SEANCE DU 14 NOVEMBRE 2000


SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Commission mixte paritaire (p. 1 ).

3. Candidatures à un organisme extraparlementaire (p. 2 ).

4. Questions orales (p. 3 ).

reconstitution des forêts dévastées
par la tempête de 1999 (p. 4 )

Question de M. Guy Vissac. - MM. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur ; Guy Vissac.

transport du bois abattu
par les tempêtes de fin 1999 (p. 5 )

Question de M. Jean-Pierre Demerliat. - MM. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur ; Jean-Pierre Demerliat.

régime fiscal des micro-entreprises (p. 6 )

Question de Mme Janine Bardou. - M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur ; Mme Janine Bardou.

tva applicable au bois-énergie (p. 7 )

Question de M. Daniel Eckenspieller. - MM. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur ; Daniel Eckenspieller.

fiscalité applicable aux retraites mutualistes
des anciens combattants (p. 8 )

Question de M. Philippe de Gaulle. - MM. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur ; Philippe de Gaulle.

enseignement des langues wallisienne et futunienne
et place de wallis-et-futuna
dans la nouvelle organisation
de l'enseignement supérieur dans le pacifique (p. 9 )

Question de M. Robert Laufoaulu. - MM. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur ; Robert Laufoaulu.

situation du centre hospitalier
de sainte-foy-la-grande (p. 10 )

Question de M. Gérard César. - MM. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire ; Gérard César.

réforme des aides à l'embauche de jeunes
en contrat de qualification (p. 11 )

Question de M. Jean-Claude Carle. - MM. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire ; Jean-Claude Carle.

reconstitution de carrière des médecins sous contrat
dans les centres hospitaliers publics (p. 12 )

Question de M. Bernard Cazeau. - MM. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire ; Bernard Cazeau.

ventes de terrains
par l'assistance publique de paris (p. 13 )

Question de Mme Nicole Borvo. - M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire ; Mme Nicole Borvo.

fonctionnement des centres anticancéreux (p. 14 )

Question de M. Jean Huchon. - MM. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire ; Jean Huchon.

création d'un troisième aéroport (p. 15 )

Question de M. Paul Girod. - MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Paul Girod.

réforme de l'aide personnalisée au logement (p. 16 )

Question de M. Jean Besson. - MM. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement ; Jean Besson.

financement des réseaux
de distribution d'eau potable (p. 17 )

Question de M. Bernard Piras. - MM. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement ; Bernard Piras.

financement des services d'incendie et de secours (p. 18 )

Question de M. Joseph Ostermann. - MM. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement ; Joseph Ostermann.

contenu des conventions
de coordination policière (p. 19 )

Question de M. Jean-Marie Poirier. - MM. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement ; Jean-Marie Poirier.

petite délinquance à vincennes et saint-mandé (p. 20 )

Question de M. Lucien Lanier. - MM. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement ; Lucien Lanier.

5. Nomination de membres d'un organisme extraparlementaire (p. 21 ).

Suspension et reprise de la séance (p. 22 )

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

6. Hommage à Jacques Chaban-Delmas (p. 23 ).
M. le président, Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité.

7. Financement de la sécurité sociale pour 2001. - Discussion d'un projet de loi (p. 24 ).
Discussion générale : Mmes Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité ; Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés ; M. Charles Descours, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie.

PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE

MM. Jean-Louis Lorrain, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la famille ; Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance vieillesse ; Jacques Oudin, rapporteur pour avis de la commission des finances ; Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales.
Mme le ministre.
MM. Philippe Adnot, Louis Boyer.

Suspension et reprise de la séance (p. 25 )

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER

MM. Bernard Joly, Guy Fischer.

Suspension et reprise de la séance (p. 26 )

MM. Bernard Cazeau, Dominique Leclerc, Philippe Darniche, Jacques Bimbenet, Roland Muzeau, Gilbert Chabroux, Lucien Neuwirth, Mme Marie-Madeleine Dieulanguard, MM. Bernard Fournier, Claude Domeizel, Alain Gournac.
Renvoi de la suite de la discussion.

8. Dépôt d'une proposition de loi constitutionnelle (p. 27 ).

9. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 28 ).

10. Ordre du jour (p. 29 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)

1

PROCÈS VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le président. M. le président a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :
« Monsieur le président,
« Conformément à l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous faire connaître que j'ai décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi sur la contraception d'urgence.
« Je vous serais obligé de bien vouloir, en conséquence, inviter le Sénat à désigner ses représentants au sein de cette commission.
« J'adresse ce jour, à M. le président de l'Assemblée nationale, une demande tendant aux mêmes fins.
« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »
« Signé : Lionel Jospin »
Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l'article 12 du règlement.

3

CANDIDATURES À UN ORGANISME
EXTRAPARLEMENTAIRE

M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation des sénateurs appelés à siéger au sein du Comité national de l'initiative française pour les récifs coralliens.
La commission des affaires économiques propose les candidatures de MM. Rodolphe Désiré et André Ferrand, la commission des affaires culturelles propose la candidature de M. Jean Bernadaux et la commission des lois propose la candidature de M. Lucien Lanier.
Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.

4

QUESTIONS ORALES

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

RECONSTITUTION DES FORÊTS DÉVASTÉES
PAR LA TEMPÊTE DE 1999

M. le président. La parole est à M. Vissac, auteur de la question n° 915, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Guy Vissac. Monsieur le secrétaire d'Etat, ma question porte sur la reconstitution de la forêt dévastée par la tempête du mois de décembre 1999.
Une circulaire du ministère de l'agriculture en date du 31 août 2000 prévoit les modalités de ladite reconstitution et abaisse le seuil des aides à un hectare, sans autre précision. Un courrier ultérieur précise qu'il s'agit d'un hectare « d'un seul tenant ».
Dans les massifs montagneux, en prenant exemple sur le Massif central et la Haute-Loire en particulier, les propriétés forestières sont de petite taille - de l'ordre de 1,5 hectare - et, c'est important de le souligner, en plusieurs parcelles. La tempête n'a donc pas dévasté automatiquement un hectare d'un seul tenant. Il en résulte qu'un nombre important de petits propriétaires vont être écartés du bénéfice des aides de l'Etat. Ne serait-il pas très souhaitable que des mesures prenant en considération la petite propriété et modifiant l'éligibilité aux aides en matière de reboisement soient prises dans ce sens ? Ce serait, à mes yeux, une contribution d'équité en faveur des propriétaires déjà pénalisés par les effets de la tempête. Tel est l'objet de la question que j'adressais à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur. Conformément aux engagements du Gouvernement, un dispositif d'aides exceptionnelles au nettoyage et à la reconstitution des parcelles sinistrées a été mis en place le 31 août 2000. Dans le cadre de la circulaire de mise en oeuvre, le seuil du projet éligible a été abaissé, à titre dérogatoire, de quatre à un hectare, sachant que ce seuil peut, lui-même, être atteint par le regroupement de plusieurs propriétaires, dans le cas d'une trouée de un hectare à cheval sur plusieurs propriétés.
En ce qui concerne les parcelles de faible surface, c'est-à-dire d'une surface inférieure à un hectare d'un seul tenant, il est préférable, sur le plan tant économique qu'écologique, de miser sur la régénération naturelle et de les réintégrer ultérieurement en gestion dans le cadre d'une évolution progressive vers un peuplement irrégulier.
C'est pourquoi je considère, et c'est la réponse que je vous livre de la part de M. Glavany, retenu à Matignon pour une réunion, qu'il n'est pas raisonnable d'inciter les propriétaires à investir dans des travaux coûteux pour des superficies inférieures à un hectare.
M. Guy Vissac. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Vissac.
M. Guy Vissac. Je regrette évidemment, monsieur le secrétaire d'Etat, que l'on ne puisse pas aider les propriétaires dont la propriété n'est pas d'un seul tenant, même en régénération naturelle. Il en résultera sans doute des trouées dans la forêt, ce qui ne sera pas une bonne chose pour les massifs montagneux.

TRANSPORT DU BOIS ABATTU
PAR LES TEMPÊTES DE FIN 1999

M. le président. La parole est à M. Demerliat, auteur de la question n° 932, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Jean-Pierre Demerliat. Monsieur le secrétaire d'Etat, je voudrais, une fois de plus, attirer l'attention du Gouvernement sur les conséquences de la tempête qui a frappé une grande partie de notre pays, à la fin de l'année dernière, et plus particulièrement le département que j'ai l'honneur de représenter ici, la Haute-Vienne.
On ne parle plus beaucoup aujourd'hui de cette catastrophe, car d'autres événements - peut-être aussi graves, mais surtout beaucoup plus médiatiques - l'ont éclipsée.
Je ne suis pas absolument persuadé, monsieur le secrétaire d'Etat, que les difficultés dont je vais vous parler ressortissent toutes aux responsabilités qui sont les vôtres, mais vous représentez ici le Gouvernement.
Je veux rappeler deux problèmes principaux, primordiaux même : d'une part, celui des routes, qui souffrent et souffriront encore longtemps, car elles sont empruntées par des gros porteurs transportant les chablis, d'autre part, celui des embâcles, qui demeurent en grand nombre dans nos rivières.
Les entrepreneurs forestiers continuent d'évacuer des quantités considérables de chablis, conséquences des violentes intempéries de décembre dernier. Leur activité est tout à fait normale, je dirai même absolument indispensable. Toutefois, ils empruntent et emprunteront tout l'hiver des petites routes communales qui n'ont pas été prévues pour supporter un tel trafic. Il est fort probable, certain même, qu'au printemps prochain ces routes seront totalement défoncées, le gel et le dégel multipliant les effets du débardage.
Il serait bon, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous confirmiez ici, pour rassurer les élus des petites communes rurales dont, chacun le sait, les budgets ne sont pas considérables, c'est le moins que l'on puisse dire, que le Gouvernement prendra bien en compte la réfection de cette voirie lorsque les traces désastreuses de la tempête auront été complètement effacées.
La deuxième partie de ma question, monsieur le secrétaire d'Etat, concerne les conséquences, qui pourraient être très graves, du non-enlèvement des embâcles sur de nombreux cours d'eau.
Tout d'abord, nous avons pu constater, pour la regretter, la lenteur avec laquelle les dossiers ont été montés.
En effet, les services du ministère de l'agriculture et de la pêche, souvent maîtres d'oeuvre, ont vu augmenter leur charge de travail de manière considérable. Les fonctionnaires des directions départementales de l'agriculture et de la forêt n'ont pas rechigné à la tâche et il faut leur rendre un hommage appuyé, car il est mérité, même si, en cherchant bien, on aurait pu en trouver un ou deux n'ayant pas fait preuve d'un zèle excessif !
Les appels d'offres viennent juste d'être examinés et il sera difficile aux entreprises retenues de travailler pendant les intempéries de l'hiver prochain. Et je ne parle pas, monsieur le secrétaire d'Etat, des endroits où rien n'a encore été fait ni même prévu, en particulier là où n'existe, à ce jour, ni syndicat d'aménagement de bassin ni quelque forme que ce soit de coopération intercommunale en la matière.
Les crues hivernales entraîneront les chablis, qui seront alors bloqués par les ponts. Certains de ces ouvrages seront sérieusement endommagés, voire emportés. Je pense, là aussi bien sûr, principalement aux ponts situés sur la voirie communale.
Pouvez-vous encore une fois, monsieur le secrétaire d'Etat, confirmer que l'Etat prendra bien à sa charge ces dégâts qui seront une conséquence directe de la tempête ?
Je sais, monsieur le secrétaire d'Etat, nous savons tous que beaucoup de moyens ont été prévus par le Gouvernement dès le lendemain de cette catastrophe. Je voulais simplement pousser ici un nouveau cri, pour que ces événements dramatiques ne soient pas oubliés et, surtout, pour que vous rassuriez les élus, notamment les élus des petites communes rurales.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur. Monsieur le sénateur, le dispositif exceptionnel d'aide au nettoyage des parcelles forestières sinistrées, mis en place par la circulaire du 31 août 2000, prend en compte la nécessité de ne pas encombrer les cours d'eau avec des rémanents de coupe. Par ailleurs, la prévention des risques d'embâcles peut relever des aides financières exceptionnelles en faveur des collectivités locales qu'ont mises en place les agences de l'eau, en partenariat avec certains conseils généraux et régionaux, pour réparer les dommages causés aux milieux aquatiques par les tempêtes de décembre 1999.
En ce qui concerne les voiries forestières et communales, qui sont effectivement très sollicitées par le transport des chablis et qui subissent des usures précoces lorsqu'elles n'ont pas été conçues pour les charges actuelles, nous connaissons bien le problème. C'est pourquoi le Gouvernement, dans le cadre des avenants aux contrats de plan Etat-régions, a proposé de contractualiser les aides à la remise aux normes des pistes et routes forestières, ce dispositif s'appliquant aux voies communales situées à l'intérieur ou à proximité immédiate d'un massif forestier.
Par ailleurs, pour les voiries communales situées hors forêt mais subissant un fort trafic de camions grumiers, certaines régions ont prévu, dans leurs DOCUP, les documents uniques de programmation, s'appliquant aux zones relevant de l'objectif 2 ou en régime de transition, de mobiliser des aides communautaires pour la réfection des voiries communales endommagées. Il s'agit là, nous semble-t-il, de la solution la plus appropriée pour résoudre les problèmes soulevés.
Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments de réponse que M. Glavany m'a demandé de porter à votre connaissance.
M. Jean-Pierre Demerliat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Demerliat.
M. Jean-Pierre Demerliat. Je vous remercie de cette réponse, monsieur le secrétaire d'Etat, et vous prie de remercier en mon nom M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
Je sais les efforts importants qui ont été consentis par le Gouvernement, et ce dès le début de l'année et même dès le lendemain de la tempête.
Je me permettrai cependant d'insister, monsieur le secrétaire d'Etat, sur les dangers qui subsistent encore, s'agissant des embâcles des rivières.
S'agissant de la Vienne, qui traverse le département de la Haute-Vienne, je crois savoir que 4 000 embâcles ont été recensés dans le lit de la rivière. Un maître-nageur sauveteur s'est d'ailleurs noyé au printemps dernier en portant secours à une collégienne qui faisait du kayak.
J'insiste, monsieur le secrétaire d'Etat, mais je crois que là où il n'existe pas de structure intercommunale ou de syndicat d'aménagement de bassin, le Gouvernement doit inciter les préfets à prendre très rapidement des dispositions pour enlever ces embâcles. Il en va de la sécurité des personnes, beaucoup plus que de celle des biens. Je sais que le Gouvernement le fera, et je lui fais entièrement confiance.

RÉGIME FISCAL DES MICRO-ENTREPRISES

M. le président. La parole est à Mme Bardou, auteur de la question n° 892, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Mme Janine Bardou. Ma question, qui s'adresse effectivement à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, concerne le problème soulevé par l'aménagement du régime des micro-entreprises, opéré par l'instruction fiscale du 20 juillet 1999, supprimant le régime de forfait et relevant les seuils d'application du régime micro-entreprises et de la franchise de la TVA.
S'il semblait, en effet, nécessaire de circonscrire l'application du régime de la franchise en base de TVA dans le secteur du bâtiment à un nombre restreint d'entreprises, il convenait de ne pas alourdir pour autant les charges financières et administratives des autres entreprises du bâtiment.
Or l'instruction fiscale précitée énonce que la notion d'activité mixte s'applique notamment aux entrepreneurs du bâtiment qui fournissent non seulement la main-d'oeuvre, mais aussi les matériaux ou matières premières entrant à titre principal dans l'ouvrage. Ce texte précise, ensuite que, pour cette activité, le régime micro-entreprises n'est applicable que si le chiffre d'affaires global de l'entreprise n'excède pas 500 000 francs hors taxes et si le chiffre d'affaires annuel relatif aux opérations autres que les ventes ou la fourniture de logement ne dépasse pas 175 000 francs hors taxes.
Il est évident qu'une telle mesure entraînera de graves conséquences financières pour certaines catégories d'entreprises, car la notion d'activité mixte influe sur la détermination des seuils de régime d'imposition, d'exonération et de déduction de certains impôts et taxes, dissuadant ainsi l'embauche.
De plus, l'alourdissement administratif résultant de l'obligation de différencier la part afférente aux matériaux et celle relative à la main-d'oeuvre qui en découle paraît incompatible avec la volonté du Gouvernement de favoriser les démarches de simplifications administratives de la petite entreprise. En effet, la pratique des entreprises du bâtiment consiste le plus souvent en un établissement de leurs factures au mètre carré, au mètre linéaire ou encore au forfait, fourniture et pose.
En conséquence, je demande à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de bien vouloir clarifier cette question qui ne manque pas d'inquiéter les entreprises artisanales du bâtiment favorables, quant à elles, au maintien de la doctrine administrative précédente, relative à la notion d'activité mixte et associée à l'ancien régime de forfait, et je souhaiterais savoir s'il a l'intention de donner à ses services des instructions allant dans ce sens afin que cette disposition soit appliquée avec toute la souplesse nécessaire.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur. Madame la sénatrice, l'article 7 de la loi de finances pour 1999 a supprimé l'ancien régime du forfait, qui voyait l'administration fixer elle-même le bénéfice imposable et la taxe sur la valeur ajoutée des petites entreprises, pour une durée de deux ans, au terme d'une procédure que tous s'accordaient à qualifier de complexe, longue, coûteuse et désuète.
Un régime dit des « micro-entreprises » ou « régime micro » a été substitué au forfait.
Comme le forfait, il concerne : d'une part, les entreprises dont le chiffre d'affaires annuel n'excède pas 500 000 francs si l'activité exercée consiste en la revente de biens et denrées ou la fourniture de logement ; d'autre part, les entreprises dont le chiffre d'affaires n'excède pas 175 000 francs si l'activité exercée consiste en la fourniture de services.
Lorsque l'activité est mixte, c'est-à-dire quand elle associe à la fois la vente de biens et la fourniture de services, le régime micro est ouvert aux seules entreprises dont le chiffre d'affaires global n'excède pas 500 000 francs, la part relative aux seules prestations de service n'y dépassant pas 175 000 francs.
L'analogie avec l'ancien système du forfait s'arrête là.
Le régime micro se caractérise en effet par son extrême simplicité pour les entreprises.
Celles-ci doivent seulement tenir un livre de recettes et d'achats et délivrer des factures à leurs clients.
Sur un plan fiscal, elles sont dispensées de souscrire une déclaration spécifique de bénéfice et se bornent à reporter sur la déclaration de revenu global du foyer le chiffre d'affaires réalisé au cours de l'année écoulée.
Le bénéfice est alors calculé par application d'un abattement uniforme pour charges professionnelles, fixé à 70 % pour les activités d'achat-revente et fourniture de logement et à 50 % pour les prestations de services.
Pour les entreprises exerçant une activité mixte, s'applique le taux d'abattement approprié à chacune de ces deux composantes de leur chiffre d'affaires.
D'un strict point de vue juridique, les travaux immobiliers constituent des prestations de services. A ce titre, ne devraient donc être éligibles au régime micro, dans le secteur du bâtiment, que les seules entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur ou égal à 175 000 francs.
J'observe à cet égard que, lors du débat parlementaire sur la mise en place du régime micro, plusieurs membres de la réprésentation nationale avaient proposé de s'en tenir à une stricte application des principes.
Ce faisant, on aurait méconnu, me semble-t-il, le fait que les entreprises du bâtiment sont nécessairement tenues d'acheter puis de revendre les matérieux indispensables à la réalisation des ouvrages ; la plus grande partie des entreprises du bâtiment aurait été exclue de l'application du régime micro.
C'est d'ailleurs dans cet esprit que la doctrine administrative précédente prévoyait que, bien que les travaux immobiliers constituent des prestations de services, c'est le seuil applicable aux activités d'achat-revente qui devait être retenu pour l'appréciation du seuil d'éligibilité au forfait et au régime simplifié d'imposition, soit respectivement 500 000 francs et 5 000 000 de francs.
Si cette doctrine a été confirmée au regard de l'éligibilité au régime simplifié d'imposition, il n'a pu en être de même au regard du régime micro.
En effet, comme il a été indiqué précédemment, le régime micro se caractérise par l'application d'abattements différenciés sur le chiffre d'affaires, selon que ce dernier correspond à des ventes ou à des prestations.
Dès lors, le maintien de l'ancienne doctrine aurait nécessairement conduit à appliquer le seul taux d'abattement de 50 % à l'ensemble du chiffre d'affaires, solution qui aurait pénalisé les entreprises dont une part importante du chiffre d'affaires est constituée par la revente de matériaux.
En sens inverse, l'application d'un abattement uniforme de 70 % aurait suscité, de la part des autres prestataires de services, des critiques justifiées tenant à la distorsion de concurrence ainsi créée.
C'est pourquoi le Gouvernement a retenu une solution équilibrée, en estimant que, à l'instar d'un artisan classique qui, outre ses prestations, fournit des pièces ou des matériaux, l'entrepreneur du bâtiment exerçait une activité mixte lui permettant de bénéficier à la fois d'un abattement de 70 % sur son chiffre d'affaires « ventes » et d'un abattement de 50 % sur son chiffre d'affaires « services » à condition de bien distinguer ces deux activités dans sa comptabilité.
Vous faites valoir que cette distinction entre prestations de services et ventes n'est pas conforme aux habitudes de la profession, notamment en matière de facturation, et qu'elle suscitera des complications administratives pour les entreprises.
Je crois avoir montré que ces entreprises ont un intérêt fiscal à distinguer les ventes des prestations si elles souhaitent bénéficier d'un abattement pour frais plus favorable.
Les obligations comptables et de facturation qui sont le corollaire de ce régime paraissent acceptables au regard des avantages que celui-ci peut procurer.
En outre, le caractère plus détaillé des factures des entreprises qui en bénéficient concourt à assurer, me semble-t-il, une meilleure information de leurs clients.
Mme Janine Bardou. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Bardou.
Mme Janine Bardou. La réponse de M. le secrétaire d'Etat ne me satisfait pas tout à fait. Les micro-entreprises insistent non pas sur la suppression du forfait, qu'elle ont souhaitée, mais sur la difficulté que représentent les seuils de 500 000 francs et de 175 000 francs. En effet, 500 000 francs de chiffre d'affaires et 175 000 francs au titre des prestations de services, ce sont, vous le comprenez, de toutes petites entreprises. Quand on réalise un chiffre d'affaires de 500 000 francs, on ne doit pas avoir à réaliser des constructions tous les jours. Ce dispositif complique terriblement leur vie administrative.
Ce que ces entreprises souhaitaient, c'est simplement un peu de souplesse. Je constate que cette souplesse ne leur est pas accordée. Vous me permettrez de le regretter, monsieur le secrétaire d'Etat.

TVA APPLICABLE AU BOIS-ÉNERGIE

M. le président. La parole est à M. Eckenspieller, auteur de la question n° 898, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Daniel Eckenspieller. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les hasards du calendrier m'amènent à poser une question sur l'énergie-bois au moment même où les représentants de 180 pays sont réunis à La Haye pour chercher à combattre le réchauffement de la planète à travers, notamment, une réduction significative des émissions de gaz carbonique.
Notre pays possède un patrimoine forestier considérable, qui, de surcroît, ne cesse de s'étendre, notamment dans les régions de montagne.
En effet, les versants des fonds de vallée, autrefois occupés par des pâturages, ont, très souvent, été progressivement reconquis par la forêt.
Dans un souci de préservation des paysages et afin de valoriser un produit immédiatement disponible, un certain nombre de collectivités territoriales, d'associations ou de petites entreprises ont pris l'initiative de développer la filière bois-énergie.
Certaines d'entre elles sont allées au-delà de l'utilisation du bois dans des chaufferies isolées, pour créer de modestes réseaux de distribution de chaleur à partir de cette source d'énergie.
Le taux de TVA qu'il leur appartient d'appliquer pour ce service est actuellement de 19,60 %.
Trois arguments forts semblent plaider aujourd'hui en faveur d'une application du taux réduit à 5,5 % de la TVA à ce service.
La tempête de décembre 1999 a conduit à créer des stocks considérables de bois chablis ainsi disponibles pour le développement de la filière bois-énergie.
L'augmentation vertigineuse du prix des produits pétroliers a eu pour conséquence de rendre de plus en plus lourde la facture énergétique, autant pour les particuliers que pour les collectivités, notamment pour les petites collectivités rurales dont les ressources sont très mesurées.
Le Premier ministre a indiqué, le 29 mai dernier, que l'objectif du Gouvernement était de parvenir, d'ici à 2006, à substituer par le bois-énergie quelque 500 000 tonnes d'équivalent pétrole supplémentaires, ce qui, outre une économie intéressante d'énergie fossile importée, réduirait chaque année de 2 millions de tonnes les émissions de CO2, tout en créant environ 3 000 emplois nouveaux.
Une décision rapide concernant l'abaissement de 19,60 % à 5,5 % du taux de TVA relatif à la distribution de chaleur à partir de l'énergie- bois s'inscrirait donc pleinement dans la logique que je viens d'évoquer, serait perçue comme un engagement fort par celles et ceux qui se sont déjà engagés dans cette voie pionnière et inciterait certainement d'autres décideurs à s'orienter dans la même direction.
Aussi souhairerais-je connaître, monsieur le secrétaire d'Etat, les intentions du Gouvernement en la matière.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur. Contrairement aux fournitures de gaz et d'électricité, la distribution d'énergie calorifique par les réseaux de chaleur ne figure pas actuellement dans la liste communautaire des opérations que les Etats membres peuvent soumettre au taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée.
Le Gouvernement a demandé à la Commission européenne, par lettre en date du 7 septembre 1998, d'intégrer la fourniture d'énergie calorifique dans la liste précitée.
La Commission lui a répondu, par lettre du 7 octobre 1998, que le droit communautaire ne permettait pas, actuellement, d'appliquer le taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée à ces prestations.
Dès lors, sauf à enfreindre ses engagements européens, la France ne peut pas envisager, dans l'immédiat, d'appliquer le taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée à la livraison d'énergie calorifique par les réseaux de chaleur, y compris lorsque celle-ci est produite à partir de bois combustible.
Cela étant, je rappelle que les livraisons de bois de chauffage relèvent du taux réduit de la TVA dès lors qu'il est utilisé à un usage domestique. Les particuliers sont donc susceptibles d'en bénéficier, ainsi que, d'ailleurs, les maisons de retraite, les hôpitaux, les cliniques et les foyers de travailleurs.
Tels sont les éléments que je voulais apporter en réponse à votre question.
M. Daniel Eckenspieller. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Eckenspieller.
M. Daniel Eckenspieller. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie des explications que vous avez bien voulu me donner.
On ressent toujours une grande déception lorsque, pour des motifs divers, y compris pour des raisons qui tiennent aux contraintes communautaires, un important décalage existe entre les intentions déclarées et les réalités que les uns et les autres vivent sur le terrain.
J'ai pris acte de votre réponse. Cependant, j'espère que ce problème évoluera. Il est plus facile au Gouvernement de renoncer à un produit de TVA qui, aujourd'hui, reste marginal ; cela lui sera beaucoup plus difficile quand cette filière se sera développée et que le produit de la TVA aura un volume plus important.

FISCALITÉ APPLICABLE AUX RETRAITES
MUTUALISTES DES ANCIENS COMBATTANTS

M. le président. La parole est à M. de Gaulle, auteur de la question n° 911, adressée à M. le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants.
M. Philippe de Gaulle. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question, qui s'adresse à M. le secrétaire d'Etat aux anciens combattants et victimes de guerre, est relative à la modification par certains centres des impôts de la fiscalité applicable à la retraite mutualiste des anciens combattants.
Monsieur le secrétaire d'Etat, comme vous le savez, afin de réparer, au moins par principe - le terme de réparation a été confirmé par M. Masseret lui-même à plusieurs reprises -, les épreuves incomparables, au sens étymologique du terme, subies par les anciens combattants et l'impossibilité pour eux de souscrire à leur retraite durant le temps où tous les autres ont pu le faire normalement, on a attribué à ces anciens combattants la possibilité de souscrire volontairement une retraite spécifique.
Cette retraite est, depuis 1924, cotisée à un organisme public, la caisse autonome de retraite des anciens combattants, ou CARAC, par près de 290 000 adhérents - exactement 283 750 en 1999, mais ce chiffre en augmentation - auprès de soixante-deux mutuelles, pour un minimum entièrement défiscalisé de 8 534 francs par an, ou 712 francs par mois pour l'année 2000.
Pour tendre, avec un retard sensible, à un indice de pension évalué depuis longtemps à 130 et pour mettre à jour cette rente en fonction du coût de la vie, la loi de finances majore de 80 francs à 200 francs, presque chaque année, ce plafond défiscalisé.
Seule une petite minorité d'anciens combattants se trouvent à ce minimum ou en dessous. Presque tous effectuent des versements supplémentaires pour « suivre » l'évolution de ce plafond.
Par la bonne gestion de la CARAC, par reversement des produits, par arrondissement des sommes versées, par réversions au conjoint, par bonifications de capitaux - dont 15 %, en général, par l'Etat - ces versements ont pour conséquence l'obtention d'un nouveau montant de rente qui excède le plafond jusqu'à obtenir - ce qui n'est pas étonnant après quarante ou cinquante ans de cotisations, durée assez unique - près du double de la retraite défiscalisable.
La fraction de rente excédentaire est alors soumise à la fiscalité des rentes viagères à titre onéreux, ce qui n'est contesté par personne.
En conséquence, la CARAC adresse chaque année à chacun de ses adhérents une déclaration d'arrérages leur permettant d'effectuer leur déclaration annuelle d'impôt sur le revenu en y indiquant le nouvel âge d'entrée en jouissance de chaque nouveau titre de retraite correspondant au dernier versement.
Cette procédure n'a jamais été mise en cause par personne depuis des décennies, jusqu'à ce que, cette année, les adhérents concernés se voient attribuer par certains centres d'impôt des redressements fiscaux fondés sur une date d'entrée en jouissance à la date initiale de la première retraite comme si elle était à capital définitif, soit généralement entre cinquante et cinquante-neuf ans, et non d'après l'année du dernier investissement de l'intéressé.
Cette nouvelle position de certains centres des impôts paraît, aussi bien à la CARAC qu'aux intéressés, dénuée de tout fondement.
On ne peut pas attribuer à un adhérent d'âge Y lors de son dernier versement une fiscalisation correspondant à des éléments constitutifs de rente d'un âge X antérieur, en appliquant simplement l'article 158-6 du code des impôts, comme s'il s'agissait de la rente d'une base définitive d'un cotisant ordinaire et non pas d'un capital spécifique modifié chaque année en compensation, en réparation des épreuves d'un ancien combattant !
Je vous demande, monsieur le secrétaire d'Etat, de bien vouloir examiner ce problème avec votre collègue chargé des finances au Gouvernement, de manière que la question soit réglée avant le 31 décembre prochain, afin d'éviter de nombreux contentieux avec la direction générale des impôts avant l'établissement de la prochaine déclaration des revenus.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur. Monsieur le sénateur, les anciens combattants et victimes de guerre peuvent percevoir des caisses de retraites mutuelles, sous réserve d'avoir effectué les versements nécessaires, une rente mutualiste d'ancien combattant qui donne lieu à une majoration de l'Etat en application de l'article L. 321-9 du code de la mutualité.
Ils bénéficient, à ce titre, de dispositions fiscales favorables.
D'une part, les versements sont, en vertu de l'article 156 du code général des impôts, déductibles du revenu imposable pour autant que la rente acquise au 31 décembre de l'année considérée n'excède pas le plafond de rente majorée par l'Etat, qui s'élève à 8 554 francs en 2000.
D'autre part, la retraite elle-même est exonérée de l'impôt sur le revenu dans la limite du même plafond, conformément aux dispositions de l'article 81 du même code.
En revanche, la partie de la rente qui excède le plafond majorable est imposable dans la catégorie des rentes viagères à titre onéreux, selon les modalités prévues à l'article 158-6 du code précité. Pour l'application de cet article, la base d'imposition est déterminée en fonction de l'âge du crédirentier au moment de l'entrée en jouissance de la rente.
Il existe deux situations : tout d'abord, lorsque les versements complémentaires interviennent alors que la retraite mutuelle n'est pas encore liquidée, les dates d'entrée en jouissance de la partie de la rente qui est exonérée et de son complément imposable sont identiques ; en revanche, lorsque l'adhérent effectue des versements complémentaires postérieurement à l'année de liquidation de la rente principale pour suivre l'évolution du plafond majorable, versements qui sont également productifs d'un complément de retraite imposable, il convient de retenir l'âge atteint par l'adhérent au moment de la date d'entrée en jouissance effective de ce complément de rente spécifique et non pas l'âge du crédirentier lors de la date d'entrée en jouissance de la rente d'origine.
Ces règles seront rappelées aux services fiscaux, et je crois qu'elles répondent aux préoccupations que vous avez exprimées.
Voilà, monsieur le sénateur, ce que je puis vous indiquer, au nom du Gouvernement, sur ce point.
M. Philippe de Gaulle. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. de Gaulle.
M. Philippe de Gaulle. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse. Permettez-moi cependant deux réflexions complémentaires.
D'abord, rappelons, pour confirmer ce que M. le secrétaire d'Etat chargé des anciens combattants avait lui-même dit le 3 avril dernier à la CARAC, la réponse - identique à la vôtre - faite le 27 avril par Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité à notre collègue communiste Mme Marie-Claude Beaudeau à propos de l'article L. 321-9 du code de la mutualité : « La retraite mutualiste du combattant ne peut en aucun cas être assimilée à une simple retraite du code des pensions ; elle est une réparation - fort modeste, d'ailleurs -, une juste compensation aux épreuves, aux risques exceptionnels encourus et aux impossibilités de cotiser professionnellement durant la durée du service pour la défense nationale. »
Ensuite, rappelons que, contrairement à certaines propagandes, les avantages et bonifications accordés par l'Etat à la retraite mutualiste des anciens combattants ne sont nullement exceptionnels au regard du nombre, devenu très important, d'autres retraites comme - mais on peut en citer des centaines - le FONPEL et la CAREL des élus et personnels locaux, qui bénéficient d'une bonification de fait de 82 %.
Il est prescrit, dans la marine nationale, dont je suis issu et qui est plutôt rigoureuse au service de l'Etat, qu'un arbitrage doit toujours être effectué au bénéfice de l'administré et non de l'administration. Revenir sur une jurisprudence et une pratique de plusieurs décennies pour les anciens combattants aurait fort mauvais effet. (Très bien ! sur les travées du RPR.)

ENSEIGNEMENT DES LANGUES WALLISIENNE ET FUTUNIENNE ET PLACE DE WALLIS-ET-FUTUNA DANS LA NOUVELLE ORGANISATION DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR DANS LE PACIFIQUE

M. le président. La parole est à M. Laufoaulu, auteur de la question n° 904, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale.
M. Robert Laufoaulu. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ma question porte, d'une part, sur l'enseignement des langues wallisienne et futunienne dans les établissements scolaires et universitaires et, d'autre part, sur la situation du territoire de Wallis-et-Futuna du point de vue de l'enseignement supérieur.
Pour ce qui concerne le premier point, la loi n° 51-46 du 11 janvier 1951, dite loi Deixonne, a mis en place un enseignement de langues et cultures régionales couvrant l'ensemble de la scolarité. Les dispositions de cette loi, qui s'appliquaient initialement au basque, au breton, au catalan et à l'occitan, ont été successivement étendues à d'autres langues, notamment au tahitien en 1981 et à quatre langues mélanésiennes en 1992.
Je souhaiterais connaître la position du Gouvernement sur la possibilité d'étendre cette loi aux langues wallisienne et futunienne.
S'agissant du deuxième point, l'université française du Pacifique, dont la compétence s'exerçait sur les trois territoires français du Pacifique Sud, est désormais scindée en deux entités distinctes : l'université de Polynésie française et l'université de la Nouvelle-Calédonie.
Je sais que les établissements d'enseignement supérieur sont dotés d'une large autonomie. Néanmoins, certains éléments peuvent être imposés au niveau national. C'est d'ailleurs ainsi qu'est née la « sectorisation ».
En conséquence, je souhaiterais savoir quelle sera la place exacte de Wallis-et-Futuna dans cette nouvelle organisation de l'enseignement supérieur, et notamment, dans la logique de la première partie de cette question, quelle pourrait être la place de l'enseignement des langues wallisienne et futunienne dans l'enseignement supérieur.
Sachez qu'il existe à l'université de la Nouvelle-Calédonie, depuis 1999, un DEUG de langues et cultures régionales portant sur les quatre langues kanakes précitées et que l'ouverture d'une licence dans cette discipline est prévue en 2001.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur. Monsieur le sénateur, afin de mettre en place les éléments contribuant à la lutte contre l'échec scolaire par l'amélioration de la maîtrise de la langue française et pour prendre en considération l'identité locale, une cellule de réflexion sur l'enseignement des langues wallisienne et futunienne a été mise en place par le vice-recteur de Wallis-et-Futuna à la rentrée de février 1997.
Composée pour l'essentiel d'enseignants wallisiens et futuniens du premier et du second degré, cette cellule de réflexion a eu pour mission, dans le cadre des dispositions réglementaires existantes, d'étudier les modalités d'introduction des langues locales dans les écoles primaires, d'améliorer cet enseignement dans le second degré et sa mise en cohérence durant toute la scolarité de l'élève. Elle avait également pour objectif l'élaboration de propositions relatives aux cadres horaires, aux programmes, à la formation des personnels, à la recherche et à la création d'outils pédagogiques.
Des mesures concrètes ont été mises en oeuvre : dans le secondaire, l'introduction des langues vernaculaires au lycée de Wallis et dans les collèges se traduit par une heure d'enseignement incluse dans les emplois du temps de chaque classe ; dans le premier degré, une expérimentation consistant à aménager les horaires d'enseignement des langues françaises et régionales dans leur globalité a été mise en place dans cinq écoles maternelles volontaires ; enfin, la formation des enseignants est renforcée en ce domaine et le cursus des futurs instituteurs comprend désormais un module de soixante-douze heures d'enseignement des langues walisienne et futunienne au cours des trois années de formation à l'IUFM du Pacifique.
Une période d'évaluation était nécessaire avant de poursuivre et, éventuellement, d'étendre ce dispositif expérimental. La commission de suivi de l'expérience s'est réunie à plusieurs reprises et doit se prononcer courant décembre sur une éventuelle généralisation de ces dispositifs. Elle fondera son avis en prenant en compte les résultats et les coûts prévisionnels de chaque proposition.
Toutefois, l'extension des disposition de la loi du 11 janvier 1951, dite loi Deixonne, aux langues vernaculaires de l'archipel ne peut être envisagée dans l'immédiat.
Dans le prolongement de cette loi, le décret du 16 janvier 1974 relatif à la langue corse, le décret du 12 mai 1981 relatif à la langue tahitienne et le décret du 20 octobre 1992 relatif aux langues mélanésiennes de Nouvelle-Calédonie organisent l'introduction d'une épreuve de corse, de tahitien et de langues mélanésiennes au baccalauréat. Pour étendre cette épreuve à Wallis-et-Futuna, il faut auparavant qu'un consensus formel se soit dégagé quant aux références indiscutables et reconnues des langues wallisienne et futunienne. Les principes théoriques de l'évaluation aux examens exigent, en effet, une telle rigueur.
La commission de l'enseignement de l'assemblée territoriale pourrait se saisir de ce dossier en concertation avec les partenaires concernés - spécialistes locaux, chercheurs, service territorial des affaires culturelles, etc. - en vue de proposer au vice-recteur un référentiel de codification de ces langues.
Dans cette optique, la création par l'assemblée territoriale d'une académie de wallisien et d'une académie de futunien, appelées à mener des recherches sur le sujet, pourrait utilement contribuer à la reconnaissance de ces langues et au développement des travaux scientifiques indispensables en ce domaine.
S'agissant, enfin, de la place exacte de Wallis-et-Futuna dans la nouvelle organisation de l'université française du Pacifique, désormais scindée en deux entités distinctes, à savoir l'université de Polynésie française et l'université de Nouvelle-Calédonie, il appartiendra à tous les partenaires concernés de poursuivre et d'approfondir leurs échanges, notamment dans le cadre de l'accord particulier en cours de négociation entre le territoire des îles Wallis-et-Futuna et chacun des territoires voisins.
M. Robert Laufoaulu. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Laufoaulu.
M. Robert Laufoaulu. Monsieur le secrétaire d'Etat, permettez-moi de préciser que l'assemblée territoriale avait déjà pris dès 1995, pris une délibération concernant l'académie des langues et que nous attendons toujours l'arrêté du préfet.
Cela étant, je vous remercie de la seconde partie de votre réponse : je compte donc sur l'appui de l'Etat, lors des négociations sur l'accord particulier en Nouvelle Calédonie, pour défendre la place de Wallis-et-Futuna dans l'université de Nouvelle Calédonie, comme d'ailleurs dans celle de Polynésie française.

SITUATION DU CENTRE HOSPITALIER
DE SAINTE-FOY-LA-GRANDE

M. le président. La parole est à M. César, auteur de la question n° 941, adresée à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.
M. Gérard César. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le centre hospitalier de Sainte-Foy-la-Grande connaît d'énormes difficultés depuis plusieurs mois.
Si un accord s'était fait autour du principe de la mission d'expertise ministérielle, le rapport qu'elle a émis a suscité de nombreuses réactions défavorables tant parmi les usagers et les élus qu'au sein même du conseil d'administration de l'hôpital, et des divergences sont apparues dans l'analyse de la crise et des solutions à trouver.
Pour ces raisons, le comité de soutien aux usagers a fait réaliser un audit par un cabinet d'expertise indépendant spécialisé ayant d'excellentes références grâce à une souscription publique, ce qui est tout de même rare dans notre pays.
Force est de constater que les premiers résultats de l'étude ne correspondent pas à ceux qui ont été annoncés par les représentants du ministère.
En premier lieu, l'étude de la zone d'attractivité du centre hospitalier fondée sur des critères professionnels reconnus, permet d'établir la zone d'attractivité des urgences à 52 000 habitants et celle des services de médecine à 47 800 habitants, avec un taux d'utilisation dépassant les 40 %. Cette évaluation s'avère être le double de celle qui a été retenue par la mission d'expertise.
En second lieu, la mise en place d'un service de chirurgie ambulatoire, préconisée par le rapport, sans aucune étude de besoin préalable et sans hospitalisation, témoigne d'un manque de réflexion. La question de la chirurgie traditionnelle a été longuement débattue et les raisons de son déclin sont connues ; est notamment engagée la responsabilité des acteurs locaux, sans pour autant que ces derniers aient été mis en cause par l'administration hospitalière.
Même dans ce domaine, les résultats de l'audit ne recoupent que partiellement ceux de la mission, puisque l'attractivité est évaluée à 22 000 habitants pour un taux d'utilisation de 26 %, qui passe à 33 % pour les 14 000 habitants de la périphérie de Sainte-Foy, au lieu de 14 % selon le rapport ministériel.
Les patients relevant de la chirurgie sont conduits à Bergerac, Libourne ou Bordeaux, ces transferts se faisant au prix de longs transports en raison des distances et des difficultés de circulation, mais également au prix de longues attentes. Or, aujourd'hui, la situation de saturation des hôpitaux de ces villes, tant du point de vue des urgences que de la chirurgie, est connue, de même que le manque de capacité d'hospitaliation en réanimation en Aquitaine. Il semblerait plus raisonnable de procéder à un rééquilibrage en déchargeant ces établissements déjà saturés.
Tirer un trait sur la chirurgie vitale de l'anesthésie-réanimation, c'est remettre en cause la qualité des urgences et l'existence même des services de médecine. Des conventions avec d'autres établissements, voire avec des professionnels libéraux, pourraient être recherchées afin de permettre d'augmenter l'utilisation du plateau technique et du bloc opératoire.
Monsieur le secrétaire d'Etat, aujourd'hui, tous les éléments sont réunis pour permettre un nouvel examen de ce dossier. Il convient d'élaborer un projet d'établissement en accord avec toutes les parties intéressées.
Il s'agit de savoir ce que l'on veut faire, à l'avenir, du centre hospitalier de Sainte-Foy-la-Grande : ou bien un hôpital complet et polyvalent, en rétablissant le fonctionnement normal des services, la capacité d'hospitalisation et en nommant le personnel qui s'impose pour répondre aux besoins actuels du pays foyen, mais aussi à ses besoins futurs ; ou bien, par sa transformation, à terme, une maison de convalescence ou de réadaptation, ignorant ainsi les soins de qualité de proximité dont bénéficie ce même pays foyen, composé essentiellement de cantons ruraux.
Car, au-delà du problème de santé publique, nous sommes au coeur du débat sur l'aménagement du territoire, auquel le Gouvernement se dit attaché.
Ce même Gouvernement peut donner ici l'occasion de traduire sa volonté de maintenir un service public de proximité pour répondre aux attentes de ses usagers.
Dès que le nouvel audit objectif sera terminé, nous serons, avec tous les élus du secteur hospitalier, à sa disposition pour approfondir le dossier.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie par avance de votre réponse et, plus encore, de l'action du ministère en charge des affaires sociales.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie, tout d'abord, de bien vouloir excuser l'absence de Mme Gillot. Elle est actuellement en réunion, avec plusieurs autres ministres, pour mettre au point les décisions relatives à la suppression des farines animales dans la chaîne agroalimentaire française qui seront annoncées cet après-midi.
Monsieur le sénateur, vous avez attiré mon attention sur la situation du centre hospitalier de Sainte-Foy-la-Grande.
Je souhaite d'abord rappeler qu'une mission d'audit et de conseil a effectivement été diligentée par le ministère, en janvier dernier, dans un contexte social tendu. Cette mission a permis, dans un premier temps, de restaurer un climat de confiance entre tous les acteurs. Elle a également mis en évidence des dysfonctionnements, ainsi qu'une baisse d'activité importante de cet établissement.
A la suite de ce rapport, un certain nombre de préconisations tendant à permettre à l'hôpital d'assurer dans de meilleures conditions ses missions de soins ont été validées par la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins du ministère, ainsi que par l'agence régionale de l'hospitalisation d'Aquitaine. Je vous rappelle les principales préconisations.
Les urgences continueront d'être assurées par des médecins urgentistes travaillant en réseau avec les services de Libourne au sein d'une fédération hospitalière.
En ce qui concerne la chirurgie et l'activité gastro-entérologie, l'agence régionale de l'hospitalisation a autorisé la création de six places en chirurgie et médecine ambulatoires. Cette activité a vocation à se développer en lien avec les services de chirurgie de l'hôpital de Libourne.
Trois autres secteurs d'activité seront développés afin de mieux répondre aux besoins de la population. Il s'agit de la cardiologie, des soins de suite et de réadaptation et de la prise en charge des personnes âgées.
Cette politique, qui vise à conforter l'hôpital dans ses missions d'accueil et de soins au bénéfice de la population de Sainte-Foy et de ses environs, est conforme au protocole qui a été validé à l'unanimité par toutes les instances de l'établissement.
Mme Gillot veillera à ce que l'agence régionale de l'hospitalisation accompagne ce mouvement de modernisation de l'hôpital de Sainte-Foy, qui, désormais, par son insertion dans un réseau hospitalier plus large, sera en mesure d'offrir à la population des soins sûrs, de qualité et répondant effectivement à sa demande.
S'agissant de l'audit auquel vous avez fait allusion, et dont j'ignorais jusqu'à l'existence il y a encore quelques minutes, je me ferai l'écho de votre propos auprès de Mme Gillot et de ses services. A cette fin, sans doute pourrez-vous me communiquer le nom du cabinet, de manière que Mme Gillot dispose de l'ensemble des éléments de comparaison permettant de faire évoluer encore la situation.
M. Gérard César. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. César.
M. Gérard César. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d'Etat.
Le cabinet qui a fait l'audit que j'ai qualifié d'objectif s'appelle Euro conseil santé. Il a déjà fait un certain nombre d'audits dans toute la France et sa compétence est aujourd'hui reconnue par tous.
J'espère que, grâce à votre entremise, Mme Gillot pourra recevoir tous les élus concernés ainsi que les membres du conseil d'administration de l'hôpital de Sainte-Foy-la-Grande, afin qu'ils puissent lui exprimer leur volonté de maintenir cet hôpital de proximité.
Hier encore, un accident de la route a fait un blessé grave à cinq minutes de l'hôpital de Sainte-Foy. Il a fallu transporter ce blessé à l'hôpital de Libourne. J'espère, pour sa santé, que l'ambulance est arrivée assez vite !

RÉFORME DES AIDES A` L'EMBAUCHE DE JEUNES
EN CONTRAT DE QUALIFICATION

M. le président. La parole est à M. Carle, auteur de la question n° 905, adressée à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Jean-Claude Carle. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ma question, qui s'adresse à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité, porte sur le projet de décret visant à réformer les aides forfaitaires pour les contrats de qualification.
Le mécanisme actuel permet d'octroyer une aide de 5 000 ou 7 000 francs aux employeurs qui concluent des contrats de qualification avec les jeunes éligibles à ce type de dispositif. La suppression de cette aide à l'embauche ne manquerait pas d'avoir des conséquences particulièrement graves sur le fonctionnement des groupements d'employeurs pour l'insertion et la qualification, les GEIQ.
Ces structures, dont l'instance nationale est conventionnée depuis de très nombreuses années avec le ministère en charge du travail, embauchent, notamment, et mettent à disposition des employeurs membres du GEIQ des jeunes sans qualification.
Sont particulièrement concernés les secteurs du BTP et des travaux agricoles, mais aussi bien d'autres, souvent boudés par les jeunes, car souffrant d'une image peu valorisée à leur yeux.
Le contrat de qualification est le contrat majoritairement mis en oeuvre au sein de ce réseau, fort de près de quatre-vingt-dix entités.
Grâce à la formation en alternance et à l'accompagnement socioprofessionnel réalisé par le GEIQ, les jeunes salariés du GEIQ obtiennent, dans une proportion très satisfaisante, une qualification indispensable à leur insertion professionnelle, à l'issue de leur contrat, au sein d'entreprises, membres ou non du groupement.
En tant qu'employeur, le GEIQ bénéficie de l'aide forfaitaire à l'embauche. C'est principalement grâce à cette aide que l'accompagnement socioprofessionnel est réalisé. En effet, alors même que les GEIQ participent pleinement à l'insertion par l'activité économique, ils ne bénéficient d'aucune aide publique pérenne. Dès lors, la suppression de l'aide forfaitaire à l'embauche limiterait la capacité des GEIQ à accompagner les publics en grande difficulté qu'ils accueillent.
C'est pourquoi je souhaite avoir l'assurance que la prime à l'embauche pour les jeunes en contrat de qualification sera maintenue pour les entreprises de dix salariés et plus, à l'instar de ce qui est envisagé pour l'aide forfaitaire à l'apprentissage.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire. Monsieur le sénateur, vous attirez notre attention sur la question essentielle de la professionnalisation des jeunes, qui est, bien évidemment, une priorité du Gouvernement. A cet effet, l'effort de l'Etat en matière de contrats d'apprentissage et de qualification se poursuit. Il s'élève à 12,6 milliards de francs, soit plus du tiers du budget de la formation professionnelle.
Afin d'accompagner la progression du nombre de ces contrats, qui s'est confirmée au cours des neuf premiers mois de l'année 2000, le nombre d'entrées en contrat d'apprentissage et de qualification est porté respectivement à 230 000 et à 123 000.
Toutefois, il est proposé que les aides forfaitaires à l'embauche introduites au début des années quatre-vingt-dix, au plus fort de la crise, dans le cadre des mesures d'urgence en faveur de l'emploi et de la formation professionnelle, soient supprimées, exception faite pour les très petites entreprises de dix salariés et moins, qui accueillent près de 70 % des apprentis.
Cette mesure se justifie par la baisse substantielle du chômage des jeunes, dont - faut-il le rappeler ? - le taux a diminué de 19,7 % au cours des douze derniers mois.
Par ailleurs, elle n'affecte pas les aides à la formation relatives au contrat d'apprentissage, pas plus que les exonérations de charges sociales liées à la fois aux contrats d'apprentissage et de qualification.
S'agissant des groupements d'employeurs pour l'insertion et la qualification, je sais le travail accompli par eux pour la qualification des jeunes en difficulté. Aussi Mme Guigou a-t-elle demandé aux services de son département ministériel de proposer un disposif qui compensera pour les GEIQ la suppression de l'aide à l'embauche pour les contrats de qualification.
Cette proposition prendra la forme d'une aide au poste de travail pour l'accompagnement social des jeunes, à l'image de ce qui existe en matière d'insertion par l'économique. Une circulaire sera prise en ce sens avant la fin de l'année, après concertation avec le comité national de coordination et d'évaluation des GEIQ.
M. Jean-Claude Carle. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle. Monsieur le secrétaire d'Etat, je note avec satisfaction votre volonté de maintenir l'aide accordée aux GEIQ, qui font un travail remarquable en direction d'un public en très grande difficulté, en particulier en situation d'échec scolaire.
Cette aide va toutefois changer de nature. Pourquoi pas ? Vous me permettrez d'attendre de connaître dans le détail cette nouvelle aide pour juger et de son efficacité et, surtout, de sa pérennité.
Reste cependant posé, de manière plus générale, le problème des contrats de qualification. Ce n'est pas le lieu d'en débattre aujourd'hui ; nous en discuterons lors du débat budgétaire. Je souhaite, en tout cas, que le Gouvernement ne remette pas en question cette filière, trop souvent considérée comme la filière de l'échec, qui a obtenu ses lettres de noblesse et qui devient aujourd'hui celle de la réussite.

