SEANCE DU 11 JANVIER 2001
AGENCE FRANÇAISE DE SÉCURITÉ SANITAIRE
ENVIRONNEMENTALE
Discussion d'une proposition de loi en deuxième lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, de la proposition
de loi (n° 140, 2000-2001), adoptée avec modification par l'Assemblée nationale
en deuxième lecture, tendant à la création d'une Agence française de sécurité
sanitaire environnementale. [Rapport n° 169 (2000-2001).]
J'appelle l'attention du Sénat sur le fait qu'en raison de la tenue de la
conférence des présidents je serai amené à suspendre la séance au plus tard à
douze heures quinze. Si donc nous n'avons pas achevé, à cette heure, l'examen
de cette proposition de loi, nous serons amenés à le reprendre après les
questions d'actualité au Gouvernement, c'est-à-dire vers seize heures quinze,
étant entendu que Mme le ministre et moi-même, qui présiderai la séance cet
après-midi, sommes naturellement prêts à faire face à cette échéance.
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le ministre, à qui, au nom du
Sénat et en mon nom personnel, j'adresse tous mes voeux pour la nouvelle
année.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Monsieur
le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi, tout d'abord,
de vous présenter à mon tour mes voeux pour une année 2001 que je souhaite
féconde et créative.
Le 25 avril dernier, sur l'initiative des députés verts et d'André Aschieri,
l'Assemblée nationale a examiné la proposition de loi portant création de
l'Agence de sécurité sanitaire environnementale et l'a adoptée à l'unanimité.
Il s'agissait, ce faisant, de compléter l'action en profondeur menée depuis
1997 pour améliorer l'organisation de la sécurité sanitaire dans notre pays,
sous l'impulsion, notamment, de votre rapporteur.
Depuis neuf mois, un important travail parlementaire a permis d'améliorer
cette proposition de loi que vous avez examinée en première lecture le 4
octobre dernier et que l'Assemblée nationale a de nouveau étudiée le 12
décembre.
Je ne crois pas qu'il soit utile de détailler de nouveau aujourd'hui les
raisons qui ont conduit le Gouvernement à se prononcer sans ambiguïté en faveur
de cette proposition de loi. L'actualité de ces derniers mois a confirmé
l'attente forte de la population en matière de sécurité sanitaire et, plus
généralement, en matière de risques diffus liés à l'environnement. Le naufrage
du
Ievoli Sun,
la crise de la vache folle et les problèmes liés au
stockage et à l'élimination des farines animales, comme les inquiétudes
relatives aux organismes génétiquement modifiés confirment la nécessité
d'intervenir le plus en amont possible pour évaluer les risques et ainsi mieux
les gérer.
De plus en plus, nos concitoyens non seulement s'émeuvent d'être confrontés à
telle ou telle pollution ou nuisance, mais veulent savoir quelles en sont les
conséquences possibles pour leur santé. Il importe donc de renforcer notre
dispositif de veille environnementale en installant le plus tôt possible
l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale, l'AFSSE.
C'est pourquoi le Gouvernement a souhaité, mesdames, messieurs le sénateurs,
que le travail parlementaire puisse se poursuivre rapidement.
Le Gouvernement a également souhaité doter l'AFSSE dès cette année de 37
millions de francs et créer une quarantaine d'emplois nouveaux. Ce n'est, bien
sûr, qu'un début ; les moyens consacrés à l'agence devront croître rapidement à
l'avenir pour lui permettre de recruter des experts de haut niveau, à
l'autorité reconnue, capables d'assurer un véritable travail d'évaluation et de
synthèse sur les données disponibles et de définir des axes de recherche dans
les domaines de compétence de l'agence.
D'ailleurs, la proposition du Gouvernement, approuvée par le Parlement, de
mettre en place les crédits permettant de créer l'AFSSE avant même la fin du
processus législatif de sa création témoigne de la volonté commune de
l'exécutif et des parlementaires de faire les progrès nécessaires dans les
années qui viennent.
La création de l'AFSSE répond au besoin de développer et de renforcer les
capacités et la cohérence de l'expertise sur l'impact des facteurs
environnementaux sur la santé.
Le premier constat qu'il faut dresser, c'est un constat de carence. Nous ne
disposons pas, en France, des équipes et des laboratoires nécessaires pour
alimenter le travail d'expertise nécessaire.
Le second, c'est celui de la dispersion et du manque de cohérence.
C'est le souci du Gouvernement, suivi par l'Assemblée nationale, de répondre à
ce double constat, dans cet ordre, qui a pu créer quelques différences
d'approche entre la position constante que j'ai défendue et celle de votre
rapporteur.
Ne vous trompez pas de diagnostic : ce que nous devons faire, c'est créer des
moyens qui n'existent pas aujourd'hui, mettre en place un cadre qui accueille
et développe de nouvelles équipes et s'appuie, en les fédérant, sur les efforts
de prise en compte des impacts environnementaux sur la santé dans de multiples
organismes de recherche et d'expertise !
Votre travail, monsieur le rapporteur, a bien montré que deux options étaient
envisageables : développer l'agence à partir d'un « noyau dur » existant pour
lui donner tout de suite une certaine masse critique ou créer d'abord un
organisme jouant le rôle de tête de réseau et doté de moyens humains et
budgétaires significatifs ainsi que du statut lui permettant d'assurer la
cohérence du travail d'évaluation des risques dans ce domaine.
Vous avez fait en première lecture, mesdames, messieurs les sénateurs, le
choix de la première option. Je connais l'argument développé par votre
rapporteur concernant le poids relatif de l'AFSSE, en termes de budget et de
personnels, par rapport aux agences déjà créées ou à l'Institut de
radioprotection et de sûreté nucléaire, l'IRSN, que prévoit le texte voté en
deuxième lecture par l'Assemblée nationale. Mais je suis convaincue qu'il ne
s'agit pas tant de compter les emplois que de voir, au cas par cas, si
l'éventuelle fusion d'organismes fait sens. Il me semble - je l'ai dit à
maintes reprises - compte tenu de l'ampleur et de la nouveauté des questions
qu'aura à traiter la future agence, qu'il n'existe pas actuellement d'organisme
pouvant véritablement en constituer le futur noyau dur.
