SEANCE DU 6 DECEMBRE 2000
M. le président.
La séance est reprise.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Collin.
M. Yvon Collin.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au sein de
notre assemblée, l'examen du fascicule budgétaire consacré aux collectivités
territoriales est un moment toujours très attendu, car nous sommes très
nombreux ici à exercer des responsabilités locales.
Cette année, nous avons d'autant plus focalisé notre attention sur la
décentralisation que les maires ont choisi ce thème voilà quelques semaines à
l'occasion de leur congrès annuel. De plus, la commission présidée par notre
collègue Pierre Mauroy a rendu ses conclusions en octobre dernier. Les débats
d'une grande richesse ont permis de dégager douze orientations porteuses
d'espoir pour l'avenir de la décentralisation. L'une d'elles nous concerne plus
directement aujourd'hui. Il s'agit, monsieur le ministre, de la nécessaire
modernisation des financements locaux.
En effet, la commission a longuement débattu sur ce sujet et chaque année,
dans cet hémicycle, le projet de loi de finances nous fournit l'occasion de
revenir sur le problème de l'équilibre entre les dotations de l'Etat et la
fiscalité propre aux collectivités locales.
Monsieur le ministre, la prise en charge croissante de la fiscalité locale par
l'Etat au détriment de la dotation globale de fonctionnement suscite de
nombreuses inquiétudes.
Cette année encore, une série de décisions gouvernementales, bien que louables
dans leur principe, influent considérablement sur la structure de la fiscalité
locale en multipliant les exonérations et leur corollaire : les compensations
de l'Etat.
A la suppression progressive de la part salaire des bases de la taxe
professionnelle, à la disparition de la part régionale des droits de mutation à
titre onéreux et à divers autres dégrèvements s'ajoutent, cette année, la
suppression de la vignette automobile, ainsi que la suppression de la part
régionale de la taxe d'habitation.
Je n'ai bien évidemment, monsieur le ministre, rien contre des mesures qui
visent à diminuer la pression fiscale sur nos concitoyens, mais il faut bien
reconnaître que le cumul de toutes ces dispositions remet en cause l'autonomie
fiscale des collectivités locales, et c'est cela qui préoccupe la plupart des
élus que nous sommes.
En 2001, ce seront 153 milliards de francs qui seront pris en charge par
l'Etat contre 126 milliards de francs en 2000. Comme il ne s'agit pas
d'abondements mais bien de compensations, on ne peut pas spécialement se
satisfaire de cette hausse.
L'exposé des motifs des lois Defferre précisait : il s'agit de faire « des
communes, des départements et des régions des institutions majeures,
c'est-à-dire libres et responsables ». Monsieur le ministre, la responsabilité
ne peut en la matière s'exercer qu'avec des moyens librement fixés. La
légitimité républicaine des échelons locaux implique en outre la faculté pour
les élus de voter l'impôt et de répondre devant les citoyens de son
utilisation. La dépendance croissante des collectivités à l'égard des dotations
contrarie sans doute le mouvement de décentralisation décidé au début des
années quatre-vingt.
Une jurisprudence récente du Conseil constitutionnel fait de l'existence
d'une fiscalité locale un élément du principe de libre administration.
En conséquence, il serait souhaitable que les projets d'approfondissement de
la décentralisation, exposés à Lille par M. le Premier ministre le 27 octobre
dernier, s'accompagnent d'une remise à plat que tout le monde appelle de ses
voeux de la fiscalité locale. Vous vous êtes exprimé en ce sens, monsieur le
rapporteur ; c'est également une orientation fortement souhaitée par la
commission Mauroy.
Mes chers collègues, les lois Defferre auront bientôt vingt ans et il faut
bien admettre que, en favorisant l'initiative locale, la décentralisation a
permis de garantir la cohésion sociale sur notre territoire et d'accroître les
infrastructures et les équipements locaux dans des proportions qu'un Etat
centralisé n'aurait probablement pas permises.
