SEANCE DU 16 NOVEMBRE 2000
M. le président.
« Art. 44. - L'objectif national de dépenses d'assurance maladie de l'ensemble
des régimes obligatoires de base est fixé à 693,3 milliards de francs pour
l'année 2001. »
Sur l'article, la parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
permettez-moi d'évoquer, dans cette intervention sur l'article, la situation de
l'AP-HP.
Cette année encore, l'augmentation du budget hospitalier public au niveau
régional et parisien serait, avec environ 2 %, bien inférieure à celle qui est
constatée au niveau national et qui atteint 3,4 %, ce qui suffit déjà à peine à
reconduire un existant loin d'être satisfaisant.
L'AP-HP a déjà été contrainte à réaliser des économies importantes ces quatre
dernières années, à hauteur de 1,2 milliard de francs. Elle n'est donc pas en
mesure d'assumer de nouveau des restrictions budgétaires.
Il est plus que temps, plutôt que de dénoncer une supposée surdotation
francillienne et parisienne, d'aligner au moins le taux de progression des
hôpitaux publics franciliens sur celui qui est constaté à l'échelon
national.
Certes, la région d'Ile-de-France est globalement bien dotée en moyens
sanitaires, même si tous les besoins sont loin d'être couverts, comme en
psychiatrie, par exemple.
L'offre de soins en Ile-de-France est caractérisée par un équilibre dans
l'offre de soins aigus, avec une forte concentration dans les départements
centraux qui peut s'expliquer, en partie, par l'organisation radiale du réseau
francilien des voies de communication, dans la mesure où il est plus facile de
se rendre à Paris que d'une ville à l'autre de la région.
En outre, environ 60 000 patients venant de province sont soignés dans les
services de l'AP-HP et, globalement, 10 % des malades hospitalisés en court
séjour viennent de province.
L'Ile-de-France, qui regroupe près d'un cinquième de la population et qui
représente près d'un tiers du PIB, est exposée à la concentration des pauvretés
et de la précarité. On y rencontre, de plus, un grand nombre des pathologies
particulières.
S'ajoute à cette réalité de l'Ile-de-France une autre difficulté pour l'AP-HP
que ma collègue Nicole Borvo a eu l'occasion d'évoquer mardi dernier dans sa
question orale, à savoir l'obligation faite, en 1992, par le ministre de
l'époque de l'autofinancement de l'hôpital Georges-Pompidou.
Ces instructions des autorités de tutelle en 1992 conduisent aujourd'hui
l'AP-HP à céder des terrains publics. Cet état de fait a eu comme conséquence
d'amener l'Assistance publique à projeter de vendre les terrains publics de
Laennec à la Cogedim, dont le projet aurait accentué la spéculation immobilière
parisienne, surtout dans le VIIe arrondissement. Celui-ci, selon un bilan de la
préfecture de Paris datant de février 2000, n'a vu, de 1988 à 1999, la création
d'aucun logement social.
Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire à M. le secrétaire d'Etat à
l'économie solidaire, je me réjouis que le Premier ministre soit intervenu pour
empêcher la réalisation du projet initial, mais je ne peux que m'élever contre
la logique d'autofinancement par l'AP-HP de l'hôpital européen, qui reste
malheureusement celle du Gouvernement.
J'estime que l'AP-HP ne doit pas assumer seule le financement de l'hôpital
européen Georges-Pompidou. L'AP-HP étant sous tutelle de l'Etat, celui-ci doit
assumer la responsabilité du financement de cet équipement de santé
publique.
Il serait doublement injuste que les terrains publics rendus disponibles par
des restructurations hospitalières contestables ne servent pas à la mixité
sociale et à des équipements sociaux.
Des besoins importantes existent pourtant en ce domaine à Paris, notamment au
sein même de l'AP-HP, puisqu'on dénombre 2 500 demandes de logements sociaux de
la part de ses propres personnels.
M. le président.
Par amendement n° 39, M. Descours, au nom de la commission des affaires
sociales, propose de supprimer l'article 44.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Il s'agit de l'ONDAM que je vais vous proposer de supprimer.
Quand l'ONDAM a été constitué en 1997, il s'agissait d'un agrégat comptable et
on n'avait pas d'autres moyens de le déterminer.
Aujourd'hui, cinq ans plus tard, l'ONDAM reste un agrégat comptable qui a été
rebasé par le Gouvernement depuis deux ans et qui augmente mécaniquement selon
des pourcentages de progression arbitraire. Il est actuellement dépourvu de
tout contenu en matière de santé publique.
C'est un arbitrage comptable - contesté par l'ensemble des professionnels -
entre les contraintes de l'assurance maladie et le souci des pouvoirs publics
d'apaiser les tensions que connaît notre système de soins.