C'est pourquoi le Gouvernement reste favorable à la seconde option. Je suis en
effet convaincue que le renforcement de nos capacités d'expertise sera à court
terme plus efficacement assuré par une meilleure coordination entre les
organismes existants, par leur renforcement et par la création d'une tête de
réseau que par la création de la nouvelle agence à partir de l'INERIS, et ce au
moins pour trois raisons.
Premièrement, le réseau à constituer est vaste. Il ne se limite pas seulement,
loin s'en faut, à l'INERIS.
Deuxièmement, l'activité principale de l'INERIS n'est pas la sécurité
sanitaire environnementale. Créer l'agence à partir de cet organisme risquerait
de la déséquilibrer, en retardant son investissement sur les sujets devant
constituer son coeur d'activité.
Troisièmement, le constat qui a été fait est un constat de carence. Les
équipes de recherche, les compétences, les moyens financiers consacrés à
l'évaluation des impacts environnementaux sur la santé sont très insuffisants.
Les missions qui sont fixées à l'agence ne sont, pour l'essentiel, remplies par
personne. Dans ces conditions, soit l'organisme intégré à l'AFSSE se
reconvertit à ces activités nouvelles en délaissant ce pourquoi il a été créé,
dont la nécessité demeure, soit il continue comme avant, et la création de
l'AFSSE n'aura rien réglé.
C'est pourquoi je reste défavorable à l'intégration de l'INERIS dans
l'AFSSE.
Je note d'ailleurs, monsieur le rapporteur, que vous reconnaissez, dans votre
rapport écrit, que l'essentiel des missions de l'INERIS est en dehors du champ
de compétence de l'agence tel qu'il était défini dans le texte que vous avez
examiné en première lecture. L'expertise de l'INERIS m'est en effet
indispensable lorsqu'il s'agit, par exemple, d'évaluer les risques liés à
l'explosion d'un véhicule GPL dans un parking. Elle est également indispensable
à Christian Pierret pour préparer en toute sécurité « l'après mines », dans le
Nord ou en Lorraine. Mettre en péril la sécurité des personnes peut, bien sûr,
avoir des conséquences sur leur santé, mais personne ne peut sérieusement
affirmer que ce sont les mêmes experts qui peuvent se prononcer sur les risques
d'explosion d'une usine d'explosifs et sur les risques sanitaires chroniques
liés à la dispersion de produits chimiques.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de votre rapporteur
d'intégrer en totalité l'INERIS dans la future agence en adaptant le champ de
compétence de cette dernière témoigne des difficultés auxquelles il a été
lui-même confronté pour mener cette idée à son terme et continue à poser plus
de problèmes qu'elle n'en résout. Elle peut certes donner bonne conscience en
faisant croire que l'on affecte des moyens importants au problème auquel nous
avons à répondre, celui du renforcement de nos capacités d'expertise en matière
de sécurité sanitaire environnementale. Mais elle risque surtout de masquer
l'insuffisance des moyens affectés à ce sujet et de déstabiliser un organisme
que j'ai cherché, depuis bientôt quatre ans, à sortir de l'ornière dans
laquelle l'avait mis le précédent gouvernement en lui demandant de vivre
uniquement de contrats privés.
Je ne crois pas, en outre, qu'il soit souhaitable ou possible de transformer
rapidement le statut de l'INERIS d'établissement public industriel et
commercial en établissement public administratif, comme vous le proposez,
monsieur le rapporteur. Sans même évoquer les problèmes techniques et
budgétaires que cela poserait, une difficulté majeure que vous reconnaissez
vous-même est liée au statut des personnels. Je ne suis pas sûre que la formule
que vous envisagez d'inscrire permette effectivement de consolider les contrats
de travail des personnels en place, alors que les nouvelles embauches
obéiraient aux règles imposées aux établissements administratifs. On ne trouve
de fait aucun précédent similaire où un EPIC aurait été transformé en
établissement administratif.
C'est pourquoi, monsieur le rapporteur, le Gouvernement n'est pas favorable
aux amendements adoptés par la commission sur ce sujet.
S'agissant enfin de la question de la radioprotection et de la sûreté
nucléaire, vous aviez, mesdames, messieurs les sénateurs, proposé d'intégrer
également l'OPRI - l'Office de protection contre les rayonnments ionisants - à
l'AFSSE en première lecture. Comme je vous l'avais indiqué le 4 octobre
dernier, cette proposition ne pouvait recueillir l'assentiment du Gouvernement
qui avait décidé de fusionner l'OPRI et l'IPSN, l'Institut de protection et de
sûreté nucléaire, dans le cadre d'un établissement public autonome chargé de la
sûreté nucléaire et de la radioprotection. Cette solution, suggérée dans le
rapport que M. Jean-Yves Le Déaut a remis au Premier ministre le 7 juillet
1998, a été retenue après un long travail de concertation au terme duquel il
est apparu qu'une séparation institutionnelle entre sûreté nucléaire et
radioprotection en matière d'expertise et d'évaluation n'avait pas de
justification.
Vous aviez justifié dans votre rapport à l'automne dernier, monsieur le
rapporteur, votre souhait d'intégrer l'OPRI dans la future agence par le fait
que l'inscription de cette proposition de loi ouvrait la possibilité, selon
vous « très opportune », d'assurer au plan législatif la garantie d'une
évaluation plus transparente en matière nucléaire.
Le texte voté en deuxième lecture par l'Assemblée nationale permet de saisir
cette opportunité en créant rapidement l'Institut de radioprotection et de
sûreté nucléaire à partie de l'IPSN et de l'OPRI. Ce regroupement des
compétences d'expertise et de recherche en matière de sûreté nucléaire et de
radioprotection constituera un progrès important dans sa crédibilité et sa
capacité d'action.
Je ne vous cache pas mon étonnement de voir que ce que vous considériez et
présentiez comme une opportunité en octobre vous apparaît maintenant comme un
dévoiement de procédure !
Le Gouvernement a saisi l'opportunité que vous lui offriez. Même si les points
que vous considérez comme « imprécis » dans l'article 4 A sont tous de nature
réglementaire, le Gouvernement n'a jamais caché ses intentions en la matière.
