SEANCE DU 19 DECEMBRE 2000
M. le président.
La parole est à M. Rouvière, auteur de la question n° 863, adressée à Mme le
garde des sceaux, ministre de la justice.
M. André Rouvière.
Je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur la circulation, hélas
fréquente, du moins dans ma région, les Cévennes, de « voitures-épaves ».
Récemment, la gendarmerie de ma commune a arrêté une voiture que j'appellerai
« fantôme ». En effet, elle avait été officiellement détruite, mais elle
servait encore à un chauffeur sans permis, sans assurance et, évidemment, sans
carte grise.
Madame le secrétaire d'Etat, cette pratique, non exceptionnelle, me conduit à
soulever trois types de problèmes et à vous poser deux questions.
Premièrement, l'absence d'indemnisation en cas d'accident, particulièrement
lorsque la responsabilité de la voiture-épave est engagée, engendre des
situations dramatiques qui frappent les conducteurs sérieux, c'est-à-dire les
personnes respectueuses de la réglementation.
Deuxièmement, la sanction financière est utopique, car ces chauffeurs sont
notoirement insolvables. Ils n'acquittent jamais les amendes, ce qui les
encourage à récidiver avec une autre épave.
Troisièmement, une inégalité se développe entre la plupart des conducteurs et
cette catégorie qui, au titre de sa marginalité, se place au-dessus des
lois.
Il en résulte un profond sentiment d'injustice et d'impuissance.
En conclusion, je poserai deux questions.
En premier lieu, ces voitures-épaves qui, je le rappelle, ont été
officiellement détruites, ne pourraient-elles pas, dès que leur conducteur est
arrêté par la gendarmerie ou par la police, être immédiatement détruites sans
qu'il soit nécessaire de solliciter une autorisation de l'autorité judiciaire ?
En effet, pendant la durée des démarches - cela peut paraître invraissemblable,
mais c'est la réalité - ces chauffeurs d'épaves viennent souvent récupérer des
pièces détachées voire l'épave elle-même.
En second lieu, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour
éradiquer ces comportements dangereux et scandaleux ?
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.
Je vous prie de bien
vouloir excuser Mme Marylise Lebranchu, qui est retenue en comité technique
paritaire et qui m'a demandé de bien vouloir la remplacer ce matin. Je vais
donc vous donner connaissance de la réponse que ses services ont préparée à
votre intention, monsieur le sénateur.
Les dispositions du code de la route relatives au contrôle administratif des
véhicules semblent répondre aux interrogations que vous formulez, monsieur le
sénateur.
En effet, l'article R. 278 du code de la route autorise un service de police
ou de gendarmerie à immobiliser un véhicule, notamment lorsque son mauvais état
crée un danger important pour les autres usagers de la route.
En application de l'article R. 285-2 du code de la route, la mise en fourrière
de ce véhicule peut-être prescrite par un officier de police judiciaire.
L'administration peut demander à un expert de se prononcer sur la capacité du
véhicule à circuler dans des conditions normales de sécurité, aux termes de
l'alinéa 2 de l'article R. 290-1 du code de la route.
Si l'expert désigné par l'administration estime la valeur marchande du
véhicule inférieure à un montant fixé par arrêté interministériel et déclare
que le véhicule est hors d'état de circuler dans des conditions normales de
sécurité, ce véhicule sera livré à la destruction, conformément à l'article L.
25-3 du code de la route.
En conséquence, toutes ces dispositions permettent de mettre hors circulation
un véhicule à l'état d'épave.
En fait, la difficulté rencontrée par le service de gendarmerie en charge de
l'affaire à laquelle vous avez fait allusion, monsieur le sénateur, pourrait
provenir de l'absence d'une fourrière sur le ressort de la brigade territoriale
de gendarmerie compétente. Nous savons que des déficits existent sur l'ensemble
du territoire empêchant l'application correcte de la réglementation.
J'ajoute que le conducteur d'un véhicule à l'état d'épave mais circulant sur
une voie ouverte à la circulation publique peut, selon les circonstances,
commettre de nombreuses infractions non seulement au code de la route, mais
également au code pénal, s'agissant notamment des risques causés à autrui,
délit visé à l'article 223-1 du code pénal.
Il peut donc, à ce titre, être poursuivi devant les tribunaux répressifs. En
conclusion, il me semble que l'on ne doit se priver d'aucune des procédures
existantes pour éviter des circulations dangereuses et sanctionner les
conducteurs qui manifesteraient de tels comportements.
M. André Rouvière.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Rouvière.
M. André Rouvière.
Madame le secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse.
J'avoue que le problème sur le terrain est parfois très complexe. Dans les
Cévennes, les fourrières sont peu nombreuses. Le véhicule est donc souvent
immobilisé au bord de la route, raison pour laquelle le chauffeur ou, plutôt,
le chauffard peut venir récupérer des pièces et parfois l'épave. On ne peut
mettre un gendarme pour garder jour et nuit le véhicule concerné. Je souligne
que, dans la plupart des cas, les amendes ne sont pas payées.
Lorsqu'il n'y a pas eu d'accident, souvent l'interpellé n'est pas présenté
devant la justice. Il semble se situer au-dessus des lois, ce qui crée un
véritable malaise dans des petites communes où chacun sait ce qui se passe. La
législation actuelle ne permet pas, me semble-t-il, de résoudre ce problème. Il
y a donc là une véritable interrogation. En effet, de tels comportements ne
sont pas exceptionnels, ils ont tendance à se généraliser dans certains
secteurs, notamment dans le mien, ce qui devient véritablement préoccupant.
Aussi, je me permet d'insister pour que ce problème soit réexaminé à la lumière
des réalités du terrain, madame le secrétaire d'Etat.
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