SEANCE DU 21 DECEMBRE 2000
LOI DE FINANCES RECTIFICATIVES POUR 2000
Suite de la discussion et adoption
d'un projet de loi en nouvelle lecture
M. le président.
Nous reprenons la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de
finances rectificative pour 2000, adopté avec modifications par l'Assemblée
nationale en nouvelle lecture.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme le secrétaire
d'Etat.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat au budget.
Monsieur le président, monsieur le
rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous touchons donc au terme de
l'examen des textes budgétaires pour cette année. La commission mixte paritaire
n'ayant pu parvenir à un accord sur ce collectif budgétaire d'automne, le Sénat
doit examiner ce soir, en nouvelle lecture, le texte voté par l'Assemblée
nationale ce matin.
J'ai bien entendu les reproches relatifs à l'ordre du jour, mais je pense que
vous reconnaîtrez, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Gouvernement doit
lui aussi faire face à de lourdes contraintes.
Sur le fond, l'Assemblée nationale a rétabli en majeure partie, ce matin, le
texte qu'elle avait voté en première lecture, et c'est fort logiquement que la
commission des finances du Sénat propose de revenir à sa propre rédaction.
Je ne vous surprendrai pas en vous disant que, pas plus qu'en première
lecture, le Gouvernement n'a été convaincu par celle-ci, même s'il en comprend
l'esprit, pour ne pas dire la philosophie, terme que je ne me risquerai plus à
employer depuis qu'un échange m'a opposée au président Lambert sur ce point de
vocabulaire.
Pour ma part, à ce stade de la discussion, je ne reprendrai évidemment pas
dans le détail les mesures contenues dans ce projet de collectif, mais
j'essaierai, en quelques points très rapides, d'en restituer l'esprit et le
contexte.
Ce texte s'inscrit dans la continuité de la politique de croissance menée
depuis juin 1997, politique tout entière tournée vers l'emploi. Lorsque le
projet de budget pour 2000 vous a été présenté, à l'automne 1999, il était
fondé sur une hypothèse de croissance de 2,8 % : je pense que celle-ci sera
égale, voire légèrement supérieure à 3,2 % pour cette année 2000. Lors de la
présentation du projet de budget, le Gouvernement prévoyait en outre que le
déficit des administrations publiques serait de 1,8 % : nous pensons pouvoir le
ramener, à la fin de cette année, à 1,4 %, et cela après avoir, malgré tout,
consenti 50 milliards de francs de baisses d'impôts supplémentaires, au-delà
des 40 milliards de francs que comportait déjà à ce titre le projet de loi de
finances initiale pour l'année 2000 ; au total, pour 2000, les baisses d'impôts
atteindront donc presque 100 milliards de francs.
M. Marini, que j'ai le regret de ne pas voir au banc de la commission ce soir
pour profiter de cette nouvelle « vraie » lecture, a critiqué le manque de
transparence du Gouvernement. Si ce reproche était justifié, ce serait fort
ennuyeux, mais ce qui est grave, c'est que, à force de regarder les choses
toujours avec les mêmes lunettes, on finit par ne plus voir la réalité telle
qu'elle est : or, la réalité, c'est que les recettes fiscales supplémentaires
ont été explicitées au Parlement au fil des mois. Ainsi, 35 milliards de francs
étaient annoncés au titre du collectif budgétaire de printemps, et 40 milliards
de francs l'ont été cet automne. Au total, ce sont donc 75 milliards de francs
qui étaient inscrits dans des textes soumis au Parlement.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Pauvres contribuables !
Mme Florence Parly,
secétaire d'Etat.
La réalité, c'est que la plus-value des recettes non
fiscales en 2001, que vous feignez de découvrir, figure de manière explicite
dans l'exposé des motifs et dans l'état A du projet de loi de finances pour
2001. N'est-ce pas là de la transparence ? En tout cas, l'attitude de la
majorité sénatoriale ne reflète pas une parfaite bonne foi...
En ce qui concerne maintenant nos objectifs, la réalité, c'est que nous les
tenons. Les chiffres relatifs à l'évolution des dépenses publiques en 1998 et
en 1999 qui ont été cités sont ceux de la Cour des comptes. Comme nous avons eu
l'occasion de nous en expliquer au printemps, ils ne sont pas fondés sur le
même périmètre, et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avons jugé
utile de présenter, dans le projet de loi de finances pour 2001, un document
intitulé « charte de budgétisation », qui expose les conventions que nous
retenons
ab initio
et, ensuite,
a posteriori
. En tout cas, ce
document permettra de vérifier si,
a posteriori,
les règles que nous
avions définies
ab initio
ont bien été effectivement respectées.
