SEANCE DU 14 NOVEMBRE 2000
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Commission mixte paritaire
(p.
1
).
3.
Candidatures à un organisme extraparlementaire
(p.
2
).
4.
Questions orales
(p.
3
).
reconstitution des forêts dévastées
par la tempête de 1999 (p.
4
)
Question de M. Guy Vissac. - MM. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur ; Guy Vissac.
transport du bois abattu
par les tempêtes de fin 1999 (p.
5
)
Question de M. Jean-Pierre Demerliat. - MM. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur ; Jean-Pierre Demerliat.
régime fiscal des micro-entreprises (p. 6 )
Question de Mme Janine Bardou. - M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur ; Mme Janine Bardou.
tva applicable au bois-énergie (p. 7 )
Question de M. Daniel Eckenspieller. - MM. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur ; Daniel Eckenspieller.
fiscalité applicable aux retraites mutualistes
des anciens combattants (p.
8
)
Question de M. Philippe de Gaulle. - MM. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur ; Philippe de Gaulle.
enseignement des langues wallisienne et futunienne
et place de wallis-et-futuna
dans la nouvelle organisation
de l'enseignement supérieur dans le pacifique (p.
9
)
Question de M. Robert Laufoaulu. - MM. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur ; Robert Laufoaulu.
situation du centre hospitalier
de sainte-foy-la-grande (p.
10
)
Question de M. Gérard César. - MM. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire ; Gérard César.
réforme des aides à l'embauche de jeunes
en contrat de qualification (p.
11
)
Question de M. Jean-Claude Carle. - MM. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire ; Jean-Claude Carle.
reconstitution de carrière des médecins sous contrat
dans les centres hospitaliers publics (p.
12
)
Question de M. Bernard Cazeau. - MM. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire ; Bernard Cazeau.
ventes de terrains
par l'assistance publique de paris (p.
13
)
Question de Mme Nicole Borvo. - M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire ; Mme Nicole Borvo.
fonctionnement des centres anticancéreux (p. 14 )
Question de M. Jean Huchon. - MM. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire ; Jean Huchon.
création d'un troisième aéroport (p. 15 )
Question de M. Paul Girod. - MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Paul Girod.
réforme de l'aide personnalisée au logement (p. 16 )
Question de M. Jean Besson. - MM. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement ; Jean Besson.
financement des réseaux
de distribution d'eau potable (p.
17
)
Question de M. Bernard Piras. - MM. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement ; Bernard Piras.
financement des services d'incendie et de secours (p. 18 )
Question de M. Joseph Ostermann. - MM. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement ; Joseph Ostermann.
contenu des conventions
de coordination policière (p.
19
)
Question de M. Jean-Marie Poirier. - MM. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement ; Jean-Marie Poirier.
petite délinquance à vincennes et saint-mandé (p. 20 )
Question de M. Lucien Lanier. - MM. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement
; Lucien Lanier.
5.
Nomination de membres d'un organisme extraparlementaire
(p.
21
).
Suspension et reprise de la séance (p. 22 )
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
6.
Hommage à Jacques Chaban-Delmas
(p.
23
).
M. le président, Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la
solidarité.
7.
Financement de la sécurité sociale pour 2001.
- Discussion d'un projet de loi (p.
24
).
Discussion générale : Mmes Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la
solidarité ; Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés ;
M. Charles Descours, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les
équilibres financiers généraux et l'assurance maladie.
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
MM. Jean-Louis Lorrain, rapporteur de la commission des affaires sociales pour
la famille ; Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales
pour l'assurance vieillesse ; Jacques Oudin, rapporteur pour avis de la
commission des finances ; Jean Delaneau, président de la commission des
affaires sociales.
Mme le ministre.
MM. Philippe Adnot, Louis Boyer.
Suspension et reprise de la séance (p. 25 )
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
MM. Bernard Joly, Guy Fischer.
Suspension et reprise de la séance (p. 26 )
MM. Bernard Cazeau, Dominique Leclerc, Philippe Darniche, Jacques Bimbenet,
Roland Muzeau, Gilbert Chabroux, Lucien Neuwirth, Mme Marie-Madeleine
Dieulanguard, MM. Bernard Fournier, Claude Domeizel, Alain Gournac.
Renvoi de la suite de la discussion.
8.
Dépôt d'une proposition de loi constitutionnelle
(p.
27
).
9.
Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
(p.
28
).
10.
Ordre du jour
(p.
29
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)
1
PROCÈS VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président.
M. le président a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :
« Monsieur le président,
« Conformément à l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, j'ai l'honneur de
vous faire connaître que j'ai décidé de provoquer la réunion d'une commission
mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en
discussion de la proposition de loi sur la contraception d'urgence.
« Je vous serais obligé de bien vouloir, en conséquence, inviter le Sénat à
désigner ses représentants au sein de cette commission.
« J'adresse ce jour, à M. le président de l'Assemblée nationale, une demande
tendant aux mêmes fins.
« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute
considération. »
«
Signé :
Lionel Jospin »
Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission
mixte paritaire selon les modalités prévues par l'article 12 du règlement.
3
CANDIDATURES À UN ORGANISME
EXTRAPARLEMENTAIRE
M. le président.
Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien
vouloir procéder à la désignation des sénateurs appelés à siéger au sein du
Comité national de l'initiative française pour les récifs coralliens.
La commission des affaires économiques propose les candidatures de MM.
Rodolphe Désiré et André Ferrand, la commission des affaires culturelles
propose la candidature de M. Jean Bernadaux et la commission des lois propose
la candidature de M. Lucien Lanier.
Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à
l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai
d'une heure.
4
QUESTIONS ORALES
M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
RECONSTITUTION DES FORÊTS DÉVASTÉES
PAR LA TEMPÊTE DE 1999
M. le président.
La parole est à M. Vissac, auteur de la question n° 915, adressée à M. le
ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Guy Vissac.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ma question porte sur la reconstitution de la
forêt dévastée par la tempête du mois de décembre 1999.
Une circulaire du ministère de l'agriculture en date du 31 août 2000 prévoit
les modalités de ladite reconstitution et abaisse le seuil des aides à un
hectare, sans autre précision. Un courrier ultérieur précise qu'il s'agit d'un
hectare « d'un seul tenant ».
Dans les massifs montagneux, en prenant exemple sur le Massif central et la
Haute-Loire en particulier, les propriétés forestières sont de petite taille -
de l'ordre de 1,5 hectare - et, c'est important de le souligner, en plusieurs
parcelles. La tempête n'a donc pas dévasté automatiquement un hectare d'un seul
tenant. Il en résulte qu'un nombre important de petits propriétaires vont être
écartés du bénéfice des aides de l'Etat. Ne serait-il pas très souhaitable que
des mesures prenant en considération la petite propriété et modifiant
l'éligibilité aux aides en matière de reboisement soient prises dans ce sens ?
Ce serait, à mes yeux, une contribution d'équité en faveur des propriétaires
déjà pénalisés par les effets de la tempête. Tel est l'objet de la question que
j'adressais à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Huwart,
secrétaire d'Etat au commerce extérieur.
Conformément aux engagements du
Gouvernement, un dispositif d'aides exceptionnelles au nettoyage et à la
reconstitution des parcelles sinistrées a été mis en place le 31 août 2000.
Dans le cadre de la circulaire de mise en oeuvre, le seuil du projet éligible a
été abaissé, à titre dérogatoire, de quatre à un hectare, sachant que ce seuil
peut, lui-même, être atteint par le regroupement de plusieurs propriétaires,
dans le cas d'une trouée de un hectare à cheval sur plusieurs propriétés.
En ce qui concerne les parcelles de faible surface, c'est-à-dire d'une surface
inférieure à un hectare d'un seul tenant, il est préférable, sur le plan tant
économique qu'écologique, de miser sur la régénération naturelle et de les
réintégrer ultérieurement en gestion dans le cadre d'une évolution progressive
vers un peuplement irrégulier.
C'est pourquoi je considère, et c'est la réponse que je vous livre de la part
de M. Glavany, retenu à Matignon pour une réunion, qu'il n'est pas raisonnable
d'inciter les propriétaires à investir dans des travaux coûteux pour des
superficies inférieures à un hectare.
M. Guy Vissac.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Vissac.
M. Guy Vissac.
Je regrette évidemment, monsieur le secrétaire d'Etat, que l'on ne puisse pas
aider les propriétaires dont la propriété n'est pas d'un seul tenant, même en
régénération naturelle. Il en résultera sans doute des trouées dans la forêt,
ce qui ne sera pas une bonne chose pour les massifs montagneux.
TRANSPORT DU BOIS ABATTU
PAR LES TEMPÊTES DE FIN 1999
M. le président.
La parole est à M. Demerliat, auteur de la question n° 932, adressée à M. le
ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Jean-Pierre Demerliat.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je voudrais, une fois de plus, attirer
l'attention du Gouvernement sur les conséquences de la tempête qui a frappé une
grande partie de notre pays, à la fin de l'année dernière, et plus
particulièrement le département que j'ai l'honneur de représenter ici, la
Haute-Vienne.
On ne parle plus beaucoup aujourd'hui de cette catastrophe, car d'autres
événements - peut-être aussi graves, mais surtout beaucoup plus médiatiques -
l'ont éclipsée.
Je ne suis pas absolument persuadé, monsieur le secrétaire d'Etat, que les
difficultés dont je vais vous parler ressortissent toutes aux responsabilités
qui sont les vôtres, mais vous représentez ici le Gouvernement.
Je veux rappeler deux problèmes principaux, primordiaux même : d'une part,
celui des routes, qui souffrent et souffriront encore longtemps, car elles sont
empruntées par des gros porteurs transportant les chablis, d'autre part, celui
des embâcles, qui demeurent en grand nombre dans nos rivières.
Les entrepreneurs forestiers continuent d'évacuer des quantités considérables
de chablis, conséquences des violentes intempéries de décembre dernier. Leur
activité est tout à fait normale, je dirai même absolument indispensable.
Toutefois, ils empruntent et emprunteront tout l'hiver des petites routes
communales qui n'ont pas été prévues pour supporter un tel trafic. Il est fort
probable, certain même, qu'au printemps prochain ces routes seront totalement
défoncées, le gel et le dégel multipliant les effets du débardage.
Il serait bon, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous confirmiez ici, pour
rassurer les élus des petites communes rurales dont, chacun le sait, les
budgets ne sont pas considérables, c'est le moins que l'on puisse dire, que le
Gouvernement prendra bien en compte la réfection de cette voirie lorsque les
traces désastreuses de la tempête auront été complètement effacées.
La deuxième partie de ma question, monsieur le secrétaire d'Etat, concerne les
conséquences, qui pourraient être très graves, du non-enlèvement des embâcles
sur de nombreux cours d'eau.
Tout d'abord, nous avons pu constater, pour la regretter, la lenteur avec
laquelle les dossiers ont été montés.
En effet, les services du ministère de l'agriculture et de la pêche, souvent
maîtres d'oeuvre, ont vu augmenter leur charge de travail de manière
considérable. Les fonctionnaires des directions départementales de
l'agriculture et de la forêt n'ont pas rechigné à la tâche et il faut leur
rendre un hommage appuyé, car il est mérité, même si, en cherchant bien, on
aurait pu en trouver un ou deux n'ayant pas fait preuve d'un zèle excessif !
Les appels d'offres viennent juste d'être examinés et il sera difficile aux
entreprises retenues de travailler pendant les intempéries de l'hiver prochain.
Et je ne parle pas, monsieur le secrétaire d'Etat, des endroits où rien n'a
encore été fait ni même prévu, en particulier là où n'existe, à ce jour, ni
syndicat d'aménagement de bassin ni quelque forme que ce soit de coopération
intercommunale en la matière.
Les crues hivernales entraîneront les chablis, qui seront alors bloqués par
les ponts. Certains de ces ouvrages seront sérieusement endommagés, voire
emportés. Je pense, là aussi bien sûr, principalement aux ponts situés sur la
voirie communale.
Pouvez-vous encore une fois, monsieur le secrétaire d'Etat, confirmer que
l'Etat prendra bien à sa charge ces dégâts qui seront une conséquence directe
de la tempête ?
Je sais, monsieur le secrétaire d'Etat, nous savons tous que beaucoup de
moyens ont été prévus par le Gouvernement dès le lendemain de cette
catastrophe. Je voulais simplement pousser ici un nouveau cri, pour que ces
événements dramatiques ne soient pas oubliés et, surtout, pour que vous
rassuriez les élus, notamment les élus des petites communes rurales.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Huwart,
secrétaire d'Etat au commerce extérieur.
Monsieur le sénateur, le
dispositif exceptionnel d'aide au nettoyage des parcelles forestières
sinistrées, mis en place par la circulaire du 31 août 2000, prend en compte la
nécessité de ne pas encombrer les cours d'eau avec des rémanents de coupe. Par
ailleurs, la prévention des risques d'embâcles peut relever des aides
financières exceptionnelles en faveur des collectivités locales qu'ont mises en
place les agences de l'eau, en partenariat avec certains conseils généraux et
régionaux, pour réparer les dommages causés aux milieux aquatiques par les
tempêtes de décembre 1999.
En ce qui concerne les voiries forestières et communales, qui sont
effectivement très sollicitées par le transport des chablis et qui subissent
des usures précoces lorsqu'elles n'ont pas été conçues pour les charges
actuelles, nous connaissons bien le problème. C'est pourquoi le Gouvernement,
dans le cadre des avenants aux contrats de plan Etat-régions, a proposé de
contractualiser les aides à la remise aux normes des pistes et routes
forestières, ce dispositif s'appliquant aux voies communales situées à
l'intérieur ou à proximité immédiate d'un massif forestier.
Par ailleurs, pour les voiries communales situées hors forêt mais subissant un
fort trafic de camions grumiers, certaines régions ont prévu, dans leurs DOCUP,
les documents uniques de programmation, s'appliquant aux zones relevant de
l'objectif 2 ou en régime de transition, de mobiliser des aides communautaires
pour la réfection des voiries communales endommagées. Il s'agit là, nous
semble-t-il, de la solution la plus appropriée pour résoudre les problèmes
soulevés.
Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments de réponse que M. Glavany m'a
demandé de porter à votre connaissance.
M. Jean-Pierre Demerliat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Demerliat.
M. Jean-Pierre Demerliat.
Je vous remercie de cette réponse, monsieur le secrétaire d'Etat, et vous prie
de remercier en mon nom M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
Je sais les efforts importants qui ont été consentis par le Gouvernement, et
ce dès le début de l'année et même dès le lendemain de la tempête.
Je me permettrai cependant d'insister, monsieur le secrétaire d'Etat, sur les
dangers qui subsistent encore, s'agissant des embâcles des rivières.
S'agissant de la Vienne, qui traverse le département de la Haute-Vienne, je
crois savoir que 4 000 embâcles ont été recensés dans le lit de la rivière. Un
maître-nageur sauveteur s'est d'ailleurs noyé au printemps dernier en portant
secours à une collégienne qui faisait du kayak.
J'insiste, monsieur le secrétaire d'Etat, mais je crois que là où il n'existe
pas de structure intercommunale ou de syndicat d'aménagement de bassin, le
Gouvernement doit inciter les préfets à prendre très rapidement des
dispositions pour enlever ces embâcles. Il en va de la sécurité des personnes,
beaucoup plus que de celle des biens. Je sais que le Gouvernement le fera, et
je lui fais entièrement confiance.
RÉGIME FISCAL DES MICRO-ENTREPRISES
M. le président.
La parole est à Mme Bardou, auteur de la question n° 892, adressée à M. le
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Mme Janine Bardou.
Ma question, qui s'adresse effectivement à M. le ministre de l'économie, des
finances et de l'industrie, concerne le problème soulevé par l'aménagement du
régime des micro-entreprises, opéré par l'instruction fiscale du 20 juillet
1999, supprimant le régime de forfait et relevant les seuils d'application du
régime micro-entreprises et de la franchise de la TVA.
S'il semblait, en effet, nécessaire de circonscrire l'application du régime de
la franchise en base de TVA dans le secteur du bâtiment à un nombre restreint
d'entreprises, il convenait de ne pas alourdir pour autant les charges
financières et administratives des autres entreprises du bâtiment.
Or l'instruction fiscale précitée énonce que la notion d'activité mixte
s'applique notamment aux entrepreneurs du bâtiment qui fournissent non
seulement la main-d'oeuvre, mais aussi les matériaux ou matières premières
entrant à titre principal dans l'ouvrage. Ce texte précise, ensuite que, pour
cette activité, le régime micro-entreprises n'est applicable que si le chiffre
d'affaires global de l'entreprise n'excède pas 500 000 francs hors taxes et si
le chiffre d'affaires annuel relatif aux opérations autres que les ventes ou la
fourniture de logement ne dépasse pas 175 000 francs hors taxes.
Il est évident qu'une telle mesure entraînera de graves conséquences
financières pour certaines catégories d'entreprises, car la notion d'activité
mixte influe sur la détermination des seuils de régime d'imposition,
d'exonération et de déduction de certains impôts et taxes, dissuadant ainsi
l'embauche.
De plus, l'alourdissement administratif résultant de l'obligation de
différencier la part afférente aux matériaux et celle relative à la
main-d'oeuvre qui en découle paraît incompatible avec la volonté du
Gouvernement de favoriser les démarches de simplifications administratives de
la petite entreprise. En effet, la pratique des entreprises du bâtiment
consiste le plus souvent en un établissement de leurs factures au mètre carré,
au mètre linéaire ou encore au forfait, fourniture et pose.
En conséquence, je demande à M. le ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie de bien vouloir clarifier cette question qui ne manque pas
d'inquiéter les entreprises artisanales du bâtiment favorables, quant à elles,
au maintien de la doctrine administrative précédente, relative à la notion
d'activité mixte et associée à l'ancien régime de forfait, et je souhaiterais
savoir s'il a l'intention de donner à ses services des instructions allant dans
ce sens afin que cette disposition soit appliquée avec toute la souplesse
nécessaire.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Huwart,
secrétaire d'Etat au commerce extérieur.
Madame la sénatrice, l'article 7
de la loi de finances pour 1999 a supprimé l'ancien régime du forfait, qui
voyait l'administration fixer elle-même le bénéfice imposable et la taxe sur la
valeur ajoutée des petites entreprises, pour une durée de deux ans, au terme
d'une procédure que tous s'accordaient à qualifier de complexe, longue,
coûteuse et désuète.
Un régime dit des « micro-entreprises » ou « régime micro » a été substitué au
forfait.
Comme le forfait, il concerne : d'une part, les entreprises dont le chiffre
d'affaires annuel n'excède pas 500 000 francs si l'activité exercée consiste en
la revente de biens et denrées ou la fourniture de logement ; d'autre part, les
entreprises dont le chiffre d'affaires n'excède pas 175 000 francs si
l'activité exercée consiste en la fourniture de services.
Lorsque l'activité est mixte, c'est-à-dire quand elle associe à la fois la
vente de biens et la fourniture de services, le régime micro est ouvert aux
seules entreprises dont le chiffre d'affaires global n'excède pas 500 000
francs, la part relative aux seules prestations de service n'y dépassant pas
175 000 francs.
L'analogie avec l'ancien système du forfait s'arrête là.
Le régime micro se caractérise en effet par son extrême simplicité pour les
entreprises.
Celles-ci doivent seulement tenir un livre de recettes et d'achats et délivrer
des factures à leurs clients.
Sur un plan fiscal, elles sont dispensées de souscrire une déclaration
spécifique de bénéfice et se bornent à reporter sur la déclaration de revenu
global du foyer le chiffre d'affaires réalisé au cours de l'année écoulée.
Le bénéfice est alors calculé par application d'un abattement uniforme pour
charges professionnelles, fixé à 70 % pour les activités d'achat-revente et
fourniture de logement et à 50 % pour les prestations de services.
Pour les entreprises exerçant une activité mixte, s'applique le taux
d'abattement approprié à chacune de ces deux composantes de leur chiffre
d'affaires.
D'un strict point de vue juridique, les travaux immobiliers constituent des
prestations de services. A ce titre, ne devraient donc être éligibles au régime
micro, dans le secteur du bâtiment, que les seules entreprises dont le chiffre
d'affaires est inférieur ou égal à 175 000 francs.
J'observe à cet égard que, lors du débat parlementaire sur la mise en place du
régime micro, plusieurs membres de la réprésentation nationale avaient proposé
de s'en tenir à une stricte application des principes.
Ce faisant, on aurait méconnu, me semble-t-il, le fait que les entreprises du
bâtiment sont nécessairement tenues d'acheter puis de revendre les matérieux
indispensables à la réalisation des ouvrages ; la plus grande partie des
entreprises du bâtiment aurait été exclue de l'application du régime micro.
C'est d'ailleurs dans cet esprit que la doctrine administrative précédente
prévoyait que, bien que les travaux immobiliers constituent des prestations de
services, c'est le seuil applicable aux activités d'achat-revente qui devait
être retenu pour l'appréciation du seuil d'éligibilité au forfait et au régime
simplifié d'imposition, soit respectivement 500 000 francs et 5 000 000 de
francs.
Si cette doctrine a été confirmée au regard de l'éligibilité au régime
simplifié d'imposition, il n'a pu en être de même au regard du régime micro.
En effet, comme il a été indiqué précédemment, le régime micro se caractérise
par l'application d'abattements différenciés sur le chiffre d'affaires, selon
que ce dernier correspond à des ventes ou à des prestations.
Dès lors, le maintien de l'ancienne doctrine aurait nécessairement conduit à
appliquer le seul taux d'abattement de 50 % à l'ensemble du chiffre d'affaires,
solution qui aurait pénalisé les entreprises dont une part importante du
chiffre d'affaires est constituée par la revente de matériaux.
En sens inverse, l'application d'un abattement uniforme de 70 % aurait
suscité, de la part des autres prestataires de services, des critiques
justifiées tenant à la distorsion de concurrence ainsi créée.
C'est pourquoi le Gouvernement a retenu une solution équilibrée, en estimant
que, à l'instar d'un artisan classique qui, outre ses prestations, fournit des
pièces ou des matériaux, l'entrepreneur du bâtiment exerçait une activité mixte
lui permettant de bénéficier à la fois d'un abattement de 70 % sur son chiffre
d'affaires « ventes » et d'un abattement de 50 % sur son chiffre d'affaires «
services » à condition de bien distinguer ces deux activités dans sa
comptabilité.
Vous faites valoir que cette distinction entre prestations de services et
ventes n'est pas conforme aux habitudes de la profession, notamment en matière
de facturation, et qu'elle suscitera des complications administratives pour les
entreprises.
Je crois avoir montré que ces entreprises ont un intérêt fiscal à distinguer
les ventes des prestations si elles souhaitent bénéficier d'un abattement pour
frais plus favorable.
Les obligations comptables et de facturation qui sont le corollaire de ce
régime paraissent acceptables au regard des avantages que celui-ci peut
procurer.
En outre, le caractère plus détaillé des factures des entreprises qui en
bénéficient concourt à assurer, me semble-t-il, une meilleure information de
leurs clients.
Mme Janine Bardou.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Bardou.
Mme Janine Bardou.
La réponse de M. le secrétaire d'Etat ne me satisfait pas tout à fait. Les
micro-entreprises insistent non pas sur la suppression du forfait, qu'elle ont
souhaitée, mais sur la difficulté que représentent les seuils de 500 000 francs
et de 175 000 francs. En effet, 500 000 francs de chiffre d'affaires et 175 000
francs au titre des prestations de services, ce sont, vous le comprenez, de
toutes petites entreprises. Quand on réalise un chiffre d'affaires de 500 000
francs, on ne doit pas avoir à réaliser des constructions tous les jours. Ce
dispositif complique terriblement leur vie administrative.
Ce que ces entreprises souhaitaient, c'est simplement un peu de souplesse. Je
constate que cette souplesse ne leur est pas accordée. Vous me permettrez de le
regretter, monsieur le secrétaire d'Etat.
TVA APPLICABLE AU BOIS-ÉNERGIE
M. le président.
La parole est à M. Eckenspieller, auteur de la question n° 898, adressée à M.
le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Daniel Eckenspieller.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les
hasards du calendrier m'amènent à poser une question sur l'énergie-bois au
moment même où les représentants de 180 pays sont réunis à La Haye pour
chercher à combattre le réchauffement de la planète à travers, notamment, une
réduction significative des émissions de gaz carbonique.
Notre pays possède un patrimoine forestier considérable, qui, de surcroît, ne
cesse de s'étendre, notamment dans les régions de montagne.
En effet, les versants des fonds de vallée, autrefois occupés par des
pâturages, ont, très souvent, été progressivement reconquis par la forêt.
Dans un souci de préservation des paysages et afin de valoriser un produit
immédiatement disponible, un certain nombre de collectivités territoriales,
d'associations ou de petites entreprises ont pris l'initiative de développer la
filière bois-énergie.
Certaines d'entre elles sont allées au-delà de l'utilisation du bois dans des
chaufferies isolées, pour créer de modestes réseaux de distribution de chaleur
à partir de cette source d'énergie.
Le taux de TVA qu'il leur appartient d'appliquer pour ce service est
actuellement de 19,60 %.
Trois arguments forts semblent plaider aujourd'hui en faveur d'une application
du taux réduit à 5,5 % de la TVA à ce service.
La tempête de décembre 1999 a conduit à créer des stocks considérables de bois
chablis ainsi disponibles pour le développement de la filière bois-énergie.
L'augmentation vertigineuse du prix des produits pétroliers a eu pour
conséquence de rendre de plus en plus lourde la facture énergétique, autant
pour les particuliers que pour les collectivités, notamment pour les petites
collectivités rurales dont les ressources sont très mesurées.
Le Premier ministre a indiqué, le 29 mai dernier, que l'objectif du
Gouvernement était de parvenir, d'ici à 2006, à substituer par le bois-énergie
quelque 500 000 tonnes d'équivalent pétrole supplémentaires, ce qui, outre une
économie intéressante d'énergie fossile importée, réduirait chaque année de 2
millions de tonnes les émissions de CO2, tout en créant environ 3 000 emplois
nouveaux.
Une décision rapide concernant l'abaissement de 19,60 % à 5,5 % du taux de TVA
relatif à la distribution de chaleur à partir de l'énergie- bois s'inscrirait
donc pleinement dans la logique que je viens d'évoquer, serait perçue comme un
engagement fort par celles et ceux qui se sont déjà engagés dans cette voie
pionnière et inciterait certainement d'autres décideurs à s'orienter dans la
même direction.
Aussi souhairerais-je connaître, monsieur le secrétaire d'Etat, les intentions
du Gouvernement en la matière.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Huwart,
secrétaire d'Etat au commerce extérieur.
Contrairement aux fournitures de
gaz et d'électricité, la distribution d'énergie calorifique par les réseaux de
chaleur ne figure pas actuellement dans la liste communautaire des opérations
que les Etats membres peuvent soumettre au taux réduit de la taxe sur la valeur
ajoutée.
Le Gouvernement a demandé à la Commission européenne, par lettre en date du 7
septembre 1998, d'intégrer la fourniture d'énergie calorifique dans la liste
précitée.
La Commission lui a répondu, par lettre du 7 octobre 1998, que le droit
communautaire ne permettait pas, actuellement, d'appliquer le taux réduit de la
taxe sur la valeur ajoutée à ces prestations.
Dès lors, sauf à enfreindre ses engagements européens, la France ne peut pas
envisager, dans l'immédiat, d'appliquer le taux réduit de la taxe sur la valeur
ajoutée à la livraison d'énergie calorifique par les réseaux de chaleur, y
compris lorsque celle-ci est produite à partir de bois combustible.
Cela étant, je rappelle que les livraisons de bois de chauffage relèvent du
taux réduit de la TVA dès lors qu'il est utilisé à un usage domestique. Les
particuliers sont donc susceptibles d'en bénéficier, ainsi que, d'ailleurs, les
maisons de retraite, les hôpitaux, les cliniques et les foyers de
travailleurs.
Tels sont les éléments que je voulais apporter en réponse à votre question.
M. Daniel Eckenspieller.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Eckenspieller.
M. Daniel Eckenspieller.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie des explications que vous avez
bien voulu me donner.
On ressent toujours une grande déception lorsque, pour des motifs divers, y
compris pour des raisons qui tiennent aux contraintes communautaires, un
important décalage existe entre les intentions déclarées et les réalités que
les uns et les autres vivent sur le terrain.
J'ai pris acte de votre réponse. Cependant, j'espère que ce problème évoluera.
Il est plus facile au Gouvernement de renoncer à un produit de TVA qui,
aujourd'hui, reste marginal ; cela lui sera beaucoup plus difficile quand cette
filière se sera développée et que le produit de la TVA aura un volume plus
important.
FISCALITÉ APPLICABLE AUX RETRAITES
MUTUALISTES DES ANCIENS COMBATTANTS
M. le président.
La parole est à M. de Gaulle, auteur de la question n° 911, adressée à M. le
secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants.
M. Philippe de Gaulle.
Monsieur le président, mes chers collègues, ma question, qui s'adresse à M. le
secrétaire d'Etat aux anciens combattants et victimes de guerre, est relative à
la modification par certains centres des impôts de la fiscalité applicable à la
retraite mutualiste des anciens combattants.
Monsieur le secrétaire d'Etat, comme vous le savez, afin de réparer, au moins
par principe - le terme de réparation a été confirmé par M. Masseret lui-même à
plusieurs reprises -, les épreuves incomparables, au sens étymologique du
terme, subies par les anciens combattants et l'impossibilité pour eux de
souscrire à leur retraite durant le temps où tous les autres ont pu le faire
normalement, on a attribué à ces anciens combattants la possibilité de
souscrire volontairement une retraite spécifique.
Cette retraite est, depuis 1924, cotisée à un organisme public, la caisse
autonome de retraite des anciens combattants, ou CARAC, par près de 290 000
adhérents - exactement 283 750 en 1999, mais ce chiffre en augmentation -
auprès de soixante-deux mutuelles, pour un minimum entièrement défiscalisé de 8
534 francs par an, ou 712 francs par mois pour l'année 2000.
Pour tendre, avec un retard sensible, à un indice de pension évalué depuis
longtemps à 130 et pour mettre à jour cette rente en fonction du coût de la
vie, la loi de finances majore de 80 francs à 200 francs, presque chaque année,
ce plafond défiscalisé.
Seule une petite minorité d'anciens combattants se trouvent à ce minimum ou en
dessous. Presque tous effectuent des versements supplémentaires pour « suivre »
l'évolution de ce plafond.
Par la bonne gestion de la CARAC, par reversement des produits, par
arrondissement des sommes versées, par réversions au conjoint, par
bonifications de capitaux - dont 15 %, en général, par l'Etat - ces versements
ont pour conséquence l'obtention d'un nouveau montant de rente qui excède le
plafond jusqu'à obtenir - ce qui n'est pas étonnant après quarante ou cinquante
ans de cotisations, durée assez unique - près du double de la retraite
défiscalisable.
La fraction de rente excédentaire est alors soumise à la fiscalité des rentes
viagères à titre onéreux, ce qui n'est contesté par personne.
En conséquence, la CARAC adresse chaque année à chacun de ses adhérents une
déclaration d'arrérages leur permettant d'effectuer leur déclaration annuelle
d'impôt sur le revenu en y indiquant le nouvel âge d'entrée en jouissance de
chaque nouveau titre de retraite correspondant au dernier versement.
Cette procédure n'a jamais été mise en cause par personne depuis des
décennies, jusqu'à ce que, cette année, les adhérents concernés se voient
attribuer par certains centres d'impôt des redressements fiscaux fondés sur une
date d'entrée en jouissance à la date initiale de la première retraite comme si
elle était à capital définitif, soit généralement entre cinquante et
cinquante-neuf ans, et non d'après l'année du dernier investissement de
l'intéressé.
Cette nouvelle position de certains centres des impôts paraît, aussi bien à la
CARAC qu'aux intéressés, dénuée de tout fondement.
On ne peut pas attribuer à un adhérent d'âge Y lors de son dernier versement
une fiscalisation correspondant à des éléments constitutifs de rente d'un âge
X antérieur, en appliquant simplement l'article 158-6 du code des impôts, comme
s'il s'agissait de la rente d'une base définitive d'un cotisant ordinaire et
non pas d'un capital spécifique modifié chaque année en compensation, en
réparation des épreuves d'un ancien combattant !
Je vous demande, monsieur le secrétaire d'Etat, de bien vouloir examiner ce
problème avec votre collègue chargé des finances au Gouvernement, de manière
que la question soit réglée avant le 31 décembre prochain, afin d'éviter de
nombreux contentieux avec la direction générale des impôts avant
l'établissement de la prochaine déclaration des revenus.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Huwart,
secrétaire d'Etat au commerce extérieur.
Monsieur le sénateur, les
anciens combattants et victimes de guerre peuvent percevoir des caisses de
retraites mutuelles, sous réserve d'avoir effectué les versements nécessaires,
une rente mutualiste d'ancien combattant qui donne lieu à une majoration de
l'Etat en application de l'article L. 321-9 du code de la mutualité.
Ils bénéficient, à ce titre, de dispositions fiscales favorables.
D'une part, les versements sont, en vertu de l'article 156 du code général des
impôts, déductibles du revenu imposable pour autant que la rente acquise au 31
décembre de l'année considérée n'excède pas le plafond de rente majorée par
l'Etat, qui s'élève à 8 554 francs en 2000.
D'autre part, la retraite elle-même est exonérée de l'impôt sur le revenu dans
la limite du même plafond, conformément aux dispositions de l'article 81 du
même code.
En revanche, la partie de la rente qui excède le plafond majorable est
imposable dans la catégorie des rentes viagères à titre onéreux, selon les
modalités prévues à l'article 158-6 du code précité. Pour l'application de cet
article, la base d'imposition est déterminée en fonction de l'âge du
crédirentier au moment de l'entrée en jouissance de la rente.
Il existe deux situations : tout d'abord, lorsque les versements
complémentaires interviennent alors que la retraite mutuelle n'est pas encore
liquidée, les dates d'entrée en jouissance de la partie de la rente qui est
exonérée et de son complément imposable sont identiques ; en revanche, lorsque
l'adhérent effectue des versements complémentaires postérieurement à l'année de
liquidation de la rente principale pour suivre l'évolution du plafond
majorable, versements qui sont également productifs d'un complément de retraite
imposable, il convient de retenir l'âge atteint par l'adhérent au moment de la
date d'entrée en jouissance effective de ce complément de rente spécifique et
non pas l'âge du crédirentier lors de la date d'entrée en jouissance de la
rente d'origine.
Ces règles seront rappelées aux services fiscaux, et je crois qu'elles
répondent aux préoccupations que vous avez exprimées.
Voilà, monsieur le sénateur, ce que je puis vous indiquer, au nom du
Gouvernement, sur ce point.
M. Philippe de Gaulle.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. de Gaulle.
M. Philippe de Gaulle.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse.
Permettez-moi cependant deux réflexions complémentaires.
D'abord, rappelons, pour confirmer ce que M. le secrétaire d'Etat chargé des
anciens combattants avait lui-même dit le 3 avril dernier à la CARAC, la
réponse - identique à la vôtre - faite le 27 avril par Mme la ministre de
l'emploi et de la solidarité à notre collègue communiste Mme Marie-Claude
Beaudeau à propos de l'article L. 321-9 du code de la mutualité : « La retraite
mutualiste du combattant ne peut en aucun cas être assimilée à une simple
retraite du code des pensions ; elle est une réparation - fort modeste,
d'ailleurs -, une juste compensation aux épreuves, aux risques exceptionnels
encourus et aux impossibilités de cotiser professionnellement durant la durée
du service pour la défense nationale. »
Ensuite, rappelons que, contrairement à certaines propagandes, les avantages
et bonifications accordés par l'Etat à la retraite mutualiste des anciens
combattants ne sont nullement exceptionnels au regard du nombre, devenu très
important, d'autres retraites comme - mais on peut en citer des centaines - le
FONPEL et la CAREL des élus et personnels locaux, qui bénéficient d'une
bonification de fait de 82 %.
Il est prescrit, dans la marine nationale, dont je suis issu et qui est plutôt
rigoureuse au service de l'Etat, qu'un arbitrage doit toujours être effectué au
bénéfice de l'administré et non de l'administration. Revenir sur une
jurisprudence et une pratique de plusieurs décennies pour les anciens
combattants aurait fort mauvais effet.
(Très bien ! sur les travées du
RPR.)
ENSEIGNEMENT DES LANGUES WALLISIENNE ET FUTUNIENNE ET PLACE DE WALLIS-ET-FUTUNA
DANS LA NOUVELLE ORGANISATION DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR DANS LE
PACIFIQUE
M. le président.
La parole est à M. Laufoaulu, auteur de la question n° 904, adressée à M. le
ministre de l'éducation nationale.
M. Robert Laufoaulu.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ma
question porte, d'une part, sur l'enseignement des langues wallisienne et
futunienne dans les établissements scolaires et universitaires et, d'autre
part, sur la situation du territoire de Wallis-et-Futuna du point de vue de
l'enseignement supérieur.
Pour ce qui concerne le premier point, la loi n° 51-46 du 11 janvier 1951,
dite loi Deixonne, a mis en place un enseignement de langues et cultures
régionales couvrant l'ensemble de la scolarité. Les dispositions de cette loi,
qui s'appliquaient initialement au basque, au breton, au catalan et à
l'occitan, ont été successivement étendues à d'autres langues, notamment au
tahitien en 1981 et à quatre langues mélanésiennes en 1992.
Je souhaiterais connaître la position du Gouvernement sur la possibilité
d'étendre cette loi aux langues wallisienne et futunienne.
S'agissant du deuxième point, l'université française du Pacifique, dont la
compétence s'exerçait sur les trois territoires français du Pacifique Sud, est
désormais scindée en deux entités distinctes : l'université de Polynésie
française et l'université de la Nouvelle-Calédonie.
Je sais que les établissements d'enseignement supérieur sont dotés d'une large
autonomie. Néanmoins, certains éléments peuvent être imposés au niveau
national. C'est d'ailleurs ainsi qu'est née la « sectorisation ».
En conséquence, je souhaiterais savoir quelle sera la place exacte de
Wallis-et-Futuna dans cette nouvelle organisation de l'enseignement supérieur,
et notamment, dans la logique de la première partie de cette question, quelle
pourrait être la place de l'enseignement des langues wallisienne et futunienne
dans l'enseignement supérieur.
Sachez qu'il existe à l'université de la Nouvelle-Calédonie, depuis 1999, un
DEUG de langues et cultures régionales portant sur les quatre langues kanakes
précitées et que l'ouverture d'une licence dans cette discipline est prévue en
2001.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Huwart,
secrétaire d'Etat au commerce extérieur.
Monsieur le sénateur, afin de
mettre en place les éléments contribuant à la lutte contre l'échec scolaire par
l'amélioration de la maîtrise de la langue française et pour prendre en
considération l'identité locale, une cellule de réflexion sur l'enseignement
des langues wallisienne et futunienne a été mise en place par le vice-recteur
de Wallis-et-Futuna à la rentrée de février 1997.
Composée pour l'essentiel d'enseignants wallisiens et futuniens du premier et
du second degré, cette cellule de réflexion a eu pour mission, dans le cadre
des dispositions réglementaires existantes, d'étudier les modalités
d'introduction des langues locales dans les écoles primaires, d'améliorer cet
enseignement dans le second degré et sa mise en cohérence durant toute la
scolarité de l'élève. Elle avait également pour objectif l'élaboration de
propositions relatives aux cadres horaires, aux programmes, à la formation des
personnels, à la recherche et à la création d'outils pédagogiques.
Des mesures concrètes ont été mises en oeuvre : dans le secondaire,
l'introduction des langues vernaculaires au lycée de Wallis et dans les
collèges se traduit par une heure d'enseignement incluse dans les emplois du
temps de chaque classe ; dans le premier degré, une expérimentation consistant
à aménager les horaires d'enseignement des langues françaises et régionales
dans leur globalité a été mise en place dans cinq écoles maternelles
volontaires ; enfin, la formation des enseignants est renforcée en ce domaine
et le cursus des futurs instituteurs comprend désormais un module de
soixante-douze heures d'enseignement des langues walisienne et futunienne au
cours des trois années de formation à l'IUFM du Pacifique.
Une période d'évaluation était nécessaire avant de poursuivre et,
éventuellement, d'étendre ce dispositif expérimental. La commission de suivi de
l'expérience s'est réunie à plusieurs reprises et doit se prononcer courant
décembre sur une éventuelle généralisation de ces dispositifs. Elle fondera son
avis en prenant en compte les résultats et les coûts prévisionnels de chaque
proposition.
Toutefois, l'extension des disposition de la loi du 11 janvier 1951, dite loi
Deixonne, aux langues vernaculaires de l'archipel ne peut être envisagée dans
l'immédiat.
Dans le prolongement de cette loi, le décret du 16 janvier 1974 relatif à la
langue corse, le décret du 12 mai 1981 relatif à la langue tahitienne et le
décret du 20 octobre 1992 relatif aux langues mélanésiennes de
Nouvelle-Calédonie organisent l'introduction d'une épreuve de corse, de
tahitien et de langues mélanésiennes au baccalauréat. Pour étendre cette
épreuve à Wallis-et-Futuna, il faut auparavant qu'un consensus formel se soit
dégagé quant aux références indiscutables et reconnues des langues wallisienne
et futunienne. Les principes théoriques de l'évaluation aux examens exigent, en
effet, une telle rigueur.
La commission de l'enseignement de l'assemblée territoriale pourrait se saisir
de ce dossier en concertation avec les partenaires concernés - spécialistes
locaux, chercheurs, service territorial des affaires culturelles, etc. - en vue
de proposer au vice-recteur un référentiel de codification de ces langues.
Dans cette optique, la création par l'assemblée territoriale d'une académie de
wallisien et d'une académie de futunien, appelées à mener des recherches sur le
sujet, pourrait utilement contribuer à la reconnaissance de ces langues et au
développement des travaux scientifiques indispensables en ce domaine.
S'agissant, enfin, de la place exacte de Wallis-et-Futuna dans la nouvelle
organisation de l'université française du Pacifique, désormais scindée en deux
entités distinctes, à savoir l'université de Polynésie française et
l'université de Nouvelle-Calédonie, il appartiendra à tous les partenaires
concernés de poursuivre et d'approfondir leurs échanges, notamment dans le
cadre de l'accord particulier en cours de négociation entre le territoire des
îles Wallis-et-Futuna et chacun des territoires voisins.
M. Robert Laufoaulu.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Laufoaulu.
M. Robert Laufoaulu.
Monsieur le secrétaire d'Etat, permettez-moi de préciser que l'assemblée
territoriale avait déjà pris dès 1995, pris une délibération concernant
l'académie des langues et que nous attendons toujours l'arrêté du préfet.
Cela étant, je vous remercie de la seconde partie de votre réponse : je compte
donc sur l'appui de l'Etat, lors des négociations sur l'accord particulier en
Nouvelle Calédonie, pour défendre la place de Wallis-et-Futuna dans
l'université de Nouvelle Calédonie, comme d'ailleurs dans celle de Polynésie
française.
SITUATION DU CENTRE HOSPITALIER
DE SAINTE-FOY-LA-GRANDE
M. le président.
La parole est à M. César, auteur de la question n° 941, adresée à Mme le
secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.
M. Gérard César.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
centre hospitalier de Sainte-Foy-la-Grande connaît d'énormes difficultés depuis
plusieurs mois.
Si un accord s'était fait autour du principe de la mission d'expertise
ministérielle, le rapport qu'elle a émis a suscité de nombreuses réactions
défavorables tant parmi les usagers et les élus qu'au sein même du conseil
d'administration de l'hôpital, et des divergences sont apparues dans l'analyse
de la crise et des solutions à trouver.
Pour ces raisons, le comité de soutien aux usagers a fait réaliser un audit
par un cabinet d'expertise indépendant spécialisé ayant d'excellentes
références grâce à une souscription publique, ce qui est tout de même rare dans
notre pays.
Force est de constater que les premiers résultats de l'étude ne correspondent
pas à ceux qui ont été annoncés par les représentants du ministère.
En premier lieu, l'étude de la zone d'attractivité du centre hospitalier
fondée sur des critères professionnels reconnus, permet d'établir la zone
d'attractivité des urgences à 52 000 habitants et celle des services de
médecine à 47 800 habitants, avec un taux d'utilisation dépassant les 40 %.
Cette évaluation s'avère être le double de celle qui a été retenue par la
mission d'expertise.
En second lieu, la mise en place d'un service de chirurgie ambulatoire,
préconisée par le rapport, sans aucune étude de besoin préalable et sans
hospitalisation, témoigne d'un manque de réflexion. La question de la chirurgie
traditionnelle a été longuement débattue et les raisons de son déclin sont
connues ; est notamment engagée la responsabilité des acteurs locaux, sans pour
autant que ces derniers aient été mis en cause par l'administration
hospitalière.
Même dans ce domaine, les résultats de l'audit ne recoupent que partiellement
ceux de la mission, puisque l'attractivité est évaluée à 22 000 habitants pour
un taux d'utilisation de 26 %, qui passe à 33 % pour les 14 000 habitants de la
périphérie de Sainte-Foy, au lieu de 14 % selon le rapport ministériel.
Les patients relevant de la chirurgie sont conduits à Bergerac, Libourne ou
Bordeaux, ces transferts se faisant au prix de longs transports en raison des
distances et des difficultés de circulation, mais également au prix de longues
attentes. Or, aujourd'hui, la situation de saturation des hôpitaux de ces
villes, tant du point de vue des urgences que de la chirurgie, est connue, de
même que le manque de capacité d'hospitaliation en réanimation en Aquitaine. Il
semblerait plus raisonnable de procéder à un rééquilibrage en déchargeant ces
établissements déjà saturés.
Tirer un trait sur la chirurgie vitale de l'anesthésie-réanimation, c'est
remettre en cause la qualité des urgences et l'existence même des services de
médecine. Des conventions avec d'autres établissements, voire avec des
professionnels libéraux, pourraient être recherchées afin de permettre
d'augmenter l'utilisation du plateau technique et du bloc opératoire.
Monsieur le secrétaire d'Etat, aujourd'hui, tous les éléments sont réunis pour
permettre un nouvel examen de ce dossier. Il convient d'élaborer un projet
d'établissement en accord avec toutes les parties intéressées.
Il s'agit de savoir ce que l'on veut faire, à l'avenir, du centre hospitalier
de Sainte-Foy-la-Grande : ou bien un hôpital complet et polyvalent, en
rétablissant le fonctionnement normal des services, la capacité
d'hospitalisation et en nommant le personnel qui s'impose pour répondre aux
besoins actuels du pays foyen, mais aussi à ses besoins futurs ; ou bien, par
sa transformation, à terme, une maison de convalescence ou de réadaptation,
ignorant ainsi les soins de qualité de proximité dont bénéficie ce même pays
foyen, composé essentiellement de cantons ruraux.
Car, au-delà du problème de santé publique, nous sommes au coeur du débat sur
l'aménagement du territoire, auquel le Gouvernement se dit attaché.
Ce même Gouvernement peut donner ici l'occasion de traduire sa volonté de
maintenir un service public de proximité pour répondre aux attentes de ses
usagers.
Dès que le nouvel audit objectif sera terminé, nous serons, avec tous les élus
du secteur hospitalier, à sa disposition pour approfondir le dossier.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie par avance de votre réponse
et, plus encore, de l'action du ministère en charge des affaires sociales.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët,
secrétaire d'Etat à l'économie solidaire.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie, tout d'abord, de bien vouloir
excuser l'absence de Mme Gillot. Elle est actuellement en réunion, avec
plusieurs autres ministres, pour mettre au point les décisions relatives à la
suppression des farines animales dans la chaîne agroalimentaire française qui
seront annoncées cet après-midi.
Monsieur le sénateur, vous avez attiré mon attention sur la situation du
centre hospitalier de Sainte-Foy-la-Grande.
Je souhaite d'abord rappeler qu'une mission d'audit et de conseil a
effectivement été diligentée par le ministère, en janvier dernier, dans un
contexte social tendu. Cette mission a permis, dans un premier temps, de
restaurer un climat de confiance entre tous les acteurs. Elle a également mis
en évidence des dysfonctionnements, ainsi qu'une baisse d'activité importante
de cet établissement.
A la suite de ce rapport, un certain nombre de préconisations tendant à
permettre à l'hôpital d'assurer dans de meilleures conditions ses missions de
soins ont été validées par la direction de l'hospitalisation et de
l'organisation des soins du ministère, ainsi que par l'agence régionale de
l'hospitalisation d'Aquitaine. Je vous rappelle les principales
préconisations.
Les urgences continueront d'être assurées par des médecins urgentistes
travaillant en réseau avec les services de Libourne au sein d'une fédération
hospitalière.
En ce qui concerne la chirurgie et l'activité gastro-entérologie, l'agence
régionale de l'hospitalisation a autorisé la création de six places en
chirurgie et médecine ambulatoires. Cette activité a vocation à se développer
en lien avec les services de chirurgie de l'hôpital de Libourne.
Trois autres secteurs d'activité seront développés afin de mieux répondre aux
besoins de la population. Il s'agit de la cardiologie, des soins de suite et de
réadaptation et de la prise en charge des personnes âgées.
Cette politique, qui vise à conforter l'hôpital dans ses missions d'accueil et
de soins au bénéfice de la population de Sainte-Foy et de ses environs, est
conforme au protocole qui a été validé à l'unanimité par toutes les instances
de l'établissement.
Mme Gillot veillera à ce que l'agence régionale de l'hospitalisation
accompagne ce mouvement de modernisation de l'hôpital de Sainte-Foy, qui,
désormais, par son insertion dans un réseau hospitalier plus large, sera en
mesure d'offrir à la population des soins sûrs, de qualité et répondant
effectivement à sa demande.
S'agissant de l'audit auquel vous avez fait allusion, et dont j'ignorais
jusqu'à l'existence il y a encore quelques minutes, je me ferai l'écho de votre
propos auprès de Mme Gillot et de ses services. A cette fin, sans doute
pourrez-vous me communiquer le nom du cabinet, de manière que Mme Gillot
dispose de l'ensemble des éléments de comparaison permettant de faire évoluer
encore la situation.
M. Gérard César.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. César.
M. Gérard César.
Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d'Etat.
Le cabinet qui a fait l'audit que j'ai qualifié d'objectif s'appelle Euro
conseil santé. Il a déjà fait un certain nombre d'audits dans toute la France
et sa compétence est aujourd'hui reconnue par tous.
J'espère que, grâce à votre entremise, Mme Gillot pourra recevoir tous les
élus concernés ainsi que les membres du conseil d'administration de l'hôpital
de Sainte-Foy-la-Grande, afin qu'ils puissent lui exprimer leur volonté de
maintenir cet hôpital de proximité.
Hier encore, un accident de la route a fait un blessé grave à cinq minutes de
l'hôpital de Sainte-Foy. Il a fallu transporter ce blessé à l'hôpital de
Libourne. J'espère, pour sa santé, que l'ambulance est arrivée assez vite
!
RÉFORME DES AIDES A` L'EMBAUCHE DE JEUNES
EN CONTRAT DE QUALIFICATION
M. le président.
La parole est à M. Carle, auteur de la question n° 905, adressée à Mme le
ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Jean-Claude Carle.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ma
question, qui s'adresse à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité,
porte sur le projet de décret visant à réformer les aides forfaitaires pour les
contrats de qualification.
Le mécanisme actuel permet d'octroyer une aide de 5 000 ou 7 000 francs aux
employeurs qui concluent des contrats de qualification avec les jeunes
éligibles à ce type de dispositif. La suppression de cette aide à l'embauche ne
manquerait pas d'avoir des conséquences particulièrement graves sur le
fonctionnement des groupements d'employeurs pour l'insertion et la
qualification, les GEIQ.
Ces structures, dont l'instance nationale est conventionnée depuis de très
nombreuses années avec le ministère en charge du travail, embauchent,
notamment, et mettent à disposition des employeurs membres du GEIQ des jeunes
sans qualification.
Sont particulièrement concernés les secteurs du BTP et des travaux agricoles,
mais aussi bien d'autres, souvent boudés par les jeunes, car souffrant d'une
image peu valorisée à leur yeux.
Le contrat de qualification est le contrat majoritairement mis en oeuvre au
sein de ce réseau, fort de près de quatre-vingt-dix entités.
Grâce à la formation en alternance et à l'accompagnement socioprofessionnel
réalisé par le GEIQ, les jeunes salariés du GEIQ obtiennent, dans une
proportion très satisfaisante, une qualification indispensable à leur insertion
professionnelle, à l'issue de leur contrat, au sein d'entreprises, membres ou
non du groupement.
En tant qu'employeur, le GEIQ bénéficie de l'aide forfaitaire à l'embauche.
C'est principalement grâce à cette aide que l'accompagnement socioprofessionnel
est réalisé. En effet, alors même que les GEIQ participent pleinement à
l'insertion par l'activité économique, ils ne bénéficient d'aucune aide
publique pérenne. Dès lors, la suppression de l'aide forfaitaire à l'embauche
limiterait la capacité des GEIQ à accompagner les publics en grande difficulté
qu'ils accueillent.
C'est pourquoi je souhaite avoir l'assurance que la prime à l'embauche pour
les jeunes en contrat de qualification sera maintenue pour les entreprises de
dix salariés et plus, à l'instar de ce qui est envisagé pour l'aide forfaitaire
à l'apprentissage.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët,
secrétaire d'Etat à l'économie solidaire.
Monsieur le sénateur, vous
attirez notre attention sur la question essentielle de la professionnalisation
des jeunes, qui est, bien évidemment, une priorité du Gouvernement. A cet
effet, l'effort de l'Etat en matière de contrats d'apprentissage et de
qualification se poursuit. Il s'élève à 12,6 milliards de francs, soit plus du
tiers du budget de la formation professionnelle.
Afin d'accompagner la progression du nombre de ces contrats, qui s'est
confirmée au cours des neuf premiers mois de l'année 2000, le nombre d'entrées
en contrat d'apprentissage et de qualification est porté respectivement à 230
000 et à 123 000.
Toutefois, il est proposé que les aides forfaitaires à l'embauche introduites
au début des années quatre-vingt-dix, au plus fort de la crise, dans le cadre
des mesures d'urgence en faveur de l'emploi et de la formation professionnelle,
soient supprimées, exception faite pour les très petites entreprises de dix
salariés et moins, qui accueillent près de 70 % des apprentis.
Cette mesure se justifie par la baisse substantielle du chômage des jeunes,
dont - faut-il le rappeler ? - le taux a diminué de 19,7 % au cours des douze
derniers mois.
Par ailleurs, elle n'affecte pas les aides à la formation relatives au contrat
d'apprentissage, pas plus que les exonérations de charges sociales liées à la
fois aux contrats d'apprentissage et de qualification.
S'agissant des groupements d'employeurs pour l'insertion et la qualification,
je sais le travail accompli par eux pour la qualification des jeunes en
difficulté. Aussi Mme Guigou a-t-elle demandé aux services de son département
ministériel de proposer un disposif qui compensera pour les GEIQ la suppression
de l'aide à l'embauche pour les contrats de qualification.
Cette proposition prendra la forme d'une aide au poste de travail pour
l'accompagnement social des jeunes, à l'image de ce qui existe en matière
d'insertion par l'économique. Une circulaire sera prise en ce sens avant la fin
de l'année, après concertation avec le comité national de coordination et
d'évaluation des GEIQ.
M. Jean-Claude Carle.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je note avec satisfaction votre volonté de
maintenir l'aide accordée aux GEIQ, qui font un travail remarquable en
direction d'un public en très grande difficulté, en particulier en situation
d'échec scolaire.
Cette aide va toutefois changer de nature. Pourquoi pas ? Vous me permettrez
d'attendre de connaître dans le détail cette nouvelle aide pour juger et de son
efficacité et, surtout, de sa pérennité.
Reste cependant posé, de manière plus générale, le problème des contrats de
qualification. Ce n'est pas le lieu d'en débattre aujourd'hui ; nous en
discuterons lors du débat budgétaire. Je souhaite, en tout cas, que le
Gouvernement ne remette pas en question cette filière, trop souvent considérée
comme la filière de l'échec, qui a obtenu ses lettres de noblesse et qui
devient aujourd'hui celle de la réussite.
RECONSTITUTION DE CARRIÈRE
DES MÉDECINS SOUS CONTRAT
DANS LES CENTRES HOSPITALIERS PUBLICS
M. le président.
La parole est à M. Cazeau, auteur de la question n° 906, transmise à Mme le
ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Bernard Cazeau.
J'ai souhaité attirer l'attention de Mme la ministre de l'emploi et de la
solidarité sur le problème de reconstitution de carrière et la reconnaissance
d'ancienneté de statut des médecins sous contrat dans les centres hospitaliers
publics, et plus particulièrement dans le département de la Dordogne.
En effet, à l'issue du dernier concours national de praticiens hospitaliers,
les médecins sous contrat dans les centres hospitaliers de Bergerac et
Périgueux sont inscrits sur les listes d'aptitude aux fonctions de praticien
hospitalier parues au
Journal officiel
du 27 février 2000.
Or les textes réglementaires ne permettent pas de prendre en compte, au titre
de l'ancienneté, l'ensemble des années passées au sein du service public
hospitalier car on fait référence à un statut dit expérimental mis en oeuvre il
y a une dizaine d'année avec l'accord des tutelles ministérielles.
