SEANCE DU 22 NOVEMBRE 2000
M. le président.
Par amendement n° 12, M. Fauchon, au nom de la commission, propose d'ajouter,
après l'article 6 un article additionnel ainsi rédigé :
« Le premier alinéa de l'article 57 de l'ordonnance du 22 décembre 1958
précitée est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« L'audience du conseil de discipline est publique. Toutefois, si la
protection de l'ordre public ou de la vie privée l'exigent, ou s'il existe des
circonstances spéciales de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice,
l'accès de la salle d'audience peut être interdit au public pendant la totalité
ou une partie de l'audience, au besoin d'office, par le conseil de
discipline.
« Le conseil de discipline délibère à huis clos.
« La décision qui doit être motivée, est rendue publiquement ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Je rappelle
que nous nous sommes séparés, à regret d'ailleurs, tout à l'heure - mais la
présidence en a ainsi décidé - alors que nous étions en train d'examiner les
dispositions disciplinaires que la commission des lois propose d'ajouter,
dispositions qui ne sont relatives qu'à des améliorations de procédure qui ne
soulèvent aucune difficulté dans les milieux concernés. Si tel n'était pas le
cas, leur application pourrait, naturellement, poser des problèmes plus
graves.
Nous examinons à présent la troisième de ces dispositions, qui a trait à la
publicité des audiences disciplinaires du Conseil supérieur de la magistrature,
le CSM. D'ores et déjà, le CSM est conscient du fait que les audiences à
huis-clos, qui sont théoriquement prévues par le texte, ne correspondent pas
aux exigences actuelles de ce que l'on appelle l'Etat de droit, notamment à
celles de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, aux
termes duquel toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue
publiquement. Par conséquent, il organise dès maintenant des audiences
disciplinaires publiques, sauf lorsque l'intéressé ne le souhaite pas et
demande qu'il en soit autrement.
Il n'est pas possible de maintenir un tel système, qui n'est pas conforme aux
principes généraux du droit. Nous vous proposons donc d'entériner cette
pratique du Conseil supérieur de la magistrature, mais en la rendant conforme à
ces principes généraux. Ainsi, de droit, les audiences sont publiques, sauf
dans certaines circonstances qui sont prévues par le texte de notre amendement
: « Toutefois, si la protection de l'ordre public ou de la vie privée
l'exigent, ou s'il existe des circonstances spéciales de nature à porter
atteinte aux intérêts de la justice, l'accès de la salle d'audience peut être
interdit au public pendant la totalité ou une partie de l'audience... »
Tel est l'objet de cette troisième disposition de caractère disciplinaire que
la commission des lois vous propose d'adopter et qui, je le répète, ne pose pas
de problèmes dans les milieux concernés.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Les explications de M. le
rapporteur sont très intéressantes. Comme il l'a souligné, en application de
l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, le CSM, entré en
fonction en 1994, a essayé d'assurer la publicité des débats en matière
disciplinaire, depuis 1996 pour l'information du parquet et, depuis 1997, pour
l'information du siège.
Ces dispositions ne nous paraissaient pas essentielles, mais je m'en remets à
la sagesse de l'assemblée sur cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 12, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi organique, après l'article 6.
Par amendement n° 13, M. Fauchon, au nom de la commission, propose d'ajouter,
après l'article 6, une division additionnelle ainsi rédigée :
« Chapitre III
« Dispositions diverses »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Le Gouvernement ne peut que s'en remettre à la sagesse
du Sénat.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 13, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, une division additionnelle ainsi rédigée est insérée dans le
projet de loi organique, après l'article 6.
Nous en revenons aux amendements n°s 1 et 9, qui avaient été précédemment
réservés.
Tous deux sont présentés par M. Fauchon, au nom de la commission.
