SEANCE DU 4 DECEMBRE 2000
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant la fonction
publique et la réforme de l'Etat.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Gérard Braun,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, je voudrais d'abord exprimer devant vous mon vif
étonnement face à la désinvolture que manifeste le Gouvernement à l'égard de
son devoir d'information des rapporteurs spéciaux. Malgré des demandes maintes
fois réitérées, le ministère de la fonction publique et le secrétariat d'Etat
au budget ne m'ont toujours pas communiqué les réponses à l'ensemble de mon
questionnaire budgétaire, se renvoyant la responsabilité d'y répondre. Cette
attitude est inadmissible et montre bien ce qu'il faut penser des déclarations
gouvernementales sur la transparence budgétaire.
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Très bien !
M. Gérard Braun,
rapporteur spécial.
L'examen des crédits de la fonction publique appelle
deux analyses distinctes : la première est juridique et porte sur la
présentation des crédits du ministère chargé de la gestion de la fonction
publique, qui sont individualisés dans le budget des services généraux du
Premier ministre au sein de l'agrégat « Fonction publique ». Ces crédits
s'élèvent à 1 422,7 millions de francs en 2001, soit une progression de 8,1 %
par rapport à 2000.
M. Jacques Mahéas.
C'est normal !
M. Gérard Braun,
rapporteur spécial.
La seconde analyse est économique et concerne
l'ensemble des charges de personnel de l'Etat, c'est-à-dire les crédits de
rémunération, les charges sociales et les pensions.
Je ne m'attarderai pas sur les crédits de l'agrégat « Fonction publique », me
permettant de vous renvoyer aux chiffres figurant dans mon rapport écrit.
L'examen des charges de personnel de l'Etat est beaucoup plus intéressant, en
raison des masses budgétaires en jeu mais aussi des enseignements qu'il
convient d'en tirer.
Les dépenses de fonction publique
stricto sensu
s'élèvent à environ 710
milliards de francs, marquant une progression de 2,3 %, et représentent 42,2 %
du budget général.
Surtout, la fonction publique de l'Etat induit des dépenses qui vont bien
au-delà des seules charges liées aux fonctionnaires. Hors rebudgétisations, ces
dépenses induites étaient, en 1999, de 733 milliards de francs.
Je souhaiterais maintenant vous faire part des trois observations que
m'inspirent les dotations allouées à la fonction publique et à la réforme de
l'Etat pour 2001.
Première observation, la fonction publique a fait l'objet de nombreux rapports
cette année, ce qui n'est bien évidemment pas fortuit.
Ces différents rapports, d'origines diverses, contribuent à nourrir
l'information du Gouvernement sur les échéances à venir et à lui proposer des
pistes de réforme de la gestion des personnels de l'Etat et du fonctionnement
de l'administration. Je considère en effet que l'ensemble de ces rapports trace
les axes de réformes ambitieuses, et constitue autant d'incitations à agir.
Il y a d'abord eu le rapport particulier de la Cour des comptes sur la
fonction publique de l'Etat, publié en janvier. Sans entrer dans le détail de
ces travaux, il convient de rappeler que ce rapport est accablant pour l'Etat
employeur : emplois en surnombre ou bloqués, mises à disposition ou
détachements injusfitiés ou irréguliers, contrôle des emplois insatisfaisant,
parfois à peine ébauché, gestion prévisionnelle des ressources humaines
défaillante, voire inexistante, dépenses indemnitaires financées sur des
ressources extrabudgétaires, avantages indus sans base juridique, ... et la
liste n'est pas close.
Par ailleurs, le Commissariat général du Plan a publié deux rapports
importants, dans le cadre du groupe de travail mis en place sur le thème de la
gestion de l'emploi public. Tous les deux insistent sur le fait que « la
gestion de l'emploi public est au coeur de la réforme de l'Etat », et appellent
à tirer parti des départs à la retraite très nombreux au cours des prochaines
années, non pour procéder à des recrutements massifs de fonctionnaires, mais
pour mettre en oeuvre une gestion active des emplois en opérant, notamment, des
redéploiements d'effectifs, et pour entreprendre une reconfiguration des
services publics.
Deuxième observation, le Gouvernement n'a pour l'instant tiré aucune
conséquence pratique de ces conseils avisés.
En juillet dernier, il a créé un observatoire de l'emploi public, chargé «
d'assurer la collecte, l'exploitation et la diffusion de l'information sur
l'emploi public ». Je ne peux cependant que m'interroger sur l'utilité réelle
des travaux de cette nouvelle structure administrative, compte tenu de
l'abondance des informations déjà existantes en la matière. Son véritable
objectif n'est-il pas plutôt de gagner du temps et de différer, une fois
encore, les indispensables réformes à engager ?
Autre exemple de l'attentisme du Gouvernement, l'absence totale de réformes en
matière de retraites dans la fonction publique. Je considère que les nombreux
départs à la retraite des agents publics constituent une opportunité qu'il faut
saisir pour réduire le nombre de fonctionnaires et doter notre pays d'un Etat
moins lourd mais plus efficace.
Je suis également favorable à un alignement de la durée de cotisation des
fonctionnaires, aujourd'hui de 37,5 années, sur le droit commun applicable aux
salariés du secteur privé, soit quarante ans.
Vous avez vous-même déclaré, monsieur le ministre, que cette éventualité
n'était pas à exclure. Pouvez-vous nous dire où en est la réflexion du
Gouvernement sur ce point ?
Le coût des pensions de la fonction publique, qui est déjà de près de 200
milliards de francs, va véritablement exploser. Leur charge budgétaire s'est
d'ailleurs accrue de 20,8 milliards de francs de 1998 à 2001, soit une
progression de 12 % en quatre ans. Pourtant, sur ce point non plus, le
Gouvernement n'a engagé aucune réforme, se contentant de créer un conseil
d'orientation des retraites.
Enfin, en dépit de vos propos volontaristes, la réforme de l'Etat semble
abandonnée. Les axes de réforme ne manquent pas : j'en ai relevé pas moins de
dix-sept ! Les circulaires ne manquent pas non plus. En revanche, les actes,
eux, sont peu perceptibles.
Certes, un comité interministériel pour la réforme de l'Etat s'est réuni le 12
octobre dernier, mais les trois axes de réforme qu'il a déterminés paraissent
bien vagues, ou alors ne constituent que des déclarations d'intention sans
portée concrète.
Il semble, en fait, que la réforme de l'Etat ait beaucoup pâti de la
capitulation du Gouvernement, en mars dernier, devant les syndicats de
l'administration fiscale. Depuis, plus rien ne bouge. Pouvez-vous nous citer
des mesures concrètes de réforme de l'Etat intervenues au cours de l'année ?
Troisième observation, le Gouvernement renoue avec les créations massives
d'emplois, en dépit du poids croissant des dépenses de fonction publique.
Le projet de loi de finances pour 2001 présente, entre autres
caractéristiques, le fait de rompre avec le principe de stabilité du poids de
l'emploi public pourtant affiché par le Gouvernement depuis 1997. En fait, il
renoue même avec des créations massives d'emplois telles qu'il n'y en avait
plus eu depuis le début des années quatre-vingt-dix, et prévoit la création de
11 337 emplois nouveaux.
Je désapprouve fortement cette orientation, estimant qu'elle n'est motivée par
aucun argument objectif. Pourquoi, par exemple, recruter plus de 6 600
enseignants supplémentaires...
M. Jacques Mahéas.
Demandez-le aux Français !
M. Gérard Braun,
rapporteur spécial.
... alors que le nombre des élèves, comme celui des
étudiants, ne cesse de diminuer ?
M. Jacques Mahéas.
Les Français vous diront le contraire !
M. Gérard Braun,
rapporteur spécial.
Pour le ministre, quelques milliers de fonctionnaires
de plus, je sais que cela n'a pas vraiment d'importance, tant il est vrai que
l'on ne connaît pas leur nombre exact et que le Gouvernement ne maîtrise pas
les dépenses de l'Etat, en dépit de ses déclarations contraires qui ne trompent
désormais plus personne, notamment depuis que la commission des finances a
montré que le dérapage des dépenses était récurrent.
Toutefois, ces créations d'emplois publics vont alourdir le poids des dépenses
de fonction publique et réduire davantage encore les marges de manoeuvre du
budget de l'Etat. A titre d'illustration, il convient de rappeler que l'accord
salarial du 10 février 1998, durant ses trois années d'application dans les
trois fonctions publiques, s'est traduit par un coût total de 41,3 milliards de
francs.
Or la part croissante des dépenses de fonction publique, de surcroît
particulièrement concentrées, accentue la rigidité du budget de l'Etat. En
effet, l'essentiel de la progression des dépenses de l'Etat résulte des
dépenses de fonction publique : de 1997 à 2001, ce poste a crû de 11,5 % et
représente plus de 70 % de la progression des dépenses au titre des dix
premiers postes du budget général, soit 73 milliards de francs sur 103
milliards de francs.
En outre, à la suite de l'accord de résorption de l'emploi précaire dans la
fonction publique, plus de 4 000 postes budgétaires réservés à des
titularisations seront inscrits dans le budget pour 2001, tandis que plus de 5
400 emplois en surnombre liés à l'effet différé des réussites aux concours
d'enseignants seront consolidés.
Au total, ce seront donc 20 820 emplois budgétaires supplémentaires qui seront
créés par le projet de loi de finances pour 2001.
Enfin, il subsiste au moins deux dossiers qui font peser des incertitudes sur
l'évolution à venir des dépenses de la fonction publique.
Le premier est celui de l'avenir des emplois-jeunes. Il est à craindre qu'un
nombre significatif d'entre eux ne soit finalement intégré dans la fonction
publique. Le Gouvernement commence lui-même à s'inquiéter du devenir de ce
dispositif - à l'origine duquel il est pourtant ! - puisqu'il a tenu récemment
une réunion interministérielle consacrée à la pérennisation des emplois-jeunes
!
Le second dossier concerne les 35 heures dans la fonction publique. A la suite
de l'échec des négociations visant à l'élaboration d'un accord-cadre relatif à
la réduction du temps de travail dans la fonction publique, le Gouvernement a
renvoyé ces négociations au niveau ministériel et a publié, en août dernier, un
décret fixant la durée hebdomadaire de travail à 35 heures dans la fonction
publique de l'Etat, à partir du 1er janvier 2002. Toutefois, le coût de cette
mesure reste totalement inconnu. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous donner
des éléments chiffrés ?
