SEANCE DU 31 OCTOBRE 2000
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Déclaration de l'urgence d'un projet de loi
(p.
1
).
3.
Election du Président de la République au suffrage universel.
- Adoption d'un projet de loi organique (p.
2
).
Discussion générale : MM. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur ; Christian
Bonnet, rapporteur de la commission des lois ; Patrice Gélard, Robert Bret,
Bernard Joly, Michel Charasse.
Clôture de la discussion générale.
Article 1er (p. 3 )
Amendement n° 1 de la commission et sous-amendement n° 14 du Gouvernement. - MM. le rapporteur, le ministre, Michel Charasse. - Rejet du sous-amendement ; adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Article 2 (p. 4 )
Amendements n°s 2 et 3 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre,
Louis Moinard. - Adoption des deux amendements.
Amendement n° 4 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. -
Adoption.
Amendements identiques n°s 5 de la commission et 10 de M. Michel Charasse. -
MM. le rapporteur, Michel Charasse, le ministre. - Retrait de l'amendement n°
10 ; adoption de l'amendement n° 5.
Adoption de l'article modifié.
Article 3. - Adoption (p.
5
)
Article 3
bis
(p.
6
)
Amendements identiques n°s 6 de la commission et 11 de M. Michel Charasse. - MM. le rapporteur, Michel Charasse, le ministre. - Retrait de l'amendement n° 11 ; adoption de l'amendement n° 6 supprimant l'article.
Article 4 (p. 7 )
Amendement n° 12 de M. Robert Badinter. - MM. Michel Charasse, le rapporteur,
le ministre, Pierre Fauchon, vice-président de la commission des lois. -
Rejet.
Amendement n° 7 de la commission et sous-amendement n° 13 de M. Michel
Charasse. - MM. le rapporteur, Michel Charasse, le ministre. - Rejet du
sous-amendement ; adoption de l'amendement.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 4 (p. 8 )
Amendement n° 8 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Article 5 (p. 9 )
Amendement n° 9 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Adoption, par scrutin public, de l'ensemble du projet de loi organique.
Suspension et reprise de la séance (p. 10 )
4.
Rappel au règlement
(p.
11
).
MM. Christian Bonnet, le président.
5.
Contraception d'urgence.
- Adoption d'une proposition de loi déclarée d'urgence (p.
12
).
Discussion générale : Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux
handicapés ; M. Lucien Neuwirth, rapporteur de la commission des affaires
sociales ; Mmes Janine Bardou, au nom de la délégation aux droits des femmes et
à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes ; Ségolène Royal,
ministre délégué à la famille et à l'enfance ; Claire-Lise Campion, MM. Francis
Giraud, Philippe Nogrix, Bernard Seillier, Bernard Joly, Mme Odette Terrade,
MM. Serge Lagauche, Christian Demuynck, Jean-Louis Lorrain, Jean Chérioux.
Mme le secrétaire d'Etat.
Clôture de la discussion générale.
M. le président.
Suspension et reprise de la séance
(p.
13
)
Article unique (p.
14
)
Amendement n° 1 rectifié de la commission et sous-amendements n°s 4, 5 de M. Jean Chérioux, 7 rectifié, 8 rectifié de Mme Odette Terrade et 6 de Mme Claire-Lise Campion. - MM. le rapporteur, Jean Chérioux, Mmes Odette Terrade, Marie-Madeleine Dieulanguard, M. Roland Muzeau, Mme le secrétaire d'Etat, M. Philippe Marini, Mme Dinah Derycke, M. Claude Huriet, Mme Claire-Lise Campion, M. Gérard Dériot. - Rejet des sous-amendements n°s 4, 6, 8 rectifié et 5 ; adoption du sous-amendement n° 7 rectifié et, par division, de l'amendement modifié rédigeant l'article.
Articles additionnels après l'article unique (p. 15 )
Amendement n° 2 de Mme Janine Bardou et sous-amendement n° 9 rectifié
bis
de M. Philippe Nogrix. - Mme Janine Bardou, MM. Philippe Nogrix, le
rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption du sous-amendement et de
l'amendement modifié insérant un article additionnel.
Amendement n° 3 de M. Jean Chérioux. - MM. Jean Chérioux, le rapporteur, Mme le
secrétaire d'Etat, M. Claude Huriet. - Rejet.
Vote sur l'ensemble (p. 16 )
M. Claude Huriet, Mmes Claire-Lise Campion, Odette Terrade, M. Jean-Paul Hugot,
Mmes Anne Heinis, le ministre délégué.
Adoption de la proposition de loi.
6.
Dépôt d'un projet de loi
(p.
17
).
7.
Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
(p.
18
).
8.
Dépôt d'un rapport
(p.
19
).
9.
Dépôt d'un avis
(p.
20
).
10.
Dépôt rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 26 octobre 2000
(p.
21
).
11.
Ordre du jour
(p.
22
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le procès-verbal de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté.
2
DÉCLARATION DE L'URGENCE
D'UN PROJET DE LOI
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :
« Paris, le 26 octobre 2000.
« Monsieur le président,
« J'ai l'honneur de vous faire connaître que, en application de l'article 45,
alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement déclare l'urgence du projet de
loi relatif à la résorption de l'emploi précaire et à la modernisation du
recrutement dans la fonction publique ainsi qu'au temps de travail dans la
fonction publique territoriale, déposé sur le bureau du Sénat le 12 octobre
2000.
« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute
considération.
« Signé : Lionel Jospin. »
Acte est donné de cette communication.
3
ÉLECTION DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
AU SUFFRAGE UNIVERSEL
Adoption d'un projet de loi organique
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi organique (n° 16,
2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale, modifiant la loi n° 62-1292 du 6
novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage
universel. (Rapport n° 47 2000-2001.)
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur,
mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi organique qui vous est
aujourd'hui soumis en première lecture vise à apporter des modifications
techniques à la loi organique du 6 novembre 1962 relative à l'élection du
Président de la République à la suite des observations faites par le Conseil
constitutionnel à l'issue de l'élection présidentielle des 23 avril et 7 mai
1995.
Ce projet, préparé par le Gouvernement, a pris en compte, dans un souci de
clarification et de simplification de l'organisation et du contrôle de
l'élection présidentielle, la plupart des observations du Conseil
constitutionnel. Il vise également à adapter les dispositions de la loi
organique de 1962 aux évolutions du droit électoral.
Parallèlement, je vous informe que le Gouvernement prépare un projet de décret
modifiant le décret de 1964, afin de tenir également compte des observations à
caractère réglementaire du Conseil constitutionnel et du Conseil supérieur de
l'audiovisuel.
Le projet de loi organique a donc pour objectif premier de tenir compte des
observations du Conseil constitutionnel.
Le Conseil constitutionnel, dans ses observations publiées au
Journal
officiel
du 15 décembre 1995 et complétées le 22 juin 2000, a soulevé la
question du rattachement départemental, dans la procédure de présentation des
candidats, des membres de l'Assemblée de Corse et des conseillers régionaux qui
seront bientôt élus dans le cadre d'une circonscription régionale.
Le projet de loi prévoit de transposer à l'élection du président de la
République les modalités de répartition départementale prévues par le code
électoral pour la composition du collège électoral sénatorial, que le Parlement
a validées en votant la réforme du mode d'élection des conseillers régionaux
par la loi du 19 janvier 1999. Ces dispositions, immédiatement applicables pour
l'Assemblée de Corse, ne seront, bien sûr, mises en oeuvre qu'à partir de 2004
ou avant cette date dans le cas, peu probable, d'un renouvellement anticipé.
L'Assemblée nationale a par ailleurs, avec l'accord du Gouvernement, souhaité
étendre à de nouvelles catégories d'élus la possibilité de présenter un
candidat à l'élection présidentielle. Ainsi, les maires délégués des communes
associées, les maires des arrondissements de Marseille et Lyon - ceux de Paris
disposant déjà de cette possibilité au titre de leur appartenance au Conseil de
Paris - les présidents des organes délibérants des communautés urbaines,
d'agglomération et de communes, ainsi que les représentants français au
Parlement européen, devraient se voir attribuer ce droit de présentation d'un
candidat et, par là même, reconnaître leur rôle dans la vie démocratique de
notre pays au même titre que d'autres élus.
Le projet de loi organique qui vous est soumis aujourd'hui prévoit, par
ailleurs, plusieurs améliorations du cadre financier de l'élection
présidentielle. Ainsi, la dissolution de l'association de financement et la
cessation des fonctions des mandataires financiers sont reportés de trois mois
après le dépôt des comptes à un mois après la publication des décisions du
Conseil constitutionnel. Cette mesure permettra d'améliorer les conditions de
clôture des comptes de campagne et de règlement des relations financières entre
le candidat et son mandataire puisqu'elle permettra de connaître le solde du
compte de campagne une fois arrêté le montant du remboursement forfaitaire
accordé par l'Etat.
L'interdiction, introduite dans ce projet de texte, des prêts et avances
remboursables des personnes physiques résulte, de même, de la volonté de
renforcer la transparence des modes de financement des candidats à la
magistrature suprême. Le contrôle des prêts et avances remboursables se révèle,
en effet, souvent délicat et peut être source de critique lorsque les montants
en jeu sont d'une grande ampleur. Dans le même esprit, il convient de supprimer
toute référence dans la loi organique à des dons de personnes morales,
interdits depuis la loi organique du 19 janvier 1995.
A la demande du Conseil constitutionnel, le Gouvernement propose dans ce texte
d'inscrire dans les comptes de campagne les frais d'expertise comptable liés à
leur établissement. Ces dépenses, prévues par l'article L. 52-12 du code
électoral, applicable à l'élection présidentielle, s'imposent, en effet, aux
candidats, et peuvent représenter des montants importants restant à leur
charge.
En matière d'investigation, il est judicieux de permettre à tous les
rapporteurs adjoints de la haute juridiction d'avoir accès, grâce à la levée du
secret professionnel des agents des administrations financières, aux
informations fiscales et bancaires lors de leur contrôle des comptes des
candidats.
Compte tenu des particularités de l'élection présidentielle, qui se déroule
dans un cadre national et dont la campagne peut faire l'objet d'initiatives
locales difficilement maîtrisables par le candidat, le Conseil constitutionnel
a souhaité que ses pouvoirs soient étendus à l'appréciation du remboursement
des frais de campagne. Pour les mêmes raisons, le Conseil constitutionnel a
souhaité se voir reconnaître une possibilité de moduler les sanctions
financières applicables au candidat en cas de dépassement du plafond du compte
de campagne.
L'Assemblée nationale a considéré que les deux mesures proposées par le
Gouvernement risquaient de remettre en cause l'équilibre des règles de
sanctions applicables entre les différentes élections et d'atténuer de façon
trop sensible le régime de sanctions en vigueur en cas de non-respect des
obligations en matière de financement de la campagne. Nous aurons l'occasion de
revenir sur ces dispositions lors de la discussion des articles.
Outre la prise en compte des observations du Conseil constitutionnel, ce
projet de loi organique a pour objet de mettre à jour le droit applicable à
l'élection du Président de la République.
Le Gouvernement propose de modifier la loi organique de 1962 pour contribuer à
son amélioration technique. Il convient ainsi d'actualiser les références au
code électoral pour rendre applicables à l'élection présidentielle les textes
votés récemment en matière électorale, notamment l'inscription d'office des
jeunes de dix-huit ans sur les listes électorales.
La conversion en euros des montants fixés par la loi organique est utile, car
l'élection présidentielle de 2002 se déroulera sous le régime de la monnaie
unique européenne, et l'ordonnance récente du 19 septembre 2000 portant
adaptation de la valeur en euros de certains montants exprimés en francs dans
les textes législatifs ne peut s'appliquer aux textes ayant valeur de loi
organique.
Enfin, je conclurai sur la dernière mesure prévue dans ce projet de loi
organique : la modification du plafond de remboursement des dépenses
électorales.
Fixé en 1988 à 25 %, mais porté à 36 % par un dispositif transitoire valable
pour la seule élection de 1995, le plafond des dépenses remboursables pour un
candidat ayant obtenu plus de 5 % des suffrages est inférieur de moitié à celui
de toutes les autres élections. Il convient donc, dans un souci d'harmonisation
du droit et pour appliquer le même régime à toutes les élections, de supprimer
cette minoration, qui n'a aucune raison légitime de subsister, et donc de
porter ce taux à 50 % pour tous les candidats ayant obtenu plus de 5 % des
suffrages.
La prochaine élection présidentielle se déroulera, en effet, pour la première
fois sous le régime de l'interdiction totale des dons des entreprises et, plus
généralement, des personnes morales autres que les partis politiques. Si le
taux de remboursement par l'Etat était maintenu à 25 %, il serait alors
inférieur à celui qui a été pratiqué en 1995, alors même que des dons
d'entreprises avaient pu être recueillis à l'occasion de cette élection.
Mesdames, messieurs les sénateurs, votre commission des lois, sous l'égide de
son rapporteur, M. Bonnet, a adopté un certain nombre d'amendements tendant
sensiblement à revenir au texte initial du Gouvernement. Nous en reparlerons
bien évidemment au cours de la discussion des articles, et je ne veux pas en
préjuger.
Quoi qu'il en soit, ce projet de loi organique relatif à l'élection du
Président de la République est, vous le constatez, un projet technique,
reflétant le souci de garantir la transparence et la régularité de l'élection.
Ce texte permettra d'aborder la prochaine échéance présidentielle, je l'espère,
dans les meilleures conditions.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur
le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi
organique que nous examinons aujourd'hui vise, pour l'essentiel, à donner suite
aux recommandations faites par le Conseil constitutionnel au mois de juin
dernier à propos de l'élection présidentielle, dont il est chargé de contrôler
la régularité. Le Gouvernement en a profité pour procéder à deux aménagements
bienvenus, et l'Assemblée nationale, pour sa part, a formulé diverses
observations qui ont fait l'objet d'un examen attentif.
Pour la clarté de l'exposé, je vous propose, mes chers collègues, d'évoquer
en premier lieu les points qui ne posent pas problème, puis d'examiner ceux à
propos desquels il est apparu à votre commission souhaitable de marquer ou son
accord ou ses réserves.
Commençons par ce qui a semblé à la commission, comme à l'Assemblée nationale,
aller de soi.
Ainsi en va-t-il de la recommandation du Conseil constitutionnel concernant le
rattachement au département au titre duquel ils participent à l'élection des
sénateurs, des conseillers régionaux et des conseillers à l'Assemblée de
Corse.
De même va de soi la suppression de toute évocation des personnes morales dès
lors que la loi de 1995 leur a interdit de participer au financement de la
campagne ; la suppression des prêts et avances remboursables aux candidats qui
pourraient s'analyser en des dons déguisés, mesure qui ne souffre aucune
réserve ; l'inscription des frais d'expertise comptable dans les comptes de
campagne, afin de permettre aux candidats de bénéficier de leur remboursement
par l'Etat des frais de campagne.
De même, la prolongation de la durée des fonctions des associations de
financement et de mandataires financiers jusquà un mois après la décision du
Conseil constitutionnel sur les comptes de campagne présentera-t-elle
l'avantage de donner au Conseil constitutionnel le temps nécessaire à un
travail dont on imagine sans peine à quel point il peut se révéler complexe.
Délier du secret profesionnel auquel sont ordinairement tenus les agents de
l'administration des finances vis-à-vis des membres du Conseil constitutionnel
et des rapporteurs adjoints est une disposition qui méritait d'être inscrite
dans un texte législatif.
L'élection présidentielle à venir ayant lieu en 2002, adapter les plafonds de
dépenses en euros paraissait s'imposer.
Toutes ces mesures étaient souhaitées par le Conseil constitutionnel et n'ont
soulevé aucune difficulté, ni devant l'Assemblé nationale ni au sein de la
commission des lois.
Le Gouvernement, je l'ai dit voilà quelques instants, a proposé de son côté
deux mesures.
L'une concerne l'actualisation des dispositions du code électoral applicables
à l'élection présidentielle.
Certaines mesures législatives se devaient en effet de figurer dans le présent
projet de loi organique, telle l'inscription sur les listes électorales,
abusivement qualifiée d'office, des jeunes de dix-huit ans, issue d'une loi de
1997.
L'autre mesure proposée par le Gouvernement vise à majorer le taux maximum de
remboursement forfaitaire des dépenses électorales pour les candidats ayant
recueilli au moins 5 % des suffrages exprimés, afin de l'aligner sur le taux
applicable aux autres scrutins politiques, soit 50 % du plafond des dépenses
électorales.
La commission des lois a marqué son accord, comme l'avait fait l'Assemblée
nationale, sur ces deux propositions gouvernementales.
Venons-en maintenant, si vous le voulez bien, aux amendements introduits par
l'Assemblée nationale.
Cette dernière a, en premier lieu, étendu la liste des élus habilités à
présenter un candidat.
Ainsi serait ouvert un droit de présentation aux ressortissants français
membres du Parlement européen, aux maires d'arrondissement de Lyon et de
Marseille, par analogie avec ceux de Paris, qui sont déjà habilités, en leur
qualité de conseillers de Paris - vous l'avez rappelé, M. le ministre -, aux
maires délégués des communes associées pour les quelques fusions de communes
qui existent encore et aux présidents des organes délibérants de certains
établissements publics de coopération intercommunale, à savoir les communautés
urbaines, les communautés d'agglomération et les communautés de communes.
La commission des lois a marqué son accord sur cette proposition, se
contentant d'ajouter, s'agissant des ressortissants français membres du
Parlement européen, une précision qui lui est apparue souhaitable, à savoir que
les ressortissants français devraient être « élus en France ».
En second lieu, l'Assemblée nationale a voté, à la faveur d'un glissement
d'articles du code électoral, du L.O. 127 au L. 44, l'abaissement de
vingt-trois à dix-huit ans de l'âge d'éligibilité du Président de la
République.
La commission, estimant que la dignité même du travail parlementaire s'en
trouverait gravement affectée, vous propose la suppression de cette
adjonction.
Plus sérieuse est apparue la réserve marquée par nos collègues députés à
l'endroit de l'instauration d'un pouvoir d'appréciation du Conseil sur les
conséquences financières pour un candidat du non-respect de la législation sur
les comptes de campagne.
Le Conseil, dans les recommandations formulées le 22 juin dernier, a pris soin
de limiter ce pouvoir d'appréciation aux cas « où la méconnaissance des
dispositions serait non intentionnelle ou de portée très réduite ».
L'Assemblée nationale, peu sensible à l'argument touchant la complexité d'un
scrutin applicable à l'ensemble du territoire national et où, dès lors, un
candidat n'est pas toujours en mesure de maîtriser telle ou telle initiative
prise à son insu et non pas de son plein gré a adopté un amendement de
suppression de cette marge de souplesse. Votre commission des lois, après en
avoir largement débattu, a estimé devoir la rétablir, tout en réduisant encore
la marge par la substitution de la conjonction « et », plus contraignante, à
celle, disjonctive, « ou », la méconnaissance des dispositions régissant la
matière devant être, de ce fait, non intentionnelle « et » de portée très
réduite.
Le quatrième amendement adopté par l'Assemblée nationale vise à permettre un
réexamen des comptes de campagne dans un délai de trois ans après approbation
par le Conseil constitutionnel lorsque des faits de nature à modifier la
décision apparaîtraient à l'occasion d'une procédure judiciaire.
Bien des arguments pourraient être développés à l'encontre de l'ouverture
d'une telle possibilité, mais un seul suffit, car il est dirimant : elle serait
inconstitutionnelle.
Vous vous êtes interrogée - le mot est faible - sur la constitutionnalité,
lors du débat à l'Assemblée nationale, d'une telle disposition.
La commission des lois a estimé, d'une façon plus brutale - et M. Badinter
n'était pas le dernier, expert qu'il est en la matière, à l'avoir jugée telle -
qu'elle serait inconstitutionnelle. L'article 62 de la Constitution dispose en
effet que « les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles
d'aucun recours. »
M. Michel Charasse.
M. Montebourg s'en fout !
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Et d'ajouter : « Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à
toutes les autorités administratives juridictionnelles. » Or, c'est à
l'occasion d'une procédure judiciaire que l'on pourrait éventuellement, à en
croire l'Assemblée nationale, remettre en cause des comptes de campagne arrêtés
par le Conseil constitutionnel.
Aussi bien votre commission des lois a-t-elle estimé inutile d'exposer le
législateur à paraître ignorer un article aussi net de la Constitution aux yeux
des sages du Palais Royal, automatiquement saisis - on le sait - de toute loi
organique.
Telles sont, monsieur le président, mes chers collègues, les conclusions qu'il
m'incombait d'expliciter devant vous au nom de la commission.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne
m'exprimerai que très brièvement, ce projet de loi organique étant en tous
points satisfaisant, du moins dans la rédaction proposée par le
Gouvernement.
Le dépôt en était nécessaire, pour tenir compte à la fois des observations du
Conseil constitutionnel et de la récente révision de la Constitution portant à
cinq ans le mandat présidentiel. Par ailleurs, il était bon d'harmoniser les
dispositions applicables à l'élection du Président de la République avec celles
qui sont déjà applicables à l'élection des députés.
Par conséquent, monsieur le rapporteur, mon groupe approuve totalement vos
conclusions et vous présente toutes ses félicitations pour le travail que vous
avez accompli et la réflexion que vous avez menée.
Je ferai toutefois quelques petites remarques de détail.
La première tient à la proposition, formulée à l'Assemblée nationale, visant à
abaisser à dix-huit ans l'âge d'éligibilité du Président de la République.
Cette mesure relève de la seule démagogie, et, entre nous soit dit, quelle
catastrophe si elle était adoptée ! Que ferait-on ensuite de ces présidents de
la République trop jeunes ?
M. Michel Charasse.
Un gâteux, ce n'est pas mieux !
(Sourires.)
M. Patrice Gélard.
C'est vrai. Mais ce qui m'inquiète surtout, c'est de savoir ce qu'on en ferait
après.
M. Michel Charasse.
On lui changera les couches et on le langera !
(Nouveaux sourires.)
M. le président.
Laissez l'orateur s'exprimer !
M. Patrice Gélard.
J'en viens à ma deuxième remarque.
Je n'étais pas tout à fait d'accord avec la position soutenue par notre
rapporteur tendant à reconnaître le droit pour les présidents des communautés
urbaines, des communautés de communes ou d'agglomération d'être parrains pour
l'élection présidentielle. Ces présidents étant généralement déjà maires, ils
sont déjà, dans une certaine mesure, susceptibles de présenter un candidat. Par
ailleurs, la situation de ces établissements publics est la même que celle des
syndicats de communes ou des syndicats intercommunaux à vocation multiple ; ce
ne sont pas encore des collectivités territoriales. Il y a là quelque chose qui
me gêne. Cela dit, nous n'en faisons pas une affaire de principe et nous nous
rallierons aux conclusions de la commission des lois.
Pour ne pas allonger le débat, j'aborderai brièvement deux autres points
seulement.
Tout d'abord, les dispositions relatives au Conseil constitutionnel telles
qu'elles nous sont soumises me font craindre une certaine méfiance de la part
de l'Assemblée nationale ou de certains de ses membres à l'égard de la haute
institution.
Il ne me semble pas bon de mettre en cause le Conseil constitutionnel dans
cette affaire. Jusqu'à preuve du contraire, c'est l'un des piliers garantissant
le fonctionnement équilibré de nos institutions. C'est la raison pour laquelle
je suis tout à fait favorable au maintien du texte original du Gouvernement
quant au pouvoir d'appréciation du Conseil constitutionnel sur les conséquences
financières d'un dépassement des comptes.
Il serait souhaitable, d'ailleurs, que le Gouvernement étende ces dispositions
aux autres élections parce que le couperet des sanctions est parfois trop
abrupt. Il faudrait éviter que les tribunaux ne prononcent une interdiction
d'éligibilité pour les cas situés à la marge. Je pense à ce qui est arrivé à M.
Jack Lang à une époque. Le fait qui lui était imputé ne justifiait pas une
interdiction d'éligibilité. Il faudrait, monsieur le ministre, remettre
l'ouvrage sur le métier pour tenir compte des manquements non intentionnels et
de portée limitée.
Je suis également en parfait accord avec les conclusions de M. le rapporteur
en ce qui concerne l'inconstitutionnalité de la proposition formulée par
l'Assemblée nationale sous forme d'amendement, tendant au réexamen des
décisions du Conseil constitutionnel. Il est évident que celui-ci
sanctionnerait brutalement un texte comportant une telle disposition.
En conclusion, je dois faire part de l'assentiment de mon groupe, qui votera
le texte proposé par la commission dans son ensemble.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la
discussion du projet de loi organique relatif à l'élection du Président de la
République me conduit à formuler deux remarques : l'une concerne
l'environnement dans lequel s'insère le projet de loi, l'autre est relative au
contenu du texte.
En premier lieu, si l'on se réfère au contexte dans lequel nous avons à
débattre, on ne peut qu'être frappé par le décalage qui existe entre, d'une
part, ce qui préoccupe les Français s'agissant des institutions et, d'autre
part, l'ambition du projet de loi lui-même, qualifié de projet de loi technique
par M. le ministre.
Le projet de loi organique est en effet un ensemble de dispositions assez
disparates qui ont pour objet, pour l'essentiel, de mettre en oeuvre les
observations formulées par le Conseil constitutionnel à l'issue de l'élection
présidentielle de 1995.
L'intention est louable, sans nul doute, mais, intervenant relativement tard
et dans la foulée du référendum de septembre sur le quinquennat présidentiel,
elle ne fait que souligner l'absence de débat sur les questions
institutionnelles essentielles et particulièrement sur la question du
rééquilibrage des pouvoirs entre le Gouvernement et le Parlement.
L'assourdissant silence qui règne autour de l'indispensable rénovation de la
démocratie parlementaire est d'autant moins tolérable que, comme l'a rappelé
mon collègue Jacques Brunhes à l'Assemblée nationale, nous n'avons pas besoin
de réforme constitutionnelle pour faire avancer les choses : réforme du mode de
scrutin, réduction des mandats - y compris celui des sénateurs ! - véritable
initiative des lois, contrôle renforcé du Parlement, notamment en matière
européenne pour que la transposition des directives ne puisse plus jamais être
opérée par voie d'ordonnance, mise en place d'un statut de l'opposition, tout
cela peut être fait au niveau législatif, voire à celui du règlement des
assemblées parlementaires. Il fallait que cela fût dit !
Une autre question ne peut logiquement être écartée du débat sur l'élection du
Président de la République. Il serait étrange qu'elle n'y prenne pas place
alors qu'elle est au coeur des débats post-référendum ; je veux parler du
calendrier électoral qui va être retenu pour les élections présidentielles et
législatives de 2002.
Vous connaissez sur ce point, mes chers collègues, la position des
parlementaires communistes : ils ne sont pas favorables à une inversion des
calendriers, qui amènerait les Français à élire le Président avant les
députés.
Au-delà du fait que tout changement anticipé serait perçu comme une
manipulation électoraliste, il est nécessaire que les Français sachent bien
qu'un tel changement induirait nécessairement une présidentialisation du
régime, laquelle renforcerait le déséquilibre existant.
C'est contre une telle logique de renforcement du pouvoir présidentiel
personnel que les sénateurs communistes veulent à nouveau mettre en garde.
J'en viens maintenant à l'objet même du projet de loi organique.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyens sont totalement en
phase avec les dispositions visant à donner à l'élection présidentielle à la
fois plus de transparence financière et un caractère plus démocratique.
Je pense en particulier à l'élargissement des catégories d'élus habilités à
présenter des candidats à la présidence.
Outre celles qui permettent de respecter l'exigence de rattachement
territorial - je pense aux élus de l'Assemblée de Corse et aux élus au
Parlement européen - les dispositions proposées permettent de prendre acte des
évolutions du cadre institutionnel et, en particulier, de l'émergence des
acteurs de la décentralisation.
Je fais évidemment référence d'abord aux maires délégués des communes
associées et aux maires d'arrondissement de Lyon ou de Marseille, mais je pense
également aux acteurs de l'intercommunalité : les présidents des communautés
urbaines, des communautés d'agglomération et des communautés de communes.
Quant à l'abaissement de l'âge d'éligibilité du Président de la République à
dix-huit ans, nous ne pouvons évidemment qu'y être favorables tant il nous
semble partie intégrante de la citoyenneté : comment revendiquer une meilleure
conscience civique des jeunes si, parallèlement, on ne leur fait pas
suffisamment confiance pour leur confier des responsabilités ?
Dans cette optique, il nous semble nécessaire de procéder à une uniformisation
de l'ensemble des mandats électifs afin de poser la règle selon laquelle l'âge
requis pour être candidat correspond à l'âge de la majorité.
On comprend les difficultés de certains sénateurs à adhérer à l'amendement
adopté par l'Assemblée nationale lorsqu'on sait que l'âge requis pour être
candidat au Sénat est de trente-cinq ans !
M. Patrice Gélard.
Et les députés, vingt-trois.
M. Robert Bret.
C'est pourquoi je propose l'uniformisation de l'ensemble des mandats
électifs.
N'en déplaise à mon collègue Gélard, je clôturerai mon propos par quelques
remarques visant à rappeler la réticence des parlementaires communistes à toute
extension du rôle du Conseil constitutionnel.
En effet, nous ne considérons pas comme bon pour la démocratie qu'une
institution dont les membres ne sont pas issus du suffrage universel soient
juges des décisions prises par les élus de la nation.
On sait bien par ailleurs que les décisions de la haute instance, qui ne sont
pas susceptibles de recours, ne sont jamais une simple application de la
Constitution mais résultent d'une interprétation constructive.
Je vous renvoie notamment aux écrits du professeur Troper, professeur de
philosophie du droit, sur la question du pouvoir d'interprétation du juge
constitutionnel.
S'agissant de son rôle électoral, on sait qu'il donne d'autant moins
satisfaction à ceux qui le remplissent qu'il s'agit d'un pouvoir strictement
encadré.
Le récent ouvrage d'un ancien membre du Conseil, M. Jacques Robert, est riche
d'enseignements à ce propos ; il montre comment ses membres ressentent mal ces
contraintes vécues comme autant d'entraves.
Nous pensons, pour notre part, que son rôle doit se borner, spécialement en ce
domaine, à une application mécanique de la loi.
C'est la raison pour laquelle nous sommes plus que réservés sur l'octroi au
juge de l'élection présidentielle du pouvoir d'apprécier le montant de la somme
à reverser au Trésor en cas de dépassement du plafond de dépenses électorales
par un candidat. Le fait qu'il s'agisse d'une faute ni intentionnelle ni grave
- c'est vraiment l'obsession du Sénat en ce moment ! - ne change rien à
l'affaire : il faut maintenir l'automaticité de la sanction, seul garant de son
caractère objectif. Octroyer un pouvoir d'appréciation au juge constitutionnel
risquerait de jeter un soupçon de partialité sur les décisions rendues.
Pour les mêmes raisons, nous n'approuvons pas non plus les dispositions
adoptées par l'Assemblée nationale concernant la possibilité de réexamen des
comptes de campagne dans les trois ans, sur signalement du parquet.
Au-delà du risque de fragilisation des mandats électoraux, il nous semble que
nous risquons de créer une ambiguïté entre les fonctions du juge pénal et
celles du juge de l'élection, puisque ce réexamen interviendrait à l'issue
d'une procédure judiciaire. Cette confusion des rôles ne nous semble pas
bienvenue et ne servirait pas la haute instance elle-même.
Ces réserves faites et, dans la mesure où certaines d'entre elles devraient
être prises en compte, le groupe des sénateurs communistes républicains et
citoyens votera le projet de loi organique relatif à l'élection du président de
la République.
M. le président.
La parole est à M. Bernard Joly.
M. Bernard Joly.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que
nous examinons aujourd'hui tend à apporter des modifications techniques à la
loi organique du 6 novembre 1962, relative à l'élection du Président de la
République.
En effet, ce projet de loi s'attache principalement à prendre en compte les
observations formulées par le Conseil constitutionnel, chargé du contrôle de la
régularité de l'élection du Président de la République et, plus
particulièrement, de ses remarques faites après l'élection de 1995.
Le Conseil constitutionnel préconisait en effet de modifier le décret du 14
mars 1964 et la loi organique du 6 novembre 1962, afin de rendre plus
transparentes les modalités de financement de la campagne électorale et de
clarifier les règles d'organisation de l'élection présidentielle.
Monsieur le ministre, vous avez signalé à l'Assemblée nationale, en présentant
le projet de loi organique dont nous débattons aujourd'hui, que le Gouvernement
s'apprêtait parallèlement à modifier le décret de 1964.
On ne peut donc que se féliciter de la volonté gouvernementale d'améliorer
l'organisation juridique de l'élection présidentielle, d'un point de vue tant
réglementaire que législatif.
En fait, mes chers collègues, le texte du projet de loi organique tel que l'a
rédigé le Gouvernement n'appelle de notre part que peu de commentaires.
Les dispositions concernant la présentation des candidats et le financement
des campagnes électorales ne peuvent qu'être approuvées puisqu'elles vont dans
le sens de la volonté exprimée par le législateur en 1988, 1993 et 1995
d'instituer plus de transparence et plus d'équité entre les candidats.
Malheureusement, son examen par l'Assemblée nationale a engendré des
modifications susbtantielles, critiquables à tous égards.
Premièrement, l'Assemblée nationale a tout d'abord refusé le pouvoir
d'appréciation reconnu au Conseil constitutionnel par le texte gouvernemental :
juger, c'est pourtant interpréter ! Lorsqu'un candidat dépasse le plafond du
compte de campagne, le Conseil constitutionnel a désiré, à bon droit, avoir un
pouvoir d'appréciation. Comment pourrait-on le lui refuser ? Le législateur a
été particulièrement rigoureux, il faut bien le reconnaître. Pour juguler
l'augmentation du coût des campagnes, il est ainsi intervenu à plusieurs
reprises. Si notre ambition était louable, elle a abouti, en pratique, à des
situations inéquitables. Il apparaît donc opportun de donner au Conseil
constitutionnel ce pouvoir.
D'aucuns affirmeront que le Conseil constitutionnel n'est pas réellement une
juridiction, ne pouvant prétendre aux prérogatives d'un tel organe ; mais, si
la Constitution ne le qualifie pas ainsi, la procédure applicable devant lui
rappelle la procédure juridictionnelle.
En fait, le caractère politique du Conseil constitutionnel, objet de longues
controverses au début de la Ve République, n'est plus à l'ordre du jour. Le
débat qui s'est tenu à l'Assemblée nationale confirme d'ailleurs ce constat.
Ses compétences juridiques ne le protègent pourtant pas de critiques acerbes.
Après diverses alternances politiques, le Conseil constitutionnel a cependant
fait ses preuves, c'est un fait. Il apparaît aujourd'hui comme l'une des
institutions les plus importantes de notre système juridique, puisqu'il est le
gardien de notre Constitution.
Pour cette raison, la « bonne foi » doit impérativement être appréciée par le
Conseil constitutionnel comme elle l'est par d'autres juges.
Le caractère mécanique des sanctions ne grandit d'ailleurs pas notre système
juridictionnel. Aussi la rédaction préconisée par la commission des lois du
Sénat doit-elle être saluée, car elle améliore encore la disposition
initiale.
Deuxièmement, les amendements votés par l'Assemblée nationale sont tout aussi
critiquables.
S'agissant, tout d'abord, de l'éligibilité du Président de la République à
dix-huit ans, elle prête simplement à sourire. Qui, à l'âge de dix-huit ans,
peut songer à se faire élire Président de la République, étant donné le rôle
prépondérant des partis politiques dans une telle élection ? Qui peut croire
qu'une personne de dix-huit ans pourra être promue candidat ? C'est une
disposition strictement démagogique. Le rapporteur à l'Assemblée nationale
parlait, pour sa part, de modernisation de la démocratie. Au risque de paraître
rétrograde, j'affirme haut et fort qu'une mission comme la présidence de la
République, c'est-à-dire l'exercice de la plus haute magistrature, exige
l'expérience et la responsabilité.
(M. Gélard applaudit.)
M. Pierre Fauchon,
vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de législation,
du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Très
bien !
M. Bernard Joly.
En fait, la population française aspire à élire non pas un président
particulièrement jeune, mais un président qui décide en osant être prospectif.
Les Français se désintéressent de plus en plus de la chose publique et une
telle disposition - l'abaissement de l'âge d'éligibilité - ne fera qu'amplifier
ce sentiment d'insatisfaction. C'est une réforme que l'on pourrait qualifier de
« gadget ».
L'intérêt général exige, en effet, l'élection de femmes et d'hommes qui ne
découvriront pas le droit de vote en même temps que celui de se faire élire.
Cette réforme préconisée par l'Assemblée nationale doit, par conséquent, être
rejetée : elle est inopportune et présenterait un bien faible degré
d'efficacité.
Quant à la possibilité, pour le Conseil constitutionnel, de réexaminer les
comptes, modification décidée par l'Assemblée nationale au cours du débat en
séance publique, on ne peut que la refuser.
Rappelons le principe. L'article 62 de la Constitution dispose : « Les
décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours.
Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives
et juridictionnelles. »
Est-il dès lors envisageable, pour le Conseil constitutionnel, de réexaminer
une affaire déjà jugée ? La tradition veut qu'une juridiction ne se prononce
pas deux fois sur les mêmes faits : c'est l'autorité de la chose jugée.
Au demeurant, le législateur ne doit pas légiférer dans un contexte politique
particulier. Or nous sommes bien, aujourd'hui, dans un tel contexte, et le
Parlement ne se grandirait pas en votant une telle disposition.
On doit surtout rappeler que seule une révision constitutionnelle peut
permettre d'envisager une réforme de ce type.
Plus généralement, à l'Assemblée nationale, un certain nombre de nos collègues
députés ont rappelé au Premier ministre son souhait de voir aboutir, après
l'adoption du quinquennat, une réforme de nos institutions.
La Constitution de la Ve République, qui a instauré en 1958 un régime
parlementaire rationalisé, a évolué en 1962 avec l'élection du Président de la
République au suffrage universel direct, sans oublier le fait majoritaire, ce
qui permet au Président de légiférer et de décider dans le domaine
réglementaire, sans aucune limite.
Chacun sait que la cohabitation ne modifie pas l'équilibre des pouvoirs en
faveur du Parlement, le Gouvernement exerçant alors les compétences de
l'article 20 de la Constitution en s'appuyant sur une majorité soumise.
Si la démocratie exige des contre-pouvoirs, le Parlement apparaît souvent
comme trop timide à l'égard du Gouvernement et comme l'Assemblée nationale trop
soumise. Sans qu'il soit nécessaire de modifier la Constitution, le Parlement
pourrait jouer un rôle plus actif au sein des pouvoirs publics. L'Assemblée
nationale ne joue malheureusement pas le jeu, préférant être un allié docile de
l'exécutif. Cela étant, le Sénat dispose malgré tout, de par la Constitution et
de par son règlement, d'armes efficaces à l'encontre de l'exécutif, lui
permettant d'être un réel contre-pouvoir, une instance de contrôle qui n'est
pas simplement vouée à accepter les
desiderata
du Gouvernement :
l'article 88-4, les questions orales avec débat, les questions européennes sont
autant de moyens juridiques qu'il peut utiliser pour se faire entendre.
Au demeurant, monsieur le ministre, il suffit de dénombrer les textes déposés
sur le bureau des assemblées qui sont marqués du sceau de l'urgence pour douter
de la volonté gouvernementale de rehausser la situation du Parlement.
Sous le bénéfice des remarques que j'ai formulées, dans sa grande majorité, le
groupe du RDSE votera le texte tel qu'il est proposé par la commission des lois
de notre assemblée. Je tiens d'ailleurs à rendre hommage au travail effectué
par son rapporteur et par son président : il permettra au Sénat d'adopter des
dispositions nuancées, qui ne peuvent qu'être aprouvées par la majorité d'entre
nous.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe
socialiste approuve, lui aussi, les finalités de ce texte, qui traduit pour
l'essentiel des recommandations du Conseil constitutionnel, sur la base de sa
riche expérience en matière d'organisation de l'élection présidentielle et de
régularité du scrutin.
Outre la prise en compte de ces observations, dans un souci de clarification
et de simplification, le projet contient diverses adaptations de notre droit
électoral.
Le ministre et le rapporteur ayant excellement présenté l'ensemble des
dispositions du texte, je ne ferai qu'évoquer brièvement celles qui appellent
quelques réserves de la part de mon groupe, ou simplement de ma part.
(Sourires.)
Globalement, la préférence du groupe socialiste va au projet de loi initial -
à l'exception d'un point, qui n'est d'ailleurs pas tiré des observations du
Conseil constitutionnel et sur lequel je reviendrai tout à l'heure - plutôt
qu'au texte qui nous vient de l'Assemblée nationale.
Celle-ci a, en effet, adopté un certain nombre de modifications auxquelles
nous ne souscrivons pas. Elle a maintenu l'automaticité du reversement de
l'intégralité du montant du dépassement en cas de dépassement des plafonds de
dépenses. Notre groupe a déposé un amendement, qui est d'ailleurs identique à
celui de la commission, tendant à rétablir le pouvoir du Conseil
constitutionnel de fixer, dans la limite du montant du dépassement constaté, la
somme que le candidat doit reverser au Trésor public.
S'agissant du remboursement forfaitaire des dépenses de campagne, la
commission des lois propose de rétablir la marge d'appréciation offerte par le
projet de loi initial au Conseil constitutionnel en cas de méconnaissance de la
législation concernant les comptes de campagne, mais en l'encadrant plus
strictement puisqu'elle prévoit de rendre cumulatives les deux conditions
caractérisant la méconnaissance de ces règles : il faut que cette
méconnaissance soit à la fois non intentionnelle et de portée très réduite.
Le groupe socialiste adhère à cette solution. Pour ma part, je défendrai, à
titre personnel, un sous-amendement à ce sujet. Il me paraît préférable, en
effet, que le texte soit prudent dans sa rédaction.
Bien sûr, nous proposons, nous aussi, la suppression de cet horrible article 3
bis
qui institue une procédure de réexamen des comptes de campagne déjà
approuvés par le Conseil constitutionnel et qui est tout à fait contraire à
l'article 62 de la Constitution.
Enfin, nous suggérons la suppression d'une disposition qui figurait déjà dans
le projet de loi initial, monsieur le ministre, mais qui ne fait pas suite à
une recommandation du Conseil constitutionnel et qui tend à porter du quart à
la moitié du plafond des dépenses électorales le montant des remboursements
forfaitaires par l'Etat des dépenses des candidats ayant obtenu plus de 5% des
suffrages exprimés.
En commission des lois, mon collègue et ami Robert Badinter a très bien
expliqué que cette mesure, s'ajoutant à des plafonds de dépenses excessivement
importants, à savoir 95 millions de francs pour chaque candidat et 126 millions
de francs pour les candidats figurant au second tour, nous conduirait à des
dérives un peu préoccupantes.
Je précise au passage que Robert Badinter regrette de ne pas être présent ce
matin : il parcourt le monde à la recherche d'approbations pour la ratification
du traité instituant la cour pénale internationale. Il agit donc utilement et,
à ma connaissance, n'est pas en train de fêter Halloween....
(Sourires.)
Robert Badinter a fait valoir non seulement que des plafonds de dépenses aussi
élevés permettent à des conseils en communication d'établir des budgets de
campagne excessifs, comportant des dépenses inutiles, sans que les électeurs
s'en trouvent nécessairement véritablement informés - ce qui nous conduit, soit
dit entre parenthèses, à l'américanisation des campagnes - mais qu'en outre la
fixation du montant maximum du financement public des campagnes à 50 % du
plafond des dépenses électorales conduirait à une augmentation substantielle de
la participation des contribuables à ces dépenses et permettrait à certains de
financer, par exemple, une campagne xénophobe de grande ampleur.
Sur le reste du dispositif, nous n'avons pas de remarques particulières à
formuler et les mesures proposées vont dans le bon sens, qu'il s'agisse du
report de la date de dissolution de l'association de financement, de
l'inscription des frais d'expertise comptable au compte de campagne des
candidats, de la levée du secret professionnel auquel sont astreints les agents
des administrations fiscales ou de l'élargissement à de nouvelles catégories
d'élus de la possibilité de parrainer un candidat.
Bien sûr, il y l'affaire de l'abaissement de vingt-trois à dix-huit ans de
l'âge d'éligibilité du Président de la République, proposition qui émane
d'ailleurs de l'Assemblée nationale et non pas du Gouvernement, et que la
commission des lois nous propose de supprimer.
Ecoutez, mes chers collègues, l'Assemblée nationale a bien le droit de
s'amuser !
(Sourires.)
Nous l'avons bien fait, nous, la semaine
dernière, avec la proposition de loi constitutionnelle du président
Poncelet.
L'Assemblée nationale sait certainement que l'éligibilité à dix-huit ans pour
la présidence de la République ne verra jamais le jour, comme nous savons que
la proposition du président Poncelet, auquel me lie, par ailleurs, une amitié
indéfectible, ne verra sans doute jamais vétitablement le jour !
M. Pierre Fauchon,
vice-président de la commission.
La comparaison relève aussi de
l'amusement !
M. Michel Charasse.
Laissons quand même aux assemblées la part qui peut revenir aux chansonniers !
(
Nouveaux sourires.
)
Cela dit, je comprends que la commission des lois propose la suppression de
cette disposition inutile ; je risque même de la voter...
Je me réjouis, monsieur le président, mes chers collègues, qu'un consensus se
dégage sur ce texte relatif à l'élection du Président de la République et,
surtout dans la période actuelle, qu'un consensus se dégage pour suivre
l'esprit et les suggestions du Conseil constitutionnel. Ce sera pour nous une
façon de rendre hommage au travail d'une institution avec laquelle il nous
arrive souvent d'être en désaccord juridique, mais qui est entièrement inspirée
- et sa jurisprudence depuis 1958 le montre - par le souci de rester dans son
rôle - contrairement à tant d'institutions juridictionnelles qui rêvent d'en
sortir et qui en sortent parfois -, de respecter le suffrage universel, les
grands principes de la République et la lettre même de nos institutions.
Evidemment, le travail du Conseil constitutionnel n'est pas très « moderne ».
Il ne l'est pas en ce sens qu'il ne suit pas les modes. C'est ce qui explique
sans doute les philippiques dont il fait l'objet depuis quelque temps de la
part de gens qui sont prêts à tout brader pourvu qu'ils plastronnent à la une
des journaux.
Pour eux, en quelque sorte, la mort de la République vaut bien un bref orgasme
médiatique, pourvu qu'on trouve un partenaire complaisant. Et, de ce point de
vue,
Le Monde
est toujours là pour les jouissances contre nature...
(Sourires. - M. Gélard applaudit.)
Connaissant la mauvaise foi de certains, j'imagine qu'ils ont en réserve les
propos que François Mitterrand a pu tenir sur le Conseil constitutionnel dans
les années soixante. Je les ai en mémoire, et Daniel Vaillant aussi, puisque
nous étions tous deux, à l'époque déjà, compagnons de François Mitterrand. Nous
savons donc tous deux que jamais il n'a procédé à des mises en cause
personnelles, touchant à l'honneur et à la probité des membres de
l'institution. Les critiques étaient juridiques, elles étaient politiques,
elles n'étaient jamais personnelles.
Ah ! monsieur le ministre, s'il y avait encore quelques grands principes dans
cette République, cela mériterait sans doute des poursuites pénales, sur
l'initiative du parquet de Paris. Mais bon, ne rêvons pas ! Pas tout à la fois
!
Je précise que les observations que je viens de formuler sont, naturellement,
strictement personnelles - je le dis pour ma collègue Dinah Derycke, qui a
l'air de s'inquiéter - et qu'elles ne sauraient engager mon groupe, du moins en
tant qu'organisation. A titre individuel, au sein du groupe, on aurait des
surprises...
Bref, nous voterons le texte, monsieur le ministre.
(Applaudissements sur
les travées socialistes. - M. le vice-président de la commission applaudit
également.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. - Le I de l'article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962
relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel est
ainsi modifié :
« 1° Après le mot : "maires", la fin de la première phrase du deuxième alinéa
est ainsi rédigée : ", maires délégués des communes associées, maires des
arrondissements de Lyon ou de Marseille, présidents des organes délibérants des
communautés urbaines, des communautés d'agglomération ou des communautés de
communes ou membres élus du Conseil supérieur des Français de l'étranger ; les
ressortissants français membres du Parlement européen peuvent également, dans
les mêmes conditions, présenter un candidat à l'élection présidentielle." ;
« 2° Après la première phrase du troisième alinéa, sont insérées deux phrases
ainsi rédigées :
« Pour l'application des mêmes dispositions, les ressortissants français
membres du Parlement européen sont réputés être les élus d'un même département
ou territoire d'outre-mer. Aux mêmes fins, les présidents des organes
délibérants des communautés urbaines, des communautés d'agglomération ou des
communautés de communes sont réputés être les élus du département auquel
appartient la commune dont ils sont délégués. » ;
« 3° Le troisième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Aux mêmes fins, les conseillers régionaux et les conseillers à l'Assemblée
de Corse sont réputés être les élus des départements entre lesquels ils sont
répartis selon les modalités prévues aux articles L. 293-1 et L. 293-2 du code
électoral dans leur rédaction en vigueur à la date de publication de la loi
organique n° du modifiant la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à
l'élection du Président de la République au suffrage universel. »
Par amendement n° 1, M. Bonnet, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit cet article :
« Le I de l'article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à
l'élection du Président de la République au suffrage universel est ainsi
modifié :
« 1° Après les mots : "des conseils généraux", la fin de la première phrase du
deuxième alinéa est ainsi rédigée : "des départements, de Mayotte et de
Saint-Pierre-et-Miquelon, du Conseil de Paris, de l'Assemblée de la Polynésie
française, du Congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie,
de l'Assemblée territoriale des îles Wallis-et-Futuna, maires, maires délégués
des communes associées, maires des arrondissements de Lyon et de Marseille ou
membres élus du Conseil supérieur des Français de l'étranger." ;
« 2° Après la première phrase du deuxième alinéa, il est inséré une phrase
ainsi rédigée :
« Les présidents des organes délibérants des communautés urbaines, des
communautés d'agglomération ou des communautés de communes et les
ressortissants français membres du Parlement européen élus en France peuvent
également, dans les mêmes conditions, présenter un candidat à l'élection
présidentielle. » ;
« 3° A la fin de la première phrase du troisième alinéa, les mots : "ou
territoire d'outre-mer" sont supprimés ;
« 4° Le troisième alinéa est complété par trois phrases ainsi rédigées :
« Pour l'application des mêmes dispositions, les ressortissants français
membres du Parlement européen élus en France sont réputés être les élus d'un
même département. Aux mêmes fins, les présidents des organes délibérants des
communautés urbaines, des communautés d'agglomération ou des communautés de
communes sont réputés être les élus du département auquel appartient la commune
dont ils sont délégués. Aux mêmes fins, les conseillers régionaux et les
conseillers à l'Assemblée de Corse sont réputés être les élus des départements
entre lesquels ils sont répartis selon les modalités prévues aux articles L.