S'agissant de l'objectif de l'Etat en matière d'évolution effective des
dépenses, je rappellerai qu'il était de 0 % en 1998, de 1 % en 1999 et de 0 %
en 2000 : cela fait donc 1 % sur trois ans, et c'est non seulement l'objectif
que nous avons atteint, mais c'est aussi celui que nous avons l'intention
d'atteindre à l'avenir. En effet, ce pourcentage a été retenu dans notre
programmation à moyen terme pour les années 2002-2004.
Quant au déficit, j'hésite à revenir sur ce sujet que la commission des
finances évoque depuis le début de nos travaux avec, disons, un brin de malice,
car je ne voudrais pas lasser la Haute Assemblée en donnant le sentiment de
répondre à chaque fois, sur le fond, un peu les mêmes choses.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Prenez votre temps !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Comme vous le savez, le déficit prévu par le collectif
n'est pas le déficit d'exécution. Le collectif budgétaire n'est qu'une étape,
et il faut donc comparer ce qui est comparable : ne comparons pas le déficit
figurant dans le collectif de l'automne 2000 avec l'exécution de 1999 ! M.
Laurent Fabius et moi-même avons été, je crois, assez clairs sur ce point :
tant au printemps qu'à l'automne, nous avons indiqué que, en termes
d'exécution, nous pensions pouvoir atteindre un objectif inférieur à 200
milliards de francs, et j'espère que nous pourrons réaliser ce que nous avons
annoncé.
En ce qui concerne le Conseil constitutionnel, il a été affirmé qu'il n'y
avait rien à dire, que c'était le droit. Pour ma part, je n'ai, en effet, pas
l'intention de me prêter à un quelconque commentaire de la décision du Conseil
constitutionnel. La seule chose que je puisse dire, comme je l'ai d'ailleurs
déjà fait hier après-midi à l'Assemblée nationale à l'occasion de l'adoption
définitive du projet de loi de finances, c'est que le Gouvernement en prenait
acte.
M. Jean Delaneau.
Il était temps !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Il ne peut pas faire autrement
!
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
J'ajoute que j'en déplore les conséquences,...
M. Roland du Luart.
C'était prévisible !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
... mais je ferai immédiatement observer que le
Gouvernement demeure fermement attaché aux objectifs économiques et sociaux qui
sous-tendaient cette mesure.
MM. Jean Arthuis, Jean Chérioux et Jacques Machet.
Nous aussi !
M. Jean Delaneau.
Il fallait nous écouter !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le président de la commission des finances,
puisque vous êtes, comme moi, soucieux de transparence, vous pourriez préciser
que l'invitation que vous adressez ce soir au Gouvernement, par le biais d'un
amendement, est formulée lors de la nouvelle lecture au Sénat, après la réunion
de la commission mixte paritaire.
Il s'agit donc d'introduire une disposition entièrement nouvelle dans ce texte
: vous pourriez, et même vous devriez dire que cela n'est pas conforme à notre
Constitution et à une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, dont
vous êtes ce soir les zélés exégètes.
M. Jean Chérioux.
C'est notre devoir !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
M. le président de la commission des finances nous a
dit en substance : « adoptez le dispositif du Sénat,...
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Nous essayons de vous aider !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
... ne craignez rien, ayez confiance », et même : «
Soyez responsables » !
Monsieur le président de la commission des finances, être responsable, c'est «
répondre de », et pour répondre il faut d'abord avoir écouté.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Nous avons tous des progrès à
faire dans ce domaine !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Or, avant d'agir, le Gouvernement écoute les
Français,...
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Mais il n'écoute pas le
Parlement !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
... et je ne partage pas votre point de vue selon
lequel les Français seraient désespérés.
M. Jean Delaneau.
C'est M. Fabius qui le dit !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Je tiens d'ailleurs à votre disposition quelques
courbes montrant que l'indice de confiance des ménages a augmenté de vingt
points depuis 1997. Certes, cet indice ne reflète nullement la détresse des
Français les moins favorisés, mais je crois que, tout au long de cette
discussion, le Gouvernement s'est tenu à votre écoute, et à chaque fois que, en
conscience, il m'est apparu que vos propositions rejoignaient nos objectifs, je
l'ai dit, au nom du Gouvernement, et je crois avoir agi en conséquence.
Monsieur le président de la commission des finances, le rôle de l'opposition
est de critiquer d'abord, bien sûr, de proposer ensuite - vous le faites - de
stimuler enfin le Gouvernement et sa majorité et de les inciter à confronter
leurs choix à la contradiction. Cette fonction éminente est essentielle dans
une démocratie et participe de l'idéal républicain que nous partageons.