Je souhaite conclure sur une considération générale.
La majorité du Sénat, en particulier votre rapporteur, n'est en rien hostile,
par principe, aux fonctionnaires, n'en déplaise à certains qui voudraient le
croire.
M. Jacques Mahéas.
On ne le dirait pas !
M. Gérard Braun,
rapporteur spécial.
Elle considère simplement que la croissance et
l'emploi se porteront mieux en France si les impôts diminuent. Or ils ne
diminueront pas tant que notre pays aura un niveau de dépenses publiques parmi
les plus élevés au sein de l'OCDE.
Le budget de l'Etat est de plus en plus contraint par les dépenses de fonction
publique. C'est donc logiquement sur ce poste de dépenses qu'il faut agir. Il
me paraît indispensable de tirer parti des évolutions démographiques
considérables qui vont affecter la fonction publique au cours des prochaines
années pour doter la France d'un Etat plus réduit, mais plus efficace et plus
moderne.
Les nouvelles technologies doivent favoriser ces réformes. Monsieur le
ministre, vous m'avez dit que votre objectif n'était pas la diminution du
nombre de fonctionnaires. Il s'agit non pas tant, en effet, d'un objectif que
d'une conséquence à tirer d'une évolution objective. Laisser croire que
l'informatique est sans effet sur le nombre des agents publics revient à dénier
tout effet aux progrès technologiques et suppose le service public imperméable
aux évolutions de la société. C'est un peu comme si vous plaidiez encore pour
l'usage de la faux dans l'agriculture par crainte des effets de la mécanisation
!
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du rassemblement pour la République, 17 minutes ;
Groupe socialiste, 13 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 9 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 8 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 5 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des
présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix
minutes.
Par ailleurs, le temps programmé pour le Gouvernement est prévu pour
vingt-cinq minutes au maximum.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean-Léonce Dupont.
M. Jean-Léonce Dupont.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au xixe
siècle, les frères Goncourt écrivaient : « La France est un pays d'une
incroyable fécondité : on y plante des fonctionnaires et il y pousse des
impôts. »
(Rires.)
M. Alain Joyandet.
Très bien !
M. Jean-Léonce Dupont.
Au vu du budget de la fonction publique que vous nous présentez, monsieur le
ministre, et des négociations salariales en cours, je crains qu'en ce lundi 4
décembre 2000 cette citation ne soit on ne peut plus, et malheureusement,
d'actualité.
Alors que la sonnette d'alarme a été tirée sur la gestion déplorable des
personnels de la fonction publique et sur ses enjeux dans trois récents
rapports de la Cour des comptes et du Commissariat général du Plan, le
Gouvernement continue tranquillement à mener une politique qui fait fi de ces
conclusions.
En réponse aux « emplois en surnombre ou bloqués, à l'existence de mises à
disposition ou de détachements injustifiés, au système de contrôle des
effectifs insatisfaisants » relevés par la Cour des comptes, votre projet de
budget prévoit la création de 11 337 emplois nouveaux, outre le remplacement
des 60 000 fonctionnaires qui partiront à la retraite en 2001.
Mais avec l'embauche, l'an prochain, d'un fonctionnaire, ce n'est pas
seulement le projet de budget 2001 qui est concerné : ce sont probablement les
soixante suivants en raison du déroulement de carrière et des retraites !
En dépit du poids croissant des dépenses de la fonction publique - rappelons
qu'entre 1997 et 2001 71 % de la progression des dépenses publiques sont
imputables à la fonction publique - vous continuez à prendre des mesures qui
vont alourdir le budget de l'Etat, et ce presque à l'aveuglette, puisque vous
reconnaissez en ignorer le coût financier précis. Je veux, bien sûr, parler des
35 heures dans la fonction publique, du dispositif du projet de loi tendant à
résorber la précarité dans la fonction publique et des créations d'emplois
publics.
Mais il convient d'ajouter différents sujets qui ont été passés jusqu'à
présent sous un quasi-silence et dont le financement pourrait être dramatique
pour le budget de l'Etat si aucune décision n'était prise, si aucune réforme
n'était entreprise rapidement.
Ainsi, on sait qu'un nombre important de fonctionnaires vont partir à la
retraite dans les années à venir. Or aucune réponse n'est aujourd'hui apportée
à la question du financement de ces retraites. Sachant que la charge budgétaire
de ces futures pensions sera considérable, qu'attend le Gouvernement pour agir
?
Dans le même ordre de préoccupation, je m'interroge sur l'avenir des
emplois-jeunes et sur les éventuelles incidences financières de la politique du
Gouvernement les concernant.
J'ai bien noté vos propos sur le sujet, monsieur le ministre, à savoir que «
l'intégration massive et directe des emplois-jeunes concernés dans la fonction
publique de l'Etat est exclue ». Qu'en serait-il d'une intégration « non
massive » prévue ? En dehors de la fonction publique, qu'en sera-t-il des
collectivités territoriales ?
Compte tenu des prochaines échéances électorales et de la pression que ne
manqueront pas d'exercer les syndicats, permettez-moi de faire preuve de
prudence à l'égard de vos déclarations et d'attendre avec impatience que vous
passiez de la parole aux actes.
Il va sans dire que je déplore l'actuelle attitude d'attentisme du
Gouvernement sur tous ces dossiers.
Malgré un état des lieux bien connu, il vient, une fois encore, de mettre en
place une structure de réflexion : l'Observatoire de l'emploi public. J'avoue
être totalement rassuré : enfin une structure qui va pouvoir élaborer des
propositions débouchant sur des actes concrets ! Je souhaite néanmoins savoir
comment on pourrait connaître le nombre exact de fonctionnaires dans ce
pays.
Je suis naturellement convaincu que cet observatoire accomplira ses missions
avec sérieux et compétence. Mais est-il vraiment utile en soi ? Est-il vraiment
indispensable d'attendre les conclusions de ses travaux pour entreprendre des
réformes d'évidence nécessaires ? Sincèrement, je doute encore des intentions
réelles du Gouvernement.
Je sais bien qu'à l'approche d'échéances électorales les cinq millions
d'électeurs potentiels que constituent les fonctionnaires sont ici largement
pris en compte.
M. Alain Joyandet.
Ô Combien ! C'est clair !
M. Jean-Léonce Dupont.
Mais est-il bien responsable de votre part, monsieur le ministre, de remettre
à demain ce que vous pourriez faire aujourd'hui ?
Les socialistes se sont trompés au début des années quatre-vingt en
nationalisant les entreprises alors que le monde entier évoluait en sens
inverse.
M. Jacques Mahéas.
Nous en avons sauvé plusieurs !
M. Jean-Léonce Dupont.
Les socialistes se sont trompés en lançant la retraite à soixante ans alors
que l'arrivée à la retraite de la génération d'après-guerre du
baby-boom
s'ajoute au bénéfice de l'allongement de la vie. Vous êtes allés une
nouvelle fois dans une mauvaise direction.
De la même manière, en ce début du xxie siècle, vous allez dans la mauvaise
direction en proposant une augmentation du nombre de fonctionnaires. Vous
démontrez votre incapacité à maîtriser la dépense publique et la France devient
le mauvais élève de l'Europe, malgré une période exceptionnelle de croissance
dont vous bénéficiez mais dont vous n'êtes en rien responsables.
La capacité de développement d'un territoire ne sera possible demain que s'il
dispose d'entreprises percutantes et créatrices et d'une administration
compétitive sur les plans tant européen que mondial. Cette compétitivité
administrative nécessite une forte volonté de redéploiement, un véritable
esprit entrepreneurial, un maximum de flexibilité. Or vous augmentez les
rigidités futures par ce que vous appelez « l'application d'un plan de
résorption de l'emploi précaire ».
Alors, monsieur le ministre, pourquoi cette fascination pour le toujours plus
? Est-ce une vision idéologique du xixe siècle dont vous n'arrivez concrètement
pas à sortir et qui débouche sur des organisations toujours plus nombreuses,
hiérarchisées, pyramidales, jacobines, alors que la modernité va vers des
organisations souples, réactives, décentralisées ? Est-ce un manque de courage
politique ou un calcul électoraliste ? Je ne veux le croire.
Aussi, monsieur le ministre, en pensant aux futures générations, qui devront
un jour payer les déficits budgétaires croissants, le financement des systèmes
de retraites, l'amélioration continue des soins, j'en appelle à votre sens de
l'Etat, et je ne peux, en paraphrasant un ancien - et de façon presque
désespérée - que vous rappeler qu'en matière d'erreur la persévérance est
diabolique.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le
Gouvernement affirme que la fonction publique est au coeur de ses priorités.
Veut-il parler de la rigueur de son budget ? Cela n'apparaît pas. Pour ce qui
est des structures, permettez-moi de m'interroger.
L'examen des crédits, plus de 1,4 milliard de francs correspondant à l'agrégat
21 « Fonction publique », ne donne de ce budget qu'une image partielle. Il faut
en effet prendre en compte les charges de personnel de l'Etat, qui s'élèvent à
710 milliards de francs, soit 42 % des dépenses du budget général. Ce chiffre
correspond à la réalité, car il comprend les crédits de rémunérations, mais
aussi les charges sociales et les pensions.
Il y a dix jours, nous examinions le projet de loi dont l'objectif,
pensions-nous, était la modernisation des structures, la résorption de l'emploi
précaire, la modernisation du recrutement dans la fonction publique et le temps
de travail dans la fonction publique territoriale. Nous nous attendions à ce
que le Gouvernement prenne les mesures adaptées. Hélas ! mes chers collègues,
que ce soit le Parlement, les fonctionnaires ou les usagers, tout le monde est
déçu.
Le budget dévolu pour 2001 croît sans que, pour autant, progressent les
réformes structurelles. Le « mieux d'Etat » auquel les Français aspirent reste
une urgence que vous écartez. On ne peut le comprendre.
Je prendrai deux exemples avant de proposer une meilleure adéquation entre
fonction publique, réforme de l'Etat et aménagement du territoire.
