SEANCE DU 11 DECEMBRE 2000
M. le président.
« Art. 48. - Il est inséré, dans le code général des impôts, un article 1464 G
ainsi rédigé :
«
Art. 1464 G
. - Dans les ports maritimes où le maintien du transit
portuaire impose la modernisation et la rationalisation des opérations de
manutention, les collectivités territoriales et les établissements publics de
coopération intercommunale dotés d'une fiscalité propre peuvent, par une
délibération de portée générale prise dans les conditions prévues au premier
alinéa du I de l'article 1639 A
bis,
exonérer de la taxe professionnelle
due au titre des années 2001 à 2006 la valeur locative des outillages,
équipements et installations spécifiques de manutention portuaire exploités au
31 décembre 2000, ainsi que de ceux acquis ou créés en remplacement de ces
équipements, et rattachés à un établissement d'une entreprise de manutention
portuaire situé dans le ressort d'un port exonéré de taxe professionnelle en
application du 2° de l'article 1449.
« La liste des ports concernés ainsi que les caractéristiques des outillages,
équipements et installations spécifiques visés ci-dessus sont fixées par arrêté
du ministre chargé du budget et du ministre chargé des ports.
« Les entreprises qui entendent bénéficier de ces dispositions doivent
déclarer, chaque année, au service des impôts, les éléments entrant dans le
champ d'application de l'exonération.
« Pour l'année 2001, les délibérations des collectivités territoriales ou des
établissements publics de coopération intercommunale doivent intervenir au plus
tard au 31 janvier 2001 et les entreprises doivent déclarer, au plus tard le 15
février 2001, pour chacun de leurs établissements, les éléments entrant dans le
champ de l'exonération. »
Par amendement n° II-86, MM. Gélard, Althapé, Bizet, Cazalet, César, Dejoie,
Gérard, Francis Giraud, Le Grand, Lemaire, Legendre et Valade proposent :
I. - Dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 48 pour l'article
1467 G du code général des impôts, de remplacer les mots : « les collectivités
territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale dotés
d'une fiscalité propre peuvent, par une délibération de portée générale prise
dans les conditions prévues au premier alinéa du I de l'article 1639 A
bis,
exonérer » par les mots : « est exonérée ».
II. - De compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
« ... - Le prélèvement sur les recettes de l'Etat au titre de la compensation
d'exonérations relatives à la fiscalité locale est majoré de la somme
nécessaire à la compensation des pertes de ressources résultant pour les
collectivités territoriales et les établissements publics de coopération
intercommunale à fiscalité propre des dispositions du paragraphe précédant.
« La compensation versée à chaque collectivité territoriale ou établissement
public de coopération intercommunale à fiscalité propre au titre de chacune des
années 2001 à 2006 est égale au produit de la valeur locative nette exonérée
par le taux de la taxe professionnelle voté par la collectivité ou la structure
intercommunale l'année précédant celle de l'imposition.
« ... - La perte de recette résultant pour l'Etat des dispositions du
paragraphe précédent est compensée à due concurrence par la création d'une taxe
additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
L'article 48 est un très bon article : il est en harmonie avec ce qui se passe
dans la Communauté européenne et en particulier dans les ports belges et
hollandais, qui ne payent pas de taxes pour les équipements portuaires.
Mais c'est un cadeau empoisonné, madame la secrétaire d'Etat.
Cet article dispose que les communes peuvent exonérer de la taxe
professionnelle due au titre des années 2001 à 2006 les entreprises qui ont des
équipements portuaires. Or, pour la ville du Havre, dont je suis l'élu, cela
représente 400 millions de francs en moins !
On compte vingt-trois ports au niveau national. Il s'agit donc de sommes
particulièrement importantes. Les collectivités locales ne peuvent pas se
permette d'en faire cadeau à des entreprises, à moins de taxer d'autres
contribuables, notamment les familles.
Les ports français sont dans une situation de déséquilibre par rapport aux
ports hollandais ou belges, qui bénéficient d'aides nombreuses, camouflées mais
parfaitement acceptables du point de vue de la Communauté européenne.
Il faut donc mettre les dispositions les concernant en harmonie avec celles de
la concurrence et ne pas adopter cette formulation pleine de bonnes intentions,
mais qui rappelle un peu l'enfer, qui, lui aussi, est pavé de bonnes intentions
: exonérez les ports si vous voulez, nous, on s'en lave les mains !
Une disposition du code général des collectivités territoriales prévoit que
tout transfert de charges doit être compensé. C'est tout simplement ce que nous
demandons en rendant obligatoire l'exonération de taxe professionnelle pour les
équipements portuaires pendant une période de cinq ans. En contrepartie, l'Etat
compensera cette somme pour les collectivités locales concernées.
Il s'agit d'une mesure de pure justice ! A défaut, les collectivités locales
ne pourront pas exonérer les établissements portuaires du paiement de cette
taxe, sauf à pénaliser d'autres catégories de contribuables.