L'amendement n° 1 tend à ajouter, avant l'article 1er, une division
additionnelle ainsi rédigée :
« Chapitre Ier
« Dispositions relatives à la carrière
et à la mobilité des magistrats »
L'amendement n° 9 vise à ajouter, après l'article 6, une division
additionnelle ainsi rédigée :
« Chapitre II
« Dispositions relatives
au régime disciplinaire des magistrats »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Il s'agit également d'amendements de coordination.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, une division additionnelle ainsi rédigée est insérée dans le
projet de loi organique, avant l'article 1er.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, une division additionnelle ainsi rédigée est insérée dans le
projet de loi organique, après l'article 6.
Par amendement n° 14, M. Fauchon, au nom de la commission, propose d'ajouter,
après l'article 6, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le dernier alinéa de l'article 40-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958
précitée, les mots : "le vingtième de l'effectif des magistrats hors hiérarchie
du siège" sont remplacés par les mots : "le dixième de l'effectif des
magistrats hors hiérarchie du siège" »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Il s'agit d'une disposition très particulière qui intéresse
la Cour de cassation et qui répond à un souhait exprimé par le président de
cette juridiction.
Vous savez que la Cour de cassation, qui est de plus en plus surchargée de
dossiers et qui connaît d'ailleurs une certaine difficulté à recruter par les
voies ordinaires, a besoin d'être aidée. L'un des moyens de lui apporter cette
aide c'est d'augmenter le nombre des conseillers de la Cour de cassation en
service extraordinaire. Actuellement, ce nombre est limité au vingtième de
l'effectif des magistrats hors hiérarchie du siège affectés à la cour.
L'amendement tend à le porter au dixième de cet effectif.
Cette disposition sera très utile, me semble-t-il, pour assurer le bon
fonctionnement de cette juridiction, si importante mais terriblement
surchargée.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Selon l'appréciation du Gouvernement, cet amendement
n'est pas lié au texte que nous examinons : il ne concerne pas la carrière des
magistrats et il est donc hors sujet ; on l'a déjà dit à plusieurs reprises.
De plus, le pourcentage des conseillers en service extraordinaire doit être
maintenu pour assurer un équilibre entre les magistrats professionnels et les
autres, sans que ne soit compromise l'augmentation des conseillers et des
avocats généraux en service extraordinaire. Il suffit d'augmenter le nombre des
magistrats professionnels pour, parallèlement, accroître celui des magistrats
en service extraordinaire, qui apportent un concours précieux d'ouverture et
une expérience professionnelle différente à la Cour de cassation.
Il s'agit d'une question délicate et le présent amendement n'apporte pas la
bonne réponse. Je souhaite donc que M. le rapporteur le retire.
Dans le cas contraire, j'émettrais un avis défavorable. La commission des lois
a réalisé un travail important, que je respecte. Nous réexaminerons ce problème
ultérieurement.
M. Hubert Haenel.
Pendant la navette !
M. le président.
Monsieur le rapporteur, l'amendement est-il maintenu ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Je suis tout à fait consterné de ne pas pouvoir être agréable
à Mme la ministre. J'espère qu'elle me demandera des choses plus faciles à
accorder dans la suite du débat. Mais, pour le moment, je maintiens
l'amendement. Croyez bien que j'en suis désolé.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 14, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi organique, après l'article 6.
Par amendement n° 18 rectifié, MM. Haenel, Gélard et les membres du groupe du
Rassemblement pour la République et apparentés proposent d'insérer, après
l'article 6, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article L. 151-1 du code de l'organisation judiciaire est ainsi
modifié :
« 1° Dans le premier alinéa, les mots : "une demande soulevant" sont
supprimés.
« 2° Le dernier alinéa est abrogé.
« II. - Dans l'article L. 151-3 du même code, après les mots : "sont fixées"
sont insérés les mots : ", en ce qui concerne les juridictions autres que
pénales,".
« III. - Il est inséré dans le livre quatrième du code de procédure pénale un
titre vingtième ainsi rédigé :
« TITRE XXe
« Saisine pour avis de la Cour de cassation
«
Art. 706-55.
- Les dispositions de l'article L. 151-1 du code de
l'organisation judiciaire ne sont pas applicables aux juridictions
d'instruction et aux juridictions statuant en matière de détention provisoire
ou de contrôle judiciaire, ni aux cours d'assises.