La situation est particulièrement préoccupante pour les médecins nommés ou
ceux dont le dossier est en cours d'instruction au ministère de la santé. Cette
situation concernera, à terme, près de vingt-trois médecins des services
d'urgence, SAMU et SMUR, des hôpitaux de Bergerac, Périgueux et Sarlat.
En conséquence, je souhaiterais connaître les mesures que le Gouvernement
entend mettre en oeuvre pour résoudre cette question.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët,
secrétaire d'Etat à l'économie solidaire.
Monsieur le sénateur, vous avez
appelé notre attention sur la reconstitution de carrière de praticiens inscrits
sur la liste d'aptitude aux fonctions de praticien hospitalier et qui,
auparavant, ont exercé des fonctions de médecin contractuel dans le cadre de
contrats types locaux établis par certains établissements publics de santé.
Ces contrats reposent sur des dispositions statutaires applicables aux
attachés des hôpitaux pour ce qui est de la couverture sociale et des droits à
la retraite. En revanche, ils s'en écartent en ce qui concerne les modalités de
rémunération et ils prévoient que ces praticiens ne sont pas régis par les
dispositions du décret du 27 mars 1993 relatif aux praticiens contractuels des
établissements publics de santé.
Je vous précise que les décrets statutaires relatifs aux praticiens
hospitaliers et aux praticiens des hôpitaux à temps partiel fixent la liste des
services pris en compte dans le calcul de l'ancienneté. Cette liste a été
complétée en juillet 1999 et comprend, notamment, les services accomplis pour
les praticiens contractuels régis par le décret du 27 mars 1993.
Par ailleurs, l'article L. 6152-1 du code de la santé publique prévoit que les
praticiens hospitaliers sont recrutés selon des statuts ou dans des conditions
déterminées par voie réglementaire.
En l'état actuel des textes, la validation des services effectués dans un
établissement public de santé n'est pas prévue pour les praticiens sous contrat
type local. Toutefois, Mme la ministre se réserve la possibilité de procéder à
un examen attentif de ces différentes situations lors de prochaines
modifications statutaires.
M. Bernard Cazeau.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Cazeau.
M. Bernard Cazeau.
Je remercie M. le secrétaire d'Etat de sa réponse. Je prends acte de la
volonté de Mme la ministre d'essayer de régler ce problème très spécifique,
certes, mais qui intéresse tout de même un certain nombre de praticiens.
VENTES DE TERRAINS
PAR L'ASSISTANCE PUBLIQUE DE PARIS
M. le président.
La parole est à Mme Borvo, auteur de la question n° 914, adressée à Mme le
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mme Nicole Borvo.
Je souhaitais interroger Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité sur
une question que me tient à coeur, à savoir le devenir des terrains des
hôpitaux Laennec, Boucicaut et une partie de l'hôpital Broussais après la
création de l'hôpital européen Georges-Pompidou qui a entraîné la fermeture
pour tout ou partie de ces hôpitaux.
Ces terrains appartiennent à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, l'AP-HP,
ce sont donc des terrains publics. Leur emprise est d'environ 110 000 mètres
carrés. Ils sont situés au coeur de Paris, respectivement dans les VIIe, XVe et
XIVe arrondissements.
Les instructions des autorités de tutelle de l'AP-HP, c'est-à-dire de l'Etat,
en 1992, conduisent celle-ci à céder ces terrains afin d'autofinancer le nouvel
hôpital Georges-Pompidou.
En ce qui concerne l'hôpital Laennec, il était prévu au départ que la COGEDIM
achète l'ensemble du site, soit 38 173 mètres carrés, y compris la partie
historique, sans condition suspensive, pour un montant de 530 millions de
francs. Etaient envisagés notamment la création d'un palace, des logements de
grand standing à 50 000 ou 60 000 francs le mètre carré, 50 logements
ressortissant au prêt locatif intermédiaire, le PLI, et seulement dix ateliers
d'artistes dans ce VIIe arrondissement qui ne compte que 0,28 % de logements
sociaux.
Ce projet, en contradiction totale avec les principes énoncés dans la
convention Etat-ville sur le logement social, qui stipule expressément
d'utiliser les terrains publics pour les logements sociaux, a provoqué une
réaction très forte, en particulier des élus communistes de Paris et, je le
crois, de la population.
Il n'est pas possible de favoriser de la sorte la spéculation immobilière
alors qu'il y a là l'occasion de mettre en oeuvre une véritable mixité sociale
par la construction de logements sociaux et d'équipements publics, surtout dans
des arrondissements comme ceux que je viens de citer.
Dans ce contexte, je ne peux que me réjouir de la décision du Premier ministre
d'avoir demandé de retirer ce projet de l'ordre du jour du conseil
d'administration de l'AP-HP. D'ailleurs, ce report a créé une situation
nouvelle qui a amené l'AP-HP à formuler de nouvelles propositions, à savoir
d'installer sur le site environ cent logements pour étudiants boursiers et
trente logements pour familles modestes ; petits progrès, certes, mais vraiment
insuffisants au regard des enjeux.
C'est pourquoi j'estime que le voeu qu'ont déposé mes amis du groupe
communiste de l'Hôtel de Ville le 23 octobre concernant l'abandon définitif de
tout projet de cession des terrains de l'hôpital Laennec à un promoteur privé,
l'exercice par la Ville de Paris de son droit de préemption et l'organisation
d'une table ronde réunissant l'Etat, la région et la Ville de Paris sur leur
devenir est toujours d'actualité. Que compte faire le Gouvernement en ce qui
concerne la situation que je viens d'évoquer ?
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët,
secrétaire d'Etat à l'économie solidaire.
Madame le secrétaire, vous avez
attiré notre attention sur le devenir des terrains libérés par les hôpitaux
Laennec, Boucicaut et une partie de Broussais, après l'ouverture de l'hôpital
européen Georges-Pompidou et, en particulier, sur l'avenir du site de Laennec,
première emprise à pouvoir être envisagée en raison du transfert des
activités.
Il faut peut-être tout d'abord rappeler que le montant de la construction de
l'hôpital européen Georges-Pompidou est estimé à ce jour par l'Assistance
publique - hôpitaux de Paris à 1,8 milliard de francs. L'AP-HP s'est engagée à
assurer le financement de la totalité de cette construction et de 25 % des
équipements de l'hôpital européen Georges-Pompidou par des cessions
d'actifs.
La cession de terrains dans le cadre d'opérations de recomposition
hospitalière et de reconstruction de nouveaux sites ne constitue pas, à cet
égard, une spécificité parisienne, puisqu'elle est fréquemment employée par
d'autres établissements de santé du territoire.
S'agissant de la situation particulière des terrains de Laennec, ce site étant
le premier des sites libérés par le transfert des activités vers l'hôpital
Georges-Pompidou, le conseil d'administration des Hôpitaux de Paris a donc
décidé, le 24 mars dernier, d'engager la procédure de déclassement et de
cession du site.
Au terme d'une procédure d'appel d'offres, le conseil d'administration devait
examiner les offres des aménageurs le 20 octobre dernier. Il s'agit en réalité
d'une décision très importante, qui engage très fortement l'établissement et,
de ce fait, nécessite un examen approfondi du dossier.
Sans remettre en cause la démarche de l'établissement, les autorités de
tutelle souhaitent que l'on se donne le temps nécessaire à une décision
réfléchie, sur la base d'informations complémentaires qui pourraient être
demandées par la direction générale des Hôpitaux de Paris à chacun des
aménageurs candidats.
Le Gouvernement souhaite que les décisions qui seront prises par le conseil
d'administration de l'établissement public pour la réalisation de cette
opération concilie deux préoccupations essentielles.
Il s'agit, à l'occasion de la libération de terrains appartenant à un
opérateur public, de permettre la réalisation d'un programme équilibré qui
réponde aux besoins des Parisiens, en particulier en termes d'accueil, d'une
proportion significative de logements sociaux et d'équipements publics, tout en
valorisant au mieux la cession des actifs désaffectés afin de permettre
l'équilibre budgétaire de la construction de l'hôpital Georges-Pompidou sans
préjudice pour l'assurance maladie.
Compte tenu des informations en notre possession sur l'opération, ces
préoccupations paraissent conciliables ; c'est pourquoi les ministères de
tutelle ont demandé aux Hôpitaux de Paris de faire des propositions
complémentaires pour ce qui concerne l'aménagement de ce site, le site de
Laennec, au coeur de Paris, propositions qui répondraient effectivement à ce
souci et aux besoins des Parisiens.
Mme Nicole Borvo.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Monsieur le secrétaire d'Etat, votre réponse ne me satisfait pas entièrement,
mais je note toutefois que vous partagez notre souci de voir construire des
logements sociaux sur le site de Laennec.
Les libérations de terrains publics à Paris - même si on peut contester les
restructurations hospitalières, comme j'ai eu souvent l'occasion de le faire -
doivent être l'occasion de donner un début d'application à la loi SRU, que
personnellement j'ai soutenue et qui prévoit 20 % de logements sociaux dans
tous les arrondissements de Paris, de Lyon et de Marseille.
La situation à Paris est - comme nous avons eu l'occasion de le dire lors de
la discussion de cette loi - tout à fait particulière : les logements sociaux
sont tous situés à la périphérie alors qu'il n'y en a pas dans les
arrondissements du centre au sens large.
Comme nombre d'associations - plus d'une trentaine - je demande que cette
situation soit prise en considération. Or, si ce n'est pas à l'occasion de la
libération de terrains publics, on ne voit pas quand on pourra construire des
logements sociaux dans la capitale ! Il y a évidemment d'autres possibilités,
mais celle-là est de loin la plus importante.
Les besoins de logements sociaux existent. Ne serait-ce que pour les
personnels de l'Assistance publique, on enregistre 2 480 demandes de logements,
dont 1 500 pour Paris intra-muros.
Je considère également que l'investissement d'intérêt général que représente
la construction de l'hôpital Georges-Pompidou - qui a coûté près de 2 milliards
de francs, comme vous venez de le rappeler - ne peut rester à la charge de la
seule Assistance publique et qu'elle relève de la responsabilité de l'Etat et
des collectivités concernées.
Enfin, permettez-moi de dire que cette opération met le doigt sur une
problématique, qui est celle de la spéculation que nous connaissons. Si l'on
veut inverser les choses, je crois qu'il faut avoir une autre conception de
l'utilisation des terrains publics.
FONCTIONNEMENT DES CENTRES ANTICANCÉREUX
M. le président.
La parole est à M. Huchon, auteur de la question n° 921, adressé à Mme le
ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Jean Huchon.
Je souhaite appeler l'attention du Gouvernement sur la situation financière
très préoccupante des centres anticancéreux.
En effet, les progrès évidents de la science ont permis la mise au point de
traitements médicamenteux nouveaux dont l'efficacité est incontestable et qui
doivent pouvoir profiter à l'ensemble des malades.
Pourtant, les rapports récents du comité national du cancer et du haut comité
de la santé publique avaient souligné, lors des états généraux des malades du
cancer, le fait que la lutte contre le cancer n'était pas encore suffisamment
considérée en France comme une priorité de santé publique.
C'est à cette occasion que, lors de la présentation de son programme national
de lutte contre le cancer, Mme la ministre a insisté sur l'effort sans
précédent qui allait être fait par les pouvoirs publics en matière
d'information et de prévention. Nous avions donc tout lieu de nous réjouir.
Mme la ministre indiquait en effet, le 1er février dernier : « Si l'on veut
diminuer l'incidence des cancers, qui représentent aujourd'hui en France la
première cause de mortalité prématurée et la deuxième cause de décès, il faut
réduire l'inégalité devant les soins et il faut aussi offrir à la population le
bénéfice des meilleurs traitements, quel que soit son lieu de résidence... En
outre, en France, le nombre de personnes dépistées est largement insuffisant.
»
Comment ne pas partager de telles intentions ? Mais pour mettre en application
toutes ces bonnes intentions, c'est une autre affaire !
En effet, la croissance du coût des nouveaux médicaments ne fait que se
poursuivre, et la situation des établissements qui consacrent une part
importante de leur activité à la prise en charge des malades cancéreux est de
plus en plus difficile, comme ils en témoignent régulièrement.
Les cancérologues et les gestionnaires d'établissement de santé ne cessent de
nous alerter sur l'insuffisance des budgets pour faire face au prix élevé des
traitements anticancéreux. Ils réclament à juste titre un budget spécifique
pour ces médicaments contre le cancer.
Au travers du plan pluriannuel 2000-2005 présenté en février dernier, Mme la
ministre avait fait état de l'accès aux nouvelles technologies, comme les
tomographies à émission de positions, l'augmentation du nombre d'appareils de
radiothérapie, la mise en place d'un programme de soutien aux innovations
technologiques et de recherche. Elle avait précisé, le 25 octobre dernier, à
l'Assemblée nationale, lors de l'examen du projet de loi de financement de la
sécurité sociale, que toutes ces actions étaient prévues dans l'ONDAM,
l'objectif national de dépenses d'assurance maladie.
Tout cela est bien beau, mais de telles réponses sont un peu vagues pour les
cancérologues et les gestionnaires des centres anticancéreux, qui souhaitent,
de votre part, une réponse précise et concrète. C'est un appel à l'aide qu'ils
vous lancent, et c'est la raison de ma question d'aujourd'hui.
Monsieur le secrétaire d'Etat, dites-nous concrètement quels sont les moyens
financiers qui seront dégagés pour permettre aux centres anticancéreux de
continuer à assurer leur mission, en premier lieu pour 2001, et, en second
lieu, pour les années suivantes.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët,
secrétaire d'Etat à l'économie solidaire.
Monsieur le sénateur, la lutte
contre le cancer est évidement pour le Gouvernement une préoccupation
essentielle de santé publique.
Nous avons choisi de répondre à ce défi en proposant, avec les professionnels,
et pour la première fois depuis dix ans, un plan pluriannuel prenant en compte
la prévention, le dépistage, l'organisation des soins, la qualité de vie des
personnes atteintes et, enfin, la recherche.
Ce plan, annoncé en février dernier, prend en particulier en compte les
nombreux progrès thérapeutiques réalisés ces dernières années.
Ces progrès ont permis - nous devons nous en réjouir - d'améliorer le
pronostic de nombreuses formes de cancer.
Ils se sont accompagnés d'une progression importante des coûts des médicaments
anticancéreux. Jusqu'à présent, les moyens consentis au secteur hospitalier ont
permis de faire face aux besoins, tant pour les établissements publics et
privés financés par dotation globale que pour les établissements privés
lucratifs.
Mais il est vrai que la situation des établissements de santé qui consacrent
une part importante de leur activité à la prise en charge des malades cancéreux
est difficile et que la croissance du coût des nouveaux médicaments se poursuit
à un rythme soutenu.
C'est pourquoi il a été décidé, dans le cadre du « plan cancer », pour les
établissements sous dotation globale, de mieux valoriser et de mieux prendre en
compte, dès la campagne budgétaire 2001, la consommation de spécialités
pharmaceutiques onéreuses liées au traitement des cancers. Pour les
établissements privés lucratifs, nous examinons les moyens de rééquilibrer la
prise en charge des chimiothérapies entre secteurs ambulatoires et
conventionnels. Ce rééquilibrage pourrait être mis en oeuvre dès l'année
2001.
De plus, toujours dans le cadre de la campagne budgétaire 2001 et dans la
limite des enveloppes hospitalières publiques et privées prévues par l'ONDAM,
le Gouvernement examine les moyens par lesquels une partie des financements
nouveaux dégagés pourront être consacrés, soit à l'échelon national, soit à
l'échelon régional, à la prise en charge des médicaments anticancéreux très
coûteux.
Pour autant, nous souhaitons rester attentifs au bon emploi de ces nouveaux
médicaments. Certains d'entre eux sont encore en phase d'évaluation médicale et
économique. Les moyens supplémentaires que la collectivité est susceptible de
devoir dégager pour financer ces nouveaux traitements seront arrêtés en tenant
compte, bien sûr, des résultats de ces évaluations.
Ma réponse porte donc sur l'année 2001, mais il s'agira bien évidemment
d'étudier précisément, au vu des résultats de l'évaluation, quelles mesures il
faudra prendre au titre des années 2002 et 2003.
M. Jean Huchon.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Huchon.
M. Jean Huchon.
Je ne suis pas médecin et je ne suis pas spécialiste de ces questions,
monsieur le secrétaire d'Etat. C'est donc sur injonctions très précises d'amis
cancérologues de ma région que j'ai soulevé ce problème. Je souhaite, bien sûr,
que les promesses que vous avez formulées soient tenues.
CRÉATION D'UN TROISIÈME AÉROPORT
M. le président.
La parole est à M. Paul Girod, auteur de la question n° 925, adressée à M. le
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Paul Girod.
Monsieur le ministre, je vous ai déjà posé une question concernant la mise en
place du troisième aéroport de la région parisienne le 17 octobre dernier. La
décision de principe devait être arrêtée avant la fin de l'été 2000. Comme il
n'y avait toujours rien, je m'étais permis de vous interroger.
Depuis, beaucoup de choses ont changé. En raison de la déclaration de
limitation à 55 millions de passagers pour l'aéroport de Roissy - ce qui va se
produire relativement prochainement - le Gouvernement a en effet pris la
décision d'ouvrir un troisième aéroport.
De ce fait, bien entendu, les polémiques se sont engagées, d'abord sur le
bien-fondé de cette décision. Roissy aurait théoriquement pu accueillir de 70
millions à 80 millions de passagers. Mais, comme on a complètement « lâché »
sur les précautions qui auraient normalement dû être prises, nombre de nos
concitoyens récemment installés subissent des nuisances.
Par ailleurs, une série d'hypothèses de localisation portent sur la Picardie,
plus spécialement sur le sud de l'Aisne, ce qui ne manque pas d'affoler tout le
monde dans le secteur. L'implantation d'un deuxième « Roissy », avec toutes les
nuisances que cela implique, n'est pas de nature à encourager la population à
envisager la création d'un nouvel aéroport, même s'il permet de créer 30 000
emplois.
Monsieur le ministre, il ne faut pas laisser « retomber la mayonnaise », si je
puis dire. Il faudrait que nos concitoyens sachent très rapidement si ce nouvel
aéroport sera ou non implanté dans le sud de l'Aisne. Si tel est bien le cas,
il nous faudra en effet faire valoir nos objections ou nos observations sur le
site et les méthodes retenus. Si ce n'est pas le cas en revanche, il nous
faudra calmer les inquiétudes parfois exagérées qui se manifestent ici ou
là.
Ma question est très précisément la suivante : quand saura-t-on si vraiment le
sud de l'Aisne a été retenu et, dans l'affirmative, où vous avez l'intention
d'y implanter l'aéroport ?
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
sénateur, depuis le moment où vous avez posé une première fois une question
concernant le troisième aéroport, le Gouvernement a défini les orientations
générales des schémas de services et, dans ce cadre, a été posé le problème des
aéroports et, plus généralement, celui de la place du transport aérien dans
notre pays.
Je ferai une remarque à titre préliminaire. A l'échelle mondiale, on constate
un développement assez intense du trafic aérien. Même si l'on peut envisager
une substitution au transport aérien par le train à grande vitesse lorsqu'il
s'agit de distances relativements courtes, inférieures à 600 kilomètres - c'est
d'ailleurs déjà le cas entre Paris et Lyon ou Paris et Lille - pour le reste,
il est certain que l'on va vers un développement du trafic aérien.
Toutes les études prospectives que nous avons faites tablent raisonnablement
sur une perspective de croissance de l'ordre de 8 % à 9 %, puis de l'ordre de 3
% à 3,5 %. Pour les vingt prochaines années, nous devrons donc accueillir 100
millions de passagers supplémentaires. Cela nous oblige à la fois à développer
les aéroports existants, y compris en province, et à envisager la création de
nouveaux aéroports, d'où la proposition de Notre-Dame-des-Landes entre Rennes
et Nantes ainsi que celle d'une meilleure utilisation de l'aéroport
Saint-Exupéry à Lyon. En même temps, un besoin se fait sentir dans le grand
Bassin parisien ; notez que je ne dis pas en Ile-de-France.
Pourquoi ne nous dites-vous pas à quel endroit, me direz-vous ? Nous voulons
étudier tous les éléments. Si le site de Beauvilliers a déjà fait l'objet
d'études particulières, on sait bien que des contraintes existent. Toutefois,
nous ne l'excluons pas.
Le Gouvernement estime que trois régions peuvent être concernées. La vôtre en
fait évidemment partie puisqu'il s'agit de la Picardie, de la Champagne-Ardenne
et du Centre. Je n'ai d'ailleurs pas bien compris si vous étiez favorable ou
non à ce troisième aéroport...
(Sourires.)
Le choix du site d'implantation de la nouvelle plate-forme sera arrêté en
prenant en compte les critères suivants : l'intérêt en termes d'aménagement du
territoire, les contraintes de la navigation aérienne, les potentialités
offertes pour la desserte terrestre, la pertinence du site dans l'économie du
transport aérien ainsi que le contexte physique et environnemental. Bien
évidemment, on ne peut pas construire un aéroport sans penser à la lutte contre
les nuisances.
La localisation définitive sera de toute manière arrêtée à l'issue d'un débat
public, organisé sous l'égide de la Commission nationale du débat public. Le
choix du site aura donc lieu en toute transparence et de la manière la plus
démocratique qui soit.
Les régions concernées seront consultées afin de faire part de leurs
observations et de leurs amendements aux propositions du Gouvernement, au plus
tard le 15 avril 2001.
Enfin, monsieur le sénateur, la localisation du site figurera dans les décrets
portant schémas définitifs, dont le contenu sera acté au cours d'un comité
interministériel d'aménagement et de développement du territoire qui se tiendra
à l'horizon de l'été prochain, après avoir, bien entendu, été soumis pour avis
aux délégations parlementaires de l'aménagement du territoire de l'Assemblée
nationale et du Sénat.
Certes, nous devions nous prononcer « avant la fin de l'été », et, finalement,
la décision de principe n'a été prise qu'un mois après. Pardonnez-nous de ce
retard d'un mois ! Nous arrêterons les choses précisément l'été prochain.
M. Paul Girod.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod.
Je vous remercie pour votre réponse, monsieur le ministre.
Certains ont cru voir dans la mise entre parenthèses - vous n'avez pas dit «
l'abandon » - de Beauvilliers le résultat d'une élection locale qui a fait que
la protestation populaire a envoyé à l'Assemblée nationale un représentant très
opposé à l'aéroport !
J'ai pris note que cela n'avait eu aucune espèce d'importance dans les
réflexions du Gouvernement, ce qui est intéressant pour la suite de ce qui va
se passer dans l'Aisne, surtout en avril 2001, puisqu'au mois de mars 2001 il y
aura des élections.
Ce n'est pas pour cela que n'auriez pas éliminé Beauvilliers - en tout cas,
pas encore éliminé - je suis ravi de le savoir. Cela nous sera utile.
Pour le reste, le vrai problème, c'est de calmer les inquiétudes. Il faut que
nos concitoyens sachent ce qui va se passer. Le 15 avril, c'est très bien : ce
n'est pas un mois de retard qui mettra le feu dans la maison. Ce qui est
important, c'est de savoir qu'en avril prochain on saura où on va.
RÉFORME DE L'AIDE PERSONNALISÉE AU LOGEMENT
M. le président.
La parole est à M. Besson, auteur de la question n° 900, adressée à M. le
secrétaire d'Etat au logement.
M. Jean Besson.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ma question s'inscrit dans le cadre de la
volonté politique du Gouvernement de développer l'accès aux logements sociaux,
tout en clarifiant les modalités des aides à la personne. Je traiterai plus
précisément de la réforme de l'aide personnalisée au logement, l'APL.
Ce système d'allocation mérite certes une harmonisation de ses modalités de
calcul, tant le panel de critères et de situations était devenu peu lisible et
complexe. Je comprends donc la volonté de clarification du Gouvernement.
Mon mandat d'élu local et ma connaissance des réalités rurales me conduisent
toutefois à mettre en évidence une difficulté importante posée par
l'application des décrets du 30 janvier 1997 et du 7 juillet 2000 relatifs aux
ressources et à l'évaluation forfaitaire des revenus. Ainsi, pour certaines
personnes à revenus faibles et précaires, une évaluation forfaitaire est
appliquée pour le calcul de leur APL, alors que, précédemment, leurs revenus
réels étaient pris en considération et que certains abattements étaient
possibles.
Ces personnes se trouvent donc aujourd'hui, en quelque sorte, lésées : alors
que leurs revenus n'ont pas augmenté, l'APL qui leur est versée a largement
diminué.
Ce dispositif a plusieurs conséquences directes. D'abord, les apprentis, les
stagiaires ou les bénéficiaires de CES renoncent à se loger dans des structures
sociales car le loyer résiduel leur est inaccessible. Ils trouvent donc des
solutions moins coûteuses, au détriment de leurs conditions d'hébergement et de
travail.
Par ailleurs, notamment en zones rurales, la fréquentation des foyers
régressant fortement, leur existence même est mise en cause. Pourtant, les
foyers de jeunes travailleurs jouent un rôle économique et social. Or, dans nos
régions, l'équilibre entre l'économie, le social et l'aménagement du territoire
est déterminant pour notre avenir.
Je me permets, enfin, d'ajouter que Mme Ségolène Royal, au nom du
Gouvernement, lors de la Conférence nationale sur la famille, le 15 juin
dernier, s'était engagée envers les ménages à ce que le barème unique pour
l'APL ne diminue aucunement les aides qui leur étaient apportées.
Aussi, je reste convaincu que des amendements seront déposés pour que les
dispositions que j'ai citées au début de mon intervention soient mises en
cohérence avec les objectifs annoncés par le Gouvernement.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de nous informer de votre
position à ce propos.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat au logement.
Monsieur le sénateur, votre question
aborde deux sujets qui sont de nature différente : les ressources prises en
compte pour le calcul des aides au logement et la réforme des barèmes de ces
aides décidée lors de la Conférence sur la famille.
En ce qui concerne le premier point, vous faites référence à une mesure prise
par le Gouvernement en place en janvier 1997 et qui consiste, dans certains
cas, à calculer l'aide au logement en fonction des revenus perçus au moment de
la demande au lieu de se référer à la situation financière dépassée de l'année
n-1.
Cette modification s'est révélée pénalisante pour les jeunes, le calcul de
l'aide ne prenant pas suffisamment en compte l'irrégularité et l'instabilité de
leurs ressources. En outre, certaines caisses d'allocations familiales n'ont
appliqué cette réforme de janvier 1997 qu'au 1er juillet 2000. Il en résulte
actuellement une certaine confusion sur sa date d'entrée en vigueur, ainsi
qu'une inquiétude, dont vous vous faites l'écho, quant à ses effets
pénalisants, déjà identifiés.
C'est pourquoi le Gouvernement a d'ores et déjà pris la décision, applicable
depuis le 1er octobre 2000, d'assouplir les modalités de l'évaluation
forfaitaire des ressources pour les jeunes de moins de vingt-cinq ans ayant un
contrat de travail à durée déterminée, comme les apprentis, les personnes
titulaires d'un CES, contrat-emploi-solidarité, ou d'un contrat de
qualification.
Dorénavant, le niveau initial de l'aide sera calculé à partir du dernier
salaire mensuel, multiplié par neuf au lieu de douze auparavant, ce qui se
traduit par un gain d'aide de 25 %. De plus, une révision du montant de l'aide
sera désormais possible tous les quatre mois en cas de baisse d'au moins 10 %
des revenus de ces jeunes.
J'en viens maintenant à la réforme des aides personnelles au logement préparée
par le secrétariat d'Etat au logement et annoncée par le Premier ministre lors
de la dernière Conférence sur la famille.
Cette réforme poursuit deux objectifs : d'une part, harmoniser et simplifier
les barèmes de ces aides, qui étaient devenus très complexes avec le temps,
d'autre part, améliorer l'équité de ces aides en prenant en compte tous les
revenus de la même manière, qu'il s'agisse de revenus de travail ou de minima
sociaux comme le RMI.
Ces modifications se font « par le haut », c'est-à-dire qu'aucun bénéficiaire
ne verra son allocation diminuer du fait de la réforme. Le gain moyen sera de
1300 francs par an, mais pourra représenter beaucoup plus pour les personnes
aux ressources les plus faibles. On a dénombré 4,8 millions de bénéficiaires,
pour un coût global de 6,5 milliards de francs.
Les locataires du parc privé qui était pénalisé par le barème de l'allocation
logement, moins favorable que celui de l'APL, pourront obtenir un gain voisin
de 5 000 francs par an.
L'amplitude des aides accordées est donc assez considérable, mais il s'agit de
corriger des inéquités d'amplitude équivalente.
Je crois que vous avez maintenant, monsieur le sénateur, des éléments de
réponse très précis sur les deux volets de la question que vous m'avez
posée.
M. Jean Besson.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Jean Besson.
M. Jean Besson.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je suis rassuré par votre réponse, qui me
satisfait pleinement.
FINANCEMENT DES RÉSEAUX
DE DISTRIBUTION D'EAU POTABLE
M. le président.
La parole est à M. Piras, auteur de la question n° 910, adressée à M. le
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Bernard Piras.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je voudrais appeler votre attention sur la
réglementation qui encadre le financement des réseaux de distribution d'eau
potable.
Dans le code de l'urbanisme sont prévus trois dispositifs permettant de
financer tout ou partie des réseaux d'eau potable directement rendus
nécessaires par des projets de construction ou de développement urbain. Ils
figurent aux articles L. 332-6-1-2° concernant le coût des travaux, L. 332-9
relatif aux PAE, prêts aidés aux entreprises, et L. 311-4-1 ayant trait aux
ZAC, zones d'aménagement concerté.
En dehors de ces trois hypothèses, il semble que, faute de base légale, les
collectivités publiques, communes ou groupements de communes, ne peuvent
instituer de droits ou de taxes de branchement.
Depuis toujours, le financement des collectivités publiques chargées de la
distribution d'eau potable est assuré par différentes recettes, dont « les
droits de branchement ».
L'objet de mon intervention porte sur l'avenir. Il est clair que la
disparition de ce revenu pour les collectivités, mais surtout pour les
syndicats intercommunaux, risque de créer des difficultés financières
importantes, susceptibles de compromettre leur équilibre budgétaire et
d'alourdir fortement le prix d'eau.
Par conséquent, je vous demande si une réforme est envisagée pour lever toute
ambiguïté sur ces droits de branchement.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat au logement.
Comme vous l'avez dit, monsieur Piras, les
communes ont la possibilité de demander aux constructeurs une participation au
coût des équipements des services publics industriels et commerciaux exploités
en régie, concédés ou affermés, donc quel que soit leur mode d'exploitation.
La loi « Sapin », du 29 janvier 1993, modifiée par la loi « Bosson », du 9
février 1994, a précisé le cadre légal permettant d'exiger des contributions
des bénéficiaires d'autorisation de construire.
En effet, ces dernières ne peuvent être exigées que pour les ouvrages rendus
nécessaires pour la réalisation de l'opération de construction. En outre, leur
montant et leur mode de calcul doivent figurer dans le permis de construire ou
de lotir.
Ainsi, en ce qui concerne le réseau d'eau potable, seules les participations
suivantes peuvent être exigées.
En premier lieu, il s'agit de la participation pour le financement des
équipements du service public industriel et commercial chargé de la
distribution d'eau potable. Cette contribution est exigible du pétitionnaire
dont l'opération rend nécessaire une extension ou un renforcement du réseau
public préexistant.
En second lieu, il s'agit de la participation au programme d'aménagement
d'ensemble, PAE, qui peut comprendre le coût de création, d'extension ou de
renforcement du réseau d'eau utile à l'aménagement du secteur du territoire
communal concerné par le PAE.
En troisième lieu, le programme d'équipement d'une zone d'aménagement
concerté, ZAC, peut également inclure le financement du réseau de distribution
de l'eau potable.
En revanche, il n'existe pas ou plus de disposition spécifique qui autorise
les communes ou leurs groupements à percevoir un droit de branchement
forfaitaire pour le financement du réseau public de distribution d'eau potable
lors du raccordement des immeubles. Une évolution de ces régimes de
contribution interviendra néanmoins avec le projet de loi relatif à la
solidarité et au renouvellement urbains, dont l'article 21 prévoit une
globalisation du financement des équipements d'infrastructure, y compris celui
qui est relatif au réseau de distribution d'eau potable dans le cadre du
nouveau régime de participation pour la création d'une voie nouvelle.
Donc, aux dispositions qui avaient cours depuis 1993-1994 s'ajoutera, dès son
entrée en vigueur, l'application de l'article 21 du projet de loi relatif à la
solidarité et au renouvellement urbains fixant un nouveau régime de
participation lors de la création de voies nouvelles en projet dans le secteur
communal concerné. Il y a donc non pas rétablissement du caractère forfaitaire
et automatique, qui préexistait, mais possibilité, en amont de l'engagement des
dépenses, d'obtenir cette participation.
M. Bernard Piras.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Piras.
M. Bernard Piras.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite que les décrets d'application
paraissent rapidement et que soit porté avec précision à la connaissance des
communes ce qu'elles peuvent faire ou ne pas faire.
FINANCEMENT DES SERVICES D'INCENDIE
ET DE SECOURS
M. le président.
La parole est à M. Ostermann, auteur de la question n° 913, adressée à M. le
ministre de l'intérieur.
M. Joseph Ostermann.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite attirer votre attention sur le
financement des services d'incendie et de secours, les SDIS.
La réforme portant départementalisation des SDIS, instituée en 1996, a prévu
un large financement par les collectivités locales, l'Etat, quant à lui,
réservant une part de la dotation globale d'équipement - 350 millions de francs
en trois ans - à l'aide à l'équipement des SDIS.
Or, depuis 1996, on assiste à l'explosion des budgets des SDIS.
Ainsi, dans le département du Bas-Rhin - département spécifique, puisqu'il a
la chance de compter 10 000 volontaires -, ce budget a augmenté de 10 % par an
depuis 1996. Pour 2001, une augmentation de plus de 20 % est décidée, et ce
n'est pas terminé !
Cette forte croissance est due non seulement à une mise à niveau constante en
matière de matériels, de structures et d'équipements, mais aussi et surtout à
la multiplication de mesures nouvelles en matière de régime de service, de
régimes indemnitaires, ainsi qu'au renforcement des services de santé.
Les collectivités locales sont par conséquent contraintes de financer des
dépenses supplémentaires que leur impose l'Etat sans contrepartie.
Or, elles n'étaient pas préparées à faire face à ces dépenses nouvelles,
qu'elles peuvent, par conséquent, difficilement assumer.
La loi de 1996, je le rappelle, devait permettre la mutualisation des dépenses
afin de mieux assurer, à un coût limité, la sécurité de nos concitoyens.
Dans le rapport qu'il vient de remettre au Gouvernement, le député de la
Somme, Jacques Fleury, conclut lui-même que, pour de nombreux élus, l'incidence
du coût des SDIS sur la fiscalité locale devient insupportable.
Les 350 millions de francs de DGE attribués par l'Etat peuvent d'autant moins
suffire que la suppression de la vignette automobile prive les départements de
12 millions de francs de recettes fiscales.
Ne conviendrait-il pas, par conséquent, de prévoir une contribution
supplémentaire de la part de l'Etat avant de présenter tout nouveau projet de
loi sur la sécurité civile, qui impliquerait encore de nouvelles dépenses ?
Ne l'oublions pas, la sécurité demeure une des missions régaliennes de
l'Etat.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat au logement.
Monsieur le sénateur, vous aviez adressé
votre question à M. le ministre de l'intérieur. Mais celui-ci, devant se rendre
aux funérailles de Jacques Chaban-Delmas, m'a prié de vous répondre à sa place,
ainsi qu'aux autres membres de la Haute Assemblée qui lui ont également posé
des questions.
La loi n° 96-369 du 3 mai 1996 relative aux services départementaux d'incendie
et de secours, les SDIS, a eu pour objectif le renforcement de la sécurité de
nos concitoyens par la création, dans chaque département, d'un grand service
moderne d'incendie et de secours.
Pour les départements qui n'avaient pas engagé antérieurement la remise à
niveau des services départementaux d'incendie et de secours, la réorganisation
sur le plan départemental de ces services peut entraîner une charge.
Cette charge, en particulier dans ces départements, est certes liée à la mise
en oeuvre d'un certain nombre de règles nationales prévues par les deux lois de
mai 1996. Mais elle est également liée aux décisions prises par les conseils
d'administration pour assurer l'amélioration ou la modernisation des
structures, des matériels et des casernements. Elle est enfin liée aux
résultats des négociations menées dans chaque département, notamment en matière
de régime de service et de régime indemnitaire.
Le financement des services d'incendie et de secours relève traditionnellement
de la compétence des seules collectivités locales. L'Etat prend à sa charge les
renforts nationaux, ce qui se traduit par un effort important du ministère de
l'intérieur, notamment avec la professionnalisation des unités d'instruction et
d'intervention de la sécurité civile et la modernisation de la flotte aérienne.
Le budget consacré par l'Etat pour la sécurité civile sera de 1,6 milliard de
francs en 2001.
Monsieur le président, vous le savez mieux que quiconque, les deux exceptions
à l'intervention générale des collectivités locales concernent, d'une part, les
marins-pompiers de Marseille et, d'autre part, le corps des sapeurs-pompiers de
Paris.
Par ailleurs, l'article 24 de la loi du 28 décembre 1999 a prévu, en raison de
la montée en charge des dépenses d'investissement des SDIS en application de la
loi du 3 mai 1996, que ces derniers perçoivent en 2000, 2001 et 2002 une
majoration exceptionnelle de la dotation globale d'équipement des départements
à laquelle ils sont éligibles. Il s'agit de l'application de l'article L.
3334-11 du code général des collectivités territoriales. Cette majoration est
répartie proportionnellement aux dépenses réelles d'investissement qu'ils
effectuent.
Ainsi, compte tenu de redéploiements de crédits, les SDIS devraient
bénéficier, sur cette période de trois ans, d'une enveloppe annuelle de 350
millions de francs de dotation globale d'équipement.
En outre, certaines imperfections techniques, apparues au moment de la mise en
oeuvre de cette loi, ont pu être constatées. La commission d'évaluation
présidée par le député Fleury a procédé à l'analyse de ces imperfections et
présenté un certain nombre de propositions visant à y remédier, qui vont dans
le sens d'une modernisation accrue des services d'incendie et de secours sans
remettre en cause les équilibres et les principes fondamentaux d'organisation
des secours en France.
Les conclusions de ce rapport tendent à approfondir la départementalisation, à
organiser la répartition des compétences dans un esprit de complémentarité et à
assurer un financement stable aux services départementaux d'incendie et de
secours.
Le service public de secours doit rester un service gratuit, relevant de
financements publics.
La question du financement et des responsabilités des services départementaux
d'incendie et de secours doit être étudiée en totale cohérence avec les
propositions du rapport de la commission Mauroy, s'agissant d'une question
fondamentale qui engage l'avenir des services de secours en France.
Le projet de loi sur la sécurité civile qui sera déposé en 2001 au Parlement
doit être l'occasion de débattre de la sécurité civile, de son organisation et
de toute question s'y rapportant. Je pense, monsieur le sénateur, que vos
interrogations pourront trouver un prolongement dans ce futur débat.
M. Joseph Ostermann.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Ostermann.
M. Joseph Ostermann.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de votre réponse, même si,
vous vous en doutez bien, elle ne m'apporte guère d'apaisements.
Je répète que, à notre sens, la sécurité reste l'une des missions de l'Etat.
Aujourd'hui, l'Etat n'assume cette responsabilité qu'à travers la
réglementation, mais ce sont les collectivités locales qui supportent le
financement. C'est le Gouvernement qui prend les décrets mais ce sont elles qui
paient !
J'aimerais aussi insister sur l'extension constante du champ des missions des
SDIS. Dans certains départements, il n'est plus d'accident du travail qui ne
soit traité par les sapeurs-pompiers. Cela relève-t-il vraiment des missions
qui leur incombent ?
Lors de la discussion de la proposition de loi déposée par M. Estier et les
membres du groupe socialiste, j'avais présenté un amendement prévoyant
l'engagement du fonds de garantie automobile. C'est une solution de ce type qui
a été mise en oeuvre dans d'autres pays européens. M. Queyranne, au nom du
Gouvernement, m'avait alors demandé de retirer mon amendement moyennant
l'engagement selon lequel une étude serait menée. Une année a passé, et je n'ai
pas entendu parler des résultats de cette étude. Ne s'agit-il pas d'un de ces
cas où la création d'un groupe d'étude est, en fait, un enterrement de première
classe ?
Des dispositions méritent pourtant d'être prises, car un certain nombre de
petites communes ont bien du mal à payer les prestations des SDIS. Il faut
vraiment que le Gouvernement étudie rapidement cette question et qu'il mette
toute sa détermination à la résoudre.
CONTENU DES CONVENTIONS
DE COORDINATION POLICIE`RE
M. le président.
La parole est à M. Poirier, auteur de la question n° 918, adressée à M. le
ministre de l'intérieur.
M. Jean-Marie Poirier.
J'ai en effet souhaité attirer l'attention de M. le ministre de l'intérieur
sur certaines difficultés apparues à l'occasion de la conclusion des
conventions de coordination policière entre l'Etat et les communes telles
qu'elles sont prévues par la loi du 15 avril 1999 relative aux polices
municipales.
Le cadre de ces conventions a été précisé par un décret du 24 mars 2000
déterminant les clauses de la convention type.
Dans la circulaire du 16 avril 1999 relative à l'application de la loi,
l'attention des préfets des départements est appelée sur la nécessité de faire
prévaloir le caractère concret et pratique des conventions de coordination
conclues. Il est recommandé de s'adapter tant à la situation initiale qu'à
l'évolution des circonstances locales.
L'expérience m'a conduit à constater que, dans certains cas, l'interprétation
trop rigide qui est faite de la loi en arrive à imposer une quasi-conformité de
la convention de coordination conclue aux stipulations du décret du 24 mars
2000.
Ainsi, j'ai moi-même rencontré un certain nombre de difficultés en tant que
maire d'une ville de 25 000 habitants, Sucy-en-Brie, une des premières communes
du Val-de-Marne à avoir signé un contrat local de sécurité avec l'Etat, en
1998.
Récemment, alors que nous étions sur le point de conclure la convention de
coordination policière, le préfet a refusé l'insertion de deux alinéas de
précision à la convention type définie par le décret. Ces aménagements avaient
pourtant pour seul but d'améliorer l'information réciproque entre les services
municipaux et les services de l'Etat.
Le premier aménagement prévoyait une information périodique du maire par le
commissaire de police nationale en ce qui concerne l'activité du commissariat
sur le territoire communal et l'évolution des actes de délinquance.
Le second aménagement prévoyait d'étendre les mécanismes d'échange rapide et
réciproque d'informations aux événements particulièrement importants, alors que
la convention type ne mentionne que le cas des personnes signalées disparues et
celui des véhicules volés.
La circulaire du 16 avril 1999 précise pourtant que « le législateur n'a pas
entendu imposer un rapport de conformité des conventions conclues au niveau
local avec les clauses de la convention type ».
On peut, dès lors, s'interroger sur la marge de manoeuvre laissée à la
procédure conventionnelle dans un cas comme celui que je viens d'évoquer.
Je suis, pour ma part, convaincu que la coordination entre services de police
et, au-delà, entre tous les acteurs de la prévention urbaine, dans le cadre des
contrats locaux de sécurité notamment, est certainement le fondement et la
condition de l'efficacité des nouvelles approches que les maires et les
représentants de l'Etat essaient de mettre en place en matière de lutte contre
l'insécurité dans nos villes.
A quoi sert-il de prévoir une convention aménageable en fonction des
circonstances locales s'il n'est pas possible d'y ajouter des clauses qui
reflètent les besoins locaux et consacrent les méthodes expérimentées avec
succès sur le terrain, en marge des textes parfois, depuis de nombreuses années
?
Je souhaite donc savoir comment M. le ministre de l'intérieur conçoit la
négociation des conventions de coordination policière entre l'Etat et les
communes. A-t-il donné de nouvelles instructions aux préfets ? Dans quels
domaines identifiés peut-on apporter des aménagements locaux à la convention
type ?
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat au logement.
Monsieur le sénateur, vous interrogez mon
collègue ministre de l'intérieur sur les adaptations qui peuvent être
introduites dans la convention de coordination à signer entre le maire et le
préfet par rapport à la convention type annexée au décret n° 2000-275 du 24
mars 2000, pris pour l'application de la loi du 15 avril 1999 relative aux
polices municipales.
La convention de coordination avec la police ou la gendarmerie nationales fait
état des missions effectivement remplies par la police municipale concernée.
L'amplitude des missions des agents de police municipale variera donc d'une
commune à l'autre suivant les effectifs du service de police municipal, le parc
des bâtiments communaux à garder, le nombre d'établissements scolaires et de
marchés à surveiller, l'existence ou non d'une brigade de nuit au sein de la
police municipale. Ces particularités locales apparaîtront dans la convention
de coordination.
Les échanges d'informations à prévoir dans la convention de coordination vous
préoccupent particulièrement. Cette question est traitée dans les articles 1er
à 5 de la convention type. Les conditions dans lesquelles les réunions se
tiennent entre les deux chefs de service ainsi que les modalités de liaison
entre les deux services de police peuvent donner lieu à des adaptions à la
convenance des parties signataires. En tout état de cause, la convention de
coordination doit rester un document à vocation opérationnelle.
Quant aux faits de délinquance commis dans la commune, il est légitime que le
maire en soit tenu informé - et la préoccupation que vous avez exprimée est
tout à fait partagée - en sa qualité d'autorité titulaire du pouvoir de police
générale. Ces informations lui sont transmises par le canal des services de la
police nationale ou de la gendarmerie nationale, indépendamment de la signature
de la convention de coordination.
En ce qui concerne la délinquance dans le département du Val-de-Marne, le
directeur départemental de la sécurité publique transmet à chacun des maires,
chaque mois, un état détaillé de la délinquance constatée dans sa commune par
les services de la police nationale. La signature des conventions de
coordination, notamment celles de Sucy-en-Brie, ne remet pas en cause cette
diffusion. Elle ne fait pas davantage obstacle au maintien des entretiens qui
ont lieu ponctuellement entre le maire et le chef de la circonscription de
police ou le directeur de cabinet du préfet, chaque fois qu'un fait d'ordre
public survient dans la commune et justifie des rencontres.
D'une certaine manière, monsieur le sénateur, faire un ajout à la convention
type pourrait donner à penser que les dispositions en question ne s'appliquent
pas sur le territoire des communes dont la convention n'aurait pas fait l'objet
de cet ajout. Or, ces conventions sont d'application générale : il ne faudrait
pas donner à penser qu'il peut y avoir remise en cause de pratiques qui sont en
vigueur sur l'ensemble du territoire national.
M. Jean-Marie Poirier.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Poirier.
M. Jean-Marie Poirier.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de ces précisions, qui me
donnent globalement satisfaction, même si elles me paraissent quelque peu
lénifiantes au regard de la situation réelle.
Je pense que l'ensemble des maires souhaitent une coopération entre police
nationale et police municipale aussi étroite que possible. Or on constate à
l'heure actuelle que, malgré toute la bonne volonté qui peut se manifester de
tous côtés, il est extrêmement difficile d'établir une communication permanente
entre l'une et l'autre.
Cette coopération, telle qu'elle est définie par la convention type, n'est
qu'une coopération de principe : est certes évoquée la possibilité de
rencontres régulières, mais rien n'est prévu pour institutionnaliser des
rencontres quotidiennes, notamment dans les communes des banlieues confrontées
aux difficultés que chacun sait, et à la montée de la délinquance et de la
petite délinquance. Or une telle liaison quotidienne permettrait de maintenir
une veille permanente, répondant, tout simplement, à un souci d'efficacité.
Nous ne sommes pas fondamentalement en contradiction, mais il eût été
préférable que quelques dispositions clairement formulées insistent sur la
nécessité d'une symbiose permanente d'action, bien entendu dans le respect de
l'indépendance respective du pouvoir municipal et du pouvoir de l'Etat.
Il y va, encore une fois, de l'efficacité, à l'heure où, en matière de
sécurité, la situation est bien loin de s'améliorer dans nos banlieues, comme
les statistiques le font apparaître, hélas ! tous les jours que Dieu
fait.
PETITE DÉLINQUANCE À VINCENNES ET SAINT-MANDÉ
M. le président.
La parole est à M. Lanier, auteur de la question n° 931, adressée à M. le
ministre de l'intérieur.
M. Lucien Lanier.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de bien vouloir prendre le
relais de M. le ministre de l'intérieur pour répondre à ma question, qui
s'inscrit dans le droit-fil de celle, si pertinente, qu'a posée mon collègue et
ami Jean-Marie Poirier. En voici, en effet, une illustration sur le terrain.
Les villes de Saint-Mandé et de Vincennes, situées en lisière du bois de
Vincennes, qui appartient d'ailleurs à la Ville de Paris, limitrophes des XIIe
et XXe arrondissements de Paris et de Montreuil-sous-Bois, en
Seine-Saint-Denis, connaissent actuellement un accroissement fort inquiétant de
la petite délinquance.
Jusqu'à ces dernières années, le caractère « sagement » résidentiel de ces
deux communes semblaient les garantir de la violence urbaine. La réalité est
aujourd'hui tout autre en raison du rassemblement, sur leur territoire,
d'éléments extérieurs se livrant à des actes de délinquance. Cette délinquance
est de plus en plus le fait de mineurs, ainsi que le confirme la très récente
étude de l'Institut des hautes études de la sécurité intérieure.
Ainsi, depuis le 1er janvier 2000, la police municipale de Saint-Mandé a
procédé à de nombreuses mises à la disposition de la police nationale dans le
cadre de délits de flagrance. Sur l'ensemble de la circonscription, les vols
avec violence sont en augmentation de 30 % par rapport à la période équivalente
de 1999. Quant à la délinquance générale, elle est en augmentation de 14 %,
alors que la hausse, dans ce département, déjà forte, est de 10 %, seulement,
allais-je dire.
Au regard de cette dégradation, les moyens dont dispose la police nationale,
et ce malgré son extrême diligence, ne cesseront de s'affaiblir.
Le bureau de police de Saint-Mandé, faute d'effectifs, n'est plus qu'un bureau
d'accueil qui ne permet ni action de prévention, ni intervention répressive. A
Vincennes, la gare RER, la gare routière et ses douze lignes de bus, les trois
stations de métro commanderaient, elles aussi, un meilleur maillage que celui
qui existe à l'heure actuelle.
En tout état de cause, un renforcement des moyens mis à la disposition du
commissariat de Vincennes, compétent pour les deux communes, devient éminemment
urgent.
Il serait également souhaitable que les deux villes bénéficient d'une
stratégie de proximité commune. Tout en constituant une dissuasion réelle à
l'encontre d'une délinquance caractérisée par sa mobilité, ce développement est
d'une urgence justifiée pour nos concitoyens, d'autant que les deux communes
comptent, comme vous le savez, vingt-deux écoles, cinq collèges et six
lycées.
Face à une insécurité croissante, je souhaite demander à M. le ministre de
l'intérieur d'examiner avec une toute particulière attention la possibilité
d'autoriser la mise en place d'une police de proximité et l'affectation du
personnel nécessaire à son efficacité.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat au logement.
Monsieur le sénateur, l'augmentation du
nombre des faits constatés et des vols avec violences enregistrée dans la
circonscription de Vincennes et dans la commune de Saint-Mandé au cours des
neuf premiers mois de 2000, comparés aux neuf premiers mois de 1999, ne doit
pas masquer le net recul de la délinquance de voie publique recensé lors de la
période précitée dans les deux sites, respectivement de 7,93 % et de 7,78 %, et
qui confirme la tendance à la baisse déjà relevée en 1999 par rapport à
1998.
Cependant, pour lutter davantage contre la petite et moyenne délinquance qui
exacerbe le sentiment d'insécurité de la population, le Gouvernement reste
fermement déterminé à ne rien négliger qui puisse garantir l'autorité de l'Etat
ainsi que le droit fondamental à la sécurité.
Dans ce domaine, la politique engagée depuis le colloque de Villepinte
d'octobre 1997 repose sur deux outils, différents mais complémentaires, que
sont la police de proximité et les contrats locaux de sécurité.
Vous avez soulevé le problème des moyens de la police de proximité, monsieur
le sénateur, et Daniel Vaillant tient à vous informer que la généralisation de
la police de proximité s'appliquera à l'ensemble de la circonscription de
Vincennes avant la mi-juin 2002, au plus tard. Des possibilités d'anticipation
sont donc possibles.
Dans cette perspective, la situation du commissariat de Vincennes, où l'on
dénombrait, au 1er novembre 2000, cent-huit fonctionnaires de tous grades,
auxquels il convenait d'ajouter sept adjoints de sécurité, sera examinée avec
une attention particulière lors des prochains mouvements de personnels.
D'ores et déjà, les prises de fonction de deux gardiens de la paix stagiaires,
issus de la cent-soixante et onzième promotion, sont prévues pour le 1er
décembre 2000, dans deux semaines, monsieur le sénateur.
De plus, la poursuite du programme emplois-jeunes permettra au département du
Val-de-Marne de disposer, à la fin de cette année, de cinq cent quarante-sept
adjoints de sécurité dont une partie pourra renforcer ceux qui sont déjà
affectés dans la circonscription de Vincennes et dont j'ai précisé qu'ils
étaient au nombre de sept.
Pour autant, la lutte contre l'insécurité ne peut se concevoir uniquement en
termes d'augmentation des ressources humaines et ne peut être le seul fait de
la police ou de la gendarmerie nationales.
Une prise en compte partenariale s'impose, mobilisant l'ensemble des acteurs
concernés par la lutte contre la délinquance. A cet égard, M. le ministre de
l'intérieur est sensible à la collaboration qui existe entre les polices
municipales de Vincennes et de Saint-Mandé et la police nationale. Elle
représente un atout des plus significatifs qu'il est possible de conforter au
travers d'un contrat local de sécurité.
La dynamique partenariale ainsi que le développement de la police de proximité
sont une nouvelle approche de la sécurité qui permettra de mieux répondre aux
attentes de la population, notamment à celle de Saint-Mandé, où l'activité
judiciaire déployée par les personnels du commissariat central de Vincennes,
par ceux des unités départemantales spécialisées et par ceux des CRS en
sécurisation s'est traduite, pour les neuf premiers mois de l'année 2000 par
rapport aux neuf premiers mois de 1999, par une hausse importante des faits
élucidés qui sont passés, je vous le précise, monsieur le sénateur, de 187 à
282, ce qui représente une augmentation de l'élucidation de plus de 50 % des
cas. Voilà, je crois, une bonne illustration du bien-fondé de la confiance que
vos propres propos exprimaient à l'endroit de ces services de police.
M. Lucien Lanier.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Lanier.
M. Lucien Lanier.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse qui,
cependant, ne me donne qu'en partie satisfaction. En effet, nos sources ne sont
peut-être pas les mêmes, mais l'impression que je tire des miennes est que la
délinquance, et surtout la petite délinquance, c'est-à-dire une délinquance qui
devient très dangereuse dans notre société, s'amplifie plutôt qu'elle ne
diminue.
Je suis d'accord avec vous, l'augmentation des effectifs ne suffit pas à
résoudre, à elle seule, le problème, mais encore faut-il tout de même qu'il y
ait des personnels pour le résoudre ! Vous m'avez d'ailleurs répondu
positivement sur ce point, mais j'aurais aimé que M. le ministre de l'intérieur
veillât à ce qu'il y ait une meilleure coordination, au niveau de ces effectifs
nouveaux, entre Paris
intra muros
et l'ensemble Vincennes - Saint-Mandé,
également limitrophe du bois de Vincennes.
En effet, si le bois de Vincennes est un endroit fort sympathique et très
agréable, il est également la source de beaucoup d'inconvénients, notamment la
nuit. Je veux parler non seulement de la délinquance mais aussi de la
prostitution et de la drogue, en augmentation également, ce qui a déjà été
signalé à plusieurs reprises.
Je demande donc à M. le ministre de l'intérieur de bien vouloir faire en sorte
que la coordination entre les forces de police qu'il a mises à la disposition
des communes et les polices municipales soit renforcée, car je pense que
commander, c'est prévoir, et qu'il vaut toujours mieux prévoir que subir
!
5
NOMINATION DE MEMBRES
D'UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE
M. le président.
Je rappelle que la commission des affaires économiques, la commission des
affaires culturelles et la commission des lois ont proposé des candidatures
pour siéger au sein d'un organisme extraparlementaire.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par
l'article 9 du règlement.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées, et je proclame MM. Jean
Bernadaux, Rodolphe Désiré, André Ferrand et Lucien Lanier membres du Comité
national de l'initiative française pour les récifs coralliens.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons
maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures quarante, est reprise à seize heures dix,
sous la présidence de M. Christian Poncelet.)
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
M. le président. La séance est reprise.
6
HOMMAGE À JACQUES CHABAN-DELMAS
M. le président.
Madame la ministre, mes chers collègues, au nom du Sénat, je voudrais saluer
la mémoire de Jacques Chaban-Delmas, qui nous a quittés trente ans, presque
jour pour jour, après le général de Gaulle.
