SEANCE DU 31 OCTOBRE 2000


SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Déclaration de l'urgence d'un projet de loi (p. 1 ).

3. Election du Président de la République au suffrage universel. - Adoption d'un projet de loi organique (p. 2 ).
Discussion générale : MM. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur ; Christian Bonnet, rapporteur de la commission des lois ; Patrice Gélard, Robert Bret, Bernard Joly, Michel Charasse.
Clôture de la discussion générale.

Article 1er (p. 3 )

Amendement n° 1 de la commission et sous-amendement n° 14 du Gouvernement. - MM. le rapporteur, le ministre, Michel Charasse. - Rejet du sous-amendement ; adoption de l'amendement rédigeant l'article.

Article 2 (p. 4 )

Amendements n°s 2 et 3 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre, Louis Moinard. - Adoption des deux amendements.
Amendement n° 4 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendements identiques n°s 5 de la commission et 10 de M. Michel Charasse. - MM. le rapporteur, Michel Charasse, le ministre. - Retrait de l'amendement n° 10 ; adoption de l'amendement n° 5.
Adoption de l'article modifié.

Article 3. - Adoption (p. 5 )

Article 3 bis (p. 6 )

Amendements identiques n°s 6 de la commission et 11 de M. Michel Charasse. - MM. le rapporteur, Michel Charasse, le ministre. - Retrait de l'amendement n° 11 ; adoption de l'amendement n° 6 supprimant l'article.

Article 4 (p. 7 )

Amendement n° 12 de M. Robert Badinter. - MM. Michel Charasse, le rapporteur, le ministre, Pierre Fauchon, vice-président de la commission des lois. - Rejet.
Amendement n° 7 de la commission et sous-amendement n° 13 de M. Michel Charasse. - MM. le rapporteur, Michel Charasse, le ministre. - Rejet du sous-amendement ; adoption de l'amendement.
Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 4 (p. 8 )

Amendement n° 8 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 5 (p. 9 )

Amendement n° 9 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Adoption, par scrutin public, de l'ensemble du projet de loi organique.

Suspension et reprise de la séance (p. 10 )

4. Rappel au règlement (p. 11 ).
MM. Christian Bonnet, le président.

5. Contraception d'urgence. - Adoption d'une proposition de loi déclarée d'urgence (p. 12 ).
Discussion générale : Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés ; M. Lucien Neuwirth, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Mmes Janine Bardou, au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes ; Ségolène Royal, ministre délégué à la famille et à l'enfance ; Claire-Lise Campion, MM. Francis Giraud, Philippe Nogrix, Bernard Seillier, Bernard Joly, Mme Odette Terrade, MM. Serge Lagauche, Christian Demuynck, Jean-Louis Lorrain, Jean Chérioux.
Mme le secrétaire d'Etat.
Clôture de la discussion générale.
M. le président.

Suspension et reprise de la séance (p. 13 )

Article unique (p. 14 )

Amendement n° 1 rectifié de la commission et sous-amendements n°s 4, 5 de M. Jean Chérioux, 7 rectifié, 8 rectifié de Mme Odette Terrade et 6 de Mme Claire-Lise Campion. - MM. le rapporteur, Jean Chérioux, Mmes Odette Terrade, Marie-Madeleine Dieulanguard, M. Roland Muzeau, Mme le secrétaire d'Etat, M. Philippe Marini, Mme Dinah Derycke, M. Claude Huriet, Mme Claire-Lise Campion, M. Gérard Dériot. - Rejet des sous-amendements n°s 4, 6, 8 rectifié et 5 ; adoption du sous-amendement n° 7 rectifié et, par division, de l'amendement modifié rédigeant l'article.

Articles additionnels après l'article unique (p. 15 )

Amendement n° 2 de Mme Janine Bardou et sous-amendement n° 9 rectifié bis de M. Philippe Nogrix. - Mme Janine Bardou, MM. Philippe Nogrix, le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié insérant un article additionnel.
Amendement n° 3 de M. Jean Chérioux. - MM. Jean Chérioux, le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat, M. Claude Huriet. - Rejet.

Vote sur l'ensemble (p. 16 )

M. Claude Huriet, Mmes Claire-Lise Campion, Odette Terrade, M. Jean-Paul Hugot, Mmes Anne Heinis, le ministre délégué.
Adoption de la proposition de loi.

6. Dépôt d'un projet de loi (p. 17 ).

7. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 18 ).

8. Dépôt d'un rapport (p. 19 ).

9. Dépôt d'un avis (p. 20 ).

10. Dépôt rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 26 octobre 2000 (p. 21 ).

11. Ordre du jour (p. 22 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le procès-verbal de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté.

2

DÉCLARATION DE L'URGENCE
D'UN PROJET DE LOI

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

« Paris, le 26 octobre 2000.

« Monsieur le président,
« J'ai l'honneur de vous faire connaître que, en application de l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement déclare l'urgence du projet de loi relatif à la résorption de l'emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique ainsi qu'au temps de travail dans la fonction publique territoriale, déposé sur le bureau du Sénat le 12 octobre 2000.
« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération.

« Signé : Lionel Jospin. »

Acte est donné de cette communication.

3

ÉLECTION DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
AU SUFFRAGE UNIVERSEL