On peut prévoir le départ à la retraite de toute une génération de
fonctionnaires - près de 620 000 dans les dix prochaines années. Or le
Gouvernement propose pour 2001 une création nette de plus de 11 000 emplois
publics, ce qui représente une progression annuelle de l'ordre de 15 %. Est-ce
parce que vous voulez paraître convaincu que les 35 heures créent des emplois,
monsieur le ministre ?
Nous avons déjà l'un des taux de fonctionnaires les plus élevés de l'Union
européenne. Les citoyens des autres pays bénéficient-ils de services publics de
moindre qualité ?
N'aurait-il pas été possible de rationaliser, de rechercher plus d'efficacité,
quitte, bien sûr, à ce que les salaires soient plus élevés en fonction des
mérites ? Au fait, vous nous avez fort peu parlé du mérite !
Cette création de 11 000 emplois est-elle justifiée par le mauvais
fonctionnement des services publics ? Autre interrogation : le nombre d'élèves
par enseignant est l'un des plus faibles de l'Union européenne ; l'échec
scolaire est-il plus important dans les autres pays de l'Union ?
En matière de retraites, le Gouvernement reste d'une indécision irresponsable.
Je rappellerai simplement que les fonctionnaires cotisent deux ans et demi de
moins que les travailleurs du secteur privé pour prétendre à une retraite
pleine. Est-ce, monsieur le ministre, votre conception de l'équité ? Cette
injustice n'est plus acceptable pour nos concitoyens !
Etant donné cette différence de traitement, on comprend qu'une grande partie
de notre jeunesse se tourne soit vers la fonction publique soit vers l'étranger
!
Le report permanent de la réforme des retraites démontre-t-il une incapacité
alimentée par des soucis pré-électoraux ? J'espérais que vous seriez convaincu,
monsieur le ministre, que le courage en politique était une forme de
plaisir.
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Si c'est si
facile, il fallait le faire avant !
M. Aymeri de Montesquiou.
Qui prétend que c'est facile ?
Des réformes indispensables doivent conduire à une meilleure répartition des
fonctionnaires de l'Etat sur le territoire, d'un triple point de vue : la
formation, la mise en place des services déconcentrés, la gestion décentralisée
des carrières.
Voici un exemple dans le domaine de la formation : la subvention de
fonctionnement de l'Ecole nationale d'administration s'élève à plus de 170
millions de francs, soit un peu plus de 3 francs par Français. Je ne suis pas
de ceux qui se plaignent avec démagogie de « l'énarchie », pour reprendre le
terme célèbre inventé par le précédent ministre de l'intérieur, mais je suis
perplexe, car cette subvention est équivalente à celle qui est allouée à
l'ensemble des cinq instituts régionaux d'administration chargés de former des
fonctionnaires de catégorie A. Je vous prie de justifier, monsieur le ministre,
cette différence de moyens.
Cette forme de discrimination territoriale dans la formation des
fonctionnaires généralistes est renforcée par l'insuffisante prise en compte de
l'équilibre territorial.
Le désengorgement des ministères parisiens devrait être une priorité. Le
précédent ministre de l'économie, des finances et de l'industrie avait évoqué,
le 1er février dernier, le « risque d'hypertrophie de certaines administrations
centrales que le Gouvernement entend corriger ». Mais il n'a pas su imposer sa
vision. Ne pouvez-vous, aujourd'hui, dans un souci de rationalisation et
d'aménagement du territoire, diminuer une administration centrale pléthorique
et conserver et moderniser les services publics de proximité ? La crainte d'un
maillage moins dense du territoire était réelle et suffisamment forte pour que
les élus et la population des zones rurales soutiennent les agents du Trésor
public, qui ne sont pourtant pas les représentants du service public pour
lesquels nos concitoyens ont le plus d'affection. Soyons à l'écoute de nos
concitoyens !
C'est la raison pour laquelle, je le rappelle encore, monsieur le ministre,
mes chers collègues, la majorité des Français aspirent à vivre dans de petites
villes. Nous sommes tous saisis de demandes de mutations de fonctionnaires qui
souhaitent, eux aussi, retourner en province. Si je me réjouis que l'une des
premières régions de France demandées soit Midi-Pyrénées, nous regrettons de ne
pouvoir satisfaire ces demandes, dont la réalisation participerait à un
meilleur équilibre du territoire.
Vos projets en matière de déconcentration des administrations centrales sont
surprenants. Non seulement certaines décisions de transfert portant sur environ
3 000 emplois ont été différées ou ajournées, mais le cinquième des quelque 22
800 emplois transférés le sont en Ile-de-France !
Enfin, la gestion prévisionnelle des emplois et des carrières devrait se faire
avec le souci d'une meilleure connaissance des besoins. Cette gestion de
proximité, notamment dans le domaine de l'enseignement, pourrait être bien plus
efficace pour servir nos concitoyens et appuyer le développement économique au
niveau régional. Monsieur le ministre, l'Observatoire de l'emploi public, créé
le 13 juillet dernier, prendra-t-il en compte cette nécessité d'une meilleure
répartition territoriale ?
Le groupe du Rassemblement démocratique et social européen est très attaché à
un service public de qualité, et donc à une fonction publique ayant les moyens
de servir les citoyens. Mais réformer l'Etat, ce n'est pas remplacer les ronds
de cuir du temps de Courteline par les tapis de souris d'une administration
déshumanisée ! Vous laissez courir votre budget, ce qui concourt à un déficit
budgétaire parmi les plus importants de l'Union européenne, au détriment
d'autres budgets essentiels pour l'avenir, sans que nos concitoyens soient
mieux servis. C'est pourquoi je suivrai l'avis de la commission.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et
des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les services
publics jouent un rôle irremplaçable en faveur de la cohésion sociale et
spatiale de notre pays.
Si un sentiment de carence des services publics pèse parmi les usagers, c'est
en grande partie parce que l'administration ne dispose pas de moyens
suffisants, tant matériels qu'humains.
Certes, monsieur le ministre, nous souffrons du retard pris par vos
prédécesseurs, ceux de droite, qui n'ont pas été du tout dans le sens de
l'investissement et qui, dans leurs propos, ce soir, tirent encore vers le
bas.
M. Hilaire Flandre.
Vers le mieux !
M. Thierry Foucaud.
Nous, nous pensons que la solution à ce problème passe nécessairement par un
réinvestissement franc et massif de l'Etat.
Votre objectif, monsieur le ministre, est de promouvoir un Etat plus
transparent, plus efficace, capable d'accomplir des missions de service public
et de répondre aux attentes des usagers.
Votre prédécesseur a d'ailleurs travaillé en ce sens avec l'adoption de la loi
relative à l'amélioration des droits des citoyens dans leurs relations avec les
administrations.
Nous souscrivons pleinement à ces démarches et à celle de la résorption de
l'emploi précaire.
Les dispositions du projet de loi relatif à la résorption de l'emploi
précaire, en cours d'examen, doivent concerner 100 000 personnes sur cinq ans,
soit 20 000 par an. Or le nombre total d'emplois précaires s'élève à plus de
700 000 ! Il rest donc un grand pas à franchir.
Les crédits alloués à la fonction publique augmentent de plus de 8 % en 2001,
soit près de 110 000 millions de francs. Si cette évolution n'est pas à
négliger, elle nous paraît tout à fait insuffisante pour répondre à l'ensemble
des besoins des administrés et à la nécessaire modernisation.
Le budget de 2000 avait déjà rompu avec la réduction des effectifs en créant
366 emplois. Celui de 2001 prévoit la création de plus de 15 000 emplois.
Pour autant, nous ne pensons pas qu'il s'agisse d'une rupture franche, dans la
mesure où la dialectique autour de l'emploi public reste fondée sur le « coût
», la « charge », et n'est jamais posée en terme d'investissement.
M. Hilaire Flandre.
Ni d'efficacité !
M. Thierry Foucaud.
Par ailleurs, plus de la moitié de ces créations resteront sans effet sur les
effectifs réels. Elles serviront, d'une part, à la consolidation des postes en
surnombre autorisés au ministère de l'éducation nationale, que nous accueillons
avec plaisir parce que ce « volant de remplaçants » est nécessaire pour assurer
le bon fonctionnement des écoles, collèges et lycées et, d'autre part, à la
mise en oeuvre partielle du dispositif de résorption de l'emploi précaire.
Pour ce qui concerne les 35 heures dans la fonction publique, je voudrais dire
combien les parlementaires communistes sont inquiets. Le projet de décret
n'intègre pas plus la compensation en emplois de la réduction du temps de
travail, qui doit être effective au plus tard le 1er janvier 2002, qu'il
n'indique les moyens de passer aux 35 heures.
Or la réduction du temps de travail ne peut être une réelle conquête sociale
si, parallèlement, ne sont pas créés les emplois correspondants. En effet, si
ces emplois n'étaient pas créés, ce serait un véritable recul en termes de
service public comme en termes de conditions de vie et de travail des
personnels.
Ce budget, malgré un mieux, reste donc empreint du principe de limitation des
dépenses publiques.
Ce principe se retrouve également dans la faiblesse des augmentations de
salaires des fonctionnaires en 2001 : 3,5 millions de francs sont inscrits au
budget, ce qui est très faible et se situe en dessous de l'inflation, alors que
les fonctionnaires ont déjà perdu en pouvoir d'achat, que leurs salaires ont
été bloqués en 1996 et que les non-revalorisations se sont accumulées.
Les budgets de 1999 et 2000 avaient consacré une enveloppe exceptionnelle de
230 millions de francs aux dépenses d'action sociale. Celle-ci n'a pas été
reconduite. Nous le regrettons, car le retard n'est pas résorbé et il reste de
nombreux chantiers à mettre en oeuvre.
Enfin, pour conclure, je tiens à dire qu'il serait bien de pérenniser le congé
de fin d'activité, même s'il a encore été reconduit cette année.
Doté de moyens trop faibles, ne prenant pas véritablement en compte les fruits
de la croissance, laissant des besoins non satisfaits compte tenu des objectifs
à atteindre en matière de développement des services publics, ce budget ne
pourra que nous conduire à nous abstenir.
M. le président.
La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est le
quatrième budget de la fonction publique et de la réforme de l'Etat de cette
législature, le premier pour vous, monsieur le ministre, qui nous présentez des
crédits en progression sensible de 8 %, pour atteindre 1 422 millions de
francs.
Comme précédemment, l'effort est porté sur l'action sociale
interministérielle, premier poste de dépenses de ce projet de budget, avec 856
millions de francs.