Ne jouez pas à vous faire peur ! La cotutelle de l'industrie est acquise. Il a
ainsi été décidé que la tutelle du futur IRSN sera assurée par les ministères
chargés de la recherche et de l'industrie et, bien sûr, par ceux de la santé de
l'environnement. Ces tutelles seront précisées dans le décret pris en
application de l'article 4 A.
S'agissant de ce que vous appelez le « découpage » de l'OPRI et de l'IPSN, le
Gouvernement a décidé de maintenir en dehors du futur IRSN les activités de
contrôle réglementaire qui sont actuellement exercées par l'IPSN et l'OPRI. Il
agit là en cohérence avec le principe de ne pas confier au même organisme les
fonctions d'exploitation, d'évaluation et de contrôle. Le Gouvernement a
également décidé que l'ensemble des activités que mène actuellement l'IPSN dans
les domaines relatifs à la défense et au contrôle du désarmement chimique
resteront de la compétence du CEA et ne seront donc pas intégrées au futur
IRSN. Le décret pris en application de l'article 4 A permettra également de
traduire ces décisions du Gouvernement.
Voilà les raisons pour lesquelles je vous invite, mesdames, messieurs les
sénateurs, à adopter ce texte tel qu'il a été voté en deuxième lecture par
l'Assemblée nationale, sans retenir les amendements proposés par votre
rapporteur et adoptés par la commission.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Huriet,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui en deuxième
lecture la proposition de loi créant une Agence française de sécurité sanitaire
environnementale.
Il n'est pas inutile de rappeler les principaux points modifiés par notre
assemblée lors de l'examen de ce texte en première lecture, le 4 octobre
dernier.
Tout d'abord, le Sénat a adopté une définition plus précise des missions de la
nouvelle agence.
Au cours du débat, nous avions retenu la définition proposée par notre
collègue François Autain et les membres du groupe socialiste, selon laquelle
l'agence a pour mission de contribuer à assurer la sécurité sanitaire dans le
domaine de l'environnement et d'évaluer les risques sanitaires liés à
l'environnement naturel, professionnel et domestique, qui résultent notamment
de la pollution de l'air, des eaux et des sols par des agents de nature
physique, chimique ou biologique.
Notre objectif a été de donner plus de poids à la nouvelle agence en la dotant
d'un « noyau dur » constitué à partir de deux établissements publics existants
: l'Office de protection contre les rayonnements ionisants, l'OPRI, et
l'Institut national de l'environnement industriel et des risques, l'INERIS, et
le Sénat a adopté un amendement proposé par la commission qui tendait à prévoir
que, parmi les ressources de la nouvelle agence, serait opéré un prélèvement
égal à 2 % du produit de la taxe générale sur les activités polluantes, la
TGAP.
Enfin, ont été adoptés divers amendements de coordination de référence
législative proposés par la commission afin de tenir compte de la publication
par ordonnance d'un nouveau code de la santé publique.
Le 12 décembre dernier, l'Assemblée nationale est très largement revenue à son
dispositif de première lecture concernant l'AFSSE et a inséré un « cavalier
législatif » visant à créer un Institut de radioprotection et de sûreté
nucléaire, l'IRSN. Des propositions du Sénat, elle n'a conservé que les
dispositions rédactionnelles ou de coordination.
S'agissant de la définition des missions de l'agence, bien que le Gouvernement
eût donné un avis favorable sur l'amendement de notre collègue François Autain,
l'Assemblée a adopté un amendement de M. Alain Calmat visant à rétablir la
définition vraiment très « minimaliste » retenue en première lecture. Je me
demande d'ailleurs si l'on peut parler en l'état de définition !
L'Assemblée nationale n'a pas suivi le Sénat qui souhaitait intégrer à la fois
l'INERIS et l'OPRI et est revenue au principe d'une « agence d'objectifs ».
Par ailleurs, elle a modifié les conditions dans lesquelles la nouvelle agence
devrait collaborer avec les organismes existants. Dans un délai d'un an à
compter de la publication de la loi, les établissements publics de l'Etat
définis par décret devront négocier avec l'agence la mise à disposition de
certaines de leurs compétences et de leurs moyens d'action dans le cadre de «
conventions de concours permanent ».
Concernant le prélèvement sur la taxe générale sur les activités polluantes,
l'Assemblée nationale n'a pas retenu la suggestion du Sénat de préaffecter 2 %
du produit de cette taxe à la nouvelle agence.
Le Gouvernement a confirmé qu'il entendait financer la nouvelle agence par des
crédits budgétaires. Il ressort de la loi de finances pour 2001 que la nouvelle
agence disposerait d'une dotation de 31 millions de francs en dépenses
ordinaires et en crédits de paiement.
Il reste que l'argumentation n'a pas dû être totalement convaincante puisque,
en première délibération, l'Assemblée nationale a refusé la suppression de
l'article 2
bis
relatif à la TGAP et ce n'est qu'en seconde délibération
que le Gouvernement a obtenu le vote d'un amendement supprimant cet article.
Enfin, l'Assemblée nationale a adopté une disposition totalement nouvelle par
rapport à l'objet initial du texte. Il s'agit de la fusion de l'OPRI et de
l'IPSN sous la forme d'un nouvel établissement public, qui serait dénommé «
Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire ».
Cette fusion, proposée initialement par un amendement de M. André Aschieri,
adopté par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de
l'Assemblée nationale, a fait l'objet de trois sous-amendements du Gouvernement
afin, notamment, de préserver les droits des personnels de l'OPRI au moment du
passage du statut d'établissement public admistratif à celui d'établissement
public industriel et commercial.
La fusion de l'OPRI et de l'IPSN faisait partie des propositions de réforme
effectuées en juillet 1998 par M. Jean-Yves Le Déaut dans le cadre de sa
mission de réflexion et de propositions sur le système de contrôle et
d'expertise dans les domaines relatifs à la sûreté nucléaire et à la
radioprotection.
La création de l'IRSN permet, en séparant administrativement l'IPSN du
Commissariat à l'énergie atomique, le CEA, d'assurer une séparation de fait
entre exploitant et expert et de rapprocher radioprotection et sûreté
nucléaire, à l'instar de ce qui existe déjà dans de nombreux pays.
L'introduction de l'IRSN dans la proposition de loi amène à reconsidérer la
position que nous avions adoptée en première lecture.