Sans la décentralisation, la crise économique se serait sous doute posée avec
une autre acuité. L'expérience tirée de la proximité et traduite par des
politiques conventionnelles et contractuelles menées avec tous les acteurs de
la vie locale, notamment le tissu associatif, ont donné aux collectivités les
moyens de contenir autant que possible les difficultés économiques et sociales.
La vigilance des départements à l'égard des solidarités entre l'urbain et le
rural et leur volonté inlassable d'aménagement et d'animation du territoire me
font également militer en faveur d'une décentralisation accrue.
Toutefois, je le répète, celle-ci n'a de sens et de force que dans la
perspective d'un rapport de confiance avec l'Etat, ce qui suppose notamment un
cadre de relations financières rénové.
En attendant cette réforme consensuelle, les radicaux de gauche apportent leur
soutien à ce budget parce que le contrat de croissance et de solidarité mis en
place en 1999 permet de partager les fruits de la croissance économique. En
effet, le taux de progression de l'ensemble des dotations incluses dans ce
contrat est de 2,32 %, contre 1,48 % en 2000. Cette augmentation, certes
mécanique, nous invite néanmoins, monsieur le ministre, à voter les crédits de
la décentralisation pour 2001.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Monsieur le président, mesdames messieurs les
sénateurs, comme ce matin, lors de l'examen des crédits relatifs à la sécurité,
je n'ai pas l'intention de faire devant vous un long discours général pour
présenter les dotations de l'Etat aux collectivités locales, voire plus
largement les dispositions qui les intéressent dans le budget spécifique du
ministère de l'intérieur ou plus largement encore dans ce projet de loi de
finances pour 2001. Mes auditions successives devant votre commission des
finances le 16 novembre dernier, puis devant la commission des lois le 28
novembre dernier m'ont permis de le faire. Je vous rappelle d'ailleurs,
monsieur Mercier, que j'étais auditionné par la commission des lois du Sénat le
jour même où se déroulait dans votre assemblée la discussion de la partie «
recettes » du projet de loi de finances pour 2001.
Je vais m'efforcer plutôt, comme ce matin, de répondre le plus précisément
possible aux différentes questions posées par les rapporteurs spéciaux ; je
chercherai également à répondre aux principales interventions des orateurs des
différents groupes parlementaires.
J'évoquerai d'abord l'administration territoriale.
J'ai relevé l'analyse de M. Hoeffel sur « la mise en oeuvre laborieuse » de la
déconcentration ; je cite les termes de son rapport. Je voudrais le rassurer à
ce propos et lui dire qu'au contraire le Gouvernement est bien déterminé à
renforcer la déconcentration.
Ainsi, le comité interministériel pour la réforme de l'Etat du 12 octobre
dernier a annoncé plusieurs mesures qui vont dans ce sens. Le prochain comité
devrait être largement consacré à ce thème. Je citerai ainsi quelques exemples
significatifs de ce renforcement, en réponse notamment aux questions posées par
M. Peyronnet.
L'expérience de globalisation et de contractualisation conduite dans quatre
préfectures sera étendue en 2001 à dix nouveaux départements.
Le mouvement engagé à travers l'élaboration des projets territoriaux de l'Etat
sera poursuivi. Ils ont été préparés sous l'autorité des préfets dans chaque
département avec l'ensemble des services déconcentrés de l'Etat.
Les obstacles à la mise en place des délégations interservices, créées par le
décret du 20 octobre 1999, seront levés, notamment pour la mutualisation de
leurs moyens de financement. Elles permettent aux préfets de confier sous leur
autorité des missions spécifiques à certains chefs de service et renforcent
ainsi l'« interministérialité » au niveau déconcentré de l'Etat.
Les préfets pourront répartir les attributions qu'ils souhaitent déléguer aux
sous-préfets en fonction des situations locales.
