logement sur la dégradation de la qualité du
service dans les transports publics d'Ile-de-France.
Il constate que, depuis plusieurs années, du fait du désengagement progressif
de l'Etat, les transports publics coûtent de plus en plus cher aux usagers et
aux collectivités locales franciliennes. Ainsi, il observe que pour la seule
année 2000, le prix du carnet de 10 tickets de métro a augmenté de 5,45 %, ce
qui correspond à une progression très sensiblement supérieure à celle des prix.
La contribution des voyageurs à l'exploitation de la RATP est ainsi passée de
40,5 % en 1996 à près de 45 % aujourd'hui. Il lui fait remarquer que, dans le
même temps, la région Ile-de-France n'a cessé d'accroître sa contribution au
financement des infrastructures, des opérations d'accessibilité des réseaux, de
la sécurisation des transports collectifs, de radio-localisation des bus, de
restructuration et de rénovation des gares et stations, de réorganisation des
pôles d'échanges, de rénovation et réfection du matériel roulant.
Or, il constate que malgré l'accroissement sensible de ces sources de
financement, la qualité du service ne cesse de se dégrader : détérioration du
matériel roulant (graffitis, tags, lacération des sièges...), perturbations et
nombreux retards dans le trafic ferroviaire et métropolitain, fraude massive
sur l'ensemble des réseaux et atteintes à la sécurité des voyageurs sur le
réseau en très nette augmentation (+ 10 % pour le premier semestre 2000).
Il lui rappelle que la réforme du syndicat des transports parisiens, très
insuffisante par rapport à la décentralisation attendue, laisse à l'Etat la
véritable tutelle ainsi celle des deux entreprises de transport (SNCF et
RATP).
En conséquence, il lui demande quelles mesures il entend prendre, en liaison
avec les entreprises, pour remédier à ces dysfonctionnements, rétablir le droit
sur les réseaux ferrés d'Ile-de-France et assurer la sécurité des personnes et
des biens.
N° 978. - Mme Nicole Borvo attire l'attention de M. le ministre de l'éducation
nationale sur le chantier de désamiantage du campus de Jussieu.
Alors qu'il y a quatre ans, le 4 décembre 1996, un contrat était signé par le
ministre de l'éducation nationale de l'époque prévoyant de désamianter et de
mettre en sécurité le campus de Jussieu en trois ans, les travaux ne sont
terminés que pour une seule « barre », soit 2,5 % de la surface à traiter.
Quelque 7,5 % sont en travaux et il est projeté de mettre en chantier 10 % du
campus au cours de l'année prochaine.
Restent 80 % du campus pour lesquels rien n'est programmé. On ne peut qu'être
inquiet quant à cette situation qui oblige 50 000 personnes à fréquenter un
campus sans signal d'alarme et avec des bâtiments dont la tenue au feu est de
dix minutes au lieu de la durée réglementaire fixée à 1 h 30.
Pourtant l'établissement public en charge du chantier, après avoir fixé
lui-même un calendrier de travaux de cinq ans à l'automne 1997, n'a jamais
respecté ces délais.
Elle lui demande quelles mesures il envisage de prendre pour accélérer les
travaux de manière significative.
N° 980. - M. Martial Taugourdeau appelle l'attention de M. le ministre de
l'équipement, des transports et du logement sur les dysfonctionnements des
lignes SNCF Chartres-Paris et Dreux-Paris : retards incessants, suppressions de
trains, manque d'information des voyageurs, stationnement des trains hors des
quais en gare, suppression de voitures, confort médiocre proposé sur des lignes
et dans des gares particulièrement bien fréquentées.
Tout en regrettant qu'aucun crédit n'ait été inscrit au contrat de plan
Etat-Région pour l'amélioration de ces liaisons, il lui demande quelles mesures
il compte prendre pour remédier aux difficultés quotidiennes et persistantes
rencontrées par les usagers de ces liaisons ferroviaires au regard du service
attendu et des conditions de sécurité.
