SEANCE DU 29 NOVEMBRE 2000
M. le président.
Par amendement n° I-180, MM. Ostermann, Besse, Braun, Cazalet, Chaumont,
Gaillard, Joyandet, Trégouët, Cornu, Martin, Vasselle, Murat, Rispat, Darcos,
Fournier, de Broissia, Vial, Leclerc, Schosteck, Lanier et Mme Olin proposent
d'insérer, après l'article 15, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les revenus d'un entrepreneur individuel ne sont cessibles ou insaisissables
que dans les conditions prévues aux articles L. 145-1 à L. 145-13 du code du
travail. »
La parole est à M. Braun.
M. Gérard Braun.
Cet amendement vise à appliquer aux revenus de l'entrepreneur individuel les
dispositions du code du travail relatives à la saisie des rémunérations des
salariés afin de rendre insaisissable une partie de la rémunération des
exploitants.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission souhaite connaître l'avis du
Gouvernement.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
L'alignement du régime des saisies applicable aux
revenus des entrepreneurs individuels sur celui des salariés ne paraît pas
justifié pour plusieurs raisons.
D'abord, le revenu des professions indépendantes n'est pas comparable aux
salaires. Il ne présente ni la même périodicité ni le même caractère de
régularité quant a ses montants.
Ensuite, la création d'une fraction insaisissable du solde des comptes
bancaires des entrepreneurs individuels constituerait une importante dérogation
au principe du code civil, qui dispose que le patrimoine est le gage des
créanciers du débiteur.
Enfin, le maintien d'une quotité insaisissable au profit des salariés est
justifié par le fait que, en règle générale, ceux-ci ne disposent pas de biens
dont la réalisation leur permettrait de désintéresser les créanciers. Si
ceux-ci avaient la possibilité de saisir l'intégralité du salaire, le débiteur
se retrouverait immédiatement dans le plus total dénuement. Tel n'est pas le
cas des entrepreneurs individuels, qui peuvent garantir leurs créanciers en
gageant les biens professionnels.
Il faut, en outre, observer que la mission Jolivet, qui a notamment travaillé
sur la mise en place d'un compte bancaire spécial alimenté par des prestations
insaisissables au profit des personnes en risque grave d'exclusion, a mis en
évidence les difficultés techniques de tels dispositifs.
Pour ces raisons, je vous demande, monsieur le sénateur, de bien vouloir
retirer votre amendement.
M. le président.
Quel est, maintenant, l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Eu égard aux explications de Mme le secrétaire
d'Etat, explications qui méritent d'être analysées de façon précise, nos
collègues pourraient, à ce stade de la discussion, retirer leur amendement.
M. le président.
L'amendement est-il maintenu, monsieur Braun ?
M. Gérard Braun.
Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° I-180 est retiré.
Par amendement n° I-181, MM. Ostermann, Besse, Braun, Cazalet, Chaumont,
Gaillard, Joyandet, Trégouët, Cornu, Martin, Vasselle, Murat, Rispat, Neuwirth,
Darcos, Fournier, Ginésy, de Broissia, Vial, Leclerc, Schosteck, Lanier et Mme
Olin proposent d'insérer, après l'article 15, un article additionnel ainsi
rédigé :
« Lors de l'inscription au registre du commerce et des sociétés, de
l'inscription au registre de l'agriculture et de l'immatriculation au
répertoire des métiers, l'entrepreneur individuel peut constituer un capital
affecté à l'exploitation de son entreprise. Cet apport ne peut être inférieur à
50 000 francs et doit être gagé par des biens mobiliers ou immobiliers d'un
même montant affectés à l'activité de l'entreprise. La responsabilité de
l'entrepreneur individuel, quant aux pertes liées à son activité
professionnelle, est limitée à concurrence de son apport. »
La parole est à M. Braun.
M. Gérard Braun.
Cet amendement vise à permettre à l'entrepreneur individuel de constituer un
patrimoine affecté à son activité professionnelle.