Adoption d'un projet de loi organique

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi organique (n° 16, 2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale, modifiant la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel. (Rapport n° 47 2000-2001.)
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi organique qui vous est aujourd'hui soumis en première lecture vise à apporter des modifications techniques à la loi organique du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République à la suite des observations faites par le Conseil constitutionnel à l'issue de l'élection présidentielle des 23 avril et 7 mai 1995.
Ce projet, préparé par le Gouvernement, a pris en compte, dans un souci de clarification et de simplification de l'organisation et du contrôle de l'élection présidentielle, la plupart des observations du Conseil constitutionnel. Il vise également à adapter les dispositions de la loi organique de 1962 aux évolutions du droit électoral.
Parallèlement, je vous informe que le Gouvernement prépare un projet de décret modifiant le décret de 1964, afin de tenir également compte des observations à caractère réglementaire du Conseil constitutionnel et du Conseil supérieur de l'audiovisuel.
Le projet de loi organique a donc pour objectif premier de tenir compte des observations du Conseil constitutionnel.
Le Conseil constitutionnel, dans ses observations publiées au Journal officiel du 15 décembre 1995 et complétées le 22 juin 2000, a soulevé la question du rattachement départemental, dans la procédure de présentation des candidats, des membres de l'Assemblée de Corse et des conseillers régionaux qui seront bientôt élus dans le cadre d'une circonscription régionale.
Le projet de loi prévoit de transposer à l'élection du président de la République les modalités de répartition départementale prévues par le code électoral pour la composition du collège électoral sénatorial, que le Parlement a validées en votant la réforme du mode d'élection des conseillers régionaux par la loi du 19 janvier 1999. Ces dispositions, immédiatement applicables pour l'Assemblée de Corse, ne seront, bien sûr, mises en oeuvre qu'à partir de 2004 ou avant cette date dans le cas, peu probable, d'un renouvellement anticipé.
L'Assemblée nationale a par ailleurs, avec l'accord du Gouvernement, souhaité étendre à de nouvelles catégories d'élus la possibilité de présenter un candidat à l'élection présidentielle. Ainsi, les maires délégués des communes associées, les maires des arrondissements de Marseille et Lyon - ceux de Paris disposant déjà de cette possibilité au titre de leur appartenance au Conseil de Paris - les présidents des organes délibérants des communautés urbaines, d'agglomération et de communes, ainsi que les représentants français au Parlement européen, devraient se voir attribuer ce droit de présentation d'un candidat et, par là même, reconnaître leur rôle dans la vie démocratique de notre pays au même titre que d'autres élus.
Le projet de loi organique qui vous est soumis aujourd'hui prévoit, par ailleurs, plusieurs améliorations du cadre financier de l'élection présidentielle. Ainsi, la dissolution de l'association de financement et la cessation des fonctions des mandataires financiers sont reportés de trois mois après le dépôt des comptes à un mois après la publication des décisions du Conseil constitutionnel. Cette mesure permettra d'améliorer les conditions de clôture des comptes de campagne et de règlement des relations financières entre le candidat et son mandataire puisqu'elle permettra de connaître le solde du compte de campagne une fois arrêté le montant du remboursement forfaitaire accordé par l'Etat.
L'interdiction, introduite dans ce projet de texte, des prêts et avances remboursables des personnes physiques résulte, de même, de la volonté de renforcer la transparence des modes de financement des candidats à la magistrature suprême. Le contrôle des prêts et avances remboursables se révèle, en effet, souvent délicat et peut être source de critique lorsque les montants en jeu sont d'une grande ampleur. Dans le même esprit, il convient de supprimer toute référence dans la loi organique à des dons de personnes morales, interdits depuis la loi organique du 19 janvier 1995.
A la demande du Conseil constitutionnel, le Gouvernement propose dans ce texte d'inscrire dans les comptes de campagne les frais d'expertise comptable liés à leur établissement. Ces dépenses, prévues par l'article L. 52-12 du code électoral, applicable à l'élection présidentielle, s'imposent, en effet, aux candidats, et peuvent représenter des montants importants restant à leur charge.
En matière d'investigation, il est judicieux de permettre à tous les rapporteurs adjoints de la haute juridiction d'avoir accès, grâce à la levée du secret professionnel des agents des administrations financières, aux informations fiscales et bancaires lors de leur contrôle des comptes des candidats.
Compte tenu des particularités de l'élection présidentielle, qui se déroule dans un cadre national et dont la campagne peut faire l'objet d'initiatives locales difficilement maîtrisables par le candidat, le Conseil constitutionnel a souhaité que ses pouvoirs soient étendus à l'appréciation du remboursement des frais de campagne. Pour les mêmes raisons, le Conseil constitutionnel a souhaité se voir reconnaître une possibilité de moduler les sanctions financières applicables au candidat en cas de dépassement du plafond du compte de campagne.
L'Assemblée nationale a considéré que les deux mesures proposées par le Gouvernement risquaient de remettre en cause l'équilibre des règles de sanctions applicables entre les différentes élections et d'atténuer de façon trop sensible le régime de sanctions en vigueur en cas de non-respect des obligations en matière de financement de la campagne. Nous aurons l'occasion de revenir sur ces dispositions lors de la discussion des articles.
Outre la prise en compte des observations du Conseil constitutionnel, ce projet de loi organique a pour objet de mettre à jour le droit applicable à l'élection du Président de la République.
Le Gouvernement propose de modifier la loi organique de 1962 pour contribuer à son amélioration technique. Il convient ainsi d'actualiser les références au code électoral pour rendre applicables à l'élection présidentielle les textes votés récemment en matière électorale, notamment l'inscription d'office des jeunes de dix-huit ans sur les listes électorales.
La conversion en euros des montants fixés par la loi organique est utile, car l'élection présidentielle de 2002 se déroulera sous le régime de la monnaie unique européenne, et l'ordonnance récente du 19 septembre 2000 portant adaptation de la valeur en euros de certains montants exprimés en francs dans les textes législatifs ne peut s'appliquer aux textes ayant valeur de loi organique.
Enfin, je conclurai sur la dernière mesure prévue dans ce projet de loi organique : la modification du plafond de remboursement des dépenses électorales.
Fixé en 1988 à 25 %, mais porté à 36 % par un dispositif transitoire valable pour la seule élection de 1995, le plafond des dépenses remboursables pour un candidat ayant obtenu plus de 5 % des suffrages est inférieur de moitié à celui de toutes les autres élections. Il convient donc, dans un souci d'harmonisation du droit et pour appliquer le même régime à toutes les élections, de supprimer cette minoration, qui n'a aucune raison légitime de subsister, et donc de porter ce taux à 50 % pour tous les candidats ayant obtenu plus de 5 % des suffrages.
La prochaine élection présidentielle se déroulera, en effet, pour la première fois sous le régime de l'interdiction totale des dons des entreprises et, plus généralement, des personnes morales autres que les partis politiques. Si le taux de remboursement par l'Etat était maintenu à 25 %, il serait alors inférieur à celui qui a été pratiqué en 1995, alors même que des dons d'entreprises avaient pu être recueillis à l'occasion de cette élection.
Mesdames, messieurs les sénateurs, votre commission des lois, sous l'égide de son rapporteur, M. Bonnet, a adopté un certain nombre d'amendements tendant sensiblement à revenir au texte initial du Gouvernement. Nous en reparlerons bien évidemment au cours de la discussion des articles, et je ne veux pas en préjuger.
Quoi qu'il en soit, ce projet de loi organique relatif à l'élection du Président de la République est, vous le constatez, un projet technique, reflétant le souci de garantir la transparence et la régularité de l'élection. Ce texte permettra d'aborder la prochaine échéance présidentielle, je l'espère, dans les meilleures conditions. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi organique que nous examinons aujourd'hui vise, pour l'essentiel, à donner suite aux recommandations faites par le Conseil constitutionnel au mois de juin dernier à propos de l'élection présidentielle, dont il est chargé de contrôler la régularité. Le Gouvernement en a profité pour procéder à deux aménagements bienvenus, et l'Assemblée nationale, pour sa part, a formulé diverses observations qui ont fait l'objet d'un examen attentif.
Pour la clarté de l'exposé, je vous propose, mes chers collègues, d'évoquer en premier lieu les points qui ne posent pas problème, puis d'examiner ceux à propos desquels il est apparu à votre commission souhaitable de marquer ou son accord ou ses réserves.
Commençons par ce qui a semblé à la commission, comme à l'Assemblée nationale, aller de soi.
Ainsi en va-t-il de la recommandation du Conseil constitutionnel concernant le rattachement au département au titre duquel ils participent à l'élection des sénateurs, des conseillers régionaux et des conseillers à l'Assemblée de Corse.
De même va de soi la suppression de toute évocation des personnes morales dès lors que la loi de 1995 leur a interdit de participer au financement de la campagne ; la suppression des prêts et avances remboursables aux candidats qui pourraient s'analyser en des dons déguisés, mesure qui ne souffre aucune réserve ; l'inscription des frais d'expertise comptable dans les comptes de campagne, afin de permettre aux candidats de bénéficier de leur remboursement par l'Etat des frais de campagne.
De même, la prolongation de la durée des fonctions des associations de financement et de mandataires financiers jusquà un mois après la décision du Conseil constitutionnel sur les comptes de campagne présentera-t-elle l'avantage de donner au Conseil constitutionnel le temps nécessaire à un travail dont on imagine sans peine à quel point il peut se révéler complexe.
Délier du secret profesionnel auquel sont ordinairement tenus les agents de l'administration des finances vis-à-vis des membres du Conseil constitutionnel et des rapporteurs adjoints est une disposition qui méritait d'être inscrite dans un texte législatif.
L'élection présidentielle à venir ayant lieu en 2002, adapter les plafonds de dépenses en euros paraissait s'imposer.
Toutes ces mesures étaient souhaitées par le Conseil constitutionnel et n'ont soulevé aucune difficulté, ni devant l'Assemblé nationale ni au sein de la commission des lois.
Le Gouvernement, je l'ai dit voilà quelques instants, a proposé de son côté deux mesures.
L'une concerne l'actualisation des dispositions du code électoral applicables à l'élection présidentielle.
Certaines mesures législatives se devaient en effet de figurer dans le présent projet de loi organique, telle l'inscription sur les listes électorales, abusivement qualifiée d'office, des jeunes de dix-huit ans, issue d'une loi de 1997.
L'autre mesure proposée par le Gouvernement vise à majorer le taux maximum de remboursement forfaitaire des dépenses électorales pour les candidats ayant recueilli au moins 5 % des suffrages exprimés, afin de l'aligner sur le taux applicable aux autres scrutins politiques, soit 50 % du plafond des dépenses électorales.
La commission des lois a marqué son accord, comme l'avait fait l'Assemblée nationale, sur ces deux propositions gouvernementales.
Venons-en maintenant, si vous le voulez bien, aux amendements introduits par l'Assemblée nationale.
Cette dernière a, en premier lieu, étendu la liste des élus habilités à présenter un candidat.
Ainsi serait ouvert un droit de présentation aux ressortissants français membres du Parlement européen, aux maires d'arrondissement de Lyon et de Marseille, par analogie avec ceux de Paris, qui sont déjà habilités, en leur qualité de conseillers de Paris - vous l'avez rappelé, M. le ministre -, aux maires délégués des communes associées pour les quelques fusions de communes qui existent encore et aux présidents des organes délibérants de certains établissements publics de coopération intercommunale, à savoir les communautés urbaines, les communautés d'agglomération et les communautés de communes.
La commission des lois a marqué son accord sur cette proposition, se contentant d'ajouter, s'agissant des ressortissants français membres du Parlement européen, une précision qui lui est apparue souhaitable, à savoir que les ressortissants français devraient être « élus en France ».
En second lieu, l'Assemblée nationale a voté, à la faveur d'un glissement d'articles du code électoral, du L.O. 127 au L. 44, l'abaissement de vingt-trois à dix-huit ans de l'âge d'éligibilité du Président de la République.
La commission, estimant que la dignité même du travail parlementaire s'en trouverait gravement affectée, vous propose la suppression de cette adjonction.
Plus sérieuse est apparue la réserve marquée par nos collègues députés à l'endroit de l'instauration d'un pouvoir d'appréciation du Conseil sur les conséquences financières pour un candidat du non-respect de la législation sur les comptes de campagne.
Le Conseil, dans les recommandations formulées le 22 juin dernier, a pris soin de limiter ce pouvoir d'appréciation aux cas « où la méconnaissance des dispositions serait non intentionnelle ou de portée très réduite ».
L'Assemblée nationale, peu sensible à l'argument touchant la complexité d'un scrutin applicable à l'ensemble du territoire national et où, dès lors, un candidat n'est pas toujours en mesure de maîtriser telle ou telle initiative prise à son insu et non pas de son plein gré a adopté un amendement de suppression de cette marge de souplesse. Votre commission des lois, après en avoir largement débattu, a estimé devoir la rétablir, tout en réduisant encore la marge par la substitution de la conjonction « et », plus contraignante, à celle, disjonctive, « ou », la méconnaissance des dispositions régissant la matière devant être, de ce fait, non intentionnelle « et » de portée très réduite.
Le quatrième amendement adopté par l'Assemblée nationale vise à permettre un réexamen des comptes de campagne dans un délai de trois ans après approbation par le Conseil constitutionnel lorsque des faits de nature à modifier la décision apparaîtraient à l'occasion d'une procédure judiciaire.
Bien des arguments pourraient être développés à l'encontre de l'ouverture d'une telle possibilité, mais un seul suffit, car il est dirimant : elle serait inconstitutionnelle.
Vous vous êtes interrogée - le mot est faible - sur la constitutionnalité, lors du débat à l'Assemblée nationale, d'une telle disposition.
La commission des lois a estimé, d'une façon plus brutale - et M. Badinter n'était pas le dernier, expert qu'il est en la matière, à l'avoir jugée telle - qu'elle serait inconstitutionnelle. L'article 62 de la Constitution dispose en effet que « les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. »
M. Michel Charasse. M. Montebourg s'en fout !
M. Christian Bonnet, rapporteur. Et d'ajouter : « Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives juridictionnelles. » Or, c'est à l'occasion d'une procédure judiciaire que l'on pourrait éventuellement, à en croire l'Assemblée nationale, remettre en cause des comptes de campagne arrêtés par le Conseil constitutionnel.
Aussi bien votre commission des lois a-t-elle estimé inutile d'exposer le législateur à paraître ignorer un article aussi net de la Constitution aux yeux des sages du Palais Royal, automatiquement saisis - on le sait - de toute loi organique.
Telles sont, monsieur le président, mes chers collègues, les conclusions qu'il m'incombait d'expliciter devant vous au nom de la commission. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne m'exprimerai que très brièvement, ce projet de loi organique étant en tous points satisfaisant, du moins dans la rédaction proposée par le Gouvernement.
Le dépôt en était nécessaire, pour tenir compte à la fois des observations du Conseil constitutionnel et de la récente révision de la Constitution portant à cinq ans le mandat présidentiel. Par ailleurs, il était bon d'harmoniser les dispositions applicables à l'élection du Président de la République avec celles qui sont déjà applicables à l'élection des députés.
Par conséquent, monsieur le rapporteur, mon groupe approuve totalement vos conclusions et vous présente toutes ses félicitations pour le travail que vous avez accompli et la réflexion que vous avez menée.
Je ferai toutefois quelques petites remarques de détail.
La première tient à la proposition, formulée à l'Assemblée nationale, visant à abaisser à dix-huit ans l'âge d'éligibilité du Président de la République. Cette mesure relève de la seule démagogie, et, entre nous soit dit, quelle catastrophe si elle était adoptée ! Que ferait-on ensuite de ces présidents de la République trop jeunes ?
M. Michel Charasse. Un gâteux, ce n'est pas mieux ! (Sourires.)
M. Patrice Gélard. C'est vrai. Mais ce qui m'inquiète surtout, c'est de savoir ce qu'on en ferait après.
M. Michel Charasse. On lui changera les couches et on le langera ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. Laissez l'orateur s'exprimer !
M. Patrice Gélard. J'en viens à ma deuxième remarque.
Je n'étais pas tout à fait d'accord avec la position soutenue par notre rapporteur tendant à reconnaître le droit pour les présidents des communautés urbaines, des communautés de communes ou d'agglomération d'être parrains pour l'élection présidentielle. Ces présidents étant généralement déjà maires, ils sont déjà, dans une certaine mesure, susceptibles de présenter un candidat. Par ailleurs, la situation de ces établissements publics est la même que celle des syndicats de communes ou des syndicats intercommunaux à vocation multiple ; ce ne sont pas encore des collectivités territoriales. Il y a là quelque chose qui me gêne. Cela dit, nous n'en faisons pas une affaire de principe et nous nous rallierons aux conclusions de la commission des lois.
Pour ne pas allonger le débat, j'aborderai brièvement deux autres points seulement.
Tout d'abord, les dispositions relatives au Conseil constitutionnel telles qu'elles nous sont soumises me font craindre une certaine méfiance de la part de l'Assemblée nationale ou de certains de ses membres à l'égard de la haute institution.
Il ne me semble pas bon de mettre en cause le Conseil constitutionnel dans cette affaire. Jusqu'à preuve du contraire, c'est l'un des piliers garantissant le fonctionnement équilibré de nos institutions. C'est la raison pour laquelle je suis tout à fait favorable au maintien du texte original du Gouvernement quant au pouvoir d'appréciation du Conseil constitutionnel sur les conséquences financières d'un dépassement des comptes.
Il serait souhaitable, d'ailleurs, que le Gouvernement étende ces dispositions aux autres élections parce que le couperet des sanctions est parfois trop abrupt. Il faudrait éviter que les tribunaux ne prononcent une interdiction d'éligibilité pour les cas situés à la marge. Je pense à ce qui est arrivé à M. Jack Lang à une époque. Le fait qui lui était imputé ne justifiait pas une interdiction d'éligibilité. Il faudrait, monsieur le ministre, remettre l'ouvrage sur le métier pour tenir compte des manquements non intentionnels et de portée limitée.
Je suis également en parfait accord avec les conclusions de M. le rapporteur en ce qui concerne l'inconstitutionnalité de la proposition formulée par l'Assemblée nationale sous forme d'amendement, tendant au réexamen des décisions du Conseil constitutionnel. Il est évident que celui-ci sanctionnerait brutalement un texte comportant une telle disposition.
En conclusion, je dois faire part de l'assentiment de mon groupe, qui votera le texte proposé par la commission dans son ensemble. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion du projet de loi organique relatif à l'élection du Président de la République me conduit à formuler deux remarques : l'une concerne l'environnement dans lequel s'insère le projet de loi, l'autre est relative au contenu du texte.
En premier lieu, si l'on se réfère au contexte dans lequel nous avons à débattre, on ne peut qu'être frappé par le décalage qui existe entre, d'une part, ce qui préoccupe les Français s'agissant des institutions et, d'autre part, l'ambition du projet de loi lui-même, qualifié de projet de loi technique par M. le ministre.
Le projet de loi organique est en effet un ensemble de dispositions assez disparates qui ont pour objet, pour l'essentiel, de mettre en oeuvre les observations formulées par le Conseil constitutionnel à l'issue de l'élection présidentielle de 1995.
L'intention est louable, sans nul doute, mais, intervenant relativement tard et dans la foulée du référendum de septembre sur le quinquennat présidentiel, elle ne fait que souligner l'absence de débat sur les questions institutionnelles essentielles et particulièrement sur la question du rééquilibrage des pouvoirs entre le Gouvernement et le Parlement.
L'assourdissant silence qui règne autour de l'indispensable rénovation de la démocratie parlementaire est d'autant moins tolérable que, comme l'a rappelé mon collègue Jacques Brunhes à l'Assemblée nationale, nous n'avons pas besoin de réforme constitutionnelle pour faire avancer les choses : réforme du mode de scrutin, réduction des mandats - y compris celui des sénateurs ! - véritable initiative des lois, contrôle renforcé du Parlement, notamment en matière européenne pour que la transposition des directives ne puisse plus jamais être opérée par voie d'ordonnance, mise en place d'un statut de l'opposition, tout cela peut être fait au niveau législatif, voire à celui du règlement des assemblées parlementaires. Il fallait que cela fût dit !
Une autre question ne peut logiquement être écartée du débat sur l'élection du Président de la République. Il serait étrange qu'elle n'y prenne pas place alors qu'elle est au coeur des débats post-référendum ; je veux parler du calendrier électoral qui va être retenu pour les élections présidentielles et législatives de 2002.
Vous connaissez sur ce point, mes chers collègues, la position des parlementaires communistes : ils ne sont pas favorables à une inversion des calendriers, qui amènerait les Français à élire le Président avant les députés.
Au-delà du fait que tout changement anticipé serait perçu comme une manipulation électoraliste, il est nécessaire que les Français sachent bien qu'un tel changement induirait nécessairement une présidentialisation du régime, laquelle renforcerait le déséquilibre existant.
C'est contre une telle logique de renforcement du pouvoir présidentiel personnel que les sénateurs communistes veulent à nouveau mettre en garde.
J'en viens maintenant à l'objet même du projet de loi organique.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyens sont totalement en phase avec les dispositions visant à donner à l'élection présidentielle à la fois plus de transparence financière et un caractère plus démocratique.
Je pense en particulier à l'élargissement des catégories d'élus habilités à présenter des candidats à la présidence.
Outre celles qui permettent de respecter l'exigence de rattachement territorial - je pense aux élus de l'Assemblée de Corse et aux élus au Parlement européen - les dispositions proposées permettent de prendre acte des évolutions du cadre institutionnel et, en particulier, de l'émergence des acteurs de la décentralisation.
Je fais évidemment référence d'abord aux maires délégués des communes associées et aux maires d'arrondissement de Lyon ou de Marseille, mais je pense également aux acteurs de l'intercommunalité : les présidents des communautés urbaines, des communautés d'agglomération et des communautés de communes.
Quant à l'abaissement de l'âge d'éligibilité du Président de la République à dix-huit ans, nous ne pouvons évidemment qu'y être favorables tant il nous semble partie intégrante de la citoyenneté : comment revendiquer une meilleure conscience civique des jeunes si, parallèlement, on ne leur fait pas suffisamment confiance pour leur confier des responsabilités ?
Dans cette optique, il nous semble nécessaire de procéder à une uniformisation de l'ensemble des mandats électifs afin de poser la règle selon laquelle l'âge requis pour être candidat correspond à l'âge de la majorité.
On comprend les difficultés de certains sénateurs à adhérer à l'amendement adopté par l'Assemblée nationale lorsqu'on sait que l'âge requis pour être candidat au Sénat est de trente-cinq ans !
M. Patrice Gélard. Et les députés, vingt-trois.
M. Robert Bret. C'est pourquoi je propose l'uniformisation de l'ensemble des mandats électifs.
N'en déplaise à mon collègue Gélard, je clôturerai mon propos par quelques remarques visant à rappeler la réticence des parlementaires communistes à toute extension du rôle du Conseil constitutionnel.
En effet, nous ne considérons pas comme bon pour la démocratie qu'une institution dont les membres ne sont pas issus du suffrage universel soient juges des décisions prises par les élus de la nation.
On sait bien par ailleurs que les décisions de la haute instance, qui ne sont pas susceptibles de recours, ne sont jamais une simple application de la Constitution mais résultent d'une interprétation constructive.
Je vous renvoie notamment aux écrits du professeur Troper, professeur de philosophie du droit, sur la question du pouvoir d'interprétation du juge constitutionnel.
S'agissant de son rôle électoral, on sait qu'il donne d'autant moins satisfaction à ceux qui le remplissent qu'il s'agit d'un pouvoir strictement encadré.
Le récent ouvrage d'un ancien membre du Conseil, M. Jacques Robert, est riche d'enseignements à ce propos ; il montre comment ses membres ressentent mal ces contraintes vécues comme autant d'entraves.
Nous pensons, pour notre part, que son rôle doit se borner, spécialement en ce domaine, à une application mécanique de la loi.
C'est la raison pour laquelle nous sommes plus que réservés sur l'octroi au juge de l'élection présidentielle du pouvoir d'apprécier le montant de la somme à reverser au Trésor en cas de dépassement du plafond de dépenses électorales par un candidat. Le fait qu'il s'agisse d'une faute ni intentionnelle ni grave - c'est vraiment l'obsession du Sénat en ce moment ! - ne change rien à l'affaire : il faut maintenir l'automaticité de la sanction, seul garant de son caractère objectif. Octroyer un pouvoir d'appréciation au juge constitutionnel risquerait de jeter un soupçon de partialité sur les décisions rendues.
Pour les mêmes raisons, nous n'approuvons pas non plus les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale concernant la possibilité de réexamen des comptes de campagne dans les trois ans, sur signalement du parquet.
Au-delà du risque de fragilisation des mandats électoraux, il nous semble que nous risquons de créer une ambiguïté entre les fonctions du juge pénal et celles du juge de l'élection, puisque ce réexamen interviendrait à l'issue d'une procédure judiciaire. Cette confusion des rôles ne nous semble pas bienvenue et ne servirait pas la haute instance elle-même.
Ces réserves faites et, dans la mesure où certaines d'entre elles devraient être prises en compte, le groupe des sénateurs communistes républicains et citoyens votera le projet de loi organique relatif à l'élection du président de la République.
M. le président. La parole est à M. Bernard Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd'hui tend à apporter des modifications techniques à la loi organique du 6 novembre 1962, relative à l'élection du Président de la République.
En effet, ce projet de loi s'attache principalement à prendre en compte les observations formulées par le Conseil constitutionnel, chargé du contrôle de la régularité de l'élection du Président de la République et, plus particulièrement, de ses remarques faites après l'élection de 1995.
Le Conseil constitutionnel préconisait en effet de modifier le décret du 14 mars 1964 et la loi organique du 6 novembre 1962, afin de rendre plus transparentes les modalités de financement de la campagne électorale et de clarifier les règles d'organisation de l'élection présidentielle.
Monsieur le ministre, vous avez signalé à l'Assemblée nationale, en présentant le projet de loi organique dont nous débattons aujourd'hui, que le Gouvernement s'apprêtait parallèlement à modifier le décret de 1964.
On ne peut donc que se féliciter de la volonté gouvernementale d'améliorer l'organisation juridique de l'élection présidentielle, d'un point de vue tant réglementaire que législatif.
En fait, mes chers collègues, le texte du projet de loi organique tel que l'a rédigé le Gouvernement n'appelle de notre part que peu de commentaires.
Les dispositions concernant la présentation des candidats et le financement des campagnes électorales ne peuvent qu'être approuvées puisqu'elles vont dans le sens de la volonté exprimée par le législateur en 1988, 1993 et 1995 d'instituer plus de transparence et plus d'équité entre les candidats.
Malheureusement, son examen par l'Assemblée nationale a engendré des modifications susbtantielles, critiquables à tous égards.
Premièrement, l'Assemblée nationale a tout d'abord refusé le pouvoir d'appréciation reconnu au Conseil constitutionnel par le texte gouvernemental : juger, c'est pourtant interpréter ! Lorsqu'un candidat dépasse le plafond du compte de campagne, le Conseil constitutionnel a désiré, à bon droit, avoir un pouvoir d'appréciation. Comment pourrait-on le lui refuser ? Le législateur a été particulièrement rigoureux, il faut bien le reconnaître. Pour juguler l'augmentation du coût des campagnes, il est ainsi intervenu à plusieurs reprises. Si notre ambition était louable, elle a abouti, en pratique, à des situations inéquitables. Il apparaît donc opportun de donner au Conseil constitutionnel ce pouvoir.
D'aucuns affirmeront que le Conseil constitutionnel n'est pas réellement une juridiction, ne pouvant prétendre aux prérogatives d'un tel organe ; mais, si la Constitution ne le qualifie pas ainsi, la procédure applicable devant lui rappelle la procédure juridictionnelle.
En fait, le caractère politique du Conseil constitutionnel, objet de longues controverses au début de la Ve République, n'est plus à l'ordre du jour. Le débat qui s'est tenu à l'Assemblée nationale confirme d'ailleurs ce constat.
Ses compétences juridiques ne le protègent pourtant pas de critiques acerbes. Après diverses alternances politiques, le Conseil constitutionnel a cependant fait ses preuves, c'est un fait. Il apparaît aujourd'hui comme l'une des institutions les plus importantes de notre système juridique, puisqu'il est le gardien de notre Constitution.
Pour cette raison, la « bonne foi » doit impérativement être appréciée par le Conseil constitutionnel comme elle l'est par d'autres juges.
Le caractère mécanique des sanctions ne grandit d'ailleurs pas notre système juridictionnel. Aussi la rédaction préconisée par la commission des lois du Sénat doit-elle être saluée, car elle améliore encore la disposition initiale.
Deuxièmement, les amendements votés par l'Assemblée nationale sont tout aussi critiquables.
S'agissant, tout d'abord, de l'éligibilité du Président de la République à dix-huit ans, elle prête simplement à sourire. Qui, à l'âge de dix-huit ans, peut songer à se faire élire Président de la République, étant donné le rôle prépondérant des partis politiques dans une telle élection ? Qui peut croire qu'une personne de dix-huit ans pourra être promue candidat ? C'est une disposition strictement démagogique. Le rapporteur à l'Assemblée nationale parlait, pour sa part, de modernisation de la démocratie. Au risque de paraître rétrograde, j'affirme haut et fort qu'une mission comme la présidence de la République, c'est-à-dire l'exercice de la plus haute magistrature, exige l'expérience et la responsabilité. (M. Gélard applaudit.)
M. Pierre Fauchon, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Très bien !
M. Bernard Joly. En fait, la population française aspire à élire non pas un président particulièrement jeune, mais un président qui décide en osant être prospectif. Les Français se désintéressent de plus en plus de la chose publique et une telle disposition - l'abaissement de l'âge d'éligibilité - ne fera qu'amplifier ce sentiment d'insatisfaction. C'est une réforme que l'on pourrait qualifier de « gadget ».
L'intérêt général exige, en effet, l'élection de femmes et d'hommes qui ne découvriront pas le droit de vote en même temps que celui de se faire élire. Cette réforme préconisée par l'Assemblée nationale doit, par conséquent, être rejetée : elle est inopportune et présenterait un bien faible degré d'efficacité.
Quant à la possibilité, pour le Conseil constitutionnel, de réexaminer les comptes, modification décidée par l'Assemblée nationale au cours du débat en séance publique, on ne peut que la refuser.
Rappelons le principe. L'article 62 de la Constitution dispose : « Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles. »
Est-il dès lors envisageable, pour le Conseil constitutionnel, de réexaminer une affaire déjà jugée ? La tradition veut qu'une juridiction ne se prononce pas deux fois sur les mêmes faits : c'est l'autorité de la chose jugée.
Au demeurant, le législateur ne doit pas légiférer dans un contexte politique particulier. Or nous sommes bien, aujourd'hui, dans un tel contexte, et le Parlement ne se grandirait pas en votant une telle disposition.
On doit surtout rappeler que seule une révision constitutionnelle peut permettre d'envisager une réforme de ce type.
Plus généralement, à l'Assemblée nationale, un certain nombre de nos collègues députés ont rappelé au Premier ministre son souhait de voir aboutir, après l'adoption du quinquennat, une réforme de nos institutions.
La Constitution de la Ve République, qui a instauré en 1958 un régime parlementaire rationalisé, a évolué en 1962 avec l'élection du Président de la République au suffrage universel direct, sans oublier le fait majoritaire, ce qui permet au Président de légiférer et de décider dans le domaine réglementaire, sans aucune limite.
Chacun sait que la cohabitation ne modifie pas l'équilibre des pouvoirs en faveur du Parlement, le Gouvernement exerçant alors les compétences de l'article 20 de la Constitution en s'appuyant sur une majorité soumise.
Si la démocratie exige des contre-pouvoirs, le Parlement apparaît souvent comme trop timide à l'égard du Gouvernement et comme l'Assemblée nationale trop soumise. Sans qu'il soit nécessaire de modifier la Constitution, le Parlement pourrait jouer un rôle plus actif au sein des pouvoirs publics. L'Assemblée nationale ne joue malheureusement pas le jeu, préférant être un allié docile de l'exécutif. Cela étant, le Sénat dispose malgré tout, de par la Constitution et de par son règlement, d'armes efficaces à l'encontre de l'exécutif, lui permettant d'être un réel contre-pouvoir, une instance de contrôle qui n'est pas simplement vouée à accepter les desiderata du Gouvernement : l'article 88-4, les questions orales avec débat, les questions européennes sont autant de moyens juridiques qu'il peut utiliser pour se faire entendre.
Au demeurant, monsieur le ministre, il suffit de dénombrer les textes déposés sur le bureau des assemblées qui sont marqués du sceau de l'urgence pour douter de la volonté gouvernementale de rehausser la situation du Parlement.
Sous le bénéfice des remarques que j'ai formulées, dans sa grande majorité, le groupe du RDSE votera le texte tel qu'il est proposé par la commission des lois de notre assemblée. Je tiens d'ailleurs à rendre hommage au travail effectué par son rapporteur et par son président : il permettra au Sénat d'adopter des dispositions nuancées, qui ne peuvent qu'être aprouvées par la majorité d'entre nous. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe socialiste approuve, lui aussi, les finalités de ce texte, qui traduit pour l'essentiel des recommandations du Conseil constitutionnel, sur la base de sa riche expérience en matière d'organisation de l'élection présidentielle et de régularité du scrutin.
Outre la prise en compte de ces observations, dans un souci de clarification et de simplification, le projet contient diverses adaptations de notre droit électoral.
Le ministre et le rapporteur ayant excellement présenté l'ensemble des dispositions du texte, je ne ferai qu'évoquer brièvement celles qui appellent quelques réserves de la part de mon groupe, ou simplement de ma part. (Sourires.)
Globalement, la préférence du groupe socialiste va au projet de loi initial - à l'exception d'un point, qui n'est d'ailleurs pas tiré des observations du Conseil constitutionnel et sur lequel je reviendrai tout à l'heure - plutôt qu'au texte qui nous vient de l'Assemblée nationale.
Celle-ci a, en effet, adopté un certain nombre de modifications auxquelles nous ne souscrivons pas. Elle a maintenu l'automaticité du reversement de l'intégralité du montant du dépassement en cas de dépassement des plafonds de dépenses. Notre groupe a déposé un amendement, qui est d'ailleurs identique à celui de la commission, tendant à rétablir le pouvoir du Conseil constitutionnel de fixer, dans la limite du montant du dépassement constaté, la somme que le candidat doit reverser au Trésor public.
S'agissant du remboursement forfaitaire des dépenses de campagne, la commission des lois propose de rétablir la marge d'appréciation offerte par le projet de loi initial au Conseil constitutionnel en cas de méconnaissance de la législation concernant les comptes de campagne, mais en l'encadrant plus strictement puisqu'elle prévoit de rendre cumulatives les deux conditions caractérisant la méconnaissance de ces règles : il faut que cette méconnaissance soit à la fois non intentionnelle et de portée très réduite.
Le groupe socialiste adhère à cette solution. Pour ma part, je défendrai, à titre personnel, un sous-amendement à ce sujet. Il me paraît préférable, en effet, que le texte soit prudent dans sa rédaction.
Bien sûr, nous proposons, nous aussi, la suppression de cet horrible article 3 bis qui institue une procédure de réexamen des comptes de campagne déjà approuvés par le Conseil constitutionnel et qui est tout à fait contraire à l'article 62 de la Constitution.
Enfin, nous suggérons la suppression d'une disposition qui figurait déjà dans le projet de loi initial, monsieur le ministre, mais qui ne fait pas suite à une recommandation du Conseil constitutionnel et qui tend à porter du quart à la moitié du plafond des dépenses électorales le montant des remboursements forfaitaires par l'Etat des dépenses des candidats ayant obtenu plus de 5% des suffrages exprimés.
En commission des lois, mon collègue et ami Robert Badinter a très bien expliqué que cette mesure, s'ajoutant à des plafonds de dépenses excessivement importants, à savoir 95 millions de francs pour chaque candidat et 126 millions de francs pour les candidats figurant au second tour, nous conduirait à des dérives un peu préoccupantes.
Je précise au passage que Robert Badinter regrette de ne pas être présent ce matin : il parcourt le monde à la recherche d'approbations pour la ratification du traité instituant la cour pénale internationale. Il agit donc utilement et, à ma connaissance, n'est pas en train de fêter Halloween.... (Sourires.)
Robert Badinter a fait valoir non seulement que des plafonds de dépenses aussi élevés permettent à des conseils en communication d'établir des budgets de campagne excessifs, comportant des dépenses inutiles, sans que les électeurs s'en trouvent nécessairement véritablement informés - ce qui nous conduit, soit dit entre parenthèses, à l'américanisation des campagnes - mais qu'en outre la fixation du montant maximum du financement public des campagnes à 50 % du plafond des dépenses électorales conduirait à une augmentation substantielle de la participation des contribuables à ces dépenses et permettrait à certains de financer, par exemple, une campagne xénophobe de grande ampleur.