RECONSTITUTION DE CARRIÈRE
DES MÉDECINS SOUS CONTRAT
DANS LES CENTRES HOSPITALIERS PUBLICS

M. le président. La parole est à M. Cazeau, auteur de la question n° 906, transmise à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Bernard Cazeau. J'ai souhaité attirer l'attention de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité sur le problème de reconstitution de carrière et la reconnaissance d'ancienneté de statut des médecins sous contrat dans les centres hospitaliers publics, et plus particulièrement dans le département de la Dordogne.
En effet, à l'issue du dernier concours national de praticiens hospitaliers, les médecins sous contrat dans les centres hospitaliers de Bergerac et Périgueux sont inscrits sur les listes d'aptitude aux fonctions de praticien hospitalier parues au Journal officiel du 27 février 2000.
Or les textes réglementaires ne permettent pas de prendre en compte, au titre de l'ancienneté, l'ensemble des années passées au sein du service public hospitalier car on fait référence à un statut dit expérimental mis en oeuvre il y a une dizaine d'année avec l'accord des tutelles ministérielles.
La situation est particulièrement préoccupante pour les médecins nommés ou ceux dont le dossier est en cours d'instruction au ministère de la santé. Cette situation concernera, à terme, près de vingt-trois médecins des services d'urgence, SAMU et SMUR, des hôpitaux de Bergerac, Périgueux et Sarlat.
En conséquence, je souhaiterais connaître les mesures que le Gouvernement entend mettre en oeuvre pour résoudre cette question.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire. Monsieur le sénateur, vous avez appelé notre attention sur la reconstitution de carrière de praticiens inscrits sur la liste d'aptitude aux fonctions de praticien hospitalier et qui, auparavant, ont exercé des fonctions de médecin contractuel dans le cadre de contrats types locaux établis par certains établissements publics de santé.
Ces contrats reposent sur des dispositions statutaires applicables aux attachés des hôpitaux pour ce qui est de la couverture sociale et des droits à la retraite. En revanche, ils s'en écartent en ce qui concerne les modalités de rémunération et ils prévoient que ces praticiens ne sont pas régis par les dispositions du décret du 27 mars 1993 relatif aux praticiens contractuels des établissements publics de santé.
Je vous précise que les décrets statutaires relatifs aux praticiens hospitaliers et aux praticiens des hôpitaux à temps partiel fixent la liste des services pris en compte dans le calcul de l'ancienneté. Cette liste a été complétée en juillet 1999 et comprend, notamment, les services accomplis pour les praticiens contractuels régis par le décret du 27 mars 1993.
Par ailleurs, l'article L. 6152-1 du code de la santé publique prévoit que les praticiens hospitaliers sont recrutés selon des statuts ou dans des conditions déterminées par voie réglementaire.
En l'état actuel des textes, la validation des services effectués dans un établissement public de santé n'est pas prévue pour les praticiens sous contrat type local. Toutefois, Mme la ministre se réserve la possibilité de procéder à un examen attentif de ces différentes situations lors de prochaines modifications statutaires.
M. Bernard Cazeau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Je remercie M. le secrétaire d'Etat de sa réponse. Je prends acte de la volonté de Mme la ministre d'essayer de régler ce problème très spécifique, certes, mais qui intéresse tout de même un certain nombre de praticiens.

VENTES DE TERRAINS
PAR L'ASSISTANCE PUBLIQUE DE PARIS

M. le président. La parole est à Mme Borvo, auteur de la question n° 914, adressée à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mme Nicole Borvo. Je souhaitais interroger Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité sur une question que me tient à coeur, à savoir le devenir des terrains des hôpitaux Laennec, Boucicaut et une partie de l'hôpital Broussais après la création de l'hôpital européen Georges-Pompidou qui a entraîné la fermeture pour tout ou partie de ces hôpitaux.
Ces terrains appartiennent à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, l'AP-HP, ce sont donc des terrains publics. Leur emprise est d'environ 110 000 mètres carrés. Ils sont situés au coeur de Paris, respectivement dans les VIIe, XVe et XIVe arrondissements.
Les instructions des autorités de tutelle de l'AP-HP, c'est-à-dire de l'Etat, en 1992, conduisent celle-ci à céder ces terrains afin d'autofinancer le nouvel hôpital Georges-Pompidou.
En ce qui concerne l'hôpital Laennec, il était prévu au départ que la COGEDIM achète l'ensemble du site, soit 38 173 mètres carrés, y compris la partie historique, sans condition suspensive, pour un montant de 530 millions de francs. Etaient envisagés notamment la création d'un palace, des logements de grand standing à 50 000 ou 60 000 francs le mètre carré, 50 logements ressortissant au prêt locatif intermédiaire, le PLI, et seulement dix ateliers d'artistes dans ce VIIe arrondissement qui ne compte que 0,28 % de logements sociaux.
Ce projet, en contradiction totale avec les principes énoncés dans la convention Etat-ville sur le logement social, qui stipule expressément d'utiliser les terrains publics pour les logements sociaux, a provoqué une réaction très forte, en particulier des élus communistes de Paris et, je le crois, de la population.
Il n'est pas possible de favoriser de la sorte la spéculation immobilière alors qu'il y a là l'occasion de mettre en oeuvre une véritable mixité sociale par la construction de logements sociaux et d'équipements publics, surtout dans des arrondissements comme ceux que je viens de citer.
Dans ce contexte, je ne peux que me réjouir de la décision du Premier ministre d'avoir demandé de retirer ce projet de l'ordre du jour du conseil d'administration de l'AP-HP. D'ailleurs, ce report a créé une situation nouvelle qui a amené l'AP-HP à formuler de nouvelles propositions, à savoir d'installer sur le site environ cent logements pour étudiants boursiers et trente logements pour familles modestes ; petits progrès, certes, mais vraiment insuffisants au regard des enjeux.
C'est pourquoi j'estime que le voeu qu'ont déposé mes amis du groupe communiste de l'Hôtel de Ville le 23 octobre concernant l'abandon définitif de tout projet de cession des terrains de l'hôpital Laennec à un promoteur privé, l'exercice par la Ville de Paris de son droit de préemption et l'organisation d'une table ronde réunissant l'Etat, la région et la Ville de Paris sur leur devenir est toujours d'actualité. Que compte faire le Gouvernement en ce qui concerne la situation que je viens d'évoquer ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire. Madame le secrétaire, vous avez attiré notre attention sur le devenir des terrains libérés par les hôpitaux Laennec, Boucicaut et une partie de Broussais, après l'ouverture de l'hôpital européen Georges-Pompidou et, en particulier, sur l'avenir du site de Laennec, première emprise à pouvoir être envisagée en raison du transfert des activités.
Il faut peut-être tout d'abord rappeler que le montant de la construction de l'hôpital européen Georges-Pompidou est estimé à ce jour par l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à 1,8 milliard de francs. L'AP-HP s'est engagée à assurer le financement de la totalité de cette construction et de 25 % des équipements de l'hôpital européen Georges-Pompidou par des cessions d'actifs.
La cession de terrains dans le cadre d'opérations de recomposition hospitalière et de reconstruction de nouveaux sites ne constitue pas, à cet égard, une spécificité parisienne, puisqu'elle est fréquemment employée par d'autres établissements de santé du territoire.
S'agissant de la situation particulière des terrains de Laennec, ce site étant le premier des sites libérés par le transfert des activités vers l'hôpital Georges-Pompidou, le conseil d'administration des Hôpitaux de Paris a donc décidé, le 24 mars dernier, d'engager la procédure de déclassement et de cession du site.
Au terme d'une procédure d'appel d'offres, le conseil d'administration devait examiner les offres des aménageurs le 20 octobre dernier. Il s'agit en réalité d'une décision très importante, qui engage très fortement l'établissement et, de ce fait, nécessite un examen approfondi du dossier.
Sans remettre en cause la démarche de l'établissement, les autorités de tutelle souhaitent que l'on se donne le temps nécessaire à une décision réfléchie, sur la base d'informations complémentaires qui pourraient être demandées par la direction générale des Hôpitaux de Paris à chacun des aménageurs candidats.
Le Gouvernement souhaite que les décisions qui seront prises par le conseil d'administration de l'établissement public pour la réalisation de cette opération concilie deux préoccupations essentielles.
Il s'agit, à l'occasion de la libération de terrains appartenant à un opérateur public, de permettre la réalisation d'un programme équilibré qui réponde aux besoins des Parisiens, en particulier en termes d'accueil, d'une proportion significative de logements sociaux et d'équipements publics, tout en valorisant au mieux la cession des actifs désaffectés afin de permettre l'équilibre budgétaire de la construction de l'hôpital Georges-Pompidou sans préjudice pour l'assurance maladie.
Compte tenu des informations en notre possession sur l'opération, ces préoccupations paraissent conciliables ; c'est pourquoi les ministères de tutelle ont demandé aux Hôpitaux de Paris de faire des propositions complémentaires pour ce qui concerne l'aménagement de ce site, le site de Laennec, au coeur de Paris, propositions qui répondraient effectivement à ce souci et aux besoins des Parisiens.
Mme Nicole Borvo. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le secrétaire d'Etat, votre réponse ne me satisfait pas entièrement, mais je note toutefois que vous partagez notre souci de voir construire des logements sociaux sur le site de Laennec.
Les libérations de terrains publics à Paris - même si on peut contester les restructurations hospitalières, comme j'ai eu souvent l'occasion de le faire - doivent être l'occasion de donner un début d'application à la loi SRU, que personnellement j'ai soutenue et qui prévoit 20 % de logements sociaux dans tous les arrondissements de Paris, de Lyon et de Marseille.
La situation à Paris est - comme nous avons eu l'occasion de le dire lors de la discussion de cette loi - tout à fait particulière : les logements sociaux sont tous situés à la périphérie alors qu'il n'y en a pas dans les arrondissements du centre au sens large.
Comme nombre d'associations - plus d'une trentaine - je demande que cette situation soit prise en considération. Or, si ce n'est pas à l'occasion de la libération de terrains publics, on ne voit pas quand on pourra construire des logements sociaux dans la capitale ! Il y a évidemment d'autres possibilités, mais celle-là est de loin la plus importante.
Les besoins de logements sociaux existent. Ne serait-ce que pour les personnels de l'Assistance publique, on enregistre 2 480 demandes de logements, dont 1 500 pour Paris intra-muros.
Je considère également que l'investissement d'intérêt général que représente la construction de l'hôpital Georges-Pompidou - qui a coûté près de 2 milliards de francs, comme vous venez de le rappeler - ne peut rester à la charge de la seule Assistance publique et qu'elle relève de la responsabilité de l'Etat et des collectivités concernées.
Enfin, permettez-moi de dire que cette opération met le doigt sur une problématique, qui est celle de la spéculation que nous connaissons. Si l'on veut inverser les choses, je crois qu'il faut avoir une autre conception de l'utilisation des terrains publics.

FONCTIONNEMENT DES CENTRES ANTICANCÉREUX

M. le président. La parole est à M. Huchon, auteur de la question n° 921, adressé à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Jean Huchon. Je souhaite appeler l'attention du Gouvernement sur la situation financière très préoccupante des centres anticancéreux.
En effet, les progrès évidents de la science ont permis la mise au point de traitements médicamenteux nouveaux dont l'efficacité est incontestable et qui doivent pouvoir profiter à l'ensemble des malades.
Pourtant, les rapports récents du comité national du cancer et du haut comité de la santé publique avaient souligné, lors des états généraux des malades du cancer, le fait que la lutte contre le cancer n'était pas encore suffisamment considérée en France comme une priorité de santé publique.
C'est à cette occasion que, lors de la présentation de son programme national de lutte contre le cancer, Mme la ministre a insisté sur l'effort sans précédent qui allait être fait par les pouvoirs publics en matière d'information et de prévention. Nous avions donc tout lieu de nous réjouir.
Mme la ministre indiquait en effet, le 1er février dernier : « Si l'on veut diminuer l'incidence des cancers, qui représentent aujourd'hui en France la première cause de mortalité prématurée et la deuxième cause de décès, il faut réduire l'inégalité devant les soins et il faut aussi offrir à la population le bénéfice des meilleurs traitements, quel que soit son lieu de résidence... En outre, en France, le nombre de personnes dépistées est largement insuffisant. »
Comment ne pas partager de telles intentions ? Mais pour mettre en application toutes ces bonnes intentions, c'est une autre affaire !
En effet, la croissance du coût des nouveaux médicaments ne fait que se poursuivre, et la situation des établissements qui consacrent une part importante de leur activité à la prise en charge des malades cancéreux est de plus en plus difficile, comme ils en témoignent régulièrement.
Les cancérologues et les gestionnaires d'établissement de santé ne cessent de nous alerter sur l'insuffisance des budgets pour faire face au prix élevé des traitements anticancéreux. Ils réclament à juste titre un budget spécifique pour ces médicaments contre le cancer.
Au travers du plan pluriannuel 2000-2005 présenté en février dernier, Mme la ministre avait fait état de l'accès aux nouvelles technologies, comme les tomographies à émission de positions, l'augmentation du nombre d'appareils de radiothérapie, la mise en place d'un programme de soutien aux innovations technologiques et de recherche. Elle avait précisé, le 25 octobre dernier, à l'Assemblée nationale, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, que toutes ces actions étaient prévues dans l'ONDAM, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie.
Tout cela est bien beau, mais de telles réponses sont un peu vagues pour les cancérologues et les gestionnaires des centres anticancéreux, qui souhaitent, de votre part, une réponse précise et concrète. C'est un appel à l'aide qu'ils vous lancent, et c'est la raison de ma question d'aujourd'hui.
Monsieur le secrétaire d'Etat, dites-nous concrètement quels sont les moyens financiers qui seront dégagés pour permettre aux centres anticancéreux de continuer à assurer leur mission, en premier lieu pour 2001, et, en second lieu, pour les années suivantes.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire. Monsieur le sénateur, la lutte contre le cancer est évidement pour le Gouvernement une préoccupation essentielle de santé publique.
Nous avons choisi de répondre à ce défi en proposant, avec les professionnels, et pour la première fois depuis dix ans, un plan pluriannuel prenant en compte la prévention, le dépistage, l'organisation des soins, la qualité de vie des personnes atteintes et, enfin, la recherche.
Ce plan, annoncé en février dernier, prend en particulier en compte les nombreux progrès thérapeutiques réalisés ces dernières années.
Ces progrès ont permis - nous devons nous en réjouir - d'améliorer le pronostic de nombreuses formes de cancer.
Ils se sont accompagnés d'une progression importante des coûts des médicaments anticancéreux. Jusqu'à présent, les moyens consentis au secteur hospitalier ont permis de faire face aux besoins, tant pour les établissements publics et privés financés par dotation globale que pour les établissements privés lucratifs.
Mais il est vrai que la situation des établissements de santé qui consacrent une part importante de leur activité à la prise en charge des malades cancéreux est difficile et que la croissance du coût des nouveaux médicaments se poursuit à un rythme soutenu.
C'est pourquoi il a été décidé, dans le cadre du « plan cancer », pour les établissements sous dotation globale, de mieux valoriser et de mieux prendre en compte, dès la campagne budgétaire 2001, la consommation de spécialités pharmaceutiques onéreuses liées au traitement des cancers. Pour les établissements privés lucratifs, nous examinons les moyens de rééquilibrer la prise en charge des chimiothérapies entre secteurs ambulatoires et conventionnels. Ce rééquilibrage pourrait être mis en oeuvre dès l'année 2001.
De plus, toujours dans le cadre de la campagne budgétaire 2001 et dans la limite des enveloppes hospitalières publiques et privées prévues par l'ONDAM, le Gouvernement examine les moyens par lesquels une partie des financements nouveaux dégagés pourront être consacrés, soit à l'échelon national, soit à l'échelon régional, à la prise en charge des médicaments anticancéreux très coûteux.
Pour autant, nous souhaitons rester attentifs au bon emploi de ces nouveaux médicaments. Certains d'entre eux sont encore en phase d'évaluation médicale et économique. Les moyens supplémentaires que la collectivité est susceptible de devoir dégager pour financer ces nouveaux traitements seront arrêtés en tenant compte, bien sûr, des résultats de ces évaluations.
Ma réponse porte donc sur l'année 2001, mais il s'agira bien évidemment d'étudier précisément, au vu des résultats de l'évaluation, quelles mesures il faudra prendre au titre des années 2002 et 2003.
M. Jean Huchon. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Huchon.
M. Jean Huchon. Je ne suis pas médecin et je ne suis pas spécialiste de ces questions, monsieur le secrétaire d'Etat. C'est donc sur injonctions très précises d'amis cancérologues de ma région que j'ai soulevé ce problème. Je souhaite, bien sûr, que les promesses que vous avez formulées soient tenues.

CRÉATION D'UN TROISIÈME AÉROPORT

M. le président. La parole est à M. Paul Girod, auteur de la question n° 925, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Paul Girod. Monsieur le ministre, je vous ai déjà posé une question concernant la mise en place du troisième aéroport de la région parisienne le 17 octobre dernier. La décision de principe devait être arrêtée avant la fin de l'été 2000. Comme il n'y avait toujours rien, je m'étais permis de vous interroger.
Depuis, beaucoup de choses ont changé. En raison de la déclaration de limitation à 55 millions de passagers pour l'aéroport de Roissy - ce qui va se produire relativement prochainement - le Gouvernement a en effet pris la décision d'ouvrir un troisième aéroport.
De ce fait, bien entendu, les polémiques se sont engagées, d'abord sur le bien-fondé de cette décision. Roissy aurait théoriquement pu accueillir de 70 millions à 80 millions de passagers. Mais, comme on a complètement « lâché » sur les précautions qui auraient normalement dû être prises, nombre de nos concitoyens récemment installés subissent des nuisances.
Par ailleurs, une série d'hypothèses de localisation portent sur la Picardie, plus spécialement sur le sud de l'Aisne, ce qui ne manque pas d'affoler tout le monde dans le secteur. L'implantation d'un deuxième « Roissy », avec toutes les nuisances que cela implique, n'est pas de nature à encourager la population à envisager la création d'un nouvel aéroport, même s'il permet de créer 30 000 emplois.
Monsieur le ministre, il ne faut pas laisser « retomber la mayonnaise », si je puis dire. Il faudrait que nos concitoyens sachent très rapidement si ce nouvel aéroport sera ou non implanté dans le sud de l'Aisne. Si tel est bien le cas, il nous faudra en effet faire valoir nos objections ou nos observations sur le site et les méthodes retenus. Si ce n'est pas le cas en revanche, il nous faudra calmer les inquiétudes parfois exagérées qui se manifestent ici ou là.
Ma question est très précisément la suivante : quand saura-t-on si vraiment le sud de l'Aisne a été retenu et, dans l'affirmative, où vous avez l'intention d'y implanter l'aéroport ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, depuis le moment où vous avez posé une première fois une question concernant le troisième aéroport, le Gouvernement a défini les orientations générales des schémas de services et, dans ce cadre, a été posé le problème des aéroports et, plus généralement, celui de la place du transport aérien dans notre pays.
Je ferai une remarque à titre préliminaire. A l'échelle mondiale, on constate un développement assez intense du trafic aérien. Même si l'on peut envisager une substitution au transport aérien par le train à grande vitesse lorsqu'il s'agit de distances relativements courtes, inférieures à 600 kilomètres - c'est d'ailleurs déjà le cas entre Paris et Lyon ou Paris et Lille - pour le reste, il est certain que l'on va vers un développement du trafic aérien.
Toutes les études prospectives que nous avons faites tablent raisonnablement sur une perspective de croissance de l'ordre de 8 % à 9 %, puis de l'ordre de 3 % à 3,5 %. Pour les vingt prochaines années, nous devrons donc accueillir 100 millions de passagers supplémentaires. Cela nous oblige à la fois à développer les aéroports existants, y compris en province, et à envisager la création de nouveaux aéroports, d'où la proposition de Notre-Dame-des-Landes entre Rennes et Nantes ainsi que celle d'une meilleure utilisation de l'aéroport Saint-Exupéry à Lyon. En même temps, un besoin se fait sentir dans le grand Bassin parisien ; notez que je ne dis pas en Ile-de-France.
Pourquoi ne nous dites-vous pas à quel endroit, me direz-vous ? Nous voulons étudier tous les éléments. Si le site de Beauvilliers a déjà fait l'objet d'études particulières, on sait bien que des contraintes existent. Toutefois, nous ne l'excluons pas.
Le Gouvernement estime que trois régions peuvent être concernées. La vôtre en fait évidemment partie puisqu'il s'agit de la Picardie, de la Champagne-Ardenne et du Centre. Je n'ai d'ailleurs pas bien compris si vous étiez favorable ou non à ce troisième aéroport... (Sourires.)
Le choix du site d'implantation de la nouvelle plate-forme sera arrêté en prenant en compte les critères suivants : l'intérêt en termes d'aménagement du territoire, les contraintes de la navigation aérienne, les potentialités offertes pour la desserte terrestre, la pertinence du site dans l'économie du transport aérien ainsi que le contexte physique et environnemental. Bien évidemment, on ne peut pas construire un aéroport sans penser à la lutte contre les nuisances.
La localisation définitive sera de toute manière arrêtée à l'issue d'un débat public, organisé sous l'égide de la Commission nationale du débat public. Le choix du site aura donc lieu en toute transparence et de la manière la plus démocratique qui soit.
Les régions concernées seront consultées afin de faire part de leurs observations et de leurs amendements aux propositions du Gouvernement, au plus tard le 15 avril 2001.
Enfin, monsieur le sénateur, la localisation du site figurera dans les décrets portant schémas définitifs, dont le contenu sera acté au cours d'un comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire qui se tiendra à l'horizon de l'été prochain, après avoir, bien entendu, été soumis pour avis aux délégations parlementaires de l'aménagement du territoire de l'Assemblée nationale et du Sénat.
Certes, nous devions nous prononcer « avant la fin de l'été », et, finalement, la décision de principe n'a été prise qu'un mois après. Pardonnez-nous de ce retard d'un mois ! Nous arrêterons les choses précisément l'été prochain.
M. Paul Girod. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Je vous remercie pour votre réponse, monsieur le ministre.
Certains ont cru voir dans la mise entre parenthèses - vous n'avez pas dit « l'abandon » - de Beauvilliers le résultat d'une élection locale qui a fait que la protestation populaire a envoyé à l'Assemblée nationale un représentant très opposé à l'aéroport !
J'ai pris note que cela n'avait eu aucune espèce d'importance dans les réflexions du Gouvernement, ce qui est intéressant pour la suite de ce qui va se passer dans l'Aisne, surtout en avril 2001, puisqu'au mois de mars 2001 il y aura des élections.
Ce n'est pas pour cela que n'auriez pas éliminé Beauvilliers - en tout cas, pas encore éliminé - je suis ravi de le savoir. Cela nous sera utile.
Pour le reste, le vrai problème, c'est de calmer les inquiétudes. Il faut que nos concitoyens sachent ce qui va se passer. Le 15 avril, c'est très bien : ce n'est pas un mois de retard qui mettra le feu dans la maison. Ce qui est important, c'est de savoir qu'en avril prochain on saura où on va.

RÉFORME DE L'AIDE PERSONNALISÉE AU LOGEMENT

M. le président. La parole est à M. Besson, auteur de la question n° 900, adressée à M. le secrétaire d'Etat au logement.
M. Jean Besson. Monsieur le secrétaire d'Etat, ma question s'inscrit dans le cadre de la volonté politique du Gouvernement de développer l'accès aux logements sociaux, tout en clarifiant les modalités des aides à la personne. Je traiterai plus précisément de la réforme de l'aide personnalisée au logement, l'APL.
Ce système d'allocation mérite certes une harmonisation de ses modalités de calcul, tant le panel de critères et de situations était devenu peu lisible et complexe. Je comprends donc la volonté de clarification du Gouvernement.
Mon mandat d'élu local et ma connaissance des réalités rurales me conduisent toutefois à mettre en évidence une difficulté importante posée par l'application des décrets du 30 janvier 1997 et du 7 juillet 2000 relatifs aux ressources et à l'évaluation forfaitaire des revenus. Ainsi, pour certaines personnes à revenus faibles et précaires, une évaluation forfaitaire est appliquée pour le calcul de leur APL, alors que, précédemment, leurs revenus réels étaient pris en considération et que certains abattements étaient possibles.
Ces personnes se trouvent donc aujourd'hui, en quelque sorte, lésées : alors que leurs revenus n'ont pas augmenté, l'APL qui leur est versée a largement diminué.
Ce dispositif a plusieurs conséquences directes. D'abord, les apprentis, les stagiaires ou les bénéficiaires de CES renoncent à se loger dans des structures sociales car le loyer résiduel leur est inaccessible. Ils trouvent donc des solutions moins coûteuses, au détriment de leurs conditions d'hébergement et de travail.
Par ailleurs, notamment en zones rurales, la fréquentation des foyers régressant fortement, leur existence même est mise en cause. Pourtant, les foyers de jeunes travailleurs jouent un rôle économique et social. Or, dans nos régions, l'équilibre entre l'économie, le social et l'aménagement du territoire est déterminant pour notre avenir.
Je me permets, enfin, d'ajouter que Mme Ségolène Royal, au nom du Gouvernement, lors de la Conférence nationale sur la famille, le 15 juin dernier, s'était engagée envers les ménages à ce que le barème unique pour l'APL ne diminue aucunement les aides qui leur étaient apportées.
Aussi, je reste convaincu que des amendements seront déposés pour que les dispositions que j'ai citées au début de mon intervention soient mises en cohérence avec les objectifs annoncés par le Gouvernement.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de nous informer de votre position à ce propos.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement. Monsieur le sénateur, votre question aborde deux sujets qui sont de nature différente : les ressources prises en compte pour le calcul des aides au logement et la réforme des barèmes de ces aides décidée lors de la Conférence sur la famille.
En ce qui concerne le premier point, vous faites référence à une mesure prise par le Gouvernement en place en janvier 1997 et qui consiste, dans certains cas, à calculer l'aide au logement en fonction des revenus perçus au moment de la demande au lieu de se référer à la situation financière dépassée de l'année n-1.
Cette modification s'est révélée pénalisante pour les jeunes, le calcul de l'aide ne prenant pas suffisamment en compte l'irrégularité et l'instabilité de leurs ressources. En outre, certaines caisses d'allocations familiales n'ont appliqué cette réforme de janvier 1997 qu'au 1er juillet 2000. Il en résulte actuellement une certaine confusion sur sa date d'entrée en vigueur, ainsi qu'une inquiétude, dont vous vous faites l'écho, quant à ses effets pénalisants, déjà identifiés.
C'est pourquoi le Gouvernement a d'ores et déjà pris la décision, applicable depuis le 1er octobre 2000, d'assouplir les modalités de l'évaluation forfaitaire des ressources pour les jeunes de moins de vingt-cinq ans ayant un contrat de travail à durée déterminée, comme les apprentis, les personnes titulaires d'un CES, contrat-emploi-solidarité, ou d'un contrat de qualification.
Dorénavant, le niveau initial de l'aide sera calculé à partir du dernier salaire mensuel, multiplié par neuf au lieu de douze auparavant, ce qui se traduit par un gain d'aide de 25 %. De plus, une révision du montant de l'aide sera désormais possible tous les quatre mois en cas de baisse d'au moins 10 % des revenus de ces jeunes.
J'en viens maintenant à la réforme des aides personnelles au logement préparée par le secrétariat d'Etat au logement et annoncée par le Premier ministre lors de la dernière Conférence sur la famille.
Cette réforme poursuit deux objectifs : d'une part, harmoniser et simplifier les barèmes de ces aides, qui étaient devenus très complexes avec le temps, d'autre part, améliorer l'équité de ces aides en prenant en compte tous les revenus de la même manière, qu'il s'agisse de revenus de travail ou de minima sociaux comme le RMI.
Ces modifications se font « par le haut », c'est-à-dire qu'aucun bénéficiaire ne verra son allocation diminuer du fait de la réforme. Le gain moyen sera de 1300 francs par an, mais pourra représenter beaucoup plus pour les personnes aux ressources les plus faibles. On a dénombré 4,8 millions de bénéficiaires, pour un coût global de 6,5 milliards de francs.
Les locataires du parc privé qui était pénalisé par le barème de l'allocation logement, moins favorable que celui de l'APL, pourront obtenir un gain voisin de 5 000 francs par an.
L'amplitude des aides accordées est donc assez considérable, mais il s'agit de corriger des inéquités d'amplitude équivalente.
Je crois que vous avez maintenant, monsieur le sénateur, des éléments de réponse très précis sur les deux volets de la question que vous m'avez posée.
M. Jean Besson. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Jean Besson.
M. Jean Besson. Monsieur le secrétaire d'Etat, je suis rassuré par votre réponse, qui me satisfait pleinement.

FINANCEMENT DES RÉSEAUX
DE DISTRIBUTION D'EAU POTABLE

M. le président. La parole est à M. Piras, auteur de la question n° 910, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Bernard Piras. Monsieur le secrétaire d'Etat, je voudrais appeler votre attention sur la réglementation qui encadre le financement des réseaux de distribution d'eau potable.
Dans le code de l'urbanisme sont prévus trois dispositifs permettant de financer tout ou partie des réseaux d'eau potable directement rendus nécessaires par des projets de construction ou de développement urbain. Ils figurent aux articles L. 332-6-1-2° concernant le coût des travaux, L. 332-9 relatif aux PAE, prêts aidés aux entreprises, et L. 311-4-1 ayant trait aux ZAC, zones d'aménagement concerté.
En dehors de ces trois hypothèses, il semble que, faute de base légale, les collectivités publiques, communes ou groupements de communes, ne peuvent instituer de droits ou de taxes de branchement.
Depuis toujours, le financement des collectivités publiques chargées de la distribution d'eau potable est assuré par différentes recettes, dont « les droits de branchement ».
L'objet de mon intervention porte sur l'avenir. Il est clair que la disparition de ce revenu pour les collectivités, mais surtout pour les syndicats intercommunaux, risque de créer des difficultés financières importantes, susceptibles de compromettre leur équilibre budgétaire et d'alourdir fortement le prix d'eau.
Par conséquent, je vous demande si une réforme est envisagée pour lever toute ambiguïté sur ces droits de branchement.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement. Comme vous l'avez dit, monsieur Piras, les communes ont la possibilité de demander aux constructeurs une participation au coût des équipements des services publics industriels et commerciaux exploités en régie, concédés ou affermés, donc quel que soit leur mode d'exploitation.
La loi « Sapin », du 29 janvier 1993, modifiée par la loi « Bosson », du 9 février 1994, a précisé le cadre légal permettant d'exiger des contributions des bénéficiaires d'autorisation de construire.
En effet, ces dernières ne peuvent être exigées que pour les ouvrages rendus nécessaires pour la réalisation de l'opération de construction. En outre, leur montant et leur mode de calcul doivent figurer dans le permis de construire ou de lotir.
Ainsi, en ce qui concerne le réseau d'eau potable, seules les participations suivantes peuvent être exigées.
En premier lieu, il s'agit de la participation pour le financement des équipements du service public industriel et commercial chargé de la distribution d'eau potable. Cette contribution est exigible du pétitionnaire dont l'opération rend nécessaire une extension ou un renforcement du réseau public préexistant.
En second lieu, il s'agit de la participation au programme d'aménagement d'ensemble, PAE, qui peut comprendre le coût de création, d'extension ou de renforcement du réseau d'eau utile à l'aménagement du secteur du territoire communal concerné par le PAE.
En troisième lieu, le programme d'équipement d'une zone d'aménagement concerté, ZAC, peut également inclure le financement du réseau de distribution de l'eau potable.
En revanche, il n'existe pas ou plus de disposition spécifique qui autorise les communes ou leurs groupements à percevoir un droit de branchement forfaitaire pour le financement du réseau public de distribution d'eau potable lors du raccordement des immeubles. Une évolution de ces régimes de contribution interviendra néanmoins avec le projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains, dont l'article 21 prévoit une globalisation du financement des équipements d'infrastructure, y compris celui qui est relatif au réseau de distribution d'eau potable dans le cadre du nouveau régime de participation pour la création d'une voie nouvelle.
Donc, aux dispositions qui avaient cours depuis 1993-1994 s'ajoutera, dès son entrée en vigueur, l'application de l'article 21 du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains fixant un nouveau régime de participation lors de la création de voies nouvelles en projet dans le secteur communal concerné. Il y a donc non pas rétablissement du caractère forfaitaire et automatique, qui préexistait, mais possibilité, en amont de l'engagement des dépenses, d'obtenir cette participation.
M. Bernard Piras. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Piras.
M. Bernard Piras. Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite que les décrets d'application paraissent rapidement et que soit porté avec précision à la connaissance des communes ce qu'elles peuvent faire ou ne pas faire.

FINANCEMENT DES SERVICES D'INCENDIE
ET DE SECOURS

M. le président. La parole est à M. Ostermann, auteur de la question n° 913, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
M. Joseph Ostermann. Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite attirer votre attention sur le financement des services d'incendie et de secours, les SDIS.
La réforme portant départementalisation des SDIS, instituée en 1996, a prévu un large financement par les collectivités locales, l'Etat, quant à lui, réservant une part de la dotation globale d'équipement - 350 millions de francs en trois ans - à l'aide à l'équipement des SDIS.
Or, depuis 1996, on assiste à l'explosion des budgets des SDIS.
Ainsi, dans le département du Bas-Rhin - département spécifique, puisqu'il a la chance de compter 10 000 volontaires -, ce budget a augmenté de 10 % par an depuis 1996. Pour 2001, une augmentation de plus de 20 % est décidée, et ce n'est pas terminé !
Cette forte croissance est due non seulement à une mise à niveau constante en matière de matériels, de structures et d'équipements, mais aussi et surtout à la multiplication de mesures nouvelles en matière de régime de service, de régimes indemnitaires, ainsi qu'au renforcement des services de santé.
Les collectivités locales sont par conséquent contraintes de financer des dépenses supplémentaires que leur impose l'Etat sans contrepartie.
Or, elles n'étaient pas préparées à faire face à ces dépenses nouvelles, qu'elles peuvent, par conséquent, difficilement assumer.
La loi de 1996, je le rappelle, devait permettre la mutualisation des dépenses afin de mieux assurer, à un coût limité, la sécurité de nos concitoyens.
Dans le rapport qu'il vient de remettre au Gouvernement, le député de la Somme, Jacques Fleury, conclut lui-même que, pour de nombreux élus, l'incidence du coût des SDIS sur la fiscalité locale devient insupportable.
Les 350 millions de francs de DGE attribués par l'Etat peuvent d'autant moins suffire que la suppression de la vignette automobile prive les départements de 12 millions de francs de recettes fiscales.
Ne conviendrait-il pas, par conséquent, de prévoir une contribution supplémentaire de la part de l'Etat avant de présenter tout nouveau projet de loi sur la sécurité civile, qui impliquerait encore de nouvelles dépenses ?
Ne l'oublions pas, la sécurité demeure une des missions régaliennes de l'Etat.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement. Monsieur le sénateur, vous aviez adressé votre question à M. le ministre de l'intérieur. Mais celui-ci, devant se rendre aux funérailles de Jacques Chaban-Delmas, m'a prié de vous répondre à sa place, ainsi qu'aux autres membres de la Haute Assemblée qui lui ont également posé des questions.
La loi n° 96-369 du 3 mai 1996 relative aux services départementaux d'incendie et de secours, les SDIS, a eu pour objectif le renforcement de la sécurité de nos concitoyens par la création, dans chaque département, d'un grand service moderne d'incendie et de secours.
Pour les départements qui n'avaient pas engagé antérieurement la remise à niveau des services départementaux d'incendie et de secours, la réorganisation sur le plan départemental de ces services peut entraîner une charge.
Cette charge, en particulier dans ces départements, est certes liée à la mise en oeuvre d'un certain nombre de règles nationales prévues par les deux lois de mai 1996. Mais elle est également liée aux décisions prises par les conseils d'administration pour assurer l'amélioration ou la modernisation des structures, des matériels et des casernements. Elle est enfin liée aux résultats des négociations menées dans chaque département, notamment en matière de régime de service et de régime indemnitaire.
Le financement des services d'incendie et de secours relève traditionnellement de la compétence des seules collectivités locales. L'Etat prend à sa charge les renforts nationaux, ce qui se traduit par un effort important du ministère de l'intérieur, notamment avec la professionnalisation des unités d'instruction et d'intervention de la sécurité civile et la modernisation de la flotte aérienne. Le budget consacré par l'Etat pour la sécurité civile sera de 1,6 milliard de francs en 2001.
Monsieur le président, vous le savez mieux que quiconque, les deux exceptions à l'intervention générale des collectivités locales concernent, d'une part, les marins-pompiers de Marseille et, d'autre part, le corps des sapeurs-pompiers de Paris.
Par ailleurs, l'article 24 de la loi du 28 décembre 1999 a prévu, en raison de la montée en charge des dépenses d'investissement des SDIS en application de la loi du 3 mai 1996, que ces derniers perçoivent en 2000, 2001 et 2002 une majoration exceptionnelle de la dotation globale d'équipement des départements à laquelle ils sont éligibles. Il s'agit de l'application de l'article L. 3334-11 du code général des collectivités territoriales. Cette majoration est répartie proportionnellement aux dépenses réelles d'investissement qu'ils effectuent.
Ainsi, compte tenu de redéploiements de crédits, les SDIS devraient bénéficier, sur cette période de trois ans, d'une enveloppe annuelle de 350 millions de francs de dotation globale d'équipement.
En outre, certaines imperfections techniques, apparues au moment de la mise en oeuvre de cette loi, ont pu être constatées. La commission d'évaluation présidée par le député Fleury a procédé à l'analyse de ces imperfections et présenté un certain nombre de propositions visant à y remédier, qui vont dans le sens d'une modernisation accrue des services d'incendie et de secours sans remettre en cause les équilibres et les principes fondamentaux d'organisation des secours en France.
Les conclusions de ce rapport tendent à approfondir la départementalisation, à organiser la répartition des compétences dans un esprit de complémentarité et à assurer un financement stable aux services départementaux d'incendie et de secours.
Le service public de secours doit rester un service gratuit, relevant de financements publics.
La question du financement et des responsabilités des services départementaux d'incendie et de secours doit être étudiée en totale cohérence avec les propositions du rapport de la commission Mauroy, s'agissant d'une question fondamentale qui engage l'avenir des services de secours en France.
Le projet de loi sur la sécurité civile qui sera déposé en 2001 au Parlement doit être l'occasion de débattre de la sécurité civile, de son organisation et de toute question s'y rapportant. Je pense, monsieur le sénateur, que vos interrogations pourront trouver un prolongement dans ce futur débat.
M. Joseph Ostermann. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Ostermann.
M. Joseph Ostermann. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de votre réponse, même si, vous vous en doutez bien, elle ne m'apporte guère d'apaisements.
Je répète que, à notre sens, la sécurité reste l'une des missions de l'Etat. Aujourd'hui, l'Etat n'assume cette responsabilité qu'à travers la réglementation, mais ce sont les collectivités locales qui supportent le financement. C'est le Gouvernement qui prend les décrets mais ce sont elles qui paient !
J'aimerais aussi insister sur l'extension constante du champ des missions des SDIS. Dans certains départements, il n'est plus d'accident du travail qui ne soit traité par les sapeurs-pompiers. Cela relève-t-il vraiment des missions qui leur incombent ?
Lors de la discussion de la proposition de loi déposée par M. Estier et les membres du groupe socialiste, j'avais présenté un amendement prévoyant l'engagement du fonds de garantie automobile. C'est une solution de ce type qui a été mise en oeuvre dans d'autres pays européens. M. Queyranne, au nom du Gouvernement, m'avait alors demandé de retirer mon amendement moyennant l'engagement selon lequel une étude serait menée. Une année a passé, et je n'ai pas entendu parler des résultats de cette étude. Ne s'agit-il pas d'un de ces cas où la création d'un groupe d'étude est, en fait, un enterrement de première classe ?
Des dispositions méritent pourtant d'être prises, car un certain nombre de petites communes ont bien du mal à payer les prestations des SDIS. Il faut vraiment que le Gouvernement étudie rapidement cette question et qu'il mette toute sa détermination à la résoudre.

CONTENU DES CONVENTIONS
DE COORDINATION POLICIE`RE

M. le président. La parole est à M. Poirier, auteur de la question n° 918, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
M. Jean-Marie Poirier. J'ai en effet souhaité attirer l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur certaines difficultés apparues à l'occasion de la conclusion des conventions de coordination policière entre l'Etat et les communes telles qu'elles sont prévues par la loi du 15 avril 1999 relative aux polices municipales.
Le cadre de ces conventions a été précisé par un décret du 24 mars 2000 déterminant les clauses de la convention type.
Dans la circulaire du 16 avril 1999 relative à l'application de la loi, l'attention des préfets des départements est appelée sur la nécessité de faire prévaloir le caractère concret et pratique des conventions de coordination conclues. Il est recommandé de s'adapter tant à la situation initiale qu'à l'évolution des circonstances locales.
L'expérience m'a conduit à constater que, dans certains cas, l'interprétation trop rigide qui est faite de la loi en arrive à imposer une quasi-conformité de la convention de coordination conclue aux stipulations du décret du 24 mars 2000.
Ainsi, j'ai moi-même rencontré un certain nombre de difficultés en tant que maire d'une ville de 25 000 habitants, Sucy-en-Brie, une des premières communes du Val-de-Marne à avoir signé un contrat local de sécurité avec l'Etat, en 1998.
Récemment, alors que nous étions sur le point de conclure la convention de coordination policière, le préfet a refusé l'insertion de deux alinéas de précision à la convention type définie par le décret. Ces aménagements avaient pourtant pour seul but d'améliorer l'information réciproque entre les services municipaux et les services de l'Etat.
Le premier aménagement prévoyait une information périodique du maire par le commissaire de police nationale en ce qui concerne l'activité du commissariat sur le territoire communal et l'évolution des actes de délinquance.
Le second aménagement prévoyait d'étendre les mécanismes d'échange rapide et réciproque d'informations aux événements particulièrement importants, alors que la convention type ne mentionne que le cas des personnes signalées disparues et celui des véhicules volés.
La circulaire du 16 avril 1999 précise pourtant que « le législateur n'a pas entendu imposer un rapport de conformité des conventions conclues au niveau local avec les clauses de la convention type ».
On peut, dès lors, s'interroger sur la marge de manoeuvre laissée à la procédure conventionnelle dans un cas comme celui que je viens d'évoquer.
Je suis, pour ma part, convaincu que la coordination entre services de police et, au-delà, entre tous les acteurs de la prévention urbaine, dans le cadre des contrats locaux de sécurité notamment, est certainement le fondement et la condition de l'efficacité des nouvelles approches que les maires et les représentants de l'Etat essaient de mettre en place en matière de lutte contre l'insécurité dans nos villes.
A quoi sert-il de prévoir une convention aménageable en fonction des circonstances locales s'il n'est pas possible d'y ajouter des clauses qui reflètent les besoins locaux et consacrent les méthodes expérimentées avec succès sur le terrain, en marge des textes parfois, depuis de nombreuses années ?
Je souhaite donc savoir comment M. le ministre de l'intérieur conçoit la négociation des conventions de coordination policière entre l'Etat et les communes. A-t-il donné de nouvelles instructions aux préfets ? Dans quels domaines identifiés peut-on apporter des aménagements locaux à la convention type ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement. Monsieur le sénateur, vous interrogez mon collègue ministre de l'intérieur sur les adaptations qui peuvent être introduites dans la convention de coordination à signer entre le maire et le préfet par rapport à la convention type annexée au décret n° 2000-275 du 24 mars 2000, pris pour l'application de la loi du 15 avril 1999 relative aux polices municipales.
La convention de coordination avec la police ou la gendarmerie nationales fait état des missions effectivement remplies par la police municipale concernée. L'amplitude des missions des agents de police municipale variera donc d'une commune à l'autre suivant les effectifs du service de police municipal, le parc des bâtiments communaux à garder, le nombre d'établissements scolaires et de marchés à surveiller, l'existence ou non d'une brigade de nuit au sein de la police municipale. Ces particularités locales apparaîtront dans la convention de coordination.
Les échanges d'informations à prévoir dans la convention de coordination vous préoccupent particulièrement. Cette question est traitée dans les articles 1er à 5 de la convention type. Les conditions dans lesquelles les réunions se tiennent entre les deux chefs de service ainsi que les modalités de liaison entre les deux services de police peuvent donner lieu à des adaptions à la convenance des parties signataires. En tout état de cause, la convention de coordination doit rester un document à vocation opérationnelle.
Quant aux faits de délinquance commis dans la commune, il est légitime que le maire en soit tenu informé - et la préoccupation que vous avez exprimée est tout à fait partagée - en sa qualité d'autorité titulaire du pouvoir de police générale. Ces informations lui sont transmises par le canal des services de la police nationale ou de la gendarmerie nationale, indépendamment de la signature de la convention de coordination.
En ce qui concerne la délinquance dans le département du Val-de-Marne, le directeur départemental de la sécurité publique transmet à chacun des maires, chaque mois, un état détaillé de la délinquance constatée dans sa commune par les services de la police nationale. La signature des conventions de coordination, notamment celles de Sucy-en-Brie, ne remet pas en cause cette diffusion. Elle ne fait pas davantage obstacle au maintien des entretiens qui ont lieu ponctuellement entre le maire et le chef de la circonscription de police ou le directeur de cabinet du préfet, chaque fois qu'un fait d'ordre public survient dans la commune et justifie des rencontres.
D'une certaine manière, monsieur le sénateur, faire un ajout à la convention type pourrait donner à penser que les dispositions en question ne s'appliquent pas sur le territoire des communes dont la convention n'aurait pas fait l'objet de cet ajout. Or, ces conventions sont d'application générale : il ne faudrait pas donner à penser qu'il peut y avoir remise en cause de pratiques qui sont en vigueur sur l'ensemble du territoire national.
M. Jean-Marie Poirier. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Poirier.
M. Jean-Marie Poirier. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de ces précisions, qui me donnent globalement satisfaction, même si elles me paraissent quelque peu lénifiantes au regard de la situation réelle.
Je pense que l'ensemble des maires souhaitent une coopération entre police nationale et police municipale aussi étroite que possible. Or on constate à l'heure actuelle que, malgré toute la bonne volonté qui peut se manifester de tous côtés, il est extrêmement difficile d'établir une communication permanente entre l'une et l'autre.
Cette coopération, telle qu'elle est définie par la convention type, n'est qu'une coopération de principe : est certes évoquée la possibilité de rencontres régulières, mais rien n'est prévu pour institutionnaliser des rencontres quotidiennes, notamment dans les communes des banlieues confrontées aux difficultés que chacun sait, et à la montée de la délinquance et de la petite délinquance. Or une telle liaison quotidienne permettrait de maintenir une veille permanente, répondant, tout simplement, à un souci d'efficacité.
Nous ne sommes pas fondamentalement en contradiction, mais il eût été préférable que quelques dispositions clairement formulées insistent sur la nécessité d'une symbiose permanente d'action, bien entendu dans le respect de l'indépendance respective du pouvoir municipal et du pouvoir de l'Etat.
Il y va, encore une fois, de l'efficacité, à l'heure où, en matière de sécurité, la situation est bien loin de s'améliorer dans nos banlieues, comme les statistiques le font apparaître, hélas ! tous les jours que Dieu fait.

PETITE DÉLINQUANCE À VINCENNES ET SAINT-MANDÉ

M. le président. La parole est à M. Lanier, auteur de la question n° 931, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
M. Lucien Lanier. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de bien vouloir prendre le relais de M. le ministre de l'intérieur pour répondre à ma question, qui s'inscrit dans le droit-fil de celle, si pertinente, qu'a posée mon collègue et ami Jean-Marie Poirier. En voici, en effet, une illustration sur le terrain.
Les villes de Saint-Mandé et de Vincennes, situées en lisière du bois de Vincennes, qui appartient d'ailleurs à la Ville de Paris, limitrophes des XIIe et XXe arrondissements de Paris et de Montreuil-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis, connaissent actuellement un accroissement fort inquiétant de la petite délinquance.
Jusqu'à ces dernières années, le caractère « sagement » résidentiel de ces deux communes semblaient les garantir de la violence urbaine. La réalité est aujourd'hui tout autre en raison du rassemblement, sur leur territoire, d'éléments extérieurs se livrant à des actes de délinquance. Cette délinquance est de plus en plus le fait de mineurs, ainsi que le confirme la très récente étude de l'Institut des hautes études de la sécurité intérieure.
Ainsi, depuis le 1er janvier 2000, la police municipale de Saint-Mandé a procédé à de nombreuses mises à la disposition de la police nationale dans le cadre de délits de flagrance. Sur l'ensemble de la circonscription, les vols avec violence sont en augmentation de 30 % par rapport à la période équivalente de 1999. Quant à la délinquance générale, elle est en augmentation de 14 %, alors que la hausse, dans ce département, déjà forte, est de 10 %, seulement, allais-je dire.
Au regard de cette dégradation, les moyens dont dispose la police nationale, et ce malgré son extrême diligence, ne cesseront de s'affaiblir.
Le bureau de police de Saint-Mandé, faute d'effectifs, n'est plus qu'un bureau d'accueil qui ne permet ni action de prévention, ni intervention répressive. A Vincennes, la gare RER, la gare routière et ses douze lignes de bus, les trois stations de métro commanderaient, elles aussi, un meilleur maillage que celui qui existe à l'heure actuelle.
En tout état de cause, un renforcement des moyens mis à la disposition du commissariat de Vincennes, compétent pour les deux communes, devient éminemment urgent.
Il serait également souhaitable que les deux villes bénéficient d'une stratégie de proximité commune. Tout en constituant une dissuasion réelle à l'encontre d'une délinquance caractérisée par sa mobilité, ce développement est d'une urgence justifiée pour nos concitoyens, d'autant que les deux communes comptent, comme vous le savez, vingt-deux écoles, cinq collèges et six lycées.
Face à une insécurité croissante, je souhaite demander à M. le ministre de l'intérieur d'examiner avec une toute particulière attention la possibilité d'autoriser la mise en place d'une police de proximité et l'affectation du personnel nécessaire à son efficacité.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement. Monsieur le sénateur, l'augmentation du nombre des faits constatés et des vols avec violences enregistrée dans la circonscription de Vincennes et dans la commune de Saint-Mandé au cours des neuf premiers mois de 2000, comparés aux neuf premiers mois de 1999, ne doit pas masquer le net recul de la délinquance de voie publique recensé lors de la période précitée dans les deux sites, respectivement de 7,93 % et de 7,78 %, et qui confirme la tendance à la baisse déjà relevée en 1999 par rapport à 1998.
Cependant, pour lutter davantage contre la petite et moyenne délinquance qui exacerbe le sentiment d'insécurité de la population, le Gouvernement reste fermement déterminé à ne rien négliger qui puisse garantir l'autorité de l'Etat ainsi que le droit fondamental à la sécurité.
Dans ce domaine, la politique engagée depuis le colloque de Villepinte d'octobre 1997 repose sur deux outils, différents mais complémentaires, que sont la police de proximité et les contrats locaux de sécurité.
Vous avez soulevé le problème des moyens de la police de proximité, monsieur le sénateur, et Daniel Vaillant tient à vous informer que la généralisation de la police de proximité s'appliquera à l'ensemble de la circonscription de Vincennes avant la mi-juin 2002, au plus tard. Des possibilités d'anticipation sont donc possibles.
Dans cette perspective, la situation du commissariat de Vincennes, où l'on dénombrait, au 1er novembre 2000, cent-huit fonctionnaires de tous grades, auxquels il convenait d'ajouter sept adjoints de sécurité, sera examinée avec une attention particulière lors des prochains mouvements de personnels.
D'ores et déjà, les prises de fonction de deux gardiens de la paix stagiaires, issus de la cent-soixante et onzième promotion, sont prévues pour le 1er décembre 2000, dans deux semaines, monsieur le sénateur.
De plus, la poursuite du programme emplois-jeunes permettra au département du Val-de-Marne de disposer, à la fin de cette année, de cinq cent quarante-sept adjoints de sécurité dont une partie pourra renforcer ceux qui sont déjà affectés dans la circonscription de Vincennes et dont j'ai précisé qu'ils étaient au nombre de sept.
Pour autant, la lutte contre l'insécurité ne peut se concevoir uniquement en termes d'augmentation des ressources humaines et ne peut être le seul fait de la police ou de la gendarmerie nationales.
Une prise en compte partenariale s'impose, mobilisant l'ensemble des acteurs concernés par la lutte contre la délinquance. A cet égard, M. le ministre de l'intérieur est sensible à la collaboration qui existe entre les polices municipales de Vincennes et de Saint-Mandé et la police nationale. Elle représente un atout des plus significatifs qu'il est possible de conforter au travers d'un contrat local de sécurité.
La dynamique partenariale ainsi que le développement de la police de proximité sont une nouvelle approche de la sécurité qui permettra de mieux répondre aux attentes de la population, notamment à celle de Saint-Mandé, où l'activité judiciaire déployée par les personnels du commissariat central de Vincennes, par ceux des unités départemantales spécialisées et par ceux des CRS en sécurisation s'est traduite, pour les neuf premiers mois de l'année 2000 par rapport aux neuf premiers mois de 1999, par une hausse importante des faits élucidés qui sont passés, je vous le précise, monsieur le sénateur, de 187 à 282, ce qui représente une augmentation de l'élucidation de plus de 50 % des cas. Voilà, je crois, une bonne illustration du bien-fondé de la confiance que vos propres propos exprimaient à l'endroit de ces services de police.
M. Lucien Lanier. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Lanier.
M. Lucien Lanier. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse qui, cependant, ne me donne qu'en partie satisfaction. En effet, nos sources ne sont peut-être pas les mêmes, mais l'impression que je tire des miennes est que la délinquance, et surtout la petite délinquance, c'est-à-dire une délinquance qui devient très dangereuse dans notre société, s'amplifie plutôt qu'elle ne diminue.
Je suis d'accord avec vous, l'augmentation des effectifs ne suffit pas à résoudre, à elle seule, le problème, mais encore faut-il tout de même qu'il y ait des personnels pour le résoudre ! Vous m'avez d'ailleurs répondu positivement sur ce point, mais j'aurais aimé que M. le ministre de l'intérieur veillât à ce qu'il y ait une meilleure coordination, au niveau de ces effectifs nouveaux, entre Paris intra muros et l'ensemble Vincennes - Saint-Mandé, également limitrophe du bois de Vincennes.
En effet, si le bois de Vincennes est un endroit fort sympathique et très agréable, il est également la source de beaucoup d'inconvénients, notamment la nuit. Je veux parler non seulement de la délinquance mais aussi de la prostitution et de la drogue, en augmentation également, ce qui a déjà été signalé à plusieurs reprises.
Je demande donc à M. le ministre de l'intérieur de bien vouloir faire en sorte que la coordination entre les forces de police qu'il a mises à la disposition des communes et les polices municipales soit renforcée, car je pense que commander, c'est prévoir, et qu'il vaut toujours mieux prévoir que subir !