(Mme le ministre, Mmes et MM.
les sénateurs se lèvent.)
Résistant de la première heure, plus jeune général de brigade de l'armée
française à vingt-neuf ans, député, maire de Bordeaux pendant près d'un
demi-siècle, président de l'Assemblée nationale pendant seize ans, Premier
ministre du président Georges Pompidou : nous connaissons tous l'homme public
qui prit une part décisive à la libération de la France ainsi qu'à la mise en
place des institutions de la Ve République et marqua de sa forte personnalité
la vie politique de notre pays.
Jacques Chaban-Delmas n'était pas seulement le résistant, le compagnon de la
Libération, le patriote, l'homme d'Etat suscitant l'estime de tous, par-delà
les options politiques des uns et des autres. J'ai eu le privilège de le
connaître et de travailler auprès de lui pour son projet de « nouvelle société
» : panache, dynamisme, mais aussi ouverture d'esprit, simplicité et
gentillesse sont les qualités qui me viennent à l'esprit lorsque j'évoque son
souvenir.
Cet homme, qui a si bien incarné notre nation, restera ainsi - j'en suis
convaincu - dans le coeur des Français tout à la fois comme un précurseur à
l'écoute de l'avenir et un homme attentif aux mouvements qui traversent en
profondeur notre société.
Je souhaite que le Sénat s'associe à l'hommage solennel qui lui a été rendu ce
matin aux Invalides et je vous propose d'observer, après l'intervention de
madame la ministre, une minute de silence.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le président, je
demande effectivement la parole.
M. le président.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, Jacques Chaban-Delmas vient de nous quitter.
Ce matin, aux Invalides, la nation lui a rendu hommage. Au nom du Gouvernement,
je voudrais m'associer à cet hommage qui a été rendu à l'un des plus fidèles et
des plus ardents serviteurs de la République.
A l'heure où nous évoquons sa mémoire, sa famille et ses proches s'apprêtent à
l'accompagner dans sa dernière demeure, dans la petite ville d'Ascain, dans les
Pyrénées-Atlantiques, à laquelle, nous le savons, il était très attaché.
A Mme Chaban-Delmas, à sa famille, à ses amis, je voudrais adresser mes
condoléances, celles du Gouvernement et, naturellement, l'expression de ma
profonde sympathie dans ces moments douloureux.
Toute sa vie, Jacques Chaban-Delmas a eu la passion de la France. Tous ceux
qui l'ont connu retiennent de lui l'image d'un être généreux et d'un homme
d'une grande élégance à tous égards.
Il a servi la nation et la République. Il a occupé, très jeune, de hautes
fonctions. Dans chacune, il a manifesté la détermination d'un homme de
conviction et la vitalité, qu'on lui connaissait, du vrai sportif qu'il
était.
Jeune inspecteur des finances, il s'est engagé dans la Résistance, où ses
qualités lui ont valu d'être nommé délégué militaire national du chef de la
France libre, puis compagnon de la Libération. Il a été également, nous le
savons tous, à vingt-neuf ans, le plus jeune général de la République, en
1944.
Nous rendons aussi hommage au grand parlementaire qu'il a été. Député de la
Gironde pendant un demi-siècle, trois fois président de l'Assemblée nationale,
pendant seize ans au total, il a marqué la vie parlementaire de deux
Républiques. Il a donné à la fonction de président de l'Assemblée nationale une
très grande autorité, un éclat à la mesure de l'idée que se font tous ceux qui
pensent que le Parlement doit être fort dans une vraie démocratie.
Il a aussi été maire de Bordeaux pendant quarante-huit ans, et nous savons
qu'il a aménagé cette ville avec un tempérament de bâtisseur infatigable.
Mais c'est surtout à l'homme politique que je voudrais rendre hommage, à celui
qui a voulu incarner la « nouvelle société ».
Lorsqu'il est devenu Premier ministre en septembre 1969, nommé par Georges
Pompidou, Jacques Chaban-Delmas voulait réformer l'Etat à la fois pour le
rendre plus fort et pour mettre en oeuvre une véritable décentralisation. Il
lui semblait que la société française était bloquée : blocage des rapports
sociaux, difficulté d'assurer l'adaptation de notre économie à la nouvelle
donne internationale, inquiétudes de la société qui s'était manifestée lors des
événements de mai 1968. Il pensait qu'il fallait offrir une autre perspective,
généreuse, positive, à la société française, pour qu'elle se prenne elle-même
en main et qu'elle reprenne confiance en elle.
En tant que ministre de l'emploi et de la solidarité, je veux me souvenir de
l'impulsion qu'il avait donnée pour rénover l'action sociale de l'Etat et le
dialogue avec les partenaires sociaux, en s'appuyant sur les conseils avisés de
quelques conseillers, dont vous avez fait partie, monsieur le président, et qui
étaient placés, je crois, sous l'autorité de Jacques Delors. Son action au
Gouvernement reste notamment marquée par la création du SMIC et par la relance
de la formation professionnelle.
Sans doute s'est-il heurté, à cette époque, au conservatisme de beaucoup ;
sans doute ne lui a-t-on pas laissé tout le temps nécessaire pour réussir
pleinement ; mais, en tout cas, le sillon qu'il a tracé demeure tangible
aujourd'hui encore, et c'est bien là la marque des grandes réussites.
M. le président.
Je vous remercie, madame la ministre, de vous être associée à l'hommage que
nous rendons à un grand Français.
Je vous invite maintenant, madame la ministre, mes chers collègues, à observer
une minute de silence.
(Mme le ministre, Mmes et MM. les sénateurs observent une minute de
silence.)
7
FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
POUR 2001
Discussion d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 2001 (n° 64, 2000-2001), adopté par l'Assemblée
nationale. (Rapport n° 67 [2000-2001] et avis n° 68 [2000-2001.])
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le président,
messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi
de financement de la sécurité sociale constitue un temps fort de l'action du
Gouvernement et de la discussion parlementaire, parce qu'il touche à la vie
quotidienne des Français et qu'évidemment il représente des enjeux sociaux,
économiques et financiers de premier plan.
Son passage au Sénat en première lecture, après son examen à l'Assemblée
nationale, va nous permettre, j'en suis sûre, des échanges approfondis sur les
principales mesures qu'il contient, et je sais à quel point la contribution des
sénateurs est importante pour le travail parlementaire.
Jusqu'à une période récente, les problèmes de sécurité sociale, vous en
conviendrez, ont été traités dans l'urgence financière. La situation du régime
général - le trop célèbre « trou » de la sécurité sociale - a conduit, au fil
des années, les responsables publics à élaborer de nombreux plans de
redressement. Les déficits furent importants, trouvant avant tout leur origine
dans le recul de la croissance enregistré au cours de la première moitié des
années quatre-vingt-dix.
Des décisions macro-économiques inadaptées intervenues entre 1993 et 1997
n'ont fait qu'approfondir la crise en croyant y porter remède : je veux parler
des hausses massives et successives de prélèvements qui ont frappé les ménages,
y compris les plus modestes, et qui ont handicapé le pouvoir d'achat, freiné la
consommation et accru le chômage.
Ce gouvernement a, dès 1997, voulu inverser cette tendance ; même si la
réussite n'est pas encore totale, la spirale est en tout cas inversée, ce dont
nous sommes fiers. L'un des succès de ce gouvernement est en effet d'avoir
redonné confiance aux Français.
Depuis 1997, l'économie française est sur un rythme de croissance moyen de 3
%, et les prévisions économiques du Gouvernement pour 2001 tablent, vous le
savez, sur une croissance de 3,3 %. Depuis 1997, le chômage a reculé d'une
façon qui n'avait jamais été observée jusqu'à présent, et 870 000 personnes ont
donc retrouvé un emploi.
Ce résultat essentiel pour nos concitoyens a été obtenu par le redémarrage de
la croissance mais aussi par des politiques spécifiques, et notamment - je veux
le souligner à nouveau - par la réduction négociée du temps de travail ainsi
que par les emplois-jeunes.
Nous sommes donc sortis de l'urgence financière. Après les lourds déficits de
1996 - 54 milliards de francs - et de 1997 - 33 milliards de francs - nous
avons renoué avec l'équilibre des comptes de la sécurité sociale dès 1999. Ce
bon résultat, nous le consolidons cette année et nous entendons le consolider
encore davantage l'an prochain.
Notre sécurité sociale sera en excédent de 16,2 milliards de francs en 2000 et
de 18,9 milliards de francs en 2001, selon les prévisions du projet de loi qui
vous est soumis. Pour l'ensemble des administrations sociales, l'excédent
atteindra 0,5 % de la richesse nationale en 2001. Les comptes sociaux
contribuent désormais à la maîtrise des déficits et au désendettement du
pays.
Mais l'assainissement des comptes n'est bien évidemment pas une fin en soi.
C'est un moyen qui permet d'améliorer notre système de protection sociale au
bénéfice de nos concitoyens. C'est la raison pour laquelle le projet de loi qui
vous est proposé comporte des mesures favorables aux familles et aux retraités.
Il améliore également sur plusieurs points la couverture maladie.
Il approfondit aussi la réforme du financement de la sécurité sociale que nous
avons conduite à travers la diversification de ses ressources et la réforme de
la contribution sociale généralisée, la CSG.
Enfin, plusieurs dispositions du présent projet de loi amplifient la politique
de réforme structurelle qui a été engagée et qui commence à porter ses
fruits.
Les choix que nous avons opérés seront discutés, ce qui est bien normal, car
il en va ainsi du jeu démocratique. Mais je pense et j'espère que nous pourrons
nous accorder sur les grandes priorités.
Nous ne pourrons pas aborder, lors des prochains jours, l'ensemble des
questions qui nous intéressent et, à cet égard, je pense notamment à la
politique de la santé. Le débat sur le projet de loi de financement de la
sécurité sociale est en effet enserré dans un cadre constitutionnel et
organique qui a été déterminé, je le rappelle, en 1996. Nous pouvons en
souligner les insuffisances ; le Gouvernement s'attache à corriger les plus
évidentes.
C'est ainsi que nous prévoyons d'organiser un débat annuel au Parlement sur la
politique de santé,...
M. Charles Descours,
rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres
financiers généraux et l'assurance maladie.
Cela a déjà été dit l'année
dernière !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... disposition que nous vous
présenterons dans le cadre du projet de loi de modernisation du système de
santé.
Mais, cette année encore, nous devons nous plier à l'exercice tel qu'il a été
conçu par nos prédécesseurs.
Mieux répondre aux aspirations des Français, améliorer notre protection
sociale, renforcer la qualité de notre système de santé, amplifier les réformes
structurelles tout en préservant l'équilibre, tels sont les principaux axes de
la politique que je compte conduire à travers ce projet de loi et au-delà, bien
entendu, et que je vais maintenant brièvement évoquer.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, que j'ai
l'honneur de vous présenter, comporte de nouvelles avancées sociales au profit
des familles, des retraités et des accidentés du travail, qui bénéficieront
ainsi, grâce à la solidarité nationale, des fruits de la croissance
retrouvée.
Nous vous proposons d'abord de mieux aider les familles en renforçant l'aide à
la petite enfance et l'aide au logement.
Les marges de manoeuvre retrouvées du fait de l'excédent de la branche famille
nous permettent en effet de mener une politique familiale de grande ampleur.
Cette politique repose sur trois principes : la concertation, l'identification
des priorités et leur financement.
Le Gouvernement entend bien, en effet, faire porter l'effort sur des priorités
fortes et dégager des financements appropriés, ce qui n'a pas toujours été le
cas.
Sans revenir sur les principales mesures prises par le Gouvernement ces
dernières années, je voudrais souligner que les actions décidées en faveur des
familles lors de la Conférence de la famille du 15 juin dernier montrent la
volonté du Gouvernement d'accélérer la rénovation de la politique familiale et
de mieux prendre en compte les préoccupations des familles.
C'est en effet à cette occasion qu'a été annoncé par le Premier ministre un
effort financier de grande ampleur - 10 milliards de francs - en faveur des
familles ; ce plan sera évidemment réalisé en cherchant à apporter des réponses
aux problèmes concrets que se posent les familles.
Nous ne dispersons pas l'effort public, nous le concentrons là où sont les
vrais besoins. C'est ainsi que nous avons voulu privilégier deux axes
principaux : les mesures en faveur de la petite enfance et les aides au
logement. Le projet de loi qui vous est soumis comporte ainsi plusieurs
avancées importantes en ce sens. Je citerai notamment, à cet égard, la création
d'une allocation parentale permettant aux parents d'enfants atteints de graves
maladies de demeurer aux côtés de ces derniers ; je citerai également la
création d'un fonds d'investissement pour les crèches, doté de 1,5 milliard de
francs, qui viendra soutenir les initiatives prises dans ce domaine, notamment
par les collectivités locales. Je mentionnerai aussi la réforme de l'aide à la
famille pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée, qui améliore, dans un
souci de justice sociale, l'aide apportée aux familles les plus modestes.
Enfin, les aides au logement, qui sont financées à la fois par l'Etat et par
la sécurité sociale, seront réformées, simplifiées et améliorées, permettant de
donner une portée pratique à ce droit au logement qui est l'une des priorités
du Gouvernement et l'un des objectifs principaux des associations de lutte
contre l'exclusion.
Par ailleurs - c'est le deuxième axe de ce projet de loi -, le Gouvernement
souhaite associer les retraités aux fruits de la croissance et mieux préparer
l'avenir des régimes de retraite.
Parmi les mesures proposées dans ce projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 2001 pour associer les retraités aux fruits de la
croissance, je citerai la proposition du Gouvernement de revaloriser les
pensions de 2,2 %, alors que l'inflation prévisionnelle s'élève à 1,2 %. Nous
donnons ainsi un coup de pouce qui porte à 1,3 % le gain de pouvoir d'achat des
retraités par rapport à 1997.
M. Claude Domeizel.
Voilà une bonne mesure !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
J'ai annoncé, au cours de la
première lecture de ce texte à l'Assemblée nationale, que le minimum vieillesse
serait revalorisé dans les mêmes proportions, c'est-à-dire de 2,2 %.
Par ailleurs, pour les retraités les plus modestes qui ne sont pas imposables
à l'impôt sur le revenu, le Gouvernement propose d'accorder un gain de pouvoir
d'achat supplémentaire et, à cette fin, de supprimer pour eux la contribution
pour le remboursement de la dette sociale, la CRDS, qui s'élève à 0,5 % ; cette
mesure devrait concerner près de 5 millions de retraités.
M. Claude Domeizel.
Voilà une deuxième bonne mesure !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Il nous cherche !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mais j'apprécie beaucoup ce
genre de remarques et j'en remercie Claude Domeizel !
(Sourires.)
Le Gouvernement souhaite non seulement associer les retraités - c'est approuvé
dans la partie gauche de l'hémicycle - aux résultats des fruits de la
croissance, mais également préparer l'avenir de nos systèmes de retraite.
(Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Alain Vasselle,
rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance
vieillesse.
C'est moins évident, cela !
M. Charles Descours,
rapporteur.
C'est dommage que la CNAV ait voté contre !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Ecoutez-moi, messieurs ! Vous
allez voir, puisque je vous sens impatients sur ce sujet !
Le Premier ministre a annoncé, en mars dernier,...
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Il annonce beaucoup de
choses !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... les orientations et le
calendrier de travail que nous nous étions fixés.
Le présent projet de loi comporte plusieurs dispositions destinées à accroître
les ressources du fonds de réserve des retraites pour mieux faire face aux
conséquences des évolutions démographiques de long terme et pour répondre à
notre principal objectif, qui est la consolidation des régimes de retraite par
répartition, système permettant le mieux d'assurer la solidarité entre les
générations.
Le fonds de réserve, créé en 1998, s'est vu affecter des ressources nouvelles
dès 1999 avec les excédents de la Caisse nationale d'assurance vieillesse, la
CNAV, et du fonds de solidarité vieillesse, la moitié du prélèvement de 2 % sur
les revenus du patrimoine, les contributions des caisses d'épargne et de la
Caisse des dépôts et consignations,...
M. Jean-Louis Carrère.
Ah oui !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... auxquels s'ajoute la
majeure partie des produits de la vente des licences de téléphonie mobile de
troisième génération.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Pas encore !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Si vous adoptez ce projet de
loi de financement de la sécurité sociale, mesdames, messieurs les sénateurs,
le fonds de réserve disposera ainsi de plus de 50 milliards de francs à la fin
de l'année prochaine.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Placés en bons du
Trésor !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Les ressources du fonds
s'accroissent donc, conformément aux engagements pris par le Gouvernement.
Avec les sources de financement actuelles, le fonds de réserve devrait
disposer de 1 000 milliards de francs en 2020, dont 300 milliards de francs
proviendront des intérêts financiers. Cette somme correspond à la moitié des
déficits prévisionnels des régimes de retraite entre 2020 et 2040. Il importe,
en effet, de réfléchir collectivement aux règles d'organisation et de placement
du fonds de réserve, et j'ai entendu à l'instant les remarques formulées à cet
égard par M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Absolument !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Le fonds est appelé à gérer
l'argent de nos concitoyens. Il devra le faire dans la transparence, en ayant
le souci de la bonne utilisation des deniers publics. Des dispositions en ce
sens figureront dans le projet de loi de modernisation sociale.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Nous les attendons !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Sur ces questions essentielles,
vos réflexions me seront évidemment très précieuses.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Nous ne manquerons pas
de vous les faire connaître !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je voudrais aussi souligner la
qualité et l'intérêt des travaux que le conseil d'orientation des retraites,
installé par le Premier ministre, a engagés. Ce conseil mène, vous le savez,
une concertation active avec les élus et les partenaires sociaux et explore
avec eux différents scénarios, différentes perspectives financières, compte
tenu de l'évolution - heureusement positive - de la croissance et de
l'emploi.
Le conseil d'orientation des retraites fera des propositions sur la base des
consultations qu'il mène pour tous les régimes et le Gouvernement prendra, sur
ces bases, ses décisions.
Notre volonté, je le redis, est de défendre les retraites des Français et,
pour cela, de garantir les régimes par répartition, gage de la solidarité entre
les générations.
Comme preuve de cette volonté, le Gouvernement a accepté que l'abrogation de
la loi Thomas soit incluse dans ce projet de loi de financement de la sécurité
sociale, et l'Assemblée nationale y a procédé en première lecture. Je me
réjouis d'ailleurs de voir que l'opposition se rallie, dans ses propositions, à
la consolidation des régimes de retraite par répartition...
M. Charles Descours,
rapporteur.
Elle l'a toujours dit !
M. Jacques Oudin,
rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Elle n'a jamais été contre !
M. Jean-Pierre Fourcade.
Elle s'y est toujours ralliée !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mais c'est vous qui avez fait
voter la loi Thomas en 1996 !
J'espère que nous allons nous retrouver sur cet objectif, évidemment essentiel
pour la majorité.
Préparer l'avenir, c'est aussi proposer une réforme de la prestation
dépendance.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Ah oui !
M. Guy Fischer.
Cette réforme est attendue !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Vous devriez être attentifs sur
ce point, parce que cela concerne plusieurs d'entre vous qui sont président de
conseil général en même temps que sénateur.
Le Gouvernement s'est prononcé pour la création d'une prestation autonomie qui
corrige les défauts de l'actuelle prestation dépendance. Cela permettra
d'aborder dans de meilleures conditions cette autre question qui est posée
aujourd'hui par le vieillissement et qui fait qu'un nombre toujours plus grand
de personnes âgées a besoin d'assistance dans la vie quotidienne.
Nous travaillons ainsi sur tous les aspects de la question posée par le
vieillissement de la population : mieux prendre en charge les personnes âgées
dépendantes, consolider les retraites par répartition et faire de la retraite
un âge heureux de la vie.
Le troisième axe de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est
la mise en place d'une meilleure indemnisation des victimes d'accidents du
travail et de maladies professionnelles.
Ce gouvernement a conduit un important travail pour améliorer la
reconnaissance et la réparation des accidents du travail et des maladies
professionnelles. Je pense au raccourcissement des délais de réponse des
caisses, à la réforme du tableau des maladies professionnelles, ou encore aux
garanties sur les délais de réponse aux victimes. Nous connaissons tous, en
effet, les souffrances qu'endurent les victimes de l'amiante et le drame que
vivent ceux qui leur sont proches.
Nous avons déjà pris un certain nombre de mesures particulières en faveur de
ces victimes, comme le dispositif de cessation anticipée d'activité pour les
travailleurs de l'amiante.
Cette année, le Gouvernement vous propose d'aller plus loin en adoptant une
réforme décisive : au nom de la solidarité nationale, il nous paraît en effet
fondamental que la collectivité accorde aux victimes de l'amiante une juste
réparation.
Le Gouvernement a donc décidé - et vous propose - de créer un fonds
d'indemnisation financé par les employeurs, via la branche des accidents de
travail, et par le budget de l'Etat. Ce fonds sera doté de 2 milliards de
francs dès 2001.
Mais il est vrai que le drame de l'amiante a aussi montré les limites de la
législation sur les accidents du travail et les maladies professionnelles en
matière d'indemnisation, ainsi que la lourdeur des procédures.
C'est pourquoi le Gouvernement a demandé au président de la commission
spécialisée du conseil supérieur de prévention des risques professionnels, en
charge des maladies professionnelles, de lancer dans les plus brefs délais une
réflexion large sur la réparation des risques professionnels, en concertation
étroite avec l'ensemble des partenaires concernés.
Le quatrième axe de ce projet est l'amélioration de la qualité de notre
système de santé, tout en maîtrisant correctement l'évolution des dépenses.
L'objectif qui vous est proposé pour 2001 a été fixé en ayant pour but de
renforcer l'efficacité de notre système de santé en tenant compte, à la fois,
du cadre économique et financier de la nation et de l'impact des politiques
structurelles que nous avons lancées.
Le Gouvernement a retenu un objectif national de dépenses d'assurance maladie
pour 2001 de 693,3 milliards de francs, en progression de 3,5 % par rapport à
2000. Cette progression, plus rapide que celle qui vous avait été proposée pour
cette année, est cohérente avec la situation économique et financière générale
de notre pays et permet de financer de nouvelles avancées dans la qualité de
notre système de santé et de la couverture maladie.
Quels sont, sur cette base, les principaux objectifs que nous vous proposons
?
D'abord, il s'agit de répondre aux priorités de santé publique. Je pense,
notamment, au plan « cancer » et au plan « greffes ». Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat à la santé, reviendra plus longuement sur ces politiques. Je
souhaite, en particulier, que l'effort en faveur du dépistage systématique de
certains cancers à risques soit amplifié.
Nous souhaitons également répondre efficacement aux progrès de la connaissance
médicale, notamment en matière de réduction des risques sanitaires : je pense,
en particulier, à la maladie de Creutzfeldt-Jakob et à son nouveau variant.
Un effort particulier sera fait, commes les années précédentes, en faveur des
établissements médico-sociaux pour accompagner le développement du nombre de
places pour les personnes handicapées et la médicalisation des établissements
pour personnes âgées dépendantes. Ce secteur verra ses crédits progresser de
5,8 %.
Quant aux budgets hospitaliers, ils augmenteront de 3,3 %, au lieu de 2,5 %
cette année. C'est ce même taux qui est retenu pour les cliniques privées,
marquant en cela le souci du Gouvernement de répondre aux questions qui se
posent aujourd'hui dans l'hospitalisation privée.
S'agissant des soins de ville, ils pourront progresser de 3 %, au lieu de 2 %,
cette année. Les caisses d'assurance maladie et les professionnels de santé
devront gérer cet objectif de façon responsable, avec le souci d'infléchir
durablement les tendances en matière de dépenses de ville. Les outils
structurels de maîtrise des dépenses et d'amélioration de la qualité des soins
existent ; il faut qu'ils s'en saisissent !
Nous avons également fixé l'objectif pour 2001 en tenant compte de l'évolution
des dépenses observées cette année.
Cette année, le dépassement de l'ONDAM devrait atteindre 1,6 % par rapport à
l'objectif fixé de 658,3 milliards de francs l'an dernier, en prenant en compte
les reports de dépenses de la fin de 1999. Le dépassement pour 2000 s'élèvera
donc à 11 milliards de francs.
Au total, les dépenses d'assurance maladie devraient évoluer, cette année, à
un rythme un peu supérieur à 4 %.
Quelles sont les causes de ce dépassement ?
Cette année encore, les soins délivrés en ville sont responsables de ce
phénomène : le médicament à hauteur de 6,2 milliards de francs, les honoraires
de certaines professions de ville pour 3,8 milliards de francs, les indemnités
journalières pour 1,7 milliard de francs, et les divers produits médicaux
inscrits au tarif interministériel des prestations sanitaires, le TIPS, pour
1,6 milliard de francs.
Pour autant, je voudrais souligner que la part de nos dépenses de santé dans
la richesse nationale est restée stable puisque, depuis 1997, elle se situe
autour de 10 % du produit intérieur brut, alors qu'elle continuait d'augmenter
chez certains de nos partenaires, qu'il s'agisse des Etats-Unis, de l'Allemagne
ou du Royaume-Uni.
Je suis très attachée à ce que notre système de santé soit préservé tout en se
réformant dans la concertation, parce qu'il conjugue une grande liberté au
profit de ses acteurs, une grande exigence de solidarité et une recherche
permanente de la qualité des soins. C'est, sans doute, l'un des meilleurs
systèmes au monde !
A la lueur des expériences étrangères, nous savons d'ailleurs qu'il n'existe
pas de système idéal permettant d'assurer une maîtrise parfaite des dépenses
avec un niveau optimal de qualité des soins. Seul le système anglais paraît
assurer une telle maîtrise des dépenses, mais à quel prix : la maîtrise
systématique des dépenses a conduit, ces dernières années, à de tels
rationnements des soins dans ce pays que le gouvernement travailliste de Tony
Blair s'efforce, à l'heure actuelle, de moderniser ce système en profondeur
!
Pour autant, je tiens à le souligner, la maîtrise des dépenses de santé est
une nécessité, et elle suppose la responsabilité de chacun des acteurs, qu'il
s'agisse de l'Etat, au premier chef, mais aussi des caisses d'assurance
maladie, des praticiens libéraux et des malades eux-mêmes.
Il me paraît plus que jamais nécessaire, à cet égard, que les objectifs votés
par le Parlement soient respectés, car je pense que c'est en maîtrisant mieux
les dépenses que nous trouverons les marges de manoeuvre permettant de couvrir
de nouveaux besoins et d'améliorer le niveau de protection de nos concitoyens.
Chaque franc dépensé doit l'être à bon escient. Les dépenses qui ne répondent
pas aux besoins réels, ce sont des cotisations en trop ou des dépenses
justifiées en moins ! Il nous faut donc poursuivre l'effort de longue haleine
entrepris en matière de réformes structurelles.
C'est d'abord le cas à l'hôpital. Nous menons une politique active de
recomposition du tissu hospitalier autour de trois priorités : la réduction des
inégalités dans l'accès aux soins, l'adaptation de l'offre de soins aux besoins
de la population, la promotion de la qualité et la sécurité des soins.
En particulier, la réflexion pour fonder la tarification des établissements de
santé sur les pathologies traitées est engagée, à la suite des dispositions que
vous avez votées l'an dernier.
Nous devons disposer de données d'activité hospitalière fiables et rapidement
disponibles. A cette fin, nous vous proposons de créer une agence technique de
l'information sur l'hospitalisation.
En matière de sécurité sanitaire, des mesures importantes seront prises en
2001 pour améliorer la qualité des procédures de désinfection et de
stérilisation et développer l'utilisation de dispositifs médicaux à usage
unique, mesures très importantes auxquelles nous allons donner une ampleur sans
précédent.
Le Gouvernement accompagne de manière significative ce mouvement de
recomposition de l'offre hospitalière par le fonds de modernisation sociale des
établissements de santé, le FMES, dont la création est proposée dans le présent
projet de loi.
Les réformes structurelles doivent également s'appliquer aux dépenses de
médicaments.
Ces dépenses progressent de 6 % à 7 % cette année, soit une évolution très
proche de celle de l'année précédente. Il est vrai que la France ne constitue
pas, dans ce domaine, une exception, puisque la plupart des pays occidentaux
connaissent une évolution encore plus rapide des dépenses de médicaments. Il
faut dire cependant que, si nous ne nous distinguons pas sur le plan des flux,
le niveau de notre consommation médicale est beaucoup plus élevé que dans
nombre de pays voisins.
Plusieurs réformes engagées porteront leurs fruits dès 2001, et plus encore
les années suivantes.
Le développement des génériques s'amorce. Nous ferons dans les prochains jours
avec les pharmaciens un bilan précis de la progression des médicaments
génériques et des économies dont la sécurité sociale a bénéficié.
L'année 2000 marque une nouvelle étape avec l'achèvement de la procédure de
réévaluation des médicaments. La commission de la transparence a examiné
l'efficacité médicale de près de 2 663 spécialités, ce qui représente plus des
deux tiers des spécialités pharmaceutiques françaises.
Nous avons, sans tarder, tiré les conséquences de ces travaux en ajustant le
taux de remboursement de certaines spécialités. Parallèlement, le comité
économique a conduit avec les laboratoires concernés des négociations pour
faire baisser les prix des spécialités dont le SMR, le service médical rendu, a
été jugé insuffisant.
Les spécialités dont le SMR a été jugé insuffisant ne seront, à terme, plus
remboursées. Cela ne doit cependant pas se faire dans la précipitation. Il
importe de donner aux patients, aux prescripteurs, mais aussi aux laboratoires,
le temps de s'adapter aux changements qui s'annoncent. A l'issue d'une période
transitoire 2000, 2001, 2002, les médicaments à SMR insuffisant sortiront du
remboursement.
Certains articles du projet de loi qui vous est soumis accompagnent cette
évolution, notamment - et c'est très important - en facilitant le recours à la
publicité pour les médicaments qui ne seront plus pris en charge par
l'assurance maladie, et surtout en apportant aux médecins une autre information
que celle dont ils disposent aujourd'hui et qui, nous le savons tous, est
essentiellement diffusée par l'industrie pharmaceutique, avec des moyens
considérables. Il suffit, pour s'en convaincre, de rappeler que les dépenses de
promotion pharmaceutique des laboratoires dépassent 12 milliards de francs. Que
ne pourrait-on faire avec ces 12 milliards de francs ?
Aujourd'hui, nous souhaitons apporter non pas une information d'Etat mais une
information neutre, validée scientifiquement, sur le bon usage du médicament.
Ainsi, un groupe confraternel d'information des prescripteurs sera
prochainement mis en place par le Gouvernement. Dès cette année, nous lui
donnerons les moyens de fonctionner. A cette fin, nous vous proposons de créer
un fonds de promotion de l'information médicale, alimenté par une fraction de
la taxe sur la promotion pharmaceutique.
Enfin, nous vous proposons de modifier la contribution de l'industrie
pharmaceutique que l'on appelle la « clause de sauvegarde ». Son mode de calcul
a aujourd'hui besoin d'être revu, car il comporte des effets de seuil peu
lisibles. L'Assemblée nationale a contribué à améliorer encore la lisibilité et
l'efficacité de cette clause.
Comme les gestionnaires de la CNAM l'ont souhaité, la régulation des dépenses
des professionnels exerçant en ville repose, depuis le projet de loi de
financement de la sécurité sociale pour 2000, sur une large délégation de
gestion aux caisses d'assurance maladie. Elles doivent ainsi gérer, de façon
concertée et négociée, les dépenses d'honoraires, de biologie et de transport
sanitaire. Dans ces secteurs aussi, la maîtrise structurelle doit
s'appliquer.
Un amendement adopté par l'Assemblée nationale est venu améliorer la rédaction
de la loi ; je ne peux que m'en féliciter. Il est normal que ce dispositif se
rôde et que les modifications que souhaite le Parlement puissent y être
apportées, lorsqu'elles se révèlent utiles.
Les professionnels demandaient la possibilité de s'engager avec les caisses
sur des actions permettant de sortir d'une régulation qui serait purement
financière. Nous leur avons donné de nombreux outils pour ce faire. Il faut
maintenant que ces mécanismes fonctionnent pleinement.
Il en va ainsi des réseaux et, plus largement, des actions améliorant la
qualité des soins. Le fonds d'aide à la qualité des soins de ville, créé à cet
effet, commence heureusement à fonctionner.
Parallèlement à la concrétisation des réformes structurelles, nous voulons
poursuivre une politique déterminée d'amélioration de la couverture maladie de
nos concitoyens.
Ce sont là les mesures qui concernent la couverture maladie universelle.
D'ores et déjà, 4 700 000 personnes ont pu avoir accès à ce nouveau droit, soit
beaucoup plus que les 2 800 000 bénéficiaires de l'ancienne aide médicale. Je
me félicite, à ce propos, de la mobilisation de l'ensemble des acteurs :
professionnels de santé, caisses d'assurance maladie, collectivités locales,
organismes de couverture complémentaire et associations humanitaires.
A l'Assemblée nationale, j'ai annoncé le relèvement du seuil de 3 500 à 3 600
francs et le prolongement des droits des anciens bénéficiaires de l'aide
médicale jusqu'à la fin juin, au lieu du 31 octobre. Cette disposition nous
permettra d'étendre la CMU à 300 000 personnes suppplémentaires et également de
mieux traiter les cas des personnes qui risqueraient d'être exclues du
dispositif. Je suis convaincue que nous pourrons trouver, avec les conseils
généraux qui sont concernés, les mesures indispensables à cette fin.
Nous avons également dégagé 10 milliards de francs pour l'hôpital sur trois
ans, dont 2 milliards de francs dès cette année pour faire face aux
remplacements. Nous améliorons l'équipement sanitaire de la France en appareils
d'imagerie à résonance magnétique.
Nous favorisons la vaccination des personnes âgées contre la grippe, nous
facilitons l'accès des femmes à la contraception, nous développons la prise en
charge des prothèses auditives pour les sourds et des lunettes, notamment pour
les seize à dix-huit ans. Cela résulte, là encore, d'un amendement adopté à
l'Assemblée nationale.
Nous mettons en oeuvre un ambitieux programme de lutte contre le cancer, qui
propose pour la première fois une approche intégrée organisant la mobilisation
de tous les acteurs, de la recherche à la prise en charge des personnes malades
et de leurs familles. Ce plan représente un engagement de 1,8 milliard de
francs.
Nous améliorons, par ailleurs, la nomenclature des actes des professionnels
exerçant en ville : mieux adaptée aux évolutions de la pratique, elle autorise
le remboursement de nouveaux actes. C'est ainsi que nous avons travaillé avec
les infirmières, dont la nomenclature a été revue à trois reprises.
L'introduction du projet de soins infirmiers, voulue par les caisses et
certains syndicats - à vrai dire tous, comme j'ai pu m'en rendre compte, sous
réserve de discussions sur les modalités - constitue un progrès pour les
personnes dépendantes, en renforçant l'autonomie des professionnels.
De même, pour les masseurs-kinésithérapeutes, un grand pas a été franchi avec
la publication de la nouvelle nomenclature, très attendue par la profession.
Sur les soins dentaires, dans l'attente des conclusions de M. Michel Yahiel,
deux nouveaux actes vont être admis au remboursement, anticipant sur la refonte
complète de la prise en charge.
Enfin, les non-salariés non agricoles bénéficient d'une amélioration de la
couverture maladie. Il y aura donc désormais un socle commun entre le régime
général, les régimes des exploitants agricoles et des salariés agricoles et
ceux des professions indépendantes.
Enfin, dernier axe de ce projet de loi, nous entendons franchir une nouvelle
étape en matière de réforme du financement de la sécurité sociale.
C'est ainsi que le projet de loi qui vous est soumis comporte une mesure
importante d'allégement de la CSG et de la CRDS pour les ménages modestes.
Le Gouvernement vous propose en effet d'instituer une ristourne dégressive de
CSG et de CRDS, comprise entre 1 et 1,3 fois le SMIC, ce dernier seuil ayant
été porté à 1,4 fois par amendement à l'Assemblée nationale.
Cette mesure se déploiera au cours des trois prochaines années et
représentera, au terme de ces trois ans, l'équivalent d'un treizième mois pour
les smicards.
A travers cette mesure, le Gouvernement vise trois objectifs.
Tout d'abord, réduire l'écart entre salaire brut et salaire net. C'est, je le
sais, une préoccupation que partagent nombre d'entre vous, et pas seulement,
semble-t-il, dans la majorité. En 2003, le SMIC net sera relevé de 540 francs
par mois.
Ensuite, accroître le pouvoir d'achat. Beaucoup d'inexactitudes ont été
entendues sur ce sujet. Au total, depuis 1997, le pouvoir d'achat par tête
s'est accru de 1,1 % par an en moyenne. En particulier, la suppression des 4,8
points de cotisations maladies, auxquels se sont substitués 4,1 points de CSG,
a permis de distribuer du pouvoir d'achat aux salariés. Au total, depuis 1997,
le SMIC net s'est déjà accru de l'équivalent d'un treizième mois. Avec la
mesure que nous vous proposons ici, c'est donc un avantage du même ordre, en
termes de gain de pouvoir d'achat, qui sera consenti aux smicards d'ici à
2003.
Enfin, troisième objectif, il convient de lutter contre les « trappes à
inactivité ». Cette mesure renforce en effet l'attrait du revenu d'activité par
rapport aux minima sociaux et complète ainsi une série de dispositions déjà
prises par le Gouvernement pour rendre financièrment moins pénalisant le retour
à l'emploi, qu'il s'agisse de la réforme des dégrèvements de la taxe
d'habitation, de la réforme des aides au logement ou de la mise en place de
l'intéressement des RMistes, qui permet le cumul d'un revenu d'activité et de
l'allocation pendant un an. Vous l'avez compris, cette mesure de ristourne
dégressive de la CSG et de la CRDS a un seul but : l'emploi.
En conclusion, mesdames, messieurs les sénateurs, je crois que nous pouvons
nous réjouir de la poursuite de l'assainissement financier de la sécurité
sociale.
Le redressement des comptes est, d'abord, le fruit des réformes structurelles
que nous avons patiemment engagées. C'est ce qui nous permet de faire
progresser les acquis sociaux, aussi bien en matière de santé qu'en matière de
mesures en faveur des familles, des retraités ou des victimes d'accidents du
travail, et je ne doute pas que les précisions que je viens d'apporter
conduiront M. Descours à modifier le jugement qu'il a cru devoir porter devant
la presse voilà quelques jours.
J'attends naturellement avec intérêt son discours, dans lequel il ne manquera
certainement pas de souligner l'évolution des politiques par rapport à celles
qui ont été menées, dans une période antérieure, par une majorité qu'il
soutenait.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Charles Descours,
rapporteur.
Vous ne serez pas déçue, madame le ministre !
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, Mme la ministre vient de le dire,
l'équilibre des comptes de la sécurité sociale a été atteint. Cet objectif
était délibérément visé, et nos concitoyens souhaitaient qu'on l'atteigne, car
ils savent que, sans cet équilibre, il n'y a ni d'égalité, ni qualité, ni
justice dans l'accès aux soins.
Nous n'ignorons pas le mécontentement qu'expriment certains professionnels de
santé, pas plus que les efforts réalisés par nombre d'entre eux pour nous aider
à atteindre cet objectif d'équilibre.
Mais parce que cet équilibre est encore fragile - la branche maladie continue
à être déséquilibrée - nous veillerons à ce qu'aucun dérapage ne vienne le
compromettre. Le fait qu'il soit retrouvé nous permet en tout cas de parler
aujourd'hui avec sérénité de la santé publique.
Longtemps sous-estimée, la définition claire d'une politique de santé publique
est devenue en quelques années une exigence des élus, des professionnels et, de
façon encore plus large, des usagers et des citoyens.
Même si, cette année, l'exercice nous conduit encore à parler surtout des
comptes de la sécurité sociale, je vais, puisque vous m'y encouragez,
développer rapidement les grands axes de cette politique de santé publique que
poursuit le Gouvernement et qui sont les suivants : rendre égal l'accès aux
soins, renforcer la sécurité, développer la transparence et le droit des
malades, développer la prévention et l'éducation pour la santé, continuer
d'améliorer la prise en charge des malades.
Premier axe, donc, rendre égal l'accès aux soins.
Désormais, l'ensemble de nos concitoyens bénéficient d'un accès aux soins de
santé grâce à la mise en oeuvre de la CMU et grâce aussi à la prolongation du
dispositif d'aide médicale gratuite, ce qui permettra d'adapter les dispositifs
les uns par rapport aux autres.
Par ailleurs, l'élaboration des programmes régionaux d'accès à la prévention
et aux soins, les PRAPS, a dynamisé la mobilisation de l'ensemble des
intervenants dans le domaine de l'accès aux soins.
Les hôpitaux, quant à eux, ont mis en place des permanences d'accès aux soins
de santé, les PASS, qui permettent l'accès à des consultations à tout moment.
Près de 300 permanences d'accès aux soins ont été financées en 1999, et nous
renforcerons les moyens de ces permanences l'année prochaine.
J'en viens au deuxième axe, à savoir le renforcement de la sécurité.
Vous le savez, le besoin de sécurité sanitaire est une exigence forte de nos
concitoyens. Le 1er janvier dernier, la mise en place, prévue par la loi, de
l'établissement français du sang est venue renforcer le dispositif de
prévention sanitaire prévu par le législateur en juillet 1998. Ce dispositif
sera prochainement complété par la création de l'agence de sécurité sanitaire
environnementale, chargée d'expertiser et d'évaluer l'impact potentiel des
perturbations de l'environnement sur la santé humaine.
En trois ans, la France se sera dotée d'un dispositif permettant l'évaluation
scientifique, la gestion des risques et la transparence des décisions. Ce
dispositif permet à la France d'impulser, grâce à un savoir-faire et à une
expérience reconnus, une politique européenne de sécurité sanitaire.
Nous poursuivons, par ailleurs, les programmes de lutte contre les infections
nosocomiales et les accidents iatrogènes. Les techniques de fonctionnement de
la sécurité anesthésique, de l'accueil et du traitement des urgences sont
progressivement encadrées.
Le troisième axe consiste à développer la transparence et les droits des
malades.
Nos concitoyens souhaitent un système de soins plus transparent et plus ouvert
à leur propre participation, nous le savons tous.
Le développement de l'accréditation contribue à cet effort. L'Agence nationale
d'accréditation et d'évaluation en santé, l'ANAES, a rendu publics, en juin
2000, les premiers comptes rendus d'accréditation : en juillet, quelque 186
établissements de santé étaient engagés dans la procédure d'accréditation.
A la suite des états généraux de la santé, qui ont montré la forte attente de
la population, nous proposerons, dans les semaines qui viennent, à travers le
projet de loi de modernisation du système de santé, une réponse aux attentes
exprimées, en suivant les conclusions du Premier ministre lors de la clôture de
ces états généraux.
Alors que la science, la médecine ont beaucoup progressé et ont permis un
accroissement important de la longévité, la prévention doit maintenant être au
centre de notre système de santé.
Il convient, tout d'abord, de lutter contre les maladies infectieuses, en
poursuivant le programme national de lutte contre l'hépatite C. En 2001, ce
programme de dépistage et de prévention sera renforcé, en particulier en
direction des usagers de drogues, des personnes détenues et des professionnels
réalisant des tatouages et du piercing.
Nous continuerons avec détermination la lutte contre le sida. En 2001, nous
allons renforcer les actions à destination des publics les plus vulnérables, à
savoir les femmes, les populations migrantes et les jeunes.
Pour améliorer la prise en charge des personnes malades en situation de
précarité, nous proposons le transfert du dispositif expérimental d'appartement
de coordination thérapeutique destiné aux personnes atteintes du sida dans le
cadre commun de la loi de 1975 relative aux institutions médico-sociales.
Ensuite, nous prenons en charge et nous prévenons les pratiques addictives. Il
s'agit, avant tout, du tabagisme et de l'abus d'alcool. Si nous ne réussissons
pas à inverser la tendance, il s'agira probablement dans les prochaines années
des causes empêchant la progression de l'espérance de vie.
En ce qui concerne la lutte contre le tabagisme, nous poursuivons les actions
annoncées en mai 1999 selon trois axes : le renforcement de l'information de la
population, l'aide au sevrage tabagique et la protection des non-fumeurs.
Le délistage des produits de substitution nicotiniques a ainsi permis de
doubler le nombre de tentatives de sevrage. Quand on sait qu'un fumeur sur deux
déclare avoir envie d'arrêter de fumer, nous devons nous appuyer sur cette
détermination pour protéger la santé de nos concitoyens.
Pour consolider les consultations de prévention individuelle de l'alcoolisme
réalisées dans les structures d'hébergement, nous proposons une prise en charge
par l'assurance maladie des organismes locaux chargés de ces consultations.
Ces efforts s'inscrivent dans la poursuite des objectifs fixés par le plan
triennal de lutte contre la drogue et de prévention des dépendances adopté en
juin 1999.
D'autres programmes de prévention tout aussi importants sont mis en oeuvre.
Sans entrer dans le détail, je citerai ceux qui concernent la prévention du
suicide, que j'ai présenté à Nantes à la fin du mois de septembre,
l'application de la loi du 23 mars 1999 relative à la protection de la santé
chez les sportifs et à la lutte contre le dopage, enfin, la nutrition, qui est
le thème prioritaire de santé publique porté par la France pendant sa
présidence européenne et qui sera le thème d'un colloque européen en décembre
prochain.
Nous allons continuer d'améliorer la prise en charge des malades, et tout
d'abord des malades atteints d'un cancer. C'est une priorité essentielle de
santé publique car chaque année 250 000 nouveaux malades sont diagnostiqués.
Le dispositif français dans ce domaine n'est pas suffisamment organisé. La
Cour des comptes l'a relevé dans le rapport qu'elle nous a remis au début de
cet automne. En février dernier, Martine Aubry et moi-même avons annoncé un
ambitieux programme national qui s'articule autour de cinq axes, que Mme Guigou
vous a rappelés tout à l'heure.
L'un des axes attendu de ce programme concerne le dépistage généralisé des
cancers du sein, du col de l'utérus et colorectal. En juillet dernier, la
circulaire précisant les modalités du dépistage du cancer du sein a été publiée
; celle concernant le cancer colorectal le sera dans les semaines qui viennent.
Les discussions tarifaires sont en cours. Ces programmes vont donc pouvoir se
généraliser comme prévu, progressivement, en garantissant l'égalité d'accès à
toutes les personnes.
Pour compléter ce dispositif de lutte contre le cancer, une ambitieuse
politique de santé publique du prélèvement et de la greffe a été engagée
parallèlement. La greffe ne peut réussir que s'il y a prélèvement et
disponibilité du greffon. En ce domaine, nous devons faire un gros effort pour
sensibiliser nos concitoyens à cet acte de solidarité majeur.
Nous poursuivons par ailleurs les programmes que nous avions annoncés : lutte
contre la douleur, développement des soins palliatifs, organisation de
l'hospitalisation à domicile.
En ce qui concerne la santé des femmes, vous connaissez l'engagement du
Gouvernement dans ce domaine. Je rappellerai simplement notre volonté de
garantir l'accès à l'IVG et à la contraception et les projets de loi visant à
revoir et à moderniser les lois Neuwirth et les lois Veil.
En matière de santé mentale, au-delà du programme d'actions concernant la
prévention du suicide que j'ai évoqué, nous avons entamé une large réflexion
nationale dans le domaine de la santé mentale.
L'attente de nos concitoyens évolue en ce domaine alors que l'image
traditionnelle de la psychiatrie accuse un décalage grandissant, qui se
manifeste désormais aussi par une désaffection des professionnels de santé pour
la psychiatrie publique du secteur, qu'il s'agisse des médecins ou des
infirmières.
Nous souhaitons donc travailler avec tous les professionnels à une intégration
renforcée du dispositif de prise en charge des maladies mentales dans le
dispositif général de l'offre de soins.
Avant de conclure, j'aimerais rappeler deux autres programmes qui me tiennent
à coeur.
Il s'agit, en premier lieu, de la prise en charge des enfants dysphasiques et
dyslexiques - vous savez que 4 % à 5 % des enfants sont concernés. Avec le
ministre de l'éducation nationale, nous avons mis en place un plan d'actions
qui permettra une prévention de ces troubles du langage, un diagnostic plus
rapide, plus sûr, et une meilleure prise en charge.
Il s'agit, en second lieu, de la santé des personnes détenues. Depuis trois
ans, nous avons renforcé l'accès aux soins, développé la prévention des
pratiques addictives et amélioré le dépistage du VIH et des hépatites. Avec
Elisabeth Guigou, nous souhaitons renforcer ces actions en permettant, en
particulier, que les personnes détenues qui en ont besoin puissent être
hospitalisées dans de bonnes conditions, dans des conditions dignes de la
personne humaine. A cette fin, l'installation d'unités sécurisées
interrégionales a été décrétée dans huit centres hospitalo-universitaires.
Par ailleurs, nous avons engagé la définition de guides de bonnes pratiques
pour la prise en charge, l'accompagnement et le suivi de patients atteints de
maladies rares et pourtant très graves, ainsi que de leur famille.
Telles sont, en quelques mots, les grandes lignes de la politique de santé
publique que nous menons. Je suis convaincue que cette politique va dans le
sens des aspirations et des besoins de nos concitoyens. Elle participe à
l'amélioration des conditions de santé de tous. Je suis également convaincue
que nous devons aujourd'hui nous engager résolument dans la modernisation de
notre système de santé, une modernisation voulue et comprise par tous les
professionnels de santé et qui doit se traduire par une plus large place faite
aux usagers et aux malades.
Aujourd'hui, par la politique que nous menons, et notamment par la loi de
lutte contre les exclusions, nous avons contribué à faire reculer les
inégalités de santé. Demain, pour aller plus loin, nous devons introduire plus
de démocratie au coeur du système de santé. Je sais que cet idéal rencontre
l'adhésion de beaucoup d'entre vous et je vous en remercie.
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du
RDSE).
M. le président.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres
financiers généraux et l'assurance maladie.
Madame le ministre, je
voudrais d'abord vous souhaiter la bienvenue au Sénat dans vos nouvelles
fonctions, mais vous dire que le texte que vous avez à défendre pour la
première fois dans cet hémicycle souffre de beaucoup de critiques partagées par
de nombreuses personnes.
(Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Guy Fischer.
C'est exagéré !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Il est dommage - et je m'adresse également à l'opposition
sénatoriale - que les conseils d'administration des caisses et les
professionnels de santé n'aient pas lu avec les mêmes lunettes que vous, si
j'ose dire, le projet de loi que vous nous proposez.
(Sourires).
Je rappelle en effet, au cas où quelqu'un dans cet hémicycle l'aurait oublié,
que les quatre conseils d'administration des caisses ont tous, à l'unanimité -
j'insiste - voté contre le projet de loi de financement de la sécurité
sociale.
Quant aux professionnels de santé, il faut croire que tous les efforts que
vous nous avez déclaré vouloir faire, madame le ministre, en faveur des
kinésithérapeutes, des infirmiers et des médecins ne sont pas arrivés jusqu'à
eux puisqu'ils ont fait une journée « santé morte » le 26 octobre, jour où vous
inauguriez vos nouvelles fonctions à l'Assemblée nationale. Et les spécialistes
fermeront leur cabinet à partir du 15 novembre.
Votre discours introductif ne m'a pas, pour ma part, convaincu, mais peut-être
convaincra-t-il les professionnels de santé...
La sécurité sociale est en excédent - c'est vrai - pour la première fois
depuis dix ans.
Au-delà de cette bonne nouvelle, que personne ne conteste, pouvons-nous dire
que la France dispose d'une sécurité sociale en meilleure santé ? Je ne le
pense pas et je souhaiterais, à cet égard, faire deux observations sur les
années 1999 et 2000.
Première observation, le redressement des comptes a été fragile. Il s'explique
par une forte augmentation de la masse salariale grâce au dynamisme de la
création d'emplois et malgré la modération salariale,...
M. Claude Domeizel.
C'est bien de le reconnaître !
M. Charles Descours,
rapporteur.
... ce qui s'explique, selon le Gouvernement lui-même, par la
mise en place des trente-cinq heures.
Le Gouvernement rappelle que le redressement de la sécurité sociale est à
porter à l'actif non seulement de la croissance, mais également des « mesures
structurelles » ; madame la ministre, vous venez de nous le redire. Toutefois,
ces « mesures stucturelles » ne sont pas des mesures d'économie, mais
correspondent à l'affectation de nouveaux prélèvements à la sécurité
sociale.
Il faut souligner que pour ces deux raisons - mesures structurelles et forte
augmentation de la masse salariale - la sécurité sociale bénéficie de ce que
nous appelons, probablement abusivement, une « cagnotte sociale ». De
prélèvement obligatoire en prélèvement obligatoire, cette « cagnotte sociale »
se serait élevée à 7 milliards de francs en 1999 et à 12,5 milliards de francs
en 2000.
Même limitée - surtout en comparaison de la « cagnotte fiscale » ! - force est
de constater que cette « cagnotte sociale » a été utilisée intégraleme nt pour
financer le dérapage des dépenses maladie, sur lesquelles je reviendrai dans un
instant.
Le régime général, je l'ai dit, est équilibré en 1999. Mais le contenu de cet
équilibre a été profondément modifié : alors que la loi de financement
prévoyait un équilibre de la branche maladie, celle-ci a connu un déficit de 9
milliards de francs. L'excédent des branches vieillesse, famille et accidents
du travail vient masquer ce déficit, mais il est clair qu'en additionnant des
choux et des navets - au mépris d'ailleurs de la loi de 1994, qui instaurait
l'indépendance des branches - nous arrivons à l'équilibre de la sécurité
sociale que Mme Aubry a présenté à la commission des comptes. Mais personne ne
doit perdre de vue que l'assurance maladie est, en réalité, en déficit de 9
milliards de francs.
En 2000, le régime général disposerait d'un excédent global de 3,4 milliards
de francs : la branche maladie resterait déficitaire mais les autres branches
seraient excédentaires. Encore faut-il préciser, et la Caisse nationale des
allocations familiales l'a déjà fait, que le Gouvernement modifie les règles du
jeu, en transférant à la branche famille, sur l'exercice 2000, 2 milliards de
francs de dépenses supplémentaires au titre de la majoration de l'allocation de
rentrée scolaire.
En réalité, seul l'écart de progression entre ces prélèvements et ces dépenses
explique le rétablissement des comptes. Tout retournement de conjoncture
reposerait le problème du « trou » de la sécurité sociale, « trou » dont la
disparition, comme vous, me réjouit.
Deuxième observation, le Gouvernement a dénaturé considérablement l'outil que
devaient constituer les lois de financement de la sécurité sociale. Il a
notamment refusé, contre toute attente, de déposer un projet de loi de
financement rectificatif, un « collectif social ».
Un « collectif social » était en effet nécessaire en raison de l'annulation
par le Conseil constitutionnel d'une des recettes du fonds de financement des
trente-cinq heures - le fameux FOREC - la taxe sur les heures supplémentaires.
Ce fonds n'était plus équilibré. La preuve en est, et nous y reviendrons dans
un instant, que c'est en définitive au projet de loi de financement 2001 qu'il
revient de lui affecter de nouvelles recettes.
Un « collectif social » était également nécessaire en raison du « plan hôpital
» du Gouvernement, présenté par Mme Aubry au mois de mars dernier. Nous ne
sommes pas opposés à ce plan, mais il est pour moitié financé par la sécurité
sociale, raison supplémentaire de présenter un projet de loi de financement
rectificatif !
Un « collectif social » était enfin nécessaire en raison des charges nouvelles
que doit supporter la branche famille, à travers l'accélération de la prise en
charge de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire par la CNAF.
L'absence de loi de financement rectificative n'est cependant pas tout.
Le Gouvernement dénature l'outil des lois de financement de la sécurité
sociale en faisant adopter, dans le cadre d'une procédure d'urgence de droit,
des dispositions dont les textes d'application tardent systématiquement à
paraître. Le meilleur exemple, pour la loi de financement de la sécurité
sociale de 2000, c'est le FOREC, qui n'existe pour l'instant que sur le papier.
Or si le projet de loi est adopté, le FOREC aura un budget de 85 milliards de
francs en 2001.
Le Gouvernement dénature aussi l'outil des lois de financement en multipliant
les mesures du type « diverses mesures d'ordre social ». Or le législateur de
la loi organique de 1996 avait voulu que la loi de financement de la sécurité
sociale soit un « texte court », centré sur les enjeux du financement de la
protection sociale.
Le Gouvernement dénature encore l'outil des lois de financement de la sécurité
sociale en multipliant les fonds, ce qui parcellise le financement de la
protection sociale.
Un appel exhaustif de cette quinzaine à vingtaine de fonds figure dans mon
rapport écrit. Je serais incapable de les citer tous. Je suppose d'ailleurs que
personne n'en serait capable.
Enfin, et tel est le plus gros défaut de ce projet de loi, depuis quelques
années, si, grâce à l'effort de tous, notamment des caisses, les comptes
sociaux ont incontestablement gagné en fiabilité, compte tenu de la «
tuyauterie » dissimulée dans ce texte - je m'excuse de répéter ce terme qui
connaît quelque succès -, ils ont perdu en lisibilité. Or, on ne peut pas avoir
l'échange démocratique que vous appelez de vos voeux, d'abord avec le
Parlement, puis avec la population, si nous ne connaissons pas la teneur des
comptes sociaux.