Je rappelle les errements de l'ONDAM. Il a été rebasé deux ans de suite et il
n'en a quand même pas moins dérivé. La publication, ce matin, des dépenses
d'assurance maladie montre que les prévisions de la commission des comptes de
la sécurité sociale du mois de septembre pour l'année 2000 seront dépassées.
Je tiens donc à dire aux professionnels, qui pourront lire le
Journal
officiel
- il y en a - qu'en réalité la progression de l'ONDAM pour 2001 ne
sera pas de 3,5 %, puisque l'on sait déjà que l'ONDAM de 2000 sera bien
supérieur à celui qui avait été initialement prévu.
Le Gouvernement a modifié l'ONDAM de son propre chef avec le plan hospitalier
de mars 2000 sans que le Parlement en ait été saisi puisqu'il n'y a pas de loi
de financement rectificative.
C'est pour ces considérations multiples que, je vous l'avais annoncé, nous
prenons une décision qui est une décision politique, d'une exceptionnelle
gravité. Nous opposons une sorte de question préalable à l'ONDAM 2001,
c'est-à-dire un rejet solennel.
Aujourd'hui, nous sommes incapables de dire si l'ONDAM pour 2001 - 693,3
milliards de francs - permettra de soigner correctement les Français.
En outre, comme cet ONDAM sera peut-être violé par le Gouvernement dans
quelques semaines, nous ne pouvons pas engager l'autorité de la Haute Assemblée
dans cette palinodie.
Certes, nous sommes conscients que ne pas voter l'ONDAM est une décision d'une
exceptionnelle gravité puisque c'est un élément central des lois de
financement, mais c'est une décision que nous prenons en connaissance de cause
pour montrer solennellement au Gouvernement que l'ONDAM doit être calculé de
façon différente, après un débat d'orientation sanitaire au printemps, avec des
lois de financement rectificatives en cours d'année si cela est nécessaire.
Tant qu'il n'en sera pas ainsi, le Sénat ne pourra pas voter un ONDAM qui n'a
aucune signification de santé.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le rapporteur, vous proposez de supprimer
l'article 44. Or le vote d'un objectif regroupant les dépenses remboursées des
principaux régimes d'assurance maladie, en vertu d'un objectif national de
dépenses d'assurance maladie, a permis un progrès très important dans le
pilotage de notre système de santé.
Il permet, en premier lieu, de débattre - c'est ce que nous faisons depuis
trois jours - de l'effort consacré par le pays à la couverture collective du
risque santé en prenant en compte l'évolution des besoins de la population,
ainsi que des pratiques et des techniques médicales.
Il permet en outre de déterminer quel objectif on assigne aux dépenses des
professionnels et des établissements de santé et de discuter avec eux des
évolutions, à la hausse ou à la baisse, lorsque des dépassements de tarifs sont
constatés.
Il s'agit donc d'un instrument de transparence et de lisibilité tant pour les
pouvoirs publics que pour les acteurs du système de santé. Cette transparence
est quelquefois nécessaire pour que les acteurs puissent comparer leurs
différentes activités.
Pour 2001, le Gouvernement propose de voter un objectif national de dépenses
d'assurance maladie s'élevant à 693,3 milliards de francs, en progression de
3,5 % par rapport à l'année dernière.
Cet objectif permettra de poursuivre les politiques structurelles que nous
avons engagées et que nous avons évoquées à plusieurs reprises durant ces trois
jours de débat. Nous continuerons ainsi à améliorer la couverture maladie des
Français, notamment le remboursement des professions indépendantes.
Cet objectif répondra également aux priorités de santé identifiées par les
conférences de santé et par le Haut comité à la santé publique : plan cancer et
plan greffes ; risques liés aux prions.
J'ai entendu certains dire que cet objectif était laxiste. Je note que ce sont
les mêmes qui se sont élevés contre les mesures d'économie prises par les
caisses en juillet dernier. Sans rouvrir ce débat qui nous a occupés à
plusieurs reprises, je dirai que cela ne semble pas cohérent.
Le Gouvernement a décidé d'un objectif qui tient compte du taux d'évolution
tendanciel des dépenses et qui est inférieur de 1,3 point au taux d'évolution
du PIB prévue en 2001. Nous poursuivrons donc la stabilisation des dépenses de
santé dans la richesse nationale, tout en permettant l'amélioration des
réponses en matière de santé.
Avec cette progression de 3,5 %, nous proposons un objectif qui sera légitime
aux yeux de tous les acteurs, car il est réaliste.
Aussi bien la ville que l'hospitalisation et le médico-social bénéficieront
des marges de manoeuvre que nous allons dégager au travers de cet ONDAM.
