SEANCE DU 22 NOVEMBRE 2000
M. le président.
« I. - Par dérogation à l'article 19 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984
portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, et
sous réserve des dispositions de l'article 2 ci-dessous, peuvent être ouverts,
pour une durée maximum de cinq ans à compter de la date de publication de la
présente loi, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat, des
concours réservés aux candidats remplissant les conditions suivantes :
« 1° Justifier avoir eu, pendant au moins deux mois au cours de la période de
douze mois précédant la date du 10 juillet 2000, la qualité d'agent non
titulaire de droit public de l'Etat ou des établissements publics locaux
d'enseignement, recruté à titre temporaire et ayant exercé des missions
dévolues aux agents titulaires ;
« 2° Avoir été, durant la période définie au 1° ci-dessus, en fonctions ou
avoir bénéficié d'un congé en application du décret pris sur le fondement de
l'article 7 de la loi du 11 janvier 1984 susmentionnée ;
« 3° Justifier, au plus tard à la date de nomination dans le corps, des titres
ou diplômes requis des candidats au concours externe d'accès au corps concerné
ou, pour l'accès aux corps d'enseignement des disciplines technologiques et
professionnelles, des candidats au concours interne. Les candidats peuvent
obtenir la reconnaissance de leur expérience professionnelle en équivalence des
conditions de titres ou diplômes requises pour se présenter aux concours prévus
par le présent article. Un décret en Conseil d'Etat précise la durée de
l'expérience professionnelle prise en compte en fonction de la nature et du
niveau des titres ou diplômes requis ;
« 4° Justifier, au plus tard à la date de clôture des inscriptions au
concours, d'une durée de services publics effectifs au moins égale à trois ans
d'équivalent temps plein au cours des huit dernières années.
« II. - Peuvent également être ouverts, pendant une durée maximum de cinq ans
à compter de la date de publication de la présente loi, des concours réservés
aux candidats, recrutés à titre temporaire et ayant exercé des missions
dévolues aux agents titulaires, qui satisfont aux conditions fixées aux 2°, 3°
et 4° du I ci-dessus et remplissent l'une des conditions suivantes :
« - justifier avoir eu, pendant la période définie au 1° du I ci-dessus, la
qualité d'agent non titulaire de droit public des établissements publics de
l'Etat, autres que les établissements publics locaux d'enseignement et que ceux
à caractère industriel et commercial, mentionnés à l'article 2 de la loi n°
83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
« - justifier avoir eu, pendant la même période, la qualité d'agent non
titulaire des établissements d'enseignement figurant sur la liste prévue à
l'article 3 de la loi n° 90-588 du 6 juillet 1990 portant création de l'Agence
pour l'enseignement français à l'étranger.
« Les fonctions exercées par les intéressés doivent correspondre à des emplois
autres que ceux mentionnés à l'article 3 de la loi du 11 janvier 1984
susmentionnée ou que ceux prévus par toute autre disposition législative
excluant l'application du principe énoncé à l'article 3 de la loi du 13 juillet
1983 susmentionnée.
« III. - Les concours réservés prévus aux I et II ci-dessus sont organisés
pour l'accès à des corps de fonctionnaires dont les statuts particuliers
prévoient un recrutement par la voie externe. En outre, les corps d'accueil de
catégorie A concernés sont ceux mentionnés à l'article 80 de la loi du 11
janvier 1984 susmentionnée.
« Pendant une durée maximum de cinq ans à compter de la date de publication de
la présente loi, l'accès des candidats remplissant les conditions fixées au I
ci-dessus aux corps de fonctionnaires de l'Etat classés dans la catégorie C
prévue à l'article 29 de la loi du 11 janvier 1984 susmentionnée peut se faire,
sans préjudice des dispositions prévues à l'article 12 ci-dessous, par la voie
d'examens professionnels, selon des modalités déterminées par décret en Conseil
d'Etat.