Contrairement aux propos que vous m'avez prêtés, madame la ministre, je ne
crois pas avoir prononcé ou avoir écrit le mot : « dévoiement ». J'avais
considéré que le texte de la proposition de loi constituait une opportunité qui
pouvait être utile au Gouvernement puisque cela faisait près de deux ans qu'il
hésitait, que ce soit de son fait ou de celui du Conseil d'Etat. J'avais
également considéré que la proposition de loi permettait enfin d'apporter une
réponse attendue par de nombreux personnels de l'OPRI.
Les dispositions, telles qu'elles ont été adoptées par l'Assemblée nationale,
ne constituent pas, à mes yeux, un dévoiement. Ce que je déplore, et j'y
reviendrai peut-être dans un instant, ce sont les conditions dans lesquelles le
Gouvernement les a introduites en deuxième lecture. Si elles apparaissent comme
tout à fait logiques et si elles ont leur place dans un tel texte, pourquoi le
Gouvernement n'a-t-il pas attendu la deuxième lecture pour saisir cette
opportunité ?
Dès lors que le Gouvernement tire enfin explicitement les conséquences du
choix proposé par M. Le Déaut de rapprocher radioprotection et sûreté nucléaire
au sein d'un même organisme, on ne peut que constater que cette solution a sa
propre cohérence et qu'elle permet d'assurer une plus grande indépendance par
rapport à l'organisme exploitant, c'est-à-dire le Commissariat à l'énergie
atomique.
Même si l'OPRI n'a plus vocation à faire partie de l'agence, nous devons nous
prononcer à nouveau en faveur d'une agence qui ne soit pas une « coquille vide
», en faveur d'une agence forte, et ce pour quatre saisons.
Tout d'abord, le champ des interactions entre santé et environnement est sans
commune mesure avec celui des produits de santé et des produits alimentaires
destinés à l'homme.
Ensuite, l'opinion publique attend une information objective en matière de
sécurité sanitaire environnementale, comme en témoignent les débats suscités
par le naufrage de l'
Erika
ou du
Ievoli Sun
auxquels vous avez
fait allusion, madame la ministre.
Par ailleurs, certains de nos voisins européens ayant déjà créé des organismes
intégrés, puissants et dotés de moyens significatifs, pourquoi l'agence
française serait-elle moins ambitieuse que l'Institut national de la santé et
de l'environnement hollandais, le RIVM, ou que l'Office fédéral de
l'environnement allemand, l'UBA ?
Enfin, il est nécessaire de conserver une cohérence d'ensemble au dispositif
de sécurité sanitaire proposé dès 1996 par M. Charles Descours et moi-même,
avec l'accord de M. Alain Juppé, alors Premier ministre, qui vise à éviter le
retour à certains errements du passé. Dans ce dispositif, la seule « tête de
réseau » est l'Institut de veille sanitaire, l'IVS, du fait même de sa
vocation, tandis que les deux agences de sécurité sanitaire existantes sont des
« agences de moyens » dotées de moyens d'analyses de contrôle et d'avaluation
significatifs.
Il n'y a pas de comparaison possible entre le projet d'une AFSSE dotée
chichement de 31 millions de francs de crédits et l'Agence française de
sécurité sanitaire des produits de santé, l'AFSSAPS, créée à partir de l'Agence
du médicament et dont le budget atteint 506 millions de francs, ou l'Agence
française de sécurité sanitaire des aliments, l'AFSSA, créée à partir du Centre
national d'études vétérinaires et alimentaires, le CNEVA, et dont le budget est
de 400 millions de francs.
Que pèserait la nouvelle agence face au futur IRSN doté d'un budget de 1,5
milliard de francs et dont l'effectif atteindra 1 270 personnes ?
Voilà pourquoi la commission des affaires sociales propose de créer la
nouvelle agence à partir d'un « noyau dur », c'est-à-dire à partir de
l'établissement public qui rassemble aujourd'hui les moyens les plus importants
concernant les risques liés à l'environnement.
Je proposerai cependant une rédaction modifiée du dispositif afin de garantir
que l'INERIS puisse être intégralement transféré dans le cadre de la nouvelle
agence. Certains personnels de l'INERIS se sont, en effet, inquiétés à l'idée
que le dispositif proposé par le Sénat puisse conduire à un « démantèlement »
de l'établissement public.
Il est exact que les attributions de l'INERIS sont de réaliser des études et
des recherches permettant de prévenir les riques que les activités économiques
font peser, non seulement sur la santé, mais aussi sur la « sécurité des
personnes et des biens » ainsi que sur « l'environnement ».
Selon les responsables de l'INERIS, près de 90 % des activités actuelles se
situeraient en dehors du champ de la nouvelle agence. Ce n'est pas moi qui le
dis, madame la ministre, ce sont les responsables de cet institut. Ces
activités ont, pour la plupart, des liens incontestables avec des risques
sanitaires et les réserves que vous avez évoquées me paraissent très
artificielles.
Dès lors que la sécurité des personnes est menacée, leur santé l'est aussi :
lors de l'explosion d'une usine de produits pyrotechniques, à Enschede, le 13
mai 2000, aucun responsable du RIVM hollandais n'aurait pu imaginer qu'un tel
accident n'était pas du ressort de l'institut. Le risque physique au sens où
nous l'entendons englobe bien les risques accidentels de toute sorte, pouvant
conduire à de graves blessures ou à la mort des victimes.
Il est néanmoins artificiel d'opposer la toxicologie qui relèverait de l'AFSSE
et l'écotoxicologie qui n'en relèverait pas : même si l'on étudie les effets
d'une substance sur la faune et la flore plutôt que sur l'être humain, c'est
bien la santé humaine qui est en jeu, directement ou indirectement.
L'évolution législative récente confirme la convergence des notions de santé
et d'environnement. La loi du 30 décembre 1996 sur l'air et l'utilisation
rationnelle de l'énergie met constamment en résonance les deux concepts. Pour
l'objectif de mise en oeuvre du droit à « respirer un air qui ne nuise pas à la
santé », l'Etat doit assurer, avec le concours des collectivités locales, la
surveillance de la qualité de l'air et de « ses effets sur la santé et
l'environnement ».
Environnement et santé étant en constante interaction, ce serait aller à
contre-courant que de scinder le risque sanitaire qui relèverait de l'AFSSE et
les atteintes à l'environnement qui dépendraient de l'INERIS.