Avec plus 10 %, l'augmentation est notable, même si l'on peut toujours
souhaiter davantage.
Pour ma part, je pense qu'il faudra bien arriver un jour à asseoir l'action
sociale sur un pourcentage de la masse salariale, comme c'est le cas dans la
fonction publique hospitalière et dans la plupart des collectivités
territoriales.
Nous nous félicitons particulièrement de l'augmentation des aides dans deux
domaines : le logement, d'une part, afin de favoriser l'accès au logement
locatif des agents affectés dans des zones urbaines sensibles, les crèches,
d'autre part, afin de faciliter l'accueil des tout petits et de permettre à
leurs mères de concilier vie professionnelle et vie familiale.
C'est aussi un moyen d'encourager l'accès de la haute fonction publique aux
femmes, qui y sont sousreprésentées.
Pour ce qui concerne les chèques-vacances, après de fortes augmentations,
leurs crédits se sont stabilisés.
Si le principe et son extension aux emplois-jeunes emportent notre pleine
adhésion, l'application en semble toutefois un peu trop rigide.
Dans le domaine de la restauration, enfin, si des mises aux normes importantes
ont été entreprises, les partenaires sociaux, que nous avons rencontrés, ont
souligné que beaucoup restait à faire en ce qui concerne la chaîne du froid et
le désamiantage.
Sur ces deux derniers points, le chèque-vacances et la restauration, nous
aimerions obtenir des précisions.
Autre sujet réellement inquiétant : les crédits sociaux destinés à l'insertion
des agents handicapés stagnent, tandis que l'objectif de 6 % d'emplois réservés
n'est toujours pas respecté dans la fonction publique.
Il serait inconcevable que des employeurs publics préfèrent recourir, comme
dans le privé, pour s'acquitter de cette obligation d'emploi, aux solutions
alternatives prévues par le code du travail.
Pour clore ce chapitre sur une note positive, je me réjouis de la prorogation
du congé de fin d'activité pour 2001 ; cette mesure est très attendue par les
agents publics.
Quant aux crédits alloués à la réforme de l'Etat, ils sont quasi stables. A ce
propos, il semble n'exister, pour l'instant, ni recensement ni suivi centralisé
de la constitution des maisons des services publics. Je ne récuse en rien
l'intérêt de créer des services en ligne - et le nouveau portail Internet «
service-public.fr », que je vous invite à consulter, est particulièrement
ergonomique, comme on dit - mais leur mise en place ne doit pas se faire au
détriment d'une réduction du nombre des implantations physiques et de la taille
des maisons des services publics. Qu'en est-il de ce bilan ?
Cette discussion budgétaire est traditionnellement le moment privilégié pour
envisager plus largement le devenir de la fonction publique, dont vous êtes,
monsieur le ministre, le grand coordinateur. Or cette fonction publique va
devoir relever des défis majeurs en termes de ressources humaines.
La pyramide des âges des fonctionnaires est sans appel : la moitié d'entre eux
sera partie à la retraite à l'horizon 2012, ce qui suppose des besoins massifs
de recrutement à venir.
A plus brève échéance, la mise en place des 35 heures sera l'occasion de mener
une réflexion profitable sur l'organisation du travail, qui entraînera des
redéploiements et inévitablement, à mon sens, des créations d'emplois.
Pour accompagner sans heurt ces bouleversements, le fait marquant est, sans
conteste, la création de plus de 10 000 emplois, essentiellement dans les
ministères concernés par des réformes récentes ou dont les besoins sont
évidents : enseignement scolaire, 5 061 créations d'emplois ; enseignement
supérieur, 1 540 créations d'emplois ; justice, 1 549 créations d'emplois, ce
qui s'inscrit dans la continuité puisqu'on en dénombrait déjà 930 en 1999 et 1
237 en 2000 ; intérieur, 704 créations d'emplois.
Certes, je n'ignore pas à quel point une telle politique de recrutement
indispose certains de mes collègues, notre rapporteur spécial affirmant même
qu'elle « n'est motivée par aucun argument objectif ».
(M. Flandre
s'exclame.)
Je vais vous démontrer le contraire.
Vous dites que les Français n'approuvent pas cette augmentation. Chacun
d'entre nous est à l'écoute, quotidiennement, de l'opinion publique ! J'ai sous
les yeux un sondage de novembre 2000 réalisé pour
La Dépêche du
Midi
...
M. Hilaire Flandre.
On a interrogé les fonctionnaires !
M. Jacques Mahéas.
... relatif à l'opinion des Français sur le plan pluriannuel de recrutement
des personnels de l'éducation nationale. A la question : « Ce recrutement des
personnels est programmé sur trois ans au moyen d'un plan pluriannuel.
Estimez-vous que c'est une bonne chose, car, avec ce plan, l'Etat s'engage
vraiment à recruter ces personnels ? », 82 % des personnes interrogées ont
répondu favorablement.
M. Gérard Braun,
rapporteur spécial.
A la question : « Voulez-vous plus de beurre ? »,
elles ont répondu : « Oui, j'en veux plus ! »
M. Aymeri de Montesquiou.
Quelle démonstration !
M. Jacques Mahéas.
Vous n'avez pas écouté la conclusion, donc vous supputez déjà que c'est une
bonne démonstration ! Je vous en remercie !
(M. Flandre proteste.)
Cette conclusion, la voici : c'est une mauvaise chose, car l'Etat n'a pas
besoin d'engager 12 % de fonctionnaires supplémentaires.
M. Hilaire Flandre.
Il faut les redéployer !
M. Jacques Mahéas.
Vous êtes totalement déphasés par rapport à l'opinion publique !
M. Louis Boyer.
Et qui va payer ?
M. Jacques Mahéas.
Les parents d'élèves veulent que leurs enfants soient mieux éduqués, mieux
soignés...
M. Hilaire Flandre.
Bien sûr !
M. Jacques Mahéas.
... et bien souvent, messieurs de la droite, vous n'êtes pas sans demander
plus de sécurité, plus de policiers...
M. Louis Boyer.
Vous ne payez pas vos fonctionnaires !
M. Jacques Mahéas.
... donc plus de fonctionnaires !
M. Louis Boyer.
C'est avec notre argent que vous les payez !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Ce n'est pas
plus le vôtre que le nôtre !
M. Jacques Mahéas.
Les policiers supplémentaires ne seront pas payés avec votre argent, à moins
que vous ne soyez un généreux donateur, ce dont je ne doute pas. Mais laissons
là tout affichage quelque peu « politicard ».
M. Gérard Braun,
rapporteur spécial.
Polémique !
M. Jacques Mahéas.
Supprimer des postes de fonctionnaires, faut-il le répéter, n'a jamais
signifié réformer en profondeur. Raisonner en termes de chiffres n'a pas grand
sens lorsqu'il s'agit de services rendus à des citoyens ô combien soucieux - et
comment ne pas les comprendre ? - de qualité et d'efficacité, notamment dans
des secteurs qui touchent autant leur vie quotidienne que la sécurité, la santé
et, bien sûr, l'enseignement.
Au-delà de ces créations nettes d'emplois, je veux saluer la mise en oeuvre
d'une politique volontariste de gestion prévisionnelle des ressources humaines,
seule à même de faire face aux mutations à venir.
M. Jean-Jacques Hyest.
Ah bon !
M. Jacques Mahéas.
J'ai cru entendre qu'il aurait fallu geler les effectifs en attendant les
premières conclusions de l'Observatoire de l'emploi public, nouvellement
installé. Pour logique que puisse paraître ce raisonnement, en la circonstance,
il me semble au contraire urgent de ne pas attendre et de bien garder à
l'esprit l'ampleur des chiffres : d'ici à 2012, ce sont plus de 800 000
fonctionnaires qu'il faudra remplacer ! Et, dans certains cas, une formation
relativement longue est nécessaire avant qu'ils deviennent opérationnels.
L'Observatoire de l'emploi public permettra, quant à lui, de connaître -
enfin, me direz-vous - le nombre précis d'agents titulaires ou non des trois
fonctions publiques. Sur cette précieuse base d'analyse et de prospective, il
sera possible d'affiner les solutions et de préférer au traditionnel
remplacement poste pour poste le choix du bon fonctionnaire assurant le bon
service au bon endroit.
M. Jean-Léonce Dupont.
Bravo !
M. Jacques Mahéas.
Je suis heureux de vous avoir entendu rappeler, monsieur le ministre, la
récente décision du comité interministériel pour la réforme de l'Etat, qui
prévoit que la loi de finances pour 2003 s'appuiera non plus sur une
comparaison avec les inscriptions dans les lois de finances précédentes, mais
sur une analyse des flux en vue d'une gestion prévisionnelle. C'est là une
approche proprement révolutionnaire pour la fonction publique.
(Exclamations
ironiques sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
Enfin, pour dire encore quelques mots sur les effectifs de la fonction
publique, je ne peux pas manquer de mentionner le projet de loi destiné à
résorber l'emploi précaire et, surtout, à éviter sa reconstitution, dont tout
le monde s'accorde à penser qu'il est plus large et plus généreux que le
dispositif précédent.
Toutefois, si les éléments que je viens d'évoquer nous donnent satisfaction,
nous espérons que la reconnaissance de l'Etat envers ses fonctionnaires
s'accompagnera d'une politique réceptive à leurs attentes salariales.
Il est primordial de préserver l'attractivité de la fonction publique, qui
doit non seulement recruter massivement, mais recruter en particulier de
nombreux cadres.
Monsieur le ministre, vous avez pris l'engagement de lever tous les obstacles
statutaires. Nous en prenons acte et nous ne pouvons que vous encourager dans
cette voie, déjà tracée par quelques décrets. Il convient, en effet, de rompre
avec une certaine logique de sérail et de lutter contre l'inertie qui rend si
difficile le passage d'un corps à un autre, d'un ministère à un autre.
M. Gérard Braun,
rapporteur spécial.
Très bien !
M. Jean-Jacques Hyest.
Excellente remarque !
M. Jacques Mahéas.
Il y a des choses positives ! Vous le reconnaissez, tant mieux !
Avant de conclure, je souhaite encore aborder deux aspects.
Tout d'abord, j'évoquerai un très ancien contentieux concernant la réparation
des préjudices de carrière subis par les anciens fonctionnaires d'Afrique du
Nord lors du second conflit mondial.