Cependant, ce rôle important que vous jouez ne peut pas devenir un jeu, et
encore moins un jeu de dupe. Je sais que votre esprit de responsabilité vous
conduit toujours à ne jamais penser les actions du Gouvernement en noir et les
voeux de l'opposition en blanc.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Certes !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Je suis donc persuadée que, comme moi, vous êtes
parfaitement conscient du fait que la proposition de la commission des finances
ne peut pas figurer dans ce texte, sous peine d'être censurée par le juge
constitutionnel.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Sinon, vous l'accepteriez ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
M. Cazalet a invité le Gouvernement à se mettre au
travail sans tarder pour proposer une alternative à la ristourne dégressive de
CSG après la décision du Conseil constitutionnel.
Personnellement, je réponds favorablement à cette invitation, mais je
comprends mal pourquoi, dans le même temps, M. Cazalet se dispose à voter
aussitôt les amendements de M. Marini ou de M. Arthuis...
M. Jean Delaneau.
Pour vous donner des idées !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
... à moins que M. Cazalet ne sache pas lui non plus
qu'il ne peut y avoir de disposition relative à la CSG dans ce collectif.
Revenons-en, précisément, à ce collectif. Il maintient l'objectif de
stabilisation des dépenses en volume, puisque les 22 milliards de francs de
crédits nouveaux qui vous sont proposés sont intégralement gagés par des
économies de même montant,[...] dont une partie provient des intérêts de la
dette, car notre but est bien d'améliorer les conditions générales de
financement de l'économie. C'est pour cela que nous proposons au Parlement
d'approuver, dès ce collectif, la création d'une agence de la dette, annoncée
voilà peu par M. Laurent Fabius, et la création d'un compte de commerce,
nécessaire à une gestion encore plus active de cette agence et à son
fonctionnement.
Votre commission propose à nouveau de supprimer ce dispositif. Je regrette,
pour ma part, tant d'obstination.
En 2000, disais-je, nous respecterons notre objectif de stabilisation des
dépenses de l'Etat en volume. Pour ce qui concerne le résultat de l'exécution,
je vous donne rendez-vous lorsque les résultats définitifs en seront connus,
c'est-à-dire fin janvier.
Pour conclure, permettez-moi de revenir sur quelques sujets qui ont été
abordés dans les deux assemblées.
Tout d'abord, je ne voudrais pas que nos débats tardifs nous amènent à oublier
que, sur certains points, le Gouvernement et l'ensemble de la Haute Assemblée
ont avancé de concert.
Je pense, tout d'abord, au dispositif d'incitation fiscale pour l'achat de
véhicules propres, ou encore à l'amélioration du système de réduction d'impôt
pour les hébergements en long séjour. Sur ce point, je regrette tout de même
qu'après l'avancée proposée par le Parlement et acceptée par le Gouvernement la
Haute Assemblée ait souhaité maintenir sa position initiale sans prendre en
compte le fait que le Gouvernement allait lui soumettre dans quelques semaines
un texte plus complet traitant de ce sujet - grave, en effet - sous tous ses
aspects.
Cela m'amène à présenter une remarque sur la forme. Je sais que, par moments,
vous estimez que le Gouvernement n'écoute pas assez le Sénat. En l'espèce, je
me demande si la réciproque n'est pas vraie !
(Sourires.)
Enfin, je traiterai brièvement de la taxe sur les consommations d'énergie sur
les entreprises. Après de longues heures de débat et de travail au sein de
l'Assemblée nationale, le Gouvernement et la majorité sont parvenus, me
semble-t-il, à un dispositif que je qualifierai d'équilibré. Il me paraît
essentiel d'avancer sur le principe d'une fiscalité écologique, et certains
d'entre vous, je crois, partagent ce point de vue.
L'innovation n'est jamais chose aisée, peut-être encore moins en matière
fiscale.
Nous l'avons, je crois, vérifié de manière très concrète, sur ce sujet en tout
cas.
Pourtant, au-delà de la technique, forcément perfectible, le Gouvernement
souhaite s'inscrire avec vous dans la durée. Sur la base du travail qui a été
accompli dans cet hémicycle, nous continuerons d'avancer sur un sujet dont nos
concitoyens ne nous pardonneraient pas de sous-estimer l'importance. Ainsi, en
rejetant purement et simplement ce dispositif, votre commission des finances ne
souhaite pas, à ce stade tout au moins, s'inscrire dans ce processus.
M. Roland du Luart.
Le Conseil constitutionnel s'en chargera !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Là encore, je le regrette, même si j'éprouve le plus
grand respect pour le bicamérisme parlementaire.
(Applaudissements sur les
travées du groupe communiste républicain et citoyen).
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir
de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la
discussion des articles et des crédits budgétaires est limitée à ceux pour
lesquels les deux chambres du Parlement n'ont pas encore adopté un texte ou un
chiffre identique.
PREMIÈRE PARTIE