Il y a lieu, en outre, de se demander s'il est acceptable, même dans le cadre
d'un établissement public, industriel et commercial que l'INERIS développe ses
activités d'expertise au profit du Gouvernement en matière d'évaluation des
risques et offre des prestations de conseil aux entreprises.
Dans un rapport particulier, la Cour des comptes émet, sur un plan strictement
financier, des réserves sur les activités commerciales de l'INERIS, en
observant que l'organisme avait donné en tout état de cause une priorité à ses
tâches publiques et que la tarification aux entreprises privées « générait une
opacité nuisible à la bonne marche de l'institut ».
En conséquence, ces prestations de service pourraient être réorganisées autour
du conseil aux entreprises ou de la mise en place de normalisation en matière
d'expertise. Le cas échéant, la création d'une société anonyme permettrait
d'exercer les activités de nature purement commerciale. Les salariés concernés
devraient alors bénéficier d'un « droit d'option » leur permettant de rejoindre
ou non cette structure. M. Philippe Marini, rapporteur général, m'a d'ailleurs
indiqué qu'il partageait cette façon de voir.
Par rapport à la première lecture, plusieurs précisions devraient être
apportées :
L'intitulé de l'agence indiquera clairement qu'elle traitera à la fois de la
sécurité sanitaire de l'environnement et de la prévention des risques
industriels et chimiques.
Le transfert de l'INERIS sera intégral et des garanties nouvelles seront
apportées en matière de préservation des rémunérations, des retraites et des
garanties statutaires du personnel.
La définition des missions de l'agence fera apparaître que celle-ci doit
évaluer les risques sanitaires environnementaux pouvant « directement ou
indirectement » porter atteinte à la santé humaine.
Quant à la création de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire,
l'IRSN, son introduction dans la présente proposition de loi appelle des
objections en ce qui concerne tant la méthode retenue par le Gouvernement que
l'imprécision des modalités de la fusion proposée par l'article 4 A.
Lors de l'examen des crédits relatifs à l'industrie, le 8 décembre dernier, M.
Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, a mentionné le prochain
dépôt d'un projet de loi relatif à l'information en matière nucléaire, à la
sûreté et à la protection contre les rayonnements ionisants.
Dès lors qu'une disposition législative est nécessaire pour mettre en oeuvre
la fusion de l'OPRI et de l'IRSN, elle aurait dû être logiquement intégrée dans
ce projet de loi. Cette disposition est effectivement requise pour que les
agents contractuels employés par l'OPRI puissent bénéficier du maintien de leur
contrat de droit public.
Le Gouvernement a voulu anticiper en définissant les modalités de la fusion
entre l'OPRI et l'IPSN. Il commence par le détail sans avoir défini l'ensemble
!
Je rappelle par ailleurs que l'article 26 du collectif budgétaire pour 2000
visait, à travers une disposition incidente, à faire ratifier par le Parlement
les transferts rendus nécessaires par la création de l'IRSN qui n'a pas encore
eu lieu.
Le Sénat, sur proposition de la commission des finances, avait rejeté cette
disposition le 18 décembre dernier en soulignant le caractère imprécis et flou
du dispositif proposé. Il en est de même pour l'article 4 A.
Cette méthode, le Gouvernement n'hésite pas à l'utiliser de plus en plus
couramment. Il n'a pas hésité, à l'occasion de plusieurs textes en instance
dans le domaine social, à « découper » des projets de loi afin d'accélérer
l'adoption de certaines dispositions, en anticipant sur l'ensemble du texte
!
La méthode choisie par le Gouvernement présente, en outre, un grave
inconvénient : les commissions du Parlement, qui sont compétentes pour examiner
des textes relatifs à l'industrie, en particulier à l'industrie nucléaire, sont
de fait écartées de la procédure parlementaire, dès lors que les amendements
sont déposés en deuxième lecture.
L'article 4 A est un cavalier législatif par rapport au dispositif de l'Agence
de sécurité sanitaire environnementale, comme l'a d'ailleurs déploré Mme Odette
Grzegrzulka à l'Assemblée nationale.
Il faut souligner avec force que l'agence que l'on nous propose de créer
disposerait d'un budget d'à peine 31 millions de francs aux termes des
engagements actuels du Gouvernement, tandis que l'IRSN devrait être doté d'un
budget d'au moins 1,5 milliard de francs pour un effectif d'un millier de
personnes.
Le caractère inattendu de l'amendement relatif à l'IRSN a suscité des débats
souvent très vifs à l'Assemblée nationale, y compris au sein de la majorité
plurielle. Le Gouvernement, qui avait émis des avis défavorables sur des
amendements tendant à préciser les conditions dans lesquelles était opérée la
fusion entre l'OPRI et l'IPSN, n'a pas été suivi à de nombreuses reprises.
En définitive, le Gouvernement a dû se résoudre, en seconde délibération, à
demander la suppression d'une disposition qui précisait les tutelles s'exerçant
sur le nouvel établissement public et à déposer un amendement relatif aux
activités de recherche en sûreté nucléaire, qui relèvent actuellement de la
compétence de l'IPSN.
Le texte qui nous est proposé ne mentionne pas la nature des tutelles qui
s'exerceraient sur le nouvel établissement, leur définition étant renvoyée au
décret d'application. Je vous donne acte à cet égard, madame la ministre, de la
déclaration que vous venez de faire à l'instant : elle clarifie enfin une
question qui était restée en suspens à l'issue du débat à l'Assemblée
nationale, à la grande inquiétude de l'ensemble des députés.
On peut regretter que le Gouvernement, au moment où il demande au Parlement de
ratifier une opération complexe de réorganisation de deux établissements, n'ait
pas eu, jusqu'à ce matin, de vue claire sur les ministères compétents en la
matière. J'espère que nous pourrons en savoir plus sur les résultats des
récentes réunions interministérielles.
Un autre problème délicat est posé par le fait que l'IPSN exerce actuellement
des attributions ayant trait à la recherche en sûreté et portant sur les
réacteurs nucléaires. En vertu du principe de séparation entre exploitant et
expert, on est conduit à se demander si ces réacteurs d'études doivent ou non
être maintenus au sein du CEA.