Je vous mets d'ailleurs au défi, madame le ministre, madame le secrétaire
d'Etat, d'expliquer simplement le financement du FOREC et de répondre à une
interrogation écrite sur la base de ces documents.
(Exclamations amusées sur
les travées du RPR.)
Les conditions de fonctionnement de la commission des comptes de la sécurité
sociale suscitent également des questions.
La presse parle du rapport de la commission des comptes ; en fait, les comptes
sont établis par la direction de la sécurité sociale - je déplore d'ailleurs
que son directeur soit parti - dont les hypothèses tendancielles sont de plus
en plus discutables.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le rapporteur, me
permettez-vous de vous interrompre ?
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je vous en prie.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre, avec l'autorisation de M. le rapporteur.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le rapporteur, je ne
peux pas vous laisser mettre en cause un haut fonctionnaire, en l'occurrence le
directeur de la sécurité sociale.
M. Bras a besoin, pour son travail, de sortir de temps en temps de l'hémicycle
; de toute façon, il n'est pas tenu, contrairement aux représentants du
Gouvernement, d'être présent en permanence pour écouter les débats.
M. Guy Vissac.
Il n'a pas été mis en cause.
M. Alain Gournac.
Du calme !
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Madame le ministre, j'entretiens les meilleures relations
avec M. le directeur de la sécurité sociale, comme avec ses prédécesseurs, et
je ne le mets absolument pas en cause.
Je voulais dire que c'est lui et ses prédécesseurs qui rédigent le rapport de
la commission des comptes de la sécurité sociale. Or M. Monier nous a présenté
un texte tenant compte de décisions qui n'étaient ni votées ni même présentées
au Parlement. C'est cela qui est choquant. D'ailleurs, je déposerai quelques
amendements tendant à améliorer le fonctionnement de la commission des comptes
de la sécurité sociale, dans laquelle je siège depuis une douzaine d'années.
Par ailleurs, le dernier rapport de septembre 2000 ne mentionne même pas les
comptes du FOREC. Mme Gillot peut témoigner que je l'ai signalé
immédiatement.
Enfin, le Gouvernement modifie constamment l'affectation des prélèvements
sociaux. La répartition des droits sur les tabacs entre l'Etat, la CNAMTS et
maintenant le FOREC a été modifiée par toutes les lois de financement de la
sécurité sociale, sauf celle de 1999. Le prélèvement social de 2 % sur les
revenus du patrimoine a fait l'objet de quatre modifications en trois ans.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 franchit, du
point de vue des « tuyauteries », un palier considérable : on peut parler
désormais de « bricolage financier permanent », et nous allons voir
pourquoi.
Une conjoncture économique toujours très favorable explique l'excédent prévu
pour 2001. La prévision de croissance de la masse salariale est de 5,9 %, ce
qui représente un « pari » d'une croissance historique reposant sur une
progression élevée du salaire moyen par tête, qui reste bien évidemment à
confirmer.
(M. Fischer s'exclame.)
Voyons ! Il y a quatre ans que vous êtes au pouvoir. Encore que vous, sur la
sécurité sociale !...
(M. Fischer s'exclame de nouveau.)
Pour le régime général, le Gouvernement indique un excédent tendanciel de 15,3
milliards de francs, la branche maladie parvenant presque à l'équilibre.
Hélas ! la loi de financement de la sécurité sociale - les partenaires sociaux
l'ont déploré - est devenue la loi de financement des trente-cinq heures, et
cette « loi » est impitoyable...
En effet, l'année dernière déjà, la loi de financement de la sécurité sociale
pour 2000 avait détourné au profit du FOREC 5,6 milliards de francs de droits
sur les alcools dont bénéficiait auparavant le fonds de solidarité vieillesse,
la compensation de cette perte étant assurée par les trois branches du régime
général, qui ont ainsi effectivement contribué au financement des 35 heures.
Pour équilibrer les comptes du FOREC en 2000 - 67 milliards de dépenses
prévues - le projet de loi de financement prévoit de lui affecter
rétroactivement, notamment en raison de la décision du Conseil constitutionnel,
5,4 milliards de francs de droits sur les alcools, aujourd'hui encore versés au
fonds de solidarité vieillesse, tandis que le collectif budgétaire de fin
d'année, que nous voterons au mois de décembre, devrait lui affecter 3,1
milliards de francs de droits sur les tabacs.
En 2001, face à l'explosion des dépenses de ce fonds, qui sont estimées à 85
milliards de francs, « la réforme des cotisations patronales » connaît de
nouveaux avatars, puisque son assiette est étendue aux vignettes des véhicules
des sociétés et aux conventions d'assurance.
Par ailleurs, le champ de compétences du FOREC est élargi aux exonérations de
la loi Robien et à certaines exonérations de cotisations d'allocations
familiales.
Je vais essayer de vous apporter des éclaircissements sur le financement du
FOREC sans recourir à des transparents. Nous avons pourtant demandé à M. le
président du Sénat de pouvoir projeter des images dans l'hémicycle.
M. le président.
Monsieur Descours, la possibilité de visionner des transparents existe d'ores
et déjà au Sénat, dans les salles de commission notamment. Cette possibilité
est à l'étude pour l'hémicycle et j'espère que MM. les questeurs accepteront
l'enveloppe financière qui serait nécessaire.
Comme vous le voyez, l'idée n'est pas abandonnée.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je dirai donc quelques mots, sans images, sur ces «
tuyauteries » du financement du FOREC en 2001.
Le Gouvernement prévoit de lui affecter 7,1 milliards de francs de droits sur
les tabacs qui sont aujourd'hui affectés à la CNAMTS. Cette diminution de
recettes est compensée au sein de la caisse par une augmentation du taux de la
CSG maladie. Dans le même temps, le taux de la CSG affecté au fonds de
solidarité vieillesse baisse à due concurrence. En revanche, la branche famille
« allège » les charges du FSV, en reprenant une fraction des majorations pour
enfants. On voit bien quel est le circuit entre tous ces organismes.
Toutes ces « tuyauteries » affreusement compliquées ont un objectif très
simple : financer les trente-cinq heures.
Le FOREC disposera donc en 2001 de plus de 18 milliards de francs autrefois
affectés à la sécurité sociale, à savoir des excédents de la branche famille et
du FSV.
Il reste que j'ai encore des doutes sur l'équilibre du FOREC en 2001.
En 2003, alors que son budget devrait atteindre 110 milliards de francs de
dépenses, son financement apparaîtra encore plus problématique. On ne voit
pourtant pas quelles taxes supplémentaires pourraient encore lui être
affectées, tant la collection présentée aujourd'hui par le Gouvernement est
complète.
Lorsque l'on examine plus précisément les différents flux financiers organisés
par le projet de loi entre l'Etat et la sécurité sociale, force est de
constater que l'Etat sort « gagnant » : il ne finance plus en rien le passage
aux trente-cinq heures, comme je le décris en détail dans mon rapport écrit.
Ces différentes réaffectations de recettes montrent également que le
Gouvernement n'a pas respecté le « plan de financement » de la couverture de
base de la couverture maladie universelle, qui prévoyait d'affecter 28 % du
prélèvement social de 2 % à la CNAMTS. Il ne reste désormais plus rien des 28 %
du prélèvement social, ce qui représente plus de 3 milliards de francs en
2001.
Madame le ministre, j'ai bien écouté ce que vous avez dit sur l'augmentation
du plafond pour bénéficier de la CMU. Nous n'aurons pas l'occasion d'en
discuter au cours de ce débat qui porte très précisément sur le financement de
la sécurité sociale.
Je rappellerai simplement du haut de cette tribune que, malgré l'augmentation
que vous avez annoncée, l'allocation versée aux adultes handicapés restera
au-dessous du plafond de la CMU.
M. Alain Gournac.
C'est vrai !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je veux maintenant insister sur les reproches que j'adresse
au Gouvernement : dans ce projet de loi, il porte atteinte à trois grands
principes.
Le premier principe, c'est l'universalité de la CSG et de la CRDS sur les
revenus d'activité.
La réduction dégressive de CSG proposée à l'article 2 du projet de loi souffre
de plusieurs défauts majeurs.
Tout d'abord, elle remet en cause l'universalité du financement de la
protection sociale alors que six gouvernements successifs, de droite comme de
gauche, pendant dix ans, ont essayé de consolider ce prélèvement qui a été
qualifié de « citoyen ». Introduire des dispositifs d'exonération revient à
reproduire l'erreur qui a été commise avec l'impôt sur le revenu : la base et
l'assiette de l'imposition sont appelées à se réduire petit à petit.
C'est d'ailleurs l'une des raisons essentielles pour lesquelles les conseils
d'administration des caisses ont voté contre.
Par ailleurs, ce mécanisme est inéquitable.
Ainsi, un couple disposant de deux salaires au niveau du SMIC - l'exemple a
été cité à l'Assemblée nationale - bénéficiera de deux réductions à taux plein,
alors qu'un couple percevant un seul salaire à 1,4 fois le SMIC ne bénéficiera
d'aucune réduction et qu'un célibataire titulaire d'un revenu égal au SMIC
bénéficiera de la même ristourne qu'un smicard père de trois enfants.
La réduction dégressive de la CSG est compensée, nous dit-on, et c'est vrai, à
la CNAMTS, à la CNAF et au FSV. Mais elle l'est d'une manière qui nous paraît
incertaine car elle s'opère à travers des fractions de la taxe sur les
conventions d'assurance, dont l'assiette est bien évidemment différente de
celle de la CSG.
Ce dispositif sera difficile à mettre en oeuvre par les entreprises et
probablement par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l'ACOSS,
et les organismes de recouvrement. Permettez au président du conseil de
surveillance de le souligner.
Enfin, sa constitutionnalité - mais nous verrons bien - m'apparaît douteuse,
notamment en raison des « pluriactifs » qui pourraient maximiser l'avantage de
réduction de CSG, alors que leurs revenus seraient supérieurs à 1,4 SMIC.
Le deuxième principe auquel le Gouvernement porte atteinte est le financement
de la dette sociale.
Vous l'avez dit, voilà un instant, madame le ministre, l'exonération de CRDS
pour les retraités modestes et les chômeurs non imposables, et la ristourne de
CRDS sur les revenus d'activité représentent une diminution de recettes qui
n'est pas nulle puisqu'elle atteint 2,8 milliards de francs en 2001 et sera de
4,1 milliards de francs dès 2003. Or, la CADES, la caisse d'amortissement de la
dette sociale, est financée quasi exclusivement par la CRDS, afin de rembourser
la dette sociale, jusqu'au 31 janvier 2014.
De plus, l'article 3 apparaît étranger au domaine des lois de financement de
la sécurité sociale : l'annulation du dispositif par le Conseil constitutionnel
est donc possible.
Enfin, le Gouvernement porte atteinte au champ de la loi de financement, par
l'extension de la solidarité nationale aux régimes complémentaire
vieillesse.
Je me suis réjoui - je le dis sincèrement car nous avons suffisamment débattu
de cette question au cours des années précédentes - qu'une issue ait été
trouvée après seize ans de conflit entre l'AGIRC, l'ARRCO et l'Etat. Mais le
Gouvernement propose de confier au FSV, à cet organisme chargé de financer les
avantages non contributifs des régimes de base, le soin de financer une dette
de l'Etat à l'égard de ces régimes complémentaires vieillesse. La disposition,
là aussi, apparaît étrangère au « champ » de la loi de financement, qui est
limité aux régimes de base.
Je ne parlerai pas des autres mesures du projet de loi, qui constituent un
catalogue souvent hétéroclite, ni des réformes structurelles auxquelles nous
aspirons et qui sont reportées, nous semble-t-il, aux calendes grecques.
Au total, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001
présente des équilibres incertains et un dispositif « parasité » par le
financement des 35 heures et les dispositions fiscales introduites par le
ministère des finances.
Madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je
voudrais maintenant évoquer l'assurance maladie.
Le passage de Mme Martine Aubry au ministère de l'emploi et de la solidarité
se solde par un bilan qu'il est difficile de qualifier de positif.
M. Jean Chérioux.
Il est catastrophique !
(Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Charles Descours,
rapporteur.
Voyez comme ils sont méchants !
M. Alain Gournac.
Disons calamiteux !
M. Jean Chérioux.
Heureusement que l'on a un gentil rapporteur !
M. le président.
Mes chers collègues, veuillez ne pas interrompre l'orateur !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je crois qu'à son départ Mme Aubry a laissé un véritable
champ de ruines
(Mme Dieulangard proteste.)
La dérive des dépenses s'est poursuivie, l'ONDAM n'a pas été respecté à trois
reprises, les professionnels de la santé sont exaspérés et dans la rue, les
hôpitaux s'agitent et les cliniques privées s'enfoncent dans la crise.
M. Jacques Oudin,
rapporteur pour avis.
Quel bilan !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je crois que l'on peut tirer trois enseignements de l'analyse
de l'évolution de l'assurance maladie.
Premier enseignement : l'ONDAM est bafoué et la volonté du Parlement
superbement ignorée. Je l'avais également dit à la commission des comptes.
La dérive inquiétante des dépenses d'assurance maladie se poursuit
inexorablement : l'ONDAM a ainsi été dépassé de 11,3 milliards de francs en
1999 et devrait l'être encore, malgré son « rebasage », d'au moins 13,2
milliards de francs en 2000.
Pour 2001, l'article 44 du projet de loi prévoit que l'ONDAM est fixé à 693,3
milliards de francs soit, selon l'exposé des motifs du projet de loi, « une
progression de 3,5 % par rapport aux dépenses attendues de 2000 ».
Pour la deuxième année consécutive, le taux de progression de l'ONDAM de
l'année
n
+ 1 est donc calculé à partir de l'ONDAM réalisé et non par
rapport à celui qui est voté.
En 2001, l'opération de rebasage est cependant plus complexe. L'ONDAM réalisé
en 2000 serait de 671,5 milliards de francs. Le Gouvernement n'a cependant pas
choisi ce chiffre pour son ONDAM rebasé. Il a souhaité le corriger de l'effet
des reports de liquidation, évalué à 2,4 milliards de francs, et de la marge de
manoeuvre pour 2000, estimée à 600 millions de francs.
Le taux de progression de l'ONDAM 2001 n'est donc que de 3,25 %, si on le
calcule par rapport au chiffre prévisionnel des dépenses 2000 ; mais il est
évident qu'il est mieux d'afficher une progression de 3,5 % pour les
professionnels de santé !
Toutefois, si l'on compare l'ONDAM 2001 à l'ONDAM voté par le Parlement en
2000, la progression est non plus de 3,25 %, mais de 5,3 %. On constate donc -
vous l'avez dit tout à l'heure, madame - une forte dérive des dépenses
d'assurance maladie.
Autant dire que le taux de 3,5 % a un caractère très virtuel et qu'il vise
surtout à frapper l'opinion publique et les professionnels de santé.
L'expérience des quatre premières lois de financement montre, en effet, que le
débat porte surtout sur le taux de progression affiché par le Gouvernement,
alors même que le seul chiffre ayant une existence juridique est celui de
l'ONDAM voté, en l'occurrence 693,3 milliards de francs cette année.
Au terme de ces quatre premières lois de financement de la sécurité sociale,
quel bilan peut-il être tiré ?
Seul le premier ONDAM de l'histoire parlementaire, celui de 1997, a été
respecté. Sur quatre années, de 1997 à 2000, l'écart entre l'objectif voté et
l'ONDAM réalisé s'accroît d'année en année, pour atteindre plus de 13 milliards
de francs en 2000. Il faut savoir que le dérapage cumulé de ces quatre années
s'élève à plus de 33 milliards de francs entre ce que nous avons voté et ce qui
a été réalisé.
Le vote de l'ONDAM, s'il ne correspondait pas à l'ouverture d'un volume
limitatif de crédits, n'en avait pas moins, à notre sens, une portée normative.
En cas de dépassement prévisionnel de l'ONDAM, le constituant et le législateur
organique avaient prévu que des lois de financement rectificatives devaient
acter ce dépassement et proposer des mesures correctrices.
Or, depuis l'entrée en fonction de ce gouvernement, aucun projet de loi de
financement rectificatif n'a été déposé devant le Parlement. Le Gouvernement
propose seulement chaque année au Parlement d'adopter un nouvel ONDAM, en
faisant comme s'il ne s'était rien passé, comme si les déficits ne devenaient
pas des dettes. Le vote du Parlement perd ainsi, année après année, un peu plus
de signification.
Aucune analyse n'a pu confirmer la pertinence et l'utilité de ces dépenses
supplémentaires. Personne n'est en mesure de dire quel bénéfice la population
en a tiré, faute de choix explicites de priorités sanitaires.
Certes, le déficit de la branche maladie du régime général se réduit, mais
cette amélioration tient plus à la forte progression des recettes qu'à la
modération des dépenses.
Ce déficit a été de 9 milliards de francs en 1999 ; il devrait atteindre 6
milliards de francs en 2000. Selon les chiffres du projet de loi, qui reposent
sur des hypothèses fragiles, le régime général resterait déficitaire pour
l'assurance maladie de près de 1,4 milliard de francs en 2001. Un simple
dérapage des dépenses ou une moindre progression des recettes suffirait
cependant à revenir au niveau de déficit des années précédentes.
Deuxième enseignement : le système conventionnel est désormais moribond.
La forte progression des dépenses d'assurance maladie intervient dans un
contexte de dégradation très sensible des relations entre les pouvoirs publics
et les professionnels de santé.
Au lieu de tenter de favoriser le dialogue conventionnel, la loi de
financement de la sécurité sociale pour 2000 a défini, dans son article 24, un
mode de régulation qui est exclusivement comptable et dans lequel plus rien
n'est à négocier : l'ajustement se fait automatiquement, par des lettres clés
flottantes.
Cet article a donné délégation aux caisses nationales d'assurance maladie, au
sein de l'enveloppe soins de ville, pour la gestion d'un objectif de dépenses
déléguées, c'est-à-dire d'une enveloppe correspondant aux honoraires des
différents professionnels conventionnés - ou, à défaut sous règlement
conventionnel minimum - avec l'assurance maladie.
La première application concrète de ces dispositions s'est traduite par une
baisse du tarif des lettres clés décidée au mois de juillet par Mme Aubry et
touchant essentiellement les radiologues, les cardiologues et les
kinésithérapeutes.
Ces mesures ont suscité une très vive émotion chez les professionnels de
santé, qui a abouti à la journée « santé morte » du 26 octobre dernier.
L'application pratique des lettres clés flottantes - qui signifie des
sanctions collectives - s'est donc révélée, comme l'avait prévu le Sénat, tant
inefficace que très néfaste à la qualité et au contenu des relations entre
l'assurance maladie et les professionnels de santé.
Ce mécanisme, qui consiste à baisser les tarifs au fur et à mesure de
l'augmentation des dépenses, est pernicieux, car il aboutit à diviser les
professionnels de santé et à affaiblir les syndicats qui, n'ayant plus rien à
négocier, ne peuvent plus « maîtriser » leur base. Comme l'a souligné l'une des
personnes que j'ai auditionnées : « qui signe la convention perd les élections
».
Ce mécanisme est aussi absurde, car il incite les professionnels à « prendre
de l'avance » sur les volumes pour anticiper les baisses de tarifs qui peuvent
intervenir en cours d'année malgré la signature d'une convention.
Ce mécanisme est enfin injuste, car il sanctionne de manière collective sans
tenir compte des comportements individuels.
Les ordonnances Juppé prévoyaient aussi des sanctions collectives, j'en suis
conscient ; cela m'évitera de vous l'entendre dire ! Mais, je l'affirme
solennellement, cinq ans après les ordonnances de 1996, il est clair que l'on
ne peut bâtir un dialogue avec les professionnels de santé que sur la base de
sanctions individuelles,...
M. Alain Gournac.
Bravo !
M. Charles Descours,
rapporteur.
... et en aucun cas de sanctions collectives !
Ce qui était vrai en 1996 et qui nous a été reproché l'est encore plus cinq
ans plus tard ! Il n'y aura donc pas de dialogue conventionnel avec des
sanctions collectives ; c'est clair et net.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Jacques Oudin,
rapporteur pour avis.
Très bien !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Comme l'année dernière, je vous proposerai donc un mécanisme
alternatif de maîtrise de l'évolution des dépenses médicales faisant appel à la
responsabilité individuelle des médecins et contribuant à l'amélioration des
pratiques médicales, dans l'intérêt des patients.
Mme Martine Aubry avait affirmé son intention, dès son entrée en fonction, de
rénover le dialogue avec les professionnels de santé.
Force est de constater que, trois ans et demi après, les relations
conventionnelles entre l'assurance maladie et les professionnels de santé
libéraux sont dans une situation de blocage qui semble durable.
M. Claude Evin, qui est rapporteur de l'Assemblée nationale et avec qui nous
avons l'habitude de travailler, souligne dans son rapport la nécessité d'un
nouvel élan en matière de politique conventionnelle. Je souscris à ce souhait,
mais, je le répète, ce n'est pas en maintenant le dispositif de régulation
actuel, fondé sur les lettres clés flottantes et des sanctions collectives,
qu'on relancera le dialogue !
De même, en matière de médicament, la politique du Gouvernement s'avère
essentiellement répressive. L'adoption par le Parlement, en 1999, d'un
mécanisme permanent de taxation des entreprises pharmaceutiques a, comme prévu,
fortement incité ces dernières à conclure un accord global de régulation avec
le Comité économique des produits de santé.
Ce dispositif a été si efficace que le Gouvernement propose cette année de
l'accroître encore pour en faire un système de prélèvement à caractère quasi
confiscatoire : les entreprises devraient reverser 70 % du dépassement si le
chiffre d'affaires des médicaments dépasse 3 % en 2001.
Un amendement adopté par l'Assemblée nationale prévoit en outre une forte
augmentation de la taxe sur les grossistes-répartiteurs, laquelle portera
également sur les ventes directes de génériques aux officines.
Troisième enseignement : les réformes sont enterrées.
Les orientations de santé publique sont ainsi toujours absentes des projets de
loi de financement de la sécurité sociale. Madame Gillot, je vous ai écoutée
avec attention, vous les avez pourtant affirmées. L'année dernière, on nous
avait aussi parlé d'un projet de loi d'orientation sanitaire, que nous n'avons
jamais examiné. Or nous ne pouvons pas discuter de ces orientations à
l'occasion du projet de loi de financement de la sécurité sociale !
Il importe absolument que la loi de financement ne soit pas une simple
juxtaposition de chiffres. Il revient en effet à cette loi, à travers l'ONDAM,
de traduire, dans son domaine, les priorités de santé publique arrêtées.
Actuellement, ce n'est pas le cas. Il s'agit encore aujourd'hui, cinq ans après
la première loi de financement, d'un agrégat comptable qui a dérivé, que le
Gouvernement a « rebasé » et auquel il a appliqué mécaniquement des
pourcentages de progression.
Dépourvu de tout contenu en santé publique, de tout lien avec les besoins des
malades, avec les progrès de la médecine et,
a fortiori,
avec les
priorités de l'action publique, l'ONDAM constitue aujourd'hui un arbitrage
nécessairement contesté entre les contraintes financières de l'assurance
maladie et le souci des pouvoirs publics d'apaiser les tensions que connaît
notre système de soins.
La situation est encore aggravée par l'accumulation des retards dans la mise
en place des outils de la maîtrise médicalisée des dépenses.
Je ne prendrai que deux exemples : la tarification à la pathologie et les
réseaux de soins.
La loi du 27 juillet 1999 a prolongé, pour une période de cinq ans que je
considère comme beaucoup trop longue, les expérimentations en matière de
tarification à la pathologie. Depuis, on ne voit rien venir : un cahier des
charges définissant les modalités de cette expérimentation devrait être établi,
nous dit-on, pour la fin de l'année 2000. Ce sera peut-être un petit cadeau de
Noël !
L'expérimentation des réseaux et filières de soins ne progresse pas davantage.
Je tiens d'ailleurs à souligner les difficultés que nous rencontrons depuis
trois ans, puisque ni la commission des finances ni la commission des affaires
sociales n'ont pu auditionner le président du conseil d'orientation des
filières et des réseaux. Nul doute qu'il soit extrêmement occupé. Toutefois,
nous envisageons de le faire auditionner l'année prochaine par la commission
des affaires sociales et d'en tirer les conséquences s'il ne répond pas à notre
invitation, voire de nous rendre sur place vérifier ses travaux.
Sept réseaux ont, en tout et pour tout, été agréés depuis quatre ans. Espérons
que la possibilité de régionaliser ces expérimentations, offerte par un
amendement de M. Claude Evin - encore lui ! - adopté par l'Assemblée nationale,
et que nous soutiendrons d'ailleurs, redonnera un peu plus de tonus à ce
processus.
Parallèlement, la réforme de l'hôpital semble au point mort.
Nous croyons beaucoup à l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en
santé, et la procédure d'accréditation par cette Agence nous semble bonne. Mais
elle avance beaucoup trop lentement : 200 établissements s'étaient engagés dans
la procédure à la fin du mois de septembre, dix comptes rendus d'accréditation
ont été transmis aux établissements concernés ; il reste plus de 3 700
établissements à accréditer.
Le Gouvernement a injecté 12 milliards de francs sur trois ans dans l'hôpital.
C'était sans doute nécessaire, nous ne le contestons pas. Mais nous ne savons
toujours pas - nous serions très intéressés de vous entendre sur ce point,
madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat - comment et avec quel
financement les hôpitaux passeront aux 35 heures au 1er janvier 2002...
Enfin, les cliniques privées traversent une crise sociale sans précédent, qui
résulte à la fois de la création d'emplois consécutive à la mise en oeuvre de
la réduction du temps de travail et des retombées des différentes mesures
prises en faveur des personnels de l'hospitalisation publique, à travers les
protocoles de mars.
Aujourd'hui, il s'agit de la survie d'un grand nombre de ces cliniques, et je
voudrais les assurer de notre soutien en cette période extrêmement difficile
qu'elles traversent.
M. Jacques Oudin,
rapporteur pour avis.
Très bien !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je voudrais maintenant, en quelques mots, évoquer nos
propositions.
Face à un projet de loi de financement de la sécurité sociale qui constitue
désormais un appendice de la politique fiscale - et je suis sûr que l'on est
d'accord avec moi sur ce point, y compris sur la gauche de l'hémicycle, puisque
c'est bien ce qu'ont dit vos collègues du groupe communiste à l'Assemblée
nationale
(Murmures sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen) -
ou un appendice de la politique fiscale ou de la politique de
l'emploi, mais qui opère à ce titre, non sans brouiller les pistes, des
transferts financiers massifs, je voudrais insister sur trois principes.
Premier principe : réaffirmer l'universalité du financement de la sécurité
sociale - et, sur ce point, je vous l'assure, tous les partenaires sociaux sont
d'accord avec nous.
Nous sommes favorables à toute mesure permettant de lutter contre « la trappe
à inactivité » - c'est-à-dire l'absence de toute stimulation financière à
prendre ou à reprendre un emploi - et, de façon générale, permettent le retour
à l'emploi, y compris les mesures proposées par les partenaires sociaux
eux-mêmes.
Nous nous inquiétons également des conséquences sur l'évolution des salaires
d'une politique générale et autoritaire de réduction du temps de travail.
Mais nous constatons que le choix fait par le Gouvernement d'une ristourne de
CSG et de CRDS non seulement est complexe et inéquitable, comme je l'ai dit
tout à l'heure, mais bouleverse les fondements mêmes du financement de la
protection sociale. Je ne suis pas seul à le penser, les partenaires sociaux le
disent aussi !
L'instrument d'une politique fiscale et,
a fortiori,
budgétaire reste
le projet de loi de finances. Je me suis rapproché de M. Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances, pour étudier un mécanisme
alternatif : un crédit d'impôt progressif s'adressant à tous les foyers fiscaux
dont les revenus vont jusqu'à 1,8 fois le SMIC et prenant en compte les charges
familiales. Ce mécanisme sera proposé par la commission des finances lors de la
discussion du projet de loi de finances.
Second principe : améliorer la lisibilité du financement de la sécurité
sociale.
A cette fin, la commission des affaires sociales vous proposera - ce n'est pas
nouveau puisqu'elle le fait depuis 1994 - de réaffirmer le principe de
séparation des branches afin de mettre un terme aux multiples détournements de
recettes que comporte le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Au-delà de la réaffirmation d'un principe, nous entendons ainsi préserver le
fonds de solidarité vieillesse, dont les excédents doivent contribuer au
financement des retraites de demain - qui peut être contre ? - et permettre à
la branche famille de conserver les moyens nécessaires à une politique
ambitieuse - encore plus ambitieuse, madame le ministre, que celle que vous
avez définie il y a un instant.
La commission des affaires sociales vous proposera, par ailleurs, d'adopter un
dispositif de sincérité comptable à travers deux articles additionnels visant à
renforcer le rôle et à améliorer le fonctionnement de la commission des comptes
de la sécurité sociale.
Deux autres articles additionnels tendront à assurer une plus grande
transparence des circuits financiers des prélèvements sociaux, afin de les
rendre plus compréhensibles par les assurés et les contribuables.
La commission des affaires sociales proposera également de compenser à la
CADES les exonérations de CRDS. Il est en effet inadmissible de continuer à
transmettre aux générations futures nos dettes. Nous touchons déjà à l'exercice
2014. Si nous continuons dans cette voie, nos enfants et petits-enfants seront
encore confrontés, au milieu du XXIe siècle, aux dettes que nous aurons
accumulées.
L'ensemble du dispositif de remboursement de la dette sociale est ébranlé,
alors même que ce dispositif repose pour partie sur la signature de la CADES
sur les marchés de capitaux. Il appartient à l'Etat d'assumer ses
responsabilités et de compenser cette exonération, donc cette perte, par une
imputation sur le prélèvement de 12,5 milliards de francs que lui verse chaque
année la CADES.
Troisième principe : définir les objectifs pour notre protection sociale.
La commission propose tout d'abord de sanctionner le Gouvernement sur sa
gestion de l'assurance maladie.
L'année 2000 est à cet égard exemplaire : l'ONDAM, pourtant rebasé, a été
dépassé.
Dans un contexte à la fois d'échec dans la maîtrise des dépenses, de confusion
des responsabilités entre les acteurs, de rupture avec les professionnels de
santé, de mépris enfin pour le Parlement, la commission des affaires sociales
propose d'opposer à l'ONDAM une sorte de « question préalable », c'est-à-dire
un rejet solennel.
J'ai conscience que, sans ONDAM, une loi de financement est amputée d'un
élément central. Notre décision est donc d'une exceptionnelle gravité. Il
s'agit d'un geste politique, que nous vous proposons de faire en connaissance
de cause, tant la dérive observée depuis quatre ans nous semble grave et devoir
être sanctionnée clairement : ce n'est pas en effet seulement l'ONDAM qui
dérive mais, avec lui, notre système de soins et le débat démocratique autour
de la sécurité sociale.
En contrepartie, nous vous proposons d'instituer un système de maîtrise
médicalisée des dépenses, fondé sur la régionalisation et la responsabilisation
des professionnels de santé. Il se substituerait au dispositif - que je
continue de considérer comme absurde - des « lettres clefs flottantes » et des
« rapports » de la CNAMTS.
Notre deuxième objectif, qui vous sera présenté par Jean-Louis Lorrain, est
d'aider les familles en créant un « compte de réserve » pour « mettre à l'abri
» les excédents de la branche famille.
Troisième objectif de protection sociale : engager une véritable réforme des
retraites, sujet sur lequel reviendra M. Alain Vasselle, rapporteur pour
l'assurance vieillesse.
Au total, les comptes de la sécurité sociale tels qu'ils résultent des
propositions de la commission laissent au régime général un excédent de près de
10 milliards de francs. Ce n'est pas excessif par rapport à l'exédent présenté
par le Gouvernement : 4,3 milliards de francs. Il suffirait d'un point de masse
salariale en moins par rapport à la prévision retenue par le Gouvernement pour
annuler un tel excédent.
Le compte du fonds de solidarité vieillesse dégagerait ainsi un excédent
cumulé de 19 milliards de francs, susceptible d'être affecté au fonds de
réserve.
En conclusion, je dénoncerai le poids excessif que représente le FOREC dans
les comptes de la sécurité sociale. En réalité, aujourd'hui, plus qu'une loi de
financement de la sécurité sociale, c'est une loi de financement des 35 heures
que nous examinons, ce que nous avons essayé de corriger.
Telles sont les analyses et les propositions que je souhaitais présenter, au
nom de la commission des affaires sociales. J'essaierai, au cours de la
discussion des articles, de montrer pourquoi nous avons pris cette position.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
(M. Jean Faure remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-FAURE
vice-président
M. le président.
La parole est à M. Lorrain, rapporteur.
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur de la commission des affaires sociales pour la famille.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'état, mes
chers collègues, lieu privilégié de l'ouverture à l'autre, de l'éducation des
enfants, de la solidarité entre les générations, la famille est l'une des
valeurs essentielles sur lesquelles repose notre société.
Cet attachement, notre pays l'a toujours affirmé. A la Libération, c'est dans
la Constitution que furent gravées la fidélité et l'attention que porte la
France à la famille. Mais cette famille n'est pas seulement une affaire privée,
elle a besoin d'être soutenue.
C'est là la raison d'être de notre politique familiale : renforcer le maillon
central de la chaîne par laquelle la République peut transmettre ses
valeurs.
Le retour à la croissance économique a procuré des moyens considérables qui
ont fait naître, dans toutes les familles, l'espoir qu'elles seraient davantage
écoutées et davantage aidées.
Mais le Gouvernement ne répond pas, semble-t-il, à leurs attentes.
Les années précédentes, c'était précisément le manque de moyens qui avait
justifié des mesures qui ont durement frappé les familles.
Et pourtant, aujourd'hui, les excédents importants que connaît la branche ne
serviront pas à doter notre pays d'une politique familiale à la mesure de ses
besoins.
En ce qui concerne les excédents ponctionnés, que je l'on retrouvera tout au
long de mon propos, je serai bref sur les comptes de la branche famille en
1999-2000. Je me contenterai de quelques rappels.
Après quatre années difficiles, de 1994 à 1998, la branche affiche pour 1999
un excédent confortable de près de 5 milliards de francs. Pour 2000, la
dernière commission des comptes de la sécurité sociale a annoncé un excédent de
près de 7 milliards de francs. Toutefois, cette annonce ne repose pas sur une
image fidèle des comptes.
Pour cet exercice, le Gouvernement a en effet décidé, au mépris de l'objectif
de dépenses voté par le Parlement l'an dernier et sans concertation avec ses
interlocuteurs familiaux, la prise en charge par la branche famille, à
concurrence de 4,5 milliards de francs, de la majoration de l'allocation de
rentrée scolaire.
Sans ce transfert, l'excédent de la branche pour 2000 serait supérieur à 10
milliards de francs, net de la reprise par l'Etat du fonds d'action sociale en
faveur des travailleurs immigrés et de leurs familles.
Pour 2001, le Gouvernement va beaucoup plus loin. Le projet de loi de
financement comporte ainsi la gamme à peu près complète des techniques de
prélèvement sur la branche famille.
Tout d'abord, il ampute ses recettes, en la privant notamment du produit de la
taxe de 2 % sur les revenus du capital qui lui revenaient.
Il est vrai qu'il compense sa politique de ristourne dégressive de CSG par une
part de la taxe sur les conventions d'assurance, mais il s'agit d'une recette
peu dynamique et à l'avenir incertain.
Ensuite, il met à la charge de cette branche des dépenses qui relèvent
d'autres branches. Cette année, le Gouvernement a décidé le transfert de la
majoration de pension pour enfant depuis le fonds de solidarité vieillesse.
Qu'importe que cette majoration, qui a été transférée au FSV en raison des
difficultés du régime général en 1993, soit, par essence, une dépense de
l'assurance vieillesse ; l'objet du transfert est simplement de prélever 3
milliards de francs sur les familles pour cette années et, il faut le dire, 20
milliards de francs à terme.
Enfin, et pour faire bonne mesure, le Gouvernement achève, dès 2001, la
débudgétisation de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire qui pèse
désormais, pour près de 7 milliards de francs, sur la branche famille.
Ainsi, l'excédent de la branche famille, qui aurait dû être normalement de
plus de 14 milliards de francs en 2001, ne sera, en définitive, que de 7
milliards de francs, les 8 autres milliards de francs étant détournés au profit
du budget ou du FOREC, c'est-à-dire, ainsi que l'a dit Charles Descours, du
financement des 35 heures.
Il est vrai que nos attentes sont déçues !
Pourtant, l'année 2000 avait bien débuté, sous le signe des promesses. Un
ministère délégué à la famille et à l'enfance avait été créé. Lors de la
conférence sur la famille du 15 juin dernier, un plan de 10 milliards de francs
de dépenses nouvelles avait été annoncé.
Mais rien dans le projet de loi de financement ne semble à la hauteur de ces
engagements.
L'accueil des tout petits devrait être un axe fort de la politique
familiale.
Une somme de 1,5 milliard de francs est prévue en faveur des crèches sous la
forme d'un fonds d'investissement alimenté par les excédents de la branche
famille en 1999.
Cet effort est bienvenu, mais il ne faut pas fonder sur lui des espoirs qu'il
ne peut exaucer. Lors du vote de la loi famille de 1994, c'est-à-dire pour la
période 1995-1999, l'accueil des jeunes enfants avait été l'objet de toutes les
attentions. Mais, comme le souligne la CNAF, seulement 2 milliards sur les 3
milliards de francs prévus pour les dispositifs en faveur de la petite enfance
ont été dépensés. A la fin de l'exercice 1999, il restait donc un peu moins de
1 milliard de francs.
Les élus locaux, les acteurs familiaux savent bien que la création de
nouvelles places de crèches engendrent des dépenses considérables, d'entretien,
de fonctionnement et de personnel. Je soulignerai à ce propos que ce
partenariat avec les collectivités et les associations mérite d'être mis en
valeur, car ce sont elles les véritables créatrices.
D'ailleurs, le Gouvernement lui-même propose d'augmenter de 1,7 milliard de
francs le budget du fonds d'action sociale de la CNAF, fonds qui subventionne
massivement les crèches.
Ce fonds d'investissement permettra-t-il de déclencher la création de 40 000
places nouvelles comme l'annonce le Gouvernement ? Rien n'est moins sûr, mais
nous pouvons toujours espérer...
Mais si la volonté de résoudre les problèmes de l'accueil des jeunes enfants
va dans le bon sens, elle ne va pas au bout de sa logique : le Gouvernement a
en fait concentré l'essentiel de son action sur l'accueil collectif.
La réforme du barème de l'aide à l'emploi d'une assistante maternelle ne
touchera que les familles les plus modestes et pour un montant de 500 millions
de francs en 2001. Dans son rapport, la Cour des comptes a consacré un
développement à la forte baisse du dispositif de l'AGED, l'allocation de garde
d'enfant à domicile. Il ne semble pas que le nouveau dispositif proposé pour
les assistantes maternelles puisse compenser cette baisse.
Les crèches ne répondent ni au besoin de flexibilité des mères en matière
d'horaire ni aux contraintes qui se posent en milieu rural.
Une bonne politique en matière d'accueil de la petite enfance doit être une «
politique qui marche sur ses deux jambes », c'est-à-dire qui favorise à la fois
l'accueil collectif et l'accueil individuel.
Le Gouvernement a par ailleurs annoncé une simplification des barèmes des
aides au logement.
Cette réforme devait se faire par le haut puisque tous les allocataires et,
parmi eux, des familles, devaient voir leur situation s'améliorer.
Mais ces dernières ne sont pas les premiers destinataires de la réforme car,
comme le rappelle le Gouvernement « l'objectif est de corriger les phénomènes
des "trappes à inactivité" et de contribuer à la politique du Gouvernement en
matière de retour à l'emploi ».
La politique familiale ne saurait être confondue avec une politique de lutte
contre l'exclusion pas plus qu'avec une politique de l'emploi. La politique
familiale doit s'adresser à tous.
En déboursant 700 millions de francs, c'est un peu la branche famille qui paye
le prix de la politique - par ailleurs justifiée - de lutte contre la pauvreté.
Mais le Gouvernement souhaite faire de sa politique familiale une politique
ciblée. Pour ma part, je préférerais qu'il la cible sur l'ensemble des familles
!
S'agissant de la réforme des aides au logement, nous sommes favorables à la
mise en place d'une harmonisation. Si cette réforme était menée au nom de la
politique familiale, elle devrait instaurer une plus forte progressivité des
aides en fonction du nombre d'enfants. Or force est de constater qu'il n'en est
rien.
Nous nous proposerons, dans le courant de cette année, de mener une enquête
sur les implications quantitatives des propositions de réforme de l'aide au
logement, qui semblent déboucher sur une régression.
On pourrait démonter le mécanisme. Avec la croissance, de nombreux
allocataires dont les revenus ont augmenté voient leurs aides diminuer, voire
supprimées s'ils sortent des conditions d'attribution du dispositif. Les
économies ainsi réalisées par la diminution des dépenses d'aides au logement
viennent minorer la contribution réelle de l'Etat aux organismes chargés de la
gestion des aides à la personne.
Les deux tiers du financement de l'Etat sont donc assurés par des mesures
d'économie, ce qui n'est pas sans poser un certain nombre de problèmes,
notamment une insuffisante prise en compte du fait familial, le montant de
l'aide étant fonction soit des ressources du ménage, soit du nombre de
personnes au foyer. Or ce dernier critère n'est pas prépondérant : un RMistes -
nous avons eu l'occasion de le constater - pourra percevoir la même aide qu'une
famille de quatre personnes disposant d'un revenu mensuel de 7 500 francs.
La politique familiale ne saurait donc être confondue avec la politique de
lutte contre l'exclusion, que, par ailleurs, nous pouvons soutenir.
Le Gouvernement propose enfin de mettre en oeuvre, conformément à l'annonce
faite lors de la dernière Conférence de la famille, une allocation de présence
parentale.
Je ne peux à cet égard que regretter que le Gouvernement ait laissé de côté la
moitié de la proposition que le Sénat avait faite en juin dernier par la voix
de notre collègue Lucien Neuwirth.
Je rappelle que nous avions proposé, avant la Conférence de la famille de
1999, que soit pris en compte le temps voué aux proches en fin de vie, aux
jeunes enfants gravement malades, mais aussi les souffrances psychosociales
importantes de façon que les membres des familles touchées ne soient pas
obligés de se rendre chez le médecin pour se faire délivrer d'éventuels arrêts
de travail. Bien sûr, nous n'avons pas été suivis, et l'article 40 a été
invoqué.
La famille, c'est le lieu des solidarités les plus essentielles.
Par ailleurs, un consensus s'était dessiné lors du vote de la loi sur les
soins palliatifs pour humaniser les derniers moments de ceux qui souffrent. Or
que peut apporter de mieux à ces hommes et à ces femmes la solidarité nationale
sinon la présence de leurs proches pour les accompagner dans leurs deniers
instants ?
Permettre la présence d'un parent auprès de son enfant gravement malade est,
certes, un progrès, mais c'est aussi une mesure de faible ampleur, qui ne
touchera que 10 000 familles et coûtera 500 millions de francs.
Cela est d'autant plus regrettable que la branche famille disposait de moyens
considérables, qui auraient pu permettre de mener une politique familiale
beaucoup plus ambitieuse, et dabord une revalorisation de la base mensuelle de
calcul des allocations familiales qui ne soit pas essentiellement
symbolique.
Cette base mensuelle est en fait le curseur de la politique familiale de notre
pays. C'est l'indicateur de la croissance du pouvoir d'achat apporté aux
familles par la politique familiale.
Elle n'augmentera cette année que de 1,8 % pour une évolution des prix hors
tabac attendue de 1,3 %. En dix ans, elle a augmenté moins vite que les prix.
Je vous laisse juge des raisons qui conduisent à revaloriser les retraites de
2,2 % et les prestations familiales de seulement 1,8 %.
Les excédents de la branche auraient pu également répondre à une attente
pressante des familles, en particulier la prise en charge des jeunes adultes.
Or, rien n'est fait dans ce domaine.
L'année 1999 avait été celle d'un immense recul. En contrepartie de
l'indispensable rétablissement de l'universalité des allocations familiales, le
Gouvernement avait abaissé le plafond du quotient familial.
Le quotient familial n'est pas un avantage donné aux familles ; c'est un
instrument de justice fiscale qui permet qu'un célibataire disposant des mêmes
ressources paie plus d'impôt sur le revenu qu'une famille nombreuse.
MM. Alain Vasselle,
rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance vieillesse,
et Alain Gournac.
Très bien !
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur.
Au-delà de ces aspects, c'est d'une politique familiale à
l'ambition nouvelle qu'il faut maintenant doter la France. Les conditions sont
réunies. En dehors des éléments financiers que vous constatez, notre pays
connaît une situation démographique favorable en 1999 et en 2000. Mais, à 1,8 %
enfant par femme, il n'atteint pas le seuil de 2,1 enfants qui assure le
renouvellement des générations.
Or le désir d'enfants des parents demeure important. C'est ainsi qu'apparaît
un décalage entre le souhait des familles et les contraintes qui sont les
leurs. La croissance retrouvée ne peut pas tout : c'est le devoir de notre
politique familiale d'aider les familles à réaliser ce désir du second ou du
troisième enfant.
Le 6 avril dernier, le Président de la République a rappelé les principes qui
doivent conduire ce nouvel élan de notre politique familiale.
La poursuite d'une politique familiale digne des attentes des Français ne peut
reposer que sur des moyens importants. Le principe de séparation des branches
de la sécurité sociale est inscrit dans la loi. Cette prescription voulue par
le législateur doit être scrupuleusement respectée.
La politique familiale ne se résume pas à la lutte contre les exclusions. Elle
doit s'adresser à toutes les familles : même si une attention particulière peut
et doit être apportée aux plus fragiles, à celles dont les moyens sont les
moins importants, à celles qui sont désemparées, qui souffrent, elle ne peut
pas se résumer à cette seule direction.
La politique familiale doit être neutre vis-à-vis des choix des familles. Il
n'y a pas de place pour l'idéologie dans le soutien qui leur est apporté.
Parce qu'aucune politique ne saurait être mise en place sans ou contre l'avis
des intéressés, la prise des décisions doit se faire dans la concertation.
Comment le Gouvernement peut-il présenter devant nous un projet de loi que le
conseil d'administration de la CNAF a presque unanimement condamné ?
M. Charles Descours a résumé tout à l'heure les propositions de notre
commission au sujet du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour
2001.
Pour ma part, je me réjouis qu'au terme d'une concertation étroite avec le
rapporteur général de la commission des finances nous soyons tombés d'accord
pour retourner aux familles les économies réalisées dans le budget général au
détriment de la branche famille et proposer un rétablissement du quotient
familial à son niveau originel actualisé.
Je vous proposerai, en outre, la création d'un « compte de réserve spécifique
» des excédents de la branche famille. Il s'agit d'un compte dans lequel la
politique familiale trouvera les moyens d'une action ambitieuse. Il s'agit
aussi d'un compte de sanctuarisation des excédents qui offre une lisibilité
accrue des ressources disponibles pour les familles.
Par ces mesures, nous montrerions que les familles ne doivent pas craindre un
effet cliquet des prestations familiales, qui les pénaliserait constamment.
Si le Président de la République a rappelé, à l'occasion de la remise de la
Médaille de la famille française, que, « au milieu des transformations que
connaît notre société, s'il est une institution qui tient bon tout en
s'adaptant, c'est la famille », il a aussi affirmé avec force que celle-ci « a
besoin d'être aidée et soutenue car elle ne trouve pas les conditions les plus
favorables à son épanouissement dans l'organisation actuelle de la société et
de l'économie ».
C'est donc dans ce souci d'apporter un soutien accru à la famille que je vous
demanderai d'appuyer les propositions que nous présentons en sa faveur.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Vasselle, rapporteur.
M. Alain Vasselle,
rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance
vieillesse.
Monsieur le président, madame le ministre, madame le
secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cette année, « tout va très bien,
madame la marquise ».
(Sourires.)
M. Jean-Claude Gaudin.
Il y en a encore !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Les régimes de retraite connaissent une embellie. C'est donc
un rapport résolument optimiste qui devrait pouvoir être présenté aujourd'hui.
Cela ne peut être que de nature à donner le sourire à Mme Guigou, qui vient de
prendre ses fonctions au ministère de l'emploi et de la solidarité. Hélas !
comme l'a rappelé tout à l'heure Charles Descours, il ne faut pas se fier aux
apparences : derrière l'arbre de ces chiffres positifs, il y a la forêt des
difficultés, du moins pour ce qui concerne la branche vieillesse.
En vérité, c'est un sentiment de vive inquiétude qui l'emporte. En effet,
l'année 2000 est marquée par la décision du Premier ministre de refermer le
dossier de la réforme des retraites jusqu'en 2002 : chacun d'entre nous l'a
compris en écoutant sa déclaration du 21 mars dernier.
Aussi, avant d'aborder le projet de loi de financement de la sécurité sociale
pour 2001, je voudrais dire quelques mots du contexte dans lequel il
intervient.
J'évoquerai, en premier lieu, les excédents fragiles de 1999-2000, puis, en
second lieu, le dossier de l'avenir des retraites.
Nous le savons tous, la conjoncture économique française est aujourd'hui
exceptionnellement favorable. Les régimes qui étaient précédemment équilibrés
ou en léger déficit renouent avec les excédents ; ceux dont l'équilibre n'est
acquis qu'au moyen de transferts améliorent leur autofinancement.
Cette bonne santé résulte avant tout d'un surcroît de recettes. Mais elle est
aussi le fruit d'une moindre augmentation des dépenses. En effet, partent
aujourd'hui en retraite des hommes et des femmes qui sont nés durant la Seconde
Guerre mondiale. Ils et elles font partie de ces classes démographiques creuses
de 1939 à 1945 freinant ainsi la progression du nombre total de retraités et
permettant aux régimes de réaliser des économies.
La CNAV annonce un excédent de 3,5 milliards de francs pour 2000 et de 3,3
milliards de francs pour 2001.
J'observe, au demeurant, que jamais ce résultat n'aurait pu être affiché s'il
n'avait été procédé à la réforme de 1993, ce que je me suis plu à rappeler à
Mme Aubry à chaque débat sur le projet de loi de financement de la sécurité
sociale et que je me plais désormais à vous rappeler, madame le ministre. C'est
en effet M. Balladur qui a pris cette initiative en sa qualité de Premier
ministre, Mme Veil étant alors en charge des affaires sociales.
Cette réforme a consisté à allonger la durée de la vie active et à modifier la
base de liquidation des pensions. On en a peu parlé : elle est entrée en
application en douceur, elle n'a pas provoqué de déplacements de foules, elle a
été parfaitement intégrée par l'opinion publique. Elle n'en a pas moins été la
première pierre des réformes structurelles engagées en France dans ce domaine,
et on la doit à un gouvernement qui a été fort décrié par le gouvernement
actuel.
J'ai encore en tête les paroles de Mme Aubry faisant référence à la tentative
de réforme engagée par M. Juppé sur les régimes spéciaux, qui a, certes, été
une source majeure de difficulté pour son gouvernement, en 1995. Mais elle
n'était pas pour autant fondée à dire que les gouvernements précédents
n'avaient rien fait, alors que le gouvernement de M. Jospin, lui, agissait !
J'aimerais donc bien entendre de votre bouche, madame le ministre, ou de la
bouche d'un autre membre du Gouvernement, que M. Balladur avait pris une
initiative très importante.
M. Guy Fischer.
Ne rêvez pas !
(Sourires.)
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Je sais bien, monsieur Fischer, qu'il ne faut pas rêver, mais
peut-être, vous, auriez-vous l'honnêteté intellectuelle de reconnaître cette
vérité que je viens d'énoncer.
Quoi qu'il en soit, l'excédent aujourd'hui constaté est fragile parce que,
nous le savons, les perspectives des retraites demeurent inquiétantes.
Le Gouvernement, après les nombreuses études réalisées depuis 1991, a voulu
disposer d'un nouveau diagnostic.
Le rapport commandé par M. Jospin à M. Charpin est explicite. Les faits sont
têtus : dans l'hypothèse d'un taux de chômage de 6 %, le besoin de financement
de nos régimes sera de 290 milliards de francs par an en 2020 et de 700
milliards en 2040 !
Et puis il y a eu la diversion du rapport Teulade, qui a tenté de relativiser
les difficultés à venir.
En février dernier, notre commission a souhaité entendre M. Teulade et M.
Charpin.
M. Alain Gournac.
J'y étais !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Nous avons constaté que le rapport Teulade reposait sur une
erreur méthodologique majeure. Il a donc bien fallu revenir au diagnostic du
commissariat du Plan, qui reste intégralement fondé.
Je souligne au passage que le conseil d'orientation des retraites, qui a été
mis en place sur l'initiative de l'actuel gouvernement, ayant examiné certaines
conclusions du rapport Teulade, arrive à la même conclusion que les membres de
la commission des affaires sociales dans leur majorité.
Si l'on assiste donc à la victoire du rapport Charpin, c'est le rapport
Teulade qui triomphe en définitive puisque, fort des perspectives rassurantes
que lui permettait de faire apparaître un oubli de taille dans l'évolution des
pensions, M. Teulade proposait la méthode douce de l'expectative. Or c'est bien
cette méthode qu'a retenue le Gouvernement.
A ce titre, le rapport Teulade a rempli son office, l'objectif politique a été
atteint : il s'agissait de faire croire aux Français qu'il n'y avait pas
urgence à réformer, qu'il y avait tout lieu d'attendre, que tout allait pour le
mieux dans le meilleur des mondes et qu'on pouvait patienter jusqu'à 2010 ou
2020 pour engager quelque réforme que ce soit.
Le 21 mars dernier, au moment d'annoncer une réforme longtemps différée, le
Premier ministre a ainsi choisi de créer une instance de concertation
permanente, le Conseil d'orientation des retraites, qui a pour mission de
déposer un rapport en 2002 ; je pense que la date n'a pas été choisie d'une
manière innocente...
M. Jean-Claude Gaudin.
Sûrement pas !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Après le Livre blanc de 1991, les perspectives des retraites
en 1995, le rapport Charpin de 1999, ne pensez-vous pas, mes chers collègues,
que ce rapport conclura également qu'il est urgent d'agir ?
(Rires sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jean-Claude Gaudin.
D'attendre !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Au total, l'année 2000 n'est, en matière de retraites, qu'une
nouvelle année de perdue. Au temps des rapports succède celui des reports ! Or,
devant les ajustements importants à réaliser, le facteur temps est
déterminant.
Dans ce contexte, que penser du projet de loi de financement pour 2001 sinon
qu'il repose sur l'incohérence et l'illusion ?
Comme la loi de financement pour 2000, il comporte essentiellement un
arbitrage, opéré sans perspectives, entre le souci de faire participer les
retraités dès aujourd'hui aux fruits de la croissance - ce qui paraît légitime
et compréhensible - et la nécessité d'afficher un abondement du fonds de
réserve des retraites.
Mais cet arbitrage est en quelque sorte bouleversé par la nécessité de boucler
le financement des 35 heures, au sujet duquel M. Descours a montré avec
beaucoup de pertinence et de talent à quelle usine à gaz il avait donné
lieu.
Au-delà de la complexité des circuits financiers, qui porte atteinte à
l'intelligibilité du projet de loi, ce sont les contradictions et les
incohérences politiques du Gouvernement qui apparaissent clairement.
La revalorisation des pensions retenue dans l'article 19 du projet de loi est
de 2,2 %, ce qui représente un « coup de pouce » de 0,5 % pour les
retraites.
Mes chers collègues, j'ai auditionné des retraités qui se disaient
représentatifs des associations de retraités à l'échelon national et ils m'ont
fait valoir que les comptes n'y étaient pas.
M. Alain Gournac.
Pas du tout !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
En fait, les 2,2 % concernent le premier étage des pensions
de retraite !
M. Alain Gournac.
Et voilà !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
En ce qui concerne le deuxième étage, ils n'ont aucune
information qui puisse leur donner des perspectives quant au maintien ou à
l'évolution du pouvoir d'achat.
M. Alain Gournac.
C'est exact !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Si le deuxième étage n'évolue pas dans les mêmes proportions,
ce n'est plus de 2,2 % dont ils bénéficieront
(M. Claude Domeizel
s'exclame),
mais de 1,1 %, alors que l'inflation s'élèvera à 1,8 %. Par
conséquent, ils subiront une perte de pouvoir d'achat.
Il serait intéressant, madame le ministre, que vous puissiez rassurer les
retraités sur ce point et leur faire valoir que, en définitive, le partage de
la croissance sera effectif au travers de l'évolution du deuxième étage, encore
que, sur ce point, la décision appartienne aux responsables concernés.
Cette revalorisation est sans nul doute économiquement possible aujourd'hui,
dans un contexte caractérisé par une croissance forte des recettes et un
rapport démographique favorable. D'aucuns la trouveront d'ailleurs
insuffisante.
Cet arbitrage est-il fondé ? En l'absence de toute perspective de réforme, de
toute indication sur l'ampleur de l'effort nécessaire et sur sa nature même, le
Gouvernement ne peut répondre.
Aussi, cette revalorisation parfaitement acceptable, voire insuffisante,
aujourd'hui, souffre pourtant d'un grief majeur : elle ne s'inscrit dans aucune
politique permettant de garantir les pensions qui seront versées demain.