293-1 et L. 293-2 du code électoral dans leur rédaction en vigueur à la date de
publication de la loi organique n° ..... du ......... modifiant la loi n°
62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République
au suffrage universel. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 14, présenté par le
Gouvernement, et tendant, dans le quatrième alinéa de l'amendement n° 1, à
supprimer les mots : « élus en France ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 1.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
L'article 1er concerne les élus habilités à présenter des
candidats à la Présidence de la République.
Il s'agit ici du rattachement départemental des conseillers régionaux et des
conseillers à l'Assemblée de Corse, ainsi que de l'extension de la liste des
élus habilités à présenter un candidat aux maires d'arrondissement, aux maires
délégués des communes associées, aux présidents de certaines structures
intercommunales et aux ressortissants français membre du Parlement européen
élus en France.
La commission propose par ailleurs l'adaptation des dispositions sur le
parrainage des candidats à l'évolution récente ou prévisible du statut des
collectivités d'outre-mer : la Nouvelle-Calédonie n'est plus un territoire
d'outre-mer et la Polynésie française cesserait d'avoir ce statut après
l'adoption de la révision constitutionnelle actuellement en cours.
Telles sont les propositions que la commission se devait de formuler à propos
de l'article 1er.
M. le président.
La parole est à M. le ministre, pour présenter le sous-amendement n°14 et pour
donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 1.
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Le sous-amendement n° 14 vise à supprimer la
distinction faite entre les représentants du Parlement européen de nationalité
française élus sur le territoire français, qui disposeraient seuls du droit de
présenter un candidat à l'élection présidentielle selon l'amendement déposé par
M. Bonnet, et ceux qui sont également français mais qui sont élus dans un pays
membre de l'Union européenne.
Tous les députés européens français, quel que soit leur lieu d'élection,
doivent pouvoir disposer sans discrimination d'un pouvoir de présentation. Il
est d'ailleurs à noter que les autres ressortissants français élus ne résidant
pas sur le territoire national, comme les membres du Conseil supérieur des
Français de l'étranger ou les sénateurs représentant les Français établis hors
de France, disposent déjà de ce droit.
L'amendement n° 1 reprend pour l'essentiel les modifications introduites par
l'Assemblée nationale en première lecture.
Il tend, d'une part, à indiquer l'intitulé exact des assemblées et des
conseils dont les membres sont habilités à présenter des candidats à l'élection
présidentielle. Cet éclaircissement apparaît souhaitable dans la mesure où
plusieurs réformes institutionnelles récentes, concernant les territoires
d'outre-mer ou les collectivités territoriales à statut particulier, ont pu
créer de nouveaux organes ou en modifier la dénomination.
Il vise, d'autre part, à introduire une distinction parmi les membres du
Parlement européen dans la mesure où seuls les ressortissants français de cette
assemblée élus en France pourraient disposer de ce pouvoir de présentation.
Cette disposition fait l'objet du dépôt du sous-amendement par le
Gouvernement.
Sous réserve de l'adoption de celui-ci, le Gouvernement est favorable à
l'amendement présenté par la commission.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 14 ?
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
La commission n'a pas estimé devoir donner un avis favorable
au sous-amendement du Gouvernement.
A mon sens, la représentativité des élus parrainant un candidat est assise sur
les suffrages qu'ils ont recueillis auprès des électeurs français.
Vous avez évoqué, monsieur le ministre, les membres du Conseil supérieur des
Français de l'étranger qui ne résident pas en France.
Certes, ils ne résident pas en France, mais ils sont élus par des Français.
S'agissant des parlementaires européens de nationalité française, dont la
commission souhaite qu'ils soient élus en France, il n'y a pas de
discrimination - injustifiée dans ce cas qui est d'ailleurs presque un cas
d'école puisque, à ma connaissance, il ne concerne que le professeur Duverger,
qui est sur une liste italienne - et on peut se référer, à cet égard, à la
jurisprudence traditionnelle du Conseil constitutionnel.
« Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon
différente des situations différentes,...
M. Michel Charasse.
Montebourg n'est sûrement pas d'accord !
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
... ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons
d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de
traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui
l'établit », a-t-il statué dans une décision toute récente, puisqu'elle date du
27 juillet 2000, à propos de la loi relative à la liberté de communication.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission n'a pas estimé devoir
approuver le sous-amendement présenté par le Gouvernement.
M. le président
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 14.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole contre le sous-amendement.
M. le président
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Je ne voudrais pas faire de peine à mon ami Daniel Vaillant, mais je crois que
son sous-amendement n'est pas conforme à la Constitution et risque donc d'être
déclaré non conforme.
En effet, mes chers collègues, la règle en matière de présentation des
candidats pour l'élection présidentielle veut que les personnes habilitées
soient, d'une manière ou d'une autre, des élus du suffrage universel émanant en
tout ou partie de la souveraineté nationale française.
Or, le Conseil constitutionnel a déclaré, voilà bien longtemps, que le
Parlement européen n'appartient pas à l'ordre institutionnel français de la
République française.
Cela veut donc dire que seuls les élus du peuple français peuvent présenter un
candidat à l'élection présidentielle. Sinon, monsieur le ministre, pourquoi ne
pas aller chercher à travers le monde tous les élus ayant, par exemple, la
double nationalité et qui peuvent parfaitement se trouver, en Argentine ou
ailleurs, maires de leur commune ou membres d'une assemblée provinciale ?
Je vois bien ce que souhaite faire le Gouvernement, mais je crois que ce n'est
pas conforme à la Constitution, et c'est la raison pour laquelle je ne peux
pas, à mon grand regret, voter ce sous-amendement qui, à mon avis, pourrait
poser de très graves problèmes.
De toute façon, il ne passera pas la barre du Conseil constitutionnel.
Cela donnera à M. Montebourg l'occasion de faire un deuxième article ! Mais ce
n'est pas grave...
(Sourires).
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 14, repoussé par la commission.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Dans ces conditions, le Gouvernement s'en remet
à la sagesse du Sénat concernant l'amendement n° 1.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 1er est ainsi rédigé.
Article 2
M. le président.
« Art. 2. - Les trois premiers alinéas du II de l'article 3 de la même loi
sont remplacés par six alinéas ainsi rédigés :
« Les opérations électorales sont organisées selon les règles fixées par les
articles L. 1er, L. 2, L. 5 à L. 7, L. 9 à L. 21, L. 23, L. 25, L. 27 à L. 45,
L. 47 à L. 52-2, L. 52-4 à L. 52-11, L. 52-12, L. 52-16, L. 53 à L. 55, L. 57 à
L. 78, L. 85-1 à L. 111, L. 113 à L. 114, L. 116, L. 117, L. 199, L. 200, L.
202 et L. 203 du code électoral dans leur rédaction en vigueur à la date de
publication de la loi organique n° du précitée, sous réserve des
dispositions suivantes :
« Le plafond des dépenses électorales prévu par l'article L. 52-11 est fixé à
13,7 millions d'euros pour un candidat à l'élection du Président de la
République. Il est porté à 18,3 millions d'euros pour chacun des candidats
présents au second tour.
« Les personnes physiques ne peuvent, dans le cadre de l'application des
dispositions de l'article L. 52-8 du code électoral, accorder des prêts et
avances remboursables aux candidats.
« Les frais d'expertise comptable liés à l'application de l'article L. 52-12
du code électoral sont inscrits dans le compte de campagne.
« Le compte de campagne et ses annexes sont adressés au Conseil
constitutionnel dans les deux mois qui suivent le tour de scrutin où l'élection
a été acquise. Le Conseil constitutionnel dispose des pouvoirs prévus au
premier, au quatrième et au dernier alinéas de l'article L. 52-15 et à
l'article L. 52-17 du code électoral.
« Pour l'application des dispositions du quatrième alinéa de l'article L. 52-5
et du quatrième alinéa de l'article L. 52-6 du code électoral, le délai pour la
dissolution de plein droit de l'association de financement électoral et pour la
cessation des fonctions du mandataire financier est fixé à un mois à compter de
la publication des décisions du Conseil constitutionnel prévue au troisième
alinéa du III du présent article. »
Par amendement n° 2, M. Bonnet, au nom de la commission, propose, dans le
deuxième alinéa de cet article, de remplacer les références : « L. 27 à L. 45 »
par les références : « L. 27 à L. 43, L. 45, ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Si vous le permettez, monsieur le président, je souhaiterais
présenter également l'amendement n° 3, dont l'objet est voisin.
M. le président.
J'appelle donc également en discussion l'amendement n° 3, présenté par M.
Bonnet, au nom de la commission, et tendant, dans le deuxième alinéa de
l'article 2, après la référence : « L. 117 », à insérer la référence : « L.O.
127 ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre les amendements n°s 2 et 3.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Ces amendements n°s 2 et 3 visent l'un et l'autre à écarter
la possibilité ouverte aux jeunes de dix-huit ans de se porter candidats à la
présidence de la République.
Sous une forme un peu ésotérique, ces deux amendements ont pour effet de
maintenir à vingt-trois ans l'âge d'éligibilité du Président de la République.
Très bon sujet pour les étudiants en sciences politiques...
(Sourires.)
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 2 et 3 ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Ces amendements restaurent le dispositif du
projet de loi organique initial, qui prévoyait de maintenir à vingt-trois ans
l'âge d'éligibilité du Président de la République, ce qui correspond aussi à
l'âge requis pour être élu député à l'Assemblée nationale et au Parlement
européen.
Je rappelle, en effet, que si la loi du 5 avril 2000, relative à la limitation
du cumul des mandats et des fonctions électives, a ramené à dix-huit ans l'âge
requis pour être élu conseiller général, conseiller régional ou maire, ce même
texte a maintenu à vingt-trois ans l'âge d'éligibilité au Parlement
européen.
De même, la loi organique du 5 avril 2000 relative aux incompatibilités entre
mandats électoraux a maintenu à vingt-trois ans l'âge d'éligibilité des
députés, celui des sénateurs restant fixé à trente-cinq ans.
Pour trancher cette question de l'âge d'éligibilité, le Gouvernement s'en
remet à la sagesse des parlementaires...
M. Pierre Fauchon,
vice-président de la commission.
Sagesse à l'égard d'un manque de
sagesse à l'Assemblée nationale !
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 2.
M. Louis Moinard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Moinard.
M. Louis Moinard.
Simple question pratique : si l'âge d'éligibilité du Président de la
République était ramené à dix-huit ans, s'agirait-il de l'âge au jour du
scrutin ou au moment du dépôt de la candidature ?
Dans le premier cas, le candidat déposerait sa candidature alors qu'il n'est
pas majeur et devrait donc obtenir l'autorisation de ses parents, civilement
responsables ! (
Rires.
)
M. Pierre Fauchon,
vice-président de la commission.
Cela ne dérange pas nos collègues !
M. Michel Charasse.
L'Assemblée nationale est au-dessus de ce genre de détail !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2.
M. Robert Bret.
Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3.
M. Robert Bret.
Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 4, M. Bonnet, au nom de la commission, propose, dans le
deuxième alinéa de l'article 2, de remplacer les mots : « L. 203 » par les mots
« L. 203, L. 385 à L. 387, L. 389 et L. 393 ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Encore un sujet qui pourra intéresser les élèves de Sciences
Po : il s'agit d'intégrer, parmi les dispositions du code électoral applicables
à l'élection présidentielle, celles qui sont relatives à l'outre-mer,
introduites dans ce code par l'ordonnance du 19 avril 2000.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
L'amendement n° 4 a pour objet d'intégrer dans
les règles applicables à l'élection du Président de la République certaines
dispositions de l'ordonnance n° 2000-350 du 19 avril 2000 portant actualisation
et adaptation du droit électoral applicable outre-mer et récemment insérées
dans le code électoral.
Le Gouvernement est donc favorable à l'adoption de cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 5 est présenté par M. Bonnet, au nom de la commission.
L'amendement n° 10 est présenté par M. Charasse et les membres du groupe
socialiste et apparentés.
Tous deux tendent à insérer, après l'avant-dernier alinéa de l'article 2, un
alinéa ainsi rédigé : « Dans les cas mentionnés au dernier alinéa de l'article
L. 52-15 du code électoral, le Conseil constitutionnel fixe, dans la limite du
montant du dépassement constaté, la somme que le candidat est tenu de verser au
Trésor public. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 5.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Cet amendement tend à rétablir la disposition initiale
supprimée par l'Assemblée nationale et qui permet au Conseil constitutionnel,
en cas de dépassement du plafond de dépenses, de fixer la somme que le candidat
devrait verser au Trésor public.
Il a semblé à la commission qu'un minimum de souplesse s'imposait, étant
observé, et c'est important, que le texte ne permet pas au Conseil
constitutionnel de dispenser de tout versement un candidat ayant dépassé le
plafond.
Le pouvoir d'appréciation porte non pas sur le principe du versement, mais sur
son montant.
M. le président.
La parole est à M. Charasse, pour défendre l'amendement n° 10.
M. Michel Charasse.
Cet amendement est exactement le même que celui de la commission, et je vais
d'ailleurs le retirer.
Je me bornerai à dire que je ne vois pas très bien qui d'autre que le Conseil
constitutionnel peut fixer le montant du remboursement.
Par conséquent, que l'Assemblée nationale ait supprimé cette disposition me
paraît un peu incohérent.
M. le président.
L'amendement n° 10 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 5 ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Comme vous venez de le dire, monsieur le
rapporteur, l'amendement n° 5 prévoit de réintroduire dans le texte la
disposition du projet de loi organique initial tendant à octroyer au Conseil
constitutionnel un pouvoir d'appréciation dans l'application de l'article L.
52-15 du code électoral.
Cette disposition, qui n'exclut nullement qu'un candidat qui aurait dépassé le
plafond des dépenses électorales ait à reverser au Trésor public le montant de
ce dépassement, vise uniquement à conférer au Conseil constitutionnel un
pouvoir de modulation quant au montant à rembourser.
Cette faculté est justifiée par la nature et l'étendue de la campagne et par
l'importance des sommes éventuellement en cause.
Il convient enfin de noter qu'il n'est pas normal, s'agissant de l'élection
présidentielle, pour laquelle le Conseil constitutionnel est à la fois juge des
comptes et juge de l'élection, de reconnaître à celui-ci un pouvoir
d'appréciation de la bonne foi du candidat, pouvoir dont dispose le juge
administratif pour les autres élections.
Le Gouvernement attire toutefois l'attention du Sénat sur le fait que
l'amendement adopté par l'Assemblée nationale en première lecture tendait à
aligner sur ce point l'élection présidentielle sur les autres élections.
Dans ces conditions, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Parlement, car
il pense qu'il faudra trouver une éciture commune sur ces matières, et il
souhaite vivement que l'on y parvienne.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5.
M. Robert Bret
Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
M. le président.
« Art. 3. - Le troisième alinéa du III de l'article 3 de la même loi est ainsi
modifié :
« 1° Dans la première et la troisième phrases, les mots "troisième alinéa"
sont remplacés par les mots : "cinquième alinéa" ;
« 2° La deuxième phrase est supprimée ;
« 3° L'alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les agents de l'administration des impôts sont déliés du secret
professionnel à l'égard des membres du Conseil constitutionnel et de ses
rapporteurs adjoints à l'occasion des enquêtes qu'ils effectuent pour contrôler
les comptes de campagne des candidats à l'élection du Président de la
République. » -
(Adopté.)
Article 3 bis
M. le président.
« Art. 3
bis.
- Le III de l'article 3 de la même loi est complété par
un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque, dans le cadre d'une procédure judiciaire, des faits relatifs aux
dépenses électorales d'un candidat apparaissent, le parquet en informe le
Conseil constitutionnel. Si ce dernier a déjà rendu, depuis moins de trois ans,
sa décision sur le compte de campagne dudit candidat, sur le fondement des
alinéas précédents, et qu'il estime que ces faits sont de nature à modifier sa
décision, il procède au réexamen de ce compte. A l'issue de ce nouvel examen,
s'il constate un dépassement du plafond prévu au deuxième alinéa du II du
présent article, les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 52-15 du
code électoral sont applicables. En outre, si le candidat a bénéficié du
remboursement total ou partiel des dépenses retracées dans son compte de
campagne, il est tenu de le reverser au Trésor public. Cette somme est
recouvrée comme les créances de l'Etat étrangères à l'impôt et au domaine. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 6 est présenté par M. Bonnet, au nom de la commission.
L'amendement n° 11 est déposé par M. Charasse et les membres du groupe
socialiste et apparentés.
Tous deux tendent à supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 6.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
M. Charasse a eu, me semble-t-il, un qualificatif pour
évoquer la disposition adoptée par l'Assemblée nationale : « horrible »...
M. Michel Charasse.
Je n'ai pas trouvé d'autre mot !
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
En réalité, l'article 3
bis
tel qu'il nous vient de
l'Assemblée nationale prévoit la possibilité d'un réexamen d'un compte de
campagne malgré son approbation par le Conseil constitutionnel.
Je l'ai dit, de nombreux arguments pourraient être avancés pour démontrer
qu'une telle disposition n'est pas raisonnable. Cependant, entre « raisonnable
» et « constitutionnelle », il y a une très grande différence. Le fait que
cette mesure soit contraire à l'article 62 de la Constitution apparaît
dirimant.
S'agirait-il, pour le parquet, de transmettre des faits dans le cas d'une
éventuelle remise en cause d'une décision qui, pourtant, s'impose à toutes les
juridictions ? S'agirait-il d'une autosaisine du Conseil constitutionnel, que
nous, législateur organique, n'avons absolument pas la possibilité d'instituer
?
La commission des lois a estimé qu'il était de beaucoup préférable d'améliorer
les conditions du contrôle du Conseil constitutionnel, ce à quoi la haute
instance s'est elle-même attachée dans ses recommandations du 22 juin
dernier.
M. le président.
La parole est à M. Charasse, pour présenter l'amendement n° 11.
M. Michel Charasse.
Je n'avancerai pas des arguments très différents de ceux qui ont été
développés par la commission des lois, que j'approuve d'ailleurs.
Moi, je crois que, sur l'article 3
bis
, le Conseil constitutionnel a
déjà donné une réponse puisque, dans sa décision du 12 juillet 2000, que M. le
ministre connaît bien car elle concerne les élections à Paris, le Conseil
constitutionnel a déclaré : « Considérant qu'aux termes du second alinéa de
l'article 62 de la Constitution les décisions du Conseil consititutionnel ne
sont susceptibles d'aucun recours et qu'aucune disposition de la Constitution
ne prévoit de recours en révision contre ses décisions... ». Cela veut dire que
la loi organique, qui est inférieure à la loi constitutionnelle, ne saurait
créer une procédure qui ne peut l'être que par la Constitution, et qui serait
d'ailleurs une procédure abominable sur le plan des principes. Je n'insiste
pas.
J'ajoute que l'auteur de cet amendement, tout emporté par sa passion et,
peut-être, par la haine qu'il voue à l'institution, bien qu'étant avocat - mais
on n'est pas forcément bon juriste quand on est avocat, les avocats qui siègent
au Sénat m'excuseront puisque ce n'est plutôt pas leur cas... mais passons... -
a oublié que, si une procédure judiciaire est en cours, celle-ci peut aboutir,
indépendamment de la décision du Conseil constitutionnel, à une condamnation
pénale, éventuellement assortie d'une inéligibilité.
Mais il ne faut pas mélanger les deux procédures : l'une est une procédure
administrative, qui juge le compte de campagne ; l'autre est la procédure
pénale. Si des éléments ont échappé au Conseil constitutionnel le jour où il a
approuvé les comptes, la justice, elle, n'est pas soumise aux mêmes contraintes
ni aux mêmes délais et, surtout, elle a des moyens de coercition dont le
Conseil constitutionnel ne dispose pas.
Par conséquent, l'article 3
bis
, s'il devait être maintenu, serait
annulé sans pitié par le Conseil constitutionnel, et sans même que les membres
du Conseil aient besoin d'avoir une pensée tendre ou « vacharde » pour son
auteur.
Cela étant dit, je retire l'amendement n° 11, car c'est le même que celui qui
a été présenté par la commission.
M. le président.
L'amendement n° 11 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 6 ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Cet amendement vise à supprimer l'article 3
bis,
qui résulte d'un amendement adopté en première lecture à
l'Assemblée nationale.
Cet article permet au Conseil constitutionnel de procéder, s'il le souhaite,
au réexamen du compte de campagne d'un candidat à l'élection présidentielle
lorsque des faits nouveaux apparus dans le cadre d'une procédure judiciaire lui
ont été communiqués par le parquet. En cas de réexamen, si le Conseil
constitutionnel constate un dépassement du plafond des dépenses électorales, il
doit exiger le reversement au Trésor public du montant en cause ainsi que la
restitution, par le candidat, du remboursement forfaitaire.
Ce dispositif ne manque pas de soulever plusieurs difficultés. Je ne citerai
que les deux plus sérieuses.
Du point de vue constitutionnel, l'article 62 de la Constitution et la
jurisprudence du Conseil constitutionnel semblent exclure toute possibilité de
révision des décisions rendues par celui-ci, à l'exception, bien sûr, de la
procédure de révision pour correction d'erreur matérielle.
Par ailleurs, le dispositif retenu ne prévoit la transmission des faits
nouveaux au Conseil constitutionnel que dans le cas d'une procédure judiciaire.
Le parquet étant seul juge de l'opportunité des poursuites, ce dispositif
risque d'entraîner une inégalité de traitement entre les candidats.
Pour ces raisons, le Gouvernement s'en remet, là encore, à la sagesse du
Parlement... n'ignorant pas le vote que vous allez maintenant émettre.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Et celui que l'Assemblée nationale a émis, puisque vous avez,
pour la troisième fois, parlé de la sagesse du « Parlement » !
M. Michel Charasse.
C'est un grand ministre !
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 3
bis
est supprimé.
Article 4
M. le président.
« Art. 4. - Le V de l'article 3 de la même loi est ainsi modifié :
« 1° Au deuxième alinéa, les mots : "d'un million de francs" sont remplacés
par les mots : "de 153 000 euros" ;
« 2° Au troisième alinéa, les mots : "au quart dudit plafond" sont remplacés
par les mots : "à la moitié dudit plafond" ;
« 3° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Le remboursement forfaitaire prévu à l'alinéa précédent n'est pas accordé
aux candidats qui ne se sont pas conformés aux prescriptions des deuxième et
cinquième alinéas du II ci-dessus ou à ceux dont le compte de campagne a été
rejeté. »
Par amendement n° 12, M. Badinter et les membres du groupe socialiste et
apparentés proposent de supprimer le troisième alinéa (2°) de cet article.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Cet amendement vise à supprimer le troisième alinéa, c'est-à-dire le 2°, de
l'article 4. Il s'agit de supprimer la modification, qui n'a pas été suggérée
par le Conseil constitutionnel - c'est le point auquel je faisais allusion tout
à l'heure, mais qui se retrouve dans ce projet de loi - portant du quart à la
moitié du plafond la somme qui est remboursée aux candidats qui obtiennent plus
de 5 % du total des suffrages exprimés au premier tour de l'élection
présidentielle.
Notre collègue M. Badinter a exposé longuement à la commission des lois
combien il était préoccupé, tout comme mes amis du groupe socialiste, par cette
disposition. D'abord, celle-ci générerait un coût supplémentaire très élévé,
alors que l'élection présidentielle coûte bien cher, et nous conduirait vers
des excès tout à fait fâcheux.
M. Robert Badinter a souligné, à juste titre, que nous favorisons le coût
toujours accru des campagnes électorales - l'américanisation en quelque sorte -
au détriment du contribuable, sans qu'il en résulte un réel progrès pour la
démocratie.
Cette disposition favorise les candidats peu représentatifs, c'est-à-dire ceux
que l'on appelle les « petits candidats », qui, souvent, « polluent » beaucoup
le scrutin, et, surtout, les candidats « sans espoir », qui utilisent l'argent
du contribuable pour se payer à bon compte une campagne qui n'a rien à voir
avec l'élection présidentielle, raciste, xénophobe, violente, extrémiste...
tout ce que vous voudrez.
Par conséquent, l'amendement proposé, sur l'initiative de M. Badinter, par le
groupe socialiste vise tout simplement à maintenir la situation existante, sans
aller l'aggraver.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
La commission a entendu M. Badinter, qui, avec le talent qui
est le sien et ce brin de passion qui nous incite à toujours l'écouter avec
intérêt, s'est opposé à l'augmentation du plafond de remboursement des
dépenses. Ce plafond, fixé par la loi à 25 % et qui avait été porté, à titre
dérogatoire, pour des raisons circonstancielles, à 36 % en 1995, devrait, aux
termes du projet de loi qui nous est soumis, s'élever à 50 %, par analogie avec
le pourcentage qui est retenu pour l'ensemble des scrutins politiques.
Cette question a donné lieu en commission à un large débat. En effet, le sujet
n'est pas indifférent.
A titre personnel, je ne suis pas enclin à amplifier inconsidérément les
dépenses, ceux qui me connaissent le savent bien. Il n'en reste pas moins que,
en l'occurrence, il faut considérer les chiffres.
Si l'amendement de M. Badinter était retenu, cela donnerait - et la précision
est importante, je le dis à M. Charasse, qui parle des candidats plus ou moins
« fantaisistes » ; il n'a pas employé ce terme, mais c'est un peu ceux qu'il
visait -...
M. Michel Charasse.
Vous lisez bien dans mes pensées, monsieur le rapporteur !
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
N'est-il pas ?
Cette possibilité de remboursement concerne les candidats qui ont obtenu au
moins 5 % des suffrages exprimés.
M. Michel Charasse.
Montebourg, candidat !
M. Christian Bonnet,
rappporteur.
L'amendement de M. Badinter vise à maintenir le taux de 25
%, c'est-à-dire non pas le taux de 1995, mais le taux de 1988. Avec ce taux, on
aboutit, pour les candidats au premier tour qui ont obtenu plus de 5 % des
suffrages exprimés, à 23 590 000 francs et, pour les deux candidats qui
figurent au second tour, à 31 510 000 francs, somme qui apparaît relativement
faible, même aux yeux de ceux qui ont horreur de ce type de dépenses, et j'en
suis.
En appliquant les dispositions dérogatoires retenues pour l'élection
présidentielle de 1995, on aboutirait à 32 400 000 francs pour les candidats du
premier tour et à 43 200 000 francs pour les candidats du second tour.
La commission a été sensible au fait de permettre à des personnes qui n'ont
pas beaucoup de moyens de se faire rembourser. Imaginez qu'un candidat ayant
obtenu 5 % des suffrages exprimés, c'est-à-dire qui a retenu l'attention d'un
nombre non indifférent d'électeurs, ait dépensé 200 000 francs. Il est plus
intéressant pour lui de recevoir, au titre du remboursement, 100 000 francs que
50 000 francs. C'est une des raisons qui ont amené la commission à ne pas
retenir l'argumentation de M. Badinter aboutissant à l'amendement n° 12.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
L'amendement n° 12, présenté par M. Badinter et
défendu par M. Michel Charasse, appelle, de la part du Gouvernement, à peu près
les mêmes remarques que celles de M. le rapporteur.
Cet amendement a pour objet de supprimer la modification du plafond de
remboursement des dépenses électorales pour un candidat ayant obtenu plus de 5
% des suffrages, que le projet de loi prévoit de porter de 25 % à 50 %. Le taux
de remboursement actuellement en vigueur, à savoir 25 %, n'a jamais été
appliqué à l'élection présidentielle puisque la dernière élection
présidentielle s'est déroulée sous un régime transitoire, avec un taux de
remboursement de 36 %.
M. Michel Charasse.
Oui !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Ce taux dérogatoire était justifié par le fait
que, la loi du 19 janvier 1995 ayant été adoptée moins de quatre mois avant
l'élection présidentielle, l'interdiction des dons des personnes morales
n'avait pu s'appliquer, puisque les candidats avaient commencé à recueillir de
tels dons.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Voilà !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
De plus, le montant du plafond des dépenses de
campagne ayant été abaissé en 1995, le taux transitoire de 36 % permettait de
maintenir le montant des remboursements en valeur absolue. Si le taux de
remboursement par l'Etat était maintenu à 25 %, il serait alors inférieur à
celui qui était pratiqué en 1995, alors même que des dons d'entreprises avaient
pu être recueillis à l'occasion de cette élection.
Le maintien d'une telle disposition favoriserait par ailleurs les candidats
qui disposent d'une fortune personnelle ou du soutien d'un parti politique
capable de prendre à sa charge une part prépondérante des défenses de campagne.
Le surcoût de cette mesure doit être apprécié au regard de cette réalité
financière plus large qui démontre que tous les candidats ne seraient pas en
mesure de mener une campagne nationale sous un tel régime.
Par ailleurs, ce taux de 25 % est inférieur de moitié à celui qui est retenu
pour toutes les autres élections. Or, le souci d'harmonisation du droit et
d'application du même régime à toutes les élections conduit le Gouvernement à
demander la suppresion de cette minoration qui n'a plus aucune raison légitime
de subsister, et donc à porter le taux à 50 % pour les seuls candidats ayant
obtenu plus de 5 % des suffrages. Comme vous le souligniez à l'instant,
monsieur le rapporteur, ce pourcentage n'est pas minime au regard de la
population française et des électeurs inscrits - je réponds ainsi à M.
Charasse.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet
amendement.
M. Pierre Fauchon,
vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de législation,
du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Je
demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le vice-président de la commission.
M. Pierre Fauchon,
vice-président de la commission.
A l'appui des propos qui ont été tenus
et au-delà des analyses chiffrées auxquelles a procédé M. le rapporteur, je
crois devoir attirer l'attention du Sénat sur la signification de la mesure qui
est proposée par M. Badinter, laquelle m'étonne d'ailleurs venant de sa part et
de ses collègues. Si j'osais, je qualifierais cet amendement d'« oligarchique
», car il réserverait à ceux qui ont des moyens ou des « amis » - et vous et
vos collègues devez être attentifs à ce point, monsieur Charasse, surtout vous,
si j'ose dire - la possibilité de se lancer dans l'aventure d'une campagne
présidentielle.
L'élection du Président de la République au suffrage universel est un fait :
c'est, que l'on s'en réjouisse ou qu'on le regrette - la question, à mon avis,
reste entière -, le fait dominant de notre vie publique.
Est-il normal que, dans ce fait dominant de notre vie publique, interviennent
non seulement les personnes porteuses des gros bataillons électoraux
traditionnels et enrégimentés de la politique officielle, mais aussi des
personnes porteuses de messages sans doute particuliers, éventuellement
surprenants, mais qui ouvrent peut-être les voies de l'avenir ? Ce ne sont pas
forcément des fous ; ce sont quelquefois des personnes ayant raison avant
d'autres, ou mettant l'accent sur certains aspects des problèmes sur lesquels
on n'attire pas suffisamment l'attention. Nous savons combien les vérités sont
quelquefois extrêmement minoritaires dans le suffrage universel. Il est
néanmoins nécessaire qu'elles s'expriment, et il est légitime que ceux qui
souhaitent les exprimer dans ce grand rendez-vous démocratique qu'est
l'élection présidentielle puissent le faire.
Il faut, certes, nous mettre à l'abri des « originaux ». Mais, pour obtenir 5
% des suffrages exprimés, ce qui n'est pas rien, il faut tout de même drainer
un certain courant de confiance et obtenir le nombre de signatures requises. Il
faut aussi avancer l'argent, que l'on n'est pas obligé de dépenser en totalité.
Par conséquent, nous sommes assurés de ne pas aider des candidatures
ridicules.
Par conséquent, allons-nous, spécialement pour cette élection, abaisser le
taux de remboursement à un niveau inférieur à ce qu'il est pour les autres
élections et pratiquer ainsi une discrimination au détriment de ce grand
rendez-vous démocratique ?
Cet amendement, je le répète, me semble avoir un côté un peu oligarchique qui
m'étonne. La commission l'a également ressenti ainsi. Par conséquent,
considérant qu'il ne faut pas pratiquer de discriminations, elle émet un avis
défavorable sur ce texte.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 12.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
J'ai bien entendu ce qu'ont dit le rapporteur, le ministre et le
vice-président de la commission des lois. Je ne me suis sans doute pas exprimé
d'une façon suffisamment explicite tout à l'heure.
Je ne méconnais pas que le dispositif proposé sur l'initiative de M. Badinter,
par sa brutalité, peut conduire effectivement aux observations que nous avons
entendues ce matin. Mais, mes chers collègues, je souhaiterais vraiment que la
question soit également posée à l'Assemblée nationale et fasse l'objet, dans
cette assemblée, d'un débat qui serait, à mon avis, aussi utile qu'ici. Or,
pour ce faire, l'amendement n° 12 doit être adopté.
M. Pierre Fauchon,
vice-président de la commission.
Il est malin !
M. Michel Charasse.
Comme je l'ai dit dans la discussion générale tout à l'heure, nous ne sommes
pas, par principe, contre ce qu'on appelle les « petits candidats », même si
cette appellation peut être péjorative. Et M. Fauchon a raison de dire qu'on ne
peut pas « gélifier » complètement la situation en empêchant toute émergence
d'idées nouvelles, de thèmes nouveaux, etc.
Mais le problème n'est pas là ! Ce qui me paraît tout à fait choquant, en
effet, c'est que les contribuables financent certains candidats qui, au regard
des principes de la République, tiennent un discours tel qu'ils ne sont pas
dignes de participer à l'élection présidentielle.
M. Robert Bret.
C'est encore une autre question !
M. Pierre Fauchon,
vice-président de la commission.
Formule redoutable !
M. Michel Charasse.
Je vous avouerai franchement que le contribuable que je suis est gêné d'être
amené à financer un certain nombre de choses !
Monsieur Fauchon, l'adoption de cet amendement n° 12 présenterait, à mon avis,
un intérêt pour la navette, car l'article 4 de la Constitution stipule que «
les partis et groupements politiques... exercent leur activité librement »,
mais qu'« ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et
de la démocratie ». Pourquoi ne pas imposer la même règle aux candidats,
s'agissant de leurs thèmes de campagne, étant entendu que, dans ce cas, il
faudrait au moins qu'une disposition de la loi organique assure une
coordination avec l'article 4 ? On n'empêcherait pas les candidats ne
respectant pas les principes sus-mentionnés de se présenter, mais on ne les
rembourserait pas, ce qui n'est pas tout à fait la même chose...
M. Pierre Fauchon,
vice-président de la commission.
L'oligarchie se renforce...
M. Michel Charasse.
Non, pas l'oligarchie ! Il est quand même extraordinaire de voir comment,
lorsque la liberté dans un pays n'est pas menacée, les hommes publics sont
parfois naïfs et confiants sur des questions essentielles qui touchent à sa
préservation. Comme si nous n'avions pas été vaccinés tout au long du xxe
siècle à force de voir surgir l'inattendu auquel personne ne pensait. Je crois,
monsieur Fauchon, que, comme l'a dit François Mitterrand, « il n'est pas de
bonnes blessures pour la liberté ; toutes sont mortelles ». Par conséquent, je
me méfie d'un certain nombre de discours et de la complaisance avec laquelle on
les accueille, compte tenu de l'influence de ce que j'appellerai « les temps
modernes » sur l'esprit public.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Je suis étonné d'entendre M. Charasse développer un thème qui
me paraît être celui d'une censure, celui de « la » censure.
M. Michel Charasse.
Mais comment interprétez-vous l'article 4 de la Constitution ?
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 12, repoussé par le Gouvernement et par la
commission.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 7, M. Bonnet, au nom de la commission, propose de rédiger
ainsi le texte présenté par le III de l'article 4 pour le dernier alinéa du V
de l'article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 :
« Le remboursement forfaitaire prévu à l'alinéa précédent n'est pas accordé
aux candidats qui ne se sont pas conformés aux prescriptions des deuxième et
cinquième alinéas du II ci-dessus ou à ceux dont le compte de campagne a été
rejeté, sauf décision contraire du Conseil constitutionnel dans les cas où la
méconnaissance des dispositions applicables serait non intentionnelle et de
portée très réduite. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 13, présenté par M.
Charasse, et tendant, à la fin du dernier alinéa du texte proposé par
l'amendement n° 7, à remplacer les mots : « non intentionnelle et de portée
très réduite » par les mots : « non intentionnelle ou de portée très réduite
».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 7.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Cet amendement concerne le pouvoir d'appréciation du Conseil
constitutionnel sur les conséquences, au regard du droit au remboursement
forfaitaire par l'Etat, d'une méconnaissance de la législation concernant les
comptes de campagne.
La disposition proposée à l'article 4 du projet de loi initial, rejetée par
l'Assemblée nationale, a été recommandée par le Conseil constitutionnel pour
éviter de le conduire à prendre des décisions dont les effets seraient «
disproportionnés, contraires à l'équité ».
Actuellement, un compte de campagne qui n'a pas été déposé dans les conditions
et délais requis ou qui a été rejeté, tout comme un dépassement de plafond de
dépenses, entraîne la privation de la totalité du financement public de la
campagne, hors campagne officielle, sans que le Conseil constitutionnel puisse
porter une quelconque appréciation.
En d'autres termes, faute de toute marge d'appréciation, une infraction à la
législation sur le financement des campagnes entraîne la privation de la
totalité du financement public, lequel peut atteindre, pour un candidat ayant
obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés, la somme de 47 millions de francs
et, pour chacun des deux candidats présents au second tour, 63 millions de
francs.
Le projet de loi initial aménage une marge d'appréciation. L'Assemblée
nationale a écarté l'institution de tout pouvoir d'appréciation, et la
commission des lois du Sénat, après en avoir très largement délibéré, a
considéré que, s'il convenait, certes, de tenir compte des caractéristiques
particulières de l'élection présidentielle, organisée à l'échelle de l'ensemble
du territoire national et non d'une circonscription locale, il convenait
cependant de fixer la marge d'appréciation dans des limites plus strictes que
celles qu'avait prévues le Gouvernement dans la rédaction initiale. Elle
propose donc de substituer les mots : « non intentionnelle et de portée très
réduite » aux mots : « non intentionnelle ou de portée très réduite ». Ces
conditions seraient alors cumulatives et non plus simplement alternatives, et
il appartiendrait au Conseil constitutionnel de fixer la part des dépenses
prise en charge, dans la limite fixée par la loi.
M. le président.
La parole est à M. Charasse, pour présenter le sous-amendement n° 13.
M. Michel Charasse.
Au fond, c'est une querelle entre le « et » et le « ou », à la fin de
l'amendement n° 7.
M. le président.
Querelle aussi ancienne que le droit !
M. Michel Charasse.
En effet, la commission des lois propose, à une différence près, de rétablir
la fin du texte présenté dans le projet de loi initial, pour le dernier alinéa
du V de l'article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962, supprimée par
l'Assemblée nationale : en effet, alors que le projet de loi initial, qui
découlait des observations et des suggestions du Conseil constitutionnel, se
référait au rejet du compte de campagne dans les cas où la méconnaissance des
dispositions relatives au financement serait « non intentionnelle ou de portée
très réduite », la commission des lois vise, quant à elle, les cas où cette
méconnaissance serait « non intentionnelle et de portée très réduite ». Par
conséquent, le texte initial prévoyait l'une ou l'autre condition, alors que le
texte résultant des travaux de la commission fait référence à deux conditions
cumulatives.
Je ne comprends pas pourquoi l'on souhaite réduire à ce point la marge
d'appréciation du Conseil constitutionnel alors que le Conseil d'Etat, quant à
lui, a, pour d'autres élections, une marge d'appréciation absolument totale,
celle-ci lui permettant de retenir à la fois le caractère intentionnel ou pas
et la portée très réduite ou pas. Si l'amendement n° 7 est adopté en l'état, la
méconnaissance devra donc être non intentionnelle et de portée très réduite, ce
qui restreindra la compétence du Conseil constitutionnel.
Mes chers collègues, je pense que le Conseil constitutionnel, compte tenu des
attaques qu'il subit depuis quelque temps - et pas seulement hier dans
Le
Monde
- sera particulièrement rigoureux lors de la prochaine élection
présidentielle au point, si cet amendement est adopté, de rejeter le compte de
campagne, même si la portée est extrêmement réduite, s'il trouve si peu que ce
soit quelque chose d'intentionnel.
Je prendrai un exemple simple : imaginez qu'un Président de la République soit
candidat à sa propre réélection et qu'un Premier ministre soit candidat à
l'élection présidentielle.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Pure hypothèse de travail !
M. Roger Lagorsse.
Hypothèse d'école !
M. Michel Charasse.
Pure hypothèse !
Chacun est dans sa voiture de fonction, et la permanence électorale téléphone
: on utilise le téléphone de la voiture ; on rentre d'urgence à son bureau, car
il faut réagir très vite, et, comme on n'a pas la possibilité de se rendre à sa
permanence, on utilise le fax du bureau. Cela se sait...
C'est intentionnel, puisqu'on l'a fait sciemment, en sachant très bien qu'on
utilisait non pas le téléphone payé sur le compte de campagne, mais celui de la
fonction.
C'est certes de portée très réduite, mais, comme c'est intentionnel, le
Conseil constitutionnel rejettera le compte de campagne. Et ce n'est pas un cas
d'école, parce que, à mon avis,...
M. Hilaire Flandre.
Ça va arriver !
M. Michel Charasse.
... cela peut arriver, et tout le monde sera très vigilant, surtout que l'on a
reproché au Conseil constitutionnel la bienveillance dont il aurait pu faire
preuve à l'occasion du jugement sur certains comptes de campagne des
précédentes élections présidentielles.
Par conséquent, mes chers collègues, il n'était pas innocent que le projet
initial comporte le mot : « ou ».
Et je préférerais, pour être complètement rassuré et pour donner au Conseil
constitutionnel la même marge d'appréciation que celle dont dispose le Conseil
d'Etat pour d'autres élections, que l'on en revienne purement et simplement au
texte initial, afin d'éviter des retours de bâton que, les uns et les autres,
nous pourrions regretter.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement ?
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
La commission a, tout naturellement, émis un avis défavorable
sur ce sous-amendement, dans la mesure où il est contraire à l'amendement
qu'elle a défendu.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement et sur le sous-amendement
?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Le Gouvernement est favorable à l'amendement et,
du coup, défavorable au sous-amendement.
L'amendement tend à réintroduire, tout en l'aménageant, une disposition
figurant dans le projet de loi organique initial et qui confère au Conseil
constitutionnel un pouvoir d'appréciation pour l'application de la règle selon
laquelle le remboursement forfaitaire des dépenses de campagne n'est pas
effectué aux candidats qui ont dépassé le plafond des dépenses qui ont adressé
leur compte de campagne au Conseil constitutionnel plus de deux mois après
l'élection ou dont le compte de campagne a été rejeté - soit trois cas de
figure.
Le pouvoir d'appréciation reconnu au Conseil constitutionnel par le présent
amendement est strictement encadré, puisqu'il ne s'appliquerait que lorsque la
méconnaissance des prescriptions légales est à la fois non intentionnelle et de
portée très réduite.
Le Gouvernement estime que cet amendement, adopté par la commission des lois
sur la suggestion de M. Badinter, est un bon compromis, les conditions posées
pour que s'exerce le pouvoir d'appréciation du Conseil constitutionnel devenant
cumulatives et non plus alternatives.
Outre le fait qu'il ne concernerait, dans ces conditions, qu'un nombre très
limité de cas, ce dispositif permettrait d'éviter d'appliquer la sanction
disproportionnée du non-remboursement de sommes au demeurant très importantes
pour des irrégularités mineures. Par exemple, le simple oubli de
comptabilisation d'une dépense minime, qui peut résulter d'une initiative
locale mal maîtrisée par le candidat, peut entraîner le rejet du compte sans
justifier néanmoins une sanction financière de plusieurs dizaines de millions
de francs.
Pour autant, la double condition mise au pouvoir d'appréciation du Conseil
constitutionnel est de nature à inciter les candidats à un réel contrôle des
initiatives prises lors de la campagne.
Voilà pourquoi, eu égard aux particularités de l'élection présidentielle, le
Gouvernement, je le répète, est favorable à l'amendement présenté par la
commission.
Quant au sous-amendement présenté par M. Charasse, il vise à réintroduire une
disposition qui figurait dans le texte initial du projet de loi organique.
Or, si le projet de loi initial prévoyait de conférer au Conseil
constitutionnel un pouvoir d'appréciation dans les cas où la méconnaissance des
prescriptions légales serait non intentionnelle ou de portée très réduite,
l'amendement n° 7, s'il était adopté, comme je viens de le suggérer,
encadrerait ce pouvoir d'appréciation.
En effet, aux termes de cet amendement, les conditions posées pour que
s'exerce le pouvoir d'appréciation du Conseil constitutionnel sont devenues
cumulatives et non plus alternatives.
Le Gouvernement ayant considéré que cette modification constituait une avancée
positive, il est, par conséquent, défavorable au sous-amendement présenté par
M. Charasse.
M. le président.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 13.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
D'abord, je note que l'on ne répond pas à la question que j'ai posée. J'aurais
bien aimé, notamment, entendre M. le ministre me dire ce qu'il pensait de mon
exemple téléphonique. Cela risque-t-il d'arriver ou pas ? Si ce n'est pas
intégré dans le compte de campagne, si on est en dépassement, le compte de
campagne est rejeté !
Mes chers collègues, n'oubliez pas que le combat politique, aujourd'hui,
notamment au niveau de la présidence de la République, est marqué très
largement, de la part de certains, par la férocité, la mesquinerie, la
vengeance, la délation. Par conséquent, il faut prendre des précautions.
Par ailleurs, je n'arrive pas à comprendre pourquoi ce que fait le Conseil
d'Etat pour les élections cantonales, municipales, régionales ou au Parlement
européen, et que l'on trouve très bien, il serait très mal que le Conseil
constitutionnel le fasse pour l'élection présidentielle !
De plus, monsieur le ministre, cher ami, je rappelle que c'était le texte
originel du Gouvernement, celui qui avait été approuvé par le Conseil d'Etat,
sur lequel tout le monde était d'accord. Que s'est-il passé entre-temps ? Un
vent mauvais a-t-il soufflé du côté de l'Assemblée nationale, porté par des
considérations qui ne sont certainement pas juridiques ?
Je dis simplement qu'il faut donner au Conseil constitutionnel la plus grande
souplesse pour écarter toutes les actions qui pourraient être menées avec des
arrière-pensées qui ne respecteraient pas l'application stricte et rigoureuse
de la loi.
C'est la raison pour laquelle, monsieur le président, je maintiens mon
sous-amendement, persuadé que, s'il n'est pas adopté, l'avenir me donnera
raison.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
M. le ministre a, à plusieurs reprise, insisté sur le mot «
Parlement ». La commission des lois a eu le sentiment que, peut-être, un accord
pourrait intervenir « au sein du Parlement » sur la formule qu'elle a
adoptée...
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 13, repoussé par la commission et par
le Gouvernement.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 7, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4, ainsi modifié.
(L'article 4 est adopté.)
Article additionnel après l'article 4
M. le président.
Par amendement n° 8, M. Bonnet, au nom de la commission, propose d'insérer,
après l'article 4, un article additionnel ainsi rédigé :
« A la fin du deuxième alinéa de l'article 16 de la loi organique n° 76-97 du
31 janvier 1976 sur le vote des Français établis hors de France pour l'élection
du Président de la République, la somme : "500 000 francs" est remplacée par la
somme : "75 000 euros". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Cet amendement très simple tend à convertir en euros l'amende
prévue en cas d'infraction aux dispositions relatives au vote des Français
résidant à l'étranger pour l'élection présidentielle.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 4.
Article 5
M. le président.
« Art. 5. - I. - Les dispositions de l'article 1er concernant les conseillers
régionaux entreront en vigueur à compter de la date du prochain renouvellement
de chaque conseil régional selon les modalités prévues par les articles 2 à 9
de la loi n° 99-36 du 19 janvier 1999 relative au mode d'élection des
conseillers régionaux et des conseillers à l'Assemblée de Corse et au
fonctionnement des conseils régionaux. L'Assemblée de Corse procédera à la
répartition prévue au I de l'article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962
précitée dans le mois qui suivra la publication de la présente loi.