«
Art. 706-56.
- Lorsque le juge envisage de solliciter l'avis de la
Cour de cassation en application de l'article L. 151-1 du code de
l'organisation judiciaire, il en avise les parties et le ministère public. Il
recueille leurs observations écrites éventuelles dans le délai qu'il fixe, à
moins que ces observations n'aient déjà été communiquées.
« Dès réception des observations ou à l'expiration du délai, le juge peut, par
une décision non susceptible de recours, solliciter l'avis de la Cour de
cassation en formulant la question de droit qu'il lui soumet. Il surseoit à
statuer jusqu'à la réception de l'avis ou jusqu'à l'expiration du délai
mentionné à l'article 706-58.
«
Art. 706-57.
- La décision sollicitant l'avis est adressée, avec les
conclusions et les observations écrites éventuelles, par le greffier de la
juridiction au greffe de la Cour de cassation.
« Elle est notifiée, ainsi que la date de transmission du dossier, aux parties
par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
« Le ministère public auprès de la juridiction est avisé ainsi que le premier
président de la cour d'appel et le procureur général lorsque la demande d'avis
n'émane pas de la cour.
«
Art. 706-58.
- La Cour de cassation rend son avis dans les trois mois
de la réception du dossier.
«
Art. 706-59.
- L'affaire est communiquée au procureur général près la
Cour de cassation. Celui-ci est informé de la date de séance.
«
Art. 706-60.
- L'avis peut mentionner qu'il sera publié au
Journal
officiel
de la République française.
«
Art. 706-61.
- L'avis est adressé à la juridiction qui l'a demandé,
au ministère public auprès de cette juridiction, au premier président de la
cour d'appel et au procureur général lorsque la demande n'émane pas de la
cour.
« Il est notifié aux parties par le greffe de la Cour de cassation. »
La parole est à M. Haenel.
M. Hubert Haenel.
Près de dix ans après l'entrée en vigueur de la loi du 15 mai 1991 qui l'a
instituée, la procédure de saisine pour avis de la Cour de cassation a démontré
son utilité. Elle a permis, notamment, de prévenir d'importants contentieux
qu'auraient pu faire naître de nombreuses difficultés d'interprétation
soulevées tant par des textes anciens que par des lois récentes, comme les lois
de 1989 et de 1995 sur le surendettement des particuliers et des familles et
sur le redressement judiciaire civil.
A ce jour, ce sont près de cent cinquante demandes d'avis qui ont été
présentées à la Cour de cassation, témoignant ainsi de la vitalité de
l'institution.
Le dernier alinéa de l'article L. 151-1 du code de l'organisation judiciaire,
issu de la loi précitée, exclut cependant la matière pénale du champ de la
procédure d'avis.
On comprend qu'une telle exclusion ait été retenue à l'époque, dès lors que le
législateur avait fait le choix de renvoyer au décret en Conseil d'Etat le soin
d'organiser les modalités d'application de la procédure d'avis. Mais la
procédure pénale relevant de la loi aux termes de l'article 34 de la
Constitution, il n'était pas possible que les règles applicables devant les
juridictions pénales fussent fixées par décret.
Il paraît aujourd'hui souhaitable d'achever, par voie législative, l'oeuvre
entreprise en 1991. L'exclusion de la procédure d'avis en matière pénale
présente, en effet, d'évidents inconvénients qu'un exemple récent permet
d'illustrer.
Lors de la réforme du code pénal entrée en vigueur le 1er mars 1994, le
législateur a abrogé la peine de l'interdiction légale qui avait pour effet de
priver de tous leurs droits civils les personnes condamnées à des peines de
réclusion criminelle. Très vite s'est posée la question de savoir si les
personnes dont la condamnation était antérieure à l'entrée en vigueur de la
réforme demeuraient soumises à l'interdiction légale. La Cour de cassation,
saisie pour avis par un juge des tutelles dès 1995, n'a pu cependant apporter
de réponse à cette question essentielle, parce que l'article L. 151-1, non
applicable en matière pénale, ne le lui permettait pas.