En outre, cette année, le fonds de solidarité vieillesse est à nouveau
précarisé. Dans la lignée des lois de financement précédentes, il perd la
totalité des droits sur les alcools qui lui étaient affectés. Il perd
également, comme l'a rappelé Charles Descours, 0,15 point de CSG.
De surcroît, et nous y reviendrons lors de l'examen des articles, deux mesures
du projet de loi tendent à modifier le champ d'intervention du fonds de
solidarité vieillesse.
Ces mesures étendent, d'une part, le périmètre d'intervention du FSV dans le
domaine de la protection sociale complémentaire en mettant à sa charge le
règlement d'un engagement pluriannuel contracté par l'Etat auprès des
organismes ARRCO et AGIRC. Or il s'agit d'une dette de l'Etat envers ces
régimes complémentaires et elle ne devrait en aucun cas trouver sa place dans
le FSV. Il n'a pas été créé pour cela ! Il a été créé en 1993, sur l'initiative
de M. Balladur, alors Premier ministre, et de Mme Veil, alors ministre d'Etat,
ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville, uniquement pour
prendre en charge toutes les dépenses dites de solidarité, c'est-à-dire tout ce
qui concerne le non-contributif.
D'autre part, ces mesures transfèrent à la CNAF, comme l'a justement rappelé
Jean-Louis Lorrain, le paiement des majorations de pension pour enfant, qui
s'élèvera, à terme, à plus de 20 milliards de francs.
Le FSV est devenu un système complexe, avec des mécanismes qui s'inscrivent
dans un circuit financier où chacun a du mal à s'y retrouver ! Mes chers
collègues, j'ai ici deux tableaux.
(M. Alain Vasselle, rapporteur, montre un
premier tableau.)
Voilà ce qu'était le FSV à sa création, en 1993 :
relativement simple dans sa conception et dans son fonctionnement.
(M. Alain
Vasselle, rapporteur, montre un second tableau.)
Voilà ce qu'il est devenu
en 2001 ! Vous voyez la complexité du dispositif : les entrées, les sorties !
(Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Claude Domeizel.
On ne voit rien !
M. Alain Gournac.
Au contraire, c'est très net !
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Lisez le rapport !
M. Jean-Claude Gaudin.
C'est effectivement compliqué !
M. Jacques Oudin,
rapporteur pour avis.
Et le FOREC, ce n'est pas mieux !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Evidemment, quand on présente ces tableaux, cela gêne notre
ami Claude Domeizel et d'autres, mais ils montrent bien que l'on crée une
certaine obscurité dans l'ensemble du dispositif, si bien que personne ne s'y
retrouve. Tout à l'heure, Charles Descours aurait pu nous montrer le tableau
qui illustre les « tuyaux » qui partent du FSVet qui vont à la CNAM, à la CNAF
et à la branche vieillesse. Nous sommes loin du dispositif législatif qui a été
adopté en son temps et tendant à instaurer l'étanchéité de chacune des
branches. Cela a complètement explosé !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Bien sûr !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
L'ardoise d'une quinzaine de milliards de francs, ainsi
laissée au fonds de solidarité vieillesse en 2000-2001, n'a pour finalité que
le financement direct ou indirect du FOREC, c'est-à-dire des 35 heures. Que
viennent faire les 35 heures dans le fonds de solidarité vieillesse et comment
allez-vous l'expliquer aux Français ? Bien d'autres choses ne sont sans doute
pas plus brillantes.
M. Guy Fischer.
Il y a la ristourne dégressive Juppé, pour une part importante !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Effectivement !
Or les excédents du fonds de solidarité vieillesse comme les excédents de la
branche vieillesse doivent, dans la logique même développée par le
Gouvernement, alimenter le fonds de réserve pour les retraites. Il s'agit non
plus d'un arbitrage entre les retraites d'aujourd'hui et celles de demain, mais
d'un choix entre la réduction du temps de travail d'aujourd'hui et les
retraites de demain.
Mes chers collègues, avec le disposoitif imaginé dans le cadre du projet de
loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, le FSV perd, cette année -
c'est l'ancien président du comité de surveillance du FSV qui vous parle - 11
milliards de francs, non compensés par l'Etat.
Cette perte précarise, je le répète, la situation du fonds de solidarité
vieillesse. Comme nous le savons, celui-ci dépend très largement de la
conjoncture : lorsque la conjoncture est favorable, ce qui est le cas, elle
dégage des excédents, mais on est en train de les pomper pour financer les 35
heures ; lorsque la conjoncture est défavorable, le fonds de solidarité
vieillesse se trouve dans une situation difficile, qui peut devenir
catastrophique. Il faut espérer que nous n'aurons jamais à rencontrer ce type
de situation, car je plains ceux qui auraient à la gérer si un renversement de
conjoncture se produisait dans quelques années.
Au-delà de ces arbitrages « au jour le jour » et sous la pression d'un
diagnostic - celui du rapport Charpin - qui confirmait ceux qui étaient déjà
formulés en 1991 et 1995, le Gouvernement se devait de prendre des initiatives,
sauf à faire apparaître clairement qu'il avait définitivement renoncé à ouvrir
le dossier des retraites. La création d'un fonds de réserve constitue donc,
dans l'immédiat, la seule mesure concrète prise par le Gouvernement. Mais elle
relève d'un plan de marche grevé d'incertitudes !
M. Claude Domeizel.
Enfin, vous le reconnaissez !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Hormis le cas orphelin, monsieur Domeizel, de la fraction du
prélèvement de 2 % sur les revenus du patrimoine,...
M. Alain Gournac.
Eh oui !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
... les ressources du fonds sont soit hypothétiques, soit
exceptionnelles.
Hypothétique, telle est bien la nature de la moitié des recettes devant
abonder le fonds en 2020 : les excédents de la CNAVTS, les excédents du fonds
de solidarité vieillesse et des produits de la C3S. Or, à titre d'exemple, le
fonds de solidarité vieillesse, également appelé à abonder le fonds de réserve,
est dépouillé de ses ressources au profit du FOREC au point d'ôter toute
crédibilité à l'idée d'excédents.
Les ressources exceptionnelles sont au nombre de trois : la contribution
spontanée de la Caisse des dépôts et consignations en 2000, qui est restée
d'ailleurs sans lendemain, le versement des caisses d'épargne et le produit de
la vente des licences UMTS.
Ces recettes exceptionnelles présentent l'inestimable avantage, pour le
Gouvernement, d'être indolores, car elles n'apparaissent ni sur les feuilles
d'impôts ni sur les fiches de salaires : rien, en quelque sorte, qui puisse
s'apparenter à un « surcotisation ».
(Exclamations sur les travées
socialistes.)
En réalité il s'agit de gagner du temps : le fonds de
réserve, dont la création a été annoncée à la va-vite lors de la présentation
du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, n'est
toujours pas l'objet d'un projet abouti et sa gestion à long terme n'offre
aucune visibilité.
M. Alain Gournac.
C'est le brouillard !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Le montant de ce fonds - 1 000 milliards de francs en 2020 -
a-t-il un sens ? Le Gouvernement déclare que cette somme correspond à la moitié
des déficits prévisionnels des régimes de retraite entre 2020 et 2040. Cette
affirmation est-elle fondée ? Je rappelle que, dans l'hypothèse la plus
extrêmement favorable retenue par le rapport Charpin, à savoir celle d'un taux
de chômage de 3 % en 2020, les besoins de financement de nos régimes de
retraite atteindraient 220 milliards de francs par an en 2002 et 600 milliards
de francs par an en 2040,...
M. Alain Gournac.
Ils ne seront plus au pouvoir !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
... soit une augmentation d'environ 20 milliards de francs
par an à partir de cette période. Ainsi, dans le scénario le plus favorable, le
fonds de réserve ne permettrait le paiement des retraites que pendant quatre
ans et serait épuisé en 2024. A cette date, le problème de la dette accumulée
entre 2010 et 2020, qui, pour le seul régime général, s'établira à 600
milliards de francs, restera entier.
Autrement dit, en 2024, non seulement on aura épuisé la totalité des 1 000
milliards de francs qui auront été placés dans le fonds de réserve, mais il
restera encore la dette de 600 milliards de francs de la CNAVTS, pour laquelle
on n'aura trouvé aucune source de financement. Il serait souhaitable, madame le
ministre, que vous nous disiez quelles sont les intentions du Gouvernement dans
ce domaine. Je vous rappelle qu'en commission des affaires sociales je vous ai
posé la question de savoir ce que ferait le Gouvernement entre 2010 et 2020
pour permettre à la CNAVTS de financer ces 600 milliards de francs. Peut-être
s'agit-il d'une omission de votre part, mais je n'ai pas eu de réponse à cette
question. J'espère avoir plus de chance aujourd'hui.
M. Claude Domeizel.
L'avez-vous vous-même ?
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Ce n'est pas moi qui suis au Gouvernement, monsieur Domeizel
! Laissons à chacun la responsabilité de ses actes !
C'est donc sur cette somme de 1 000 milliards de francs que le Gouvernement
est solennellement interpellé aujourd'hui. Ainsi sommes-nous quelques-uns à
nous interroger sur le choix par le Gouvernement de ce chiffre de 1 000
milliards de francs. S'agit-il d'un chiffre symbolique signifiant, en quelque
sorte, « beaucoup », mais qui reste en réalité dérisoire au regard des besoins,
ou bien s'agit-il d'autre chose ?
Lors des auditions auxquelles j'ai procédé en qualité de rapporteur pour
l'assurance vieillesse, un éclairage nouveau m'a été apporté. Ce montant de 1
000 milliards de francs aurait une cohérence, mais dans le cadre d'une réforme
de grande ampleur visant à porter la durée d'activité à 42 ans et demi pour
tous les salariés, du secteur privé comme du secteur public.
Le Gouvernement confirme-t-il ou infirme-t-il que ce fonds de 1 000 milliards
de francs ne serait que la partie visible d'une réforme d'ampleur qu'il ne se
résout pas à annoncer et qui consisterait à repousser de 3 à 5 ans, selon les
cas, l'âge de la retraite ?
Mes chers collègues, avec Jean Delaneau, président de la commission des
affaires sociales, nous revenons d'une mission d'étude sur les retraites en
Suède et en Italie. Plusieurs de nos collègues étaient présents, notamment
Alain Gournac, Jean-Louis Lorrain et Marie-Madeleine Dieulangard. J'ai encore
le souvenir des informations qui nous ont été données dans ces deux pays. Ils
sont beaucoup plus en avance que nous en ce qui concerne la réforme de leurs
régimes de retraite.
M. Claude Domeizel.
Bien sûr !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Ils ont engagé des réformes structurelles que notre
Gouvernement n'a toujours pas entamées, à l'exception de ce qui a pu être fait
par M. Balladur précédemment. La prise de conscience est tout à fait récente.
Je vous renvoie à un communiqué des Quinze du 7 novembre dernier : ils ont
reconnu qu'une réforme des régimes de retraite était inéluctable. Un rapport
établi au profit des quinze pays dresse le constat suivant : « sans entrer dans
le détail sur les moyens de redresser la situation, l'une des mesures à
laquelle ne pourront échapper les pays membres de l'Union européenne sera de
revoir à la hausse l'âge du départ de la retraite ». Ce n'est pas moi qui le
dit !
M. Guy Fischer.
Quel programme ?
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
M. Fabius lui-même, ministre de l'économie, des finances et
de l'industrie, déclare ceci : « Il y a un problème partagé par presque tous
les Etats, c'est l'alourdissement des dépenses publiques de retraite. » Nous
nous en étions aperçu ! « Le deuxième constat, c'est la nécessité de réforme de
fond de ces régimes, car une simple amélioration ne suffirait pas à régler les
problèmes. Il y aura donc des décisions délicates à prendre dans chacun de nos
pays. »
On assiste donc à une prise de conscience, au moins chez certains membres du
Gouvernement, quant à la nécessité d'engager des réformes de fond. Mais, pour
le moment, nous ne voyons pas du tout poindre à l'horizon un soupçon de réforme
structurelle en ce qui concerne les retraites. Seul le fonds de réserve a été
constitué et il est loin de correspondre aux besoins des retraites de demain.
Il devrait disposer de 1 000 milliards de francs en 2020, dont 300 milliards de
francs proviendraient des intérêts financiers. Ces 300 milliards de francs
correspondent à la moitié des déficits prévisionnels des régimes de retraite
entre 2020 et 2040.
La confiance que place le Gouvernement dans les marchés financiers censés
procurer 300 milliards de francs d'intérêts est étonnante, alors même qu'il
refuse aux salariés du secteur privé la mise en place de plans d'épargne
retraite.
M. Alain Gournac.
C'est contradictoire !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
C'est dommage ! Les intérêts peuvent représenter 30 % des
sommes versées pendant vingt ans.
En outre, le Gouvernement passe complètement sous silence les besoins de
financement des régimes de retraite entre 2006 et 2020. Or, je le répète, le
déficit cumulé de la seule branche vieillesse s'élèvera à 600 milliards de
francs.
Par ailleurs, les déficits prévisionnels cumulés des régimes des années
2020-2040 représenteraient, selon l'hypothèse d'un taux de chômage à 6 %, 10
000 milliards de francs et non pas 2 000 milliards de francs. Il s'agit donc
non pas de la moitié, mais du dixième des déficits prévisionnels entre 2020 et
2040.
Dans le même temps, mes chers collègues, demeure une interrogation : celle de
la coexistence problématique des dettes et des réserves.
En partageant les produits des licences UMTS entre les fonds de réserve pour
les retraites et la caisse d'amortissement de la dette publique, le présent
projet de loi, combiné avec l'article 23 du projet de loi de finances, prend le
risque d'un rapprochement révélateur : celui de la constitution de « réserves »
parallèlement à la persistance de dettes considérables.
Ces 14 milliards de francs affectés à la caisse d'amortissement de la dette de
l'Etat sont à comparer au stock de dettes de l'Etat de 5 000 milliards de
francs à la fin 2000 et au déficit budgétaire prévu pour 2001, soit 186
milliards de francs, qui viendra accroître cette dette.
Cette comparaison est également l'occasion de rappeler qu'au sein même des
finances sociales le fonds de réserve, quand bien même il atteindrait
effectivement 1 000 milliards de francs, coexisterait, dès 2020, avec un
déficit cumulé de la seule branche vieillesse du régime général de 600
milliards de francs.
La démarche reste ainsi essentiellement optique, qui consiste à prétendre
faire des réserves tout en laissant les dettes s'accumuler ou, en termes plus
imagés, comme le dit Charles Descours en parlant de « comportement de sapeur
Camember », à faire des « tas » à côté des « trous », et à demander au
Parlement de voter solennellement un léger grossissement des « tas », de
préférence à un léger comblement des « trous » !
L'an dernier, le rapport sur l'assurance vieillesse pour le projet de loi de
financement s'achevait sur cet avertissement du commissaire au Plan, M. Charpin
: « Le principal danger serait de ne pas affronter le problème en temps utile.
On se placerait alors vers 2010 dans une situation où les arbitrages seraient
extrêmement douloureux à prendre. Faute de les avoir anticipés, on risquerait
de faire porter tout le poids du rééquilibrage des retraites sur un nombre
relativement faible de générations qui pourraient alors refuser un effort
supplémentaire. »
Le 21 mars dernier, la déclaration solennelle de M. Lionel Jospin « sur
l'avenir des retraites » a confirmé, au-delà des craintes formulées l'année
dernière, que le Gouvernement avait résolument choisi d'attendre.
Nous avons voté, en 1998, la création du fonds de réserve, en considérant
toutefois qu'une telle création n'avait de sens que si elle s'accompagnait
d'une réforme des retraites.
En rétablissant, comme Charles Descours l'a indiqué, les excédents du fonds de
solidarité vieillesse, nous contribuons même à l'alimenter. Le Gouvernement
s'est en effet « calé » sur les excédents du fonds de solidarité vieillesse
pour alimenter le fonds de réserve, alors que, dans le même temps, par le
projet de loi de financement de la sécurité sociale, il vient le dépouiller
complètement des excédents dont il dispose pour financer les 35 heures. C'est
la fuite en avant !
En revanche, il est indispensable, mes chers collègues, que, sous le contrôle
étroit du Parlement, soient garanties l'efficacité financière et la
transparence juridique des sommes qu'il collecte. Ce sera l'objet d'un des
amendements présentés par vos rapporteurs.
Concernant le fonds de réserve dont il faut assurer la dynamique de gestion et
la complète transparence, n'est-ce pas le rôle du Parlement, mes chers
collègues, de pousser le Gouvernement à agir lorsqu'il se complaît, concernant
les retraites, dans une position attentiste, ô combien confortable à la veille
des échéances électorales qui se profilent à l'horizon ?
Il était, à mon sens, de notre devoir de dénoncer, à cette tribune, devant les
Français, l'inaction du Gouvernement : elle tranche nettement avec l'action du
gouvernement Balladur, qui a été le seul à engager les premières réformes
structurelles dont vous profitez des effets et sur lesquelles vous vous appuyez
pour reporter à demain les initiatives nécessaires !
(Protestations sur les
travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen ; vifs applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
Or, dois-je vous rappeler ce vieux proverbe, mes chers collègues : il ne faut
jamais remettre au lendemain ce qui peut être fait le jour même ?
(Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
C'est l'avenir des futurs retraités des nouvelles générations d'actifs qui est
en jeu. Vous seule, madame le ministre, et votre gouvernement, avec la majorité
qui vous soutient, porterez la responsabilité de l'avenir sombre que vous avez
décidé de réserver aux futurs retraités et aux futurs actifs, parce que vous
restez dans l'incapacité d'agir.
(Très bien ! et applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. Guy Fischer.
Quel catastrophisme !
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jacques Oudin
rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Madame le ministre, mes premiers
mots seront d'abord pour vous saluer et vous souhaiter la bienvenue dans vos
nouvelles fonctions, pour la présentation, au Sénat, de ce cinquième projet de
loi de financement de la sécurité sociale, ensuite, pour vous souhaiter bon
courage dans votre nouvelle tâche, qui sera d'autant plus rude que le tableau
qui s'offre à nous - vous avez entendu mes collègues rapporteurs - est presque
désespérant.
Je vais analyser devant vous quelques aspects de ce bilan, mais ma liste sera
loin d'être exhaustive, tant les sujets de satisfaction sont rares.
Pour commencer, je vous exprimerai notre indignation sur la façon dont votre
ministère a répondu aux questionnaires de la commission des finances. Le 4
juillet 2000, le président de la commission des finances adressait à Mme le
ministre de l'emploi et de la solidarité deux questionnaires, l'un sur le
projet de loi de finances, l'autre sur le projet de loi de financement de la
sécurité sociale, comportant le premier trente-cinq, le second trente-huit
questions. Au 8 novembre, et rien n'a changé depuis, vos services n'avaient pas
répondu à six questions sur dix, s'agissant de la loi de financement.
Ces questions restées sans réponse, vous les trouverez à la page 239 de mon
rapport : aucune réponse sur la CADES, sur l'individualisation de la trésorerie
des branches, sur la rationalisation du réseau des caisses, sur les comptes de
la santé, sur l'informatisation du système de soins, sur le médicament, sur le
redéploiement des capacités hospitalières, sur la politique d'équipement
hospitalier, sur les dépenses d'hospitalisation, sur l'évolution des transferts
de compensation vieillesse.
Cela fait beaucoup, et je n'ai pas tout cité.
Ce mépris de la représentation nationale méritait d'être dénoncé à cette
tribune.
Mais, m'exprimant au nom de la commission des finances, je vais maintenant me
cantonner au sujet qui est le mien : les chiffres.
Je traiterai de cinq points : les comptes, la CSG et la CRDS, l'assurance
maladie, les retraites et, enfin, l'outil que représente la loi de
financement.
En ce qui concerne les comptes, qu'il s'agisse de leur élaboration ou de leur
contenu, les progrès constatés ne peuvent cacher les insuffisances
accumulées.
Sur l'élaboration, si nous pouvons nous féliciter de voir s'achever la réforme
comptable des droits constatés que j'avais demandée ici même, en 1994, je
crois, en revanche quelle n'est pas notre déception, pour ne pas dire notre
colère, devant l'ensemble des manipulations - je dis bien : « manipulations » -
qui brouillent la transparence et la fiabilité de ce texte.
Où est la clarté des comptes, avec ces transferts incessants entre la loi de
finances et la loi de financement ? A cet égard, les tableaux présentés tout à
l'heure par M. Vasselle étaient très significatifs, même si nous ne pouvions
pas toujours les lire parfaitement depuis l'hémicycle.
Où est la clarté des comptes, quand les dépenses du FOREC ne sont votées nulle
part ?
Où est la clarté des comptes, quand les conventions librement consenties par
votre prédécesseur intègrent, dans le compte tendanciel du régime général, le
coût de mesures qui ne sont encore ni discutées ni, bien entendu, votées ?
Vous avez devant vous un colossal travail pour acquérir une certaine
crédibilité en matière de chiffres et de comptes. Vous savez comme moi que
l'excédent annoncé pour la sécurité sociale est purement factice et qu'il peut
varier de un à quatre selon les méthodes de calcul adoptées. Cela me fait
d'ailleurs penser à l'excédent de la SNCF. Bien que l'ensemble du système
ferroviaire ait besoin de 65 milliards de francs pour équilibrer ses comptes,
la SNCF présente un compte en équilibre et même en excédent !
Qui a écrit que « les diverses mesures de transfert font perdre une grande
partie de leur signification aux soldes des branches du régime général » ?
C'est le secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité
sociale.
Tout cela pour souligner que l'ensemble des chiffres que vous nous présentez
sera sujet à caution, comme mes prédécesseurs à cette tribune l'ont souligné
avant moi.
Nous espérons vraiment, connaissant votre souci de rigueur, que l'année
prochaine, sous votre impulsion, certaines de ces pratiques auront changé.
Venons-en à ces chiffres. Vous nous avez indiqué, tout en en félicitant le
Gouvernement, que la sécurité sociale est revenue à l'équilibre. Nous vous
répondons : « heureusement ! »
Avec la formidable croissance économique que notre pays a connue depuis deux
ans, avec les centaines de milliards de francs de recettes supplémentaires que
vous avez obtenus, un déficit aurait été inconcevable. La question n'est donc
pas celle de l'excédent, mais bien celle de son contenu.
Alors que vous prenez tout juste vos fonctions, je tiens à vous dire que, sur
ce point également, les choses vont plutôt mal.
Cet excédent est le fruit d'une conjonction historique, puisque les recettes
progressent plus vite que les dépenses. Nous avons rarement connu cette
situation. Nous la connaissons, c'est heureux, mais nous pouvons penser qu'elle
ne durera pas toujours.
Je reconnais que votre prédécesseur a fortement contribué à cette situation,
mais elle l'a fait en augmentant les prélèvements et non pas en maîtrisant les
dépenses, ce qui aurait été, en fait, la seule voie acceptable.
L'année dernière, j'énumérais à cette tribune la liste des douze prélèvements
créés ou augmentés depuis 1997. Cette année, je pourrais en ajouter deux
nouveaux : la taxe sur les conventions d'assurance et la taxe sur les véhicules
de société. Mais je me contenterai de citer deux chiffres : les prélèvements
sociaux représentaient, en 1997, 20,4 % du PIB ; quatre ans plus tard, ils
atteindront 21,4 %, soit un point de plus de PIB, et ce alors même que
l'ensemble des prélèvements obligatoires devraient diminuer, si l'on en croit
les discours du Premier ministre. Le contraste est saisissant.
La méthode de votre prédécesseur était sans faille et sans gloire : augmenter
les prélèvements et faire croire que le retour à l'équilibre relevait d'une
action volontariste. La seule volonté qu'elle a démontrée pendant son passage
rue de Grenelle aura été celle de la hausse de la pression fiscale sociale, et
certainement pas celle de la réforme.
Nous espérons que vous vous engagerez sur une autre voie, plus saine, celle
des vraies réformes, qui ne peuvent passer que par la maîtrise de la
dépense.
Le deuxième constat porte sur la CSG et sur la CRDS.
Les mesures proposées dans ce projet de loi de financement préparé par votre
prédécesseur sont particulièrement critiquables.
Sur la CSG, d'abord. Nous vous expliquerons, dans le cours des débats, que
votre ristourne dégressive est complexe et qu'elle est loin de simplifier les
relations entre l'Etat et la sécurité sociale. Nous soulignerons également
toutes les injustices qu'elle entraîne entre familles, entre ménages ayant un
ou deux actifs, entre actifs et pluriactifs ; le débat nous permettra de
revenir sur ces différents aspects.
A mes yeux, la critique la plus grave porte sur la remise en cause même du
contrat social que constitue cette mesure. Je ne suis pas certain que vos amis,
madame le ministre, aient parfaitement perçu toutes les implications de ce que
vous nous proposez.
Depuis sa substitution aux cotisations salariales maladie, la CSG, Charles
Descours l'a parfaitement montré, symbolise le lien entre l'assuré et les
régimes obligatoires de base de la sécurité sociale. Ces régimes continuent
d'ailleurs à s'appeler « régimes d'assurance » ; ils supposent donc l'existence
d'un rapport financier direct entre l'assuré et l'organisme versant les
prestations. Les cotisations, puis la CSG ont symbolisé ce lien.
En revanche, exonérer de CSG des millions de salariés actifs et substituer à
leurs versements des recettes de l'Etat revient tout simplement à rompre cette
liaison et donc à ouvrir la voie à l'étatisation de l'assurance maladie. Un tel
mécanisme, une telle évolution sont contraires aux principes fondateurs de
notre sécurité sociale.
En agissant ainsi, vous donnez des arguments supplémentaires à ceux qui
s'interrogent sur la nécessité de maintenir le mode actuel de gestion paritaire
des caisses. En voulant modifier en profondeur le mécanisme de la CSG, vous
risquez d'altérer de façon irréversible notre sécurité sociale, cette
institution à laquelle nous sommes tant attachés et qui est au coeur de notre
contrat social.
Agir ainsi est désolant, alors que d'autres mécanismes existaient pour
atteindre les mêmes objectifs de garantie du pouvoir d'achat. Nous vous le
démontrerons le moment venu, au cours de ce débat.
De même, s'agissant de la CADES, vous agissez avec ce que je pourrais appeler
une légèreté critiquable. En privant la caisse de deux années de recettes, vous
en allongez le terme d'autant. Vous remettez ainsi en cause la force de cette
institution, qui réside dans sa crédibilité financière internationale.
Vous n'avez pas le droit de parler de baisse des prélèvements. Les
exonérations de CRDS ne sont que des reports de prélèvements de ceux que vous
exonérez aujourd'hui sur ceux qui paieront la CRDS deux ans de plus.
Vous avez tort d'arguer des bons résultats de la CADES pour les gaspiller
aussitôt. Là aussi, d'autres moyens existaient. Notre excellent collègue
Philippe Adnot évoquera tout à l'heure différents aspects de la gestion de la
CADES.
Le troisième point que je souhaiterais aborder ce soir a trait à l'assurance
maladie.
Dans ce domaine, vous avez repris, madame le ministre, un chantier en
friche.
Ma première inquiétude concerne la disparition de tous les modes de régulation
en matière de dépenses de santé. La situation est telle que je ne suis pas loin
de partager l'opinion du député Claude Evin - avec lequel nous avons eu tant de
débats, pourtant - quand ce dernier parle de la « mort du système conventionnel
».
Dans la situation actuelle, tout est à reconstruire, semble-t-il.
Il faudra le faire sur la base d'un dialogue à rétablir avec l'ensemble des
professionnels de santé, tant on a pu constater que leur sentiment de
délaissement, voire de persécution pouvait bloquer toutes les vélléités de
réformes.
Pour restaurer ce dialogue, et je partage ici l'analyse de M. Descours, il
faut abandonner les mécanismes de responsabilité collective et opter résolument
pour la responsabilité individuelle.
Le deuxième domaine de l'assurance maladie que j'évoquerai est celui de
l'hospitalisation. Votre prédécesseur a réussi en la matière un exploit. Elle
est parvenue à briser ce qui fonctionnait de manière satisfaisante,
c'est-à-dire les cliniques, pour subventionner fortement ce qu'il fallait à
tout prix réformer, à savoir l'hôpital public.
Je ne remets pas en cause, bien entendu, l'existence de problèmes majeurs dans
les hôpitaux. Cependant, comment taire la situation dramatique des cliniques
?
Dans les cliniques, toutes corrections faites - je dis bien « toutes
corrections faites » -, un même acte coûte de 30 % à 50 % moins cher que dans
un hôpital.
Or, vous êtes en train de les asphyxier par des décisions que l'on peut
qualifier d'irréfléchies. Dans ce secteur, l'absence d'infirmières devient
dramatique. Elle est le fruit de la réduction du nombre de places initiée par
votre prédécesseur à son arrivée et de la mise en oeuvre inconsidérée des 35
heures.
Le quatrième point de ce rapide exposé concerne bien évidemment les retraites,
mais j'ai des scrupules à aborder de nouveau ce sujet, après l'excellente
intervention de M. Alain Vasselle voilà quelques instants.
En matière de retraites, la politique du Gouvernement relève presque de
l'irresponsabilité, compte tenu du vieillissement de notre population, et les
dernières analyses de l'INSEE sont très significatives à cet égard.
Je ne dirai rien de la suppression, sans solution de remplacement, du mode de
revalorisation des pensions mis en place en 1993.
Je me concentrerai sur les deux axes de l'inaction gouvernementale que sont la
politique des rapports et la virtualité du fonds de réserve.
Sur ce sujet, le Gouvernement a mis au point une méthode infaillible : il
consulte, il demande un rapport, il engage un contre-rapport, puis met en place
une instance de concertation chargée de faire des études et, dans le présent
projet de loi de financement, propose même de doter notre administration de
nouveaux moyens statistiques - c'est bien, peut-être - probablement pour lancer
de futures études. A n'en pas douter, si nous continuons dans cette voie, nous
aurons bientôt la plus belle collection au monde d'études sur les retraites.
La logique de cette politique des rapports est évidente : il s'agit de
repousser toute décision après les échéances électorales majeures. Or nous
savons bien qu'alors il sera presque trop tard.
Cela apparaît avec plus de force encore pour le fonds de réserve. Vous héritez
en la matière d'une situation scandaleuse. Deux ans après la création de ce
fonds, nous n'en connaissons toujours ni l'objectif, ni les modes pérennes de
financement, ni les méthodes de gestion, ni les organismes de surveillance, ni
le terme, ni la structure juridique. Cela fait beaucoup !
Vous pensez calmer les impatiences et les inquiétudes en alimentant ce fonds
au coup par coup. Mais ce que, visiblement, votre prédécesseur n'a pas compris,
et ce que tous les exemples étrangers nous montrent, c'est que seules la
transparence, la visibilité et la prévisibilité à long terme permettent de
minorer le coût de l'ajustement inéluctable. La citation du rapport Charpin
faite tout à l'heure par M. Vasselle était, à cet égard, excellente. En effet,
il y a un moment où le coût sera tel que les générations présentes refuseront
peut-être d'en supporter la charge.
Quant à la promotion d'une épargne retraite individuelle, le Gouvernement
laisse - et c'est bien - les fonctionnaires bénéficier de la Préfon, les
professions libérales des dispositifs Madelin - c'est bien aussi - et les
agriculteurs de mécanismes propres, mais il laisse les salariés du secteur
privé dépourvus de tout système sérieux.
Face au silence du Gouvernement, le Sénat a adopté, la semaine dernière, sur
l'initiative de la commission des finances et de notre collègue Joseph
Ostermann, un mécanisme d'épargne retraite volontaire, construit sur une base
collective, facultative et respectueuse de l'équilibre des régimes par
répartition, auxquels nous sommes tous attachés. Simultanément, l'opposition
républicaine vient de publier ses propositions, propositions dont la lecture
pourrait, je le crois, utilement vous inspirer.
Ecoutons d'ailleurs ce que nous disent les institutions internationales.
La Commission européenne propose - et je serais heureux de connaître la
position du Gouvernement à cet égard - une directive sur les fonds de retraite
par capitalisation, en soulignant l'intérêt et l'urgence de leur
développement.
La semaine dernière, l'OCDE, l'Organisation de coopération et de développement
économiques, publiait, quant à elle, une étude montrant les effets positifs de
l'élévation de l'âge de la retraite dans les pays ayant adopté cette mesure, et
on nous a présenté, voilà quelque instants, les exemples de la Suède et de
l'Italie.
Malgré cela, malgré le coup de vent annoncé, en dépit des premières avaries et
des avertissements venant de l'étranger, le paquebot du Gouvernement français
maintient obstinément le cap, et il le maintiendra jusqu'à ce qu'il rencontre
sur sa route, peut-être, un iceberg fatal... Quant aux victimes, elles sont
connues d'avance.
Le dernier point que je souhaite aborder a trait à l'outil même que représente
la loi de financement de la sécurité sociale.
La réforme constitutionnelle que nous avons adoptée voilà quelques années a
permis à notre pays de rattraper un retard démocratique majeur. J'ai été l'un
des initiateurs de cette loi constitutionnelle, refusée d'abord en 1992, puis
en 1994 et acceptée en 1995.
Cependant, cinq ans après, il est temps de faire un premier bilan et de
réfléchir aux évolutions futures.
Qu'avons-nous fait de l'outil ? Comment l'améliorer ?
Des objectifs qui semblaient impossibles en 1995 deviennent possibles. Il
s'agit, par exemple - et nous en avons parlé - de la mise en oeuvre d'un
article d'équilibre, qui serait une bonne initiative.
D'autres qui semblaient des avancées majeures atteignent leurs limites : après
Charles Descours, je veux parler de l'ONDAM. Chacun a conscience que les
relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale sont loin d'être
satisfaisantes et qu'il n'est plus possible d'avoir un tel éclatement des
prélèvements obligatoires.
Nous ne pouvons que dénoncer le caractère scandaleux et antidémocratique de
pratiques qui aboutissent à ce que des dizaines de milliards de francs de
dépenses, comme celles du FOREC, échappent à tout contrôle et à tout vote
parlementaires. Puisque M. Charles Descours parlait tout à l'heure des fonds,
j'ai consulté son rapport et, en dehors de la CADES, j'en ai listé vingt et un,
ce qui est tout de même tout à fait étonnant !
Nous savons qu'il est malsain de ne pas embrasser par des comptes consolidés
l'ensemble du champ des finances publiques et des finances sociales alors que
les institutions internationales nous jugent fortement sur ces comptes agrégés.
Cette remarque est, je crois, importante.
Votre prédécesseur, madame le ministre, et le Gouvernement portent une
responsabilité majeure parce qu'ils ont sacrifié l'outil des lois de
financement de la sécurité sociale à des convenances d'affichage politique.
J'ai déjà évoqué le FOREC. J'ai déjà dit tout le mal que j'en pensais, ainsi
que des méthodes utilisées pour l'ONDAM. A quoi celui-ci sert-il quand le
Gouvernement le rebase à deux reprises, passant ainsi l'éponge sur une
trentaine de milliards de francs de dépassements ?
De même, où est la réflexion sur la santé publique et le contenu des 100
milliards de francs de dépenses supplémentaires consacrées à la santé en cinq
ans ? Cet argent a-t-il apporté un bien-être, financé des innovations, réduit
des inégalités, ou bien s'est-il fondu dans la masse de la dérive des dépenses
? C'est une question sur laquelle nous n'avons pas complètement les réponses
que nous souhaiterions.
Il faut donc revoir le schéma des lois de financement de la sécurité sociale
pour leur donner une autre ampleur et davantage de crédibilité.
Espérons que la réforme annoncée, attendue et espérée de l'ordonnance portant
loi organique relative aux lois de finances donnera enfin l'occasion de lancer
un débat approfondi et constructif. Encore faut-il, bien entendu, madame le
ministre, que le Gouvernement le veuille.
Comme vous le constatez, les sujets d'inquiétude ne manquent pas. Nous
connaissons vos qualités de rigueur et d'objectivité. J'espère que la
description sévère mais juste que je viens de faire, au nom de la commission
des finances, et qui rejoint celle de la commission des affaires sociales, vous
permettra d'avoir une autre vision sur une réalité qui est encore très
sombre.
La conjoncture économique vous a donné et vous donne toujours une occasion
unique de redresser le cap. Ne la manquez pas. Il en va de votre responsabilité
face à un peuple qui a toujours marqué son profond attachement à son système de
protection sociale.
Pour toutes ces raisons, vous comprendrez que la commission des finances ait
émis un avis négatif sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale
pour 2001.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et
des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Madame la ministre, je
vous accueillais mardi dernier à la commission des affaires sociales et je vous
disais que la majorité des membres de celle-ci n'était pas malveillante mais
serait sans doute sévère, surtout lorsqu'il s'agit de discuter d'un budget
désormais plus important que celui qui est présenté par le projet de loi de
finances. Je regrette d'ailleurs - mais je sais quelles étaient ce jour-là vos
obligations - que nous n'ayons pu en discuter que pendant une heure.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Et quart !
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Cependant, je ne doute
pas que ces critiques sévères, qui pour l'instant ne s'adressent pas
directement à vous, vous allez malgré tout les assumer, les combattre
crânement. En effet, nous connaissons votre tempérament.
Après les exposés très complets des trois rapporteurs de la commission des
affaires sociales et du rapporteur pour avis de la commission des finances, mon
intervention sera brève.
Je voudrais simplement, au moment où nous abordons le cinquième projet de loi
de financement de la sécurité sociale, exprimer un motif d'inquiétude et vous
faire part d'un motif de satisfaction.
S'agissant, tout d'abord, du motif d'inquiétude, M. Charles Descours vient de
souligner combien, depuis quatre ans, le Gouvernement avait dénaturé cette
nouvelle catégorie de loi et, ajouterai-je, trahi non seulement l'esprit, mais
encore la lettre de la réforme constitutionnelle de 1996.
Or notre commission est fondamentalement attachée à ces lois de financement
qui doivent permettre chaque année au Parlement de débattre des enjeux
financiers de notre protection sociale.
Certes, la matière en elle-même est complexe. Notre protection sociale se
caractérise par une grande diversité des intervenants et par la multiplication
des affectations de recettes qui résulte de la séparation des risques,
séparation que vous essayez d'ailleurs de contourner.
Les lois de financement elles-mêmes relèvent d'une logique particulière
puisque les objectifs votés par le Parlement ne sont pas des plafonds de
crédits qui entraîneraient, s'ils étaient dépassés, l'interruption des
prestations ou des remboursements. Mais j'ai bien noté, et nous saurons vous le
rappeler, l'engagement que vous avez pris, dans votre propos liminaire, de
faire respecter les objectifs votés par le Parlement.
La matière est donc complexe, mais, après tout, le Parlement et ses
commissions permanentes en ont l'habitude et le rôle essentiel qui est le leur
est bien de rendre intelligibles les textes compliqués.
Je voudrais, à ce titre, rendre hommage à Charles Descours, Jean-Louis Lorrain
et Alain Vasselle pour l'intensité et la qualité du travail effectué, ainsi
qu'à Jacques Oudin qui vient de nous présenter les conclusions de la commission
des finances. Je sais, puisqu'il vient de nous le faire dire à l'instant, que
le président de la commission des finances serait présent parmi nous s'il
n'était retenu par des problèmes importants au sein de sa commission.
Mais encore faut-il que la complexité soit sinon nécessaire, du moins qu'elle
ne puisse être évitée.
Or, j'ai la conviction que le Gouvernement organise cette complexité pour
procéder, dans une opacité volontaire, à des transferts financiers illégitimes.
Je pense en particulier à ces ponctions répétées et, de surcroît, rétroactives
qui sont opérées sur la branche famille et le fonds de solidarité vieillesse.
MM. Jean-Louis Lorrain et Alain Vasselle l'ont parfaitement démontré tout à
l'heure.
De cette confusion organisée par le Gouvernement, je citerai seulement deux
exemples.
Le Gouvernement a créé, l'an dernier, un fonds « de financement de la réforme
des cotisations patronales de sécurité sociale », le fameux FOREC, dont tout le
monde a parlé. De fait, le débat sur la réforme de l'assiette des cotisations
patronales est ancien et tourne autour de la question suivante : faut-il ou non
introduire, à côté de la masse salariale, d'autres éléments de la valeur
ajoutée ?
Mais que fait le Gouvernement ? Il affecte à la compensation des exonérations
de cotisations sociales pas moins de six impôts et taxes. Il s'agit, et c'est
un peu un inventaire à la Prévert, des droits sur les tabacs, des droits sur
les alcools, de la taxe sur les véhicules de société, de la taxe sur les
conventions d'assurances, de la contribution sur les bénéfices des sociétés, de
la taxe sur les activités polluantes, qui, aujourd'hui mardi 14 novembre 2000,
alors que le Premier ministre va devoir chercher un certain nombre de milliards
de francs pour résoudre le problème des farines animales, pourrait avoir une
utilisation plus judicieuse.
M. Alain Gournac et M. Jacques Oudin,
rapporteur pour avis.
Très bien !
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Dans tout cela, où est
la réforme des cotisations patronales ? Nulle part, sauf à prétendre que les
tabacs et les alcools, dont les droits sont payés par les consommateurs,
entreraient par exemple dans l'assiette des cotisations patronales, ce qui
serait à l'évidence absurde.
A quel objectif répond alors la création du FOREC ?
Est-ce un objectif de clarification ? Ce serait un paradoxe, tant le mécanisme
rend désormais incompréhensible non seulement la loi de financement mais aussi
la loi de finances.
Est-ce l'objectif d'un meilleur contrôle ? Ce serait une plaisanterie, dès
lors que ce fonds échappe à tout contrôle puisqu'il n'a pas été encore
juridiquement mis en place.
De quoi s'agit-il alors ? La réponse est simple. Il s'agit de dégonfler
optiquement la masse des dépenses budgétaires et de faire en sorte qu'en
définitive le budget de l'Etat se retire totalement du financement d'une
politique de l'emploi fort aventureuse - nous le constatons chaque jour
davantage -, à savoir les trente-cinq heures.
C'est la première confusion, qui frise l'impudence, organisée par le
Gouvernement : présenter comme une réforme des cotisations patronales la
non-compensation à la sécurité sociale des exonérations de charges décidées par
l'Etat.
Le second exemple, je le tire du transfert de majoration de l'allocation de
rentrée scolaire.
Depuis 1993, le Gouvernement décidait chaque année d'une telle majoration, qui
était prise en charge par le budget général.
Lors de la Conférence sur la famille de juin 1999, il annonce la pérennisation
de cette majoration.
A dire vrai, cette annonce semblait relever de l'effet de manche. En effet,
les familles étaient habituées à cette majoration, régulièrement reconduite
chaque année, et on ne voit donc pas ce qu'il y avait de bien nouveau dans
cette décision.
En réalité, de quoi s'agissait-il ? Dès lors que le Gouvernement annonçait sa
pérennisation, la majoration de l'allocation de rentrée scolaire était élevée
au rang de prestation familiale, et il était normal, concluait le Gouvernement,
que les 7 milliards de francs correspondants soient pris en charge par la
branche famille.
On se demande véritablement pourquoi le Gouvernement - l'actuel ou le
précédent, d'ailleurs - n'a pas pris plus tôt une telle décision : il est rare,
en effet, qu'une bonne nouvelle se traduise par une économie budgétaire de 7
milliards de francs !
C'est la seconde confusion que je tenais à souligner : celle qui consiste à
transférer une charge nouvelle à la branche famille sous couvert de
pérennisation d'une prestation.
A travers les mécanismes qu'il met en place, sciemment illisibles, à travers
le discours dont il les accompagne, sciemment confus voire inexact, le
Gouvernement ne dupe certes pas les spécialistes des finances sociales, mais il
réduit à néant les espoirs de pédagogie, de clarté et de démocratie qui étaient
attachés à la réforme constitutionnelle de 1996.
M. Jacques Oudin,
rapporteur pour avis.
Très bien !
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Il prend ce faisant une
lourde responsabilité,...
M. Alain Gournac.
Oui !
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
... car, sans cette
pédagogie, sans cette clarté, sans cette démocratie, il n'y aura pas de
redressement durable des comptes sociaux, il n'y aura pas de garantie quant à
l'avenir de notre modèle de protection sociale.
J'exposerai un motif de satisfaction ensuite ; il n'est pas mince mais il ne
s'adresse pas au Gouvernement.
Face, en effet, à la multiplication des jeux de miroirs entre la loi de
financement et la loi de finances, qui résulte des tuyauteries mises en place
par le Gouvernement, le débat parlementaire sur ces deux textes financiers
courait un risque de confusion et d'incohérence.
Aussi, je me félicite du travail fait en commun par les deux commissions
compétentes : la commission des finances et la commission des affaires
sociales.
Non seulement leurs analyses sont proches, voire identiques, mais encore leurs
propositions sont coordonnées, qu'il s'agisse du mécanisme du crédit d'impôt
que la commission des finances proposera de substituer à l'improvisation que
représente la ristourne dégressive de la CSG, qu'il s'agisse de l'amélioration
du quotient familial ou encore de l'affectation du produit des licences de la
téléphonie mobile.
Je tiens à en donner acte à mon collègue M. Alain Lambert, président de la
commission des finances, et à M. Philippe Marini, rapporteur général, qui a
bien voulu se joindre à nous lors de la conférence de presse organisée voilà
quelques jours.
A l'évidence, nous sommes prêts à aborder chaque année, au printemps, un débat
d'orientation consolidé sur les finances publiques, c'est-à-dire sur le projet
de loi de finances ainsi que sur le projet de loi de financement de la sécurité
sociale. Je déplore que, face à une telle demande, appuyée par M. le président
du Sénat, le Gouvernement se dérobe.
Ces dérobades, nous en avons cité beaucoup, en particulier s'agissant des
retraites. C'était la tactique de Fabius, non pas celui auquel vous pensez
peut-être, mais Fabius
Cunctator
, c'est-à-dire « le Temporisateur »,
tactique qui parut un temps réussir, mais qui finit dans l'échec.
Je ne souhaite pas, pas plus que vous, sans doute, madame la ministre, ni que
vous, mes chers collègues, un tel résultat pour notre pays !
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR
et de l'Union centriste.)
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je tâcherai de répondre
brièvement, puisque la discussion générale va se poursuivre et que j'aurai
d'autres occasions de m'exprimer. Mais je voudrais quand même à ce stade, après
les interventions des différents rapporteurs et du président de la commission
des affaires sociales, vous faire part, mesdames, messieurs les sénateurs, de
quelques remarques.
Monsieur Descours, si « le trou de la sécu » a disparu, nous y sommes pour
quelque chose ! Il faut quand même vous y faire ! Nous avons changé de
politique économique en 1997,...
M. Charles Descours,
rapporteur.
Eh oui !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... nous avons relancé la
croissance, nous avons diminué le chômage, et voilà le résultat !
M. Alain Gournac.
Et en Allemagne ? Et en Grande-Bretagne ?
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je n'avais pas cité, dans mon
propos introductif, les montants des déficits successifs du régime général,
entre 1993 et 1997, mais, puisque vous m'y poussez, je vais le faire ! Ce
déficit s'élevait, en 1993, à 56,4 milliards de francs, en 1994 à 54,8
milliards de francs, en 1995 à 57,3 milliards de francs, en 1996 à 51,4
milliards de francs, en 1997 à 33,8 milliards de francs, le total se montant à
253 milliards de francs.
En 1998, le déficit a baissé à 16,9 milliards de francs, et nous avons renoué
avec les excédents à partir de 1999. Mais cette amélioration n'est pas venue
toute seule ! Elle est due, je le répète, à la politique économique que nous
avons menée, politique qui a rompu radicalement avec celle qui avait été menée
par M. Balladur, puis par M. Juppé, et qui aurait certainement été encore
aggravée si la dissolution décidée par le Président de la République avait
donné un résultat différent ; mais les Français nous ont élus justement pour
mener une politique différente !
M. Claude Domeizel.
Heureusement !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Toutes les conditions étaient rassemblées pour que la
croissance soit rétablie !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
La réduction du temps de
travail dans la fonction publique hospitalière sera effective au 1er janvier
2002. Où en sommes-nous aujourd'hui ? Mon cabinet a rencontré les grands
syndicats. Les négociations s'ouvriront prochainement pour aboutir, je
l'espère, à un accord national. Puis sera élaborée la réglementation sur
l'organisation et le temps de travail, avec, ensuite, une mise en application à
l'échelon local.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Quel sera le
financement ?
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
J'ai bon espoir que la
réduction du temps de travail soit l'occasion de réexaminer l'organisation du
travail au sein des hôpitaux afin d'améliorer à la fois le service rendu à la
population et les conditions de travail des agents. Quant au financement,
monsieur le président de la commission des affaires sociales, la question ne se
posera qu'en 2002.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Bien sûr ! Beaucoup de
personnes sont inquiètes à ce sujet !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Chaque chose en son temps !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Cunctator !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
S'agissant de la CSG, M.
Descours a tenu des propos très argumentés auxquels je vais m'efforcer de
répondre brièvement.
Le Gouvernement a voulu réduire les prélèvements afin d'alléger les charges
sur le travail, et, en premier lieu, sur le travail peu qualifié. La CSG avait
d'ailleurs été mise en place pour rééquilibrer les prélèvements sociaux en
baissant les charges sur les revenus du travail et en mettant à contribution,
en compensation, les revenus financiers.
La mise en oeuvre de la CSG a été faite aussi bien par le gouvernement de
Michel Rocard, en 1990, que par celui de Lionel Jospin, en 1998, sur
l'initiative de Martine Aubry, dont je veux ici saluer l'action, car j'estime
qu'elle a été injustement attaquée par tous les rapporteurs,...
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Tout à fait !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... dans l'espoir, évidemment
vain et fallacieux, que j'allais, ne fût-ce que d'un battement de cil - mais je
ne vous ferai pas ce cadeau ! - me démarquer de la politique menée par ma «
prédécesseure ».
(Exclamations sur les travées du RPR.)
Je tiens donc à saluer ici les réformes menées par Martine Aubry, au nom du
Gouvernement tout entier.
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
M. Alain Gournac.
Pas nous !
M. Hilaire Flandre.
Attendez de payer la note !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
La mise en oeuvre de la CSG a
été faite par Michel Rocard en 1990 et par Martine Aubry en 1998, conformément
à la logique précitée et contrairement à la mesure d'augmentation de la CSG
décidée en 1993 par le gouvernement de M. Balladur, qui a été réalisée sans
baisse de cotisations salariales en compensation. Il faut quand même rappeler
certaines choses !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Vous en profitez bien !
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Il faudrait faire le
bilan du gouvernement Bérégovoy !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Les mesures prises par les
divers gouvernements en matière de charges patronales ont aussi visé à alléger
les charges en priorité sur les bas salaires. C'est dans cet esprit qu'ont été
conçus les allégements liés à la mise en place des 35 heures qui permettent de
réduire le niveau des charges de sécurité sociale à 5 % du SMIC brut, contre 31
% voilà dix ans.
Nous voulons - et c'est peut-être ce qui nous distingue, monsieur Descours -
continuer les efforts pour améliorer le statut social du travail, et que cela
ne s'arrête pas aux charges patronales. Nous souhaitons que le smicard
bénéficie sur sa feuille de paie de l'allégement des charges sociales. C'est
notre politique ; c'est le sens des mesures qui ont été prises et c'est ce que
permet le projet de loi de financement de la sécurité sociale à travers cette
mesure simple, extrêmement attendue par les ménages concernés et applicable dès
janvier 2001. D'ailleurs, le Gouvernement a veillé à ce que cette mesure ne
prive pas la sécurité sociale de la moindre ressource puisque le projet de loi,
tel qu'il a été adopté par l'Assemblée nationale, prévoit une compensation
intégrale des régimes de sécurité sociale.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Pas pour la CRDS !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Si ! C'est pourquoi les
critiques que vous avez exposées ne me semblent pas fondées.
Par ailleurs, monsieur Descours, vous avez émis une crainte quant à une
inconstitutionnalité de la réduction dégressive de la CSG, avançant à cet égard
trois motifs possibles.
Vous avez tout d'abord prétendu que les pluriactifs seraient avantagés. Je
dirai qu'ils ne seront pas mieux traités que les monoactifs puisque la
pluriactivité salariée est prise en compte à travers la proratisation de la
réduction en fonction du temps de travail. De ce fait, un salarié qui perçoit
le SMIC en occupant deux emplois à mi-temps bénéficiera de la même réduction
que s'il occupait un emploi à temps plein rémunéré au SMIC. Par conséquent, le
pluriactif salarié ne sera pas avantagé.
Et je répète, après vous avoir déjà répondu à cet égard lors de mon audition
par la commission des affaires sociales - que la pluriactivité non salariée
sera également prise en compte lors de la régularisation sur les revenus de
l'année. Il sera alors demandé aux salariés de déclarer leurs revenus salariés
pour que l'URSSAF ou la mutualité sociale agricole puisse vérifier que la somme
de leurs revenus leur permet de bénéficier de la mesure. Je ne pense donc pas
que le premier motif d'inconstitutionnalité puisse être fondé.
Vous avez ensuite prétendu qu'un couple dont un seul conjoint travaille et qui
perçoit un salaire d'1,4 SMIC sera moins bien traité qu'un couple où chacun des
conjoints perçoit le SMIC.
Pour ma part, je ne vois pas là de rupture d'égalité ! Ces deux ménages ne
sont pas dans une situation semblable, puisque, dans un cas, deux personnes
travaillent et, dans l'autre cas, une seule personne occupe un emploi.
M. Hilaire Flandre.
C'est scandaleux !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Quand on veut statuer sur
l'égalité devant les charges publiques, il faut tenir compte de cette
différence de situation. J'ajoute que ce dispositif, que nous voulons et
assumons, aboutit à prendre en compte le second salaire, c'est-à-dire le
travail féminin, car nous sommes pour l'égalité entre les hommes et les femmes.
C'est donc là un résultat que nous souhaitons, je dirai même que nous
revendiquons.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Parfaitement !
M. Guy Fischer.
Très bien !
M. Hilaire Flandre.
Les gosses dans la rue et les femmes à l'usine !
M. Guy Fischer.
On vous reconnaît bien là !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Par ailleurs, je rappelle que
l'un des objectifs visés au travers de cette mesure est de favoriser le retour
à l'emploi pour les personnes à revenus modestes, et pour atteindre cet
objectif, il faut, bien évidemment, considérer séparément chaque salaire.
Enfin, dites-vous, la CSG et la CRDS ne seront plus proportionnelles. Mais je
ne vois pas là non plus de motif d'inconstitutionnalité. C'est au législateur,
et à lui seul, d'apprécier la manière dont doivent être prises en compte les
facultés contributives.
Vous soulignez que la CSG restera proportionnelle sur d'autres types de
revenus. La réponse se trouve à la page 87 de votre rapport, monsieur Descours
: « A force de "propos" autorisés de certains économistes et de différents
penseurs dans la presse, certains ont pu croire que la CSG était un deuxième
impôt sur le revenu.
« Or, la CSG est au moins triple : il existe une CSG sur les revenus
d'activité, une CSG sur les revenus de remplacement, une CSG sur les revenus du
patrimoine et les produits de placement. »
On ne peut pas mieux dire ! Vous faites donc une bonne analyse, mais vous en
tirez des conséquences que je crois erronées.
Vous faites des propositions. Il est très intéressant que la majorité
sénatoriale fasse des propositions. Je salue cet effort méritoire. C'est bien
là, me semble-t-il, le rôle de toute opposition. J'allais dire « enfin ! »
(Sourires sur les travées socialistes.)
Vous proposez de retenir la technique de l'impôt négatif. En fait, vous parlez
de crédit d'impôt, mais il est plus juste de parler d'impôt négatif, car la
plupart des bénéficiaires d'un tel crédit d'impôt n'auraient jamais été amenés
à acquitter l'impôt puisqu'ils ne paient pas l'impôt sur le revenu. Donc, cela
ne pourrait pas les concerner. Aussi, parlons, si vous le voulez bien, d'impôt
négatif plutôt que de crédit d'impôt.
M. Charles Descours,
rapporteur.
C'est l'expression retenue par le ministère des finances.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Lui, c'est lui ; moi, c'est moi
!
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Ce n'est pas comme avec Martine Aubry !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Pourquoi ne pas avoir retenu la
technique de l'impôt négatif ? Nous avons, naturellement, réfléchi à cette
intéressante question qu'encore une fois vous avez le mérite de soulever dans
notre débat.
D'abord, parce qu'elle aurait été trop lourde à gérer. La réduction
dégressive, que nous avons choisie, sera gérée par les employeurs pour les
salariés et par les organismes de recouvrement, URSSAF ou caisse de MSA.
Entreprises et organismes ont depuis longtemps l'habitude d'appliquer des
dispositifs d'allégement de charges sociales. Ils ont une longue expérience
liée à la réduction des cotisations patronales, qui sont très diversifiées et
très développées.
En revanche, la mise en place d'un impôt négatif aurait été beaucoup plus
lourde et beaucoup plus coûteuse. Elle aurait nécessité, de notre point de vue,
la mise en place de procédures et de moyens administratifs nouveaux.