« II. - Les modifications apportées par les articles 2 et 4 de la présente loi
respectivement au deuxième alinéa du II et au deuxième alinéa du V de l'article
3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 précitée entreront en vigueur le 1er
janvier 2002. »
Par amendement n° 9, M. Bonnet, au nom de la commission, propose, dans le II
de cet article, après les mots : « loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 précitée
», d'insérer les mots : « et par l'article additionnel après l'article 4 de la
présente loi à l'article 16 (deuxième alinéa) de la loi organique n° 76-97 du
31 janvier 1976 sur le vote des Français établis hors de France pour l'élection
du Président de la République ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
C'est un simple amendement de coordination avec l'amendement
que nous venons d'adopter à l'instant.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 5, ainsi modifié.
(L'article 5 est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi organique.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public est de
droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du
règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 315 |
Nombre de suffrages exprimés | 315 |
Majorité absolue des suffrages | 158 |
Pour l'adoption | 315 |
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures vingt-cinq, est reprise à seize heures cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
4
RAPPEL AU RÈGLEMENT
M. Christian Bonnet.
Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président.
La parole est à M. Bonnet.
M. Christian Bonnet.
Monsieur le président, vous me permettrez de m'étonner qu'un sujet qui
intéresse beaucoup d'élus et qui pose à certains des problèmes de conscience
puisse être évoqué à seize heures, un mardi veille de jour férié.
Ce matin - je le rappelle - en présence de M. Vaillant, ministre de
l'intérieur, et en dépit du conseil des ministres, nous avons examiné un projet
de loi organique relatif à l'élection du Président de la République. Ce débat
s'est achevé à onze heures vingt-cinq. Nous aurions pu prolonger la séance
jusqu'à treize heures, ce qui aurait permis à ceux qui, s'étant inscrits dans
la discussion générale de la proposition de loi que nous allons examiner dans
quelques instants, ont des problèmes de transport pour rentrer chez eux, de
participer au débat. Tel ne sera pas le cas pour moi, et je tenais à souligner
à quel point je le regrette.
(M. Chérioux applaudit.)
M. le président.
Je vous donne acte de votre intervention, mon cher collègue.
Malheureusement, vous le savez comme moi, nous ne sommes pas maîtres de
l'ordre du jour prioritaire, qui est fixé par le Gouvernement. La conférence
des présidents ne peut, d'une certaine manière, que se soumettre aux oukases -
le mot est peut être excessif - de M. le ministre des relations avec le
Parlement. J'étais d'ailleurs de ceux qui pensaient que la séance aurait pu
être reprise à quinze heures, le 31 octobre étant peu propice aux réunions de
groupe, qui, traditionnellement, repoussent nos débats à seize heures. Une
autre décision a été prise. Je n'y peux rien. J'en suis navré pour tous ceux
qui, pour des problèmes de transport, aggravés parfois, aujourd'hui, par des
problèmes climatiques, sont conduits à prendre des précautions pour être sûrs
de pouvoir rentrer chez eux ce soir, ce que je comprends bien.
5
CONTRACEPTION D'URGENCE
Adoption d'une proposition de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi (n° 12,
2000-2001), adoptée par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence,
relative à la contraception d'urgence.
Rapport n° 49 (2000-2001) et rapport d'information n° 43 (2000-2001).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.
Monsieur le président,
monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, en 1975, par la
sagesse d'une majorité parlementaire et par le courage de Simone Veil, première
femme ministre de la santé, à qui je tiens à rendre un hommage chaleureux, la
France a adopté la voie de la justice en refusant que des milliers de femmes
continuent à avorter de façon clandestine au risque de leur vie et de leur
liberté ou en fuyant à l'étranger dans des conditions dramatiques de précarité
et de danger.
Cette voie, le philosophe André Comte-Sponville l'a qualifiée avec beaucoup de
finesse : « Nos concitoyens ont préféré la mesure, par nature relative, des
risques et des inconvénients. C'était la bonne voie. Elle débouche sur une
politique du moindre mal, de la moindre souffrance, de la moindre injustice,
bref sur ce que j'appellerais volontiers une politique laïque et profane : une
politique du compromis et de la solidarité. »
Au nom de l'ensemble du Gouvernement, je suis heureuse et fière de vous
engager aujourd'hui à poursuivre dans cette voie, une voie juste qui nous
permettra, en autorisant et en développant la contraception d'urgence, de ne
pas ajouter du désespoir à la souffrance, du malheur à ce qui est trop souvent
le fruit d'une erreur, et d'une erreur pardonnable lorsqu'il s'agit d'une
erreur de jeunesse.
Le Gouvernement félicite les parlementaires qui se sont emparés rapidement de
ce sujet qui nous tient à coeur. L'Assemblée nationale a déjà émis un vote
favorable à cette proposition de loi le 5 octobre dernier, rassemblant une très
large majorité, tous courants politiques confondus. Je ne doute pas que le
Sénat s'engage aussi dans cette voie.
Cette mobilisation s'est décidée à la suite de l'annulation par le Conseil
d'Etat, le 30 juin dernier, du protocole mis au point par Ségolène Royal, alors
qu'elle était ministre déléguée à l'enseignement scolaire, permettant
l'administration de la pilule du lendemain en cas de besoin aux adolescentes
par les infirmières en milieu scolaire.
Ce protocole, visant à protéger les toutes jeunes filles des risques de
grossesses précoces non désirées, suite à des rapports non protégés,
s'inscrivait dans une politique globale de prévention des situations à risque,
de diffusion de la meilleure information possible aujourd'hui en matière de
contraception et de maîtrise de la fécondité des femmes.
Faciliter l'accès aux nouveaux produits contraceptifs disponibles pour lutter
contre la survenue de grossesses non désirées, éviter ainsi les situations de
grandes difficultés qui en découlent - et notamment les interruptions
volontaires de grossesse précoce - cela constitue une priorité de santé
publique.
Pour la plus grande part d'entre nous, mettre un enfant au monde est l'un des
moments les plus importants dans la vie d'une femme : il doit le rester et,
surtout il doit le devenir pour toutes. Ce moment exceptionnel, porteur
d'espoir dans l'avenir, facteur d'équilibre et d'épanouissement, nous avons le
devoir de le préserver en permettant à nos filles d'éviter une grossesse non
désirée.
Ces grossesses non désirées sont encore beaucoup trop nombreuses dans notre
pays, notamment chez les adolescentes, et la majeure partie d'entre elles se
concluent par une interruption de grossesse, dont on sait le traumatisme
qu'elle peut représenter.
Les dernières statistiques ne sont guère rassurantes : 10 000 grossesses non
désirées chaque année chez les mineures, dont 7 000 aboutissent à une IVG ; un
taux de recours à l'IVG qui a plutôt tendance à augmenter chez les quinze -
dix-huit ans ; il est passé de 6 à 7 entre 1990 et 1997.
Selon l'Institut national d'études démographiques, les adolescentes
constituent aujourd'hui la principale population à risque de grossesse non
désirée.
Il s'agit là d'une situation dont nous ne pouvons nous satisfaire en termes de
santé publique, ni, bien sûr, en termes de liberté et d'accès aux droits
fondamentaux des femmes à disposer de leur corps, à maîtriser leur fécondité.
Cela justifie que les mesures les plus complètes soient prises pour faciliter
l'accès de toutes les femmes, y compris les mineures, aux progrès réalisés
récemment en matière de contraception.
C'est le sens de la politique active que nous avons engagée depuis plusieurs
mois en faveur de la contraception. J'aimerais vous en rappeler les principaux
éléments.
Alors qu'il n'y en avait pas eu depuis 1982, nous avons lancé en janvier
dernier une vaste campagne d'information sur ce sujet. Cette campagne de plus
de 20 millions de francs a ciblé en priorité les populations les plus
vulnérables : les jeunes, les femmes en difficulté d'insertion sociale ou
économique, les populations françaises d'outre-mer.
Le slogan majeur de cette campagne était : « La contraception... A vous de
choisir la vôtre ». Un tel slogan signifie que la contraception est désormais
une évidence, que l'heure n'est plus à se poser la question non plus de « la
contraception », mais de « quelle contraception ? », puisqu'il y a maintenant
un moyen de contraception différent et adapté à la situation de vie de chacune
et de chacun.
Cette campagne s'est accompagnée d'une déclinaison spécialement adaptée aux
départements d'outre-mer, déclinaison apparue nécessaire face au déficit majeur
d'information sur la contraception dans ces départements, spécialement chez les
jeunes.
Cette campagne dans les médias, qui a été relayée par plus d'un millier
d'initiatives locales, a pour objet d'organiser une information de proximité
sur la contraception, à partir d'un guide de poche diffusé à plus de 12
millions d'exemplaires, notamment dans les collèges et les lycées.
Enfin, exprimant sa volonté de continuer dans ce domaine, le Gouvernement a
décidé de poursuivre l'effort engagé en rediffusant d'ici à l'été prochain les
spots télévisés, en rééditant le guide de poche et en soutenant la valorisation
et l'aide aux actions locales.
Surtout, M. le Premier ministre, conscient de la nécessité de réitérer, année
après année, l'information sur la contraception, notamment pour qu'elle puisse
toucher les nouvelles générations d'adolescents qui arrivent à l'éveil
sentimental et sexuel, a adopté le principe d'une campagne régulière en faveur
de la contraception.
Nos efforts en faveur de la contraception ne se résument pas à cette seule
campagne d'information. Nous voulons en effet faciliter l'accès de toutes les
femmes à tous les contraceptifs disponibles sur le marché à travers plusieurs
dispositions.
Tout d'abord, Martine Aubry a fermement incité à la mise sur le marché des
premières pilules du lendemain : le Tétragynon, en décembre 1998, et le
NorLevo, en juin 1999.
Par ailleurs, nous avons récemment interpellé publiquement le laboratoire
fabriquant le NorLevo, qui avait décidé d'augmenter le prix de ce médicament de
20 %, pour le convaincre de revenir au prix antérieur.
Nous avons encore décidé, il y a quelques semaines, d'encadrer le prix de
vente public du stérilet, et fixé le remboursement à hauteur de ce prix de
vente. Désormais, la somme restant à la charge des femmes achetant un stérilet
en cuivre n'est plus que de 49,70 francs, au lieu de 255 francs
préalablement.
Nous avons également fait en sorte qu'un dossier de mise sur le marché d'un
générique de pilule de troisième génération remboursable par la sécurité
sociale soit prochainement soumis à l'Agence française de sécurité sanitaire
des produits de santé, l'AFSSAPS. Si l'agence conclut positivement sur ce
dossier - ce qui n'est pas encore totalement assuré, car les experts
s'interrogent sur la balance coût-avantage de ce médicament - une pilule de
troisième génération remboursée par la sécurité sociale devrait pouvoir être
disponible dès le premier trimestre de 2001. Elle répondra à l'attente de
nombreuses femmes qui sont persuadées de la supériorité du service médical
rendu par ces pilules généreusement promues par des laboratoires, mais pour
lesquelles ils n'ont jamais sollicité le listage, conservant ainsi la liberté
de prix et de publicité.
Rendre plus facile l'accès des adolescentes à la contraception d'urgence dans
les établissements scolaires procède de la même volonté politique.
Nous avons donc voulu répondre au désarroi de nombreuses jeunes filles
cherchant dans leur environnement quotidien une personne adulte à qui demander
conseil et assistance en cas de conduite imprudente. Les infirmières scolaires,
par leur disponibilité, par leur capacité d'écoute et par leur proximité, par
leur aptitude à évaluer la réalité des risques, par la possibilité qu'elles ont
d'éclairer la perspective d'une contraception ordinaire, régulière et
responsable, se sont imposées comme l'adulte de référence dans cette
situation.
C'était le sens du dispositif d'accès au NorLevo dans les collèges et les
lycées prévu par Ségolène Royal. C'est aussi celui de l'instruction que Jack
Lang vient d'adresser à tous les recteurs, inspecteurs d'académie, directeurs
départementaux de l'éducation nationale et chefs d'établissements publics
locaux d'enseignement, dans l'attente que l'ancien protocole puisse s'appuyer
sur une base légale incontestable, à la construction de laquelle nous nous
employons aujourd'hui.
C'est le sens de la proposition de loi dont nous sommes appelés à débattre
aujourd'hui.
La contraception d'urgence est une innovation récente en matière de
contraception.
Dans ce champ, le fait d'avoir recours à un dispositif contraceptif d'urgence
est une réelle innovation, qui est susceptible de faire reculer de manière
significative le nombre de grossesses non désirées et, par suite, le nombre
d'IVG.
Cette contraception d'urgence est une « pilule du lendemain » susceptible de
réduire considérablement le risque de grossesse qui suit un rapport sexuel non
ou mal protégé. Elle permet de réduire les conséquences d'une situation mal
évaluée, mal maîtrisée, et de s'inscrire dans une réflexion de responsabilité
sexuelle et de contraception régulière.
Il y a encore quelques mois, aucune pilule du lendemain n'était disponible en
France. La situation est différente aujourd'hui, puisque deux d'entre elles
sont désormais sur le marché : d'une part, le Tétragynon, association
oestro-progestative, qui comporte des contre-indications, notamment
cardio-vasculaires, identiques à celles de tous les produits comprenant des
dérivés oestrogéniques, et, d'autre part, le NorLevo, progestatif pur, à ce
titre beaucoup mieux toléré et sans aucun danger pour la santé.
Ces deux produits peuvent être pris sans examen gynécologique préalable.
Il faut surtout insister sur le fait qu'ils sont d'autant plus efficaces
qu'ils sont pris le plus précocement possible après le rapport non protégé. En
effet, leur efficacité diminue avec le temps : ainsi, le NorLevo, par exemple,
est efficace à 95 % s'il est pris dans les vingt-quatre premières heures et à
58 % seulement s'il est pris entre la quarante-huitième et la soixante-douzième
heure.
Ce sont ces deux caractéristiques tout à fait particulières du NorLevo - son
innocuité, d'une part, son efficacité « temps-dépendance », d'autre part - qui
nous ont conduits à décider, conformément à l'avis de l'AFSSAPS, qu'il pourrait
y être accédé sans prescription médicale.
Plus de cinq cent mille boîtes de NorLevo ont été vendues à ce jour, alors que
ce médicament n'est en vente que depuis quelques mois, ce qui confirme qu'il y
avait une réelle attente des femmes à l'égard de la contraception d'urgence. Le
recul n'est pas suffisant pour savoir quelles en seront les conséquences sur le
recours à l'IVG, mais nous en espérons les mêmes résultats que ceux qu'ont
obtenus nos voisins.
En Finlande, par exemple, où le taux de recours à l'IVG était particulièrement
élevé dans les années quatre-vingt - il était supérieur à vingt femmes pour
mille - il a diminué de plus de 50 % sur les dix années qui ont suivi la mise
sur le marché de la pilule du lendemain et, en 1997, moins de neuf femmes sur
mille ont eu recours à l'IVG.
Quant au taux de recours aux contraceptifs classiques, alors qu'il n'est que
de 80 % chez nous, il s'élève aujourd'hui à 95 %, tous âges confondus, en
Finlande.
Ce bon score est en partie lié, disent les experts, au fait que l'accès à la
pilule du lendemain favorise l'efficacité de la politique globale en faveur de
la contraception. Dans les pays où elle est disponible, elle n'a jamais diminué
le recours à la contraception classique, bien au contraire. Elle favorise la
prise de conscience que la contraception est un instrument de liberté et de
maîtrise de son destin. Elle favorise aussi le dialogue : à l'occasion du
recours à la contraception d'urgence, les femmes parlent de leur angoisse d'une
grossesse non désirée, de leur soulagement d'y échapper et de leurs
interrogations sur la contraception.
Le texte qui vous est proposé vise à introduire trois exceptions à la
législation actuelle sur les contraceptifs, et ce en faveur du seul NorLevo.
D'abord, il réaffirme qu'une prescription médicale n'est pas nécessaire à son
obtention.
Cette explicitation est nécessaire tant que nous n'aurons pas révisé
l'ensemble de la loi de 1967 relative à la régulation des naissances.
Est-il besoin de rappeler, dans cette enceinte, à qui nous devons cette loi,
qui a constitué une étape si importante dans la lutte pour le droit des femmes
? Il s'agit de M. le sénateur Neuwirth, que je salue et auquel je tiens à dire
une fois encore combien les femmes lui sont reconnaissantes de sa clairvoyance
et de son courage à une époque où il fallait pour cela bousculer bien des
préjugés.
Mme Nelly Olin.
Bravo !
M. Alain Gournac.
Bravo Lucien !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Cette loi a été véritablement « révolutionnaire ».
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen. - M. le président de la commission
applaudit également.)
Cependant, plus de trente ans après, elle nécessite d'être quelque peu
actualisée. En effet, elle confère notamment un statut particulier aux
contraceptifs qui n'a plus lieu d'être puisque nous disposons maintenant d'une
législation d'ensemble sur les médicaments. Il faut donc que nous harmonisions
notre système législatif sur ce point, ce que le Gouvernement proposera dans
quelques semaines.
En attendant, la dérogation qu'introduit la proposition de loi d'aujourd'hui
mettra en conformité l'accès du NorLevo avec notre droit commun du médicament :
elle permettra que la décision prise par le Gouvernement sur proposition du
directeur de l'agence en charge du médicament s'applique de plein droit,
c'est-à-dire que le NorLevo soit accessible sans prescription médicale, vendu
librement en pharmacie.
Le NorLevo est du reste à ce jour le seul contraceptif accessible sans
prescription médicale. Au-delà de son effet contraceptif d'urgence, il est
innovant également à ce titre. Nous suivrons les conséquences de cette décision
avec intérêt, car, pour la première fois, ce sont les femmes qui vont décider
elles-mêmes de « s'auto-prescrire » une contraception.
Or, toutes les études le disent, plus l'accès à la contraception est libre,
plus les femmes s'approprient la responsabilité de son contrôle, et moins il y
a d'IVG.
L'intérêt de cet accès libre, rapide et sans ordonnance n'est donc pas
seulement d'éviter les délais liés à l'obligation de prendre rendez-vous chez
un médecin, il est aussi de rendre les femmes plus autonomes et donc
responsables vis-à-vis de la maîtrise de leur sexualité et de leur
fécondité.
M. Roland Courteau.
Très bien !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Les deux autres exceptions introduites par ce texte
sont qu'il autorise, d'une part, l'accès libre des mineures au NorLevo et,
d'autre part, son administration par les infirmières en milieu scolaire.
Comme en témoigne le protocole conçu voilà quelques mois par l'éducation
nationale à cette fin, le Gouvernement est très favorable à ces
dispositions.
Aujourd'hui, la législation ne permet pas l'accès sans autorisation parentale
des mineures aux contraceptifs hormonaux en dehors des centres de planification
familiale.
Je vous l'ai dit, notre objectif est de parvenir à faire reculer la fréquence,
beaucoup trop élevée à l'heure actuelle, des grossesses non désirées chez les
jeunes adolescentes. Or, celles-ci représentent une population particulièrement
vulnérable à cet égard, du fait de leur grande fertilité, d'une part, et de
leur fréquente méconnaissance des risques qu'elles encourent en ayant des
relations sexuelles non protégées, d'autre part.
Combien croient que le premier rapport est infertile! Combien savent que le
préservatif, rigoureusement conseillé et utilisé pour prévenir des maladies
sexuellement transmissibles, est aussi une prévention de grossesse et ignorent
que tout abandon de l'usage du préservatif sitôt leur situation amoureuse
stabilisée, les expose immédiatement au risque d'une grossesse non désirée !
M. Alain Vasselle.
C'est la faute de l'éducation nationale !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Le premier argument qui incite à ouvrir la possibilité
pour les infirmières d'administrer le NorLevo aux adolescentes dans les
établissements scolaires tient aux conditions de son efficacité. Je vous l'ai
dit, le NorLevo est d'autant plus efficace pour éviter le risque de grossesse
qu'il est pris précocement. Son administration en urgence par une infirmière
intervenant en milieu scolaire peut permettre de gagner plusieurs heures sur le
délai qui serait nécessaire à la jeune fille pour se procurer ce médicament.
Un deuxième argument plaide dans le sens de cette initiative législative ; il
tient au déficit manifeste de notre politique d'éducation à la santé et à la
sexualité.
M. Alain Vasselle.
Eh oui !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Les experts ne cessent de nous le répéter, le nombre
de grossesses non désirées tient d'abord à l'absence de connaissance en matière
de sexualité, y compris chez les adultes, qui véhiculent encore beaucoup
d'idées fausses.
Mme Claire-Lise Campion.
Absolument !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Les enquêtes et les témoignages des infirmières
scolaires témoignent que les adolescents sont demandeurs d'un dialogue sur ces
questions avec les infirmières des collèges. Ces enquêtes indiquent aussi
combien le dialogue sur ces questions est devenu plus fréquent depuis la mise
en place du protocole de Ségolène Royal visant à faciliter l'accès au NorLevo
dans les établissements scolaires, même en l'absence de demande précise de
contraceptif d'urgence.
Là encore, la pilule du lendemain sert de vecteur à l'information sur la
contraception, à l'éducation sexuelle et à l'éducation pour la santé.
Ce dispositif n'affaiblit en rien la responsabilisation des parents. A
l'évidence, ceux-ci demeurent en première ligne sur ces sujets et c'est une
mauvaise querelle de prétendre que cette disposition affaiblirait leur
autorité. Car, quelles que soient leurs opinions, quand les parents encouragent
le dialogue, font preuve d'écoute et de compréhension, diffusent les
informations sur ces questions au sein de la famille, nous voyons bien que les
enfants n'éprouvent pas le besoin d'aller parler avec l'infirmière du collège
ou du lycée.
M. Roland Courteau.
C'est exact !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Mais, nous le savons, il y a des familles dans
lesquelles les conversations sur ces questions sont moins faciles et même
impossibles. Il y a des familles qui ont des références morales et religieuses
que heurte le principe même de la contraception et dans lesquelles tout échange
sur la sexualité est proscrit.
Nous avons une responsabilité à l'égard de ces enfants. Il ne nous appartient
pas de leur inculquer des valeurs qui seraient différentes de celles qu'ils
entendent choisir ; mais il nous revient de les aider à surmonter les épreuves
et à éviter la détresse. C'est en particulier envers eux que l'école a une
obligation d'éducation sexuelle.
En conclusion, je souhaite vivement que ce texte recueille un vote largement
positif. Nous saurons l'accompagner des mesures nécessaires à sa pleine
efficacité. Pour cela, nous mettrons notamment en place les actions de
formation à la contraception d'urgence en direction des professionnels de la
santé les plus concernés, en particulier, mais pas seulement, les infirmières
qui travaillent en milieu scolaire. Un projet de formation est en cours
d'élaboration avec la collaboration du Planning familial.
Vous le voyez, le Gouvernement ne cesse de poursuivre son effort pour faire
progresser le droit à la contraception et manifester son soutien à toute
initiative qui va dans ce sens. Dans ce domaine aussi, nous avons le sentiment
de faire progresser l'idéal des droits de l'homme en permettant à chacun d'être
pleinement responsable de ses actes et de son corps.
M. Roland Courteau.
Tout à fait !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Cette responsabilité, nul ne la possède de façon innée
; chacun l'acquiert à travers son histoire, en surmontant les erreurs qu'il
commet, en les comprenant, en évitant de les reproduire.
Dans nos débats, je souhaite que nous gardions toujours à l'esprit le souci de
celle pour qui cette loi est faite, cette jeune fille qui, peut-être, se
laissera aller à commettre une erreur, mais que nous ne voulons pas voir punie
par ce qui devrait être une joie : une grossesse par inadvertance qu'elle ne
pourrait pas assumer parce qu'elle ne l'aurait pas voulue ou parce qu'elle
serait trop jeune.
Au désespoir de celle qui ne croit plus en l'avenir, sachons opposer et offrir
la possibilité de lendemains qui chantent !
(Applaudissements sur les
travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Neuwirth,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je
voudrais dire en préambule que ce débat n'est pas anodin ; il ne doit pas être
l'arbre qui cache la forêt.
La question est de savoir si nous avons la volonté de regarder les conditions
dans lesquelles nous abordons ce nouveau siècle envahi par de nouvelles
technologies inimaginables il y a seulement un quart de siècle. On peut se
demander alors où est l'homme, où sont la femme, l'adolescent, l'enfant, au
moment où l'ordinateur entre dans les maternelles de certains pays.
Ce texte d'apparence modeste, qui tend à éteindre un incendie que nous n'avons
pas su prévenir, doit nous inciter à revoir collectivement, et dans chaque
famille, la façon dont nous préparons nos enfants, nos adolescents, à affronter
les difficultés du monde telles qu'elles ont toujours été, mais qui ont été
insuffisamment prises en compte.
L'examen par le Parlement de la présente proposition de loi trouve son origine
dans l'annulation par le Conseil d'Etat, le 30 juin 2000, des dispositions
d'une circulaire du 29 décembre 1999 autorisant la distribution de la pilule
contraceptive NorLevo par les infirmières scolaires.
Le texte adopté par l'Assemblée nationale s'articule autour de trois
dispositions bien distinctes.
La première a trait à la suppression de l'obligation d'une prescription
médicale pour la délivrance des contraceptifs d'urgence qui ne sont pas
susceptibles de présenter un danger pour la santé dans des conditions normales
d'emploi ; cette mesure donne une base législative à la mise en vente libre du
NorLevo, seul médicament contraceptif aujourd'hui concerné par cette
disposition.
La deuxième disposition prévoit la possibilité, pour les médecins, de
prescrire et, pour les pharmaciens, de délivrer ces contraceptifs d'urgence aux
« mineures désirant garder le secret », c'est-à-dire sans autorisation
parentale.
Enfin, la troisième disposition introduit la possibilité, pour les infirmières
scolaires, d'administrer ces contraceptifs d'urgence aux élèves mineures et
majeures.
Votre rapporteur ne peut que regretter que le débat sur ce texte soit engagé
dans un climat de polémique peu propice au consensus.
Le Gouvernement a, en effet, fait un choix de calendrier quelque peu
maladroit, de mon point de vue, en décidant de présenter en conseil des
ministres le 4 octobre dernier, soit la veille de l'examen en séance publique à
l'Assemblée nationale de la présente proposition de loi, le projet de loi
relatif à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception, qui
étend notamment de dix à douze semaines de grossesse le délai limite pour la
pratique d'une IVG.
Il n'est dès lors pas surprenant qu'une certaine confusion ait pu voir le jour
entre une simple adaptation de la législation sur la contraception - qui fait
l'objet de la présente proposition de loi - et l'allongement du délai légal
pour une IVG, qui soulève, à l'évidence, des questions infiniment plus
délicates.
La confusion est encore accrue par l'intitulé et le contenu du texte dit «
projet de loi relatif à l'interruption volontaire de grossesse et à la
contraception », qui mêle ainsi deux sujets que tout oppose - je tiens à le
dire fermement et avec toute ma conviction - l'IVG n'étant pas une forme de
contraception !
Votre rapporteur regrette d'autant plus ce mélange des genres que le volet
contraception de ce projet de loi, s'il a moins attiré l'attention de l'opinion
publique, n'en est pas pour autant anodin.
Il n'en reste pas moins que l'objet de la proposition de loi qui nous est
soumise aujourd'hui est de tenter d'apporter une réponse à un problème réel,
qu'il nous appartient d'examiner avec attention.
La contraception d'urgence est définie comme l'utilisation d'un médicament ou
d'un dispositif permettant d'éviter une grossesse après un rapport sexuel non
ou mal protégé.
Depuis la fin des années quatre-vingt, il existe ainsi, à côté des
contraceptifs hormonaux classiques, qui sont destinés à une utilisation
régulière et préventive, d'autres formes de pilules contraceptives uniquement
réservées aux cas d'urgence.
Ces pilules contraceptives, parfois dites « pilules du lendemain », sont
destinées à être absorbées après un rapport sexuel. Leur mode d'action est
comparable soit à celui d'un contraceptif hormonal classique - puisqu'elles
empêchent l'ovulation si celle-ci n'a pas encore eu lieu - soit à celui d'un
dispositif intra-utérin, qui empêche la nidation de l'oeuf.
La France dispose aujourd'hui de deux médicaments hormonaux - Mme le
secrétaire d'Etat y a fait allusion tout à l'heure - pour la contraception
d'urgence. L'un, une association d'oestrogènes et d'un progestatif, est
commercialisé sous le nom de Tétragynon. L'autre, composé d'un progestatif - le
lévonogestrel - est le NorLevo, qui a obtenu une autorisation de mise sur le
marché en France dans l'indication de contraception d'urgence le 16 avril
1999.
Contrairement au Tétragynon, le NorLevo, en raison de l'absence d'oestrogènes
et d'une durée d'administration courte, n'a aucune contre-indication médicale.
Il empêche l'implantation de l'oeuf fécondé dans l'utérus et doit être absorbé
le plus rapidement possible, dans les soixante-douze heures après un rapport
sexuel non protégé. Son efficacité décroît fortement avec le temps : elle est
de 95 % lorsque la prise se situe dans les vingt-quatre heures, elle diminue à
85 % lorsque la prise a lieu entre vingt-quatre et quarante-huit heures et à 58
% seulement entre quarante-huit et soixante-douze heures.
Compte tenu de l'absence de contre-indication médicale du NorLevo, un arrêté
en date du 27 mai 1999, pris par le secrétaire d'Etat à la santé d'alors, M.
Bernard Kouchner, a supprimé l'obligation de prescription médicale à laquelle,
comme tous les contraceptifs hormonaux, ce médicament était soumis jusque-là.
Cette décision autorisait donc la vente libre en pharmacie du NorLevo.
La mise à disposition du NorLevo sans prescription médicale obligatoire visait
à permettre aux femmes de recourir à la contraception d'urgence le plus tôt
possible après un rapport sexuel non protégé.
La contraception d'urgence constitue en effet un véritable progrès dans la
mesure où elle permet de limiter le recours à l'avortement. Elle apparaît en
outre très adaptée à la situation particulière des adolescentes.
En effet, la caractéristique des adolescents est de passer rapidement à
l'acte, d'avoir des rapports non prévus, sur un coup de coeur. Ces rapports
sont alors non protégés. Du fait de l'inexpérience, les adolescents rencontrent
de surcroît des problèmes spécifiques quand ils utilisent la contraception :
accidents de préservatifs, oubli de pilule, etc.
Dans tous ces cas, la contraception d'urgence peut être d'un grand secours
pour éviter les grossesses non désirées et les interruptions volontaires de
grossesse.
Naturellement, si la contraception d'urgence répond à des situations de
détresse et permet - passez-moi l'expression - de « réparer un accident », elle
n'a aucunement vocation à remplacer une contraception classique.
M. Alain Gournac.
Très bien !
M. Lucien Neuwirth,
rapporteur.
L'accent mis aujourd'hui sur la contraception d'urgence, qui
devrait rester une méthode d'exception, - de rattrapage, si je puis dire -, est
assez révélateur de l'échec relatif des politiques menées depuis trente ans en
faveur du développement de la contraception, particulièrement auprès des
jeunes.
Il est ainsi frappant de constater - écoutez bien les chiffres ! - que le
nombre des IVG reste presque aussi élevé qu'il y a vingt-cinq ans : 220 000
aujourd'hui contre 250 000 en 1976, soit une IVG pour trois naissances ; 30 %
des IVG concernent les moins de vingt-cinq ans, 10 % concernent les moins de
vingt ans. On recense aujourd'hui 6 000 IVG par an chez les mineures, 10 000
chez les dix-huit-vingt ans. La proportion des mineures enceintes recourant à
l'IVG augmente fortement : elle était de 59,7 % en 1985, de 64 % en 1990 et de
71,8 % en 1995.
Ces données témoignent des carences de l'information en faveur de la
contraception et des efforts insuffisants menés pour promouvoir son
utilisation.
Mme Nelly Olin.
Oh oui !
M. Lucien Neuwirth,
rapporteur.
A l'évidence, la sexualité reste un sujet sensible, souvent
difficile à aborder au sein de la cellule familiale ou de l'institution
scolaire.
Dans ce contexte, votre rapporteur ne peut que se féliciter que le
Gouvernement ait choisi, le 12 janvier dernier, de lancer une campagne
d'envergure sur la contraception. Cette campagne était nécessaire. La dernière
campagne de communication sur la contraception remontait en effet à 1992 et
mettait principalement l'accent sur le préservatif.
J'en viens maintenant à l'origine de cette proposition de loi.
Le statut juridique incertain de la contraception d'urgence nécessitait une
intervention du législateur. La décision prise par l'ancien secrétaire d'Etat à
la santé, M. Bernard Kouchner, d'autoriser la mise en vente libre du NorLevo
reposait en effet sur un raisonnement juridique pour le moins fagile.
La loi du 28 décembre 1967, à laquelle mon nom est parfois associé, soumet, en
son article 3, la délivrance des contraceptifs hormonaux à une double
contrainte car, voilà trente-trois ans, les contraceptifs hormonaux issus de la
fameuse pilule créée par le Dr Pincus étaient très lourdement chargés et
présentaient de toute évidence des dangers. C'est pourquoi le Parlement avait
imposé, à l'unanimité, une prescription médicale pour leur délivrance.
Si, dans son arrêté du 27 mai 1999, M. Kouchner a choisi d'ignorer cette
disposition, c'est sans doute parce que lui-même ne l'avait pas notée.
Pour justifier cette position, le Gouvernement a estimé qu'en soumettant à
prescription médicale obligatoire tous les contraceptifs hormonaux, la loi du
28 décembre 1967 dépassait les objectifs de la directive européenne du 31 mars
1992 concernant la classification en matière de délivrance des médicaments à
usage humain.
Quelques mois plus tard, en décembre 1999, prenant acte de la décision du
secrétaire d'Etat à la santé et considérant que rien ne l'interdisait
désormais, Mme Ségolène Royal prenait la décision d'autoriser par circulaire
les infirmières scolaires à délivrer elles-mêmes, en cas d'urgences, des
comprimés de NorLevo aux collégiennes et aux lycéennes, mêmes mineures.
Si cette décision a été en général bien accueillie par la plupart des
professionnels de santé concernés, elle a toutefois suscité le dépôt devant le
Conseil d'Etat d'un certain nombre de recours déposés par des associations de
défense de la famille et de lutte contre l'avortement visant à annuler pour
excès de pouvoir les dispositions de la circulaire relatives à la contraception
d'urgence. Il existait une contradiction entre le refus de contraception et le
refus d'avortement.
Dans sa décision du 30 juin 2000, le Conseil d'Etat a effectivement annulé les
passages litigieux de la circulaire attaquée. Il a estimé en effet que, en
confiant le rôle de prescription et de délivrance du NorLevo, contraceptif
d'urgence, aux infirmières scolaires, le ministre délégué chargé de
l'enseignement scolaire avait méconnu la loi de 1967, qui impose que les
contraceptifs hormonaux soient délivrés en pharmacie sur prescription
médicale.
Pour le Conseil d'Etat, le NorLevo, qui constitue un contraceptif hormonal au
sens de la loi de 1967, ne peut, en application de l'article 3 de cette loi,
être prescrit que par un médecin et délivré qu'en pharmacie ou, dans les
conditions posées par l'article 4 de la loi, par un centre de planification ou
d'éducation familiale.
Il est intéressant de noter, à cet égard, que le Conseil d'Etat ne s'est pas
prononcé sur la légalité de l'arrêté du secrétaire d'Etat à la santé autorisant
la mise en vente libre du NorLevo, point sur lequel il n'était en effet pas
sollicité.
Le soir même de l'annonce de l'arrêt du Conseil d'Etat, le Gouvernement, dans
un communiqué de presse, prenait acte de cette décision, dont il entendait «
tirer toutes les conséquences ». Il réaffirmait sa « volonté de garantir
l'accès libre de toutes les femmes à la nouvelle contraception » - il faut
entendre la contraception d'urgence - et annonçait le prochain examen d'un
texte par le Parlement.
Ce texte a pris la forme de la présente proposition de loi sur la
contraception d'urgence, déposée le 13 septembre 2000 par Mme Danielle Bousquet
et les membres du groupe socialiste et apparentés, et adoptée par l'Assemblée
nationale en première lecture le 5 octobre 2000.
Je vais maintenant vous faire part des réflexions qui ont conduit la
commission des affaires sociales à vous proposer d'adopter, sous réserve d'un
certain nombre de modifications tendant à compléter et à préciser le texte, la
présente proposition de loi.
Je considère pour ma part, comme beaucoup d'entre nous, que rien n'est pire
pour une jeune fille que de débuter sa vie par une IVG et que notre devoir est
de tout faire pour éviter que ne se produisent de telles situations. Personne
ne peut rester insensible à la détresse de ces adolescentes menacées par une
grossesse non désirée.
Or, la contraception d'urgence - qui n'a pas vocation à tenir lieu d'une
contraception classique, je le répète - peut contribuer à préserver ces jeunes
filles d'une IVG, événement toujours traumatisant. La notion d'urgence confère
dès lors une spécificité très particulière à cette forme de contraception et
justifie, pour une large part, un statut législatif adapté.
Il faut en effet faire en sorte que ces adolescentes puissent accéder le plus
rapidement possible à cette forme de contraception en autorisant la vente du
NorLevo et sa délivrance aux mineures. Eu égard à cet objectif, il n'apparaît
pas choquant de confier aux infirmières scolaires la mission d'administrer une
contraception d'urgence dans les cas de détresse caractérisée.
Les centres de planification familiale, aujourd'hui seuls autorisés par la loi
à délivrer une contraception sans autorisation parentale, sont souvent rares,
presque inexistants en milieu rural et mal connus par les adolescents.
En outre, le premier bilan des six mois d'application de la circulaire de Mme
Royal apparaît satisfaisant ; les infirmières ont su faire face avec beaucoup
de responsabilité à la nouvelle mission qui leur était confiée : en moyenne, il
y eu deux administrations de NorLevo pour dix demandes d'élèves.
Sur le fond, le texte de l'Assemblée nationale semble donc pouvoir être
accepté. Il gagnerait cependant à être précisé et complété. C'est l'objet de
l'amendement que vous propose la commission.
S'agissant de l'autorisation, pour les médecins, de prescrire et, pour les
pharmaciens, de délivrer les contraceptifs d'urgence aux « mineures désirant
garder le secret », c'est-à-dire sans autorisation parentale, la commission a
jugé qu'il convenait de préciser que cette dérogation au principe du
consentement parental ne pouvait se justifier que par un impératif essentiel :
préserver les mineures d'une interruption volontaire de grossesse.
S'agissant de l'administration, par les infirmières scolaires, d'une
contraception d'urgence aux élèves mineures et majeures, la commission vous
propose de compléter cette disposition en rappelant dans la loi un certain
nombre de principes et en précisant le déroulement de la procédure.
Enfin, je vous proposerai de prévoir que la délivrance d'une contraception
d'urgence aux mineures s'effectue à titre gratuit dans les pharmacies. L'objet
de cette disposition est d'éviter que le coût du NorLevo en pharmacie - qui est
aujourd'hui de 60 francs environ - ne soit un obstacle à la contraception
d'urgence pour les jeunes filles issues de milieux défavorisés.
(Très bien ! sur certaines travées socialistes.)
La gratuité en pharmacie permet en outre d'apporter une réponse aux
situations posées par la fermeture des établissements scolaires lors des
vacances. Les modalités de cette délivrance gratuite seront d'ailleurs, pour
garantir plus de souplesse et de flexibilité déterminées par voie
réglementaire.
Je voudrais vous faire part, mes chers collègues, en guise de conclusion, d'un
certain nombre de réflexions.
Peut-on séparer la formation professionnelle, l'apprentissage des règles de
l'économie, des sciences humaines, de l'information du jeune citoyen et de la
jeune citoyenne sur les réalités de la vie qu'ils auront à rencontrer au cours
de leur existence ?
Cela ressortit à la mission éducatrice des parents, qui, pour la plupart
d'entre eux, n'ont pas reçu, à cet égard, un enseignement direct de leurs
propres parents et sont donc mal préparés à cette mission éducatrice.
Or, nous avons changé de siècle, mes chers collègues. Les adolescents
d'aujourd'hui sont les parents de demain. Si, hier, l'attitude de l'éducation
nationale consistait à considérer que sa seule mission était l'instruction
publique, aujourd'hui elle a compris qu'il en va différemment.
Cette conception allait de pair avec l'attitude de la société vis-à-vis des
femmes, destinées principalement à donner des enfants à leur époux et à
s'occuper de la famille et du ménage.
Ma génération se souvient des combats, quelquefois homériques, que durent
mener les femmes pour voir reconnaître leurs droits et faire entre autres
admettre la nécessité de mettre à la portée de toutes, et d'abord des plus
démunies, les moyens de maîtriser leur fécondité.
Or, aujourd'hui, des milliers d'adolescentes sont enceintes ou courent le
risque de l'être et de recourir à l'IVG. Cherchez l'erreur !
Certes, pendant des siècles, l'infanticide, l'abandon et l'avortement
s'étaient établis comme seule régulation des naissances, jusqu'à l'intervention
de la contraception.
Aujourd'hui, il dépend de nous qu'une telle situation cesse, et tout de
suite.
Oui, transmettre la vie est une responsabilité grave. C'est pourquoi les
garçons comme les filles doivent recevoir une information complète sur la
transmission de la vie, ses conditions et ses conséquences.
Le problème réside principalement, croyez-moi, mes chers collègues, dans la
méconnaissance dans laquelle se trouvent ces jeunes filles des mécanismes et
des réalités de la vie à travers les phénomènes naturels que sont la fécondité
et la sexualité, désormais maîtrisables grâce à l'éducation, à l'information
reçue et à la contraception.
Pouvoirs publics et familles doivent associer leurs efforts, doivent oeuvrer
ensemble afin qu'une information crédible, éclairante, permette à l'avenir à
chacune et à chacun d'ordonner sa vie personnelle, sa vie affective et
familiale, et de découvrir aussi qu'un enfant à naître est non pas un objet
mais un être sensible, qui vient au monde parce que d'autres que lui en ont
pris la responsabilité.
Oui, liberté et responsabilité vont de pair ! J'espère que le texte auquel
nous allons aboutir ensemble aidera à assurer leur pérennité dans notre pays en
ce domaine essentiel qu'est la transmission de la vie.
(Applaudissements sur certaines travées du RPR et des Républicains et
Indépendants, ainsi que sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à Mme Bardou.
Mme Janine Bardou,
au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre
les hommes et les femmes.
Monsieur le président, madame la ministre,
madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la délégation aux droits des
femmes a été saisie, à sa demande, par le président de la commission des
affaires sociales de la proposition de loi relative à la contraception
d'urgence.
La semaine dernière, la délégation a adopté un rapport présentant les raisons
qui sont à l'origine de l'examen de ce texte, le contexte dans lequel il
s'inscrit et ses conséquences pratiques. Après un intéressant débat, elle a
approuvé à l'unanimité, après l'avoir légèrement amendé, le projet de
recommandations que je lui avais soumis.
L'histoire de la contraception chimique est encore très récente : la pillule a
en effet été inventée dans le courant des années cinquante. Cette histoire est
probablement encore inachevée : on espère mettre au point, dans les prochaines
années, des vaccins contraceptifs, qui pourraient concerner autant les hommes
que les femmes. En tout état de cause, ces progrès, très rapides, à l'aune de
l'histoire humaine, constituent une étape fondamentale pour l'émancipation des
femmes.
Mme la ministre et M. le rapporteur vous ont présenté, mes chers collègues, le
cadre législatif qui régit actuellement, en France, le recours à la
contraception, ainsi que les politiques publiques en sa faveur. Je n'y reviens
donc pas. Je voudrais simplement signaler combien la délégation aux droits des
femmes, de manière unanime, est consternée par la sous-information générale
dans laquelle se trouvent aujourd'hui nos concitoyens, jeunes ou moins jeunes,
en matière de contraception, et ce alors que la loi Neuwirth, cette loi
fondatrice qui a ouvert aux femmes de France la possibilité de maîtriser leur
fécondité en posant comme pricnipe le droit à la contraception et à
l'information, remonte maintenant à plus de trente ans. Il y a encore dans
notre pays beaucoup trop de grossesses non désirées et, par voie de
conséquence, d'IVG. Voici quelques chiffres issus des statistiques officielles
relatives aux méthodes contraceptives utilisées par nos concitoyens, ainsi
qu'aux IVG pratiquées, qui me paraissent particulièrement inquiétants et
significatifs : 60 % des premiers rapports des mineurs se dérouleraient sans
contraception ; plus de 10 % des femmes de 20 à 44 ans, soit plus d'un million
de femmes en âge et en situation de procréer, ne seraient pas protégées par une
contraception efficace ; enfin, on compte environ 220 000 IVG chaque année,
dont 6 500 chez les mineures.
Tous ces chiffres montrent que le dispositif actuel d'information sur la
contraception ne fonctionne pas correctement. Aussi la délégation aux droits
des femmes s'est-elle félicitée que la campagne d'information lancée par le
Gouvernement le 12 janvier dernier soit recondutie dès l'an prochain et que M.
le Premier ministre ait accepté le principe d'une campagne régulière, notamment
pour qu'elle puisse toucher les nouvelles générations d'adolescents.
Dans le même ordre d'idées, la délégation est favorable aux initiatives prises
en milieu scolaire depuis 1996 pour favoriser l'éducation des collégiens à la
sexualité tant il est vrai que le problème révélé par l'importance du nombre
des IVG, particulièrement du nombre de celles qui concernent les mineures,
trouve ses racines dans la méconnaissance, je dirais même l'ignorance qu'ont
les femmes de leur corps et de leurs droits, mais aussi de ce que sont la
contraception, ses méthodes, ses effets.
Plus tôt on remédie à cette méconnaissance, plus la sexualité des filles leur
appartient, et plus la lutte contre les grossesses non désirées est
efficace.
Mais il faut aussi agir en direction des jeunes garçons et des hommes, qui
doivent être davantage informés et impliqués.
La proposition de loi fait suite à deux initiatives successivement prises par
le Gouvernement pour permettre un accès facile et rapide au NorLevo, ce nouveau
contraceptif d'urgence qui ne présente pas de contre-indication médicale, sauf
s'il est utilisé comme une méthode contraceptive répétée et régulière ; je veux
parler de sa mise en vente libre en 1999 et de sa distribution d'urgence par
les infirmières scolaires en 2000.
Le souci des pouvoirs publics, souci que partage la délégation aux droits des
femmes, est d'éviter les grossesses non désirées, en particulier chez les
jeunes filles, et donc les avortements. Depuis juin 1999, plus de 500 000
boîtes de NorLevo ont été vendues ou distribuées et, actuellement, les ventes
mensuelles avoisinent le chiffre de 50 000 boîtes, comme nous l'a signalé Mme
la secrétaire d'Etat.
La délégation a longuement débattu de l'administration du NorLevo par les
infirmières scolaires, en particulier aux mineures en l'absence d'autorisation
parentale.
Nous sommes tous très attachés à la responsabilité des parents. Mais nous
savons aussi que, dans de trop nombreuses familles, le dialogue est difficile,
notamment durant l'adolescence ; et, en matière de sexualité, bien souvent,
c'est une totale absence de dialogue qui prévaut. Il faut certes souhaiter que
des relations de confiance puissent être renouées entre parents et adolescents,
mais on doit également tenir compte de cette réalité lorsqu'on se fixe pour
objectif de préserver la santé et l'intégrité des toutes jeunes filles.
C'est dans cet esprit que la délégation est favorable au rôle reconnu par la
proposition de loi aux infirmières scolaires, grâce auxquelles les adolescentes
peuvent, sans trop de difficultés, nouer un premier dialogue avec un adulte sur
la sexualité.
La délégation est également très attentive à ce que, au-delà de ce rôle
essentiel, les infirmières scolaires interviennent, ainsi qu'elles l'ont
d'ailleurs fait pendant la période d'application du protocole national - avant
que celui-ci ne soit annulé par le Conseil d'Etat, en juin dernier - comme
médiatrices entre l'élève et sa famille, et l'encouragent à se faire suivre
médicalement par le centre de planification, le médecin traitant ou un médecin
spécialiste.
M. Paul Blanc.
Très bien !
Mme Janine Bardou,
au nom de la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des
chances entre les hommes et les femmes.
Enfin, il paraît absolument
indispensable à la délégation que la jeune fille soit informée de ce que la
contraception d'urgence ne peut en aucun cas remplacer la contraception
habituelle. Il convient de l'alerter sur le danger qu'une prise régulière
pourrait représenter pour sa santé.
Pour en revenir à la proposition de loi, il est apparu à la délégation aux
droits des femmes qu'elle ne règle pas toutes les situations, et que ses
conséquences positives seront étroitement conditionnées par les mesures
d'accompagnement qu'il ne faudra pas manquer d'y adjoindre.
Ce sont ces préoccupations qui constituent le fil conducteur des
recommandations que la délégation a adoptées, je vous le rappelle, à
l'unanimité, et dont je vais à présent vous livrer la teneur.
Tout d'abord, la délégation s'est déclarée favorable au dispositif de la
présente proposition de loi, car elle est convaincue de la nécessité de
diminuer le nombre des grossesses non désirées et, par conséquent, celui des
IVG, qui demeure considérable dans notre pays. Trop de jeunes filles sont
encore confrontées à cette situation, alors même que le recours à la
contraception a été libéralisé il y a plus de trente ans et que des progrès
scientifiques significatifs ont été, depuis, accomplis en la matière.
Sur un plan global, la délégation estime donc qu'il est impératif de donner
plus d'informations à la population en général, mais plus particulièrement aux
adolescentes et adolescents sur les droits en matière de contraception, sur les
méthodes contraceptives, ainsi que sur les structures d'accueil et sur les
professionnels qui peuvent faciliter les démarches à entreprendre.