Sur le reste du dispositif, nous n'avons pas de remarques particulières à formuler et les mesures proposées vont dans le bon sens, qu'il s'agisse du report de la date de dissolution de l'association de financement, de l'inscription des frais d'expertise comptable au compte de campagne des candidats, de la levée du secret professionnel auquel sont astreints les agents des administrations fiscales ou de l'élargissement à de nouvelles catégories d'élus de la possibilité de parrainer un candidat.
Bien sûr, il y l'affaire de l'abaissement de vingt-trois à dix-huit ans de l'âge d'éligibilité du Président de la République, proposition qui émane d'ailleurs de l'Assemblée nationale et non pas du Gouvernement, et que la commission des lois nous propose de supprimer.
Ecoutez, mes chers collègues, l'Assemblée nationale a bien le droit de s'amuser ! (Sourires.) Nous l'avons bien fait, nous, la semaine dernière, avec la proposition de loi constitutionnelle du président Poncelet.
L'Assemblée nationale sait certainement que l'éligibilité à dix-huit ans pour la présidence de la République ne verra jamais le jour, comme nous savons que la proposition du président Poncelet, auquel me lie, par ailleurs, une amitié indéfectible, ne verra sans doute jamais vétitablement le jour !
M. Pierre Fauchon, vice-président de la commission. La comparaison relève aussi de l'amusement !
M. Michel Charasse. Laissons quand même aux assemblées la part qui peut revenir aux chansonniers ! ( Nouveaux sourires. )
Cela dit, je comprends que la commission des lois propose la suppression de cette disposition inutile ; je risque même de la voter...
Je me réjouis, monsieur le président, mes chers collègues, qu'un consensus se dégage sur ce texte relatif à l'élection du Président de la République et, surtout dans la période actuelle, qu'un consensus se dégage pour suivre l'esprit et les suggestions du Conseil constitutionnel. Ce sera pour nous une façon de rendre hommage au travail d'une institution avec laquelle il nous arrive souvent d'être en désaccord juridique, mais qui est entièrement inspirée - et sa jurisprudence depuis 1958 le montre - par le souci de rester dans son rôle - contrairement à tant d'institutions juridictionnelles qui rêvent d'en sortir et qui en sortent parfois -, de respecter le suffrage universel, les grands principes de la République et la lettre même de nos institutions.
Evidemment, le travail du Conseil constitutionnel n'est pas très « moderne ». Il ne l'est pas en ce sens qu'il ne suit pas les modes. C'est ce qui explique sans doute les philippiques dont il fait l'objet depuis quelque temps de la part de gens qui sont prêts à tout brader pourvu qu'ils plastronnent à la une des journaux.
Pour eux, en quelque sorte, la mort de la République vaut bien un bref orgasme médiatique, pourvu qu'on trouve un partenaire complaisant. Et, de ce point de vue, Le Monde est toujours là pour les jouissances contre nature... (Sourires. - M. Gélard applaudit.)
Connaissant la mauvaise foi de certains, j'imagine qu'ils ont en réserve les propos que François Mitterrand a pu tenir sur le Conseil constitutionnel dans les années soixante. Je les ai en mémoire, et Daniel Vaillant aussi, puisque nous étions tous deux, à l'époque déjà, compagnons de François Mitterrand. Nous savons donc tous deux que jamais il n'a procédé à des mises en cause personnelles, touchant à l'honneur et à la probité des membres de l'institution. Les critiques étaient juridiques, elles étaient politiques, elles n'étaient jamais personnelles.
Ah ! monsieur le ministre, s'il y avait encore quelques grands principes dans cette République, cela mériterait sans doute des poursuites pénales, sur l'initiative du parquet de Paris. Mais bon, ne rêvons pas ! Pas tout à la fois !
Je précise que les observations que je viens de formuler sont, naturellement, strictement personnelles - je le dis pour ma collègue Dinah Derycke, qui a l'air de s'inquiéter - et qu'elles ne sauraient engager mon groupe, du moins en tant qu'organisation. A titre individuel, au sein du groupe, on aurait des surprises...
Bref, nous voterons le texte, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées socialistes. - M. le vice-président de la commission applaudit également.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.