Par ailleurs, il serait bon que la SNCF puisse dédommager les usagers pour les
conditions particulièrement déplorables de transport des mois d'octobre et de
novembre 2000.
N° 983. - Mme Marie-Claude Beaudeau attire l'attention de M. le ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie sur la composition, la vocation, les
missions du Haut Conseil du secteur financier public et semi-public installé le
4 octobre 2000. Elle lui demande s'il s'agit de la reconnaissance du pôle
financier public créé en application de la loi n° 99-532 du 25 juin 1999 et
structuré autour de la Caisse des dépôts et consignations, et comprenant la
Caisse nationale de prévoyance, La Poste, la Banque de développement des
petites et moyennes entreprises, les caisses d'épargne et le Crédit foncier.
Elle lui demande de lui préciser si ce « pôle » aura bien pour vocation
d'animer une forme importante du service public, de l'épargne, du crédit au
service du financement de l'emploi et de la formation, ainsi que les premières
actions instruites par le Haut Conseil. Elle lui demande, après la première
réunion de ce Haut Conseil, si les mesures définies n'ont pas pour objectif de
valoriser un système essentiellement fondé sur des résultats et non sur la
notion première d'intérêt public. Elle lui demande également de lui faire
connaître les raisons pour lesquelles ne figurent plus dans la composition de
ce « pôle » public la Banque de France, l'Agence française de développement et
certains organismes de soutien au commerce extérieur, à la recherche et celles
justifiant l'absence dans le Haut Conseil de représentant de la Caisse des
dépôts et consignations, aux côtés de ceux de la Caisse d'épargne.
N° 985. - M. Bernard Fournier appelle l'attention de M. le ministre de
l'équipement, des transports et du logement sur le devenir de l'ingénierie
publique.
Les ingénieurs intervenant dans ce cadre remplissent des missions
fondamentales de conseil auprès des collectivités locales, assurant ainsi une
assistance particulière au nom de l'Etat, lequel est alors un partenaire aidant
les communes et les établissements de coopération intercommunale à respecter
les contraintes de la réglementation. L'ingénierie publique exerce donc des
missions de solidarité de l'Etat et d'impulseur des politiques publiques.
Depuis début 2000, des interrogations se font jour, notamment dans la
perspective de l'entrée de l'ingénierie publique dans le champ concurrentiel au
regard de l'applicabilité de la directive européenne « services » et de la
réforme du code des marchés publics.
Les missions de l'ingénierie publique sont remises en cause de sorte que les
personnels et les élus locaux s'interrogent sur la pérennité de la conception
de l'action de l'Etat auprès des collectivités, d'une part, mais aussi, d'autre
part, quant à l'implantation de la présence de l'Etat sur le territoire,
notamment par le biais des subdivisions de l'équipement.
Aussi il le remercie de lui indiquer si l'Etat entend se désengager de ces
missions d'ingénierie publique, si la voie législative sera préférée à la
réforme réglementaire afin de permettre à la représentation nationale, et plus
particulièrement au Sénat, de se prononcer et de lui préciser enfin l'état de
la réflexion et des orientations du Gouvernement dans ce domaine.
N° 992. - M. Michel Doublet attire l'attention de Mme le secrétaire d'Etat au
budget sur la situation des centres de formation pour apprentis assujettis au
paiement de la redevance audiovisuelle pour les appareils utilisés à des fins
pédagogiques. Il lui demande dans quelles conditions les CFA peuvent bénéficier
de la mise hors champ de la redevance et s'ils sont considérés comme des
établissements publics de l'Etat.
N° 995. - M. Philippe Arnaud attire l'attention de Mme le garde des sceaux,
ministre de la justice, sur l'inquiétude grandissante en ce début d'année de
bon nombre de magistrats et d'auxiliaires de justice. En refusant de se rendre
aux audiences de rentrée certains ont clairement manifesté leur légitime
mécontentement.