5

NOMINATION DE MEMBRES
D'UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE

M. le président. Je rappelle que la commission des affaires économiques, la commission des affaires culturelles et la commission des lois ont proposé des candidatures pour siéger au sein d'un organisme extraparlementaire.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées, et je proclame MM. Jean Bernadaux, Rodolphe Désiré, André Ferrand et Lucien Lanier membres du Comité national de l'initiative française pour les récifs coralliens.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures quarante, est reprise à seize heures dix, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

M. le président. La séance est reprise.

6

HOMMAGE À JACQUES CHABAN-DELMAS

M. le président. Madame la ministre, mes chers collègues, au nom du Sénat, je voudrais saluer la mémoire de Jacques Chaban-Delmas, qui nous a quittés trente ans, presque jour pour jour, après le général de Gaulle. (Mme le ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)
Résistant de la première heure, plus jeune général de brigade de l'armée française à vingt-neuf ans, député, maire de Bordeaux pendant près d'un demi-siècle, président de l'Assemblée nationale pendant seize ans, Premier ministre du président Georges Pompidou : nous connaissons tous l'homme public qui prit une part décisive à la libération de la France ainsi qu'à la mise en place des institutions de la Ve République et marqua de sa forte personnalité la vie politique de notre pays.
Jacques Chaban-Delmas n'était pas seulement le résistant, le compagnon de la Libération, le patriote, l'homme d'Etat suscitant l'estime de tous, par-delà les options politiques des uns et des autres. J'ai eu le privilège de le connaître et de travailler auprès de lui pour son projet de « nouvelle société » : panache, dynamisme, mais aussi ouverture d'esprit, simplicité et gentillesse sont les qualités qui me viennent à l'esprit lorsque j'évoque son souvenir.
Cet homme, qui a si bien incarné notre nation, restera ainsi - j'en suis convaincu - dans le coeur des Français tout à la fois comme un précurseur à l'écoute de l'avenir et un homme attentif aux mouvements qui traversent en profondeur notre société.
Je souhaite que le Sénat s'associe à l'hommage solennel qui lui a été rendu ce matin aux Invalides et je vous propose d'observer, après l'intervention de madame la ministre, une minute de silence.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le président, je demande effectivement la parole.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, Jacques Chaban-Delmas vient de nous quitter. Ce matin, aux Invalides, la nation lui a rendu hommage. Au nom du Gouvernement, je voudrais m'associer à cet hommage qui a été rendu à l'un des plus fidèles et des plus ardents serviteurs de la République.
A l'heure où nous évoquons sa mémoire, sa famille et ses proches s'apprêtent à l'accompagner dans sa dernière demeure, dans la petite ville d'Ascain, dans les Pyrénées-Atlantiques, à laquelle, nous le savons, il était très attaché.
A Mme Chaban-Delmas, à sa famille, à ses amis, je voudrais adresser mes condoléances, celles du Gouvernement et, naturellement, l'expression de ma profonde sympathie dans ces moments douloureux.
Toute sa vie, Jacques Chaban-Delmas a eu la passion de la France. Tous ceux qui l'ont connu retiennent de lui l'image d'un être généreux et d'un homme d'une grande élégance à tous égards.
Il a servi la nation et la République. Il a occupé, très jeune, de hautes fonctions. Dans chacune, il a manifesté la détermination d'un homme de conviction et la vitalité, qu'on lui connaissait, du vrai sportif qu'il était.
Jeune inspecteur des finances, il s'est engagé dans la Résistance, où ses qualités lui ont valu d'être nommé délégué militaire national du chef de la France libre, puis compagnon de la Libération. Il a été également, nous le savons tous, à vingt-neuf ans, le plus jeune général de la République, en 1944.
Nous rendons aussi hommage au grand parlementaire qu'il a été. Député de la Gironde pendant un demi-siècle, trois fois président de l'Assemblée nationale, pendant seize ans au total, il a marqué la vie parlementaire de deux Républiques. Il a donné à la fonction de président de l'Assemblée nationale une très grande autorité, un éclat à la mesure de l'idée que se font tous ceux qui pensent que le Parlement doit être fort dans une vraie démocratie.
Il a aussi été maire de Bordeaux pendant quarante-huit ans, et nous savons qu'il a aménagé cette ville avec un tempérament de bâtisseur infatigable.
Mais c'est surtout à l'homme politique que je voudrais rendre hommage, à celui qui a voulu incarner la « nouvelle société ».
Lorsqu'il est devenu Premier ministre en septembre 1969, nommé par Georges Pompidou, Jacques Chaban-Delmas voulait réformer l'Etat à la fois pour le rendre plus fort et pour mettre en oeuvre une véritable décentralisation. Il lui semblait que la société française était bloquée : blocage des rapports sociaux, difficulté d'assurer l'adaptation de notre économie à la nouvelle donne internationale, inquiétudes de la société qui s'était manifestée lors des événements de mai 1968. Il pensait qu'il fallait offrir une autre perspective, généreuse, positive, à la société française, pour qu'elle se prenne elle-même en main et qu'elle reprenne confiance en elle.
En tant que ministre de l'emploi et de la solidarité, je veux me souvenir de l'impulsion qu'il avait donnée pour rénover l'action sociale de l'Etat et le dialogue avec les partenaires sociaux, en s'appuyant sur les conseils avisés de quelques conseillers, dont vous avez fait partie, monsieur le président, et qui étaient placés, je crois, sous l'autorité de Jacques Delors. Son action au Gouvernement reste notamment marquée par la création du SMIC et par la relance de la formation professionnelle.
Sans doute s'est-il heurté, à cette époque, au conservatisme de beaucoup ; sans doute ne lui a-t-on pas laissé tout le temps nécessaire pour réussir pleinement ; mais, en tout cas, le sillon qu'il a tracé demeure tangible aujourd'hui encore, et c'est bien là la marque des grandes réussites.
M. le président. Je vous remercie, madame la ministre, de vous être associée à l'hommage que nous rendons à un grand Français.
Je vous invite maintenant, madame la ministre, mes chers collègues, à observer une minute de silence. (Mme le ministre, Mmes et MM. les sénateurs observent une minute de silence.)

7

FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
POUR 2001

Discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 (n° 64, 2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale. (Rapport n° 67 [2000-2001] et avis n° 68 [2000-2001.])
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi de financement de la sécurité sociale constitue un temps fort de l'action du Gouvernement et de la discussion parlementaire, parce qu'il touche à la vie quotidienne des Français et qu'évidemment il représente des enjeux sociaux, économiques et financiers de premier plan.
Son passage au Sénat en première lecture, après son examen à l'Assemblée nationale, va nous permettre, j'en suis sûre, des échanges approfondis sur les principales mesures qu'il contient, et je sais à quel point la contribution des sénateurs est importante pour le travail parlementaire.
Jusqu'à une période récente, les problèmes de sécurité sociale, vous en conviendrez, ont été traités dans l'urgence financière. La situation du régime général - le trop célèbre « trou » de la sécurité sociale - a conduit, au fil des années, les responsables publics à élaborer de nombreux plans de redressement. Les déficits furent importants, trouvant avant tout leur origine dans le recul de la croissance enregistré au cours de la première moitié des années quatre-vingt-dix.
Des décisions macro-économiques inadaptées intervenues entre 1993 et 1997 n'ont fait qu'approfondir la crise en croyant y porter remède : je veux parler des hausses massives et successives de prélèvements qui ont frappé les ménages, y compris les plus modestes, et qui ont handicapé le pouvoir d'achat, freiné la consommation et accru le chômage.
Ce gouvernement a, dès 1997, voulu inverser cette tendance ; même si la réussite n'est pas encore totale, la spirale est en tout cas inversée, ce dont nous sommes fiers. L'un des succès de ce gouvernement est en effet d'avoir redonné confiance aux Français.
Depuis 1997, l'économie française est sur un rythme de croissance moyen de 3 %, et les prévisions économiques du Gouvernement pour 2001 tablent, vous le savez, sur une croissance de 3,3 %. Depuis 1997, le chômage a reculé d'une façon qui n'avait jamais été observée jusqu'à présent, et 870 000 personnes ont donc retrouvé un emploi.
Ce résultat essentiel pour nos concitoyens a été obtenu par le redémarrage de la croissance mais aussi par des politiques spécifiques, et notamment - je veux le souligner à nouveau - par la réduction négociée du temps de travail ainsi que par les emplois-jeunes.
Nous sommes donc sortis de l'urgence financière. Après les lourds déficits de 1996 - 54 milliards de francs - et de 1997 - 33 milliards de francs - nous avons renoué avec l'équilibre des comptes de la sécurité sociale dès 1999. Ce bon résultat, nous le consolidons cette année et nous entendons le consolider encore davantage l'an prochain.
Notre sécurité sociale sera en excédent de 16,2 milliards de francs en 2000 et de 18,9 milliards de francs en 2001, selon les prévisions du projet de loi qui vous est soumis. Pour l'ensemble des administrations sociales, l'excédent atteindra 0,5 % de la richesse nationale en 2001. Les comptes sociaux contribuent désormais à la maîtrise des déficits et au désendettement du pays.
Mais l'assainissement des comptes n'est bien évidemment pas une fin en soi. C'est un moyen qui permet d'améliorer notre système de protection sociale au bénéfice de nos concitoyens. C'est la raison pour laquelle le projet de loi qui vous est proposé comporte des mesures favorables aux familles et aux retraités. Il améliore également sur plusieurs points la couverture maladie.
Il approfondit aussi la réforme du financement de la sécurité sociale que nous avons conduite à travers la diversification de ses ressources et la réforme de la contribution sociale généralisée, la CSG.
Enfin, plusieurs dispositions du présent projet de loi amplifient la politique de réforme structurelle qui a été engagée et qui commence à porter ses fruits.
Les choix que nous avons opérés seront discutés, ce qui est bien normal, car il en va ainsi du jeu démocratique. Mais je pense et j'espère que nous pourrons nous accorder sur les grandes priorités.
Nous ne pourrons pas aborder, lors des prochains jours, l'ensemble des questions qui nous intéressent et, à cet égard, je pense notamment à la politique de la santé. Le débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale est en effet enserré dans un cadre constitutionnel et organique qui a été déterminé, je le rappelle, en 1996. Nous pouvons en souligner les insuffisances ; le Gouvernement s'attache à corriger les plus évidentes.
C'est ainsi que nous prévoyons d'organiser un débat annuel au Parlement sur la politique de santé,...
M. Charles Descours, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie. Cela a déjà été dit l'année dernière !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... disposition que nous vous présenterons dans le cadre du projet de loi de modernisation du système de santé.
Mais, cette année encore, nous devons nous plier à l'exercice tel qu'il a été conçu par nos prédécesseurs.
Mieux répondre aux aspirations des Français, améliorer notre protection sociale, renforcer la qualité de notre système de santé, amplifier les réformes structurelles tout en préservant l'équilibre, tels sont les principaux axes de la politique que je compte conduire à travers ce projet de loi et au-delà, bien entendu, et que je vais maintenant brièvement évoquer.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, que j'ai l'honneur de vous présenter, comporte de nouvelles avancées sociales au profit des familles, des retraités et des accidentés du travail, qui bénéficieront ainsi, grâce à la solidarité nationale, des fruits de la croissance retrouvée.
Nous vous proposons d'abord de mieux aider les familles en renforçant l'aide à la petite enfance et l'aide au logement.
Les marges de manoeuvre retrouvées du fait de l'excédent de la branche famille nous permettent en effet de mener une politique familiale de grande ampleur. Cette politique repose sur trois principes : la concertation, l'identification des priorités et leur financement.
Le Gouvernement entend bien, en effet, faire porter l'effort sur des priorités fortes et dégager des financements appropriés, ce qui n'a pas toujours été le cas.
Sans revenir sur les principales mesures prises par le Gouvernement ces dernières années, je voudrais souligner que les actions décidées en faveur des familles lors de la Conférence de la famille du 15 juin dernier montrent la volonté du Gouvernement d'accélérer la rénovation de la politique familiale et de mieux prendre en compte les préoccupations des familles.
C'est en effet à cette occasion qu'a été annoncé par le Premier ministre un effort financier de grande ampleur - 10 milliards de francs - en faveur des familles ; ce plan sera évidemment réalisé en cherchant à apporter des réponses aux problèmes concrets que se posent les familles.
Nous ne dispersons pas l'effort public, nous le concentrons là où sont les vrais besoins. C'est ainsi que nous avons voulu privilégier deux axes principaux : les mesures en faveur de la petite enfance et les aides au logement. Le projet de loi qui vous est soumis comporte ainsi plusieurs avancées importantes en ce sens. Je citerai notamment, à cet égard, la création d'une allocation parentale permettant aux parents d'enfants atteints de graves maladies de demeurer aux côtés de ces derniers ; je citerai également la création d'un fonds d'investissement pour les crèches, doté de 1,5 milliard de francs, qui viendra soutenir les initiatives prises dans ce domaine, notamment par les collectivités locales. Je mentionnerai aussi la réforme de l'aide à la famille pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée, qui améliore, dans un souci de justice sociale, l'aide apportée aux familles les plus modestes.
Enfin, les aides au logement, qui sont financées à la fois par l'Etat et par la sécurité sociale, seront réformées, simplifiées et améliorées, permettant de donner une portée pratique à ce droit au logement qui est l'une des priorités du Gouvernement et l'un des objectifs principaux des associations de lutte contre l'exclusion.
Par ailleurs - c'est le deuxième axe de ce projet de loi -, le Gouvernement souhaite associer les retraités aux fruits de la croissance et mieux préparer l'avenir des régimes de retraite.
Parmi les mesures proposées dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 pour associer les retraités aux fruits de la croissance, je citerai la proposition du Gouvernement de revaloriser les pensions de 2,2 %, alors que l'inflation prévisionnelle s'élève à 1,2 %. Nous donnons ainsi un coup de pouce qui porte à 1,3 % le gain de pouvoir d'achat des retraités par rapport à 1997.
M. Claude Domeizel. Voilà une bonne mesure !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. J'ai annoncé, au cours de la première lecture de ce texte à l'Assemblée nationale, que le minimum vieillesse serait revalorisé dans les mêmes proportions, c'est-à-dire de 2,2 %.
Par ailleurs, pour les retraités les plus modestes qui ne sont pas imposables à l'impôt sur le revenu, le Gouvernement propose d'accorder un gain de pouvoir d'achat supplémentaire et, à cette fin, de supprimer pour eux la contribution pour le remboursement de la dette sociale, la CRDS, qui s'élève à 0,5 % ; cette mesure devrait concerner près de 5 millions de retraités.
M. Claude Domeizel. Voilà une deuxième bonne mesure !
M. Charles Descours, rapporteur. Il nous cherche !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Mais j'apprécie beaucoup ce genre de remarques et j'en remercie Claude Domeizel ! (Sourires.)
Le Gouvernement souhaite non seulement associer les retraités - c'est approuvé dans la partie gauche de l'hémicycle - aux résultats des fruits de la croissance, mais également préparer l'avenir de nos systèmes de retraite. (Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance vieillesse. C'est moins évident, cela !
M. Charles Descours, rapporteur. C'est dommage que la CNAV ait voté contre !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Ecoutez-moi, messieurs ! Vous allez voir, puisque je vous sens impatients sur ce sujet !
Le Premier ministre a annoncé, en mars dernier,...
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Il annonce beaucoup de choses !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... les orientations et le calendrier de travail que nous nous étions fixés.
Le présent projet de loi comporte plusieurs dispositions destinées à accroître les ressources du fonds de réserve des retraites pour mieux faire face aux conséquences des évolutions démographiques de long terme et pour répondre à notre principal objectif, qui est la consolidation des régimes de retraite par répartition, système permettant le mieux d'assurer la solidarité entre les générations.
Le fonds de réserve, créé en 1998, s'est vu affecter des ressources nouvelles dès 1999 avec les excédents de la Caisse nationale d'assurance vieillesse, la CNAV, et du fonds de solidarité vieillesse, la moitié du prélèvement de 2 % sur les revenus du patrimoine, les contributions des caisses d'épargne et de la Caisse des dépôts et consignations,...
M. Jean-Louis Carrère. Ah oui !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... auxquels s'ajoute la majeure partie des produits de la vente des licences de téléphonie mobile de troisième génération.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Pas encore !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Si vous adoptez ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, mesdames, messieurs les sénateurs, le fonds de réserve disposera ainsi de plus de 50 milliards de francs à la fin de l'année prochaine.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Placés en bons du Trésor !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Les ressources du fonds s'accroissent donc, conformément aux engagements pris par le Gouvernement.
Avec les sources de financement actuelles, le fonds de réserve devrait disposer de 1 000 milliards de francs en 2020, dont 300 milliards de francs proviendront des intérêts financiers. Cette somme correspond à la moitié des déficits prévisionnels des régimes de retraite entre 2020 et 2040. Il importe, en effet, de réfléchir collectivement aux règles d'organisation et de placement du fonds de réserve, et j'ai entendu à l'instant les remarques formulées à cet égard par M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Absolument !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le fonds est appelé à gérer l'argent de nos concitoyens. Il devra le faire dans la transparence, en ayant le souci de la bonne utilisation des deniers publics. Des dispositions en ce sens figureront dans le projet de loi de modernisation sociale.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Nous les attendons !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Sur ces questions essentielles, vos réflexions me seront évidemment très précieuses.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Nous ne manquerons pas de vous les faire connaître !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je voudrais aussi souligner la qualité et l'intérêt des travaux que le conseil d'orientation des retraites, installé par le Premier ministre, a engagés. Ce conseil mène, vous le savez, une concertation active avec les élus et les partenaires sociaux et explore avec eux différents scénarios, différentes perspectives financières, compte tenu de l'évolution - heureusement positive - de la croissance et de l'emploi.
Le conseil d'orientation des retraites fera des propositions sur la base des consultations qu'il mène pour tous les régimes et le Gouvernement prendra, sur ces bases, ses décisions.
Notre volonté, je le redis, est de défendre les retraites des Français et, pour cela, de garantir les régimes par répartition, gage de la solidarité entre les générations.
Comme preuve de cette volonté, le Gouvernement a accepté que l'abrogation de la loi Thomas soit incluse dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, et l'Assemblée nationale y a procédé en première lecture. Je me réjouis d'ailleurs de voir que l'opposition se rallie, dans ses propositions, à la consolidation des régimes de retraite par répartition...
M. Charles Descours, rapporteur. Elle l'a toujours dit !
M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Elle n'a jamais été contre !
M. Jean-Pierre Fourcade. Elle s'y est toujours ralliée !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Mais c'est vous qui avez fait voter la loi Thomas en 1996 !
J'espère que nous allons nous retrouver sur cet objectif, évidemment essentiel pour la majorité.
Préparer l'avenir, c'est aussi proposer une réforme de la prestation dépendance.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Ah oui !
M. Guy Fischer. Cette réforme est attendue !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Vous devriez être attentifs sur ce point, parce que cela concerne plusieurs d'entre vous qui sont président de conseil général en même temps que sénateur.
Le Gouvernement s'est prononcé pour la création d'une prestation autonomie qui corrige les défauts de l'actuelle prestation dépendance. Cela permettra d'aborder dans de meilleures conditions cette autre question qui est posée aujourd'hui par le vieillissement et qui fait qu'un nombre toujours plus grand de personnes âgées a besoin d'assistance dans la vie quotidienne.
Nous travaillons ainsi sur tous les aspects de la question posée par le vieillissement de la population : mieux prendre en charge les personnes âgées dépendantes, consolider les retraites par répartition et faire de la retraite un âge heureux de la vie.
Le troisième axe de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est la mise en place d'une meilleure indemnisation des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles.
Ce gouvernement a conduit un important travail pour améliorer la reconnaissance et la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles. Je pense au raccourcissement des délais de réponse des caisses, à la réforme du tableau des maladies professionnelles, ou encore aux garanties sur les délais de réponse aux victimes. Nous connaissons tous, en effet, les souffrances qu'endurent les victimes de l'amiante et le drame que vivent ceux qui leur sont proches.
Nous avons déjà pris un certain nombre de mesures particulières en faveur de ces victimes, comme le dispositif de cessation anticipée d'activité pour les travailleurs de l'amiante.
Cette année, le Gouvernement vous propose d'aller plus loin en adoptant une réforme décisive : au nom de la solidarité nationale, il nous paraît en effet fondamental que la collectivité accorde aux victimes de l'amiante une juste réparation.
Le Gouvernement a donc décidé - et vous propose - de créer un fonds d'indemnisation financé par les employeurs, via la branche des accidents de travail, et par le budget de l'Etat. Ce fonds sera doté de 2 milliards de francs dès 2001.
Mais il est vrai que le drame de l'amiante a aussi montré les limites de la législation sur les accidents du travail et les maladies professionnelles en matière d'indemnisation, ainsi que la lourdeur des procédures.
C'est pourquoi le Gouvernement a demandé au président de la commission spécialisée du conseil supérieur de prévention des risques professionnels, en charge des maladies professionnelles, de lancer dans les plus brefs délais une réflexion large sur la réparation des risques professionnels, en concertation étroite avec l'ensemble des partenaires concernés.
Le quatrième axe de ce projet est l'amélioration de la qualité de notre système de santé, tout en maîtrisant correctement l'évolution des dépenses.
L'objectif qui vous est proposé pour 2001 a été fixé en ayant pour but de renforcer l'efficacité de notre système de santé en tenant compte, à la fois, du cadre économique et financier de la nation et de l'impact des politiques structurelles que nous avons lancées.
Le Gouvernement a retenu un objectif national de dépenses d'assurance maladie pour 2001 de 693,3 milliards de francs, en progression de 3,5 % par rapport à 2000. Cette progression, plus rapide que celle qui vous avait été proposée pour cette année, est cohérente avec la situation économique et financière générale de notre pays et permet de financer de nouvelles avancées dans la qualité de notre système de santé et de la couverture maladie.
Quels sont, sur cette base, les principaux objectifs que nous vous proposons ?
D'abord, il s'agit de répondre aux priorités de santé publique. Je pense, notamment, au plan « cancer » et au plan « greffes ». Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé, reviendra plus longuement sur ces politiques. Je souhaite, en particulier, que l'effort en faveur du dépistage systématique de certains cancers à risques soit amplifié.
Nous souhaitons également répondre efficacement aux progrès de la connaissance médicale, notamment en matière de réduction des risques sanitaires : je pense, en particulier, à la maladie de Creutzfeldt-Jakob et à son nouveau variant.
Un effort particulier sera fait, commes les années précédentes, en faveur des établissements médico-sociaux pour accompagner le développement du nombre de places pour les personnes handicapées et la médicalisation des établissements pour personnes âgées dépendantes. Ce secteur verra ses crédits progresser de 5,8 %.
Quant aux budgets hospitaliers, ils augmenteront de 3,3 %, au lieu de 2,5 % cette année. C'est ce même taux qui est retenu pour les cliniques privées, marquant en cela le souci du Gouvernement de répondre aux questions qui se posent aujourd'hui dans l'hospitalisation privée.
S'agissant des soins de ville, ils pourront progresser de 3 %, au lieu de 2 %, cette année. Les caisses d'assurance maladie et les professionnels de santé devront gérer cet objectif de façon responsable, avec le souci d'infléchir durablement les tendances en matière de dépenses de ville. Les outils structurels de maîtrise des dépenses et d'amélioration de la qualité des soins existent ; il faut qu'ils s'en saisissent !
Nous avons également fixé l'objectif pour 2001 en tenant compte de l'évolution des dépenses observées cette année.
Cette année, le dépassement de l'ONDAM devrait atteindre 1,6 % par rapport à l'objectif fixé de 658,3 milliards de francs l'an dernier, en prenant en compte les reports de dépenses de la fin de 1999. Le dépassement pour 2000 s'élèvera donc à 11 milliards de francs.
Au total, les dépenses d'assurance maladie devraient évoluer, cette année, à un rythme un peu supérieur à 4 %.
Quelles sont les causes de ce dépassement ?
Cette année encore, les soins délivrés en ville sont responsables de ce phénomène : le médicament à hauteur de 6,2 milliards de francs, les honoraires de certaines professions de ville pour 3,8 milliards de francs, les indemnités journalières pour 1,7 milliard de francs, et les divers produits médicaux inscrits au tarif interministériel des prestations sanitaires, le TIPS, pour 1,6 milliard de francs.
Pour autant, je voudrais souligner que la part de nos dépenses de santé dans la richesse nationale est restée stable puisque, depuis 1997, elle se situe autour de 10 % du produit intérieur brut, alors qu'elle continuait d'augmenter chez certains de nos partenaires, qu'il s'agisse des Etats-Unis, de l'Allemagne ou du Royaume-Uni.
Je suis très attachée à ce que notre système de santé soit préservé tout en se réformant dans la concertation, parce qu'il conjugue une grande liberté au profit de ses acteurs, une grande exigence de solidarité et une recherche permanente de la qualité des soins. C'est, sans doute, l'un des meilleurs systèmes au monde !
A la lueur des expériences étrangères, nous savons d'ailleurs qu'il n'existe pas de système idéal permettant d'assurer une maîtrise parfaite des dépenses avec un niveau optimal de qualité des soins. Seul le système anglais paraît assurer une telle maîtrise des dépenses, mais à quel prix : la maîtrise systématique des dépenses a conduit, ces dernières années, à de tels rationnements des soins dans ce pays que le gouvernement travailliste de Tony Blair s'efforce, à l'heure actuelle, de moderniser ce système en profondeur !
Pour autant, je tiens à le souligner, la maîtrise des dépenses de santé est une nécessité, et elle suppose la responsabilité de chacun des acteurs, qu'il s'agisse de l'Etat, au premier chef, mais aussi des caisses d'assurance maladie, des praticiens libéraux et des malades eux-mêmes.
Il me paraît plus que jamais nécessaire, à cet égard, que les objectifs votés par le Parlement soient respectés, car je pense que c'est en maîtrisant mieux les dépenses que nous trouverons les marges de manoeuvre permettant de couvrir de nouveaux besoins et d'améliorer le niveau de protection de nos concitoyens. Chaque franc dépensé doit l'être à bon escient. Les dépenses qui ne répondent pas aux besoins réels, ce sont des cotisations en trop ou des dépenses justifiées en moins ! Il nous faut donc poursuivre l'effort de longue haleine entrepris en matière de réformes structurelles.
C'est d'abord le cas à l'hôpital. Nous menons une politique active de recomposition du tissu hospitalier autour de trois priorités : la réduction des inégalités dans l'accès aux soins, l'adaptation de l'offre de soins aux besoins de la population, la promotion de la qualité et la sécurité des soins.
En particulier, la réflexion pour fonder la tarification des établissements de santé sur les pathologies traitées est engagée, à la suite des dispositions que vous avez votées l'an dernier.
Nous devons disposer de données d'activité hospitalière fiables et rapidement disponibles. A cette fin, nous vous proposons de créer une agence technique de l'information sur l'hospitalisation.
En matière de sécurité sanitaire, des mesures importantes seront prises en 2001 pour améliorer la qualité des procédures de désinfection et de stérilisation et développer l'utilisation de dispositifs médicaux à usage unique, mesures très importantes auxquelles nous allons donner une ampleur sans précédent.
Le Gouvernement accompagne de manière significative ce mouvement de recomposition de l'offre hospitalière par le fonds de modernisation sociale des établissements de santé, le FMES, dont la création est proposée dans le présent projet de loi.
Les réformes structurelles doivent également s'appliquer aux dépenses de médicaments.
Ces dépenses progressent de 6 % à 7 % cette année, soit une évolution très proche de celle de l'année précédente. Il est vrai que la France ne constitue pas, dans ce domaine, une exception, puisque la plupart des pays occidentaux connaissent une évolution encore plus rapide des dépenses de médicaments. Il faut dire cependant que, si nous ne nous distinguons pas sur le plan des flux, le niveau de notre consommation médicale est beaucoup plus élevé que dans nombre de pays voisins.
Plusieurs réformes engagées porteront leurs fruits dès 2001, et plus encore les années suivantes.
Le développement des génériques s'amorce. Nous ferons dans les prochains jours avec les pharmaciens un bilan précis de la progression des médicaments génériques et des économies dont la sécurité sociale a bénéficié.
L'année 2000 marque une nouvelle étape avec l'achèvement de la procédure de réévaluation des médicaments. La commission de la transparence a examiné l'efficacité médicale de près de 2 663 spécialités, ce qui représente plus des deux tiers des spécialités pharmaceutiques françaises.
Nous avons, sans tarder, tiré les conséquences de ces travaux en ajustant le taux de remboursement de certaines spécialités. Parallèlement, le comité économique a conduit avec les laboratoires concernés des négociations pour faire baisser les prix des spécialités dont le SMR, le service médical rendu, a été jugé insuffisant.
Les spécialités dont le SMR a été jugé insuffisant ne seront, à terme, plus remboursées. Cela ne doit cependant pas se faire dans la précipitation. Il importe de donner aux patients, aux prescripteurs, mais aussi aux laboratoires, le temps de s'adapter aux changements qui s'annoncent. A l'issue d'une période transitoire 2000, 2001, 2002, les médicaments à SMR insuffisant sortiront du remboursement.
Certains articles du projet de loi qui vous est soumis accompagnent cette évolution, notamment - et c'est très important - en facilitant le recours à la publicité pour les médicaments qui ne seront plus pris en charge par l'assurance maladie, et surtout en apportant aux médecins une autre information que celle dont ils disposent aujourd'hui et qui, nous le savons tous, est essentiellement diffusée par l'industrie pharmaceutique, avec des moyens considérables. Il suffit, pour s'en convaincre, de rappeler que les dépenses de promotion pharmaceutique des laboratoires dépassent 12 milliards de francs. Que ne pourrait-on faire avec ces 12 milliards de francs ?
Aujourd'hui, nous souhaitons apporter non pas une information d'Etat mais une information neutre, validée scientifiquement, sur le bon usage du médicament. Ainsi, un groupe confraternel d'information des prescripteurs sera prochainement mis en place par le Gouvernement. Dès cette année, nous lui donnerons les moyens de fonctionner. A cette fin, nous vous proposons de créer un fonds de promotion de l'information médicale, alimenté par une fraction de la taxe sur la promotion pharmaceutique.
Enfin, nous vous proposons de modifier la contribution de l'industrie pharmaceutique que l'on appelle la « clause de sauvegarde ». Son mode de calcul a aujourd'hui besoin d'être revu, car il comporte des effets de seuil peu lisibles. L'Assemblée nationale a contribué à améliorer encore la lisibilité et l'efficacité de cette clause.
Comme les gestionnaires de la CNAM l'ont souhaité, la régulation des dépenses des professionnels exerçant en ville repose, depuis le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, sur une large délégation de gestion aux caisses d'assurance maladie. Elles doivent ainsi gérer, de façon concertée et négociée, les dépenses d'honoraires, de biologie et de transport sanitaire. Dans ces secteurs aussi, la maîtrise structurelle doit s'appliquer.
Un amendement adopté par l'Assemblée nationale est venu améliorer la rédaction de la loi ; je ne peux que m'en féliciter. Il est normal que ce dispositif se rôde et que les modifications que souhaite le Parlement puissent y être apportées, lorsqu'elles se révèlent utiles.
Les professionnels demandaient la possibilité de s'engager avec les caisses sur des actions permettant de sortir d'une régulation qui serait purement financière. Nous leur avons donné de nombreux outils pour ce faire. Il faut maintenant que ces mécanismes fonctionnent pleinement.
Il en va ainsi des réseaux et, plus largement, des actions améliorant la qualité des soins. Le fonds d'aide à la qualité des soins de ville, créé à cet effet, commence heureusement à fonctionner.
Parallèlement à la concrétisation des réformes structurelles, nous voulons poursuivre une politique déterminée d'amélioration de la couverture maladie de nos concitoyens.
Ce sont là les mesures qui concernent la couverture maladie universelle. D'ores et déjà, 4 700 000 personnes ont pu avoir accès à ce nouveau droit, soit beaucoup plus que les 2 800 000 bénéficiaires de l'ancienne aide médicale. Je me félicite, à ce propos, de la mobilisation de l'ensemble des acteurs : professionnels de santé, caisses d'assurance maladie, collectivités locales, organismes de couverture complémentaire et associations humanitaires.
A l'Assemblée nationale, j'ai annoncé le relèvement du seuil de 3 500 à 3 600 francs et le prolongement des droits des anciens bénéficiaires de l'aide médicale jusqu'à la fin juin, au lieu du 31 octobre. Cette disposition nous permettra d'étendre la CMU à 300 000 personnes suppplémentaires et également de mieux traiter les cas des personnes qui risqueraient d'être exclues du dispositif. Je suis convaincue que nous pourrons trouver, avec les conseils généraux qui sont concernés, les mesures indispensables à cette fin.
Nous avons également dégagé 10 milliards de francs pour l'hôpital sur trois ans, dont 2 milliards de francs dès cette année pour faire face aux remplacements. Nous améliorons l'équipement sanitaire de la France en appareils d'imagerie à résonance magnétique.
Nous favorisons la vaccination des personnes âgées contre la grippe, nous facilitons l'accès des femmes à la contraception, nous développons la prise en charge des prothèses auditives pour les sourds et des lunettes, notamment pour les seize à dix-huit ans. Cela résulte, là encore, d'un amendement adopté à l'Assemblée nationale.
Nous mettons en oeuvre un ambitieux programme de lutte contre le cancer, qui propose pour la première fois une approche intégrée organisant la mobilisation de tous les acteurs, de la recherche à la prise en charge des personnes malades et de leurs familles. Ce plan représente un engagement de 1,8 milliard de francs.
Nous améliorons, par ailleurs, la nomenclature des actes des professionnels exerçant en ville : mieux adaptée aux évolutions de la pratique, elle autorise le remboursement de nouveaux actes. C'est ainsi que nous avons travaillé avec les infirmières, dont la nomenclature a été revue à trois reprises.
L'introduction du projet de soins infirmiers, voulue par les caisses et certains syndicats - à vrai dire tous, comme j'ai pu m'en rendre compte, sous réserve de discussions sur les modalités - constitue un progrès pour les personnes dépendantes, en renforçant l'autonomie des professionnels.
De même, pour les masseurs-kinésithérapeutes, un grand pas a été franchi avec la publication de la nouvelle nomenclature, très attendue par la profession.
Sur les soins dentaires, dans l'attente des conclusions de M. Michel Yahiel, deux nouveaux actes vont être admis au remboursement, anticipant sur la refonte complète de la prise en charge.
Enfin, les non-salariés non agricoles bénéficient d'une amélioration de la couverture maladie. Il y aura donc désormais un socle commun entre le régime général, les régimes des exploitants agricoles et des salariés agricoles et ceux des professions indépendantes.
Enfin, dernier axe de ce projet de loi, nous entendons franchir une nouvelle étape en matière de réforme du financement de la sécurité sociale.
C'est ainsi que le projet de loi qui vous est soumis comporte une mesure importante d'allégement de la CSG et de la CRDS pour les ménages modestes.
Le Gouvernement vous propose en effet d'instituer une ristourne dégressive de CSG et de CRDS, comprise entre 1 et 1,3 fois le SMIC, ce dernier seuil ayant été porté à 1,4 fois par amendement à l'Assemblée nationale.
Cette mesure se déploiera au cours des trois prochaines années et représentera, au terme de ces trois ans, l'équivalent d'un treizième mois pour les smicards.
A travers cette mesure, le Gouvernement vise trois objectifs.
Tout d'abord, réduire l'écart entre salaire brut et salaire net. C'est, je le sais, une préoccupation que partagent nombre d'entre vous, et pas seulement, semble-t-il, dans la majorité. En 2003, le SMIC net sera relevé de 540 francs par mois.
Ensuite, accroître le pouvoir d'achat. Beaucoup d'inexactitudes ont été entendues sur ce sujet. Au total, depuis 1997, le pouvoir d'achat par tête s'est accru de 1,1 % par an en moyenne. En particulier, la suppression des 4,8 points de cotisations maladies, auxquels se sont substitués 4,1 points de CSG, a permis de distribuer du pouvoir d'achat aux salariés. Au total, depuis 1997, le SMIC net s'est déjà accru de l'équivalent d'un treizième mois. Avec la mesure que nous vous proposons ici, c'est donc un avantage du même ordre, en termes de gain de pouvoir d'achat, qui sera consenti aux smicards d'ici à 2003.
Enfin, troisième objectif, il convient de lutter contre les « trappes à inactivité ». Cette mesure renforce en effet l'attrait du revenu d'activité par rapport aux minima sociaux et complète ainsi une série de dispositions déjà prises par le Gouvernement pour rendre financièrment moins pénalisant le retour à l'emploi, qu'il s'agisse de la réforme des dégrèvements de la taxe d'habitation, de la réforme des aides au logement ou de la mise en place de l'intéressement des RMistes, qui permet le cumul d'un revenu d'activité et de l'allocation pendant un an. Vous l'avez compris, cette mesure de ristourne dégressive de la CSG et de la CRDS a un seul but : l'emploi.
En conclusion, mesdames, messieurs les sénateurs, je crois que nous pouvons nous réjouir de la poursuite de l'assainissement financier de la sécurité sociale.
Le redressement des comptes est, d'abord, le fruit des réformes structurelles que nous avons patiemment engagées. C'est ce qui nous permet de faire progresser les acquis sociaux, aussi bien en matière de santé qu'en matière de mesures en faveur des familles, des retraités ou des victimes d'accidents du travail, et je ne doute pas que les précisions que je viens d'apporter conduiront M. Descours à modifier le jugement qu'il a cru devoir porter devant la presse voilà quelques jours.
J'attends naturellement avec intérêt son discours, dans lequel il ne manquera certainement pas de souligner l'évolution des politiques par rapport à celles qui ont été menées, dans une période antérieure, par une majorité qu'il soutenait. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Charles Descours, rapporteur. Vous ne serez pas déçue, madame le ministre !
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, Mme la ministre vient de le dire, l'équilibre des comptes de la sécurité sociale a été atteint. Cet objectif était délibérément visé, et nos concitoyens souhaitaient qu'on l'atteigne, car ils savent que, sans cet équilibre, il n'y a ni d'égalité, ni qualité, ni justice dans l'accès aux soins.
Nous n'ignorons pas le mécontentement qu'expriment certains professionnels de santé, pas plus que les efforts réalisés par nombre d'entre eux pour nous aider à atteindre cet objectif d'équilibre.
Mais parce que cet équilibre est encore fragile - la branche maladie continue à être déséquilibrée - nous veillerons à ce qu'aucun dérapage ne vienne le compromettre. Le fait qu'il soit retrouvé nous permet en tout cas de parler aujourd'hui avec sérénité de la santé publique.
Longtemps sous-estimée, la définition claire d'une politique de santé publique est devenue en quelques années une exigence des élus, des professionnels et, de façon encore plus large, des usagers et des citoyens.
Même si, cette année, l'exercice nous conduit encore à parler surtout des comptes de la sécurité sociale, je vais, puisque vous m'y encouragez, développer rapidement les grands axes de cette politique de santé publique que poursuit le Gouvernement et qui sont les suivants : rendre égal l'accès aux soins, renforcer la sécurité, développer la transparence et le droit des malades, développer la prévention et l'éducation pour la santé, continuer d'améliorer la prise en charge des malades.
Premier axe, donc, rendre égal l'accès aux soins.
Désormais, l'ensemble de nos concitoyens bénéficient d'un accès aux soins de santé grâce à la mise en oeuvre de la CMU et grâce aussi à la prolongation du dispositif d'aide médicale gratuite, ce qui permettra d'adapter les dispositifs les uns par rapport aux autres.
Par ailleurs, l'élaboration des programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins, les PRAPS, a dynamisé la mobilisation de l'ensemble des intervenants dans le domaine de l'accès aux soins.
Les hôpitaux, quant à eux, ont mis en place des permanences d'accès aux soins de santé, les PASS, qui permettent l'accès à des consultations à tout moment. Près de 300 permanences d'accès aux soins ont été financées en 1999, et nous renforcerons les moyens de ces permanences l'année prochaine.
J'en viens au deuxième axe, à savoir le renforcement de la sécurité.
Vous le savez, le besoin de sécurité sanitaire est une exigence forte de nos concitoyens. Le 1er janvier dernier, la mise en place, prévue par la loi, de l'établissement français du sang est venue renforcer le dispositif de prévention sanitaire prévu par le législateur en juillet 1998. Ce dispositif sera prochainement complété par la création de l'agence de sécurité sanitaire environnementale, chargée d'expertiser et d'évaluer l'impact potentiel des perturbations de l'environnement sur la santé humaine.
En trois ans, la France se sera dotée d'un dispositif permettant l'évaluation scientifique, la gestion des risques et la transparence des décisions. Ce dispositif permet à la France d'impulser, grâce à un savoir-faire et à une expérience reconnus, une politique européenne de sécurité sanitaire.
Nous poursuivons, par ailleurs, les programmes de lutte contre les infections nosocomiales et les accidents iatrogènes. Les techniques de fonctionnement de la sécurité anesthésique, de l'accueil et du traitement des urgences sont progressivement encadrées.
Le troisième axe consiste à développer la transparence et les droits des malades.
Nos concitoyens souhaitent un système de soins plus transparent et plus ouvert à leur propre participation, nous le savons tous.
Le développement de l'accréditation contribue à cet effort. L'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, l'ANAES, a rendu publics, en juin 2000, les premiers comptes rendus d'accréditation : en juillet, quelque 186 établissements de santé étaient engagés dans la procédure d'accréditation.
A la suite des états généraux de la santé, qui ont montré la forte attente de la population, nous proposerons, dans les semaines qui viennent, à travers le projet de loi de modernisation du système de santé, une réponse aux attentes exprimées, en suivant les conclusions du Premier ministre lors de la clôture de ces états généraux.
Alors que la science, la médecine ont beaucoup progressé et ont permis un accroissement important de la longévité, la prévention doit maintenant être au centre de notre système de santé.
Il convient, tout d'abord, de lutter contre les maladies infectieuses, en poursuivant le programme national de lutte contre l'hépatite C. En 2001, ce programme de dépistage et de prévention sera renforcé, en particulier en direction des usagers de drogues, des personnes détenues et des professionnels réalisant des tatouages et du piercing.
Nous continuerons avec détermination la lutte contre le sida. En 2001, nous allons renforcer les actions à destination des publics les plus vulnérables, à savoir les femmes, les populations migrantes et les jeunes.
Pour améliorer la prise en charge des personnes malades en situation de précarité, nous proposons le transfert du dispositif expérimental d'appartement de coordination thérapeutique destiné aux personnes atteintes du sida dans le cadre commun de la loi de 1975 relative aux institutions médico-sociales.
Ensuite, nous prenons en charge et nous prévenons les pratiques addictives. Il s'agit, avant tout, du tabagisme et de l'abus d'alcool. Si nous ne réussissons pas à inverser la tendance, il s'agira probablement dans les prochaines années des causes empêchant la progression de l'espérance de vie.
En ce qui concerne la lutte contre le tabagisme, nous poursuivons les actions annoncées en mai 1999 selon trois axes : le renforcement de l'information de la population, l'aide au sevrage tabagique et la protection des non-fumeurs.
Le délistage des produits de substitution nicotiniques a ainsi permis de doubler le nombre de tentatives de sevrage. Quand on sait qu'un fumeur sur deux déclare avoir envie d'arrêter de fumer, nous devons nous appuyer sur cette détermination pour protéger la santé de nos concitoyens.
Pour consolider les consultations de prévention individuelle de l'alcoolisme réalisées dans les structures d'hébergement, nous proposons une prise en charge par l'assurance maladie des organismes locaux chargés de ces consultations.
Ces efforts s'inscrivent dans la poursuite des objectifs fixés par le plan triennal de lutte contre la drogue et de prévention des dépendances adopté en juin 1999.
D'autres programmes de prévention tout aussi importants sont mis en oeuvre. Sans entrer dans le détail, je citerai ceux qui concernent la prévention du suicide, que j'ai présenté à Nantes à la fin du mois de septembre, l'application de la loi du 23 mars 1999 relative à la protection de la santé chez les sportifs et à la lutte contre le dopage, enfin, la nutrition, qui est le thème prioritaire de santé publique porté par la France pendant sa présidence européenne et qui sera le thème d'un colloque européen en décembre prochain.
Nous allons continuer d'améliorer la prise en charge des malades, et tout d'abord des malades atteints d'un cancer. C'est une priorité essentielle de santé publique car chaque année 250 000 nouveaux malades sont diagnostiqués.
Le dispositif français dans ce domaine n'est pas suffisamment organisé. La Cour des comptes l'a relevé dans le rapport qu'elle nous a remis au début de cet automne. En février dernier, Martine Aubry et moi-même avons annoncé un ambitieux programme national qui s'articule autour de cinq axes, que Mme Guigou vous a rappelés tout à l'heure.
L'un des axes attendu de ce programme concerne le dépistage généralisé des cancers du sein, du col de l'utérus et colorectal. En juillet dernier, la circulaire précisant les modalités du dépistage du cancer du sein a été publiée ; celle concernant le cancer colorectal le sera dans les semaines qui viennent. Les discussions tarifaires sont en cours. Ces programmes vont donc pouvoir se généraliser comme prévu, progressivement, en garantissant l'égalité d'accès à toutes les personnes.
Pour compléter ce dispositif de lutte contre le cancer, une ambitieuse politique de santé publique du prélèvement et de la greffe a été engagée parallèlement. La greffe ne peut réussir que s'il y a prélèvement et disponibilité du greffon. En ce domaine, nous devons faire un gros effort pour sensibiliser nos concitoyens à cet acte de solidarité majeur.
Nous poursuivons par ailleurs les programmes que nous avions annoncés : lutte contre la douleur, développement des soins palliatifs, organisation de l'hospitalisation à domicile.
En ce qui concerne la santé des femmes, vous connaissez l'engagement du Gouvernement dans ce domaine. Je rappellerai simplement notre volonté de garantir l'accès à l'IVG et à la contraception et les projets de loi visant à revoir et à moderniser les lois Neuwirth et les lois Veil.
En matière de santé mentale, au-delà du programme d'actions concernant la prévention du suicide que j'ai évoqué, nous avons entamé une large réflexion nationale dans le domaine de la santé mentale.
L'attente de nos concitoyens évolue en ce domaine alors que l'image traditionnelle de la psychiatrie accuse un décalage grandissant, qui se manifeste désormais aussi par une désaffection des professionnels de santé pour la psychiatrie publique du secteur, qu'il s'agisse des médecins ou des infirmières.
Nous souhaitons donc travailler avec tous les professionnels à une intégration renforcée du dispositif de prise en charge des maladies mentales dans le dispositif général de l'offre de soins.
Avant de conclure, j'aimerais rappeler deux autres programmes qui me tiennent à coeur.
Il s'agit, en premier lieu, de la prise en charge des enfants dysphasiques et dyslexiques - vous savez que 4 % à 5 % des enfants sont concernés. Avec le ministre de l'éducation nationale, nous avons mis en place un plan d'actions qui permettra une prévention de ces troubles du langage, un diagnostic plus rapide, plus sûr, et une meilleure prise en charge.
Il s'agit, en second lieu, de la santé des personnes détenues. Depuis trois ans, nous avons renforcé l'accès aux soins, développé la prévention des pratiques addictives et amélioré le dépistage du VIH et des hépatites. Avec Elisabeth Guigou, nous souhaitons renforcer ces actions en permettant, en particulier, que les personnes détenues qui en ont besoin puissent être hospitalisées dans de bonnes conditions, dans des conditions dignes de la personne humaine. A cette fin, l'installation d'unités sécurisées interrégionales a été décrétée dans huit centres hospitalo-universitaires.
Par ailleurs, nous avons engagé la définition de guides de bonnes pratiques pour la prise en charge, l'accompagnement et le suivi de patients atteints de maladies rares et pourtant très graves, ainsi que de leur famille.
Telles sont, en quelques mots, les grandes lignes de la politique de santé publique que nous menons. Je suis convaincue que cette politique va dans le sens des aspirations et des besoins de nos concitoyens. Elle participe à l'amélioration des conditions de santé de tous. Je suis également convaincue que nous devons aujourd'hui nous engager résolument dans la modernisation de notre système de santé, une modernisation voulue et comprise par tous les professionnels de santé et qui doit se traduire par une plus large place faite aux usagers et aux malades.
Aujourd'hui, par la politique que nous menons, et notamment par la loi de lutte contre les exclusions, nous avons contribué à faire reculer les inégalités de santé. Demain, pour aller plus loin, nous devons introduire plus de démocratie au coeur du système de santé. Je sais que cet idéal rencontre l'adhésion de beaucoup d'entre vous et je vous en remercie. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE).
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie. Madame le ministre, je voudrais d'abord vous souhaiter la bienvenue au Sénat dans vos nouvelles fonctions, mais vous dire que le texte que vous avez à défendre pour la première fois dans cet hémicycle souffre de beaucoup de critiques partagées par de nombreuses personnes. (Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Guy Fischer. C'est exagéré !
M. Charles Descours, rapporteur. Il est dommage - et je m'adresse également à l'opposition sénatoriale - que les conseils d'administration des caisses et les professionnels de santé n'aient pas lu avec les mêmes lunettes que vous, si j'ose dire, le projet de loi que vous nous proposez. (Sourires).
Je rappelle en effet, au cas où quelqu'un dans cet hémicycle l'aurait oublié, que les quatre conseils d'administration des caisses ont tous, à l'unanimité - j'insiste - voté contre le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Quant aux professionnels de santé, il faut croire que tous les efforts que vous nous avez déclaré vouloir faire, madame le ministre, en faveur des kinésithérapeutes, des infirmiers et des médecins ne sont pas arrivés jusqu'à eux puisqu'ils ont fait une journée « santé morte » le 26 octobre, jour où vous inauguriez vos nouvelles fonctions à l'Assemblée nationale. Et les spécialistes fermeront leur cabinet à partir du 15 novembre.
Votre discours introductif ne m'a pas, pour ma part, convaincu, mais peut-être convaincra-t-il les professionnels de santé...
La sécurité sociale est en excédent - c'est vrai - pour la première fois depuis dix ans.
Au-delà de cette bonne nouvelle, que personne ne conteste, pouvons-nous dire que la France dispose d'une sécurité sociale en meilleure santé ? Je ne le pense pas et je souhaiterais, à cet égard, faire deux observations sur les années 1999 et 2000.
Première observation, le redressement des comptes a été fragile. Il s'explique par une forte augmentation de la masse salariale grâce au dynamisme de la création d'emplois et malgré la modération salariale,...
M. Claude Domeizel. C'est bien de le reconnaître !
M. Charles Descours, rapporteur. ... ce qui s'explique, selon le Gouvernement lui-même, par la mise en place des trente-cinq heures.
Le Gouvernement rappelle que le redressement de la sécurité sociale est à porter à l'actif non seulement de la croissance, mais également des « mesures structurelles » ; madame la ministre, vous venez de nous le redire. Toutefois, ces « mesures stucturelles » ne sont pas des mesures d'économie, mais correspondent à l'affectation de nouveaux prélèvements à la sécurité sociale.
Il faut souligner que pour ces deux raisons - mesures structurelles et forte augmentation de la masse salariale - la sécurité sociale bénéficie de ce que nous appelons, probablement abusivement, une « cagnotte sociale ». De prélèvement obligatoire en prélèvement obligatoire, cette « cagnotte sociale » se serait élevée à 7 milliards de francs en 1999 et à 12,5 milliards de francs en 2000.
Même limitée - surtout en comparaison de la « cagnotte fiscale » ! - force est de constater que cette « cagnotte sociale » a été utilisée intégraleme nt pour financer le dérapage des dépenses maladie, sur lesquelles je reviendrai dans un instant.
Le régime général, je l'ai dit, est équilibré en 1999. Mais le contenu de cet équilibre a été profondément modifié : alors que la loi de financement prévoyait un équilibre de la branche maladie, celle-ci a connu un déficit de 9 milliards de francs. L'excédent des branches vieillesse, famille et accidents du travail vient masquer ce déficit, mais il est clair qu'en additionnant des choux et des navets - au mépris d'ailleurs de la loi de 1994, qui instaurait l'indépendance des branches - nous arrivons à l'équilibre de la sécurité sociale que Mme Aubry a présenté à la commission des comptes. Mais personne ne doit perdre de vue que l'assurance maladie est, en réalité, en déficit de 9 milliards de francs.
En 2000, le régime général disposerait d'un excédent global de 3,4 milliards de francs : la branche maladie resterait déficitaire mais les autres branches seraient excédentaires. Encore faut-il préciser, et la Caisse nationale des allocations familiales l'a déjà fait, que le Gouvernement modifie les règles du jeu, en transférant à la branche famille, sur l'exercice 2000, 2 milliards de francs de dépenses supplémentaires au titre de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire.
En réalité, seul l'écart de progression entre ces prélèvements et ces dépenses explique le rétablissement des comptes. Tout retournement de conjoncture reposerait le problème du « trou » de la sécurité sociale, « trou » dont la disparition, comme vous, me réjouit.
Deuxième observation, le Gouvernement a dénaturé considérablement l'outil que devaient constituer les lois de financement de la sécurité sociale. Il a notamment refusé, contre toute attente, de déposer un projet de loi de financement rectificatif, un « collectif social ».
Un « collectif social » était en effet nécessaire en raison de l'annulation par le Conseil constitutionnel d'une des recettes du fonds de financement des trente-cinq heures - le fameux FOREC - la taxe sur les heures supplémentaires. Ce fonds n'était plus équilibré. La preuve en est, et nous y reviendrons dans un instant, que c'est en définitive au projet de loi de financement 2001 qu'il revient de lui affecter de nouvelles recettes.
Un « collectif social » était également nécessaire en raison du « plan hôpital » du Gouvernement, présenté par Mme Aubry au mois de mars dernier. Nous ne sommes pas opposés à ce plan, mais il est pour moitié financé par la sécurité sociale, raison supplémentaire de présenter un projet de loi de financement rectificatif !
Un « collectif social » était enfin nécessaire en raison des charges nouvelles que doit supporter la branche famille, à travers l'accélération de la prise en charge de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire par la CNAF.
L'absence de loi de financement rectificative n'est cependant pas tout.
Le Gouvernement dénature l'outil des lois de financement de la sécurité sociale en faisant adopter, dans le cadre d'une procédure d'urgence de droit, des dispositions dont les textes d'application tardent systématiquement à paraître. Le meilleur exemple, pour la loi de financement de la sécurité sociale de 2000, c'est le FOREC, qui n'existe pour l'instant que sur le papier. Or si le projet de loi est adopté, le FOREC aura un budget de 85 milliards de francs en 2001.
Le Gouvernement dénature aussi l'outil des lois de financement en multipliant les mesures du type « diverses mesures d'ordre social ». Or le législateur de la loi organique de 1996 avait voulu que la loi de financement de la sécurité sociale soit un « texte court », centré sur les enjeux du financement de la protection sociale.
Le Gouvernement dénature encore l'outil des lois de financement de la sécurité sociale en multipliant les fonds, ce qui parcellise le financement de la protection sociale.
Un appel exhaustif de cette quinzaine à vingtaine de fonds figure dans mon rapport écrit. Je serais incapable de les citer tous. Je suppose d'ailleurs que personne n'en serait capable.
Enfin, et tel est le plus gros défaut de ce projet de loi, depuis quelques années, si, grâce à l'effort de tous, notamment des caisses, les comptes sociaux ont incontestablement gagné en fiabilité, compte tenu de la « tuyauterie » dissimulée dans ce texte - je m'excuse de répéter ce terme qui connaît quelque succès -, ils ont perdu en lisibilité. Or, on ne peut pas avoir l'échange démocratique que vous appelez de vos voeux, d'abord avec le Parlement, puis avec la population, si nous ne connaissons pas la teneur des comptes sociaux.
Je vous mets d'ailleurs au défi, madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat, d'expliquer simplement le financement du FOREC et de répondre à une interrogation écrite sur la base de ces documents. (Exclamations amusées sur les travées du RPR.)
Les conditions de fonctionnement de la commission des comptes de la sécurité sociale suscitent également des questions.
La presse parle du rapport de la commission des comptes ; en fait, les comptes sont établis par la direction de la sécurité sociale - je déplore d'ailleurs que son directeur soit parti - dont les hypothèses tendancielles sont de plus en plus discutables.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le rapporteur, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Charles Descours, rapporteur. Je vous en prie.
M. le président. La parole est à Mme le ministre, avec l'autorisation de M. le rapporteur.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le rapporteur, je ne peux pas vous laisser mettre en cause un haut fonctionnaire, en l'occurrence le directeur de la sécurité sociale.
M. Bras a besoin, pour son travail, de sortir de temps en temps de l'hémicycle ; de toute façon, il n'est pas tenu, contrairement aux représentants du Gouvernement, d'être présent en permanence pour écouter les débats.
M. Guy Vissac. Il n'a pas été mis en cause.
M. Alain Gournac. Du calme !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Madame le ministre, j'entretiens les meilleures relations avec M. le directeur de la sécurité sociale, comme avec ses prédécesseurs, et je ne le mets absolument pas en cause.
Je voulais dire que c'est lui et ses prédécesseurs qui rédigent le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale. Or M. Monier nous a présenté un texte tenant compte de décisions qui n'étaient ni votées ni même présentées au Parlement. C'est cela qui est choquant. D'ailleurs, je déposerai quelques amendements tendant à améliorer le fonctionnement de la commission des comptes de la sécurité sociale, dans laquelle je siège depuis une douzaine d'années.
Par ailleurs, le dernier rapport de septembre 2000 ne mentionne même pas les comptes du FOREC. Mme Gillot peut témoigner que je l'ai signalé immédiatement.
Enfin, le Gouvernement modifie constamment l'affectation des prélèvements sociaux. La répartition des droits sur les tabacs entre l'Etat, la CNAMTS et maintenant le FOREC a été modifiée par toutes les lois de financement de la sécurité sociale, sauf celle de 1999. Le prélèvement social de 2 % sur les revenus du patrimoine a fait l'objet de quatre modifications en trois ans.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 franchit, du point de vue des « tuyauteries », un palier considérable : on peut parler désormais de « bricolage financier permanent », et nous allons voir pourquoi.
Une conjoncture économique toujours très favorable explique l'excédent prévu pour 2001. La prévision de croissance de la masse salariale est de 5,9 %, ce qui représente un « pari » d'une croissance historique reposant sur une progression élevée du salaire moyen par tête, qui reste bien évidemment à confirmer. (M. Fischer s'exclame.)
Voyons ! Il y a quatre ans que vous êtes au pouvoir. Encore que vous, sur la sécurité sociale !... (M. Fischer s'exclame de nouveau.)
Pour le régime général, le Gouvernement indique un excédent tendanciel de 15,3 milliards de francs, la branche maladie parvenant presque à l'équilibre.
Hélas ! la loi de financement de la sécurité sociale - les partenaires sociaux l'ont déploré - est devenue la loi de financement des trente-cinq heures, et cette « loi » est impitoyable...
En effet, l'année dernière déjà, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 avait détourné au profit du FOREC 5,6 milliards de francs de droits sur les alcools dont bénéficiait auparavant le fonds de solidarité vieillesse, la compensation de cette perte étant assurée par les trois branches du régime général, qui ont ainsi effectivement contribué au financement des 35 heures.
Pour équilibrer les comptes du FOREC en 2000 - 67 milliards de dépenses prévues - le projet de loi de financement prévoit de lui affecter rétroactivement, notamment en raison de la décision du Conseil constitutionnel, 5,4 milliards de francs de droits sur les alcools, aujourd'hui encore versés au fonds de solidarité vieillesse, tandis que le collectif budgétaire de fin d'année, que nous voterons au mois de décembre, devrait lui affecter 3,1 milliards de francs de droits sur les tabacs.
En 2001, face à l'explosion des dépenses de ce fonds, qui sont estimées à 85 milliards de francs, « la réforme des cotisations patronales » connaît de nouveaux avatars, puisque son assiette est étendue aux vignettes des véhicules des sociétés et aux conventions d'assurance.
Par ailleurs, le champ de compétences du FOREC est élargi aux exonérations de la loi Robien et à certaines exonérations de cotisations d'allocations familiales.
Je vais essayer de vous apporter des éclaircissements sur le financement du FOREC sans recourir à des transparents. Nous avons pourtant demandé à M. le président du Sénat de pouvoir projeter des images dans l'hémicycle.
M. le président. Monsieur Descours, la possibilité de visionner des transparents existe d'ores et déjà au Sénat, dans les salles de commission notamment. Cette possibilité est à l'étude pour l'hémicycle et j'espère que MM. les questeurs accepteront l'enveloppe financière qui serait nécessaire.
Comme vous le voyez, l'idée n'est pas abandonnée.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Je dirai donc quelques mots, sans images, sur ces « tuyauteries » du financement du FOREC en 2001.
Le Gouvernement prévoit de lui affecter 7,1 milliards de francs de droits sur les tabacs qui sont aujourd'hui affectés à la CNAMTS. Cette diminution de recettes est compensée au sein de la caisse par une augmentation du taux de la CSG maladie. Dans le même temps, le taux de la CSG affecté au fonds de solidarité vieillesse baisse à due concurrence. En revanche, la branche famille « allège » les charges du FSV, en reprenant une fraction des majorations pour enfants. On voit bien quel est le circuit entre tous ces organismes.
Toutes ces « tuyauteries » affreusement compliquées ont un objectif très simple : financer les trente-cinq heures.
Le FOREC disposera donc en 2001 de plus de 18 milliards de francs autrefois affectés à la sécurité sociale, à savoir des excédents de la branche famille et du FSV.
Il reste que j'ai encore des doutes sur l'équilibre du FOREC en 2001.
En 2003, alors que son budget devrait atteindre 110 milliards de francs de dépenses, son financement apparaîtra encore plus problématique. On ne voit pourtant pas quelles taxes supplémentaires pourraient encore lui être affectées, tant la collection présentée aujourd'hui par le Gouvernement est complète.
Lorsque l'on examine plus précisément les différents flux financiers organisés par le projet de loi entre l'Etat et la sécurité sociale, force est de constater que l'Etat sort « gagnant » : il ne finance plus en rien le passage aux trente-cinq heures, comme je le décris en détail dans mon rapport écrit.
Ces différentes réaffectations de recettes montrent également que le Gouvernement n'a pas respecté le « plan de financement » de la couverture de base de la couverture maladie universelle, qui prévoyait d'affecter 28 % du prélèvement social de 2 % à la CNAMTS. Il ne reste désormais plus rien des 28 % du prélèvement social, ce qui représente plus de 3 milliards de francs en 2001.
Madame le ministre, j'ai bien écouté ce que vous avez dit sur l'augmentation du plafond pour bénéficier de la CMU. Nous n'aurons pas l'occasion d'en discuter au cours de ce débat qui porte très précisément sur le financement de la sécurité sociale.
Je rappellerai simplement du haut de cette tribune que, malgré l'augmentation que vous avez annoncée, l'allocation versée aux adultes handicapés restera au-dessous du plafond de la CMU.
M. Alain Gournac. C'est vrai !
M. Charles Descours, rapporteur. Je veux maintenant insister sur les reproches que j'adresse au Gouvernement : dans ce projet de loi, il porte atteinte à trois grands principes.
Le premier principe, c'est l'universalité de la CSG et de la CRDS sur les revenus d'activité.
La réduction dégressive de CSG proposée à l'article 2 du projet de loi souffre de plusieurs défauts majeurs.
Tout d'abord, elle remet en cause l'universalité du financement de la protection sociale alors que six gouvernements successifs, de droite comme de gauche, pendant dix ans, ont essayé de consolider ce prélèvement qui a été qualifié de « citoyen ». Introduire des dispositifs d'exonération revient à reproduire l'erreur qui a été commise avec l'impôt sur le revenu : la base et l'assiette de l'imposition sont appelées à se réduire petit à petit.
C'est d'ailleurs l'une des raisons essentielles pour lesquelles les conseils d'administration des caisses ont voté contre.
Par ailleurs, ce mécanisme est inéquitable.
Ainsi, un couple disposant de deux salaires au niveau du SMIC - l'exemple a été cité à l'Assemblée nationale - bénéficiera de deux réductions à taux plein, alors qu'un couple percevant un seul salaire à 1,4 fois le SMIC ne bénéficiera d'aucune réduction et qu'un célibataire titulaire d'un revenu égal au SMIC bénéficiera de la même ristourne qu'un smicard père de trois enfants.
La réduction dégressive de la CSG est compensée, nous dit-on, et c'est vrai, à la CNAMTS, à la CNAF et au FSV. Mais elle l'est d'une manière qui nous paraît incertaine car elle s'opère à travers des fractions de la taxe sur les conventions d'assurance, dont l'assiette est bien évidemment différente de celle de la CSG.
Ce dispositif sera difficile à mettre en oeuvre par les entreprises et probablement par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l'ACOSS, et les organismes de recouvrement. Permettez au président du conseil de surveillance de le souligner.
Enfin, sa constitutionnalité - mais nous verrons bien - m'apparaît douteuse, notamment en raison des « pluriactifs » qui pourraient maximiser l'avantage de réduction de CSG, alors que leurs revenus seraient supérieurs à 1,4 SMIC.
Le deuxième principe auquel le Gouvernement porte atteinte est le financement de la dette sociale.
Vous l'avez dit, voilà un instant, madame le ministre, l'exonération de CRDS pour les retraités modestes et les chômeurs non imposables, et la ristourne de CRDS sur les revenus d'activité représentent une diminution de recettes qui n'est pas nulle puisqu'elle atteint 2,8 milliards de francs en 2001 et sera de 4,1 milliards de francs dès 2003. Or, la CADES, la caisse d'amortissement de la dette sociale, est financée quasi exclusivement par la CRDS, afin de rembourser la dette sociale, jusqu'au 31 janvier 2014.
De plus, l'article 3 apparaît étranger au domaine des lois de financement de la sécurité sociale : l'annulation du dispositif par le Conseil constitutionnel est donc possible.
Enfin, le Gouvernement porte atteinte au champ de la loi de financement, par l'extension de la solidarité nationale aux régimes complémentaire vieillesse.
Je me suis réjoui - je le dis sincèrement car nous avons suffisamment débattu de cette question au cours des années précédentes - qu'une issue ait été trouvée après seize ans de conflit entre l'AGIRC, l'ARRCO et l'Etat. Mais le Gouvernement propose de confier au FSV, à cet organisme chargé de financer les avantages non contributifs des régimes de base, le soin de financer une dette de l'Etat à l'égard de ces régimes complémentaires vieillesse. La disposition, là aussi, apparaît étrangère au « champ » de la loi de financement, qui est limité aux régimes de base.
Je ne parlerai pas des autres mesures du projet de loi, qui constituent un catalogue souvent hétéroclite, ni des réformes structurelles auxquelles nous aspirons et qui sont reportées, nous semble-t-il, aux calendes grecques.
Au total, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 présente des équilibres incertains et un dispositif « parasité » par le financement des 35 heures et les dispositions fiscales introduites par le ministère des finances.
Madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je voudrais maintenant évoquer l'assurance maladie.
Le passage de Mme Martine Aubry au ministère de l'emploi et de la solidarité se solde par un bilan qu'il est difficile de qualifier de positif.
M. Jean Chérioux. Il est catastrophique ! (Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Charles Descours, rapporteur. Voyez comme ils sont méchants !
M. Alain Gournac. Disons calamiteux !
M. Jean Chérioux. Heureusement que l'on a un gentil rapporteur !
M. le président. Mes chers collègues, veuillez ne pas interrompre l'orateur !
M. Charles Descours, rapporteur. Je crois qu'à son départ Mme Aubry a laissé un véritable champ de ruines (Mme Dieulangard proteste.)
La dérive des dépenses s'est poursuivie, l'ONDAM n'a pas été respecté à trois reprises, les professionnels de la santé sont exaspérés et dans la rue, les hôpitaux s'agitent et les cliniques privées s'enfoncent dans la crise.
M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis. Quel bilan !
M. Charles Descours, rapporteur. Je crois que l'on peut tirer trois enseignements de l'analyse de l'évolution de l'assurance maladie.
Premier enseignement : l'ONDAM est bafoué et la volonté du Parlement superbement ignorée. Je l'avais également dit à la commission des comptes.
La dérive inquiétante des dépenses d'assurance maladie se poursuit inexorablement : l'ONDAM a ainsi été dépassé de 11,3 milliards de francs en 1999 et devrait l'être encore, malgré son « rebasage », d'au moins 13,2 milliards de francs en 2000.
Pour 2001, l'article 44 du projet de loi prévoit que l'ONDAM est fixé à 693,3 milliards de francs soit, selon l'exposé des motifs du projet de loi, « une progression de 3,5 % par rapport aux dépenses attendues de 2000 ».
Pour la deuxième année consécutive, le taux de progression de l'ONDAM de l'année n + 1 est donc calculé à partir de l'ONDAM réalisé et non par rapport à celui qui est voté.
En 2001, l'opération de rebasage est cependant plus complexe. L'ONDAM réalisé en 2000 serait de 671,5 milliards de francs. Le Gouvernement n'a cependant pas choisi ce chiffre pour son ONDAM rebasé. Il a souhaité le corriger de l'effet des reports de liquidation, évalué à 2,4 milliards de francs, et de la marge de manoeuvre pour 2000, estimée à 600 millions de francs.
Le taux de progression de l'ONDAM 2001 n'est donc que de 3,25 %, si on le calcule par rapport au chiffre prévisionnel des dépenses 2000 ; mais il est évident qu'il est mieux d'afficher une progression de 3,5 % pour les professionnels de santé !
Toutefois, si l'on compare l'ONDAM 2001 à l'ONDAM voté par le Parlement en 2000, la progression est non plus de 3,25 %, mais de 5,3 %. On constate donc - vous l'avez dit tout à l'heure, madame - une forte dérive des dépenses d'assurance maladie.
Autant dire que le taux de 3,5 % a un caractère très virtuel et qu'il vise surtout à frapper l'opinion publique et les professionnels de santé. L'expérience des quatre premières lois de financement montre, en effet, que le débat porte surtout sur le taux de progression affiché par le Gouvernement, alors même que le seul chiffre ayant une existence juridique est celui de l'ONDAM voté, en l'occurrence 693,3 milliards de francs cette année.
Au terme de ces quatre premières lois de financement de la sécurité sociale, quel bilan peut-il être tiré ?
Seul le premier ONDAM de l'histoire parlementaire, celui de 1997, a été respecté. Sur quatre années, de 1997 à 2000, l'écart entre l'objectif voté et l'ONDAM réalisé s'accroît d'année en année, pour atteindre plus de 13 milliards de francs en 2000. Il faut savoir que le dérapage cumulé de ces quatre années s'élève à plus de 33 milliards de francs entre ce que nous avons voté et ce qui a été réalisé.
Le vote de l'ONDAM, s'il ne correspondait pas à l'ouverture d'un volume limitatif de crédits, n'en avait pas moins, à notre sens, une portée normative. En cas de dépassement prévisionnel de l'ONDAM, le constituant et le législateur organique avaient prévu que des lois de financement rectificatives devaient acter ce dépassement et proposer des mesures correctrices.
Or, depuis l'entrée en fonction de ce gouvernement, aucun projet de loi de financement rectificatif n'a été déposé devant le Parlement. Le Gouvernement propose seulement chaque année au Parlement d'adopter un nouvel ONDAM, en faisant comme s'il ne s'était rien passé, comme si les déficits ne devenaient pas des dettes. Le vote du Parlement perd ainsi, année après année, un peu plus de signification.
Aucune analyse n'a pu confirmer la pertinence et l'utilité de ces dépenses supplémentaires. Personne n'est en mesure de dire quel bénéfice la population en a tiré, faute de choix explicites de priorités sanitaires.
Certes, le déficit de la branche maladie du régime général se réduit, mais cette amélioration tient plus à la forte progression des recettes qu'à la modération des dépenses.
Ce déficit a été de 9 milliards de francs en 1999 ; il devrait atteindre 6 milliards de francs en 2000. Selon les chiffres du projet de loi, qui reposent sur des hypothèses fragiles, le régime général resterait déficitaire pour l'assurance maladie de près de 1,4 milliard de francs en 2001. Un simple dérapage des dépenses ou une moindre progression des recettes suffirait cependant à revenir au niveau de déficit des années précédentes.
Deuxième enseignement : le système conventionnel est désormais moribond.
La forte progression des dépenses d'assurance maladie intervient dans un contexte de dégradation très sensible des relations entre les pouvoirs publics et les professionnels de santé.
Au lieu de tenter de favoriser le dialogue conventionnel, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 a défini, dans son article 24, un mode de régulation qui est exclusivement comptable et dans lequel plus rien n'est à négocier : l'ajustement se fait automatiquement, par des lettres clés flottantes.
Cet article a donné délégation aux caisses nationales d'assurance maladie, au sein de l'enveloppe soins de ville, pour la gestion d'un objectif de dépenses déléguées, c'est-à-dire d'une enveloppe correspondant aux honoraires des différents professionnels conventionnés - ou, à défaut sous règlement conventionnel minimum - avec l'assurance maladie.
La première application concrète de ces dispositions s'est traduite par une baisse du tarif des lettres clés décidée au mois de juillet par Mme Aubry et touchant essentiellement les radiologues, les cardiologues et les kinésithérapeutes.
Ces mesures ont suscité une très vive émotion chez les professionnels de santé, qui a abouti à la journée « santé morte » du 26 octobre dernier.
L'application pratique des lettres clés flottantes - qui signifie des sanctions collectives - s'est donc révélée, comme l'avait prévu le Sénat, tant inefficace que très néfaste à la qualité et au contenu des relations entre l'assurance maladie et les professionnels de santé.
Ce mécanisme, qui consiste à baisser les tarifs au fur et à mesure de l'augmentation des dépenses, est pernicieux, car il aboutit à diviser les professionnels de santé et à affaiblir les syndicats qui, n'ayant plus rien à négocier, ne peuvent plus « maîtriser » leur base. Comme l'a souligné l'une des personnes que j'ai auditionnées : « qui signe la convention perd les élections ».
Ce mécanisme est aussi absurde, car il incite les professionnels à « prendre de l'avance » sur les volumes pour anticiper les baisses de tarifs qui peuvent intervenir en cours d'année malgré la signature d'une convention.
Ce mécanisme est enfin injuste, car il sanctionne de manière collective sans tenir compte des comportements individuels.
Les ordonnances Juppé prévoyaient aussi des sanctions collectives, j'en suis conscient ; cela m'évitera de vous l'entendre dire ! Mais, je l'affirme solennellement, cinq ans après les ordonnances de 1996, il est clair que l'on ne peut bâtir un dialogue avec les professionnels de santé que sur la base de sanctions individuelles,...
M. Alain Gournac. Bravo !
M. Charles Descours, rapporteur. ... et en aucun cas de sanctions collectives !
Ce qui était vrai en 1996 et qui nous a été reproché l'est encore plus cinq ans plus tard ! Il n'y aura donc pas de dialogue conventionnel avec des sanctions collectives ; c'est clair et net. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Charles Descours, rapporteur. Comme l'année dernière, je vous proposerai donc un mécanisme alternatif de maîtrise de l'évolution des dépenses médicales faisant appel à la responsabilité individuelle des médecins et contribuant à l'amélioration des pratiques médicales, dans l'intérêt des patients.
Mme Martine Aubry avait affirmé son intention, dès son entrée en fonction, de rénover le dialogue avec les professionnels de santé.
Force est de constater que, trois ans et demi après, les relations conventionnelles entre l'assurance maladie et les professionnels de santé libéraux sont dans une situation de blocage qui semble durable.
M. Claude Evin, qui est rapporteur de l'Assemblée nationale et avec qui nous avons l'habitude de travailler, souligne dans son rapport la nécessité d'un nouvel élan en matière de politique conventionnelle. Je souscris à ce souhait, mais, je le répète, ce n'est pas en maintenant le dispositif de régulation actuel, fondé sur les lettres clés flottantes et des sanctions collectives, qu'on relancera le dialogue !
De même, en matière de médicament, la politique du Gouvernement s'avère essentiellement répressive. L'adoption par le Parlement, en 1999, d'un mécanisme permanent de taxation des entreprises pharmaceutiques a, comme prévu, fortement incité ces dernières à conclure un accord global de régulation avec le Comité économique des produits de santé.
Ce dispositif a été si efficace que le Gouvernement propose cette année de l'accroître encore pour en faire un système de prélèvement à caractère quasi confiscatoire : les entreprises devraient reverser 70 % du dépassement si le chiffre d'affaires des médicaments dépasse 3 % en 2001.
Un amendement adopté par l'Assemblée nationale prévoit en outre une forte augmentation de la taxe sur les grossistes-répartiteurs, laquelle portera également sur les ventes directes de génériques aux officines.
Troisième enseignement : les réformes sont enterrées.
Les orientations de santé publique sont ainsi toujours absentes des projets de loi de financement de la sécurité sociale. Madame Gillot, je vous ai écoutée avec attention, vous les avez pourtant affirmées. L'année dernière, on nous avait aussi parlé d'un projet de loi d'orientation sanitaire, que nous n'avons jamais examiné. Or nous ne pouvons pas discuter de ces orientations à l'occasion du projet de loi de financement de la sécurité sociale !
Il importe absolument que la loi de financement ne soit pas une simple juxtaposition de chiffres. Il revient en effet à cette loi, à travers l'ONDAM, de traduire, dans son domaine, les priorités de santé publique arrêtées. Actuellement, ce n'est pas le cas. Il s'agit encore aujourd'hui, cinq ans après la première loi de financement, d'un agrégat comptable qui a dérivé, que le Gouvernement a « rebasé » et auquel il a appliqué mécaniquement des pourcentages de progression.
Dépourvu de tout contenu en santé publique, de tout lien avec les besoins des malades, avec les progrès de la médecine et, a fortiori, avec les priorités de l'action publique, l'ONDAM constitue aujourd'hui un arbitrage nécessairement contesté entre les contraintes financières de l'assurance maladie et le souci des pouvoirs publics d'apaiser les tensions que connaît notre système de soins.
La situation est encore aggravée par l'accumulation des retards dans la mise en place des outils de la maîtrise médicalisée des dépenses.
Je ne prendrai que deux exemples : la tarification à la pathologie et les réseaux de soins.
La loi du 27 juillet 1999 a prolongé, pour une période de cinq ans que je considère comme beaucoup trop longue, les expérimentations en matière de tarification à la pathologie. Depuis, on ne voit rien venir : un cahier des charges définissant les modalités de cette expérimentation devrait être établi, nous dit-on, pour la fin de l'année 2000. Ce sera peut-être un petit cadeau de Noël !
L'expérimentation des réseaux et filières de soins ne progresse pas davantage. Je tiens d'ailleurs à souligner les difficultés que nous rencontrons depuis trois ans, puisque ni la commission des finances ni la commission des affaires sociales n'ont pu auditionner le président du conseil d'orientation des filières et des réseaux. Nul doute qu'il soit extrêmement occupé. Toutefois, nous envisageons de le faire auditionner l'année prochaine par la commission des affaires sociales et d'en tirer les conséquences s'il ne répond pas à notre invitation, voire de nous rendre sur place vérifier ses travaux.
Sept réseaux ont, en tout et pour tout, été agréés depuis quatre ans. Espérons que la possibilité de régionaliser ces expérimentations, offerte par un amendement de M. Claude Evin - encore lui ! - adopté par l'Assemblée nationale, et que nous soutiendrons d'ailleurs, redonnera un peu plus de tonus à ce processus.
Parallèlement, la réforme de l'hôpital semble au point mort.
Nous croyons beaucoup à l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, et la procédure d'accréditation par cette Agence nous semble bonne. Mais elle avance beaucoup trop lentement : 200 établissements s'étaient engagés dans la procédure à la fin du mois de septembre, dix comptes rendus d'accréditation ont été transmis aux établissements concernés ; il reste plus de 3 700 établissements à accréditer.
Le Gouvernement a injecté 12 milliards de francs sur trois ans dans l'hôpital. C'était sans doute nécessaire, nous ne le contestons pas. Mais nous ne savons toujours pas - nous serions très intéressés de vous entendre sur ce point, madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat - comment et avec quel financement les hôpitaux passeront aux 35 heures au 1er janvier 2002...
Enfin, les cliniques privées traversent une crise sociale sans précédent, qui résulte à la fois de la création d'emplois consécutive à la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail et des retombées des différentes mesures prises en faveur des personnels de l'hospitalisation publique, à travers les protocoles de mars.
Aujourd'hui, il s'agit de la survie d'un grand nombre de ces cliniques, et je voudrais les assurer de notre soutien en cette période extrêmement difficile qu'elles traversent.
M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Charles Descours, rapporteur. Je voudrais maintenant, en quelques mots, évoquer nos propositions.
Face à un projet de loi de financement de la sécurité sociale qui constitue désormais un appendice de la politique fiscale - et je suis sûr que l'on est d'accord avec moi sur ce point, y compris sur la gauche de l'hémicycle, puisque c'est bien ce qu'ont dit vos collègues du groupe communiste à l'Assemblée nationale (Murmures sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen) - ou un appendice de la politique fiscale ou de la politique de l'emploi, mais qui opère à ce titre, non sans brouiller les pistes, des transferts financiers massifs, je voudrais insister sur trois principes.
Premier principe : réaffirmer l'universalité du financement de la sécurité sociale - et, sur ce point, je vous l'assure, tous les partenaires sociaux sont d'accord avec nous.
Nous sommes favorables à toute mesure permettant de lutter contre « la trappe à inactivité » - c'est-à-dire l'absence de toute stimulation financière à prendre ou à reprendre un emploi - et, de façon générale, permettent le retour à l'emploi, y compris les mesures proposées par les partenaires sociaux eux-mêmes.
Nous nous inquiétons également des conséquences sur l'évolution des salaires d'une politique générale et autoritaire de réduction du temps de travail.
Mais nous constatons que le choix fait par le Gouvernement d'une ristourne de CSG et de CRDS non seulement est complexe et inéquitable, comme je l'ai dit tout à l'heure, mais bouleverse les fondements mêmes du financement de la protection sociale. Je ne suis pas seul à le penser, les partenaires sociaux le disent aussi !
L'instrument d'une politique fiscale et, a fortiori, budgétaire reste le projet de loi de finances. Je me suis rapproché de M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, pour étudier un mécanisme alternatif : un crédit d'impôt progressif s'adressant à tous les foyers fiscaux dont les revenus vont jusqu'à 1,8 fois le SMIC et prenant en compte les charges familiales. Ce mécanisme sera proposé par la commission des finances lors de la discussion du projet de loi de finances.
Second principe : améliorer la lisibilité du financement de la sécurité sociale.
A cette fin, la commission des affaires sociales vous proposera - ce n'est pas nouveau puisqu'elle le fait depuis 1994 - de réaffirmer le principe de séparation des branches afin de mettre un terme aux multiples détournements de recettes que comporte le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Au-delà de la réaffirmation d'un principe, nous entendons ainsi préserver le fonds de solidarité vieillesse, dont les excédents doivent contribuer au financement des retraites de demain - qui peut être contre ? - et permettre à la branche famille de conserver les moyens nécessaires à une politique ambitieuse - encore plus ambitieuse, madame le ministre, que celle que vous avez définie il y a un instant.
La commission des affaires sociales vous proposera, par ailleurs, d'adopter un dispositif de sincérité comptable à travers deux articles additionnels visant à renforcer le rôle et à améliorer le fonctionnement de la commission des comptes de la sécurité sociale.
Deux autres articles additionnels tendront à assurer une plus grande transparence des circuits financiers des prélèvements sociaux, afin de les rendre plus compréhensibles par les assurés et les contribuables.
La commission des affaires sociales proposera également de compenser à la CADES les exonérations de CRDS. Il est en effet inadmissible de continuer à transmettre aux générations futures nos dettes. Nous touchons déjà à l'exercice 2014. Si nous continuons dans cette voie, nos enfants et petits-enfants seront encore confrontés, au milieu du XXIe siècle, aux dettes que nous aurons accumulées.
L'ensemble du dispositif de remboursement de la dette sociale est ébranlé, alors même que ce dispositif repose pour partie sur la signature de la CADES sur les marchés de capitaux. Il appartient à l'Etat d'assumer ses responsabilités et de compenser cette exonération, donc cette perte, par une imputation sur le prélèvement de 12,5 milliards de francs que lui verse chaque année la CADES.
Troisième principe : définir les objectifs pour notre protection sociale.
La commission propose tout d'abord de sanctionner le Gouvernement sur sa gestion de l'assurance maladie.
L'année 2000 est à cet égard exemplaire : l'ONDAM, pourtant rebasé, a été dépassé.
Dans un contexte à la fois d'échec dans la maîtrise des dépenses, de confusion des responsabilités entre les acteurs, de rupture avec les professionnels de santé, de mépris enfin pour le Parlement, la commission des affaires sociales propose d'opposer à l'ONDAM une sorte de « question préalable », c'est-à-dire un rejet solennel.
J'ai conscience que, sans ONDAM, une loi de financement est amputée d'un élément central. Notre décision est donc d'une exceptionnelle gravité. Il s'agit d'un geste politique, que nous vous proposons de faire en connaissance de cause, tant la dérive observée depuis quatre ans nous semble grave et devoir être sanctionnée clairement : ce n'est pas en effet seulement l'ONDAM qui dérive mais, avec lui, notre système de soins et le débat démocratique autour de la sécurité sociale.
En contrepartie, nous vous proposons d'instituer un système de maîtrise médicalisée des dépenses, fondé sur la régionalisation et la responsabilisation des professionnels de santé. Il se substituerait au dispositif - que je continue de considérer comme absurde - des « lettres clefs flottantes » et des « rapports » de la CNAMTS.
Notre deuxième objectif, qui vous sera présenté par Jean-Louis Lorrain, est d'aider les familles en créant un « compte de réserve » pour « mettre à l'abri » les excédents de la branche famille.
Troisième objectif de protection sociale : engager une véritable réforme des retraites, sujet sur lequel reviendra M. Alain Vasselle, rapporteur pour l'assurance vieillesse.
Au total, les comptes de la sécurité sociale tels qu'ils résultent des propositions de la commission laissent au régime général un excédent de près de 10 milliards de francs. Ce n'est pas excessif par rapport à l'exédent présenté par le Gouvernement : 4,3 milliards de francs. Il suffirait d'un point de masse salariale en moins par rapport à la prévision retenue par le Gouvernement pour annuler un tel excédent.
Le compte du fonds de solidarité vieillesse dégagerait ainsi un excédent cumulé de 19 milliards de francs, susceptible d'être affecté au fonds de réserve.
En conclusion, je dénoncerai le poids excessif que représente le FOREC dans les comptes de la sécurité sociale. En réalité, aujourd'hui, plus qu'une loi de financement de la sécurité sociale, c'est une loi de financement des 35 heures que nous examinons, ce que nous avons essayé de corriger.
Telles sont les analyses et les propositions que je souhaitais présenter, au nom de la commission des affaires sociales. J'essaierai, au cours de la discussion des articles, de montrer pourquoi nous avons pris cette position. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
(M. Jean Faure remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-FAURE
vice-président

