SEANCE DU 11 DECEMBRE 2000
M. le président.
« Art. 30. - Le montant des crédits ouverts aux ministres, pour 2001, au titre
des services votés du budget général, est fixé à la somme de 1 969 463 851 717
F. »
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Monsieur le président, madame la secrétaire
d'Etat, mes chers collègues, dans le cadre de la rénovation du débat budgétaire
que nous avons engagée, j'ai souhaité que le Sénat s'arrête quelques instants
sur les services votés.
En effet, lorsque nous débattons chaque jour, chaque nuit, des fascicules
budgétaires et des crédits des ministères, nous perdons parfois de vue - nous,
sénateurs, mais aussi les ministres - que nous ne parlons que d'une infime
partie des dépenses de l'Etat.
Mes chers collègues, depuis douze jours, nous n'avons statué que sur 122
milliards de francs de dépenses, qui sont appelées des mesures nouvelles, et
nous nous apprêtons, dans quelques instants, et en quelques minutes seulement,
à voter sur 1969 milliards de francs, autant dire 2 000 milliards de francs.
On mesure bien la différence : 122 milliards de francs en douze jours, soit
une dizaine de milliards de francs par jour, et 2 000 milliards de francs en un
instant. Si nous consacrions proportionnellement autant de temps à ces 2 000
milliards de francs qu'aux 122 milliards de francs, il nous faudrait deux cents
jours.
Mais c'est bien là, madame la ministre, le temps que vous-même et vos services
y consacrez, et c'est bien là aussi le temps que le Parlement, au travers de
son contrôle, de son évaluation, essaye de consacrer à cette masse importante
des services votés. Mon propos n'a donc rien de caricatural.
Voilà, en tout cas, mes chers collègues, de quoi relativiser les drames dont
nous avons été les témoins à l'occasion des discussions sur les fascicules
budgétaires et sur les mesures nouvelles qu'ils comportaient !
Qu'est-ce que les services votés ? Tous ceux qui siègent ici le savent
parfaitement. Il convient toutefois de le rappeler.
Les services votés, ce sont les crédits qui sont réputés incompressibles, ceux
qui sont considérés par le Gouvernement comme indispensables au bon
fonctionnement de l'Etat. Or, de cette énorme masse de crédits, d'environ 2 000
milliards de francs, nous ne parlions habituellement même pas. Nous votions
l'article qui les retrace sans discussion, sans débat.
Pourtant, il est bien évident que toute démarche volontaire de gestion des
dépenses publiques, et donc de recherche d'économies pour obtenir des marges de
manoeuvre nécessaires, passe par une remise en cause des services votés.
C'est d'ailleurs ce que tente de faire le Gouvernement depuis de nombreuses
années, selon une méthode qu'il intitule : « Révision des services votés », et
par laquelle il procède chaque année à environ une trentaine de milliards de
francs de redéploiements. Le Sénat mesure l'effort ainsi accompli, même s'il
souhaite qu'il soit poussé plus loin.
A cet égard, mes chers collègues, l'idée que 2 000 milliards de francs de
crédits soient absolument indispensables et que le Parlement ne puisse pas y
toucher sans remettre en cause l'existence même de l'Etat constitue, à mes
yeux, un obstacle à la maîtrise et à la réduction, pourtant indispensables, de
la dépense publique dans notre pays.
Cette année encore sous l'empire de l'ordonnance portant loi organique de
1959, la commission des finances ne présentera pas d'amendement à l'article 30.
En revanche, elle souhaite profiter de cette occasion, madame la secrétaire
d'Etat, pour vous poser quelques questions sur lesquelles M. le rapporteur
général reviendra dans un instant.
Tout d'abord, comment calculez-vous les services votés ? Je remarque
d'ailleurs qu'à l'Assemblée nationale - sur un point de détail, j'en conviens,
et selon une procédure rare - une remise en cause des calculs a été faite, en
requalifiant en services votés 490 millions de francs de mesures nouvelles en
faveur du logement.
Le budget, selon notre commission des finances, n'est pas une addition de
moyens ministériels ; c'est un arbitrage entre les différentes demandes des
ministères, dont nous supposons qu'elles sont naturellement plus importantes.
Cette dimension, au fond, n'apparaît jamais dans nos débats, et c'est
l'occasion pour moi, madame la secrétaire d'Etat, de vous demander quels ont
été précisément les ministères qui, cette année, n'ont pas pu être retenus
comme prioritaires dans leurs demandes.