Les préfets auront un rôle renforcé dans le dialogue social interministériel
au plan local.
Enfin, s'agissant de la possibilité que les préfectures apportent leur
expertise juridique aux collectivités locales, je dirai simplement qu'elle
s'inscrit tout naturellement dans le rôle de conseil aux collectivités que
jouent les préfectures.
Tout d'abord, vous me permettrez, mesdames, messieurs les sénateurs, de vous
livrer brièvement quelques considérations générales et quelques données
chiffrées, sans m'arrêter aux seules dotations budgétaires de mon ministère.
Le projet de loi de finances pour l'année 2001 respecte les dispositions du
contrat de croissance et de solidarité, plus favorable aux collectivités
locales, dois-je le rappeler, que l'ancien pacte de stabilité.
M. Raymond Courrière.
C'est vrai !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
L'évolution des concours financiers de l'Etat
aux collectivités locales respecte, en 2001, les termes du contrat de
croissance adopté pour les années 1999, 2000 et 2001. Les dotations comprises
dans l'enveloppe de ce contrat représenteront donc près de 170 milliards de
francs, soit 167 milliards de francs hors abondements complémentaires.
La croissance économique sera prise en compte à la hauteur de 33 % pour la
détermination du taux de progression global de cette enveloppe, contre 25 % en
2000.
Je vous rappelle que l'ancien pacte de stabilité était indexé sur la seule
hausse des prix et que l'application des règles du contrat institué par ce
gouvernement aura permis aux collectivités locales de bénéficier de 4 milliards
de francs de plus en trois ans que ce qu'aurait permis l'application des règles
de l'ancien pacte de stabilité.
Le Gouvernement propose une prolongation d'une année, pour 2002, du contrat de
croissance et de solidarité.
M. Hoeffel, rapporteur pour avis de la commission des lois, ainsi que M.
Mercier, rapporteur spécial, ont posé quelques questions sur l'avenir de ce
contrat de croissance et de solidarité au-delà de l'année 2001.
Vous avez même, mesdames et messieurs les sénateurs, anticipé le terme de ce
contrat en votant, mardi 28 novembre dernier, une modification, dès cette
année, des règles en vigueur en augmentant la part de la croissance économique
à prendre en compte en 2001 de 33 % à 50 %.
Le Premier ministre et moi-même devant vous, le 26 octobre dernier, avons
annoncé l'intention du Gouvernement de proposer une prolongation du contrat de
croissance et de solidarité d'un an, lors de la préparation du projet de loi de
finances pour 2002. Cette proposition ne pouvait, dans mon esprit, qu'être liée
à deux éléments importants : d'une part, ne pas retarder plus avant son
annonce, tout en tenant compte des travaux engagés en concertation avec les
collectivités locales sur les voies et moyens de la réforme d'ensemble des
ressources des collectivités locales que le rapport du Gouvernement au
Parlement d'ici à la fin de l'année 2001 permettra de préparer ; d'autre part,
ne pas mettre en oeuvre, à ce stade, une solution toute faite, imposée aux
collectivités locales avant les concertations, discussions et réflexions que
nous aurons avant l'adoption du projet de loi de finances pour 2002.
Je ne peux être favorable à une modification des règles du jeu dès cette année
2001 alors que les intentions du législateur de 1998 étaient claires en la
matière et que l'évolution des concours financiers de l'Etat aux collectivités
locales est, cette année, très favorable.
Vous vous posez, sur ce thème, deux questions spécifiques, monsieur le
rapporteur pour avis, quant à la prise en compte, dans le contrat de croissance
et de solidarité, de l'évolution des charges des collectivités locales. C'est
un long débat sur lequel, depuis 1979, l'Etat - Gouvernement et législateur - a
toujours tenu compte de l'évolution des grandeurs économiques nationales et de
la richesse des collectivités, d'une part, de leurs charges respectives,
caractérisées, notamment, par la population, par la surface, par l'effort
fiscal, d'autre part.
