SEANCE DU 7 NOVEMBRE 2000
M. le président.
La parole est M. Signé, auteur de la question n° 868, adressée à M. le
ministre de la défense.
M. René-Pierre Signé.
Je souhaite, monsieur le ministre, attirer votre attention sur la situation de
la gendarmerie, en particulier la gendarmerie rurale. Cette formation très
homogène jusqu'alors tend à devenir très hétérogène.
La programmation concernant les années 1997-2002 inquiète les élus locaux
puisque les effectifs ont perdu plus de cinq mille sous-officiers reconvertis,
certes, pour partie en officiers, mais sur des postes de soutien non
opérationnels, et douze mille gendarmes auxiliaires, issus du contingent
volontaire, qui avaient une grande motivation et souhaitaient faire carrière
dans la gendarmerie.
Il est vrai que la gendarmerie a vu ses effectifs grossir en particulier de
seize mille gendarmes adjoints - il s'agit, en fait, d'emplois-jeunes - qui
n'ont pas toujours vocation bien arrêtée de faire carrière.
Ces jeunes futurs gendarmes, formés très rapidement, sont principalement
affectés aux zones rurales, d'où sont retirés les gendarmes chevronnés et
compétents. Il en résulte des difficultés de fonctionnement, une présence et
une surveillance insuffisantes, des délais d'intervention trop longs.
Or si les problèmes de délinquance dans les zones rurales n'atteignent pas
l'acuité de ceux dans les banlieues, ils n'en sont pas moins inquiétants et ils
ont une fâcheuse tendance à s'amplifier.
Monsieur le ministre, la sécurité des personnes et des biens me paraît être
une exigence de base pour tout aménagement cohérent du territoire et il serait
regrettable que le monde rural fasse les frais de l'amélioration de la sécurité
des villes.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Monsieur le sénateur, je souhaite compléter votre
information sur l'évolution des effectifs de la gendarmerie à l'échelon
national et sur ses répercussions au sein des brigades rurales.
Vous avez évoqué la suppression de cinq mille emplois de sous-officiers de
gendarmerie pendant la programmation. Il s'agit non pas d'une suppression mais
d'un transfert.
Jusqu'à présent, des militaires ayant une formation et des capacités
militaires de la gendarmerie étaient affectés à des fonctions de gestion. La
réforme mise en place dans la loi de programmation a consisté - c'est de bonne
administration - à transférer cinq mille postes qui correspondent au soutien
administratif et technique de la gendarmerie vers des postes, certes de
militaires, mais qui ne répondent pas aux mêmes spécificités, plutôt que de
faire occuper ces postes par des titulaires d'aptitude militaire. Vous
comprenez, monsieur le sénateur, que, pour assurer le secrétariat d'un
groupement ou le fonctionnement d'une unité d'entretien de véhicules de la
gendarmerie, il n'est pas nécessaire d'avoir recours à un brigadier aguerri et
expérimenté.
Par conséquent, aucun emploi de sous-officiers de la gendarmerie n'est
supprimé. En revanche, nous assistons à une mutation.
Naturellement, nous pouvons tous regretter que les douze mille appelés de la
gendarmerie disparaissent. Mais cela est dû au fait que le service militaire
est en voie de suppression. Il n'y a plus de raison de maintenir des appelés
dans la gendarmerie alors qu'il n'y en aurait plus nulle part ailleurs.
Le Gouvernement, qui a été conduit à définir une projection, a donc considéré
qu'il fallait remplacer les appelés par de jeunes volontaires. Vous avez fait
allusion aux emplois-jeunes, monsieur Signé. Je suis sûr que, dans votre
esprit, cela n'a rien de péjoratif. Il s'agit de jeunes qui entrent dans la
profession et qui sont en train d'acquérir une expérience. Deux différences
importantes existent par rapport aux appelés : d'une part, ils pourront être
employés pour une durée allant jusqu'à cinq ans, alors que les appelés
l'étaient pour dix mois ; d'autre part, ils bénéficieront de formations plus
longues, que j'ai encore décidé d'allonger, et, dès la fin de la première année
de service, ils auront des compétences d'adjoints de police judiciaire, ce qui
n'était évidemment pas proposé aux appelés.
Nous disposons donc d'une ressource humaine supérieure en nombre - seize mille
volontaires au lieu de douze mille appelés - et de jeunes dont la formation
initiale est sans doute inférieure en moyenne à celle des appelés de la
gendarmerie, mais qui pourront acquérir une expérience.