M. le président. La parole est à M. Lorrain, rapporteur.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la famille. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'état, mes chers collègues, lieu privilégié de l'ouverture à l'autre, de l'éducation des enfants, de la solidarité entre les générations, la famille est l'une des valeurs essentielles sur lesquelles repose notre société.
Cet attachement, notre pays l'a toujours affirmé. A la Libération, c'est dans la Constitution que furent gravées la fidélité et l'attention que porte la France à la famille. Mais cette famille n'est pas seulement une affaire privée, elle a besoin d'être soutenue.
C'est là la raison d'être de notre politique familiale : renforcer le maillon central de la chaîne par laquelle la République peut transmettre ses valeurs.
Le retour à la croissance économique a procuré des moyens considérables qui ont fait naître, dans toutes les familles, l'espoir qu'elles seraient davantage écoutées et davantage aidées.
Mais le Gouvernement ne répond pas, semble-t-il, à leurs attentes.
Les années précédentes, c'était précisément le manque de moyens qui avait justifié des mesures qui ont durement frappé les familles.
Et pourtant, aujourd'hui, les excédents importants que connaît la branche ne serviront pas à doter notre pays d'une politique familiale à la mesure de ses besoins.
En ce qui concerne les excédents ponctionnés, que je l'on retrouvera tout au long de mon propos, je serai bref sur les comptes de la branche famille en 1999-2000. Je me contenterai de quelques rappels.
Après quatre années difficiles, de 1994 à 1998, la branche affiche pour 1999 un excédent confortable de près de 5 milliards de francs. Pour 2000, la dernière commission des comptes de la sécurité sociale a annoncé un excédent de près de 7 milliards de francs. Toutefois, cette annonce ne repose pas sur une image fidèle des comptes.
Pour cet exercice, le Gouvernement a en effet décidé, au mépris de l'objectif de dépenses voté par le Parlement l'an dernier et sans concertation avec ses interlocuteurs familiaux, la prise en charge par la branche famille, à concurrence de 4,5 milliards de francs, de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire.
Sans ce transfert, l'excédent de la branche pour 2000 serait supérieur à 10 milliards de francs, net de la reprise par l'Etat du fonds d'action sociale en faveur des travailleurs immigrés et de leurs familles.
Pour 2001, le Gouvernement va beaucoup plus loin. Le projet de loi de financement comporte ainsi la gamme à peu près complète des techniques de prélèvement sur la branche famille.
Tout d'abord, il ampute ses recettes, en la privant notamment du produit de la taxe de 2 % sur les revenus du capital qui lui revenaient.
Il est vrai qu'il compense sa politique de ristourne dégressive de CSG par une part de la taxe sur les conventions d'assurance, mais il s'agit d'une recette peu dynamique et à l'avenir incertain.
Ensuite, il met à la charge de cette branche des dépenses qui relèvent d'autres branches. Cette année, le Gouvernement a décidé le transfert de la majoration de pension pour enfant depuis le fonds de solidarité vieillesse.
Qu'importe que cette majoration, qui a été transférée au FSV en raison des difficultés du régime général en 1993, soit, par essence, une dépense de l'assurance vieillesse ; l'objet du transfert est simplement de prélever 3 milliards de francs sur les familles pour cette années et, il faut le dire, 20 milliards de francs à terme.
Enfin, et pour faire bonne mesure, le Gouvernement achève, dès 2001, la débudgétisation de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire qui pèse désormais, pour près de 7 milliards de francs, sur la branche famille.
Ainsi, l'excédent de la branche famille, qui aurait dû être normalement de plus de 14 milliards de francs en 2001, ne sera, en définitive, que de 7 milliards de francs, les 8 autres milliards de francs étant détournés au profit du budget ou du FOREC, c'est-à-dire, ainsi que l'a dit Charles Descours, du financement des 35 heures.
Il est vrai que nos attentes sont déçues !
Pourtant, l'année 2000 avait bien débuté, sous le signe des promesses. Un ministère délégué à la famille et à l'enfance avait été créé. Lors de la conférence sur la famille du 15 juin dernier, un plan de 10 milliards de francs de dépenses nouvelles avait été annoncé.
Mais rien dans le projet de loi de financement ne semble à la hauteur de ces engagements.
L'accueil des tout petits devrait être un axe fort de la politique familiale.
Une somme de 1,5 milliard de francs est prévue en faveur des crèches sous la forme d'un fonds d'investissement alimenté par les excédents de la branche famille en 1999.
Cet effort est bienvenu, mais il ne faut pas fonder sur lui des espoirs qu'il ne peut exaucer. Lors du vote de la loi famille de 1994, c'est-à-dire pour la période 1995-1999, l'accueil des jeunes enfants avait été l'objet de toutes les attentions. Mais, comme le souligne la CNAF, seulement 2 milliards sur les 3 milliards de francs prévus pour les dispositifs en faveur de la petite enfance ont été dépensés. A la fin de l'exercice 1999, il restait donc un peu moins de 1 milliard de francs.
Les élus locaux, les acteurs familiaux savent bien que la création de nouvelles places de crèches engendrent des dépenses considérables, d'entretien, de fonctionnement et de personnel. Je soulignerai à ce propos que ce partenariat avec les collectivités et les associations mérite d'être mis en valeur, car ce sont elles les véritables créatrices.
D'ailleurs, le Gouvernement lui-même propose d'augmenter de 1,7 milliard de francs le budget du fonds d'action sociale de la CNAF, fonds qui subventionne massivement les crèches.
Ce fonds d'investissement permettra-t-il de déclencher la création de 40 000 places nouvelles comme l'annonce le Gouvernement ? Rien n'est moins sûr, mais nous pouvons toujours espérer...
Mais si la volonté de résoudre les problèmes de l'accueil des jeunes enfants va dans le bon sens, elle ne va pas au bout de sa logique : le Gouvernement a en fait concentré l'essentiel de son action sur l'accueil collectif.
La réforme du barème de l'aide à l'emploi d'une assistante maternelle ne touchera que les familles les plus modestes et pour un montant de 500 millions de francs en 2001. Dans son rapport, la Cour des comptes a consacré un développement à la forte baisse du dispositif de l'AGED, l'allocation de garde d'enfant à domicile. Il ne semble pas que le nouveau dispositif proposé pour les assistantes maternelles puisse compenser cette baisse.
Les crèches ne répondent ni au besoin de flexibilité des mères en matière d'horaire ni aux contraintes qui se posent en milieu rural.
Une bonne politique en matière d'accueil de la petite enfance doit être une « politique qui marche sur ses deux jambes », c'est-à-dire qui favorise à la fois l'accueil collectif et l'accueil individuel.
Le Gouvernement a par ailleurs annoncé une simplification des barèmes des aides au logement.
Cette réforme devait se faire par le haut puisque tous les allocataires et, parmi eux, des familles, devaient voir leur situation s'améliorer.
Mais ces dernières ne sont pas les premiers destinataires de la réforme car, comme le rappelle le Gouvernement « l'objectif est de corriger les phénomènes des "trappes à inactivité" et de contribuer à la politique du Gouvernement en matière de retour à l'emploi ».
La politique familiale ne saurait être confondue avec une politique de lutte contre l'exclusion pas plus qu'avec une politique de l'emploi. La politique familiale doit s'adresser à tous.
En déboursant 700 millions de francs, c'est un peu la branche famille qui paye le prix de la politique - par ailleurs justifiée - de lutte contre la pauvreté. Mais le Gouvernement souhaite faire de sa politique familiale une politique ciblée. Pour ma part, je préférerais qu'il la cible sur l'ensemble des familles !
S'agissant de la réforme des aides au logement, nous sommes favorables à la mise en place d'une harmonisation. Si cette réforme était menée au nom de la politique familiale, elle devrait instaurer une plus forte progressivité des aides en fonction du nombre d'enfants. Or force est de constater qu'il n'en est rien.
Nous nous proposerons, dans le courant de cette année, de mener une enquête sur les implications quantitatives des propositions de réforme de l'aide au logement, qui semblent déboucher sur une régression.
On pourrait démonter le mécanisme. Avec la croissance, de nombreux allocataires dont les revenus ont augmenté voient leurs aides diminuer, voire supprimées s'ils sortent des conditions d'attribution du dispositif. Les économies ainsi réalisées par la diminution des dépenses d'aides au logement viennent minorer la contribution réelle de l'Etat aux organismes chargés de la gestion des aides à la personne.
Les deux tiers du financement de l'Etat sont donc assurés par des mesures d'économie, ce qui n'est pas sans poser un certain nombre de problèmes, notamment une insuffisante prise en compte du fait familial, le montant de l'aide étant fonction soit des ressources du ménage, soit du nombre de personnes au foyer. Or ce dernier critère n'est pas prépondérant : un RMistes - nous avons eu l'occasion de le constater - pourra percevoir la même aide qu'une famille de quatre personnes disposant d'un revenu mensuel de 7 500 francs.
La politique familiale ne saurait donc être confondue avec la politique de lutte contre l'exclusion, que, par ailleurs, nous pouvons soutenir.
Le Gouvernement propose enfin de mettre en oeuvre, conformément à l'annonce faite lors de la dernière Conférence de la famille, une allocation de présence parentale.
Je ne peux à cet égard que regretter que le Gouvernement ait laissé de côté la moitié de la proposition que le Sénat avait faite en juin dernier par la voix de notre collègue Lucien Neuwirth.
Je rappelle que nous avions proposé, avant la Conférence de la famille de 1999, que soit pris en compte le temps voué aux proches en fin de vie, aux jeunes enfants gravement malades, mais aussi les souffrances psychosociales importantes de façon que les membres des familles touchées ne soient pas obligés de se rendre chez le médecin pour se faire délivrer d'éventuels arrêts de travail. Bien sûr, nous n'avons pas été suivis, et l'article 40 a été invoqué.
La famille, c'est le lieu des solidarités les plus essentielles.
Par ailleurs, un consensus s'était dessiné lors du vote de la loi sur les soins palliatifs pour humaniser les derniers moments de ceux qui souffrent. Or que peut apporter de mieux à ces hommes et à ces femmes la solidarité nationale sinon la présence de leurs proches pour les accompagner dans leurs deniers instants ?
Permettre la présence d'un parent auprès de son enfant gravement malade est, certes, un progrès, mais c'est aussi une mesure de faible ampleur, qui ne touchera que 10 000 familles et coûtera 500 millions de francs.
Cela est d'autant plus regrettable que la branche famille disposait de moyens considérables, qui auraient pu permettre de mener une politique familiale beaucoup plus ambitieuse, et dabord une revalorisation de la base mensuelle de calcul des allocations familiales qui ne soit pas essentiellement symbolique.
Cette base mensuelle est en fait le curseur de la politique familiale de notre pays. C'est l'indicateur de la croissance du pouvoir d'achat apporté aux familles par la politique familiale.
Elle n'augmentera cette année que de 1,8 % pour une évolution des prix hors tabac attendue de 1,3 %. En dix ans, elle a augmenté moins vite que les prix. Je vous laisse juge des raisons qui conduisent à revaloriser les retraites de 2,2 % et les prestations familiales de seulement 1,8 %.
Les excédents de la branche auraient pu également répondre à une attente pressante des familles, en particulier la prise en charge des jeunes adultes. Or, rien n'est fait dans ce domaine.
L'année 1999 avait été celle d'un immense recul. En contrepartie de l'indispensable rétablissement de l'universalité des allocations familiales, le Gouvernement avait abaissé le plafond du quotient familial.
Le quotient familial n'est pas un avantage donné aux familles ; c'est un instrument de justice fiscale qui permet qu'un célibataire disposant des mêmes ressources paie plus d'impôt sur le revenu qu'une famille nombreuse.
MM. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance vieillesse, et Alain Gournac. Très bien !
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Au-delà de ces aspects, c'est d'une politique familiale à l'ambition nouvelle qu'il faut maintenant doter la France. Les conditions sont réunies. En dehors des éléments financiers que vous constatez, notre pays connaît une situation démographique favorable en 1999 et en 2000. Mais, à 1,8 % enfant par femme, il n'atteint pas le seuil de 2,1 enfants qui assure le renouvellement des générations.
Or le désir d'enfants des parents demeure important. C'est ainsi qu'apparaît un décalage entre le souhait des familles et les contraintes qui sont les leurs. La croissance retrouvée ne peut pas tout : c'est le devoir de notre politique familiale d'aider les familles à réaliser ce désir du second ou du troisième enfant.
Le 6 avril dernier, le Président de la République a rappelé les principes qui doivent conduire ce nouvel élan de notre politique familiale.
La poursuite d'une politique familiale digne des attentes des Français ne peut reposer que sur des moyens importants. Le principe de séparation des branches de la sécurité sociale est inscrit dans la loi. Cette prescription voulue par le législateur doit être scrupuleusement respectée.
La politique familiale ne se résume pas à la lutte contre les exclusions. Elle doit s'adresser à toutes les familles : même si une attention particulière peut et doit être apportée aux plus fragiles, à celles dont les moyens sont les moins importants, à celles qui sont désemparées, qui souffrent, elle ne peut pas se résumer à cette seule direction.
La politique familiale doit être neutre vis-à-vis des choix des familles. Il n'y a pas de place pour l'idéologie dans le soutien qui leur est apporté.
Parce qu'aucune politique ne saurait être mise en place sans ou contre l'avis des intéressés, la prise des décisions doit se faire dans la concertation. Comment le Gouvernement peut-il présenter devant nous un projet de loi que le conseil d'administration de la CNAF a presque unanimement condamné ?
M. Charles Descours a résumé tout à l'heure les propositions de notre commission au sujet du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.
Pour ma part, je me réjouis qu'au terme d'une concertation étroite avec le rapporteur général de la commission des finances nous soyons tombés d'accord pour retourner aux familles les économies réalisées dans le budget général au détriment de la branche famille et proposer un rétablissement du quotient familial à son niveau originel actualisé.
Je vous proposerai, en outre, la création d'un « compte de réserve spécifique » des excédents de la branche famille. Il s'agit d'un compte dans lequel la politique familiale trouvera les moyens d'une action ambitieuse. Il s'agit aussi d'un compte de sanctuarisation des excédents qui offre une lisibilité accrue des ressources disponibles pour les familles.
Par ces mesures, nous montrerions que les familles ne doivent pas craindre un effet cliquet des prestations familiales, qui les pénaliserait constamment.
Si le Président de la République a rappelé, à l'occasion de la remise de la Médaille de la famille française, que, « au milieu des transformations que connaît notre société, s'il est une institution qui tient bon tout en s'adaptant, c'est la famille », il a aussi affirmé avec force que celle-ci « a besoin d'être aidée et soutenue car elle ne trouve pas les conditions les plus favorables à son épanouissement dans l'organisation actuelle de la société et de l'économie ».
C'est donc dans ce souci d'apporter un soutien accru à la famille que je vous demanderai d'appuyer les propositions que nous présentons en sa faveur. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Vasselle, rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance vieillesse. Monsieur le président, madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cette année, « tout va très bien, madame la marquise ». (Sourires.)
M. Jean-Claude Gaudin. Il y en a encore !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Les régimes de retraite connaissent une embellie. C'est donc un rapport résolument optimiste qui devrait pouvoir être présenté aujourd'hui. Cela ne peut être que de nature à donner le sourire à Mme Guigou, qui vient de prendre ses fonctions au ministère de l'emploi et de la solidarité. Hélas ! comme l'a rappelé tout à l'heure Charles Descours, il ne faut pas se fier aux apparences : derrière l'arbre de ces chiffres positifs, il y a la forêt des difficultés, du moins pour ce qui concerne la branche vieillesse.
En vérité, c'est un sentiment de vive inquiétude qui l'emporte. En effet, l'année 2000 est marquée par la décision du Premier ministre de refermer le dossier de la réforme des retraites jusqu'en 2002 : chacun d'entre nous l'a compris en écoutant sa déclaration du 21 mars dernier.
Aussi, avant d'aborder le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, je voudrais dire quelques mots du contexte dans lequel il intervient.
J'évoquerai, en premier lieu, les excédents fragiles de 1999-2000, puis, en second lieu, le dossier de l'avenir des retraites.
Nous le savons tous, la conjoncture économique française est aujourd'hui exceptionnellement favorable. Les régimes qui étaient précédemment équilibrés ou en léger déficit renouent avec les excédents ; ceux dont l'équilibre n'est acquis qu'au moyen de transferts améliorent leur autofinancement.
Cette bonne santé résulte avant tout d'un surcroît de recettes. Mais elle est aussi le fruit d'une moindre augmentation des dépenses. En effet, partent aujourd'hui en retraite des hommes et des femmes qui sont nés durant la Seconde Guerre mondiale. Ils et elles font partie de ces classes démographiques creuses de 1939 à 1945 freinant ainsi la progression du nombre total de retraités et permettant aux régimes de réaliser des économies.
La CNAV annonce un excédent de 3,5 milliards de francs pour 2000 et de 3,3 milliards de francs pour 2001.
J'observe, au demeurant, que jamais ce résultat n'aurait pu être affiché s'il n'avait été procédé à la réforme de 1993, ce que je me suis plu à rappeler à Mme Aubry à chaque débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale et que je me plais désormais à vous rappeler, madame le ministre. C'est en effet M. Balladur qui a pris cette initiative en sa qualité de Premier ministre, Mme Veil étant alors en charge des affaires sociales.
Cette réforme a consisté à allonger la durée de la vie active et à modifier la base de liquidation des pensions. On en a peu parlé : elle est entrée en application en douceur, elle n'a pas provoqué de déplacements de foules, elle a été parfaitement intégrée par l'opinion publique. Elle n'en a pas moins été la première pierre des réformes structurelles engagées en France dans ce domaine, et on la doit à un gouvernement qui a été fort décrié par le gouvernement actuel.
J'ai encore en tête les paroles de Mme Aubry faisant référence à la tentative de réforme engagée par M. Juppé sur les régimes spéciaux, qui a, certes, été une source majeure de difficulté pour son gouvernement, en 1995. Mais elle n'était pas pour autant fondée à dire que les gouvernements précédents n'avaient rien fait, alors que le gouvernement de M. Jospin, lui, agissait ! J'aimerais donc bien entendre de votre bouche, madame le ministre, ou de la bouche d'un autre membre du Gouvernement, que M. Balladur avait pris une initiative très importante.
M. Guy Fischer. Ne rêvez pas ! (Sourires.)
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je sais bien, monsieur Fischer, qu'il ne faut pas rêver, mais peut-être, vous, auriez-vous l'honnêteté intellectuelle de reconnaître cette vérité que je viens d'énoncer.
Quoi qu'il en soit, l'excédent aujourd'hui constaté est fragile parce que, nous le savons, les perspectives des retraites demeurent inquiétantes.
Le Gouvernement, après les nombreuses études réalisées depuis 1991, a voulu disposer d'un nouveau diagnostic.
Le rapport commandé par M. Jospin à M. Charpin est explicite. Les faits sont têtus : dans l'hypothèse d'un taux de chômage de 6 %, le besoin de financement de nos régimes sera de 290 milliards de francs par an en 2020 et de 700 milliards en 2040 !
Et puis il y a eu la diversion du rapport Teulade, qui a tenté de relativiser les difficultés à venir.
En février dernier, notre commission a souhaité entendre M. Teulade et M. Charpin.
M. Alain Gournac. J'y étais !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Nous avons constaté que le rapport Teulade reposait sur une erreur méthodologique majeure. Il a donc bien fallu revenir au diagnostic du commissariat du Plan, qui reste intégralement fondé.
Je souligne au passage que le conseil d'orientation des retraites, qui a été mis en place sur l'initiative de l'actuel gouvernement, ayant examiné certaines conclusions du rapport Teulade, arrive à la même conclusion que les membres de la commission des affaires sociales dans leur majorité.
Si l'on assiste donc à la victoire du rapport Charpin, c'est le rapport Teulade qui triomphe en définitive puisque, fort des perspectives rassurantes que lui permettait de faire apparaître un oubli de taille dans l'évolution des pensions, M. Teulade proposait la méthode douce de l'expectative. Or c'est bien cette méthode qu'a retenue le Gouvernement.
A ce titre, le rapport Teulade a rempli son office, l'objectif politique a été atteint : il s'agissait de faire croire aux Français qu'il n'y avait pas urgence à réformer, qu'il y avait tout lieu d'attendre, que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes et qu'on pouvait patienter jusqu'à 2010 ou 2020 pour engager quelque réforme que ce soit.
Le 21 mars dernier, au moment d'annoncer une réforme longtemps différée, le Premier ministre a ainsi choisi de créer une instance de concertation permanente, le Conseil d'orientation des retraites, qui a pour mission de déposer un rapport en 2002 ; je pense que la date n'a pas été choisie d'une manière innocente...
M. Jean-Claude Gaudin. Sûrement pas !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Après le Livre blanc de 1991, les perspectives des retraites en 1995, le rapport Charpin de 1999, ne pensez-vous pas, mes chers collègues, que ce rapport conclura également qu'il est urgent d'agir ? (Rires sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jean-Claude Gaudin. D'attendre !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Au total, l'année 2000 n'est, en matière de retraites, qu'une nouvelle année de perdue. Au temps des rapports succède celui des reports ! Or, devant les ajustements importants à réaliser, le facteur temps est déterminant.
Dans ce contexte, que penser du projet de loi de financement pour 2001 sinon qu'il repose sur l'incohérence et l'illusion ?
Comme la loi de financement pour 2000, il comporte essentiellement un arbitrage, opéré sans perspectives, entre le souci de faire participer les retraités dès aujourd'hui aux fruits de la croissance - ce qui paraît légitime et compréhensible - et la nécessité d'afficher un abondement du fonds de réserve des retraites.
Mais cet arbitrage est en quelque sorte bouleversé par la nécessité de boucler le financement des 35 heures, au sujet duquel M. Descours a montré avec beaucoup de pertinence et de talent à quelle usine à gaz il avait donné lieu.
Au-delà de la complexité des circuits financiers, qui porte atteinte à l'intelligibilité du projet de loi, ce sont les contradictions et les incohérences politiques du Gouvernement qui apparaissent clairement.
La revalorisation des pensions retenue dans l'article 19 du projet de loi est de 2,2 %, ce qui représente un « coup de pouce » de 0,5 % pour les retraites.
Mes chers collègues, j'ai auditionné des retraités qui se disaient représentatifs des associations de retraités à l'échelon national et ils m'ont fait valoir que les comptes n'y étaient pas.
M. Alain Gournac. Pas du tout !
M. Alain Vasselle, rapporteur. En fait, les 2,2 % concernent le premier étage des pensions de retraite !
M. Alain Gournac. Et voilà !
M. Alain Vasselle, rapporteur. En ce qui concerne le deuxième étage, ils n'ont aucune information qui puisse leur donner des perspectives quant au maintien ou à l'évolution du pouvoir d'achat.
M. Alain Gournac. C'est exact !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Si le deuxième étage n'évolue pas dans les mêmes proportions, ce n'est plus de 2,2 % dont ils bénéficieront (M. Claude Domeizel s'exclame), mais de 1,1 %, alors que l'inflation s'élèvera à 1,8 %. Par conséquent, ils subiront une perte de pouvoir d'achat.
Il serait intéressant, madame le ministre, que vous puissiez rassurer les retraités sur ce point et leur faire valoir que, en définitive, le partage de la croissance sera effectif au travers de l'évolution du deuxième étage, encore que, sur ce point, la décision appartienne aux responsables concernés.
Cette revalorisation est sans nul doute économiquement possible aujourd'hui, dans un contexte caractérisé par une croissance forte des recettes et un rapport démographique favorable. D'aucuns la trouveront d'ailleurs insuffisante.
Cet arbitrage est-il fondé ? En l'absence de toute perspective de réforme, de toute indication sur l'ampleur de l'effort nécessaire et sur sa nature même, le Gouvernement ne peut répondre.
Aussi, cette revalorisation parfaitement acceptable, voire insuffisante, aujourd'hui, souffre pourtant d'un grief majeur : elle ne s'inscrit dans aucune politique permettant de garantir les pensions qui seront versées demain.
En outre, cette année, le fonds de solidarité vieillesse est à nouveau précarisé. Dans la lignée des lois de financement précédentes, il perd la totalité des droits sur les alcools qui lui étaient affectés. Il perd également, comme l'a rappelé Charles Descours, 0,15 point de CSG.
De surcroît, et nous y reviendrons lors de l'examen des articles, deux mesures du projet de loi tendent à modifier le champ d'intervention du fonds de solidarité vieillesse.
Ces mesures étendent, d'une part, le périmètre d'intervention du FSV dans le domaine de la protection sociale complémentaire en mettant à sa charge le règlement d'un engagement pluriannuel contracté par l'Etat auprès des organismes ARRCO et AGIRC. Or il s'agit d'une dette de l'Etat envers ces régimes complémentaires et elle ne devrait en aucun cas trouver sa place dans le FSV. Il n'a pas été créé pour cela ! Il a été créé en 1993, sur l'initiative de M. Balladur, alors Premier ministre, et de Mme Veil, alors ministre d'Etat, ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville, uniquement pour prendre en charge toutes les dépenses dites de solidarité, c'est-à-dire tout ce qui concerne le non-contributif.
D'autre part, ces mesures transfèrent à la CNAF, comme l'a justement rappelé Jean-Louis Lorrain, le paiement des majorations de pension pour enfant, qui s'élèvera, à terme, à plus de 20 milliards de francs.
Le FSV est devenu un système complexe, avec des mécanismes qui s'inscrivent dans un circuit financier où chacun a du mal à s'y retrouver ! Mes chers collègues, j'ai ici deux tableaux. (M. Alain Vasselle, rapporteur, montre un premier tableau.) Voilà ce qu'était le FSV à sa création, en 1993 : relativement simple dans sa conception et dans son fonctionnement. (M. Alain Vasselle, rapporteur, montre un second tableau.) Voilà ce qu'il est devenu en 2001 ! Vous voyez la complexité du dispositif : les entrées, les sorties ! (Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Claude Domeizel. On ne voit rien !
M. Alain Gournac. Au contraire, c'est très net !
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Lisez le rapport !
M. Jean-Claude Gaudin. C'est effectivement compliqué !
M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis. Et le FOREC, ce n'est pas mieux !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Evidemment, quand on présente ces tableaux, cela gêne notre ami Claude Domeizel et d'autres, mais ils montrent bien que l'on crée une certaine obscurité dans l'ensemble du dispositif, si bien que personne ne s'y retrouve. Tout à l'heure, Charles Descours aurait pu nous montrer le tableau qui illustre les « tuyaux » qui partent du FSVet qui vont à la CNAM, à la CNAF et à la branche vieillesse. Nous sommes loin du dispositif législatif qui a été adopté en son temps et tendant à instaurer l'étanchéité de chacune des branches. Cela a complètement explosé !
M. Charles Descours, rapporteur. Bien sûr !
M. Alain Vasselle, rapporteur. L'ardoise d'une quinzaine de milliards de francs, ainsi laissée au fonds de solidarité vieillesse en 2000-2001, n'a pour finalité que le financement direct ou indirect du FOREC, c'est-à-dire des 35 heures. Que viennent faire les 35 heures dans le fonds de solidarité vieillesse et comment allez-vous l'expliquer aux Français ? Bien d'autres choses ne sont sans doute pas plus brillantes.
M. Guy Fischer. Il y a la ristourne dégressive Juppé, pour une part importante !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Effectivement !
Or les excédents du fonds de solidarité vieillesse comme les excédents de la branche vieillesse doivent, dans la logique même développée par le Gouvernement, alimenter le fonds de réserve pour les retraites. Il s'agit non plus d'un arbitrage entre les retraites d'aujourd'hui et celles de demain, mais d'un choix entre la réduction du temps de travail d'aujourd'hui et les retraites de demain.
Mes chers collègues, avec le disposoitif imaginé dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, le FSV perd, cette année - c'est l'ancien président du comité de surveillance du FSV qui vous parle - 11 milliards de francs, non compensés par l'Etat.
Cette perte précarise, je le répète, la situation du fonds de solidarité vieillesse. Comme nous le savons, celui-ci dépend très largement de la conjoncture : lorsque la conjoncture est favorable, ce qui est le cas, elle dégage des excédents, mais on est en train de les pomper pour financer les 35 heures ; lorsque la conjoncture est défavorable, le fonds de solidarité vieillesse se trouve dans une situation difficile, qui peut devenir catastrophique. Il faut espérer que nous n'aurons jamais à rencontrer ce type de situation, car je plains ceux qui auraient à la gérer si un renversement de conjoncture se produisait dans quelques années.
Au-delà de ces arbitrages « au jour le jour » et sous la pression d'un diagnostic - celui du rapport Charpin - qui confirmait ceux qui étaient déjà formulés en 1991 et 1995, le Gouvernement se devait de prendre des initiatives, sauf à faire apparaître clairement qu'il avait définitivement renoncé à ouvrir le dossier des retraites. La création d'un fonds de réserve constitue donc, dans l'immédiat, la seule mesure concrète prise par le Gouvernement. Mais elle relève d'un plan de marche grevé d'incertitudes !
M. Claude Domeizel. Enfin, vous le reconnaissez !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Hormis le cas orphelin, monsieur Domeizel, de la fraction du prélèvement de 2 % sur les revenus du patrimoine,...
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Alain Vasselle, rapporteur. ... les ressources du fonds sont soit hypothétiques, soit exceptionnelles.
Hypothétique, telle est bien la nature de la moitié des recettes devant abonder le fonds en 2020 : les excédents de la CNAVTS, les excédents du fonds de solidarité vieillesse et des produits de la C3S. Or, à titre d'exemple, le fonds de solidarité vieillesse, également appelé à abonder le fonds de réserve, est dépouillé de ses ressources au profit du FOREC au point d'ôter toute crédibilité à l'idée d'excédents.
Les ressources exceptionnelles sont au nombre de trois : la contribution spontanée de la Caisse des dépôts et consignations en 2000, qui est restée d'ailleurs sans lendemain, le versement des caisses d'épargne et le produit de la vente des licences UMTS.
Ces recettes exceptionnelles présentent l'inestimable avantage, pour le Gouvernement, d'être indolores, car elles n'apparaissent ni sur les feuilles d'impôts ni sur les fiches de salaires : rien, en quelque sorte, qui puisse s'apparenter à un « surcotisation ». (Exclamations sur les travées socialistes.) En réalité il s'agit de gagner du temps : le fonds de réserve, dont la création a été annoncée à la va-vite lors de la présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, n'est toujours pas l'objet d'un projet abouti et sa gestion à long terme n'offre aucune visibilité.
M. Alain Gournac. C'est le brouillard !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Le montant de ce fonds - 1 000 milliards de francs en 2020 - a-t-il un sens ? Le Gouvernement déclare que cette somme correspond à la moitié des déficits prévisionnels des régimes de retraite entre 2020 et 2040. Cette affirmation est-elle fondée ? Je rappelle que, dans l'hypothèse la plus extrêmement favorable retenue par le rapport Charpin, à savoir celle d'un taux de chômage de 3 % en 2020, les besoins de financement de nos régimes de retraite atteindraient 220 milliards de francs par an en 2002 et 600 milliards de francs par an en 2040,...
M. Alain Gournac. Ils ne seront plus au pouvoir !
M. Alain Vasselle, rapporteur. ... soit une augmentation d'environ 20 milliards de francs par an à partir de cette période. Ainsi, dans le scénario le plus favorable, le fonds de réserve ne permettrait le paiement des retraites que pendant quatre ans et serait épuisé en 2024. A cette date, le problème de la dette accumulée entre 2010 et 2020, qui, pour le seul régime général, s'établira à 600 milliards de francs, restera entier.
Autrement dit, en 2024, non seulement on aura épuisé la totalité des 1 000 milliards de francs qui auront été placés dans le fonds de réserve, mais il restera encore la dette de 600 milliards de francs de la CNAVTS, pour laquelle on n'aura trouvé aucune source de financement. Il serait souhaitable, madame le ministre, que vous nous disiez quelles sont les intentions du Gouvernement dans ce domaine. Je vous rappelle qu'en commission des affaires sociales je vous ai posé la question de savoir ce que ferait le Gouvernement entre 2010 et 2020 pour permettre à la CNAVTS de financer ces 600 milliards de francs. Peut-être s'agit-il d'une omission de votre part, mais je n'ai pas eu de réponse à cette question. J'espère avoir plus de chance aujourd'hui.
M. Claude Domeizel. L'avez-vous vous-même ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Ce n'est pas moi qui suis au Gouvernement, monsieur Domeizel ! Laissons à chacun la responsabilité de ses actes !
C'est donc sur cette somme de 1 000 milliards de francs que le Gouvernement est solennellement interpellé aujourd'hui. Ainsi sommes-nous quelques-uns à nous interroger sur le choix par le Gouvernement de ce chiffre de 1 000 milliards de francs. S'agit-il d'un chiffre symbolique signifiant, en quelque sorte, « beaucoup », mais qui reste en réalité dérisoire au regard des besoins, ou bien s'agit-il d'autre chose ?
Lors des auditions auxquelles j'ai procédé en qualité de rapporteur pour l'assurance vieillesse, un éclairage nouveau m'a été apporté. Ce montant de 1 000 milliards de francs aurait une cohérence, mais dans le cadre d'une réforme de grande ampleur visant à porter la durée d'activité à 42 ans et demi pour tous les salariés, du secteur privé comme du secteur public.
Le Gouvernement confirme-t-il ou infirme-t-il que ce fonds de 1 000 milliards de francs ne serait que la partie visible d'une réforme d'ampleur qu'il ne se résout pas à annoncer et qui consisterait à repousser de 3 à 5 ans, selon les cas, l'âge de la retraite ?
Mes chers collègues, avec Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales, nous revenons d'une mission d'étude sur les retraites en Suède et en Italie. Plusieurs de nos collègues étaient présents, notamment Alain Gournac, Jean-Louis Lorrain et Marie-Madeleine Dieulangard. J'ai encore le souvenir des informations qui nous ont été données dans ces deux pays. Ils sont beaucoup plus en avance que nous en ce qui concerne la réforme de leurs régimes de retraite.
M. Claude Domeizel. Bien sûr !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Ils ont engagé des réformes structurelles que notre Gouvernement n'a toujours pas entamées, à l'exception de ce qui a pu être fait par M. Balladur précédemment. La prise de conscience est tout à fait récente. Je vous renvoie à un communiqué des Quinze du 7 novembre dernier : ils ont reconnu qu'une réforme des régimes de retraite était inéluctable. Un rapport établi au profit des quinze pays dresse le constat suivant : « sans entrer dans le détail sur les moyens de redresser la situation, l'une des mesures à laquelle ne pourront échapper les pays membres de l'Union européenne sera de revoir à la hausse l'âge du départ de la retraite ». Ce n'est pas moi qui le dit !
M. Guy Fischer. Quel programme ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. M. Fabius lui-même, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, déclare ceci : « Il y a un problème partagé par presque tous les Etats, c'est l'alourdissement des dépenses publiques de retraite. » Nous nous en étions aperçu ! « Le deuxième constat, c'est la nécessité de réforme de fond de ces régimes, car une simple amélioration ne suffirait pas à régler les problèmes. Il y aura donc des décisions délicates à prendre dans chacun de nos pays. »
On assiste donc à une prise de conscience, au moins chez certains membres du Gouvernement, quant à la nécessité d'engager des réformes de fond. Mais, pour le moment, nous ne voyons pas du tout poindre à l'horizon un soupçon de réforme structurelle en ce qui concerne les retraites. Seul le fonds de réserve a été constitué et il est loin de correspondre aux besoins des retraites de demain. Il devrait disposer de 1 000 milliards de francs en 2020, dont 300 milliards de francs proviendraient des intérêts financiers. Ces 300 milliards de francs correspondent à la moitié des déficits prévisionnels des régimes de retraite entre 2020 et 2040.
La confiance que place le Gouvernement dans les marchés financiers censés procurer 300 milliards de francs d'intérêts est étonnante, alors même qu'il refuse aux salariés du secteur privé la mise en place de plans d'épargne retraite.
M. Alain Gournac. C'est contradictoire !
M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est dommage ! Les intérêts peuvent représenter 30 % des sommes versées pendant vingt ans.
En outre, le Gouvernement passe complètement sous silence les besoins de financement des régimes de retraite entre 2006 et 2020. Or, je le répète, le déficit cumulé de la seule branche vieillesse s'élèvera à 600 milliards de francs.
Par ailleurs, les déficits prévisionnels cumulés des régimes des années 2020-2040 représenteraient, selon l'hypothèse d'un taux de chômage à 6 %, 10 000 milliards de francs et non pas 2 000 milliards de francs. Il s'agit donc non pas de la moitié, mais du dixième des déficits prévisionnels entre 2020 et 2040.
Dans le même temps, mes chers collègues, demeure une interrogation : celle de la coexistence problématique des dettes et des réserves.
En partageant les produits des licences UMTS entre les fonds de réserve pour les retraites et la caisse d'amortissement de la dette publique, le présent projet de loi, combiné avec l'article 23 du projet de loi de finances, prend le risque d'un rapprochement révélateur : celui de la constitution de « réserves » parallèlement à la persistance de dettes considérables.
Ces 14 milliards de francs affectés à la caisse d'amortissement de la dette de l'Etat sont à comparer au stock de dettes de l'Etat de 5 000 milliards de francs à la fin 2000 et au déficit budgétaire prévu pour 2001, soit 186 milliards de francs, qui viendra accroître cette dette.
Cette comparaison est également l'occasion de rappeler qu'au sein même des finances sociales le fonds de réserve, quand bien même il atteindrait effectivement 1 000 milliards de francs, coexisterait, dès 2020, avec un déficit cumulé de la seule branche vieillesse du régime général de 600 milliards de francs.
La démarche reste ainsi essentiellement optique, qui consiste à prétendre faire des réserves tout en laissant les dettes s'accumuler ou, en termes plus imagés, comme le dit Charles Descours en parlant de « comportement de sapeur Camember », à faire des « tas » à côté des « trous », et à demander au Parlement de voter solennellement un léger grossissement des « tas », de préférence à un léger comblement des « trous » !
L'an dernier, le rapport sur l'assurance vieillesse pour le projet de loi de financement s'achevait sur cet avertissement du commissaire au Plan, M. Charpin : « Le principal danger serait de ne pas affronter le problème en temps utile. On se placerait alors vers 2010 dans une situation où les arbitrages seraient extrêmement douloureux à prendre. Faute de les avoir anticipés, on risquerait de faire porter tout le poids du rééquilibrage des retraites sur un nombre relativement faible de générations qui pourraient alors refuser un effort supplémentaire. »
Le 21 mars dernier, la déclaration solennelle de M. Lionel Jospin « sur l'avenir des retraites » a confirmé, au-delà des craintes formulées l'année dernière, que le Gouvernement avait résolument choisi d'attendre.
Nous avons voté, en 1998, la création du fonds de réserve, en considérant toutefois qu'une telle création n'avait de sens que si elle s'accompagnait d'une réforme des retraites.
En rétablissant, comme Charles Descours l'a indiqué, les excédents du fonds de solidarité vieillesse, nous contribuons même à l'alimenter. Le Gouvernement s'est en effet « calé » sur les excédents du fonds de solidarité vieillesse pour alimenter le fonds de réserve, alors que, dans le même temps, par le projet de loi de financement de la sécurité sociale, il vient le dépouiller complètement des excédents dont il dispose pour financer les 35 heures. C'est la fuite en avant !
En revanche, il est indispensable, mes chers collègues, que, sous le contrôle étroit du Parlement, soient garanties l'efficacité financière et la transparence juridique des sommes qu'il collecte. Ce sera l'objet d'un des amendements présentés par vos rapporteurs.
Concernant le fonds de réserve dont il faut assurer la dynamique de gestion et la complète transparence, n'est-ce pas le rôle du Parlement, mes chers collègues, de pousser le Gouvernement à agir lorsqu'il se complaît, concernant les retraites, dans une position attentiste, ô combien confortable à la veille des échéances électorales qui se profilent à l'horizon ?
Il était, à mon sens, de notre devoir de dénoncer, à cette tribune, devant les Français, l'inaction du Gouvernement : elle tranche nettement avec l'action du gouvernement Balladur, qui a été le seul à engager les premières réformes structurelles dont vous profitez des effets et sur lesquelles vous vous appuyez pour reporter à demain les initiatives nécessaires ! (Protestations sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen ; vifs applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Or, dois-je vous rappeler ce vieux proverbe, mes chers collègues : il ne faut jamais remettre au lendemain ce qui peut être fait le jour même ? (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
C'est l'avenir des futurs retraités des nouvelles générations d'actifs qui est en jeu. Vous seule, madame le ministre, et votre gouvernement, avec la majorité qui vous soutient, porterez la responsabilité de l'avenir sombre que vous avez décidé de réserver aux futurs retraités et aux futurs actifs, parce que vous restez dans l'incapacité d'agir. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Guy Fischer. Quel catastrophisme !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jacques Oudin rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame le ministre, mes premiers mots seront d'abord pour vous saluer et vous souhaiter la bienvenue dans vos nouvelles fonctions, pour la présentation, au Sénat, de ce cinquième projet de loi de financement de la sécurité sociale, ensuite, pour vous souhaiter bon courage dans votre nouvelle tâche, qui sera d'autant plus rude que le tableau qui s'offre à nous - vous avez entendu mes collègues rapporteurs - est presque désespérant.
Je vais analyser devant vous quelques aspects de ce bilan, mais ma liste sera loin d'être exhaustive, tant les sujets de satisfaction sont rares.
Pour commencer, je vous exprimerai notre indignation sur la façon dont votre ministère a répondu aux questionnaires de la commission des finances. Le 4 juillet 2000, le président de la commission des finances adressait à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité deux questionnaires, l'un sur le projet de loi de finances, l'autre sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, comportant le premier trente-cinq, le second trente-huit questions. Au 8 novembre, et rien n'a changé depuis, vos services n'avaient pas répondu à six questions sur dix, s'agissant de la loi de financement.
Ces questions restées sans réponse, vous les trouverez à la page 239 de mon rapport : aucune réponse sur la CADES, sur l'individualisation de la trésorerie des branches, sur la rationalisation du réseau des caisses, sur les comptes de la santé, sur l'informatisation du système de soins, sur le médicament, sur le redéploiement des capacités hospitalières, sur la politique d'équipement hospitalier, sur les dépenses d'hospitalisation, sur l'évolution des transferts de compensation vieillesse.
Cela fait beaucoup, et je n'ai pas tout cité.
Ce mépris de la représentation nationale méritait d'être dénoncé à cette tribune.
Mais, m'exprimant au nom de la commission des finances, je vais maintenant me cantonner au sujet qui est le mien : les chiffres.
Je traiterai de cinq points : les comptes, la CSG et la CRDS, l'assurance maladie, les retraites et, enfin, l'outil que représente la loi de financement.
En ce qui concerne les comptes, qu'il s'agisse de leur élaboration ou de leur contenu, les progrès constatés ne peuvent cacher les insuffisances accumulées.
Sur l'élaboration, si nous pouvons nous féliciter de voir s'achever la réforme comptable des droits constatés que j'avais demandée ici même, en 1994, je crois, en revanche quelle n'est pas notre déception, pour ne pas dire notre colère, devant l'ensemble des manipulations - je dis bien : « manipulations » - qui brouillent la transparence et la fiabilité de ce texte.
Où est la clarté des comptes, avec ces transferts incessants entre la loi de finances et la loi de financement ? A cet égard, les tableaux présentés tout à l'heure par M. Vasselle étaient très significatifs, même si nous ne pouvions pas toujours les lire parfaitement depuis l'hémicycle.
Où est la clarté des comptes, quand les dépenses du FOREC ne sont votées nulle part ?
Où est la clarté des comptes, quand les conventions librement consenties par votre prédécesseur intègrent, dans le compte tendanciel du régime général, le coût de mesures qui ne sont encore ni discutées ni, bien entendu, votées ?
Vous avez devant vous un colossal travail pour acquérir une certaine crédibilité en matière de chiffres et de comptes. Vous savez comme moi que l'excédent annoncé pour la sécurité sociale est purement factice et qu'il peut varier de un à quatre selon les méthodes de calcul adoptées. Cela me fait d'ailleurs penser à l'excédent de la SNCF. Bien que l'ensemble du système ferroviaire ait besoin de 65 milliards de francs pour équilibrer ses comptes, la SNCF présente un compte en équilibre et même en excédent !
Qui a écrit que « les diverses mesures de transfert font perdre une grande partie de leur signification aux soldes des branches du régime général » ? C'est le secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale.
Tout cela pour souligner que l'ensemble des chiffres que vous nous présentez sera sujet à caution, comme mes prédécesseurs à cette tribune l'ont souligné avant moi.
Nous espérons vraiment, connaissant votre souci de rigueur, que l'année prochaine, sous votre impulsion, certaines de ces pratiques auront changé.
Venons-en à ces chiffres. Vous nous avez indiqué, tout en en félicitant le Gouvernement, que la sécurité sociale est revenue à l'équilibre. Nous vous répondons : « heureusement ! »
Avec la formidable croissance économique que notre pays a connue depuis deux ans, avec les centaines de milliards de francs de recettes supplémentaires que vous avez obtenus, un déficit aurait été inconcevable. La question n'est donc pas celle de l'excédent, mais bien celle de son contenu.
Alors que vous prenez tout juste vos fonctions, je tiens à vous dire que, sur ce point également, les choses vont plutôt mal.
Cet excédent est le fruit d'une conjonction historique, puisque les recettes progressent plus vite que les dépenses. Nous avons rarement connu cette situation. Nous la connaissons, c'est heureux, mais nous pouvons penser qu'elle ne durera pas toujours.
Je reconnais que votre prédécesseur a fortement contribué à cette situation, mais elle l'a fait en augmentant les prélèvements et non pas en maîtrisant les dépenses, ce qui aurait été, en fait, la seule voie acceptable.
L'année dernière, j'énumérais à cette tribune la liste des douze prélèvements créés ou augmentés depuis 1997. Cette année, je pourrais en ajouter deux nouveaux : la taxe sur les conventions d'assurance et la taxe sur les véhicules de société. Mais je me contenterai de citer deux chiffres : les prélèvements sociaux représentaient, en 1997, 20,4 % du PIB ; quatre ans plus tard, ils atteindront 21,4 %, soit un point de plus de PIB, et ce alors même que l'ensemble des prélèvements obligatoires devraient diminuer, si l'on en croit les discours du Premier ministre. Le contraste est saisissant.
La méthode de votre prédécesseur était sans faille et sans gloire : augmenter les prélèvements et faire croire que le retour à l'équilibre relevait d'une action volontariste. La seule volonté qu'elle a démontrée pendant son passage rue de Grenelle aura été celle de la hausse de la pression fiscale sociale, et certainement pas celle de la réforme.
Nous espérons que vous vous engagerez sur une autre voie, plus saine, celle des vraies réformes, qui ne peuvent passer que par la maîtrise de la dépense.
Le deuxième constat porte sur la CSG et sur la CRDS.
Les mesures proposées dans ce projet de loi de financement préparé par votre prédécesseur sont particulièrement critiquables.
Sur la CSG, d'abord. Nous vous expliquerons, dans le cours des débats, que votre ristourne dégressive est complexe et qu'elle est loin de simplifier les relations entre l'Etat et la sécurité sociale. Nous soulignerons également toutes les injustices qu'elle entraîne entre familles, entre ménages ayant un ou deux actifs, entre actifs et pluriactifs ; le débat nous permettra de revenir sur ces différents aspects.
A mes yeux, la critique la plus grave porte sur la remise en cause même du contrat social que constitue cette mesure. Je ne suis pas certain que vos amis, madame le ministre, aient parfaitement perçu toutes les implications de ce que vous nous proposez.
Depuis sa substitution aux cotisations salariales maladie, la CSG, Charles Descours l'a parfaitement montré, symbolise le lien entre l'assuré et les régimes obligatoires de base de la sécurité sociale. Ces régimes continuent d'ailleurs à s'appeler « régimes d'assurance » ; ils supposent donc l'existence d'un rapport financier direct entre l'assuré et l'organisme versant les prestations. Les cotisations, puis la CSG ont symbolisé ce lien.
En revanche, exonérer de CSG des millions de salariés actifs et substituer à leurs versements des recettes de l'Etat revient tout simplement à rompre cette liaison et donc à ouvrir la voie à l'étatisation de l'assurance maladie. Un tel mécanisme, une telle évolution sont contraires aux principes fondateurs de notre sécurité sociale.
En agissant ainsi, vous donnez des arguments supplémentaires à ceux qui s'interrogent sur la nécessité de maintenir le mode actuel de gestion paritaire des caisses. En voulant modifier en profondeur le mécanisme de la CSG, vous risquez d'altérer de façon irréversible notre sécurité sociale, cette institution à laquelle nous sommes tant attachés et qui est au coeur de notre contrat social.
Agir ainsi est désolant, alors que d'autres mécanismes existaient pour atteindre les mêmes objectifs de garantie du pouvoir d'achat. Nous vous le démontrerons le moment venu, au cours de ce débat.
De même, s'agissant de la CADES, vous agissez avec ce que je pourrais appeler une légèreté critiquable. En privant la caisse de deux années de recettes, vous en allongez le terme d'autant. Vous remettez ainsi en cause la force de cette institution, qui réside dans sa crédibilité financière internationale.
Vous n'avez pas le droit de parler de baisse des prélèvements. Les exonérations de CRDS ne sont que des reports de prélèvements de ceux que vous exonérez aujourd'hui sur ceux qui paieront la CRDS deux ans de plus.
Vous avez tort d'arguer des bons résultats de la CADES pour les gaspiller aussitôt. Là aussi, d'autres moyens existaient. Notre excellent collègue Philippe Adnot évoquera tout à l'heure différents aspects de la gestion de la CADES.
Le troisième point que je souhaiterais aborder ce soir a trait à l'assurance maladie.
Dans ce domaine, vous avez repris, madame le ministre, un chantier en friche.
Ma première inquiétude concerne la disparition de tous les modes de régulation en matière de dépenses de santé. La situation est telle que je ne suis pas loin de partager l'opinion du député Claude Evin - avec lequel nous avons eu tant de débats, pourtant - quand ce dernier parle de la « mort du système conventionnel ».
Dans la situation actuelle, tout est à reconstruire, semble-t-il.
Il faudra le faire sur la base d'un dialogue à rétablir avec l'ensemble des professionnels de santé, tant on a pu constater que leur sentiment de délaissement, voire de persécution pouvait bloquer toutes les vélléités de réformes.
Pour restaurer ce dialogue, et je partage ici l'analyse de M. Descours, il faut abandonner les mécanismes de responsabilité collective et opter résolument pour la responsabilité individuelle.
Le deuxième domaine de l'assurance maladie que j'évoquerai est celui de l'hospitalisation. Votre prédécesseur a réussi en la matière un exploit. Elle est parvenue à briser ce qui fonctionnait de manière satisfaisante, c'est-à-dire les cliniques, pour subventionner fortement ce qu'il fallait à tout prix réformer, à savoir l'hôpital public.
Je ne remets pas en cause, bien entendu, l'existence de problèmes majeurs dans les hôpitaux. Cependant, comment taire la situation dramatique des cliniques ?
Dans les cliniques, toutes corrections faites - je dis bien « toutes corrections faites » -, un même acte coûte de 30 % à 50 % moins cher que dans un hôpital.
Or, vous êtes en train de les asphyxier par des décisions que l'on peut qualifier d'irréfléchies. Dans ce secteur, l'absence d'infirmières devient dramatique. Elle est le fruit de la réduction du nombre de places initiée par votre prédécesseur à son arrivée et de la mise en oeuvre inconsidérée des 35 heures.
Le quatrième point de ce rapide exposé concerne bien évidemment les retraites, mais j'ai des scrupules à aborder de nouveau ce sujet, après l'excellente intervention de M. Alain Vasselle voilà quelques instants.
En matière de retraites, la politique du Gouvernement relève presque de l'irresponsabilité, compte tenu du vieillissement de notre population, et les dernières analyses de l'INSEE sont très significatives à cet égard.
Je ne dirai rien de la suppression, sans solution de remplacement, du mode de revalorisation des pensions mis en place en 1993.
Je me concentrerai sur les deux axes de l'inaction gouvernementale que sont la politique des rapports et la virtualité du fonds de réserve.
Sur ce sujet, le Gouvernement a mis au point une méthode infaillible : il consulte, il demande un rapport, il engage un contre-rapport, puis met en place une instance de concertation chargée de faire des études et, dans le présent projet de loi de financement, propose même de doter notre administration de nouveaux moyens statistiques - c'est bien, peut-être - probablement pour lancer de futures études. A n'en pas douter, si nous continuons dans cette voie, nous aurons bientôt la plus belle collection au monde d'études sur les retraites.
La logique de cette politique des rapports est évidente : il s'agit de repousser toute décision après les échéances électorales majeures. Or nous savons bien qu'alors il sera presque trop tard.
Cela apparaît avec plus de force encore pour le fonds de réserve. Vous héritez en la matière d'une situation scandaleuse. Deux ans après la création de ce fonds, nous n'en connaissons toujours ni l'objectif, ni les modes pérennes de financement, ni les méthodes de gestion, ni les organismes de surveillance, ni le terme, ni la structure juridique. Cela fait beaucoup !
Vous pensez calmer les impatiences et les inquiétudes en alimentant ce fonds au coup par coup. Mais ce que, visiblement, votre prédécesseur n'a pas compris, et ce que tous les exemples étrangers nous montrent, c'est que seules la transparence, la visibilité et la prévisibilité à long terme permettent de minorer le coût de l'ajustement inéluctable. La citation du rapport Charpin faite tout à l'heure par M. Vasselle était, à cet égard, excellente. En effet, il y a un moment où le coût sera tel que les générations présentes refuseront peut-être d'en supporter la charge.
Quant à la promotion d'une épargne retraite individuelle, le Gouvernement laisse - et c'est bien - les fonctionnaires bénéficier de la Préfon, les professions libérales des dispositifs Madelin - c'est bien aussi - et les agriculteurs de mécanismes propres, mais il laisse les salariés du secteur privé dépourvus de tout système sérieux.
Face au silence du Gouvernement, le Sénat a adopté, la semaine dernière, sur l'initiative de la commission des finances et de notre collègue Joseph Ostermann, un mécanisme d'épargne retraite volontaire, construit sur une base collective, facultative et respectueuse de l'équilibre des régimes par répartition, auxquels nous sommes tous attachés. Simultanément, l'opposition républicaine vient de publier ses propositions, propositions dont la lecture pourrait, je le crois, utilement vous inspirer.
Ecoutons d'ailleurs ce que nous disent les institutions internationales.
La Commission européenne propose - et je serais heureux de connaître la position du Gouvernement à cet égard - une directive sur les fonds de retraite par capitalisation, en soulignant l'intérêt et l'urgence de leur développement.
La semaine dernière, l'OCDE, l'Organisation de coopération et de développement économiques, publiait, quant à elle, une étude montrant les effets positifs de l'élévation de l'âge de la retraite dans les pays ayant adopté cette mesure, et on nous a présenté, voilà quelque instants, les exemples de la Suède et de l'Italie.
Malgré cela, malgré le coup de vent annoncé, en dépit des premières avaries et des avertissements venant de l'étranger, le paquebot du Gouvernement français maintient obstinément le cap, et il le maintiendra jusqu'à ce qu'il rencontre sur sa route, peut-être, un iceberg fatal... Quant aux victimes, elles sont connues d'avance.
Le dernier point que je souhaite aborder a trait à l'outil même que représente la loi de financement de la sécurité sociale.
La réforme constitutionnelle que nous avons adoptée voilà quelques années a permis à notre pays de rattraper un retard démocratique majeur. J'ai été l'un des initiateurs de cette loi constitutionnelle, refusée d'abord en 1992, puis en 1994 et acceptée en 1995.
Cependant, cinq ans après, il est temps de faire un premier bilan et de réfléchir aux évolutions futures.
Qu'avons-nous fait de l'outil ? Comment l'améliorer ?
Des objectifs qui semblaient impossibles en 1995 deviennent possibles. Il s'agit, par exemple - et nous en avons parlé - de la mise en oeuvre d'un article d'équilibre, qui serait une bonne initiative.
D'autres qui semblaient des avancées majeures atteignent leurs limites : après Charles Descours, je veux parler de l'ONDAM. Chacun a conscience que les relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale sont loin d'être satisfaisantes et qu'il n'est plus possible d'avoir un tel éclatement des prélèvements obligatoires.
Nous ne pouvons que dénoncer le caractère scandaleux et antidémocratique de pratiques qui aboutissent à ce que des dizaines de milliards de francs de dépenses, comme celles du FOREC, échappent à tout contrôle et à tout vote parlementaires. Puisque M. Charles Descours parlait tout à l'heure des fonds, j'ai consulté son rapport et, en dehors de la CADES, j'en ai listé vingt et un, ce qui est tout de même tout à fait étonnant !
Nous savons qu'il est malsain de ne pas embrasser par des comptes consolidés l'ensemble du champ des finances publiques et des finances sociales alors que les institutions internationales nous jugent fortement sur ces comptes agrégés. Cette remarque est, je crois, importante.
Votre prédécesseur, madame le ministre, et le Gouvernement portent une responsabilité majeure parce qu'ils ont sacrifié l'outil des lois de financement de la sécurité sociale à des convenances d'affichage politique. J'ai déjà évoqué le FOREC. J'ai déjà dit tout le mal que j'en pensais, ainsi que des méthodes utilisées pour l'ONDAM. A quoi celui-ci sert-il quand le Gouvernement le rebase à deux reprises, passant ainsi l'éponge sur une trentaine de milliards de francs de dépassements ?
De même, où est la réflexion sur la santé publique et le contenu des 100 milliards de francs de dépenses supplémentaires consacrées à la santé en cinq ans ? Cet argent a-t-il apporté un bien-être, financé des innovations, réduit des inégalités, ou bien s'est-il fondu dans la masse de la dérive des dépenses ? C'est une question sur laquelle nous n'avons pas complètement les réponses que nous souhaiterions.
Il faut donc revoir le schéma des lois de financement de la sécurité sociale pour leur donner une autre ampleur et davantage de crédibilité.
Espérons que la réforme annoncée, attendue et espérée de l'ordonnance portant loi organique relative aux lois de finances donnera enfin l'occasion de lancer un débat approfondi et constructif. Encore faut-il, bien entendu, madame le ministre, que le Gouvernement le veuille.
Comme vous le constatez, les sujets d'inquiétude ne manquent pas. Nous connaissons vos qualités de rigueur et d'objectivité. J'espère que la description sévère mais juste que je viens de faire, au nom de la commission des finances, et qui rejoint celle de la commission des affaires sociales, vous permettra d'avoir une autre vision sur une réalité qui est encore très sombre.
La conjoncture économique vous a donné et vous donne toujours une occasion unique de redresser le cap. Ne la manquez pas. Il en va de votre responsabilité face à un peuple qui a toujours marqué son profond attachement à son système de protection sociale.
Pour toutes ces raisons, vous comprendrez que la commission des finances ait émis un avis négatif sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Madame la ministre, je vous accueillais mardi dernier à la commission des affaires sociales et je vous disais que la majorité des membres de celle-ci n'était pas malveillante mais serait sans doute sévère, surtout lorsqu'il s'agit de discuter d'un budget désormais plus important que celui qui est présenté par le projet de loi de finances. Je regrette d'ailleurs - mais je sais quelles étaient ce jour-là vos obligations - que nous n'ayons pu en discuter que pendant une heure.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Et quart !
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Cependant, je ne doute pas que ces critiques sévères, qui pour l'instant ne s'adressent pas directement à vous, vous allez malgré tout les assumer, les combattre crânement. En effet, nous connaissons votre tempérament.
Après les exposés très complets des trois rapporteurs de la commission des affaires sociales et du rapporteur pour avis de la commission des finances, mon intervention sera brève.
Je voudrais simplement, au moment où nous abordons le cinquième projet de loi de financement de la sécurité sociale, exprimer un motif d'inquiétude et vous faire part d'un motif de satisfaction.
S'agissant, tout d'abord, du motif d'inquiétude, M. Charles Descours vient de souligner combien, depuis quatre ans, le Gouvernement avait dénaturé cette nouvelle catégorie de loi et, ajouterai-je, trahi non seulement l'esprit, mais encore la lettre de la réforme constitutionnelle de 1996.
Or notre commission est fondamentalement attachée à ces lois de financement qui doivent permettre chaque année au Parlement de débattre des enjeux financiers de notre protection sociale.
