SEANCE DU 16 JANVIER 2001
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau, auteur de la question n° 964, transmise à M. le
ministre de l'intérieur.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Ma question a pour origine la signature d'un protocole d'accord pour la
création d'une structure partenariale d'aménagement et de développement du
territoire de la Plaine de France, sur l'initiative du Gouvernement et de
vous-même, monsieur le ministre. C'est ainsi que, le 19 décembre 2000, a été
créé l'établissement public d'aménagement « Plaine-de-France ». Que représente
une telle structure ? Envisagez-vous d'en généraliser le principe à d'autres
territoires franciliens ou nationaux ?
L'EPA de la Plaine-de-France comprend dix-sept communes de Seine-Saint-Denis
représentant 665 141 habitants et quinze communes du Val-d'Oise regroupant 246
181 habitants, soit trente-deux communes, pour une population globale de 911
322 habitants. Il exclut toute commune de Seinte-et-Marne.
Que pouvons-nous en dire ? L'EPA déborde largement le secteur de la Plaine de
France dans sa réalité historique et géographique et englobe la
Plaine-Saint-Denis et d'autres communes extérieures à ces deux sites, sans lien
de vie ni moyen de communication. Quelle volonté est donc exprimée au travers
de cette structure ?
Je voudrais que nous regardions son périmètre, par exemple pour le Val-d'Oise.
Il ne comprend qu'une partie d'une première communauté de communes nommée
Roissy - Porte-de-France. Quatre communes sont incluses, cinq sont exclues.
Pourquoi ? Il ne retient que dix communes appartenant au syndicat intercommunal
de l'est du Val-d'Oise, qui en regroupe trente-deux, lesquelles travaillent
ensemble depuis plus de dix ans à l'aménagement de leur région. Leur schéma
régional vient d'ailleurs, le jeudi 11 janvier dernier, d'être adopté avec
l'accord de l'Etat à la quasi-unanimité.
L'EPA ignore aussi la communauté de communes de Luzarches, dans le Val-d'Oise,
et le syndicat intercommunal d'étude et de programmation, le SIEP, du canton de
Dammartin-en-Goële, en Seine-et-Marne, rayonnant sur une grande partie de la
Plaine de France. Au libre choix des communes, pratiqué dans le Val-d'Oise, ne
va-t-on pas ainsi substituer une unité recentralisée dans un carcan rigide et
ignorant les réalités de vie de cette région ?
Ne s'agit-il pas là d'un exemple de superconcentration étatique, en parfaite
contradiction, je crois, avec la volonté nouvelle de décentralisation qui est
affirmée par le Gouvernement ?
Cet EPA n'est-il pas, au-delà, la préfiguration d'une négation de la réalité
départementale, à laquelle demeure attachée, vous le savez, une grande majorité
des Français ?
Cet EPA rayonne sur la majorité des communes de Seine-Saint-Denis, sur le
quart de celles du Val-d'Oise, mais il ne comprend aucune des communes de
Seine-et-Marne, ignorant totalement les structures cantonales.
Qu'y a-t-il de commun entre Vaudherland, l'une des trois plus petites communes
de France, qui compte moins de 10 hectares de superficie, et la grande ville de
Saint-Denis et ses 86 000 habitants ?
Pourquoi Marly-la-Ville et Fosses, avec des zones industrielles en plein
développement, sont-elles exclues d'un EPA créé pour le développement lié à
celui de l'aéroport Charles-de-Gaulle ?
Le préfet de région prétend que cet EPA contribuerait à lutter contre les
inégalités sociales et territoriales. Or, le découpage proposé n'est-il pas un
facteur de casse d'une unité de vie existant entre les communes prises en
considération et les communes délaissées, appartenant pourtant au même canton
ou parfois à une même communauté de communes et d'autres non ?
Comment expliquez-vous, monsieur le ministre, que vous dissociiez l'ensemble
des communes situées à l'est et au nord de l'aéroport de Roissy, alors qu'elles
se sont regroupées aujourd'hui dans le syndicat intercommunal de l'est du
Val-d'Oise, le SIEVO, pour résoudre leurs difficultés en matière de desserte
routière, de transports en commun, d'accès à l'emploi, à la formation, de
résistance aux nuisances générées par le développement gigantesque de
l'aéroport de Roissy - Charles-de-Gaulle ?