La délégation considère que les pouvoirs publics doivent délivrer un puissant
message en direction des familles afin que celles-ci fassent preuve d'une
meilleure écoute et d'une plus grande compréhension à l'égard des enfants ;
pour l'essentiel, les situations de détresse résultent en effet d'une absence
de dialogue dans le cadre familial en ce qui concerne la sexualité, et une
amélioration durable de la situation ne saurait advenir sans l'établissement
d'un tel dialogue.
Quant à l'efficacité de la présente proposition de loi, votre délégation, mes
chers collègues, considère qu'elle ne pourra être obtenue que dans la mesure où
un certain nombre de préoccupations auront été prises en compte.
Il faut que les médecins scolaires soient pleinement associés aux dispositifs
mis en oeuvre dans les établissements.
Il est indispensable que des moyens supplémentaires en personnels -
infirmières scolaires, notamment - et en crédits budgétaires - s'agissant en
particulier, de la formation initiale et permanente de tous les intervenants
éducatifs et médico-sociaux dans les établissements scolaires - soient dégagés
pour faire vivre les différentes initiatives prises ces dernières années en
matière d'éducation à la sexualité et d'accompagnement des situations
d'urgence. La réussite est à ce prix.
Il sera aussi nécessaire de favoriser de véritables partenariats entre les
établissements scolaires et les centres de planification ou d'éducation
familiale.
Enfin et surtout, des solutions adaptées devront être recherchées pour
permettre aux jeunes filles en situation d'urgence ou de détresse d'accéder
rapidement et facilement à la contraception d'urgence, notamment, comme le
rappelait M. le rapporteur, pendant les périodes de vacances scolaires.
En conclusion, la délégation aux droits des femmes recommande que des bilans
soient régulièrement effectués en ce qui concerne tant l'application du présent
dispositif législatif que le respect, par les autorités scolaires, des
instructions ministérielles relatives à la politique d'éducation à la
sexualité.
(Applaudissements sur certaines travées des Républicains et
Indépendants et du RPR, ainsi que sur les travées socialistes et sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué à la famille et à l'enfance.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, je crois, comme M. Lucien Neuwirth, que ce débat n'est pas
anodin.
En effet, de quoi parlons-nous ? Nous parlons d'adolescence, de responsabilité
parentale, de droit à l'erreur, de détresse, de naissances non désirées,
d'interruption volontaire de grossesse chez de toutes jeunes filles ; nous
parlons aussi de violences sexuelles.
Il me paraît utile de rappeler en quelques mots pourquoi j'ai pris, dans mes
précédentes fonctions, cette décision concernant le système scolaire, et
pourquoi, aujourd'hui, en tant que ministre de la famille et de l'enfance, je
reste déterminée à poursuivre ce que je considère comme un combat pour
l'accession des adolescentes à la dignité.
Cette décision, je l'ai prise en novembre 1999, à l'occasion d'une réunion qui
rassemblait près de 500 infirmières scolaires, et en réponse à l'une des
questions qu'elles me posaient. Cette décision, contrairement à ce qui a pu
être dit ici ou là, je l'ai mûrement réfléchie.
Je rappelle qu'elle est intégrée dans un protocole nationale de soins auquel
j'ai travaillé pendant deux ans et qui a été publié au
Bulletin officiel de
l'éducation nationale
le 6 janvier dernier. Elle fait partie d'une remise à
niveau de l'ensemble des services des infirmières scolaires, intéressant tous
les collèges et lycées, à travers tout le territoire.
C'est la première fois qu'un tel protocole national de soins a été mis en
place. Auparavant, les comportements étaient très hétérogènes, nul ne savait
quels types de médicaments pouvaient être détenus dans les infirmeries
scolaires, nul ne savait précisément quel comportement il convenait d'adopter
au regard des soins d'urgence que les infirmières scolaires devaient prodiguer
pour sauver des vies humaines, pour sauver des élèves.
Il existe donc maintenant un dispositif spécifique sur la délivrance de la
contraception d'urgence aux élèves des collèges et lycées.
Cette décision que j'ai prise s'intègre donc dans une démarche éducative
globale et, plus spécialement, dans une politique d'éducation à la santé.
Pendant trois ans, je crois avoir beaucoup oeuvré pour la santé scolaire, et
cette décision fait partie d'un ensemble de chantiers qui ont été ouverts et
menés à bonne fin dans le système scolaire.
Au cours de ces trois années, j'ai accru le nombre des infirmières scolaires
et des assistantes sociales comme il ne l'avait jamais été pendant les dix
années précédentes.
Au cours de ces trois années, j'ai réintroduit l'éducation à la santé dès
l'école maternelle en diffusant une instruction officielle afin qu'on enseigne
aux élèves le respect du corps, qu'on leur explique que le corps n'est pas un
jouet.
S'agissant de l'école primaire, j'ai intégré au programme officiel, outre
l'éducation au respect du corps, la lutte contre les violences entre élèves,
l'apprentissage de l'interdit de l'inceste. Cela doit s'apprendre très tôt, je
pense, de manière que les élèves soient les acteurs de leur propre protection
contre un certain nombre de violences sexuelles.
Dans les collèges, j'ai créé les modules d'éducation à la santé.
J'ai également instauré, dans chaque collège et chaque lycée, le comité
d'éducation à la santé et à la citoyenneté, qui réunit désormais autour d'une
table non seulement les équipes pédagogiques mais aussi des intervenants
extérieurs du quartier, les personnels médico-sociaux compétents, pour que les
élèves soient formés, en particulier, à la prévention des conduites à
risque.
J'ai, par ailleurs, fait diffuser des instructions officielles très précises
pour redonner un contenu à l'éducation à la sexualité et à la vie. Des
programmes pédagogiques spécifiques ont été rédigés. Une mallette d'éducation à
la sexualité et à la vie a été fabriquée ; je l'ai récemment présentée
officiellement avec Jack Lang. C'est l'aboutissement d'un travail très
approfondi, en particulier pour recadrer l'éducation à la contraception dans
une logique d'éducation à la responsabilité, à la vie affective, à la lutte
contre toutes les formes de violence.
Autrement dit, la possibilité qui a été donnée aux infirmières scolaires
s'inscrit dans un projet éducatif global, car il vaut mieux prévenir que guérir
et, dès lors, il est essentiel de surmonter les difficultés d'accès à
l'information.
Bien entendu, cette décision supposait une confiance absolue envers les
infirmières scolaires. Celles-ci ont prouvé qu'elles savaient jouer ce rôle
fondamental de médiatrices entre les élèves et leurs parents.
La première obligation qui leur est faite dans ce protocole est d'ailleurs de
contacter les parents, en accord avec les jeunes filles mineures, de tout faire
pour obtenir cet accord. L'expérience prouve que, dans trois cas sur quatre,
elles parviennent à renouer ce fil avec les parents.
Le bilan qui a été rendu public, après six mois d'application, fait apparaître
que, sur un peu plus de 7 000 demandes, les infirmières scolaires ont délivré 1
600 contraceptions d'urgence. Autrement dit, il n'y a pas eu ce déferlement que
certains prédisaient. Dans tous les autres cas, l'infirmière scolaire a réussi
soit à faire prendre en charge le problème par les parents, soit à orienter les
élèves vers un service médical de proximité pour la prise en charge médicale
d'une contraception responsable.
Le protocole fait en outre obligation aux infirmières scolaires d'accompagner
psychologiquement et médicalement les élèves.
Il s'agit, par conséquent, d'un dispositif qui n'a été mis en place qu'après
une ample réflexion et qui a d'ores et déjà fait ses preuves dans le système
scolaire.
Le Conseil d'Etat a, certes, annulé une partie de ce protocole. Mais il faut
s'en féliciter, car cela permet au Parlement d'en débattre. Or il s'agit là
d'affaires éminemment politiques.
Ce qui est en cause, en effet, c'est notamment l'approche que l'on peut avoir
des difficultés de l'âge adolescent, qui est à la fois celui de toutes les
demandes et de tous les refus, l'âge des hésitations et des erreurs. Il nous
revient de réfléchir à la façon dont nous pouvons au mieux accompagner les
responsabilités éducatives face aux adolescents.
C'est pourquoi je me réjouis d'avoir entendu à l'instant M. Neuwirth, puis Mme
Bardou orienter leurs réflexions dans un sens positif.
Je voudrais maintenant, en fonction de l'expérience que j'ai acquise dans mes
responsabilités passées et présentes, réagir aux propositions de M.
Neuwirth.
Vous souhaitez, monsieur Neuwirth, que la pilule du lendemain soit gratuite.
Qui pourrait être hostile à un accès à la contraception d'urgence encore plus
facile que je ne l'avais imaginé ?
Je tire de cette prise de position une leçon politique. En effet, au moment où
j'ai pris la décision que j'évoquais à l'instant, j'ai été assez vivement
attaquée et je me suis trouvée plutôt seule. J'observe qu'aujourd'hui les
mentalités ont évolué. L'opinion publique est parfois très en avance sur les
responsables politiques.
Je retiens surtout que, lorsqu'une décision semble juste, il faut savoir
braver les résistances. C'est ce que j'ai fait, et je suis heureuse qu'à
l'Assemblée nationale puis au Sénat mon action ait en définitive été reconnue
par des parlementaires appartenant à des horizons politiques divers.
Faut-il aller jusqu'à la gratuité ? Vous me trouverez toujours à vos côtés
pour faciliter encore davantage les choses, mais la gratuité ne
constituerait-elle pas au fond une réponse partielle à une véritable question ?
Derrière la gratuité se cache en effet la question de savoir comment faciliter
l'accès à la contraception. Rendre gratuite la pilule du lendemain, n'est-ce
pas risquer de la banaliser, alors que nous sommes tous d'accord pour
considérer qu'il ne s'agit pas d'un mode de contraception régulière ?
N'allons-nous pas faire l'impasse sur le vrai débat, qui devrait porter sur les
moyens de faciliter l'accès à la contraception préventive aux jeunes filles,
mais aussi aux femmes en général ?
On le sait bien, la véritable révolution est la « démédicalisation » de la
contraception. Peut-on réellement soutenir aujourd'hui que les nouvelles
pilules présentent plus de risques que la pilule du lendemain ? Pourquoi les
unes nécessitent-elles une prescription médicale mais pas l'autre ? C'est un
débat qu'il nous faudra aborder un jour, mais je crains la précipitation.
Pourquoi décider aujourd'hui de la gratuité de la pilule du lendemain ?
Pourquoi pas celle des préservatifs, ou celle de la contraception préventive,
que l'on sait être la meilleure et la plus responsable ?
Le débat doit être replacé dans une réflexion globale sur les moyens de
faciliter l'accès à la contraception, d'autant que nous sommes tous d'accord
pour reconnaître que le nombre élevé d'interruptions volontaires de grossesse
en France constitue un problème fondamental et - pourquoi ne pas le dire ? -
une blessure qui est le symptôme même de la difficulté d'accès à la
contraception.
La contraception est trop médicalisée, en particulier pour les adolescentes.
On sait en effet que la plupart des premiers rapports ont lieu sans protection
parce que le cheminement amoureux est très progressif et que la date du premier
rapport sexuel n'est pas programmée. Il n'est pas possible par ailleurs de
prendre des décisions qui auraient pour effet d'inciter les adolescents à avoir
des rapports sexuels précoces.
C'est pourquoi, dans le cadre de la nouvelle éducation à la sexualité et à la
vie, j'ai pris la responsabilité de donner aux infirmières scolaires la
possibilité de délivrer ces contraceptifs d'urgence, mais j'affirme dans le
même temps que la sexualité précoce n'est pas une conquête et que les jeunes,
en particulier les filles, doivent être armés pour résister à l'imposition de
rapports sexuels dans la violence, ou dans la norme.
Je pense donc que tout signal qui banaliserait la contraception d'urgence
pourrait se retourner contre les adolescentes et que le sujet mérite un débat
plus global, même s'il est difficile d'être contre la possibilité que vous
ouvrez - encore que vous l'ouvrez à toutes les mineures et pas seulement aux
plus défavorisées. Pourquoi ne pas l'ouvrir aussi aux jeunes majeures ?.
Le dispositif que vous proposez ne me semble pas suffisamment « calé » ; il a
des effets pervers et fait l'impasse sur la question la plus fondamentale, à
savoir : pourquoi ne pas « démédicaliser » la contraception préventive pour en
faciliter l'accès ?
La deuxième proposition que vous formulez consiste à re prendre une partie du
protocole dans la loi. Elle avait déjà été présentée à l'Assemblée nationale.
J'ai fait valoir un certain nombre d'arguments, qui ont été reçus.
Vous reprenez une partie du protocole que j'ai rédigé, ce dont je suis fort
honorée. Dans le même temps, vous compliquez les choses pour les infirmières
scolaires car, en ne retenant qu'une partie du protocole dans la proposition de
loi, vous faites l'impasse sur un certain nombre de points qui sont traités
dans le protocole. Les infirmières seront donc confrontées à deux textes, l'un
très complet, le protocole, et l'autre partiel.
Surtout vous passez sous silence le rôle de médiation des infirmières
scolaires.
Hier, en tant que ministre chargée de l'enseignement scolaire, aujourd'hui, en
qualité de ministre déléguée à la famille et à l'enfance, j'ai toujours
absolument tenu à ce que la médiation entre l'élève mineur et ses parents reste
le rôle éminent des infirmières scolaires.
M. Lucien Neuwirth,
rapporteur.
Et pendant les vacances ?
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée.
La vente des pilules est libre dans les pharmacies
!
Dans le système scolaire, nous avons voulu introduire un « plus », grâce à la
médiation des infirmières scolaires...
M. Lucien Neuwirth,
rapporteur.
La pilule n'est pas gratuite !
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Certes, mais d'autres médicaments d'urgence ne le sont
pas non plus !
Mais, surtout, et Mme Bardou avait posé cette question tout à fait judicieuse
en commission, en dehors de la période scolaire, les centres de vacances, les
centres de jeunesse ou les centres d'animation peuvent très bien avoir dans
leur infirmerie des pilules d'urgence puisque ce médicament est en vente libre.
Les associations de jeunesse et d'éducation populaire peuvent donc venir en
aide à des jeunes en difficulté pendant les vacances scolaires.
M. Jean-Louis Lorrain.
Ben voyons !
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Tels sont les quelques éléments que je voulais livrer à
votre réflexion. Je redis qu'il s'agit d'un débat fondamental, qui met en cause
certaines convictions, lesquelles, j'en suis sûre, trouveront à s'exprimer
pendant la discussion générale.
Il nous faut, mais cela a été bien compris si j'en crois les interventions que
nous venons d'entendre, assumer notre responsabilité éducative d'adultes et
savoir tendre la main au bon moment à des adolescentes en détresse.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 31 minutes ;
Groupe socialiste, 25 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 19 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 17 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 11 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 10 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe,
7 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Campion.
Mme Claire-Lise Campion.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, le xxe siècle restera sans nul doute marqué de l'empreinte des
femmes. Elles y auront acquis leur émancipation juridique, politique,
familiale. Ces trente-trois dernières années, l'évolution des moeurs et de la
place de la femme dans notre société a déjà amené le législateur à opérer un
recadrage, que ce soit au travers de la loi sur la parité ou de la loi relative
à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
Il convient aujourd'hui, grâce à cette proposition de loi sur la contraception
d'urgence, de faire progresser un peu plus - et je m'en félicite - les droits
spécifiques et fondamentaux des femmes, à savoir le droit à disposer librement
de son corps, de maîtriser sa fécondité et de choisir ses maternités. Ces
avancées trouveront un écho et un prolongement avec le projet de loi de
modernisation sociale dont nous serons amenés à débattre prochainement.
Aujourd'hui, c'est une pierre de plus que l'on nous propose d'ajouter à
l'édifice des lois Neuwirth et Veil, adoptées respectivement en 1967 et 1975,
afin d'apporter une solution aux trop nombreuses situations de détresse
résultant de grossesses non désirées.
En effet, elles sont quelque 10 000 adolescentes à être, chaque année,
confrontées à cette angoisse, et près de 7 000 d'entre elles feront, souvent
dans la solitude, la douloureuse expérience d'une interruption volontaire de
grossesse.
Une prise de conscience était urgente. Selon le rapport sur les grossesses des
adolescentes, rédigé en 1998 par le docteur Michèle Uzan, « la sexualité des
adolescentes est irrégulière et imprévue ; 50 à 60 % des premiers rapports ont
lieu sans contraception ; 70 % des adolescentes n'ont aucune contraception
trois mois avant l'IVG et 20 % oublient la pilule ou laissent le préservatif
dans la poche. »
Signalons aussi que 40 % des jeunes filles de moins de seize ans vivent leur
premier rapport sexuel sous la contrainte ; il est difficile de mener ensuite
sereinement une grossesse.
N'oublions pas non plus que les campagnes de promotion sur l'utilisation du
préservatif pour la prévention du sida n'ont pas incité les jeunes à une
sexualité plus précoce. L'âge du premier rapport sexuel reste dix-sept ans.
Toutefois, les jeunes générations ont souvent confondu contraception et
préservatif, ce qui les expose à un risque particulier de grossesses non
désirées.
On ne pouvait donc rester plus longtemps insensible à la détresse de ces
jeunes filles et ne rien faire pour leur éviter de débuter leur vie de femme
par la terrible expérience d'une interruption volontaire de grossesse.
La contraception d'urgence est un progrès considérable en la matière, dans la
mesure où elle contribue à limiter le recours à l'avortement. Ainsi, en
Finlande, le nombre d'interruptions volontaires de grossesse a diminué de plus
de la moitié dans les dix années qui ont suivi la mise sur le marché de la
pilule du lendemain.
L'insuffisance patente en matière de prévention et d'accès à la contraception
et l'introduction en France d'une contraception d'urgence ont amené la mise en
place en janvier dernier, à l'initiative de Mme Ségolène Royal alors ministre
déléguée chargée de l'enseignement scolaire, d'un protocole national organisant
la délivrance du NorLevo, en cas d'urgence, par les infirmières scolaires.
Rappelons que ce protocole national sur l'organisation des soins et des
urgences dans les écoles et les établissements publics locaux d'enseignement
fit l'objet d'une longue concertation puisque celle-ci dura plus de six
mois.
Le NorLevo appartient à la catégorie juridique des contraceptifs hormonaux
et/ou intra-utérins. Il ne comporte aucune contre-indication médicale. Son
efficacité atteint 95 % si le premier comprimé est pris dans les vingt-quatre
heures qui suivent le rapport, et 58 % si la prise a lieu entre quarante-huit
et soixante-douze heures après.
Si le Gouvernement, sur proposition de l'Agence française de sécurité
sanitaire des produits de santé, a autorisé la vente libre du NorLevo, c'est
que, à la différence du Tétragynon, autre contraceptif d'urgence, il ne
comporte pas d'oestrogènes : ces hormones peuvent provoquer des nausées et,
surtout, elles entraînent des risques de malformation du foetus en cas de
poursuite de la grossesse. Le NorLevo, au contraire, est uniquement composé de
progestatif. Cette contraception d'urgence peut donc aussi venir en aide aux
femmes qui ont pris des risques et qui n'ont pas nécessairement une
contraception régulière. Elle permet d'éviter sept à neuf grossesses sur
dix.
La délivrance exceptionnelle en milieu scolaire a bien été respectée,
puisqu'en six mois ont été recensées 7 074 demandes de NorLevo de la part des
élèves, qui ont donné lieu à 1 618 délivrances effectives. Toutes les élèves
ont été suivies et orientées vers un centre de planification familiale. C'est
dire avec quel professionnalisme et sérieux les infirmières scolaires ont su
réagir et engager le dialogue pour inciter ces jeunes à utiliser par la suite
une méthode de contraception préventive et à en discuter avec leurs parents.
Le Conseil d'Etat, dans un arrêt du 30 juin 2000, a annulé les dispositions du
protocole national sans en remettre en cause pour autant le bien-fondé.
Il nous appartient donc aujourd'hui de donner une base légale à ces mesures en
votant un texte législatif permettant une réelle prise en compte de la
spécificité thérapeutique de ce contraceptif, inconnu en 1967.
Je vois dans cette prescription d'urgence non pas, comme certains, une
atteinte à un domaine d'intervention jusqu'à présent réservé au médecin, mais
un remède pour les jeunes contre l'inégalité dans l'accès à la contraception et
à l'éducation sexuelle, inégalité d'autant plus réelle qu'elle est fonction de
l'âge, mais aussi de la situation sociale, culturelle ou économique.
La délivrance du NorLevo par une infirmière scolaire, alors que l'école
demeure l'endroit le mieux à même de réduire les inégalités, et sa vente libre
en pharmacie répondent donc à une nécessité, particulièrement peut-être dans
les zones rurales, où les centres de planification familiales, qui sont
d'ailleurs eux-mêmes peu connus des adolescents, sont souvent éloignés.
La cohérence de cette proposition de loi passe cependant par une meilleure
connaissance des risques encourus par les jeunes lors de leurs premières
relations sexuelles, par l'augmentation du temps de présence des infirmières
dans les collèges et les lycées, et par une formation adéquate de ces dernières
en matière d'éducation à la santé et à la sexualité.
Je me réjouis de constater que les récentes mesures du ministère de
l'éducation nationale pour la rentrée scolaire 2000-2001 vont dans ce sens,
avec la mise en place à titre expérimental des cours d'éducation à la sexualité
pour les élèves des classes de quatrième et de troisième. Cette initiative a
d'autant plus de valeur qu'elle ne marginalise pas le rôle des garçons dans
cette ouverture à la sexualité. Ils seront eux aussi parents demain.
Toutefois, cet enseignement, souvent jugé trop théorique et trop scientifique,
devra être plus pédagogique. Il devra figurer dans la formation initiale et
continue des enseignants, ainsi que dans celles des infirmières scolaires et
des assistantes sociales. Sur ce point, un projet est d'ailleurs en cours
d'élaboration avec la collaboration du planning familial.
Certains ont vu dans la « démédicalisation » du contraceptif d'urgence une
atteinte à l'autorité parentale. L'objectif, loin d'être de remplacer le
dialogue entre parents et enfants en matière d'éducation à la sexualité, est
d'apporter une réponse à des jeunes filles en détresse et non de
déresponsabiliser les parents. C'est d'autant plus vrai que l'autorisation
parentale n'est déjà pas requise pour la prescription d'une contraception
régulière dans les centres de planification.
D'ailleurs, les mineures agissent en toute conscience, sans en informer leurs
parents. La loi doit inscrire dans les faits que les adolescentes sont en
mesure de gérer leur sexualité, si on leur en donne les moyens. Elles se
retrouveront trop souvent seules au terme de leur grossesse face à une décision
traumatisante : garder l'enfant ou l'abandonner.
Une vie sexuelle socialement acceptée, c'est une sexualité responsable et une
jeunesse responsable et reconnue.
Mais, vous le savez, l'éducation sexuelle a toujours fait l'objet d'un tabou
culturel pour les parents. Si des progrès ont été accomplis dans de nombreuses
familles, toutes n'ont pas le même accès à l'information et toutes n'ont pas la
même approche de la question. Par peur ou par pudeur, les parents sont parfois
réticents à imaginer la vie sexuelle de leur enfant, et de leur fille en
particulier, ce qui conduit de nombreux jeunes à vouloir conserver le secret
sur leur sexualité.
L'écoute d'une tierce personne, en l'occurrence l'infirmière scolaire, est
donc parfois plus à même d'apporter le soutien et le conseil nécessaires dans
ces situations d'urgence.
Il y a non pas substitution, mais complémentarité dans l'action. N'entrons pas
dans la confusion « autorité parentale » et « autorisation parentale ». Déroger
ne veut pas dire supprimer.
Mais, s'il s'agit bien de pallier une imprudence ou une ignorance, la
contraception d'urgence doit demeurer une exception. Il faudra veiller à ce que
le recours au NorLevo ne se banalise pas. N'oublions pas que la sexualité des
adolescentes est irrégulière et imprévue, d'où l'importance du travail des
infirmières en milieu scolaire et l'urgence à accompagner cette proposition de
loi des moyens financiers nécessaires pour une mise en application dans les
meilleures conditions.
Je suis sûre que le Gouvernement saura accompagner cette réforme des garanties
nécessaires, comme le montrent les différentes actions qu'il a déjà entreprises
en ce domaine.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles
du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Francis Giraud.
M. Francis Giraud.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, quelque 6 500 interruptions volontaires de grossesse par an
chez les mineures mais, surtout, une forte augmentation, en cinq ans, de la
proportion de mineures enceintes recourant à l'interruption volontaire de
grossesse, qui passe de 59 % en 1990 à 71 % en 1995 : ces chiffres sont
tristement éloquents !
Pour tenter de limiter le recours à l'avortement, le Gouvernement a préconisé
des mesures qui sont reprises dans l'article unique d'une proposition de loi,
déjà votée par l'Assemblée nationale.
Ce texte prévoit d'autoriser la contraception d'urgence, par la délivrance
sans ordonnance du NorLevo, « la pilule du lendemain », et l'administration de
cette contraception, dans des circonstances exceptionnelles, à des mineures,
sans l'autorisation préalable des parents, par des infirmières en milieu
scolaire.
Permettez-moi tout d'abord de féliciter nos collègues M. Lucien Neuwirth et
Mme Janine Bardou de la qualité exemplaire de leurs rapports.
Un sénateur socialiste.
C'est vrai !
M. Francis Giraud.
Ce texte aborde un vrai problème de société, une situation dramatique pour les
adolescentes, une situation dont nous sommes tous responsables, politiques de
droite comme de gauche, parents, enseignants et médecins. Il n'y a donc bien
sûr pas lieu de polémiquer ; il convient plutôt de réfléchir et de faire des
propositions.
Sur un tel sujet, on pourrait épiloguer sans fin, car ce texte, élaboré dans
l'urgence, sans débat de fond, concerne, entre autres points, deux éléments
fondamentaux de l'organisation de notre société : la responsabilité médicale et
la responsabilité parentale.
Médecin des hôpitaux publics, ayant exercé pendant de longues années dans les
domaines de la pédiatrie et de la génétique médicale, je limiterai mon
intervention à trois points, à savoir l'aspect médical, l'information et
l'éducation.
Oui, dans notre société, une grossesse chez une jeune adolescente est un
drame, une détresse - sans doute davantage sur le plan psychologique que sur le
plan physique - qui la condamne à un avenir chaotique. La conception d'une vie
nouvelle se transforme en désastre.
Oui, il y a urgence après un rapport sexuel non protégé si l'on veut éviter
une grossesse.
Oui, le NorLevo, contraceptif à base de progestérone, s'il est ingéré dans les
vingt-quatre heures qui suivent le rapport sexuel, est efficace, en empêchant
l'ovulation ou la nidation. Il n'a rien à voir avec un médicament abortif, tel
que le RU 486.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Très bien !
M. Francis Giraud.
Médecin, j'ai été étonné des commentaires concernant un produit chimique qui,
en lui-même, n'a pas de valeur morale. Un médicament à la dose voulue est
efficace ou non. Celui-ci l'est, à l'évidence.
Son utilisation exceptionnelle n'entraîne pas de conséquences apparentes. Le
vrai danger réside dans les utilisations répétées d'une méthode trop facile,
qui généreront sans aucun doute des perturbations sérieuses, dont les
répercussions ne sont pas encore connues avec précision.
Contrairement à certains de nos collègues qui déclarent que les femmes et les
adolescentes sont responsables, je pense, par expérience dans d'autres
domaines, que la banalisation est un réel danger.
S'agissant des infirmières scolaires, dont j'ai pu apprécier l'immense
dévouement, la compétence, par ailleurs reconnue, la faculté d'écoute, je
m'interroge sur deux points. Pourront-elles être présentes dans ces situations
de détresse, quand on sait que leur nombre est limité - une infirmière pour 2
500 enfants, certaines ne venant que quelques heures dans un établissement - et
que les congés scolaires représentent à peu près un tiers de l'année civile ?
Bien plus important encore, au-delà du protocole national qui les guidera dans
leur action, a-t-on bien réfléchi à la responsabilité médicale qu'on leur
délègue ?
Bien entendu, un jour ou l'autre, un incident, un accident, se produira chez
une adolescente. Même si celui-ci n'a aucun rapport avec le NorLevo, les
infirmières scolaires ne seront-elles pas inquiétées ?
Sur un plan plus général, la possibilité de prescription sans avis médical ne
me paraît pas souhaitable. Il s'agit non pas de corporatisme, mais de bon
sens.
Certes, le nombre de médecins scolaires est notoirement insuffisant, le
service de prévention maternelle et infantile et les centres de planning
familial sont en nombre insuffisant et peu étayés. Cet aspect du problème ne
devrait-il pas être révisé en priorité ? Un pays riche comme le nôtre doit-il
accepter de telles carences ?
L'exonération explicite de l'autorisation parentale pour les mineures qui
désirent garder le secret peut se comprendre, compte tenu de la réalité
sociale, des différences de culture et de l'extrême urgence de la décision.
Cette porte ouverte, nécessaire en l'occurrence, peut toutefois se révéler
dangereuse dans d'autres circonstances.
Il faudra bien, un jour, repenser la place des parents dans le système de
santé.
Surtout, le fait de faire entrer la médecine à l'école et de ne plus se
limiter à une surveillance médicale crée une ambiguïté dangereuse entre les
missions de l'éducation nationale et celles du ministère de la santé.
(Applaudissements sur certaines travées du RPR et de l'Union
centriste.)
S'agissant de l'information sur la contraception, les chiffres parlent
d'eux-mêmes.
Plus de trente ans après la loi Neuwirth, vingt-cinq ans après la loi Veil de
1975, on dénombre 220 000 interruptions volontaires de grossesse par an en
France, avec une hausse de 6 % pour la période 1990-1998, qui concerne plus
particulièrement les plus jeunes femmes. On compte 20 000 grossesses chez les
mineures, dont 10 000 non désirées, et 6 500 interruptions volontaires de
grossesse. Par ailleurs, 60 % de premiers rapports sexuels ont lieu sans
protection.
Cette attristante situation appelle de notre part modestie et réflexion. Les
décisions courageuses prises en 1967 et en 1975 ont abouti de ce point de vue,
et ces chiffres le démontrent, à un échec : le recours à l'interruption
volontaire de grossesse qui devait, selon la loi de 1975, intervenir
exceptionnellement, est devenu, hélas ! une méthode de contraception.
Certes, des campagnes d'information sur la contraception ont été réalisées,
des centres d'accueil offrant confidentialité et gratuité existent à l'hôpital
et au planning familial. Certes, des programmes d'enseignement pour les jeunes
sur la sexualité ont été institués et codifiés par de multiples circulaires
émanant de différents ministères. Pourtant, c'est une constatation, cette
information se révèle insuffisante, insatisfaisante. Tous les acteurs de
terrain sont consternés par l'ignorance abyssale des Français sur la
physiologie de la reproduction, sur la régulation des naissances.
Le bilan est lourd. Le droit proclamé pour chaque femme de planifier la
naissance de ses enfants n'a pas réellement progressé. En effet, comme M.
Lucien Neuwirth l'a rappelé, on dénombrait 250 000 interruptions volontaires de
grossesse légales par an en 1976 ; on en compte 220 000 de nos jours.
Une fois de plus, on constate dans notre pays, madame la ministre, madame la
secrétaire d'Etat, que les intentions sont louables, que les effets d'annonce
ne manquent pas ; mais leur mise en oeuvre à travers tout le territoire est
déficiente.
(Applaudissements sur certaines travées du RPR.)
D'autres pays pourraient servir d'exemple.
Un rapport de l'INSERM, l'Institut national de la santé et de la recherche
médicale, constate qu'aux Pays-Bas, où l'enseignement de la santé, et donc de
la sexualité, est abordé dès l'école primaire, les taux d'interruptions
volontaires de grossesse sont les plus bas d'Europe, soit 6,5 , contre 15,4 en
France, tout comme le rapport entre avortements et naissances, qui s'établit à
1 sur 9, contre 1 sur 3 en France.
Quelle que soit la qualité de l'information, celle-ci sera toujours
insuffisante sans une éducation des jeunes à la vie.
Cette éducation, bien des enfants la reçoivent dans leur famille, qui a un
rôle irremplaçable. La préparation des jeunes à l'âge adulte se fait par
l'exemple que l'on donne en tant que parents et adultes, par l'attachement à
certaines valeurs et par le sens des responsabilités que l'on manifeste dans sa
propre vie.
(Applaudissements sur certaines travées du RPR.)
Cette construction s'effectue patiemment depuis la petite enfance grâce à une
attention sans cesse renouvelée. Les discussions à l'adolescence, franches et
directes, sont indispensables à cette élaboration qui fera d'un adolescent un
adulte responsable, respectueux de lui-même et de ceux qui l'entourent.
Il est temps, sur cette question de société et de santé, d'associer tous les
acteurs : parents, éducateurs et corps médical.
Il est de notre responsabilité à tous que les jeunes, sans distinction de
sexe, soient conscients que l'acte sexuel ne relève pas de la performance,
qu'il comporte des risques et engage donc la responsabilité, que le plaisir
naît d'un échange respectueux de soi-même et de l'autre.
Ces réflexions peuvent vous sembler irréalistes, car il est vrai que
l'organisation de notre société ne se prête pas à ces échanges fructueux entre
parents et adolescents. Il est par ailleurs incontestable que la cellule
familiale est menacée, de plus en plus sujette à dislocation.
Mais ces réflexions, je les crois justes, et je le dis.
La responsabilité doit être le maître mot de nos débats après le constat d'une
si dramatique situation : responsabilité des jeunes, des parents, des
éducateurs, des professions médicales, des médias et des décideurs
politiques.
A ce propos, je suis étonné que, durant ces débats, l'on n'ait pas davantage
insisté sur la responsabilité des garçons. Ce sont bien sûr les filles qui
subissent les conséquences de rapports sexuels non protégés. Bien souvent,
elles les assument seules. On continue à leur faire croire que la contraception
est de leur unique reponsabilité. Il n'est prévu nulle part que leurs
partenaires masculins soient davantages impliqués.
Madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, devant cette situation qui
atteint la jeunesse de notre pays, quels moyens financiers entendez-vous
utiliser pour augmenter encore, car vous l'avez déjà fait, le nombre des
médecins et des infirmières scolaires ? Chacun sait le nombre extraordinaire de
collèges et de lycées qui, sur le territoire, ne sont pas pourvus normalement
et suffisamment de médecins et d'infirmières. Quels moyens financiers
entendez-vous utiliser pour améliorer une information insuffisante et
insatisfaisante ? Vous avez parlé d'une campagne médiatique. C'est très bien ;
mais les chiffres prouvent que toutes ces campagnes, toutes ces actions, aussi
louables soient-elles, n'ont pas produit l'effet escompté.
M. Roland Muzeau.
Il n'y en a pas eu assez !
M. Francis Giraud.
Quels moyens entendez-vous utiliser pour responsabiliser les jeunes dans leur
éducation à la vie ?
Je suis certain que tous, ici, nous sommes désireux du plein épanouissement
des jeunes de notre pays.
Au-delà de ce texte, que je voterai, sans enthousiasme, pour répondre à des
situations de détresse comme le serment d'Hippocrate m'y engage, conjuguons nos
efforts pour améliorer dans notre société la situation délicate des
adolescents.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées RPR et du
groupe de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du groupe du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Nogrix.
M. Philippe Nogrix.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, il a fallu attendre le 1er juillet 1967 pour que la
proposition de loi sur la régulation des naissances de Lucien Neuwirth, alors
député, soit adoptée par le Parlement. Je profite d'ailleurs de cette
intervention pour remercier notre collègue : le rapporteur qu'il est a su de
façon magistrale orienter les débats et les travaux de la commission des
affaires sociales. L'éclairage apporté par Mme Bardou, au nom de la délégation
aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les
femmes, nous a également été très utile. Merci, madame.
A une époque où environ 300 000 avortements étaient pratiqués chaque année et
où seules les femmes ayant un bon réseau relationnel et les moyens nécessaires
pouvaient accéder à des produits contraceptifs à l'étranger, à une époque où
des moyens plus ou moins dangereux d'éviter une grossesse étaient en
circulation, l'autorisation et la vente, sur prescription médicale, d'une
molécule contraceptive ont annoncé une véritable révolution culturelle pour
l'ensemble des Françaises et des Français.
Trente-trois ans plus tard, que constatons-nous ? Nous observons que
l'utilisation de la contraception, en France, relève d'un paradoxe : la
contraception féminine s'est généralisée, mais le taux d'IVG reste stable,
comme nous l'a rappelé M. le rapporteur.
La France détient le record du monde de l'utilisation de la pilule et du
stérilet : 57 % dans notre pays contre 30 % en Grande-Bretagne et 15 % aux
Etats-Unis.
(Mme Pourtaud s'exclame.)
Cependant, si l'on peut penser que la diffusion
de la connaissance et de la pratique de la contraception est aujourd'hui assez
forte parmi les femmes, il reste que près de 220 000 interruptions volontaires
de grossesse sont encore pratiquées chaque année en France.
Malheureusement, on constate également une augmentation des IVG chez les
jeunes filles de quinze ans à vingt-quatre ans, la progression la plus
importante se situant dans la classe d'âge des dix-huit - dix-neuf ans : plus
26,7 % entre 1992 et 1995.
Les études montrent que la plupart des IVG chez les adolescentes sont dues à
l'absence de contraception, en premier lieu, à une mauvaise utilisation du
préservatif et à l'oubli de la pilule, en second lieu. La sexualité des
adolescentes se caractérise par un nombre important de rapports non protégés,
puisque 50 % à 60 % des premiers rapports ont lieu sans aucune
contraception.
Que peut-on donc constater si ce n'est la pauvreté de l'éducation sexuelle
dans notre pays, aboutissant à ce que la moitié des grossesses des adolescentes
ne soient pas désirées et que près des deux tiers de ces grossesses conduisent
aujourd'hui à un avortement ?
La proposition de loi qui nous est aujourd'hui soumise s'avère être une mesure
nécessaire au regard du nombre encore important d'IVG chez les adolescentes. Il
s'agit d'une mesure nécessaire pour accompagner l'évolution de la société,
évolution que l'on peut regretter, voire rejeter, je le conçois. Mais ne soyons
pas hypocrites : ne vivons pas dans un monde virtuel, regardons la réalité et
adaptons nos décisions aux nouveaux comportements.
La diffusion de la contraception d'urgence nécessite un accès rapide et facile
pour les mineures. C'est pourquoi il semble effectivement nécessaire que cette
contraception soit délivrée par les infirmières scolaires et disponible dans
les pharmacies.
Quant à sa délivrance, elle ne doit constituer qu'une mesure d'urgence,
destinée à répondre à une situation de détresse dans la mesure où l'efficacité
du NorLevo est liée à son absorption rapide. Elle doit être rattachée à une
procédure très particulière et rigoureuse.
Si les parents jouent un rôle irremplaçable dans l'éducation de leurs enfants,
leur apportant leur soutien et leurs conseils dans les situations difficiles,
il n'est cependant pas toujours possible à l'adolescente de créer l'occasion de
se livrer à eux, de s'informer auprès d'eux et de les informer de ce qui lui
arrive. Elle veut éviter une situation de crise, pour préserver tout simplement
son intimité, et c'est légitime. Il est donc essentiel que l'anonymat soit
préservé, si la jeune fille le demande.
Ne pas exiger l'autorité parentale, c'est aussi faire preuve de réalisme. En
effet, il y a longtemps que les mineures utilisent la contraception sans en
parler à leurs parents. Ne vaut-il pas mieux que, dans des circonstances
difficiles, une adolescente ait affaire à une infirmière scolaire, qui
l'écoute, plutôt que d'être livrée à elle-même et à la seule écoute de ses
copines ?
Quels parents peuvent se targuer de savoir trouver, à tout moment, les mots
qu'il faut pour parler à leur fille ? L'adolescence est l'âge des refus et des
oppositions, et, s'il est une chose dont les adolescents ne parlent pas
librement avec leurs parents, c'est le plus souvent, hélas ! de la
sexualité.
Les infirmières ont, depuis longtemps, un rôle d'écoute et de conseil auprès
des adolescentes. Elles sont parfois le seul interlocuteur adulte, dont les
adolescentes ont besoin, avec lequel elles se sentent en confiance. Enfin, la
grande majorité d'entre elles avaient accueilli très favorablement la
circulaire du 27 décembre 1999, d'autant qu'elles avaient déjà dû faire face à
de telles situations sans pouvoir y répondre.
Il faut reconnaître, après six mois d'application de cette circulaire, que les
infirmières scolaires ont fort bien su suivre le protocole très précis qui leur
était imposé. Elles sont conscientes de leurs responsabilités, qu'elles
assument pourtant dans des conditions bien difficiles, d'autant plus qu'il y a,
en moyenne, une infirmière pour 2 500 élèves.
S'agissant de l'éducation sexuelle, elle ne doit pas se limiter, comme c'est
trop souvent le cas, aux aspects biologiques ni à des conseils de prévention,
mais elle doit donner toute sa place à la dimension affective, culturelle,
sociale de la sexualité, et faire davantage appel, pour cela, à des
intervenants extérieurs qui sauront expliquer la valeur du partage,
l'importance du don de la vie par décision mutuelle et non par accident
d'ignorance.
Vous avez parlé, madame la ministre, de « leçon politique ». Mais nous aurions
aimé que, lorsque vous étiez en charge des collèges, vous mettiez en place une
véritable éducation sexuelle, que nous réclamons aujourd'hui avec vigueur.
Les adolescents, qui éprouvent souvent de grandes difficultés à aborder le
sujet de la sexualité avec leurs parents, sont peu informés et peu réceptifs à
un enseignement qu'ils estiment trop théorique.
Méditons sur les chiffres donnés par notre collègue Francis Giraud : un
avortement pour trois naissances en France, un pour neuf aux Pays-Bas. Si une
bonne éducation sexuelle dès l'enseignement primaire permet véritablement un
tel résultat, mettons-la tout de suite en oeuvre chez nous !
Le rôle des infirmières scolaires a aujourd'hui toute son importance, puisque,
à chaque fois qu'elles ont pu établir un dialogue avec l'adolescente, elles ont
réussi à la conduire à envisager une contraception régulière.
La commission des affaires sociales souhaite que la contraception d'urgence
soit délivrée gratuitement, aux jeunes filles mineures, par les pharmaciens.
Je suis, comme une grande majorité des membres de mon groupe, tout à fait
favorable à cette mesure, car je n'en connais pas d'autre qui pourrait éviter
une discrimination entre les jeunes mineures, entre celles qui habitent en
ville et celles qui habitent dans les petites communes rurales, entre celles
dont le collège a une infirmière et celles dont le collège n'en a pas. Il est
nécessaire qu'il y ait une équité totale entre toutes ces élèves afin qu'elles
puissent toutes bénéficier de la même contraception d'urgence à titre
gratuit.
Il me paraît raisonnable de faire confiance aux pharmaciens comme on fait
confiance aux infirmières scolaires. Ils font partie du réseau des
professionnels de santé, qui, en France, est fiable et responsable.
Reconnaissons-le et renforçons-le.
Pour toutes ces raisons, je voterai, avec la grande majorité des membres de
mon groupe, cette proposition de loi qui donne un fondement juridique à
l'arrêté et à la circulaire de Mme Royal.
On peut certes rêver d'un autre monde, d'un monde idéal où régnerait, au sein
de toute famille, un esprit de dialogue, d'ouverture, de tolérance et de
pardon. Mais la réalité est tout autre, et il faut être lucide.
Enfin, comme mon collègue Francis Giraud, je voudrais qu'on cesse de faire
porter le lourd fardeau de la responsabilité de l'acte sexuel aux filles. La «
faute » rejaillit toujours sur la fille ; c'est toujours elle qui est
culpabilisée, c'est toujours elle qui doit faire attention, c'est toujours elle
qui supporte les risques. Le garçon, lui, reste aux abonnés absents. Il ne se
sent plus concerné.
Malgré tout cela, je fais confiance à nos jeunes ; ils réfléchissent, ils se
posent des questions, ils sont en quête de la société qu'ils souhaitent : celle
de demain. Nous leur avons légué une société de consommation, une société de
réalisation du soi. Aidons-les à s'informer, à se former, à se responsabiliser,
à accepter toutes les conséquences de leurs actes. C'est dans cet esprit que
nous voterons le texte amendé par la commission.
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Seillier.
M. Bernard Seillier.
Madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le président, mes
chers collègues, j'ai beaucoup écouté les arguments avancés par les uns et par
les autres sur la contraception dite d'urgence. Tout semble lumineux.
La politique d'incitation à la contraception développée depuis 1967 serait un
échec. Il faudrait donc non seulement la relancer pour arriver enfin à faire de
la contraception un comportement réflexe et préventif, mais aussi la compléter
par une contraception de rattrapage, dite « du lendemain ».
Ne doit-on pas pourtant et d'abord dénoncer l'hypocrisie des adultes qui
incitent à la vie sexuelle précoce, présentée parfois comme un droit sexuel des
jeunes, et qui semblent découvrir ensuite les situations dramatiques qui en
résultent ? Ayant entendu vos propos, madame la ministre, je mets à part votre
position sur ce sujet.
L'avant-propos du rapport de notre éminent collègue M. Neuwirth semble à
première vue incontestable : « Avoir un enfant avec l'être qu'on aime, au
moment où l'on peut l'accueillir dans les meilleures conditions, d'abord pour
lui-même, car un enfant, c'est d'abord un projet de vie dont les auteurs ont la
responsabilité, c'est un accomplissement. »
Mais pourquoi ne pas dire d'abord que le couple lui-même est un projet de vie
en commun ? Car il n'y a pas que la fécondité qui doit être entourée d'une
telle attention ! La relation sexuelle n'est pas anodine et banale, elle
concerne toute la personnalité.
Avoir une relation avec l'être qu'on aime devrait signifier unir sa vie à la
sienne et, pour cela, s'y préparer pendant son adolescence. Or ce qui, hier,
semblait encore un idéal peu controversé paraît abandonné par les adultes -
beaucoup plus que par les jeunes, d'ailleurs - et ce qui est présenté par les
adultes comme un fait de société irréversible imposerait, dès lors, la logique
de la contraception généralisée.
Mais qu'y aurait-il donc de fondamentalement changé en l'homme pour le
conduire à se glorifier désormais de donner libre cours à ses pulsions ?
Heureusement, cet enchaînement n'est pas aussi irréversible qu'on le croit
parfois. Ici ou là, aux Etats-Unis notamment mais en France aussi, existent des
jeunes - de plus en plus nombreux - qu'anime un idéal exigeant pour la
préparation et la pratique d'un authentique amour conjugal.
Mme Dinah Derycke.
Tant mieux !
M. Bernard Seillier.
Si l'on réfléchit déjà un peu au problème de la procréation, on voit combien
est approximative la thèse de la décision rationnelle et de la programmation de
l'enfant. Quel homme peut dire qu'un jour il s'est senti tout à fait prêt à
décider de devenir père ? N'est-ce pas, pour beaucoup, l'amour de sa femme et
la venue de l'enfant qui le font psychiquement devenir père ?
Qui peut savoir le moment où les conditions d'accueil de l'enfant sont tout à
fait convenables ? Qui peut affirmer, en dehors de quelques rares et
exceptionnelles circonstances, qu'elles ne le sont pas ?
Quand on lit cet extraordinaire livre de Madeleine Aylmer Roubenne, préfacé
par Geneviève de Gaulle Anthonioz, évoquant, certes, une situation limite mais
sans doute éclairante -
J'ai donné la vie dans un camp de la mort
- on
est profondément bouleversé de constater combien, en fait, l'arrivée de
l'enfant est mobilisatrice de l'amour de tous, mobilisatrice de toutes les
énergies, suscitant des prodiges d'imagination, de tendresse et de courage.
Et que l'on pense tout simplement à tous les exclus du quart monde, qui ne
sont riches que de leurs enfants ! Est-ce bien raisonnable, ou admirable, voire
les deux ?
Nous avons donc le choix entre deux philosophies, deux anthropologies
difficilement conciliables derrière nos débats : d'un côté, une sexualité
impulsive et qui implique, dès lors, l'organisation contraceptive systématique
; de l'autre, une sexualité véritablement humaine, inséparable de la
construction de la personnalité.
La première hypothèse ne conduira-t-elle pas un jour inexorablement à des
campagnes pour la stérilisation, pour en finir avec les aléas de la
contraception ? C'est déjà le cas dans certains pays !
A contrario
, le régime de maîtrise personnelle à deux, à partir d'une
connaissance en constant progrès de la physiologie féminine, offre une tout
autre perspective à l'accomplissement de l'homme et de la femme. C'est aussi la
voie d'une écologie authentiquement humaine, et donc caractérisée par une
responsabilité partagée. C'est la voie du progrès !
Je ne nie pas que les circonstances particulières dans lesquelles vivent
certaines personnes les conduisent à agir selon l'une ou l'autre de ces
conceptions, et ce n'est pas cette question de conduite personnelle que je
soulève ici. Mais le politique doit prendre en considération à la fois le bien
personnel et le bien de la société dans son ensemble, en dépassant les cas
particuliers, car chacun d'entre nous a besoin de toute la société, avec sa
diversité, pour se développer et s'épanouir.
Or, depuis une quarantaine d'années, le développement des campagnes en faveur
de la contraception tend à devenir normatif et à caricaturer d'autres
conceptions sur la sexualité. Le bonheur des personnes, et donc la stabilité de
la société, en souffrent. La violence liée à l'instinct sexuel se trouve
libérée, alors que la pacification des relations sociales, véritable fruit de
la maîtrise de soi, se désagrège.