Il est un autre élément non négligeable : en exonérant pendant cinq ans les
établissements portuaires du paiement de cette taxe, nous les rendons enfin
aptes à faire face à la concurrence, pas toujours loyale, de nos compétiteurs
hollandais et belges.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission est convaincue par les arguments qui
viennent d'être exposés par notre collègue Patrice Gélard.
Son amendement tend à transformer une exonération facultative en une
exonération de plein droit, donc compensée par l'Etat. Si l'on ne procédait pas
ainsi, la mesure prévue à l'article 48 risquerait d'être privée d'effet et de
demeurer virtuelle, en tout cas dans un grand nombre de sites parmi ceux dont
la liste nous a été donnée.
La commission souhaite donc l'adoption de cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement n'est pas favorable à cet
amendement.
Tout d'abord, je souhaite rappeler que les équipements qui viendraient à être
transférés, à l'avenir, aux opérateurs privés de manutention portuaire
continueront d'être exonérés, ce qui ne pénalisera pas financièrement les
collectivités locales. En effet, ces équipements, aujourd'hui détenus et
exploités par les ports, sont totalement exonérés de la taxe professionnelle en
application du 2e de l'article 1449 du code général des impôts.
En ce qui concerne les autres équipements, l'effet financier de l'exonération
sur les budgets locaux devrait être faible eu égard aux retombées économiques
attendues d'une telle mesure tendant à la réduction du coût du passage
portuaire.
L'objectif qui est prioritaire pour notre pays est la redynamisation de nos
ports face à la vive concurrence internationale, et notamment l'accroissement
du trafic des porte-conteneurs, ce qui aurait un effet stimulant sur le
développement économique des villes portuaires.
Or il nous apparaît important d'associer les collectivités locales aux mesures
d'accompagnement des acteurs de la filière portuaire. Votre proposition,
monsieur Gélard, ne peut que les conduire à se désengager de cet effort et, de
fait, à faire assumer par l'Etat une part croissante des mesures d'incitation,
ce qui n'est pas du tout notre façon de voir.
La mesure suggérée aurait donc surtout pour effet d'augmenter le niveau des
concours de l'Etat aux collectivités locales, ce qui n'est pas souhaitable.
Dans ces conditions, je souhaite le retrait de cet amendement.
M. le président.
Monsieur Gélard, l'amendement est-il maintenu ?
M. Patrice Gélard.
Je ne retirerai pas l'amendement, parce que la réponse que vous nous avez
faite, madame le secrétaire d'Etat, ne tient pas compte des réalités
locales.
Tout d'abord, il ne faut pas oublier que les ports sont, pour la plupart, dans
une situation difficile : à l'heure actuelle, le taux de chômage y est plus
élevé que partout ailleurs. Je pense en particulier aux ports de Normandie, où
les problèmes économiques considérables ne nous permettent pas d'utiliser comme
nous le souhaiterions les possibilités fiscales que vous nous offrez.
Ensuite, vous avez dit, madame le secrétaire d'Etat, que les établissements
publics étaient exonérés de la taxe professionnelle. Je suis obligé de rappeler
que, pour l'enlèvement des containers, il n'y a que des équipements privés. On
ne peut pas exonérer les équipements publics puisqu'il n'y en a pas ! Tout le
matériel utilisable pour enlever les containers appartient à des entreprises
privées et ne fait pas partie des équipements portuaires !
Pour une ville comme Le Havre, encore une fois, cela représente 400 millions
de francs ! Autant dire qu'il ne sera pas possible de mettre en place cette
mesure. C'est, en réalité, un cadeau empoisonné que nous fait l'Etat s'il
n'assume pas sa part du financement.
M. François Trucy.
Très bien !
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-86.
M. Yves Fréville.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville.
Je voterai l'amendement de M. Gélard, car il est de bon sens. Non seulement
nos ports sont dans la situation qu'a très bien décrite M. Gélard, mais en
outre ils sont en concurrence. Il suffira qu'il y ait une ville portuaire qui
adopte l'exonération parce que ses ressources le lui permettent, et toutes les
autres, sans doute dans des situations financières tout à fait différentes,
seront obligées de suivre.
Je regrette très vivement que le Gouvernement n'ait fait aucune offre pour que
l'Etat prenne à sa charge au moins en partie le coût de cette mesure.
De plus, je considère que cet amendement est un bloc et que le paragraphe I
est inséparable du paragraphe II, c'est-à-dire que l'exonération est
obligatoire, mais qu'elle a naturellement comme contrepartie une majoration du
prélèvement sur les recettes de l'Etat.
Je ne voudrais pas qu'à l'occasion de la navette l'Assemblée nationale
retienne le paragraphe I et oublie le paragraphe II !
(Sourires.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-86, accepté par la commission et repoussé
par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 48, ainsi modifié.
(L'article 48 est adopté.)
Article additionnel après l'article 48