M. Jean-Jacques Hyest.
Ah !
M. Jacques Mahéas.
Les commissions administratives de reclassement, chargées d'étudier ces cas,
semblent laisser de nombreux dossiers en suspens. Ne peut-on accélérer leur
démarche afin de faire droit à ces citoyens méritants ?
Enfin, j'ai noté, non sans m'en réjouir, les progrès réalisés en matière de
transparence des rémunérations accessoires. J'ai cru comprendre que nous
aurions un état complet de la situation d'ici à la fin du mois de décembre !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Absolument
!
M. Jacques Mahéas.
Je ne voudrais pas que les quelques restrictions que j'ai pu émettre masquent
notre satisfaction à voter un budget...
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Au
contraire, elles le mettent en valeur !
M. Jacques Mahéas.
... qui s'attache, notamment, à prévenir ce que sera le grand défi du nouveau
millénaire pour la fonction publique : une gestion plus dynamique et plus
prospective de ses ressources humaines, garante non seulement de meilleures
conditions de travail pour ses agents mais également de qualité et d'efficacité
des services rendus aux citoyens.
M. le président.
La parole est à M. Flandre.
M. Hilaire Flandre.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après les
deux intervenants qui m'ont précédé et qui ont apporté leur appui à M. le
ministre - de façon quelque peu différenciée - peut-être mes propos
paraîtront-ils plus caustiques. Mais je crois que, de temps en temps, il faut
dire la vérité.
M. Aymeri de Montesquiou.
Il faut toujours la dire !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
« Sa »
vérité !
M. Hilaire Flandre.
Peut-être « sa » vérité !
Nous sommes réunis ce soir pour examiner les crédits consacrés à la fonction
publique et vérifier si ces crédits sont en adéquation avec les missions qui
lui sont confiées.
Ce moment est un temps fort de la loi de finances, puisque la fonction
publique engendre, à elle seule, plus de 710 milliards de francs et qu'elle
représente 42 % des dépenses du budget général. Cela incite évidemment à
regarder au plus près la manière dont est engagé cet argent, dans la mesure où
les sommes sont pour le moins substantielles.
Le Parlement serait en droit d'attendre, étant donné l'importance des crédits,
une précision sans faille sur les chiffres et les effectifs de la fonction
publique proposés par le ministère. Or, comme chaque année, nous travaillons
dans l'imprécision et l'opacité la plus généralisée. Comment est-il concevable
que le budget le plus important de l'Etat soit également le moins déchiffrable
? J'appelle votre attention sur cette situation.
En tant que parlementaires, nous sommes responsables des crédits que nous
votons. Or, étant privés des informations nécessaires, nous ne pouvons assurer
pleinement le rôle premier destiné aux chambres. En effet, faut-il le rappeler,
initialement, le Parlement avait été créé par saint Louis à la seule fin de
voter les crédits du royaume, et cela reste une fonction essentielle des
assemblées.
Ainsi, monsieur le ministre, vous avez été obligé de faire ce cinglant constat
d'échec : « La connaissance par les ministères des emplois dont ils disposent
effectivement relève aujourd'hui de l'impossible. » C'est dramatique ! A lui
seul, ce constat d'échec appellerait un refus de votre budget, puisque nous
sommes privés des instruments de réflexion essentiels.
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Cette
méconnaissance ne date pas d'aujourd'hui ! Il me semble que vous avez voté
d'autres budgets dans les mêmes conditions !
M. Jacques Mahéas.
Encore plus obscures !
M. Hilaire Flandre.
C'est exact ! D'autres ministres avant vous avaient dressé le même constat, et
nous l'avons dénoncé de la même façon !
L'Observatoire de l'emploi public, créé au mois de septembre à la suite du
décret du 15 juillet dernier, arrivera-t-il à remplir les missions que l'Etat
lui a fixées ? C'est à espérer, mais j'en doute, au moins à deux titres.
Tout d'abord, les études en la matière étaient déjà nombreuses et auraient pu
constituer une bonne base de travail. Je pense au rapport accablant de la Cour
des comptes établi en début d'année. Et je ne crois pas que l'on puisse accuser
son président d'accointances politiques avec les sénateurs ! Je pense également
au rapport Charpin du Commissariat général du Plan, au Comité central d'enquête
sur le coût et le rendement des services publics, au rapport de la Direction
générale de l'administration et de la fonction publique, la DGAFP, sans parler
des nombreux mais excellents rapports parlementaires sur la question.
Ces études sont gênantes ? Qu'à cela ne tienne : comme à chaque fois, un
nouveau rapport sera attendu, rapport qui permettra de retarder d'autant les
réformes structurelles pourtant essentielles.
Ma deuxième inquiétude quant à la marge de manoeuvre de cet observatoire
résulte finalement du peu de cas que vous faites d'ores et déjà des conclusions
éventuelles que pourrait tirer cet organisme. Permettez-moi de préciser ma
pensée.
Une démarche cohérente consisterait à attendre que cet observatoire dresse un
état des lieux, ne serait-ce qu'en ce qui concerne les effectifs de la fonction
publique. Dans un second temps, et seulement à ce moment-là, le Gouvernement
procéderait aux ajustements nécessaires en termes de créations éventuelles de
postes dans certains secteurs particulièrement limités. Dans d'autres cas, il
déciderait de ne pas remplacer les départs dans des branches bénéficiant
d'effectifs inadaptés.
L'observatoire s'est à peine mis au travail que ses travaux sont déjà vains.
Je me permettrai de donner deux exemples.
D'une part, la suppression de la redevance pour droit d'usage, ou redevance
télé, n'est plus à l'ordre du jour, car les fonctionnaires chargés de sa
perception perdraient leur emploi, un emploi dont les usagers se passeraient
bien !
D'autre part - preuve du caractère schizophrène de la majorité -, le ministre
de l'éducation nationale annonce la création de 32 000 emplois dans l'éducation
nationale à l'horizon 2004, dont 17 000 créations nettes, au moment même où le
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie promet un plan de
maîtrise des dépenses publiques d'ici à 2004.
Soit il n'y a aucune logique dans l'activité du Gouvernement, et cela est très
grave, soit l'un des deux ministres fait des annonces dont il sait qu'elles ne
seront jamais suivies d'effet !
Mon inquiétude serait qu'en période préélectorale les partisans du « toujours
plus » soient malheureusement plus entendus que ceux du « toujours mieux ».
Ainsi, le budget que vous nous proposez est celui des occasions manquées. Cela
me chagrine d'autant plus que la situation économique actuelle aurait permis
d'anticiper quelque peu les problèmes à venir, lesquels sont liés au départ à
la retraite, d'ici à 2010, de plus de la moitié des fonctionnaires actuellement
en poste.
Nous étions en droit d'attendre non pas le recrutement massif de
fonctionnaires, ainsi que l'indiquait notre rapporteur spécial, M. Gérard
Braun, dont je salue l'excellent travail, mais bien une gestion active et
efficace des recrutements.
L'objectif n'est pas une gestion à court terme. Il ne s'agit pas de remplacer
un poste par un autre poste identique ; il s'agit de tendre vers un
redéploiement des effectifs, et ce en tout premier lieu au bénéfice des
secteurs particulièrement prioritaires.
Ces choix que vous ne faites pas cette année, pas plus que le Gouvernement ne
les a faits depuis 1997, entameront gravement les chances d'une restructuration
en douceur au cours de la décennie qui s'ouvre. En 2010, il sera trop tard pour
entreprendre cette réforme, qui tarde déjà trop !
Si ce projet de budget sonne le glas du gel des emplois publics en même temps
qu'il témoigne du refus du Gouvernement de réaliser en souplesse les mutations
nécessaires en profitant des départs en retraite, il sonne aussi le glas de
toute réforme, même partielle, de l'Etat.
Le service public n'intéresse pas seulement les fonctionnaires, il concerne
aussi ceux que l'on nomme, de manière un peu cavalière, les « usagers ».
Qu'est-il prévu pour répondre cette année un peu mieux aux attentes de nos
concitoyens, notamment dans l'allégement des démarches administratives ?
Qu'est-il prévu pour gérer de manière prévisionnelle et plus transparente les
effectifs, les emplois et les compétences de la fonction publique ?
Qu'est-il prévu pour que les fonctionnaires puissent développer au mieux leurs
initiatives ? Ils sont souvent, en effet, les premières victimes de la
pesanteur kafkaïenne des rouages de l'administration !
Ma dernière observation s'inscrit dans le prolongement du rapport de la Cour
des comptes que j'évoquais tout à l'heure. Il s'agit de l'opacité chronique que
mon collègue Jacques Oudin a dénoncée concernant la mise à disposition de
fonctionnaires.
Cette pratique détourne les budgets que nous votons pour les affecter vers
d'autres administrations ou d'autres organismes. Il n'est pas outrancier
d'assimiler ces mises à dispositions à des emplois fictifs légalisés par les
lois de 1984 et de 1991 !
Ne serait-il pas plus clair de rationaliser les choix budgétaires en fonction
des besoins réels et des missions données ? A moins que la transparence,
lorsqu'elle va plus loin que quelques énoncés de principe, ne gêne ceux dont on
attend qu'ils la mettent en pratique !
Pour toutes ces raisons, vous comprendrez que le groupe du Rassemblement pour
la République ne vote pas ces crédits : il ne partage ni les objectifs déclarés
ni la méthode proposée.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Monsieur le ministre, d'un certain point de vue, votre budget est
modeste,...
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Tout petit
!
M. Jean-Jacques Hyest ...
mais il a tout de même progressé de 8,1 %.
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Merci de le
souligner !
M. Jean-Jacques Hyest.
Je ne sais pas s'il faut s'en réjouir, mais c'est ainsi ! Il avait baissé l'an
dernier ; cette année, il augmente : vous avez donc plus de chance que votre
prédécesseur.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Est-ce vraiment de la chance ?
M. Jean-Jacques Hyest.
Je ne sais pas !
M. Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
C'est peut-être un meilleur budget !
Ou un meilleur ministre !
M. Jean-Jacques Hyest.
D'un autre point de vue, si l'on considère la fonction publique en général,
alors, c'est le plus gros budget de l'Etat, avec 42,2 %.