Article 1er



M. le président.
« Art. 1er. - Le I de l'article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel est ainsi modifié :
« 1° Après le mot : "maires", la fin de la première phrase du deuxième alinéa est ainsi rédigée : ", maires délégués des communes associées, maires des arrondissements de Lyon ou de Marseille, présidents des organes délibérants des communautés urbaines, des communautés d'agglomération ou des communautés de communes ou membres élus du Conseil supérieur des Français de l'étranger ; les ressortissants français membres du Parlement européen peuvent également, dans les mêmes conditions, présenter un candidat à l'élection présidentielle." ;
« 2° Après la première phrase du troisième alinéa, sont insérées deux phrases ainsi rédigées :
« Pour l'application des mêmes dispositions, les ressortissants français membres du Parlement européen sont réputés être les élus d'un même département ou territoire d'outre-mer. Aux mêmes fins, les présidents des organes délibérants des communautés urbaines, des communautés d'agglomération ou des communautés de communes sont réputés être les élus du département auquel appartient la commune dont ils sont délégués. » ;
« 3° Le troisième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Aux mêmes fins, les conseillers régionaux et les conseillers à l'Assemblée de Corse sont réputés être les élus des départements entre lesquels ils sont répartis selon les modalités prévues aux articles L. 293-1 et L. 293-2 du code électoral dans leur rédaction en vigueur à la date de publication de la loi organique n° du modifiant la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel. »
Par amendement n° 1, M. Bonnet, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit cet article :
« Le I de l'article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel est ainsi modifié :
« 1° Après les mots : "des conseils généraux", la fin de la première phrase du deuxième alinéa est ainsi rédigée : "des départements, de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon, du Conseil de Paris, de l'Assemblée de la Polynésie française, du Congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie, de l'Assemblée territoriale des îles Wallis-et-Futuna, maires, maires délégués des communes associées, maires des arrondissements de Lyon et de Marseille ou membres élus du Conseil supérieur des Français de l'étranger." ;
« 2° Après la première phrase du deuxième alinéa, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Les présidents des organes délibérants des communautés urbaines, des communautés d'agglomération ou des communautés de communes et les ressortissants français membres du Parlement européen élus en France peuvent également, dans les mêmes conditions, présenter un candidat à l'élection présidentielle. » ;
« 3° A la fin de la première phrase du troisième alinéa, les mots : "ou territoire d'outre-mer" sont supprimés ;
« 4° Le troisième alinéa est complété par trois phrases ainsi rédigées :
« Pour l'application des mêmes dispositions, les ressortissants français membres du Parlement européen élus en France sont réputés être les élus d'un même département. Aux mêmes fins, les présidents des organes délibérants des communautés urbaines, des communautés d'agglomération ou des communautés de communes sont réputés être les élus du département auquel appartient la commune dont ils sont délégués. Aux mêmes fins, les conseillers régionaux et les conseillers à l'Assemblée de Corse sont réputés être les élus des départements entre lesquels ils sont répartis selon les modalités prévues aux articles L. 293-1 et L. 293-2 du code électoral dans leur rédaction en vigueur à la date de publication de la loi organique n° ..... du ......... modifiant la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 14, présenté par le Gouvernement, et tendant, dans le quatrième alinéa de l'amendement n° 1, à supprimer les mots : « élus en France ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 1.
M. Christian Bonnet, rapporteur. L'article 1er concerne les élus habilités à présenter des candidats à la Présidence de la République.
Il s'agit ici du rattachement départemental des conseillers régionaux et des conseillers à l'Assemblée de Corse, ainsi que de l'extension de la liste des élus habilités à présenter un candidat aux maires d'arrondissement, aux maires délégués des communes associées, aux présidents de certaines structures intercommunales et aux ressortissants français membre du Parlement européen élus en France.
La commission propose par ailleurs l'adaptation des dispositions sur le parrainage des candidats à l'évolution récente ou prévisible du statut des collectivités d'outre-mer : la Nouvelle-Calédonie n'est plus un territoire d'outre-mer et la Polynésie française cesserait d'avoir ce statut après l'adoption de la révision constitutionnelle actuellement en cours.
Telles sont les propositions que la commission se devait de formuler à propos de l'article 1er.
M. le président. La parole est à M. le ministre, pour présenter le sous-amendement n°14 et pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 1.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Le sous-amendement n° 14 vise à supprimer la distinction faite entre les représentants du Parlement européen de nationalité française élus sur le territoire français, qui disposeraient seuls du droit de présenter un candidat à l'élection présidentielle selon l'amendement déposé par M. Bonnet, et ceux qui sont également français mais qui sont élus dans un pays membre de l'Union européenne.
Tous les députés européens français, quel que soit leur lieu d'élection, doivent pouvoir disposer sans discrimination d'un pouvoir de présentation. Il est d'ailleurs à noter que les autres ressortissants français élus ne résidant pas sur le territoire national, comme les membres du Conseil supérieur des Français de l'étranger ou les sénateurs représentant les Français établis hors de France, disposent déjà de ce droit.
L'amendement n° 1 reprend pour l'essentiel les modifications introduites par l'Assemblée nationale en première lecture.
Il tend, d'une part, à indiquer l'intitulé exact des assemblées et des conseils dont les membres sont habilités à présenter des candidats à l'élection présidentielle. Cet éclaircissement apparaît souhaitable dans la mesure où plusieurs réformes institutionnelles récentes, concernant les territoires d'outre-mer ou les collectivités territoriales à statut particulier, ont pu créer de nouveaux organes ou en modifier la dénomination.
Il vise, d'autre part, à introduire une distinction parmi les membres du Parlement européen dans la mesure où seuls les ressortissants français de cette assemblée élus en France pourraient disposer de ce pouvoir de présentation.
Cette disposition fait l'objet du dépôt du sous-amendement par le Gouvernement.
Sous réserve de l'adoption de celui-ci, le Gouvernement est favorable à l'amendement présenté par la commission.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 14 ?
M. Christian Bonnet, rapporteur. La commission n'a pas estimé devoir donner un avis favorable au sous-amendement du Gouvernement.
A mon sens, la représentativité des élus parrainant un candidat est assise sur les suffrages qu'ils ont recueillis auprès des électeurs français.
Vous avez évoqué, monsieur le ministre, les membres du Conseil supérieur des Français de l'étranger qui ne résident pas en France.
Certes, ils ne résident pas en France, mais ils sont élus par des Français. S'agissant des parlementaires européens de nationalité française, dont la commission souhaite qu'ils soient élus en France, il n'y a pas de discrimination - injustifiée dans ce cas qui est d'ailleurs presque un cas d'école puisque, à ma connaissance, il ne concerne que le professeur Duverger, qui est sur une liste italienne - et on peut se référer, à cet égard, à la jurisprudence traditionnelle du Conseil constitutionnel.
« Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes,...
M. Michel Charasse. Montebourg n'est sûrement pas d'accord !
M. Christian Bonnet, rapporteur. ... ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit », a-t-il statué dans une décision toute récente, puisqu'elle date du 27 juillet 2000, à propos de la loi relative à la liberté de communication.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission n'a pas estimé devoir approuver le sous-amendement présenté par le Gouvernement.
M. le président Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 14.
M. Michel Charasse. Je demande la parole contre le sous-amendement.
M. le président La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Je ne voudrais pas faire de peine à mon ami Daniel Vaillant, mais je crois que son sous-amendement n'est pas conforme à la Constitution et risque donc d'être déclaré non conforme.
En effet, mes chers collègues, la règle en matière de présentation des candidats pour l'élection présidentielle veut que les personnes habilitées soient, d'une manière ou d'une autre, des élus du suffrage universel émanant en tout ou partie de la souveraineté nationale française.
Or, le Conseil constitutionnel a déclaré, voilà bien longtemps, que le Parlement européen n'appartient pas à l'ordre institutionnel français de la République française.
Cela veut donc dire que seuls les élus du peuple français peuvent présenter un candidat à l'élection présidentielle. Sinon, monsieur le ministre, pourquoi ne pas aller chercher à travers le monde tous les élus ayant, par exemple, la double nationalité et qui peuvent parfaitement se trouver, en Argentine ou ailleurs, maires de leur commune ou membres d'une assemblée provinciale ?
Je vois bien ce que souhaite faire le Gouvernement, mais je crois que ce n'est pas conforme à la Constitution, et c'est la raison pour laquelle je ne peux pas, à mon grand regret, voter ce sous-amendement qui, à mon avis, pourrait poser de très graves problèmes.
De toute façon, il ne passera pas la barre du Conseil constitutionnel.
Cela donnera à M. Montebourg l'occasion de faire un deuxième article ! Mais ce n'est pas grave... (Sourires).
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 14, repoussé par la commission.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Dans ces conditions, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat concernant l'amendement n° 1.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 1er est ainsi rédigé.