L'évolution des dépenses de fonctionnement dépend de plusieurs éléments, des
choix particuliers des collectivités en termes de recrutement par exemple, et
non pas uniquement de l'évolution des rémunérations des agents des
collectivités locales.
A ce propos, et sur le point évoqué notamment par M. Peyronnet, je précise
simplement qu'il ne faut pas négliger la compétence des collectivités
employeurs, même s'il faut sans doute envisager l'association plus grande
qu'aujourd'hui des collectivités locales aux négociations salariales dans la
fonction publique.
J'en reviens à la présentation chiffrée de ce projet de loi de finances.
En 2001, les collectivités locales bénéficieront donc d'une croissance de
l'essentiel de leurs dotations de 2,32 % par rapport à l'année précédente.
Compte tenu de ses règles d'indexation particulières, la croissance de la DGF
sera de 3,42 %, pour atteindre plus de 115 milliards de francs.
Cette progression, la plus élevée depuis cinq ans, sera également appliquée en
2001 à la dotation spéciale instituteurs, à la dotation élu local et à la
dotation générale de décentralisation.
Par ailleurs, comme vous le savez, la DGF comprend la dotation forfaitaire et
la dotation d'aménagement.
La dotation forfaitaire, versée à toutes les communes, progressera de 1,7 % à
1,9 %, soit plus que l'inflation.
L'intercommunalité, ou, plus exactement, le succès de cette intercommunalité
pèse sur les autes dotations. Cela étant, tout en répondant à plusieurs d'entre
vous, notamment à vos rapporteurs et à M. Duffaut, qui ont évoqué ce sujet, je
voudrais vous convaincre que ce projet de budget contient d'importantes
dispositions en la matière.
Le mouvement de création de nouvelles communautés d'agglomération ainsi que de
communautés de communes à taxe professionnelle unique ne semble pas s'être
ralenti depuis l'adoption de la loi du 12 juillet 1999.
Pour accompagner ce mouvement, qui pourrait aboutir à la création d'une
trentaine de nouvelles communautés d'agglomération au 1er janvier prochain,
même s'il est encore trop tôt pour en être sûr, le projet de loi de finances,
tel qu'il vous avait été transmis après le vote de l'Assemblée nationale,
prévoyait l'ouverture de 1,2 milliard de francs de crédits pour le financement
de leurs attributions. Vous avez porté ce chiffre à 1,6 milliard de francs en
adoptant un amendement proposé par votre commission des finances et tendant,
comme l'a rappelé M. Hoeffel, à assurer le financement des communautés
d'agglomération sans que soit prélevé un quelconque complément sur la dotation
de compensation de taxe professionnelle, conformément aux dispositions de la
loi du 12 juillet 1999.
Je comprends votre souci, mais permettez-moi de vous dire que personne ne peut
établir aujourd'hui avec certitude - voyez le district de Caen - le coût réel
des communautés d'agglomération en 2001. La logique équilibrée du législateur,
dans la loi du 12 juillet 1999, était de prévoir un financement pour partie à
la charge directe du budget de l'Etat et pour partie à la charge des
collectivités.
En tout état de cause, pour l'année 2001, la somme de 1,2 milliard de francs
est supérieure de 700 millions de francs à celle qui avait été retenue pour
2000, alors que le rythme de création de communautés d'agglomération est quand
même moins rapide : 50 créations en 2000 et un peu plus de 30 en 2001.
La diminution éventuelle de la dotation de compensation de la taxe
professionnelle ne pourrait donc qu'être plus limitée. Il s'agit, encore une
fois, de l'accroissement des dotations allant aux groupements de communes, qui
aurait été, sans cet effort de l'Etat, à la charge de la DGF, donc des
dotations de solidarité comme la DSU ou la DSR.