Certes, la matière en elle-même est complexe. Notre protection sociale se caractérise par une grande diversité des intervenants et par la multiplication des affectations de recettes qui résulte de la séparation des risques, séparation que vous essayez d'ailleurs de contourner.
Les lois de financement elles-mêmes relèvent d'une logique particulière puisque les objectifs votés par le Parlement ne sont pas des plafonds de crédits qui entraîneraient, s'ils étaient dépassés, l'interruption des prestations ou des remboursements. Mais j'ai bien noté, et nous saurons vous le rappeler, l'engagement que vous avez pris, dans votre propos liminaire, de faire respecter les objectifs votés par le Parlement.
La matière est donc complexe, mais, après tout, le Parlement et ses commissions permanentes en ont l'habitude et le rôle essentiel qui est le leur est bien de rendre intelligibles les textes compliqués.
Je voudrais, à ce titre, rendre hommage à Charles Descours, Jean-Louis Lorrain et Alain Vasselle pour l'intensité et la qualité du travail effectué, ainsi qu'à Jacques Oudin qui vient de nous présenter les conclusions de la commission des finances. Je sais, puisqu'il vient de nous le faire dire à l'instant, que le président de la commission des finances serait présent parmi nous s'il n'était retenu par des problèmes importants au sein de sa commission.
Mais encore faut-il que la complexité soit sinon nécessaire, du moins qu'elle ne puisse être évitée.
Or, j'ai la conviction que le Gouvernement organise cette complexité pour procéder, dans une opacité volontaire, à des transferts financiers illégitimes. Je pense en particulier à ces ponctions répétées et, de surcroît, rétroactives qui sont opérées sur la branche famille et le fonds de solidarité vieillesse. MM. Jean-Louis Lorrain et Alain Vasselle l'ont parfaitement démontré tout à l'heure.
De cette confusion organisée par le Gouvernement, je citerai seulement deux exemples.
Le Gouvernement a créé, l'an dernier, un fonds « de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale », le fameux FOREC, dont tout le monde a parlé. De fait, le débat sur la réforme de l'assiette des cotisations patronales est ancien et tourne autour de la question suivante : faut-il ou non introduire, à côté de la masse salariale, d'autres éléments de la valeur ajoutée ?
Mais que fait le Gouvernement ? Il affecte à la compensation des exonérations de cotisations sociales pas moins de six impôts et taxes. Il s'agit, et c'est un peu un inventaire à la Prévert, des droits sur les tabacs, des droits sur les alcools, de la taxe sur les véhicules de société, de la taxe sur les conventions d'assurances, de la contribution sur les bénéfices des sociétés, de la taxe sur les activités polluantes, qui, aujourd'hui mardi 14 novembre 2000, alors que le Premier ministre va devoir chercher un certain nombre de milliards de francs pour résoudre le problème des farines animales, pourrait avoir une utilisation plus judicieuse.
M. Alain Gournac et M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Dans tout cela, où est la réforme des cotisations patronales ? Nulle part, sauf à prétendre que les tabacs et les alcools, dont les droits sont payés par les consommateurs, entreraient par exemple dans l'assiette des cotisations patronales, ce qui serait à l'évidence absurde.
A quel objectif répond alors la création du FOREC ?
Est-ce un objectif de clarification ? Ce serait un paradoxe, tant le mécanisme rend désormais incompréhensible non seulement la loi de financement mais aussi la loi de finances.
Est-ce l'objectif d'un meilleur contrôle ? Ce serait une plaisanterie, dès lors que ce fonds échappe à tout contrôle puisqu'il n'a pas été encore juridiquement mis en place.
De quoi s'agit-il alors ? La réponse est simple. Il s'agit de dégonfler optiquement la masse des dépenses budgétaires et de faire en sorte qu'en définitive le budget de l'Etat se retire totalement du financement d'une politique de l'emploi fort aventureuse - nous le constatons chaque jour davantage -, à savoir les trente-cinq heures.
C'est la première confusion, qui frise l'impudence, organisée par le Gouvernement : présenter comme une réforme des cotisations patronales la non-compensation à la sécurité sociale des exonérations de charges décidées par l'Etat.
Le second exemple, je le tire du transfert de majoration de l'allocation de rentrée scolaire.
Depuis 1993, le Gouvernement décidait chaque année d'une telle majoration, qui était prise en charge par le budget général.
Lors de la Conférence sur la famille de juin 1999, il annonce la pérennisation de cette majoration.
A dire vrai, cette annonce semblait relever de l'effet de manche. En effet, les familles étaient habituées à cette majoration, régulièrement reconduite chaque année, et on ne voit donc pas ce qu'il y avait de bien nouveau dans cette décision.
En réalité, de quoi s'agissait-il ? Dès lors que le Gouvernement annonçait sa pérennisation, la majoration de l'allocation de rentrée scolaire était élevée au rang de prestation familiale, et il était normal, concluait le Gouvernement, que les 7 milliards de francs correspondants soient pris en charge par la branche famille.
On se demande véritablement pourquoi le Gouvernement - l'actuel ou le précédent, d'ailleurs - n'a pas pris plus tôt une telle décision : il est rare, en effet, qu'une bonne nouvelle se traduise par une économie budgétaire de 7 milliards de francs !
C'est la seconde confusion que je tenais à souligner : celle qui consiste à transférer une charge nouvelle à la branche famille sous couvert de pérennisation d'une prestation.
A travers les mécanismes qu'il met en place, sciemment illisibles, à travers le discours dont il les accompagne, sciemment confus voire inexact, le Gouvernement ne dupe certes pas les spécialistes des finances sociales, mais il réduit à néant les espoirs de pédagogie, de clarté et de démocratie qui étaient attachés à la réforme constitutionnelle de 1996.
M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Il prend ce faisant une lourde responsabilité,...
M. Alain Gournac. Oui !
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. ... car, sans cette pédagogie, sans cette clarté, sans cette démocratie, il n'y aura pas de redressement durable des comptes sociaux, il n'y aura pas de garantie quant à l'avenir de notre modèle de protection sociale.
J'exposerai un motif de satisfaction ensuite ; il n'est pas mince mais il ne s'adresse pas au Gouvernement.
Face, en effet, à la multiplication des jeux de miroirs entre la loi de financement et la loi de finances, qui résulte des tuyauteries mises en place par le Gouvernement, le débat parlementaire sur ces deux textes financiers courait un risque de confusion et d'incohérence.
Aussi, je me félicite du travail fait en commun par les deux commissions compétentes : la commission des finances et la commission des affaires sociales.
Non seulement leurs analyses sont proches, voire identiques, mais encore leurs propositions sont coordonnées, qu'il s'agisse du mécanisme du crédit d'impôt que la commission des finances proposera de substituer à l'improvisation que représente la ristourne dégressive de la CSG, qu'il s'agisse de l'amélioration du quotient familial ou encore de l'affectation du produit des licences de la téléphonie mobile.
Je tiens à en donner acte à mon collègue M. Alain Lambert, président de la commission des finances, et à M. Philippe Marini, rapporteur général, qui a bien voulu se joindre à nous lors de la conférence de presse organisée voilà quelques jours.
A l'évidence, nous sommes prêts à aborder chaque année, au printemps, un débat d'orientation consolidé sur les finances publiques, c'est-à-dire sur le projet de loi de finances ainsi que sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Je déplore que, face à une telle demande, appuyée par M. le président du Sénat, le Gouvernement se dérobe.
Ces dérobades, nous en avons cité beaucoup, en particulier s'agissant des retraites. C'était la tactique de Fabius, non pas celui auquel vous pensez peut-être, mais Fabius Cunctator , c'est-à-dire « le Temporisateur », tactique qui parut un temps réussir, mais qui finit dans l'échec.
Je ne souhaite pas, pas plus que vous, sans doute, madame la ministre, ni que vous, mes chers collègues, un tel résultat pour notre pays ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je tâcherai de répondre brièvement, puisque la discussion générale va se poursuivre et que j'aurai d'autres occasions de m'exprimer. Mais je voudrais quand même à ce stade, après les interventions des différents rapporteurs et du président de la commission des affaires sociales, vous faire part, mesdames, messieurs les sénateurs, de quelques remarques.
Monsieur Descours, si « le trou de la sécu » a disparu, nous y sommes pour quelque chose ! Il faut quand même vous y faire ! Nous avons changé de politique économique en 1997,...
M. Charles Descours, rapporteur. Eh oui !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... nous avons relancé la croissance, nous avons diminué le chômage, et voilà le résultat !
M. Alain Gournac. Et en Allemagne ? Et en Grande-Bretagne ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je n'avais pas cité, dans mon propos introductif, les montants des déficits successifs du régime général, entre 1993 et 1997, mais, puisque vous m'y poussez, je vais le faire ! Ce déficit s'élevait, en 1993, à 56,4 milliards de francs, en 1994 à 54,8 milliards de francs, en 1995 à 57,3 milliards de francs, en 1996 à 51,4 milliards de francs, en 1997 à 33,8 milliards de francs, le total se montant à 253 milliards de francs.
En 1998, le déficit a baissé à 16,9 milliards de francs, et nous avons renoué avec les excédents à partir de 1999. Mais cette amélioration n'est pas venue toute seule ! Elle est due, je le répète, à la politique économique que nous avons menée, politique qui a rompu radicalement avec celle qui avait été menée par M. Balladur, puis par M. Juppé, et qui aurait certainement été encore aggravée si la dissolution décidée par le Président de la République avait donné un résultat différent ; mais les Français nous ont élus justement pour mener une politique différente !
M. Claude Domeizel. Heureusement !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Toutes les conditions étaient rassemblées pour que la croissance soit rétablie !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. La réduction du temps de travail dans la fonction publique hospitalière sera effective au 1er janvier 2002. Où en sommes-nous aujourd'hui ? Mon cabinet a rencontré les grands syndicats. Les négociations s'ouvriront prochainement pour aboutir, je l'espère, à un accord national. Puis sera élaborée la réglementation sur l'organisation et le temps de travail, avec, ensuite, une mise en application à l'échelon local.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Quel sera le financement ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. J'ai bon espoir que la réduction du temps de travail soit l'occasion de réexaminer l'organisation du travail au sein des hôpitaux afin d'améliorer à la fois le service rendu à la population et les conditions de travail des agents. Quant au financement, monsieur le président de la commission des affaires sociales, la question ne se posera qu'en 2002.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr ! Beaucoup de personnes sont inquiètes à ce sujet !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Chaque chose en son temps !
M. Charles Descours, rapporteur. Cunctator !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. S'agissant de la CSG, M. Descours a tenu des propos très argumentés auxquels je vais m'efforcer de répondre brièvement.
Le Gouvernement a voulu réduire les prélèvements afin d'alléger les charges sur le travail, et, en premier lieu, sur le travail peu qualifié. La CSG avait d'ailleurs été mise en place pour rééquilibrer les prélèvements sociaux en baissant les charges sur les revenus du travail et en mettant à contribution, en compensation, les revenus financiers.
La mise en oeuvre de la CSG a été faite aussi bien par le gouvernement de Michel Rocard, en 1990, que par celui de Lionel Jospin, en 1998, sur l'initiative de Martine Aubry, dont je veux ici saluer l'action, car j'estime qu'elle a été injustement attaquée par tous les rapporteurs,...
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Tout à fait !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... dans l'espoir, évidemment vain et fallacieux, que j'allais, ne fût-ce que d'un battement de cil - mais je ne vous ferai pas ce cadeau ! - me démarquer de la politique menée par ma « prédécesseure ». (Exclamations sur les travées du RPR.) Je tiens donc à saluer ici les réformes menées par Martine Aubry, au nom du Gouvernement tout entier. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Alain Gournac. Pas nous !
M. Hilaire Flandre. Attendez de payer la note !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. La mise en oeuvre de la CSG a été faite par Michel Rocard en 1990 et par Martine Aubry en 1998, conformément à la logique précitée et contrairement à la mesure d'augmentation de la CSG décidée en 1993 par le gouvernement de M. Balladur, qui a été réalisée sans baisse de cotisations salariales en compensation. Il faut quand même rappeler certaines choses !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Vous en profitez bien !
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Il faudrait faire le bilan du gouvernement Bérégovoy !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Les mesures prises par les divers gouvernements en matière de charges patronales ont aussi visé à alléger les charges en priorité sur les bas salaires. C'est dans cet esprit qu'ont été conçus les allégements liés à la mise en place des 35 heures qui permettent de réduire le niveau des charges de sécurité sociale à 5 % du SMIC brut, contre 31 % voilà dix ans.
Nous voulons - et c'est peut-être ce qui nous distingue, monsieur Descours - continuer les efforts pour améliorer le statut social du travail, et que cela ne s'arrête pas aux charges patronales. Nous souhaitons que le smicard bénéficie sur sa feuille de paie de l'allégement des charges sociales. C'est notre politique ; c'est le sens des mesures qui ont été prises et c'est ce que permet le projet de loi de financement de la sécurité sociale à travers cette mesure simple, extrêmement attendue par les ménages concernés et applicable dès janvier 2001. D'ailleurs, le Gouvernement a veillé à ce que cette mesure ne prive pas la sécurité sociale de la moindre ressource puisque le projet de loi, tel qu'il a été adopté par l'Assemblée nationale, prévoit une compensation intégrale des régimes de sécurité sociale.
M. Charles Descours, rapporteur. Pas pour la CRDS !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Si ! C'est pourquoi les critiques que vous avez exposées ne me semblent pas fondées.
Par ailleurs, monsieur Descours, vous avez émis une crainte quant à une inconstitutionnalité de la réduction dégressive de la CSG, avançant à cet égard trois motifs possibles.
Vous avez tout d'abord prétendu que les pluriactifs seraient avantagés. Je dirai qu'ils ne seront pas mieux traités que les monoactifs puisque la pluriactivité salariée est prise en compte à travers la proratisation de la réduction en fonction du temps de travail. De ce fait, un salarié qui perçoit le SMIC en occupant deux emplois à mi-temps bénéficiera de la même réduction que s'il occupait un emploi à temps plein rémunéré au SMIC. Par conséquent, le pluriactif salarié ne sera pas avantagé.
Et je répète, après vous avoir déjà répondu à cet égard lors de mon audition par la commission des affaires sociales - que la pluriactivité non salariée sera également prise en compte lors de la régularisation sur les revenus de l'année. Il sera alors demandé aux salariés de déclarer leurs revenus salariés pour que l'URSSAF ou la mutualité sociale agricole puisse vérifier que la somme de leurs revenus leur permet de bénéficier de la mesure. Je ne pense donc pas que le premier motif d'inconstitutionnalité puisse être fondé.
Vous avez ensuite prétendu qu'un couple dont un seul conjoint travaille et qui perçoit un salaire d'1,4 SMIC sera moins bien traité qu'un couple où chacun des conjoints perçoit le SMIC.
Pour ma part, je ne vois pas là de rupture d'égalité ! Ces deux ménages ne sont pas dans une situation semblable, puisque, dans un cas, deux personnes travaillent et, dans l'autre cas, une seule personne occupe un emploi.
M. Hilaire Flandre. C'est scandaleux !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Quand on veut statuer sur l'égalité devant les charges publiques, il faut tenir compte de cette différence de situation. J'ajoute que ce dispositif, que nous voulons et assumons, aboutit à prendre en compte le second salaire, c'est-à-dire le travail féminin, car nous sommes pour l'égalité entre les hommes et les femmes. C'est donc là un résultat que nous souhaitons, je dirai même que nous revendiquons.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Parfaitement !
M. Guy Fischer. Très bien !
M. Hilaire Flandre. Les gosses dans la rue et les femmes à l'usine !
M. Guy Fischer. On vous reconnaît bien là !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Par ailleurs, je rappelle que l'un des objectifs visés au travers de cette mesure est de favoriser le retour à l'emploi pour les personnes à revenus modestes, et pour atteindre cet objectif, il faut, bien évidemment, considérer séparément chaque salaire.
Enfin, dites-vous, la CSG et la CRDS ne seront plus proportionnelles. Mais je ne vois pas là non plus de motif d'inconstitutionnalité. C'est au législateur, et à lui seul, d'apprécier la manière dont doivent être prises en compte les facultés contributives.
Vous soulignez que la CSG restera proportionnelle sur d'autres types de revenus. La réponse se trouve à la page 87 de votre rapport, monsieur Descours : « A force de "propos" autorisés de certains économistes et de différents penseurs dans la presse, certains ont pu croire que la CSG était un deuxième impôt sur le revenu.
« Or, la CSG est au moins triple : il existe une CSG sur les revenus d'activité, une CSG sur les revenus de remplacement, une CSG sur les revenus du patrimoine et les produits de placement. »
On ne peut pas mieux dire ! Vous faites donc une bonne analyse, mais vous en tirez des conséquences que je crois erronées.
Vous faites des propositions. Il est très intéressant que la majorité sénatoriale fasse des propositions. Je salue cet effort méritoire. C'est bien là, me semble-t-il, le rôle de toute opposition. J'allais dire « enfin ! » (Sourires sur les travées socialistes.)
Vous proposez de retenir la technique de l'impôt négatif. En fait, vous parlez de crédit d'impôt, mais il est plus juste de parler d'impôt négatif, car la plupart des bénéficiaires d'un tel crédit d'impôt n'auraient jamais été amenés à acquitter l'impôt puisqu'ils ne paient pas l'impôt sur le revenu. Donc, cela ne pourrait pas les concerner. Aussi, parlons, si vous le voulez bien, d'impôt négatif plutôt que de crédit d'impôt.
M. Charles Descours, rapporteur. C'est l'expression retenue par le ministère des finances.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Lui, c'est lui ; moi, c'est moi !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Ce n'est pas comme avec Martine Aubry !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Pourquoi ne pas avoir retenu la technique de l'impôt négatif ? Nous avons, naturellement, réfléchi à cette intéressante question qu'encore une fois vous avez le mérite de soulever dans notre débat.
D'abord, parce qu'elle aurait été trop lourde à gérer. La réduction dégressive, que nous avons choisie, sera gérée par les employeurs pour les salariés et par les organismes de recouvrement, URSSAF ou caisse de MSA. Entreprises et organismes ont depuis longtemps l'habitude d'appliquer des dispositifs d'allégement de charges sociales. Ils ont une longue expérience liée à la réduction des cotisations patronales, qui sont très diversifiées et très développées.
En revanche, la mise en place d'un impôt négatif aurait été beaucoup plus lourde et beaucoup plus coûteuse. Elle aurait nécessité, de notre point de vue, la mise en place de procédures et de moyens administratifs nouveaux.
Surtout, la mise en place de l'impôt négatif aurait été très longue à produire ses effets, alors que la réduction dégressive peut être mise en oeuvre dès le 1er janvier prochain, s'agissant des salariés, et lors de la première échéance de cotisations de l'année prochaine, soit le 15 mai, s'agissant des non-salariés.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Electoralement, c'est préférable !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Pour mettre en place l'impôt négatif, il aurait fallu un délai très long, environ quinze mois pour les salariés, et même plus pour les non-salariés, en raison du temps nécessaire pour connaître définitivement les revenus des intéressés.
Un tel délai était incompatible avec l'objectif de la mesure, qui, je le rappelle, est avant tout de favoriser la reprise d'activité, le retour à l'emploi, en augmentant le revenu d'activité net. C'est aujourd'hui, je crois, qu'il faut le plus utilement agir sur ce terrain.
Vous avez également plaidé, monsieur Descours, pour une loi de financement rectificative de la sécurité sociale. On vient de me passer à l'instant un extrait très intéressant du rapport sénatorial de 1996, donc écrit par l'un de vos amis de la majorité sénatoriale de l'époque et d'aujourd'hui, si ce n'est par vous-même !
J'en donne lecture : « Il semble que l'intervention d'une loi de financement rectificative ne se justifierait que dans des circonstances exceptionnelles, par exemple un bouleversement très important en cours d'année des conditions de l'équilibre financier de la sécurité sociale ou, le cas échéant, un changement de majorité parlementaire suivi de la formation d'un nouveau gouvernement. » Nous n'en sommes pas là. Nous pouvons donc faire l'économie d'un tel projet de loi de financement rectificative.
Monsieur Lorrain, nous n'avons pas, c'est vrai, la même conception de la politique familiale.
M. Alain Gournac. On s'en était rendu compte !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Votre exposé et ce que nous proposons le montrent à l'évidence.
M. Lucien Neuwirth. Il y a longtemps qu'on le sait !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je tiens tout de même, sur le même ton extrêmement courtois que celui que vous avez employé, à vous dire un certain nombre de choses.
D'abord, je ne crois pas que l'on puisse dire que, de 1993 à 1997, la politique en faveur de la famille ait été exemplaire.
C'est tout de même pendant cette période que l'on a mis sous condition de ressources l'allocation parentale pour jeunes enfants,...
Mme Gisèle Printz. Oui !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... que l'on a gelé la base mensuelle des allocations familiales, à partir de laquelle sont calculées les allocations familiales,...
Mme Marie-Claude Beaudeau. Cela a été condamné par le Conseil d'Etat !
M. Guy Fischer. Ils l'ont reversée !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. En effet ! ... et, enfin, que l'on a fiscalisé les indemnités journalières maternité.
Alors, c'est vrai qu'en 1994 a été produite une grande loi sur la famille. Mais malheureusement, aucun financement n'était prévu ! Nous, nous ne voulons pas faire d'effets d'annonce qui ne soient pas suivis de financements.
Enfin, je souligne que l'héritage, en 1997, pour la branche famille, se soldait par un déficit de 15 milliards de francs, sans parler des prélèvements fiscaux auxquels avaient été soumises les familles : 120 milliards de francs de relèvements d'impôts entre 1995 et 1997.
Depuis 1997, en revanche, les familles ont bénéficié d'un certain nombre de mesures que je crois favorables.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Pas les familles nombreuses !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. D'abord, l'extension à vingt ans de l'âge jusqu'auquel on perçoit des allocations familiales, ce qui n'est pas rien.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. On a retardé d'un an l'attribution de la première allocation. Cela ne change rien !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Ensuite, le bénéfice de l'allocation de rentrée scolaire dès le premier enfant.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Et le quotient familial ? (Sourires sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je citerai encore l'extension à vingt et un ans du complément familial et des aides au logement, à quoi s'ajoutent le coût de pouce sur la base mensuelle des allocations familiales en 2000 et 2001, l'alignement des loyers plafonds pour le calcul de l'allocation au logement familial sur l'APL, ce qui augmente le montant des aides au logement pour les familles, et le relèvement de 11 000 à 13 000 francs du plafond du quotient familial en 2001.
Il est vrai que nous avions abaissé ce plafond - vous avez eu raison de le rappeler - de 16 000 francs à 11 000 francs en 1998. Là encore, nous assumons. C'était une mesure d'orientation des aides à l'égard des familles qui en ont le plus besoin, tout cela avec un retour à l'excédent de la branche au lieu d'un déficit de 15 milliards de francs et des allégements d'impôts, là encore très importants, qui profitent aux familles.
Monsieur Vasselle, vous avez concentré votre analyse sur les mesures concernant les retraites. Je vous répondrai, là encore, le plus brièvement possible.
D'abord, vous avez dit que nous avions des excédents « fragiles » Mais, à structure constante, nous approchons les 20 milliards de francs en 2000, ce qui n'est tout de même pas négligeable. En plus, nous avons le fonds de réserve.
La réduction des déficits provient de recettes supplémentaires tirées d'une croissance exceptionnelle dont nous nous félicitons tous, j'en suis sûre.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je l'ai dit !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. C'est vrai !
En outre, les dépenses maîtrisées évoluent moins vite que le produit intérieur brut, grâce aux mesures structurelles que nous mettons en oeuvre.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Comme M. Balladur !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. M. Balladur a été l'auteur d'une réforme relative aux retraites en 1993 ; et il est vrai qu'une loi de juillet 1993 a pris un certain nombre de mesures, assorties, il faut le dire, d'un relèvement de 1,3 point de la CSG.
M. Hilaire Flandre. On est loin de 10 % !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. M. Balladur a également redressé la CNRACL, grâce à une hausse massive de 3,8 points des cotisations à la charge des collectivités locales.
En fait, les mesures que M. Balladur a prises concernant les retraites, notamment sur la durée de cotisation, en juillet 1993 avaient fait l'objet de larges concertations sous les gouvernements précédents, notamment le gouvernement Rocard. Et, pour le reste, il a accru les prélèvements obligatoires.
Je suis sûre que vous discuterez cette interprétation. Je voulais tout de même vous la livrer parce qu'il m'a semblé que vous aviez donné au Sénat une interprétation très unilatérale de la politique menée par M. Balladur. (Rires sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Il faudrait parler de celle qu'a menée M. Bérégovoy avant de parler de celle de M. Balladur !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. J'ajoute que, quand la droite s'est attaquée aux régimes spéciaux, elle l'a fait, hélas ! d'autorité, ce qui a provoqué les résultats que nous avons vus en 1995 et qui n'ont en rien, de toute façon, fait avancer les choses.
M. Alain Vasselle, rapporteur. J'en ai parlé également !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. S'agissant de l'évolution des retraites, vous avez fait état de votre préoccupation concernant les retraites complémentaires, monsieur Vasselle.
Je vous répondrai que le Gouvernement, lui, prend des décisions sur ce qui relève de sa compétence et de ses responsabilités, c'est-à-dire les retraites de base. Or, de ce point de vue, les faits sont là : nous avons augmenté les retraites de base de 2,2 %. Cela s'est traduit par un gain de pouvoir d'achat de 1,3 % depuis 1997, alors que le pouvoir d'achat des retraites avait baissé de 4,2 % de 1993 à 1997, du fait des prélèvements - CSG, CRDS, etc. - que je viens de rappeler, ainsi, d'ailleurs, que du relèvement des cotisations d'assurance maladie.
Les retraites complémentaires, ce sont les partenaires sociaux - vous le savez, bien sûr ! - qui en discutent. Je veux souligner, à cet égard, que le Gouvernement a réglé dans la concertation le vieux contentieux - il durait, je crois, depuis seize ans - entre l'AGIRC, l'association générale des institutions de retraite des cadres et l'ARRCO, l'association des régimes de retraites complémentaires.
En apportant chaque année plus de trois milliards de francs à ces régimes, le Gouvernement permet un mode de calcul plus favorable des retraites complémentaires.
S'agissant du fonds de réserve, vous avez exprimé votre scepticisme. Vous avez rappelé - mais je l'avais fait avant vous - que les mille milliards de francs du fonds de réserve qui seront constitués d'ici à 2020, et auxquels on ne touchera pas, ne correspondent qu'à une partie - la moitié - des besoins des régimes par répartition pour la période 2020-2040.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Le dixième !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. La moitié, selon mon estimation, mais ce peut être une discussion sans fin, évidemment !
Je crois que c'est parce que vous minorez l'incidence de la politique économique que nous menons (Rires sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants) , qui a conduit à la croissance, au recul du chômage, et qui fait tout de même que la question des retraites se pose, que vous le vouliez ou non, dans un contexte différent de celui de 1997.
Et comme nous avons l'intention d'être là longtemps et de poursuivre cette politique (Sourires), nous continuerons sans doute à avoir, dans les années qui viennent, une bonne croissance et une diminution du chômage.
Il est vrai, néanmoins, que le fonds de réserve ne peut pas suffire à traiter le problème, en tout cas dans la durée, et, sur ce point, je veux vous rassurer.
D'abord, le Gouvernement a créé, vous le savez, un conseil d'orientation des retraites, qui a pour mission de mener la concertation avec l'ensemble des partenaires sociaux, d'élaborer des scénarios, de balayer toutes les pistes possibles pour tous les régimes - je dis bien « tous les régimes » - de faire rapport au Gouvernement, vraisemblablement à la fin de l'année prochaine, rapport sur la base duquel le Gouvernement annoncera, bien entendu, sa politque, c'est-à-dire les mesures qu'il faudra prendre, assorties d'un calendrier.
J'enchaîne avec vos remarques, monsieur Oudin, puisque vous avez beaucoup parlé des retraites, pour vous dire, comme à M. Vasselle, que le temps passé par le conseil d'orientation des retraites à faire de la concertation, à faire de la pédagogie, à chercher toute une palette de solutions, n'est pas du temps perdu, au contraire ! Nous ne sommes pas à six mois près ! S'il est vrai qu'il est important de ne pas perdre de temps, mieux vaut procéder de la sorte qu'agir par autorité et aboutir, inévitablement, à des blocages, comme cela a, hélas ! été le cas en 1995.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Lisez le rapport Charpin !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Nous l'avons lu !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur Oudin, je reconnais votre esprit d'équilibre - il sied à votre rôle, puisque vous êtes membre de la commission des finances - et je voudrais vous dire que le retour à l'équilibre signifie, pour le Gouvernement, des recettes supplémentaires. Je vous « remercie » à cet égard d'avoir qualifié la croissance d'« exceptionnelle » alors que, je le répète, nous y sommes pour quelque chose ! (Sourires.)
Le retour à l'équilibre signifie également, pour le Gouvernement, des dépenses maîtrisées. Ces dernières sont en effet inférieures à l'évolution du produit intérieur brut, ce qui n'est pas le cas chez tous nos voisins européens.
Je voudrais également souligner, monsieur le rapporteur pour avis, qu'il n'y a pas de prélèvement nouveau dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Comme vous le savez, la taxe sur les conventions d'assurance, que vous avez citée comme exemple de prélèvement nouveau, existe déjà. (M. Oudin s'exclame.) Elle est seulement affectée en partie à la sécurité sociale.
Je rappelle aussi que la politique du Gouvernement en matière de prélèvements, c'est une baisse des impôts de 90 milliards de francs cette année et de 120 milliards de francs sur les trois ans à venir.
M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis. Les impôts baissent, les prélèvements obligatoires augmentent !
M. Hilaire Flandre. Regardez les masses !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Les prélèvements obligatoires sont stabilisés, ils le resteront et nous avons l'espoir de pouvoir les réduire !
En ce qui concerne les quotas infirmiers, nous augmentons cette année de 8 000 le nombre de places dans les instituts de formation de soins infirmiers. Cette mesure ne provoquera évidemment pas d'amélioration immédiate, mais elle est significative après une augmentation des quotas de 1 200 en 1999, de 1 000 en 1998 et, hélas !, une baisse de 2 000 en 1997.
Pour ce qui est des cliniques, je veux aussi vous donner des éléments de réponse.
Je considère que les établissements privés de soins sont une composante essentielle de notre système de santé et qu'à ce titre ils jouent un rôle tout à fait complémentaire de celui de l'hôpital public.
Nous avons reconnu ce rôle puisque, dès cette année, nous avons pris des mesures en leur faveur. C'est ainsi que nous avons instauré un véritable partenariat en application du protocole du 1er mars 2000, avec les trois fédérations de l'hospitalisation privée pour mettre en oeuvre une politique de réduction des disparités tarifaires à l'échelon régional.
Nous avons également doté le fonds de modernisation des cliniques privées de 100 millions de francs pour l'année 2000, et, pour 2001, nous prévoyons une dotation de 150 millions de francs. C'est une augmentation de 50 %. Reconnaissez que ce n'est pas rien.
En outre, l'application de l'arrêté intéressant les établissements aux économies réalisées sur les achats de dispositifs médicaux provoquera une recette supplémentaire.
Par ailleurs, nous avons demandé aux caisses nationales de ne pas procéder au recouvrement des ressources allouées en 1999 au titre du fonds d'aide aux contrats, qui a été annulé, comme vous le savez, par le Conseil d'Etat. Ce sont ainsi 130 millions de francs supplémentaires qui sont laissés à la disposition des établissements.
Telles sont les dispositions que nous avons prises cette année en faveur des établissements privés.
En 2001, nous accentuerons encore ces mesures favorables, puisque nous prévoyons la possibilité de rémunérer l'activité d'urgence assurée par les cliniques privées qui en ont reçu l'autorisation, en application des nouveaux schémas régionaux d'organisation sanitaire, les SROS.
Nous avons également l'intention de fixer, pour 2001, un objectif des dépenses des cliniques privées en progression de 3,3 %, contre 2,2 % en 2000, soit la même progression que pour l'hôpital public. Je rappelle à ce propos à M. Descours que la fixation de l'objectif des dépenses des cliniques n'était que de 1,3 % en 1997, ce qui avait d'ailleurs entraîné, il s'en souvient j'en suis sûre, une forte pression dans ce secteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Les résultats des cliniques étaient meilleurs en 1997 !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Certes oui, mais nous en tenons compte.
S'agissant des difficultés de recrutement du personnel soignant, qui sont tout à fait réelles pour les cliniques privées, nous le savons, ces dernières vont bénéficier de l'augmentation des quotas infirmiers, ce qui n'aura évidemment pas d'effet immédiat.
Par ailleurs, pour répondre à ces problèmes de recrutement, nous avons, par un arrêté, aménagé l'accès aux écoles d'infirmières pour les aides-soignantes de façon à augmenter les recrutements.
Nous voulons enfin permettre aux cliniques d'employer, comme le font les hôpitaux, des étudiants en quatrième année de médecine faisant fonction d'infirmiers.
Voilà les sujets sur lesquels nous avons pris des décisions, en concertation avec les fédérations et les syndicats. Vous voyez que nous ne sommes pas restés inactifs.
Je terminerai mon exposé en présentant quelques remarques à propos de l'intervention de M. Delaneau.
Monsieur le président de la commission des affaires sociales, vous avez exprimé une inquiétude : on aurait touché la lettre de la Constitution avec ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Je ne crois pas que l'on puisse dire cela, d'abord, parce qu'il y a un juge constitutionnel et que, si une mesure était inconstitutionnelle, le juge l'aurait constaté.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. C'est ce qu'il a fait l'année dernière !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Ensuite, je ne pense pas que transférer des recettes de l'Etat à la sécurité sociale soit contraire à la Constitution. C'est notre orientation politique et nous l'assumons : il s'agit, pour nous, d'alléger les charges qui pèsent sur l'emploi. D'ailleurs, cela fonctionne bien, puisque cette politique n'est pas totalement étrangère aux 870 000 chômeurs de moins que nous enregistrons, heureusement, depuis 1997.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Je n'ai jamais dit cela !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Après d'autres intervenants, vous avez déploré la complexité du financement de la sécurité sociale. Vous avez raison, mais je crois qu'il ne faut pas confondre complexité et opacité. Le financement de la sécurité sociale a toujours été complexe, ce n'est pas une nouveauté, mais il n'est pas opaque.
M. Charles Descours, rapporteur. Cela ne s'améliore pas !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je vous dirai donc, monsieur Delaneau, comme à M. Descours, que, concernant le FOREC, le Parlement a une vision très précise de l'ensemble des exonérations de charges et de la façon dont elles sont financées.
L'affectation d'une recette budgétaire à un fonds n'est d'ailleurs pas une nouveauté, puisque M. Balladur l'a fait avec le fonds spécial veillesse. (M. Descours, rapporteur, s'exclame.)
Je voudrais vous dire encore, monsieur le président de la commission des affaires sociales, que le budget de l'Etat ne se désengage pas du financement du passage aux 35 heures, bien au contraire. Quand le budget de l'Etat se prive d'une recette pour financer cette charge, ce n'est pas un signe de désengagement, c'est le signe que nous voulons des recettes fiscales pérennes et stables et que nous les préférons à des concours budgétaires révisés chaque année.
Monsieur le président de la commission des affaires sociales, messieurs les rapporteurs, j'ai été très intéressée par vos propos et par vos rapports, qui montrent que vous avez voulu faire des propositions. Ces propositions, vous l'avez compris, ne m'ont pas convaincue.
D'abord, elles me paraissent fondées sur une analyse erronée de la situation, parce que vous ne voulez pas admettre que, la politique économique ayant changé, la situation est différente, ce qui nous permet d'améliorer les résultats. Cette politique, nous l'avons voulue, et elle est en rupture avec ce qui se pratiquait sous les gouvernements de MM. Balladur et Juppé.
Je ne peux pas être convaincue par vos propositions, ensuite, parce qu'elles reflètent une politique autre que celle que nous menons et pour laquelle nous avons été élus.
Vous n'aimez pas les 35 heures, c'est votre droit. Quant à nous, nous considérons qu'elles ont puissamment contribué à l'amélioration de la situation de l'emploi et au regain de la confiance dans notre pays. Sur la famille, nous privilégions - c'est vrai - l'égalité professionnelle, le travail des femmes. Nous avons, là aussi, une conception différente de la vôtre.
Enfin, nous voulons consolider le régime des retraites par répartition. L'Assemblée nationale a d'ailleurs voté l'abrogation de la loi Thomas. Nous continuerons dans ce sens, mais nous prendrons nos responsabilités et nous ferons en sorte que les régimes de retraite par répartition soient financés.
En un mot, nous avons d'autres conceptions que les vôtres, mais le débat démocratique a eu le mérite de les avoir fait apparaître à nouveau ce soir. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivant :
Groupe du Rassemblement pour la République, 60 minutes ;
Groupe socialiste, 50 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 38 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 36 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 25 minutes ;
Groupe communiste, républicain et citoyen, 23 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 8 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Adnot.
M. Philippe Adnot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, compte tenu du peu de temps qui m'est imparti et partageant les analyses de nos excellents collègues, je me contenterai d'évoquer le problème de la CADES.
Lorsque la décision a été prise d'allonger la durée de remboursement de la caisse d'amortissement de la dette sociale, je m'y suis opposé car c'était une très mauvaise décision de gestion.
Régler par un emprunt les déficits cumulés de la sécurité sociale, puis en reculer l'échéance, c'est un risque qu'aucune entreprise, aucune collectivité ou encore aucun particulier ne serait autorisé à courir.
L'an dernier, madame la ministre, j'ai interrogé en vain votre ministère sur le rythme de remboursement du capital emprunté par la CADES en émettant des doutes sur la capacité de cet organisme à tenir ses engagements.
Aujourd'hui, je n'ai plus de doutes, j'ai une certitude : la CADES n'aura pas fini, en 2014, de rembourser.
L'équation est simple : l'endettement actuel est de 209 milliards de francs, auquel il faut ajouter un remboursement annuel à l'Etat de 12,5 milliards de francs jusqu'en 2008.
La ressource, pour 2001, est de 28 milliards de francs permettant de couvrir 11 milliards de francs de frais financiers et 12,5 milliards de francs de remboursement à l'Etat. Il reste donc 4,5 milliards de francs pour rembourser les 209 milliards de francs que j'ai évoqués. Chacun est à même de comprendre l'impossibilité de la tâche.
Même si l'on considère que, durant les cinq dernières années, la CADES n'aura plus à supporter le poids de 12,5 milliards de francs de remboursement à l'Etat, soit 62,5 milliards de francs, et qu'elle aura réussi, au rythme de 4,5 milliards de francs pendant quatorze ans, à rembourser 63 milliards de francs, il restera encore 84 milliards de francs.
Bien sûr, on m'objectera qu'une progression de la ressource est prévue, à hauteur de 3,5 %. Mais, je ne m'en tiens pas aux hypothèses, d'autant que, cette année, on constate une diminution de la ressource de 700 millions de francs.
Une augmentation de 3,5 % permet de dégager 1 milliard de francs supplémentaire sur 28 milliards de francs, mais le coût de la ressource et les frais financiers actuels peuvent facilement atteindre 2 milliards de francs. C'est d'ailleurs ce qui se produira cette année et l'année prochaine.
En conséquence, je mets en doute la capacité de la CADES à honorer ses engagements. Il faut donc s'attendre, soit à un nouvel allongement de la durée de remboursement, soit à une augmentation des cotisations, ce qui serait insupportable.
En fait, il existe deux dettes, l'une vis-à-vis de l'Etat et l'autre vis-à-vis des personnes auxquelles elle a emprunté. Actuellement, elle rembourse l'Etat et dit aux autres : nous disposons de 4,5 milliards de francs par an pour rembourser 209 milliards de francs, les remboursements iront au rythme où ils iront.
Je demande donc au Gouvernement de ne pas se servir en premier. Je propose que l'Etat commence par rembourser l'endettement contracté par ailleurs et se serve les cinq dernières années. Cela diminuerait les frais financiers tout en couvrant l'opération. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Louis Boyer.
M. Louis Boyer. Monsieur le président, madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, depuis trois ans, nous assistons à une dérive progressive des lois de financement de la sécurité sociale. Cette version pour 2001 vient malheureusement confirmer cette dégradation.
La fixation des évolutions de dépenses par le Parlement perd peu à peu toute signification. La loi de financement elle-même est instrumentalisée au service de politiques étrangères à son objet. Le rapport annexé, censé fixer les actions à venir, se réduit à un catalogue de voeux pieux.
Au total, les dépenses filent, mais les problèmes demeurent ; les recettes croissent, mais les manipulations continuent.
L'excédent attendu est insuffisant en raison du dérapage persistant des dépenses.
En effet, l'amélioration des comptes en 2000 doit tout à la croissance. Les comptes du régime général de la sécurité sociale devraient être excédentaires d'à peine plus de 3 milliards de francs.
Cet excédent, qui doit tout à la croissance, cache un dérapage persistant et structurel des dépenses d'assurance maladie, dont le déficit devrait dépasser les 6 milliards de francs en 2000. Leur progression, cette année, a été deux fois supérieure à l'objectif voté par le Parlement.
Le dérapage de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie devrait dépasser 13 milliards de francs en 2000, après plus de 11 milliards en 1999 et près de 10 milliards en 1998.
Malgré ces dérives préoccupantes, le projet de loi programme d'importantes hausses de dépenses en 2001 et réduit l'excédent du régime général comme une peau de chagrin.
A quoi bon d'ailleurs voter un objectif national de dépenses d'assurance maladie ? Cet ONDAM a-t-il encore un sens ? Le Parlement était censé fixer l'objectif d'évolution des dépenses maladie. Or le Gouvernement calcule l'ONDAM non plus par rapport à l'objectif de l'année précédente mais par rapport aux dépenses effectives constatées. La fixation de cet objectif en loi de financement est donc purement factice.
Le Parlement est dépossédé de son rôle. Nous opposerons, comme le propose la commission des affaires sociales, un rejet solennel à l'ONDAM 2001.
Nous ne nous opposons pas aux hausses de dépenses en tant que telles ; nous constatons qu'elles ne résolvent pas les problèmes. Elles modèrent le mal sans le traiter : les professions de santé sont mécontentes, les hôpitaux connaissent des files d'attente et de fortes disparités régionales subsistent.
Nous pouvons d'ores et déjà prévoir que l'ONDAM sera à nouveau dépassé. Le dispositif de maîtrise des dépenses de santé que vous avez instauré n'y changera pas grand-chose. Votre système de sanction collective est injustifiable et inefficace. Si certains, dans une profession, se comportent moins vertueusement que d'autres, pourquoi sanctionner aussi ces derniers ?
Le dérapage de la dépense peut d'ailleurs être dû à d'autres facteurs, comme le vieillissement de la population ou les progrès thérapeutiques.
Le cas récent des masseurs-kinésithérapeutes est éclairant : ils n'ont aucune initiative en matière de dépenses, puisque leurs actes dépendent des prescriptions des médecins et de l'accord préalable de l'assurance maladie. Comment pourraient-ils accepter une baisse de leurs tarifs, alors que leur pouvoir d'achat n'a cessé de diminuer ces dernières années ? On comprend la vigueur de leurs protestations.
C'est pourquoi le groupe des Républicains et Indépendants soutiendra l'amendement proposé par la commission des affaires sociales et visant à substituer au système des lettres clés flottantes un mécanisme alternatif de maîtrise de l'évolution des dépenses médicales faisant appel à la responsabilité individuelle des médecins et contribuant à l'amélioration des pratiques médicales.
Tandis que le Gouvernement accroît les dépenses sans procéder aux réformes nécessaires, il détourne ou réduit les recettes de la sécurité sociale.
J'en viens aux recettes détournées et diminuées.
Le budget social est une nouvelle fois réquisitionné pour financer les 35 heures.
L'essentiel des ressources nouvelles affectées au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale - fonds qui a déjà été largement évoqué - est prélevé directement ou indirectement sur la branche famille et le fonds de solidarité vieillesse.
Là encore, le groupe des Républicains et Indépendants soutiendra les amendements proposés par la commission des affaires sociales et rétablissant les excédents de la branche famille et du fonds de solidarité vieillesse.
Le Gouvernement utilise également le budget social à des fins de politique fiscale.
L'instauration d'une réduction dégressive de la CSG est particulièrement injuste. Elle est nuisible au financement de la sécurité sociale et contraire à son esprit.
Dans un ménage où les deux conjoints sont payés au SMIC, on n'acquittera plus la CSG, mais dans un ménage où un seul des conjoints travaille en gagnant deux fois le SMIC, on la paiera complètement. Où est la justice ?
M. Henri de Raincourt. Absolument !
M. Louis Boyer. Il est particulièrement inéquitable de faire bénéficier les contribuables d'allégements en fonction des seuls salaires et non de leurs capacités contributives ou de leurs charges familiales. Les arguments que vous venez de nous donner dans votre réponse ne m'ont pas convaincu car, dans un foyer, ce qui compte, c'est la somme qui entre et qui permet de faire vivre ses occupants. Avec cette mesure, vous allez créer des situations différentes dans des foyers semblables.
Par ailleurs, cela fragilise le financement de la sécurité sociale. Les 30 milliards de francs de pertes de recettes sont compensés par l'affectation des taxes sur les conventions d'assurances. Or cette ressource est beaucoup moins dynamique que ne l'est la CSG, assise sur l'ensemble des revenus. Si la compensation est à peu près assurée pour cette année, elle ne le sera pas pour l'année prochaine.
Enfin, cette réforme met fin au principe d'universalité de la CSG, qui répondait au caractère universel de la sécurité sociale et qui marquait l'appartenance de chaque citoyen à un grand système de solidarité.
La solidarité n'est pas mieux assurée pour les retraites.
Le Gouvernement abonde insuffisamment le fonds de réserve, qui bénéficiera en 2001 et en 2002 de moins de 20 milliards de francs par an, issus de la cession des licences de téléphonie mobile de troisième génération. On est loin des 1 000 milliards de francs nécessaires à la sauvegarde des retraites par répartition !
Ce fonds n'aura jamais la dimension suffisante pour faire face à l'arrivée massive de retraités après 2005. L'intervention du Premier ministre, le 21 mars dernier, a sonné le glas de la réforme des retraites.
Quant à la dépendance, le projet de loi que l'on nous promettait n'a toujours pas vu le jour.
Les insuffisances notoires de ce projet de loi, ses défauts comme ses lacunes, ont été relevées par les rapporteurs, à qui je tiens à rendre hommage pour le travail qu'ils ont déjà accompli. Le groupe des Républicains et Indépendants soutiendra les amendements proposés par la commission des affaires sociales.
Nous allons bientôt entrer dans une longue période électorale, que nous savons peu propice aux réformes de fond. Il ne faut donc guère s'attendre, de la part du Gouvernement, à une inflexion du cours des choses. Nous sommes inquiets pour l'avenir de notre protection sociale. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. Madame le ministre, mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt-deux heures cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, adopté par l'Assemblée nationale.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le retour à l'équilibre des comptes de la sécurité sociale, dont Mme Martine Aubry s'est félicitée avant son départ du Gouvernement, trouve son fondement dans la croissance qui touche l'ensemble des pays européens. La réduction du chômage génère des cotisations par la reprise de l'embauche. Les excédents du régime général sont cependant modestes. La Cour des comptes dans son rapport qualifie cet équilibre de fragile car justement lié à un paramètre qui échappe au contrôle.
Il conviendrait donc aujourd'hui de multiplier les efforts afin d'asseoir les bases d'un système de soins et de protection de qualité et d'entreprendre, enfin, la réforme des retraites dont les premières réflexions remontent à dix ans.
Or le texte que nous examinons aujourd'hui ne contient aucune disposition allant en ce sens.
Il s'agit, et les excellents rapporteurs de la commission des affaires sociales l'ont parfaitement démontré, de transferts, de compensations, de réaffectations diverses et variées de taxes et de produits donnant aux uns et soustrayant aux autres.
On a demandé un effort considérable aux Français afin d'assainir une situation qui se dégradait. En contrepartie, ils étaient en droit d'attendre une qualité de soins améliorée et un avenir plus serein. Or que découvrent-ils ? Que les divers prélèvements, pour certains prolongés au-delà des délais, auxquels ils sont soumis vont servir, d'une part, à financer la réduction du temps de travail et, d'autre part, à appliquer une politique fiscale « la plus innovante depuis cinquante ans », selon les propres termes du ministre des finances.
Le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, le FOREC, assis sur six taxes, qui ont déjà été énumérées, va bel et bien être mobilisé pour mettre en place les 35 heures. Non seulement la taxe générale sur les activités polluantes et la contribution sociale sur les bénéfices des sociétés vont peser plus lourd sur les entreprises mais le différentiel va être prélevé directement ou indirectement sur la branche famille ou sur le fonds de solidarité vieillesse.
Les associations familiales s'interrogent avec inquiétude sur les conséquences de la réduction de la CSG sur les revenus les plus modestes, voire sur ses effets pervers. Il est ainsi dérogé au principe de base de contribution au système de protection sociale. Par ailleurs, ces structures n'acceptent pas l'amputation d'une partie des recettes propres de la branche famille. Même si le projet de loi prévoit une compensation de l'Etat, il s'agit néanmoins d'une atteinte à l'autonomie du financement de la branche.
Quelques mesures annoncées lors de la conférence sur la famille se retrouvent dans ce projet de loi, mais on aurait pu aller plus loin, précisément en fonction de ces excédents. C'était aussi le moment de revoir à la hausse la base mensuelle des allocations familiales ; la revalorisation prévue au 1er janvier 2001 laisse apparaître une évolution inférieure à celle des retraites et des salaires. On peut dire que, depuis deux ans, le pouvoir d'achat des prestations familiales a reculé.
Les familles s'estiment exclues de la répartition des fruits de la croissance alors que les fonds existent au sein même de la branche et qu'elles ont été touchées par la diminution du plafond du quotient familial. Il est d'autant moins admissible qu'il y ait dérive dans l'utilisation des excédents.
Une vraie politique familiale s'adresse à tous, car le renouvellement des générations est l'affaire de tous, même si une attention particulière doit être accordée aux plus modestes.
L'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, qui a occupé le Parlement il y a peu, ou bien la parité au sein des listes électorales, dont nous avons débattu plus récemment, passent par des mesures qui permettent aux familles d'assumer correctement leurs responsabilités et leurs engagements. La réalité des faits met à l'épreuve les grandes avancées, qui se révèlent être un leurre à défaut d'accompagnement.
Pourquoi faire supporter par la branche famille le financement des majorations de pensions pour enfants ? Il n'y a là aucune logique, si ce n'est celle de profiter des excédents de la Caisse nationale d'allocations familiales pour alléger d'autant le fonds de solidarité vieillesse. Il n'est pas inutile de rappeler que ce fonds sera amené à contribuer au fonds de réserve des retraites mis en place par ce texte.
Par ailleurs, les avantages familiaux en matière de retraite s'inscrivant au coeur des débats sur l'avenir des retraites, il est surprenant qu'une telle mesure ait été prise avant qu'une réflexion globale soit engagée.
Enfin, cette nouvelle mission de la CNAF, qui consiste à financer ces majorations de pensions de retraite, détourne celle-ci de son rôle premier, qui est de verser des prestations familiales.
Revenons, madame la ministre, sur ce fonds de réserve des retraites. Il laisse mal augurer de l'avenir. Les recettes qui l'alimentent sont exceptionnelles, sa gestion et son contrôle inconnus. L'horizon 2020, si on en reste là, est bien sombre. Ce fonds est une pièce d'un puzzle qui n'a pas encore été conçu.
Pourquoi attendre un nouveau rapport qui devrait être remis dans deux ans ? Plusieurs pays européens nous ont précédés avec des scenarii de réponse différents, mais qui partent d'un même constat que celui que nous faisons : les régimes de retraites par répartition auront à faire face à des déséquilibres financiers majeurs dans le futur. Aucune de ces réformes n'a rejeté la capitalisation, mais toutes ont recherché l'égalité. Il n'y a donc pas antinomie !
Autre sujet d'insatisfaction : l'objectif national des dépenses d'assurance maladie. Déjà, sur le principe, pour son chiffrage, le Gouvernement passe outre à la décision du Parlement. Mais en plus, il évacue tout contenu de projet de santé publique pour n'en faire qu'un exercice comptable.
Il est proposé une maîtrise purement arithmétique et comptable des dépenses de santé en fixant des objectifs de croissance sans aucun rapport avec les besoins de la population. Il est également créé le concept des tarifs flottants, puisque, pour que l'objectif soit respecté en fin d'année, la CNAM doit arrêter des mesures correctives tous les quatre mois et modifier les tarifs en conséquence. Les décotes de la nomenclature prises dans une logique comptable ne correspondent en rien à l'objet même de cette grille, qui ne doit pas être un outil de régulation.
Il ne s'agit pas de gommer l'aspect économique en matière de dépenses publiques, mais en faire le terme premier est totalement réducteur. De plus, cette approche constitue une offense pour les professionnels de la santé et un recul pour les patients.
Comment imaginer que les premiers ne soient pas des gens responsables ? Comment penser qu'aujourd'hui il n'y a pas interférence entre les différents niveaux ? Si on ne peut exceller dans la polyvalence, il y a, néanmoins, nécessité d'intégrer à sa propre problématique des données incontournables.
On a vu le corps médical répondre aux exigences de régulation des dépenses et participer au redressement des comptes sociaux tout en faisant face aux nécessités induites par les nouvelles technologies. Et l'on voudrait maintenant leur faire supporter les conséquences de phénomènes annexes qu'ils ne maîtrisent pas !
La couverture médicale universelle, qui, dans son principe, relève d'une solidarité nationale incontestable, a brutalement solvabilisé la demande de soins de 5 millions de patients qui se soignaient peu ou pas. Les meilleures intentions appellent un traitement responsable des conséquences et, dans ce cas, le Gouvernement a joué à l'apprenti sorcier. Il faut bien être conscient du fait qu'il y a encore environ 2 millions de personnes en état de précarité, dont les ressources sont légèrement supérieures à 3 600 francs. C'est le cas de celles qui perçoivent les minima sociaux ou l'allocation d'adulte handicapé, qui sont exclues de la CMU pour 52 francs. Un aménagement s'impose en proposant, par exemple, la déduction de certaines aides des revenus considérés.
Ensuite, la CNAM incite les professionnels de santé à corriger des déficits de prise en charge dans de nombreuses pathologies telles que le diabète ou l'hypertension, à quoi il faut ajouter les effets des campagnes de dépistage lancées par les pouvoirs publics et relatives à l'hépatite ou à la trisomie 21.
Enfin, et c'est tant mieux, la croissance induit une demande de soins amplifiée.
On ne peut admettre l'alternative : rationnement des soins ou pression sur les seules professions de santé. Or c'est l'unique choix offert par ce texte, selon lequel plus il y aura d'actes plus on baissera leur rémunération.
Je souhaiterais enfin aborder la situation dans le milieu hospitalier.
On enregistre actuellement dans de nombreuses unités un véritable manque de praticiens hospitaliers, particulièrement aigu dans certaines spécialités. Les salaires peu attractifs, l'alourdissement des contraintes et de fréquentes mises en cause expliquent la désaffection pour la pratique hospitalière.
On arrive à combler partiellement les vides avec des praticiens adjoints contractuels, d'origine étrangère, donc non compris dans le numerus clausus, qui sont sous-payés et dont les compétences sont parfois discutables. Cette limitation du nombre de spécialistes nécessaires au fonctionnement des services hospitaliers et du système libéral est par ailleurs aggravée par la carence en personnels qualifiés. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste et du RPR.)
Les conséquences de l'absence de prévision des besoins dans de nombreuses spécialités - gynécologues accoucheurs, anesthésistes, ophtalmologistes, pédiatres, notamment - sont amplifiées par les départs en retraite. Il faudra quinze ans au moins avant de voir arriver les générations remplaçantes.
Les directeurs d'hôpitaux se voient soit contraints de geler des lits, donc de réduire la capacité d'accueil, soit de les maintenir au détriment de la sécurité des malades. Leurs besoins sont tels, notamment en personnel infirmier, que certains responsables font de l'embauche à la sortie même des promotions.
Cette situation, déjà inquiétante, va s'aggraver avec l'application de la réduction du temps de travail. Les aides prévues ne permettent pas de maintenir la qualité des soins et des services.
Ce constat vaut tant pour le secteur public que pour le secteur privé. Une telle compensation peut être financée soit par le relèvement des dotations globales et des prix soit par l'allégement des charges actuellement supportées par les établissements sanitaires sociaux et médico-sociaux, qu'ils soient publics, privés sans but lucratif ou privés commerciaux.
Comme soeur Anne, madame la ministre, on ne voit rien venir de tel.
Pour toutes ces raisons, il convient de suivre les propositions de la commission des affaires sociales et les observations de la commission des finances. Le texte tel qu'il nous est soumis n'apporte pas de réponse autre que financière aux enjeux sanitaires. C'est pourquoi les partenaires sociaux et les professionnels de santé sont hostiles, dans leur majorité, aux dispositions de ce projet de loi.
Madame la ministre, je crains qu'une politique d'économie de la santé ne soit pas une politique de la santé publique. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, après l'adoption du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 par l'Assemblée nationale le 31 octobre dernier, il nous appartient d'en examiner la teneur.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, je voudrais souligner, une fois de plus, l'importance que mérite de revêtir ce débat. En effet, nous souhaiterions nous prononcer véritablement sur des besoins, des objectifs en matière de protection sociale, de santé publique.
La protection sociale et la santé publique doivent faire l'objet d'un débat fondamental, car il s'agit d'enjeux qui concernent tout le monde : les jeunes, les familles, les actifs, les retraités, les handicapés. Pour tous, ce qui est en question, ce sont leurs moyens de vivre mieux et d'accéder sans discrimination à des soins et prestations de qualité.
C'est la raison pour laquelle notre groupe souhaite vivement que soit trouvé le moyen d'améliorer significativement la qualité de nos débats en la matière afin d'associer réellement le Parlement à l'élaboration d'un projet de loi d'une telle importance pour la vie de nos concitoyens.
Un débat annuel tel que celui que vous avez annoncé, madame la ministre, sera le bienvenu.
M. Charles Descours, rapporteur. Très bien !
M. Guy Fischer. Je voudrais à présent évoquer les éléments positifs de ce projet de loi par rapport à celui de l'an dernier, puis pointer les dysfonctionnements et les lacunes qu'il semble comporter en son état actuel, malgré les avancées obtenues à l'Assemblée nationale, au regard des besoins de la population.