« Les candidats ne peuvent se présenter qu'aux concours ou examens
professionnels prévus par le présent article donnant accès aux corps de
fonctionnaires dont les missions, telles qu'elles sont définies par les statuts
particuliers desdits corps, relèvent d'un niveau de catégorie au plus égal à
celui des fonctions qu'ils ont exercées pendant une durée de trois ans au cours
de la période de huit ans prévue au 4° du I ci-dessus. »
Par amendement n° 1, M. Hoeffel, au nom de la commission, propose, dans le
deuxième alinéa (1°) du I de cet article, de remplacer les mots : « deux mois »
par les mots : « quatre mois ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Cet amendement tend à porter de deux mois à quatre mois la
condition de durée de présence au cours de l'année de référence. Nous estimons,
en effet, qu'une période de deux mois n'est pas suffisante pour garantir le
lien entre l'agent et la collectivité dans laquelle il va être intégré.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Le
Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement. Je voudrais m'en expliquer
en quelques mots, et je pense que M. le rapporteur sera sensible à mes
arguments.
Je rappelle d'abord à la Haute Assemblée, qui s'en souvient certainement, que
la loi actuelle, qui restera en vigueur jusqu'à la fin de cette année, prévoit
non pas une condition de durée de présence calculée en mois, mais la présence
au 14 mai 1996, c'est-à-dire que le contractuel peut éventuellement avoir pris
ses fonctions la veille ou l'avant-veille, ce qui, vous l'avouerez, manifeste
une qualité de relation entre la collectivité et la personne bien inférieure
encore à celle qui est définie par le texte que je vous présente
aujourd'hui.
Je voudrais surtout vous rappeler que, parmi les conditions cumulatives
fixées, il en est une très importante, à savoir que la personne doit avoir
exercé trois années d'équivalent temps plein au cours des huit dernières
années.
Un contractuel qui aura servi pendant trois ans équivalent temps plein au
cours des huit dernières années aura eu de vraies relations, des relations
suivies avec la collectivité territoriale en question. Il vaudrait mieux
éviter, par cet allongement à quatre mois, de créer des situations qui seraient
perçues par les personnes susceptibles d'être concernées comme une
injustice.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1.
M. Jacques Mahéas.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas.
Le groupe socialiste s'incrit contre cet amendement et fait siennes les
raisons invoquées par le Gouvernement.
Toutefois, nous attirons l'attention sur le fait que ce dispositif est issu
d'un protocole d'accord signé par six organisations syndicales sur sept. Un
quasi-consensus donc, qu'il serait assez anormal de briser.
De plus, on a bien vu qu'à force d'ajouter des conditions aux conditions, la
loi Perben n'avait pas produit tous ses effets. De la même manière, nous
risquons d'ajouter un obstacle supplémentaire, certes modeste, mais d'avoir
ainsi moins de candidats au recrutement. Or, vous en conviendrez, plus il y a
de candidats aux concours et meilleur est le choix, compte tenu du jeu de la
concurrence. Je pense donc qu'il serait sage de maintenir à deux mois ce
délai.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 43, Mme Borvo, M. Bret et les membres du groupe communiste
républicain et citoyen proposent, dans le deuxième alinéa (1°) du I de
l'article 1er, après les mots : « de droit public », d'insérer les mots : « ou
de droit privé ».
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Dans un souci de célérité, monsieur le président, je souhaiterais défendre
également les amendements n°s 44, 45 rectifié et 46.
M. le président.
J'appelle donc les amendements n°s 44, 45 rectifié et 46, présentés par Mme
Borvo, M. Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 44 tend, dans le deuxième alinéa (1°) de l'article 1er, après
les mots : « de droit public », à insérer les mots : « ou de contrats aidés
».
L'amendement n° 45 rectifié vise, après les mots : « de l'Etat », à rédiger
ainsi la fin du deuxième alinéa (1°) du I de l'article Ier : « ou des
établissements d'enseignement public, ainsi que des établissemenents publics à
caractère industriel et commercial, assurant des missions de service public
dévolues aux agents titulaires ; ».