Les récentes dispositions adoptées par le Parlement, qui constituent pour le
justiciable de réelles et appréciables avancées sur le plan des libertés
fondamentales, ont des répercussions majeures sur l'organisation et le travail
de la justice. Or, il apparaît que celles-ci ont été insuffisamment envisagées
lors des débats relatifs au vote du budget de la justice que la majorité
sénatoriale a décidé de rejeter pour ces raisons.
En augmentant de façon significative le nombre de missions incombant au
personnel judiciaire, sans les accompagner du financement nécessaire à leur
bonne exécution, le Gouvernement est venu aggraver une situation déjà fort
préoccupante.
Chacun, en effet, depuis de nombreuses années déjà, s'accorde à souligner
l'impuissance d'une justice, régulièrement condamnée par la Cour européenne des
droits de l'homme pour dépassement des « délais raisonnables d'instance », qui
s'épuise à remplir toutes ses tâches, accablée par leur poids et perdue dans
leur complexité.
En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui indiquer les mesures que le
Gouvernement entend prendre pour pallier les insuffisances de moyens afin que
la justice redevienne ce qu'elle a vocation à être _ une priorité de l'Etat _,
et si elle entend accéder à la demande d'une indispensable création de poste de
substitut du procureur au tribunal de grande instance d'Angoulême.
N° 996. - M. Jean-Louis Lorrain appelle l'attention de Mme le ministre de
l'emploi et de la solidarité sur les difficultés actuelles de la fonction
publique hospitalière.
L'augmentation significative de l'emploi précaire, signalée dans le rapport
Roche, ne prend pas en compte l'importance des effectifs non médicaux.
Le temps de travail du personnel de nuit a été fixé en 1994 sur la base de 35
heures hebdomadaires, soit 220 jours de présence ou 1 540 heures ouvrées. Or,
le décret relatif à l'aménagement du temps de travail dans la fonction publique
d'Etat prévoit un décompte du temps de travail sur une base annuelle de 1 600
heures ouvrées.
Il est compréhensible qu'un décret particulier soit le souhait des syndicats,
incluant un cadre réglementaire national, défini sur la base existante
(ordonnance de mars 1982, décret d'octobre 1982).
Les personnels hospitaliers s'opposeront donc à la flexibilité comme mode de
gestion des effectifs. Ils estiment que la nouvelle réduction du temps de
travail ne doit pas systématiquement générer l'annualisation des salaires.
Par ailleurs, les cadres hospitaliers constatent la dégradation de leurs
conditions de travail : la surcharge de travail qui pèse sur eux, liée à la
multiplicité et à la complexité des dossiers à gérer, entraîne régulièrement le
dépassement du temps réglementaire. Elle a un impact négatif sur la vie privée
et la santé des intéressés.
De plus, les statuts des différentes filières professionnelles sont maintenant
obsolètes. L'activité professionnelle requiert des compétences techniques de
plus en plus pointues. L'absence de promotion bouche l'horizon de l'encadrement
hospitalier et les grilles indiciaires connaissent un phénomène d'écrasement.
L'inadéquation des rémunérations aux responsabilités assumées, les
insuffisances de la formation initiale face aux enjeux actuels, nécessitent des
mesures urgentes.
Quelle politique compte mener à court et à moyen terme le ministère de
l'emploi et de la solidarité pour remédier aux difficultés précitées.