Enfin, vous avez publié récemment un article intéressant, dans le journal
Le Monde,
sur la réforme de l'ordonnance portant loi organique. C'est
l'occasion pour moi de vous demander comment, dans le cadre de cette réforme, à
laquelle, vous le savez, notre assemblée travaille, vous voyez l'avenir de la
notion de services votés.
Mes chers collègues, je dirai demain le bien que je pense de la démarche
engagée de rénovation de notre discussion budgétaire, mais il me semblait que
nous ne pouvions pas, dans le cadre de cette rénovation, voter 2 000 milliards
de francs de crédits sans nous arrêter un instant.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et des Républicains et
Indépendants.)
M. Jacques Machet.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Madame la secrétaire d'Etat,
l'article 30 porte sur plus de 94 % des crédits bruts demandés pour l'année
prochaine, proportion qui se trouve être un peu supérieure à la moyenne
constatée au cours de la dernière décennie, qui était de 93,7 %.
A cet égard, les interventions du président de la commission des finances et
de son rapporteur général ont pour objet d'insister sur le caractère
aujourd'hui crucial d'une évolution de notre droit des finances publiques.
La notion de services votés trouve sa source dans l'article 33 de l'ordonnance
portant loi organique relative aux lois de finances de 1959, qui dispose : «
Les services votés représentent le minimum de dotations que le Gouvernement
juge indispensable pour poursuivre l'exécution des services publics dans les
conditions qui ont été approuvées l'année précédente par le Parlement. »
Les services votés ne correspondent donc pas purement et simplement au
renouvellement des crédits accordés l'année précédente, car il convient de les
actualiser, de les faire « dériver », de manière à poursuivre l'exécution des
services existants.
Nous savons bien que ce processus est très frustrant pour le Parlement et
qu'il pèche par défaut de transparence. Nous ne connaissons pas dans le détail
le mode de calcul des services votés. Cette année, d'ailleurs, ainsi que le
président Lambert vient de le relever, nous avons vu s'opérer, dans des
conditions originales, un redressement de 490 millions de francs.
Il me semble utile de rappeler, madame la secrétaire d'Etat, que, dans le
rapport très récent de la commission d'enquête sur les conditions de
préparation et d'exécution des lois de finances, nous avons insisté sur ce
point.
Nous croyons avoir montré que le ministère de l'économie et des finances - je
cite là notre récent rapport - « privilégie une logique de reconduction de
l'existant au travers de cette procédure des services votés qui ne permet que
des modifications à la marge et n'encourage pas à s'interroger sur l'efficacité
ou l'utilité de la dépense publique. Est ainsi favorisée structurellement une
approche quantitative et non qualitative de la dépense publique. »
En d'autres termes, les services votés, c'est un processus qui conduit
naturellement, chaque année, à augmenter un peu la dépense de fonctionnement de
l'Etat, sans que l'ont soit contraint de toujours s'interroger sur son
bien-fondé.
A ce stade, madame la secrétaire d'Etat, nous voudrions savoir quelles sont
vos dispositions d'esprit vis-à-vis des propositions actuellement en cours
d'étude, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, pour faire évoluer le droit
budgétaire et même pour supprimer la procédure des services votés dans le cadre
d'une nouvelle loi organique qui refonderait en quelque sorte ce que nous nous
sommes habitués à appeler la « Constitution financière de la France ».
Bien entendu, il faudra substituer d'autres méthodologies à celle des services
votés. Il faudra, en particulier, s'habituer à raisonner en termes
fonctionnels, en termes de programmes, en globalisant davantage les dépenses et
en ayant toujours bien en tête la nécessité du contrôle de gestion, la
nécessité de disposer d'indicateurs de réalisation et de satisfaction des
usagers et, bien sûr, la nécessité de mesurer les écarts par rapport à ces
indicateurs dans le déroulement annuel des budgets.
Sur ce sujet, qui nous semble fondamental, et avant d'envisager - ce pourra
sans doute être le cas dans quelques mois - la discussion de ce nouveau texte
fondamental, nous souhaiterions savoir, madame la secrétaire d'Etat, sous quel
angle vous-même abordez cette question particulièrement essentielle des
services votés.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains
et Indépendants et de l'Union centriste).
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat au budget.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Je comprends tout à fait la question qui est soulevée
à la fois par M. le président de la commission des finances et par M. le
rapporteur général. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois qu'elle est posée
au cours d'un débat budgétaire ; mais, cette année, elle prend une dimension
particulière dans la mesure où le Gouvernement a manifesté son intention de
procéder à un toilettage assez important de l'ordonnance portant loi organique
de 1959, et ce en étroite collaboration avec l'Assemblée nationale et le
Sénat.