Enfin, l'amendement n° 46 a pour objet, après les mots : « d'agent non
titulaire de droit public », de rédiger ainsi la fin du deuxième alinéa du II
de l'article 1er : « ou de droit privé ou de contrats aidés des établissements
publics mentionnés à l'article 2 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant
droits et obligations des fonctionnaires, ainsi que des établissements publics
à caractère industriel ou commercial, ou d'agent non titulaire des
établissements d'enseignement figurant sur la liste prévue à l'article 3 de la
loi n° 90-588 du 6 juillet 1990 portant création de l'Agence pour
l'enseignement français à l'étranger, assurant des missions de service public
dévolues aux agents titulaires ; ».
Veuillez poursuivre, madame Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Cette série d'amendements, comme vous le constatez, vise à élargir le
dispositif proposé dans le cadre de la résorption de la précarité dans la
fonction publique.
J'ai évoqué, dans la discussion générale, La Poste. On sait ce qui a présidé
au statut de 1990.
Compte tenu de la réalité d'aujourd'hui, notamment dans le cadre de l'accord
sur la réduction du temps de travail à La Poste, qui prévoit que 50 % du
personnel contractuel de La Poste seront à temps complet au 31 décembre 2000,
il me semble que plus rien ne justifie le recours massif à du personnel
contractuel. La spécificité de certaines fonctions ne peut donc être invoquée
pour entériner une situation anormale.
On sait que, dans les faits, une très large majorité de personnels exerce les
mêmes fonctions et les mêmes obligations que les fonctionnaires, avec les mêmes
horaires et les mêmes services.
Au sein des services de La Poste coexistent des contractuels de droit privé et
des contractuels de droit public. Le texte qui nous est proposé prévoit une
titularisation des personnels contractuels de droit public. Dès lors, rien ne
devrait faire obstacle à l'application du projet de loi que nous examinons au
moins pour une titularisation des personnels contractuels de droit public de La
Poste.
Pour nous, La Poste est au coeur même des missions du service public et reste,
dans bien des lieux, le seul lien de nos compatriotes avec le service public,
notamment en zone rurale.
En outre, la notion d'établissement public industriel et commercial ne saurait
être utilisée dans le seul but de fragiliser le service public, notamment du
fait de la précarité des personnels, dès lors que les missions exercées sont
des missions de service public.
Dans un contexte d'ouverture à la concurrence des services postaux, peut-être
serait-il opportun que notre pays, et donc la représentation nationale,
réaffirme son attachement à la défense des services publics, notamment à la
défense du service public postal.
Par notre amendement n° 43, nous proposons d'intégrer au dispositif les
personnels de droit privé de l'Etat, des établissements d'enseignement public
et des établissements publics à caractère industriel et commercial.
L'amendement n° 45 tend, lui, à rendre éligibles à ce dispositif l'ensemble
des personnels recrutés sous contrats aidés tels que les contrats
emploi-solidarité, les contrats emplois consolidés ou les emplois-jeunes.
Enfin, l'amendement n° 46, vise à élargir le champ d'application du projet de
loi à l'ensemble des établissements publics industriels et commerciaux.
Sur les emplois-jeunes, nous n'avons pas la volonté, comme je l'ai déjà dit,
de titulariser l'ensemble des bénéficiaires de ces contrats. Nous souhaitons,
cependant, par souci de justice sociale et d'égalité des chances, que tous ces
personnels puissent, au même titre et dans les mêmes conditions, accéder aux
concours et aux examens professionnels des cadres d'emplois existants et à
venir.
Je rappelle que mon groupe avait vivement souhaité que la loi de 1997 relative
au développement d'activités pour l'emploi des jeunes qualifie les contrats
emplois-jeunes de droit public. Cette qualification leur aurait permis
notamment d'entrer dans le champ d'application du protocole d'accord du 10
juillet 2000.
Comme cela a été dit, les emplois-jeunes sont financés à 80 % par l'Etat et
ils sont très largement employés par des personnes morales de droit public.