On relèvera enfin les incertitudes qui pèsent sur le découpage des différents
organismes. Le dispositif adopté indique en effet que l'IRSN exercera seulement
« certaines des missions » aujourd'hui assurées par les deux organismes réunis.
Il semble que l'OPRI devrait être scindé, les activités de radioprotection
rejoignant l'IPSN et les activités de contrôle intégrant la direction générale
de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, la DGSNR, dont la création
est, nous dit-on, envisagée. On ne peut que s'interroger sur les critères qui
seront appliqués pour procéder à une telle réorganisation et sur la structure
qui aura en charge la sécurité sanitaire en matière de rayonnement et d'ondes
électro-magnétiques.
Comme on le voit, le dispositif de l'article 4 A comporte de nombreuses et
graves incertitudes que nos débats devront lever. Telles sont les observations
générales que je devrais vous exposer, mes chers collègues, avant que nous
passions à l'examen des articles de cette proposition de loi.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Autain.
M. François Autain.
Madame la ministre, je voudrais d'abord vous présenter, en mon nom personnel
et au nom du groupe socialiste, mes meilleurs voeux pour cette première année
du siècle.
J'espère que ce sera l'année de la création de l'Agence française de sécurité
sanitaire environnementale et, surtout, une année utile au cours de laquelle
nous continuerons de légiférer sans désemparer, même si c'est par petits bouts,
comme le déplorait tout à l'heure M. le rapporteur.
Il vaut mieux légiférer un peu...
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
... et à bon escient
!
M. François Autain.
... que ne pas légiférer du tout !
M. Claude Huriet,
rapporteur.
Tout à fait !
M. François Autain.
Nous examinons aujourd'hui un texte que l'Assemblée nationale a sensiblement
amélioré en seconde lecture, et je m'en réjouis.
A la lecture du
Journal officiel
, j'ai eu l'impression que cette
seconde lecture a été moins consensuelle que la première. Elle a au moins eu le
mérite d'avoir suscité un débat tonique et intéressant sur notre système de
radioprotection et de sécurité nucléaire.
Ce débat nous l'avions amorcé ici même, sur l'initiative de M. le rapporteur,
en première lecture. Vous l'avez d'ailleurs vous-même reconnu lors de la
discussion à l'Assemblée nationale, madame la ministre. Vous avez en effet
confessé que c'est grâce au Sénat, qui a avancé l'idée d'intégrer l'OPRI à
l'AFSSE, que vous avez décidé de reprendre votre réflexion et de créer un
Institut de radioprotection et de sécurité nucléaire.
C'est en effet ce à quoi tend le nouvel article 4 A. A titre personnel et au
nom du groupe socialiste, je ne peux que me féliciter de cette heureuse
initiative.
Ce dispositif est loin de constituer un cavalier législatif, comme certains
l'ont dit ici...
M. Claude Huriet,
rapporteur.
Et ailleurs !
M. François Autain.
Vous persistez d'ailleurs, monsieur le rapporteur, puisque vous proposez la
suppression de cet article.
L'article 4A, loin d'être un cavalier, disais-je, vient opportunément réparer
une anomalie grave que je n'étais pas le seul à avoir relevée.
En effet, comment pouvions-nous atteindre l'objectif de transparence qui est
le nôtre et être crédibles devant l'opinion - très sensible, vous le savez, à
tous ces problèmes d'environnement - en proposant la création d'une Agence
française de sécurité sanitaire environnementale sans qu'à aucun moment ne soit
seulement évoqué le risque nucléaire dans le texte initial, comme s'il
s'agissait d'un sujet tabou ou trop sérieux pour que le législateur s'en mêle
?
Ne boudons donc pas notre plaisir - je parle bien entendu au nom du groupe
socialiste parce que ce plaisir n'est peut-être pas partagé par l'ensemble de
mes collègues ici présents -, même si ce sujet très important, qui avait fait
l'objet d'un rapport remarquable de notre collègue Jean-Yves Le Déaut, a été
abordé - comment ne pas le regretter ? - de façon subsidiaire en quelque sorte,
et même si toutes les questions ne sont pas encore définitivement réglées.
Elles ne l'étaient pas avant que vous interveniez, madame la ministre, mais
vous avez, dans votre intervention liminaire, levé beaucoup d'incertitudes ;
les éclaircissements que j'attendais, et que vous m'avez apportés, m'ont
pleinement rassuré, ce dont je vous remercie.
Je n'insisterai pas sur la nécessité de mettre en place cette agence ; nous en
avons beaucoup parlé en première lecture et chaque jour qui passe montre qu'il
est urgent de le faire.
J'insisterai en revanche sur le champ d'intervention de cette agence qui,
parce qu'il est vaste et hétérogène, a besoin d'être plus clairement défini. Je
ne comprends pas que, sur ce point, l'Assemblée nationale soit revenue en
arrière. C'est pourquoi, bien entendu, je soutiendrai l'amendement qui consiste
à rétablir la définition à laquelle M. le rapporteur a eu la gentillesse de
rappeler que je n'étais pas étranger.
Il nous est proposé, comme nous l'avons vu, d'exclure la sécurité nucléaire du
périmètre de cette agence. J'approuve, sans réserve - dois-je le répéter ? -
cette proposition, à condition toutefois que des passerelles existent entre
agence et le futur IRSN.
On voudrait exclure du domaine d'intervention de l'agence les risques
industriels et chimiques - c'est un argument souvent employé par la direction
et les personnels de l'INERIS, et vous-même, monsieur le rapporteur, semblez
avoir été influencé par cette thèse -, au motif notamment que ces risques ne
seraient pas toujours liés au risque sanitaire. J'avoue être plus que réservé
sur cette thèse. Je ne connais pas, en effet, d'accidents ou de
dysfonctionnements industriels - tous liés à des activités humaines - qui
n'aient pas directement ou indirectement une incidence sur la santé des hommes
et des femmes.
Ainsi, madame la ministre, vous avez pris l'exemple d'un véhicule GPL
explosant dans un parking. Il est évident que les répercussions ne sont pas les
mêmes en cas de risque humain, c'est-à-dire si des personnes sont à proximité
du véhicule !
A cet égard, nous devons être très clairs et affirmer qu'en aucun cas on ne
peut dissocier le risque sanitaire du risque industriel, risques qui, me
semble-t-il, sont intimement liés.