Hier, 51 % des salariés de la plate-forme aéroportuaire étaient issus de
Seine-Saint-Denis, du Val-d'Oise, de Seine-et-Marne. Ce pourcentage n'est
d'ailleurs plus aujourd'hui que de 47 %. Le préfet de région explique que le
périmètre retenu est fondé sur une logique de développement et non sur des
objectifs de compensation des nuisances de Roissy. Allons-nous donc exclure de
ce champ de développement des dizaines de communes qui aspirent, elles aussi,
au développement ? Veut-on les transformer en
no man's land
de nuisances
?
Le découpage technocratique imposé ne souffrirait plus de discussion si l'on
en croit le préfet de région. « Il ne paraît pas opportun de rouvrir cette
question de périmètre », déclarait-il lors d'une réunion en préfecture de
région le 12 juillet dernier, position qu'il a réaffirmée à une nouvelle
réunion le 8 septembre dernier. La rédaction de l'article 8 du protocole
définissant le périmètre proposé des trente-deux communes est maintenue, à
l'exclusion de la ville de Groslay, qui a refusé d'adhérer à l'EPA.
Je souhaiterais avoir votre opinion, monsieur le ministre. Les communes
éliminées auront-elles droit au chapitre ? Aucune raison ne justifierait leur
mise à l'écart.
Comme vous le savez peut-être, de nombreuses corrections ont déjà été
apportées au périmètre initial, pour le rendre plus cohérent, pour prendre en
compte les retards du Val-d'Oise, notamment en matière d'emploi, ainsi que la
parité entre les représentants du Val-d'Oise et ceux de la Seine-Saint-Denis.
Je voudrais cependant vous rappeler à ce propos, monsieur le ministre, que les
deux tiers de la superficie de la plate-forme de Charles-de-Gaulle sont situés
dans le Val-d'Oise.
Je vous pose donc une première question dont la réponse est attendue par les
Val-d'Oisiens. Monsieur le ministre, acceptez-vous une nouvelle discussion sur
les objectifs et le périmètre de l'établissement public d'aménagement que
refuse la préfecture de région et qui exclut des communes du Val-d'Oise, dont
Fosses et Marly, communes dont les maires m'ont fait connaître leur totale
incompréhension sur cette question ?
Ma seconde question porte sur le financement. Pouvez-vous me précisez les
intentions de l'Etat quant aux projets et méthodes de financement ?
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Madame la
sénatrice, j'ai envie, moi aussi, de vous poser une question : êtes-vous, oui
non, favorable à la mise en place d'établissements publics d'aménagement ? Vous
dites que les EPA peuvent présenter un danger, mais vous voudriez que les
communes écartées en fassent partie ! Vous me préciserez votre opition sur ce
point.
Vous avez cité Fosses, je crois,...
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Fosses et Marly !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Si ces villes ne
font pas partie de l'EPA, c'est sans doute en raison d'une rupture de la
continuité urbaine, principe fondateur des EPA. Une zone de campagne peut, par
exemple, rompre la continuité urbaine. C'est peut-être un élément
d'explication, mais il faudra que j'étudie dans le détail les arguments que
vous avez évoqués pour vous apporter des précisions.
Deux nouveaux établissements publics d'aménagement ont été créés en
Ile-de-France. Le premier l'est même déjà, puisque le décret a été publié au
Journal officiel
du 20 décembre 2000, et il est situé à Nanterre. Vous
pouvez, pour vous renseigner, contacter les intéressés - je pense en
particulier à Mme Jacqueline Fraysse, député-maire de Nanterre - afin de leur
demander leur avis. Cette dernière vient de m'écrire que c'est une très bonne
chose et que la municipalité de Nanterre est satisfaite.
Avec le soutien actif de nombreux élus, parmi lesquels je citerai MM.
Scellier, Pupponi, Toumazet, Braouezec, Ralite, Mme Olin, il a été décidé de
créer le second EPA sur le secteur dit de la Plaine de France, qui regroupe
trente et une communes du Val-d'Oise et de la Seine-Saint-Denis. Le protocole
d'accord entre l'Etat et les collectivités locales concernées a été signé le 19
décembre dernier en présence, je le souligne, des présidents des conseils
généraux de Seine-Saint-Denis et du Val-d'Oise, que vous connaissez bien.