Donc, je pense qu'aujourd'hui rien ne justifie leur exclusion de ce
dispositif.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 43, 44, 45 rectifié
et 46 ?
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
La commission a émis un avis défavorable sur les quatre
amendements, qui excèdent le champ d'application d'un projet de loi relatif, je
le rappelle, à la fonction publique.
M. Alain Vasselle.
C'est de la démagogie !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Mon
raisonnement sera parallèle à celui de M. le rapporteur.
Je vous rappelle, madame Borvo, que ce protocole, en fonction duquel je vous
propose aujourd'hui l'adoption de ce projet de loi, a été signé par six
organisations sur sept, soit, en termes de représentativité, plus de 75 % des
fonctionnaires, ce qui est tout à fait considérable.
Tous ces projets ont été abordés au cours de la négociation et, au bout du
compte, les dispositions proposées n'ont pas été intégrées dans le protocole
d'accord. Même si, bien entendu, le Parlement est souverain et ne saurait être
tenu par un accord liant l'Etat avec les organisations syndicales, accord qui,
d'ailleurs, n'est pas un contrat, mais qui est seulement un engagement de
l'Etat à formuler, devant le Parlement, un certain nombre de propositions - je
ne vous suggère pas de reprendre des débats qui ont déjà eu lieu lors de cette
négociation.
Je reviens d'un mot sur les emplois-jeunes, qui ont été évoqués par un certain
nombre d'entre vous. Autant nous nous attachons à faire en sorte que la
formation des emplois-jeunes soit réelle, que leur soient offertes des
possibilités de concours dans les fonctions publiques - fonction publique de
l'Etat, fonction publique territoriale ou fonction publique hospitalière - et
que soient adaptés ces concours, autant nous estimons qu'il n'y a pas de droit
à titularisation pour les bénéficiaires de ces emplois-jeunes.
Il me paraît légitime que nous nous préoccupions de leur avenir, et telle est
la préoccupation de tous ceux qui les emploient, mais nous ne pouvons pas leur
donner le droit par là même d'entrer dans la fonction publique, sauf à excéder
les engagements que les employeurs avaient pris vis-à-vis de ces jeunes au
moment de la signature des contrats.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 43.
M. Jacques Mahéas.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas.
Le groupe socialiste est attentif à la situation des postiers, des CES
titulaires de contrats emploi-solidarité, de contrats emplois consolidés et des
emplois-jeunes. M. le ministre, en donnant sa position a expliqué aussi la
nôtre à cet égard. Cela étant, nous ne pouvons pas amalgamer les situations.
Les dispositions proposées relèvent d'une autre réflexion et n'ont pas leur
place dans ce texte. Nous ne pourrons donc pas voter ces amendements.
M. Jean-Pierre Schosteck.
C'est la majorité plurielle !
M. Alain Vasselle.
Voilà ce que cela donne !
M. Claude Domeizel.
C'est cela, le débat !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 43, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 44, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 45 rectifié, repoussé par la commission et
par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 46, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. Ivan Renar.
J'en connais un qui était tout seul, à Londres !
M. le président.
Par amendement n° 74, Mmes Cerisier-ben Guiga, Durrieu, M. Penne et les
membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après le
deuxième alinéa (1°) du I de l'article 1er, un nouvel alinéa ainsi rédigé :
« ...° - Justifier avoir eu la qualité d'agent non titulaire dans les services
de l'Etat à l'étranger conformément au paragraphe V de l'article 34 de la loi
n° 2000-321 du 12 avril 2000. »
La parole est à Mme Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Je souhaite, monsieur le président, présenter en même temps l'amendement n°
75, car il porte également sur des catégories de personnels travaillant à
l'étranger.
M. le président.
J'appelle donc l'amendement n° 75, présenté par Mme Cerisier-ben Guiga, M.