C'est pourquoi je ne peux pas être favorable à votre amendement, monsieur le
rapporteur, mais ce n'est pas une surprise.
S'agissant de la défense de l'AP-HP, au sein de l'ONDAM, j'ai déjà été amenée
à répondre à cet argument. L'AP-HP a des missions d'enseignement, de formation,
d'excellence, notamment dans les disciplines de pointe. Mais elle a aussi une
mission de proximité et elle doit participer au sein de la région à la
réduction des inégalités d'accès aux soins. Je rappelle qu'elle reçoit 10 % des
crédits nationaux. Les objectifs de restructuration préparés par le plan
stratégique l'inscriront dans cette dynamique de la politique hospitalière.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 39.
M. Bernard Cazeau.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Cazeau.
M. Bernard Cazeau.
Personnellement, je ne comprends pas comment on peut supprimer un ONDAM qui a
été décidé dès le début, et par le gouvernement précédent.
Le débat tourne autour de ce fameux « rebasage », terme que je n'aime pas
beaucoup. Je préfère parler de « rééquilibrage ». Je me contenterai de répéter,
à l'instar de la commission, qui use souvent de cette pratique, ce que j'ai
déjà dit dans la discussion générale.
Refuser de rééquilibrer les bases de l'ONDAM, c'est refuser d'intégrer un
certain nombre de paramètres. D'abord, la croissance elle-même est
obligatoirement facteur de demande de santé de nos concitoyens. Pourquoi ne pas
la prendre en compte ? Ensuite, nous savons que, grâce aux progrès de la
médecine et de la pharmacologie, la demande de santé, d'une population de plus
en plus âgée est de plus en plus forte. C'est un constat.
Je ne reprendrai pas l'ensemble des arguments que nous avons égrenés au fil
des heures passées sur ce dossier. Pour nous, il est incontestable, et nous le
redirons lors des explications de vote sur l'ensemble, que cet objectif en
progression de 3,5 % permettra des améliorations dans tous les secteurs et dans
toutes les branches, particulièrement dans la branche maladie.
J'avoue donc ne pas comprendre cette proposition de suppression de l'article ;
elle me paraît tout à fait illogique et elle n'avait d'ailleurs pas été
formulée à l'Assemblée nationale.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
M. Cazeau fait exprès de ne pas comprendre. Moi, je dis que
l'ONDAM devrait être fixé à 750 milliards de francs ! Voilà ! De toute façon,
comme on le détermine n'importe comment... Ce que je critique, ce n'est pas le
montant, c'est le manque de base médicale. L'ONDAM n'est pas discuté quand il
est dévoyé. Le Gouvernement le dévoie lui-même avec son plan hospitalier.
Vous essayez de me faire dire que je trouve les médecins ou les pharmaciens
trop dépensiers. Non ! Je vous dis, moi, que je ne suis pas d'accord. Pourquoi
pas 750 milliards de francs ? Une progression de 3,5 % ne signifie rien
puisqu'on ne sait pas quelles sommes sont nécessaires pour soigner correctement
les Français.
Je ne m'oppose donc pas au chiffre retenu mais au fait que l'on n'ait pas de
base médicale pour le déterminer.
Vous avez l'air de sous-entendre que je serais opposé à l'ONDAM parce que je
trouve que les médecins dépensent trop d'argent. Je vous indique d'ailleurs
que, depuis que j'ai annoncé que je proposerai de ne pas voter l'ONDAM, les
syndicats médicaux ne s'y sont pas trompés : ils m'approuvent !
M. Bernard Cazeau.
Je demande la parole pour explication de texte.
M. le président.
La parole est à M. Cazeau.
M. Bernard Cazeau.
Je ne voudrais pas ouvrir un débat avec M. le rapporteur car ce n'est pas le
lieu. Toutefois, dans toute démarche budgétaire, ce qui est le cas dans les
collectivités, même si la dénomination est différente, toute prévision fait
l'objet ensuite de rectifications. Je ne conçois donc pas pourquoi, sous
prétexte que vous ne savez pas exactement quelles seront les dépenses de santé
pour 2001, vous refusez d'accepter une base qui est une prévision.
M. Jean Chérioux.
Parce que !
M. Bernard Cazeau.
Vous pourrez toujours dire ensuite que cela n'est pas suffisant et que vous
êtes contre le rebasage, notamment à l'égard des professions médicales.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Ça fait cinq ans que je le dis !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 39, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 44 est supprimé.
Mes chers collègues, il est vingt heures douze et il nous reste encore six
amendements à examiner. Je demande donc aux orateurs de faire preuve de mesure
et de concision.
Section 7
Mesures relatives à la comptabilité et à la trésorerie
Article 45