De manière plus générale, en l'état actuel des textes, l'exclusion de la
matière pénale a pour conséquence d'interdire aux juridictions pénales, en
l'absence de procédures le permettant, de solliciter l'avis de la Cour de
cassation sur une question de droit civil pouvant intéresser le procès
pénal.
En outre, la matière pénale débordant le cadre du droit pénal, il paraît tout
aussi incohérent que la Cour de cassation puisse, le cas échéant, répondre à
une demande d'avis intéressant, par exemple, le droit électoral, mais
impliquant également la mise en oeuvre de principes fondamentaux du droit
pénal, mais que, parallèlement, elle ne puisse mettre en oeuvre ces principes,
dès lors que la question intéresse le droit pénal
stricto sensu.
En un mot, se poseront sans doute rapidement des difficultés d'interprétation
de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption
d'innocence et les droits des victimes. Par conséquent, il serait d'ores et
déjà utile de permettre la saisine de la Cour de cassation pour une
interprétation des textes pénaux.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
La commission est favorable à cet amendement, qui élargit les
possibilités de consultation de la Cour de cassation, en les étendant au
domaine pénal. Cela étant, nous ne voyions pas bien comment cette disposition
aurait pu fonctionner par rapport à une audience de cour d'assises. Mais M.
Haenel a bien voulu rectifier son amendement et la commission y est donc
maintenant favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, dont
l'objet n'a pas de lien avec le texte en discussion.
Cela étant, la disposition que vous proposez, monsieur Haenel, est
intéressante et soutenue par une bonne argumentation. Elle doit trouver sa
place dans une loi simple. Je m'engage, mais le travail est déjà largement
entamé, à procéder à une vraie réforme de la Cour de cassation, et ce par une
loi qui reprenne l'ensemble des dispositions, y compris votre excellente
suggestion qu'il est simplement difficile de prendre en compte dans ce
texte-ci.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 18 rectifié.
M. Robert Badinter.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter.
Cet amendement très intéressant, en son principe et en sa finalité, n'est
cependant pas sans poser des problèmes sur lesquels je souhaite attirer
l'attention de la Haute Assemblée.
Nous sommes en matière pénale et, à matière pénale, droit strict : tous les
textes doivent émaner, dans ce domaine, du législateur, et il convient de
veiller aux chevauchements possibles. Je pense ici aux problèmes de nullité de
procédure, qui sont complexes et qui pourraient légitimer des demandes d'avis.
Mais, à la recherche d'un avis, les juges ne vont-ils pas s'abstenir de statuer
et, ce faisant, éviter tout risque de censure ? Je tiens d'ailleurs d'une
autorité très compétente dans ce domaine que l'on commence à constater certains
débordements en ce sens, car, plutôt que de vérifier si l'on se trouve
effectivement en présence d'une question nouvelle, en réalité, on supplée à une
absence de vérification de l'état de la jurisprudence en demandant son avis à
la Cour de cassation.
Je rappelle que cette procédure de demande d'avis est lourde, qu'elle mobilise
un nombre important d'éminents magistrats dont le temps est, du même coup, ôté
à la juridiction.
Enfin, en matière pénale, les questions de délais jouent un rôle important,
renforcé depuis l'adoption des nouvelles dispositions concernant la présomption
d'innocence.
Tel est l'enjeu. Alors, il faut laisser la réflexion se poursuivre. Je
souhaiterais notamment entendre le président de la chambre criminelle, et non
pas seulement le Premier Président, éventuellement aussi tel ou tel avocat à la
Cour de cassation. Car il ne faudrait pas que ce qui est, par sa finalité, une
disposition utile, finisse par se retourner contre l'intention du
législateur.
Donc, à ce stade, bien que plutôt favorables à cette disposition, nous nous
abstiendrons lors du vote, en souhaitant que la navette puisse permettre
d'aller plus loin dans une innovation dont il faut bien mesurer toutes les
conséquences.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 18 rectifié, accepté par la commission et
repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi organique, après l'article 6.