S'agissant de la branche famille, nous nous félicitons, bien entendu, de la création d'un congé et d'une allocation pour les parents d'un enfant malade devant être hospitalisé pour une longue période, ainsi que de la revalorisation de l'allocation veuvage.
Pour ce qui est des fonds supplémentaires alloués au crèches, nous regrettons qu'ils concernent seulement les investissements, ce qui laisse une part non négligeable du fonctionnement à la charge des collectivités locales et des familles.
Cela mis à part, aucun geste significatif n'a été fait en direction des familles. Or il serait indispensable de revaloriser les allocations familiales et d'en accorder l'attribution dès le premier enfant. Je constate malheureusement que nos amendements dans ce sens ont été rejetés à l'Assemblée nationale.
S'agissant de la branche vieillesse, mon collègue Roland Muzeau devant y revenir dans un moment, je ne ferai que souligner quelques points essentiels.
L'élément positif est l'augmentation du minimum vieillesse, portée à 2,2 % sur l'insistance du groupe communiste et apparenté de l'Assemblée nationale.
Par ailleurs, je salue la revalorisation des retraites de 2,2 % et la suppression de la CRDS pour les retraités non imposables, ce qui équivaut à une revalorisation de 2,7 %.
Mais de nombreux efforts demeurent nécessaires pour que les retraités, notamment les plus modestes, recouvrent un pouvoir d'achat décent. La revalorisation des retraites ne se trouve-t-elle pas freinée si l'on ne modifie pas dans le même temps certaines tranches d'imposition ?
Par ailleurs, une revendication essentielle des retraités est le retour à l'indexation des pensions sur les salaires et non sur les prix.
Le Gouvernement peut-il, d'autre part, prendre un engagement précis sur la date à laquelle sera réglé le problème urgent de la révision de la trop inégalitaire prestation spécifique dépendance et sur celle à laquelle sera réformée la tarification des établissements accueillant les personnes âgées dépendantes ?
En ce qui concerne la branche accidents du travail et maladies professionnelles, le Gouvernement répond induscutablement à une attente profonde en nous proposant la création d'un fonds de 2 milliards de francs pour l'indemnisation des victimes de l'amiante. Il conviendra toutefois d'améliorer ce dispositif et de préciser certains de ses aspects. Cela fera l'objet d'amendements, inspirés d'ailleurs par les propositions de la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés et par l'Association nationale de défense des victimes de l'amiante.
Au-delà de ces dispositions particulières, il nous faut réfléchir à la nécessité de réformer en profondeur le dispositif de prévention des risques professionnels.
En ce qui concerne la branche maladie, force m'est de souligner que des besoins immenses demeurent et que l'ONDAM, même s'il est en progression de 3,5 %, contre 2,5 % l'an dernier, ne peut les satisfaire entièrement, permettant tout juste de maintenir la situation en l'état.
Certes, il convient de reconnaître que des mesures positives, bien que trop timides, ont été adoptées.
L'hôpital public bénéficie d'une augmentation budgétaire de 3,3 %, contre 2,5 % l'an dernier. N'oublions pas, toutefois, que celui-ci est littéralement étranglé par des années de rigueur budgétaire. Ainsi, on peut estimer que les 10 milliards de francs de crédits permettant de financer 12 000 postes supplémentaires - débloqués au printemps à la suite de la lutte des personnels - devraient tout juste permettre de remplacer les personnels en congé. Sans parler de la mise en place des 35 heures, pour laquelle les financements devront être prévus lors des prochains exercices.
La Fédération française hospitalière estime que 3,4 % d'augmentation des dépenses hospitalières permettrait à peine de maintenir en l'état une situation qui est loin d'être satisfaisante.
Par ailleurs, les disparités entre régions perdurent puisque l'on a diminué les crédits des régions prétendument « surdotées ». Les professionnels et les usagers s'accordent à affirmer que cela ne suffit pas et que des moyens existent pour améliorer la situation, rééquilibrer les dotations entre régions, sans tomber dans la fâcheuse pratique actuelle des agences régionales de l'hospitalisation, qui consiste à tirer vers le bas la répartition des moyens.
La mise en oeuvre des schémas régionaux d'organisation sanitaire suscite des mécontentements et une colère qui, à notre sens, sont légitimes. Soyons-y très attentifs, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat.
Au chapitre des mesures positives mais insuffisantes, la CMU voit son plafond de ressources passer de 3 500 à 3 600 francs, de sorte qu'elle va bénéficier à 200 000 ou 300 000 personnes supplémentaires ; toutefois, cela ne permettra encore pas de répondre aux problèmes des personnes titulaires de l'allocation aux adultes handicapés et du minimum vieillesse ; bien que nous mesurions l'effort déjà consenti, nous défendrons un amendement tendant à l'intégration de ces populations.
En outre, la prise en compte de l'allocation logement dans les ressources - environ 300 francs par mois - contribue toujours à exclure de nombreux ménages en leur faisant dépasser le plafond de ressources de la CMU.
Je précise au passage que notre groupe réitère sa demande tendant à ce que le Gouvernement porte ce plafond de ressources à 3 800 francs.
S'agissant des centres de santé, nous nous félicitons d'avoir incité le Gouvernement à conforter leur activité concernant les prélèvements, ce qui était une nécessité mise en avant par les directeurs de ces établissements.
Le dispositif du remboursement des frais d'optique est étendu aux seize-dix-huit ans ; l'appareillage des personnes sourdes ou mal-entendantes est enfin pris en charge.
Le régime des sanctions contre les médecins qui dépassent leur quota de prescriptions est abandonné, ce qui, espérons-le, constitue véritablement l'amorce d'une nouvelle conception du dialogue qu'ils appellent de leurs voeux.
Toutefois, on est encore loin de résorber le retard important accumulé en matière d'accès aux soins et à la prévention, héritage du plan Juppé.
Et si nous écoutions sérieusement les professionnels de santé ?...
A plusieurs reprises, à Paris comme dans mon département, j'ai rencontré différents professionnels de santé, des hospitaliers, des libéraux. Je les ai écoutés attentivement. Ils m'ont fourni des exemples précis, chiffrés. J'ai également fait personnellement des expériences édifiantes : cinq heures d'attente aux urgences, dans un hôpital lyonnais renommé, pour une personne âgée déshydratée ; trois heures pour une personne souffrant de pneumonie et d'un point de pleurésie.
J'ai entendu leur colère, leur amertume ; j'ai senti leur unanimité à constater une certaine inadéquation entre les besoins en matière de santé et les moyens budgétaires qui y sont consacrés.
Je les ai entendus dire, avec les personnels des hôpitaux, que nous étions déjà entrés dans un système de rationnement des soins à l'anglo-saxonne. Certainement, ils exagéraient. Mais n'exprimaient-ils pas, à travers un tel constat, une détresse ? Etaient-ils si loin de la réalité de situations données ?
Ils s'inscrivaient en faux contre la volonté de les traiter en boucs émissaires, en professionnels irresponsables qui seraient à l'origine du dérapage des dépenses de santé.
Les praticiens concluent fort justement que le système conventionnel ne fonctionne plus et que les commissions médicales régionales exercent à leur encontre une véritable inquisition, au moindre soupçon de dépassement d'actes ou sur dénonciation.
Peut-on vraiment envisager d'améliorer la qualité des soins en traitant ainsi des médecins, des infirmiers, des praticiens exaspérés, découragés ?
M. Philippe Nogrix. Vive les professions libérales !
M. Guy Fischer. J'évoquerai quelques autres points où des améliorations sont indispensables.
Il faut, de façon urgente, accroître le remboursement des dépenses de maladie pour tous, en particulier en ce qui concerne les frais dentaires, optiques et d'appareillage pour personnes âgées ou handicapées.
Il est indispensable de renouer un véritable dialogue. Le système de lettres clés flottantes soulève de nombreuses interrogations. Est-il acceptable, par exemple, qu'une infirmière à domicile, de plus en plus sollicitée, voie ses honoraires bloqués à 24,65 francs l'acte et à 9 francs le déplacement, devant, pour gagner sa vie, effectuer six actes par heure ? Une juste revalorisation de ce métier me semble s'imposer,... (M. Dominique Leclerc applaudit.)
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. Guy Fischer. ... mais vous y avez fait allusion.
Il faut, de toute urgence également, promouvoir réellement le maintien à domicile des personnes âgées.
MM. Philippe Nogrix et Marcel Lesbros. Très bien !
M. Guy Fischer. Comment y parvenir alors que les associations d'aide à domicile sont étranglées par la TVA et les charges sociales, que les infirmières libérales se voient sanctionnées pour délit de « trop d'actes » ?
Comme le disait fort justement, à l'Assemblée nationale, notre collègue députée Mme Paulette Guinchard-Kunstler, qu'il s'agisse de maladie, de handicap ou de dépendance, l'urgente nécessité est de mieux coordonner la prise en charge, de mieux faire le lien entre les personnels médicaux qui assurent les soins et l'accompagnement.
On demeure donc dans une logique comptable de plus en plus encadrée, et je crois que nous devons en débattre. Vous savez, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, que notre groupe, sans faire de démagogie, rejette cette logique, même s'il convient d'avoir une vision claire des dépenses en matière de santé.
Il y a là une incohérence, car nous connaissons un certain nombre de besoins à satisfaire. Cela est d'autant plus regrettable que les possibilités existent avec la reprise économique, la décrue du chômage, l'excédent des comptes de la sécurité sociale. Pourtant, paradoxalement, comme le prouve le rapport de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, l'INSERM, les inégalités en matière de santé s'accentuent.
Par ailleurs, il semble que l'on feigne d'ignorer que les progrès sociaux, indéniables ces dernières années, ont un coût.
Qu'il s'agisse de la CMU, de l'informatisation des cabinets des praticiens, de la généralisation du tiers payant, des démarches de recherche de qualité et de prévention, a-t-on mis en regard les dépenses prévisionnelles ? Je réponds non. Je citerai un seul exemple à l'appui de mes dires : dans le cadre de la CMU, le barème de prise en charge des prothèses hors nomenclature en dentisterie est inférieur aux tarifs, pourtant fixés au plus juste, des centres de santé. Cette situation engendre un grave déficit pour ceux-ci, qui doivent l'assumer à moyens constants, sauf à solliciter les collectivités locales.
Je ne saurais conclure sur ce chapitre sans évoquer ce qui apparaît pour le plus grand nombre comme le gâchis dans la gestion de la sécurité sociale au travers du carnet de soins et de la carte Vitale.
J'en viens, enfin, au point le plus crucial, dans le sens où il découle de tous les constats que je viens de faire, de toutes les auditions que j'ai effectuées : pour changer vraiment la qualité de notre protection sociale, il est indispensable de réformer en profondeur le mode de financement de la sécurité sociale.
Vous connaissez nos positions : notre conception de la gestion de la sécurité sociale est directement liée au retour au plein emploi ; c'est une question de recettes et non de croissance excessive des dépenses. Mais il faut se garder d'ignorer que les dépenses de santé vont inéluctablement s'alourdir avec l'augmentation de l'espérance de vie.
Comment faire face aux besoins de santé alors que plus de 20 % des Français renoncent à certains soins, faute de moyens financiers suffisants, sans revoir l'assiette du financement de la sécurité sociale et mettre à contribution les revenus financiers ?
Je voudrais à présent souligner mon inquiétude, fustiger l'attitude de la majorité sénatoriale qui s'apprête à remanier de fond en comble le texte, à supprimer de façon systématique les améliorations que ce projet de loi apportait à notre système de protection sociale. Je prendrai l'exemple du rapport de notre collègue Charles Descours sur l'assurance maladie. Il n'en est pas à une contradiction près.
M. Charles Descours, rapporteur. Vous non plus, cher collègue ! Les contradictions du groupe communiste dans cette affaire sont au moins aussi importantes que celles de la majorité sénatoriale !
M. Guy Fischer. Nous avons toujours eu sur ce problème une position claire, que nous avons exprimée au travers de nos votes.
M. Charles Descours, rapporteur. C'était moins clair !
M. Guy Fischer. Non ! (M. Philippe Nogrix s'exclame.)
Après avoir fustigé le Gouvernement qui voulait revaloriser l'ONDAM, le rapporteur n'hésite pas à en préconiser la suppression. Il accuse également le Gouvernement d'être incohérent et illisible.
M. Philippe Nogrix. C'est vrai !
M. Guy Fischer. La droite est frappée d'amnésie,...
M. Philippe Nogrix. Pas du tout !
M. Guy Fischer. ... oubliant les politiques menées par MM. Balladur et Juppé. Je crois qu'un certain nombre d'arguments ont été apportés tout à l'heure.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est vrai !
M. Guy Fischer. J'en terminerai avec les propositions que le groupe communiste républicain et citoyen fera lors de ce débat.
Au moment où les profits explosent, où l'on parle beaucoup de la redistribution des fruits de la croissance, au moment où le retour à l'équilibre des comptes de la sécurité sociale se confirme, il nous semble, en effet, qu'il y a moyen de commencer au moins à améliorer, de manière substantielle, le financement de la protection sociale.
M. Philippe Nogrix. Il faut financer les 35 heures !
M. Guy Fischer. En tout premier lieu, nous pensons qu'il est possible de taxer les revenus financiers des entreprises au même taux que les salaires, ce qui pourrait rapporter 130 milliards de francs.
En la matière, notre exigence est de substituer de façon significative un meilleur financement de la protection sociale à une spéculation financière destructrice d'emplois.
Au chapitre des réformes de fond, nous proposons également de réformer les cotisations patronales, de manière à favoriser les entreprises qui créent des emplois et à sanctionner les autres.
De la même façon, l'augmentation du SMIC et des minima sociaux ne pourrait que contribuer à accroître les recettes de la sécurité sociale.
Enfin, la mesure qui nous paraît possible dès la loi de finances pour 2001 - nous la proposerons lors de l'examen de ce texte par le Sénat - c'est que l'Etat cesse de prélever 25 milliards de francs dans les caisses des hôpitaux, que ce soit par le biais de la TVA, de la taxe sur les salaires ou de la surcompensation de la caisse de retraite des hospitaliers. Le débat est ouvert - les avis sont partagés - mais une telle mesure pourrait représenter, immédiatement, un « bol d'air » pour les hôpitaux.
Telle est, monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la contribution du groupe communiste républicain et citoyen. Les améliorations que nous demandons reposent sur un socle d'autant plus solide qu'un certain nombre de nos propositions ont été retenues dans la déclaration commune du sommet de la gauche, mardi dernier.
Nous prenons acte des avancées que le Gouvernement a proposées, tout en lui démontrant l'exigence d'aller plus loin. Nous sommes d'accord avec lui sur nombre de points, mais nous aurions souhaité une plus grande ambition. C'est pour cela que nous l'engageons à discuter plus avant du problème de fond du financement de la protection sociale au regard des besoins qui s'expriment avec de plus en plus de force. Nous souhaitons avec lui rechercher des solutions. Nous nous posons en tant que sentinelles, mais je crois que cela apparaît comme le souhait du plus grand nombre.
Il est donc inutile de préciser que nous serons très attentifs, tout au long de ce débat, aux réponses qui seront faites à nos interrogations et à nos propositions et que nous nous opposerons avec détermination au contre-projet inacceptable de la majorité sénatoriale. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-deux heures quarante, est reprise à vingt-deux heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.
La parole est à M. Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous sommes aujourd'hui réunis pour débattre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001. L'occasion m'est donnée ici de me réjouir que l'examen de ce texte se déroule dans un contexte d'amplification et de redressement des comptes de la sécurité sociale, dans le prolongement des deux projets de loi précédents.
Déficitaire, comme on l'a dit, en 1996 de 54 milliards de francs, le régime général a retrouvé son équilibre en 1999 et devrait dégager un excédent de 3,3 milliards de francs en 2001. C'est, comme l'a souligné le rapporteur de la commission des finances, une situation exceptionnelle, et j'ajouterai inespérée, compte tenu de la période précédente.
Ce redressement constant n'est pas, comme je l'ai entendu, seulement le fruit de la conjoncture, il est aussi celui de la confiance, de la confiance retrouvée des Français, que ce Gouvernement a su développer grâce à un ensemble de mesures appropriées, qui, pour la plupart, ont été combattues par la majorité sénatoriale, ne serait-ce que celle concernant les emplois-jeunes.
Il convient d'ailleurs de souligner que ce redressement a été obtenu sans augmentation des prélèvements sociaux ni baisse des remboursements aux assurés. Cela démontre, s'il le fallait, qu'un système fondé sur la solidarité n'est pas systématiquement voué aux déficits, comme certains semblaient le laisser penser à une époque, espérant peut-être trouver par là une sortie vers les systèmes privés.
Les années 1999 et 2000 auront été des années de réformes importantes pour notre système de santé, notamment en matière d'assurance maladie, à l'examen de laquelle je limiterai mon propos.
Je pense, bien sûr, ici, à l'instauration de la CMU, la couverture maladie universelle, améliorant la couverture maladie pour 4 700 000 personnes. Je pense également aux mesures en faveur de l'hôpital public, mises en oeuvre par Mme Martine Aubry qui vous a précédée à ce poste, madame la ministre. Je pense, enfin, à un certain nombre de mesures structurelles visant à la limitation de la croissance des dépenses de l'assurance maladie donc il faut bien cependant déplorer encore la dérive, du moins dans certains secteurs bien identifiés. Je songe notamment au secteur du médicament où la dérive est à deux chiffres. S'agissant de la consommation des médicaments, les Français, là aussi, sont à la première place en Europe.
Incontestablement, ce projet de loi pour 2001 doit être replacé dans le contexte des deux années précédentes avec lesquelles il constitue un ensemble cohérent d'objectifs de santé et d'améliorations sociales.
Examinons successivement ces deux aspects. Je poserai deux questions.
Tout d'abord, les objectifs de santé sont-ils tenus ? La réponse est clairement « oui », sachant que l'équilibre retrouvé permet de tenir ces objectifs grâce à l'augmentation de l'ONDAM qui progresse de 3,5 %, soit 1 % de plus qu'en 2000. Cet engagement permettra de mener à bien les programmes de santé envisagés. Mme Gillot les a évoqués tout à l'heure. Aussi, je ne les détaillerai pas. Ces objectifs de santé, qui, aux yeux de M. le rapporteur, paraissent désordonnés, sont, pour les résumer, essentiellement de trois ordres : la prévention, le développement des équipements sanitaires publics et privés, enfin, les objectifs en matière de pratique médicale.
Le premier objectif, c'est la prévention. Il s'agit, d'abord, du plan cancer dont l'un des points forts concerne le cancer du sein et les cancers colorectaux. Il s'agit, ensuite, du plan greffe avec une ambitieuse politique du prélèvement. Il s'agit, en outre, de la prévention, qui est accentuée, contre les maladies infectueuses : hépatite C, sida, etc. Il s'agit, enfin, de la poursuite des actions de lutte contre le tabagisme et l'alcool qui risquent d'être, à terme si l'on n'y prend garde, des facteurs de régression de l'espérance de vie.
Le deuxième objectif concerne le développement des équipements sanitaires publics et privés.
L'ONDAM est de 3,4 % pour les hôpitaux publics, ce qui représente 10 milliards de francs de plus et permet de maintenir trois priorités autour desquelles s'articule la politique hospitalière conduite depuis 1997, à savoir l'accès aux soins, l'offre de soins et la sécurité sanitaire. Je ne détaillerai pas puisque vous l'avez fait, madame la secrétaire d'Etat. Je ferai simplement remarquer l'aspect plus qualitatif qu'habituellement des SROS de deuxième génération.
En ce qui concerne l'hospitalisation privée, les cliniques, le plan de redistribution est doté de 150 millions de francs, au lieu de 100 millions de francs en 2000, ce qui, aux dires des agences régionales d'hospitalisation, semble suffisant, mais il pourra être abondé si cela s'avère nécessaire.
Enfin, le troisième objectif concerne la pratique médicale. Le fonds d'aide à l'amélioration de la qualité des soins de ville, d'une part, et celui qui est lié à l'amélioration de la prescription médicamenteuse, d'autre part, paraissent, à les écouter, satisfaire les professionnels concernés. Nous ne saurions d'ailleurs oublier, dans ce domaine, madame la ministre, les 3 000 000 de personnes concernées en France par l'incitation aux médicaments orphelins.
J'en viens à la seconde question que je souhaitais poser. L'amélioration de la vie quotidienne des Français est-elle prise en compte dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, à travers les comptes sociaux ? En effet, de notre point de vue, en période de croissance et d'équilibre, ces comptes sociaux peuvent légitimement y participer.
La réponse est, là encore, positive grâce à la réduction des prélèvements sociaux sur les bas revenus.
La réduction de la contribution sociale généralisée et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale a été étendue par nos collègues de l'Assemblée nationale à 1,4 SMIC, ce qui permet de donner un coup de pouce aux salariés les plus défavorisés et de les faire bénéficier des améliorations de revenus des Français liées aux mesures fiscales auxquelles ces salariés, de par leur condition, ne pouvaient prétendre. Elle permet, par ailleurs, comme on l'a dit, d'augmenter leur revenu net d'activité.
En outre, les retraités non imposables et les chômeurs bénéficient de l'exonération totale de la CRDS, tandis que les non-salariés non agricoles bénficient, eux, d'améliorations de leur couverture maladie.
Bref, ces mesures proposées pour 2001 tendent, dans la continuité des précédentes lois, à rendre ce texte plus solidaire, plus juste et plus équitable pour tous les Français, d'autant que les excédents des autres branches y concourent aussi. Plusieurs de mes collègues évoqueront ce point.
En dernier lieu, je souhaiterais intervenir sur deux remarques du rapport de la commission.
La première concerne l'ONDAM pour 2001, qui a été fixé à 693,3 milliards de francs, soit une progression de 3,5 %, mais qui, du fait de son mode de calcul à partir de sa réalité plutôt que de sa prévision, suscite des critiques.
Refuser de rééquilibrer les bases de l'ONDAM, c'est, selon nous, non seulement refuser d'intégrer la notion de croissance dans la demande de soins de nos concitoyens, mais également nier l'effet vieillissement de la population lié au progrès de la médecine.
Au demeurant, on ne peut à la fois s'appuyer sur la notion de maîtrise médicalisée des dépenses, défendre une stricte obédience comptable, voire chipoter sur des chiffres, et s'enfermer dans un purisme excessif sur tel ou tel postulat de financement de la protection sociale.
Ma deuxième remarque porte sur le système conventionnel.
Incontestablement, il nous faut aujourd'hui relancer la politique conventionnelle, en intégrant la majorité des professionnels de santé. Le conventionnement avec une minorité ne peut que déboucher sur des dérives, comme on l'a vu ces dernières années, d'autant que, on le sait, que la politique de la carotte et du bâton n'est pas la meilleure façon de réussir dans la société d'aujourd'hui. Nous avons apprécié, madame la ministre, que, dès votre prise de fonction, vous ayez entrepris cette concertation.
Sur toutes les travées, mais particulièrement sur celles que je représente, se substitue de plus en plus à la notion de maîtrise des dépenses celle de bonne utilisation des ressources.
Elle ne pourra se réaliser, qu'il s'agisse d'un cadre national ou d'un cadre régional, que, d'abord, dans la concertation, ensuite, dans la reponsabilisation et, enfin, dans la coopération de l'ensemble des partenaires. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Leclerc. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Dominique Leclerc. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous entamons aujourd'hui, et pour la cinquième année, l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
L'examen de ce projet de loi n'est donc plus une nouveauté et cette continuité aurait dû nous permettre de faire des comparaisons, des évaluations, et d'apporter des améliorations par rapport aux années précédentes.
Or, le système de « tuyauterie » que vous nous proposez cette année ne peut être comparé avec les projets de la loi des années précédentes. Il rend ainsi à peu près impossible les évaluations relatives. Les réseaux de financement ont encore été modifiés, les transferts de l'Etat souvent sont de plus en plus complexes, et les principes généraux de la comptabilité ne sont ni respectés et, surtout, ni harmonisés. Le projet de loi est en réalité à ce point complexe et alambiqué qu'il en devient illisible pour nos concitoyens et quasiment incontrôlable pour le Parlement !
M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis. C'est l'objectif !
M. Dominique Leclerc Ce constat, je suis pas le seul à le faire. Le secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale considère ainsi que « cette modification profonde des circuits de financement de la sécurité sociale rend parfois la lecture des évolutions, et notamment l'interprétation des soldes par branche, difficile ».
Pour étayer mon propos, je prendrai, si vous le voulez bien, deux exemples : la modification de la CSG et le financement des 35 heures et du FOREC.
La CSG tout d'abord : sous prétexte d'équité, vous avez décidé d'exonérer de CSG les bas salaires.
Cette mesure qui, en réalité, vous permet de poursuivre un objectif fiscal souffre de plusieurs défauts.
Le premier, majeur, est de remettre en cause l'universalité de notre système de santé.
Le deuxième est d'être inéquitable : en transformant la CSG en premier étage de l'impôt sur le revenu sans pour autant prendre en compte le foyer fiscal, les enfants ou la pluriactivité, vous ne respectez pas l'égalité des citoyens devant les charges.
Enfin - c'est le troisième défaut - cette réforme accentue la dépendance de la sécurité sociale à l'égard des compensations budgétaires, et rend donc aléatoire son financement et complexe son contrôle.
L'autre exemple, c'est le FOREC.
En vue de financer les 35 heures, le Gouvernement creuse de nouveaux trous pour combler les anciens, et ce au détriment de notre protection sociale.
M. Philippe Nogrix. C'est vrai ! M. Dominique Leclerc. Le fonds dédié au financement des 35 heures, c'est-à-dire le FOREC, devra être doté cette année de 85 milliards de francs à 90 milliards de francs pour que soit financé ce surcroît de dépenses.
Pour faire face à cette montée en puissance, des trésors d'imagination sont déployés dans le présent projet de loi.
Pas moins de six ressources fiscales sont affectées à ce fonds : les droits sur les alcools, les droits sur les tabacs, la taxe sur les véhicules de société, la contribution sur les bénéfices des sociétés, la taxe sur les assurances et la taxe sur les activités polluantes.
C'est dire que l'équilibre de ce compte, qui doit être assuré en présentation et en exécution, est bien difficile, problématique, et exige la mobilisation de ressources sans aucun lien avec les 35 heures.
Aussi, là encore, ce montage d'une complexité folle vise à permettre au Gouvernement de débudgétiser les dépenses liées aux 35 heures, mais sûrement pas à améliorer la situation de notre protection sociale.
J'aimerais à présent m'attarder sur la branche maladie et sur les dépenses de santé qui en relèvent.
Dans ce domaine, votre prédécesseur s'était assigné un double objectif : maîtriser les dépenses de santé et nouer des relations de confiance avec les professions de santé. Force est de constater qu'elle a doublement échoué, puisque les dépenses de santé ont augmenté de 10 % en deux ans et que les professionnels de santé sont souvent révoltés par les sanctions qui leur sont infligées.
Vous nous dites poursuivre ces objectifs. J'espère sincèrement que vous y parviendrez. Mais franchement, je doute que le texte que vous nous proposez aujourd'hui vous le permette.
Pourquoi ? En premier lieu, parce que vous nous parlez, pour l'assurance maladie, d'« équilibre » ou de « quasi-équilibre ». Mais ce dernier ne doit pas faire illusion. Comme cela a été dit, il est avant tout le fruit de la croissance et d'un sérieux élargissement de l'assiette des prélèvements.
La Cour des comptes ne s'y est d'ailleurs pas trompée puisqu'elle a mis l'accent sur la fragilité de cet équilibre dû, selon elle, « pour une large part à l'exellente conjoncture économique ».
En réalité, ce texte prépare mal l'avenir. Vous ne nous proposez pas, en effet, une vraie réforme de l'assurance maladie, une réforme structurelle qui prendrait en compte les besoins réels de santé et les efforts qu'accomplissent les praticiens.
C'est pourquoi, cette année encore, vous vous contentez de nous proposer un ONDAM essentiellement comptable. Il s'agit d'un taux d'augmentation appliqué aux dépenses estimées de l'année passée. La progression pour 2001 sera de 3,5 % par rapport aux dépenses d'assurance maladie attendues en 2000. Mais sur quels critères et pour quelles raisons ce pourcentage a-t-il été fixé à 3,5 % ? Tient-il compte des besoins, du vieillissement de la population ou tout simplement des améliorations techniques ? Non, et je pense que c'est bien dommage.
En effet, tout le monde s'accorde pour dire que la réponse à ces besoins passera nécessairement par une recherche de la qualité maximale des soins, qui conduira inévitablement à débusquer des champs entiers de sous-consommation, voire de non-consommation auxquels il faudra pourtant bien faire face. Je pense par exemple, à cet égard, au dépistage du cancer colorectal.
La mise en place généralisée de tels soins aura un coût ! Qui rendrez-vous responsable de cette augmentation inéluctable ? Les professionnels de santé ? Mais pourquoi vous obstiner dans cette voie alors qu'ils n'y seront pour rien et refuser toute coopération avec ces derniers ?
Cette obstination s'explique d'autant plus mal qu'aucune des mesures prises à leur encontre l'année dernière n'a permis de régler le problème de la hausse des dépenses de santé. Vous le savez d'autant mieux que vous avez été obligée de modifier cette année le mode de fixation du coefficient de croissance de l'ONDAM. Vous avez qualifié pudiquement cette pratique de « rebasage » pour ne pas reconnaître que vos prévisions initiales étaients fantaisistes.
Ainsi l'ONDAM est-il désormais fondé sur les dépenses effectivement constatées et réalisées. Mais alors, cet objectif doit-il réellement être respecté ? Comment expliquer aux médecins, aux kinésithérapeutes, aux infirmières ou encore aux biologistes que les sanctions qui les frappent sont maintenues alors que l'ONDAM peut être réévalué pour être aligné sur les dépenses réalisées dès lors que l'objectif est dépassé ?
Cela sera d'autant plus difficile que ces sanctions sont particulièrement injustes. Elles le sont, en premier lieu, parce qu'elles sont collectives.
Pour notre part, nous nous étions battus contre les lettres clés flottantes en demandant l'individualisation des éventuelles sanctions afin de tenir compte des pratiques de chacun. En effet, s'il existe malheureusement des pratiques déviantes, seules ces dernières doivent être sanctionnées. Les prescriptions abusives sont connues et identifiées grâce à la gestion informatisée des caisses. Il serait donc aisé pour ces dernières d'invidualiser les sanctions. Pourquoi les caisses s'approprient-elles la définition de la qualité des soins et sur quelles connaissances médicales se fondent-elles pour ce faire ? Cette définition devrait au contraire résulter d'un dialogue avec les praticiens à partir des besoins estimés par les observatoires régionaux et exprimés dans les conférences régionales de la santé. Et peut-être une conférence nationale de santé devrait-elle, madame la ministre, vous proposer de soumettre à déclaration obligatoire la maladie de Creutzfeldt-Jakob. Ainsi, pourrait-on disposer, dans l'avenir, de statistiques objectives et surtout indiscutables.
Mais j'en reviens aux sanctions : elles sont également injustes parce qu'elles ne tiennent pas compte de la fongibilité des enveloppes, ainsi que des transferts entre le secteur public et le secteur privé.
La fongibilité des enveloppes pose en effet un réel problème. Si l'on souhaite que l'hôpital et la médecine de ville s'articulent correctement, il faut parvenir à une véritable fongibilité de l'enveloppe ambulatoire et de l'enveloppe hospitalière.
Or, tel n'est pas le cas dans le système actuel. Par conséquent, dans certains cas, on ne sait plus par quelle enveloppe les soins doivent être pris en charge. C'est pourquoi il me semble indispensable d'arriver à une réelle fongibilité.
Enfin - et c'est un autre problème - les professionnels libéraux de santé sont-ils responsables des transferts de charges ou des progrès réalisées par la science ? Sont-ils responsables de tous les transferts entre le secteur public et le secteur privé, des améliorations apportées tous les jours dans les traitements, les diagnostics ou les pratiques chirurgicales ? Non !
Par ailleurs, ces sanctions sont totalement incompréhensibles pour les professions dont les actes sont prescrits : ces professions ne sont pas responsables des actes qu'elles exécutent puisqu'elles interviennent à la suite d'une prescription médicale. Dans ces conditions, qui sanctionner ?
Vous l'aurez compris, nous ne pouvons cautionner de telles pratiques qui démotivent et démobilisent les professionnels de santé, lesquels devraient pourtant être, madame la ministre, vos interloccuteurs politiques dans cette recherche d'une meilleure maîtrise médicalisée des dépenses de santé.
Malheureusement, cette dernière est purement comptable.
J'en veux pour dernière preuve votre politique à l'égard du médicament. Votre projet de loi, là encore, en traite pour mieux le taxer. Il maintient la taxe sur les ventes directes et propose de fixer à 70 % le montant de la contribution dite « clause de sauvegarde » que les laboratoires devront payer si « l'ONDAM médicament » est dépassé de 3 %.
Non seulement ce taux devient confiscatoire, mais le seuil de dépassement de 3 % est irréalisable, selon le terme utilisé par la Cour des comptes pour l'exercice 1999.
En effet, si l'on fait le compte de tous les prélèvemens spécifiques, entre la taxe sur la promotion, les taxes sur les ventes directes aux officinaux et les redevances payées sur certaines spécialités, la facture pour l'industrie pharmaceutique a enregistré une hausse de 30 % en deux ans.
Si l'on y ajoute la clause de sauvegarde, convenez que cela devient difficilement supportable, et ce d'autant plus que, sur les 5 milliards de francs de dépassement constatés, un peu moins d'un milliard de francs incombe, là encore, au transfert des prescriptions hospitalières sur la médecine de ville, une autre part pouvant être attribuée à l'effet CMU.
Cette clause de sauvegarde ne prend par ailleurs pas en compte toutes les économies induites par les nouvelles thérapeutiques médicamenteuses, qui évitent dans certains cas des hospitalisations et des interventions chirurgicales.
Enfin, elle fait abstraction de certaines vérités qui s'imposent pourtant dans le domaine du médicament.
Dans tous les pays développés qui disposent d'un système de santé dit « de haut niveau », la hausse moyenne annuelle des dépenses de santé du médicament est d'environ 8 %.
En outre, des domaines comme ceux du cancer ou de la chimiothérapie exigent des recherches importantes. La production des molécules nouvelles peut entraîner une hausse annuelle des prix de 10 à 30 %. Il est bien évident qu'il n'est pas possible de refuser l'accès à ces molécules aux malades qui en ont besoin.
Fixer un seuil de déclenchement des sanctions en cas de dépassement de 3 % n'a donc pas de sens.
Là encore, il aurait été préférable d'associer la profession afin de réfléchir à une réforme des structures plutôt que de prévoir encore et toujours des sanctions financières à l'égard des uns et des autres.
Pour conclure, madame la ministre, je souhaiterais vous convaincre, après avoir rencontré nombre de professionnels de santé totalement désabusés, que vous faites fausse route.
En réalité, le chantier prioritaire reste celui de la recherche de la qualité des soins et des actes. Il ne pourra être atteint qu'en concertation avec les professionnels et les industriels de santé, et non contre eux tous, notamment afin d'obtenir leur indispensable acceptation dans les évaluations individuelles qui vont de pair avec la maîtrise.
Il ne pourra par ailleurs se réaliser que dans le cadre d'un ONDAM dont la croissance raisonnable serait conforme aux moyens scientifiques nouveaux et aux besoins estimés de la population et dont les dépassements se traduiraient par une réduction négociée du panier de soins de santé pris en charge ; bien évidemment, cela nécessiterait une décision éminemment politique et courageuse de la part du Gouvernement, décision qu'il a encore été incapable de prendre cette année.
Nos rapporteurs ont présenté des solutions adaptées aux problèmes que rencontre à l'heure actuelle notre système de santé, propositions que nous approuvons totalement et dont certaines auraient pu trouver grâce à vos yeux, madame la ministre. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Darniche.
M. Philippe Darniche. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, devenu, au cours des années, le simple prolongement de la loi de finances dont nous débattrons très prochainement, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 confirme, une fois de plus, une étatisation excessive et un manque flagrant de transparence entre l'Etat et les caisses dans la définition de leurs responsabilités respectives mais surtout en matière de gestion des risques. Et tout cela au mépris du paritarisme et de la contractualisation sur les retraites, l'assurance maladie et la famille, qui sont les trois piliers essentiels de notre protection sociale.
Je souhaite, madame le secrétaire d'Etat, vous interpeller sur trois aspects de ce texte.
Le premier concerne, sous couvert de logique purement comptable, l'opacité persistante de la loi de financement de la sécurité sociale ainsi que la dérive annuelle du gouvernement auquel vous appartenez, dérive qui consiste à jouer les « vases communicants » entre les différentes branches. Année après année, ce texte de loi devient de plus en plus illisible et purement incompréhensible pour les novices qui cotisent.
Entre compensations, transferts et réaffectations, le Gouvernement ne cesse de multiplier les fonds nouveaux et de faire fi du principe de l'indépendance des branches auquel nous sommes tous très attachés. Par exemple, en décidant de faire supporter par la sécurité sociale les exonérations de CSG, le Gouvernement décide - comble de l'illogisme ! - d'utiliser cette contribution comme instrument de politique de revenus et - comble de l'irréalisme ! - de renoncer à faire participer tous les revenus au financement d'une protection sociale universelle qui a fait ses preuves.
Comme l'a souligné M. le rapporteur de la commission des affaires sociales, sous couvert de justice sociale, vous voulez que la CSG devienne le premier étage de l'impôt sur le revenu, mais sans tenir compte à un seul moment des lourdes charges imposées aux familles. Je ne reprendrai pas la démonstration de M. Descours sur ce point.
Or, madame le secrétaire d'Etat, et au-delà des aspects purement techniques de ce texte, la seule véritable question en cette période de reprise soutenue de la croissance concerne la meilleure utilisation des excédents de la sécurité sociale. Pourriez-vous m'indiquer clairement s'ils doivent servir à alléger les charges du budget de l'Etat ou à rembourser les dettes accumulées ?
Le deuxième point concerne la maîtrise des dépenses de santé qui, à mes yeux, passe impérativement par le double levier de la solidarité et de la mutualisation.
C'est sans volonté réelle de dialogue conventionnel, seule voie possible pour assurer des soins de qualité tout en préservant l'équilibre des comptes, que le Gouvernement se met à dos les professionnels de santé et s'enfonce durablement dans l'impasse.
Mes chers collègues, n'en doutons pas : tenter de limiter la dérive des comptes sociaux dont les dépenses augmentent de plus de 10 % est une chose ; imposer autoritairement la réduction des honoraires pour éviter leurs dépassements comptables en est une autre. Par vos décisions arbitraires, les masseurs-kinésithérapeutes, les cardiologues, les pneumologues, les laboratoires pharmaceutiques, les infirmières libérales sont poussés à l'exaspération et rejettent en bloc les sanctions collectives que vous leur imposez ou les baisses de majorations d'honoraires la nuit, le dimanche ou les jours fériés.
Enfin, mon troisième et dernier point - il est, à mes yeux, le plus important et le plus inquiétant - concerne l'absence d'ambition du Gouvernement en matière de politique familiale. Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité, que j'ai écoutée très attentivement, a parlé tout à l'heure d'une « politique familiale de grande ampleur ». Il me semble qu'en ce domaine nous sommes bien loin du compte.
Bien que saluant la création de l'allocation de congé pour parent malade, initiée par notre excellent collègue Lucien Neuwirth, le projet de budget n'apporte pas d'élément novateur. Vous relevez les retraites de 2,2 %, mais les allocations familiales n'augmentent que de 1,8 % alors que, dans le même temps, les excédents de la branche famille servent à alléger les charges de l'Etat.
A cet égard, je dénonce le transfert sans concertation de la charge des majorations pour enfants dans les régimes de retraite qui va incomber, une fois de plus, à la branche famille. A mes yeux, madame le secrétaire d'Etat, les familles doivent, elles aussi - je dirai même « elles surtout » - profiter des fruits de la croissance redistribués en direction de la petite enfance.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Philippe Darniche. Je me permets de rappeler ici, avec consternation, que, dans notre pays, les allocations familiales ignorent toujours le premier enfant et que les familles attendent encore l'élévation à vingt-deux ans de l'âge limite de leur versement, mesure prévue dans la loi du 4 juillet 1994 que le Gouvernement a abrogée en décembre 1999.
Et où se trouve le principe d'équité lorsque le Gouvernement décide de mettre sous condition de ressources l'aide pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée ?
Pour conclure, monsieur le président, mes chers collègues, je dirai que l'opacité financière de ce projet de loi ne permet pas de régler les enjeux sanitaires et n'apaise pas les inquiétudes persistantes de nos concitoyens.
Face à ce constat d'impuissance, je me pose la question de savoir si, au lieu de régler en profondeur les problèmes, l'ambition du Gouvernement n'est pas plutôt de faire croire aux Français que tout va bien et que les comptes sociaux sont à l'abri des difficultés.
Au regard de tous ces éléments, nous nous devons de favoriser un système de santé solidaire mais performant, fondé sur la responsabilité contractuelle, la recherche du meilleur soin et l'évaluation pertinente des pratiques. C'est pourquoi, avec mes collègues non inscrits de cette assemblée, je ne voterai pas ce texte. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Bimbenet.
M. Jacques Bimbenet. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, permettez-moi de vous faire part de mon amertume au regard du projet de loi que nous sommes amenés à examiner aujourd'hui.
Certes, il faut s'en réjouir, les comptes de la sécurité sociale font apparaître un excédent de 3,3 milliards de francs pour 2000, excédent qui devrait atteindre 4,4 milliards de francs pour 2001. Mais ce retour à l'équilibre s'explique surtout par la croissance et l'alourdissement des prélèvements affectés à la sécurité sociale. Il ne faut donc pas se leurrer : l'équilibre reste très fragile.
Et je ne suis pas certain que cela traduise une amélioration de la protection sociale. Ce sentiment est d'ailleurs partagé tant par les conseils d'administration des caisses de sécurité sociale, qui ont émis un vote négatif à l'encontre du texte, que par l'ensemble des professionnels de santé, qui ont manifesté leur grogne en lançant, le 26 octobre dernier, une journée « santé morte ». C'est là une réprobation générale.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 est donc, à mon sens, très critiquable, et ce pour plusieurs raisons.
La première concerne la réduction dégressive de la contribution sociale généralisée, la CSG, et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale, la CRDS. On veut nous faire croire que cet allégement progressif est une bonne mesure, alors qu'en fait elle va à l'encontre du principe d'égalité puisqu'elle ne tient pas compte de la structure familiale.
Concrètement, un ménage composé de deux salariés touchant le SMIC ne paiera plus de CSG, alors qu'un couple dont un seul des deux travaille et touche 1,4 fois le SMIC acquittera la CSG. C'est la raison pour laquelle je soutiens pleinement la proposition de nos collègues Charles Descours et Philippe Marini visant à instaurer, à la place de cette ristourne, un crédit d'impôt.
Ma seconde critique concerne le fonds de financement des 35 heures, c'est-à-dire le FOREC. Ce fonds est en effet financé, à hauteur de 85 milliards de francs, par six ressources fiscales : la contribution sociale sur les bénéfices, la taxe générale sur les activités polluantes, les droits sur les tabacs, les droits sur les alcools, la taxe sur les véhicules de sociétés et la taxe sur les conventions d'assurance.
M. Alain Gournac. Ce n'est pas sérieux !
M. Jacques Bimbenet. Je ne peux que m'insurger contre ce détournement, car ces ressources devraient être affectées à la protection sociale. D'ailleurs, une partie des droits sur les tabacs était jusqu'à présent affectée à l'assurance maladie et les droits sur les alcools alimentaient le fonds de solidarité vieillesse.
Comment expliquer que les taxes sur les tabacs, les alcools et les activités polluantes alimentent les 35 heures au lieu de servir à lutter contre ces fléaux ?
Enfin, je souhaite tirer la sonnette d'alarme. L'avenir de nos retraites est préoccupant, chacun de nous en convient. Malheureusement, rien dans le texte que nous examinons aujourd'hui n'apporte la moindre réponse. Certes, la branche vieillesse se porte bien, aujourd'hui. Mais qu'en sera-t-il demain ?
De nombreux rapports et bilans, tous plus inquiétants les uns que les autres, nous alertent sur l'urgence et la gravité de la situation. L'évolution démographique de notre pays se traduit par un allongement de la durée de la vie et par l'arrivée à l'âge de la retraite des nombreuses générations de l'après-guerre.
Or, le projet de loi se contente de fixer à 2,2 % le taux de revalorisation des retraites et d'exonérer de la CRDS les retraites non imposables. Par ailleurs, le fonds de réserve pour les retraites n'est alimenté que par des recettes exceptionnelles.
Ces mesures sont louables, j'en conviens. Mais le véritable problème est éludé. Le Gouvernement se refuse à engager les réformes qu'il serait nécessaire et urgent de mettre en place. Si nous ne réagissons pas rapidement, le régime général des retraites connaîtra un déficit considérable, sans parler des régimes spéciaux !
Que dire aux futurs retraités, inquiets à juste titre, de leur avenir ? Qu'ils doivent eux-mêmes préparer leur retraite ? Je crois qu'il serait préférable de mettre en place une véritable politique qui passerait par la création d'un système de retraite mixte répartition-capitalisation.
C'est pour toutes ces raisons que je voterai le projet de loi assorti des modifications proposées par la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la situation des retraités et l'avenir des retraites sont deux préoccupations sociales majeures des quelque 12 millions de retraités, qui ne sont pas satisfaits de la situation qui leur est faite depuis plus d'une décennie, mais aussi des salariés, qui s'inquiètent de savoir quels nouveaux efforts leur seront demandés pour pouvoir bénéficier, demain, de leurs droits.
Comment pourrait-il en être autrement quand on sait que, pour les premiers, la baisse du pouvoir d'achat vient d'être confirmée ? Ce que nous soulignons en permanence vient d'être corroboré par la dernière étude du ministère de l'emploi et de la solidarité : sur cinq ans, de 1995 à 1999, aucune catégorie de retraités n'a gagné en pouvoir d'achat et la plupart en ont perdu, en particulier les cadres du secteur privé.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Ah !
M. Roland Muzeau. La revalorisation des retraites en 1999, la plus forte depuis des années, n'a pas permis de rattraper les pertes de pouvoir d'achat subies auparavant, dues notamment aux alourdissements de cotisations - CSG, CRDS - et aux effets de la réforme Balladur de 1993.
Quant aux seconds, les actifs d'aujourd'hui, les premiers éléments d'une enquête réalisée par la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques du ministère de l'emploi font apparaître qu'un tiers des personnes aujourd'hui âgées de trente ans n'ont pas dix années de cotisations derrière elles, soit le triple de la génération précédente. Pour ces dernières, la perspective d'un départ à la retraite à soixante ans semble fortement compromise si rien n'est fait pour garantir l'avenir des retraites.
Cela montre bien que les inégalités de situation en matière de retraite ne s'articulent pas seulement autour du rapport public-privé, qui « préoccupe » visiblement la majorité sénatoriale, qu'elles sont beaucoup plus complexes.
Madame la secrétaire d'Etat, le Gouvernement, par la voix de M. le Premier ministre, a annoncé en début d'année un grand débat national - c'est utile - et la proposition d'une mesure contenue dans le rapport Charpin, à savoir l'alignement, au nom de l' « égalité », de la durée de cotisation des fonctionnaires sur celle du privé. Cette mesure de régression sociale, nous ne l'approuvons pas, vous le savez. Elle ne réglera pas les problèmes posés.
Depuis ces déclarations, peu de choses ont évolué. Le conseil d'orientation des retraites travaille, mais son rapport ne sera pas rendu avant la fin de l'année 2001 !
Je crains fort qu'alors le débat ne se limite à quelques slogans lancés au cours de la campagne de la présidentielle - nous en avons déjà eu quelques échantillons ce soir. Ce problème de société mérite une tout autre démarche.
Face à une question aussi importante, il ne faudrait pas que la représentation nationale fasse preuve d'un excès de confiance et de tranquillité : après le catastrophisme du rapport Charpin, ne nous reposons pas sur l'optimisme du rapport Teulade. Une réelle augmentation du nombre d'ayants droit se produira, ce qui impliquera que l'on prenne des mesures adaptées - mais pas celles que propose la droite !
Cette même droite, après l'échec de la réforme des régimes spéciaux de retraite inscrite dans le plan Juppé de 1995, vise toujours à instaurer un système par capitalisation, même si l'on se garde bien d'employer l'expression « fonds de pension ».
La loi Thomas, projetée en 1997, fonde encore la démarche de la majorité sénatoriale aujourd'hui.
Notre système de retraite par répartition serait, d'après le dogme de la pensée unique, archaïque et voué à la faillite, alors que la retraite par capitalisation représenterait l'avenir, la modernité et la fin des problèmes de financement des retraites.
L'examen de la réalité, chiffres à l'appui, invite pour le moins à la prudence.
Le financement des retraites représente aujourd'hui 11,5 % du PIB et en représenterait environ 16 % en 2040, soit une augmentation de l'ordre de 40 % en quarante ans. Mais l'augmentation inéluctable de la productivité permettra sans aucun doute de faire face à cette croissance, dont le rythme annuel sera, somme toute, modéré.
Par ailleurs, que l'on se place dans un système par capitalisation ou par répartition, le niveau des retraites sera toujours conditionné par le niveau des salaires et le nombre d'actifs. Il convient donc maintenant de s'engager dans une politique de véritable plein emploi, de réformes fiscales, de lutte contre les placements financiers spéculatifs.
Aussi, madame la secrétaire d'Etat, permettez-moi de rappeler ici la très grande réticence du groupe communiste républicain et citoyen vis-à-vis des modalités actuelles du fonds de réserve. Son mode d'alimentation par les excédents de la sécurité sociale est trop fragile. N'incite-t-il pas à la mise en oeuvre d'une réduction des prestations ? Il a autojustifié la privatisation déguisée de la Caisse d'épargne, comme pose problème la question des licences UMTS. Enfin, réserver 30 % de l'objectif du fonds de réserve, soit 300 milliards de francs, aux revenus financiers, cela s'apparente, que cela soit dit ou non, à de la capitalisation.
M. Charles Descours, rapporteur. Eh oui ! Très bien ! C'est un fonds de pension nationalisé !
M. Roland Muzeau. Je reviens sur ce que j'ai dit pour vérifier que je n'ai pas fait d'erreur... Je ne pense pas en avoir fait ! (Rires.)
M. Charles Descours, rapporteur. Mais non !
M. Roland Muzeau. Je suis tout jeune sénateur, c'est pour ça ! (Nouveaux rires.)
L'indexation des pensions sur les salaires, véritable expression de la solidarité entre générations, est une priorité. Comment admettre que l'on maintienne l'indexation sur les prix au moment de la reprise de la croissance ? Une revalorisation des pensions de 3 % ne grèverait pas le budget de l'assurance vieillesse et ne serait que justice.
Si l'égalité veut que l'on harmonise les durées de cotisation, nous proposons qu'on la rétablisse par le retour aux trente-sept annuités et demie dans le privé.
Quant au financement et à la pérennisation de notre système de retraite, le vrai problème est celui du développement de l'emploi et de la répartition du surplus de richesses produites ; c'est aussi celui de la résorption de la précarité et des bas salaires.
Je rappelle que le besoin de financement des retraites correspond à un taux de croissance de la productivité de 0,5 % par an. A cet égard, la réduction continue de la part des salaires dans les richesses produites devrait conduire à une augmentation des contributions sociales des sociétés.
Nous avons donc, si l'on s'engage dans ces directions, des réponses efficaces aux enjeux posés !
C'est pourquoi, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, notre groupe juge prioritaire la question du développement de l'emploi, condition pour préserver notre système de retraites. C'est d'une volonté politique forte que nous devons faire preuve, s'attaquant aux inégalités, à la précarité, au chômage, mais s'attaquant aussi à la spéculation financière qui ronge l'économie nationale et détruit l'activité, et donc l'emploi.
C'est en ce sens que s'inscrivent les amendements de notre groupe, et plus largement son expression dans le débat national. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mon intervention, qui se situera dans le prolongement de celle de Bernard Cazeau, portera essentiellement sur la branche famille.
Mais je veux d'abord saluer les mesures nouvelles et importantes proposées dans ce projet pour les autres branches grâce au redressement confirmé des comptes sociaux et souligner aussi, au-delà du champ de financement du projet, l'augmentation à 3 600 francs du plafond de ressources pour bénéficier de la couverture maladie universelle. Cela permettra l'extension de la CMU à des foyers modestes. Trois cent mille personnes supplémentaires seront concernées. C'est une nouvelle avancée.
Pour s'en tenir au projet de loi en discussion, un effort important est fait en faveur de l'assurance maladie avec une augmentation de l'ONDAM de 3,5 %, après « rebasage ». On peut certes discuter ce mode de calcul, mais il faut bien permettre une appréciation plus réaliste des évolutions et donner plus de souplesse, surtout en période de forte croissance. Il faut également se féliciter de la création d'un fonds d'indemnisation pour les victimes de l'amiante.
La branche vieillesse bénéficie aussi de mesures tout à fait appréciables, avec l'augmentation de 2,2 % des retraites, 2,7 % même pour les cinq millions de retraités non imposables. Il faut également souligner la revalorisation de 2,2 % du minimum vieillesse.
Dans ce projet de loi, la famille n'est pas oubliée. Au contraire, elle fait l'objet d'une attention particulière. C'est ainsi que les engagements pris lors de la dernière conférence de la famille, le 15 juin 2000, sont tenus.
Grâce à un retour à l'équilibre, et même à un excédent de près de 7 milliards de francs, la politique familiale peut prendre un nouvel élan, notamment dans le domaine de la garde des jeunes enfants et dans celui des aides au logement.
Nous n'oublions pas que la priorité avait été donnée à l'accueil de la petite enfance.
Les élus locaux comme les associations et les familles apprécieront la création d'un fonds d'investissement pour les crèches. Il sera doté de 1,5 milliard de francs afin d'accélérer la réalisation de nouvelles places. (Murmures sur les travées du RPR.)
Nous apprécions que ce fonds soit immédiatement abondé et que des dispositions soient prises pour favoriser la souplesse du fonctionnement des crèches, avec des horaires d'ouverture élargis, le multi-accueil, l'accueil d'urgence. (Nouveaux murmures sur les mêmes travées.)
Quand on sait que seulement 9 % des enfants de moins de trois ans bénéficient d'une garde collective, type crèche, on mesure le chemin qui reste à parcourir.
M. Philippe Nogrix. C'est dépassé les crèches !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Mais non !
M. Philippe Nogrix. Personne n'en veut plus !
M. Gilbert Chabroux. Les enquêtes du Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie, le CREDOC, montrent clairement que les familles demandent de plus en plus des aides à la structure plutôt que des aides à la personne. La dimension éveil à la vie sociale, à la socialisation est maintenant largement prise en compte. Ce mode de garde doit donc désormais se développer beaucoup plus.
Il est nécessaire de lui apporter des aides accrues car il coûte cher. Mais n'est-ce pas le rôle de la CNAF, qui ne consacre, rappelons-le, que 5 % de son budget à l'action sociale, la quasi-totalité, 95 %, allant aux prestations légales ?
M. Philippe Nogrix. C'est son rôle !
M. Gilbert Chabroux. Ne faudrait-il pas corriger progressivement ce déséquilibre ?
Dans un premier temps, l'augmentation de 1,7 milliard de francs du fonds d'action sociale pour aider au fonctionnement des crèches et des centres de loisirs est la bienvenue. Cela ne doit cependant pas empêcher, comme cela est prévu par l'article 14 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, d'aider les familles qui ne peuvent y avoir recours et qui font appel à une assistante maternelle agréée. L'aide est ainsi sensiblement augmentée pour les familles modestes afin de leur permettre d'avoir réellement le choix des modes de garde.
M. Philippe Nogrix. Ça, c'est bien !
M. Gilbert Chabroux. La garde par une assitante maternelle agréée n'était pas accessible à tout le monde. De 30 000 à 40 000 familles supplémentaires devraient bénéficier de cette aide.
M. Philippe Nogrix. Cela, c'est mieux !
M. Gilbert Chabroux. Parmi les prestations qui jouent un rôle important, il y a l'allocation de rentrée scolaire, que personne ne conteste.
La majoration, le quadruplement même, décidée par le gouvernement de Lionel Jospin en 1997, semble maintenant satisfaire tout le monde. La question que pose notre rapporteur, M. Jean-Louis Lorrain, concerne d'ailleurs non le montant de l'allocation, mais sa compensation, puisqu'elle était prise en charge par le budget de l'Etat.
Il faut le reconnaître, cette allocation est devenue une véritable prestation sociale - ce fut le cas pour d'autres prestations - depuis qu'elle a été étendue à toutes les familles d'un enfant qui remplissent les conditions de ressources. Il est donc normal qu'elle revienne à la branche famille.
La Cour des comptes considère d'ailleurs que la mise en oeuvre du transfert de l'allocation de rentrée scolaire à la CNAF va dans le sens d'une meilleure appréhension de la réalisation des lois de financement de la sécurité sociale.
Je crois par ailleurs que l'on pourrait s'interroger sur la progressivité de cette allocation du primaire au collège et au lycée. Elle pourrait même être majorée pour le lycée professionnel, des familles modestes devant acquérir du matériel coûteux.
Par ailleurs, l'article 15 du projet de loi prévoit la création d'un congé, assorti d'une allocation de présence parentale, pour les parents devant soigner leur enfant gravement malade ou assurer une présence. C'est un problème douloureux, tout comme celui de l'accompagnement des personnes en fin de vie.
M. Alain Gournac. Lucien Neuwirth y avait pensé !
M. Gilbert Chabroux. Nous en avons en effet discuté lors du débat sur la proposition de loi présentée par M. Lucien Neuwirth, le 15 juin dernier.
Des engagements avaient été pris au Sénat par Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés, et, le même jour, devant la conférence de la famille, par Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille et à l'enfance.
Ces engagements sont tenus. Ils constituent des mesures nouvelles particulièrement importantes de ce projet de loi.
Les modalités prévues pour le congé et l'allocation de présence parentale paraissent tout à fait adaptées. Elles offrent en effet un cadre juridique protecteur grâce au maintien de la protection sociale pendant le congé, à la garantie de retrouver son emploi, à la reconnaissance d'un statut sans risque de licenciement.
C'est une avancée que nous approuvons tous, j'en suis sûr.
Il faut aussi se féliciter que l'allocation parentale d'éducation puisse être cumulée dans certaines conditions avec un revenu professionnel. Il convient en effet de favoriser la reprise d'activité du parent bénéficiaire de l'allocation de présence parentale. Nous savons le risque que fait courir à la carrière professionnelle un arrêt prolongé de l'activité.
L'article 16 du projet de loi, qui prévoit le transfert progressif de la majoration de pension de 10 % servie aux parents de trois enfants ou plus du fonds de solidarité vieillesse à la branche famille, mérite qu'on y porte une attention particulière. Ce dispositif représente, en 2001, 2,9 milliards de francs. A terme, dans sept ans, il atteindra 20 milliards de francs. On comprend donc les arguments de ceux qui craignent que la politique familiale ne soit amputée d'une partie des moyens qui lui sont nécessaires.
Mais il faut bien reconnaître que ces majorations de pensions pour enfants à charge sont des avantages familiaux différés. Il s'agit d'avantages vieillesse liés à la vie familiale, et le transfert à la branche famille permet sans aucun doute de protéger ces avantages.
Toutefois, si le principe est indiscutable, il faut regarder de plus près la manière de procéder et, sans doute, aménager et améliorer ce dispositif en lien étroit avec les partenaires de la politique familiale et la Caisse nationale des allocations familiales.
Il faut aussi souligner, dans le domaine du logement social, l'effort consenti par le Gouvernement, qui s'est employé à réaliser la réforme des barèmes « par le haut », c'est-à-dire par une augmentation très importante de l'enveloppe globale.
Tout n'est pas dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais nous ne pouvons pas ignorer l'ampleur de cet effort car le droit de se loger est un droit fondamental des familles. Au total, 4,8 millions de ménages bénéficieront d'une aide supplémentaire de 1 300 francs par an, en moyenne.
On constate, enfin, comme nous l'appelions de nos voeux, une simplification et une harmonisation des barèmes des aides personnelles.
Il reste un problème qui n'est pas pris en compte, celui des jeunes adultes déstructurés.