Le Sénat, qui s'est mis d'accord avec l'Assemblée nationale en commission
mixte paritaire lors de l'examen de la loi du 12 juillet 1999 - et qui est un
peu le coauteur de la loi, comme le rappelait M. le rapporteur général le mardi
28 novembre, et comme l'a rappelé M. Michel Mercier aujourd'hui - devrait le
comprendre aisément. Tout était, en effet, inscrit dans la loi, même le
prélèvement sur la dotation de compensation de taxe professionnelle. La somme
de 1,2 milliard de francs prévue initialement dans le projet de loi de finances
me paraît donc représenter un effort tout à fait considérable, et suffisant, du
budget de l'Etat.
Au-delà de cette dotation de solidarité intercommunale, les dotations de
solidarité urbaine et de solidarité rurale n'ont pas été oubliées.
S'agissant de ces dotations de solidarité, qui ne représentent pas à elles
seules la totalité des sommes réservées à la péréquation, mais qui y sont
presque exclusivement consacrées, des majorations ont autorisé, en cette année
2000, des croissances exceptionnelles de la DSU et de la DSR, croissances qui,
vous en conviendrez, ne peuvent être reconduites chaque année.
Le Gouvernement a cependant proposé de majorer de 850 millions de francs au
total la DSU pour 2001 afin que son niveau élevé atteint en 2000 puisse être
maintenu, du moins en masse, et sous réserve des constations à faire lors de la
répartition de la DGF. La DSR devrait connaître, elle aussi, une progression
supérieure à l'inflation.
L'évolution de la DSU comme celle de la DSR dépendront notamment du poids de
l'intercommunalité, hors communautés d'agglomération. Les estimations que je
vous livrais à l'instant ont été réalisées en prévoyant une croissance de la
dotation des groupements de communes de 16 %, un chiffre considérable puisque
cette dotation a crû de 10 % durant l'année 2000.
Je ne peux anticiper non plus les choix du Comité des finances locales, mais
je suis sûr, monsieur le président Fourcade, qu'ils seront, comme d'habitude,
effectués au mieux des intérêts de toutes les collectivités locales.
J'espère que cette donnée permettra de rassurer quelque peu M. Claude Haut et
vous tous, mesdames, messieurs les sénateurs, même si je suis bien conscient de
la réflexion que nous devons mener dans le cadre de la réforme des dotations et
de la prolongation du contrat de croissance et de solidarité pour trouver la
meilleure formule de répartition de la DGF et éviter que le succès de
l'intercommunalité ne se fasse au détriment des collectivités locales.
Pour en revenir à la DSU, le Sénat a souhaité que la somme soit portée à 1
milliard de francs, comme en 2000. S'il est vrai que le maintien en masse peut
se traduire par certaines diminutions individuelles de dotation, un juste
équilibre est à trouver.
La péréquation financière est donc bien assurée dans ce projet de budget.
Je voudrais en outre souligner, notamment à l'intention de M. Hoeffel, que les
dotations réservées à l'intercommunalité, particulièrement aux structures à
taxe professionnelle unique, ont aussi une vocation de solidarité en
permettant, par les attributions qui portent d'ailleurs ce nom, une
redistribution des richesses fiscales en faveur des communes les moins
favorisées de ces groupements.
Bien sûr, je suis d'accord avec vous pour accroître le plus possible la
péréquation dans un système de dotations renouvelé et simplifié, mais vous
conviendrez avec moi que l'augmentation très substantielle qu'ont connue la DSU
et la DSR les années précédentes est consolidée et portera ses fruits en 2001,
comme les années suivantes.
J'ai bien noté que M. Fourcade avait par ailleurs formulé des propositions de
réforme de la DGF. Il aura l'occasion de les faire valoir en 2001, dans la
concertation que je vais organiser. Il sait aussi bien que moi que la
conjugaison de tous les objectifs qu'il a lui-même fixés n'est pas si facile
qu'il y paraît. Evidemment, je le rejoins sur la nécessité de faire beaucoup
plus de péréquation.
