SEANCE DU 16 NOVEMBRE 2000
M. le président.
« Art. 22. - I. - Le fonds visé à l'article L. 135-1 du code de la sécurité
sociale a pour mission de financer la validation, par les organismes visés à
l'article L. 921-4 du même code, des périodes de chômage et de préretraite
indemnisées par l'Etat.
« II. - Ce fonds prend en charge, dans des conditions fixées par une
convention conclue entre l'Etat et les organismes visés à l'article L. 921-4 du
code de la sécurité sociale :
«
a)
Les cotisations dues à compter du 1er janvier 1999 au titre des
périodes de perception des allocations spéciales du fonds national pour
l'emploi visées au 2° de l'article L. 322-4 du code du travail, des allocations
de préretraite progressive visées au 3° du même article, des allocations de
solidarité spécifique visées à l'article L. 351-10 du même code ;
«
b)
Le remboursement des sommes dues antérieurement au 1er janvier
1999, pour la validation des périodes de perception des allocations visées au
a
ci-dessus.
« III. - Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret
en Conseil d'Etat.
« IV. - Au premier alinéa de l'article L. 135-3 du code de la sécurité
sociale, après les mots : "mentionnées à l'article L. 135-2", sont insérés les
mots : "et de l'article 22 de la loi de financement de la sécurité sociale pour
2001 n° du ". »
Par amendement n° 18, MM. Vasselle et Descours, au nom de la commission des
affaires sociales, proposent de supprimer cet article.
La parole est à M. Vasselle, rapporteur.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
J'ai déjà largement développé les raisons pour lesquelles
nous n'étions pas favorables au dispositif - à la « tuyauterie » ! - mis en
place à partir du fonds de solidarité vieillesse, le FSV, pour assurer le
financement du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de
sécurité sociale, le FOREC.
Je vous rappelle qu'en ce qui concerne les régimes complémentaires il existe
une dette ancienne de l'Etat à l'égard de ces régimes. La charge de cette dette
devrait être assurée par le budget général de l'Etat et non par le FSV, créé
uniquement pour financer les dépenses dites de solidarité qui correspondent aux
avantages accordés dans le cadre du non-contributif.
En 1984, l'Etat avait pris cet engagement. Seize ans plus tard, ces deux
organismes n'ont toujours pas été dédommagés. Il a fallu recourir à la menace
pour être écouté, et une convention signée le 23 mars 2000 vient mettre un
terme à ce litige. C'est la validation du contenu de cet accord que nous
trouvons à l'article 22.
Le respect de la convention est impératif, mais le dispositif retenu à
l'article 22 est insatisfaisant. Sans revenir sur les conséquences qui en
résultent pour le FSV, je tiens à vous informer, mes chers collègues, que ce
dispositif représente une somme de 2 milliards de francs pendant quinze à vingt
ans et s'inscrit dans le cadre de la mise en place des 35 heures.
C'est pour toutes ces raisons, mes chers collègues, que nous proposons la
suppression du dispositif, à charge pour l'Etat, bien entendu, d'honorer sa
dette par le biais d'un autre dispositif, avec d'autres ressources financières,
mais certainement pas celles du FSV, qui doit contribuer, par ses excédents, à
alimenter le fonds de réserve pour les retraites. Si ce dispositif était au
bout du compte adopté par l'Assemblée nationale, le fonds se verrait amputé de
3 milliards de francs dès 2001.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Vous imaginez bien que le Gouvernement ne peut pas
accepter la proposition de M. le rapporteur. En effet, l'amendement présenté a
pour objet de supprimer l'article 22, qui prévoit le financement par le Fonds
de solidarité vieillesse à hauteur de 2,850 milliards de francs du coût de la
validation pour la retraite complémentaire des périodes relevant d'un
dispositif de préretraite, des allocations de préretraite progressive et des
allocations de solidarité spécifique, ainsi que de l'apurement de la dette
constituée à l'égard des régimes conventionnels ARRCO et AGIRC, pour les
périodes antérieures au 1er janvier 1999.
Cet article constitue l'aboutissement d'un contentieux durant depuis près de
seize années et de trois ans de discussion entre l'Etat et les partenaires
sociaux gestionnaires des régimes de retraites complémentaires.
Comme vous le savez, les partenaires sociaux ont contesté le financement par
l'ARRCO et l'AGIRC de droits à la retraite complémentaire pour des périodes de
chômage ou de préretraite n'ayant donné lieu à aucune cotisation. En 1996, les
partenaires sociaux ont décidé de ne plus verser les prestations correspondant
aux entrées dans un système de chômage et de préretraite indemnisé par l'Etat
postérieures au 1er juillet 1996.
Cette décision conduisait à minorer les pensions de retraite complémentaire de
personnes qui avaient été touchées pendant leur vie active par un licenciement
économique, souvent à un âge auquel il est difficile de retrouver un emploi.
C'est là une donnée qui ressort également des statistiques et de la description
de la situation du chômage.