Beaucoup ont dit que la dérive, c'est-à-dire le fait que le budget de la
fonction publique augmente progressivement de manière bien supérieure au
produit intérieur brut, ne pouvait qu'être inquiétante, d'autant que, dans ce
budget de la fonction publique, ce qui progresse le plus vite, ce sont les
retraites.
Peut-on continuer ainsi ? Certes non, et tous les rapports montrent qu'il faut
une réforme des retraites. A défaut, d'ici à 2010, il sera impossible pour le
budget de l'Etat de financer les retraites, sauf à sacrifier complètement
l'investissement pour assumer uniquement la charge des traitements et des
pensions des fonctionnaires.
Je ne fais là que poser, après d'autres, une question, sans du tout remettre
en cause la nécessité des fonctionnaires, nécessité dont nous sommes
convaincus. D'ailleurs, dans certains secteurs, nous admettons fort bien qu'il
y ait des créations d'emplois.
Prenons l'exemple de la justice : quand on connaît la faible part de ce budget
dans l'ensemble du budget de l'Etat, on ne peut que s'étonner. Bien entendu, il
faut plus de magistrats et plus de greffiers ! Tout le monde en convient, et
nous devons les premiers le reconnaître, nous qui votons des réformes qui
exigent, pour leur mise en oeuvre, plus de fonctionnaires. Pour ma part, je ne
m'oppose pas, bien sûr, à ce que l'on crée 1 500 postes de magistrat.
Pour d'autres secteurs, en revanche, il n'est peut-être pas nécessaire de
créer des emplois, dans la mesure où l'on peut redéployer.
J'entendais l'un de nos collègues dire que beaucoup voulaient aller dans des
terres peut-être plus hospitalières que la région d'Ile-de-France. Certes !
Mais il y a tout de même des régions sur-administrées et d'autres qui sont, à
l'inverse, sous-administrées. C'est ainsi que, dans certains départements du
Midi - sans vouloir être méchant - on constate qu'il y a beaucoup plus de
policiers par habitant qu'en grande banlieue parisienne. Cela ne veut pas dire
que l'on manque de policiers en France ; mais, si l'on voulait les maintenir en
région parisienne, il aurait fallu avoir une autre politique, notamment en
matière d'emploi et de logement.
Voilà ce qu'il faudrait faire plutôt que d'augmenter le nombre de
fonctionnaires. Mais, de cette rationalisation, je ne vois pas trace dans ce
budget.
Mais regardons les chiffres. Monsieur le ministre, pourquoi les services
généraux du Premier ministre bénéficient-ils de 154 emplois ?
De même, pourquoi le ministère de l'agriculture bénéficie-t-il de 340 emplois
?
Mme Marie-Claude Beaudeau.
C'est pour l'ESB ! Il faut beaucoup de vétérinaires.
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Tout à fait
! Nous avons besoin de vétérinaires.
M. Jean-Jacques Hyest.
Ce sont des postes de vétérinaires pour lutter contre l'ESB, dites-vous ?
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Pourquoi ?
Il n'en faut pas ?
M. Jean-Jacques Hyest.
Si ! Mais 340 ?
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Même plus
que cela !
M. Jean-Jacques Hyest.
Pourquoi ne pas recourir à des vétérinaires vacataires ? Nombreux sont ceux
qui, en France, seraient tout à fait capables de remplir cette mission !
M. Alain Joyandet.
Bravo !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Monsieur le ministre,
effectivement, ces vétérinaires doivent-ils vraiment être fonctionnaires ?
M. Jean-Jacques Hyest.
C'est la grande question !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Faut-il que toute la France soit
fonctionnaire ?
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Sans doute
ne faut-il garder que quelques sénateurs et quelques députés !
M. Jean-Philippe Lachenaud.
C'est scandaleux !
M. Jean-Jacques Hyest.
Je poursuis.
Le ministère de l'environnement bénéficie de 324 emplois. Pour quoi faire ? Je
voudrais bien le savoir !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Pour faire plaisir à M. le ministre !
M. Jean-Jacques Hyest.
Sans doute !
M. Hilaire Flandre.
Pour faire plaisir aux écologistes !
M. Jacques Mahéas.
Pour améliorer l'environnement, il faut des fonctionnaires !
M. Jean-Jacques Hyest.
Ah oui ! Si l'on recrute plus de fonctionnaires, l'environnement de notre pays
sera certainement amélioré, c'est évident !
(Sourires.)
Illusion que tout cela !
En revanche, monsieur le ministre, on supprime un emploi au Commissariat
général du Plan. Sans doute parce qu'il fait de très bons rapports, notamment
sur la fonction publique !
(M. Flandre applaudit.)
Je peux évoquer le
rapport Charpin !
Tout cela est un peu regrettable. D'autant que, nous le savons bien, il n'y a
pas de gestion prévisionnelle des effectifs dans ce budget, et vous ne
connaissez pas le nombre des emplois.
On nous annonce que tout cela va changer en mieux d'ici peu, et je m'en
réjouis.
Reste une question, que je vous pose. Depuis 1997, le Gouvernement avait
affiché son intention de ne pas créer d'emplois, mais de redéployer. C'est tout
à fait possible, progressivement, dans certains ministères où les tâches ont
été allégées, voire des emplois supprimés ; on réaffecte alors les personnels à
d'autres ministères qui en ont besoin. Mais, du fait de l'absence de gestion
prévisionnelle, malgré l'augmentation du nombre des fonctionnaires, des
services publics essentiels vont voir leurs effectifs réels, sur le terrain,
diminuer : je pense à la police, notamment. La situation sera alors assez
dramatique, sans compter, monsieur le ministre, l'application des 35 heures.
Votre prédécesseur nous a annoncé une amélioration de la qualité du service
public sans augmentation des effectifs. Je pense que ce n'est pas réaliste,
surtout pour ces services publics qui doivent fonctionner vingt-quatre heures
sur vingt-quatre et trois cent soixante-cinq jours par an. Vraiment, je ne sais
pas comment on évitera de créer des emplois ! D'ailleurs, dans votre projet de
loi relatif à la résorption de la précarité dans la fonction publique, monsieur
le ministre, qui prévoit la réduction du temps de travail notamment dans la
fonction publique territoriale, on s'est bien gardé d'évoquer le cas des 700
000 fonctionnaires de la fonction publique hospitalière ! Là, le problème est
réel, nous le connaissons déjà dans nos établissements sanitaires et sociaux
où, d'ores et déjà, le coût moyen d'augmentation du prix de journée est de 5 %
pour faire face à la réduction du temps de travail.
Le Gouvernement doit donc nous dire exactement combien coûtera l'application
des 35 heures dans la fonction publique...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Très bonne question !
M. Jean-Jacques Hyest.
... et ce sans augmentation d'effectifs, sans augmentation du nombre des
heures supplémentaires, puisqu'il paraît qu'elles sont néfastes !
Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour sortir de ce qui est, à mon
avis, une impasse ? Nous le savons bien : la réduction du temps de travail,
telle qu'elle a été menée, est une impasse, et pas seulement dans la fonction
publique !
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et
des Républicains et Indépendants.)
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Monsieur
Hyest, je vous ai connu plus subtil.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Ici, monsieur le ministre, nous
parlons franchement, comme nous pensons. Nous n'avons pas tout le raffinement
de nos collègues de l'Assemblée nationale !
M. le président.
La parole est à M. le ministre, et à lui seul.
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Vous semblez
vous réjouir, monsieur le président de la commission des finances, de
l'existence d'une chambre d'opposition. D'une chambre d'opposition - c'est bien
le sentiment que j'ai eu - qui s'exprime avec causticité, comme il se doit, et
parfois, me semble-t-il, avec un brin de caricature...
Répondant à la caricature par la caricature, je vais m'efforcer de défendre
devant vous ce qui peut apparaître comme le plus petit budget présenté par un
ministre, ce que M. Hyest a eu la gentillesse de souligner : il est vrai qu'il
ne s'élève qu'à 1,422 milliard de francs, en progression, effectivement, pour
des raisons précises que M. le rapporteur spécial a soulignées et, je crois,
appréciées, puisqu'il s'agit d'action sociale, donc d'un but légitime et
considéré comme tel, me semble-t-il, sur l'ensemble des travées de cette
assemblée.
Mais ce sont les 710 milliards de francs de la fonction publique elle-même qui
vous ont déterminés à voter comme vous allez le faire, sans vous intéresser à
mon petit milliard. Telle est bien la contradiction du ministre de la fonction
publique : il présente un budget qui a toutes les raisons d'être adopté - 1,422
milliard de francs, qu'est-ce que c'est ? - et qui sera rejeté au nom de
critiques qui portent, elles, sur 710 milliards de francs.
(Sourires.)
C'est dans cette contradiction que je vais me plonger avec vous pour vous
répondre le mieux possible, mais également pour vous présenter les grands
dossiers qui sont de ma responsabilité, compte tenu de la vocation
interministérielle de conception, d'impulsion, d'harmonisation et de
coordination de la politique des ressources humaines de l'Etat qu'assume mon
ministère.
Je crois avoir entendu dire à plusieurs reprises que la réforme de l'Etat ne
paraissait pas être dans mes préoccupations ni dans les priorités du
Gouvernement. Je voudrais essayer, sans espérer y arriver,...
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Nous cherchons des preuves !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
... de vous
démontrer que, au contraire, cela fait partie effectivement à la fois de mes
responsabilités, de mes intentions et de mes passions.
Le Parlement - et, monsieur le président de la commission des finances,
précise que, dans mon esprit, le Parlement doit être entendu au sens complet du
terme, Assemblée nationale et Sénat - a entrepris un certain nombre de réformes
décisives et urgentes, notamment la réforme de l'ordonnance de 1959. Ce texte,
certes vénérable, régit les procédures budgétaires que vous connaissez tout
particulièrement ici. Nous l'appliquons d'ailleurs ce soir ; nous en voyons
aussi parfois les effets un peu formels. A l'évidence, ce texte n'est plus
adapté ni à la légitime demande de transparence du Parlement ni à un pilotage
moderne des politiques publiques, ce qui relève plus de mon domaine.
Les deux assemblées ont montré leur intérêt pour cette réforme fondamentale
qui prévoit la présentation du budget par programmes, faisant figurer les
objectifs quantitatifs et qualitatifs ainsi que les moyens, notamment en
personnels, qui y sont consacrés. Cette réforme prévoit également une
fongibilité d'un certain nombre de crédits et une présentation comptable plus
complète reflétant mieux les engagements financiers de la nation.