Se développe une sexualité vagabonde, détachée de tout lien durable entre
partenaires devenus des « particules élémentaires », qui fragilise l'amour, le
lien familial et donc, à long terme, le lien social. J'en veux pour preuve le
constat que nous faisons aujourd'hui comme maires à propos des divorces, qui se
multiplient après de longues années de vie commune.
N'est-il pas temps aussi de dénoncer la domination sans cesse plus affirmée de
l'homme sur la femme, devenue pour lui un objet sexuel toujours disponible et
qu'il peut jeter après usage ? La poignante et récente révolte de la compagne
de José Bové se passe de commentaires...
Par quel miracle la société survit-elle encore un peu à la clandestinité
organisée de l'amour conjugal et familial ? C'est grâce à la jeunesse, qui
continue à entretenir le goût pour un amour authentique. C'est évidemment
autour d'elle - de l'adolescence, particulièrement - que la passion de la
transmission de la vie s'exprime facilement et spontanément.
L'adolescent ne pense pas d'abord à l'aventure passagère, il croit à l'amour
qui ne calcule pas, qui ne compte pas. Ce n'est pas seulement qu'il aime le
risque, c'est qu'il est surtout spontanément et naturellement en phase avec la
fécondité de la sexualité, qu'il souhaite même l'éprouver. Ce n'est qu'avec le
temps, et devant l'exemple même des adultes, qu'il acquiert la maturité
souhaitable.
A l'opposé, l'incitation aux relations sexuelles précoces et prématurées ne
peut que conduire à la multiplication des grossesses chez les mineures.
Les incohérences sont, par ailleurs, multiples autour de cette proposition de
loi.
La première, et non des moindres, est que le NorLevo est aujourd'hui en vente
libre dans les pharmacies. L'état de droit n'est plus qu'une façade !
Un autre sujet d'étonnement tient au délai d'efficacité du NorLevo : il vaut
mieux l'avoir acheté la veille pour qu'il ne risque pas de devenir la « pilule
du surlendemain », ayant perdu 25 % de son efficacité !
Dans ce débat, largement mais superficiellement médiatisé, les jeunes ne
pourraient-ils pas trouver quelques signes en provenance du Parlement pour les
encourager à oser l'aventure humaine de l'amour véritable, plutôt qu'un
palliatif dissimulé derrière le paravent d'une assurance chimique contre la vie
?
L'idéologie scientiste du contrôle chimique de la sexualité ne
représente-t-elle pas un nouveau type d'oppression du genre humain ? Il n'y a
de libération authentique que dans une liberté conquise par la volonté,
s'exprimant à travers la maîtrise de soi pour mieux aimer.
La vie n'est pas seulement biologique, elle est aussi et surtout âme et esprit
chez l'être humain, et la grandeur de l'homme est de ne pas dissocier
sexualité, affectivité et spiritualité : seul son esprit lui permet d'articuler
dans le temps sa fécondité et sa sexualité sans rompre son unité intérieure.
C'est pourquoi l'exclusion, la mise au chômage de l'esprit par la diffusion
d'une mentalité contraceptive généralisée ampute la sexualité et nie toute
sagesse et toute philosophie. Et, loin de porter remède aux détresses qu'elle
prétend traiter, elle risque fort de les multiplier à l'avenir.
Ce danger me paraît très grave et c'est pourquoi, en conscience, il me conduit
à rejeter cette proposition de loi.
(Applaudissements sur certaines travées
du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, quels que soient l'âge et les circonstances qui conduisent à
arrêter le processus d'une grossesse, il y a là échec. C'est une décision
difficile à prendre et dont l'oubli est hypothétique.
Depuis la contraception chimique, introduite il y a une quarantaine d'années,
la plupart du temps, les femmes se trouvent seules devant un choix à faire qui
ne se posait pas jusqu'alors. Peut-être parce que, au sein d'un couple, l'homme
se sent moins concerné par une régulation voulue des naissances, il y a, la
plupart du temps, un sentiment d'isolement dans la conduite choisie, sentiment
qui se renforce quand la grossesse est rejetée.
Les chiffres ont déjà été cités à plusieurs reprises : sur les 220 000 IVG
annuelles, dont 160 000 déclarées, 6 000 concernent les mineurs, 10 % touchent
les moins de vingt ans et 30 % sont pratiquées sur des moins de vingt-cinq
ans.
Ces jeunes sont pourtant les enfants de couples qui ont connu, depuis trente
ans, toutes les politiques de santé menées en faveur de la contraception.
Il y a un double constat à faire : d'une part, les campagnes d'information
n'ont pas atteint leur objectif ; d'autre part, le milieu familial n'a pas
assumé son rôle d'éducateur en la matière.
Il faut dire que la dernière vraie campagne de sensibilisation sur les moyens
contraceptifs date de près de vingt ans. En effet, celle qui a été lancée au
début de cette année est restée très discrète, et les esprits ne semblent pas
avoir été marqués par sa force d'attaque.
Il semble qu'il y ait eu confusion entre cette éducation contraceptive et les
messages répétitifs et soutenus en faveur de la protection contre les maladies
sexuellement transmissibles, en particulier le sida. Si bien que, extrêmement
sensibilisés au barrage nécessaire contre ce fléau, les jeunes qui
entretiennent une relation durable, fondée sur la confiance et la fidélité,
négligent l'emploi du préservatif, oubliant le risque de grossesse.
Aussi la contraception d'urgence répond-elle bien à cette double carence.
En grande majorité, le premier rapport sexuel se passe sans protection. Il est
rarement programmé. Mais on constate également une grande indigence
d'information sur les risques encourus, du côté des jeunes filles comme du côté
des garçons. Le sujet reste tabou dans bien des familles, et c'est entre eux
que les jeunes en parlent. Et ils en parlent mal, car ils sont
sous-informés.
S'il est quasi exceptionnel qu'il y ait des échanges entre parents et enfants
sur le déroulement de la vie sexuelle, comment imaginer qu'une mineure s'ouvre
à sa mère d'une présomption de grossesse ? A la peur, à la honte parfois,
s'ajoute un sentiment de décalage entre le statut de l'enfant et celui de
l'adulte qu'il devient malgré lui. La situation est vite ingérable.
La possibilité d'avoir une écoute et une aide en milieu scolaire est une
réelle réponse à la détresse éprouvée. Toutefois, il convient que
l'interlocuteur non seulement ait les compétences médicales nécessaires à la
prescription du produit, mais aussi qu'il soit en mesure de déclencher un
accompagnement psychologique indispensable.
En tant qu'ancien praticien, j'aurais donc préféré que ce soient les médecins
scolaires qui reçoivent cette mission plutôt que les infirmières.
Il est affirmé que le NorLevo ne présente pas de danger pour la santé ;
néanmoins, le dosage de la substance réactive est suffisamment fort pour
empêcher la nidation.
A cet égard, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, je voudrais
savoir comment un médecin scolaire qui a - cela arrive ! - 9 000 élèves en
charge, ou une infirmière, qui s'occupe de 2 500 élèves en moyenne pourront
effectivement répondre à une situation d'urgence et de détresse. Car il faut
être conscient que la jeune fille qui aura eu le courage de venir pousser une
fois la porte du service médical ne le trouvera peut-être pas une seconde fois
! Or, c'est dans les soixante-douze heures qu'il faut agir.
Qu'en sera-t-il également en cas de refus pour clause de conscience ?
Par ailleurs, l'acte n'est pas anodin. Il convient de mettre en place une
prise en charge qui rassure et qui informe en même temps. Ce que la prévention
n'a pas su faire, la formation dans l'éducation des conduites devra en combler
les manques. Car, si ce volet était négligé, la contraception d'urgence, qui
évite le pire, serait banalisée. On courrait alors le risque d'y avoir recours
à répétition.
Il me semble qu'à cette occasion on pourrait associer les garçons à cette
information, afin qu'eux aussi apprennent la responsabilité partagée.
Il n'en reste pas moins très gênant que les familles soient tenues à l'écart
de la démarche. Si l'élève concernée exige que sa demande ne soit pas
divulguée, on conçoit que ce soit un médecin qui y souscrive : tenu au secret
professionnel, il est en capacité de prendre sa décision. Mais que peut-on
avancer à des parents qui s'opposeraient à l'administration du contraceptif
d'urgence s'il était prescrit à une mineure par une personne n'ayant pas cette
qualité ? Face à l'administrateur légal, que peut-on répondre ?
Au-delà de la disposition spécifique du texte que nous examinons aujourd'hui,
ce sont les chiffres des IVG pratiquées annuellement qui méritent une attention
particulière : chez plus d'un tiers des femmes enceintes, les grossesses ne
sont pas souhaitées.
Si chacun est libre de ses choix, le recours à l'IVG n'en est pas un, il
apparaît comme la solution ultime. C'est bien ce qu'une société avancée ne
devrait plus enregistrer qu'exceptionnellement. Un vaste travail reste à faire
pour en arriver là.
Néanmoins, aujourd'hui, je voterai cette proposition de loi amendée par notre
commission.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur celles du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, je débuterai mon propos en félicitant le Gouvernement d'avoir
eu le courage de prendre, l'hiver dernier, la décision d'autoriser le
délivrance du NorLevo, plus connu sous le nom de « pilule du lendemain », par
les infirmières scolaires.
Comme je l'avais dit lors de ma question d'actualité du 22 juin dernier, cette
disposition reposait sur une analyse très juste de la réalité de la vie des
adolescentes, de leur extrême détresse parfois. Elle avait pour objet de
prévenir les conséquences médicales, psychologiques et sociales, souvent
dramatiques, d'une grossesse non désirée chez les jeunes filles.
Les chiffres ont été cités : chaque année 10 000 adolescentes de quinze à
dix-huit ans sont confrontées à une grossesse non désirée et 6 700 d'entre
elles ont recours à une interruption volontaire de grossesse.
Les jeunes filles parmi les plus défavorisées, souffrant le plus de la
solitude, le plus à l'écart des filières d'information, mais aussi le plus
victimes de violences sont les plus concernées.
Parmi ces jeunes filles, nous trouvons, hélas ! aussi celles qui sont soumises
à des rapports sexuels contraints et qui ne peuvent pas, ou ne veulent pas, en
parler à leurs proches.
Face à de telles réalités, il était indispensable d'agir rapidement. Car
derrière ces statistiques, c'est de l'angoisse de plusieurs milliers de jeunes
qu'il s'agit. C'est aussi de leur incapacité, pour des raisons diverses, à
communiquer avec leurs parents et à résoudre ce problème au sein de la cellule
familiale.
C'est également, pour ces jeunes, l'absence de lieux, même s'il en existe de
remarquables, comme les centres de planning familial, où ils ont envie d'aller
pour aborder les questions de sexualité et de contraception.
Admettre que les jeunes filles puissent avoir recours à une contraception, y
compris à la contraception d'urgence, c'est admettre que les jeunes peuvent
avoir une sexualité.
Si certains peuvent penser que notre société est plus ouverte et plus
permissive sur ces questions, nous pouvons également tous constater combien il
est culturellement peu admis que les adolescents parlent de sexualité et de
contraception à des adultes, même si ce sont leurs parents.
Ce silence, j'allais dire ce tabou, conduit à une véritable sous-information,
que constatent chaque jour les infirmières et les médecins scolaires, les
équipes enseignantes, les personnels des centres de planning familial.
Cette méconnaissance de la contraception, du fonctionnement du corps humain en
matière de fécondité, conjuguée avec l'envie d'être considéré comme responsable
de ses choix et avec l'émoi des sentiments, aboutit trop souvent à un rapport
sexuel non protégé.
Ces débuts de la vie sexuelle des adolescents leur appartiennent, et aucun
adulte ne peut décider à leur place. Toutefois, il est de la responsabilité des
adultes, notamment des pouvoirs publics et des législateurs que nous sommes, de
dégager des moyens, afin de mettre en place des campagnes d'information et de
prévention. C'est ce qu'a fait le secrétariat d'Etat aux droits des femmes au
début de l'année, en lançant une nouvelle campagne relative à la
contraception.
Cependant, on est loin du compte, car rien n'avait été fait sur ce sujet
depuis 1982, alors même que la permanence de l'information dans ce domaine est
une exigence de santé publique et de citoyenneté !
Chacun a pu constater que les récentes campagnes sur le sida, si elles étaient
tout à fait justifiées, avaient quelque peu détourné le message de la
protection contraceptive.
L'éducation nationale a, dans ce domaine, un rôle évident à jouer. Comme le
note le rapport de Mme Bardou, plus l'éducation sexuelle est réalisée tôt
auprès des toutes jeunes filles, plus leur sexualité leur appartiendra et plus
la lutte contre les grossesses non désirées sera efficace. Pour illustrer cette
affirmation, notre collègue cite le cas des Pays-Bas, où cet enseignement est
abordé dès l'école primaire. Les taux d'IVG y sont les plus bas d'Europe - 6,5
, contre 15,4 en France - tout comme le nombre des grossesses
d'adolescentes.
Il est primordial que les jeunes filles et les jeunes garçons, qu'ils aient
décidé, ou non, d'avoir des relations sexuelles, soient parfaitement informés
des mécanismes de la fécondité, de l'ensemble des moyens de contraception
existants.
Une éducation sexuelle pertinente et permanente doit être réalisée auprès des
adolescents non seulement pour éviter les grossesses non désirées, mais
également afin qu'ils puissent mieux connaître leur corps, son fonctionnement.
De cette façon, ces campagnes d'information et de prophylaxie contribueront
également à garantir leur intégrité physique, leur épanouissement.
C'est donc face à la complexité de la situation que Mme Royal avait autorisé,
le 6 janvier dernier, par une circulaire, la délivrance du NorLevo par les
infirmières scolaires. Cette circulaire avait pris la forme d'un protocole
national. Il rappelait que le NorLevo était en vente libre dans les pharmacies,
donc sans ordonnance, depuis le 1er juin 1999, que cette substance était
dépourvue de toxicité et de contre-indication, qu'elle n'était pas abortive et
qu'elle ne remplaçait pas une contraception régulière. Cette délivrance par les
infirmières scolaires était très encadrée ; des dispositions contraignantes
leur étaient imposées.
Les infirmières scolaires ont d'ailleurs parfaitement compris l'esprit de ce
protocole et l'ont appliqué sans aucun excès. En effet, le bilan de six mois
d'application pour les 22 académies fait apparaître 1 618 délivrances de
NorLevo pour 7 074 demandes, soit en moyenne - ces chiffres ont été cités tout
à l'heure - 2 délivrances de NorLevo pour 10 demandes d'élève. Dans les autres
cas, soit les infirmières ont réussi à faire prendre en charge le problème par
la famille, soit elles ont obtenu que les adolescentes s'adressent à un centre
de planning familial, à un service hospitalier ou à un médecin.
Le 30 juin dernier, le Conseil d'Etat, dans un arrêt où il ne se prononçait
pas sur le fond, déclarait que la mise en vente libre du NorLevo dans les
pharmacies et sa délivrance par les infirmières scolaires étaient non conformes
à la loi Neuwirth du 12 décembre 1967.
Cette décision a alors provoqué la réaction des deux principaux syndicats
d'infirmières scolaires. Leur colère a été partagée par les parents d'élèves de
la Fédération des conseils de parents d'élèves des écoles publiques, la FCPE,
et par le mouvement du planning familial. Les parents d'élèves membres de la
Fédération des parents d'élèves de l'enseignement public, la PEEP, initialement
hostiles à la mesure, ont fait réaliser, en août 2000, un sondage auprès de
mille parents. Le résultat est éloquent : 66 % d'entre eux y sont
favorables.
C'est donc afin de valider législativement votre décision, madame Royal, que
nous examinons aujourd'hui cette proposition de loi qui a été adoptée à
l'Assemblée nationale le 5 octobre dernier.
Le texte est court, il ne comporte qu'un article. Il précise tout d'abord que
la contraception d'urgence n'est pas soumise à une prescription médicale
obligatoire. Le premier alinéa prend en compte l'évolution de la société et les
progrès en matière de recherche et de contraception qui sont intervenus depuis
la loi Neuwirth de 1967, qui imposait que les contraceptifs hormonaux soient
délivrés en pharmacie, uniquement sur prescription médicale.
Le texte que nous examinons permet la délivrance du NorLevo par les
infirmières scolaires aux élèves majeures ou mineures. La proposition de loi
prend ainsi en considération le rôle éducatif essentiel des infirmières
scolaires. Tout le monde s'accorde à reconnaître l'importance de leur mission
et le lien privilégié qu'elles savent nouer avec les jeunes.
Cette reconnaissance doit maintenant s'exercer jusque dans la création des
postes d'infirmière nécessaires en milieu scolaire pour mener à bien leurs
missions. On compte aujourd'hui environ une infirmière pour 2 020 élèves. C'est
trop peu. Comment pourront-elles en effet intervenir en matière de
contraception d'urgence, où les délais sont très stricts, alors qu'elles sont
obligées d'effectuer des permanences dans plusieurs établissements ?
L'augmentation importante de leurs effectifs doit être une priorité. Certes,
300 postes ont été créés l'année dernière et 150 créations sont prévues dans le
projet de budget pour 2001. Toutefois, les retards à combler sont tels que les
efforts à réaliser doivent être bien plus significatifs.
Les échanges que nous avons eus à la délégation du Sénat aux droits des femmes
ont été tout à fait passionnants. Ils ont été marqués par la sérénité et la
volonté de répondre à la réalité, aux situations d'urgence et de détresse
auxquelles sont confrontées certaines adolescentes.
Je tiens d'ailleurs à remercier nos deux rapporteurs, Mme Bardou et M.
Neuwirth, pour l'approche responsable et positive de leurs rapports.
Je souhaite vivement que le climat qui régnait la semaine dernière, lors de
cette réunion, soit de nouveau de mise aujourd'hui en séance. Les jeunes et
leurs parents - je rappelle que 66 % d'entre eux approuvent la disposition -
attendent cela de nous.
N'oublions pas combien certains « débordements » lors du débat relatif à la
parité ont donné une image figée et rétrograde de notre assemblée.
Mes chers collègues, compte tenu du sujet sensible dont nous traitons
aujourd'hui, à savoir la détresse d'adolescentes face à une grossesse non
désirée, et même si, parfois, des différences significatives existent entre
vous, ne laissez pas croire à nos concitoyens et à nos concitoyennes que vous
refusez toute évolution à propos des questions sociétales, en particulier de la
libération des femmes ! Car, lorsqu'on parle de contraception, qu'elle soit
d'urgence ou non, il s'agit bien des droits des femmes et des jeunes filles,
des droits et des moyens de disposer de son corps, de maîtriser sa
fécondité.
En observant ce qui se produit chez nos voisins, nous pouvons constater qu'aux
Pays-Bas et en Finlande le nombre d'interruptions volontaires de grossesse a
baissé chez les adultes et les adolescentes à partir du moment où la pilule du
lendemain a été connue et rendue facilement accessible. Ce constat doit nous
encourager et nous donner confiance.
De plus, toutes les enquêtes démontrent qu'une femme ou une jeune fille ayant
eu recours à la contraception d'urgence est plus encline, ensuite, à recourir à
une contraception permanente. Ce n'est donc pas à de la banalisation que nous
assistons, en élargissant l'accès à la contraception d'urgence, mais bien à de
la responsabilisation.
S'agissant de l'autorisation parentale, il faut, bien entendu, souhaiter que
le dialogue s'établisse au sein de chaque famille. Mais - nous l'avons dit, et
cela a été rappelé tout à l'heure - ce dialogue est parfois impossible.
Sans vouloir remettre en cause l'autorité parentale, il me semble que la
situation actuelle révèle plusieurs paradoxes.
Tout d'abord, la mineure qui choisit de mener à bien une grossesse aura le
droit d'abandonner son enfant sans avoir besoin du consentement de ses parents.
Elle dispose également de toute son autorité parentale dans l'éducation de
l'enfant qu'elle aura choisi de garder. Alors, pourquoi devrait-elle obtenir
l'autorisation parentale pour avoir recours à la contraception d'urgence ? Je
vois là une sorte d'hypocrisie.
N'est-il pas plutôt décisif de donner aux jeunes filles la possibilité de
commencer leur vie amoureuse et sexuelle autrement que par la crainte,
l'angoisse d'une interruption volontaire de grossesse toujours traumatisante,
voire par une grossesse non désirée ?
Les moyens pour y parvenir sont divers. La contraception d'urgence ne remplace
en aucun cas la contraception régulière, mais elle est tout de même une réponse
qui peut convenir si des rapports sexuels non protégés ont lieu.
C'est pourquoi le groupe communiste républicain et citoyen soutiendra sans
réserve l'esprit qui prévaut dans cette proposition de loi.
Nous présenterons deux amendements qui visent à enrichir le texte sans en
amoindrir l'économie.
Le premier porte sur la gratuité du NorLevo délivré aux mineures dans les
pharmacies. Compte tenu du public concerné, il nous semble que cette mesure
pourrait faciliter l'accès à la pilule du lendemain. Je me réjouis de constater
que, sur ce point, nous partageons la préoccupation du rapporteur, M.
Neuwirth.
Notre second amendement pose le problème de l'accès au NorLevo en dehors des
périodes scolaires. Nous proposons d'étendre l'autorisation de délivrer la
pilule du lendemain par les infirmières exerçant dans les centres de vacances
agréés. Cela nous semble aller dans la continuité logique de la période
scolaire, pour laquelle nous légiférons.
Pour conclure, je dirai simplement que le groupe communiste républicain et
citoyen, soucieux de garantir et de développer des droits nouveaux pour les
femmes et les jeunes filles, soutiendra avec énergie et conviction cette
proposition de loi.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui porte sur
l'accès à la contraception d'urgence, et non sur l'interruption volontaire de
grossesse, comme l'ont bien souligné Mme Bardou et M. Neuwirth dans leurs
excellents rapports. Ne nous trompons donc pas de débat : celui sur l'IVG
viendra en son temps devant notre assemblée !
Concernant cette proposition de loi, je pourrais comprendre les inquiétudes
qui s'expriment, notamment quant au risque de banalisation de la contraception
d'urgence, si nous n'avions pas à notre disposition un texte réglementaire
d'application aussi clair et aussi complet que le protocole national et si le
bilan de six mois de délivrance du NorLevo par les infirmières scolaires ne
venait contredire, par les faits même, cette inquiétude.
Rappelons donc les chiffres : sur 7 074 demandes d'élèves, 1 618 ont donné
lieu à une délivrance de NorLevo, soit 2 administrations pour 10 demandes.
Dans tous les cas, que l'infirmière ait ou non délivré une contraception
d'urgence, elle a orienté l'élève vers un centre de planning familial : 50 %
des jeunes filles ont été suivies par le centre de planification, 39 % par
l'infirmière elle-même, 8 % par un médecin et 3 % par une assistante sociale.
Faisons donc confiance aux infirmières, à leur conscience professionnelle, pour
assurer le suivi des élèves et les informer sur la contraception !
Autre grief fait à ce texte : il saperait prétendument l'autorité parentale,
voire il encouragerait la démission des parents.
D'abord, ne confondons pas, par un raccourci fallacieux, « autorité parentale
» et « autorisation parentale ».
Ensuite, ne soyons pas hypocrites : peu nombreux sont les parents, pour des
raisons multiples et complexes touchant au plus profond de chaque être, qui
parlent vraiment de sexualité avec leurs enfants. Alors, non, la levée de
l'autorisation parentale ne s'adresse pas uniquement aux familles maghrébines
ou défavorisées, mais bien à toutes les familles, quelle que soit leur origine,
leur culture ou leur milieu social !
Rares, également, sont les adolescents qui demandent l'autorisation à leurs
parents pour avoir des relations sexuelles ou pour utiliser un contraceptif. Et
c'est heureux, car il s'agit bien, avant tout, de leur intimité et de leur
jardin secret, que leurs parents doivent savoir respecter !
Enfin, savoir que l'on peut bénéficier de la contraception d'urgence
inciterait, pensent certains, à passer à l'acte. C'était déjà ce même argument
qui avait servi pour refuser l'éducation sexuelle à l'école, puis pour
contester les distributeurs de préservatifs dans les établissements scolaires,
Or, ce sont ces comportements obscurantistes qui entretiennent les non-dits,
les tabous, les idées fausses, voire la culpabilisation, par rapport à la
sexualité.
Faisons donc confiance aux adolescents : ils ne sont pas les écervelés pour
lesquels certains les font passer, tout comme les femmes n'ont jamais été les
irresponsables pour lesquelles certains les ont fait passer, il y a trente ans,
afin de mieux leur refuser la liberté de disposer de leur propre corps !
Par ailleurs, ce texte, pour être pleinement efficace, doit s'inscrire dans un
effort continu en matière de médecine scolaire, d'abord, d'éducation à la
sexualité, ensuite.
En ce qui concerne les sous-effectifs d'infirmières dans les établissements
scolaires et l'impossibilité d'une présence journalière dans chaque
établissement, le Gouvernement, depuis trois ans, s'est engagé dans un
rattrapage des années Bayrou : 1 150 postes médico-sociaux ont été créés et le
budget pour 2001 prévoit 300 créations.
Ces postes ont été affectés en priorité aux académies qui présentaient un
retard en matière d'encadrement médico-social et à celles où les difficultés
sociales des élèves rendaient plus nécessaire qu'ailleurs un suivi sanitaire.
Si nous ne pouvons que féliciter le Gouvernement pour cet engagement constant,
nous l'invitons à l'amplifier encore.
Notons aussi le dispositif prévu en faveur de la formation des personnels :
800 infirmières formées spécifiquement à la contraception d'urgence d'ici à la
fin de l'année scolaire, un réseau de 200 « personnes ressources » chargées
d'animer et d'organiser des stages de formation d'équipes dans les
établissements volontaires, des stages pour 5 000 personnels assurant
l'éducation à la sexualité des élèves.
Parce que la sexualité fait partie de la vie, qu'elle est naturelle,
l'éducation à la sexualité, qui ne peut que relever d'une coresponsabilité
partagée entre les parents et l'école, doit trouver toute sa place à chaque
étape de la scolarité de nos enfants. Deux heures obligatoires en quatrième et
en troisième, c'est trop peu et c'est trop tardif.
Pour ma part, je suis favorable à une éducation à la sexualité en tant que
connaissance et respect à la fois de son corps et de l'autre, et ce dès la
maternelle. Evidemment, cette éducation se doit de respecter les rythmes et les
besoins de chacun, les rythmes de chaque âge, elle se doit de ne pas choquer
les consciences. Mais un enfant de quatre ans est tout à fait capable de
comprendre avec des mots d'adultes la différence entre les sexes, la
conception, la grossesse ou la rencontre amoureuse.
L'enjeu que nous avons trop longtemps occulté est précisément de savoir quelle
image de la sexualité nous voulons promouvoir auprès des jeunes. Trop
longtemps, l'éducation sexuelle, lorsqu'elle existait, s'est réduite soit à des
données anatomiques et biologiques, soit à l'interdit et aux mises en garde.
N'existe-t-il pas d'aspects positifs de la sexualité ?
Récemment, le ministère de l'éducation nationale s'est engagé dans une
démarche de refonte de l'éducation sexuelle, qui devient une « éducation à la
sexualité et à la vie ». Elle est entendue comme une éducation à la
responsabilité, au rapport à l'autre, à l'égalité entre femme et homme, et elle
donne sa place aux dimensions affective, psychologique, culturelle et sociale
de la sexualité.
J'insisterai maintenant sur un point particulier : l'implication et la
responsabilisation des garçons à l'égard de la contraception.
Non, la contraception, ce n'est pas qu'une affaire de fille. Le poids de la
contraception, les oublis ou les erreurs ne sont pas de la seule responsabilité
de la jeune fille, surtout face à des jeunes gens qui, bien souvent, par pur
égoïsme, refusent d'utiliser le préservatif.
Sur cet aspect-là, comme sur d'autres, nous devons agir sur les normes
sociales de la sexualité pour une véritable égalité entre femmes et hommes.
Il convient aussi de ne plus occulter les notions de désir et de plaisir,
surtout de plaisir partagé, dans notre éducation à la sexualité. Ainsi
sortirons-nous peut-être des schémas collectifs où seul est socialement reconnu
le plaisir de l'homme.
Je ne souhaite qu'une chose : que ce débat sur l'accès à la contraception
d'urgence permette de sortir des discours moralisateurs et culpabilisants
envers les femmes et les jeunes filles, et d'avancer dans l'acceptation sociale
de la sexualité des adolescentes et des adolescents, de la sexualité de nos
propres enfants, qui est un élément indispensable à une meilleure appropriation
de la contraception par les jeunes et, par là même, des futurs adultes.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avec ce texte,
nous étions en droit d'attendre un véritable débat de société destiné à adapter
une ambitieuse législation aujourd'hui trentenaire.
L'évolution de notre société, sous le double effet de l'hédonisme et du
libéralisme culturels, a bouleversé le rapport de notre jeunesse à la sexualité
au point de faire apparaître de nouveaux comportements chez des mineurs
inconscients des risques qu'ils courent parce qu'ils sont mal informés.
Vous prétendez que votre texte prend en compte ces changements et y apporte
une réponse audacieuse. Est-ce bien le cas ? Je ne le pense pas.
En effet, ce qui nous est présenté comme une extraordinaire avancée sociale ne
concernera que peu de mineures et ne remettra pas fondamentalement en cause les
dispositions présentées en 1967 par notre éminent collègue M. Lucien Neuwirth.
Ce texte facilitera néanmoins la vie de certaines jeunes filles.
Une grossesse non désirée chez une mineure ne manque pas de susciter les pires
drames familiaux. Car, disons-le clairement, la multiplication des
interruptions volontaires de grossesse depuis une dizaine d'années traduit les
craintes que ces jeunes femmes éprouvent à la simple idée de dévoiler leur
maternité à des parents rarement enclins, dans de pareils cas, à l'indulgence.
Cela ne manque d'ailleurs pas d'étonner lorsque l'on sait qu'ils portent leur
part de responsabilité dans cette maternité inopportune.
Avant qu'une jeune femme ne se décide, de longues semaines s'écoulent, rendant
l'IVG inévitable. Les études récentes le démontrent : selon une statistique
publiée en novembre 1998, sur les 10 000 grossesses non désirées de jeunes
filles mineures, 67 % aboutissent à une IVG et donc, quoi qu'on en dise, à un
traumatisme physique et moral.
En d'autres termes, la fin de l'autorisation parentale n'est sans doute pas un
mal.
D'aucuns pourraient y voir une atteinte à la sacro-sainte relation
parents-enfants et à notre culture judéo-chrétienne. J'y vois, pour ma part,
une nécessité impérieuse.
De plus, cette proposition de loi aidera de nombreuses jeunes filles issues de
milieux défavorisés, chez qui la grossesse est un grave problème s'ajoutant,
hélas ! à bien d'autres. Là encore, les chiffres parlent d'eux-mêmes : la
probabilité d'une IVG chez des jeunes filles de quinze à dix-huit ans
connaissant ou ayant connu des difficultés scolaires est cinq fois supérieure à
celle de jeunes du même âge mais ayant une scolarité normale.
En un mot, ce texte suscitera, je l'espère, une baisse du nombre des
interruptions de grossesse. Je ne peux qu'être d'accord avec vous sur ce
point.
En revanche, je déplore l'exploitation médiatique que le Gouvernement a cru
bon d'organiser autour de la délivrance de cette pilule dans les lycées.
Tout le battage fait autour de cette initiative est incompréhensible. A croire
que la gauche plurielle aurait souhaité, une fois encore, se faire passer pour
avant-gardiste à peu de frais !
En effet, le Gouvernement et sa majorité ont présenté votre proposition comme
une évolution copernicienne en matière contraceptive. Pour ma part, je n'y vois
qu'un complément, utile certes, à la loi du 28 décembre 1967, dite « loi
Neuwirth », du nom de notre illustre collègue.
Au bout du compte, ce que d'aucuns vous reprochent, ou ce dont beaucoup vous
félicitent, c'est de faire délivrer la « pilule du lendemain », le NorLevo, par
des infirmières scolaires. L'arrêt du Conseil d'Etat du 30 juin 2000 n'aura
d'ailleurs fait que donner la meilleure publicité à votre texte.
De plus, à vous entendre, avec cette proposition de loi, les dispositions de
la loi Neuwirth devaient être périmées. Pourtant, permettez-moi de constater
qu'elles demeurent le droit commun de la contraception.
Même si vous remettez en cause l'autorisation en la matière - ce que
j'approuve - vous ne faites rien de plus que de vous appuyer sur cette loi
dont, encore aujourd'hui, les procédures sont les plus usitées.
Qui plus est, en dépit de ces avancées indéniables mais limitées, cette
proposition de loi dissimule mal l'échec de la politique de prévention du sida
ou de toute autre maladie sexuellement transmissible. Ces grossesses non
désirées résultent en effet de la banalisation des rapports non protégés. A
l'époque du sida, c'est bien le moindre des paradoxes, dont la responsabilité
incombe au Gouvernement du fait de ses insuffisances en la matière.
Parler de ces maladies à nos jeunes ne doit pas se limiter à de gros coups
médiatiques ponctuels et, naturellement, inefficaces. Je ne ferai donc
qu'évoquer votre politique de prévention auprès des jeunes, présentée le 29
septembre dernier et qui se limite aux sempiternels groupes de travail. On y
glosera sur le pourquoi du comment de la sexualité chez les mineurs.
Bref, il n'y a là rien de bien concret. Mais cela a au moins le mérite de vous
dédouaner, à peu de frais, d'un réel programme en la matière. La prévention
s'inscrit dans la durée, ce qui est peu compatible avec le calendrier
électoral, j'en conviens !
Même si votre texte est utile, il ne fait que gérer des cas que, semble-t-il,
une ambitieuse politique de prévention aurait su éviter. A ce titre, le
Gouvernement serait bien avisé d'installer, dans les meilleurs délais, une
structure visant à suivre l'application de cette loi. Cette structure pourrait
utilement dresser un bilan statistique des IVG et analyser l'évolution de la
consommation de NorLevo, étant entendu que de trop nombreuses jeunes filles
risquent de voir en ce produit un substitut moins contraignant à la
traditionnelle pilule.
Pour résumer mon propos, je dirai « oui » à ce texte, qui, même s'il innove
peu au regard de la législation en vigueur, traduit tout de même une prise de
conscience salutaire de la part du Gouvernement, ou plutôt un « oui, mais »,
puisque ce texte ne sera qu'une coquille vide s'il ne s'accompagne pas d'une
réelle campagne de prévention et d'une évaluation de celle-ci.
(Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain.
Monsieur le président, madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, la proposition de loi relative à la contraception d'urgence a
connu des conditions de maturation surprenantes, mais parfaitement
encadrées.
Le sujet, que l'opinion publique estime limité à la pilule du lendemain dans
les établissements scolaires, est beaucoup plus vaste.
Le Conseil d'Etat, le 30 juin 2000, après avoir rappelé la loi en matière de
prescription des contraceptifs, semble avoir surpris. Or, tout praticien de
base aurait pu expliquer que la loi de 1967 a été malmenée et continue de
l'être quotidiennement dans les pharmacies, pour des raisons humanitaires.
La directive européenne du 3 mars 1999, qui autoriserait la vente libre du
NorLevo, a été évoquée par le cabinet du ministre de la santé. Mme Aubry, à
l'Assemblée nationale, a dit qu'elle avait suivi l'avis de l'Agence française
de sécurité sanitaire des produits de santé, qui précise clairement que l'accès
au NorLevo pouvait se faire sans prescription médicale. Quant à vous, madame
Royal, vous avez affirmé dans la presse, en décembre 1999, que la pilule du
lendemain n'était pas concernée par la loi de 1967.
Permettez-moi d'être perplexe. Le contexte d'élaboration de ce dispositif
relève plutôt d'un flou bien organisé après des décisions qui ne sont pas si
rapides que cela. Mais le protocole sérieux a permis néanmoins un bilan après
six mois.
On note 7 074 demandes pour 1 618 délivrances de NorLevo. Les centres de
planification ont pris en charge 50 % des élèves, 39 % ont été suivies par une
infirmière, 8 % par un médecin, 3 % par une assistante sociale. Cela permet à
M. Lang de répondre à tous les moralisateurs et d'évoquer sa réelle
satisfaction d'avoir pu répondre à des situations de détresse.
L'objet de la proposition de loi est, en premier lieu, de permettre l'accès de
toutes les femmes à la contraception d'urgence en pharmacie et sans
ordonnance.
Un moyen supplémentaire de contraception mis à la disposition des femmes est
de toute manière intéressant. Il est nécessaire de rappeler le sous-emploi,
pour des raisons culturelles, d'information ou d'éducation, de nombreuses
autres méthodes contraceptives, locales ou par voie générale.
La libre prescription permettrait, paraît-il, de se libérer de la contrainte
médicale. L'acte médical n'est-il pas uniquement en faveur de la personne ? On
peut s'interroger. Cette liberté ne peut se concevoir que dans l'optique d'une
automédicamentation bien comprise - ce qui n'est pas le cas en France. De fait,
cette liberté est liée à un problème économique : le remboursement des
actes.
Le
credo
est à la maîtrise des problèmes de santé, au détriment de la
prévention et de l'information. La loi va permettre l'utilisation d'un produit
d'urgence qui va devenir rapidement un produit de contraception courant, un
substitutif qui se répandra, une contraception de confort.
Par exemple, chez les célibataires sans compagnon régulier, le NorLevo
deviendra une réponse plurielle aux rencontres occasionnalles. Sans les
contraintes de la pilule classique, le NorLevo sera dévoyé dans son
utilisation.
Qui pourra contrôler les distributions itératives ? Sans doute pas les
pharmaciens !
Le produit serait sans contre-indication, sûr, rayé de la liste des substances
vénéneuses.
Quand on se réfère à l'Académie de médecine, j'aimerais qu'on la cite
in
extenso.
Elle indiquait, dans la séance du 7 mars 2000 : « Le
levonorgestrel ne saurait faire l'objet d'une utilisation répétée, ne serait-ce
qu'en raison du fait qu'elle peut entraîner des perturbations du cycle
menstruel telles que des grossesses non désirées risquent de survenir et donc
un nombre accru d'avortements, ce qui irait à l'encontre de l'objectif
recherché par le protocole ministériel. »
Anodin ? Sûrement pas !
En outre, l'Académie de médecine « demande un bilan établi à deux ou trois ans
sur les effets de l'utilisation du NorLevo en termes d'incidents éventuels et
d'efficacité démontrée par la diminution du nombre d'avortements ». Cela doit
relever non pas du règlement, mais de la loi.
La contraception d'urgence nous invite à reconsidérer le concept d'urgence,
fait d'un état de danger immédiat menaçant la vie d'une personne et nécessitant
des gestes appropriés. La seule dérogation en matière de prescription
médicamenteuse portait sur les antalgiques, dans le cadre de soins
palliatifs.
L'urgence devient donc psycho-sociale, tout en utilisant des outils
médicaux.
Dans une pharmacie, si l'on peut être rassuré sur la compétence des
professionnels, la confidentialité n'est pas toujours démontrée. Même si
l'ordre des pharmaciens semble favorable à la contraception d'urgence, on peut
s'interroger sur l'attitude des acteurs locaux. A-t-on envisagé un statut des
pharmaciens lié à cette nouvelle mission, à cette nouvelle responsabilité ?
La possibilité pour les mineures de se voir prescrire la pilule du lendemain
par tout médecin sans autorisation parentale est le constat de l'échec
éducatif. La prescription de la contraception à des mineures existe dans les
centres de planification et de nombreux médecins la pratiquent sous leur
responsabilité. La problématique dépasse le milieu scolaire. En effet, les
week-ends, les vacances, sont des temps propices à la sexualité.
L'école est-elle un lien privilégié pour compenser les carences éducatives
familiales ? Sans doute. Mais il eût été souhaitable de traiter un véritable
problème de société.
Quelle politique familiale adopter pour permettre aux parents de reconquérir
leur responsabilité, quelles que soient leurs origines culturelles, ethniques
ou religieuses ? On pourrait évoquer la nécessité d'une véritable éducation à
la parentalité concernant des thèmes aussi variés que l'alimentation ou la
sexualité.
Ce débat de société aurait pu permettre de préciser le rôle des associations
familiales ou des associations de prévention. Il est en effet stérile d'avoir
un discours sur les valeurs réhabilitées - l'amour, le bonheur, le respect, la
sensibilité... - s'il n'existe pas un projet de société étayé de réels
moyens.
Il ne suffit pas d'avoir fait le
Bulletin officiel
du 28 septembre 2000
ou d'annoncer un
Bulletin officiel
spécial consacré à la mixité et à
l'égalité, lancé médiatiquement à l'occasion du Salon de l'éducation, pour
engendrer une politique de prévention des grossesses non désirées ! Il me
semble correct d'évoquer des constats, sans évacuer, naturellement, les
nécessaires réponses aux grandes détresses.
Moins de 1 % des nouveau-nés ont une mère âgé de douze à dix-sept ans ; mais 8
000 mineures avortent chaque année. Les bébés des adolescentes représentent 0,6
% des naissances annuelles. On constate une baisse de plus de la moitié de
celles-ci depuis dix-sept ans. Le nombre d'IVG des mineures n'a, semble-t-il,
guère bougé : il est de 8 000 à 10 600 par an, ce qui représente de 4,9 à 5,9 %
de l'ensemble des avortements. C'est trop ! Pour l'INED, le recours à
l'avortement « traduit l'évolution des choix des jeunes face à une grossesse et
leur souhait de plus en plus affirmé de différer une maternité non planifiée et
trop précoce ».
L'article 371-2 du code civil stipule que « l'autorité appartient aux père et
mère pour protéger l'enfant dans sa sécurité, sa santé et sa moralité.
« Ils ont à son égard droit et devoir de garde, de surveillance et d'éducation
».
A l'échec parental, quelles réponses apporter ?
Nous constatons tous les difficultés des adolescents issus de familles
déficientes, oppressantes, absentes ou éclatées. Mais avons-nous une politique
adaptée à des familles culturellement différentes ? Verrons-nous une grande
réforme du code de la famille ?
Dans le rapport de Mme Françoise Dekeuwer-Defossez, on peut lire : « Seul un
retrait de l'autorité parentale peut priver les père et mère de la titularité
de l'autorité parentale. » « Nul, sinon le juge, ne peut remettre en cause le
caractère intangible des liens entre l'enfant et ses parents. »
Le dialogue entre parents et enfants fait l'objet de nombreuses initiatives
dans les villes et les départements.
Nous sommes confrontés ici à une situation d'urgence qui se veut
exceptionnelle : le protocole proposé n'élimine pas les familles, je le dis
clairement, mais il semble paradoxal au moment où une réflexion sur la
coparentalité est engagée - je pense à la conférence de la famille qui s'est
tenue en juin 2000. Ainsi, dans une situation douloureuse, on donne une
préférence à la suppression de l'autorité parentale pour une mineure.
Comment pouvez-vous alors respecter les convictions ? Quels moyens d'action
entendez-vous mobiliser pour promouvoir une culture de la responsabilité ? En
quoi consiste le volet d'éducation à la parentalité ? Telles sont les
véritables questions auxquelles il faut répondre.
Les réponses quantitatives en postes d'infirmière, d'assistante sociale
relèvent d'une démarche de planification dont les échecs sont perceptibles,
quels que soient les gouvernements.
Il y a actuellement 5 650 infirmières pour 7 500 collèges et lycées - la chose
est dite. Actuellement, nos écoles d'infirmières ne font pas le plein - je peux
en témoigner étant président d'une école - la crise du recrutement est cruelle.
Les centres de formation de travailleurs sociaux vivent difficilement, au prix
de situations très critiques ; des conventions ne sont pas respectées et, ayant
en charge le budget d'une école d'assistantes sociales, je peux affirmer que
les budgets restent imprécis toute l'année.
L'absence de la médecine scolaire est assourdissante !
Ne revenons pas sur les effectifs ; examinons simplement la place de cette
médecine, qui est en fait une médecine du travail spécifique à l'enfant. A part
quelques exceptions - et, à cet égard, on peut rendre hommage en particulier
aux pionniers du rectorat de Lille - le médecin scolaire reste pauvre en
relations avec le milieu extérieur ; il n'est qu'un accompagnant de la
contraception d'urgence alors qu'il devrait être acteur.
La faiblesse du rôle réservé à l'assistante sociale est inquiétant. Ce
travailleur social doit assurer la liaison avec les parents ; il est le plus
habilité à évaluer la détresse sociale - avant l'infirmière - de certains
jeunes. Le relais social est particulièrement important dans le traitement des
maltraitances, des relations dites, bien trop pudiquement, « forcées ». Il ne
s'agit pas d'une compétence sanitaire.
Trois circulaires redéfinissant les missions des services médicaux, infirmiers
et sociaux seront publiées prochainement. Croyez-vous qu'elles répondent à de
graves problèmes de société alors qu'une refondation totale est à entreprendre
? Il ne suffit pas d'évoquer dans les textes le soutien médical et
psychologique pour les jeunes filles si une véritable organisation partenariale
n'est pas proposée.
On peut évoquer le rôle des conseils généraux et des services de protection
maternelle et infantile chargés des centres de planification familiale. Il
existe des inégalités criantes. Nous pourrions proposer par exemple une
sectorisation géographique de ces centres, qui seraient ainsi plus proches des
collèges. Ces centres de planification pourraient rendre véritablement les
services attendus. Actuellement, ils ne sont pas prêts à traiter les urgences
en raison non seulement de leur fonctionnement, mais aussi de la limitation des
moyens en vacations médicales ou de la présence limitée de sages-femmes.
C'est un leurre de vouloir traiter un problème sans outils et c'est grave de
nous le faire croire !
Quant à la délivrance de la contraception d'urgence à titre gratuit, elle
ouvre selon moi la porte à tous les excès. Je citerai une infirmière : « En une
journée, j'ai eu quinze demandes de jeunes pour savoir si cette pilule sera
distribuée gratuitement. » Comment va-t-on gérer les demandes des jeunes filles
qui pratiqueront le « nomadisme » des pharmacies ? J'essaie d'imaginer les
critères, qui devront être fixés par voie réglementaire, visant à définir les
jeunes filles issues de familles nécessiteuses.
Il s'agit avant tout de la rencontre d'une personne et d'un produit. Comme
pour la conduite automobile, la conduite de la sexualité chez l'adolescent est
faite d'interdits, de violence, de plaisir immédiat, de mise en danger de son
corps ; il y a la griserie de l'instant, mais aussi la victime du lendemain.
A une possible fécondation, de diagnostic impossible, une seule réponse semble
donnée. Les jeunes filles angoissées, les informées présenteront leur
souffrance, mais les timides et les culpabilisées seront à découvrir. On a
préféré, une fois encore, attendre que la jeune fille soit victime. La
distribution de préservatifs gratuits dans les collèges, dans les pharmacies,
serait-elle abandonnée, alors qu'elle permettrait une coresponsabilité dans
l'acte sexuel ?
Au sujet de l'éducation sexuelle, je citerai le professeur Israel Nisand, que
vous avez beaucoup consulté, madame le ministre, au cours de vos recherches : «
Il n'y a pas d'éducation sexuelle possible tout simplement parce qu'il n'y a
pas de norme en matière de sexualité et rien à enseigner. Mais les adultes
peuvent délivrer aux jeunes la parole humaniste dont ils manquent. »
Le professeur Jacques Waynberg, de l'Institut de sexologie à Paris, rappelle
qu'il n'y a pas, d'un côté, une contraception médicale et, de l'autre, une
contraception paramédicale. Elle est, selon lui, du ressort du médecin de
famille, et l'éducation sexuelle scolaire est à confier à des sexologues et à
des pédagogues.
Nous pourrions faire confiance au Collège national des
gynécologues-obstétriciens français, à la Fédération nationale des collèges de
gynécologie médicale, qui ont édité un livret et créé un site Internet.
L'éducation sexuelle à l'école ne peut porter ses fruits que grâce à des
intervenants extérieurs, et non au professeur de biologie, qui évalue ses
élèves.
L'école serait, nous dit-on, chargée d'enseigner le bonheur d'aimer.
Toutefois, si le développement de la sensibilité peut relever de l'école,
l'affectivité est du domaine privé. Les essais d'enseignement de la morale au
lycée ont suscité des protestations de la part de plumes célèbres refusant
cette mission impossible qu'est l'enseignement des vertus : le respect,
l'honnêteté, la compassion, vertus que, bien sûr, nous défendons. Les parents
restent et doivent rester prioritaires dans le domaine de l'intimité. La vie
affective et la sexualité sont un jardin secret expliquant l'échec de matériel
pédagogique médiatisé. Si l'école doit prendre en compte une réalité, beaucoup
de mères de famille estiment qu'il est de leur responsabilité d'éduquer leurs
enfants selon leurs propres valeurs - je vous renvoie aux mères de
Montfermeil.
Mes collègues du groupe de l'Union centriste et moi-même avons souhaité qu'un
bilan de deux années d'application du dispositif soit présenté au Parlement.
Mes collègues voteront la proposition de loi relative à la contraception
d'urgence, telle que modifiée et complétée par la commission des affaires
sociales.
Quant à moi, conscient de l'intérêt de la contraception d'urgence, qui peut
permettre d'éviter le pire dans une situation exceptionnelle, je m'abstiendrai
en raison des dérives annoncées hors milieu scolaire, de l'affaiblissement de
l'autorité parentale et de l'absence d'une politique efficace de prévention.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, il n'est pas un d'entre nous qui puisse rester insensible à
l'objet du débat d'aujourd'hui et dont la conscience ne soit douloureusement
interpellée.