Cette négociation a conduit à la signature, le 23 mars 2000, d'un accord entre
les partenaires sociaux et l'Etat. Les pouvoirs publics se sont alors engagés à
financer la validation des périodes de chômage et de préretraite financées par
l'Etat et à apurer la dette établie en concertation avec les partenaires
sociaux pour les périodes antérieures au 1er janvier 1999.
L'objet de l'article 22 est donc de rétablir dans leurs droits les retraités
ayant subi durant leur carrière une période de chômage de longue durée ou une
interruption précoce de leur activité. Le financement de ces droits par le FSV
est tout à fait logique pour deux raisons : d'une part, l'affiliation aux
régimes de retraite complémentaire a été rendue obligatoire par la puissance
publique ; d'autre part, il s'agit de valider des périodes d'activité durant
lesquelles les assurés n'ont versé aucune cotisation au titre de régimes de
retraite complémentaire. On se trouve donc bien dans une logique de solidarité
nationale qui fonde l'institution du FSV.
Il n'est donc pas possible au Gouvernement d'accepter l'amendement déposé au
nom de la commission des affaires sociales de votre assemblée, et j'en demande
le rejet.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 18.
M. Guy Fischer.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Nous rejoignons complètement la position qui a été prise par le
Gouvernement.
Le rapporteur Alain Vasselle - et, à travers lui, la commission - est partisan
du tout ou rien. Il s'agit pourtant d'un conflit qui dure depuis seize ans et
qui est né dans une période marquée par de nombreux plans de licenciement et
par la mise en préretraite de dizaines de milliers de travailleurs. Des
engagements devaient dès lors être pris à l'égard des régimes de retraites
complémentaires des salariés, l'AGIRC et l'ARRCO.
Au cours de ces seize ans, nous sommes beaucoup intervenus. L'objet, je crois,
est de manifester notre solidarité. Ce qui prime pour nous c'est qu'une
solution aboutissant à la prise en charge des cotisations dues à ces organismes
durant les périodes de chômage et de préretraite ait été trouvée. C'est cela
qui prévaut, et je m'attendais à ce que nous soyions unanimes pour approuver la
solution apportée à ce très long conflit qui a mobilisé tout le monde. Ce n'est
pas le cas et je le regrette vivement. Nous voterons donc contre l'amendement
de suppression de l'article 22.
M. Claude Domeizel.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Domeizel.
M. Claude Domeizel.
Cet article résulte d'un accord trouvé - enfin ! - avec les partenaires
sociaux gestionnaires des régimes de retraites complémentaires, signé le 23
mars dernier.
Je voudrais faire remarquer au rapporteur Alain Vasselle que les moyens de
financement ne s'éloignent pas, comme il le dit, des objectifs du FSV. Cet
article règle un vieux contentieux, ce qui permettra - c'est ce qui est
important - à tous les retraités de bénéficier ainsi de leurs droits à la
retraite complémentaire.
C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste votera contre l'amendement
de la commission.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Vasselle, rapporteur.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Je ne serais pas intervenu s'il n'y avait eu les explications
de vote de MM. Fischer et Domeizel.
Je me dois, en effet, d'attirer l'attention de la Haute Assemblée sur deux
points.
En premier lieu, en ce qui concerne la nature des dépenses, j'entends bien
qu'il s'agit de dépenses dites de solidarité. N'oublions pas, cependant, mes
chers collègues, que le fonds de solidarité vieillesse a été créé à partir des
charges des dépenses de solidarité supportées par le régime de base et en aucun
cas par les régimes complémentaires. Il n'est donc ni dans l'esprit ni dans la
lettre de la création du fonds de solidarité vieillesse d'avoir à supporter
cette charge.
En second lieu, je ne voudrais pas que nos collègues et que l'opinion publique
pensent, compte tenu de l'intervention de M. Fischer, que nous sommes opposés
au remboursement d'une dette vieille de seize ans puisqu'elle est née en 1984.
Or, de 1984 à aujourd'hui, aucun gouvernement - vous avez été plus souvent au
pouvoir que nous pendant cette période - n'a pris de dispositions pour assurer
le recouvrement de la dette due à l'AGIRC et à l'ARRCO !
Nous contestons non pas le remboursement de cette dette, mais le dispositif
retenu à cette fin, et ce dans un contexte particulièrement défavorable pour la
branche vieillesse. En effet, toutes les sommes qui sont ôtées au fonds de
solidarité vieillesse - sur quinze ans, cela fera 30 milliards de francs au
total - sont autant d'argent en moins pour ce fonds, alors que ses excédents
ont vocation à abonder le fonds de réserve pour les retraites dont l'objet est
de contribuer à terme à l'équilibre de la branche vieillesse.
Telle est la raison pour laquelle la commission a déposé cet amendement,
parfaitement fondé.
Je ne doute pas que la Haute Assemblée suivra les propositions de sa
commission des affaires sociales.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 18, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 22 est supprimé.
Article 23