N° 999. - M. Aymeri de Montesquiou appelle l'attention de Mme le ministre de
la jeunesse et des sports sur la nécessité de développer des centres sportifs
de formation dans les zones rurales. Si notre pays a la chance de posséder
actuellement de très grands sportifs qui constituent des exemples pour notre
jeunesse, la relève se prépare dès aujourd'hui en repérant de nouveaux talents
sur l'ensemble du territoire, par exemple dans les sports collectifs comme le
rugby, le basket, le football, qui développent à la fois l'esprit de
compétition et de solidarité. Or, dans les zones rurales, et malgré les
compétences et le dévouement des entraîneurs dans les écoles de sport des
petits clubs, les jeunes talents issus de la ruralité ne bénéficient pas des
mêmes chances que ceux issus des grands centres urbains. Afin qu'ils puissent
mieux concilier entraînement intensif et scolarité, il serait donc utile de
créer des centres sportifs de formation de niveau intermédiaire dans les zones
rurales. Il lui demande si elle est favorable à la création de tels centres et
si elle entend prendre les moyens nécessaires.
N° 1000. - M. Lucien Neuwirth attire l'attention de Mme le secrétaire d'Etat à
la santé et aux handicapés sur l'important déficit d'équipements de
radiothérapie et d'imagerie médicale dont souffre le département de la Loire,
plus spécialement dans le cadre de la lutte contre le cancer.
La vétusté du parc des appareils en hôpitaux publics ou participant au service
hospitalier public est reconnue par tous les professionnels de santé concernés
: par exemple, quatre accélérateurs sur cinq sont âgés de plus de quinze ans,
leur taux de panne est très fréquent, la fiabilité des appareils très
aléatoire, à la merci d'une panne définitive. L'institut de cancérologie de la
Loire est en attente de sa mise en service depuis plusieurs années, et les deux
nouveaux accélérateurs linéaires promis pour fin 2000, pour remplacer les
appareils de radiothérapie déficients et actuellement totalement saturés, ne
sont pas au rendez-vous ; un troisième IRM s'avérerait d'ailleurs
indispensable. Les deux seules autorisations de chambre de curiethérapie du
département de la Loire ne semblent pas être reconduites. Aucun pet-scan n'est
encore installé, ni d'appareil de radiothérapie équipé d'un système d'imagerie
portable pour répondre aux besoins nouveaux et faciliter les diagnostics
précoces.
Une telle situation fait perdre aux patients cancéreux de la Loire des chances
de guérison et ce, malgré les efforts et le dévouement du personnel médical et
soignant.
Il lui demande quand elle compte mettre un terme à cette situation.
N° 1008. - M. Charles Descours attire l'attention de Mme le ministre de
l'emploi et de la solidarité sur le malaise des infirmiers et infirmières des
blocs opératoires et anesthésistes.
Au printemps dernier, ces professionnels avaient engagé un mouvement
revendicatif de grève pour demander à la fois une amélioration salariale en
modifiant la grille indiciaire et une reconnaissance statutaire de leur
profession.
Ils ont suspendu ce mouvement sous la promesse du ministre de l'emploi et de
la solidarité que les négociations sur un avenant débuteraient au 1er décembre
2000 et que le décret de compétences dont les travaux touchent à leur fin
serait publié l'été dernier.
En effet, dans une lettre datée du 18 mai 2000 et adressée aux organisations
syndicales, votre prédécesseur proposait cette date pour la sortie du décret et
déclarait que : « les négociations seront conduites en parallèle, pour chacune
des professions concernées. Ainsi, la négociation sur le statut des infirmières
s'ouvrira-t-elle dès le 1er décembre prochain sur la base d'une grille
indiciaire spécifique. »
Or le décret de compétences n'est toujours pas sorti le 25 janvier 2001 et les
propositions du Gouvernement du 1er décembre ont été telles que le 24 janvier
les infirmiers et infirmières ont déclenché une journée « blocs opératoires
morts ».
En conséquence, il lui demande quelles mesures elle compte prendre pour mettre
fin à cette situation préjudiciable à la santé de nos concitoyens.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Statut des caisses d'épargne
1007.