Autre élément de la péréquation, le fonds national de péréquation de taxe
professionnelle remplit plusieurs fonctions aussi importantes.
Le fonds national de péréquation de la taxe professionnelle devrait connaître
une croissance significative en 2001. En effet, la dotation de l'Etat
augmentera de 4,7 %, le retour de fiscalité de France-Télécom augmentera de
près de 300 millions de francs, et la cotisation de péréquation ne devrait pas
être fortement affectée en 2001 par la réforme de la taxe professionnelle.
Je sais que vous avez préféré accroître ce fonds de 250 millions de francs
pour éviter de lui faire supporter l'augmentation de la DSR et les
compensations de perte de dotation de compensation de taxe professionnelle.
Etant donné les circonstances que je viens de rappeler, je pense que cette
augmentation ne se justifie pas, d'autant que la diminution de la dotation de
compensation de taxe professionnelle sera, en 2001, moins importante en volume
de crédits qu'en 2000 et qu'elle est essentiellement due à la forte croissance
de la DGF.
Nous ne pouvons pas déplorer une péréquation encore insuffisante, quoique
nettement renforcée ces dernières années, respecter nos engagements en matière
de déficits publics et regretter en même temps que soit favorisée la DGF et les
dotations de péréquation au détriment des dotations les moins péréquatrices
!
Somme toute, les concours financiers de l'Etat aux collectivités locales
connaîtront en 2001 une croissance dont chacun reconnaît l'importance. Elle
devrait permettre aux collectivités de faire face à leurs charges, dont elles
ont d'ailleurs su, il faut le dire, maîtriser les évolutions depuis plusieurs
années, grâce à une excellente gestion, et peut-être aussi grâce à une
évolution favorable de leurs ressources, qui n'est évidemment pas étrangère à
l'amélioration de la situation économique dans notre pays et au retour de la
croissance.
Les sujets intéressant les finances locales ne se limitent pas aux principes
que nous venons d'évoquer et à leurs applications pratiques, et je veux
répondre maintenant aux interrogations ou aux critiques exprimées par certains
orateurs.
Plusieurs d'entre vous - mais plus particulièrement MM. Peyronnet et Nachbar -
n'ont pas manqué de rappeler, à l'approche de l'hiver, les importants sinistres
subis l'hiver dernier par nos concitoyens et leurs collectivités locales,
victimes des inondations dans le sud-ouest de la France et des tempêtes sur la
moitié de notre pays.
Je ne rappellerai pas ici tous les dispositifs mis en place par le
Gouvernement pour faire face, dans des délais records, aux conséquences de ces
calamités. Pour me limiter au champ de mon ministère et à ce qui concerne les
collectivités locales, objet de la discussion de cet après-midi, je veux
réaffirmer que la solidarité nationale continuera de jouer non seulement pour
faire face aux imprévus mais aussi pour accompagner les collectivités en
difficulté quand ce sera nécessaire.
Comme vous le savez, la nature des crédits concernés, qui figurent aux
chapitres 67-54 et 41-52, a pour effet de reporter l'essentiel de leur
discussion à l'examen du projet de loi de finances rectificative, mais soyez
assurés que l'utilisation de ces crédits fait l'objet d'un suivi très attentif
afin de répondre, de la manière la plus adaptée et la plus rapide, aux besoins
identifiés par les préfectures.
Concernant tout particulièrement les communes forestières, je n'oublie pas les
difficultés qu'ont rencontrées certaines d'entre elles à la suite des calamités
auxquelles j'ai fait allusion. Il en est malheureusement, parmi elles, qui ont
également perdu des ressources patrimoniales et subiront encore longtemps -
peut-être pendant plusieurs années - une amputation de leurs moyens de
fonctionnement. Je pense aux communes forestières pour lesquelles des
subventions exceptionnelles ont été dégagées, subventions qui sont attribuées
au plus près du terrain pour mieux les adapter aux besoins. Je veillerai à ce
que la solidarité nationale continue de s'exercer une fois le temps de
l'urgence passé.