L'exercice d'une activité par un entrepreneur individuel entraîne, en
l'absence de personne morale ayant pour objet la gestion de l'entreprise, la
confusion des biens affectés à cette gestion et de ceux qui sont consacrés aux
besoins propres de l'entrepreneur.
Cette confusion tient au principe de droit civil de l'unicité du patrimoine.
Toutefois, la doctrine admet l'idée de l'affectation d'une partie du patrimoine
à un objet déterminé : contrats de mariage, fiducie, etc.
Or, l'absence de personnalité juridique de l'entreprise et la confusion entre
celle-ci et celui qui la gère entraînent une telle prise de risque que
l'entrepreneur se voit soit incité à opter pour la forme sociétaire, qui lui
permet de limiter sa responsabilité, soit conduit à ne pas mener à terme son
projet.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La question du patrimoine d'affectation revient assez
souvent dans nos débats. Elle se situe, en fait, à la charnière entre le droit
civil et le droit commercial.
Ce n'est sans doute pas à l'occasion du débat sur la première partie d'un
projet de loi de finances qu'une telle question peut être tranchée.
M. Michel Charasse.
C'est un cavalier !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cher collègue, vous l'avez dit avant moi !
(Sourires.)
Outre que la nature fiscale de cette proposition n'est pas évidente, elle
trouverait certainement plus utilement sa place, parmi beaucoup d'autres, dans
le cadre plus général d'une évolution du droit de la petite et moyenne
entreprise.
Dans les propositions qu'en des temps anciens - en 1996 - j'avais formulées en
tant que parlementaire en mission, à l'intention du Premier ministre de
l'époque, j'avais consacré d'assez longs développements à cette question du
patrimoine d'affectation.
Sans doute faudrait-il que nous ayons à nouveau, à propos d'un texte de portée
générale, la possibilité de reprendre un tel débat.
Nous avons modifié, sur beaucoup de points, le droit des sociétés, par exemple
lors de la discussion du projet de loi sur les nouvelles régulations
économiques. Mais, là encore, nous n'avons procédé que de manière très
ponctuelle. Aussi utiles que soient les ajouts techniques que nous avons
opérés, la construction théorique d'ensemble a pu échapper à nos esprits.
Le débat sur le patrimoine d'affectation, qui est un débat significatif, n'a
jamais eu vraiment lieu au sein des assemblées parlementaires. Or, il
mériterait d'y être abordé.
Cela dit, je m'interroge sur l'opportunité qu'il y aurait à inciter les
entrepreneurs individuels à demeurer en nom personnel.
En effet, si l'on créait un statut reconnaissant le patrimoine d'affectation
pour un exercice professionnel, cela voudrait dire que l'on dissuade la
création d'une personne morale ; au demeurant, celle-ci peut être une simple
entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée. Or, beaucoup considèrent
que le recours à une personne morale est souvent la bonne solution pour
délimiter les responsabilités du chef d'entreprise et lui éviter de mettre en
péril la totalité de son patrimoine personnel, voire celui de sa famille.
Cher collègue, sous le bénéfice de ces observations, en espérant que nous
trouverons prochainement l'occasion d'un débat sur l'ensemble de ces sujets, je
vous demande de retirer votre amendement, tout en saluant l'initiative que vous
avez prise.
M. le président.
Monsieur Braun, l'amendement n° I-181 est-il maintenu ?
M. Gérard Braun.
Monsieur le président, convaincu par les arguments de M. le rapporteur
général, je le retire, en souhaitant, comme lui, que nous n'en restions pas là
et qu'une véritable réflexion de fond soit menée sur ce problème.
M. Michel Charasse.
Deuxième lecture des nouvelles régulations économiques !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Projet, hélas ! frappé de la déclaration d'urgence,
cher collègue !
M. le président.
L'amendement n° I-181 est retiré.
II. - RESSOURCES AFFECTÉES
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