Article 2



M. le président.
« Art. 2. - Les trois premiers alinéas du II de l'article 3 de la même loi sont remplacés par six alinéas ainsi rédigés :
« Les opérations électorales sont organisées selon les règles fixées par les articles L. 1er, L. 2, L. 5 à L. 7, L. 9 à L. 21, L. 23, L. 25, L. 27 à L. 45, L. 47 à L. 52-2, L. 52-4 à L. 52-11, L. 52-12, L. 52-16, L. 53 à L. 55, L. 57 à L. 78, L. 85-1 à L. 111, L. 113 à L. 114, L. 116, L. 117, L. 199, L. 200, L. 202 et L. 203 du code électoral dans leur rédaction en vigueur à la date de publication de la loi organique n° du précitée, sous réserve des dispositions suivantes :
« Le plafond des dépenses électorales prévu par l'article L. 52-11 est fixé à 13,7 millions d'euros pour un candidat à l'élection du Président de la République. Il est porté à 18,3 millions d'euros pour chacun des candidats présents au second tour.
« Les personnes physiques ne peuvent, dans le cadre de l'application des dispositions de l'article L. 52-8 du code électoral, accorder des prêts et avances remboursables aux candidats.
« Les frais d'expertise comptable liés à l'application de l'article L. 52-12 du code électoral sont inscrits dans le compte de campagne.
« Le compte de campagne et ses annexes sont adressés au Conseil constitutionnel dans les deux mois qui suivent le tour de scrutin où l'élection a été acquise. Le Conseil constitutionnel dispose des pouvoirs prévus au premier, au quatrième et au dernier alinéas de l'article L. 52-15 et à l'article L. 52-17 du code électoral.
« Pour l'application des dispositions du quatrième alinéa de l'article L. 52-5 et du quatrième alinéa de l'article L. 52-6 du code électoral, le délai pour la dissolution de plein droit de l'association de financement électoral et pour la cessation des fonctions du mandataire financier est fixé à un mois à compter de la publication des décisions du Conseil constitutionnel prévue au troisième alinéa du III du présent article. »
Par amendement n° 2, M. Bonnet, au nom de la commission, propose, dans le deuxième alinéa de cet article, de remplacer les références : « L. 27 à L. 45 » par les références : « L. 27 à L. 43, L. 45, ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet, rapporteur. Si vous le permettez, monsieur le président, je souhaiterais présenter également l'amendement n° 3, dont l'objet est voisin.
M. le président. J'appelle donc également en discussion l'amendement n° 3, présenté par M. Bonnet, au nom de la commission, et tendant, dans le deuxième alinéa de l'article 2, après la référence : « L. 117 », à insérer la référence : « L.O. 127 ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre les amendements n°s 2 et 3.
M. Christian Bonnet, rapporteur. Ces amendements n°s 2 et 3 visent l'un et l'autre à écarter la possibilité ouverte aux jeunes de dix-huit ans de se porter candidats à la présidence de la République.
Sous une forme un peu ésotérique, ces deux amendements ont pour effet de maintenir à vingt-trois ans l'âge d'éligibilité du Président de la République. Très bon sujet pour les étudiants en sciences politiques... (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 2 et 3 ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Ces amendements restaurent le dispositif du projet de loi organique initial, qui prévoyait de maintenir à vingt-trois ans l'âge d'éligibilité du Président de la République, ce qui correspond aussi à l'âge requis pour être élu député à l'Assemblée nationale et au Parlement européen.
Je rappelle, en effet, que si la loi du 5 avril 2000, relative à la limitation du cumul des mandats et des fonctions électives, a ramené à dix-huit ans l'âge requis pour être élu conseiller général, conseiller régional ou maire, ce même texte a maintenu à vingt-trois ans l'âge d'éligibilité au Parlement européen.
De même, la loi organique du 5 avril 2000 relative aux incompatibilités entre mandats électoraux a maintenu à vingt-trois ans l'âge d'éligibilité des députés, celui des sénateurs restant fixé à trente-cinq ans.
Pour trancher cette question de l'âge d'éligibilité, le Gouvernement s'en remet à la sagesse des parlementaires...
M. Pierre Fauchon, vice-président de la commission. Sagesse à l'égard d'un manque de sagesse à l'Assemblée nationale !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 2.
M. Louis Moinard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Moinard.
M. Louis Moinard. Simple question pratique : si l'âge d'éligibilité du Président de la République était ramené à dix-huit ans, s'agirait-il de l'âge au jour du scrutin ou au moment du dépôt de la candidature ?
Dans le premier cas, le candidat déposerait sa candidature alors qu'il n'est pas majeur et devrait donc obtenir l'autorisation de ses parents, civilement responsables ! ( Rires. )
M. Pierre Fauchon, vice-président de la commission. Cela ne dérange pas nos collègues !
M. Michel Charasse. L'Assemblée nationale est au-dessus de ce genre de détail !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2.
M. Robert Bret. Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3.
M. Robert Bret. Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 4, M. Bonnet, au nom de la commission, propose, dans le deuxième alinéa de l'article 2, de remplacer les mots : « L. 203 » par les mots « L. 203, L. 385 à L. 387, L. 389 et L. 393 ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet, rapporteur. Encore un sujet qui pourra intéresser les élèves de Sciences Po : il s'agit d'intégrer, parmi les dispositions du code électoral applicables à l'élection présidentielle, celles qui sont relatives à l'outre-mer, introduites dans ce code par l'ordonnance du 19 avril 2000.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. L'amendement n° 4 a pour objet d'intégrer dans les règles applicables à l'élection du Président de la République certaines dispositions de l'ordonnance n° 2000-350 du 19 avril 2000 portant actualisation et adaptation du droit électoral applicable outre-mer et récemment insérées dans le code électoral.
Le Gouvernement est donc favorable à l'adoption de cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 5 est présenté par M. Bonnet, au nom de la commission.
L'amendement n° 10 est présenté par M. Charasse et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Tous deux tendent à insérer, après l'avant-dernier alinéa de l'article 2, un alinéa ainsi rédigé : « Dans les cas mentionnés au dernier alinéa de l'article L. 52-15 du code électoral, le Conseil constitutionnel fixe, dans la limite du montant du dépassement constaté, la somme que le candidat est tenu de verser au Trésor public. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 5.
M. Christian Bonnet, rapporteur. Cet amendement tend à rétablir la disposition initiale supprimée par l'Assemblée nationale et qui permet au Conseil constitutionnel, en cas de dépassement du plafond de dépenses, de fixer la somme que le candidat devrait verser au Trésor public.
Il a semblé à la commission qu'un minimum de souplesse s'imposait, étant observé, et c'est important, que le texte ne permet pas au Conseil constitutionnel de dispenser de tout versement un candidat ayant dépassé le plafond.
Le pouvoir d'appréciation porte non pas sur le principe du versement, mais sur son montant.
M. le président. La parole est à M. Charasse, pour défendre l'amendement n° 10.
M. Michel Charasse. Cet amendement est exactement le même que celui de la commission, et je vais d'ailleurs le retirer.
Je me bornerai à dire que je ne vois pas très bien qui d'autre que le Conseil constitutionnel peut fixer le montant du remboursement.
Par conséquent, que l'Assemblée nationale ait supprimé cette disposition me paraît un peu incohérent.
M. le président. L'amendement n° 10 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 5 ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Comme vous venez de le dire, monsieur le rapporteur, l'amendement n° 5 prévoit de réintroduire dans le texte la disposition du projet de loi organique initial tendant à octroyer au Conseil constitutionnel un pouvoir d'appréciation dans l'application de l'article L. 52-15 du code électoral.
Cette disposition, qui n'exclut nullement qu'un candidat qui aurait dépassé le plafond des dépenses électorales ait à reverser au Trésor public le montant de ce dépassement, vise uniquement à conférer au Conseil constitutionnel un pouvoir de modulation quant au montant à rembourser.
Cette faculté est justifiée par la nature et l'étendue de la campagne et par l'importance des sommes éventuellement en cause.
Il convient enfin de noter qu'il n'est pas normal, s'agissant de l'élection présidentielle, pour laquelle le Conseil constitutionnel est à la fois juge des comptes et juge de l'élection, de reconnaître à celui-ci un pouvoir d'appréciation de la bonne foi du candidat, pouvoir dont dispose le juge administratif pour les autres élections.
Le Gouvernement attire toutefois l'attention du Sénat sur le fait que l'amendement adopté par l'Assemblée nationale en première lecture tendait à aligner sur ce point l'élection présidentielle sur les autres élections.
Dans ces conditions, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Parlement, car il pense qu'il faudra trouver une éciture commune sur ces matières, et il souhaite vivement que l'on y parvienne.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5.
M. Robert Bret Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2, modifié.

(L'article 2 est adopté.)

Article 3



M. le président.
« Art. 3. - Le troisième alinéa du III de l'article 3 de la même loi est ainsi modifié :
« 1° Dans la première et la troisième phrases, les mots "troisième alinéa" sont remplacés par les mots : "cinquième alinéa" ;
« 2° La deuxième phrase est supprimée ;
« 3° L'alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les agents de l'administration des impôts sont déliés du secret professionnel à l'égard des membres du Conseil constitutionnel et de ses rapporteurs adjoints à l'occasion des enquêtes qu'ils effectuent pour contrôler les comptes de campagne des candidats à l'élection du Président de la République. » - (Adopté.)