Nous n'en sommes qu'au début de l'expérience : les premiers jeunes ont été
recrutés à la fin de l'année 1998. La grande majorité d'entre eux ont donc une
année d'expérience, parfois moins, au maximum un an et demi. Lorsque ces jeunes
auront une plus longue expérience, la mesure que j'ai prise, à savoir le
remplacement, dans les brigades à faible activité, d'un gendarme sous-officier
sur six par un gendarme adjoint, sera une bonne réforme.
En effet, monsieur le sénateur, nous avons des besoins que personne ne
conteste - vous l'avez sans doute noté dans votre département - de renforcement
des unités de gendarmerie dans la périphérie des villes. La solution la plus
simple pour ce ministère aurait consisté à agir comme pratiquement tous les
ministères l'ont fait au cours des vingt dernières années, c'est-à-dire
d'envoyer dans les postes les plus difficiles les jeunes qui débutent. Je n'ai
pas voulu procéder ainsi. Il me paraît plus digne, en effet, pour le service
public et plus favorable aux jeunes qui font leur expérience de les faire
encadrer par un groupe de gendarmes expérimentés dans une brigade de campagne
où ils apprendront tous les aspects du métier de gendarme.
Cette évolution permet de maintenir entièrement le maillage des brigades
cantonales, y compris dans les zones où l'on observe une faible activité des
brigades. En principe, ces brigades ne doivent comporter qu'un jeune gendarme
adjoint en substitution. C'est tout de même la meilleure façon d'intégrer les
jeunes, face à des besoins de sécurité qui sont avérés en milieu rural comme en
zone périurbaine.
M. René-Pierre Signé.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Signé.
M. René-Pierre Signé.
Monsieur le ministre, j'ai bien entendu votre réponse, qui me semble un
plaidoyer convaincant. Il n'empêche que les mille civils venant
d'établissements militaires restructurés qui sont employés dans les bureaux, en
tant que mécaniciens, dans les postes de soutien à la gendarmerie, ou autres,
ne sont plus des gendarmes. Malgré tout, la formation de base est un peu
différente. Et puis, il y a des officiers et des sous-officiers des armées qui
ne sont pas des gendarmes, qui n'ont ni formation ni pouvoir juridique et qui
font surtout du soutien.
Quant aux gendarmes adjoints dont vous avez parlé, monsieur le ministre, bien
entendu, mon allusion aux emplois-jeunes n'avait rien de péjoratif. Il
n'empêche que ces jeunes ont été recrutés après avoir passé des tests moins
difficiles, puisqu'ils ont cinq ans pour intégrer la gendarmerie et réussir des
tests plus sélectifs, et ils sont tout de même de valeur assez inégale. Or,
précédemment, les gendarmes auxiliaires étaient des volontaires et ils étaient
donc peut-être plus motivés.
Vous avez dit, monsieur le ministre, que les jeunes étaient d'abord affectés
dans les zones où la délinquance est moindre pour être formés. Cela me paraît
tout à fait judicieux. Il n'en reste pas moins que l'encadrement me semble
quelquefois insuffisant. Par exemple, dans mon canton, il arrive que, certains
dimanches ou certaines fins de semaine, un seul gendarme chevronné accompagne
deux ou trois gendarmes adjoints, ce qui me paraît quelque peu préjudiciable à
la sécurité.
Cela dit, je comprends la suppression, dans les effectifs, de douze mille
gendarmes auxiliaires en raison de la loi sur le service national. Mais il
faudrait assurer un encadrement suffisant aux seize mille gendarmes adjoints,
afin qu'ils soient mieux formés, et c'est ce qui me semble faire défaut dans
les zones rurales.
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Monsieur le président, la question est importante
et peut intéresser d'autres sénateurs.
Monsieur Signé, comme vous, je pense que les jeunes gendarmes adjoints doivent
être présents en nombre réduit au sein des brigades et doivent bénéficier d'un
encadrement par des gendarmes expérimentés nombreux. C'est ce qui se produit le
plus généralement.
S'agissant de Château-Chinon, nous avons créé une centaine de pelotons de
surveillance et d'intervention pour améliorer la synergie entre brigades en
zone rurale. Si, pendant la montée en charge, ces pelotons de surveillance et
d'intervention de la gendarmerie, les PSIG, comportent un peu plus de gendarmes
adjoints ou d'auxiliaires, pendant la période de croisière, ils seront
composés, pour l'essentiel, de sous-officiers.
SITUATION DE L'INSTITUT FRANÇAIS
DE FRIBOURG-EN-BRISGAU