Penne, Mme Durrieu et les membres du groupe socialiste et apparentés, et
tendant à insérer, après le troisième alinéa du II de l'article 1er, un alinéa
ainsi rédigé :
« - justifier avoir eu, pendant la même période, la qualité d'agent non
titulaire des établissements français à l'étranger conventionnés avec l'AEFE
conformément à l'article 25 de la loi n° 96-452 du 28 mai 1996. »
Veuillez poursuivre, madame Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Par l'amendement n° 74, le groupe socialiste souhaite obtenir que l'accès aux
concours réservés soit ouvert aux agents contractuels de nationalité française
des services à l'étranger du ministère des affaires étrangères dans les mêmes
conditions qu'aux agents contractuels de l'Etat et des collectivités
territoriales en France.
Il s'agit d'agents de nationalité française ou de citoyens européens qui
occupent depuis quelques années des emplois de fonctionnaire. Normalement, si
l'Etat avait respecté la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, il n'aurait pu
recruter de cette façon que des personnels de catégorie A ayant rang
d'ambassadeur. En réalité, aujourd'hui, dans les consulats, les chancelleries
diplomatiques, les services culturels et de coopération, au moins 1 200 agents
de nationalité française, sans lesquels aucun de ces services ne fonctionnerait
plus, sont employés de façon permanente ; 60 % d'entre eux ont plus de cinq
années d'ancienneté. Les contrats à durée déterminée sont remplacés petit à
petit par des contrats à durée indéterminée, pour respecter le droit local du
travail. Mais ces agents ne bénéficient que d'une protection sociale lacunaire
et n'ont pas de garantie de réemploi s'ils rentrent en France.
La loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 a légalisé cette pratique et soumis ces
agents à des contrats de droit local, ce que nous avons jugé injuste et, Guy
Penne le rappelait tout à l'heure, discriminatoire par rapport à leurs
homologues de France et trop peu protecteur par rapport aux pratiques de
mauvais employeur que j'ai évoquées dans la discussion générale.
Donner à ces agents la possibilité de se présenter à des concours internes
serait reconnaître les services qu'ils rendent et leur ouvrir des perspectives
d'avenir inexistantes actuellement.
Quant à l'amendement n° 75, il concerne l'accès aux concours réservés de
l'éducation nationale qui, dans le texte de loi, est limité aux seuls recrutés
locaux des établissements en gestion directe de l'agence pour l'enseignement
français à l'étranger, l'AEFE. Or ces établissements, au nombre de soixante, ne
représentent qu'un quart de l'ensemble des écoles dépendant de l'Agence. Les
autres sont liés à l'Agence par des conventions et sont administrés par des
associations, sous la direction d'un personnel détaché de l'éducation
nationale.
Selon les pays et l'histoire, certains établissements sont en gestion directe,
c'est-à-dire sous l'administration directe de l'Agence, donc de l'Etat français
; les autres sont conventionnés ; mais tous fonctionnent selon les mêmes
modalités, emploient des personnels de même statut et concourent de la même
manière au service public de l'éducation nationale.
Je sais bien qu'il faut placer le curseur quelque part dans un projet de loi
tel que celui-là, mais, en matière d'accès du personnel enseignant ou
administratif à des concours, le placer entre ces deux catégories
d'établissements ne me paraît pas justifié. Cela entraîne l'exclusion du
bénéfice de l'accès à ces concours de nombreux personnels de qualification
identique ayant rendu les mêmes services.
L'exemple de la différence entre les écoles du Maroc, toutes en gestion
directe, et celles de Côte d'Ivoire, toutes conventionnées, est typique. Le
mécontentement, qui se traduit actuellement par un mouvement de grève sans
précédent dans de nombreux établissements de l'étranger, est né largement de la
précarité du sort de la moitié des enseignants du réseau. Il faut absolument y
remédier, et ce texte pourrait être un premier pas en ce sens.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 74 et 75 ?