Article 3 bis



M. le président.
« Art. 3 bis. - Le III de l'article 3 de la même loi est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque, dans le cadre d'une procédure judiciaire, des faits relatifs aux dépenses électorales d'un candidat apparaissent, le parquet en informe le Conseil constitutionnel. Si ce dernier a déjà rendu, depuis moins de trois ans, sa décision sur le compte de campagne dudit candidat, sur le fondement des alinéas précédents, et qu'il estime que ces faits sont de nature à modifier sa décision, il procède au réexamen de ce compte. A l'issue de ce nouvel examen, s'il constate un dépassement du plafond prévu au deuxième alinéa du II du présent article, les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 52-15 du code électoral sont applicables. En outre, si le candidat a bénéficié du remboursement total ou partiel des dépenses retracées dans son compte de campagne, il est tenu de le reverser au Trésor public. Cette somme est recouvrée comme les créances de l'Etat étrangères à l'impôt et au domaine. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 6 est présenté par M. Bonnet, au nom de la commission.
L'amendement n° 11 est déposé par M. Charasse et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Tous deux tendent à supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 6.
M. Christian Bonnet, rapporteur. M. Charasse a eu, me semble-t-il, un qualificatif pour évoquer la disposition adoptée par l'Assemblée nationale : « horrible »...
M. Michel Charasse. Je n'ai pas trouvé d'autre mot !
M. Christian Bonnet, rapporteur. En réalité, l'article 3 bis tel qu'il nous vient de l'Assemblée nationale prévoit la possibilité d'un réexamen d'un compte de campagne malgré son approbation par le Conseil constitutionnel.
Je l'ai dit, de nombreux arguments pourraient être avancés pour démontrer qu'une telle disposition n'est pas raisonnable. Cependant, entre « raisonnable » et « constitutionnelle », il y a une très grande différence. Le fait que cette mesure soit contraire à l'article 62 de la Constitution apparaît dirimant.
S'agirait-il, pour le parquet, de transmettre des faits dans le cas d'une éventuelle remise en cause d'une décision qui, pourtant, s'impose à toutes les juridictions ? S'agirait-il d'une autosaisine du Conseil constitutionnel, que nous, législateur organique, n'avons absolument pas la possibilité d'instituer ?
La commission des lois a estimé qu'il était de beaucoup préférable d'améliorer les conditions du contrôle du Conseil constitutionnel, ce à quoi la haute instance s'est elle-même attachée dans ses recommandations du 22 juin dernier. M. le président. La parole est à M. Charasse, pour présenter l'amendement n° 11.
M. Michel Charasse. Je n'avancerai pas des arguments très différents de ceux qui ont été développés par la commission des lois, que j'approuve d'ailleurs.
Moi, je crois que, sur l'article 3 bis , le Conseil constitutionnel a déjà donné une réponse puisque, dans sa décision du 12 juillet 2000, que M. le ministre connaît bien car elle concerne les élections à Paris, le Conseil constitutionnel a déclaré : « Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article 62 de la Constitution les décisions du Conseil consititutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours et qu'aucune disposition de la Constitution ne prévoit de recours en révision contre ses décisions... ». Cela veut dire que la loi organique, qui est inférieure à la loi constitutionnelle, ne saurait créer une procédure qui ne peut l'être que par la Constitution, et qui serait d'ailleurs une procédure abominable sur le plan des principes. Je n'insiste pas.
J'ajoute que l'auteur de cet amendement, tout emporté par sa passion et, peut-être, par la haine qu'il voue à l'institution, bien qu'étant avocat - mais on n'est pas forcément bon juriste quand on est avocat, les avocats qui siègent au Sénat m'excuseront puisque ce n'est plutôt pas leur cas... mais passons... - a oublié que, si une procédure judiciaire est en cours, celle-ci peut aboutir, indépendamment de la décision du Conseil constitutionnel, à une condamnation pénale, éventuellement assortie d'une inéligibilité.
Mais il ne faut pas mélanger les deux procédures : l'une est une procédure administrative, qui juge le compte de campagne ; l'autre est la procédure pénale. Si des éléments ont échappé au Conseil constitutionnel le jour où il a approuvé les comptes, la justice, elle, n'est pas soumise aux mêmes contraintes ni aux mêmes délais et, surtout, elle a des moyens de coercition dont le Conseil constitutionnel ne dispose pas.
Par conséquent, l'article 3 bis , s'il devait être maintenu, serait annulé sans pitié par le Conseil constitutionnel, et sans même que les membres du Conseil aient besoin d'avoir une pensée tendre ou « vacharde » pour son auteur.
Cela étant dit, je retire l'amendement n° 11, car c'est le même que celui qui a été présenté par la commission.
M. le président. L'amendement n° 11 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 6 ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Cet amendement vise à supprimer l'article 3 bis, qui résulte d'un amendement adopté en première lecture à l'Assemblée nationale.
Cet article permet au Conseil constitutionnel de procéder, s'il le souhaite, au réexamen du compte de campagne d'un candidat à l'élection présidentielle lorsque des faits nouveaux apparus dans le cadre d'une procédure judiciaire lui ont été communiqués par le parquet. En cas de réexamen, si le Conseil constitutionnel constate un dépassement du plafond des dépenses électorales, il doit exiger le reversement au Trésor public du montant en cause ainsi que la restitution, par le candidat, du remboursement forfaitaire.
Ce dispositif ne manque pas de soulever plusieurs difficultés. Je ne citerai que les deux plus sérieuses.
Du point de vue constitutionnel, l'article 62 de la Constitution et la jurisprudence du Conseil constitutionnel semblent exclure toute possibilité de révision des décisions rendues par celui-ci, à l'exception, bien sûr, de la procédure de révision pour correction d'erreur matérielle.
Par ailleurs, le dispositif retenu ne prévoit la transmission des faits nouveaux au Conseil constitutionnel que dans le cas d'une procédure judiciaire. Le parquet étant seul juge de l'opportunité des poursuites, ce dispositif risque d'entraîner une inégalité de traitement entre les candidats.
Pour ces raisons, le Gouvernement s'en remet, là encore, à la sagesse du Parlement... n'ignorant pas le vote que vous allez maintenant émettre.
M. Christian Bonnet, rapporteur. Et celui que l'Assemblée nationale a émis, puisque vous avez, pour la troisième fois, parlé de la sagesse du « Parlement » !
M. Michel Charasse. C'est un grand ministre !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 3 bis est supprimé.