Comment, en effet, ne pas souhaiter trouver une solution à la situation
cruelle de jeunes femmes, souvent presque encore des enfants, qui sont
confrontées à un état de détresse tel qu'elles ne veulent, voire ne peuvent
accepter une maternité à leurs yeux impossible, et qui, de ce fait, n'ont
d'autre possibilité que le recours à l'interruption volontaire de grossesse
?
Ce texte constitue une nouvelle étape sur la voie de ce que certains
prétendent être la libération de la femme - je dis bien « prétendent ».
Il ne faut pas l'oublier, cela risque d'être un coup de plus porté au rôle,
pourtant essentiel, de la cellule familiale, lieu privilégié de l'éducation des
enfants.
M. Philippe Marini.
Tout à fait !
M. Jean Chérioux.
J'ai mes convictions. Je suis attaché au respect de la vie et j'entends
défendre le rôle irremplaçable de la famille !
M. Philippe Marini.
Très bien !
M. Jean Chérioux.
Mais je n'ai pas l'intention de me lancer aujourd'hui dans un débat - il a
déjà été suffisamment long - qui risquerait de prendre un tour polémique et
qui, d'ailleurs, ne servirait sans doute à rien, car, madame la ministre,
madame la secrétaire d'Etat, cela ne vous ferait certainement pas changer
d'avis, pas plus d'ailleurs que d'autres membres de cette assemblée. Il
suffisait de voir le peu d'attention portée à un certain nombre d'interventions
pourtant d'un haut niveau !
(Protestations sur les travées socialistes,
ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Je tiens néanmoins à souligner le caractère tout de même ambigu, pour ne pas
dire plus, de ce texte, du texte auquel vous apportez votre soutien et celui du
Gouvernement devrais-je dire, puisque, pour éviter les observations éventuelles
du Conseil d'Etat, vous avez cru bon de recourir au dépôt d'une proposition de
loi par l'intermédiaire des députés de votre majorité.
J'ai dit « ambigu » car, contrairement à son titre, ce texte ne correspond pas
uniquement à la mise en place d'un système permettant de régler les situations
d'urgence que connaissent des jeunes filles dans les écoles. Son premier alinéa
a pour objet essentiel d'autoriser la mise en vente libre d'un médicament
relevant jusqu'ici d'une prescription médicale, cela pour toutes les femmes,
quel que soit leur âge ou leur situation de famille. Il s'agit donc tout
simplement de la légalisation de l'arrêté de Bernard Kouchner.
C'est grave, très grave même, car c'est en réalité à un véritable problème de
santé publique que nous sommes confrontés aujourd'hui.
Certes, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, ce médicament, le
NorLevo, n'est pas dangereux, même s'il peut avoir des effets secondaires. A
condition toutefois que sa prise demeure exceptionnelle. Un certain nombre de
voix éminentes, celles de professeurs et de médecins, se sont pourtant élevées,
notamment en commission, pour montrer les dangers que pouvait représenter
l'utilisation répétitive d'un tel médicament. Or, rien ne nous permet de penser
que les dispositions de ce nouveau texte n'entraîneront pas la banalisation de
l'utilisation de ce médicament - on peut même craindre le contraire -...
M. Philippe Marini.
Parfaitement !
M. Jean Chérioux.
... et qu'il ne se produira pas un véritable phénomène de substitution,
crainte évoquée aussi par certains de nos collègues médecins qui connaissent
bien la question. En effet, quelle femme ne serait pas tentée de prendre ce
médicament alors que les pilules contraceptives traditionnelles sont soumises à
prescription médicale
(Protestations sur les travées socialistes)...
Mme Dinah Derycke.
Nous sommes des femmes responsables !
M. Jean Chérioux.
Permettez ! Chacun peut parler ! Je ne vous ai pas interrompus. Vous êtes des
intolérants, un point c'est tout ! J'ai quand même le droit d'exprimer ma
pensée !
Mme Dinah Derycke.
Votre pensée d'homme !
M. Jean Chérioux.
Je continue mon propos, malgré vos incantations.
Quelle femme, disais-je, ne serait pas tentée de prendre ce médicament alors
que les pilules contraceptives traditionnelles sont soumises à prescription
médicale et exigent une prise quotidienne et ininterrompue, le NorLevo
présentant l'avantage apparent d'une mise en vente libre, d'une utilisation
plus simple et d'une prise unique ?
Madame la ministre, vous avez abordé ce problème à propos de la gratuité
proposée par la commission. Oui, il peut y avoir un danger de banalisation,
mais pas seulement en raison de la gratuité. La banalisation peut aussi
résulter de la facilité d'utilisation de ce médicament.
M. Philippe Marini.
Il vaut mieux ne pas l'utiliser !
M. Jean Chérioux.
C'est d'ailleurs pourquoi l'académie de pharmacie a exprimé des réticences et
demandé de « respecter une période probatoire de délivrance sur prescription
médicale, afin d'obtenir des données complémentaires ». Mais vous n'en avez pas
tenu compte !
Ne risquons-nous pas de constater, dans quelques années, que l'utilisation de
ce médicament s'est développée au-delà de ce qui était prévu ? Ne peut-il, dans
ces conditions, avoir des effets dangereux, voire irréversibles, sur la santé
de centaines de femmes ou sur leur capacité à enfanter ?
C'est pourquoi je proposerai tout à l'heure un premier amendement ayant pour
objet de supprimer le premier alinéa de la proposition de loi, c'est-à-dire
visant au maintien de la prescription médicale.
M. Philippe Marini.
Très bien !
M. Jean Chérioux.
Par ailleurs, je ne peux accepter des dispositions qui ont pour conséquence de
déresponsabiliser totalement la famille. Même si, dans le protocole, il est
recommandé à l'infirmière d'entrer en contact avec la famille, comment celle-ci
pourrait-elle y parvenir dans un délai aussi court ? Or il ne peut être
question de retirer indistinctement, de manière unilatérale et générale, leurs
droits à toutes les familles. Certains parents entendent exercer leurs
responsabilités et leur autorité.
C'est dans cet esprit que j'ai déposé un deuxième amendement visant à
permettre à ces familles de refuser chaque année l'application de ces
dispositions à leur enfant.
M. Philippe Marini.
Très bien !
M. Jean Chérioux.
J'ai bien dit « refuser », parce qu'on aurait pu envisager,
a
contrario,
que les familles notifient leur acceptation. Cela aurait été
aller trop loin car je sais que certaines jeunes filles n'ont pratiquement pas
de famille. Mais il serait inadmissible qu'une famille n'ait pas le droit de
dire : « Moi, je m'occupe de mon enfant, je l'élève et je prends la
responsabilité de son éducation ; je refuse donc que lui soit appliqué le
système que vous proposez. »
Monsieur le président, mes chers collègues, ma conclusion sera, comme mon
propos, reconnaissez-le, extrêmement brève : si les amendements que j'ai
proposés ne sont pas adoptés, je ne pourrai pas voter cette proposition de
loi.
Et, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, je m'adresse tout
particulièrement à vous en cet instant : je ne sais pas si vous l'avez bien
pesée, mais c'est une lourde, une bien lourde responsabilité que vous prenez en
donnant votre accord à ce texte qui bafoue les règles les plus élémentaires du
principe de précaution sanitaire. Dieu sait pourtant si en ce moment on en
parle, de la précaution sanitaire ! On en parle même continuellement ! C'est
étonnant : elle est mise en avant dans de nombreux cas, mais là, il n'y aurait
pas de problème ! Tout est réglé !
(Mme la ministre proteste.)
On en reparlera dans cinq ans, et j'espère ne pas être un prophète de mauvais
augure !
(Applaudissements sur certaines travées du RPR.)
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le président, messieurs les sénateurs,
mesdames les sénatrices, je tiens à me féliciter, au nom du Gouvernement, que
la plupart de vos interventions aient souligné le caractère nécessaire et
positif de la proposition de loi qui vous vient de l'Assemblée nationale.
Tout d'abord, je m'adresserai à M. le rapporteur, qui, dans une courte
digression, a critiqué le climat dans lequel ce texte avait été présenté à
l'Assemblée nationale, et à M. Chérioux, qui a considéré que, si le
Gouvernement n'avait pas proposé lui-même un projet de loi, c'était pour
échapper à un désaveu du Conseil d'Etat. Il en est tout autrement.
M. Philippe Marini.
C'est une manoeuvre politique !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
En fait, l'organisation des débats découle d'une
volonté commune du Gouvernement et de sa majorité...
M. Philippe Marini.
C'est bien ça : le Gouvernement et sa majorité !
M. Serge Lagauche.
Ça va comme ça !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
... de faire en sorte que l'ensemble du dispositif de
révision des lois Veil et Neuwirth soit adopté avant la fin de l'année.
Il s'est trouvé que, à la suite d'un avis tout à fait motivé de l'Agence
française de sécurité sanitaire des produits de santé, le NorLevo, ce produit
contraceptif hormonal sans danger pour la santé, a pu être mis en vente libre
dans les pharmacies.
M. Philippe Marini.
C'est vous qui en avez pris la responsabilité !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Dès lors, afin d'offrir une contraception efficace aux
jeunes filles, pour éviter les grossesses précoces non désirées, ce que vous
avez tous reconnu être un fléau contre lequel nous devions lutter en unissant
nos forces, Ségolène Royal, alors ministre déléguée chargée de l'enseignement
scolaire, a décidé que ce médicament pourrait être administré par les
infirmières en milieu scolaire.
Le Conseil d'Etat a stoppé la mise en place du dispositif !
M. Philippe Marini.
Heureusement qu'il est là !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Il était donc urgent de régler cette question avant
que le calendrier parlementaire ne nous permette de déposer le projet de loi
visant à réviser les lois Veil et Neuwirth. Ainsi, toutes les femmes de notre
pays pourront bénéficier de l'évolution médicale et pharmaceutique.
Au-delà de la prise en compte de la détresse des jeunes filles, vous avez été
nombreux à souligner l'importance d'associer la contraception d'urgence et une
perspective de responsabilisation sexuelle, qui me paraît également tout à fait
essentielle. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avons confié cette
mission aux infirmières scolaires. Elles ne se contenteront pas de donner la
pilule, elles feront oeuvre de pédagogie, sans moraliser, sans heurter les
valeurs familiales qui sont développées dans certaines familles, tout en
permettant aux jeunes gens et aux jeunes filles de ne pas subir les lourdes
contraintes liées à une erreur de conduite passagère. C'est cette ouverture à
l'éducation pour la santé qu'il me paraît nécessaire de souligner.
Je reprendrai certaines des remarques, positives ou critiques, qui ont été
formulées.
Monsieur Francis Giraud, vous avez beaucoup insisté sur la nécessité d'assurer
une éducation sexuelle à l'école tout en respectant la coresponsabilité des
parents. Effectivement, il est indispensable de développer cette forme
d'éducation.
La question de l'éducation à la sexualité se pose depuis de nombreuses années
à l'éducation nationale et celle-ci tente d'y répondre ; je dis bien « tente »
parce qu'il s'agit d'une mission difficile et évolutive. La circulaire Fontanet
définissait déjà, en 1973, les grandes lignes d'une approche visant «
l'information scientifique et l'éducation à la responsabilité en matière de
sexualité ». Mais peu de moyens en formation, des horaires insuffisants, des
supports pédagogiques en gestation ont accompagné ce texte.
L'épidémie du sida et le devoir de prévention qu'elle a imposé ensuite ont
accéléré, ces dernières années, la mise en place de dispositifs consacrés à
l'éducation de la sexualité et ont abouti à la circulaire du 15 avril 1996
rendant obligatoires deux heures par an au minimum d'éducation à la sexualité
pour les élèves de quatrième et de troisième des collèges et des lycées
professionnels. Surtout, depuis 1998, ont été mis en place dans les collèges
quatre types d'interventions en matière d'éducation à la sexualité ; Mme Royal
les a rappelés tout à l'heure.
Des rencontres éducatives sur la santé, pour un total de trente à quarante
heures prises sur le temps scolaire pendant les quatre années de collège, ont
été mises en place l'année dernière, et M. Jack Lang procède actuellement, en
coopération avec mon cabinet, à une concrétisation de tous les programmes et
instructions officiels qui comportent une notion d'éducation pour la santé, de
manière à y introduire les procédés pédagogiques concrets.
Des comités d'éducation à la santé et à la citoyenneté se mettent en place
dans tous les collèges. Actuellement, la moitié des collèges en sont dotés. Le
ministère de la santé apporte son soutien à ces dispositifs au niveau tant de
leur élaboration que de leur financement, à concurrence de deux millions de
francs par an.
Toutes ces mesures visent à favoriser chez les élèves une prise de conscience,
une compréhension des données essentielles de leur développement sexuel et
affectif, l'acquisition d'un esprit critique afin qu'ils puissent faire des
choix libres et responsables.
Monsieur Joly, je vous remercie d'avoir vous-même noté que le gouvernement de
M. Lionel Jospin est le premier à avoir développé une importante campagne pour
promouvoir la contraception ; une telle campagne n'avait pas été organisée
depuis 1982.
La campagne que nous avons suscitée au début de cette année a rencontré,
contrairement à ce qui a été dit, un succès notable, puisque nous constatons, à
l'issue des post-tests, un bon niveau de mémorisation : plus de quatre Français
sur dix âgés de quinze à cinquante-cinq ans déclarent ainsi se souvenir de
cette campagne d'information sur la contraception. Il en est de même pour les
spots télévisés, puisque trois quarts des personnes interrogées disent avoir vu
au moins un de ces films. Une grande majorité estime que ceux-ci ont trouvé le
ton juste et qu'ils ont été utiles, compréhensibles et informatifs. En outre,
les cibles prioritaires ont bien été touchées, puisque les films ont plu
essentiellement aux jeunes femmes de quinze à vingt-cinq ans.
Il est vrai que l'on peut estimer que cette campagne a passé trop vite. C'est
justement l'une des raisons qui ont conduit le Gouvernement à décider de la
relancer dès l'année prochaine en réutilisant les supports audiovisuels et
télévisés qui ont été créés et mis en oeuvre au début de cette année.
Je remercie Mme Terrade de l'insistance avec laquelle elle a rappelé que
l'effort d'information sur la contraception doit être permanent. Je vous l'ai
dit, nous en sommes tellement persuadés que le Premier ministre est convenu de
la nécessité de renouveler cette campagne de façon régulière, presque chaque
année, et que nous nous sommes engagés à ce que chaque nouvelle génération
d'adolescents puisse bénéficier de cette information et de cette éducation à la
santé, qui inclut également la responsabilité et l'éducation sexuelles.
En réponse à la question de M. Demuynck, je voudrais souligner que le
Gouvernement est tout à fait disposée à mettre en place un dispositif de suivi
de la mise en oeuvre de la loi sur la contraception d'urgence. Nous nous
engageons à fournir un rapport sur ce sujet au Parlement au terme des deux
premières années d'application, c'est-à-dire au mois de décembre 2002.
Par ailleurs, je tiens à vous redire que nous nous sommes égalements imposés
d'évaluer régulièrement l'impact de la campagne sur la contraception, afin de
pouvoir en améliorer l'efficacité régulièrement et surtout de pouvoir adapter
nos messages à l'évolution de notre société. Un très grand nombre d'entre vous
n'ont pas manqué de signaler cette évolution, qui vous conduit à considérer que
nous ne pouvons aujourd'hui traiter les adolescents comme il y a vingt ans et
qu'il est indispensable de leur donner le moyen d'assumer cette liberté
sexuelle qu'ils ont acquise au fil des âges et qui ne leur est pas contestée
aujourd'hui.
Nous pouvons constater ensemble qu'un tabou est tombé, celui de la sexualité
des jeunes. Dès lors, il incombe aux pouvoirs publics d'organiser l'exercice de
cette responsabilité, de cette liberté que nos jeunes ont acquise et qui ne
leur est pas contestée, de manière que leur vie ne soit pas brisée par des
débuts hasardeux, ce qui pourrait être vécu comme une punition.
Ne nous trompons pas d'objectif : nous mettons tout en oeuvre pour promouvoir
la contraception ordinaire, quotidienne, à travers une éducation à la santé,
qui doit être non seulement une éducation à la sexualité mais aussi une
éducation au bonheur, une éducation à la vie.
C'est précisément parce que nous devons tout faire pour aider nos enfants à
trouver le bonheur, à se construire une vie harmonieuse, qu'il nous faut
conjurer le véritable malheur que constitue une grossesse non désirée. En
effet, une telle grossesse est le plus souvent vécue dans la détresse, dans un
isolement et une angoisse qui peuvent être un facteur de drame, voire à
l'origine d'un geste irréversible.
Aujourd'hui, nous disposons d'un moyen simple pour éviter ces erreurs, qui ne
doivent pas être stigmatisées comme des fautes ; ce moyen, c'est la
contraception d'urgence.
En vous demandant d'approuver cette proposition de loi, nous ne vous invitons
pas à donner aux jeunes un passeport pour l'insouciance ou l'irresponsabilité,
comme l'ont laissé entendre quelques interventions. Au contraire, nous vous
invitons à doter les institutions scolaires d'un instrument de dialogue nouveau
permettant de surmonter d'éventuelles erreurs. Il faut que chaque jeune, aidé
par l'éducation à la sexualité, ait la possibilité de laisser mûrir sa
sexualité en devenant responsable de ses actes, conscient de ses choix.
Assurément, cet instrument permettra, dans un certain nombre de cas, d'éviter
réellement à des jeunes filles de fausser le cours de leur vie du fait d'une
simple imprévoyance.
Fondamentalement, il s'agit de créer un nouveau climat autour de la
contraception et de la sexualité, un climat de confiance au sein duquel chacun
pourra réconcilier amour et responsabilité.
Ajourd'hui, dans cet hémicycle, on a entendu s'exprimer beaucoup de générosité
envers ces jeunes que des conduites d'essai peuvent plonger dans une situation
dramatique. Ceux qui manifestaient cette générosité, cette attention, avaient
cependant parfois quelque mal à la traduire dans les faits. Il est vrai qu'il
n'est pas toujours facile de renoncer à des idées, à des modèles de vie,
notamment des modèles de vie familiale.
Mais je vous remercie, les uns et les autres, d'avoir accepté de considérer
que la jeunesse est la promesse d'un avenir et que celui-ci ne doit pas être
compromis du fait de conduites d'essai qui ne seraient pas contrôlées et
accompagnées par la responsabilité des adultes.
En revanche, il me semble que cette générosité laissait parfois transparaître
une certaine difficulté à coordonner les actions proposées. La discussion des
amendements permettra au Gouvernement de montrer son esprit d'ouverture face à
votre volonté de mieux organiser l'attention à porter à nos jeunes, sans perdre
de vue la nécessité de garantir un accueil de proximité, la disponibilité d'un
adulte, pour que ces jeunes qui accéderont à une contraception d'urgence
puissent aussi comprendre que ce n'est qu'un outil de réparation qui ne doit
pas devenir un moyen de régulation, que la protection et la prévention
régulières relèvent d'une contraception quotidienne.
(Applaudissements sur
les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain
et citoyen).
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Mes chers collègues, il est dix-neuf heures quinze et, compte tenu de la
sensibilité du sujet qui nous occupe, il se peut que ce débat se prolonge
relativement tard dans la soirée.
M. Jean Chérioux.
Nous serons brefs !
M. le président.
Je me garderai de faire quelque pari à cet égard, mon cher collègue !
Quoi qu'il en soit, afin de permettre à chacun de prendre ses dispositions, je
vous propose d'interrompre nos travaux pendant quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quinze, est reprise à dix-neuf heures
vingt-cinq.)
M. le président.
La séance est reprise.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
«
Article unique. -
L'article L. 5134-1 du code de la santé publique
est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les médicaments ayant pour but la contraception d'urgence, et non
susceptibles de présenter un danger pour la santé dans les conditions normales
d'emploi, ne sont pas soumis à prescription obligatoire.
« Ils peuvent être prescrits et délivrés aux mineures désirant garder le
secret. Ils peuvent être administrés tant aux mineures qu'aux majeures par les
infirmières en milieu scolaire. »
Par amendement n° 1 rectifié, M. Neuwirth, au nom de la commission, propose de
rédiger comme suit cet article :
« L'article L. 5134-1 du code de la santé publique est complété par trois
alinéas ainsi rédigés :
« Les médicaments ayant pour but la contraception d'urgence et non
susceptibles de présenter un danger pour la santé dans les conditions normales
d'emploi ne sont pas soumis à prescription obligatoire.
« Afin de prévenir une interruption volontaire de grossesse, ils peuvent être
prescrits ou délivrés aux mineures désirant garder le secret. Leur délivrance
aux mineures s'effectue à titre gratuit dans des conditions fixées par voie
réglementaire.
« Dans les établissements d'enseignement du second degré, si un médecin ou un
centre de planification ou d'éducation familiale n'est pas immédiatement
accessible, les infirmières peuvent, à titre exceptionnel et en application
d'un protocole national déterminé par décret, dans les cas d'urgence et de
détresse caractérisée, administrer aux élèves mineures et majeures une
contraception d'urgence. Elle informent ensuite de leur décision le médecin
scolaire, s'assurent de l'accompagnement psychologique de l'élève et veillent à
la mise en oeuvre d'un suivi médical. »
Cet amendement est affecté de cinq sous-amendements.
Le sous-amendement n° 4, présenté par M. Chérioux, vise à supprimer le premier
alinéa du texte proposé par l'amendement n° 1 pour compléter l'article L.
5134-1 du code de la santé publique.
Le sous-amendement n° 7 rectifié, déposé par Mme Terrade, M. Fischer et les
membres du groupe communiste républicain et citoyen, tend, après les mots : « à
titre gratuit », à rédiger comme suit la fin de la seconde phrase du deuxième
alinéa du texte proposé par l'amendement n° 1 pour compléter l'article L.
5134-1 du code de la santé publique : « dans les pharmacies selon des
conditions définies par décret. »
Le sous-amendement n° 6, présenté par Mmes Campion et Dieulangard, M. Lagauche
et les membres du groupe socialiste et apparentés, a pour objet de rédiger
comme suit le dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 1 pour
complérer l'article L. 5134-1 du code de la santé publique :
« Ils peuvent être administrés tant aux mineures qu'aux majeures par les
infirmières en milieu scolaire. »
Le sous-amendement n° 8 rectifié, déposé par Mme Terrade, M. Fischer et les
membres du groupe communiste républicain et citoyen, vise, dans la première
phrase du dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 1 pour compléter
l'article L. 5134-1 du code de la santé publique, après les mots : « second
degré », à insérer les mots : « et dans les centres de vacances agréés
bénéficiant de la présence d'une infirmière ».
Enfin, le sous-amendement n° 5, présenté par M. Chérioux, tend, dans la
première phrase du dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 1 pour
compléter l'article L. 5134-1 du code de la santé publique, après les mots : «
si un médecin ou un centre de planification ou d'éducation familiale n'est pas
immédiatement accessible », à insérer les mots : « et si les parents de l'élève
mineure ne s'y sont pas opposés par une déclaration renouvelée chaque année
».
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 1
rectifié.
M. Lucien Neuwirth,
rapporteur.
Mes chers collègues, cet amendement reprend sans modification
le premier alinéa du texte qui a été adopté par l'Assemblée nationale et selon
lequel « les médicaments ayant pour but la contraception d'urgence et non
susceptibles de présenter un danger pour la santé dans les conditions normales
d'emploi ne sont pas soumis à prescription obligatoire ».
Cette rédaction est en effet satisfaisante dans la mesure où elle implique
a contrario
que la prescription médicale est maintenue sous la
responsabilité du ministre chargé de la santé pour les contraceptifs d'urgence
susceptibles de présenter un danger pour la santé.
S'agissant du deuxième alinéa, nous proposons une nouvelle rédaction de la
première phrase, relative à l'autorisation de prescrire et de délivrer ces
contraceptifs d'urgence aux « mineures désirant garder le secret ». Il
convient, en effet, de préciser que cette dérogation au principe du
consentement parental ne peut se justifier que par un impératif essentiel :
préserver les mineures d'une grossesse non désirée et, donc, d'une interruption
volontaire de grossesse.
J'en viens maintenant à un point sur lequel Mme Ségolène Royal a émis des
objections.
Afin que la question du coût de ce contraceptif d'urgence ne soit pas un
obstacle pour certaines jeunes filles issues de milieux défavorisés, la
commission a décidé de compléter le deuxième alinéa de son amendement par une
disposition prévoyant que la délivrance en pharmacie de ces contraceptifs aux
mineures s'effectue à titre gratuit dans des conditions fixées par voie
réglementaire.
Cette mesure facilitera l'accès des mineures à la contraception d'urgence, en
particulier pendant les vacances scolaires. En effet, durant cette période, où
voulez-vous qu'aillent les mineures pour se procurer cette contraception, sinon
dans une pharmacie ? Madame le ministre délégué à la famille et à l'enfance, la
gratuité nous paraît s'imposer d'évidence pour que ces jeunes filles ne
recourent pas, ensuite, à une IVG, laquelle pourrait être tardive.
Votre opposition à la gratuité m'étonne d'autant plus que l'IVG, elle, est
remboursée. Ainsi, on rembourserait l'IVG, mais non le médicament qui
permettrait de l'éviter. Ce serait un peu « fort de café » !
L'amendement n° 1 rectifié consacre un alinéa spécifique à la possibilité
offerte aux infirmières scolaires d'administrer aux élèves une contraception
d'urgence. La commission a voulu, d'une part, rappeler les principes qui
doivent guider les infirmières dans leur action, d'autre part, définir de
manière plus précise la procédure d'administration du NorLevo aux élèves.
L'amendement reprend ainsi, fidèlement d'ailleurs, certaines parties de votre
propre circulaire du 29 décembre 1999, madame le ministre.
Cette procédure doit être réservée aux cas d'urgence - on le comprend
puisqu'il faut intervenir dans un délai de soixante-douze heures - et aux cas
de détresse caractérisée. L'administration d'une contraception d'urgence aux
élèves ne peut être, bien entendu, qu'exceptionnelle.
C'est pourquoi la commission souhaite rappeler que la contraception d'urgence
ne saurait en aucun cas être un substitut à une contraception régulière et
responsable, et que son usage ne saurait être banalisé.
L'administration d'une pilule contraceptive d'urgence doit, de surcroît, se
dérouler conformément au protocole national déterminé par décret. Ce protocole
devra, naturellement, tenir compte de la responsabilité éducative des
parents.
S'agissant de la procédure proprement dite, l'amendement précise que
l'infirmière scolaire confrontée à une demande de NorLevo doit s'efforcer, en
premier lieu, d'orienter l'élève vers un médecin ou un centre de planification
ou d'éducation familiale, ce qui sera quelquefois difficile compte tenu du
délai de soixante-douze heures.
Si un médecin ou un centre de planification familiale n'est pas immédiatement
accessible, l'infirmière scolaire peut alors, compte tenu de l'urgence et si
elle estime qu'il s'agit d'une situation de détresse caractérisée, administrer
à l'élève majeure ou mineure cette contraception d'urgence.
L'amendement inscrit également dans la loi le nécessaire suivi des élèves à
qui on administre le NorLevo. C'est pourquoi l'infirmière scolaire doit
informer
a posteriori
le médecin scolaire des décisions qu'elle a
prises, mais, surtout, elle doit s'assurer de l'accompagnement psychologique de
l'élève, veiller à la mise en oeuvre d'un suivi médical par un médecin, qu'il
soit généraliste ou spécialiste, ou par un centre de planification
familiale.
La rédaction de l'amendement que propose la commission se veut donc plus
complète, plus précise et, dirai-je, plus sanitaire que celle qui a été adoptée
à l'Assemblée nationale.
C'est l'objet des modifications et, surtout, des précisions que la commission
des affaires sociales souhaite apporter.
M. le président.
La parole est à M. Chérioux, pour défendre le sous-amendement n° 4.
M. Jean Chérioux.
Je serai bref, car j'ai déjà eu l'occasion d'expliquer le pourquoi de ce
sous-amendement.
Je crains, je l'ai dit, un phénomène de banalisation. Aussi, je demande que
soit maintenue l'obligation de prescription par un médecin, et ce faisant je ne
me place pas du tout dans la même perspective que la commission.
Celle-ci envisage l'administration en urgence du NorLevo à une jeune fille en
situation de détresse. Or, pour ma part, ce n'est pas une banalisation dans ces
seuls cas mais une banalisation générale que je crains. On va se trouver
confronté à un nouveau système de prévention de la grossesse ! On évitera
l'IVG, c'est vrai, mais il sera quand même beaucoup plus facile, je le répète,
à une femme de recourir à cette pilule-là plutôt que de continuer à subir les
contraintes liées à la pilule classique.
(Mme Odette Terrade et M. Roland
Muzeau protestent.)
C'est un fait ! Et ce phénomène de banalisation, je le répète, n'est pas une
vue de l'esprit.
M. Philippe Marini.
Non !
M. Jean Chérioux.
Mme Royal l'a reconnu elle-même en parlant de la gratuité.
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Ne déformez pas mes propos !
M. Jean Chérioux.
C'est inscrit dans le compte rendu des débats ! C'est vrai non seulement eu
égard à la gratuité mais aussi eu égard à la simplification que ce nouveau mode
de contraception procure aux femmes.
M. Philippe Marini.
Très bien !
M. le président.
La parole est à Mme Terrade, pour défendre le sous-amendement n° 7
rectifié.
Mme Odette Terrade.
Notre sous-amendement a pour objet de permettre l'accès à la contraception
d'urgence aux mineures disposant de faibles ressources.
Il est pour nous très important de lever tout obstacle d'ordre financier dans
la diffusion de la contraception d'urgence.
Les chiffres prouvent en effet que le recours à l'IVG augmente fortement
lorsque les jeunes filles sont issues de milieux défavorisés. Le taux est
multiplié par cinq entre élèves de l'enseignement professionnel et élèves de
l'enseignement général.
Le but essentiel de la proposition de loi est de faire baisser le nombre
d'IVG, expérience toujours traumatisante, surtout lorsqu'elle intervient au
début de la vie sexuelle d'une jeune fille.
Par conséquent, tout doit être mis en oeuvre pour éviter d'arriver à cette
extrémité et l'accès à la contraception d'urgence doit être facilitée.
Mes chers collègues, je suis persuadée que vous prendrez cette réalité en
compte et émettrez un avis positif sur ce sous-amendement.
M. le président.
La parole est à Mme Dieulangard, pour défendre le sous-amendement n° 6.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Avec, je l'espère, un grand nombre de sénateurs ici présents, nous partageons
la volonté de faciliter, tout en l'encadrant au mieux l'administration de la
pilule du lendemain par les infirmières scolaires.
C'est dans cette optique qu'il nous est apparu plus pertinent et mieux adapté
de privilégier une formulation moins « encombrée » de conditions que celle qui
a été adoptée par la commission des affaires sociales pour le dernier alinéa de
l'article L.5134-1 du code de la santé publique.
Ainsi, insérer dans la loi des conditions qui devront figurer dans le futur
protocole national auquel devront aussi se conformer les infirmières scolaires
ne nous paraît pas opportun pour deux raisons.
Tout d'abord, la loi intégrera ainsi des dispositions qui ont de toute
évidence leur place dans un texte réglementaire et on peut donc s'interroger
sur la nécessité de les formaliser sous forme législative.
De plus, l'amendement n° 1 rectifié procède à une accumulation de conditions :
la pilule sera délivrée à titre exceptionnel, dans les situations « d'urgence
et de détresse caractérisée », dans les cas où aucun médecin ne serait
disponible et aucun centre de planification ou d'éducation familiale
accessible.
Nous craignons que cette énumération ne soit interprétée comme une marque de
suspicion à l'égard des infirmières scolaires, même si, vous connaissant,
monsieur le rapporteur, je n'imagine pas que cela puisse être votre sentiment.
Nous savons que le caractère exceptionnel de la délivrance du NorLevo a été
respecté et que la majorité des lycéennes ont été orientées vers les centres de
planification familiale.
Par ailleurs, mes chers collègues, deux risques majeurs sont à craindre.
Il y a d'abord un risque de dépassement des délais : nous sommes ici dans le
cadre d'une contraception d'urgence qui perd progressivement son efficacité
dans les soixante-douze heures qui suivent le rapport sexuel.
Il y a aussi le risque d'une interprétation dévoyée de cet alinéa qui pourrait
être « instrumentalisé » par des associations, que nous connaissons tous, qui
refusent systématiquement, parfois violemment, tout acquis en matière de
contraception ou d'accès à l'IVG, qui multiplient les recours contentieux pour
remettre en cause ce droit essentiel pour les femmes, car il fonde et détermine
leur liberté de disposer de leur corps et d'avoir des enfants quand elles le
souhaitent et le décident.
Ces associations ne manqueront pas, nous devons en être conscients, de
contester fréquemment la légitimité de l'intervention de l'infirmière scolaire
au prétexte que telle ou telle condition ne serait pas, à leurs yeux, remplie.
La recherche d'un centre de planification s'arrête-t-elle aux limites de la
ville, de l'agglomération ou du département ? On les imagine fixant un cadre
géographique le plus large possible !
Nous vous demandons donc d'adopter notre sous-amendement afin d'éviter que
certains obstacles ne se dressent contre ce que nous voulons avec autant de
détermination que vous, monsieur le rapporteur : donner aux infirmières la
possiblité d'administrer la contraception d'urgence afin d'éviter des
grossesses non désirées ou des avortements traumatisants.
Nous réaffirmons notre volonté de faire en sorte que cette contraception ne se
substitue pas à une contraception plus régulière et classique.
Souhaitons que notre débat contribue à l'ouverture d'un dialogue entre les
jeunes filles et les interlocuteurs capables de leur apporter une information
indispensable en la matière.
M. le président.
La parole est à M. Muzeau, pour défendre le sous-amendement n° 8 rectifié.
M. Roland Muzeau.
Ce sous-amendement a pour objet d'étendre la mise en oeuvre des dispositions
de l'amendement n° 1 rectifié aux infirmières présentes dans les centres de
vacances et de loisirs.
Une telle mesure aura un effet limité dans ces centres compte tenu de la
faible présence des infirmières parmi les assistants sanitaires, qui sont en
très grande majorité simplement titulaires de l'attestation de formation aux
premiers secours, formation dont on sait qu'elle ne dure que deux jours.
En tout état de cause, il paraît nécessaire, pour des raisons de santé
publique, de limiter une telle possibilité aux seuls infirmiers.
Une solution complémentaire consistera dans le recours aux pharmacies de
ville, autorisées par la proposition de loi à conseiller les jeunes et à vendre
librement ces contraceptifs. Il appartiendra aux directeurs de centre, sous la
responsabilité desquels sont placés les mineures, de les informer de cette
possibilité et de les autoriser à y avoir recours.
Avec ce sous-amendement, il s'agit d'assurer une continuité logique entre la
période extrascolaire et la période scolaire, et je vous remercie, madame la
ministre, d'avoir évoqué dans votre propos introductif cette question.
M. le président.
La parole est à M. Chérioux, pour défendre le sous-amendement n° 5.
M. Jean Chérioux.
Il s'agit là encore d'un problème que j'ai déjà abordé dans mon exposé
liminaire.
A l'évidence, le rôle des familles est complètement oublié dans le système qui
est mis en place.
Je sais bien que l'on vise des situations de détresse et que ce n'est pas le
moment où il sera le plus facile à l'infirmière, ou à la personne qui sera
reconnue compétente, de prendre contact avec la famille. Dans ces cas-là, il
est, hélas ! souvent trop tard. Pour autant, il ne faut pas que les familles
qui s'occupent de leurs enfants et qui entendent exercer leur responsabilité
puissent se voir appliquer un texte de ce genre.
Je sais bien que, dans nombre de cas, ces situations de détresse sont dues au
fait que les familles ne s'occupent pas de leurs enfants et que les jeunes
filles sont abandonnées à elles-mêmes. C'est pourquoi je ne propose pas que
l'autorisation soit demandée aux parents chaque année. A l'évidence, cela irait
beaucoup trop loin et ne permettrait pas de faire face aux situations de
détresse dont vous parlez.
En revanche, on n'a pas le droit de refuser à une famille la possibilité de
dire qu'elle ne veut pas que ce texte s'applique à ses enfants parce qu'elle a
une certaine conception de la responsabilité et qu'elle entend exercer
celle-ci.
C'est la raison pour laquelle je vous demande d'adopter ce sous-amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur ces cinq sous-amendements ?
M. Lucien Neuwirth,
rapporteur.
Le sous-amendement n° 4 vise à rétablir l'obligation d'une
prescription médicale pour la délivrance des contraceptifs d'urgence qui ne
présentent pas de danger pour la santé.
Le texte de l'amendement de la commission signifie
a contrario
, je le
rappelle, que la prescription médicale est maintenue, sous la responsabilité du
ministre chargé de la santé, pour les contraceptifs d'urgence susceptibles de
présenter un danger pour la santé.
En fait, cette disposition fait entrer les contraceptifs d'urgence dans le
droit commun du médicament : ceux qui ne sont pas dangereux pourront - ce n'est
qu'une possibilité, et c'est en tout état de cause une décision du ministre
lui-même - être mis en vente libre ; ceux qui seraient susceptibles de
présenter un danger pour la santé resteront soumis à prescription médicale.
Notre collègue Jean Chérioux soulève cependant un vrai problème : il y a là à
l'évidence, et nous en sommes tous conscients, un risque de banalisation et
même de substitution à une contraception régulière. Ce risque me semble
toutefois limité et je vois à cela deux raisons - il s'agit de mon point de vue
et de celui de la commission.
D'une part, la contraception d'urgence n'est pas efficace à 100 %, loin de là.
Une jeune fille ou une femme qui déciderait de recourir de manière très
régulière à la contraception d'urgence comme moyen de contraception prendrait
un risque très élevé ; je l'ai dit, la contraception d'urgence est en quelque
sorte une bouée de sauvetage utilisée au dernier moment pour éviter d'avoir
recours plus tard à l'IVG.
D'autre part, les contraceptifs d'urgence ne sont pas délivrés en pharmacie
aussi facilement que l'aspirine ou le paracétamol, qui, au demeurant, peuvent
eux aussi se révéler extrêmement dangereux en cas d'emploi « normal ».
En commission, j'ai pu montrer les fiches qui ont été envoyées par l'ordre
national des pharmaciens à toutes les officines. Le pharmacien doit interroger
la jeune femme et accompagner la délivrance des contraceptifs des conseils
appropriés. Il doit notamment lui rappeler qu'une prise répétée de NorLevo peut
avoir des conséquences dommageables et lui conseiller d'adopter une
contraception régulière.
A cet égard, je veux rappeler que tout médicament est susceptible de présenter
un danger pour la santé si l'on n'en respecte pas les conditions d'emploi.
Voilà les raisons pour lesquelles le risque de banalisation me semble limité.
On prend ce médicament parce qu'on se trouve dans une situation de détresse et
qu'il faut tout tenter avant de recourir à une IVG. C'est pourquoi il me semble
souhaitable d'adopter les dispositions proposées. Mais il nous faudra être
particulièrement vigilants sur ce point et revenir sur les dispositions qui
nous sont proposées aujourd'hui si une dérive inquiétante est constatée. Ce
sera l'objet de l'un des amendements que nous examinerons ultérieurement.
C'est pourquoi je me félicite que certains de nos collègues aient déposé des
amendements tendant à un bilan de l'application de la présente loi dès sa
deuxième année d'application, c'est-à-dire avec le recul nécessaire. Si ce
risque de banalisation se confirmait, il faudrait alors probablement revoir la
loi.
L'alinéa que le sous-amendement n° 4 vise à supprimer me semble donc utile
dans la mesure où il favorisera un accès plus rapide à la contraception
d'urgence dans des situations où les intéressées sont vraiment tenues par des
limites de temps. Il s'agit en effet d'une bouée de sauvetage !
Je demanderai donc à mon collègue et ami JeanChérioux de bien vouloir retirer
son sous-amendement ; s'il n'en allait pas ainsi, j'émettrai alors un avis
défavorable, ce qui m'ennuierait beaucoup.
J'en viens au sous-amendement n° 7 rectifié, qui est presque en conformité
avec les propositions de la commission. Il vise à prévoir que la délivrance des
médicaments ayant pour but la contraception d'urgence s'effectue à titre
gratuit « dans les pharmacies selon des conditions définies par décret ».
Avant de donner l'avis de la commission, j'aimerais connaître l'avis du
Gouvernement sur ce sous-amendement, qui tend à préciser l'amendement n° 1
rectifié.
M. le président.
Madame le secrétaire d'Etat, quel est donc l'avis du Gouvernement sur
l'amendement n° 7 rectifié ?
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le président,...
M. Lucien Neuwirth,
rapporteur.
Le sous-amendement n° 7 rectifié tend à insérer les mots : «
dans les pharmacies selon des conditions définies par décret ».
Si je suis d'accord sur le sens de ce sous-amendement, je considère cependant
que les termes : « dans les pharmacies » sont superfétatoires, après l'emploi
du mot : « délivrance ». En effet, la délivrance ne se fait jamais qu'en
pharmacie, de la même façon que la prescription ne peut être faite que par un
médecin. Ce sont les termes habituellement utilisés, et je crois donc, madame
Terrade, que vous pouvez rejoindre la commission.
(Mme Terrade fait un signe
d'assentiment.)
M. le président.
Monsieur le rapporteur, vous avez souhaité entendre l'avis du Gouvernement. Je
demande donc à Mme le secrétaire d'Etat de poursuivre son propos.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Le sous-amendement est-il retiré ? S'il l'est,
j'argumenterai tout à l'heure !
M. le président.
Madame Terrade, le sous-amendement n° 7 rectifié est-il retiré ?
Mme Odette Terrade.
La gratuité n'est pas retirée, mais...
M. Philippe Marini.
Nous voudrions comprendre ce qui se passe !
M. le président.
Si le sous-amendement n° 7 rectifié n'est pas retiré, Mme le secrétaire d'Etat
va répondre !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement partage absolument votre souci de
faciliter l'accès gratuit des mineures à la contraception d'urgence.
Simplement, généraliser la gratuité dans les pharmacies pour les mineures
impliquerait, outre les différentes mesures qui ont été proposées pour
organiser la distribution gratuite de la pilule du lendemain dans les
établissements scolaires et la vente libre dans les pharmacies, des difficultés
de coordination, de bonne pratique, dans des officines qui ne sont pas tenues
par des fonctionnaires ou par des professionnels vis-à-vis desquels les
pouvoirs publics peuvent exercer une action et auxquels ils peuvent confier des
missions. Il s'agit, en effet, de professionnels libéraux.
En résumé, nous sommes favorables à la gratuité de la pilule du lendemain,
mais nous souhaitons que sa délivrance aux adolescentes soit sujette à un
accompagnement. Nous l'avons répété à plusieurs reprises, y compris sur les
travées de cet hémicycle : il est indispensable que l'éducation à la sexualité,
à la responsabilité sexuelle se fasse au contact d'adultes de proximité. Si les
familles ne peuvent accomplir cette éducation, il faut que cette mission soit
dévolue à des professionnels qui bénéficient de toute la confiance tant des
parents que des pouvoirs publics.
Je ne pense pas que nous soyons en mesure d'exiger des pharmaciens une telle
disponibilité à un accompagnement au moment de la délivrance d'une pilule du
lendemain à titre gratuit à une mineure qui viendrait la demander.
(Murmures
sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. Philippe Marini.
Ce n'est pas leur métier ! C'est le métier des médecins, ce n'est pas celui
des pharmaciens !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Ce n'est pas, en effet, le métier des pharmaciens !
(Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Philippe Marini.
C'était utile de le préciser !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Donc, il faut que le recours au NorLevo soit
l'occasion d'une éducation à la santé et à la responsabilité sexuelle. Il faut
qu'il soit l'occasion d'un dialogue avec la jeune fille, l'invitant notamment à
recourir à une contraception classique. A cet égard, quel accompagnement
peut-il y avoir en pharmacie ?
(Exclamations sur certaines travées de
l'Union centriste.)
M. Philippe Marini.
Ce n'est le métier ni des infirmières ni des pharmaciens !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Nous allons voir en fonction de votre volonté. Nous
avons beaucoup de réponses à apporter aux questions que soulève votre souci
d'élargissement de la gratuité, y compris dans les pharmacies, pour que les
jeunes filles puissent avoir accès, en dehors des périodes et des heures
scolaires, à une contraception d'urgence. Mais, avant de nous prononcer sans
hésitation sur cette gratuité totale aux comptoirs des pharmacies, nous devons
apporter des réponses à un certain nombre de questions.
M. le président.
Quel est, en définitive, l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 7
rectifié ?
M. Lucien Neuwirth,
rapporteur.
Il y a une confusion ! Le sous-amendement n° 7 rectifié vise
à insérer les mots : « dans les pharmacies selon des conditions définies par
décret », alors que la commission a adopté la formule suivante : « dans des
conditions fixées par voie réglementaire ». Par conséquent, la seule nuance sur
laquelle nous débattons pour l'instant tient au décret ou à la voie
réglementaire, et à l'adjonction du mot « pharmacies », la commission employant
pour sa part le mot « délivrance », ce qui sous-entend l'implication des
pharmacies.
Nous n'évoquons pas encore la gratuité ! En effet, cette dernière est visée
par l'amendement n° 1 rectifié de la commission, et non par le sous-amendement
n° 7 rectifié.
M. le président.
Mais quel est donc l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 7
rectifié ?
M. Lucien Neuwirth,
rapporteur.
La commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
J'en viens au sous-amendement n° 6, qui vise à revenir très exactement au
texte adopté par l'Assemblée nationale, moins complet que celui de la
commission.
La commission a jugé, pour sa part, qu'il était souhaitable de préciser dans
la loi les éléments qui devront figurer dans le décret porteur du protocole
national. La loi a vocation à encadrer le protocole national, mais ne s'y
substitue pas. Je dis cela à l'attention de nos collègues : c'est bien le
protocole national, qui est un texte réglementaire, que, concrètement,
l'infirmière scolaire devra appliquer, et là intervient le chef d'établissement
dans l'organisation du service.
Mme Dieulangard a soulevé à cette occasion un vrai problème, comme l'avait
fait tout à l'heure l'un de nos collègues : celui de la responsabilité des
infirmières scolaires. J'aimerais que Mme le secrétaire d'Etat nous éclaire sur
cette question délicate.
Dans quelle mesure la responsabilité d'une infirmière pourrait-elle être
engagée, notamment par les parents, du fait de l'administration ou du refus de
l'administration du NorLevo à une élève ? Je précise à cet égard que, par
rapport au texte adopté par l'Assemblée nationale, l'amendement de la
commission ne modifie en rien le régime propre à cette responsabilité.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
C'est à un exercice un peu compliqué que vous nous
demandez de nous livrer, monsieur le rapporteur !
Je vous le répète : la mission des infirmières scolaires est fixée par un
règlement. Dans le cas présent, l'administration d'un certain nombre de
médicaments est régie par un protocole national visé par le ministre de
l'éducation nationale et celui de la santé, sous contrôle de nos services, donc
de la direction générale de la santé. Lorsque Ségolène Royal a proposé de
revoir la liste des médicaments qui peuvent être disponibles dans les
infirmeries scolaires, tous ces médicaments ont alors été évalués et visés par
la direction générale de la santé en fonction d'un avis de l'AFSSAPS, l'Agence
française de sécurité sanitaire des produits de santé, au regard de la
non-dangerosité pour la santé de ces médicaments. Il apparaît, en vertu des
expertises réalisées par l'Agence du médicament, que le NorLevo est un
médicament sans danger aucun pour la santé. C'est en vertu de cet avis de
l'AFSSAPS que le NorLevo a pu être inscrit, au même titre que d'autres
médicaments sans danger pour la santé, dans la liste des médicaments qui sont
disponibles dans les infirmeries scolaires.
Il n'y a donc pas de responsabilité individuelle ou directe des infirmières.
Il s'agit de l'administration qui est prévue par le protocole élaboré par des
médecins et qui est imposée dans les missions des infirmières scolaires.
M. Jean Chérioux.
Et le sang contaminé ? Vous ne vous souvenez pas du sang contaminé ?
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Cela n'a aucun rapport !
M. Jean Chérioux.
Et comment !
M. le président.
Quel est, en définitive, l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 6
?
M. Lucien Neuwirth,
rapporteur.
Voilà qui prouve combien il était nécessaire de compléter le
texte de l'Assemblée nationale et d'y insérer la mention du protocole national.
C'est la raison pour laquelle - madame Dieulangard, je pense que vous l'aurez
compris - la commission émet un avis favorable sur le sous-amendement n° 6.
Le sous-amendement n° 8 rectifié tend à autoriser la délivrance des
contraceptifs d'urgence dans les centres de vacances agréés lorsque ces
derniers bénéficient de la présence d'une infirmière. J'observe qu'il s'insère
plutôt mal dans le dispositif prévu par l'amendement n° 1 rectifié de la
commission. Il semble difficile de l'adopter en l'état.
C'est pourquoi la commission a émis un avis de sagesse prudente sur ce
sous-amendement...
M. Philippe Marini.
Sagesse prudente ?...
M. Lucien Neuwirth,
rapporteur.
... et souhaiterait, là encore, recueillir l'avis du
Gouvernement pour savoir si nous nous orientons vers une énumération, toujours
limitative, des établissements où pourrait être remis le NorLevo.
Le sous-amendement n° 5, présenté par M. Chérioux, tend à donner la faculté
aux parents de s'opposer à une éventuelle administration à leur enfant mineur
d'une contraception d'urgence par les infirmières scolaires.
Nous sommes nombreux, dans cette assemblée, à partager le souci de notre
collègue Jean Chérioux d'éviter que des parents ne soient absents de cette
procédure.