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Ces deux amendements soulèvent le réel problème de la
position des Français qui, à l'étranger, oeuvrent pour notre pays. Mais je
souhaiterais, avant de me prononcer, connaître d'abord l'avis du
Gouvernement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Je voudrais,
après vous, madame Cerisier-ben Guiga, et après Guy Penne, évoquer de nouveau
la situation des agents recrutés sur place par les services de l'Etat à
l'étranger sur des contrats de droit local ou pour des missions de coopération
technique, pour souligner que le Gouvernement est attentif à leur situation,
même si ces agents, pour un certain nombre de raisons, y compris juridiques, ne
relèvent pas du présent projet de loi.
En effet, la loi relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec
l'administration, dite « loi DCRA », qui a été adoptée il y a peu, prévoit que
la situation de ces agents fera l'objet d'un rapport remis au Parlement en
avril 2001. Ce rapport est nécessaire à la recherche de solutions adaptées à
des situations extrêmement diverses, souvent complexes, parfois excessivement
défavorables par rapport au niveau du droit et de la protection sociale connu
dans notre pays, s'agissant, vous l'avez souligné, de conditions de
recrutement, d'évolution de carrière, de transparence des rémunérations et
d'assurance vieillesse.
Les agents concernés, qui sont, je ne l'oublie pas, majoritairement des
femmes, ne peuvent pas rester à l'écart des progrès de la situation de
l'ensemble des agents publics. Sachez donc que je m'emploierai, en
collaboration, bien sûr, avec mon collègue ministre des affaires étrangères, à
faire en sorte que ce dossier avance parallèlement à la mise en oeuvre de la
présente loi.
Compte tenu de ces explications, je souhaiterais que vous retiriez ces deux
amendements.
M. le président.
Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Tout le problème est de savoir si les auteurs de ces
amendements se rendent à l'appel du ministre.
M. le président.
Les amendements n°s 74 et 75 sont-ils maintenus ?
M. Guy Penne.
J'ai bien entendu les engagements pris par M. le ministre, ce qui est un peu
rassurant. Quand il nous dit qu'il essaiera de voir avec son collègue le
ministre des affaires étrangères comment résoudre la question, on comprend très
bien que cela ne puisse pas se passer autrement. Cependant, comme on sait que
le ministre des affaires étrangères gère un budget qui ne représente que 1 % du
budget de la nation, on comprend que, compte tenu de tout ce qu'il y a à faire,
il soit contraint de recourir à ce type d'emplois qui ne sont pas tout à fait «
normaux ».
Malgré tout, je pense que M. le ministre, puisqu'il l'a dit, le fera et qu'il
parviendra à convaincre M. Védrine du bien-fondé de nos remarques et qu'ils
arriveront à convaincre M. Fabius et M. le Premier ministre de la nécessité
d'abonder un peu les fonds indispensables pour répondre à ces propositions.
Par conséquent, monsieur le ministre, devant les engagements que vous prenez
et vous connaissant depuis assez longtemps pour savoir que vous êtes un homme
de parole, j'espère que vous pourrez tenir parole dans des délais
raisonnables.
Telles sont les raisons pour lesquelles, en accord avec mes collègues ici
présents, je retire ces deux amendements.
M. le président.
Les amendements n°s 74 et 75 sont retirés.
Je suis maintenant saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une
discussion commune.
Par amendement n° 2, M. Hoeffel, au nom de la commission, propose, dans le
troisième alinéa (2°) du I de l'article 1er, après le mot : « période »,
d'insérer les mots : « de quatre mois ».
Par amendement n° 100, le Gouvernement propose, dans le troisième alinéa (2°)
du I de l'article 1er, après le mot : « période », d'insérer les mots : « de
deux mois ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 2.
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de conséquence de l'amendement n°
1, qui a été adopté par le Sénat voilà quelques instants.
M. le président.
La parole est à M. le ministre, pour défendre l'amendement n° 100 et pour
donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 2.
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
L'amendement
n° 100 est un amendement de cohérence avec le texte initial.
Quant à l'amendement n° 2, le Gouvernement émet un avis défavorable. En effet,
si celui-ci était adopté, l'amendement n° 100 n'aurait plus d'objet.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 100.