Article 4



M. le président.
« Art. 4. - Le V de l'article 3 de la même loi est ainsi modifié :
« 1° Au deuxième alinéa, les mots : "d'un million de francs" sont remplacés par les mots : "de 153 000 euros" ;
« 2° Au troisième alinéa, les mots : "au quart dudit plafond" sont remplacés par les mots : "à la moitié dudit plafond" ;
« 3° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Le remboursement forfaitaire prévu à l'alinéa précédent n'est pas accordé aux candidats qui ne se sont pas conformés aux prescriptions des deuxième et cinquième alinéas du II ci-dessus ou à ceux dont le compte de campagne a été rejeté. »
Par amendement n° 12, M. Badinter et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de supprimer le troisième alinéa (2°) de cet article.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Cet amendement vise à supprimer le troisième alinéa, c'est-à-dire le 2°, de l'article 4. Il s'agit de supprimer la modification, qui n'a pas été suggérée par le Conseil constitutionnel - c'est le point auquel je faisais allusion tout à l'heure, mais qui se retrouve dans ce projet de loi - portant du quart à la moitié du plafond la somme qui est remboursée aux candidats qui obtiennent plus de 5 % du total des suffrages exprimés au premier tour de l'élection présidentielle.
Notre collègue M. Badinter a exposé longuement à la commission des lois combien il était préoccupé, tout comme mes amis du groupe socialiste, par cette disposition. D'abord, celle-ci générerait un coût supplémentaire très élévé, alors que l'élection présidentielle coûte bien cher, et nous conduirait vers des excès tout à fait fâcheux.
M. Robert Badinter a souligné, à juste titre, que nous favorisons le coût toujours accru des campagnes électorales - l'américanisation en quelque sorte - au détriment du contribuable, sans qu'il en résulte un réel progrès pour la démocratie.
Cette disposition favorise les candidats peu représentatifs, c'est-à-dire ceux que l'on appelle les « petits candidats », qui, souvent, « polluent » beaucoup le scrutin, et, surtout, les candidats « sans espoir », qui utilisent l'argent du contribuable pour se payer à bon compte une campagne qui n'a rien à voir avec l'élection présidentielle, raciste, xénophobe, violente, extrémiste... tout ce que vous voudrez.
Par conséquent, l'amendement proposé, sur l'initiative de M. Badinter, par le groupe socialiste vise tout simplement à maintenir la situation existante, sans aller l'aggraver.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Christian Bonnet, rapporteur. La commission a entendu M. Badinter, qui, avec le talent qui est le sien et ce brin de passion qui nous incite à toujours l'écouter avec intérêt, s'est opposé à l'augmentation du plafond de remboursement des dépenses. Ce plafond, fixé par la loi à 25 % et qui avait été porté, à titre dérogatoire, pour des raisons circonstancielles, à 36 % en 1995, devrait, aux termes du projet de loi qui nous est soumis, s'élever à 50 %, par analogie avec le pourcentage qui est retenu pour l'ensemble des scrutins politiques.
Cette question a donné lieu en commission à un large débat. En effet, le sujet n'est pas indifférent.
A titre personnel, je ne suis pas enclin à amplifier inconsidérément les dépenses, ceux qui me connaissent le savent bien. Il n'en reste pas moins que, en l'occurrence, il faut considérer les chiffres.
Si l'amendement de M. Badinter était retenu, cela donnerait - et la précision est importante, je le dis à M. Charasse, qui parle des candidats plus ou moins « fantaisistes » ; il n'a pas employé ce terme, mais c'est un peu ceux qu'il visait -...
M. Michel Charasse. Vous lisez bien dans mes pensées, monsieur le rapporteur !
M. Christian Bonnet, rapporteur. N'est-il pas ?
Cette possibilité de remboursement concerne les candidats qui ont obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés.
M. Michel Charasse. Montebourg, candidat !
M. Christian Bonnet, rappporteur. L'amendement de M. Badinter vise à maintenir le taux de 25 %, c'est-à-dire non pas le taux de 1995, mais le taux de 1988. Avec ce taux, on aboutit, pour les candidats au premier tour qui ont obtenu plus de 5 % des suffrages exprimés, à 23 590 000 francs et, pour les deux candidats qui figurent au second tour, à 31 510 000 francs, somme qui apparaît relativement faible, même aux yeux de ceux qui ont horreur de ce type de dépenses, et j'en suis.
En appliquant les dispositions dérogatoires retenues pour l'élection présidentielle de 1995, on aboutirait à 32 400 000 francs pour les candidats du premier tour et à 43 200 000 francs pour les candidats du second tour.
La commission a été sensible au fait de permettre à des personnes qui n'ont pas beaucoup de moyens de se faire rembourser. Imaginez qu'un candidat ayant obtenu 5 % des suffrages exprimés, c'est-à-dire qui a retenu l'attention d'un nombre non indifférent d'électeurs, ait dépensé 200 000 francs. Il est plus intéressant pour lui de recevoir, au titre du remboursement, 100 000 francs que 50 000 francs. C'est une des raisons qui ont amené la commission à ne pas retenir l'argumentation de M. Badinter aboutissant à l'amendement n° 12.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. L'amendement n° 12, présenté par M. Badinter et défendu par M. Michel Charasse, appelle, de la part du Gouvernement, à peu près les mêmes remarques que celles de M. le rapporteur.
Cet amendement a pour objet de supprimer la modification du plafond de remboursement des dépenses électorales pour un candidat ayant obtenu plus de 5 % des suffrages, que le projet de loi prévoit de porter de 25 % à 50 %. Le taux de remboursement actuellement en vigueur, à savoir 25 %, n'a jamais été appliqué à l'élection présidentielle puisque la dernière élection présidentielle s'est déroulée sous un régime transitoire, avec un taux de remboursement de 36 %.
M. Michel Charasse. Oui !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Ce taux dérogatoire était justifié par le fait que, la loi du 19 janvier 1995 ayant été adoptée moins de quatre mois avant l'élection présidentielle, l'interdiction des dons des personnes morales n'avait pu s'appliquer, puisque les candidats avaient commencé à recueillir de tels dons.
M. Christian Bonnet, rapporteur. Voilà !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. De plus, le montant du plafond des dépenses de campagne ayant été abaissé en 1995, le taux transitoire de 36 % permettait de maintenir le montant des remboursements en valeur absolue. Si le taux de remboursement par l'Etat était maintenu à 25 %, il serait alors inférieur à celui qui était pratiqué en 1995, alors même que des dons d'entreprises avaient pu être recueillis à l'occasion de cette élection.
Le maintien d'une telle disposition favoriserait par ailleurs les candidats qui disposent d'une fortune personnelle ou du soutien d'un parti politique capable de prendre à sa charge une part prépondérante des défenses de campagne. Le surcoût de cette mesure doit être apprécié au regard de cette réalité financière plus large qui démontre que tous les candidats ne seraient pas en mesure de mener une campagne nationale sous un tel régime.
Par ailleurs, ce taux de 25 % est inférieur de moitié à celui qui est retenu pour toutes les autres élections. Or, le souci d'harmonisation du droit et d'application du même régime à toutes les élections conduit le Gouvernement à demander la suppresion de cette minoration qui n'a plus aucune raison légitime de subsister, et donc à porter le taux à 50 % pour les seuls candidats ayant obtenu plus de 5 % des suffrages. Comme vous le souligniez à l'instant, monsieur le rapporteur, ce pourcentage n'est pas minime au regard de la population française et des électeurs inscrits - je réponds ainsi à M. Charasse.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. Pierre Fauchon, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission.
M. Pierre Fauchon, vice-président de la commission. A l'appui des propos qui ont été tenus et au-delà des analyses chiffrées auxquelles a procédé M. le rapporteur, je crois devoir attirer l'attention du Sénat sur la signification de la mesure qui est proposée par M. Badinter, laquelle m'étonne d'ailleurs venant de sa part et de ses collègues. Si j'osais, je qualifierais cet amendement d'« oligarchique », car il réserverait à ceux qui ont des moyens ou des « amis » - et vous et vos collègues devez être attentifs à ce point, monsieur Charasse, surtout vous, si j'ose dire - la possibilité de se lancer dans l'aventure d'une campagne présidentielle.
L'élection du Président de la République au suffrage universel est un fait : c'est, que l'on s'en réjouisse ou qu'on le regrette - la question, à mon avis, reste entière -, le fait dominant de notre vie publique.
Est-il normal que, dans ce fait dominant de notre vie publique, interviennent non seulement les personnes porteuses des gros bataillons électoraux traditionnels et enrégimentés de la politique officielle, mais aussi des personnes porteuses de messages sans doute particuliers, éventuellement surprenants, mais qui ouvrent peut-être les voies de l'avenir ? Ce ne sont pas forcément des fous ; ce sont quelquefois des personnes ayant raison avant d'autres, ou mettant l'accent sur certains aspects des problèmes sur lesquels on n'attire pas suffisamment l'attention. Nous savons combien les vérités sont quelquefois extrêmement minoritaires dans le suffrage universel. Il est néanmoins nécessaire qu'elles s'expriment, et il est légitime que ceux qui souhaitent les exprimer dans ce grand rendez-vous démocratique qu'est l'élection présidentielle puissent le faire.
Il faut, certes, nous mettre à l'abri des « originaux ». Mais, pour obtenir 5 % des suffrages exprimés, ce qui n'est pas rien, il faut tout de même drainer un certain courant de confiance et obtenir le nombre de signatures requises. Il faut aussi avancer l'argent, que l'on n'est pas obligé de dépenser en totalité. Par conséquent, nous sommes assurés de ne pas aider des candidatures ridicules.
Par conséquent, allons-nous, spécialement pour cette élection, abaisser le taux de remboursement à un niveau inférieur à ce qu'il est pour les autres élections et pratiquer ainsi une discrimination au détriment de ce grand rendez-vous démocratique ?
Cet amendement, je le répète, me semble avoir un côté un peu oligarchique qui m'étonne. La commission l'a également ressenti ainsi. Par conséquent, considérant qu'il ne faut pas pratiquer de discriminations, elle émet un avis défavorable sur ce texte.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 12.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. J'ai bien entendu ce qu'ont dit le rapporteur, le ministre et le vice-président de la commission des lois. Je ne me suis sans doute pas exprimé d'une façon suffisamment explicite tout à l'heure.
Je ne méconnais pas que le dispositif proposé sur l'initiative de M. Badinter, par sa brutalité, peut conduire effectivement aux observations que nous avons entendues ce matin. Mais, mes chers collègues, je souhaiterais vraiment que la question soit également posée à l'Assemblée nationale et fasse l'objet, dans cette assemblée, d'un débat qui serait, à mon avis, aussi utile qu'ici. Or, pour ce faire, l'amendement n° 12 doit être adopté.
M. Pierre Fauchon, vice-président de la commission. Il est malin !
M. Michel Charasse. Comme je l'ai dit dans la discussion générale tout à l'heure, nous ne sommes pas, par principe, contre ce qu'on appelle les « petits candidats », même si cette appellation peut être péjorative. Et M. Fauchon a raison de dire qu'on ne peut pas « gélifier » complètement la situation en empêchant toute émergence d'idées nouvelles, de thèmes nouveaux, etc.
Mais le problème n'est pas là ! Ce qui me paraît tout à fait choquant, en effet, c'est que les contribuables financent certains candidats qui, au regard des principes de la République, tiennent un discours tel qu'ils ne sont pas dignes de participer à l'élection présidentielle.
M. Robert Bret. C'est encore une autre question !
M. Pierre Fauchon, vice-président de la commission. Formule redoutable !
M. Michel Charasse. Je vous avouerai franchement que le contribuable que je suis est gêné d'être amené à financer un certain nombre de choses !
Monsieur Fauchon, l'adoption de cet amendement n° 12 présenterait, à mon avis, un intérêt pour la navette, car l'article 4 de la Constitution stipule que « les partis et groupements politiques... exercent leur activité librement », mais qu'« ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie ». Pourquoi ne pas imposer la même règle aux candidats, s'agissant de leurs thèmes de campagne, étant entendu que, dans ce cas, il faudrait au moins qu'une disposition de la loi organique assure une coordination avec l'article 4 ? On n'empêcherait pas les candidats ne respectant pas les principes sus-mentionnés de se présenter, mais on ne les rembourserait pas, ce qui n'est pas tout à fait la même chose...
M. Pierre Fauchon, vice-président de la commission. L'oligarchie se renforce...
M. Michel Charasse. Non, pas l'oligarchie ! Il est quand même extraordinaire de voir comment, lorsque la liberté dans un pays n'est pas menacée, les hommes publics sont parfois naïfs et confiants sur des questions essentielles qui touchent à sa préservation. Comme si nous n'avions pas été vaccinés tout au long du xxe siècle à force de voir surgir l'inattendu auquel personne ne pensait. Je crois, monsieur Fauchon, que, comme l'a dit François Mitterrand, « il n'est pas de bonnes blessures pour la liberté ; toutes sont mortelles ». Par conséquent, je me méfie d'un certain nombre de discours et de la complaisance avec laquelle on les accueille, compte tenu de l'influence de ce que j'appellerai « les temps modernes » sur l'esprit public.
M. Christian Bonnet, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet, rapporteur. Je suis étonné d'entendre M. Charasse développer un thème qui me paraît être celui d'une censure, celui de « la » censure.
M. Michel Charasse. Mais comment interprétez-vous l'article 4 de la Constitution ?
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 12, repoussé par le Gouvernement et par la commission.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 7, M. Bonnet, au nom de la commission, propose de rédiger ainsi le texte présenté par le III de l'article 4 pour le dernier alinéa du V de l'article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 :
« Le remboursement forfaitaire prévu à l'alinéa précédent n'est pas accordé aux candidats qui ne se sont pas conformés aux prescriptions des deuxième et cinquième alinéas du II ci-dessus ou à ceux dont le compte de campagne a été rejeté, sauf décision contraire du Conseil constitutionnel dans les cas où la méconnaissance des dispositions applicables serait non intentionnelle et de portée très réduite. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 13, présenté par M. Charasse, et tendant, à la fin du dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 7, à remplacer les mots : « non intentionnelle et de portée très réduite » par les mots : « non intentionnelle ou de portée très réduite ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 7.
M. Christian Bonnet, rapporteur. Cet amendement concerne le pouvoir d'appréciation du Conseil constitutionnel sur les conséquences, au regard du droit au remboursement forfaitaire par l'Etat, d'une méconnaissance de la législation concernant les comptes de campagne.
La disposition proposée à l'article 4 du projet de loi initial, rejetée par l'Assemblée nationale, a été recommandée par le Conseil constitutionnel pour éviter de le conduire à prendre des décisions dont les effets seraient « disproportionnés, contraires à l'équité ».
Actuellement, un compte de campagne qui n'a pas été déposé dans les conditions et délais requis ou qui a été rejeté, tout comme un dépassement de plafond de dépenses, entraîne la privation de la totalité du financement public de la campagne, hors campagne officielle, sans que le Conseil constitutionnel puisse porter une quelconque appréciation.
En d'autres termes, faute de toute marge d'appréciation, une infraction à la législation sur le financement des campagnes entraîne la privation de la totalité du financement public, lequel peut atteindre, pour un candidat ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés, la somme de 47 millions de francs et, pour chacun des deux candidats présents au second tour, 63 millions de francs.
Le projet de loi initial aménage une marge d'appréciation. L'Assemblée nationale a écarté l'institution de tout pouvoir d'appréciation, et la commission des lois du Sénat, après en avoir très largement délibéré, a considéré que, s'il convenait, certes, de tenir compte des caractéristiques particulières de l'élection présidentielle, organisée à l'échelle de l'ensemble du territoire national et non d'une circonscription locale, il convenait cependant de fixer la marge d'appréciation dans des limites plus strictes que celles qu'avait prévues le Gouvernement dans la rédaction initiale. Elle propose donc de substituer les mots : « non intentionnelle et de portée très réduite » aux mots : « non intentionnelle ou de portée très réduite ». Ces conditions seraient alors cumulatives et non plus simplement alternatives, et il appartiendrait au Conseil constitutionnel de fixer la part des dépenses prise en charge, dans la limite fixée par la loi.
M. le président. La parole est à M. Charasse, pour présenter le sous-amendement n° 13.
M. Michel Charasse. Au fond, c'est une querelle entre le « et » et le « ou », à la fin de l'amendement n° 7.
M. le président. Querelle aussi ancienne que le droit !
M. Michel Charasse. En effet, la commission des lois propose, à une différence près, de rétablir la fin du texte présenté dans le projet de loi initial, pour le dernier alinéa du V de l'article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962, supprimée par l'Assemblée nationale : en effet, alors que le projet de loi initial, qui découlait des observations et des suggestions du Conseil constitutionnel, se référait au rejet du compte de campagne dans les cas où la méconnaissance des dispositions relatives au financement serait « non intentionnelle ou de portée très réduite », la commission des lois vise, quant à elle, les cas où cette méconnaissance serait « non intentionnelle et de portée très réduite ». Par conséquent, le texte initial prévoyait l'une ou l'autre condition, alors que le texte résultant des travaux de la commission fait référence à deux conditions cumulatives.
Je ne comprends pas pourquoi l'on souhaite réduire à ce point la marge d'appréciation du Conseil constitutionnel alors que le Conseil d'Etat, quant à lui, a, pour d'autres élections, une marge d'appréciation absolument totale, celle-ci lui permettant de retenir à la fois le caractère intentionnel ou pas et la portée très réduite ou pas. Si l'amendement n° 7 est adopté en l'état, la méconnaissance devra donc être non intentionnelle et de portée très réduite, ce qui restreindra la compétence du Conseil constitutionnel.
Mes chers collègues, je pense que le Conseil constitutionnel, compte tenu des attaques qu'il subit depuis quelque temps - et pas seulement hier dans Le Monde - sera particulièrement rigoureux lors de la prochaine élection présidentielle au point, si cet amendement est adopté, de rejeter le compte de campagne, même si la portée est extrêmement réduite, s'il trouve si peu que ce soit quelque chose d'intentionnel.
Je prendrai un exemple simple : imaginez qu'un Président de la République soit candidat à sa propre réélection et qu'un Premier ministre soit candidat à l'élection présidentielle.
M. Christian Bonnet, rapporteur. Pure hypothèse de travail !
M. Roger Lagorsse. Hypothèse d'école !
M. Michel Charasse. Pure hypothèse !
Chacun est dans sa voiture de fonction, et la permanence électorale téléphone : on utilise le téléphone de la voiture ; on rentre d'urgence à son bureau, car il faut réagir très vite, et, comme on n'a pas la possibilité de se rendre à sa permanence, on utilise le fax du bureau. Cela se sait...
C'est intentionnel, puisqu'on l'a fait sciemment, en sachant très bien qu'on utilisait non pas le téléphone payé sur le compte de campagne, mais celui de la fonction.
C'est certes de portée très réduite, mais, comme c'est intentionnel, le Conseil constitutionnel rejettera le compte de campagne. Et ce n'est pas un cas d'école, parce que, à mon avis,...
M. Hilaire Flandre. Ça va arriver !
M. Michel Charasse. ... cela peut arriver, et tout le monde sera très vigilant, surtout que l'on a reproché au Conseil constitutionnel la bienveillance dont il aurait pu faire preuve à l'occasion du jugement sur certains comptes de campagne des précédentes élections présidentielles.
Par conséquent, mes chers collègues, il n'était pas innocent que le projet initial comporte le mot : « ou ».
Et je préférerais, pour être complètement rassuré et pour donner au Conseil constitutionnel la même marge d'appréciation que celle dont dispose le Conseil d'Etat pour d'autres élections, que l'on en revienne purement et simplement au texte initial, afin d'éviter des retours de bâton que, les uns et les autres, nous pourrions regretter.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement ?
M. Christian Bonnet, rapporteur. La commission a, tout naturellement, émis un avis défavorable sur ce sous-amendement, dans la mesure où il est contraire à l'amendement qu'elle a défendu.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement et sur le sous-amendement ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Le Gouvernement est favorable à l'amendement et, du coup, défavorable au sous-amendement.
L'amendement tend à réintroduire, tout en l'aménageant, une disposition figurant dans le projet de loi organique initial et qui confère au Conseil constitutionnel un pouvoir d'appréciation pour l'application de la règle selon laquelle le remboursement forfaitaire des dépenses de campagne n'est pas effectué aux candidats qui ont dépassé le plafond des dépenses qui ont adressé leur compte de campagne au Conseil constitutionnel plus de deux mois après l'élection ou dont le compte de campagne a été rejeté - soit trois cas de figure.
Le pouvoir d'appréciation reconnu au Conseil constitutionnel par le présent amendement est strictement encadré, puisqu'il ne s'appliquerait que lorsque la méconnaissance des prescriptions légales est à la fois non intentionnelle et de portée très réduite.
Le Gouvernement estime que cet amendement, adopté par la commission des lois sur la suggestion de M. Badinter, est un bon compromis, les conditions posées pour que s'exerce le pouvoir d'appréciation du Conseil constitutionnel devenant cumulatives et non plus alternatives.
Outre le fait qu'il ne concernerait, dans ces conditions, qu'un nombre très limité de cas, ce dispositif permettrait d'éviter d'appliquer la sanction disproportionnée du non-remboursement de sommes au demeurant très importantes pour des irrégularités mineures. Par exemple, le simple oubli de comptabilisation d'une dépense minime, qui peut résulter d'une initiative locale mal maîtrisée par le candidat, peut entraîner le rejet du compte sans justifier néanmoins une sanction financière de plusieurs dizaines de millions de francs.
Pour autant, la double condition mise au pouvoir d'appréciation du Conseil constitutionnel est de nature à inciter les candidats à un réel contrôle des initiatives prises lors de la campagne.
Voilà pourquoi, eu égard aux particularités de l'élection présidentielle, le Gouvernement, je le répète, est favorable à l'amendement présenté par la commission.
Quant au sous-amendement présenté par M. Charasse, il vise à réintroduire une disposition qui figurait dans le texte initial du projet de loi organique.
Or, si le projet de loi initial prévoyait de conférer au Conseil constitutionnel un pouvoir d'appréciation dans les cas où la méconnaissance des prescriptions légales serait non intentionnelle ou de portée très réduite, l'amendement n° 7, s'il était adopté, comme je viens de le suggérer, encadrerait ce pouvoir d'appréciation.
En effet, aux termes de cet amendement, les conditions posées pour que s'exerce le pouvoir d'appréciation du Conseil constitutionnel sont devenues cumulatives et non plus alternatives.
Le Gouvernement ayant considéré que cette modification constituait une avancée positive, il est, par conséquent, défavorable au sous-amendement présenté par M. Charasse.
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 13.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. D'abord, je note que l'on ne répond pas à la question que j'ai posée. J'aurais bien aimé, notamment, entendre M. le ministre me dire ce qu'il pensait de mon exemple téléphonique. Cela risque-t-il d'arriver ou pas ? Si ce n'est pas intégré dans le compte de campagne, si on est en dépassement, le compte de campagne est rejeté !
Mes chers collègues, n'oubliez pas que le combat politique, aujourd'hui, notamment au niveau de la présidence de la République, est marqué très largement, de la part de certains, par la férocité, la mesquinerie, la vengeance, la délation. Par conséquent, il faut prendre des précautions.
Par ailleurs, je n'arrive pas à comprendre pourquoi ce que fait le Conseil d'Etat pour les élections cantonales, municipales, régionales ou au Parlement européen, et que l'on trouve très bien, il serait très mal que le Conseil constitutionnel le fasse pour l'élection présidentielle !
De plus, monsieur le ministre, cher ami, je rappelle que c'était le texte originel du Gouvernement, celui qui avait été approuvé par le Conseil d'Etat, sur lequel tout le monde était d'accord. Que s'est-il passé entre-temps ? Un vent mauvais a-t-il soufflé du côté de l'Assemblée nationale, porté par des considérations qui ne sont certainement pas juridiques ?
Je dis simplement qu'il faut donner au Conseil constitutionnel la plus grande souplesse pour écarter toutes les actions qui pourraient être menées avec des arrière-pensées qui ne respecteraient pas l'application stricte et rigoureuse de la loi.
C'est la raison pour laquelle, monsieur le président, je maintiens mon sous-amendement, persuadé que, s'il n'est pas adopté, l'avenir me donnera raison.
M. Christian Bonnet, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet, rapporteur. M. le ministre a, à plusieurs reprise, insisté sur le mot « Parlement ». La commission des lois a eu le sentiment que, peut-être, un accord pourrait intervenir « au sein du Parlement » sur la formule qu'elle a adoptée...
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 13, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 7, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4, ainsi modifié.