M. Claude Huriet,
rapporteur.
Tout à fait !
M. François Autain.
Par conséquent, l'argument utilisé pour s'opposer à l'intégration de l'INERIS
à l'agence tombe.
Ce terme d'« intégration » n'est peut-être pas celui qui convient, car on peut
difficilement intégrer un organisme comptant plus de 400 salariés et ayant un
budget de 260 millions de francs à une agence encore virtuelle ! Ne vaudrait-il
pas mieux dire - c'est plus valorisant dans l'hypothèse dans laquelle je me
place, mais qui n'est pas nécessairement celle qui aura ma préférence - que
l'on érige l'INERIS en agence de sécurité sanitaire environnementale ?
Quant à l'objection relative au statut, avancée notamment par le directeur de
l'INERIS, elle ne me semble pas insurmontable. En effet, dès lors que l'on peut
intégrer l'OPRI, établissement public, dans un établissement public industriel
et commercial, comme vous le proposez, madame la ministre, il doit être
possible de réaliser l'inverse sans nuire au fonctionnement et aux intérêts des
salariés de l'INERIS. M. le rapporteur a déposé un amendement dans ce sens.
On pourrait penser que je vais voter pour cet amendement.
(M. le rapporteur
fait un signe d'assentiment.)
Malheureusement, ce ne sera pas le cas, car
une objection beaucoup plus pertinente a finalement emporté ma conviction,
objection qui touche à l'étendue du champ d'intervention de la future
agence.
Madame la ministre, votre objectif, que je partage, est de doter immédiatement
cette agence d'une capacité d'inspection significative. Vous avez en effet
l'intention - vous l'avez indiqué à l'Assemblée nationale et peut-être nous le
répéterez-vous tout à l'heure - de recruter vingt-cinq experts de haut niveau
qui sont actuellement salariés de l'INERIS.
M. Claude Huriet,
rapporteur.
C'est nouveau !
M. François Autain.
Il ne s'agit pas d'un démantèlement de l'agence, mais il me semble que, sans
le vouloir, vous adoptez la logique de notre rapporteur, sans toutefois aller
jusqu'au bout, ce qui ne m'étonne pas puisque vous êtes beaucoup plus modérée
que lui. Sur ce plan, moi qui suis aussi plus modéré que lui, j'aurais tendance
à vous suivre.
Cette parenthèse faite sur la démarche de notre rapporteur, j'en reviens à
l'objection qui a finalement emporté ma conviction.
Le champ d'intervention de l'agence est considérablement étendu et plus varié,
et le nombre d'organismes qui interviennent dans ce domaine est très élevé. Je
ne citerai pour mémoire que les principaux, que j'ai d'ailleurs, pour un
certain nombre d'entre eux, eu l'occasion d'auditionner : l'INERIS, l'INRS, le
CSTB, l'IFREMER - comme je m'adresse à des spécialistes, je me contente des
sigles - le BRGM, le CNRS, l'INSERM et l'OPRI, dont on sait d'ailleurs qu'il
est appelé à disparaître.
En vous citant ces organismes, je suis conscient de ne viser qu'une partie du
domaine qui est celui de la future agence. Ils couvrent les risques chimiques
et industriels, ceux qui sont liés à l'environnement du travail, à l'habitat,
aux milieux marins, aux sols et à la recherche médicale.
Cette complexité contraste singulièrement avec la relative simplicité à
laquelle nous étions confrontés avec l'Agence française de sécurité sanitaire
des aliments. En effet, le CNEVA et une partie de la DGCCRF suffisaient à
couvrir le champ de compétences de l'AFSSA, d'où l'idée féconde, dont tous se
félicitent aujourd'hui et à laquelle je m'étais associé, de notre rapporteur,
qui était déjà à l'époque mon collègue Claude Huriet, de transformer en quelque
sorte le CNEVA en une agence.
Aujourd'hui, si tout le monde se félicite de cette initiative, on voit bien
qu'il n'est pas possible, pour l'agence française de sécurité sanitaire
environnementale, en tout cas pas immédiatement, d'obtenir le même résultat
avec une opération analogue, à savoir l'intégration du seul INERIS à l'AFSSE.
Il faudrait, pour être cohérent, intégrer aussi, à tout le moins, une partie de
l'INRS - ce n'est présentement pas possible pour des raisons que tout le monde
connaît - et une partie du CSTB, de l'IFREMER, mais encore l'IFEN, que j'avais
oublié et qui joue un rôle important dans ce domaine.
Arrêtons-nous là ! Nous voyons bien que nous ne sommes pas dans le même cas de
figure que pour l'AFSSA. Je comprends néanmoins la logique de notre rapporteur,
Claude Huriet, qui abandonne l'OPRI à son sort - je n'a pas dit à son triste
sort ! - mais conserve l'INERIS, et va jusqu'à modifier le nom de l'agence -
sans doute pour répondre à une objection qui, on l'a vu, n'en est pas une - en
proposant une appellation qui est une tautologie, car une « agence française de
sécurité sanitaire de l'environnement et de prévention des risques industriels
et chimiques » a forcément pour mission, entre autres, de prévenir les risques
industriels et chimiques, qui constituent toujours une menace pour la santé de
l'homme.
Je comprends le souci de notre rapporteur d'aller vite. La peur du vide - il
l'a dit - le conduit à donner, au moins sur le papier, un contenu à cette
agence. Mais sommes-nous assurés, compte tenu des réserves que je viens de
formuler, que cette méthode sera plus efficace que celle que vous proposez,
madame la ministre ? La vôtre consiste à reconnaître dans l'INERIS un élément
important qui doit jouer, dans son domaine, le rôle qui lui revient, quitte à
amputer cet organisme d'un certain nombre de ses experts au profit de la
nouvelle agence, comme vous l'avez indiqué en deuxième lecture à l'Assemblée
nationale, et à créer, dans le même temps, des liens solides entre toutes ces
structures qui, pour le moment, travaillent chacune dans leur coin. Il est vrai
que certaines ont naturellement ressenti ce besoin de coordination et ont
commencé à le traduire dans les faits.