En effet, cette notion de « services votés » découle de l'ordonnance portant
loi organique. Au cours des réunions budgétaires qui ont eu lieu dans le cadre
de ce que l'on appelle les « conférences de première phase », pour utiliser un
jargon un peu technique, il est opéré un certain nombre d'ajustements dans la
rubrique des services votés, qui peuvent être ce que l'on nomme les «
extensions en année pleine », les mesures de non-reconduction, les ajustements
de crédits évaluatifs et prévisionnels ou les ajustements liés à des
modifications de structure gouvernementale.
Pour autant, cela n'emporte pas de conséquences dirimantes pour la procédure
d'adoption des crédits par le Parlement. En effet, l'article 44 de l'ordonnance
organique ne procède à la distinction entre services votés et mesures nouvelles
qu'en tant qu'il établit une procédure de vote, mais celle-ci peut être
modifiée par le Parlement puisqu'il n'est pas nécessaire de voter ces crédits
en bloc : la volonté d'un seul parlementaire suffit pour que la chambre à
laquelle celui-ci appartient soit appelée à se prononcer par chapitre.
Cela étant, j'ai été interrogée sur les intentions du Gouvernement quant à
l'évolution de la notion de services votés. Je crois que la démarche qui est
actuellement envisagée, mais qui n'a pas encore été débattue, je le rappelle,
est tout à fait différente, puisqu'elle retiendrait la notion de programme. Or
un programme n'a pas vocation à être analysé en distinguant services votés et
mesures nouvelles, mais devrait regrouper, si nous nous accordons sur sa
définition, l'ensemble des moyens nécessaires à la mise en oeuvre ou à la
poursuite d'une politique publique donnée, sans que l'on s'embarrasse d'autres
considérations liées, par exemple, à l'existence de chapitres budgétaires. Ces
derniers continueraient bien entendu à exister, mais ils seraient couverts, en
quelque sorte, par cette notion de programme.
On mesure d'ailleurs la difficulté de procéder à une telle définition au
travers de l'exemple cité à l'instant par M. le président de la commission des
finances, qui rappelait le vote intervenu sur le projet de budget du logement à
l'Assemblée nationale. En effet, ce cas montre bien que les différentes
catégories évoquées, qu'il s'agisse des services votés ou des mesures
nouvelles, peuvent être modifiées, suivant la conception que l'on se fait d'une
mesure donnée. Il s'agissait, en l'occurrence, de savoir si la revalorisation
des aides au logement au 1er juillet 2000 devait être considérée, dans son
effet en année pleine pour 2001, comme une mesure d'ajustement ou un effet
d'extension en année pleine, donc comme une mesure nouvelle ou un service voté.
L'Assemblée nationale a choisi de qualifier cette disposition de mesure
nouvelle. Dont acte ! Les deux conceptions peuvent se défendre, et je pense que
le fait d'appréhender désormais, si l'Assemblée nationale et le Sénat en
décidaient ainsi, les moyens d'une politique publique au travers d'un programme
serait plus efficace, car, au fond, la réforme de l'ordonnance portant loi
organique doit permettre aux Français et à leurs représentants, c'est-à-dire à
vous-mêmes qui êtes élus de la nation, de mieux apprécier ce que coûte un
service public et quel usage sera fait de nos impôts.
Par conséquent, j'estime que cette notion de programme permettra de réaliser
un progrès et que, si la disposition était adoptée, il ne serait alors plus
nécessaire de recourir à celle de service voté.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'article 30.
M. Yves Fréville.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville.
Le présent débat est naturellement essentiel pour l'avenir de nos discussions
budgétaires.
A cet égard, je partage tout à fait le point de vue de M. le président de la
commission des finances sur la nécessité de mettre fin à une démarche de
révision à la marge des masses budgétaires.
Je voudrais donner l'illustration de cette démarche à partir du projet de
budget pour 2001, bien qu'il soit assez difficile de faire la distinction entre
les mesures acquises et les mesures nouvelles dans les économies que nous
propose le Gouvernement.