Cette réforme entraînera une profonde mutation de l'organisation et des
méthodes de travail des administrations. Pour employer une phrase un peu
lapidaire, la manière dont vous votez le budget entraîne la manière dont
l'administration dépense l'argent public, et, en modifiant la manière dont vous
le votez, vous permettrez une modernisation en profondeur des méthodes de
gestion de la dépense publique.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Soit !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Passer d'une
seule logique de moyens à une logique de résultats sur objectifs, c'est une
réforme profonde de l'Etat, une modernisation des modes de gestion publique.
La modernisation de la gestion publique repose sur une plus grande autonomie
du gestionnaire public, autonomie dont le corollaire sera, dès lors, une plus
grande responsabilité.
Lorsque je parle d'autonomie, je ne veux bien entendu pas dire indépendance.
Cette autonomie s'exerce dans le cadre d'objectifs précis, tant quantitatifs
que qualitatifs, et elle est soumise à contrôle, à évaluation et, au bout du
compte, à un contrôle et à une évaluation du Parlement.
Lors du comité interministériel pour la réforme de l'Etat, qui s'est réuni le
12 octobre dernier - plusieurs d'entre vous ont eu la gentillesse d'y faire
allusion -, j'ai proposé et le Gouvernement a décidé la mise en oeuvre d'une
gestion prévisionnelle de l'emploi public ainsi que l'élargissement des
pratiques de contractualisation comme des expérimentations de globalisation des
crédits. Ces mesures vont de pair avec une généralisation du contrôle de
gestion dans les administrations.
La gestion prévisionnelle des effectifs a fait l'objet, effectivement, de
nombreux rapports critiques - et à juste titre - sur la situation des années
passées, mais des rapports aussi stimulants pour notre réflexion et maintenant
pour l'action.
Il est vrai que l'Etat ne s'était pas doté des outils nécessaires pour
anticiper l'évolution du rôle de l'administration à l'horizon des cinq à dix
prochaines années, pour prévoir les besoins des citoyens et pour programmer les
formations et les recrutements dans des métiers qui évoluent eux aussi.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Certes !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
C'est un
enjeu d'autant plus capital que, d'ici à 2010, la moitié des fonctionnaires
actuellement en exercice seront partis à la retraite. C'est donc maintenant
qu'il faut agir.
En tant que membre de l'Observatoire de l'emploi public, qui a été installé en
septembre, votre rapporteur spécial pourra mesurer de l'intérieur le travail
important et nécessaire qui y a été accompli ou qui le sera dans les prochains
mois.
M. Gérard Braun,
rapporteur spécial.
Espérons !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Des outils
et des méthodes de gestion prévisionnelle ont été mis au point et expérimentés
dans le cadre des plans pluriannuels de modernisation lancés en 1998.
Pour accompagner cette démarche de rénovation de la gestion des ressources
humaines, le ministère de la fonction publique met en place un centre de
ressources afin d'informer, de conseiller, d'assister et de stimuler les
administrations gestionnaires. Chaque ministère disposera, au début de l'année
2002, avant que s'engage la préparation du projet de loi de finances pour 2003,
d'un plan de gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des
compétences. Ce plan présentera les effectifs réels, leur évolution
pluriannuelle et une mise en perspective prenant en compte l'évolution des
missions et l'adaptation aux besoins des citoyens.
Avec la refonte des modes d'organisation de l'administration, de gestion
publique et de gestion des effectifs, je ne pense pas que l'on puisse
honnêtement dire que, sur ce point également, la réforme de l'Etat serait en
panne.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Nous observons, c'est tout !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Au
contraire, il me semble qu'elle a pris une dimension nouvelle, car elle
s'attaque enfin à des dossiers culturels et structurants.
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Les retraites !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Pour ne pas
alourdir mon propos, je ne parlerai pas des autres volets de la réforme de
l'Etat : déconcentration, simplification des démarches, téléprocédures -
plusieurs d'entre vous y ont fait allusion - et amélioration des relations avec
les usagers. Ils sont cependant tout aussi essentiels que les premiers et
cohérent avec la volonté du Gouvernement de faire avancer concrètement
l'adaptation du service public et l'amélioration des conditions de travail des
agents publics.
J'évoquerai maintenant, puisque beaucoup d'entre vous en ont parlé, les
créations d'emploi qui figurent dans le projet de loi de finances. Je ne
parlerai pas des créations d'emploi qui sont inscrites dans mon budget : il y
en a six.
M. Jean-Philippe Lachenaud.
C'est trop !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
En effet, ce
n'est pas à celles-là, me semble-t-il, que la plupart des orateurs ont fait
allusion.
Selon votre rapporteur spécial, le Gouvernement renouerait avec la création
massive d'emplois publics.
M. Gérard Braun,
rapporteur spécial.
Quelque 20 000 !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est beaucoup !
M. Jacques Mahéas.
Pourquoi 20 000 ?
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Monsieur le
rapporteur général, j'observe tout d'abord que ces créations sont concentrées
dans trois secteurs : l'éducation - j'ai entendu des critiques sur ce point et
je tâcherai d'y répondre - la justice - je n'ai pas entendu de critiques sur ce
point, je n'ai entendu que des approbations, monsieur Hyest - ...
M. Jean-Jacques Hyest.
Oui !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
... et la
sécurité - il m'étonnerait que vous fassiez des critiques sur ce point.
M. Philippe Marini,
rapporteur spécial.
Les personnels en tenue diminuent !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Ce sont les
trois secteurs qui sont en tête des préoccupations de nos concitoyens et qui
constituent les priorités du Gouvernement.
M. Jacques Mahéas.
Très bien !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Le ministre dit des choses
intéressantes, mais le Gouvernement ne les met pas en oeuvre !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il ne peut pas !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Qui peut
contester, monsieur le président de la commission des finances, que la justice
et la police n'aient besoin de moyens supplémentaires ?
M. Jean-Jacques Hyest.
Pas les policiers !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Quel parent
- j'en suis un - ne souhaite pas un meilleur encadrement de la scolarité de ses
enfants ? M. le rapporteur spécial s'est étonné - et plusieurs d'entre vous ont
repris ce chiffre - que, bien que la démographie aboutisse à une diminution du
nombre des élèves, il faille autant, sinon plus de professeurs. Il soulignait
que nous serions le premier pays en Europe à être dans une telle situation. Je
m'étonne de cette remarque...
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Ah bon ?
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
... surtout
dans une assemblée comme la vôtre, dont j'entends souvent dire qu'elle se sent
responsable...
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Sage, surtout !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
... et
représentative des zones les plus rurales de notre pays
(M. Jean-Léonce
Dupont s'exclame),
même si j'ai le sentiment d'appartenir à une zone aussi
rurale que celles que certains d'entre vous représentent.
Comment peut-on tenir un raisonnement de cette nature sans se rendre compte
que la moyenne à laquelle vous faites allusion est le résultat d'une baisse
dans certaines zones rurales - faut-il dès lors fermer les écoles ? - et d'une
hausse dans les zones urbaines - faut-il alors refuser d'ouvrir des classes
?
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Quel est votre seuil ?
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Votre
raisonnement en moyenne aboutirait à des suppressions massives d'écoles dans
les zones rurales sous prétexte qu'on ne serait pas dans la moyenne.
(Exclamations sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de
l'Union centriste.)
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Vous parlez en général !
Donnez-nous des seuils !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Pour ma
part, je refuse ce raisonnement qui me paraît affaiblir de manière caricaturale
le rôle qui devrait être le vôtre en tant que repésentants des zones
rurales.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est vous qui nous caricaturez !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Votre idée est très
intéressante, on la publiera dans l'Indre !
M. Jacques Mahéas.
Vous réclamez vous-mêmes des postes !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Le projet de
loi de finances pour 2001 marque également une étape fondamentale sur un autre
aspect. Il traduit la volonté de transparence du Gouvernement sur la réalité de
l'emploi public. En effet, si l'on examine la situation des effectifs des
ministères civils depuis vingt ans, quel que soit le gouvernement concerné, on
peut se rendre compte que, dans les périodes où les créations d'emploi
budgétaires ont été les plus réduites, y compris dans les périodes où elles ont
été négatives, les effectifs réels ont connu des progressions particulièrement
fortes.
Je voudrais vous rendre sensibles aux chiffres que je vais vous citer : il y a
aujourd'hui 6 500 emplois budgétaires de moins qu'en 1993, mais 50 000
équivalents temps plein de plus, et au moins autant d'agents précaires que
voilà quatre ans, lorsque le plan Perben de résorption de la précarité a été
adopté.
Vous observerez aujourd'hui, et vous l'avez dit pour le critiquer, que 5 000
emplois figurant dans le projet de loi correspondent à la transformation des
crédits qui servent aujourd'hui à rémunérer des précaires en emplois
budgétaires. C'est un premier pas.
M. Jacques Mahéas.
Très bien ! Il faut continuer !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Le projet de
loi relatif à la résorption de la précarité, que plusieurs d'entre vous ont
critiqué,...
M. Jean-Léonce Dupont.
Effectivement !
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Eh oui !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
... alors
que vous l'avez adopté voilà quelques jours en première lecture, le 23 novembre
dernier, et que l'Assemblée nationale vient à son tour de voter à l'unanimité
des groupes qui la composent,...
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Ce n'est pas bon signe !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
... ce
projet de loi, dis-je, permettra non pas d'augmenter l'emploi public, mais de
mieux ajuster les emplois budgétaires et les effectifs réels...
M. Jean-Léonce Dupont.
Et la flexibilité !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
... et de
donner à des dizaines de milliers d'agents publics qui exercent des fonctions
permanentes et sont dans une situation de précarité inacceptable un statut,
conformément aux règles de la fonction publique. Nombre d'entre vous s'en sont
réjouis.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est certainement ce que l'on fera avec les
emplois-jeunes !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Ce projet
comporte aussi des mesures permettant d'éviter la reconstitution de la
précarité, mesures dont votre commission des lois, je me permets de le
souligner, a salué le caractère novateur.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est trop simple de créer la précarité puis de la
supprimer !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Ces mesures
touchent à la modernisation des procédures de recrutement et de gestion, qui
doivent permettre de répondre mieux, et dans des délais plus rapides, aux
besoins des administrations, avec une meilleure prise en compte des territoires
de notre pays pour éviter ce que certains ont appelé des « sur-administrations
» dans certains territoires...