Par amendement n° 16, MM. Haenel, Gélard et les membres du groupe du
Rassemblement pour la République et apparentés proposent d'ajouter, après
l'article 6, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le premier alinéa de l'article 20 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995
relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et
administrative, les mots : "et des cours d'appel" sont remplacés par les mots :
", des cours d'appel ainsi que de la Cour de cassation". »
La parole est à M. Haenel.
M. Hubert Haenel.
Les assistants de justice, recrutés en application de l'article 20 de la loi
du 8 février 1995, apportent leur concours aux travaux préparatoires des
magistrats des tribunaux d'instance, des tribunaux de grande instance et des
cours d'appel, à la plus grande satisfaction, j'ai pu le vérifier encore
récemment, des juridictions, qui d'ailleurs en demandaient plus.
Le recrutement de collaborateurs de qualité a ainsi permis la mise en place,
dans les juridictions de première instance et d'appel, d'une aide à la décision
dont les résultats sont vivement appréciés.
Il serait souhaitable que la Cour de cassation, dont la charge de travail est
particulièrement lourde, puisse également bénéficier d'assistants de
justice.
Le directeur des services judiciaires, pour lequel - j'y insiste, madame la
ministre - j'ai la plus grande estime, contrairement à ce que l'on a pu laisser
croire tout à l'heure, m'a indiqué, lors d'une récente audition, que la
question était réglée par l'affectation des vingt assistants à la cour d'appel
de Paris et mis à disposition de la Cour de cassation.
Je pense simplement qu'il serait souhaitable de régulariser la situation. Tel
est l'objet de cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Je le rappelle au Sénat, c'est dans cette maison qu'ont été
institués les assistants et, à l'époque, l'idée était apparue saugrenue et
peut-être pas très bien venue. Mais le dispositif est aujourd'hui considéré
comme excellent et tout le monde en est vraiment satisfait.
Nous sommes donc très favorables à ce que la Cour de cassation puisse
bénéficier de la présence d'assistants de justice.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Sagesse !
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 16, accepté par la commission et pour lequel
le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi organique, après l'article 6.
Par amendement n° 20, le Gouvernement propose, après l'article 6, d'ajouter un
article additionnel ainsi rédigé :
« Par dérogation aux dispositions du troisième alinéa de l'article 39 de
l'ordonnance du 22 décembre 1958 précitée, dans sa rédaction résultant de
l'article 3 de la présente loi organique, peuvent également être nommés à un
emploi hors hiérarchie à la Cour de cassation les magistrats exerçant les
fonctions de conseiller ou de substitut général à la cour d'appel de Paris ou
de Versailles, à la date d'entrée en vigueur de cette loi. »
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Cet amendement tend à permettre, à titre transitoire,
aux magistrats exerçant actuellement les fonctions de conseiller ou de
substitut général dans les cours d'appel de Paris ou de Versailles d'accéder
aux fonctions de magistrat hors hiérarchie de la Cour de cassation, auxquelles
ne peuvent prétendre statutairement, en l'état, que les magistrats hors
hiérarchie ou ayant la qualité de président de chambre ou d'avocat général de
cour d'appel.
Cette disposition permettra d'étendre les possibilités de choix du Conseil
supérieur de la magistrature pour pourvoir les emplois de conseiller à la Cour
de cassation, et du garde des sceaux pour ceux d'avocat général à cette Cour, à
des magistrats expérimentés qui, comme les présidents de chambre et avocats
généraux des cours d'appel de province, exercent des fonctions dans les
juridictions du second degré et ont atteint le second groupe du premier grade
de la hiérarchie judiciaire.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 20, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi organique, après l'article 6.
Je suis maintenant saisi de cinq amendements présentés par Mme Borvo et les
membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 22 tend à ajouter, après l'article 6, un article additionnel
ainsi rédigé :
« L'article 1er du titre Ier de la loi n° 94-100 du 5 février 1994 sur le
Conseil supérieur de la magistrature est ainsi rédigé :
«
Art. 1er
. - Les magistrats membres de la formation du Conseil
supérieur de la magistrature compétente à l'égard des magistrats du siège sont
désignés dans les conditions suivantes :
« 1° Cinq magistrats du siège parmi les six élus dans les conditions fixées à
l'article 3.