Cette coordination, grâce à l'agence, s'institutionnalisera et devra
déboucher, comme le prévoit le texte dans son article 3 - qui a été voté
conforme et sur lequel nous ne reviendrons donc pas - sur des restructurations,
voire des fusions, à tout le moins une rationalisation de l'ensemble de ces
structures nécessaire au bon fonctionnement de l'agence.
Nous sommes tous d'accord sur le fond ainsi, me semble-t-il, que sur les
objectifs à atteindre. Nos seules divergences portent sur les moyens à mettre
en oeuvre pour y parvenir.
Le débat est bien lancé. Nous avons beaucoup progressé par rapport à la
première lecture et je ne doute pas que nous puissions encore avancer - j'en
veux pour preuve les éléments nouveaux que vous nous avez apportés dans votre
intervention, madame la ministre, afin que la commission mixte paritaire
parvienne à un accord. Soyez assurée que le groupe socialiste vous soutiendra
dans la démarche que vous menez pour faire aboutir ce projet, car cette
démarche est aussi la nôtre.
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la mise en
place d'une Agence française de sécurité sanitaire environnementale a été
suivie, lors de l'examen de ce texte en première lecture par notre Haute
Assemblée, avec une attention soutenue par notre groupe.
En effet, la multiplication, ces dernières années, des accidents
environnementaux et une meilleure connaissance de l'interaction entre santé
humaine et environnement imposent que notre pays se dote d'un instrument adapté
en matière de sécurité environnementale.
Nous disposons d'ores et déjà d'un grand nombre d'organismes publics, de
laboratoires de recherche, dont les missions sont précisément d'oeuvrer dans le
champ de la sécurité sanitaire environnementale.
Pour autant, et tel semblait être le souci des initiateurs de la proposition
de loi que nous examinons, la mise en place d'une tête de réseau, en charge de
fédérer le travail des différents laboratoires, pour ce qui relève
exclusivement de leurs investigations en matière de sécurité sanitaire
environnementale apparaît aujourd'hui indispensable.
En son état initial donc, la proposition de loi visait, d'une part, la
création de l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale et,
d'autre part, la mise en place, voire le rattachement de certains laboratoires
existants à l'Agence, à l'issue d'une période transitoire.
La majorité sénatoriale a amendé ce texte en première lecture et a prévu le
transfert à la future agence des moyens de l'Institut national de
l'environnement industriel et des risques et de l'Office de protection contre
les rayonnements ionisants.
Un tel transfert, pour aussi légitime qu'il puisse paraître, nous semblait
précipité et, de loin préférions-nous la création d'une agence d'objectif,
comme vous nous le suggériez alors, madame la ministre.
Aujourd'hui, après son examen par l'Assemblée nationale, le texte se trouve,
de fait, bien bouleversé.
En effet, l'INERIS et l'OPRI ne figurent plus au rang des organismes
susceptibles d'entrer dans la future composition de l'Agence de sécurité
sanitaire, mais un nouvel instrument est créé par la fusion de l'OPRI et de
l'Institut de protection et de sûreté nucléaire, conformément, d'ailleurs, aux
réflexions issues des travaux de notre collègue Jean-Yves Le Déaut.
Nous sommes, pour notre part, attachés, en matière de nucléaire notamment, à
la plus grande transparence et nous partageons l'idée qu'il est nécessaire de
distinguer, pas seulement pour le nucléaire, les fonctions de contrôle,
d'expertise et d'exploitation.
Néanmoins, la méthode choisie, qui fait l'économie d'un réel débat sur ces
questions, ne nous convient pas, comme ne nous convenait pas la proposition -
hâtive selon nous - de notre rapporteur, d'intégrer l'OPRI et l'INERIS à la
future agence.
De nombreux amendements de même nature ont vu le jour à l'Assemblée nationale
pour ne pas amputer le CEA d'une part importante de ses recherches en sûreté
nucléaire. Ces recherches sont menées par l'IPSN, lui-même rattaché au CEA ;
aucun amendement n'a été adopté.
C'est pourquoi notre groupe proposera la suppression de l'article 4 A nouveau
qui est à l'origine de ces dispositions ; au moins en discuterons-nous.
Nous regrettons une nouvelle fois que le débat sur l'énergie nucléaire dans
notre pays ne puisse avoir lieu et il ne nous paraît pas acceptable que de
telles questions soient renvoyées au décret en Conseil d'Etat, au détriment,
une fois encore, des attributions du Parlement.
S'agissant des amendements déposés par M. le rapporteur, nous préférons en
l'état la mise en place d'une agence d'objectif et apprécier, à l'issue d'une
période transitoire de collaborations et de conventions avec les différents
organismes de recherche, quel pourrait être le nouveau périmètre de cette
future agence.
Nous connaissons, en effet, la fragilité et les spécificités des différents
laboratoires. Il va sans dire que des rapprochements trop hâtifs pourraient
mettre en péril un certain nombre d'activités de recherche menées jusqu'ici,
d'autant que la diversité des recherches conduites dépasse la seule question de
la prévention du risque sanitaire environnemental.
Au-delà de la prévention des risques eux-mêmes, nous souhaiterions que le
Gouvernement reste vigilant, comme il l'est sur la question de l'encéphalite
spongiforme bovine, sur les dossiers extrêmement préoccupants que sont
l'amiante, par exemple, ou encore le saturnisme. Mais aussi bien peut-on
évoquer les affections respiratoires liées à la pollution atmosphérique, ou
encore les risques environnementaux au travail.
Le risque sanitaire environnemental est une notion nouvelle et le
développement technologique et scientifique de nos sociétés appelle, à n'en pas
douter, un renforcement des moyens existants dans notre pays mais également sur
le plan européen. C'est pourquoi nous souhaiterions, pour notre part, qu'un
accord se dégage très vite, afin de permettre à l'Agence française de sécurité
sanitaire environnementale d'exercer les missions qui lui seront confiées.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir
de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la
discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du
Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.
J'informe le Sénat que la commission des affaires sociales m'a fait connaître
qu'elle a d'ores et déjà procédé à la désignation des candidats qu'elle
présentera si le Gouvernement demande la réunion d'une commission mixte
paritaire en vue de proposer un texte sur les dispositions restant en
discussion de la proposition de loi actuellement en cours d'examen.
Ces candidatures ont été affichées pour permettre le respect du délai
réglementaire.
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