- 25 janvier 2001. -
M. Gérard Delfau
attire l'attention de
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie
sur la mise en place du nouveau statut des caisses d'épargne, auquel le
Parlement accorde une attention toute particulière. Il constate une inquiétude
chez les personnels, à qui la nouvelle direction a fixé des critères de
rentabilité dignes du secteur privé ; ces salariés, soumis à une logique de
productivité très forte, craignant de devoir se désengager de leur mission
traditionnelle auprès de la clientèle populaire ; ils se demandent si nombre de
caisses locales ne risquent pas d'être regroupées, au détriment du service de
proximité. Il souhaiterait savoir, en outre, si les grandes orientations fixées
par la caisse centrale au sujet des « missions d'intérêt général » sont
conformes à l'esprit de la loi n° 99-532 du 25 juin 1999, en termes
d'engagements financiers et dans le choix des chantiers. S'agissant de la
synergie avec le Crédit foncier, il voudrait savoir si les objectifs fixés par
le ministère de tutelle seront atteints. Plus généralement, il voudrait
connaître son sentiment sur le rôle que la Caisse des dépôts et consignations
peut jouer dans cet ensemble d'établissements financiers et semi-publics.
Malaise des infirmiers et infirmières
1008.
- 25 janvier 2001. -
M. Charles Descours
attirr l'attention de
Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
sur le malaise des infirmiers et infirmières des blocs opératoires et
anesthésistes. Au printemps dernier, ces professionnels avaient engagé un
mouvement revendicatif de grève pour demander à la fois une amélioration
salariale en modifiant la grille indiciaire et une reconnaissance statutaire de
leur profession. Ils ont suspendu ce mouvement sous la promesse du ministre de
l'emploi et de la solidarité que les négociations sur un avenant débuteraient
au 1er décembre 2000, et que le décret de compétences dont les travaux touchent
à leur fin serait publié l'été dernier. En effet, dans une lettre datée du 18
mai 2000 et adressée aux organisations syndicales votre prédécesseur proposait
cette date pour la sortie du décret et déclarait que : « les négociations
seront conduites en parallèle, pour chacune des professions concernées. Ainsi,
la négociation sur le statut des infirmières s'ouvrira-t-elle dès le 1er
décembre prochain sur la base d'une grille indiciaire spécifique. » Or le
décret de compétences n'est toujours pas sorti le 25 janvier 2001 et les
propositions du Gouvernement du 1er décembre ont été telles, que le 24 janvier,
les infirmiers et infirmières ont déclenché une journée « blocs opératoires
morts ». En conséquence, il lui demande quelles mesures elle compte prendre
pour mettre fin à cette situation préjudiciable à la santé de nos
concitoyens.
Fret ferroviaire dans le bassin d'Alès
1009.
- 25 janvier 2001. -
M. André Rouvière
appelle l'attention de
M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement
sur les difficultés que rencontre un industriel du bois pour être desservi par
le mode ferroviaire. En effet, cet industriel qui fabrique des palettes à
Bessèges, dans le Gard, souhaite s'approvisionner par fer en bois de sciage
auprès de la société Archimbaud située dans les Landes. Or, la direction des
chemins de fer propose un transport par fer depuis la gare de Labouheyre (40)
jusqu'à Alès (30), puis le transbordement sur camion jusqu'à Bessèges. Cette
proposition est surprenante puisque la ligne de chemin de fer vient jusqu'à
Bessèges et que le fret arrive à Saint-Ambroix, ville située entre Alès et
Bessèges, et qui n'est qu'à 10 kilomètres en aval de Bessèges. Il est étonnant
de constater que la Société nationale des chemins de fer ne trouve pas de
solution. Ce problème est important pour la société de palettes (SPB) concernée
mais aussi pour d'autres industriels qui souhaiteraient s'implanter dans la
région. Il semblerait que la SNCF ne soit pas intéressée pour trouver une
solution plus rationnelle. Cela paraît être un petit problème pour le chemin de
fer mais il est très important pour le bassin industriel et vital pour la SPB.
Le sachant très attaché au chemin de fer, il lui demande ce qu'il pense faire
pour inciter les responsables du rail et du train à trouver une solution à ce
sujet.