Si j'ai bien compris, ce projet de budget comporte à peu près 28 milliards de
francs de véritables économies, dont une quinzaine de milliards de francs
d'ajustements aux besoins. En effet, il est certain que, grâce à l'amélioration
de la situation économique, nous pouvons consacrer moins de crédits au budget
du ministère de l'emploi. Mais on s'aperçoit, pour en revenir justement au
thème qui nous intéresse, que les révisions des services votés qui, me
semble-t-il, madame le secrétaire d'Etat, représentent le noyau dur de la
politique d'économies du Gouvernement, s'élèvent, pour les dépenses ordinaires,
à seulement 7,5 milliards de francs, montant à rapprocher, même s'il faut en
déduire les dégrèvements et les remboursements, des 1 900 milliards de francs
qu'évoquait M. Lambert voilà quelques minutes. Si l'on fait le rapport de l'un
à l'autre, et sans être grand expert en mathématiques, on voit que, finalement,
cette politique d'économies est extrêmement modeste en termes de
pourcentage.
De plus, cette révision des services votés touche-t-elle tous les ministères ?
En fait, on s'aperçoit que seuls deux d'entre eux sont réellement concernés :
celui de la défense - et cela devient assez habituel depuis quelques années - à
hauteur de 3 milliards de francs, et le ministère de l'emploi et de la
solidarité, du fait d'un certain nombre de « ripages » de dépenses sur lesquels
je n'interviendrai pas, pour à peu près 2,5 milliards de francs. Par
conséquent, 1,5 milliard de francs seulement d'économies sont proposées au
titre des réductions des services votés pour tous les autres ministères réunis
: la proportion peut maintenant être calculée en millièmes.
Par ailleurs, la seconde source d'économies est toujours la même : à peu près
5 milliards de francs de dépenses en capital sont supprimés des services votés
en 2001.
L'échec de la méthode marginale que je viens d'évoquer nous amène donc à
raisonner par programme, mais encore faudrait-il, madame le secrétaire d'Etat,
que les programmes ne se confondent pas avec les agrégats actuels ! Ainsi, pour
le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, par exemple,
l'agrégat n° 31 intitulé : « Charges de la dette et autres dépenses » regroupe
à lui seul 500 milliards de francs, parce qu'on ajoute à la charge de la dette
les remboursements et dégrèvements. On comprend bien que si l'on mélange les
torchons et les serviettes, on ne parviendra pas à définir un axe précis
d'attaque de ces dépenses.
Par conséquent, nous devrons réfléchir en profondeur sur la notion de
programme, notion délicate à définir. Le Parlement est tout à fait disposé à
participer à cet effort de réflexion avec les services du ministère de
l'économie, des finances et de l'industrie.
(Applaudissements sur les
travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du
RPR.)
M. Robert Calméjane.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Calméjane.
M. Robert Calmejane.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, notre
groupe se félicite de l'heureuse initiative de la commission des finances, qui
permet que cet article 30 du projet de loi de finances pour 2001 soit
l'occasion d'un débat sur la structure de la dépense publique.
Tout d'abord, l'examen du montant des crédits ouverts au titre des services
votés du budget général nous permet de rappeler et de saluer la qualité des
travaux de la commission des finances relatifs à la réforme de l'ordonnance de
1959.
La mise en place d'une véritable constitution financière est, à l'évidence, la
première étape de la nécessaire réforme de l'Etat.
Les propositions élaborées par la commission des finances permettront au
Parlement d'exercer la réalité de ses pouvoirs de contrôle de l'utilisation des
deniers publics. La modernisation du débat budgétaire passe par un certain
nombre d'aménagements auxquels nous sommes particulièrement attachés.
Il en est ainsi de l'assouplissement des règles d'irrecevabilité financière,
de la reconnaissance d'une possibilité d'affectation de recettes sans création
de charge publique ou de la suppression des « services votés » et des « mesures
nouvelles » comme structure de vote, laquelle brouille actuellement la
lisibilité des priorités budgétaires voulues par le Parlement : nous l'avons vu
ce matin à propos des crédits alloués à la justice.
Il conviendra maintenant d'aller vite, une fois que les deux chambres du
Parlement se seront entendues sur des dispositions communes, ce qui devrait
pouvoir se faire sans difficulté majeure.
S'agissant de la dépense publique dans le projet de budget pour 2001, M.
Josselin de Rohan, à l'occasion de la discussion générale, a indiqué quelle
était la position du groupe, que je souhaite rappeler rapidement en cet
instant.
Depuis 1998, les annonces du Gouvernement en termes de progression des
dépenses publiques ont systématiquement été contredites par les faits. La
débudgétisation de certaines dépenses n'a jamais fait baisser l'ensemble de
celles-ci : j'en veux pour preuve l'évolution des charges du FOREC, le fonds de
financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, qui
passeront en un an de 67 milliards de francs à 85 milliards de francs.