« 2° L'un des magistrats du parquet élu dans les conditions fixées à l'article
3 et désigné dans les conditions fixées à l'article 4. »
L'amendement n° 23 vise à ajouter, après l'article 6, un article additionnel
ainsi rédigé :
« L'article 2 du titre Ier de la loi n° 94-100 du 5 février 1994 sur le
Conseil supérieur de la magistrature est ainsi rédigé :
«
Art. 2
. - Les magistrats membres de la formation du Conseil supérieur
de la magistrature compétente à l'égard des magistrats du parquet sont désignés
dans les conditions suivantes :
« 1° Cinq magistrats du parquet parmi les six élus dans les conditions fixées
à l'article 3.
« 2° L'un des magistrats du siège élu dans les conditions fixées à l'article 3
et désigné dans les conditions fixées à l'article 4. »
L'amendement n° 25 rectifié a pour objet d'ajouter, toujours après l'article
6, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 3 du titre premier de la loi n° 94-100 du 5 février 1994 sur le
Conseil supérieur de la magistrature est ainsi rédigé :
«
Art. 3. -
Les élections ont lieu à bulletin secret.
« Pour chacun des magistrats élus en qualité de membre, il est procédé, selon
les mêmes modalités, à l'élection d'un suppléant.
« Les magistrats mentionnés aux articles 1er et 2 sont élus au suffrage direct
et au scrutin de liste, à la représentation proportionnelle suivant la règle du
plus fort reste, sans panachage ni vote préférentiel, par l'ensemble des
magistrats de la Cour de cassation, des magistrats du cadre de l'administration
centrale du ministère de la justice et des magistrats placés en position de
détachement.
« Chaque magistrat dispose de deux voix, l'une pour l'élection des six
magistrats du siège et l'autre pour l'élection des six magistrats du
parquet.
« Chaque liste comprend six noms de candidats en qualité de membre et un
nombre égal de candidats en qualité de suppléant, et comporte un nombre égal
d'hommes et de femmes tant en qualité de membre que de suppléant.
« Chaque liste comporte, tant pour les membres que les suppléants, au maximum,
quatre magistrats appartenant à la hors hiérarchie ou à chacun des deux grades
du corps de la magistrature.
« Dans le cas où, pour l'attribution d'un siège, des listes ont le même reste,
le siège est attribué à la liste qui a recueilli le plus grand nombre de
suffrages. Si plusieurs de ces listes ont obtenu le même nombre de suffrages,
le siège est attribué à l'une d'entre elles par voie de tirage au sort. Les
membres et suppléants élus sont désignés selon l'ordre de présentation de la
liste. »
L'amendement n° 24 a pour but d'ajouter, après l'article 6, un article
additionnel ainsi rédigé :
« L'article 4 du titre premier de la loi n° 94-100 du 5 février 1994 sur le
Conseil supérieur de la magistrature est ainsi rédigé :
«
Art. 4. -
Les magistrats mentionnés aux articles 1er (2°) et 2 (2°)
sont désignés au scrutin uninominal à un tour, à bulletin secret, par
l'ensemble des magistrats élus au titre des articles 1er et 2.
« Le magistrat ayant recueilli le plus de suffrages est élu. En cas de partage
égal des voix, le candidat le plus âgé est déclaré élu. »
L'amendement n° 21 tend à ajouter, après l'article 6, un article additionnel
ainsi rédigé :
« Après l'article 4 du titre premier de la loi n° 94-100 du 5 février 1994 sur
le Conseil supérieur de la magistrature, il est inséré un article additionnel
ainsi rédigé :
«
Art....
- Ont la qualité d'électeur les magistrats de l'ordre
judiciaire en position d'activité, de congé parental, de détachement ou
bénéficiaires d'une décharge de service à titre syndical ou pour exercer leurs
fonctions électives à la commission d'avancement ou au Conseil supérieur de la
magistrature.