Le protocole national devra, c'est évident, tenir compte de la responsabilité
éducative des parents. Ainsi, dans le protocole de décembre 1999, l'infirmière
devait s'efforcer d'entrer en contact avec l'un des parents de l'élève mineure
aux fins d'informer celui-ci des différentes possibilités qui se présentaient.
Ce n'était « que si l'élève refuse catégoriquement que la famille soit associée
à sa démarche » que l'infirmière scolaire prenait rendez-vous en urgence auprès
d'un centre de planification familiale, s'il en existait, ou qu'elle délivrait
elle-même le NorLevo compte tenu de l'impératif des délais.
Le sous-amendement n° 5 offre la possibilité aux parents de s'opposer, par une
déclaration annuelle, à ce que l'on réponde à la demande de l'enfant mineure de
bénéficier d'une contraception d'urgence.
Je considère pour ma part - nous en avons parlé ce matin - que, dans les cas
d'urgence et de détresse caractérisées, le souci de prévenir une interruption
volontaire de grossesse doit prévaloir sur l'exigence du consentement parental
immédiat.
M. Roland Courteau.
Très bien !
M. Lucien Neuwirth,
rapporteur.
J'ajoute que, très concrètement, la jeune fille pour laquelle
l'infirmière se verrait interdire l'administration d'une contraception
d'urgence n'aurait qu'à se rendre à la pharmacie la plus proche, qui lui
délivrerait alors ce contraceptif.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Bien sûr !
M. Lucien Neuwirth,
rapporteur.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle notre collègue M.
Chérioux, qui est cohérent avec lui-même, nous avait demandé, dans un précédent
amendement, d'interdire cette vente libre.
M. Philippe Marini.
Il avait raison ! C'est logique !
M. Lucien Neuwirth,
rapporteur.
Oui, il y a une logique, et je viens de le dire !
Dans ces conditions, j'inviterai notre collègue Jean Chérioux à retirer son
sous-amendement ; sinon, je serai obligé d'y donner un avis défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 1 rectifié et sur les
sous-amendements n°s 4, 7 rectifié, 6, 8 rectifié et 5 ?
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Le sous-amendement n° 4 va dans un sens opposé à ce
que souhaitent le Gouvernement et l'Assemblée nationale,...
M. Philippe Marini.
Heureusement !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
... à savoir faciliter l'accès à la contraception
d'urgence.
Je le répète, nous avons la chance, aujourd'hui, de disposer d'un produit
contraceptif hormonal qui ne comporte pas de danger pour la santé et qui peut,
l'AFSSAPS l'a confirmé, être délivré sans prescription médicale. Dans la mesure
où la contraception d'urgence est d'autant plus efficace qu'elle est prise
rapidement après un rapport sexuel non protégé, cet accès sans prescription est
un atout essentiel.
M. le rapporteur lui-même a essayé, en 1967, d'introduire dans la loi qui
porte son nom un accès aux contraceptifs sans prescription médicale. Or, à
l'époque, le dosage des médicaments était tel que ce n'était pas possible.
Aujourd'hui, profitons donc des progrès de la médecine ! Faisons-en profiter
l'ensemble des jeunes filles de notre pays !
Dans ces conditions, j'en suis désolée, je suis défavorable au sous-amendement
n° 4.
M. Jean Chérioux.
Ne soyez pas désolée, madame le secrétaire d'Etat !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Je me suis déjà expliquée sur le sous-amendement n° 7
rectifié, et j'y reviendrai dans un instant en me prononçant sur l'amendement
n° 1 rectifié.
En ce qui concerne le sous-amendement n° 6, j'ai eu l'occasion de répondre à
la demande de M. le rapporteur s'agissant de la responsabilité des infirmières
dans la mission qui leur est confiée à travers le protocole de soins infirmiers
en milieu scolaire.
Personnellement, je considère que le texte voté par l'Assemblée nationale
précise les choses. Il y est en effet indiqué que ces médicaments « peuvent
être administrés tant aux mineures qu'aux majeures ». Or nous savons que la
scolarité se prolonge quelquefois aujourd'hui au-delà de la majorité. Il serait
donc injuste qu'une élève majeure ne puisse pas bénéficier de la même attention
que sa camarade mineure, alors même que l'une et l'autre s'adresseraient à
l'infirmière scolaire.
Je souhaite donc le retour au texte de l'Assemblée nationale, objet du
sous-amendement n° 6, auquel je donne donc mon accord.
M. Lucien Neuwirth,
rapporteur.
Notre texte fait référence lui aussi aux « mineures et
majeures ».
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Le sous-amendement n° 8 rectifié vise à intégrer les
centres de vacances agréés dans la liste des lieux de distribution de la pilule
du lendemain.
Après Ségolène Royal, je vous répète que le souhait du Gouvernement est de
voir les structures qui travaillent avec des adolescents participer à leur
réflexion sur les questions de la sexualité, contribuant ainsi à l'élévation de
leur niveau de responsabilité dans ce domaine et à la lutte contre les
grossesses non désirées.
L'expérience des pays nordiques, où les questions de sexualité sont très
ouvertement abordées avec les enfants, les jeunes et les adolescents, le montre
bien, car se sont ces pays qui connaissent le taux le plus faible d'IVG des
mineures.
Les responsables de centres de vacances pour adolescents ont bien évidemment
un rôle à jouer dans ce domaine. Le Gouvernement s'engage, à cet égard, à
travailler avec les mouvements d'éducation populaire, avec les organisateurs de
centres de vacances pour adolescents, sur les questions de la prévention des
grossesses non désirées, de l'éducation à la santé et à la responsabilité
sexuelle sur l'administration possible du NorLevo. Or cette prévention passe
avant tout par le développement de l'éducation de proximité.
Quelques rares centres de vacances disposent des services d'une infirmière.
Celle-ci devra pouvoir, après une formation identique à celle qui sera proposée
aux infirmières scolaires, répondre à la détresse d'une jeune fille nécessitant
une contraception d'urgence et engager avec elle le dialogue sur ces
questions.
Pour les autres centres de vacances, qui ne disposent pas d'une infirmière, un
rapprochement avec les centres de planning familial ou avec d'autres centres de
vacances situés à proximité devrait permettre de mutualiser les compétences et
de résoudre les problèmes rencontrés.
Le Gouvernement est donc favorable au sous-amendement n° 8 rectifié.
Quant au sous-amendement n° 5, dont l'objet est de permettre aux parents
d'élèves de s'opposer, éventuellement, à ce que leur fille puisse bénéficier de
l'attention de l'infirmière scolaire, il est en contradiction avec l'esprit de
la proposition de loi. Précisément, les mineures qui ne se sentent pas en
confiance et qui ne se sentent pas autorisées à s'ouvrir de leurs problèmes
dans leur famille doivent pouvoir trouver un appui et un soutien auprès de
l'infirmière scolaire ! Nous ne pouvons donc pas soumettre cette attention de
l'infirmière scolaire à la déclaration préalable des parents.
Le Gouvernement est donc opposé à ce sous-amendement.
J'en viens à l'amendement n° 1 rectifié, présenté par M. Neuwirth, au nom de
la commission.
Au nom du Gouvernement, je tiens à remercier la commission des affaires
sociales, et tout particulièrement son rapporteur, du soutien qu'ils ont
apporté aux actions que nous menons en la matière, afin de faciliter l'accès à
la contraception d'urgence.
Le premier alinéa de l'amendement n° 1 rectifié, qui reprend les termes du
texte adopté par l'Assemblée nationale, recueille bien évidemment l'accord
total du Gouvernement.
Au début du deuxième alinéa, l'ajout de l'expression : « afin de prévenir une
interruption volontaire de grossesse » nous paraît inutile. La contraception
d'urgence, comme toute méthode de contraception, a pour effet d'éviter les
grossesses non désirées et, par conséquent, les interruptions volontaires de
grossesse qui pourraient en résulter. Cet ajout est donc un peu redondant.
M. Lucien Neuwirth,
rapporteur.
Cela va sans dire, mais cela va mieux en le disant !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
La deuxième phrase du deuxième alinéa évoque la
possibilité d'administrer, à titre gratuit, des contraceptifs d'urgence aux
mineures.
C'est un sujet qui nous a déjà réunis à plusieurs reprises au cours de ce
débat : le Gouvernement partage votre souci de faciliter l'accès gratuit des
mineures à la contraception d'urgence.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Très bien !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Au demeurant, la gratuité des contraceptifs d'urgence
est d'ores et déjà effective, comme celle des autres contraceptifs, dans les
centres de planification familiale pour les mineures désirant garder le
secret.
Par ailleurs, grâce à la présente proposition de loi, les contraceptifs
d'urgence pourront être administrés gratuitement dans les établissements
scolaires.
Enfin, le Tétragynon peut, dès aujourd'hui, être obtenu dans les
établissements hospitaliers, notamment dans les services d'urgence. Le NorLevo
pourra également y être disponible dès que le laboratoire en aura fait la
demande. Il suffira alors d'une circulaire ministérielle pour préciser aux
établissements hospitaliers qu'ils pourront le délivrer gratuitement.
Généraliser la gratuité pour les mineures impliquerait, si je vous suis bien,
monsieur le rapporteur, d'organiser en outre la distribution gratuite de la
pilule du lendemain en pharmacie,...
M. Lucien Neuwirth,
rapporteur.
En dehors des périodes scolaires !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
... entraînant des difficultés de coordination des
pratiques dans les officines tenues par des praticiens libéraux, ainsi que je
l'ai expliqué tout à l'heure.
J'entends bien que vous nous encouragez à préciser, au moyen d'un règlement,
les modalités de mise à disposition gratuite dans les pharmacies de cette
pilule en dehors des périodes scolaires, avec des mesures d'accompagnement.
Le Gouvernement est favorable à la gratuité de la pilule du lendemain et il
souhaite que sa délivrance aux adolescentes se fasse avec un accompagnement. Il
nous faudra donc préciser comment cet accompagnement peut être réalisé dans les
pharmacies. Le recours au NorLevo doit être l'occasion d'un dialogue avec la
jeune fille, l'invitant notamment à recourir à une contraception classique.
Quel accompagnement les pharmacies pourront-elles opérer ? Il va nous falloir
répondre à cette question. S'il devenait plus facile, pour les mineures,
d'accéder à la contraception d'urgence plutôt qu'à la contraception classique,
serait-ce aussi pédagogique que nous le souhaitons ? Il nous faut répondre à
ces questions avant de nous prononcer sans hésitation sur la gratuité.
Quant aux différentes précisions contenues dans le troisième alinéa de
l'amendement n° 1 rectifié, elles sont d'ores et déjà prévues dans le protocole
national sur l'organisation des soins et des urgences dans les écoles et les
établissements publics locaux d'enseignement. Il n'apparaît donc pas nécessaire
d'apporter toutes ces précisions dans la loi, revenir au texte initial semble
suffisant.
Cependant, compte tenu du travail important qui a été accompli par la
commission des affaires sociales pour améliorer ce texte - qui, je le sais,
monsieur le rapporteur, vous tient beaucoup à coeur - et compte tenu du souhait
du Gouvernement d'entraîner le maximum d'adhésion sur la proposition de loi
adoptée par l'Assemblée nationale, je m'en remets à la sagesse du Sénat sur
l'amendement n° 1 rectifié.
M. Lucien Neuwirth,
rapporteur.
Merci, madame le secrétaire d'Etat.
M. le président.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 4.
M. Jean Chérioux.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux.
Malgré les sollicitations dont j'ai été l'objet, je maintiens ce
sous-amendement, monsieur le président, car je pense qu'une prescription
médicale est nécessaire.
Je sais bien que M. le rapporteur nous affirme que les pharmaciens peuvent
remplir ce rôle. Pour ma part, je n'ai rien contre les pharmaciens, loin de là
- je respecte beaucoup leur action - mais je sais qu'ils travaillent souvent
dans des conditions qui ne leur permettent pas de jouer ce rôle.
De plus, à entendre tout à l'heure Mme le secrétaire d'Etat, le moins que l'on
puisse dire, c'est qu'elle n'a pas été très favorable, s'agissant du rôle des
pharmaciens, à la gratuité !
(Mme le secrétaire d'Etat fait un geste de dénégation.)
Je ne vois pas pourquoi les pharmaciens joueraient mieux un rôle de
prescription ! Par conséquent, je maintiens mon sous-amendement.
M. Philippe Marini.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini.
Nous devons prendre position sur un sujet extrêmement important pour nos
jeunes, et pas seulement en raison du texte même que l'on nous propose, mais en
raison, surtout, du signal qu'il constitue.
Voulons-nous donner un signal supplémentaire en faveur de la banalisation de
la contraception ? Voulons-nous donner un signal supplémentaire en faveur de la
banalisation de l'acte sexuel ?
Mme Odette Terrade.
Oh !
M. Philippe Marini.
Je pose tout simplement la question, car elle est à la base des réponses que
nous sommes appelés à donner ce soir.
(Exclamations sur les travées socialistes.)
Il en est peut-être à qui cela ne plaît pas, mais je crois que chacun siège
ici pour exprimer ses convictions. Si mes convictions ne sont pas les vôtres,
si vous ne les partagez pas, ayez du moins la bonté de les écouter, car je puis
vous assurer qu'elles sont sincères et fortement ancrées !
M. Serge Lagauche.
Cela ne nous étonne pas !
M. Philippe Marini.
Je pense que j'exerce ici le droit de tout parlementaire à exprimer ses
convictions et, parmi elles, celles qui sont, je le répète, les mieux ancrées
dans ce qu'il peut y avoir de plus profond en soi.
J'exprimerai donc, comme Jean Chérioux tout à l'heure, ma préoccupation : la
vie mérite d'être protégée à tous les stades et notre société évolue sans cesse
vers plus d'individualisme, vers une libération croissante des comportements
individuels, quelles qu'en soient les conséquences. Or je crois que, au travers
de la disposition supplémentaire que l'on nous propose d'adopter, en elle-même
peut-être discutable ou d'ampleur limitée, nous sommes devant une étape
supplémentaire dans cette évolution à laquelle, pour ma part, je ne peux pas
souscrire.
M. Jean Chérioux a raison de bien poser les deux limites qui sont
essentielles.
La première, c'est la responsabilité du médecin, c'est la prescription
médicale. On ne fera croire à personne que l'infirmier peut se substituer au
médecin ! On ne fera croire à personne que le pharmacien d'officine peut se
substituer au médecin ! On ne fera croire à personne que l'animateur de colonie
de vacances peut se substituer au médecin !
(Murmures sur les travées socialistes.)
Il y a là un verrou qui, au regard de ce que je crois profondément, est
important. C'est le sens de l'amendement de M. Chérioux.
La seconde limite, c'est la relation avec la famille : l'enfant scolarisé fait
partie de sa famille, famille qui doit l'assumer, qui doit dialoguer avec lui,
qui doit prendre ses responsabilités.
Mes chers collègues, par-delà toute idéologie, toute opinion politique, si
nous voulons voir sans cesse, dans notre société, plus de comportements
individualistes, voir sans cesse la famille s'éclater en de multiples cellules,
en de multiples initiatives, au point de ne plus pouvoir mériter le nom même de
famille, il faut effectivement franchir ce pas supplémentaire que constitue le
vote de la proposition de loi adoptée à l'Assemblée nationale et qui, telle
qu'amendée par la commission des affaires sociales - j'ai le regret de le dire
au rapporteur, pour qui j'ai un infini respect - va même encore un peu plus
loin.
Pour ma part, je ne peux pas faire ce pas supplémentaire, ni
a fortiori
le pas plus grand de la commission des affaires sociales, et c'est pourquoi,
naturellement, par conviction, je voterai le sous-amendement de notre ami et
collègue Jean Chérioux.
(M. Emmanuel Hamel applaudit.)
M. Lucien Neuwirth,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Neuwirth,
rapporteur.
Il est tout à fait normal que chacun d'entre nous puisse
exprimer ici ses convictions. Nous nous sommes battus pour la liberté, pour la
démocratie, et c'est cela la démocratie.
Je répondrai plusieurs choses à mon excellent collègue Philippe Marini.
D'abord, il a dit une phrase fondamentale : « La vie mérite d'être protégée. »
Oui, c'est vrai. Mais, protégée, elle l'est par la vérité, pas par l'ignorance
!
Mme Claire-Lise Campion.
Absolument !
M. Lucien Neuwirth,
rapporteur.
Qu'est-ce qui caractérise ces malheureuses filles qui se
trouvent dans des situations désespérées. Elles sont, ou elles étaient dans
l'ignorance. Voilà pourquoi je partage son point de vue.
Pour ce qui est de la famille aussi, j'y suis, moi aussi, très attaché, pour
nombre de raisons personnelles que certains ici connaissent. Mais si le
dialogue confiant existait dans la famille, l'adolescente se serait confiée
soit à sa mère, soit à sa soeur, soit à toute autre personne de sa famille !
C'est là tout le problème.
Je l'ai dit tout à l'heure les parents actuels n'ont pas été informés par
leurs propres parents et c'est là un inconvénient majeur.
Mme Odette Terrade.
Bien sûr !
M. Lucien Neuwirth,
rapporteur.
Ils font preuve de maladresse, une espèce de pudeur les
retient. Ils hésitent à informer leurs enfants à un moment crucial. Je pense
aux petites filles - je cite souvent cet exemple - qui ont leurs premières
règles. Quelle belle occasion pour une maman de dire : « Tu vois, maintenant,
tu es comme moi, tu peux avoir un enfant, il faut donc que tu saches comment se
transmet la vie » ! C'est là un moment important, un moment de vérité.
Enfin - et je m'arrêterai là - M. Marini a ajouté qu'une infirmière ne
remplaçait pas un médecin. Si ! On l'a vu souvent. C'est pourquoi on a établi
les protocoles pour le traitement de la douleur. Quand les médecins, les
internes ne sont pas là, les infirmières peuvent apporter des soins, toutes
sortes de soins, pour pallier leur absence. Je tenais à le dire parce que les
infirmières remplissent une véritable mission et beaucoup le font avec une
grande conscience.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées
socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que
sur certaines travées de l'Union centriste. - M. Yann Gaillard applaudit
également.)
Mme Dinah Derycke.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke.
Je fais tout à fait miens les propos que vient de tenir M. le rapporteur et je
voterai donc dans le même sens que lui.
Monsieur Marini, l'acte sexuel n'est pas quelque chose de honteux, et il ne
s'agit pas d'inciter nos jeunes à la débauche.
M. Philippe Marini.
Je n'ai jamais dit cela. Mais l'acte sexuel suppose l'amour.
Mme Dinah Derycke.
Cela ne suppose pas automatiquement la conception de l'amour que vous avez.
Roméo et Juliette avaient seize ans ; ils n'ont pas vécu parce que leurs
familles, manifestement, n'ont pas su exercer leurs responsabilités. Mais,
s'ils avaient vécu, personne ne saura jamais s'ils auraient vécu jusqu'à un
grand âge la main dans la main, les yeux dans les yeux, avec toujours le même
amour.
Deux adolescents qui sont attirés l'un vers l'autre et qui font l'amour ne
feront pas pour autant leur vie ensemble, comme l'on dit, ne fonderont pas
nécessairement une famille ensemble ; mais cela peut être beau et cela peut
être très enrichissant - et pas seulement physiquement - pour l'un comme pour
l'autre.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 4, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 7 rectifié, pour lequel la commission
s'en remet à la sagesse du Sénat.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 6, repoussé par la commission et
accepté par le Gouvernement.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 8 rectifié.
M. Claude Huriet.
Je demande la parole contre le sous-amendement.
M. le président.
La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet.
Je ne vois pas dans quelles conditions, si le sous-amendement était adopté, il
pourrait s'appliquer, conformément, d'ailleurs, à l'ensemble du texte sur
lequel nous allons nous prononcer dans un instant.
En effet, dans l'article unique tel qu'amendé par la commission des affaires
sociales, il est prévu que les infirmières en milieu scolaire « informent de
leur décision le médecin scolaire, s'assurent de l'accompagnement psychologique
de l'élève et veillent à la mise en oeuvre d'un suivi médical ».
Je ne vois pas, à l'évidence, comment un infirmier ou une infirmière, qui n'a
pas nécessairement été formé pour exercer cette responsabilité, tout de même
très particulière, pourrait remplir les conditions, sur lesquelles nous
n'aurons aucune peine à nous mettre d'accord, concernant le soutien
psychologique et le suivi.
C'est la raison pour laquelle je voterai contre ce sous-amendement.
M. Roland Muzeau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau.
Monsieur Huriet, la vente libre dans les pharmacies, après consultation
éclairée du pharmacien, conduit à la même démonstration que celle que vous
venez de faire. La présence d'une infirmière dans les centres de vacances
apporte un certain nombre de protections, comparables à celles qu'offriront les
pharmaciens qui auront pris le temps de discuter avec les jeunes venus les
voir. L'objection que vous avez émise n'est donc pas fondée.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 8 rectifié, accepté par le Gouvernement
et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 5, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1 rectifié.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Monsieur le président, le groupe socialiste demande qu'il soit procédé à un
vote par division sur cet amendement n° 1 rectifié.
M. le président.
La division étant de droit, je mettrai successivement aux voix la première
partie constituée des deux premiers alinéas, puis la deuxième et la troisième,
constituées respectivement du troisième et du quatrième alinéa de l'amendement
n° 1 rectifié.
Je vais mettre aux voix la première partie.
Mme Claire-Lise Campion.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Campion.
Mme Claire-Lise Campion.
Puisqu'il nous est donné de procéder par division au vote de l'amendement de
notre collègue M. Neuwirth, je veux m'exprimer, au nom de mon groupe, sur le
premier alinéa proposé pour l'article L. 5134-1 du code de la santé publique,
qui concerne la suppression de la prescription obligatoire pour le NorLevo.
Tout d'abord, je souhaite clarifier l'objet de notre discussion d'aujourd'hui
afin d'éviter tout amalgame ou erreur : il s'agit non pas de la contraception
en général, mais de la contraception d'urgence.
Ensuite, il n'est question que de la contraception d'urgence non susceptible
de présenter un danger pour la santé, si bien qu'à ce jour seul le NorLevo
entre dans cette catégorie.
Par ailleurs, je tiens à rappeler que l'accès libre pour toutes les femmes au
NorLevo sans prescription médicale s'applique d'ores et déjà, depuis que le
Gouvernement a autorisé par arrêté la vente libre en pharmacie du NorLevo.
Soulignons, à cet égard, que les recours devant le Conseil d'Etat et la
décision qu'il a rendue ne concernaient que l'administration par les
infirmières scolaires.
En effet, le Conseil d'Etat, qui n'avait pas été sollicité sur l'arrêté de
Bernard Kouchner, ne s'est donc pas prononcé sur la légalité de cette
mesure.
Mais il est évident que, si tel devait être le cas, la décision du Conseil
d'Etat serait alors identique à celle que nous ne connaissons que trop bien.
Si nous légiférons sur ce point et si le groupe socialiste de l'Assemblée
nationale a inscrit cette disposition dans sa proposition de loi, c'est afin
d'assurer une validation législative à un arrêté sur lequel pèse une épée de
Damoclès.
Le groupe socialiste du Sénat, dans sa volonté de garantir l'accès libre de
toutes les femmes à la contraception d'urgence et, surtout, de faire en sorte
que cette liberté ne puisse plus être remise en cause, ne peut qu'être
favorable à une telle disposition. C'est pourquoi nous voterons la première
partie de l'amendement.
M. Jean Chérioux.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux.
Je voterai contre cette première partie, fidèle en cela à l'esprit du
sous-amendement que j'avais proposé.
Je rappelle, une fois de plus, que ce texte ne vise pas seulement les
situations d'urgence ou les détresses caractérisées, qu'il permet aussi
l'utilisation d'un médicament d'urgence par des personnes qui ne sont pas
nécessairement en difficulté, et qu'il y a donc un risque de banalisation pour
ces dernières, comme l'ont dit de nombreux collègues dans cette assemblée.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la première partie de l'amendement n° 1 rectifié.
(Ce texte est adopté.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix, modifiée par le sous-amendement n° 7 rectifié, la
deuxième partie de l'amendement n° 1 rectifié.
M. Claude Huriet.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet.
Je suis prêt à voter cette deuxième partie. J'aimerais toutefois obtenir une
explication.
En effet, il est fait mention à la fois de la volonté de garder le secret et,
dans la deuxième phrase, de la gratuité de la délivrance. Peut-on m'assurer
que, dans les textes réglementaires, on saura concilier le secret et le
remboursement ?
Quelles que soient les conditions dans lesquelles on pourra accéder
gratuitement à la pilule du lendemain, il faudra bien justifier vis-à-vis des
organismes en charge du remboursement, et je ne suis pas certain qu'il sera
facile de concilier le respect de la volonté de secret et de confidentialité
avec les possibilités d'accès à un remboursement au second degré.
M. le président.
Je note que la délivrance aux mineures s'effectue à titre gratuit, dans les
pharmacies, dans les conditions fixées par voie réglementaire.
Mme Dinah Derycke.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke.
Nous voterons cette deuxième partie. Elle entre tout à fait dans le cadre de
l'action du Gouvernement, qui avait lancé une politique on ne peut plus
innovante en matière de contraception.
La proposition de loi dont nous discutons aujourd'hui, et qui a été déposée à
l'Assemblée nationale, avait pour objet essentiel de valider ces mesures.
Prévoir que les mineures pourront se voir délivrer gratuitement le NorLevo
dans les pharmacies ne peut que compléter le dispositif que nous voulons mettre
en place et s'inscrit parfaitement dans notre logique, qui est de faciliter le
plus possible l'accès à la contraception d'urgence pour éviter le pire.
Bien que je sois tout à fait consciente des difficultés pratiques - on vient
de les évoquer - qui découleront de l'inscription dans la loi d'une telle
mesure, je n'en reste pas moins persuadée qu'elle est nécessaire et qu'elle
répond à deux problèmes fondamentaux.
Si nous voulons protéger et préserver nos adolescentes de grossesses non
désirées et si nous voulons donner à toutes les femmes, notamment les plus
jeunes, les plus fragiles, les plus défavorisées, les plus démunies, le libre
accès à une contraception d'urgence, sans contre-indication médicale, il nous
appartient à toutes et à tous de concentrer nos efforts pour améliorer cette
proposition de loi de façon satisfaisante.
Je rappelle que certaines adolescentes ne sont plus dans les circuits
scolaires, qu'elles ne sont pas pour autant apprenties, qu'elles ne travaillent
pas, et qu'elles n'ont aucun revenu.
J'ajoute que, quelquefois, ces jeunes filles n'ont même pas seize ans. Quelle
que soit la loi sur l'obligation scolaire, dans notre pays, plusieurs milliers
d'adolescentes ont quitté l'école à treize, voire à douze ans.
Il faut leur permettre d'avoir effectivement accès à une contraception
d'urgence quand elles sont exposées au risque de grossesse, donc de recours à
une IVG. Il est tout à fait nécessaire d'assurer la gratuité pour toutes les
mineures.
Comme les centres de planification dans les hôpitaux, les urgences et les
permanences d'accès aux soins sont malheureusement trop peu nombreux, je ne
vois pas comment nous pourrions réellement parvenir à un accès à la
contraception d'urgence pour toutes en dehors de la pharmacie. De plus, la
gratuité me semble s'imposer pour les plus démunies d'entre elles.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Je voudrais redire qu'il reste des difficultés, que
des questions techniques doivent être réglées pour réaliser l'amélioration que
prévoit le texte proposé par la commission : garantir le secret aux mineures
qui iront chercher la contraception d'urgence dans une officine pharmaceutique,
pour l'instant, nous ne savons pas faire !
Il nous faut trouver des solutions pour faire respecter l'anonymat, pour faire
respecter ce secret. Comme nous le savons, c'est réalisable dans les
infirmeries scolaires, où les jeunes filles peuvent rencontrer un adulte de
référence qui est lié par une mission de service public ; ce n'est pas le cas
dans une officine de pharmacie.
Mais nous allons travailler pour résoudre ce problème et nous trouverons une
solution.
Il nous faut aussi évaluer le coût de l'opération et trouver le financement de
sorte que la gratuité soit effective.
J'ajoute - M. le rapporteur nous y encourage d'ailleurs -, que le décret
d'application devra très précisément prévoir les périodes de mise à disposition
gratuite du NorLevo dans les pharmacies, sachant que les périodes de vacances
sont différentes selon les académies !
Monsieur le rapporteur, le Gouvernement est sensible à votre souci d'améliorer
le texte afin de garantir le meilleur accès possible des jeunes filles mineures
à une contraception d'urgence gratuite, sans oublier l'accompagnement, auquel
nous tenons, pour conduire à l'esprit de responsabilité et garantir le passage
à une contraception ordinaire.
Le Gouvernement s'en remet donc à la sagesse de la Haute Assemblée. Le temps
de la navette ne sera pas de trop pour parvenir à résoudre ces difficultés.
M. Gérard Dériot.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dériot.
M. Gérard Dériot.
En tant que pharmacien, je veux surtout remettre les choses à leur place, car
bon nombre de nos collègues, et vous-même, madame la secrétaire d'Etat, semblez
ne pas très bien savoir comment fonctionnent les officines.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Mais si !
M. Gérard Dériot.
Quand vous le voudrez, je vous invite à vous rendre dans n'importe quelle
officine, la mienne par exemple. Vous verrez ainsi que nous passons notre
journée à conseiller nos clients et pas simplement à délivrer des médicaments
et à encaisser l'argent correspondant.
Quant à la mission de service public, je suis persuadé que nous l'assurons.
Il est rare - c'est peut-être une spécificité de notre pays - qu'une
profession libérale remplisse aussi pleinement une mission de service public.
Et je vous rappelle que la répartition des officines sur l'ensemble du
territoire est mieux assurée que celle de certains services publics proprement
dits.
En outre, des gardes sont assurées, c'est-à-dire qu'un pharmacien est toujours
de permanence.
Par ailleurs, en réponse à mon collègue Claude Huriet, je rappelle que le
secret professionnel est pleinement respecté.
Enfin, connaissez-vous une autre profession pour laquelle on exige, selon son
chiffre d'affaires, la présence de deux, trois, voire quatre diplômés en
pharmacie ? Une telle exigence n'est même pas imposée à un médecin, qui, lui,
peut faire ce qu'il veut, même si sa clientèle est importante.
A cela s'ajoute la capacité des pharmaciens ! Je rappelle à cet égard que,
pour être pharmacien d'officine, il faut bac + six, contre bac + 7 pour un
médecin, ce qui revient presque au même. Quant aux études, si les domaines sont
un peu différents, leur qualité est équivalente, et le spécialiste du
médicament, c'est bien le pharmacien.
Vous disiez tout à l'heure, madame le secrétaire d'Etat, que cette tâche ne
relève pas de leurs fonctions. Je répète que, toute la journée, nous
conseillons, nous expliquons.
Le président du conseil de l'ordre a donné son accord, parce qu'il a bien
compris et qu'il connaît bien la profession. Je suis d'ailleurs persuadé que
tous mes confrères sont prêts à s'investir pleinement pour renseigner,
conseiller et orienter, forts de leur formation et de toutes les capacités
professionnelles qu'ils ont acquises depuis l'obtention de leur diplôme.
Madame le secrétaire d'Etat, vous n'avez aucune crainte à avoir à cet égard.
Permettez-moi d'ajouter que vous aurez les pharmaciens à vos côtés, qu'ils
accepteront de travailler avec vous presque comme des... « complices ».
En ce qui concerne le remboursement, j'ai pu, en tant que président de conseil
général, observer comment se déroulaient les vaccinations antitétaniques, par
exemple. Eh bien ! les gens allaient tout simplement chercher le vaccin et les
pharmaciens remplissaient un bon qu'ils envoyaient au conseil général. La
confidentialité était donc totalement respectée.
Enfin, comme vous le savez, les officines ne sont pas aménagées n'importe
comment, elles ont forcément une pièce à part pour recevoir les clients, pour
pouvoir les renseigner et les conseiller en toute confidentialité.
Vous aurez sans doute quelques aménagements techniques à effectuer, madame le
secrétaire d'Etat, mais ce sera très simple.
C'est pourquoi, nous voterons cet amendement.
(Applaudissements sur les
travées de l'Union centriste.)
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Je vous remercie, monsieur le sénateur, d'avoir
apporté toutes ces précisions sur les missions et les fonctions des
pharmaciens.
Loin de moi l'idée de contester leur engagement professionnel. Mes
explications et ma prudence provenaient du fait que le Gouvernement n'a pas
encore procédé à la concertation nécessaire avec l'ordre des pharmaciens pour
mettre en oeuvre ces dispositions. Sachez que les pharmaciens sont des
professionnels de santé qui ont toute notre reconnaissance.
Par ailleurs, des études montrent que le pharmacien est identifié par l'usager
des services de santé comme un praticien très accessible, à qui il est facile
de demander des informations sur les prescriptions.
Enfin, je ne doute pas que les pharmaciens, puisque le président du conseil de
l'ordre a déjà donné son avis, adhéreront majoritairement à ce nouveau
dispositif.
Il nous faut cependant un peu de temps pour l'organiser, car il n'est pas dans
les habitudes de mon ministère de procéder par injonction ; nous procédons
plutôt par le dialogue et la concertation, pour garantir la meilleure mise en
oeuvre d'un dispositif de cette nature.
M. Lucien Neuwirth,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Neuwirth,
rapporteur.
Je veux d'abord vous remercier, mon cher collègue pharmacien,
pour les précisions que vous avez apportées.
J'ajoute, madame le secrétaire d'Etat, que si vous n'avez pas eu de
concertation avec les pharmaciens, ce n'est pas mon cas : tout s'est fort bien
passé et la conclusion a été la lettre du président Jean Parrot.
Madame le secrétaire d'Etat, vous nous dites : « Donnez-nous le temps de nous
organiser, nous procéderons par voie réglementaire. » Mais il y a le feu ! Des
milliers de gamines risquent une IVG. Cela suffit ! A un moment donné, il faut
agir !
Je crois que vous pouvez, que vous devez mettre vos services au travail sur ce
sujet.
Je sais que vous n'avez malheureusement qu'un secrétariat d'Etat et de petits
moyens. Je le déplore d'ailleurs, je préférerais que vous soyez à la tête d'un
ministère à part entière, avec de nombreux services vous permettant d'aller
plus vite.
(Mme le secrétaire d'Etat sourit.)
Voilà ce que je voulais préciser en ce qui concerne la voie réglementaire.
S'agissant maintenant du coût de la gratuité, il ne faut pas exagérer : l'IVG
est remboursée, 6 000 à 10 000 IVG par an. Evaluez en regard le prix de 6 000
boîtes de NorLevo ! Je sais que davantage de boîtes seront distribuées, parce
que les besoins seront plus grands ; mais sur un budget de la sécurité sociale
de 693 milliards de francs, je crois que l'on doit pouvoir dégager l'argent
nécessaire pour assurer la gratuité du NorLevo, d'abord pour les mineures en
difficulté ; là sont les besoins les plus pressants, car, croyez-moi, il y a
beaucoup de mineures en difficulté.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, modifiée, la deuxième partie de l'amendement n° 1
rectifié.
(Ce texte est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix la troisième partie de l'amendement n° 1 rectifié.
(Ce texte a adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, l'ensemble de l'amendement n° 1 rectifié, pour
lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article unique est ainsi rédigé.
Articles additionnels après l'article unique
M. le président.
Par amendement n° 2, Mme Bardou, M. Delaneau et les membres du groupe des
Républicains et Indépendants proposent d'ajouter, après l'article unique, un
article additionnel rédigé comme suit :
« Avant le 31 décembre 2002, le Gouvernement présente au Parlement un rapport
dressant le bilan de l'application du cinquième alinéa de l'article L. 5134-1
du code de la santé publique autorisant les infirmières scolaires à administrer
une contraception d'urgence aux élèves mineures et majeures. »
Cet amendement est affecté d'un sous-amendement n° 9 rectifié
bis,
présenté par MM. Nogrix, Jean-Louis Lorrain, Dériot, Huriet, Franchis, Mme
Bocandé, MM. Marquès et Lesbros et tendant à compléter le texte de l'amendement
n° 2 par les mots suivants : « ainsi que de la délivrance à titre gratuit dans
les pharmacies d'une contraception d'urgence aux mineures. »
La parole est à Mme Bardou, pour présenter l'amendement n° 2.
Mme Janine Bardou.
Au cours de ces débats, nous avons évoqué à plusieurs reprises la nécessité de
dresser un bilan de l'application des dispositions proposées. Cet amendement
prévoit par conséquent que le Gouvernement présentera au Parlement, avant le 31
décembre 2002, soit d'ici à deux ans, un bilan de l'application de cette
disposition.
M. le président.
La parole est à M. Nogrix, pour défendre le sous-amendement n° 9 rectifié
bis.
M. Philippe Nogrix.
Il s'agit d'un sous-amendement en cohérence avec ce que nous venons de
voter.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 2 et sur le
sous-amendement n° 9 rectifié
bis
?
M. Lucien Neuwirth,
rapporteur.
Nous sommes tous très favorables à cet amendement et à ce
sous-amendement. Si le Parlement veut remplir son rôle, leur adoption permettra
un suivi de la situation nouvelle.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement est tout à fait favorable au fait de
rendre compte dans la transparence de son action. Il ne lui semble toutefois
pas qu'il soit nécessaire d'inscrire cette disposition dans la loi.
La parole du Gouvernement et les pratiques en vigueur garantissent que cet
engagement sera tenu. Je suis donc contre cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 9 rectifié
bis,
accepté par la
commission.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 2 accepté par la commission
et repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la
proposition de loi, après l'article unique.
Par amendement n° 3, M. Chérioux propose d'insérer, après l'article unique, un
article additionnel rédigé comme suit :
« Les dispositions de la présente loi s'appliquent pendant une période de cinq
ans à compter de leur entrée en vigueur. A l'issue de cette période, le
Gouvernement présente au Parlement un bilan de l'application de la présente
loi. »
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux.
Si l'amendement n° 2 qui vient d'être adopté va dans le sens de mes
préoccupations, il reste toutefois insuffisant.
Compte tenu de ma grande inquiétude concernant les conséquences de ce texte en
matière de santé publique, il n'est pas anormal de souhaiter que la présente
proposition de loi soit adoptée pour une période de cinq ans. Un délai analogue
avait été fixé pour les lois sur l'IVG et la bioéthique.
Compte tenu de la gravité du problème, et même si tout le monde ne partage pas
ce sentiment, je le sais, je reste dans ma logique et je considère qu'il est
préférable qu'au terme de ces cinq années nous reprenions cette réflexion pour
savoir si nous poursuivons l'application de ces dispositions ou si nous
décidons d'y mettre un terme.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Lucien Neuwirth,
rapporteur.
La commission n'est pas favorable à ces lois limitées dans le
temps.
Un exemple récent nous est fourni par les lois bioéthiques de juillet 1994,
pour lesquelles le législateur avait fixé un délai, qui n'a pas été
respecté.
Cela étant, une loi est bonne ou elle ne l'est pas. Si elle ne donne pas
satisfaction, elle peut toujours être modifiée.
M. Jean Chérioux.
On a bien fixé un délai pour l'IVG !
M. Lucien Neuwirth,
rapporteur.
Quant au délai lui-même, pourquoi cinq ans et non pas...
trois, ou... six ?
M. Jean Chérioux.
Cinq ans, c'est le délai qui a été décidé pour l'IVG !
M. Lucien Neuwirth,
rapporteur.
C'est à partir des rapports qui vont être établis sur le
suivi de l'application de cette future loi que nous pourrons apprécier si elle
est bonne, auquel cas l'on n'y touchera pas, ou si, au contraire, elle mérite
d'être modifiée.
Voilà pourquoi je souhaite que M. Chérioux retire son amendement n° 3.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le sénateur, vous craignez que le NorLevo ait
des incidences que nous ne connaissons pas aujourd'hui.
Je vous rappelle que la France s'est dotée d'un système de pharmaco-vigilance.
En l'occurrence, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé
a d'ores et déjà indiqué, dans son avis, que le médicament ne présente aucun
danger pour la santé, ce qui justifie qu'il puisse être délivré sans ordonnance
médicale, et je peux vous assurer que les effets de ce médicament continuent
d'être évalués.
En outre, l'agence a déjà préconisé des retraits de médicaments en circulation
dès lors qu'une expertise nouvelle avait montré qu'ils pouvaient présenter un
quelconque danger pour quelques personnes en fonction de leur état de santé.
Par conséquent, la disposition proposée ne me paraît pas justifiée. C'est
pourquoi je vous demande moi aussi, monsieur Chérioux, de bien vouloir retirer
votre amendement.
M. le président.
Monsieur Chérioux, l'amendement est-il maintenu ?
M. Jean Chérioux.
Oui, monsieur le président.
M. le président.
Je vais donc le mettre aux voix.
M. Claude Huriet.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet.
Je comprends bien le souhait de notre collègue M. Chérioux, qui fait un
rapprochement avec les lois bioéthiques que nous avons adoptées en 1994. Mais
l'article relatif à la révision de ces lois était différent dans la mesure où
il ne créait pas un vide juridique. Selon l'article qui résulterait de
l'adoption de l'amendement n° 3, au terme de la période de cinq ans, évaluation
ou non, la loi ne s'appliquerait plus. Si l'on peut déplorer le retard pris
pour la révision des lois bioéthiques, celles-ci continuent à s'appliquer.
M. Jean Chérioux.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux.
La période de cinq ans que je préconise ne se conçoit pas de la même façon que
pour les lois bioéthiques.
D'abord, je crois me souvenir que ces lois, - j'en étais le rapporteur -
étaient extrêmement compliquées, au point que, un an et demi après qu'elles
sont arrivées à leur terme, on n'a pas encore réussi à les réviser !
De plus, le texte d'aujourd'hui présente un risque important. En effet, même
si Mme le secrétaire d'Etat affirme que ce médicament est considéré comme non
dangereux, ce qui est vrai dans certaines conditions d'utilisation, je crains
précisément que ses conditions d'utilisation n'aboutissent à une véritable
banalisation, voire à une substitution. Or l'utilisation répétitive de ce
médicament peut alors présenter un danger. C'est pour cette raison que
j'insiste pour une révision du dispositif au bout de cinq ans.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Vous avez dit, monsieur le sénateur Huriet, que nous
étions en retard pour la révision des lois bioéthiques.
Je vous rappelle que leur élaboration a demandé deux ans et demi, puisque la
discussion a commencé en 1992 et qu'elles ont été votées en juillet 1994.
Le législateur, dans sa sagesse, avait préconisé une révision de ces lois au
bout de cinq ans. Nous sommes parvenus au terme de cette période et la révision
est désormais achevée. Vous vous êtes ému, je le sais, de ce que le projet de
révision n'était pas encore paru, mais encore quelques semaines de patience, et
vous verrez, monsieur le sénateur, que nous avons bien travaillé.
Ayant été consulté, comme un certain nombre d'autres sénateurs, vous ne
pouviez d'ailleurs pas ignorer que le Gouvernement travaillait sur la révision
des lois bioéthiques.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la
parole à M. Huriet pour explication de vote.
M. Claude Huriet.
Je vais m'abstenir sur ce vote, et je voudrais m'en expliquer.
Je me suis beaucoup investi, comme tous ceux qui ont participé ce soir à ce
débat, marqué par une réflexion très approfondie et empreint du respect des
valeurs que chacun a bien voulu exprimer. Nous sommes d'accord sur le fait que
ce texte relatif à la pilule du lendemain est destiné à « rattraper » les
insuffisances de la contraception et ses échecs compte tenu des chiffres qui
ont été donnés, avec un recul de plus de vingt ans, bientôt trente ans, il est
impossible de se féliciter du résultat des dispositions législatives qui ont
été prises.
Je crains que le texte actuel n'aggrave encore les insuffisances de la
contraception.
Si la prévention d'une grossesse non désirée doit s'appuyer sur l'éducation et
sur l'information sexuelles - sujets sur lesquels on a fait un constat non
réjouissant - la contraception doit être envisagée en tant que prévention non
seulement de la grossesse, mais aussi - cela a été évoqué en pointillé au cours
de nos échanges - des maladies sexuellement transmissibles. Or le NorLevo ne
remédie que tardivement à l'insuffisance de la contraception, et il ne répond
pas du tout à la prévention et à la protection contre les maladies sexuellement
transmissibles, tout le monde en est d'accord. Les insuffisances et les échecs
constatés, malgré l'apparition de la pilule, ne vont donc pas être corrigés par
un accès plus facile à la pilule dite du lendemain. Cela m'amène à
m'interroger.
Les adolescentes, qui ne peuvent percevoir la différence entre l'action de la
pilule contraceptive et celle de la pilule du lendemain en raison de leur
niveau de compréhension et d'information, qui est, on l'a vu, généralement bas,
vont devoir choisir entre, d'une part, une contraception chimique astreignante,
à savoir la prise d'une pilule trois semaines sur quatre, et représentant une
dépense de quarante francs par mois, non remboursés s'il s'agit d'une pilule de
nouvelle génération, ou une contraception mécanique, moins agréable, et,
d'autre part, une contraception « au coup par coup » - permettez-moi
l'expression - facile d'accès et gratuite ! Je crois que ces jeunes filles
seront par conséquent amenées le plus souvent à privilégier, tout au moins pour
un temps dont on ne connaît pas la durée, le dernier mode de contraception, qui
laissera entier le problème de plus en plus redoutable de la prévention et de
la protection contre les maladies sexuellement transmissibles.
Tout à l'heure, madame la secrétaire d'Etat, vous avez dit que la pilule du
lendemain contribuerait au développement de la contraception. Si j'étais
certain que vous avez raison, je voterais très volontiers ce texte. Mais je me
demande si l'accès facile à la pilule du lendemain ne vas pas, au contraire, à
l'encontre de notre objectif commun, à savoir le développement d'une éducation
sexuelle et d'une contraception efficaces.
M. le président.
La parole est à Mme Campion.
Mme Claire-Lise Campion.
Au nom du groupe socialiste du Sénat, je voudrais affirmer que la proposition
de loi que nous nous apprêtons à voter constitue une avancée essentielle pour
les femmes.
Si le sujet, ce soir, est la contraception d'urgence et si l'on peut penser
qu'il faudra bien un jour revoir totalement une législation qui donne aux
contraceptifs hormonaux un statut spécifique qui n'est plus justifié, nous ne
pouvons que convenir et nous féliciter de l'importance de la nouvelle étape que
nous sommes en train de franchir en donnant une valeur législative à ce qui
était vécu comme prioritaire, à savoir le libre accès à la contraception
d'urgence pour toutes les femmes, quel que soit leur âge ou leur situation
sociale, et l'accessibilité à une contraception d'urgence qui en soit vraiment
une et qui ne constitue pas un danger pour la santé.
En menant cette bataille, nos efforts seront sans aucun doute récompensés par
une baisse du nombre des IVG et des drames qui en sont la conséquence.
Mais la lutte n'en continue pas moins pour autant, car la route sera encore
longue avant que la sexualité ne soit plus vécue ou présentée comme un tabou,
avant qu'il soit culturellement admis que la femme est maîtresse de sa
fécondité et, surtout, avant que l'éducation de l'adolescente permette à cette
dernière, dès le départ et tout au long de sa vie de femme, une véritable
appropriation de la contraception et de son contrôle.
Il est bien entendu que le groupe socialiste du Sénat votera pour ce texte,
qui va dans le sens désiré.
M. le président.
La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade.
Au terme de nos débats riches et responsables sur un sujet particulièrement
sensible, nous aboutissons à un texte important, certainement encore
perfectible, qui, nous l'espérons, évitera à des adolescentes de se trouver en
situation de grande détresse face à une grossesse non désirée.
Après six mois d'expérience de délivrance du NorLevo, nous savons que les
infirmières scolaires ont respecté le caractère exceptionnel de cette
délivrance.
Non, la délivrance du NorLevo ne conduira pas à une banalisation de la
contraception d'urgence. Au contraire, nous pensons qu'elle sera une étape
importante vers la responsabilisation des jeunes filles et des jeunes gens face
à leur sexualité.
Mes chers collègues, nous n'avons pas à craindre de « dérives ». Nos
rapporteurs l'ont rappelé en s'appuyant sur la réalité chiffrée : tous les pays
qui ont élargi l'accès à la contraception d'urgence ont vu le nombre d'IVG
baisser de façon très nette, notamment chez les adolescentes.
Il nous faut faire confiance aux femmes. L'inquiétude d'une grossesse non
désirée est une angoisse trop importante, le recours à l'IVG est une expérience
trop traumatisante pour penser que les jeunes filles et les femmes seraient des
irresponsables et utiliseraient la contraception d'urgence, rendue plus facile
d'accès, à la place d'une contraception régulière.
Dans ces conditions, comme l'a dit Mme la ministre, mobilisons-nous pour que
les jeunes débutent leur vie d'adulte dans la sérénité, en ayant le choix et en
étant responsables de leurs actes.
Nous voterons donc ce texte, qui, je l'ai dit, peut être une étape importante.
Mais le débat doit se poursuivre. Nous comptons sur le dialogue à l'occasion de
la commission mixte paritaire et sur nos homologues de l'Assemblée nationale
pour améliorer encore la proposition de loi dans ce sens.
M. le président.
La parole est à M. Hugot.
M. Jean-Paul Hugot.
Personnellement, je voterai contre ce texte.