Une étude devra être engagée en 2001 afin de définir les besoins des communes
à partir de 2002 et les perspectives d'évolution de leur situation pour les
années ultérieures. L'activité des commissions départementales associant, sous
la présidence des préfets, les principaux services de l'Etat concernés et des
représentants des communes forestières a donné, dans l'ensemble, satisfaction.
Pour cette raison, ces commissions devront être maintenues afin de contribuer à
l'étude précitée et de poursuivre leur rôle d'aide et de conseil auprès des
communes concernées.
Une question m'a été posée par Mme Luc à propos de la commune de
Choisy-le-Roi. Même si le moment n'est peut-être pas le mieux choisi pour y
répondre, je tiens à le faire maintenant, d'autant que je la vois me faire les
« gros yeux ».
(Sourires.)
Certes, madame Luc, l'état immobilier du centre que vous avez évoqué n'est pas
satisfaisant. Voilà maintenant plus d'un an, trois décisions ont été prises,
dont celle de construire un centre neuf à Palaiseau, qui remplacera celui de
Choisy-le-Roi ; ce bâtiment sera livré dans deux ans et demi. Il est prévu de
transformer ; à cette échéance, le centre de Choisy en simple local de
rétention, dans lequel les étrangers séjourneront donc moins de quarante-huit
heures. Dans cette perspective, une rénovation immédiate des locaux actuels va
être entreprise, et 200 000 francs ont été engagés à cet effet voilà quelques
semaines.
J'en viens au projet de loi de finances.
Au-delà des chiffres, il respecte nos engagements passés et prépare l'avenir,
selon une démarche cohérente du Gouvernement, au bénéfice d'une nouvelle étape
de la décentralisation, plus citoyenne.
Le présent projet de budget garde bien le cap fixé depuis trois ans : le
respect du contrat de croissance et de solidarité, le renforcement de la
péréquation et le soutien à l'intercommunalité.
Les ressources des collectivités locales doivent être rénovées et réformées
dans les meilleurs délais, mais non dans la précipitation, car cela pourrait
être préjudiciable.
M. Yvon Collin l'a rappelé, les interventions du Premier ministre ont souligné
la nécessité de revoir les ressources des collectivités locales, qu'il s'agisse
des dotations ou de la fiscalité locale, dans le sens d'une plus grande
simplicité, d'une plus grande lisibilité, d'un lien plus étroit entre le
citoyen et l'élu, au service d'une politique locale. Il s'agit de mettre en
place une fiscalité locale rénovée plus équitable, témoignant d'une plus grande
solidarité, avec une péréquation plus grande qu'aujourd'hui. La tâche n'est pas
simple et doit, vous le savez, faire l'objet d'une étude fouillée ainsi que
d'une très large concertation, impliquant tant les élus nationaux, que les élus
locaux et leurs associations.
J'ai déjà eu l'occasion de le dire devant vous lors de l'examen de la
proposition de loi constitutionnelle relative à l'inscription de l'autonomie
fiscale des collectivités locales dans la Constitution mais je tiens à le
répéter, notamment à l'intention de MM. Fourcade et Leclerc : je suis très
attaché à une fiscalité locale qui présente les qualités que je viens de citer
au bénéfice des collectivités responsables, comme le confirment d'ailleurs
leurs interventions judicieuses dans les procédures contractuelles.
Je ne pense pas que l'autonomie des collectivités locales soit remise en cause
par le Gouvernement et je préfère que ce terme ne soit pas interprété comme le
maintien des avantages acquis par les collectivités les plus favorisées ni
comme le reflet d'une vision trop mathématique ou comptable de la libre
administration des collectivités locales. Notre travail en commun ces prochains
mois le confirmera, j'en suis sûr, M. Cornu devrait être rassuré car son appel
a été entendu.