Les différentes manipulations effectuées par le Gouvernement sur les dépenses
publiques ont à plusieurs reprises été dénoncées en termes particulièrement
vigoureux par la Cour des comptes. On citera en particulier à cet égard les
dépenses dont l'augmentation ne cadre pas avec les objectifs fixés par le
Gouvernement, qui sont placées hors budget.
Avec plus de cinquante-deux points de son PIB consacrés à la dépense publique,
la France reste le mauvais élève de la classe « Union européenne », et l'écart
s'accentue lorsque l'on prend en compte la dépense publique hors charge de la
dette.
En outre, la part des dépenses de fonctionnement dans le budget de l'Etat
s'accroît d'année en année, tandis que celle des dépenses d'investissement
connaît une évolution inverse. Rappelons que l'ensemble des dépenses
d'investissement consacrées aux universités, à l'aménagement du territoire, à
l'environnement ou au patrimoine est inférieur de 10 milliards de francs au
montant des crédits consacrés au passage aux 35 heures. Ne s'agit-il pas là
d'une politique assez originale pour préparer l'avenir ?...
La réduction de la dépense publique est affaire de courage politique et non de
préoccupations pré-électorales. Il faut cesser de présenter aux autorités
communautaires des programmes d'évolution maîtrisée de la dépense publique qui
ne sont jamais respectés. Ce qui est choquant, c'est que la dépense publique
continue de progresser chaque année, alors que c'est sur une réduction d'un
point de PIB par an qu'il convient de s'engager vis-à-vis de nos
partenaires.
Sans cela, en effet, rien ne pourra être réalisé en profondeur, qu'il s'agisse
d'une réforme fiscale, de la baisse des prélèvements obligatoires, de la
réduction du déficit et de la dette ou de la réforme de l'Etat.
Les choix opérés par le Gouvernement en termes de dépense publique ne sont
donc pas les bons. Il est urgent que nos concitoyens sachent qu'il existe une
solution de rechange à la politique proposée par les « dépensophiles » et les «
étatolâtres » tant redoutés par le ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie.
Pour toutes ces raisons, le groupe du Rassemblement pour la République suivra
les recommandations de la commission des finances sur l'article 30.
M. François Trucy.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Trucy.
M. François Trucy.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
vote de l'article 30 revêt un caractère essentiellement formel, et nous sommes
reconnaissants au président de la commission des finances et au rapporteur
général, mais aussi à M. Fréville, d'avoir bien posé le problème.
L'enjeu financier est toutefois considérable, puisqu'il s'agit ici de près de
1 970 milliards de francs.
A cet égard, le groupe des Républicains et Indépendants souhaite réaffirmer la
nécessité de maîtriser les dépenses publiques.
En effet, le Gouvernement semble n'avoir retenu aucune leçon de la politique
budgétaire catastrophique des années 1988-1992, qui a conduit à la situation de
1993, dont tout le monde se souvient. Une fois de plus, la dépense file, une
fois de plus, la rigueur n'est pas de mise.
Le projet de loi de finances pour 2001 vise à dissimuler ces errements en
affichant une maîtrise des dépenses de l'Etat qui n'est pas réelle. Ainsi, le
Sénat et la Cour des comptes dénoncent régulièrement les astuces et les «
ficelles » mises en oeuvre pour masquer la progression réelle des dépenses
publiques.
Nous ne pouvons, en effet, accepter une telle politique de facilité, que nous
jugeons inadmissible, surtout en période de forte croissance. La conjoncture
favorable devrait permettre de donner la priorité au désendettement de l'Etat
et à la diminution du déficit budgétaire.
Cette politique est d'autant plus inacceptable que les perspectives
économiques sont en fait incertaines à moyen terme : le dernier rapport de la
délégation du Sénat pour la planification n'a-t-il pas souligné les
incertitudes qui pèsent sur la croissance et, par voie de conséquence, sur les
ressources de l'Etat ?
Le Gouvernement se fonde donc aujourd'hui sur des hypothèses économiques
favorables à court terme pour engager des dépenses à long terme qui auront de
lourdes conséquences budgétaires pendant de nombreuses années.
Notre groupe déplore ce décalage qui réduit la marge de manoeuvre de l'Etat et
expose notre pays à un éventuel retour de conjoncture. Il votera néanmoins
l'article 30, comme il est d'usage et comme la commission des finances le
demande, mais sans aucune conviction, en se demandant si ce vote de courtoisie
ou d'habitude se renouvellera toujours, eu égard aux incertitudes qui pèsent
sur nous.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Très bien !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 30.
(L'article 30 est adopté.)
Article 31 et état B