Surtout, la mise en place de l'impôt négatif aurait été très longue à produire
ses effets, alors que la réduction dégressive peut être mise en oeuvre dès le
1er janvier prochain, s'agissant des salariés, et lors de la première échéance
de cotisations de l'année prochaine, soit le 15 mai, s'agissant des
non-salariés.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Electoralement, c'est préférable !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Pour mettre en place l'impôt
négatif, il aurait fallu un délai très long, environ quinze mois pour les
salariés, et même plus pour les non-salariés, en raison du temps nécessaire
pour connaître définitivement les revenus des intéressés.
Un tel délai était incompatible avec l'objectif de la mesure, qui, je le
rappelle, est avant tout de favoriser la reprise d'activité, le retour à
l'emploi, en augmentant le revenu d'activité net. C'est aujourd'hui, je crois,
qu'il faut le plus utilement agir sur ce terrain.
Vous avez également plaidé, monsieur Descours, pour une loi de financement
rectificative de la sécurité sociale. On vient de me passer à l'instant un
extrait très intéressant du rapport sénatorial de 1996, donc écrit par l'un de
vos amis de la majorité sénatoriale de l'époque et d'aujourd'hui, si ce n'est
par vous-même !
J'en donne lecture : « Il semble que l'intervention d'une loi de financement
rectificative ne se justifierait que dans des circonstances exceptionnelles,
par exemple un bouleversement très important en cours d'année des conditions de
l'équilibre financier de la sécurité sociale ou, le cas échéant, un changement
de majorité parlementaire suivi de la formation d'un nouveau gouvernement. »
Nous n'en sommes pas là. Nous pouvons donc faire l'économie d'un tel projet de
loi de financement rectificative.
Monsieur Lorrain, nous n'avons pas, c'est vrai, la même conception de la
politique familiale.
M. Alain Gournac.
On s'en était rendu compte !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Votre exposé et ce que nous
proposons le montrent à l'évidence.
M. Lucien Neuwirth.
Il y a longtemps qu'on le sait !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je tiens tout de même, sur le
même ton extrêmement courtois que celui que vous avez employé, à vous dire un
certain nombre de choses.
D'abord, je ne crois pas que l'on puisse dire que, de 1993 à 1997, la
politique en faveur de la famille ait été exemplaire.
C'est tout de même pendant cette période que l'on a mis sous condition de
ressources l'allocation parentale pour jeunes enfants,...
Mme Gisèle Printz.
Oui !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... que l'on a gelé la base
mensuelle des allocations familiales, à partir de laquelle sont calculées les
allocations familiales,...
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Cela a été condamné par le Conseil d'Etat !
M. Guy Fischer.
Ils l'ont reversée !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
En effet ! ... et, enfin, que
l'on a fiscalisé les indemnités journalières maternité.
Alors, c'est vrai qu'en 1994 a été produite une grande loi sur la famille.
Mais malheureusement, aucun financement n'était prévu ! Nous, nous ne voulons
pas faire d'effets d'annonce qui ne soient pas suivis de financements.
Enfin, je souligne que l'héritage, en 1997, pour la branche famille, se
soldait par un déficit de 15 milliards de francs, sans parler des prélèvements
fiscaux auxquels avaient été soumises les familles : 120 milliards de francs de
relèvements d'impôts entre 1995 et 1997.
Depuis 1997, en revanche, les familles ont bénéficié d'un certain nombre de
mesures que je crois favorables.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Pas les familles nombreuses !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
D'abord, l'extension à vingt
ans de l'âge jusqu'auquel on perçoit des allocations familiales, ce qui n'est
pas rien.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
On a retardé d'un an
l'attribution de la première allocation. Cela ne change rien !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Ensuite, le bénéfice de
l'allocation de rentrée scolaire dès le premier enfant.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Et le quotient familial ?
(Sourires sur les travées du
RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je citerai encore l'extension à
vingt et un ans du complément familial et des aides au logement, à quoi
s'ajoutent le coût de pouce sur la base mensuelle des allocations familiales en
2000 et 2001, l'alignement des loyers plafonds pour le calcul de l'allocation
au logement familial sur l'APL, ce qui augmente le montant des aides au
logement pour les familles, et le relèvement de 11 000 à 13 000 francs du
plafond du quotient familial en 2001.
Il est vrai que nous avions abaissé ce plafond - vous avez eu raison de le
rappeler - de 16 000 francs à 11 000 francs en 1998. Là encore, nous assumons.
C'était une mesure d'orientation des aides à l'égard des familles qui en ont le
plus besoin, tout cela avec un retour à l'excédent de la branche au lieu d'un
déficit de 15 milliards de francs et des allégements d'impôts, là encore très
importants, qui profitent aux familles.
Monsieur Vasselle, vous avez concentré votre analyse sur les mesures
concernant les retraites. Je vous répondrai, là encore, le plus brièvement
possible.
D'abord, vous avez dit que nous avions des excédents « fragiles » Mais, à
structure constante, nous approchons les 20 milliards de francs en 2000, ce qui
n'est tout de même pas négligeable. En plus, nous avons le fonds de réserve.
La réduction des déficits provient de recettes supplémentaires tirées d'une
croissance exceptionnelle dont nous nous félicitons tous, j'en suis sûre.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Je l'ai dit !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
C'est vrai !
En outre, les dépenses maîtrisées évoluent moins vite que le produit intérieur
brut, grâce aux mesures structurelles que nous mettons en oeuvre.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Comme M. Balladur !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Balladur a été l'auteur
d'une réforme relative aux retraites en 1993 ; et il est vrai qu'une loi de
juillet 1993 a pris un certain nombre de mesures, assorties, il faut le dire,
d'un relèvement de 1,3 point de la CSG.
M. Hilaire Flandre.
On est loin de 10 % !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Balladur a également
redressé la CNRACL, grâce à une hausse massive de 3,8 points des cotisations à
la charge des collectivités locales.
En fait, les mesures que M. Balladur a prises concernant les retraites,
notamment sur la durée de cotisation, en juillet 1993 avaient fait l'objet de
larges concertations sous les gouvernements précédents, notamment le
gouvernement Rocard. Et, pour le reste, il a accru les prélèvements
obligatoires.
Je suis sûre que vous discuterez cette interprétation. Je voulais tout de même
vous la livrer parce qu'il m'a semblé que vous aviez donné au Sénat une
interprétation très unilatérale de la politique menée par M. Balladur.
(Rires sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste.)
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Il faudrait parler de
celle qu'a menée M. Bérégovoy avant de parler de celle de M. Balladur !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
J'ajoute que, quand la droite
s'est attaquée aux régimes spéciaux, elle l'a fait, hélas ! d'autorité, ce qui
a provoqué les résultats que nous avons vus en 1995 et qui n'ont en rien, de
toute façon, fait avancer les choses.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
J'en ai parlé également !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
S'agissant de l'évolution des
retraites, vous avez fait état de votre préoccupation concernant les retraites
complémentaires, monsieur Vasselle.
Je vous répondrai que le Gouvernement, lui, prend des décisions sur ce qui
relève de sa compétence et de ses responsabilités, c'est-à-dire les retraites
de base. Or, de ce point de vue, les faits sont là : nous avons augmenté les
retraites de base de 2,2 %. Cela s'est traduit par un gain de pouvoir d'achat
de 1,3 % depuis 1997, alors que le pouvoir d'achat des retraites avait baissé
de 4,2 % de 1993 à 1997, du fait des prélèvements - CSG, CRDS, etc. - que je
viens de rappeler, ainsi, d'ailleurs, que du relèvement des cotisations
d'assurance maladie.
Les retraites complémentaires, ce sont les partenaires sociaux - vous le
savez, bien sûr ! - qui en discutent. Je veux souligner, à cet égard, que le
Gouvernement a réglé dans la concertation le vieux contentieux - il durait, je
crois, depuis seize ans - entre l'AGIRC, l'association générale des
institutions de retraite des cadres et l'ARRCO, l'association des régimes de
retraites complémentaires.
En apportant chaque année plus de trois milliards de francs à ces régimes, le
Gouvernement permet un mode de calcul plus favorable des retraites
complémentaires.
S'agissant du fonds de réserve, vous avez exprimé votre scepticisme. Vous avez
rappelé - mais je l'avais fait avant vous - que les mille milliards de francs
du fonds de réserve qui seront constitués d'ici à 2020, et auxquels on ne
touchera pas, ne correspondent qu'à une partie - la moitié - des besoins des
régimes par répartition pour la période 2020-2040.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Le dixième !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
La moitié, selon mon
estimation, mais ce peut être une discussion sans fin, évidemment !
Je crois que c'est parce que vous minorez l'incidence de la politique
économique que nous menons
(Rires sur les travées du RPR et des Républicains
et Indépendants)
, qui a conduit à la croissance, au recul du chômage, et
qui fait tout de même que la question des retraites se pose, que vous le
vouliez ou non, dans un contexte différent de celui de 1997.
Et comme nous avons l'intention d'être là longtemps et de poursuivre cette
politique
(Sourires),
nous continuerons sans doute à avoir, dans les
années qui viennent, une bonne croissance et une diminution du chômage.
Il est vrai, néanmoins, que le fonds de réserve ne peut pas suffire à traiter
le problème, en tout cas dans la durée, et, sur ce point, je veux vous
rassurer.
D'abord, le Gouvernement a créé, vous le savez, un conseil d'orientation des
retraites, qui a pour mission de mener la concertation avec l'ensemble des
partenaires sociaux, d'élaborer des scénarios, de balayer toutes les pistes
possibles pour tous les régimes - je dis bien « tous les régimes » - de faire
rapport au Gouvernement, vraisemblablement à la fin de l'année prochaine,
rapport sur la base duquel le Gouvernement annoncera, bien entendu, sa
politque, c'est-à-dire les mesures qu'il faudra prendre, assorties d'un
calendrier.
J'enchaîne avec vos remarques, monsieur Oudin, puisque vous avez beaucoup
parlé des retraites, pour vous dire, comme à M. Vasselle, que le temps passé
par le conseil d'orientation des retraites à faire de la concertation, à faire
de la pédagogie, à chercher toute une palette de solutions, n'est pas du temps
perdu, au contraire ! Nous ne sommes pas à six mois près ! S'il est vrai qu'il
est important de ne pas perdre de temps, mieux vaut procéder de la sorte
qu'agir par autorité et aboutir, inévitablement, à des blocages, comme cela a,
hélas ! été le cas en 1995.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Lisez le rapport Charpin !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Nous l'avons lu !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur Oudin, je reconnais
votre esprit d'équilibre - il sied à votre rôle, puisque vous êtes membre de la
commission des finances - et je voudrais vous dire que le retour à l'équilibre
signifie, pour le Gouvernement, des recettes supplémentaires. Je vous «
remercie » à cet égard d'avoir qualifié la croissance d'« exceptionnelle »
alors que, je le répète, nous y sommes pour quelque chose !
(Sourires.)
Le retour à l'équilibre signifie également, pour le Gouvernement, des dépenses
maîtrisées. Ces dernières sont en effet inférieures à l'évolution du produit
intérieur brut, ce qui n'est pas le cas chez tous nos voisins européens.
Je voudrais également souligner, monsieur le rapporteur pour avis, qu'il n'y a
pas de prélèvement nouveau dans ce projet de loi de financement de la sécurité
sociale. Comme vous le savez, la taxe sur les conventions d'assurance, que vous
avez citée comme exemple de prélèvement nouveau, existe déjà.
(M. Oudin
s'exclame.)
Elle est seulement affectée en partie à la sécurité sociale.
Je rappelle aussi que la politique du Gouvernement en matière de prélèvements,
c'est une baisse des impôts de 90 milliards de francs cette année et de 120
milliards de francs sur les trois ans à venir.
M. Jacques Oudin,
rapporteur pour avis.
Les impôts baissent, les prélèvements obligatoires
augmentent !
M. Hilaire Flandre.
Regardez les masses !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Les prélèvements obligatoires
sont stabilisés, ils le resteront et nous avons l'espoir de pouvoir les réduire
!
En ce qui concerne les quotas infirmiers, nous augmentons cette année de 8 000
le nombre de places dans les instituts de formation de soins infirmiers. Cette
mesure ne provoquera évidemment pas d'amélioration immédiate, mais elle est
significative après une augmentation des quotas de 1 200 en 1999, de 1 000 en
1998 et, hélas !, une baisse de 2 000 en 1997.
Pour ce qui est des cliniques, je veux aussi vous donner des éléments de
réponse.
Je considère que les établissements privés de soins sont une composante
essentielle de notre système de santé et qu'à ce titre ils jouent un rôle tout
à fait complémentaire de celui de l'hôpital public.
Nous avons reconnu ce rôle puisque, dès cette année, nous avons pris des
mesures en leur faveur. C'est ainsi que nous avons instauré un véritable
partenariat en application du protocole du 1er mars 2000, avec les trois
fédérations de l'hospitalisation privée pour mettre en oeuvre une politique de
réduction des disparités tarifaires à l'échelon régional.
Nous avons également doté le fonds de modernisation des cliniques privées de
100 millions de francs pour l'année 2000, et, pour 2001, nous prévoyons une
dotation de 150 millions de francs. C'est une augmentation de 50 %.
Reconnaissez que ce n'est pas rien.
En outre, l'application de l'arrêté intéressant les établissements aux
économies réalisées sur les achats de dispositifs médicaux provoquera une
recette supplémentaire.
Par ailleurs, nous avons demandé aux caisses nationales de ne pas procéder au
recouvrement des ressources allouées en 1999 au titre du fonds d'aide aux
contrats, qui a été annulé, comme vous le savez, par le Conseil d'Etat. Ce sont
ainsi 130 millions de francs supplémentaires qui sont laissés à la disposition
des établissements.
Telles sont les dispositions que nous avons prises cette année en faveur des
établissements privés.
En 2001, nous accentuerons encore ces mesures favorables, puisque nous
prévoyons la possibilité de rémunérer l'activité d'urgence assurée par les
cliniques privées qui en ont reçu l'autorisation, en application des nouveaux
schémas régionaux d'organisation sanitaire, les SROS.
Nous avons également l'intention de fixer, pour 2001, un objectif des dépenses
des cliniques privées en progression de 3,3 %, contre 2,2 % en 2000, soit la
même progression que pour l'hôpital public. Je rappelle à ce propos à M.
Descours que la fixation de l'objectif des dépenses des cliniques n'était que
de 1,3 % en 1997, ce qui avait d'ailleurs entraîné, il s'en souvient j'en suis
sûre, une forte pression dans ce secteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Les résultats des cliniques étaient meilleurs en 1997 !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Certes oui, mais nous en tenons
compte.
S'agissant des difficultés de recrutement du personnel soignant, qui sont tout
à fait réelles pour les cliniques privées, nous le savons, ces dernières vont
bénéficier de l'augmentation des quotas infirmiers, ce qui n'aura évidemment
pas d'effet immédiat.
Par ailleurs, pour répondre à ces problèmes de recrutement, nous avons, par un
arrêté, aménagé l'accès aux écoles d'infirmières pour les aides-soignantes de
façon à augmenter les recrutements.
Nous voulons enfin permettre aux cliniques d'employer, comme le font les
hôpitaux, des étudiants en quatrième année de médecine faisant fonction
d'infirmiers.
Voilà les sujets sur lesquels nous avons pris des décisions, en concertation
avec les fédérations et les syndicats. Vous voyez que nous ne sommes pas restés
inactifs.
Je terminerai mon exposé en présentant quelques remarques à propos de
l'intervention de M. Delaneau.
Monsieur le président de la commission des affaires sociales, vous avez
exprimé une inquiétude : on aurait touché la lettre de la Constitution avec ce
projet de loi de financement de la sécurité sociale. Je ne crois pas que l'on
puisse dire cela, d'abord, parce qu'il y a un juge constitutionnel et que, si
une mesure était inconstitutionnelle, le juge l'aurait constaté.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
C'est ce qu'il a fait
l'année dernière !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Ensuite, je ne pense pas que
transférer des recettes de l'Etat à la sécurité sociale soit contraire à la
Constitution. C'est notre orientation politique et nous l'assumons : il s'agit,
pour nous, d'alléger les charges qui pèsent sur l'emploi. D'ailleurs, cela
fonctionne bien, puisque cette politique n'est pas totalement étrangère aux 870
000 chômeurs de moins que nous enregistrons, heureusement, depuis 1997.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Je n'ai jamais dit cela
!
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Après d'autres intervenants,
vous avez déploré la complexité du financement de la sécurité sociale. Vous
avez raison, mais je crois qu'il ne faut pas confondre complexité et opacité.
Le financement de la sécurité sociale a toujours été complexe, ce n'est pas une
nouveauté, mais il n'est pas opaque.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Cela ne s'améliore pas !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je vous dirai donc, monsieur
Delaneau, comme à M. Descours, que, concernant le FOREC, le Parlement a une
vision très précise de l'ensemble des exonérations de charges et de la façon
dont elles sont financées.
L'affectation d'une recette budgétaire à un fonds n'est d'ailleurs pas une
nouveauté, puisque M. Balladur l'a fait avec le fonds spécial veillesse.
(M.
Descours, rapporteur, s'exclame.)
Je voudrais vous dire encore, monsieur le président de la commission des
affaires sociales, que le budget de l'Etat ne se désengage pas du financement
du passage aux 35 heures, bien au contraire. Quand le budget de l'Etat se prive
d'une recette pour financer cette charge, ce n'est pas un signe de
désengagement, c'est le signe que nous voulons des recettes fiscales pérennes
et stables et que nous les préférons à des concours budgétaires révisés chaque
année.
Monsieur le président de la commission des affaires sociales, messieurs les
rapporteurs, j'ai été très intéressée par vos propos et par vos rapports, qui
montrent que vous avez voulu faire des propositions. Ces propositions, vous
l'avez compris, ne m'ont pas convaincue.
D'abord, elles me paraissent fondées sur une analyse erronée de la situation,
parce que vous ne voulez pas admettre que, la politique économique ayant
changé, la situation est différente, ce qui nous permet d'améliorer les
résultats. Cette politique, nous l'avons voulue, et elle est en rupture avec ce
qui se pratiquait sous les gouvernements de MM. Balladur et Juppé.
Je ne peux pas être convaincue par vos propositions, ensuite, parce qu'elles
reflètent une politique autre que celle que nous menons et pour laquelle nous
avons été élus.
Vous n'aimez pas les 35 heures, c'est votre droit. Quant à nous, nous
considérons qu'elles ont puissamment contribué à l'amélioration de la situation
de l'emploi et au regain de la confiance dans notre pays. Sur la famille, nous
privilégions - c'est vrai - l'égalité professionnelle, le travail des femmes.
Nous avons, là aussi, une conception différente de la vôtre.
Enfin, nous voulons consolider le régime des retraites par répartition.
L'Assemblée nationale a d'ailleurs voté l'abrogation de la loi Thomas. Nous
continuerons dans ce sens, mais nous prendrons nos responsabilités et nous
ferons en sorte que les régimes de retraite par répartition soient financés.
En un mot, nous avons d'autres conceptions que les vôtres, mais le débat
démocratique a eu le mérite de les avoir fait apparaître à nouveau ce soir.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivant :
Groupe du Rassemblement pour la République, 60 minutes ;
Groupe socialiste, 50 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 38 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 36 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 25 minutes ;
Groupe communiste, républicain et citoyen, 23 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe,
8 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Adnot.
M. Philippe Adnot.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, compte tenu du
peu de temps qui m'est imparti et partageant les analyses de nos excellents
collègues, je me contenterai d'évoquer le problème de la CADES.
Lorsque la décision a été prise d'allonger la durée de remboursement de la
caisse d'amortissement de la dette sociale, je m'y suis opposé car c'était une
très mauvaise décision de gestion.
Régler par un emprunt les déficits cumulés de la sécurité sociale, puis en
reculer l'échéance, c'est un risque qu'aucune entreprise, aucune collectivité
ou encore aucun particulier ne serait autorisé à courir.
L'an dernier, madame la ministre, j'ai interrogé en vain votre ministère sur
le rythme de remboursement du capital emprunté par la CADES en émettant des
doutes sur la capacité de cet organisme à tenir ses engagements.
Aujourd'hui, je n'ai plus de doutes, j'ai une certitude : la CADES n'aura pas
fini, en 2014, de rembourser.
L'équation est simple : l'endettement actuel est de 209 milliards de francs,
auquel il faut ajouter un remboursement annuel à l'Etat de 12,5 milliards de
francs jusqu'en 2008.
La ressource, pour 2001, est de 28 milliards de francs permettant de couvrir
11 milliards de francs de frais financiers et 12,5 milliards de francs de
remboursement à l'Etat. Il reste donc 4,5 milliards de francs pour rembourser
les 209 milliards de francs que j'ai évoqués. Chacun est à même de comprendre
l'impossibilité de la tâche.
Même si l'on considère que, durant les cinq dernières années, la CADES n'aura
plus à supporter le poids de 12,5 milliards de francs de remboursement à
l'Etat, soit 62,5 milliards de francs, et qu'elle aura réussi, au rythme de 4,5
milliards de francs pendant quatorze ans, à rembourser 63 milliards de francs,
il restera encore 84 milliards de francs.
Bien sûr, on m'objectera qu'une progression de la ressource est prévue, à
hauteur de 3,5 %. Mais, je ne m'en tiens pas aux hypothèses, d'autant que,
cette année, on constate une diminution de la ressource de 700 millions de
francs.
Une augmentation de 3,5 % permet de dégager 1 milliard de francs
supplémentaire sur 28 milliards de francs, mais le coût de la ressource et les
frais financiers actuels peuvent facilement atteindre 2 milliards de francs.
C'est d'ailleurs ce qui se produira cette année et l'année prochaine.
En conséquence, je mets en doute la capacité de la CADES à honorer ses
engagements. Il faut donc s'attendre, soit à un nouvel allongement de la durée
de remboursement, soit à une augmentation des cotisations, ce qui serait
insupportable.
En fait, il existe deux dettes, l'une vis-à-vis de l'Etat et l'autre vis-à-vis
des personnes auxquelles elle a emprunté. Actuellement, elle rembourse l'Etat
et dit aux autres : nous disposons de 4,5 milliards de francs par an pour
rembourser 209 milliards de francs, les remboursements iront au rythme où ils
iront.
Je demande donc au Gouvernement de ne pas se servir en premier. Je propose que
l'Etat commence par rembourser l'endettement contracté par ailleurs et se serve
les cinq dernières années. Cela diminuerait les frais financiers tout en
couvrant l'opération.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union
centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Louis Boyer.
M. Louis Boyer.
Monsieur le président, madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, depuis trois ans, nous assistons à une dérive progressive des
lois de financement de la sécurité sociale. Cette version pour 2001 vient
malheureusement confirmer cette dégradation.
La fixation des évolutions de dépenses par le Parlement perd peu à peu toute
signification. La loi de financement elle-même est instrumentalisée au service
de politiques étrangères à son objet. Le rapport annexé, censé fixer les
actions à venir, se réduit à un catalogue de voeux pieux.
Au total, les dépenses filent, mais les problèmes demeurent ; les recettes
croissent, mais les manipulations continuent.
L'excédent attendu est insuffisant en raison du dérapage persistant des
dépenses.
En effet, l'amélioration des comptes en 2000 doit tout à la croissance. Les
comptes du régime général de la sécurité sociale devraient être excédentaires
d'à peine plus de 3 milliards de francs.
Cet excédent, qui doit tout à la croissance, cache un dérapage persistant et
structurel des dépenses d'assurance maladie, dont le déficit devrait dépasser
les 6 milliards de francs en 2000. Leur progression, cette année, a été deux
fois supérieure à l'objectif voté par le Parlement.
Le dérapage de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie devrait
dépasser 13 milliards de francs en 2000, après plus de 11 milliards en 1999 et
près de 10 milliards en 1998.
Malgré ces dérives préoccupantes, le projet de loi programme d'importantes
hausses de dépenses en 2001 et réduit l'excédent du régime général comme une
peau de chagrin.
A quoi bon d'ailleurs voter un objectif national de dépenses d'assurance
maladie ? Cet ONDAM a-t-il encore un sens ? Le Parlement était censé fixer
l'objectif d'évolution des dépenses maladie. Or le Gouvernement calcule l'ONDAM
non plus par rapport à l'objectif de l'année précédente mais par rapport aux
dépenses effectives constatées. La fixation de cet objectif en loi de
financement est donc purement factice.
Le Parlement est dépossédé de son rôle. Nous opposerons, comme le propose la
commission des affaires sociales, un rejet solennel à l'ONDAM 2001.
Nous ne nous opposons pas aux hausses de dépenses en tant que telles ; nous
constatons qu'elles ne résolvent pas les problèmes. Elles modèrent le mal sans
le traiter : les professions de santé sont mécontentes, les hôpitaux
connaissent des files d'attente et de fortes disparités régionales
subsistent.
Nous pouvons d'ores et déjà prévoir que l'ONDAM sera à nouveau dépassé. Le
dispositif de maîtrise des dépenses de santé que vous avez instauré n'y
changera pas grand-chose. Votre système de sanction collective est
injustifiable et inefficace. Si certains, dans une profession, se comportent
moins vertueusement que d'autres, pourquoi sanctionner aussi ces derniers ?
Le dérapage de la dépense peut d'ailleurs être dû à d'autres facteurs, comme
le vieillissement de la population ou les progrès thérapeutiques.
Le cas récent des masseurs-kinésithérapeutes est éclairant : ils n'ont aucune
initiative en matière de dépenses, puisque leurs actes dépendent des
prescriptions des médecins et de l'accord préalable de l'assurance maladie.
Comment pourraient-ils accepter une baisse de leurs tarifs, alors que leur
pouvoir d'achat n'a cessé de diminuer ces dernières années ? On comprend la
vigueur de leurs protestations.
C'est pourquoi le groupe des Républicains et Indépendants soutiendra
l'amendement proposé par la commission des affaires sociales et visant à
substituer au système des lettres clés flottantes un mécanisme alternatif de
maîtrise de l'évolution des dépenses médicales faisant appel à la
responsabilité individuelle des médecins et contribuant à l'amélioration des
pratiques médicales.
Tandis que le Gouvernement accroît les dépenses sans procéder aux réformes
nécessaires, il détourne ou réduit les recettes de la sécurité sociale.
J'en viens aux recettes détournées et diminuées.
Le budget social est une nouvelle fois réquisitionné pour financer les 35
heures.
L'essentiel des ressources nouvelles affectées au fonds de financement de la
réforme des cotisations patronales de sécurité sociale - fonds qui a déjà été
largement évoqué - est prélevé directement ou indirectement sur la branche
famille et le fonds de solidarité vieillesse.
Là encore, le groupe des Républicains et Indépendants soutiendra les
amendements proposés par la commission des affaires sociales et rétablissant
les excédents de la branche famille et du fonds de solidarité vieillesse.
Le Gouvernement utilise également le budget social à des fins de politique
fiscale.
L'instauration d'une réduction dégressive de la CSG est particulièrement
injuste. Elle est nuisible au financement de la sécurité sociale et contraire à
son esprit.
Dans un ménage où les deux conjoints sont payés au SMIC, on n'acquittera plus
la CSG, mais dans un ménage où un seul des conjoints travaille en gagnant deux
fois le SMIC, on la paiera complètement. Où est la justice ?
M. Henri de Raincourt.
Absolument !
M. Louis Boyer.
Il est particulièrement inéquitable de faire bénéficier les contribuables
d'allégements en fonction des seuls salaires et non de leurs capacités
contributives ou de leurs charges familiales. Les arguments que vous venez de
nous donner dans votre réponse ne m'ont pas convaincu car, dans un foyer, ce
qui compte, c'est la somme qui entre et qui permet de faire vivre ses
occupants. Avec cette mesure, vous allez créer des situations différentes dans
des foyers semblables.
Par ailleurs, cela fragilise le financement de la sécurité sociale. Les 30
milliards de francs de pertes de recettes sont compensés par l'affectation des
taxes sur les conventions d'assurances. Or cette ressource est beaucoup moins
dynamique que ne l'est la CSG, assise sur l'ensemble des revenus. Si la
compensation est à peu près assurée pour cette année, elle ne le sera pas pour
l'année prochaine.
Enfin, cette réforme met fin au principe d'universalité de la CSG, qui
répondait au caractère universel de la sécurité sociale et qui marquait
l'appartenance de chaque citoyen à un grand système de solidarité.
La solidarité n'est pas mieux assurée pour les retraites.
Le Gouvernement abonde insuffisamment le fonds de réserve, qui bénéficiera en
2001 et en 2002 de moins de 20 milliards de francs par an, issus de la cession
des licences de téléphonie mobile de troisième génération. On est loin des 1
000 milliards de francs nécessaires à la sauvegarde des retraites par
répartition !
Ce fonds n'aura jamais la dimension suffisante pour faire face à l'arrivée
massive de retraités après 2005. L'intervention du Premier ministre, le 21 mars
dernier, a sonné le glas de la réforme des retraites.
Quant à la dépendance, le projet de loi que l'on nous promettait n'a toujours
pas vu le jour.
Les insuffisances notoires de ce projet de loi, ses défauts comme ses lacunes,
ont été relevées par les rapporteurs, à qui je tiens à rendre hommage pour le
travail qu'ils ont déjà accompli. Le groupe des Républicains et Indépendants
soutiendra les amendements proposés par la commission des affaires sociales.
Nous allons bientôt entrer dans une longue période électorale, que nous savons
peu propice aux réformes de fond. Il ne faut donc guère s'attendre, de la part
du Gouvernement, à une inflexion du cours des choses. Nous sommes inquiets pour
l'avenir de notre protection sociale.
(Applaudissements sur les travées des
Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
Madame le ministre, mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre
nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt-deux
heures cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de financement de la sécurité
sociale, adopté par l'Assemblée nationale.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le retour à
l'équilibre des comptes de la sécurité sociale, dont Mme Martine Aubry s'est
félicitée avant son départ du Gouvernement, trouve son fondement dans la
croissance qui touche l'ensemble des pays européens. La réduction du chômage
génère des cotisations par la reprise de l'embauche. Les excédents du régime
général sont cependant modestes. La Cour des comptes dans son rapport qualifie
cet équilibre de fragile car justement lié à un paramètre qui échappe au
contrôle.
Il conviendrait donc aujourd'hui de multiplier les efforts afin d'asseoir les
bases d'un système de soins et de protection de qualité et d'entreprendre,
enfin, la réforme des retraites dont les premières réflexions remontent à dix
ans.
Or le texte que nous examinons aujourd'hui ne contient aucune disposition
allant en ce sens.
Il s'agit, et les excellents rapporteurs de la commission des affaires
sociales l'ont parfaitement démontré, de transferts, de compensations, de
réaffectations diverses et variées de taxes et de produits donnant aux uns et
soustrayant aux autres.
On a demandé un effort considérable aux Français afin d'assainir une situation
qui se dégradait. En contrepartie, ils étaient en droit d'attendre une qualité
de soins améliorée et un avenir plus serein. Or que découvrent-ils ? Que les
divers prélèvements, pour certains prolongés au-delà des délais, auxquels ils
sont soumis vont servir, d'une part, à financer la réduction du temps de
travail et, d'autre part, à appliquer une politique fiscale « la plus innovante
depuis cinquante ans », selon les propres termes du ministre des finances.
Le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité
sociale, le FOREC, assis sur six taxes, qui ont déjà été énumérées, va bel et
bien être mobilisé pour mettre en place les 35 heures. Non seulement la taxe
générale sur les activités polluantes et la contribution sociale sur les
bénéfices des sociétés vont peser plus lourd sur les entreprises mais le
différentiel va être prélevé directement ou indirectement sur la branche
famille ou sur le fonds de solidarité vieillesse.
Les associations familiales s'interrogent avec inquiétude sur les conséquences
de la réduction de la CSG sur les revenus les plus modestes, voire sur ses
effets pervers. Il est ainsi dérogé au principe de base de contribution au
système de protection sociale. Par ailleurs, ces structures n'acceptent pas
l'amputation d'une partie des recettes propres de la branche famille. Même si
le projet de loi prévoit une compensation de l'Etat, il s'agit néanmoins d'une
atteinte à l'autonomie du financement de la branche.
Quelques mesures annoncées lors de la conférence sur la famille se retrouvent
dans ce projet de loi, mais on aurait pu aller plus loin, précisément en
fonction de ces excédents. C'était aussi le moment de revoir à la hausse la
base mensuelle des allocations familiales ; la revalorisation prévue au 1er
janvier 2001 laisse apparaître une évolution inférieure à celle des retraites
et des salaires. On peut dire que, depuis deux ans, le pouvoir d'achat des
prestations familiales a reculé.
Les familles s'estiment exclues de la répartition des fruits de la croissance
alors que les fonds existent au sein même de la branche et qu'elles ont été
touchées par la diminution du plafond du quotient familial. Il est d'autant
moins admissible qu'il y ait dérive dans l'utilisation des excédents.
Une vraie politique familiale s'adresse à tous, car le renouvellement des
générations est l'affaire de tous, même si une attention particulière doit être
accordée aux plus modestes.
L'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, qui a occupé le
Parlement il y a peu, ou bien la parité au sein des listes électorales, dont
nous avons débattu plus récemment, passent par des mesures qui permettent aux
familles d'assumer correctement leurs responsabilités et leurs engagements. La
réalité des faits met à l'épreuve les grandes avancées, qui se révèlent être un
leurre à défaut d'accompagnement.
Pourquoi faire supporter par la branche famille le financement des majorations
de pensions pour enfants ? Il n'y a là aucune logique, si ce n'est celle de
profiter des excédents de la Caisse nationale d'allocations familiales pour
alléger d'autant le fonds de solidarité vieillesse. Il n'est pas inutile de
rappeler que ce fonds sera amené à contribuer au fonds de réserve des retraites
mis en place par ce texte.
Par ailleurs, les avantages familiaux en matière de retraite s'inscrivant au
coeur des débats sur l'avenir des retraites, il est surprenant qu'une telle
mesure ait été prise avant qu'une réflexion globale soit engagée.
Enfin, cette nouvelle mission de la CNAF, qui consiste à financer ces
majorations de pensions de retraite, détourne celle-ci de son rôle premier, qui
est de verser des prestations familiales.
Revenons, madame la ministre, sur ce fonds de réserve des retraites. Il laisse
mal augurer de l'avenir. Les recettes qui l'alimentent sont exceptionnelles, sa
gestion et son contrôle inconnus. L'horizon 2020, si on en reste là, est bien
sombre. Ce fonds est une pièce d'un puzzle qui n'a pas encore été conçu.
Pourquoi attendre un nouveau rapport qui devrait être remis dans deux ans ?
Plusieurs pays européens nous ont précédés avec des scenarii de réponse
différents, mais qui partent d'un même constat que celui que nous faisons : les
régimes de retraites par répartition auront à faire face à des déséquilibres
financiers majeurs dans le futur. Aucune de ces réformes n'a rejeté la
capitalisation, mais toutes ont recherché l'égalité. Il n'y a donc pas
antinomie !
Autre sujet d'insatisfaction : l'objectif national des dépenses d'assurance
maladie. Déjà, sur le principe, pour son chiffrage, le Gouvernement passe outre
à la décision du Parlement. Mais en plus, il évacue tout contenu de projet de
santé publique pour n'en faire qu'un exercice comptable.
Il est proposé une maîtrise purement arithmétique et comptable des dépenses de
santé en fixant des objectifs de croissance sans aucun rapport avec les besoins
de la population. Il est également créé le concept des tarifs flottants,
puisque, pour que l'objectif soit respecté en fin d'année, la CNAM doit arrêter
des mesures correctives tous les quatre mois et modifier les tarifs en
conséquence. Les décotes de la nomenclature prises dans une logique comptable
ne correspondent en rien à l'objet même de cette grille, qui ne doit pas être
un outil de régulation.
Il ne s'agit pas de gommer l'aspect économique en matière de dépenses
publiques, mais en faire le terme premier est totalement réducteur. De plus,
cette approche constitue une offense pour les professionnels de la santé et un
recul pour les patients.
Comment imaginer que les premiers ne soient pas des gens responsables ?
Comment penser qu'aujourd'hui il n'y a pas interférence entre les différents
niveaux ? Si on ne peut exceller dans la polyvalence, il y a, néanmoins,
nécessité d'intégrer à sa propre problématique des données incontournables.
On a vu le corps médical répondre aux exigences de régulation des dépenses et
participer au redressement des comptes sociaux tout en faisant face aux
nécessités induites par les nouvelles technologies. Et l'on voudrait maintenant
leur faire supporter les conséquences de phénomènes annexes qu'ils ne
maîtrisent pas !
La couverture médicale universelle, qui, dans son principe, relève d'une
solidarité nationale incontestable, a brutalement solvabilisé la demande de
soins de 5 millions de patients qui se soignaient peu ou pas. Les meilleures
intentions appellent un traitement responsable des conséquences et, dans ce
cas, le Gouvernement a joué à l'apprenti sorcier. Il faut bien être conscient
du fait qu'il y a encore environ 2 millions de personnes en état de précarité,
dont les ressources sont légèrement supérieures à 3 600 francs. C'est le cas de
celles qui perçoivent les minima sociaux ou l'allocation d'adulte handicapé,
qui sont exclues de la CMU pour 52 francs. Un aménagement s'impose en
proposant, par exemple, la déduction de certaines aides des revenus
considérés.
Ensuite, la CNAM incite les professionnels de santé à corriger des déficits de
prise en charge dans de nombreuses pathologies telles que le diabète ou
l'hypertension, à quoi il faut ajouter les effets des campagnes de dépistage
lancées par les pouvoirs publics et relatives à l'hépatite ou à la trisomie
21.
Enfin, et c'est tant mieux, la croissance induit une demande de soins
amplifiée.
On ne peut admettre l'alternative : rationnement des soins ou pression sur les
seules professions de santé. Or c'est l'unique choix offert par ce texte, selon
lequel plus il y aura d'actes plus on baissera leur rémunération.
Je souhaiterais enfin aborder la situation dans le milieu hospitalier.
On enregistre actuellement dans de nombreuses unités un véritable manque de
praticiens hospitaliers, particulièrement aigu dans certaines spécialités. Les
salaires peu attractifs, l'alourdissement des contraintes et de fréquentes
mises en cause expliquent la désaffection pour la pratique hospitalière.
On arrive à combler partiellement les vides avec des praticiens adjoints
contractuels, d'origine étrangère, donc non compris dans le
numerus clausus,
qui sont sous-payés et dont les compétences sont parfois discutables. Cette
limitation du nombre de spécialistes nécessaires au fonctionnement des services
hospitaliers et du système libéral est par ailleurs aggravée par la carence en
personnels qualifiés.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du
RDSE, de l'Union centriste et du RPR.)
Les conséquences de l'absence de prévision des besoins dans de nombreuses
spécialités - gynécologues accoucheurs, anesthésistes, ophtalmologistes,
pédiatres, notamment - sont amplifiées par les départs en retraite. Il faudra
quinze ans au moins avant de voir arriver les générations remplaçantes.
Les directeurs d'hôpitaux se voient soit contraints de geler des lits, donc de
réduire la capacité d'accueil, soit de les maintenir au détriment de la
sécurité des malades. Leurs besoins sont tels, notamment en personnel
infirmier, que certains responsables font de l'embauche à la sortie même des
promotions.
Cette situation, déjà inquiétante, va s'aggraver avec l'application de la
réduction du temps de travail. Les aides prévues ne permettent pas de maintenir
la qualité des soins et des services.
Ce constat vaut tant pour le secteur public que pour le secteur privé. Une
telle compensation peut être financée soit par le relèvement des dotations
globales et des prix soit par l'allégement des charges actuellement supportées
par les établissements sanitaires sociaux et médico-sociaux, qu'ils soient
publics, privés sans but lucratif ou privés commerciaux.
Comme soeur Anne, madame la ministre, on ne voit rien venir de tel.
Pour toutes ces raisons, il convient de suivre les propositions de la
commission des affaires sociales et les observations de la commission des
finances. Le texte tel qu'il nous est soumis n'apporte pas de réponse autre que
financière aux enjeux sanitaires. C'est pourquoi les partenaires sociaux et les
professionnels de santé sont hostiles, dans leur majorité, aux dispositions de
ce projet de loi.
Madame la ministre, je crains qu'une politique d'économie de la santé ne soit
pas une politique de la santé publique.
(Applaudissements sur les travées du
RDSE, de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, après l'adoption du projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 2001 par l'Assemblée nationale le 31 octobre dernier, il
nous appartient d'en examiner la teneur.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, je voudrais souligner, une fois de plus,
l'importance que mérite de revêtir ce débat. En effet, nous souhaiterions nous
prononcer véritablement sur des besoins, des objectifs en matière de protection
sociale, de santé publique.
La protection sociale et la santé publique doivent faire l'objet d'un débat
fondamental, car il s'agit d'enjeux qui concernent tout le monde : les jeunes,
les familles, les actifs, les retraités, les handicapés. Pour tous, ce qui est
en question, ce sont leurs moyens de vivre mieux et d'accéder sans
discrimination à des soins et prestations de qualité.
C'est la raison pour laquelle notre groupe souhaite vivement que soit trouvé
le moyen d'améliorer significativement la qualité de nos débats en la matière
afin d'associer réellement le Parlement à l'élaboration d'un projet de loi
d'une telle importance pour la vie de nos concitoyens.
Un débat annuel tel que celui que vous avez annoncé, madame la ministre, sera
le bienvenu.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Très bien !
M. Guy Fischer.
Je voudrais à présent évoquer les éléments positifs de ce projet de loi par
rapport à celui de l'an dernier, puis pointer les dysfonctionnements et les
lacunes qu'il semble comporter en son état actuel, malgré les avancées obtenues
à l'Assemblée nationale, au regard des besoins de la population.
S'agissant de la branche famille, nous nous félicitons, bien entendu, de la
création d'un congé et d'une allocation pour les parents d'un enfant malade
devant être hospitalisé pour une longue période, ainsi que de la revalorisation
de l'allocation veuvage.
Pour ce qui est des fonds supplémentaires alloués au crèches, nous regrettons
qu'ils concernent seulement les investissements, ce qui laisse une part non
négligeable du fonctionnement à la charge des collectivités locales et des
familles.
Cela mis à part, aucun geste significatif n'a été fait en direction des
familles. Or il serait indispensable de revaloriser les allocations familiales
et d'en accorder l'attribution dès le premier enfant. Je constate
malheureusement que nos amendements dans ce sens ont été rejetés à l'Assemblée
nationale.
S'agissant de la branche vieillesse, mon collègue Roland Muzeau devant y
revenir dans un moment, je ne ferai que souligner quelques points
essentiels.
L'élément positif est l'augmentation du minimum vieillesse, portée à 2,2 % sur
l'insistance du groupe communiste et apparenté de l'Assemblée nationale.
Par ailleurs, je salue la revalorisation des retraites de 2,2 % et la
suppression de la CRDS pour les retraités non imposables, ce qui équivaut à une
revalorisation de 2,7 %.
Mais de nombreux efforts demeurent nécessaires pour que les retraités,
notamment les plus modestes, recouvrent un pouvoir d'achat décent. La
revalorisation des retraites ne se trouve-t-elle pas freinée si l'on ne modifie
pas dans le même temps certaines tranches d'imposition ?
Par ailleurs, une revendication essentielle des retraités est le retour à
l'indexation des pensions sur les salaires et non sur les prix.
Le Gouvernement peut-il, d'autre part, prendre un engagement précis sur la
date à laquelle sera réglé le problème urgent de la révision de la trop
inégalitaire prestation spécifique dépendance et sur celle à laquelle sera
réformée la tarification des établissements accueillant les personnes âgées
dépendantes ?
En ce qui concerne la branche accidents du travail et maladies
professionnelles, le Gouvernement répond induscutablement à une attente
profonde en nous proposant la création d'un fonds de 2 milliards de francs pour
l'indemnisation des victimes de l'amiante. Il conviendra toutefois d'améliorer
ce dispositif et de préciser certains de ses aspects. Cela fera l'objet
d'amendements, inspirés d'ailleurs par les propositions de la Fédération
nationale des accidentés du travail et des handicapés et par l'Association
nationale de défense des victimes de l'amiante.
Au-delà de ces dispositions particulières, il nous faut réfléchir à la
nécessité de réformer en profondeur le dispositif de prévention des risques
professionnels.
En ce qui concerne la branche maladie, force m'est de souligner que des
besoins immenses demeurent et que l'ONDAM, même s'il est en progression de 3,5
%, contre 2,5 % l'an dernier, ne peut les satisfaire entièrement, permettant
tout juste de maintenir la situation en l'état.
Certes, il convient de reconnaître que des mesures positives, bien que trop
timides, ont été adoptées.
L'hôpital public bénéficie d'une augmentation budgétaire de 3,3 %, contre 2,5
% l'an dernier. N'oublions pas, toutefois, que celui-ci est littéralement
étranglé par des années de rigueur budgétaire. Ainsi, on peut estimer que les
10 milliards de francs de crédits permettant de financer 12 000 postes
supplémentaires - débloqués au printemps à la suite de la lutte des personnels
- devraient tout juste permettre de remplacer les personnels en congé. Sans
parler de la mise en place des 35 heures, pour laquelle les financements
devront être prévus lors des prochains exercices.
La Fédération française hospitalière estime que 3,4 % d'augmentation des
dépenses hospitalières permettrait à peine de maintenir en l'état une situation
qui est loin d'être satisfaisante.
Par ailleurs, les disparités entre régions perdurent puisque l'on a diminué
les crédits des régions prétendument « surdotées ». Les professionnels et les
usagers s'accordent à affirmer que cela ne suffit pas et que des moyens
existent pour améliorer la situation, rééquilibrer les dotations entre régions,
sans tomber dans la fâcheuse pratique actuelle des agences régionales de
l'hospitalisation, qui consiste à tirer vers le bas la répartition des
moyens.
La mise en oeuvre des schémas régionaux d'organisation sanitaire suscite des
mécontentements et une colère qui, à notre sens, sont légitimes. Soyons-y très
attentifs, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat.
Au chapitre des mesures positives mais insuffisantes, la CMU voit son plafond
de ressources passer de 3 500 à 3 600 francs, de sorte qu'elle va bénéficier à
200 000 ou 300 000 personnes supplémentaires ; toutefois, cela ne permettra
encore pas de répondre aux problèmes des personnes titulaires de l'allocation
aux adultes handicapés et du minimum vieillesse ; bien que nous mesurions
l'effort déjà consenti, nous défendrons un amendement tendant à l'intégration
de ces populations.
En outre, la prise en compte de l'allocation logement dans les ressources -
environ 300 francs par mois - contribue toujours à exclure de nombreux ménages
en leur faisant dépasser le plafond de ressources de la CMU.
Je précise au passage que notre groupe réitère sa demande tendant à ce que le
Gouvernement porte ce plafond de ressources à 3 800 francs.
S'agissant des centres de santé, nous nous félicitons d'avoir incité le
Gouvernement à conforter leur activité concernant les prélèvements, ce qui
était une nécessité mise en avant par les directeurs de ces établissements.
Le dispositif du remboursement des frais d'optique est étendu aux
seize-dix-huit ans ; l'appareillage des personnes sourdes ou mal-entendantes
est enfin pris en charge.
Le régime des sanctions contre les médecins qui dépassent leur quota de
prescriptions est abandonné, ce qui, espérons-le, constitue véritablement
l'amorce d'une nouvelle conception du dialogue qu'ils appellent de leurs
voeux.
Toutefois, on est encore loin de résorber le retard important accumulé en
matière d'accès aux soins et à la prévention, héritage du plan Juppé.
Et si nous écoutions sérieusement les professionnels de santé ?...
A plusieurs reprises, à Paris comme dans mon département, j'ai rencontré
différents professionnels de santé, des hospitaliers, des libéraux. Je les ai
écoutés attentivement. Ils m'ont fourni des exemples précis, chiffrés. J'ai
également fait personnellement des expériences édifiantes : cinq heures
d'attente aux urgences, dans un hôpital lyonnais renommé, pour une personne
âgée déshydratée ; trois heures pour une personne souffrant de pneumonie et
d'un point de pleurésie.
J'ai entendu leur colère, leur amertume ; j'ai senti leur unanimité à
constater une certaine inadéquation entre les besoins en matière de santé et
les moyens budgétaires qui y sont consacrés.
Je les ai entendus dire, avec les personnels des hôpitaux, que nous étions
déjà entrés dans un système de rationnement des soins à l'anglo-saxonne.
Certainement, ils exagéraient. Mais n'exprimaient-ils pas, à travers un tel
constat, une détresse ? Etaient-ils si loin de la réalité de situations données
?
Ils s'inscrivaient en faux contre la volonté de les traiter en boucs
émissaires, en professionnels irresponsables qui seraient à l'origine du
dérapage des dépenses de santé.
Les praticiens concluent fort justement que le système conventionnel ne
fonctionne plus et que les commissions médicales régionales exercent à leur
encontre une véritable inquisition, au moindre soupçon de dépassement d'actes
ou sur dénonciation.
Peut-on vraiment envisager d'améliorer la qualité des soins en traitant ainsi
des médecins, des infirmiers, des praticiens exaspérés, découragés ?
M. Philippe Nogrix.
Vive les professions libérales !
M. Guy Fischer.
J'évoquerai quelques autres points où des améliorations sont
indispensables.
Il faut, de façon urgente, accroître le remboursement des dépenses de maladie
pour tous, en particulier en ce qui concerne les frais dentaires, optiques et
d'appareillage pour personnes âgées ou handicapées.
Il est indispensable de renouer un véritable dialogue. Le système de lettres
clés flottantes soulève de nombreuses interrogations. Est-il acceptable, par
exemple, qu'une infirmière à domicile, de plus en plus sollicitée, voie ses
honoraires bloqués à 24,65 francs l'acte et à 9 francs le déplacement, devant,
pour gagner sa vie, effectuer six actes par heure ? Une juste revalorisation de
ce métier me semble s'imposer,...
(M. Dominique Leclerc applaudit.)
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Très bien !
M. Guy Fischer.
... mais vous y avez fait allusion.
Il faut, de toute urgence également, promouvoir réellement le maintien à
domicile des personnes âgées.
MM. Philippe Nogrix et Marcel Lesbros.
Très bien !
M. Guy Fischer.
Comment y parvenir alors que les associations d'aide à domicile sont
étranglées par la TVA et les charges sociales, que les infirmières libérales se
voient sanctionnées pour délit de « trop d'actes » ?
Comme le disait fort justement, à l'Assemblée nationale, notre collègue
députée Mme Paulette Guinchard-Kunstler, qu'il s'agisse de maladie, de handicap
ou de dépendance, l'urgente nécessité est de mieux coordonner la prise en
charge, de mieux faire le lien entre les personnels médicaux qui assurent les
soins et l'accompagnement.
On demeure donc dans une logique comptable de plus en plus encadrée, et je
crois que nous devons en débattre. Vous savez, madame la ministre, madame la
secrétaire d'Etat, que notre groupe, sans faire de démagogie, rejette cette
logique, même s'il convient d'avoir une vision claire des dépenses en matière
de santé.
Il y a là une incohérence, car nous connaissons un certain nombre de besoins à
satisfaire. Cela est d'autant plus regrettable que les possibilités existent
avec la reprise économique, la décrue du chômage, l'excédent des comptes de la
sécurité sociale. Pourtant, paradoxalement, comme le prouve le rapport de
l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, l'INSERM, les
inégalités en matière de santé s'accentuent.
Par ailleurs, il semble que l'on feigne d'ignorer que les progrès sociaux,
indéniables ces dernières années, ont un coût.
Qu'il s'agisse de la CMU, de l'informatisation des cabinets des praticiens, de
la généralisation du tiers payant, des démarches de recherche de qualité et de
prévention, a-t-on mis en regard les dépenses prévisionnelles ? Je réponds non.
Je citerai un seul exemple à l'appui de mes dires : dans le cadre de la CMU, le
barème de prise en charge des prothèses hors nomenclature en dentisterie est
inférieur aux tarifs, pourtant fixés au plus juste, des centres de santé. Cette
situation engendre un grave déficit pour ceux-ci, qui doivent l'assumer à
moyens constants, sauf à solliciter les collectivités locales.
Je ne saurais conclure sur ce chapitre sans évoquer ce qui apparaît pour le
plus grand nombre comme le gâchis dans la gestion de la sécurité sociale au
travers du carnet de soins et de la carte Vitale.
J'en viens, enfin, au point le plus crucial, dans le sens où il découle de
tous les constats que je viens de faire, de toutes les auditions que j'ai
effectuées : pour changer vraiment la qualité de notre protection sociale, il
est indispensable de réformer en profondeur le mode de financement de la
sécurité sociale.
Vous connaissez nos positions : notre conception de la gestion de la sécurité
sociale est directement liée au retour au plein emploi ; c'est une question de
recettes et non de croissance excessive des dépenses. Mais il faut se garder
d'ignorer que les dépenses de santé vont inéluctablement s'alourdir avec
l'augmentation de l'espérance de vie.
Comment faire face aux besoins de santé alors que plus de 20 % des Français
renoncent à certains soins, faute de moyens financiers suffisants, sans revoir
l'assiette du financement de la sécurité sociale et mettre à contribution les
revenus financiers ?
Je voudrais à présent souligner mon inquiétude, fustiger l'attitude de la
majorité sénatoriale qui s'apprête à remanier de fond en comble le texte, à
supprimer de façon systématique les améliorations que ce projet de loi
apportait à notre système de protection sociale. Je prendrai l'exemple du
rapport de notre collègue Charles Descours sur l'assurance maladie. Il n'en est
pas à une contradiction près.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Vous non plus, cher collègue ! Les contradictions du groupe
communiste dans cette affaire sont au moins aussi importantes que celles de la
majorité sénatoriale !
M. Guy Fischer.
Nous avons toujours eu sur ce problème une position claire, que nous avons
exprimée au travers de nos votes.
M. Charles Descours,
rapporteur.
C'était moins clair !
M. Guy Fischer.
Non !
(M. Philippe Nogrix s'exclame.)
Après avoir fustigé le Gouvernement qui voulait revaloriser l'ONDAM, le
rapporteur n'hésite pas à en préconiser la suppression. Il accuse également le
Gouvernement d'être incohérent et illisible.
M. Philippe Nogrix.
C'est vrai !
M. Guy Fischer.
La droite est frappée d'amnésie,...
M. Philippe Nogrix.
Pas du tout !
M. Guy Fischer.
... oubliant les politiques menées par MM. Balladur et Juppé. Je crois qu'un
certain nombre d'arguments ont été apportés tout à l'heure.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
C'est vrai !
M. Guy Fischer.
J'en terminerai avec les propositions que le groupe communiste républicain et
citoyen fera lors de ce débat.
Au moment où les profits explosent, où l'on parle beaucoup de la
redistribution des fruits de la croissance, au moment où le retour à
l'équilibre des comptes de la sécurité sociale se confirme, il nous semble, en
effet, qu'il y a moyen de commencer au moins à améliorer, de manière
substantielle, le financement de la protection sociale.
M. Philippe Nogrix.
Il faut financer les 35 heures !
M. Guy Fischer.
En tout premier lieu, nous pensons qu'il est possible de taxer les revenus
financiers des entreprises au même taux que les salaires, ce qui pourrait
rapporter 130 milliards de francs.
En la matière, notre exigence est de substituer de façon significative un
meilleur financement de la protection sociale à une spéculation financière
destructrice d'emplois.
Au chapitre des réformes de fond, nous proposons également de réformer les
cotisations patronales, de manière à favoriser les entreprises qui créent des
emplois et à sanctionner les autres.
De la même façon, l'augmentation du SMIC et des minima sociaux ne pourrait que
contribuer à accroître les recettes de la sécurité sociale.
Enfin, la mesure qui nous paraît possible dès la loi de finances pour 2001 -
nous la proposerons lors de l'examen de ce texte par le Sénat - c'est que
l'Etat cesse de prélever 25 milliards de francs dans les caisses des hôpitaux,
que ce soit par le biais de la TVA, de la taxe sur les salaires ou de la
surcompensation de la caisse de retraite des hospitaliers. Le débat est ouvert
- les avis sont partagés - mais une telle mesure pourrait représenter,
immédiatement, un « bol d'air » pour les hôpitaux.
Telle est, monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire
d'Etat, mes chers collègues, la contribution du groupe communiste républicain
et citoyen. Les améliorations que nous demandons reposent sur un socle d'autant
plus solide qu'un certain nombre de nos propositions ont été retenues dans la
déclaration commune du sommet de la gauche, mardi dernier.
Nous prenons acte des avancées que le Gouvernement a proposées, tout en lui
démontrant l'exigence d'aller plus loin. Nous sommes d'accord avec lui sur
nombre de points, mais nous aurions souhaité une plus grande ambition. C'est
pour cela que nous l'engageons à discuter plus avant du problème de fond du
financement de la protection sociale au regard des besoins qui s'expriment avec
de plus en plus de force. Nous souhaitons avec lui rechercher des solutions.
Nous nous posons en tant que sentinelles, mais je crois que cela apparaît comme
le souhait du plus grand nombre.
Il est donc inutile de préciser que nous serons très attentifs, tout au long
de ce débat, aux réponses qui seront faites à nos interrogations et à nos
propositions et que nous nous opposerons avec détermination au contre-projet
inacceptable de la majorité sénatoriale.
(Très bien ! et applaudissements
sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les
travées socialistes.)
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-deux heures quarante, est reprise à vingt-deux
heures quarante-cinq.)
M. le président.
La séance est reprise.
La parole est à M. Cazeau.