Le temps libre des jeunes est devenu un enjeu social important. Il existe bien les contrats « temps libre » qui peuvent être signés avec les caisses d'allocations familiales et qui permettent d'aider les collectivités accomplissant un effort. Mais il ne s'agit pas de la même tranche d'âge ni des mêmes problèmes.
Cela dit, il faut engager une réflexion plus large. Ce doit être le thème de la prochaine conférence de la famille. Alors qu'a été et qu'est réalisé un effort important pour la petite enfance et les différents modes de garde des jeunes enfants, il faudrait pouvoir considérer maintenant le créneau des jeunes adultes.
Peut-on formuler la proposition selon laquelle, si des excédents étaient dégagés par la CNAF sur l'année 2000, au-delà des prévisions qui ont été faites, comme cela a été le cas au cours de l'année 1999 pour le fonds d'investissement pour les crèches, ils seraient prioritairement affectés à ce secteur qui a été, jusqu'à présent, relativement délaissé ?
Madame la secrétaire d'Etat, nous savons bien que la politique familiale est un tout. Elle ne se limite pas au budget de la branche famille de la sécurité sociale. De nombreux ministères y participent : l'éducation nationale dans les zones d'éducation prioritaire, la politique de la ville, la justice avec la réforme du droit de la famille, l'emploi avec, entre autres, les emplois-jeunes, la santé et la solidarité, la culture, la jeunesse et les sports, et d'autres encore.
Les années précédentes, la majorité sénatoriale avait pratiqué des coupes claires dans les budgets de ces ministères : 26 milliards de francs de crédits avaient été supprimés en 1999. Quand on sait à quel point ces secteurs participent à une véritable politique familiale, on peut s'interroger sur la pertinence et la cohérence des positions et des intentions de la droite sénatoriale.
Il faudrait parler aussi des avancées que représentent, pour de nombreuses familles, des lois comme la loi d'orientation, de prévention et de lutte contre les exclusions, la loi relative à la couverture maladie universelle et, également, la loi sur les 35 heures, que la droite n'a pas votées.
Une véritable politique familiale suppose que l'on agisse dans tous les domaines pour créer un environnement favorable aux familles. C'est ce que fait le Gouvernement.
Mes chers collègues, mesurons bien les changements intervenus en trois ans et demi.
Souvenez-vous que le déficit de la branche famille s'établissait à 14 milliards de francs en 1997. Mesurons bien les efforts accomplis et les résultats obtenus. Le paysage s'est transformé, assaini, éclairci. L'équilibre de la sécurité sociale est rétabli.
Tout se tient et nous savons bien qu'il n'y a pas de politique familiale sans la maîtrise des dépenses de santé ou, alors, il ne s'agit que de discours.
Madame la secrétaire d'Etat, la politique familiale rénovée et ambitieuse qui est définie et mise en oeuvre par le Gouvernement depuis 1997, en concertation avec les associations familiales et les syndicats, fait l'objet d'une large approbation dans le pays. Nous en avons eu la preuve lors de la dernière conférence de la famille. Les engagements de cette conférence ont été tenus. Il devrait en être de même aujourd'hui.
Madame la secrétaire d'Etat, le groupe socialiste vous apportera son soutien le plus chaleureux. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Neuwirth.
M. Lucien Neuwirth. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'ai souvent eu le sentiment, face à l'évolution accélérée du monde, que nos sociétés étaient en retard sur notre temps, sentiment qui va de pair avec l'adage selon lequel les seuls combats que l'on perd sont ceux que l'on ne mène pas.
C'est pourquoi je veux aborder ce soir un point précis, l'un de ces combats que l'on mène mal, peut-être parce que la France n'a pas encore de ministère de la santé à part entière, ce qui me désole une fois de plus, et vous voudrez bien m'en excuser, mes chers collègues.
La campagne de prévention et de lutte contre le sida a démontré que, lorsqu'il existait une volonté profonde de la population combinée avec une volonté gouvernementale d'agir dans le même sens, une telle campagne s'avérait efficace. Dans le cas de la lutte contre le cancer, présentée pourtant comme une priorité nationale, on constate que la politique mise en oeuvre est déficiente, voire inexistante, dans un nombre considérable de départements, et je vais tenter de le démontrer.
Plus grave, le rapport de septembre 2000 de la Cour des comptes sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale remis au Parlement dresse un bilan alarmant de la situation en ce qui concerne le cancer.
On y lit - nous le savions déjà, hélas ! - que le cancer est la deuxième cause de mortalité en France et la première cause de décès prématuré avant soixante-cinq ans, que le nombre de nouveaux cas diagnostiqués dans l'année est passé, depuis 1975, de 171 000 à 250 000 ; que l'incidence estimée de cancers en France a augmenté de 40 % en vingt ans ; que la probabilité pour les femmes d'avoir un cancer au cours de leur vie s'élève aujourd'hui à près de 37 % ; que la prévalence des cancers devrait mécaniquement s'accroître au cours des années à venir du fait du vieillissement des populations ; enfin, que les disparités régionales sont très marquées, notamment dans la moitié nord du pays ; ailleurs aussi, hélas !
Si le plan gouvernemental de lutte contre le cancer, que j'ai ici et qui a été annoncé le 1er février 2000, apparaît cohérent, puisqu'il intègre recherche, prévention, dépistage, soins et aide aux malades, les insuffisances relevées par la Cour des comptes démontrent que les moyens sont loin d'être à la mesure des enjeux. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. Alain Gournac. Bravo !
M. Lucien Neuwirth. Les sources susceptibles de fournir des informations sur l'ampleur du fléau et sur sa prise en charge ne sont pas coordonnées. En outre, elles sont rarement recoupées entre elles et sont incomplètes.
Ainsi, l'information nécessaire à l'élaboration d'une politique cohérente de lutte contre le cancer, que j'appelle de mes voeux, n'est pas disponible. Il est donc impossible à ce jour de corréler ce qui paraît indispensable, à savoir les besoins de santé et l'offre de soins. Il n'est pas possible aujourd'hui d'identifier le nombre de lits ou de places utilisés au titre des soins en cancérologie. Aucune approche globale ni quantitative n'est prévue. Qu'on me prouve le contraire !
Selon le rapport : « La statistique annuelle des établissements, qui décrit l'équipement des établissements de santé publics et privés, ne permet pas de connaître le nombre de lits et de places consacrés au traitement des cancers. [...]
« La part des dépenses ou des personnels affectés à la lutte contre le cancer n'est pas davantage identifiée. Hormis pour les centres de lutte contre le cancer spécialisés dans le traitement de ces pathologies - tel le centre Léon-Bérard à Lyon - et les équipements spécifiques de radiothérapie, il est impossible d'identifier les moyens consacrés par les établissements de santé à la lutte contre les cancers.
« En l'absence de codage des actes et des pathologies, il n'est pas davantage possible de connaître la part de l'activité de médecine de ville consacrée à la cancérologie, qu'il s'agisse de prévention, de dépistage ou de prise en charge diagnostique ou de thérapeutique. »
Les moyens financiers engagés tant pour la prévention que pour le dépistage sont mal connus ; ceux qui sont consacrés aux soins sont encore plus difficiles à évaluer.
Sur le plan communautaire, le troisième programme d'action inscrit, doté de 92 millions de francs en 1999 - « L'Europe contre le cancer » -, a contribué au financement de trente-cinq projets, dont un seul d'initiative française, dans les domaines de la collecte de données, de l'éducation pour la santé, de la prévention et de l'assurance qualité du dépistage et des soins. Si la France participe à de nombreux projets pilotés par d'autres pays, elle n'est que rarement à l'origine de projets impliquant plusieurs membres de l'Union européenne. Cette situation serait due au rôle très limité que joue la direction générale de la santé en matière d'impulsion, de coordination et de suivi des projets.
Pourtant, les enquêtes sectorielles conduites sur le plan local et relatives à la connaissance de l'offre de soins existent. Simplement, leur exploitation au niveau national n'a pas été développée. Il est urgent de donner les moyens de développer les travaux sur l'évaluation du système de soins, afin de pouvoir en savoir plus sur les pratiques de prévention et de dépistage des professionnels de santé, et effectuer des études sur le coût et l'efficacité des programmes de dépistage.
C'est pourquoi je souscris aux recommandations de la Cour des comptes visant à augmenter les moyens consacrés à la prévention, à condition qu'une évaluation stricte de la qualité et de l'efficacité des actions menées soit engagée. A cet égard, la proposition d'accroître la part des recettes sur le tabac affectée à l'assurance maladie me paraît plus qu'intéressante.
La situation que je viens de décrire résulte principalement du cloisonnement du système de santé pour ce qui concerne le dépistage, la formation des professionnels et l'information des patients.
En effet, si le malade est libre de choisir son médecin, il est face à une multitude de centres littéralement « atomisés ». Or la qualité de la prise en charge du patient est très fortement influencée par le premier accès au système de soins. Mais aucune information n'est mise à la disposition du patient alors qu'on lui laisse l'initiative de la première démarche !
L'Etat et l'assurance maladie devraient mieux travailler ensemble pour combiner une approche de pathologie, une approche par population et une approche par producteur d'actes, qu'il s'agisse de prévention, de dépistage, de diagnostic ou de traitement.
Ce qui paraît invraisemblable en ce début de xxie siècle, c'est la scandaleuse absence de structure spécialisée pour les pathologies - notamment pour le cancer - dans les deux grandes directions - la direction générale de la santé et direction des hôpitaux - ce qui ne facilite pas le rapprochement des points de vue.
La Cour des comptes souligne, à ce sujet, la faiblesse des moyens consacrés par la direction générale de la santé à la politique de lutte contre le cancer. Savez-vous, mes chers collègues, combien de personnes s'y consacraient au début de l'année 2000 ? Deux !
Cela explique sûrement pourquoi la circulaire du 24 mars 1998 sur l'organisation des soins en cancérologie est au point mort. Elle devait permettre la mise en place progressive de la gradation en trois niveaux des structures de soins dans les établissements publics et privés. Leur mise en oeuvre par les schémas régionaux d'organisation sanitaire - pour autant qu'elle implique de faire des choix entre les établissements hospitaliers - ne sera que progressive.
De même, la constitution en réseaux, pourtant prévue par la loi, n'est pour l'instant qu'une faculté offerte aux professionnels de santé. Une faculté ! La normalisation des soins à travers l'élaboration de référentiels et de protocoles se développe toujours actuellement en ordre dispersé. Les variations constatées du contenu des référentiels dans les établissements illustrent l'absence d'une politique organisée de qualité des soins.
Le secrétariat d'Etat à la santé n'a toujours pas appliqué les dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 sur l'organisation des programmes de dépistage, devenu l'article L. 1411-2 du code de la santé publique. N'est toujours pas publié notamment, à ma connaissance, le décret fixant la liste des examens et des tests de dépistage qui ne peuvent être réalisés que par des professionnels et des organismes conventionnés.
Enfin, la Cour des comptes dénonce ce que j'ai pu moi-même constater dans mon département : les distorsions liées au système actuel de tarification et de financement. Elle préconise d'actualiser la nomenclature de radiothérapie, d'harmoniser le niveau de financement de la chimiothérapie dans les secteurs public et privé, en veillant à mieux prendre en compte des coûts fortement croissants.
Ce n'est malheureusement pas tout...
Le professeur Israël indiquait récemment que la moitié du parc français des mammographies était obsolète ; je dis bien : la moitié !
Pour ce qui concerne la formation des radiothérapeutes, trente nouveaux devraient être formés par an pour maintenir le réseau de soins existant. Malheureusement, trois seulement sortent des écoles chaque année, du fait de la non-attractivité des études.
Pour illustrer mon propos, je citerai, parce qu'il faut parler de ce que l'on connaît bien, l'exemple de mon département, la Loire. La situation de la cancérologie illustre trop bien les disparités qui existent entre départements et même entre régions.
Le déficit des budgets hospitaliers publics et privés ne permet pas l'utilisation de nouveaux médicaments plus efficaces et moins toxiques. Il n'existe aucune possibilité d'investissement pour les remises à niveau du plateau technique de radiothérapie ; le dernier investissement date de 1995 ! La Loire perdra, à la fin 2000, les deux seules autorisations de chambre de curiethérapie. La nomenclature des actes de radiothérapie date de 1972, époque de la bombe au cobalt. La nouvelle nomenclature et le nouveau catalogue des actes médicaux sont en préparation depuis cinq ans, ce qui explique, pour partie, l'absence de radiothérapie dans les hôpitaux privés de ce département. Ne parlons pas de la vétusté du parc des appareils : quatre accélérateurs sur cinq sont âgés de plus de quinze ans, tous concentrés dans les hôpitaux publics ou participant au service public hospitalier. On constate un déficit d'équipement d'imagerie - IRM, scanner - et il n'existe aucun appareil de radiothérapie équipé d'un système d'imagerie portable.
En l'état actuel, le fait de résider dans un département défavorisé fait perdre aux patients cancéreux des chances de guérison, en dépit de tous les efforts, de la bonne volonté des personnels médicaux et soignants en charge des patients.
Ce n'est pas tolérable. C'est pourquoi il est indispensable de revoir la politique de lutte contre le cancer dans notre pays, de se donner enfin les moyens de la mettre en oeuvre grâce à un ministère de la santé à part entière disposant d'un budget et de personnels à la hauteur des enjeux de santé publique, et de sortir de ce système doté d'un trop modeste secrétariat d'Etat sous tutelle. Il est même permis de se demander parfois si ce n'est pas sous la tutelle de ses propres directions !
Je veux aborder maintenant le problème du cancer du sein.
Aujourd'hui, aucune personne de bonne foi ne peut mettre en doute le fait que le cancer du sein est devenu un enjeu de société. Nous avons désormais techniquement les moyens, à travers un dépistage précoce de masse et l'amélioration des traitements, de faire changer les choses. C'est la première cause de décès par cancer chez les femmes : 19 %.
Il nous faut d'abord faire entrer le dépistage du cancer du sein dans les consciences et dans les mentalités. Comme la douleur, le cancer n'est ni de droite ni de gauche, c'est un fléau à combattre ensemble. Il frappe une femme sur dix.
A cet égard, je partage tout à fait l'avis de M. Bernard Kouchner quand il affirmait : « Les politiques ont besoin du pouvoir d'influence des malades pour que notre système de soins change et s'humanise. »
J'ajouterai que ce système a besoin non seulement de l'action militante d'associations telles que le Comité féminin de la région de Paris, qui a tenu un colloque ici au Sénat le 23 octobre dernier sur le dépistage du cancer du sein, de la Ligue contre le cancer, qui mérite tout notre soutien, et d'autres associations encore, mais aussi du témoignage irremplaçable des médecins de toutes les disciplines concernées, des généticiens, des personnels soignants.
Des réunions telles que celle qui s'est tenue récemment au Sénat, grâce à la participation de praticiens éminents et renommés qui vont traiter du problème dans toutes ses dimensions, établissent la crédibilité de l'action engagée en faveur du dépistage précoce et de masse du cancer du sein. Oui, de masse, car les femmes représentent la moitié de notre société.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Eh oui !
M. Lucien Neuwirth. Grâce aux connaissances modernes, nous savons qu'un cancer du sein a un développement très lent, de sept ans au minimum. Des travaux allemands et anglo-saxons ont démontré que la majorité des cancers du sein commençait à se former dès l'âge de trente-huit à quarante ans. Certains d'entre eux évoluent très vite et se manifestent aussitôt entre quarante et cinquante ans ; d'autres, nés à la même date mais d'évolution moyenne, se manifestent entre cinquante ans et soixante ans en raison des modifications hormonales, voire entre soixante et soixante-dix ans.
Le dépistage au stade le plus petit de la tumeur est capital : d'une part, parce que la tumeur prise à ses débuts a toutes les chances d'être éradiquée ; d'autre part, parce que le traitement sera moins lourd, plus efficace et épargnera des souffrances à la femme.
Il est parfaitement établi aujourd'hui que le cancer du sein reconnu précocement, avant que la tumeur n'atteigne la taille de dix à douze millimètres, est guérissable. Le cancer du sein ne se prévient pas ; il se dépiste.
Comme le professeur Jasmin, éminent cancérologue à l'hôpital Paul-Brousse de Villejuif, je suis personnellement convaincu de l'évidente obligation d'un dépistage précoce du cancer du sein.
En effet, le taux de survie est de 90 % à cinq ans quand le cancer a été découvert à un stade précoce et ne présente aucune métastase ou envahissement ganglionnaire.
Un dépistage à partir de cinquante ans n'est pas suffisant. C'est oublier que, chez les femmes plus jeunes, on estime que le cancer du sein diminue la durée de vie de 40 % environ.
Il est donc indispensable de mettre en place un dépistage systématique du cancer du sein chez les jeunes femmes, dès l'âge de quarante ans. Les progrès de l'imagerie médicale nous y encouragent et sont porteurs d'espoir.
Je suis particulièrement frappé de la qualité et de la précision du rapport de la Cour des comptes, qui, cette année, ne s'est pas contentée, comme chaque année, du classique état des lieux comptable, mais a choisi d'émettre un avis très critique et inhabituel - M. le président Joxe m'a précisé qu'il tenait à ce que cet avis soit donné - et a proposé des recommandations sur la politique, je dirais plutôt sur l'absence d'une véritable politique active suivie de prévention et de dépistage du cancer en France.
Dans l'Hérault, par exemple, 24 % des cancers sont détectés chez les femmes de quarante-neuf ans.
Parlons maintenant du programme national de lutte contre le cancer du 1er février 2000, que vous avez présenté, madame le secrétaire d'Etat.
Il est prévu un dépistage pour les femmes de cinquante à soixante-quatorze ans par mammographie. Or - écoutez-moi bien, mes chers collègues, ce point est important - trente deux départements seulement disposent d'un tel programme de dépistage. Le cahier des charges de 1999 n'est pas appliqué. Les moyens sont dérisoires : 2 millions de francs sont alloués à la formation des professionnels et aux études de mobilisation de la population.
S'agissant du dépistage du col de l'utérus, il n'existe que quatre sites expérimentaux. C'est dérisoire !
L'objectif n° 5 est un bon objectif. Il s'agit d'évaluer le dépistage et son impact sur la maladie.
Cette année, l'institut de veille sanitaire accompagnera l'extension du programme de dépistage avec quoi ?... avec 400 000 francs pour les trente-deux départements ; somme dérisoire !
Un programme d'études sur les facteurs favorisant l'utilisation des programmes de dépistage sera mis en place. Mais quand ?
L'objectif n° 3 est de favoriser en permanence la qualité de la prise en charge. Je suis d'accord avec cet objectif.
Il s'agit de renforcer l'équipement en radiothérapie, la France ne disposant que de 183 sites, soit de 367 appareils.
La seule mesure nouvelle, c'est l'augmentation, dès cette année, dans la carte sanitaire, de l'indice de besoin, qui permettrait l'installation de 100 nouveaux appareils.
Il s'agit aussi de mieux prendre en compte l'évolution de la chimiothérapie et de la radiothérapie. Mais quels moyens existent pour remplir ces objectifs auxquels nous adhérons tous ?
Un groupe de travail « Soins 2000 » a été mis en place pour formuler des propositions au second semestre de l'année 2000. Où en sont ces propositions ?
Quels sont les moyens mis en place pour améliorer la prise en charge initiale, pour l'information sur les modalités du traitement et les différents dispositifs de prise en charge médico-sociale ?... On retrouve le même groupe de travail « Soins 2000 », qui en est encore aux balbutiements, c'est le moins qu'on puisse dire !
J'apprécie particulièrement l'objectif n° 4 : améliorer les conditions de vie et garantir les droits des malades. Pour le soutien psychologique, le travail en réseau, dix millions de francs seront affectés, à partir de 2001, au recrutement de psychologues.
En ce qui concerne les soins palliatifs, 75 millions de francs en 2000 et 75 millions de francs en 2001 seront affectés au développement des structures, 37 millions de francs, répartis sur 2000 et 2001, seront dégagés au titre du fonds national d'action sanitaire et sociale, enfin, 450 000 francs seront destinés à la réédition du livret d'information sur les soins palliatifs.
Je profite de l'occasion qui m'est offerte, madame le secrétaire d'Etat, pour demander où en est le décret d'application qui permettrait de sortir du paiement à l'acte pour les équipes de soins palliatifs. On l'attend depuis juin 1999, ce fameux décret ! (Mme le secrétaire d'Etat fait un signe de dénégation.)
Si ! On l'attend depuis juin 1999 ce décret qui doit permettre de sortir du paiement à l'acte, ce qui ne tient pas dans une équipe de soins palliatifs. Demandez à la CNAM ! Elle sait comment faire ! Elle a déjà l'expérience pour d'autres disciplines.
Pour généraliser la prise en charge de la douleur chez les patients cancéreux et renforcer la formation des professionnels en faveur des populations les plus fragiles, 0,5 million de francs par an seront dégagés pour la formation alors que 10 millions à 15 millions de francs seront consacrés aux schémas régionaux d'organisation des soins.
Madame le secrétaire d'Etat, ce n'est plus possible ! Le moment est venu d'entreprendre une action forte, le volontarisme se manifestant à tous les niveaux d'autorité.
En ce début du xxie siècle, le combat contre le cancer est le nôtre, individuellement et collectivement, ou alors, nous acceptons d'être des complices honteux de ce fléau, qui doit reculer, que nous avons les moyens de faire reculer. Mais ces moyens, il faut les mettre en place ! Sur l'ensemble de ces travées, il n'y aura personne pour vous refuser les moyens que vous nous demanderez.
Les bonnes intentions, les effets d'annonce n'ont jamais été que des sabres de bois. C'est d'armes efficaces dont nous avons besoin. Nous sommes prêts à vous donner les moyens de les forger. La balle est dans votre camp. Même la Cour des comptes sera à vos côtés. Alors qu'attend-on ? Madame le secrétaire d'Etat, il faut y aller maintenant ! (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard. (Applaudissements.)
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la branche accidents du travail et maladies professionnelles participe au résultat excédentaire de la sécurité sociale. L'objectif fixé pour 2000 s'élevait à 54,7 milliards de francs. L'exécution prévisionnelle est inférieure à 53,3 milliards de francs. Tout comme pour les résultats globaux, nous recueillons en ce domaine les fruits d'une croissance riche en emplois et de mesures structurelles engagées avec efficacité, le tout, il faut le souligner, sans augmentation des cotisations et sans « déremboursement ». Ces moyens vont soutenir une politique ambitieuse.
Ce projet de loi comporte, pour la branche accidents du travail, la création d'un fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, création qu'avait annoncée le Gouvernement, le 15 septembre dernier.
Ce fonds complète le dispositif de cessation anticipée d'activité que nous avions mis en place dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999. Il manifeste la ferme volonté du Gouvernement de répondre au drame que vivent les salariés contaminés par l'amiante ainsi que leur famille.
En effet, au-delà de la douleur des situations individuelles, c'est l'ampleur de la catastrophe qui est saisissante. Certaines prévisions font état de 100 000 décès d'ici à 2025.
Ce fonds a donc pour mission d'assurer l'indemnisation intégrale des victimes de l'amiante. Les coûts d'indemnisation sont évalués à 8 milliards de francs en direction des familles des personnes déjà décédées et à 3 milliards de francs par an pour les victimes de pathologies liées à l'amiante.
Pour 2001, la participation de la branche accidents du travail, donc le financement effectué par les employeurs, sera de 1,5 milliard de francs. Celle de l'Etat s'élèvera à 500 millions de francs.
A cet égard, je ferai une remarque à l'intention du rapporteur pour avis de la commission des finances. Je m'étonne, en effet, qu'après avoir souligné, dans son rapport, le coût très élevé de ce dispositif, il indique qu'il ne soit pas sûr que les entreprises acceptent facilement une éventuelle augmentation des cotisations afin d'assurer, dans l'avenir, l'indemnisation des victimes.
Faut-il rappeler que les cotisations versées au titre des accidents du travail et leur modulation sont précisément assises sur le nombre et la gravité des accidents du travail intervenus dans chaque entreprise ? Le financement de notre système est fondé sur la corrélation entre les dangers encourus par les salariés, les mesures de prévention prises par l'employeur pour les combattre et le poids des prélèvements supportés par les entreprises. Il ne serait donc pas anormal que la sous-estimation, parfois coupable des entreprises, des risques encourus par leurs salariés se traduise, si besoin était, par une augmentation de leurs cotisations.
Constitué en établissement public, ce fonds d'indemnisation améliore à l'évidence les dispositifs existants. En effet, il fonctionne selon le principe d'une indemnisation intégrale et non forfaitaire des préjudices subis.
Il facilite et accélère les procédures d'indemnisation, ce qui est fondamental pour les victimes, qui étaient parfois obligées de se livrer à un parcours du combattant pour prouver les affections dont elles étaient atteintes.
Par ailleurs, ce fonds concerne aussi des victimes qui se sont retrouvées au contact de ce produit en dehors même de leur lieu de travail.
Nos collègues de l'Assemblée nationale ont amélioré son fonctionnement, notamment en abrégeant les délais d'examen et en étendant aux ayants droit le bénéfice d'une indemnisation.
Les sénateurs socialistes présenteront un amendement visant à ce que les personnes ayant vu leur demande rejetée ou ayant obtenu une indemnisation partielle sous l'empire de l'ancien régime puissent saisir le nouveau fonds afin que leur dossier soit réexaminé.
Toutefois des victimes ou leurs représentants se sont manifestés et ont regretté certains principes de fonctionnement de ce fonds. Nous nous devons de comprendre leur message.
Ce qui anime aujourd'hui certaines de ces victimes, c'est la volonté de faire en sorte que, au-delà d'une indemnisation plus juste et plus efficace, l'occultation manifeste par certaines entreprises d'un risque connu soit sanctionnée par la justice.
Il est de notre responsabilité de parlementaires, au-delà de la reconnaissance par la collectivité nationale d'une plus juste réparation du préjudice subi, d'oeuvrer pour que change l'approche de la sécurité au travail.
Il s'agit d'un véritable enjeu de santé publique, qui dépend, en réalité, de la place faite à la santé du travailleur dans le modèle économique de notre société industrielle.
Les dérives du productivisme et de la recherche de la compétitivité sont connues : recherche d'enclaves juridiques ou géographiques, dans lesquelles l'application du droit peut être contournée, recours au travail précaire, à la délocalisation, par exemple.
Ce qui interpelle toute notre société, c'est que ce modèle économique intègre la précarité et la mise en danger comme des données normales de l'existence.
M. Philippe Nogrix. Oh !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Or la dégradation de la santé d'autrui ne peut être considérée comme une donnée du fonctionnement du marché ; en revanche, sa protection est un droit essentiel de la personne, quel que soit son environnement.
Aujourd'hui, c'est l'existence même du risque qu'il nous faut combattre.
Certains parlent de principe de précaution ; dans ce domaine, je préfère parler de prévention. Et si l'application de ce principe paraît parfois particulièrement exigeant, c'est parce qu'il se met en place dans l'urgence et que l'on prend soudainement conscience de dangers qu'il a été plus confortable de ne pas prendre en compte avec la vigueur nécessaire. La responsabilité est collective.
La prévention ne doit pas seulement être une incantation ou ne se limiter qu'à des moyens supplémentaires. Elle est une culture à développer et à faire vivre.
M. Lucien Neuwirth. Très bien !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Il convient de dépasser la seule logique de l'assurance et de prendre en compte le fait que la culture du risque n'est peut-être pas celle à laquelle aspirent nos concitoyens. Ceux-ci dénoncent de plus en plus la violence des relations sociales, et le sentiment d'insécurité y a sa part.
Pour cela, il faut être capable d'assurer une prévention très en amont. C'est ici la responsabilité des partenaires sociaux et celle de l'Etat, qui arbitre leurs décisions et fixe des normes.
Il s'agit, certes, de mobiliser des moyens, mais aussi de définir un modèle de développement respectueux de cette santé. Or les entreprises ont tendance, trop tendance, à penser qu'elles ne sont pas en capacité de promouvoir un tel modèle. Elles sont prises dans les contraintes du temps et de la concurrence. Elles exploitent les logiques existantes et ne sont pas promptes à remettre en cause leurs modes de fonctionnement au profit de leurs salariés.
De son côté, l'Etat doit entreprendre de nouvelles démarches dans ce domaine.
Nous avons ainsi voté récemment la création d'un outil permettant de soutenir la prévention : l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale.
Nous souhaitons également qu'aboutisse la nécessaire réforme d'un acteur essentiel de cette politique ; je veux parler de la médecine du travail. Plusieurs orientations ont été présentées. Certaines sont intéressantes, comme la mise en place de réseaux ou la redéfintion des moyens d'action en matière de prévention dans le milieu de l'entreprise. Il conviendra de les approfondir.
Il faut également que la reprise permette d'offrir de meilleures conditions de sécurité aux travailleurs : diminution des accidents du travail et des maladies professionnelles, pour ce qui nous concerne ici. Mais on peut aussi penser à l'augmentation du pouvoir d'achat individuel ou à la diminution du temps de travail, à la résorption de l'emploi précaire et du recours au travail intérimaire.
Cela étant, lorsqu'on regarde les chiffres de l'évolution des accidents du travail et des maladies professionnelles, on mesure les efforts qui sont encore à réaliser.
Ces chiffres, qui avaient diminué, sont, depuis 1998, en augmentation. En effet, la reprise économique et le retour à l'emploi voient des jeunes, souvent insuffisamment préparés, occuper certains postes de travail. Je peux également évoquer le recours accru à la sous-traitance ou au travail intérimaire. Or, les acteurs de la prévention des accidents du travail nous le disent, c'est en particulier chez ces salariés que l'on trouve une fréquence accrue de ces accidents.
Par ailleurs, soyons vigilants sur les modalités introduites en matière d'aménagement du temps de travail afin qu'elles ne se traduisent pas pour les salariés par une intensification des rythmes du travail, souvent à l'origine d'accidents du travail ou de maladies professionnelles ; je pense en particulier aux troubles musculo-squelettiques et aux lombalgies.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la branche accidents du travail et maladies professionnelles dégage des excédents qui nous permettent aujourd'hui de faire face à une responsabilité majeure : l'indemnisation des victimes de l'amiante.
Souhaitons que, collectivement, nous sachions tirer les enseignements de ce que nous tentons de réparer aujourd'hui à travers la mise en place de ce fonds. Que de nouvelles démarches incitent à rénover la prévention en matière d'accidents du travail et de maladies professionnelles ! (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Fournier.
M. Bernard Fournier. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui est devenu un rendez-vous habituel au Parlement, revêt cette année un relief tout particulier avec le départ de Mme Aubry vers des terres plus septentrionales...
Je veux tout d'abord, madame la secrétaire d'Etat - mais mon propos s'adressait plus particulièrement à Mme Guigou - saluer votre esprit de solidarité, qui vous fait assumer ce projet de loi dont la maternité ne vous revient pas.
Mais j'imagine que la solidarité gouvernementale et les liens privilégiés qui unissent Lionel, Martine, Laurent (Sourires) et vous-même...
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Et Elisabeth ! (Nouveaux sourires.)
M. Bernard Fournier. ... vous conduisent à vous inscrire dans la lignée de la susnommée.
Mon intervention se déroulera en deux temps : je parlerai d'abord de la méthode et des objectifs, puis du fond, en évoquant ce qui me semble un exemple topique des insuffisances de ce texte à travers la couverture médicale universelle.
Outre le départ de Mme Aubry - qui plus est à la veille de la discussion du texte phare de son ministère -, la méthode du Gouvernement dans la préparation de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale me semble révélatrice de trois faiblesses : impréparation, absence de concertation et dogmatisme.
Ce projet révèle en effet une rare impréparation, qui apparaît notamment lorsque l'on considère le nombre d'amendements déposés par les rapporteurs des commissions de l'Assemblée nationale. Il convient d'ailleurs de souligner - une fois n'est pas coutume ! - l'ampleur du travail exécuté par M. Claude Evin dans la réécriture de ce projet de loi.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Il a été ministre !
M. Bernard Fournier. Un de mes collègues députés l'a déjà fait, mais j'ai pu constater que l'exercice était effectivement d'une telle ampleur qu'il méritait qu'on y revînt.
Cependant, l'examen des députés n'a pas purgé le texte des incohérences qu'il contient.
Il semble que la rapidité avec laquelle ce projet de loi a été élaboré ait conduit le Gouvernement à oublier des impératifs incontournables. Sur cet aspect, nous avons déjà demandé au Conseil constitutionnel de se prononcer, et les sages nous ont donné raison. J'évoquerai deux points.
Le principe constitutionnel de sincérité budgétaire disparaît dans le flou artistique des financements croisés, des transferts de charges, des transferts de taxes, lesquels sont devenus si complexes que c'est à ne plus rien y comprendre.
Vous financez les 35 heures par des prélèvements précédemment réservés à la CNAM, et ce n'est qu'un exemple. Ainsi, le gouffre de la réduction du temps de travail s'impute également sur les budgets sociaux.
Je ne ferai qu'évoquer la fameuse TGAP. Vous nous aviez dit que s'y appliquait par excellence le sacro-saint principe « pollueur-payeur », principe que l'on retrouve aujourd'hui un peu partout : l'an dernier, dans la loi de financement de la sécurité sociale, cette année dans le collectif budgétaire.
En fin de compte, je pourrais être d'accord - une fois n'est pas coutume - avec M. Aschieri, député Vert, qui souhaitait voir quand même un jour cette « taxe baladeuse » financer des dépenses ayant un lien avec la défense de l'environnement.
Par ailleurs, je vous rappelle que le Conseil constitutionnel invalide systématiquement les dispositions prévoyant des sanctions collectives à l'égard des professions de santé, mesures que vous aviez déjà projetées lors d'un précédent exercice. Mais peu vous chaut ! Vous voici avec la même notion, déguisée en « lettre clef flottante » : ce n'est, à mon avis, respectueux ni des professionnels ni du Parlement.
Et c'est peut-être là le vice essentiel de ce texte : il fait fi de l'avis des intéressés.
En effet, ce projet de texte n'a fait l'objet, me semble-t-il, d'aucune véritable concertation.
Le Gouvernement nous rebat les oreilles avec la concertation. De quelle concertation parle-t-on ?
On nous a expliqué que la méthode Jospin était presque une dialectique, que c'était une nouvelle façon de concevoir le débat avec les forces vives de la nation : « Je propose, on vous écoute et nous synthétisons. » Beau programme, mais qui ne résiste pas à l'épreuve de l'examen.
En effet, à l'usage, que constatons-nous ?
M. Claude Domeizel. La réussite !
M. Bernard Fournier. Sur un grand nombre de dossiers, un manque criant de concertation est dénoncé. Elus locaux, enseignants, artisans, restaurateurs, monde agricole, transporteurs, professions libérales, et maintenant monde de la santé, tous investissent nos permanences pour nous alerter : « On ne nous écoute pas, tout vient d'en haut. » Ce n'est pas moi qui vous le dis, ce sont eux, ces professionnels, qui viennent à notre rencontre.
La dialectique est devenue, me semble-t-il, un monologue... A moins que je ne donne pas le même sens au mot « concertation » que celui qui a été retenu par le Gouvernement...
Peut-être s'agit-il d'une concertation interne à la majorité plurielle, visant à masquer ses divergences profondes sur des textes fondamentaux ?
Serait-ce cela, la méthode du Gouvernement : gérer le grand écart entre le parti communiste et les Verts, tenter de faire la synthèse entre les jacobins et les libéraux du parti socialiste ? Mais, à ce prix, on finit par oublier la vraie concertation : celle qui doit être pratiquée avec les principaux intéressés, à savoir les professionnels.
Je prendrai un seul exemple, celui des kinésithérapeutes : la cotation de leurs actes est ramenée au tarif de 1997. Or que font-ils ? Ils agissent sur prescription ! C'est-à-dire qu'ils n'ont pas de prise sur le volume de leur activité, et l'accord de la caisse d'assurance maladie est requis pour qu'ils puissent intervenir sur un patient.
Comment peut-on leur imposer une lettre clef flottante quand leur pouvoir d'achat ne cesse de se détériorer ?
Mais ce n'est là qu'une illustration parmi d'autres : le sort qui est fait aux infirmiers libéraux est inacceptable, tant leur activité est liée à la prise en charge de la dépendance, dont vous parlez fort bien, mais à laquelle aucun moyen n'est conféré.
En un mot, madame la secrétaire d'Etat, ce texte est dogmatique. Il révèle un esprit de système caractérisé. Il ignore la réalité du terrain, la négociation, l'individu, le patient, le médecin. Il ne retient que des chiffres, des pourcentages.
Ce projet de loi est un fossile du centralisme démocratique ! (M. Fischer s'esclaffe.)
Tout doit être décidé au plus haut niveau : sanctions collectives, rationnement des soins, décisions unilatérales, maîtrise purement comptable des objectifs.
Tout concourt à nous faire voir dans ce texte un manuel du parfait socialisme le plus désuet.
La critique est sévère, certes, mais, je crois ne décrire là qu'une réalité évidente.
A moins que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale ne soit, pour le Gouvernement, qu'un outil de bricolage budgétaire permettant de dissimuler quelque chose, j'allais dire de « bidouiller ». A moins qu'il ne s'agisse que d'un instrument destiné à organiser des transferts de charges permettant de masquer l'évolution réelle de la dépense publique et d'empêcher la représentation nationale d'en avoir une vision cohérente, une vision d'ensemble.
Mais je n'ose le croire de la part d'un gouvernement qui a été si respectueux du Parlement, l'an passé, à propos des excédents budgétaires...
J'en viens au fond, et ma critique portera une fois encore sur l'absence de vision prospective de la majorité plurielle, qu'illustre le problème de la CMU, sur lequel le Gouvernement ne veut pas, me semble-t-il reconnaître son erreur.
Je veux évoquer ici la situation ubuesque à laquelle nos concitoyens se trouvent confrontés du fait de cet esprit centralisateur que vous avez fait prévaloir. Ce serait risible si ce n'était pas dramatique, car cela touche les populations les plus fragiles : une loi de lutte contre les exclusions qui conduit à la marginalisation des plus modestes d'entre nous !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. N'importe quoi !
M. Bernard Fournier. Certes, madame la secrétaire d'Etat à la santé, vous ne cessez de nous expliquer que vous avez raison et que nous avons tort. C'est de bonne guerre ! Seul change le ton sur lequel vous répondez selon que vous argumentez face à notre collègue Charles Descours ou à une députée communiste.
Cependant, il est temps, madame la secrétaire d'Etat, d'entendre le consensus qui se dégage à propos de la perversité des effets de seuil de la CMU, et le parti socialiste ne peut rester plus longtemps arc-bouté sur sa position actuelle.
Je me permets de vous rappeller que, dans plusieurs départements, dont Paris, il existait précédemment un dispositif d'aide médicale générale - la carte « Paris-santé », par exemple - dont le barème était plus favorable que celui de la CMU. A titre indicatif, le seuil de prise en charge dans la capitale était de 4 040 francs. La CMU, pour sa part, ne se déclenche qu'à 3 500 francs. Il apparaît donc une fenêtre dans laquelle les revenus situés entre 3 501 francs et 4 040 francs se trouvent précarisés : ce sont ainsi, pour la seule ville de Paris, 17 000 personnes qui vont finalement perdre une couverture sociale. L'aide médicale générale des départements fonctionnait selon le même principe.
Plus pervers encore : le seuil de 3 500 francs exclut du bénéfice de la CMU les allocataires du minimum vieillesse et ceux de l'allocation adulte handicapé, l'AAH.
Pour cette dernière catégorie de personnes, marquées dans leur corps, la situation n'est pas acceptable. Je rappelle que l'AAH s'élève à 3 540 francs ; autrement dit, la population intéressée se voit privée de couverture complémentaire parce qu'elle est « trop riche » de 40 francs !
Comment pouvez-vous demeurer inerte face à cet argument ?
Je ne crois pas qu'il s'agisse là d'une attitude de mépris de votre part. Je crois simplement que le Gouvernement s'est entêté sur ce point !
Croyez-moi, entêtés, nous le serons aussi, foi de presque Auvergnat que je suis !
Votre attitude, madame la secrétaire d'Etat, révèle une incompréhension totale. Votre surdité devant nos arguments et ceux, j'y insiste, de certains de vos partenaires de la majorité est inacceptable et intenable.
Mes chers collègues, Mme Gillot tente d'argumenter en exposant que l'on va retarder la mise en place de la bascule de l'AMG sur la CMU pour la seconde fois et ce, jusqu'en mai 2001. Mais cela ne correspond à rien ! C'est de la politique à la petite semaine ! A moins qu'il ne s'agisse d'autres considérations plus électorales !
Nous avons attiré votre attention sur ce point lors des débats. Charles Descours l'a encore fait lors d'une question orale posée le 24 octobre dernier. Vos partenaires et mes amis l'ont également souligné à l'Assemblée nationale. Autant d'obstination gouvernementale à nous ignorer nous laisse quelque peu pantois.
Mme Gillot a évoqué la possibilité d'organiser un transfert de charges supplémentaire vers les départements pour pallier les incohérences du système. Mais, pardonnez-moi, on marche sur la tête !
On ne peut pas rédiger une loi et organiser, dès sa mise en oeuvre, des mécanismes dérogatoires : cela signifie que la loi n'était pas bonne ou qu'elle n'était pas suffisante.
Mme Gillot propose encore la création de fonds d'accompagnement qui seraient mis en place par les caisses complémentaires. Mais que devient le « U » de CMU dans ce cas-là ? Le caractère universel de cette couverture renvoie nécessairement à la solidarité nationale.
Pour être comprise et appliquée, une loi doit être précise. Or la CMU était une loi imparfaite. Acceptez-le et profitez de l'opportunité que nous vous offrons dans le cadre de la discussion de ce projet de loi pour réparer un manque de vision prospective aux conséquences ô combien ! douloureuses. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Domeizel.
M. Claude Domeizel. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, Mme Elisabeth Guigou s'est absentée, mais j'aurais souhaité la saluer dans ses nouvelles fonctions et l'assurer que nous continuerons à travailler avec elle dans une totale concertation, comme nous l'avons fait jusqu'à présent avec Mme Aubry, à laquelle je rends hommage et à qui j'exprime ma reconnaissance pour le travail important qu'elle a accompli et les bons résultats qu'elle a obtenus.
Mon intervention se situera dans le prolongement de celles de mes collègues Bernard Cazeau, Gilbert Chabroux, Marie-Madeleine Dieulangard et Claire-Lise Campion, qui s'exprimera ultérieurement ; elle portera plus précisément sur la branche vieillesse de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, qui touche de très près la vie quotidienne des Français, car elle est chargée d'enjeux sociaux, économiques et financiers importants.
Auparavant, je souhaite attirer votre attention, madame la secrétaire d'Etat, sur une question portant sur la branche maladie.
Comme vous le savez, je suis élu d'un département démographiquement déséquilibré. Un récent bilan a fait apparaître certaines carences préjudiciables à une bonne couverture médicale : plusieurs cantons de mon département, souvent limitrophes d'ailleurs, ne comptent que deux médecins, parfois un seul ; deux cantons, même, n'en comptent aucun. Il en va de même pour les infirmières, les kinésithérapeutes ou les officines de pharmacie. Je vous laisse imaginer la vie quotidienne du médecin et les difficultés pour organiser un semblant de service de garde.
Je sais que mon propos n'a peut-être pas tout à fait sa place - encore n'en suis-je pas sûr - dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais je tenais à vous alerter sur cette situation et à vous demander d'envisager des mesures pour y porter remède.
Je ne reviendrai pas sur les causes de ce déficit chronique et sur les remèdes qui ont permis de le juguler, d'autres l'ont fait avant moi. Mais, pour en revenir au chapitre vieillesse, j'ai noté avec satisfaction un certain nombre de points positifs au rang desquels je place la revalorisation des retraites de 2,2 % en 2001, soit un point de plus que l'inflation prévisionnelle de 1,2 %. Cette revalorisation permet de faire progresser le pouvoir d'achat des retraités de 1,3 %.
Je note également l'exonération de la contribution au remboursement de la dette sociale pour les cinq millions de retraités - c'est considérable ! - non imposables, ce qui, pour cette catégorie, équivaut à une augmentation supplémentaire de 0,5 %. Il en sera de même avec la suppression de la redevance audiovisuelle accordée aux retraités âgés de plus de soixante-dix ans.
On ne peut donc que se réjouir de la volonté d'associer les retraités aux fruits de la croissance et de mieux préparer ainsi l'avenir des retraites.
Grâce à ces améliorations sont éradiquées les mesures néfastes pour les retraités prises par les précédents gouvernements. Je n'irai pas jusqu'à rappeler comment avaient évolué les retraites sous le Gouvernement de M. Juppé de 1995 à 1997 ou sous celui de M. Balladur. (M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales, s'exclame.)
Parmi les aspects positifs, je me dois de saluer la réelle volonté affichée par le Gouvernement de faire avancer les dossiers des retraites et sa détermination à poursuivre sa démarche engagée depuis 1997 de consolidation du système par répartition, qui se manifeste au travers tant de ses déclarations que des textes législatifs et réglementaires.
Tout d'abord, le projet de loi vise à abroger la loi sur les fonds de pension. La loi Thomas, si elle avait été appliquée, ne serait-ce qu'un jour, aurait fragilisé l'édifice que nous avons le devoir de préserver, à savoir la retraite par répartition. Je comprends mal l'entêtement de la droite sénatoriale qui revient sur ce point par un amendement de suppression.
J'ai noté également que le Gouvernement, guidé par son souci de consolidation de nos régimes de retraite par répartition, a tenu à encadrer le projet de loi sur l'épargne salariale pour qu'il ne devienne pas un dispositif de monnaie d'échange pour la réforme des retraites.
Nous savons gré au Premier ministre d'avoir eu le courage de prendre ce dossier à bras le corps, avec conviction et méthode. Il est toujours facile de critiquer, de taxer le Gouvernement d'immobilisme ou de faire de l'opposition systématique. Or, au contraire, conformément aux orientations annoncées lors de l'importante déclaration du Premier ministre du 21 mars dernier, le Gouvernement agit dans la concertation, selon une démarche fondée sur cinq principes, que je me plais à rappeler.
Premier principe : une action progressive et concertée. On se souvient qu'en 1995 l'absence de concertation et la brutalité des mesures avaient conduit au blocage. De plus, la question des retraites doit être replacée dans la durée. Prétendre penser la résoudre aujourd'hui pour 2040 par une seule réforme paraît utopique.
Deuxième principe : le respect de la diversité et de l'identité des régimes.
Troisième principe : l'équité et la solidarité entre les régimes.
Quatrième principe : une plus grande souplesse de notre système pour permettre aux Français de choisir leur âge de départ à la retraite.
Enfin, cinquième principe : le besoin d'anticipation et de précaution. C'est la vocation du fonds de réserve.
Cette méthode, nous la soutenons. Sur un tel dossier, il est indispensable de prendre le temps nécessaire, car nous n'avons pas le droit de nous tromper.
La répartition est, en effet, un dossier porteur d'enjeux sociaux et financiers concernant l'ensemble de la société française pour plusieurs générations. Les décisions en ce domaine méritent donc toute notre attention et nécessitent bien la mise en oeuvre d'une démarche concertée dans le but de les inscrire dans la durée et de préserver l'équité entre les générations successives.
Le Gouvernement a déjà pris des initiatives très positives en ce sens.
Comme il a été annoncé le 21 mars dernier, le conseil d'orientation des retraites constitué des partenaires sociaux, de parlementaires dont j'ai l'honneur de faire partie, de personnalités qualifiées, a bel et bien été créé et installé dans les délais fixés.
Tout à l'heure, Mme la ministre a salué la qualité des premiers travaux du conseil d'orientation des retraites. Je partage ce point de vue et je suis persuadé que cet organisme va devenir un précieux outil de réflexion pour les décideurs dans le cadre de sa mission : décrire la situation financière actuelle et les perspectives des différents régimes de retraites ; apprécier les conditions requises pour assurer la viabilité financière à terme de ces régimes ; enfin, veiller à la cohésion du système de retraite par répartition.
Pour alimenter les réflexions du conseil d'orientation des retraites, le projet de loi crée un répertoire national des retraites et des pensions. Son objet est d'améliorer la connaissance statistique sur les effectifs des retraités et les montants des retraites, mais aussi de faciliter la coordination des régimes de retraite en matière de service des prestations.
Pour en revenir au temps de réflexion, et contrairement aux informations alarmistes qui ont pu être données sur le sujet, la situation des régimes de retraite est encore satisfaisante, avec des éléments conjoncturels favorables, surtout pour le secteur privé. (Murmures sur les travées du RPR.)
Si l'on se réfère à l'évolution des comptes de la protection sociale de 1995 à 1999, on constate une stabilité des prestations de protection sociale dans le produit intérieur brut qui oscille autour de 12,7 %.
La situation démographique est favorable, puisque la courbe représentant le ratio des retraités par rapport aux actifs est inférieure à celle du nombre des personnes atteignant soixante ans au cours de l'année. Ce creux de la vague démographique, propice aux régimes de retraite, correspond, naturellement, aux départs en retraite des personnes nées entre 1940 et 1945, dites classes creuses.
Faut-il également souligner que la masse des cotisations croît plus vite que celle des prestations, surtout dans les régimes du secteur privé, compte tenu du contexte économique favorable que nous connaissons depuis deux ans et grâce à la politique de l'emploi conduite depuis 1997 par le Gouvernement de Lionel Jospin ?
Toutefois, cette période d'embellie ne doit pas nous aveugler et nous devons nous préparer pour faire face aux difficultés qui vont apparaître dès 2005. En effet, le vieillissement inéluctable de la population va entraîner une dégradation de la situation financière, d'où l'importance du fonds de réserve. Ce fonds, que la loi a créé en 1998, s'est vu affecter des ressources nouvelles en 1999. Ces ressources progressent conformément aux engagements pris par le Gouvernement et contrairement - faut-il le souligner ? - aux prédictions de la droite sénatoriale. Nous avons entendu beaucoup de choses ici, ces deux dernières années, à ce sujet.
Aujourd'hui, la grande majorité s'accorde sur la nécessité et la pertinence de ce fonds, qui sera utile pour résorber une bonne partie des déficits à partir de 2020. Or, précisément, puisqu'il est destiné à être un fonds de lissage, il conviendra de trouver les moyens de l'équilibre financier jusqu'à cette date.
Il faut donc trouver des recettes pérennes, car l'objectif des 1 000 milliards de francs en 2020 ne peut pas se limiter à des excédents qui fluctuent en fonction de la situation économique ou des choix du Gouvernement.
Enfin, j'ai déjà eu l'occasion de le dire lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 - mais le sujet est trop grave pour ne pas le répéter -, sa gestion doit être indépendante de tout autre fonds. Compte tenu de l'importance et de la spécificité des enjeux, des masses financières considérables en cause, de la lisibilité nécessaire pour les Français, il est clair que l'organisme chargé de gérer ce fonds ne peut avoir parallèlement d'autre vocation.
C'est la raison pour laquelle, déjà l'an dernier, il m'avait semblé utile d'aborder cette question pour que soit envisagée, afin de piloter le fonds de réserve, la création d'un établissement public spécifique doté d'un conseil d'administration ayant pouvoir de décision. Cette formule juridique permettrait de garantir l'autonomie des décisions, d'affirmer l'importance du fonds constitué et, enfin, d'en assurer la transparence.
C'est l'objet de l'amendement que j'ai déposé, qui peut ainsi se résumer : faire sortir les réserves du fonds de solidarité vieillesse, créer un établissement public administratif doté d'un conseil d'administration responsable et confier la gestion administrative de ce fonds, ainsi qu'une mission d'assistance, à la Caisse des dépôts et consignations.
On a évoqué, ici ou là, la complexité des mouvements financiers de la sécurité sociale entre les branches et dans les branches elles-mêmes. J'avoue partager ce point de vue, et je pense qu'une clarification est nécessaire.
Pour en terminer, je me réjouis en tout cas que les retraités puissent bénéficier de mesures correspondant à leur attente et que ce projet de loi réponde à un double objectif : garantir une meilleure protection sociale des assurés, tout en tenant compte du nécessaire équilibre des comptes de la sécurité sociale.
Comme vous pouvez le constater, le groupe socialiste du Sénat a de multiples raisons de voter sans arrière-pensée le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Gournac. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Alain Gournac. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, de même qu'il n'y a pas de bons Français et de mauvais Français, il n'y a pas de bonnes familles et de mauvaises familles.
Vous l'avez compris, je m'en tiendrai, dans mon intervention, à quelques réflexions que m'inspire la politique familiale du Gouvernement.
Conduire une politique de la famille, mes chers collègues, c'est conduire une politique qui rassemble les Français autour de la question de la famille, parce que celle-ci, par nature, est le lieu privilégié d'un « vivre-ensemble » fondamental.
Que ce vivre-ensemble subisse des aléas, on le voit tous les jours, et l'on sent combien les difficultés de notre époque en sont bien souvent la cause.
Aussi convient-il que notre discours et nos actes politiques, prenant la mesure des choses, sachent fixer un cap et apporter les réponses qui conviennent.
La politique familiale doit servir à la défense et à la promotion de la famille ; ne la faisons pas servir à autre chose, madame le secrétaire d'Etat !
La branche famille de la sécurité sociale n'a pas vocation à financer la politique de lutte contre la pauvreté ; elle n'a pas été instituée pour répondre à la question de l'exclusion ou de l'emploi.
M. Philippe Darniche. Très bien !
M. Alain Gournac. La multiplicité des actions à mener ici ou là ne doit pas entraîner une confusion des genres.
Le retour à la croissance a fait naître dans les familles l'espoir d'une aide plus soutenue. Or votre projet de loi, madame le secrétaire d'Etat, ne peut que les décevoir !
Lorsque la croissance se fait attendre, les familles sont mises à contribution par une baisse des prestations. Lorsqu'elle est de retour, ces prestations sont bloquées à la hausse. Les chiffres sont là.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 avait décidé la mise sous conditions de ressources des allocations familiales. C'était une remise en cause des fondements de la politique en faveur de la famille.
M. Philippe Darniche. Très juste !
M. Alain Gournac. Dès la loi de financement pour l'année 1999, le Gouvernement a dû, devant le tollé des associations familiales, revenir au principe de l'universalité.
Le Gouvernement n'a pu néanmoins s'empêcher d'abaisser fortement le plafond du quotient familial. Difficile alors de le croire quand il prétend défendre la famille !
M. Philippe Nogrix. Il n'aime pas les riches !
M. Alain Gournac. Il se rend mieux compte aujourd'hui, du moins je l'imagine, de son importance comme pilier de notre société et de la nécessité de la promouvoir pour éviter une aggravation de l'atomisation sociale et de ses compétences.
Il s'en rend compte jusqu'à modifier son discours, certes, mais il a quelque peine à mettre ses actes en accord avec ses paroles.
Les résultats de 1999 font, en effet, apparaître que la branche famille aurait pu assumer le retour à l'universalité des allocations familiales sans qu'il soit nécessaire, par ailleurs, de plafonner le quotient familial.
La substitution d'une mesure moins défavorable à une autre qui l'était davantage ne masque pas la perte subie par les familles depuis 1998.
Ce que celles-ci souhaitent, c'est que vous rendiez à la branche famille les moyens qui sont les siens et auxquels elle a droit.
C'est pourquoi notre majorité sénatoriale, derrière nos éminents rapporteurs, Charles Descours et Jean-Louis Lorrain, ne peut que s'opposer à la destination que vous réservez aux excédents de la branche. (M. Philippe Darniche applaudit.)
Le retour à l'excédent a été constaté depuis 1999 et se confirme en 2000 et en 2001, mais il a été acquis au prix inacceptable de mesures qui ont durement touché les familles. Ce retour s'explique, en effet, par une évolution des prestations très en deçà de la croissance des ressources, et ce malgré la restauration du principe de l'universalité.
C'est la politique familiale de notre pays qui se trouve altérée, c'est la conception nataliste de notre politique nationale en ce domaine qui se voit petit à petit vidée de sa substance.
Je m'explique : personnellement, je ne suis pas choqué outre mesure par la décision de faire prendre en charge par la branche famille le financement de l'allocation de rentrée scolaire et sa majoration. J'ouvre une parenthèse : le Gouvernement aurait pu, en l'occurrence, avoir un peu plus de considération pour le Parlement. Je ferme la parenthèse.
Cette allocation, lors de sa création, n'avait pas vocation à être pérennisée, sa majoration non plus. Mais soyons réalistes et proches des préoccupations quotidiennes de nos concitoyens, mes chers collègues : aider les familles les plus démunies au moment de la rentrée scolaire n'est pas un luxe.
Vous comprendrez bien cependant, madame le secrétaire d'Etat, qu'après avoir attenté à l'universalité des allocations, puis échangé leur rétablissement contre une baisse du plafond du quotient familial, le Gouvernement ne puisse que susciter la méfiance des familles à l'égard de ses orientations.
La déclaration liminaire du Premier ministre, lors de la conférence de la famille, le 15 juin dernier, est à cet égard éclairante et ne laisse aucun doute : « Notre politique s'adresse certes à la famille, mais surtout aux familles dans leur diversité. »
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Voilà !
M. Gilbert Chabroux. C'est bien ça !
M. Alain Gournac. Et si le propos n'était pas suffisamment clair, la redéfinition de l'objectif de la politique familiale par le Premier ministre est là pour dissiper les ombres : « la solidarité - a-t-il précisé - est le premier objectif de notre politique familiale ».
Nous ne pouvons qu'être en désaccord avec cette conception des choses qui renverse l'ordre des moyens et des fins. En effet, la solidarité n'est pas le premier objectif d'une politique familiale, elle est un moyen au service de la famille qui, elle, demeure la finalité de toute politique familiale.
M. Philippe Darniche. Très bien !
M. Alain Gournac. C'est pour n'avoir cessé de méconnaître cette vocation essentielle de la branche famille que vous en êtes arrivés peu à peu à financer les 35 heures par l'intermédiaire de cette branche.
M. Philippe Darniche. Il fallait trouver l'argent !
M. Alain Gournac. J'y reviendrai plus en détail, mes chers collègues, lors de l'examen des articles.
Madame le secrétaire d'Etat, je vous pose une question : le devoir de solidarité s'oppose-t-il à celui de la défense de la famille ? En tant que gaulliste, j'ai l'ambition, pour ma part, de voir mon pays les remplir conjointement.
Or je constate que la prise en charge de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire par la branche famille est une mesure de politique sociale envers certaines familles, et non de politique familiale envers toutes les familles.
Madame le secrétaire d'Etat, les aider toutes sans arrière-pensée et sans discrimination aucune, c'est promouvoir les valeurs de la famille, c'est redonner à celle-ci toute sa place et ainsi oeuvrer pour la restauration dans notre pays, notamment chez nos jeunes, du sens de la responsabilité, de la tolérance, du respect de l'autre, de l'esprit de partage. En effet, c'est dans la famille et par elle que ces valeurs s'acquièrent et s'enracinent.
Je pourrais prendre un autre exemple : le Gouvernement a inscrit dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale la prise en charge par la branche famille d'une majoration des pensions pour les retraités ayant élevé trois enfants ou plus.
Cette majoration a toujours été versée par la Caisse nationale d'allocation vieillesse, son caractère de prestation vieillesse n'ayant jamais été contesté.
Que la solidarité nationale se substitue à la branche vieillesse et prenne en charge le complément de retraite par l'intermédiaire du Fonds de solidarité vieillesse, il n'y a rien à redire. Mais que la branche famille soit mise à contribution à la place de la solidarité nationale, c'est inacceptable.
Je ne nie pas votre souci d'une plus grande solidarité, madame le secrétaire d'Etat. Mais sachez que ce souci est tout autant le nôtre et celui des familles.
Ce que je reproche au Gouvernement, c'est d'être motivé dans sa politique familiale par deux choses : par un préjugé à l'égard de la famille et par l'urgence dans laquelle il se trouve de financer la réduction du temps de travail qui coûte à notre pays 110 milliards à 120 milliards de francs en année pleine.
Le budget que vous nous proposez déçoit les familles ; il nous déçoit aussi. C'est pourquoi nous ne pourrons le voter en l'état et nous devrons l'amender de manière significative. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