« N'ont pas la qualité d'électeur les magistrats placés en congé spécial ou
temporairement interdits d'exercer leurs fonctions.
« Sont éligibles les magistrats ayant la qualité d'électeurs qui, à la date
limite du dépôt des listes de candidats, sont en position d'activité dans les
juridictions et justifient de cinq ans de services effectifs en qualité de
magistrat.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application des articles
1er à 4 ainsi que du présent article, et notamment les modalités du vote par
correspondance possible lors des opérations électorales prévues à l'article 3.
»
La parole est à Mme Borvo, pour présenter cinq amendements.
Mme Nicole Borvo.
Les cinq amendements visent à démocratiser la représentation professionnelle
au sein du Conseil supérieur de la magistrature, par une modification de la loi
n° 94-100 du 5 février 1994.
Pour la clarté des débats, je pense préférable de les présenter ensemble.
La démocratisation de la représentation professionnelle au sein du Conseil
supérieur de la magistrature passe, selon nous, par deux modifications
essentielles.
D'une part, il est nécessaire d'assurer une meilleure représentation
sociologique du corps par une minoration du poids de la hiérarchie au sein du
Conseil. D'autre part, il conviendrait que le principe du pluralisme soit mieux
respecté.
Concernant la représentation de la structure, force est de constater qu'à
l'heure actuelle elle est caractérisée par la forte prédominance de la
hiérarchie judiciaire. En effet, sur les six magistrats que comprend chacune
des deux formations du Conseil supérieur de la magistrature, trois sont
directement issus de la haute magistrature : un membre hors hiérarchie de la
Cour de cassation, un premier président de cour d'appel ou un procureur général
près la cour d'appel, selon qu'il s'agit de la formation « siège » ou « parquet
», et un président ou un procureur de tribunal de grande instance selon la
formation en question.
Les trois autres membres sont issus des cours et des tribunaux, par voie
d'élection depuis la réforme constitutionnelle de 1994. N'oublions pas, en
effet, qu'à l'origine ils étaient choisis sur une liste établie par la Cour de
cassation !
Malgré les améliorations apportées par la réforme de 1994, encore aujourd'hui
quelque 600 magistrats, sur les 6 721 que compte le corps judiciaire, sont
représentés à hauteur de 50 % au sein du Conseil supérieur de la
magistrature.
Si nos amendements n°s 22 à 24 étaient adoptés, l'ensemble des magistrats
membres du CSM seraient désormais élus par un collège unique, sans distinction
hiérarchique. Cette réforme, cohérente d'ailleurs avec la simplification des
grades, permettrait d'avoir une représentation sociologique du corps plus
exacte au sein du CSM.
Pour ce qui est de favoriser l'expression du pluralisme, nous vous proposons,
par l'amendement n° 25 rectifié, de modifier le mode de scrutin applicable à
l'élection des magistrats appelés à siéger au sein du CSM. Plus précisément, on
substituerait au scrutin uninominal majoritaire à un tour, actuellement en
vigueur, le scrutin de liste, à la représentation proportionnelle au plus fort
reste.
Le scrutin proportionnel permettrait d'assurer, au sein du CSM, une
représentation professionnelle pluraliste, alors que le mécanisme du scrutin
uninominal à un tour est, comme chacun sait, particulièrement injuste.
Cette réforme du mode de scrutin, qui recueille, me semble-t-il, l'assentiment
de la profession, va d'ailleurs dans le sens d'un alignement du statut des
magistrats judiciaires sur celui des magistrats administratifs, puisque les
magistrats membres du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des
cours administratives d'appel sont actuellement élus au scrutin de liste
proportionnel.
Dans le prolongement de cette logique, nous vous proposons notamment, mes
chers collègues, par l'amendement n° 25 rectifié, d'autoriser les magistrats
exerçant leurs fonctions dans une organisation professionnelle - de même
d'ailleurs que ceux qui effectuent leur service au sein de la commission
d'avancement ou du CSM - à continuer d'être électeurs.