M. Bernard Cazeau.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, nous sommes aujourd'hui réunis pour débattre du projet de loi
de financement de la sécurité sociale pour 2001. L'occasion m'est donnée ici de
me réjouir que l'examen de ce texte se déroule dans un contexte d'amplification
et de redressement des comptes de la sécurité sociale, dans le prolongement des
deux projets de loi précédents.
Déficitaire, comme on l'a dit, en 1996 de 54 milliards de francs, le régime
général a retrouvé son équilibre en 1999 et devrait dégager un excédent de 3,3
milliards de francs en 2001. C'est, comme l'a souligné le rapporteur de la
commission des finances, une situation exceptionnelle, et j'ajouterai
inespérée, compte tenu de la période précédente.
Ce redressement constant n'est pas, comme je l'ai entendu, seulement le fruit
de la conjoncture, il est aussi celui de la confiance, de la confiance
retrouvée des Français, que ce Gouvernement a su développer grâce à un ensemble
de mesures appropriées, qui, pour la plupart, ont été combattues par la
majorité sénatoriale, ne serait-ce que celle concernant les emplois-jeunes.
Il convient d'ailleurs de souligner que ce redressement a été obtenu sans
augmentation des prélèvements sociaux ni baisse des remboursements aux assurés.
Cela démontre, s'il le fallait, qu'un système fondé sur la solidarité n'est pas
systématiquement voué aux déficits, comme certains semblaient le laisser penser
à une époque, espérant peut-être trouver par là une sortie vers les systèmes
privés.
Les années 1999 et 2000 auront été des années de réformes importantes pour
notre système de santé, notamment en matière d'assurance maladie, à l'examen de
laquelle je limiterai mon propos.
Je pense, bien sûr, ici, à l'instauration de la CMU, la couverture maladie
universelle, améliorant la couverture maladie pour 4 700 000 personnes. Je
pense également aux mesures en faveur de l'hôpital public, mises en oeuvre par
Mme Martine Aubry qui vous a précédée à ce poste, madame la ministre. Je pense,
enfin, à un certain nombre de mesures structurelles visant à la limitation de
la croissance des dépenses de l'assurance maladie donc il faut bien cependant
déplorer encore la dérive, du moins dans certains secteurs bien identifiés. Je
songe notamment au secteur du médicament où la dérive est à deux chiffres.
S'agissant de la consommation des médicaments, les Français, là aussi, sont à
la première place en Europe.
Incontestablement, ce projet de loi pour 2001 doit être replacé dans le
contexte des deux années précédentes avec lesquelles il constitue un ensemble
cohérent d'objectifs de santé et d'améliorations sociales.
Examinons successivement ces deux aspects. Je poserai deux questions.
Tout d'abord, les objectifs de santé sont-ils tenus ? La réponse est
clairement « oui », sachant que l'équilibre retrouvé permet de tenir ces
objectifs grâce à l'augmentation de l'ONDAM qui progresse de 3,5 %, soit 1 % de
plus qu'en 2000. Cet engagement permettra de mener à bien les programmes de
santé envisagés. Mme Gillot les a évoqués tout à l'heure. Aussi, je ne les
détaillerai pas. Ces objectifs de santé, qui, aux yeux de M. le rapporteur,
paraissent désordonnés, sont, pour les résumer, essentiellement de trois ordres
: la prévention, le développement des équipements sanitaires publics et privés,
enfin, les objectifs en matière de pratique médicale.
Le premier objectif, c'est la prévention. Il s'agit, d'abord, du plan cancer
dont l'un des points forts concerne le cancer du sein et les cancers
colorectaux. Il s'agit, ensuite, du plan greffe avec une ambitieuse politique
du prélèvement. Il s'agit, en outre, de la prévention, qui est accentuée,
contre les maladies infectueuses : hépatite C, sida, etc. Il s'agit, enfin, de
la poursuite des actions de lutte contre le tabagisme et l'alcool qui risquent
d'être, à terme si l'on n'y prend garde, des facteurs de régression de
l'espérance de vie.
Le deuxième objectif concerne le développement des équipements sanitaires
publics et privés.
L'ONDAM est de 3,4 % pour les hôpitaux publics, ce qui représente 10 milliards
de francs de plus et permet de maintenir trois priorités autour desquelles
s'articule la politique hospitalière conduite depuis 1997, à savoir l'accès aux
soins, l'offre de soins et la sécurité sanitaire. Je ne détaillerai pas puisque
vous l'avez fait, madame la secrétaire d'Etat. Je ferai simplement remarquer
l'aspect plus qualitatif qu'habituellement des SROS de deuxième génération.
En ce qui concerne l'hospitalisation privée, les cliniques, le plan de
redistribution est doté de 150 millions de francs, au lieu de 100 millions de
francs en 2000, ce qui, aux dires des agences régionales d'hospitalisation,
semble suffisant, mais il pourra être abondé si cela s'avère nécessaire.
Enfin, le troisième objectif concerne la pratique médicale. Le fonds d'aide à
l'amélioration de la qualité des soins de ville, d'une part, et celui qui est
lié à l'amélioration de la prescription médicamenteuse, d'autre part,
paraissent, à les écouter, satisfaire les professionnels concernés. Nous ne
saurions d'ailleurs oublier, dans ce domaine, madame la ministre, les 3 000 000
de personnes concernées en France par l'incitation aux médicaments
orphelins.
J'en viens à la seconde question que je souhaitais poser. L'amélioration de la
vie quotidienne des Français est-elle prise en compte dans ce projet de loi de
financement de la sécurité sociale, à travers les comptes sociaux ? En effet,
de notre point de vue, en période de croissance et d'équilibre, ces comptes
sociaux peuvent légitimement y participer.
La réponse est, là encore, positive grâce à la réduction des prélèvements
sociaux sur les bas revenus.
La réduction de la contribution sociale généralisée et de la contribution pour
le remboursement de la dette sociale a été étendue par nos collègues de
l'Assemblée nationale à 1,4 SMIC, ce qui permet de donner un coup de pouce aux
salariés les plus défavorisés et de les faire bénéficier des améliorations de
revenus des Français liées aux mesures fiscales auxquelles ces salariés, de par
leur condition, ne pouvaient prétendre. Elle permet, par ailleurs, comme on l'a
dit, d'augmenter leur revenu net d'activité.
En outre, les retraités non imposables et les chômeurs bénéficient de
l'exonération totale de la CRDS, tandis que les non-salariés non agricoles
bénficient, eux, d'améliorations de leur couverture maladie.
Bref, ces mesures proposées pour 2001 tendent, dans la continuité des
précédentes lois, à rendre ce texte plus solidaire, plus juste et plus
équitable pour tous les Français, d'autant que les excédents des autres
branches y concourent aussi. Plusieurs de mes collègues évoqueront ce point.
En dernier lieu, je souhaiterais intervenir sur deux remarques du rapport de
la commission.
La première concerne l'ONDAM pour 2001, qui a été fixé à 693,3 milliards de
francs, soit une progression de 3,5 %, mais qui, du fait de son mode de calcul
à partir de sa réalité plutôt que de sa prévision, suscite des critiques.
Refuser de rééquilibrer les bases de l'ONDAM, c'est, selon nous, non seulement
refuser d'intégrer la notion de croissance dans la demande de soins de nos
concitoyens, mais également nier l'effet vieillissement de la population lié au
progrès de la médecine.
Au demeurant, on ne peut à la fois s'appuyer sur la notion de maîtrise
médicalisée des dépenses, défendre une stricte obédience comptable, voire
chipoter sur des chiffres, et s'enfermer dans un purisme excessif sur tel ou
tel postulat de financement de la protection sociale.
Ma deuxième remarque porte sur le système conventionnel.
Incontestablement, il nous faut aujourd'hui relancer la politique
conventionnelle, en intégrant la majorité des professionnels de santé. Le
conventionnement avec une minorité ne peut que déboucher sur des dérives, comme
on l'a vu ces dernières années, d'autant que, on le sait, que la politique de
la carotte et du bâton n'est pas la meilleure façon de réussir dans la société
d'aujourd'hui. Nous avons apprécié, madame la ministre, que, dès votre prise de
fonction, vous ayez entrepris cette concertation.
Sur toutes les travées, mais particulièrement sur celles que je représente, se
substitue de plus en plus à la notion de maîtrise des dépenses celle de bonne
utilisation des ressources.
Elle ne pourra se réaliser, qu'il s'agisse d'un cadre national ou d'un cadre
régional, que, d'abord, dans la concertation, ensuite, dans la
reponsabilisation et, enfin, dans la coopération de l'ensemble des partenaires.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Leclerc.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. Dominique Leclerc.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, nous entamons aujourd'hui, et pour la cinquième année,
l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
L'examen de ce projet de loi n'est donc plus une nouveauté et cette continuité
aurait dû nous permettre de faire des comparaisons, des évaluations, et
d'apporter des améliorations par rapport aux années précédentes.
Or, le système de « tuyauterie » que vous nous proposez cette année ne peut
être comparé avec les projets de la loi des années précédentes. Il rend ainsi à
peu près impossible les évaluations relatives. Les réseaux de financement ont
encore été modifiés, les transferts de l'Etat souvent sont de plus en plus
complexes, et les principes généraux de la comptabilité ne sont ni respectés
et, surtout, ni harmonisés. Le projet de loi est en réalité à ce point complexe
et alambiqué qu'il en devient illisible pour nos concitoyens et quasiment
incontrôlable pour le Parlement !
M. Jacques Oudin,
rapporteur pour avis.
C'est l'objectif !
M. Dominique Leclerc
Ce constat, je suis pas le seul à le faire. Le secrétaire général de la
commission des comptes de la sécurité sociale considère ainsi que « cette
modification profonde des circuits de financement de la sécurité sociale rend
parfois la lecture des évolutions, et notamment l'interprétation des soldes par
branche, difficile ».
Pour étayer mon propos, je prendrai, si vous le voulez bien, deux exemples :
la modification de la CSG et le financement des 35 heures et du FOREC.
La CSG tout d'abord : sous prétexte d'équité, vous avez décidé d'exonérer de
CSG les bas salaires.
Cette mesure qui, en réalité, vous permet de poursuivre un objectif fiscal
souffre de plusieurs défauts.
Le premier, majeur, est de remettre en cause l'universalité de notre système
de santé.
Le deuxième est d'être inéquitable : en transformant la CSG en premier étage
de l'impôt sur le revenu sans pour autant prendre en compte le foyer fiscal,
les enfants ou la pluriactivité, vous ne respectez pas l'égalité des citoyens
devant les charges.
Enfin - c'est le troisième défaut - cette réforme accentue la dépendance de la
sécurité sociale à l'égard des compensations budgétaires, et rend donc
aléatoire son financement et complexe son contrôle.
L'autre exemple, c'est le FOREC.
En vue de financer les 35 heures, le Gouvernement creuse de nouveaux trous
pour combler les anciens, et ce au détriment de notre protection sociale.
M. Philippe Nogrix.
C'est vrai !
M. Dominique Leclerc.
Le fonds dédié au financement des 35 heures, c'est-à-dire le FOREC, devra être
doté cette année de 85 milliards de francs à 90 milliards de francs pour que
soit financé ce surcroît de dépenses.
Pour faire face à cette montée en puissance, des trésors d'imagination sont
déployés dans le présent projet de loi.
Pas moins de six ressources fiscales sont affectées à ce fonds : les droits
sur les alcools, les droits sur les tabacs, la taxe sur les véhicules de
société, la contribution sur les bénéfices des sociétés, la taxe sur les
assurances et la taxe sur les activités polluantes.
C'est dire que l'équilibre de ce compte, qui doit être assuré en présentation
et en exécution, est bien difficile, problématique, et exige la mobilisation de
ressources sans aucun lien avec les 35 heures.
Aussi, là encore, ce montage d'une complexité folle vise à permettre au
Gouvernement de débudgétiser les dépenses liées aux 35 heures, mais sûrement
pas à améliorer la situation de notre protection sociale.
J'aimerais à présent m'attarder sur la branche maladie et sur les dépenses de
santé qui en relèvent.
Dans ce domaine, votre prédécesseur s'était assigné un double objectif :
maîtriser les dépenses de santé et nouer des relations de confiance avec les
professions de santé. Force est de constater qu'elle a doublement échoué,
puisque les dépenses de santé ont augmenté de 10 % en deux ans et que les
professionnels de santé sont souvent révoltés par les sanctions qui leur sont
infligées.
Vous nous dites poursuivre ces objectifs. J'espère sincèrement que vous y
parviendrez. Mais franchement, je doute que le texte que vous nous proposez
aujourd'hui vous le permette.
Pourquoi ? En premier lieu, parce que vous nous parlez, pour l'assurance
maladie, d'« équilibre » ou de « quasi-équilibre ». Mais ce dernier ne doit pas
faire illusion. Comme cela a été dit, il est avant tout le fruit de la
croissance et d'un sérieux élargissement de l'assiette des prélèvements.
La Cour des comptes ne s'y est d'ailleurs pas trompée puisqu'elle a mis
l'accent sur la fragilité de cet équilibre dû, selon elle, « pour une large
part à l'exellente conjoncture économique ».
En réalité, ce texte prépare mal l'avenir. Vous ne nous proposez pas, en
effet, une vraie réforme de l'assurance maladie, une réforme structurelle qui
prendrait en compte les besoins réels de santé et les efforts qu'accomplissent
les praticiens.
C'est pourquoi, cette année encore, vous vous contentez de nous proposer un
ONDAM essentiellement comptable. Il s'agit d'un taux d'augmentation appliqué
aux dépenses estimées de l'année passée. La progression pour 2001 sera de 3,5 %
par rapport aux dépenses d'assurance maladie attendues en 2000. Mais sur quels
critères et pour quelles raisons ce pourcentage a-t-il été fixé à 3,5 % ?
Tient-il compte des besoins, du vieillissement de la population ou tout
simplement des améliorations techniques ? Non, et je pense que c'est bien
dommage.
En effet, tout le monde s'accorde pour dire que la réponse à ces besoins
passera nécessairement par une recherche de la qualité maximale des soins, qui
conduira inévitablement à débusquer des champs entiers de sous-consommation,
voire de non-consommation auxquels il faudra pourtant bien faire face. Je pense
par exemple, à cet égard, au dépistage du cancer colorectal.
La mise en place généralisée de tels soins aura un coût ! Qui rendrez-vous
responsable de cette augmentation inéluctable ? Les professionnels de santé ?
Mais pourquoi vous obstiner dans cette voie alors qu'ils n'y seront pour rien
et refuser toute coopération avec ces derniers ?
Cette obstination s'explique d'autant plus mal qu'aucune des mesures prises à
leur encontre l'année dernière n'a permis de régler le problème de la hausse
des dépenses de santé. Vous le savez d'autant mieux que vous avez été obligée
de modifier cette année le mode de fixation du coefficient de croissance de
l'ONDAM. Vous avez qualifié pudiquement cette pratique de « rebasage » pour ne
pas reconnaître que vos prévisions initiales étaients fantaisistes.
Ainsi l'ONDAM est-il désormais fondé sur les dépenses effectivement constatées
et réalisées. Mais alors, cet objectif doit-il réellement être respecté ?
Comment expliquer aux médecins, aux kinésithérapeutes, aux infirmières ou
encore aux biologistes que les sanctions qui les frappent sont maintenues alors
que l'ONDAM peut être réévalué pour être aligné sur les dépenses réalisées dès
lors que l'objectif est dépassé ?
Cela sera d'autant plus difficile que ces sanctions sont particulièrement
injustes. Elles le sont, en premier lieu, parce qu'elles sont collectives.
Pour notre part, nous nous étions battus contre les lettres clés flottantes en
demandant l'individualisation des éventuelles sanctions afin de tenir compte
des pratiques de chacun. En effet, s'il existe malheureusement des pratiques
déviantes, seules ces dernières doivent être sanctionnées. Les prescriptions
abusives sont connues et identifiées grâce à la gestion informatisée des
caisses. Il serait donc aisé pour ces dernières d'invidualiser les sanctions.
Pourquoi les caisses s'approprient-elles la définition de la qualité des soins
et sur quelles connaissances médicales se fondent-elles pour ce faire ? Cette
définition devrait au contraire résulter d'un dialogue avec les praticiens à
partir des besoins estimés par les observatoires régionaux et exprimés dans les
conférences régionales de la santé. Et peut-être une conférence nationale de
santé devrait-elle, madame la ministre, vous proposer de soumettre à
déclaration obligatoire la maladie de Creutzfeldt-Jakob. Ainsi, pourrait-on
disposer, dans l'avenir, de statistiques objectives et surtout
indiscutables.
Mais j'en reviens aux sanctions : elles sont également injustes parce qu'elles
ne tiennent pas compte de la fongibilité des enveloppes, ainsi que des
transferts entre le secteur public et le secteur privé.
La fongibilité des enveloppes pose en effet un réel problème. Si l'on souhaite
que l'hôpital et la médecine de ville s'articulent correctement, il faut
parvenir à une véritable fongibilité de l'enveloppe ambulatoire et de
l'enveloppe hospitalière.
Or, tel n'est pas le cas dans le système actuel. Par conséquent, dans certains
cas, on ne sait plus par quelle enveloppe les soins doivent être pris en
charge. C'est pourquoi il me semble indispensable d'arriver à une réelle
fongibilité.
Enfin - et c'est un autre problème - les professionnels libéraux de santé
sont-ils responsables des transferts de charges ou des progrès réalisées par la
science ? Sont-ils responsables de tous les transferts entre le secteur public
et le secteur privé, des améliorations apportées tous les jours dans les
traitements, les diagnostics ou les pratiques chirurgicales ? Non !
Par ailleurs, ces sanctions sont totalement incompréhensibles pour les
professions dont les actes sont prescrits : ces professions ne sont pas
responsables des actes qu'elles exécutent puisqu'elles interviennent à la suite
d'une prescription médicale. Dans ces conditions, qui sanctionner ?
Vous l'aurez compris, nous ne pouvons cautionner de telles pratiques qui
démotivent et démobilisent les professionnels de santé, lesquels devraient
pourtant être, madame la ministre, vos interloccuteurs politiques dans cette
recherche d'une meilleure maîtrise médicalisée des dépenses de santé.
Malheureusement, cette dernière est purement comptable.
J'en veux pour dernière preuve votre politique à l'égard du médicament. Votre
projet de loi, là encore, en traite pour mieux le taxer. Il maintient la taxe
sur les ventes directes et propose de fixer à 70 % le montant de la
contribution dite « clause de sauvegarde » que les laboratoires devront payer
si « l'ONDAM médicament » est dépassé de 3 %.
Non seulement ce taux devient confiscatoire, mais le seuil de dépassement de 3
% est irréalisable, selon le terme utilisé par la Cour des comptes pour
l'exercice 1999.
En effet, si l'on fait le compte de tous les prélèvemens spécifiques, entre la
taxe sur la promotion, les taxes sur les ventes directes aux officinaux et les
redevances payées sur certaines spécialités, la facture pour l'industrie
pharmaceutique a enregistré une hausse de 30 % en deux ans.
Si l'on y ajoute la clause de sauvegarde, convenez que cela devient
difficilement supportable, et ce d'autant plus que, sur les 5 milliards de
francs de dépassement constatés, un peu moins d'un milliard de francs incombe,
là encore, au transfert des prescriptions hospitalières sur la médecine de
ville, une autre part pouvant être attribuée à l'effet CMU.
Cette clause de sauvegarde ne prend par ailleurs pas en compte toutes les
économies induites par les nouvelles thérapeutiques médicamenteuses, qui
évitent dans certains cas des hospitalisations et des interventions
chirurgicales.
Enfin, elle fait abstraction de certaines vérités qui s'imposent pourtant dans
le domaine du médicament.
Dans tous les pays développés qui disposent d'un système de santé dit « de
haut niveau », la hausse moyenne annuelle des dépenses de santé du médicament
est d'environ 8 %.
En outre, des domaines comme ceux du cancer ou de la chimiothérapie exigent
des recherches importantes. La production des molécules nouvelles peut
entraîner une hausse annuelle des prix de 10 à 30 %. Il est bien évident qu'il
n'est pas possible de refuser l'accès à ces molécules aux malades qui en ont
besoin.
Fixer un seuil de déclenchement des sanctions en cas de dépassement de 3 % n'a
donc pas de sens.
Là encore, il aurait été préférable d'associer la profession afin de réfléchir
à une réforme des structures plutôt que de prévoir encore et toujours des
sanctions financières à l'égard des uns et des autres.
Pour conclure, madame la ministre, je souhaiterais vous convaincre, après
avoir rencontré nombre de professionnels de santé totalement désabusés, que
vous faites fausse route.
En réalité, le chantier prioritaire reste celui de la recherche de la qualité
des soins et des actes. Il ne pourra être atteint qu'en concertation avec les
professionnels et les industriels de santé, et non contre eux tous, notamment
afin d'obtenir leur indispensable acceptation dans les évaluations
individuelles qui vont de pair avec la maîtrise.
Il ne pourra par ailleurs se réaliser que dans le cadre d'un ONDAM dont la
croissance raisonnable serait conforme aux moyens scientifiques nouveaux et aux
besoins estimés de la population et dont les dépassements se traduiraient par
une réduction négociée du panier de soins de santé pris en charge ; bien
évidemment, cela nécessiterait une décision éminemment politique et courageuse
de la part du Gouvernement, décision qu'il a encore été incapable de prendre
cette année.
Nos rapporteurs ont présenté des solutions adaptées aux problèmes que
rencontre à l'heure actuelle notre système de santé, propositions que nous
approuvons totalement et dont certaines auraient pu trouver grâce à vos yeux,
madame la ministre.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Darniche.
M. Philippe Darniche.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
devenu, au cours des années, le simple prolongement de la loi de finances dont
nous débattrons très prochainement, le projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 2001 confirme, une fois de plus, une étatisation
excessive et un manque flagrant de transparence entre l'Etat et les caisses
dans la définition de leurs responsabilités respectives mais surtout en matière
de gestion des risques. Et tout cela au mépris du paritarisme et de la
contractualisation sur les retraites, l'assurance maladie et la famille, qui
sont les trois piliers essentiels de notre protection sociale.
Je souhaite, madame le secrétaire d'Etat, vous interpeller sur trois aspects
de ce texte.
Le premier concerne, sous couvert de logique purement comptable, l'opacité
persistante de la loi de financement de la sécurité sociale ainsi que la dérive
annuelle du gouvernement auquel vous appartenez, dérive qui consiste à jouer
les « vases communicants » entre les différentes branches. Année après année,
ce texte de loi devient de plus en plus illisible et purement incompréhensible
pour les novices qui cotisent.
Entre compensations, transferts et réaffectations, le Gouvernement ne cesse de
multiplier les fonds nouveaux et de faire fi du principe de l'indépendance des
branches auquel nous sommes tous très attachés. Par exemple, en décidant de
faire supporter par la sécurité sociale les exonérations de CSG, le
Gouvernement décide - comble de l'illogisme ! - d'utiliser cette contribution
comme instrument de politique de revenus et - comble de l'irréalisme ! - de
renoncer à faire participer tous les revenus au financement d'une protection
sociale universelle qui a fait ses preuves.
Comme l'a souligné M. le rapporteur de la commission des affaires sociales,
sous couvert de justice sociale, vous voulez que la CSG devienne le premier
étage de l'impôt sur le revenu, mais sans tenir compte à un seul moment des
lourdes charges imposées aux familles. Je ne reprendrai pas la démonstration de
M. Descours sur ce point.
Or, madame le secrétaire d'Etat, et au-delà des aspects purement techniques de
ce texte, la seule véritable question en cette période de reprise soutenue de
la croissance concerne la meilleure utilisation des excédents de la sécurité
sociale. Pourriez-vous m'indiquer clairement s'ils doivent servir à alléger les
charges du budget de l'Etat ou à rembourser les dettes accumulées ?
Le deuxième point concerne la maîtrise des dépenses de santé qui, à mes yeux,
passe impérativement par le double levier de la solidarité et de la
mutualisation.
C'est sans volonté réelle de dialogue conventionnel, seule voie possible pour
assurer des soins de qualité tout en préservant l'équilibre des comptes, que le
Gouvernement se met à dos les professionnels de santé et s'enfonce durablement
dans l'impasse.
Mes chers collègues, n'en doutons pas : tenter de limiter la dérive des
comptes sociaux dont les dépenses augmentent de plus de 10 % est une chose ;
imposer autoritairement la réduction des honoraires pour éviter leurs
dépassements comptables en est une autre. Par vos décisions arbitraires, les
masseurs-kinésithérapeutes, les cardiologues, les pneumologues, les
laboratoires pharmaceutiques, les infirmières libérales sont poussés à
l'exaspération et rejettent en bloc les sanctions collectives que vous leur
imposez ou les baisses de majorations d'honoraires la nuit, le dimanche ou les
jours fériés.
Enfin, mon troisième et dernier point - il est, à mes yeux, le plus important
et le plus inquiétant - concerne l'absence d'ambition du Gouvernement en
matière de politique familiale. Mme le ministre de l'emploi et de la
solidarité, que j'ai écoutée très attentivement, a parlé tout à l'heure d'une «
politique familiale de grande ampleur ». Il me semble qu'en ce domaine nous
sommes bien loin du compte.
Bien que saluant la création de l'allocation de congé pour parent malade,
initiée par notre excellent collègue Lucien Neuwirth, le projet de budget
n'apporte pas d'élément novateur. Vous relevez les retraites de 2,2 %, mais les
allocations familiales n'augmentent que de 1,8 % alors que, dans le même temps,
les excédents de la branche famille servent à alléger les charges de l'Etat.
A cet égard, je dénonce le transfert sans concertation de la charge des
majorations pour enfants dans les régimes de retraite qui va incomber, une fois
de plus, à la branche famille. A mes yeux, madame le secrétaire d'Etat, les
familles doivent, elles aussi - je dirai même « elles surtout » - profiter des
fruits de la croissance redistribués en direction de la petite enfance.
M. Alain Gournac.
Très bien !
M. Philippe Darniche.
Je me permets de rappeler ici, avec consternation, que, dans notre pays, les
allocations familiales ignorent toujours le premier enfant et que les familles
attendent encore l'élévation à vingt-deux ans de l'âge limite de leur
versement, mesure prévue dans la loi du 4 juillet 1994 que le Gouvernement a
abrogée en décembre 1999.
Et où se trouve le principe d'équité lorsque le Gouvernement décide de mettre
sous condition de ressources l'aide pour l'emploi d'une assistante maternelle
agréée ?
Pour conclure, monsieur le président, mes chers collègues, je dirai que
l'opacité financière de ce projet de loi ne permet pas de régler les enjeux
sanitaires et n'apaise pas les inquiétudes persistantes de nos concitoyens.
Face à ce constat d'impuissance, je me pose la question de savoir si, au lieu
de régler en profondeur les problèmes, l'ambition du Gouvernement n'est pas
plutôt de faire croire aux Français que tout va bien et que les comptes sociaux
sont à l'abri des difficultés.
Au regard de tous ces éléments, nous nous devons de favoriser un système de
santé solidaire mais performant, fondé sur la responsabilité contractuelle, la
recherche du meilleur soin et l'évaluation pertinente des pratiques. C'est
pourquoi, avec mes collègues non inscrits de cette assemblée, je ne voterai pas
ce texte.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Bimbenet.
M. Jacques Bimbenet.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
permettez-moi de vous faire part de mon amertume au regard du projet de loi que
nous sommes amenés à examiner aujourd'hui.
Certes, il faut s'en réjouir, les comptes de la sécurité sociale font
apparaître un excédent de 3,3 milliards de francs pour 2000, excédent qui
devrait atteindre 4,4 milliards de francs pour 2001. Mais ce retour à
l'équilibre s'explique surtout par la croissance et l'alourdissement des
prélèvements affectés à la sécurité sociale. Il ne faut donc pas se leurrer :
l'équilibre reste très fragile.
Et je ne suis pas certain que cela traduise une amélioration de la protection
sociale. Ce sentiment est d'ailleurs partagé tant par les conseils
d'administration des caisses de sécurité sociale, qui ont émis un vote négatif
à l'encontre du texte, que par l'ensemble des professionnels de santé, qui ont
manifesté leur grogne en lançant, le 26 octobre dernier, une journée « santé
morte ». C'est là une réprobation générale.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 est donc, à
mon sens, très critiquable, et ce pour plusieurs raisons.
La première concerne la réduction dégressive de la contribution sociale
généralisée, la CSG, et de la contribution pour le remboursement de la dette
sociale, la CRDS. On veut nous faire croire que cet allégement progressif est
une bonne mesure, alors qu'en fait elle va à l'encontre du principe d'égalité
puisqu'elle ne tient pas compte de la structure familiale.
Concrètement, un ménage composé de deux salariés touchant le SMIC ne paiera
plus de CSG, alors qu'un couple dont un seul des deux travaille et touche 1,4
fois le SMIC acquittera la CSG. C'est la raison pour laquelle je soutiens
pleinement la proposition de nos collègues Charles Descours et Philippe Marini
visant à instaurer, à la place de cette ristourne, un crédit d'impôt.
Ma seconde critique concerne le fonds de financement des 35 heures,
c'est-à-dire le FOREC. Ce fonds est en effet financé, à hauteur de 85 milliards
de francs, par six ressources fiscales : la contribution sociale sur les
bénéfices, la taxe générale sur les activités polluantes, les droits sur les
tabacs, les droits sur les alcools, la taxe sur les véhicules de sociétés et la
taxe sur les conventions d'assurance.
M. Alain Gournac.
Ce n'est pas sérieux !
M. Jacques Bimbenet.
Je ne peux que m'insurger contre ce détournement, car ces ressources devraient
être affectées à la protection sociale. D'ailleurs, une partie des droits sur
les tabacs était jusqu'à présent affectée à l'assurance maladie et les droits
sur les alcools alimentaient le fonds de solidarité vieillesse.
Comment expliquer que les taxes sur les tabacs, les alcools et les activités
polluantes alimentent les 35 heures au lieu de servir à lutter contre ces
fléaux ?
Enfin, je souhaite tirer la sonnette d'alarme. L'avenir de nos retraites est
préoccupant, chacun de nous en convient. Malheureusement, rien dans le texte
que nous examinons aujourd'hui n'apporte la moindre réponse. Certes, la branche
vieillesse se porte bien, aujourd'hui. Mais qu'en sera-t-il demain ?
De nombreux rapports et bilans, tous plus inquiétants les uns que les autres,
nous alertent sur l'urgence et la gravité de la situation. L'évolution
démographique de notre pays se traduit par un allongement de la durée de la vie
et par l'arrivée à l'âge de la retraite des nombreuses générations de
l'après-guerre.
Or, le projet de loi se contente de fixer à 2,2 % le taux de revalorisation
des retraites et d'exonérer de la CRDS les retraites non imposables. Par
ailleurs, le fonds de réserve pour les retraites n'est alimenté que par des
recettes exceptionnelles.
Ces mesures sont louables, j'en conviens. Mais le véritable problème est
éludé. Le Gouvernement se refuse à engager les réformes qu'il serait nécessaire
et urgent de mettre en place. Si nous ne réagissons pas rapidement, le régime
général des retraites connaîtra un déficit considérable, sans parler des
régimes spéciaux !
Que dire aux futurs retraités, inquiets à juste titre, de leur avenir ? Qu'ils
doivent eux-mêmes préparer leur retraite ? Je crois qu'il serait préférable de
mettre en place une véritable politique qui passerait par la création d'un
système de retraite mixte répartition-capitalisation.
C'est pour toutes ces raisons que je voterai le projet de loi assorti des
modifications proposées par la commission des affaires sociales.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
situation des retraités et l'avenir des retraites sont deux préoccupations
sociales majeures des quelque 12 millions de retraités, qui ne sont pas
satisfaits de la situation qui leur est faite depuis plus d'une décennie, mais
aussi des salariés, qui s'inquiètent de savoir quels nouveaux efforts leur
seront demandés pour pouvoir bénéficier, demain, de leurs droits.
Comment pourrait-il en être autrement quand on sait que, pour les premiers, la
baisse du pouvoir d'achat vient d'être confirmée ? Ce que nous soulignons en
permanence vient d'être corroboré par la dernière étude du ministère de
l'emploi et de la solidarité : sur cinq ans, de 1995 à 1999, aucune catégorie
de retraités n'a gagné en pouvoir d'achat et la plupart en ont perdu, en
particulier les cadres du secteur privé.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Ah !
M. Roland Muzeau.
La revalorisation des retraites en 1999, la plus forte depuis des années, n'a
pas permis de rattraper les pertes de pouvoir d'achat subies auparavant, dues
notamment aux alourdissements de cotisations - CSG, CRDS - et aux effets de la
réforme Balladur de 1993.
Quant aux seconds, les actifs d'aujourd'hui, les premiers éléments d'une
enquête réalisée par la direction de la recherche, des études, de l'évaluation
et des statistiques du ministère de l'emploi font apparaître qu'un tiers des
personnes aujourd'hui âgées de trente ans n'ont pas dix années de cotisations
derrière elles, soit le triple de la génération précédente. Pour ces dernières,
la perspective d'un départ à la retraite à soixante ans semble fortement
compromise si rien n'est fait pour garantir l'avenir des retraites.
Cela montre bien que les inégalités de situation en matière de retraite ne
s'articulent pas seulement autour du rapport public-privé, qui « préoccupe »
visiblement la majorité sénatoriale, qu'elles sont beaucoup plus complexes.
Madame la secrétaire d'Etat, le Gouvernement, par la voix de M. le Premier
ministre, a annoncé en début d'année un grand débat national - c'est utile - et
la proposition d'une mesure contenue dans le rapport Charpin, à savoir
l'alignement, au nom de l' « égalité », de la durée de cotisation des
fonctionnaires sur celle du privé. Cette mesure de régression sociale, nous ne
l'approuvons pas, vous le savez. Elle ne réglera pas les problèmes posés.
Depuis ces déclarations, peu de choses ont évolué. Le conseil d'orientation
des retraites travaille, mais son rapport ne sera pas rendu avant la fin de
l'année 2001 !
Je crains fort qu'alors le débat ne se limite à quelques slogans lancés au
cours de la campagne de la présidentielle - nous en avons déjà eu quelques
échantillons ce soir. Ce problème de société mérite une tout autre démarche.
Face à une question aussi importante, il ne faudrait pas que la représentation
nationale fasse preuve d'un excès de confiance et de tranquillité : après le
catastrophisme du rapport Charpin, ne nous reposons pas sur l'optimisme du
rapport Teulade. Une réelle augmentation du nombre d'ayants droit se produira,
ce qui impliquera que l'on prenne des mesures adaptées - mais pas celles que
propose la droite !
Cette même droite, après l'échec de la réforme des régimes spéciaux de
retraite inscrite dans le plan Juppé de 1995, vise toujours à instaurer un
système par capitalisation, même si l'on se garde bien d'employer l'expression
« fonds de pension ».
La loi Thomas, projetée en 1997, fonde encore la démarche de la majorité
sénatoriale aujourd'hui.
Notre système de retraite par répartition serait, d'après le dogme de la
pensée unique, archaïque et voué à la faillite, alors que la retraite par
capitalisation représenterait l'avenir, la modernité et la fin des problèmes de
financement des retraites.
L'examen de la réalité, chiffres à l'appui, invite pour le moins à la
prudence.
Le financement des retraites représente aujourd'hui 11,5 % du PIB et en
représenterait environ 16 % en 2040, soit une augmentation de l'ordre de 40 %
en quarante ans. Mais l'augmentation inéluctable de la productivité permettra
sans aucun doute de faire face à cette croissance, dont le rythme annuel sera,
somme toute, modéré.
Par ailleurs, que l'on se place dans un système par capitalisation ou par
répartition, le niveau des retraites sera toujours conditionné par le niveau
des salaires et le nombre d'actifs. Il convient donc maintenant de s'engager
dans une politique de véritable plein emploi, de réformes fiscales, de lutte
contre les placements financiers spéculatifs.
Aussi, madame la secrétaire d'Etat, permettez-moi de rappeler ici la très
grande réticence du groupe communiste républicain et citoyen vis-à-vis des
modalités actuelles du fonds de réserve. Son mode d'alimentation par les
excédents de la sécurité sociale est trop fragile. N'incite-t-il pas à la mise
en oeuvre d'une réduction des prestations ? Il a autojustifié la privatisation
déguisée de la Caisse d'épargne, comme pose problème la question des licences
UMTS. Enfin, réserver 30 % de l'objectif du fonds de réserve, soit 300
milliards de francs, aux revenus financiers, cela s'apparente, que cela soit
dit ou non, à de la capitalisation.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Eh oui ! Très bien ! C'est un fonds de pension nationalisé
!
M. Roland Muzeau.
Je reviens sur ce que j'ai dit pour vérifier que je n'ai pas fait d'erreur...
Je ne pense pas en avoir fait !
(Rires.)
M. Charles Descours,
rapporteur.
Mais non !
M. Roland Muzeau.
Je suis tout jeune sénateur, c'est pour ça !
(Nouveaux rires.)
L'indexation des pensions sur les salaires, véritable expression de la
solidarité entre générations, est une priorité. Comment admettre que l'on
maintienne l'indexation sur les prix au moment de la reprise de la croissance ?
Une revalorisation des pensions de 3 % ne grèverait pas le budget de
l'assurance vieillesse et ne serait que justice.
Si l'égalité veut que l'on harmonise les durées de cotisation, nous proposons
qu'on la rétablisse par le retour aux trente-sept annuités et demie dans le
privé.
Quant au financement et à la pérennisation de notre système de retraite, le
vrai problème est celui du développement de l'emploi et de la répartition du
surplus de richesses produites ; c'est aussi celui de la résorption de la
précarité et des bas salaires.
Je rappelle que le besoin de financement des retraites correspond à un taux de
croissance de la productivité de 0,5 % par an. A cet égard, la réduction
continue de la part des salaires dans les richesses produites devrait conduire
à une augmentation des contributions sociales des sociétés.
Nous avons donc, si l'on s'engage dans ces directions, des réponses efficaces
aux enjeux posés !
C'est pourquoi, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, notre groupe
juge prioritaire la question du développement de l'emploi, condition pour
préserver notre système de retraites. C'est d'une volonté politique forte que
nous devons faire preuve, s'attaquant aux inégalités, à la précarité, au
chômage, mais s'attaquant aussi à la spéculation financière qui ronge
l'économie nationale et détruit l'activité, et donc l'emploi.
C'est en ce sens que s'inscrivent les amendements de notre groupe, et plus
largement son expression dans le débat national.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Chabroux.
M. Gilbert Chabroux.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mon
intervention, qui se situera dans le prolongement de celle de Bernard Cazeau,
portera essentiellement sur la branche famille.
Mais je veux d'abord saluer les mesures nouvelles et importantes proposées
dans ce projet pour les autres branches grâce au redressement confirmé des
comptes sociaux et souligner aussi, au-delà du champ de financement du projet,
l'augmentation à 3 600 francs du plafond de ressources pour bénéficier de la
couverture maladie universelle. Cela permettra l'extension de la CMU à des
foyers modestes. Trois cent mille personnes supplémentaires seront concernées.
C'est une nouvelle avancée.
Pour s'en tenir au projet de loi en discussion, un effort important est fait
en faveur de l'assurance maladie avec une augmentation de l'ONDAM de 3,5 %,
après « rebasage ». On peut certes discuter ce mode de calcul, mais il faut
bien permettre une appréciation plus réaliste des évolutions et donner plus de
souplesse, surtout en période de forte croissance. Il faut également se
féliciter de la création d'un fonds d'indemnisation pour les victimes de
l'amiante.
La branche vieillesse bénéficie aussi de mesures tout à fait appréciables,
avec l'augmentation de 2,2 % des retraites, 2,7 % même pour les cinq millions
de retraités non imposables. Il faut également souligner la revalorisation de
2,2 % du minimum vieillesse.
Dans ce projet de loi, la famille n'est pas oubliée. Au contraire, elle fait
l'objet d'une attention particulière. C'est ainsi que les engagements pris lors
de la dernière conférence de la famille, le 15 juin 2000, sont tenus.
Grâce à un retour à l'équilibre, et même à un excédent de près de 7 milliards
de francs, la politique familiale peut prendre un nouvel élan, notamment dans
le domaine de la garde des jeunes enfants et dans celui des aides au
logement.
Nous n'oublions pas que la priorité avait été donnée à l'accueil de la petite
enfance.
Les élus locaux comme les associations et les familles apprécieront la
création d'un fonds d'investissement pour les crèches. Il sera doté de 1,5
milliard de francs afin d'accélérer la réalisation de nouvelles places.
(Murmures sur les travées du RPR.)
Nous apprécions que ce fonds soit immédiatement abondé et que des dispositions
soient prises pour favoriser la souplesse du fonctionnement des crèches, avec
des horaires d'ouverture élargis, le multi-accueil, l'accueil d'urgence.
(Nouveaux murmures sur les mêmes travées.)
Quand on sait que seulement 9 % des enfants de moins de trois ans bénéficient
d'une garde collective, type crèche, on mesure le chemin qui reste à
parcourir.
M. Philippe Nogrix.
C'est dépassé les crèches !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Mais non !
M. Philippe Nogrix.
Personne n'en veut plus !
M. Gilbert Chabroux.
Les enquêtes du Centre de recherche pour l'étude et l'observation des
conditions de vie, le CREDOC, montrent clairement que les familles demandent de
plus en plus des aides à la structure plutôt que des aides à la personne. La
dimension éveil à la vie sociale, à la socialisation est maintenant largement
prise en compte. Ce mode de garde doit donc désormais se développer beaucoup
plus.
Il est nécessaire de lui apporter des aides accrues car il coûte cher. Mais
n'est-ce pas le rôle de la CNAF, qui ne consacre, rappelons-le, que 5 % de son
budget à l'action sociale, la quasi-totalité, 95 %, allant aux prestations
légales ?
M. Philippe Nogrix.
C'est son rôle !
M. Gilbert Chabroux.
Ne faudrait-il pas corriger progressivement ce déséquilibre ?
Dans un premier temps, l'augmentation de 1,7 milliard de francs du fonds
d'action sociale pour aider au fonctionnement des crèches et des centres de
loisirs est la bienvenue. Cela ne doit cependant pas empêcher, comme cela est
prévu par l'article 14 du projet de loi de financement de la sécurité sociale,
d'aider les familles qui ne peuvent y avoir recours et qui font appel à une
assistante maternelle agréée. L'aide est ainsi sensiblement augmentée pour les
familles modestes afin de leur permettre d'avoir réellement le choix des modes
de garde.
M. Philippe Nogrix.
Ça, c'est bien !
M. Gilbert Chabroux.
La garde par une assitante maternelle agréée n'était pas accessible à tout le
monde. De 30 000 à 40 000 familles supplémentaires devraient bénéficier de
cette aide.
M. Philippe Nogrix.
Cela, c'est mieux !
M. Gilbert Chabroux.
Parmi les prestations qui jouent un rôle important, il y a l'allocation de
rentrée scolaire, que personne ne conteste.
La majoration, le quadruplement même, décidée par le gouvernement de Lionel
Jospin en 1997, semble maintenant satisfaire tout le monde. La question que
pose notre rapporteur, M. Jean-Louis Lorrain, concerne d'ailleurs non le
montant de l'allocation, mais sa compensation, puisqu'elle était prise en
charge par le budget de l'Etat.
Il faut le reconnaître, cette allocation est devenue une véritable prestation
sociale - ce fut le cas pour d'autres prestations - depuis qu'elle a été
étendue à toutes les familles d'un enfant qui remplissent les conditions de
ressources. Il est donc normal qu'elle revienne à la branche famille.
La Cour des comptes considère d'ailleurs que la mise en oeuvre du transfert de
l'allocation de rentrée scolaire à la CNAF va dans le sens d'une meilleure
appréhension de la réalisation des lois de financement de la sécurité
sociale.
Je crois par ailleurs que l'on pourrait s'interroger sur la progressivité de
cette allocation du primaire au collège et au lycée. Elle pourrait même être
majorée pour le lycée professionnel, des familles modestes devant acquérir du
matériel coûteux.
Par ailleurs, l'article 15 du projet de loi prévoit la création d'un congé,
assorti d'une allocation de présence parentale, pour les parents devant soigner
leur enfant gravement malade ou assurer une présence. C'est un problème
douloureux, tout comme celui de l'accompagnement des personnes en fin de
vie.
M. Alain Gournac.
Lucien Neuwirth y avait pensé !
M. Gilbert Chabroux.
Nous en avons en effet discuté lors du débat sur la proposition de loi
présentée par M. Lucien Neuwirth, le 15 juin dernier.
Des engagements avaient été pris au Sénat par Mme Dominique Gillot, secrétaire
d'Etat à la santé et aux handicapés, et, le même jour, devant la conférence de
la famille, par Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille et à
l'enfance.
Ces engagements sont tenus. Ils constituent des mesures nouvelles
particulièrement importantes de ce projet de loi.
Les modalités prévues pour le congé et l'allocation de présence parentale
paraissent tout à fait adaptées. Elles offrent en effet un cadre juridique
protecteur grâce au maintien de la protection sociale pendant le congé, à la
garantie de retrouver son emploi, à la reconnaissance d'un statut sans risque
de licenciement.
C'est une avancée que nous approuvons tous, j'en suis sûr.
Il faut aussi se féliciter que l'allocation parentale d'éducation puisse être
cumulée dans certaines conditions avec un revenu professionnel. Il convient en
effet de favoriser la reprise d'activité du parent bénéficiaire de l'allocation
de présence parentale. Nous savons le risque que fait courir à la carrière
professionnelle un arrêt prolongé de l'activité.
L'article 16 du projet de loi, qui prévoit le transfert progressif de la
majoration de pension de 10 % servie aux parents de trois enfants ou plus du
fonds de solidarité vieillesse à la branche famille, mérite qu'on y porte une
attention particulière. Ce dispositif représente, en 2001, 2,9 milliards de
francs. A terme, dans sept ans, il atteindra 20 milliards de francs. On
comprend donc les arguments de ceux qui craignent que la politique familiale ne
soit amputée d'une partie des moyens qui lui sont nécessaires.
Mais il faut bien reconnaître que ces majorations de pensions pour enfants à
charge sont des avantages familiaux différés. Il s'agit d'avantages vieillesse
liés à la vie familiale, et le transfert à la branche famille permet sans aucun
doute de protéger ces avantages.
Toutefois, si le principe est indiscutable, il faut regarder de plus près la
manière de procéder et, sans doute, aménager et améliorer ce dispositif en lien
étroit avec les partenaires de la politique familiale et la Caisse nationale
des allocations familiales.
Il faut aussi souligner, dans le domaine du logement social, l'effort consenti
par le Gouvernement, qui s'est employé à réaliser la réforme des barèmes « par
le haut », c'est-à-dire par une augmentation très importante de l'enveloppe
globale.
Tout n'est pas dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale,
mais nous ne pouvons pas ignorer l'ampleur de cet effort car le droit de se
loger est un droit fondamental des familles. Au total, 4,8 millions de ménages
bénéficieront d'une aide supplémentaire de 1 300 francs par an, en moyenne.
On constate, enfin, comme nous l'appelions de nos voeux, une simplification et
une harmonisation des barèmes des aides personnelles.
Il reste un problème qui n'est pas pris en compte, celui des jeunes adultes
déstructurés.
Le temps libre des jeunes est devenu un enjeu social important. Il existe bien
les contrats « temps libre » qui peuvent être signés avec les caisses
d'allocations familiales et qui permettent d'aider les collectivités
accomplissant un effort. Mais il ne s'agit pas de la même tranche d'âge ni des
mêmes problèmes.
Cela dit, il faut engager une réflexion plus large. Ce doit être le thème de
la prochaine conférence de la famille. Alors qu'a été et qu'est réalisé un
effort important pour la petite enfance et les différents modes de garde des
jeunes enfants, il faudrait pouvoir considérer maintenant le créneau des jeunes
adultes.
Peut-on formuler la proposition selon laquelle, si des excédents étaient
dégagés par la CNAF sur l'année 2000, au-delà des prévisions qui ont été
faites, comme cela a été le cas au cours de l'année 1999 pour le fonds
d'investissement pour les crèches, ils seraient prioritairement affectés à ce
secteur qui a été, jusqu'à présent, relativement délaissé ?
Madame la secrétaire d'Etat, nous savons bien que la politique familiale est
un tout. Elle ne se limite pas au budget de la branche famille de la sécurité
sociale. De nombreux ministères y participent : l'éducation nationale dans les
zones d'éducation prioritaire, la politique de la ville, la justice avec la
réforme du droit de la famille, l'emploi avec, entre autres, les
emplois-jeunes, la santé et la solidarité, la culture, la jeunesse et les
sports, et d'autres encore.
Les années précédentes, la majorité sénatoriale avait pratiqué des coupes
claires dans les budgets de ces ministères : 26 milliards de francs de crédits
avaient été supprimés en 1999. Quand on sait à quel point ces secteurs
participent à une véritable politique familiale, on peut s'interroger sur la
pertinence et la cohérence des positions et des intentions de la droite
sénatoriale.
Il faudrait parler aussi des avancées que représentent, pour de nombreuses
familles, des lois comme la loi d'orientation, de prévention et de lutte contre
les exclusions, la loi relative à la couverture maladie universelle et,
également, la loi sur les 35 heures, que la droite n'a pas votées.
Une véritable politique familiale suppose que l'on agisse dans tous les
domaines pour créer un environnement favorable aux familles. C'est ce que fait
le Gouvernement.
Mes chers collègues, mesurons bien les changements intervenus en trois ans et
demi.
Souvenez-vous que le déficit de la branche famille s'établissait à 14
milliards de francs en 1997. Mesurons bien les efforts accomplis et les
résultats obtenus. Le paysage s'est transformé, assaini, éclairci. L'équilibre
de la sécurité sociale est rétabli.
Tout se tient et nous savons bien qu'il n'y a pas de politique familiale sans
la maîtrise des dépenses de santé ou, alors, il ne s'agit que de discours.
Madame la secrétaire d'Etat, la politique familiale rénovée et ambitieuse qui
est définie et mise en oeuvre par le Gouvernement depuis 1997, en concertation
avec les associations familiales et les syndicats, fait l'objet d'une large
approbation dans le pays. Nous en avons eu la preuve lors de la dernière
conférence de la famille. Les engagements de cette conférence ont été tenus. Il
devrait en être de même aujourd'hui.
Madame la secrétaire d'Etat, le groupe socialiste vous apportera son soutien
le plus chaleureux.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Neuwirth.
M. Lucien Neuwirth.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'ai
souvent eu le sentiment, face à l'évolution accélérée du monde, que nos
sociétés étaient en retard sur notre temps, sentiment qui va de pair avec
l'adage selon lequel les seuls combats que l'on perd sont ceux que l'on ne mène
pas.
C'est pourquoi je veux aborder ce soir un point précis, l'un de ces combats
que l'on mène mal, peut-être parce que la France n'a pas encore de ministère de
la santé à part entière, ce qui me désole une fois de plus, et vous voudrez
bien m'en excuser, mes chers collègues.
La campagne de prévention et de lutte contre le sida a démontré que, lorsqu'il
existait une volonté profonde de la population combinée avec une volonté
gouvernementale d'agir dans le même sens, une telle campagne s'avérait
efficace. Dans le cas de la lutte contre le cancer, présentée pourtant comme
une priorité nationale, on constate que la politique mise en oeuvre est
déficiente, voire inexistante, dans un nombre considérable de départements, et
je vais tenter de le démontrer.
Plus grave, le rapport de septembre 2000 de la Cour des comptes sur
l'application des lois de financement de la sécurité sociale remis au Parlement
dresse un bilan alarmant de la situation en ce qui concerne le cancer.
On y lit - nous le savions déjà, hélas ! - que le cancer est la deuxième cause
de mortalité en France et la première cause de décès prématuré avant
soixante-cinq ans, que le nombre de nouveaux cas diagnostiqués dans l'année est
passé, depuis 1975, de 171 000 à 250 000 ; que l'incidence estimée de cancers
en France a augmenté de 40 % en vingt ans ; que la probabilité pour les femmes
d'avoir un cancer au cours de leur vie s'élève aujourd'hui à près de 37 % ; que
la prévalence des cancers devrait mécaniquement s'accroître au cours des années
à venir du fait du vieillissement des populations ; enfin, que les disparités
régionales sont très marquées, notamment dans la moitié nord du pays ; ailleurs
aussi, hélas !
Si le plan gouvernemental de lutte contre le cancer, que j'ai ici et qui a été
annoncé le 1er février 2000, apparaît cohérent, puisqu'il intègre recherche,
prévention, dépistage, soins et aide aux malades, les insuffisances relevées
par la Cour des comptes démontrent que les moyens sont loin d'être à la mesure
des enjeux.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. Alain Gournac.
Bravo !
M. Lucien Neuwirth.
Les sources susceptibles de fournir des informations sur l'ampleur du fléau et
sur sa prise en charge ne sont pas coordonnées. En outre, elles sont rarement
recoupées entre elles et sont incomplètes.
Ainsi, l'information nécessaire à l'élaboration d'une politique cohérente de
lutte contre le cancer, que j'appelle de mes voeux, n'est pas disponible. Il
est donc impossible à ce jour de corréler ce qui paraît indispensable, à savoir
les besoins de santé et l'offre de soins. Il n'est pas possible aujourd'hui
d'identifier le nombre de lits ou de places utilisés au titre des soins en
cancérologie. Aucune approche globale ni quantitative n'est prévue. Qu'on me
prouve le contraire !
Selon le rapport : « La statistique annuelle des établissements, qui décrit
l'équipement des établissements de santé publics et privés, ne permet pas de
connaître le nombre de lits et de places consacrés au traitement des cancers.
[...]
« La part des dépenses ou des personnels affectés à la lutte contre le cancer
n'est pas davantage identifiée. Hormis pour les centres de lutte contre le
cancer spécialisés dans le traitement de ces pathologies - tel le centre
Léon-Bérard à Lyon - et les équipements spécifiques de radiothérapie, il est
impossible d'identifier les moyens consacrés par les établissements de santé à
la lutte contre les cancers.
« En l'absence de codage des actes et des pathologies, il n'est pas davantage
possible de connaître la part de l'activité de médecine de ville consacrée à la
cancérologie, qu'il s'agisse de prévention, de dépistage ou de prise en charge
diagnostique ou de thérapeutique. »
Les moyens financiers engagés tant pour la prévention que pour le dépistage
sont mal connus ; ceux qui sont consacrés aux soins sont encore plus difficiles
à évaluer.
Sur le plan communautaire, le troisième programme d'action inscrit, doté de 92
millions de francs en 1999 - « L'Europe contre le cancer » -, a contribué au
financement de trente-cinq projets, dont un seul d'initiative française, dans
les domaines de la collecte de données, de l'éducation pour la santé, de la
prévention et de l'assurance qualité du dépistage et des soins. Si la France
participe à de nombreux projets pilotés par d'autres pays, elle n'est que
rarement à l'origine de projets impliquant plusieurs membres de l'Union
européenne. Cette situation serait due au rôle très limité que joue la
direction générale de la santé en matière d'impulsion, de coordination et de
suivi des projets.
Pourtant, les enquêtes sectorielles conduites sur le plan local et relatives à
la connaissance de l'offre de soins existent. Simplement, leur exploitation au
niveau national n'a pas été développée. Il est urgent de donner les moyens de
développer les travaux sur l'évaluation du système de soins, afin de pouvoir en
savoir plus sur les pratiques de prévention et de dépistage des professionnels
de santé, et effectuer des études sur le coût et l'efficacité des programmes de
dépistage.
C'est pourquoi je souscris aux recommandations de la Cour des comptes visant à
augmenter les moyens consacrés à la prévention, à condition qu'une évaluation
stricte de la qualité et de l'efficacité des actions menées soit engagée. A cet
égard, la proposition d'accroître la part des recettes sur le tabac affectée à
l'assurance maladie me paraît plus qu'intéressante.
La situation que je viens de décrire résulte principalement du cloisonnement
du système de santé pour ce qui concerne le dépistage, la formation des
professionnels et l'information des patients.
En effet, si le malade est libre de choisir son médecin, il est face à une
multitude de centres littéralement « atomisés ». Or la qualité de la prise en
charge du patient est très fortement influencée par le premier accès au système
de soins. Mais aucune information n'est mise à la disposition du patient alors
qu'on lui laisse l'initiative de la première démarche !
L'Etat et l'assurance maladie devraient mieux travailler ensemble pour
combiner une approche de pathologie, une approche par population et une
approche par producteur d'actes, qu'il s'agisse de prévention, de dépistage, de
diagnostic ou de traitement.
Ce qui paraît invraisemblable en ce début de xxie siècle, c'est la scandaleuse
absence de structure spécialisée pour les pathologies - notamment pour le
cancer - dans les deux grandes directions - la direction générale de la santé
et direction des hôpitaux - ce qui ne facilite pas le rapprochement des points
de vue.
La Cour des comptes souligne, à ce sujet, la faiblesse des moyens consacrés
par la direction générale de la santé à la politique de lutte contre le cancer.
Savez-vous, mes chers collègues, combien de personnes s'y consacraient au début
de l'année 2000 ? Deux !