8

dépôt d'une proposition de loi
constitutionnelle

M. le président. J'ai reçu de M. Aymeri de Montesquiou une proposition de loi constitutionnelle tendant à faciliter la transposition des directives en droit interne, par leur inscription automatique à l'ordre du jour du Parlement.
La proposition de loi constitutionnelle sera imprimée sous le n° 74, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

9

textes soumis au sénat en application de l'article 88-4 de la constitution

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Demande de prorogation du régime particulier applicable au secteur des matériaux usagés et des déchets introduit sur la base de l'article 27, paragraphe 2, de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1997 en matière de TVA formulée par l'Italie.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1589 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Demande de dérogation en application de l'article 27, paragraphe 2, de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1997 en matière de TVA formulée par la Finlande.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1590 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement (CE, CECA, Euratom) du Conseil portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (refonte).
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1591 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur l'intermédiation en assurance.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1592 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
1. Proposition de décision du Conseil concernant la signature de l'accord entre la Communauté européenne et le Gouvernement du Canada renouvelant un programme de coopération dans le domaine de l'enseignement supérieur et de la formation. 2. Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord entre la Communauté européenne et le gouvernement du Canada renouvelant un programme de coopération dans le domaine de l'enseignement supérieur et de la formation.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1593 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
1. Proposition de décision du Conseil concernant la signature de l'accord entre la Communauté européenne et les Etats-Unis d'Amérique renouvelant le programme de coopération dans le domaine de l'enseignement supérieur et de la formation professionnels. 2. Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord entre la Communauté européenne et les Etats-Unis d'Amérique renouvelant le programme de coopération dans le domaine de l'enseignement supérieur et de la formation professionnels.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1594 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 2505-96 portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires communautaires autonomes pour certains produits agricoles et industriels.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1595 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition d'extension du mandat d'Europol à la lutte contre la cybercriminalité : note de la Présidence au Comité de l'article 36. Décision du Conseil du 2001 étendant le mandat d'Europol à la lutte contre la criminalité informatique et visant à introduire une définition de la criminalité informatique (2001/C ./ ).
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1596 et distribué.

10

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mercredi 15 novembre 2000, à quinze heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 (n° 64, 2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale.
Rapport (n° 67, 2000-2001) de MM. Charles Descours, Jean-Louis Lorrain et Alain Vasselle, fait au nom de la commission des affaires sociales.
Avis (n° 68, 2000-2001) de M. Jacques Oudin, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus recevable.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.

Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements

Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Jean Bizet et plusieurs de ses collègues tendant à moderniser le statut des sociétés d'économie mixte locales (n° 455, 1999-2000) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 20 novembre 2000, à dix-sept heures.
Question orale avec débat n° 27 de M. Jean-Jacques Hyest à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la suite des conclusions de la commission d'enquête du Sénat sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 20 novembre 2000, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Michel Dreyfus-Schmidt et plusieurs de ses collègues tendant à harmoniser l'article 626 du code de procédure pénale avec les nouveaux articles 149 et suivants du même code (n° 474, 1999-2000) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 20 novembre 2000, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des affaires culturelles (n° 387, 1999-2000) sur la proposition de loi de M. Louis de Broissia, modifiant la loi n° 57-32 du 10 janvier 1957 portant statut de l'Agence France-Presse (n° 368, 1999-2000) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 20 novembre 2000, à dix-sept heures.
Proposition de loi organique, adoptée par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, destinée à améliorer l'équité des élections à l'assemblée de la Polynésie française (n° 439, 1999-2000) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 21 novembre 2000, à dix-sept heures.
Projet de loi organique, modifiant les règles applicables à la carrière des magistrats (n° 483, 1999-2000) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 21 novembre 2000, à dix-sept heures.
Projet de loi relatif à la résorption de l'emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique ainsi qu'au temps de travail dans la fonction publique territoriale (urgence déclarée) (n° 20, 2000-2001) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 21 novembre 2000, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 21 novembre 2000, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 15 novembre 2000, à une heure.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES
COMITÉ NATIONAL DE L'INITIATIVE FRANÇAISE
POUR LES RÉCIFS CORALLIENS

Lors de sa séance du mardi 14 novembre 2000, le Sénat a désigné MM. Jean Bernadaux, Rodolphe Désiré, André Ferrand et Lucien Lanier pour siéger au sein du Comité national de l'initiative française pour les récifs coralliens.