Nous avons conscience, madame la ministre, de ce que cette question se situe
un peu en marge de notre débat, mais elle a, selon nous, le mérite de soulever
des questions de fond, en particulier dans la perspective d'un renforcement du
rôle du CSM à l'égard des magistrats du parquet.
Dans cet état d'esprit, nous souhaiterions entendre les explications du
Gouvernement sur l'ensemble de ces amendements et nous apprécierons, alors, des
suites à leur donner.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 22, 23, 25 rectifié,
24 et 21 ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
La commission émet un avis tout simple : elle ne peut pas
être favorable à cet ensemble d'amendements, et ce pour deux raisons.
Premièrement, nous sortons là véritablement de notre sujet et nous abordons un
tout autre problème qui ne saurait être traité de manière partielle et
fragmentaire. Deuxièmement, il n'y a pas d'urgence.
Je m'explique.
Nous nous sommes occupés du statut des magistrats, et je vous proposerai tout
à l'heure d'intituler le texte « Projet de loi organique relatif au statut des
magistrats ». Il s'agit bien ici de catégories hiérarchiques et autres
questions qui sont connexes et qui relèvent toutes du statut des magistrats.
Actuellement, nous parlons du CSM, ce qui est un tout autre problème. Une
réforme est en cours ; elle est bloquée, mais nous espérons qu'elle ne le sera
pas éternellement. On ne peut pas extraire le problème du mode de scrutin pour
l'élection au CSM de son contexte pour le traiter séparément car, sinon, on
ignorerait beaucoup d'autres aspects du CSM.
Cette façon de traiter le problème s'agissant d'une matière aussi délicate,
d'une aussi grande portée que le CSM ne serait, je me permets de vous le dire,
madame Borvo, pas bien sérieuse et pas bien responsable de notre part.
J'ajoute que, si l'on avait un sentiment d'urgence, si les choix actuellement
opérés par le CSM prêtaient à des critiques graves, on pourrait estimer devoir
remédier au plus vite à une situation fâcheuse.
Mais, pour avoir entendu les différents syndicats et pour avoir évoqué avec
eux cette réforme, qui correspond à une certaine logique, à une certaine
conception, je sais par mes interlocuteurs qu'elle ne relevait pas du tout
d'une critique des choix actuels du CSM mais était simplement la conclusion
logique d'une réflexion générale, en quelque sorte, de caractère théorique.
Donc, il n'y a pas d'urgence à bousculer le CSM et nous ne pouvons être
favorables à ces amendements.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 22, 23, 25 rectifié,
24 et 21 ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Madame la sénatrice, le Premier ministre et le
Gouvernement partagent entièrement vos préoccupations.
Le CSM doit être, dans sa composition et dans le mode de désignation de ses
membres, à l'abri de toute critique de même que son fonctionnement doit être
exempt de toute polémique. Il en va de la crédibilité de l'institution
judiciaire.
Le fait syndical dans la magistrature est une réalité ; il faut en tirer les
conséquences en instaurant un scrutin proportionnel. Telle est la démarche
entreprise par le Gouvernement.
La loi constitutionnelle relative au CSM, approuvée par l'Assemblée nationale
et par le Sénat, va dans ce sens, mais les amendements que vous avez déposés
vont au-delà du simple mode de désignation, puisqu'ils prévoient de modifier la
composition même du CSM.
C'est la raison pour laquelle, outre le fait que les amendements proposés
n'entrent pas dans le cadre de l'objet du projet de loi organique en discussion
aujourd'hui, je me verrai dans l'obligation de vous demander de les retirer
parce qu'ils vont au-delà de ce que vous avez vous-même voté et je pense qu'il
faut continuer à respecter la cohérence de la démarche tant du Gouvernement, de
l'Assemblée nationale que du Sénat. Sachez, madame Borvo, que ce texte finira
bien par être voté !
M. le président.
Madame Borvo, les amendements n°s 22, 23, 25 rectifié, 24 et 21 sont-ils
maintenus ?
Mme Nicole Borvo.
Je les retire, monsieur le président.
M. le président.
Les amendements n°s 22, 23, 25 rectifié, 24 et 21 sont retirés.
Intitulé