Cela explique sûrement pourquoi la circulaire du 24 mars 1998 sur
l'organisation des soins en cancérologie est au point mort. Elle devait
permettre la mise en place progressive de la gradation en trois niveaux des
structures de soins dans les établissements publics et privés. Leur mise en
oeuvre par les schémas régionaux d'organisation sanitaire - pour autant qu'elle
implique de faire des choix entre les établissements hospitaliers - ne sera que
progressive.
De même, la constitution en réseaux, pourtant prévue par la loi, n'est pour
l'instant qu'une faculté offerte aux professionnels de santé. Une faculté ! La
normalisation des soins à travers l'élaboration de référentiels et de
protocoles se développe toujours actuellement en ordre dispersé. Les variations
constatées du contenu des référentiels dans les établissements illustrent
l'absence d'une politique organisée de qualité des soins.
Le secrétariat d'Etat à la santé n'a toujours pas appliqué les dispositions de
la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 sur l'organisation des
programmes de dépistage, devenu l'article L. 1411-2 du code de la santé
publique. N'est toujours pas publié notamment, à ma connaissance, le décret
fixant la liste des examens et des tests de dépistage qui ne peuvent être
réalisés que par des professionnels et des organismes conventionnés.
Enfin, la Cour des comptes dénonce ce que j'ai pu moi-même constater dans mon
département : les distorsions liées au système actuel de tarification et de
financement. Elle préconise d'actualiser la nomenclature de radiothérapie,
d'harmoniser le niveau de financement de la chimiothérapie dans les secteurs
public et privé, en veillant à mieux prendre en compte des coûts fortement
croissants.
Ce n'est malheureusement pas tout...
Le professeur Israël indiquait récemment que la moitié du parc français des
mammographies était obsolète ; je dis bien : la moitié !
Pour ce qui concerne la formation des radiothérapeutes, trente nouveaux
devraient être formés par an pour maintenir le réseau de soins existant.
Malheureusement, trois seulement sortent des écoles chaque année, du fait de la
non-attractivité des études.
Pour illustrer mon propos, je citerai, parce qu'il faut parler de ce que l'on
connaît bien, l'exemple de mon département, la Loire. La situation de la
cancérologie illustre trop bien les disparités qui existent entre départements
et même entre régions.
Le déficit des budgets hospitaliers publics et privés ne permet pas
l'utilisation de nouveaux médicaments plus efficaces et moins toxiques. Il
n'existe aucune possibilité d'investissement pour les remises à niveau du
plateau technique de radiothérapie ; le dernier investissement date de 1995 !
La Loire perdra, à la fin 2000, les deux seules autorisations de chambre de
curiethérapie. La nomenclature des actes de radiothérapie date de 1972, époque
de la bombe au cobalt. La nouvelle nomenclature et le nouveau catalogue des
actes médicaux sont en préparation depuis cinq ans, ce qui explique, pour
partie, l'absence de radiothérapie dans les hôpitaux privés de ce département.
Ne parlons pas de la vétusté du parc des appareils : quatre accélérateurs sur
cinq sont âgés de plus de quinze ans, tous concentrés dans les hôpitaux publics
ou participant au service public hospitalier. On constate un déficit
d'équipement d'imagerie - IRM, scanner - et il n'existe aucun appareil de
radiothérapie équipé d'un système d'imagerie portable.
En l'état actuel, le fait de résider dans un département défavorisé fait
perdre aux patients cancéreux des chances de guérison, en dépit de tous les
efforts, de la bonne volonté des personnels médicaux et soignants en charge des
patients.
Ce n'est pas tolérable. C'est pourquoi il est indispensable de revoir la
politique de lutte contre le cancer dans notre pays, de se donner enfin les
moyens de la mettre en oeuvre grâce à un ministère de la santé à part entière
disposant d'un budget et de personnels à la hauteur des enjeux de santé
publique, et de sortir de ce système doté d'un trop modeste secrétariat d'Etat
sous tutelle. Il est même permis de se demander parfois si ce n'est pas sous la
tutelle de ses propres directions !
Je veux aborder maintenant le problème du cancer du sein.
Aujourd'hui, aucune personne de bonne foi ne peut mettre en doute le fait que
le cancer du sein est devenu un enjeu de société. Nous avons désormais
techniquement les moyens, à travers un dépistage précoce de masse et
l'amélioration des traitements, de faire changer les choses. C'est la première
cause de décès par cancer chez les femmes : 19 %.
Il nous faut d'abord faire entrer le dépistage du cancer du sein dans les
consciences et dans les mentalités. Comme la douleur, le cancer n'est ni de
droite ni de gauche, c'est un fléau à combattre ensemble. Il frappe une femme
sur dix.
A cet égard, je partage tout à fait l'avis de M. Bernard Kouchner quand il
affirmait : « Les politiques ont besoin du pouvoir d'influence des malades pour
que notre système de soins change et s'humanise. »
J'ajouterai que ce système a besoin non seulement de l'action militante
d'associations telles que le Comité féminin de la région de Paris, qui a tenu
un colloque ici au Sénat le 23 octobre dernier sur le dépistage du cancer du
sein, de la Ligue contre le cancer, qui mérite tout notre soutien, et d'autres
associations encore, mais aussi du témoignage irremplaçable des médecins de
toutes les disciplines concernées, des généticiens, des personnels
soignants.
Des réunions telles que celle qui s'est tenue récemment au Sénat, grâce à la
participation de praticiens éminents et renommés qui vont traiter du problème
dans toutes ses dimensions, établissent la crédibilité de l'action engagée en
faveur du dépistage précoce et de masse du cancer du sein. Oui, de masse, car
les femmes représentent la moitié de notre société.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Eh oui !
M. Lucien Neuwirth.
Grâce aux connaissances modernes, nous savons qu'un cancer du sein a un
développement très lent, de sept ans au minimum. Des travaux allemands et
anglo-saxons ont démontré que la majorité des cancers du sein commençait à se
former dès l'âge de trente-huit à quarante ans. Certains d'entre eux évoluent
très vite et se manifestent aussitôt entre quarante et cinquante ans ;
d'autres, nés à la même date mais d'évolution moyenne, se manifestent entre
cinquante ans et soixante ans en raison des modifications hormonales, voire
entre soixante et soixante-dix ans.
Le dépistage au stade le plus petit de la tumeur est capital : d'une part,
parce que la tumeur prise à ses débuts a toutes les chances d'être éradiquée ;
d'autre part, parce que le traitement sera moins lourd, plus efficace et
épargnera des souffrances à la femme.
Il est parfaitement établi aujourd'hui que le cancer du sein reconnu
précocement, avant que la tumeur n'atteigne la taille de dix à douze
millimètres, est guérissable. Le cancer du sein ne se prévient pas ; il se
dépiste.
Comme le professeur Jasmin, éminent cancérologue à l'hôpital Paul-Brousse de
Villejuif, je suis personnellement convaincu de l'évidente obligation d'un
dépistage précoce du cancer du sein.
En effet, le taux de survie est de 90 % à cinq ans quand le cancer a été
découvert à un stade précoce et ne présente aucune métastase ou envahissement
ganglionnaire.
Un dépistage à partir de cinquante ans n'est pas suffisant. C'est oublier que,
chez les femmes plus jeunes, on estime que le cancer du sein diminue la durée
de vie de 40 % environ.
Il est donc indispensable de mettre en place un dépistage systématique du
cancer du sein chez les jeunes femmes, dès l'âge de quarante ans. Les progrès
de l'imagerie médicale nous y encouragent et sont porteurs d'espoir.
Je suis particulièrement frappé de la qualité et de la précision du rapport de
la Cour des comptes, qui, cette année, ne s'est pas contentée, comme chaque
année, du classique état des lieux comptable, mais a choisi d'émettre un avis
très critique et inhabituel - M. le président Joxe m'a précisé qu'il tenait à
ce que cet avis soit donné - et a proposé des recommandations sur la politique,
je dirais plutôt sur l'absence d'une véritable politique active suivie de
prévention et de dépistage du cancer en France.
Dans l'Hérault, par exemple, 24 % des cancers sont détectés chez les femmes de
quarante-neuf ans.
Parlons maintenant du programme national de lutte contre le cancer du 1er
février 2000, que vous avez présenté, madame le secrétaire d'Etat.
Il est prévu un dépistage pour les femmes de cinquante à soixante-quatorze ans
par mammographie. Or - écoutez-moi bien, mes chers collègues, ce point est
important - trente deux départements seulement disposent d'un tel programme de
dépistage. Le cahier des charges de 1999 n'est pas appliqué. Les moyens sont
dérisoires : 2 millions de francs sont alloués à la formation des
professionnels et aux études de mobilisation de la population.
S'agissant du dépistage du col de l'utérus, il n'existe que quatre sites
expérimentaux. C'est dérisoire !
L'objectif n° 5 est un bon objectif. Il s'agit d'évaluer le dépistage et son
impact sur la maladie.
Cette année, l'institut de veille sanitaire accompagnera l'extension du
programme de dépistage avec quoi ?... avec 400 000 francs pour les trente-deux
départements ; somme dérisoire !
Un programme d'études sur les facteurs favorisant l'utilisation des programmes
de dépistage sera mis en place. Mais quand ?
L'objectif n° 3 est de favoriser en permanence la qualité de la prise en
charge. Je suis d'accord avec cet objectif.
Il s'agit de renforcer l'équipement en radiothérapie, la France ne disposant
que de 183 sites, soit de 367 appareils.
La seule mesure nouvelle, c'est l'augmentation, dès cette année, dans la carte
sanitaire, de l'indice de besoin, qui permettrait l'installation de 100
nouveaux appareils.
Il s'agit aussi de mieux prendre en compte l'évolution de la chimiothérapie et
de la radiothérapie. Mais quels moyens existent pour remplir ces objectifs
auxquels nous adhérons tous ?
Un groupe de travail « Soins 2000 » a été mis en place pour formuler des
propositions au second semestre de l'année 2000. Où en sont ces propositions
?
Quels sont les moyens mis en place pour améliorer la prise en charge initiale,
pour l'information sur les modalités du traitement et les différents
dispositifs de prise en charge médico-sociale ?... On retrouve le même groupe
de travail « Soins 2000 », qui en est encore aux balbutiements, c'est le moins
qu'on puisse dire !
J'apprécie particulièrement l'objectif n° 4 : améliorer les conditions de vie
et garantir les droits des malades. Pour le soutien psychologique, le travail
en réseau, dix millions de francs seront affectés, à partir de 2001, au
recrutement de psychologues.
En ce qui concerne les soins palliatifs, 75 millions de francs en 2000 et 75
millions de francs en 2001 seront affectés au développement des structures, 37
millions de francs, répartis sur 2000 et 2001, seront dégagés au titre du fonds
national d'action sanitaire et sociale, enfin, 450 000 francs seront destinés à
la réédition du livret d'information sur les soins palliatifs.
Je profite de l'occasion qui m'est offerte, madame le secrétaire d'Etat, pour
demander où en est le décret d'application qui permettrait de sortir du
paiement à l'acte pour les équipes de soins palliatifs. On l'attend depuis juin
1999, ce fameux décret !
(Mme le secrétaire d'Etat fait un signe de
dénégation.)
Si ! On l'attend depuis juin 1999 ce décret qui doit permettre de sortir du
paiement à l'acte, ce qui ne tient pas dans une équipe de soins palliatifs.
Demandez à la CNAM ! Elle sait comment faire ! Elle a déjà l'expérience pour
d'autres disciplines.
Pour généraliser la prise en charge de la douleur chez les patients cancéreux
et renforcer la formation des professionnels en faveur des populations les plus
fragiles, 0,5 million de francs par an seront dégagés pour la formation alors
que 10 millions à 15 millions de francs seront consacrés aux schémas régionaux
d'organisation des soins.
Madame le secrétaire d'Etat, ce n'est plus possible ! Le moment est venu
d'entreprendre une action forte, le volontarisme se manifestant à tous les
niveaux d'autorité.
En ce début du xxie siècle, le combat contre le cancer est le nôtre,
individuellement et collectivement, ou alors, nous acceptons d'être des
complices honteux de ce fléau, qui doit reculer, que nous avons les moyens de
faire reculer. Mais ces moyens, il faut les mettre en place ! Sur l'ensemble de
ces travées, il n'y aura personne pour vous refuser les moyens que vous nous
demanderez.
Les bonnes intentions, les effets d'annonce n'ont jamais été que des sabres de
bois. C'est d'armes efficaces dont nous avons besoin. Nous sommes prêts à vous
donner les moyens de les forger. La balle est dans votre camp. Même la Cour des
comptes sera à vos côtés. Alors qu'attend-on ? Madame le secrétaire d'Etat, il
faut y aller maintenant !
(Applaudissements sur les travées du RPR et de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Dieulangard.
(Applaudissements.)
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
branche accidents du travail et maladies professionnelles participe au résultat
excédentaire de la sécurité sociale. L'objectif fixé pour 2000 s'élevait à 54,7
milliards de francs. L'exécution prévisionnelle est inférieure à 53,3 milliards
de francs. Tout comme pour les résultats globaux, nous recueillons en ce
domaine les fruits d'une croissance riche en emplois et de mesures
structurelles engagées avec efficacité, le tout, il faut le souligner, sans
augmentation des cotisations et sans « déremboursement ». Ces moyens vont
soutenir une politique ambitieuse.
Ce projet de loi comporte, pour la branche accidents du travail, la création
d'un fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, création qu'avait
annoncée le Gouvernement, le 15 septembre dernier.
Ce fonds complète le dispositif de cessation anticipée d'activité que nous
avions mis en place dans le cadre de la loi de financement de la sécurité
sociale pour 1999. Il manifeste la ferme volonté du Gouvernement de répondre au
drame que vivent les salariés contaminés par l'amiante ainsi que leur
famille.
En effet, au-delà de la douleur des situations individuelles, c'est l'ampleur
de la catastrophe qui est saisissante. Certaines prévisions font état de 100
000 décès d'ici à 2025.
Ce fonds a donc pour mission d'assurer l'indemnisation intégrale des victimes
de l'amiante. Les coûts d'indemnisation sont évalués à 8 milliards de francs en
direction des familles des personnes déjà décédées et à 3 milliards de francs
par an pour les victimes de pathologies liées à l'amiante.
Pour 2001, la participation de la branche accidents du travail, donc le
financement effectué par les employeurs, sera de 1,5 milliard de francs. Celle
de l'Etat s'élèvera à 500 millions de francs.
A cet égard, je ferai une remarque à l'intention du rapporteur pour avis de la
commission des finances. Je m'étonne, en effet, qu'après avoir souligné, dans
son rapport, le coût très élevé de ce dispositif, il indique qu'il ne soit pas
sûr que les entreprises acceptent facilement une éventuelle augmentation des
cotisations afin d'assurer, dans l'avenir, l'indemnisation des victimes.
Faut-il rappeler que les cotisations versées au titre des accidents du travail
et leur modulation sont précisément assises sur le nombre et la gravité des
accidents du travail intervenus dans chaque entreprise ? Le financement de
notre système est fondé sur la corrélation entre les dangers encourus par les
salariés, les mesures de prévention prises par l'employeur pour les combattre
et le poids des prélèvements supportés par les entreprises. Il ne serait donc
pas anormal que la sous-estimation, parfois coupable des entreprises, des
risques encourus par leurs salariés se traduise, si besoin était, par une
augmentation de leurs cotisations.
Constitué en établissement public, ce fonds d'indemnisation améliore à
l'évidence les dispositifs existants. En effet, il fonctionne selon le principe
d'une indemnisation intégrale et non forfaitaire des préjudices subis.
Il facilite et accélère les procédures d'indemnisation, ce qui est fondamental
pour les victimes, qui étaient parfois obligées de se livrer à un parcours du
combattant pour prouver les affections dont elles étaient atteintes.
Par ailleurs, ce fonds concerne aussi des victimes qui se sont retrouvées au
contact de ce produit en dehors même de leur lieu de travail.
Nos collègues de l'Assemblée nationale ont amélioré son fonctionnement,
notamment en abrégeant les délais d'examen et en étendant aux ayants droit le
bénéfice d'une indemnisation.
Les sénateurs socialistes présenteront un amendement visant à ce que les
personnes ayant vu leur demande rejetée ou ayant obtenu une indemnisation
partielle sous l'empire de l'ancien régime puissent saisir le nouveau fonds
afin que leur dossier soit réexaminé.
Toutefois des victimes ou leurs représentants se sont manifestés et ont
regretté certains principes de fonctionnement de ce fonds. Nous nous devons de
comprendre leur message.
Ce qui anime aujourd'hui certaines de ces victimes, c'est la volonté de faire
en sorte que, au-delà d'une indemnisation plus juste et plus efficace,
l'occultation manifeste par certaines entreprises d'un risque connu soit
sanctionnée par la justice.
Il est de notre responsabilité de parlementaires, au-delà de la reconnaissance
par la collectivité nationale d'une plus juste réparation du préjudice subi,
d'oeuvrer pour que change l'approche de la sécurité au travail.
Il s'agit d'un véritable enjeu de santé publique, qui dépend, en réalité, de
la place faite à la santé du travailleur dans le modèle économique de notre
société industrielle.
Les dérives du productivisme et de la recherche de la compétitivité sont
connues : recherche d'enclaves juridiques ou géographiques, dans lesquelles
l'application du droit peut être contournée, recours au travail précaire, à la
délocalisation, par exemple.
Ce qui interpelle toute notre société, c'est que ce modèle économique intègre
la précarité et la mise en danger comme des données normales de l'existence.
M. Philippe Nogrix.
Oh !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Or la dégradation de la santé d'autrui ne peut être considérée comme une
donnée du fonctionnement du marché ; en revanche, sa protection est un droit
essentiel de la personne, quel que soit son environnement.
Aujourd'hui, c'est l'existence même du risque qu'il nous faut combattre.
Certains parlent de principe de précaution ; dans ce domaine, je préfère
parler de prévention. Et si l'application de ce principe paraît parfois
particulièrement exigeant, c'est parce qu'il se met en place dans l'urgence et
que l'on prend soudainement conscience de dangers qu'il a été plus confortable
de ne pas prendre en compte avec la vigueur nécessaire. La responsabilité est
collective.
La prévention ne doit pas seulement être une incantation ou ne se limiter qu'à
des moyens supplémentaires. Elle est une culture à développer et à faire
vivre.
M. Lucien Neuwirth.
Très bien !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Il convient de dépasser la seule logique de l'assurance et de prendre en
compte le fait que la culture du risque n'est peut-être pas celle à laquelle
aspirent nos concitoyens. Ceux-ci dénoncent de plus en plus la violence des
relations sociales, et le sentiment d'insécurité y a sa part.
Pour cela, il faut être capable d'assurer une prévention très en amont. C'est
ici la responsabilité des partenaires sociaux et celle de l'Etat, qui arbitre
leurs décisions et fixe des normes.
Il s'agit, certes, de mobiliser des moyens, mais aussi de définir un modèle de
développement respectueux de cette santé. Or les entreprises ont tendance, trop
tendance, à penser qu'elles ne sont pas en capacité de promouvoir un tel
modèle. Elles sont prises dans les contraintes du temps et de la concurrence.
Elles exploitent les logiques existantes et ne sont pas promptes à remettre en
cause leurs modes de fonctionnement au profit de leurs salariés.
De son côté, l'Etat doit entreprendre de nouvelles démarches dans ce
domaine.
Nous avons ainsi voté récemment la création d'un outil permettant de soutenir
la prévention : l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale.
Nous souhaitons également qu'aboutisse la nécessaire réforme d'un acteur
essentiel de cette politique ; je veux parler de la médecine du travail.
Plusieurs orientations ont été présentées. Certaines sont intéressantes, comme
la mise en place de réseaux ou la redéfintion des moyens d'action en matière de
prévention dans le milieu de l'entreprise. Il conviendra de les approfondir.
Il faut également que la reprise permette d'offrir de meilleures conditions de
sécurité aux travailleurs : diminution des accidents du travail et des maladies
professionnelles, pour ce qui nous concerne ici. Mais on peut aussi penser à
l'augmentation du pouvoir d'achat individuel ou à la diminution du temps de
travail, à la résorption de l'emploi précaire et du recours au travail
intérimaire.
Cela étant, lorsqu'on regarde les chiffres de l'évolution des accidents du
travail et des maladies professionnelles, on mesure les efforts qui sont encore
à réaliser.
Ces chiffres, qui avaient diminué, sont, depuis 1998, en augmentation. En
effet, la reprise économique et le retour à l'emploi voient des jeunes, souvent
insuffisamment préparés, occuper certains postes de travail. Je peux également
évoquer le recours accru à la sous-traitance ou au travail intérimaire. Or, les
acteurs de la prévention des accidents du travail nous le disent, c'est en
particulier chez ces salariés que l'on trouve une fréquence accrue de ces
accidents.
Par ailleurs, soyons vigilants sur les modalités introduites en matière
d'aménagement du temps de travail afin qu'elles ne se traduisent pas pour les
salariés par une intensification des rythmes du travail, souvent à l'origine
d'accidents du travail ou de maladies professionnelles ; je pense en
particulier aux troubles musculo-squelettiques et aux lombalgies.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
branche accidents du travail et maladies professionnelles dégage des excédents
qui nous permettent aujourd'hui de faire face à une responsabilité majeure :
l'indemnisation des victimes de l'amiante.
Souhaitons que, collectivement, nous sachions tirer les enseignements de ce
que nous tentons de réparer aujourd'hui à travers la mise en place de ce fonds.
Que de nouvelles démarches incitent à rénover la prévention en matière
d'accidents du travail et de maladies professionnelles !
(Applaudissements
sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Fournier.
M. Bernard Fournier.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui est devenu
un rendez-vous habituel au Parlement, revêt cette année un relief tout
particulier avec le départ de Mme Aubry vers des terres plus
septentrionales...
Je veux tout d'abord, madame la secrétaire d'Etat - mais mon propos
s'adressait plus particulièrement à Mme Guigou - saluer votre esprit de
solidarité, qui vous fait assumer ce projet de loi dont la maternité ne vous
revient pas.
Mais j'imagine que la solidarité gouvernementale et les liens privilégiés qui
unissent Lionel, Martine, Laurent
(Sourires)
et vous-même...
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Et Elisabeth !
(Nouveaux sourires.)
M. Bernard Fournier.
... vous conduisent à vous inscrire dans la lignée de la susnommée.
Mon intervention se déroulera en deux temps : je parlerai d'abord de la
méthode et des objectifs, puis du fond, en évoquant ce qui me semble un exemple
topique des insuffisances de ce texte à travers la couverture médicale
universelle.
Outre le départ de Mme Aubry - qui plus est à la veille de la discussion du
texte phare de son ministère -, la méthode du Gouvernement dans la préparation
de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale me semble révélatrice
de trois faiblesses : impréparation, absence de concertation et dogmatisme.
Ce projet révèle en effet une rare impréparation, qui apparaît notamment
lorsque l'on considère le nombre d'amendements déposés par les rapporteurs des
commissions de l'Assemblée nationale. Il convient d'ailleurs de souligner - une
fois n'est pas coutume ! - l'ampleur du travail exécuté par M. Claude Evin dans
la réécriture de ce projet de loi.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Il a été ministre !
M. Bernard Fournier.
Un de mes collègues députés l'a déjà fait, mais j'ai pu constater que
l'exercice était effectivement d'une telle ampleur qu'il méritait qu'on y
revînt.
Cependant, l'examen des députés n'a pas purgé le texte des incohérences qu'il
contient.
Il semble que la rapidité avec laquelle ce projet de loi a été élaboré ait
conduit le Gouvernement à oublier des impératifs incontournables. Sur cet
aspect, nous avons déjà demandé au Conseil constitutionnel de se prononcer, et
les sages nous ont donné raison. J'évoquerai deux points.
Le principe constitutionnel de sincérité budgétaire disparaît dans le flou
artistique des financements croisés, des transferts de charges, des transferts
de taxes, lesquels sont devenus si complexes que c'est à ne plus rien y
comprendre.
Vous financez les 35 heures par des prélèvements précédemment réservés à la
CNAM, et ce n'est qu'un exemple. Ainsi, le gouffre de la réduction du temps de
travail s'impute également sur les budgets sociaux.
Je ne ferai qu'évoquer la fameuse TGAP. Vous nous aviez dit que s'y appliquait
par excellence le sacro-saint principe « pollueur-payeur », principe que l'on
retrouve aujourd'hui un peu partout : l'an dernier, dans la loi de financement
de la sécurité sociale, cette année dans le collectif budgétaire.
En fin de compte, je pourrais être d'accord - une fois n'est pas coutume -
avec M. Aschieri, député Vert, qui souhaitait voir quand même un jour cette «
taxe baladeuse » financer des dépenses ayant un lien avec la défense de
l'environnement.
Par ailleurs, je vous rappelle que le Conseil constitutionnel invalide
systématiquement les dispositions prévoyant des sanctions collectives à l'égard
des professions de santé, mesures que vous aviez déjà projetées lors d'un
précédent exercice. Mais peu vous chaut ! Vous voici avec la même notion,
déguisée en « lettre clef flottante » : ce n'est, à mon avis, respectueux ni
des professionnels ni du Parlement.
Et c'est peut-être là le vice essentiel de ce texte : il fait fi de l'avis des
intéressés.
En effet, ce projet de texte n'a fait l'objet, me semble-t-il, d'aucune
véritable concertation.
Le Gouvernement nous rebat les oreilles avec la concertation. De quelle
concertation parle-t-on ?
On nous a expliqué que la méthode Jospin était presque une dialectique, que
c'était une nouvelle façon de concevoir le débat avec les forces vives de la
nation : « Je propose, on vous écoute et nous synthétisons. » Beau programme,
mais qui ne résiste pas à l'épreuve de l'examen.
En effet, à l'usage, que constatons-nous ?
M. Claude Domeizel.
La réussite !
M. Bernard Fournier.
Sur un grand nombre de dossiers, un manque criant de concertation est dénoncé.
Elus locaux, enseignants, artisans, restaurateurs, monde agricole,
transporteurs, professions libérales, et maintenant monde de la santé, tous
investissent nos permanences pour nous alerter : « On ne nous écoute pas, tout
vient d'en haut. » Ce n'est pas moi qui vous le dis, ce sont eux, ces
professionnels, qui viennent à notre rencontre.
La dialectique est devenue, me semble-t-il, un monologue... A moins que je ne
donne pas le même sens au mot « concertation » que celui qui a été retenu par
le Gouvernement...
Peut-être s'agit-il d'une concertation interne à la majorité plurielle, visant
à masquer ses divergences profondes sur des textes fondamentaux ?
Serait-ce cela, la méthode du Gouvernement : gérer le grand écart entre le
parti communiste et les Verts, tenter de faire la synthèse entre les jacobins
et les libéraux du parti socialiste ? Mais, à ce prix, on finit par oublier la
vraie concertation : celle qui doit être pratiquée avec les principaux
intéressés, à savoir les professionnels.
Je prendrai un seul exemple, celui des kinésithérapeutes : la cotation de
leurs actes est ramenée au tarif de 1997. Or que font-ils ? Ils agissent sur
prescription ! C'est-à-dire qu'ils n'ont pas de prise sur le volume de leur
activité, et l'accord de la caisse d'assurance maladie est requis pour qu'ils
puissent intervenir sur un patient.
Comment peut-on leur imposer une lettre clef flottante quand leur pouvoir
d'achat ne cesse de se détériorer ?
Mais ce n'est là qu'une illustration parmi d'autres : le sort qui est fait aux
infirmiers libéraux est inacceptable, tant leur activité est liée à la prise en
charge de la dépendance, dont vous parlez fort bien, mais à laquelle aucun
moyen n'est conféré.
En un mot, madame la secrétaire d'Etat, ce texte est dogmatique. Il révèle un
esprit de système caractérisé. Il ignore la réalité du terrain, la négociation,
l'individu, le patient, le médecin. Il ne retient que des chiffres, des
pourcentages.
Ce projet de loi est un fossile du centralisme démocratique !
(M. Fischer
s'esclaffe.)
Tout doit être décidé au plus haut niveau : sanctions collectives,
rationnement des soins, décisions unilatérales, maîtrise purement comptable des
objectifs.
Tout concourt à nous faire voir dans ce texte un manuel du parfait socialisme
le plus désuet.
La critique est sévère, certes, mais, je crois ne décrire là qu'une réalité
évidente.
A moins que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale ne soit,
pour le Gouvernement, qu'un outil de bricolage budgétaire permettant de
dissimuler quelque chose, j'allais dire de « bidouiller ». A moins qu'il ne
s'agisse que d'un instrument destiné à organiser des transferts de charges
permettant de masquer l'évolution réelle de la dépense publique et d'empêcher
la représentation nationale d'en avoir une vision cohérente, une vision
d'ensemble.
Mais je n'ose le croire de la part d'un gouvernement qui a été si respectueux
du Parlement, l'an passé, à propos des excédents budgétaires...
J'en viens au fond, et ma critique portera une fois encore sur l'absence de
vision prospective de la majorité plurielle, qu'illustre le problème de la CMU,
sur lequel le Gouvernement ne veut pas, me semble-t-il reconnaître son
erreur.
Je veux évoquer ici la situation ubuesque à laquelle nos concitoyens se
trouvent confrontés du fait de cet esprit centralisateur que vous avez fait
prévaloir. Ce serait risible si ce n'était pas dramatique, car cela touche les
populations les plus fragiles : une loi de lutte contre les exclusions qui
conduit à la marginalisation des plus modestes d'entre nous !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
N'importe quoi !
M. Bernard Fournier.
Certes, madame la secrétaire d'Etat à la santé, vous ne cessez de nous
expliquer que vous avez raison et que nous avons tort. C'est de bonne guerre !
Seul change le ton sur lequel vous répondez selon que vous argumentez face à
notre collègue Charles Descours ou à une députée communiste.
Cependant, il est temps, madame la secrétaire d'Etat, d'entendre le consensus
qui se dégage à propos de la perversité des effets de seuil de la CMU, et le
parti socialiste ne peut rester plus longtemps arc-bouté sur sa position
actuelle.
Je me permets de vous rappeller que, dans plusieurs départements, dont Paris,
il existait précédemment un dispositif d'aide médicale générale - la carte «
Paris-santé », par exemple - dont le barème était plus favorable que celui de
la CMU. A titre indicatif, le seuil de prise en charge dans la capitale était
de 4 040 francs. La CMU, pour sa part, ne se déclenche qu'à 3 500 francs. Il
apparaît donc une fenêtre dans laquelle les revenus situés entre 3 501 francs
et 4 040 francs se trouvent précarisés : ce sont ainsi, pour la seule ville de
Paris, 17 000 personnes qui vont finalement perdre une couverture sociale.
L'aide médicale générale des départements fonctionnait selon le même
principe.
Plus pervers encore : le seuil de 3 500 francs exclut du bénéfice de la CMU
les allocataires du minimum vieillesse et ceux de l'allocation adulte
handicapé, l'AAH.
Pour cette dernière catégorie de personnes, marquées dans leur corps, la
situation n'est pas acceptable. Je rappelle que l'AAH s'élève à 3 540 francs ;
autrement dit, la population intéressée se voit privée de couverture
complémentaire parce qu'elle est « trop riche » de 40 francs !
Comment pouvez-vous demeurer inerte face à cet argument ?
Je ne crois pas qu'il s'agisse là d'une attitude de mépris de votre part. Je
crois simplement que le Gouvernement s'est entêté sur ce point !
Croyez-moi, entêtés, nous le serons aussi, foi de presque Auvergnat que je
suis !
Votre attitude, madame la secrétaire d'Etat, révèle une incompréhension
totale. Votre surdité devant nos arguments et ceux, j'y insiste, de certains de
vos partenaires de la majorité est inacceptable et intenable.
Mes chers collègues, Mme Gillot tente d'argumenter en exposant que l'on va
retarder la mise en place de la bascule de l'AMG sur la CMU pour la seconde
fois et ce, jusqu'en mai 2001. Mais cela ne correspond à rien ! C'est de la
politique à la petite semaine ! A moins qu'il ne s'agisse d'autres
considérations plus électorales !
Nous avons attiré votre attention sur ce point lors des débats. Charles
Descours l'a encore fait lors d'une question orale posée le 24 octobre dernier.
Vos partenaires et mes amis l'ont également souligné à l'Assemblée nationale.
Autant d'obstination gouvernementale à nous ignorer nous laisse quelque peu
pantois.
Mme Gillot a évoqué la possibilité d'organiser un transfert de charges
supplémentaire vers les départements pour pallier les incohérences du système.
Mais, pardonnez-moi, on marche sur la tête !
On ne peut pas rédiger une loi et organiser, dès sa mise en oeuvre, des
mécanismes dérogatoires : cela signifie que la loi n'était pas bonne ou qu'elle
n'était pas suffisante.
Mme Gillot propose encore la création de fonds d'accompagnement qui seraient
mis en place par les caisses complémentaires. Mais que devient le « U » de CMU
dans ce cas-là ? Le caractère universel de cette couverture renvoie
nécessairement à la solidarité nationale.
Pour être comprise et appliquée, une loi doit être précise. Or la CMU était
une loi imparfaite. Acceptez-le et profitez de l'opportunité que nous vous
offrons dans le cadre de la discussion de ce projet de loi pour réparer un
manque de vision prospective aux conséquences ô combien ! douloureuses.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Domeizel.
M. Claude Domeizel.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, Mme
Elisabeth Guigou s'est absentée, mais j'aurais souhaité la saluer dans ses
nouvelles fonctions et l'assurer que nous continuerons à travailler avec elle
dans une totale concertation, comme nous l'avons fait jusqu'à présent avec Mme
Aubry, à laquelle je rends hommage et à qui j'exprime ma reconnaissance pour le
travail important qu'elle a accompli et les bons résultats qu'elle a
obtenus.
Mon intervention se situera dans le prolongement de celles de mes collègues
Bernard Cazeau, Gilbert Chabroux, Marie-Madeleine Dieulangard et Claire-Lise
Campion, qui s'exprimera ultérieurement ; elle portera plus précisément sur la
branche vieillesse de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale
pour 2001, qui touche de très près la vie quotidienne des Français, car elle
est chargée d'enjeux sociaux, économiques et financiers importants.
Auparavant, je souhaite attirer votre attention, madame la secrétaire d'Etat,
sur une question portant sur la branche maladie.
Comme vous le savez, je suis élu d'un département démographiquement
déséquilibré. Un récent bilan a fait apparaître certaines carences
préjudiciables à une bonne couverture médicale : plusieurs cantons de mon
département, souvent limitrophes d'ailleurs, ne comptent que deux médecins,
parfois un seul ; deux cantons, même, n'en comptent aucun. Il en va de même
pour les infirmières, les kinésithérapeutes ou les officines de pharmacie. Je
vous laisse imaginer la vie quotidienne du médecin et les difficultés pour
organiser un semblant de service de garde.
Je sais que mon propos n'a peut-être pas tout à fait sa place - encore n'en
suis-je pas sûr - dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale,
mais je tenais à vous alerter sur cette situation et à vous demander
d'envisager des mesures pour y porter remède.
Je ne reviendrai pas sur les causes de ce déficit chronique et sur les remèdes
qui ont permis de le juguler, d'autres l'ont fait avant moi. Mais, pour en
revenir au chapitre vieillesse, j'ai noté avec satisfaction un certain nombre
de points positifs au rang desquels je place la revalorisation des retraites de
2,2 % en 2001, soit un point de plus que l'inflation prévisionnelle de 1,2 %.
Cette revalorisation permet de faire progresser le pouvoir d'achat des
retraités de 1,3 %.
Je note également l'exonération de la contribution au remboursement de la
dette sociale pour les cinq millions de retraités - c'est considérable ! - non
imposables, ce qui, pour cette catégorie, équivaut à une augmentation
supplémentaire de 0,5 %. Il en sera de même avec la suppression de la redevance
audiovisuelle accordée aux retraités âgés de plus de soixante-dix ans.
On ne peut donc que se réjouir de la volonté d'associer les retraités aux
fruits de la croissance et de mieux préparer ainsi l'avenir des retraites.
Grâce à ces améliorations sont éradiquées les mesures néfastes pour les
retraités prises par les précédents gouvernements. Je n'irai pas jusqu'à
rappeler comment avaient évolué les retraites sous le Gouvernement de M. Juppé
de 1995 à 1997 ou sous celui de M. Balladur.
(M. Jean Delaneau, président de
la commission des affaires sociales, s'exclame.)
Parmi les aspects positifs, je me dois de saluer la réelle volonté affichée
par le Gouvernement de faire avancer les dossiers des retraites et sa
détermination à poursuivre sa démarche engagée depuis 1997 de consolidation du
système par répartition, qui se manifeste au travers tant de ses déclarations
que des textes législatifs et réglementaires.
Tout d'abord, le projet de loi vise à abroger la loi sur les fonds de pension.
La loi Thomas, si elle avait été appliquée, ne serait-ce qu'un jour, aurait
fragilisé l'édifice que nous avons le devoir de préserver, à savoir la retraite
par répartition. Je comprends mal l'entêtement de la droite sénatoriale qui
revient sur ce point par un amendement de suppression.
J'ai noté également que le Gouvernement, guidé par son souci de consolidation
de nos régimes de retraite par répartition, a tenu à encadrer le projet de loi
sur l'épargne salariale pour qu'il ne devienne pas un dispositif de monnaie
d'échange pour la réforme des retraites.
Nous savons gré au Premier ministre d'avoir eu le courage de prendre ce
dossier à bras le corps, avec conviction et méthode. Il est toujours facile de
critiquer, de taxer le Gouvernement d'immobilisme ou de faire de l'opposition
systématique. Or, au contraire, conformément aux orientations annoncées lors de
l'importante déclaration du Premier ministre du 21 mars dernier, le
Gouvernement agit dans la concertation, selon une démarche fondée sur cinq
principes, que je me plais à rappeler.
Premier principe : une action progressive et concertée. On se souvient qu'en
1995 l'absence de concertation et la brutalité des mesures avaient conduit au
blocage. De plus, la question des retraites doit être replacée dans la durée.
Prétendre penser la résoudre aujourd'hui pour 2040 par une seule réforme paraît
utopique.
Deuxième principe : le respect de la diversité et de l'identité des
régimes.
Troisième principe : l'équité et la solidarité entre les régimes.
Quatrième principe : une plus grande souplesse de notre système pour permettre
aux Français de choisir leur âge de départ à la retraite.
Enfin, cinquième principe : le besoin d'anticipation et de précaution. C'est
la vocation du fonds de réserve.
Cette méthode, nous la soutenons. Sur un tel dossier, il est indispensable de
prendre le temps nécessaire, car nous n'avons pas le droit de nous tromper.
La répartition est, en effet, un dossier porteur d'enjeux sociaux et
financiers concernant l'ensemble de la société française pour plusieurs
générations. Les décisions en ce domaine méritent donc toute notre attention et
nécessitent bien la mise en oeuvre d'une démarche concertée dans le but de les
inscrire dans la durée et de préserver l'équité entre les générations
successives.
Le Gouvernement a déjà pris des initiatives très positives en ce sens.
Comme il a été annoncé le 21 mars dernier, le conseil d'orientation des
retraites constitué des partenaires sociaux, de parlementaires dont j'ai
l'honneur de faire partie, de personnalités qualifiées, a bel et bien été créé
et installé dans les délais fixés.
Tout à l'heure, Mme la ministre a salué la qualité des premiers travaux du
conseil d'orientation des retraites. Je partage ce point de vue et je suis
persuadé que cet organisme va devenir un précieux outil de réflexion pour les
décideurs dans le cadre de sa mission : décrire la situation financière
actuelle et les perspectives des différents régimes de retraites ; apprécier
les conditions requises pour assurer la viabilité financière à terme de ces
régimes ; enfin, veiller à la cohésion du système de retraite par
répartition.
Pour alimenter les réflexions du conseil d'orientation des retraites, le
projet de loi crée un répertoire national des retraites et des pensions. Son
objet est d'améliorer la connaissance statistique sur les effectifs des
retraités et les montants des retraites, mais aussi de faciliter la
coordination des régimes de retraite en matière de service des prestations.
Pour en revenir au temps de réflexion, et contrairement aux informations
alarmistes qui ont pu être données sur le sujet, la situation des régimes de
retraite est encore satisfaisante, avec des éléments conjoncturels favorables,
surtout pour le secteur privé.
(Murmures sur les travées du RPR.)
Si l'on se réfère à l'évolution des comptes de la protection sociale de 1995 à
1999, on constate une stabilité des prestations de protection sociale dans le
produit intérieur brut qui oscille autour de 12,7 %.
La situation démographique est favorable, puisque la courbe représentant le
ratio des retraités par rapport aux actifs est inférieure à celle du nombre des
personnes atteignant soixante ans au cours de l'année. Ce creux de la vague
démographique, propice aux régimes de retraite, correspond, naturellement, aux
départs en retraite des personnes nées entre 1940 et 1945, dites classes
creuses.
Faut-il également souligner que la masse des cotisations croît plus vite que
celle des prestations, surtout dans les régimes du secteur privé, compte tenu
du contexte économique favorable que nous connaissons depuis deux ans et grâce
à la politique de l'emploi conduite depuis 1997 par le Gouvernement de Lionel
Jospin ?
Toutefois, cette période d'embellie ne doit pas nous aveugler et nous devons
nous préparer pour faire face aux difficultés qui vont apparaître dès 2005. En
effet, le vieillissement inéluctable de la population va entraîner une
dégradation de la situation financière, d'où l'importance du fonds de réserve.
Ce fonds, que la loi a créé en 1998, s'est vu affecter des ressources nouvelles
en 1999. Ces ressources progressent conformément aux engagements pris par le
Gouvernement et contrairement - faut-il le souligner ? - aux prédictions de la
droite sénatoriale. Nous avons entendu beaucoup de choses ici, ces deux
dernières années, à ce sujet.
Aujourd'hui, la grande majorité s'accorde sur la nécessité et la pertinence de
ce fonds, qui sera utile pour résorber une bonne partie des déficits à partir
de 2020. Or, précisément, puisqu'il est destiné à être un fonds de lissage, il
conviendra de trouver les moyens de l'équilibre financier jusqu'à cette
date.
Il faut donc trouver des recettes pérennes, car l'objectif des 1 000 milliards
de francs en 2020 ne peut pas se limiter à des excédents qui fluctuent en
fonction de la situation économique ou des choix du Gouvernement.
Enfin, j'ai déjà eu l'occasion de le dire lors de l'examen du projet de loi de
financement de la sécurité sociale pour 1999 - mais le sujet est trop grave
pour ne pas le répéter -, sa gestion doit être indépendante de tout autre
fonds. Compte tenu de l'importance et de la spécificité des enjeux, des masses
financières considérables en cause, de la lisibilité nécessaire pour les
Français, il est clair que l'organisme chargé de gérer ce fonds ne peut avoir
parallèlement d'autre vocation.
C'est la raison pour laquelle, déjà l'an dernier, il m'avait semblé utile
d'aborder cette question pour que soit envisagée, afin de piloter le fonds de
réserve, la création d'un établissement public spécifique doté d'un conseil
d'administration ayant pouvoir de décision. Cette formule juridique permettrait
de garantir l'autonomie des décisions, d'affirmer l'importance du fonds
constitué et, enfin, d'en assurer la transparence.
C'est l'objet de l'amendement que j'ai déposé, qui peut ainsi se résumer :
faire sortir les réserves du fonds de solidarité vieillesse, créer un
établissement public administratif doté d'un conseil d'administration
responsable et confier la gestion administrative de ce fonds, ainsi qu'une
mission d'assistance, à la Caisse des dépôts et consignations.
On a évoqué, ici ou là, la complexité des mouvements financiers de la sécurité
sociale entre les branches et dans les branches elles-mêmes. J'avoue partager
ce point de vue, et je pense qu'une clarification est nécessaire.
Pour en terminer, je me réjouis en tout cas que les retraités puissent
bénéficier de mesures correspondant à leur attente et que ce projet de loi
réponde à un double objectif : garantir une meilleure protection sociale des
assurés, tout en tenant compte du nécessaire équilibre des comptes de la
sécurité sociale.
Comme vous pouvez le constater, le groupe socialiste du Sénat a de multiples
raisons de voter sans arrière-pensée le projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 2001.
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Gournac.
(Applaudissements sur les travées du
RPR.)
M. Alain Gournac.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, de
même qu'il n'y a pas de bons Français et de mauvais Français, il n'y a pas de
bonnes familles et de mauvaises familles.
Vous l'avez compris, je m'en tiendrai, dans mon intervention, à quelques
réflexions que m'inspire la politique familiale du Gouvernement.
Conduire une politique de la famille, mes chers collègues, c'est conduire une
politique qui rassemble les Français autour de la question de la famille, parce
que celle-ci, par nature, est le lieu privilégié d'un « vivre-ensemble »
fondamental.
Que ce vivre-ensemble subisse des aléas, on le voit tous les jours, et l'on
sent combien les difficultés de notre époque en sont bien souvent la cause.
Aussi convient-il que notre discours et nos actes politiques, prenant la
mesure des choses, sachent fixer un cap et apporter les réponses qui
conviennent.
La politique familiale doit servir à la défense et à la promotion de la
famille ; ne la faisons pas servir à autre chose, madame le secrétaire d'Etat
!
La branche famille de la sécurité sociale n'a pas vocation à financer la
politique de lutte contre la pauvreté ; elle n'a pas été instituée pour
répondre à la question de l'exclusion ou de l'emploi.
M. Philippe Darniche.
Très bien !
M. Alain Gournac.
La multiplicité des actions à mener ici ou là ne doit pas entraîner une
confusion des genres.
Le retour à la croissance a fait naître dans les familles l'espoir d'une aide
plus soutenue. Or votre projet de loi, madame le secrétaire d'Etat, ne peut que
les décevoir !
Lorsque la croissance se fait attendre, les familles sont mises à contribution
par une baisse des prestations. Lorsqu'elle est de retour, ces prestations sont
bloquées à la hausse. Les chiffres sont là.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 avait décidé la mise
sous conditions de ressources des allocations familiales. C'était une remise en
cause des fondements de la politique en faveur de la famille.
M. Philippe Darniche.
Très juste !
M. Alain Gournac.
Dès la loi de financement pour l'année 1999, le Gouvernement a dû, devant le
tollé des associations familiales, revenir au principe de l'universalité.
Le Gouvernement n'a pu néanmoins s'empêcher d'abaisser fortement le plafond du
quotient familial. Difficile alors de le croire quand il prétend défendre la
famille !
M. Philippe Nogrix.
Il n'aime pas les riches !
M. Alain Gournac.
Il se rend mieux compte aujourd'hui, du moins je l'imagine, de son importance
comme pilier de notre société et de la nécessité de la promouvoir pour éviter
une aggravation de l'atomisation sociale et de ses compétences.
Il s'en rend compte jusqu'à modifier son discours, certes, mais il a quelque
peine à mettre ses actes en accord avec ses paroles.
Les résultats de 1999 font, en effet, apparaître que la branche famille aurait
pu assumer le retour à l'universalité des allocations familiales sans qu'il
soit nécessaire, par ailleurs, de plafonner le quotient familial.
La substitution d'une mesure moins défavorable à une autre qui l'était
davantage ne masque pas la perte subie par les familles depuis 1998.
Ce que celles-ci souhaitent, c'est que vous rendiez à la branche famille les
moyens qui sont les siens et auxquels elle a droit.
C'est pourquoi notre majorité sénatoriale, derrière nos éminents rapporteurs,
Charles Descours et Jean-Louis Lorrain, ne peut que s'opposer à la destination
que vous réservez aux excédents de la branche.
(M. Philippe Darniche
applaudit.)
Le retour à l'excédent a été constaté depuis 1999 et se confirme en 2000 et en
2001, mais il a été acquis au prix inacceptable de mesures qui ont durement
touché les familles. Ce retour s'explique, en effet, par une évolution des
prestations très en deçà de la croissance des ressources, et ce malgré la
restauration du principe de l'universalité.
C'est la politique familiale de notre pays qui se trouve altérée, c'est la
conception nataliste de notre politique nationale en ce domaine qui se voit
petit à petit vidée de sa substance.
Je m'explique : personnellement, je ne suis pas choqué outre mesure par la
décision de faire prendre en charge par la branche famille le financement de
l'allocation de rentrée scolaire et sa majoration. J'ouvre une parenthèse : le
Gouvernement aurait pu, en l'occurrence, avoir un peu plus de considération
pour le Parlement. Je ferme la parenthèse.
Cette allocation, lors de sa création, n'avait pas vocation à être pérennisée,
sa majoration non plus. Mais soyons réalistes et proches des préoccupations
quotidiennes de nos concitoyens, mes chers collègues : aider les familles les
plus démunies au moment de la rentrée scolaire n'est pas un luxe.
Vous comprendrez bien cependant, madame le secrétaire d'Etat, qu'après avoir
attenté à l'universalité des allocations, puis échangé leur rétablissement
contre une baisse du plafond du quotient familial, le Gouvernement ne puisse
que susciter la méfiance des familles à l'égard de ses orientations.
La déclaration liminaire du Premier ministre, lors de la conférence de la
famille, le 15 juin dernier, est à cet égard éclairante et ne laisse aucun
doute : « Notre politique s'adresse certes à la famille, mais surtout aux
familles dans leur diversité. »
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Voilà !
M. Gilbert Chabroux.
C'est bien ça !
M. Alain Gournac.
Et si le propos n'était pas suffisamment clair, la redéfinition de l'objectif
de la politique familiale par le Premier ministre est là pour dissiper les
ombres : « la solidarité - a-t-il précisé - est le premier objectif de notre
politique familiale ».
Nous ne pouvons qu'être en désaccord avec cette conception des choses qui
renverse l'ordre des moyens et des fins. En effet, la solidarité n'est pas le
premier objectif d'une politique familiale, elle est un moyen au service de la
famille qui, elle, demeure la finalité de toute politique familiale.
M. Philippe Darniche.
Très bien !
M. Alain Gournac.
C'est pour n'avoir cessé de méconnaître cette vocation essentielle de la
branche famille que vous en êtes arrivés peu à peu à financer les 35 heures par
l'intermédiaire de cette branche.
M. Philippe Darniche.
Il fallait trouver l'argent !
M. Alain Gournac.
J'y reviendrai plus en détail, mes chers collègues, lors de l'examen des
articles.
Madame le secrétaire d'Etat, je vous pose une question : le devoir de
solidarité s'oppose-t-il à celui de la défense de la famille ? En tant que
gaulliste, j'ai l'ambition, pour ma part, de voir mon pays les remplir
conjointement.
Or je constate que la prise en charge de la majoration de l'allocation de
rentrée scolaire par la branche famille est une mesure de politique sociale
envers certaines familles, et non de politique familiale envers toutes les
familles.
Madame le secrétaire d'Etat, les aider toutes sans arrière-pensée et sans
discrimination aucune, c'est promouvoir les valeurs de la famille, c'est
redonner à celle-ci toute sa place et ainsi oeuvrer pour la restauration dans
notre pays, notamment chez nos jeunes, du sens de la responsabilité, de la
tolérance, du respect de l'autre, de l'esprit de partage. En effet, c'est dans
la famille et par elle que ces valeurs s'acquièrent et s'enracinent.
Je pourrais prendre un autre exemple : le Gouvernement a inscrit dans le
projet de loi de financement de la sécurité sociale la prise en charge par la
branche famille d'une majoration des pensions pour les retraités ayant élevé
trois enfants ou plus.
Cette majoration a toujours été versée par la Caisse nationale d'allocation
vieillesse, son caractère de prestation vieillesse n'ayant jamais été
contesté.
Que la solidarité nationale se substitue à la branche vieillesse et prenne en
charge le complément de retraite par l'intermédiaire du Fonds de solidarité
vieillesse, il n'y a rien à redire. Mais que la branche famille soit mise à
contribution à la place de la solidarité nationale, c'est inacceptable.
Je ne nie pas votre souci d'une plus grande solidarité, madame le secrétaire
d'Etat. Mais sachez que ce souci est tout autant le nôtre et celui des
familles.
Ce que je reproche au Gouvernement, c'est d'être motivé dans sa politique
familiale par deux choses : par un préjugé à l'égard de la famille et par
l'urgence dans laquelle il se trouve de financer la réduction du temps de
travail qui coûte à notre pays 110 milliards à 120 milliards de francs en année
pleine.
Le budget que vous nous proposez déçoit les familles ; il nous déçoit aussi.
C'est pourquoi nous ne pourrons le voter en l'état et nous devrons l'amender de
manière significative.
(Applaudissements sur les travées du RPR et de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
8
dépôt d'une proposition de loi
constitutionnelle
M. le président.
J'ai reçu de M. Aymeri de Montesquiou une proposition de loi constitutionnelle
tendant à faciliter la transposition des directives en droit interne, par leur
inscription automatique à l'ordre du jour du Parlement.
La proposition de loi constitutionnelle sera imprimée sous le n° 74,
distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale,
sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les
conditions prévues par le règlement.
9
textes soumis au sénat en application de l'article 88-4 de la constitution
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Demande de prorogation du régime particulier applicable au secteur des
matériaux usagés et des déchets introduit sur la base de l'article 27,
paragraphe 2, de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1997 en matière de
TVA formulée par l'Italie.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1589 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Demande de dérogation en application de l'article 27, paragraphe 2, de la
sixième directive du Conseil du 17 mai 1997 en matière de TVA formulée par la
Finlande.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1590 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement (CE, CECA, Euratom) du Conseil portant règlement
financier applicable au budget général des Communautés européennes
(refonte).
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1591 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur
l'intermédiation en assurance.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1592 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
1. Proposition de décision du Conseil concernant la signature de l'accord
entre la Communauté européenne et le Gouvernement du Canada renouvelant un
programme de coopération dans le domaine de l'enseignement supérieur et de la
formation. 2. Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de
l'accord entre la Communauté européenne et le gouvernement du Canada
renouvelant un programme de coopération dans le domaine de l'enseignement
supérieur et de la formation.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1593 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
1. Proposition de décision du Conseil concernant la signature de l'accord
entre la Communauté européenne et les Etats-Unis d'Amérique renouvelant le
programme de coopération dans le domaine de l'enseignement supérieur et de la
formation professionnels. 2. Proposition de décision du Conseil concernant la
conclusion de l'accord entre la Communauté européenne et les Etats-Unis
d'Amérique renouvelant le programme de coopération dans le domaine de
l'enseignement supérieur et de la formation professionnels.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1594 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 2505-96
portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires communautaires
autonomes pour certains produits agricoles et industriels.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1595 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition d'extension du mandat d'Europol à la lutte contre la
cybercriminalité : note de la Présidence au Comité de l'article 36. Décision du
Conseil du 2001 étendant le mandat d'Europol à la lutte contre la
criminalité informatique et visant à introduire une définition de la
criminalité informatique (2001/C ./ ).
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1596 et distribué.
10
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée à aujourd'hui, mercredi 15 novembre 2000, à quinze heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale
pour 2001 (n° 64, 2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale.
Rapport (n° 67, 2000-2001) de MM. Charles Descours, Jean-Louis Lorrain et
Alain Vasselle, fait au nom de la commission des affaires sociales.
Avis (n° 68, 2000-2001) de M. Jacques Oudin, fait au nom de la commission des
finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus
recevable.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements
Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Jean
Bizet et plusieurs de ses collègues tendant à moderniser le statut des sociétés
d'économie mixte locales (n° 455, 1999-2000) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 20 novembre 2000, à
dix-sept heures.
Question orale avec débat n° 27 de M. Jean-Jacques Hyest à Mme le garde des
sceaux, ministre de la justice, sur la suite des conclusions de la commission
d'enquête du Sénat sur les conditions de détention dans les établissements
pénitentiaires :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 20 novembre
2000, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Michel
Dreyfus-Schmidt et plusieurs de ses collègues tendant à harmoniser l'article
626 du code de procédure pénale avec les nouveaux articles 149 et suivants du
même code (n° 474, 1999-2000) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 20 novembre 2000, à
dix-sept heures.
Conclusions de la commission des affaires culturelles (n° 387, 1999-2000) sur
la proposition de loi de M. Louis de Broissia, modifiant la loi n° 57-32 du 10
janvier 1957 portant statut de l'Agence France-Presse (n° 368, 1999-2000) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 20 novembre 2000, à
dix-sept heures.
Proposition de loi organique, adoptée par l'Assemblée nationale après
déclaration d'urgence, destinée à améliorer l'équité des élections à
l'assemblée de la Polynésie française (n° 439, 1999-2000) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 21 novembre 2000, à
dix-sept heures.
Projet de loi organique, modifiant les règles applicables à la carrière des
magistrats (n° 483, 1999-2000) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 21 novembre 2000, à
dix-sept heures.
Projet de loi relatif à la résorption de l'emploi précaire et à la
modernisation du recrutement dans la fonction publique ainsi qu'au temps de
travail dans la fonction publique territoriale (urgence déclarée) (n° 20,
2000-2001) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
mardi 21 novembre 2000, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 21 novembre 2000, à
dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 15 novembre 2000, à une heure.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES
COMITÉ NATIONAL DE L'INITIATIVE FRANÇAISE
POUR LES RÉCIFS CORALLIENS
Lors de sa séance du mardi 14 novembre 2000, le Sénat a désigné MM. Jean
Bernadaux, Rodolphe Désiré, André Ferrand et Lucien Lanier pour siéger au sein
du Comité national de l'initiative française pour les récifs coralliens.