Bien entendu, ces EPA sont créés en accord avec les collectivités locales
auxquelles ils apportent, dans des situations urbaines et économiques souvent
difficiles, l'aide et la garantie financière de l'Etat. J'ai bien souvent été
saisi de demandes, y compris de votre part, madame la sénatrice, pour l'octroi
d'une telle aide et de la garantie financière de l'Etat sur de nombreux
projets. En effet, l'apport de l'Etat est très souvent décisif pour la
réalisation de projets concernant, par exemple, le développement économique, le
renouvellement urbain, les voies de communication, et même pour la
formation.
Composé à parité de représentants de l'Etat et des collectivités locales, le
conseil d'administration des EPA est présidé par un élu. La région, les
départements, les communautés de communes - qui sont toutes constituées sur la
base du volontariat - y sont normalement, toutes et tous, représentés en tant
que tels. Le département et l'ensemble des communes du Val-d'Oise, parmi
lesquelles on peut citer Garges-lès-Gonesse, Sarcelles et Goussainville, ont
même constitué un syndicat mixte pour une représentation commune, afin de
parler d'une même voix et de faire valoir leurs projets.
De plus, le code de l'urbanisme prévoit que les EPA sont dotés d'une assemblée
spéciale qui regroupe les collectivités n'étant pas directement représentées au
conseil d'administration et qui est consultée sur la plupart des décisions,
telles que le budget de l'EPA. L'assemblée spéciale élit même ses propres
représentants au conseil d'administration, ce qui signifie que toutes les
collectivités y sont directement, ou au moins indirectement, représentées.
Je ne pense donc pas que l'EPA puisse être considéré comme un instrument de
régression démocratique, en tout cas, il faut veiller à ce qu'il ne le devienne
pas. Il est au contraire la concrétisation d'une vision moderne et intelligente
d'un partenariat constructif entre l'Etat et les autres collectivités
publiques.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le ministre, je suis très déçue de votre réponse, et je pense que de
nombreux élus de l'est et du nord du département le seront également.
En effet, vous ne m'avez pas répondu sur la possibilité d'une révision du
périmètre de l'EPA. Votre cabinet a pourtant reçu les maires de Fosses et de
Marly-la-Ville.
Certes, tout regroupement peut se comprendre, monsieur le ministre. Vous le
savez bien, depuis la Libération se sont constitués de nombreux syndicats
intercommunaux, à l'origine desquels, d'ailleurs, nous avons souvent été, les
uns et les autres, et dont le travail a été immense, dans des compétences bien
déterminées.
En ce qui concerne l'EPA, les choses se font librement, ceux qui veulent y
entrer peuvent le faire et inversement, ceux qui refusent d'y entrer n'y sont
pas obligés, il n'y a aucun problème.
Au demeurant, il ne faut pas que des problèmes financiers viennent s'ajouter
aux difficultés que j'ai signalées. En effet, quelles seront véritablement les
compétences de l'EPA et de quels moyens financiers disposera-t-il ? Par
ailleurs, le financement qui sera attribué à ces regroupements ne manquera-t-il
pas aux communes ?
Mes craintes au sujet de l'EPA ne sont donc pas infondées car les problèmes ne
sont pas réglés.
Vous m'avez dit que les départements seraient représentés à parité dans le
conseil d'administration ; à ce propos, je vous ferai deux remarques.
Le département du Val-d'Oise s'est doté, avec trente-deux communes de la
Plaine de France, d'une structure à cheval sur sept cantons, le SIEVO, que vous
connaissez bien. Or ce dernier sera scindé au sein du conseil d'administration
de l'établissement public d'aménagement.
M. le président.
Madame Beaudeau, veuillez conclure !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Le syndicat du Val-d'Oise ne sera qu'une représentation caricaturale de ce
département. Le poids du Val-d'Oise est bien trop faible : il ne représente que
le cinquième de la population de la Seine-Saint-Denis. Dans ces conditions, le
principe d'égalité ne sera absolument pas respecté.
FONCTIONNEMENT DE LA JUSTICE
DANS LE DÉPARTEMENT D'EURE-ET-LOIR