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Défavorable !
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, repoussé par le Gouvernement.
M. Jacques Mahéas.
Même argumentation que pour l'amendement n° 1.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'amendement n° 100 n'a plus d'objet.
Par amendement n° 97 rectifié, MM. Richert, Grignon, Lorrain, Ostermann,
Haenel et Eckenspieller proposent de compléter l'article 1er par un paragraphe
ainsi rédigé :
« ... - Peuvent être ouverts des concours réservés aux anciens Personnels
civils étrangers (PCE) des Forces françaises stationnées en Allemagne (FFSA)
qui ont été recrutés avant le 14 juillet 1990 (date de l'annonce du retrait des
FFSA) et qui peuvent également accéder par voie d'intégration directe aux corps
de fonctionnaires dont les fonctions correspondent à celles au titre desquelles
ils ont été recrutés en Allemagne. »
La parole est à M. Eckenspieller.
M. Daniel Eckenspieller.
Il s'agit d'apporter une réponse à un problème que M. le rapporteur connaît
bien et qui se pose d'une manière récurrente dans les régions frontalières avec
l'Allemagne. Les personnels civils étrangers recrutés par les Forces françaises
stationnées en Allemagne avant l'annonce présidentielle de leur retrait, bien
qu'ayant incontestablement servi en qualité d'agents non titulaires de droit
public au sens de la jurisprudence Berkani de 1996, sont explicitement exclus
du champ d'application du projet de loi dans l'exposé des motifs.
Aussi, par équité, et eu égard aux services que ces personnels ont rendus aux
intérêts de la France outre-Rhin, notre amendement prévoit de les faire
bénéficier du présent dispositif afin de leur permettre d'atteindre l'âge de la
retraite dans la dignité.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Cet amendement nous rappelle, à certains égards, les deux
amendements relatifs aux Français de l'étranger. En l'occurrence, et c'est
incontestable, un problème se pose pour tous les personnels civils qui, avant
1990, ont oeuvré, souvent pendant de nombreuses années, au profit de notre
pays. Ils ont souvent le sentiment, aujourd'hui, d'être abandonnés à leur sort,
alors qu'ils ne le méritent pas.
Cela étant dit, là encore, il serait utile de connaître l'avis du
Gouvernement.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
S'agissant
de ces personnels, qui méritent effectivement notre attention et notre respect,
j'emploierai des mots similaires à ceux que j'ai utilisés pour les personnels
que nous avons évoqués tout à l'heure à l'occasion de l'examen des amendements
n°s 74 et 75.
Il est vrai que ces personnels méritent que nous y attachions importance. Ce
sont des agents recrutés localement à la suite de l'installation des Forces
françaises stationnées en Allemagne. Quelle que soit leur nationalité, ils sont
recrutés sous l'empire d'un droit étranger, celui qui est applicable aux
contrats de droit privé en Allemagne. Ils ne peuvent donc se prévaloir de la
qualité d'agents publics. Cela est assez comparable à ce qui se passe pour les
personnels des établissements conventionnés par l'AEFE, auxquels nous avons
attaché de l'importance sans toutefois retenir les amendements qui les
concernaient et qui étaient présentés par Mme Cerisier-ben Guiga.
Je formulerai donc la même demande que celle que j'ai adressée à vos deux
collègues : sous le bénéfice des explications que j'ai formulées principalement
à propos de leurs amendements, mais qui valent aussi pour le vôtre, monsieur le
sénateur, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président.
Monsieur Eckenspieller, l'amendement n° 97 rectifié est-il maintenu ?
M. Daniel Eckenspieller.
Je me rends à vos arguments, monsieur le ministre, et je retire donc cet
amendement. Cependant, je le fais avec regret, car le problème posé est
douloureux et il nous est difficile d'y rester insensibles. Nous souhaiterions
qu'une autre voie et d'autres moyens soient trouvés pour leur rendre
justice.
M. le président.
L'amendement n° 97 rectifié est retiré.
Personnel ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2