La contraception - y compris la contraception d'urgence -, est préférable à
l'IVG, et il me semble que les conditions de délivrance permettent aujourd'hui
à toutes les femmes, même aux très jeunes, d'y avoir accès. En effet, même si,
dans certains cas, les parents ne sont pas les adultes les plus directement -
malheureusement - concernés par ces questions, les jeunes peuvent toujours se
tourner - pourquoi pas ? - vers l'infirmière scolaire, vers un grand-père ou
une grand-mère, peut-être, en tout cas vers un adulte susceptible de les guider
vers le médecin qui fera la prescription nécessaire. L'accès à la contraception
d'urgence n'est donc pas aujourd'hui insurmontable, y compris pour les
jeunes.
Mais je suis contre ce texte parce que les arguments relatifs au manque de
maîtrise actuelle de l'IVG qui ont été évoqués tout à l'heure ne m'ont pas
convaincu.
M. le rapporteur l'a rappelé, les IVG sont aussi nombreuses qu'il y a trente
ans. Par ailleurs, il est à remarquer que l'évolution des IVG chez les jeunes
générations suit depuis quelques années une courbe catastrophique. Il apparaît
donc que la mission de l'éducation nationale, notamment en termes d'information
et de sensibilisation, est un certain fiasco.
Je trouve donc regrettable que l'on cherche en quelque sorte à dédouaner
l'éducation nationale de son échec en prétendant la réhabiliter par le biais
d'une personne qui est à égale distance de l'éducateur et du thérapeute,
l'infirmière scolaire, dont la profession ne relève qu'en partie de l'éducation
nationale.
Il manque à ce texte de loi la force et le souffle qui auraient inscrit ses
préconisations, y compris la mobilisation des infirmières scolaires, dans un
programme d'ensemble dans lequel l'éducation nationale aurait pris la mesure de
sa carence et développé toute une gamme de mesures nouvelles tendant non
seulement à « diffuser », comme on dit, l'information - comme si seules les
capacités intellectuelles étaient en cause ! -, mais aussi, pourquoi pas, à
mettre en avant des méthodes éducatives incitant les jeunes à se montrer plus
responsables dans le choix des règles devant régir leur propre vie.
C'est en raison de cet aspect-là que je suis contre ce texte.
Par ailleurs, mes chers collègues, j'ai noté que l'on a toujours fait allusion
aux « infirmières scolaires ». Je ne veux pas y voir une quelconque
discrimination à l'égard d'éventuels infirmiers, qui pourraient tout autant
jouer ce rôle de confiance ! Certes, ce sont majoritairement des femmes qui
remplissent ces fonctions, mais je ne sache pas qu'en droit les hommes en
soient exclus. Il ne faudrait donc pas que la loi matérialise cette
discrimination à l'égard des hommes !
Un autre point me paraît devoir être noté. Il me semble inopportun que la loi
enregistre comme un fait avéré que la responsabilité des parents connaît des
alternatives.
En réalité, ce projet de loi devrait prévoir un appel à la responsabilisation
des parents, responsabilisation qui ne devrait pas être considérée comme une
donnée impossible à prendre en compte.
Mme la ministre a évoqué tout à l'heure le cas de jeunes femmes ou de jeunes
filles qui auraient subi des rapports soit par violence, disait-elle, soit sous
la pression des normes. Il me semble que ce texte de loi qui, pour certains,
augmentera la capacité d'avancer dans la vie - sans prendre conscience des
risques, soit dit en passant - tend en fait à renforcer des normes qui
pourraient avoir pour conséquence de réduire le sens des responsabilités.
Par là même, ce texte, qui veut saisir uniquement les conséquences du poids
des normes, renforce, à mon avis, la cause et ses effets dévastateurs. Je le
considère donc comme inopportun, voire dangereux.
M. le président.
La parole est à Mme Heinis.
Mme Anne Heinis.
Le groupe des Républicains et Indépendants approuve cette proposition de loi,
sous réserve des améliorations que nous lui avons apportées par amendement.
J'avoue personnellement être très sensible aux arguments de M. Claude Huriet,
notamment à ceux qu'il a avancés voilà quelques instants, car rien ne paraît
absolument sûr dans cette affaire.
Au nom de mon groupe, je tiens à souligner que ce texte peut avoir un effet
positif ou au contraire négatif si un certain nombre de conditions ne sont pas
remplies, ce qui a été souligné maintes fois ce soir, en particulier par nos
excellents collègues M. Neuwirth et Mme Bardou.
La première, c'est l'amélioration de l'éducation sexuelle des jeunes.
Certes, le Gouvernement a lancé, le 12 janvier 2000, une nouvelle campagne sur
la contraception : 24 millions de francs ont été investis et les acteurs
mobilisés. Cela suffit-il cependant ? On peut en douter car le problème est
très largement culturel. Incontestablement, c'est une action permanente
institutionnelle qu'il faut engager en direction des familles, des professeurs,
des professionnels de santé et des éducateurs, tous concernés par ce
problème.
La deuxième condition déterminante de l'efficacité du texte dont nous
discutons aujourd'hui - personnellement, je dirais de l'efficacité éventuelle -
c'est l'accroissement du nombre des infirmières scolaires, dans la mesure où on
leur donne la compétence d'administration du NorLevo. Je ne trancherai pas dans
le débat médecin-infirmière, mais, dans la mesure où on donne à ces dernières
cette compétence, encore faut-il, madame le secrétaire d'Etat, qu'elles soient
suffisamment nombreuses.
En outre, s'il est effectivement essentiel d'avoir des intermédiaires et des
médiateurs, comme l'a souligné M. Neuwirth, ce n'est pas suffisant.
Malheureusement, on le sait bien, aucune infirmière n'est présente en
permanence dans les collèges, voire dans un certain nombre de lycées : on
dénombre 5 865 infirmières scolaires pour deux millions d'étudiants, soit une
infirmière pour douze établissements scolaires et 2 240 élèves. Il convient
donc - je suis certaine que vous en êtes conscients, mais il faut le rappeler -
d'accomplir un effort important à cet égard.
Evidemment, il ne faut pas oublier les parents. Bien sûr, il y a souvent des
difficultés de communication entre les adolescents et leurs parents sur ce
sujet difficile, dont on ne parle pas si aisément que cela. Dans certaines
familles, les difficultés sont telles qu'il n'y a aucune communication.
Cependant, la mise à l'écart des parents affaiblit leur responsabilité
éducative, qui est déjà bien entamée, et contribue à l'isolement croissant des
jeunes.
On a l'air de considérer que l'on vit dans un monde parfait, où les familles
sont disponibles, les enfants prêts à accepter tout ce qu'on leur dit. Ce n'est
pas vrai. Cela ne se passe pas ainsi. Il y a des enfants sacrifiés, il y en a
d'autres qui ne le sont pas. Tout le monde le sait.
Mais n'oublions pas qu'un nombre non négligeable de familles, j'en ai connu
personnellement quand j'étais maire, nécessiteraient, elles-mêmes, un suivi
plus que vigilant. On sait que les viols internes, c'est-à-dire les incestes,
pour appeler les choses par leur nom, ont augmenté de 6 %. C'est une terrible
constatation !
Il est bien évident que le dialogue avec ce genre de familles doit être d'une
nature tout à fait particulière, parce qu'il faut les rééduquer et protéger les
enfants.
Si l'on n'y prend pas garde, ce texte risque de suivre la pente de
l'individualisme absolu, qui reste la grande tentation et la tare de notre
société, et qui finit par nuire à l'individu lui-même en le conduisant à
l'indifférence et à l'irresponsabilité vis-à-vis de la collectivité. Or les
jeunes, tout le monde l'a dit, souhaitent être écoutés, voire à demi-mot ; ils
souhaitent être compris, être soutenus, et c'est quand ils ressentent cette
compréhension que les messages peuvent passer. Je crois, madame le ministre,
que vous avez évoqué cet aspect des choses.
Peut-être est-ce alors le moment de leur faire passer le message que la
sexualité dite « impulsive » - et qui l'est particulièrement chez les très
jeunes gens - est une simple réponse à un besoin plus ou moins fort que tout le
monde connaît, mais que, en revanche, la sexualité en elle-même prend une tout
autre dimension quand elle devient l'expression de l'amour dans un couple et
qu'elle aboutit à la conception d'un enfant désiré.
C'est quand même l'aspect positif de la chose ! Peut-être ne le souligne-t-on
pas suffisamment.
Sans doute faut-il aussi répéter, comme l'a fait Mme le secrétaire d'Etat, que
la sexualité précoce n'est pas une conquête. Vous avez dit, madame le
secrétaire d'Etat, que les très jeunes gens programment très rarement leur
premier rapport. Or, s'ils ne prennent pas en compte cette évidence, tous les
discours sur le premier rapport passent un peu à côté du problème.
Il faut aussi enseigner qu'être responsable, avoir la maîtrise de soi, demande
une éducation de la volonté. Pardonnez-moi de vous dire que nous savons tous,
nous adultes, combien il est difficile, justement, d'atteindre ce genre
d'objectif. C'est certainement aussi très difficile pour les jeunes. Cela
n'empêche pas qu'il faut essayer d'apprendre.
Aider des jeunes filles en difficulté parce qu'elles affrontent un problème
grave, ne pas les laisser seules face à des choix qui restent difficiles, c'est
aussi notre responsabilité. Nous l'avons tous affirmé, mais nous n'avons pas
toujours la même conception des solutions.
Madame le secrétaire d'Etat, c'est vous, je crois, qui avez dit qu'il n'y a
pas de risque de dérive. Je ne peux pas vous suivre sur ce point. Les dérives
sont dans tout. Il faut essayer de les limiter.
Tendre la main au bon moment à des adolescentes en détresse - ce sont vos
propres termes, madame la ministre déléguée à la famille et à l'enfance -,
préserver des mineures d'une IVG beaucoup plus traumatisante que la prise d'une
pilule dite du lendemain me semblent être la seule vraie justification de ce
texte.
Si l'on ne peut parler de grande victoire, c'est quand même un moindre mal, et
on a bien besoin d'un tel texte face aux situations de détresse dans lesquelles
se trouvent trop de jeunes filles, situations dont elles risquent de rester
marquées profondément dans leur vie d'adulte... ce qu'elles ne savent pas
encore car elles sont trop jeunes pour en avoir l'expérience !
Pour conclure, je reviendrai sur les trois points qui me paraissent essentiels
: l'effort à accomplir en matière d'éducation sexuelle, d'éducation à la vie -
ce qui n'est pas tout à fait la même chose - d'information sur la contraception
; l'accroissement nécessaire du nombre d'infirmières scolaires, qui devront
rester des confidentes et des médiatrices ; l'implication le plus souvent
possible des parents. Je viens d'énumérer les conditions indispensables à
l'application de ce texte difficile, qui en fait traite d'un échec et de ce
qu'on peut faire face à cet échec.
Sous le bénéfice de ces observations, le groupe des Républicains et des
Indépendants apporte ses suffrages à cette proposition de loi amendée par notre
assemblée.
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Mme Gillot et moi-même avons beaucoup apprécié ce
débat. Nous sommes heureuses d'avoir pu, au banc du Gouvernement, faire
progresser, au cours de la discussion des différents amendements, la cause des
adolescentes.
En donnant une base légale au protocole de soins, le Sénat a prolongé le
travail déjà accompli par l'Assemblée nationale. L'adoption, au Sénat, d'un
amendement concernant la gratuité de la contraception d'urgence en pharmacie
permet de réaliser un incontestable progrès et conforte la gratuité assurée au
sein du système scolaire.
Comme l'a excellemment dit Mme Gillot tout à l'heure, les différentes
questions qui ont été soulevées, y compris par moi-même en tant que ministre
délégué à la famille et à l'enfance, ont été résolues puisque vous vous êtes
rallié, M. Neuwirth, à un décret. Mme Gillot a dit dans quel esprit serait
préparé ce décret. Elle a notamment indiqué que serait prévu l'accompagnement
de la mineure, afin que la gratuité ne conduise pas celle-ci à nourrir un
sentiment de solitude.
Au-delà des solutions que nous avons trouvées ensemble pour résoudre ces
problèmes, ce débat nous a conduits à réaffirmer un certain nombre de valeurs
fondamentales.
Nous avons d'abord établi clairement que les droits de l'enfant et ceux de la
femme forment un tout : le malheur des unes ne peut pas faire le bonheur des
autres.
Nous avons ensuite montré, de manière indiscutable, qu'une grossesse précoce,
c'est une adolescence fracassée.
Enfin, nous avons tous été d'accord pour dire que la mutation que constitue
l'adolescence, ce commencement d'une femme dans la fin d'un enfant, devait être
accompagnée. Toutes les compétences ici rassemblées, dans la diversité des
opinions, nous ont aidés à définir les moyens de réaliser cet
accompagnement.
En conclusion, je me plairai à souligner que ce débat rend hommage aux
infirmières scolaires, à leur travail quotidien. Ce sont effectivement elles
qui, tous les jours, accompagnent nos enfants et nos adolescents, sur
l'ensemble du territoire. Aujourd'hui, nous les avons confortées dans leur rôle
et je crois qu'elles nous en seront reconnaissantes.
Mme Odette Terrade.
Très bien !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président.
Madame le ministre, vous avez évoqué la qualité de notre débat. Je voudrais à
mon tour, au nom de la présidence, dire à quel point j'ai été touché de la
manière dont celui-ci s'est déroulé.
6
DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l'approbation
de la convention entre le Gouvernement de la République française et le
Gouvernement de la République de Botswana en vue d'éviter les doubles
impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts
sur le revenu.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 62, distribué et renvoyé à la
commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de
la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale
dans les conditions prévues par le règlement.
7
TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1349/2000
établissant certaines concessions sous forme de contingents tarifaires
communautaires pour certains produits agricoles et prévoyant l'adaptation
autonome et transitoire de certaines concessions agricoles prévues dans
l'accord européen avec l'Estonie.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1580 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Proposition de règlement du Conseil établissant certaines mesures de contrôle
applicables aux activités de pêche de certains stocks de poissons grands
migrateurs.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1581 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Proposition de règlement du Conseil relatif à la conclusion du protocole
fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans
l'accord entre la Communauté économique européenne et le gouvernement de la
République de Côte d'Ivoire concernant la pêche au large de la Côte d'Ivoire,
pour la période du 1er juillet 2000 au 30 juin 2003.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1582 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Proposition de décision du Conseil instituant un mécanisme communautaire de
coordination des interventions de protection civile en cas d'urgence.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1583 et distribué.
8
DÉPÔT D'UN RAPPORT
M. le président.
J'ai reçu de M. Joseph Ostermann un rapport, fait au nom de la commission des
finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sur
le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence,
relatif à l'épargne salariale (n° 11, 2000-2001).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 63 et distribué.
9
DÉPÔT D'UN AVIS
M. le président.
J'ai reçu de M. Jean Chérioux un avis, présenté au nom de la commission des
affaires sociales, sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après
déclaration d'urgence, sur l'épargne salariale (n° 11, 2000-2001).
L'avis sera imprimé sous le numéro 61 et distribué.
10
DÉPÔT RATTACHÉ POUR ORDRE
AU PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE
DU 26 OCTOBRE 2000
M. le président.
J'ai reçu, le 27 octobre 2000, de MM. Jacques Pelletier, Robert Bret,
Jean-Claude Gaudin, Bernard Piras, Michel Mercier et Jacques Oudin une
proposition de loi relative à la reconnaissance du génocide arménien de
1915.
Cette proposition de loi sera imprimée sous le numéro 60, distribuée et
renvoyée à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces
armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale
dans les conditions prévues par le règlement.
11
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au mardi 7 novembre 2000 :
A neuf heures trente :
1. Questions orales suivantes :
I. - M. André Vallet attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des
finances et de l'industrie sur le refus, par certains commerçants, de billets
émis par la Banque de France.
Il lui rappelle que, dès lors qu'une monnaie a cours légal toute personne est
tenue de l'accepter. Il lui rappelle également qu'aux termes de l'article R.
642-3 du nouveau code pénal le refus de recevoir les espèces et monnaies
nationales, selon la valeur pour laquelle elles ont cours, constitue une
contravention punie d'une amende de seconde classe.
Dès lors, il lui demande sur quel fondement juridique s'appuie le refus de
certains commerçants d'accepter des billets de banque dont rien ne permet de
douter de l'authenticité. (N° 820.)
II. - Mme Marie-Claude Beaudeau attire l'attention de Mme le secrétaire d'Etat
à la santé et aux handicapés sur le devenir de l'Assistance publique - hôpitaux
de Paris. Elle lui fait part de ses inquiétudes pour l'avenir de cette
institution de santé que le monde entier nous envie, inquiétudes qui sont
d'autant plus fortes que cette campagne coïncide avec des choix de gestion de
la direction de l'AP-HP et de l'agence régionale de l'hospitalisation
d'Ile-de-France (ARHIF), qui, au nom d'une prétendue « maîtrise comptable » des
dépenses de santé et suivant le schéma régional d'organisation sanitaire et
sociale (SROSS), remettent en cause les conditions d'accomplissement de la
plupart des missions de l'AP-HP. L'AP-HP est de surcroît encore plus
particulièrement pénalisée dans l'évolution de son enveloppe budgétaire qu'elle
est systématiquement considérée comme « surdotée » sans tenir compte de ses
spécificités. Elle lui fait observer combien les fermetures massives de lits,
de services et d'hôpitaux à l'AP-HP menacent de déstructurer des activités
entières, aussi bien en ce qui concerne les soins de proximité que des filières
d'excellence ou des pôles de recherche. Elle lui demande comment elle compte
inverser cette logique de démantèlement de cet atout national qu'est l'AP-HP et
quels moyens elle compte lui accorder pour qu'elle puisse continuer à assurer
ses missions, se développer et se moderniser. (N° 860.)
III. - M. José Balarello attire à nouveau l'attention de M. le ministre de
l'équipement, des transports et du logement sur les faits suivants.
Premièrement, une somme de 24 000 000 de francs destinée à l'amélioration de
la ligne Nice - Breil-sur-Roya a été décidée pour le XIe Plan Etat-région,
financée de la façon suivante : 25 % par l'Etat, 25 % par la région, 25 % par
le département, 25 % par la SNCF et RFF (Société nationale des chemins de fer
français et Réseau ferré de France), la répartition interne étant de 80 % pour
RFF et 20 % pour la SNCF. Or, lesdits travaux n'ont été réalisés qu'à hauteur
de 200 000 francs, le reste n'ayant pas encore été engagé. Il lui demande ce
qu'il compte faire pour mettre fin à ce qui est un dysfonctionnement dû à des
transferts internes entre la SNCF et RFF qui sont inacceptables.
Deuxièmement, cette situation est en outre d'autant plus préjudiciable qu'au
XIIe plan Etat-région une somme de 30 000 000 de francs a été prévue, somme
pour laquelle aucune ouverture de crédit n'a été engagée.
Ces dysfonctionnements sont d'autant plus graves que, lors de la dernière
réunion du « Comité de promotion du corridor est-ouest du sud de l'Europe »,
les chambres de commerce et d'industrie françaises et italiennes ont regretté
l'inexistence de réseaux de transports modernes et rapides dans la traversée
des Alpes entre la France et l'Italie. Cette carence constitue un handicap pour
l'organisation de l'Europe du Sud, les perspectives du réseau ferroviaire
Lyon-Turin ne pouvant constituer la seule réponse aux manques flagrants de
structures dans cette région.
Il lui demande enfin où en sont les discussions avec le Gouvernement italien
concernant l'électrification de la voie ferrée Limone-Fanghetto et où en sont
les discussions concernant la création d'un épi ferroviaire reliant directement
la gare de Vintimille-Ouest à Menton et Monaco sans rupture de charge et
attente des trains venant de Gênes en gare de Vintimille-Est. (N° 866.)
IV. - M. René-Pierre Signé attire l'attention de M. le ministre de la défense
sur la situation de la gendarmerie, en particulier la gendarmerie rurale.
Cette formation très homogène jusqu'alors tend à devenir très hétérogène.
La programmation concernant les années 1997-2002 inquiète les élus locaux
puisque les effectifs ont perdu plus de 5 000 sous-officiers reconvertis,
certes, pour partie en officiers mais sur des postes de soutien non
opérationnels, et 12 000 gendarmes auxiliaires, issus du contingent volontaire,
qui avaient une grande motivation et souhaitaient faire carrière dans la
gendarmerie.
Il est vrai que la gendarmerie a vu ses effectifs grossir en particulier de 16
000 gendarmes adjoints, en fait des emplois-jeunes, qui n'ont pas toujours
vocation bien arrêtée de faire carrière.
Ces jeunes futurs gendarmes, formés très rapidement, sont principalement
affectés aux zones rurales, d'où sont retirés les gendarmes chevronnés et
compétents.
Il en résulte des difficultés de fonctionnement ; une présence et une
surveillance insuffisantes, des délais d'intervention trop longs.
Or, les problèmes de délinquance dans la ruralité, s'ils n'atteignent pas
l'acuité de ceux de banlieues, n'en sont pas moins inquiétants et ont une
fâcheuse tendance à s'amplifier.
Il considère que la sécurité des personnes et des biens est une exigence de
base pour tout aménagement cohérent du territoire et qu'il serait regrettable
que le monde rural fasse les frais de l'amélioration de la sécurité des villes.
(N° 868.)
V. - M. Daniel Hoeffel attire l'attention de M. le ministre des affaires
étrangères sur le risque de fermeture de l'institut français de
Fribourg-en-Brisgau. En effet, depuis un certain temps il est question de
fermer le plus ancien institut français en Allemagne, ce qui préoccupe tout
particulièrement les responsables d'outre-Rhin, qui s'engagent fortement dans
son fonctionnement, mais aussi la population à tradition biculturelle de la
région.
Différentes raisons, notamment dans les domaines éducatifs et culturels,
militent en faveur du maintien de ce prestigieux institut.
En ce qui concerne l'éducation, l'institut occupe au sein de la coopération
transfrontalière une position clé dans le cadre de l'échange entre la jeunesse
allemande et française. Cela est particulièrement bénéfique pour l'économie des
régions transfrontalières.
L'institut français est un partenaire apprécié dans le cadre de la coopération
des hautes écoles pédagogiques du Haut-Rhin, qui proposent des études afin de
promouvoir le bilinguisme.
L'institut français est par ailleurs très impliqué au niveau culturel. Il est
un partenaire important pour les projets culturels dans le cadre de la
coopération avec le Haut-Rhin. Les dialogues culturels franco-allemands sont
préparés et mis en oeuvre grâce au soutien actif de l'institut.
La fermeture de l'institut de Fribourg-en-Brisgau aurait, en conséquence, de
sérieuses répercussions dans différents domaines. L'institut a fortement
contribué au rapprochement entre la France et l'Allemagne, surtout dans une
région transfrontalière où la présence active et forte de l'institut français
de Fribourg-en-Brisgau est primordiale. Le maintien de cet institut revêt donc
une signification toute particulière. (N° 875.)
VI. - M. René Marquès attire l'attention de M. le ministre de la fonction
publique et de la réforme de l'Etat sur le régime indemnitaire des agents du
cadre d'emploi des gardiens de police municipale.
En effet, par sa réponse au
Journal officiel
des questions de
l'Assemblée nationale du 10 avril 2000, le ministre de la fonction publique a
précisé que l'indemnité spéciale mensuelle de fonctions instaurée par le décret
n° 97-702 du 31 mai 1997 était cumulable avec les IHTS (indemnité horaire pour
travaux supplémentaires) versées dans les conditions du décret n° 50-1248 du 6
octobre 1950.
Or, l'article 3 du décret du 3 janvier 1974 instituant l'indemnité spéciale
mensuelle police municipale précisait que ladite indemnité était cumulable avec
celles dont l'agent pourrait bénéficier à un autre titre.
Il serait utile de connaître la position du ministère sur la possibilité de
cumuler cette indemnité spéciale avec l'indemnité horaire pour travail de nuit
instaurée par le décret du 10 mai 1961 et avec l'indemnité pour travail
intensif de nuit. (N° 881.)
VII. - M. Christian Bonnet expose à M. le secrétaire d'Etat au logement que,
dans le cadre du programme 9 du contrat de plan Etat-région de Bretagne, a été
expressément prévue une aide à la construction pour les insulaires.
Il lui indique que la région a déjà dégagé, à ce titre, une somme de 20
millions.
Il lui demande si l'Etat a bien prévu de budgéter ce soutien indispensable
pour permettre aux jeunes de demeurer sur des îles dont l'attraction, heureuse
en soi, a engendré une pression foncière insupportable pour les couples aux
revenus modestes. (N° 887.)
VIII. - M. Pierre Hérisson appelle l'attention de Mme le secrétaire d'Etat aux
petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la
consommation sur la qualification nécessaire à l'entrée dans le secteur des
métiers. La loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement, à la
promotion du commerce et de l'artisanat pose, en son article 16, l'exigence
d'une qualification minimale préalable dans certaines activités du bâtiment
comme la construction, l'entretien et la réparation des bâtiments, la mise en
place, l'entretien et la réparation des réseaux et des équipements utilisant
les fluides, ou pour tout ce qui touche l'alimentation en gaz, le chauffage des
immeubles et les installations électriques, ou encore le ramonage. Sont visées
les personnes en entreprise individuelle ou en société. Le décret du 2 avril
1998, pris très tardivement, indique que l'exercice de toutes ces activités est
limité aux personnes titulaires d'un certificat d'aptitude professionnelle
(CAP), d'un brevet d'études professionnelles (BEP) ou d'un diplôme ou titre
homologué d'un niveau égal ou supérieur, dans l'un des métiers du bâtiment. A
défaut d'un diplôme ou d'un titre homologué, une expérience de trois années
effectives d'activité professionnelle dans le secteur du bâtiment est requise.
Cette expérience fait l'objet d'une validation par le préfet. Or, une
circulaire ministérielle du 12 juin 1998, ainsi qu'une réponse écrite du
secrétariat d'Etat aux PME, au commerce et à l'artisanat ont vidé la loi de sa
substance. La circulaire précise en effet que le défaut de qualification d'un
candidat à la création d'entreprise interdit l'exercice des activités
artisanales, mais laisse la porte ouverte à l'immatriculation à la chambre des
métiers. Cette circulaire indique aussi que la condition peut être remplie soit
par la personne qui exerce l'activité, soit par toute autre personne qui
assurera un contrôle de façon permanente. Aussi, afin de respecter la volonté
du législateur et dans un souci d'efficacité des missions de contrôle et dans
l'intérêt même des candidats à l'installation, il lui demande si elle
n'envisage pas de compléter les textes en la matière afin que les chambres
consulaires qui effectuent l'immatriculation des artisans procèdent au contrôle
de la qualification professionnelle, toujours dans le but de protéger le
consommateur et d'améliorer le niveau de qualification des créateurs
d'entreprises du bâtiment. (N° 888.)
IX. - Mme Marie-Madeleine Dieulangard souhaite interroger Mme le ministre de
l'emploi et de la solidarité sur la fixation des périodes ouvrant droit à
l'allocation de cessation anticipée d'activité pour les salariés ayant été
exposés à l'amiante, en particulier dans des établissements de construction et
de réparation navale.
La liste de ces établissements et des métiers, ainsi que les dates retenues
pour la durée d'exposition, figurent dans un arrêté du 7 juillet 2000. Pour les
chantiers de l'Atlantique, à Saint-Nazaire, la date butoir est fixée à 1975. Or
il est avéré que l'amiante a été utilisée bien au-delà, au moins jusqu'aux
années 1980.
Il paraît donc essentiel que le temps réel d'exposition à l'amiante soit pris
en compte afin que les mesures de départ anticipé puissent bénéficier à
l'ensemble des salariés qui auraient été exposés.
Elle souhaite connaître les critères retenus pour la détermination de cette
date. Le Gouvernement entend-il réexaminer cette date, notamment au regard des
éléments apportés par plusieurs organisations syndicales et par l'Association
des victimes de l'amiante. (N° 893.)
X. - M. Simon Sutour attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement sur le devenir de la plate-forme aéroportuaire de
Nîmes-Garons.
Cet aéroport constitue un vecteur important dans le développement économique
et touristique du département pour lequel les organismes consulaires, les
milieux économiques et les collectivités locales n'ont eu de cesse d'oeuvrer à
la pérennité.
La mise en place de la liaison Nîmes-Roissy, décidée par Air France, qui
consacre l'ouverture de l'aéroport à l'international est une évolution positive
dont chacun se félicite.
Néanmoins, son expansion future semble compromise par la décision unilatérale
d'Air France qui a annoncé la suppression au 30 octobre de l'ensemble des
liaisons quotidiennes sur Orly.
Cette suppression menace à terme le devenir de la plate-forme aéroportuaire en
la privant d'un créneau porteur que constitue le marché d'affaires : une étude
de la chambre de commerce et d'industrie démontre que le potentiel existant est
de 430 000 passagers par an sur Paris, dont 340 000 sur Orly ; il paraît donc
opportun de rétablir deux liaisons (matin et soir) sur Orly qui compléteraient
efficacement et rationnellement l'offre actuelle et éviteraient les risques
éventuels d'évasion de la clientèle potentielle vers Marseille et
Montpellier.
C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir lui préciser quelles mesures il
entend prendre pour contribuer au développement de l'aéroport qui a su, grâce à
une gestion dynamique, s'engager dans une diversification de son offre et qui
conforte par ailleurs une gestion multi-modale (aérienne, ferroviaire avec le
TGV et routière) des transports et des déplacements dans notre département. (N°
895.)
XI. - M. Dominique Leclerc souhaite interroger M. le secrétaire d'Etat à
l'industrie sur la composition du nouveau supercarburant. Ce dernier ne
contient plus comme antidétonant, depuis le 1er janvier 2000, du plomb
trétaéthyle mais du potassium. Or ce produit n'est pas sans incidence, aussi
bien pour l'environnement que pour la santé publique. C'est pourquoi il
aimerait savoir si un rapport d'impact concernant l'utilisation de ce dernier a
été réalisé, et dans l'affirmative en connaître les conclusions. (N° 896.)
XII. - M. Dominique Braye appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur
sur le plan de redéploiement des forces de police et de gendarmerie dans le
département des Yvelines.
Les Yvelines constituent l'un des vingt-six départements prioritaires en
matière de redéploiement des effectifs de police et de gendarmerie. Sept
communes doivent ainsi passer de zone police en zone gendarmerie ou
inversement, quatre d'entre elles étant opposées à ce changement, tandis que
trois autres y sont favorables.
Pour celles qui sont opposées au redéploiement, il conviendrait de poursuivre
la négociation avec leurs élus. Quand à celles qui acceptent ce changement
(Buchelay, Magnanville et Toussus-le-Noble), la pertinence et l'urgence de ce
redéploiement fait l'unanimité (population, élus, préfet, responsables
départementaux de la police et de la gendarmerie). Or il est surprenant que ce
redéploiement, qui devait être effectif au plus tard en janvier 2000, ne soit
toujours pas mis en oeuvre dix mois plus tard.
Ce retard est d'autant plus fâcheux que, parmi les trois communes ayant
accepté ce redéploiement, deux d'entre elles, Buchelay et Magnanville, sont
situées en zone sensible en terme d'insécurité. En effet, elles partagent, avec
les six autres communes de l'agglomération de Mantes en Yvelines, les mêmes
problèmes liés à la présence de quartiers très difficiles. La similitude de ces
problèmes ainsi que la continuité du tissu urbain implique donc que ces deux
communes soient intégrées à la zone police de Mantes-la-Jolie. Tous les
partenaires en conviennent, et l'Etat le premier. Pourtant, ce redéploiement
nécessaire et urgent n'est toujours pas mis en place.
En conséquence, il lui demande de lui préciser à quelle date le redéploiement
des effectifs de police et de gendarmerie sera effectif pour les trois communes
qui l'ont accepté. (N° 897.)
XIII. - M. Auguste Cazalet appelle l'attention de M. le ministre de
l'agriculture et de la pêche sur la très vive inquiétude exprimée par des
agriculteurs du département des Pyrénées-Atlantiques concernés par la réforme
des ICHN inscrite dans le projet de plan national de développement rural
accepté par l'Union européenne lors du comité STAR du 26 juillet dans la mesure
où ils y voient la remise en cause radicale des fondements de la politique
montagne jusqu'à présent menée dans ce département et au crédit de laquelle le
maintien de l'activité économique et le développement de production de qualité
dans les zones défavorisées sont à porter. En effet, le fait de conditionner
désormais l'attribution des ICHN au respect des bonnes pratiques agricoles,
définies notamment par des critères d'extensivité, est perçu comme l'abandon du
principe du handicap, les indemnités se transformant en mesures de type
agri-environnemental. Ainsi, des dispositions telles que le non-versement de
l'ICHN en deçà du seuil minimum et au-delà du seuil supérieur du taux de
chargement, l'application d'un tarif unique de prime par type de zone
défavorisée, la disparition de la différenciation par espèce (ovins-autres
bovins), le mode de calcul de l'indemnité versée à l'agriculteur après fixation
par le préfet d'une place optimale dans laquelle l'ICHN serait versée à taux
plein et la restriction des critères d'éligibilité pour les pluriactifs
suscitent plus que des interrogations auprès des éleveurs du département
puisque, selon certaines estimations ce sont au total 1 500 agriculteurs qui,
en Pays basque et en Béarn, sont non seulement concernés mais aussi menacés :
quatre cents exploitations seraient exclues du dispositif, celles situées en
zone de Piémont perdraient jusqu'à 14 % de leurs indemnités et les
non-transhumants, environ cinq cents perdrait jusqu'à 30 %.
Il le remercie des précisions qu'il voudra bien lui apporter concernant le
contenu de ce projet de réforme et lui demande de bien vouloir lui indiquer les
points qu'il serait disposé à renégocier avec la profession. (N° 899.)
XIV. - M. Claude Domeizel attire l'attention de M. le ministre de
l'agriculture et de la pêche sur le problème de l'hébergement des bergers lors
de la transhumance dans les alpages.
A l'aube du xxie siècle, il est anormal que des hommes vivent dans des
conditions souvent très sommaires et dignes d'un autre siècle. Outre le
bénéfice d'un confort minimum, une amélioration des cabanes pastorales
permettrait aux bergers qui le souhaitent de séjourner avec leur famille. En
plus du maintien de l'équilibre familial, seraient aussi partagées les tâches
professionnelles et de la vie quotidienne qu'aujourd'hui le berger assume seul
; ce qui l'oblige à s'éloigner du troupeau pendant de longues heures.
De plus, si un argument supplémentaire devait être apporté, il lui paraît
important de souligner que la présence continue du berger ou d'un membre de la
famille auprès de son troupeau deviendrait alors un élément complémentaire de
défense contre les chiens errants, ou tout autre prédateur, et les
intempéries.
Les départements et régions participent déjà, avec le concours des ministères
de l'environnement et de l'agriculture (Fonds national d'aménagement du
territoire, fonds de gestion de l'espace rural), au financement des
améliorations pastorales ; mais ces efforts sont à l'évidence insuffisants pour
la rénovation de ces habitats.
C'est pourquoi, il lui demande s'il envisage de prendre des mesures
financières plus conséquentes pour la réhabilitation ou la construction de
cabanes pastorales. (N° 902.)
XV. - M. Jean Faure appelle l'attention de Mme le ministre de la culture et de
la communication sur la récente décision de France 3 Télévision de supprimer
l'émission « Montagne » diffusée le dimanche matin et produite par France 3
Grenoble.
Il lui indique que cette décision provoque le mécontentement des élus et des
populations de la montagne qui souhaitent que soit maintenu un rendez-vous
télévisuel régulier sur ce sujet, dans un créneau à plus forte audience.
Il lui précise que cette disparition du thème de la montagne des grilles de
programme est regrettable dans un contexte où le grand public a, à son sujet,
des a priori souvent erronés et ne disposera donc plus d'un média facile
d'accès pour en appréhender les spécificités et les réalités socio-économiques.
(N° 903.)
XVI. - M. Hubert Haenel demande à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux
handicapés de bien vouloir lui préciser quelles actions ont été prises par la
France dans l'esprit de la résolution du 27 mai 1997 du Parlement européen en
vue de s'engager dans un processus de reconnaissance de la médecine
anthroposophique tout en veillant à protéger les malades de toutes
déviances.
Quelles conséquences le Gouvernement tire-t-il de la directive européenne
92/73 qui réglemente expressément deux types de médicaments : homéopathiques et
anthroposophiques ?
Si aux yeux du Gouvernement, comme il lui a été indiqué dans la réponse à sa
question écrite n° 22731 en date du 10 février 2000, la médecine
anthroposophique serait, non pas une médecine non conventionnelle mais une
simple application d'une idée mystique traditionnelle de l'Occident... suspecte
de sectarisme et de charlatanisme. (N° 908.)
XVII. - M. Georges Mouly attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi et
de la solidarité sur la circulaire DAS-RVZ n° 2000/210 du 6 juin dernier,
relative aux centres locaux d'information et de coordination (CLIC), fixant les
modalités d'expérimentation du maintien à domicile des personnes âgées dans les
vingt-six sites choisis pour l'an 2000 ainsi que la programmation pluriannuelle
2001-2005. Il lui demande s'il peut être espéré que le calendrier prévisionnel
sera respecté comme suit : novembre 2000, bilan d'activité des sites pilotes et
validation du cahier des charges détaillé ainsi que de la procédure de
labellisation ; décembre 2000, publication du cahier des charges et appel à
projet pour la campagne 2001. Il lui demande en outre si les spécificités du
milieu rural pourront être prises en compte en terme de seuils de population
couverte et de territoire. (N° 909.)
XVIII. - M. Christian Demuynck souhaite attirer l'attention de M. le ministre
de la fonction publique et de la réforme de l'Etat sur la décision du
Gouvernement de supprimer, à compter du 1er décembre prochain, les fiches
d'état civil et les justificatifs de domicile.
En effet, il entend dénoncer les risques manifestes de fraude que cette mesure
induira. Une simple copie certifiée conforme par les soins de tout un chacun
suscitera de nombreuses falsifications et ne permettra pas, dans le cas
particulier de livrets de famille étrangers, de déterminer les composantes
familiales exactes.
Au surplus, il condamne avec virulence l'intention du Gouvernement de mettre
fin aux justificatifs de domicile. Il craint que de nombreuses personnes
falsifient leur déclaration sur l'honneur à seule fin de bénéficier des
avantages sociaux d'une ou plusieurs villes, déséquilibrant de la sorte leurs
finances.
En outre, les répercussions sur les effectifs scolaires seront considérables.
Les parents n'hésiteront pas à déclarer de faux domiciles pour que leurs
enfants intègrent de meilleurs établissements. Les inspections académiques
verront ainsi leur tâche se compliquer.
Il entend, par conséquent, connaître les moyens mis en oeuvre pour éviter la
fraude. (N° 930.)
A seize heures et, éventuellement, le soir :
2. Discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi d'orientation n° 28
(2000-2001) relatif à l'outre-mer, adopté par l'Assemblée nationale avec
modifications en nouvelle lecture.
Rapport n° 48 (2000-2001) de M. José Balarello, fait au nom de la commission
des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du
règlement et d'administration générale.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
lundi 6 novembre 2000, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 6 novembre 2000, à dix-sept
heures.
3. Suite de la discussion après déclaration d'urgence du projet de loi n° 473
(1999-2000) portant habilitation du Gouvernement à transposer, par ordonnances,
des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines dispositions du
droit communautaire.
Rapport n° 30 (2000-2001) de M. Daniel Hoeffel, fait au nom de la commission
des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du
règlement et d'administration générale.
Avis n° 32 (2000-2001) de M. Philippe Richert, au nom de la commission des
affaires culturelles.
Avis n° 31 (2000-2001) de M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des
affaires économiques et du Plan.
Avis n° 35 (2000-2001) de M. André Jourdain, au nom de la commission des
affaires sociales.
Avis n° 36 (2000-2001) de M. Denis Badré, au nom de la commission des
finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence,
relatif à l'épargne salariale (n° 11, 2000-2001) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
lundi 6 novembre 2000, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 6 novembre 2000, à dix-sept
heures.
Sous réserve de sa transmission, projet de loi de financement de la sécurité
sociale pour 2001 :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
lundi 13 novembre 2000, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : ouverture de la discussion
générale.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt et une heures quinze.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
ERRATA
Au compte rendu intégral de la séance du 17 octobre 2000
nouvelles régulations économiques
Page 5107, 2e colonne, dans le texte proposé par l'amendement n° 481, dernière
ligne :
Au lieu de :
« du titre II du code de commerce »
Lire :
« du livre II du code de commerce ».
Page 5109, 2e colonne, au 9e alinéa
(a)
, 1re ligne :
Au lieu de :
« Le projet porte »
Lire :
« Le prêt porte ».
Page 5109, 2e colonne, aux 17e (V) et 18e alinéas :
Au lieu de :
« 93-5 »
Lire :
« 93-4 ».
Page 5111, 2e colonne, aux 4e (III) et 5e alinéas :
Au lieu de :
« 93-4 »
Lire :
« 93-5 ».
Page 5140, 1re colonne, remplacer les trois derniers alinéas par :
Par amendement n° 504 rectifié, le Gouvernement propose :
I. - De rédiger comme suit le premier alinéa de cet article : « L'article L.
450-4 du code de commerce est ainsi modifié : »
II. - A la fin de la première phrase du dernier alinéa de cet article, de
remplacer les mots : « prévue à l'article 21 » par les mots : « prévue à
l'article L. 463-2 ».
Au compte rendu intégral de la séance du 18 octobre 2000
solidarité et renouvellement urbains
Page 5256, 1re colonne, dans le texte proposé par l'amendement n° 10 rectifié
pour l'article L. 121-6, 4e alinéa, 4e ligne :
Au lieu de :
« intercommunale compétente »
Lire :
« intercommunale compétents ».
Page 5256, 2e colonne, dans le texte proposé par l'amendement n° 10 rectifié
pour l'article L. 121-6, 2e alinéa, 3e ligne :
Au lieu de :
« R. 421 à R. 421-4 »
Lire :
R. 421-1 à R. 421-4 ».
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Conditions d'attribution du macaron GIC
(grand invalide civil)
937.
- 27 octobre 2000. -
M. Pierre-Yvon Trémel
attire l'attention de
Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
sur la situation des personnes handicapées ayant un taux d'invalidité inférieur
à 80 % et titulaires d'une « carte station debout pénible ». Ces personnes ne
peuvent actuellement pas bénéficier du macaron GIC. Il est pourtant avéré que
dans un grand nombre de cas la vie quotidienne de ces personnes serait
considérablement améliorée si elles pouvaient bénéficier de certains avantages
offerts par le macaron. Aussi, tout en veillant à ne pas banaliser l'usage du
macaron, et sans accorder les avantages fiscaux et sociaux qui en découlent, il
serait souhaitable de permettre aux intéressés de stationner sur les
emplacements réservés aux titulaires de la carte GIC. En conséquence, il lui
demande si des mesures sont envisagées dans ce sens.
Fonctionnement de la justice
dans le département d'Eure-et-Loir
938.
- 30 octobre 2000. -
M. Gérard Cornu
appelle l'attention de
Mme le garde des sceaux, ministre de la justice,
sur les conditions matérielles dans lesquelles s'exerce la justice dans le
département d'Eure-et-Loir. L'actuel palais de justice de Chartres, situé au
coeur de la ville, ne dispose plus de la place nécessaire à l'évolution de ce
service public. Magistrats, personnels de greffe et secrétariat se partagent
des locaux dont l'exiguïté sera rendue encore plus intolérable avec
l'instauration des cours d'assises d'appel, dont les sessions risquent d'être
rendues impossibles. La construction d'une cité judiciaire est évoquée depuis
trente ans. Un terrain a été cédé le 18 octobre 1998 par le conseil général
d'Eure-et-Loir au ministère de la justice, aux fins de recourir à une extension
des locaux. Depuis lors aucune perspective n'a été évoquée. Il lui demande de
bien vouloir mettre tout en oeuvre pour qu'une solution soit trouvée afin que
la justice puisse être rendue en Eure-et-Loir avec toutes les exigences qui lui
sont dues.
Conséquences des mesures de précaution sanitaire
939.
- 31 octobre 2000. -
M. Jacques Legendre
rappelle à
M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à
l'artisanat et à la consommation
que le Gouvernement a annoncé le 11 octobre dernier sa décision d'interdire
l'utilisation de l'ensemble des intestins provenant de bovins, quel que soit
leur âge, dans la fabrication de la charcuterie. L'une des spécialités
culinaires de la région de Cambrai est ainsi concernée au premier chef. En
effet, l'andouillette qui y est fabriquée est composée à 95 % de fraise de
veau, produit dont l'utilisation représente 700 tonnes environ par an pour la
confection de 500 tonnes d'andouillette, et qui serait visée par la mesure en
question. La décision d'interdiction, qui n'a pour l'instant que simplement été
annoncée sans prendre de caractère officiel par voie d'arrêté interministériel,
est extrêmement lourde de conséquences économiques et sociales pour le tissu
artisanal local. Le Cambrésis assure en effet plus de 25 % de la production
nationale d'andouillette à base de fraise de veau. Or, outre la dégradation de
l'image des artisans charcutiers concernés (quatre-vingt-dix dans le
Cambrésis), le chiffre d'affaires de ces derniers a chuté en deux semaines
seulement de 15 à 25 % selon les cas, et des mesures de chômage technique ont
malheureusement d'ores et déjà dû être mises en oeuvre. Il l'approuve dans sa
volonté de faire prévaloir le principe de précaution quand la santé du
consommateur peut être compromise. Mais il lui demande quelles mesures il
entend prendre rapidement pour sauvegarder un secteur économique qui a su
promouvoir jusqu'ici un produit traditionnel reconnu.
Imputation du montant des bourses d'études sur le RMI
940.
- 31 octobre 2000. -
M. Aymeri de Montesquiou
interroge
Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
sur le lien entre l'octroi de bourses étudiantes et le niveau du Revenu minimum
d'insertion des parents. La loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988 relative au RMI
prévoit dans son article 9 que « l'ensemble des ressources des personnes
retenues pour la détermination du montant du revenu minimum d'insertion est
pris en compte pour le calcul de l'allocation ». En conséquence, les parents
Rmistes d'étudiants méritants voient leur allocation amputée d'une partie du
montant des bourses. En cette rentrée universitaire, il lui demande si elle
entend mettre fin à cette situation injuste envers les familles en situation de
précarité. Il lui demande également les moyens qu'elle entend mettre en oeuvre
pour remédier à cette injustice.
ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du mardi 31 octobre 2000
SCRUTIN (n° 13)
sur l'ensemble du projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale,
modifiant la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du
Président de la République au suffrage universel.
Nombre de votants : | 314 |
Nombre de suffrages exprimés : | 314 |
Pour : | 314 |
Contre : | 0 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (17) :
Pour :
17.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :
Pour :
17.
N'ont pas pris part au vote :
6. _ M. Paul Girod, qui présidait la
séance, MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin et
Gérard Delfau.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :
Pour :
98.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Christian Poncelet, président du
Sénat.
GROUPE SOCIALISTE (77) :
Pour :
77.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :
Pour :
52.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (46) :
Pour :
46.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :
Pour :
7.
Ont voté pour
Nicolas About
Philippe Adnot
Guy Allouche
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Bernard Angels
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Michel Bécot
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Claude Belot
Georges Berchet
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
Marcel Bony
James Bordas
Didier Borotra
Nicole Borvo
Joël Bourdin
Jean Boyer
Louis Boyer
Yolande Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Robert Bret
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Claire-Lise Campion
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Jean-Louis Carrère
Auguste Cazalet
Bernard Cazeau
CharlesCeccaldi-Raynaud
Monique Cerisier-ben Guiga
Gérard César
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Gérard Collomb
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Raymond Courrière
Roland Courteau
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Marcel Debarge
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Bertrand Delanoë
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Jean-Pierre Demerliat
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Dinah Derycke
Charles Descours
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
André Diligent
Claude Domeizel
Jacques Dominati
Jacques Donnay
Michel Doublet
MichelDreyfus-Schmidt
Paul Dubrule
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Claude Estier
Hubert Falco
Léon Fatous
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Guy Fischer
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Thierry Foucaud
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Serge Godard
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Jean-Noël Guérini
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Claude Haut
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Roger Hesling
Alain Hethener
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Roland Huguet
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Journet
Alain Joyandet
Roger Karoutchi
Christian de La Malène
Philippe Labeyrie
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Dominique Larifla
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Gérard Le Cam
Jean-François Le Grand
Louis Le Pensec
Dominique Leclerc
Pierre Lefebvre
Jacques Legendre
André Lejeune
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Claude Lise
Paul Loridant
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Hélène Luc
Jacques Machet
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Kléber Malécot
André Maman
François Marc
Max Marest
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Marc Massion
Paul Masson
Serge Mathieu
Pierre Mauroy
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Gérard Miquel
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Michel Moreigne
Georges Mouly
Bernard Murat
Roland Muzeau
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Jean-Marc Pastor
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Guy Penne
Jean Pépin
Daniel Percheron
Jacques Peyrat
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Xavier Pintat
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jack Ralite
Paul Raoult
Jean-Marie Rausch
Ivan Renar
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Roger Rinchet
Yves Rispat
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Gérard Roujas
André Rouvière
Michel Rufin
Claude Saunier
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Simon Sutour
Martial Taugourdeau
Odette Terrade
Michel Teston
Henri Torre
René Trégouët
Pierre-Yvon Tremel
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Paul Vergès
André Vezinhet
Jean-Pierre Vial
Marcel Vidal
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac
Henri Weber
N'ont pas pris part au vote
François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin et Gérard
Delfau.
N'ont pas pris part au vote
Christian Poncelet, président du Sénat, et Paul Girod, qui présidait la séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 315 |
Nombre des suffrages exprimés | 315 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 158 |
Pour : | 315 |
Contre : | 0 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés, conformément à la liste ci-dessus.