Dès l'année prochaine, des textes de loi vous seront proposés pour mettre en
oeuvre les dispositions les plus nécessaires au bénéfice des citoyens et des
élus qui les respectent.
Vous le savez, là encore, l'ensemble des sujets intéressant la nouvelle étape
de la décentralisation sera évoqué avec vous, lors du débat d'orientation au
Parlement que nous aurons ensemble au mois de janvier prochain. La date exacte
doit en être fixée très rapidement, en fonction notamment du calendrier
parlementaire, particulièrement chargé à cette époque. C'est Jean-Jack
Queyranne, ministre chargé des relations avec le Parlement, qui en est le
responsable.
MM. Hoeffel, Peyronnet et Haut en ont parlé dans leurs interventions, mais je
souhaite vous rappeler que le Gouvernement déposera au début de l'année
prochaine un projet de loi, suivant en cela les orientations de la commission
présidée par Pierre Mauroy, sur l'approfondissement de la démocratie locale et
sur l'amélioration des conditions d'exercice des mandats locaux. Un accent
particulier sera porté sur l'accès du plus grand nombre aux fonctions
électives, le développement du droit à la formation, la protection sociale et
le reclassement des élus.
(Applaudissements sur les travées socialistes,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Michel Mercier,
rapporteur spécial.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Michel Mercier,
rapporteur spécial.
Ce matin, je n'avais pas conclu mon exposé oral parce
que je crois aux vertus du débat. J'espérais que les arguments raisonnables,
avancés sereinement par M. Hoeffel et par moi-même, seraient de nature à vous
convaincre, monsieur le ministre d'améliorer votre projet de budget.
Je vous donne bien volontiers acte des efforts que vous avez faits pour nous
répondre mais, sur trois points au moins, vos réponses ne peuvent pas nous
donner satisfaction.
Vous avez dit que le Sénat avait voté un certain nombre de dispositions,
certes intéressantes, mais dont l'adoption aurait pour conséquence première
d'augmenter le déficit budgétaire, ce qui n'est pas acceptable. Nous sommes
tout à fait d'accord avec vous, monsieur le ministre ! D'ailleurs, nous vous
avons mis en garde, dans nos rapports écrits, contre cette manie du
Gouvernement de remplacer les impôts locaux par des dotations de l'Etat. Cela
conduit à rigidifier le budget de l'Etat et à priver le Gouvernement de la
totale maîtrise de son budget : il est obligé de réduire les dotations aux
collectivités locales s'il ne veut pas augmenter le déficit.
L'appel pour revenir à des ressources fiscales, au lieu des dotations, vous a
été lancé de toutes les travées de cet hémicycle, afin de redonner au
Gouvernement la pleine maîtrise du budget de l'Etat. Ainsi, tous le monde sera
satisfait.
S'agissant de la progression de la dotation de solidarité urbaine, si le
comité de finances locales qui se tiendra le 12 décembre prochain fixe à 50 %
seulement l'augmentation de la dotation forfaitaire, ce qui est le taux le plus
bas qu'il puisse retenir - les années précédentes, il s'élevait à 55 % - cette
année, la DSU comme tous les apports complémentaires qui ont été décidés au
cours du débat parlementaire n'augmenteront pas.
En ce qui concerne l'intercommunalité, celle-ci mérite de la part du
Gouvernement, qui a voulu insuffler cette réforme, un vrai financement. Nous ne
le trouvons pas !
Pour l'ensemble de ces raisons, je dois conclure au rejet de votre projet de
budget.
(Exclamations sur les travées socialistes. - Applaudissements sur
les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant l'intérieur
et la décentralisation et figurant aux états B et C.
Je rappelle au Sénat que les crédits affectés à la sécurité ont été examinés
aujourd'hui même.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : 2 821 438 095 francs. »