M. Jean-Jacques Hyest.
Eh oui !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
... et des «
sous-administrations » dans d'autres territoires.
M. Jean-Jacques Hyest.
Là où c'est le plus difficile !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Une
meilleure gestion, une meilleure souplesse, une meilleure déconcentration des
mécanismes de recrutement...
M. Hilaire Flandre.
Et un peu plus d'autorité !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
...
permettront d'éviter des dégradations de cette nature. Tout cela, me
semble-t-il, nous renvoie également à une démarche globale et à une volonté
ferme de réforme de l'Etat.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
A venir !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Non, en
route.
Je veux vous dire les choses clairement : le débat sur le nombre d'emplois
publics me paraît largement obsolète.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Pourquoi ?
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Ici,
nombreux sont ceux qui me demandent toujours moins de fonctionnaires. Ailleurs,
d'autres me demandent toujours plus de fonctionnaires.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Il faut choisir !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Je ne crois
ni aux uns ni aux autres.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Ah bon ?
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
D'un côté
comme de l'autre, leur raisonnement me paraît simpliste.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Le vrai débat est celui de la progression des crédits
!
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Nous demandons également qu'ils soient mieux payés !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Il me paraît
d'autant plus simpliste lorsqu'il est affirmé ici avec autant de certitude.
Ce qui importe, c'est de savoir comment le secteur public peut mieux répondre
aux besoins, notamment d'éducation, de sécurité et de santé, de nos
concitoyens. Ce qui importe, c'est de savoir si nous sommes en mesure de nous
doter des outils nécessaires pour permettre aux administrations de rénover leur
organisation et leur fonctionnement.
M. Jacques Mahéas.
Oui !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Ce qui
importe, enfin, c'est de préparer l'avenir.
M. Jacques Mahéas.
C'est cela qui est révolutionnaire !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Dans ce
cadre, les emplois-jeunes, auxquels plusieurs d'entre vous ont fait allusion
avec une certaine puissance,...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
On constate que cela coûte plus cher que la justice
!
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
... même si
je suis persuadé que, dans les collectivités locales que vous dirigez, nombre
d'entre vous y ont recours,...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Bien sûr ! On ne refuse pas les cadeaux !
(Sourires.)
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
... les
emplois-jeunes, dis-je, jouent un rôle particulier et inventif.
Dans la fonction publique, que ce soit dans les établissements d'enseignement
ou dans les collectivités territoriales, le programme emplois-jeunes-nouveaux
services a permis à des dizaines de milliers de jeunes, jusque-là exclus du
monde du travail, de se forger une première expérience professionnelle.
M. Jacques Mahéas.
Tout à fait !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Les intégrera-t-on ?
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
M. le ministre va vous répondre,
monsieur Marini !
(Sourires.)
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Ce programme
permet aussi d'explorer de nouvelles pistes et de répondre à des besoins qui ne
pouvaient être couverts dans le cadre des statuts existants.
Le soutien scolaire, la médiation sociale, la protection et la valorisation du
patrimoine et de l'environnement, dans tous ces domaines, et dans bien d'autres
encore, les emplois-jeunes ont été précurseurs et ont permis d'anticiper sur
l'évolution du service public.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Que feront-ils au terme du
contrat ?
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Ces jeunes
n'ont pas vocation à poursuivre leur carrière dans la fonction publique, par
principe.
(Exclamations sur les travées des Républicains et Indépendants et
du RPR.)
M. Hilaire Flandre.
Notons !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Mais ceux
qui le souhaiteront pourront, à l'évidence, passer dans de bonnes conditions,
dans les meilleures conditions possibles, les concours de la fonction
publique.
M. Jacques Mahéas.
Absolument !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Les mêmes concours ?
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Le projet de
loi relatif à la résorption de la précarité et à la modernisation du
recrutement, que vous avez adopté et que vous critiquez maintenant, prévoit
ainsi la création de nouveaux concours, dits de troisième voie, dans l'ensemble
des recrutements, y compris de la fonction publique territoriale, permettant la
prise en compte de l'expérience professionnelle, élective et associative, et la
validation des acquis professionnels.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
S'agira-t-il de vrais concours ?
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Enfin, je
dirai quelques mots sur la question des 35 heures, puisque beaucoup d'entre
vous m'ont interrogé sur ce point, ce qui m'étonne toujours de la part d'une
assemblée qui est représentative des communes, des départements et des régions
de France. En effet, plus de la moitié des communes de plus de 10 000 habitants
sont déjà passées aux 35 heures, la moitié des régions ont aujourd'hui passé
des accords de 35 heures...
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Avec l'argent des autres, c'est
plus facile !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
...et
beaucoup de départements sont en train de le faire, quelle que soit leur
couleur politique, à Lille comme à Bordeaux !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Avec l'argent des autres, c'est
plus facile !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
A Lille
comme à Bordeaux !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Avec l'argent des autres, c'est
plus facile !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
A Lille
comme à Bordeaux !
M. Jean-Jacques Hyest.
Le disque est rayé !
(Rires.)
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Cela
m'étonne, disais-je, de la part de votre assemblée, qui devrait, au contraire,
être fière de comporter en son sein une majorité de maires ayant eu la capacité
de passer à des mécanismes de réduction et d'aménagement du temps de travail
dans leurs collectivités locales.
M. Jean-Jacques Hyest.
Cela a un coût !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Nous sommes favorables à la libre négociation locale,
pas au carcan !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Quelles sont
les modalités de ce passage aux 35 heures dans l'Etat ? Comme cela fut le cas
dans le privé, il y a une disposition nationale, qui est le cadre national au
travers duquel, ensuite, des négociations doivent être menées.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est un résultat obligatoire !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
De même
qu'il y a une loi Aubry dans le privé - vous l'avez refusée, je comprends que
vous la critiquiez aujourd'hui encore - une disposition législative, que vous
avez adoptée, permettra d'étendre le dispositif à toutes les collectivités
locales. Ensuite, par ministère, puis par service, enfin par bureau - il faut
essayer de décentraliser le plus possible cette négociation - il y aura mise en
oeuvre effective du passage à 35 heures.
M. Jean-Léonce Dupont.
Dans certains bureaux, on est déjà à 30 ou 32 heures.
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
J'ai déjà
dit, tout en reconnaissant que cela ne sera pas facile...
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Ah !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
... mais que
nous le ferons, que ce passage aux 35 heures se fera dans un contexte de
stabilité des effectifs.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Elle est bien bonne !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
C'est différent du privé !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Par quel miracle ?
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Cela se fera
par des mécanismes qui nous permettront de remettrre à plat l'organisation du
travail, et comme j'ai réussi à le faire dans la petite commune
d'Argenton-sur-Creuse, nous le ferons ailleurs dans l'Etat, monsieur le
rapporteur général.
M. Alain Joyandet.
Il faudra convaincre la CGT !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Moderniser
l'Etat, c'est aussi savoir recruter les compétences nécessaires, c'est aussi
maintenir l'attractivité, en termes de conditions de travail, de dialogue
social et de salaires, de la fonction publique.
La négociation salariale a commencé, et puisqu'elle est commencée, comme
dirait M. de La Palice,...
M. Jean-Jacques Hyest.
Elle va continuer !
(Sourires.)
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
... elle
n'est pas encore achevée.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Combien va-t-elle coûter ? Est-ce prévu dans le
budget ?
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Le
Gouvernement est soucieux du pouvoir d'achat des fonctionnaires. La négociation
entre l'Etat employeur et les représentants des agents est un moment important
du dialogue social que je souhaite établir.
M. Jacques Mahéas.
Très bien !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Combien cela coûtera-t-il ?
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
D'ores et
déjà, vous le savez, le conseil des ministres a adopté le décret prévoyant une
augmentation de 0,5 % des traitements.
De même, dès cet été, j'ai déclenché la clause dite de sauvegarde qui permet
au minimum de rémunération de la fonction publique de suivre l'évolution du
SMIC. Récemment, le Gouvernement a décidé le relèvement du minimum de
pension.
Enfin, dans ce projet de loi de finances pour 2001, le Gouvernement propose à
vos suffrages la reconduction du congé de fin d'activité, le CFA.
Ce congé de fin d'activité transpose en fait pour la fonction publique
l'allocation de remplacement pour l'emploi, l'ARPE, organisée de façon
conventionnelle pour le secteur privé. Cette dernière ayant été reconduite par
les partenaires sociaux, il était juste que le congé de fin d'activité le soit
également au profit des fonctionnaires.
En 2001 comme en 2000, les agents âgés d'au moins cinquante-huit ans ou, s'ils
justifient de quarante années de cotisation et de quinze ans de service, les
agents ayant atteint l'âge de cinquante-six ans peuvent bénéficier d'un départ
anticipé à la retraite. Il s'agit d'une mesure sociale bénéficiant
particulièrement aux fonctionnaires qui ont commencé à travailler jeunes et qui
doivent pouvoir profiter de leurs années de retraite, leur départ permettant le
recrutement d'un jeune.
La négociation sur les salaires ne porte pas uniquement sur la valeur du
point. J'ai souhaité, et c'est une première, que la question de la promotion
interne, donc de la carrière, soit aussi au coeur des débats.
Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les grands dossiers que vous
avez abordés et qu'il m'appartient de mener, autant que possible, à bien. C'est
pour mettre en oeuvre les orientations que je viens d'exposer que les crédits
que je vous présente ce soir sont proposés à vos suffrages. J'espère, sans trop
y croire maintenant, que, après avoir écouté mes réponses, que j'ai souhaitées
le plus complètes possible, vous ferez l'effort de les adopter.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Aymeri de Montesquiou.
Quelles réponses ? Je n'ai eu aucune réponse !
M. Jean-Jacques Hyest.
Moi non plus, je n'ai pas eu de réponse !
M. Alain Joyandet.
Aucune réponse !
M. Hilaire Flandre.
Je demande un bilan de compétences pour le Gouvernement !
M. le président.
J'appelle en discussion l'article 63, qui est rattaché pour son examen aux
crédits affectés à la fonction publique et à la réforme de l'Etat.
Services du Premier ministre
Article 63