(L'article 4 est adopté.)

Article additionnel après l'article 4



M. le président.
Par amendement n° 8, M. Bonnet, au nom de la commission, propose d'insérer, après l'article 4, un article additionnel ainsi rédigé :
« A la fin du deuxième alinéa de l'article 16 de la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 sur le vote des Français établis hors de France pour l'élection du Président de la République, la somme : "500 000 francs" est remplacée par la somme : "75 000 euros". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet, rapporteur. Cet amendement très simple tend à convertir en euros l'amende prévue en cas d'infraction aux dispositions relatives au vote des Français résidant à l'étranger pour l'élection présidentielle.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 4.

Article 5



M. le président.
« Art. 5. - I. - Les dispositions de l'article 1er concernant les conseillers régionaux entreront en vigueur à compter de la date du prochain renouvellement de chaque conseil régional selon les modalités prévues par les articles 2 à 9 de la loi n° 99-36 du 19 janvier 1999 relative au mode d'élection des conseillers régionaux et des conseillers à l'Assemblée de Corse et au fonctionnement des conseils régionaux. L'Assemblée de Corse procédera à la répartition prévue au I de l'article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 précitée dans le mois qui suivra la publication de la présente loi.
« II. - Les modifications apportées par les articles 2 et 4 de la présente loi respectivement au deuxième alinéa du II et au deuxième alinéa du V de l'article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 précitée entreront en vigueur le 1er janvier 2002. »
Par amendement n° 9, M. Bonnet, au nom de la commission, propose, dans le II de cet article, après les mots : « loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 précitée », d'insérer les mots : « et par l'article additionnel après l'article 4 de la présente loi à l'article 16 (deuxième alinéa) de la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 sur le vote des Français établis hors de France pour l'élection du Président de la République ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet, rapporteur. C'est un simple amendement de coordination avec l'amendement que nous venons d'adopter à l'instant.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 5, ainsi modifié.

(L'article 5 est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi organique.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 13:

Nombre de votants 315
Nombre de suffrages exprimés 315
Majorité absolue des suffrages 158
Pour l'adoption 315

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures vingt-cinq, est reprise à seize heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

4

RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. Christian Bonnet. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à M. Bonnet.
M. Christian Bonnet. Monsieur le président, vous me permettrez de m'étonner qu'un sujet qui intéresse beaucoup d'élus et qui pose à certains des problèmes de conscience puisse être évoqué à seize heures, un mardi veille de jour férié.
Ce matin - je le rappelle - en présence de M. Vaillant, ministre de l'intérieur, et en dépit du conseil des ministres, nous avons examiné un projet de loi organique relatif à l'élection du Président de la République. Ce débat s'est achevé à onze heures vingt-cinq. Nous aurions pu prolonger la séance jusqu'à treize heures, ce qui aurait permis à ceux qui, s'étant inscrits dans la discussion générale de la proposition de loi que nous allons examiner dans quelques instants, ont des problèmes de transport pour rentrer chez eux, de participer au débat. Tel ne sera pas le cas pour moi, et je tenais à souligner à quel point je le regrette. (M. Chérioux applaudit.)
M. le président. Je vous donne acte de votre intervention, mon cher collègue.
Malheureusement, vous le savez comme moi, nous ne sommes pas maîtres de l'ordre du jour prioritaire, qui est fixé par le Gouvernement. La conférence des présidents ne peut, d'une certaine manière, que se soumettre aux oukases - le mot est peut être excessif - de M. le ministre des relations avec le Parlement. J'étais d'ailleurs de ceux qui pensaient que la séance aurait pu être reprise à quinze heures, le 31 octobre étant peu propice aux réunions de groupe, qui, traditionnellement, repoussent nos débats à seize heures. Une autre décision a été prise. Je n'y peux rien. J'en suis navré pour tous ceux qui, pour des problèmes de transport, aggravés parfois, aujourd'hui, par des problèmes climatiques, sont conduits à prendre des précautions pour être sûrs de pouvoir rentrer chez eux ce soir, ce que je comprends bien.

5

CONTRACEPTION D'URGENCE

Adoption d'une proposition de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi (n° 12, 2000-2001), adoptée par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relative à la contraception d'urgence.
Rapport n° 49 (2000-2001) et rapport d'information n° 43 (2000-2001).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, en 1975, par la sagesse d'une majorité parlementaire et par le courage de Simone Veil, première femme ministre de la santé, à qui je tiens à rendre un hommage chaleureux, la France a adopté la voie de la justice en refusant que des milliers de femmes continuent à avorter de façon clandestine au risque de leur vie et de leur liberté ou en fuyant à l'étranger dans des conditions dramatiques de précarité et de danger.
Cette voie, le philosophe André Comte-Sponville l'a qualifiée avec beaucoup de finesse : « Nos concitoyens ont préféré la mesure, par nature relative, des risques et des inconvénients. C'était la bonne voie. Elle débouche sur une politique du moindre mal, de la moindre souffrance, de la moindre injustice, bref sur ce que j'appellerais volontiers une politique laïque et profane : une politique du compromis et de la solidarité. »
Au nom de l'ensemble du Gouvernement, je suis heureuse et fière de vous engager aujourd'hui à poursuivre dans cette voie, une voie juste qui nous permettra, en autorisant et en développant la contraception d'urgence, de ne pas ajouter du désespoir à la souffrance, du malheur à ce qui est trop souvent le fruit d'une erreur, et d'une erreur pardonnable lorsqu'il s'agit d'une erreur de jeunesse.
Le Gouvernement félicite les parlementaires qui se sont emparés rapidement de ce sujet qui nous tient à coeur. L'Assemblée nationale a déjà émis un vote favorable à cette proposition de loi le 5 octobre dernier, rassemblant une très large majorité, tous courants politiques confondus. Je ne doute pas que le Sénat s'engage aussi dans cette voie.
Cette mobilisation s'est décidée à la suite de l'annulation par le Conseil d'Etat, le 30 juin dernier, du protocole mis au point par Ségolène Royal, alors qu'elle était ministre déléguée à l'enseignement scolaire, permettant l'administration de la pilule du lendemain en cas de besoin aux adolescentes par les infirmières en milieu scolaire.
Ce protocole, visant à protéger les toutes jeunes filles des risques de grossesses précoces non désirées, suite à des rapports non protégés, s'inscrivait dans une politique globale de prévention des situations à risque, de diffusion de la meilleure information possible aujourd'hui en matière de contraception et de maîtrise de la fécondité des femmes.
Faciliter l'accès aux nouveaux produits contraceptifs disponibles pour lutter contre la survenue de grossesses non désirées, éviter ainsi les situations de grandes difficultés qui en découlent - et notamment les interruptions volontaires de grossesse précoce - cela constitue une priorité de santé publique.
Pour la plus grande part d'entre nous, mettre un enfant au monde est l'un des moments les plus importants dans la vie d'une femme : il doit le rester et, surtout il doit le devenir pour toutes. Ce moment exceptionnel, porteur d'espoir dans l'avenir, facteur d'équilibre et d'épanouissement, nous avons le devoir de le préserver en permettant à nos filles d'éviter une grossesse non désirée.
Ces grossesses non désirées sont encore beaucoup trop nombreuses dans notre pays, notamment chez les adolescentes, et la majeure partie d'entre elles se concluent par une interruption de grossesse, dont on sait le traumatisme qu'elle peut représenter.
Les dernières statistiques ne sont guère rassurantes : 10 000 grossesses non désirées chaque année chez les mineures, dont 7 000 aboutissent à une IVG ; un taux de recours à l'IVG qui a plutôt tendance à augmenter chez les quinze - dix-huit ans ; il est passé de 6 à 7 entre 1990 et 1997.
Selon l'Institut national d'études démographiques, les adolescentes constituent aujourd'hui la principale population à risque de grossesse non désirée.
Il s'agit là d'une situation dont nous ne pouvons nous satisfaire en termes de santé publique, ni, bien sûr, en termes de liberté et d'accès aux droits fondamentaux des femmes à disposer de leur corps, à maîtriser leur fécondité. Cela justifie que les mesures les plus complètes soient prises pour faciliter l'accès de toutes les femmes, y compris les mineures, aux progrès réalisés récemment en matière de contraception.
C'est le sens de la politique active que nous avons engagée depuis plusieurs mois en faveur de la contraception. J'aimerais vous en rappeler les principaux éléments.
Alors qu'il n'y en avait pas eu depuis 1982, nous avons lancé en janvier dernier une vaste campagne d'information sur ce sujet. Cette campagne de plus de 20 millions de francs a ciblé en priorité les populations les plus vulnérables : les jeunes, les femmes en difficulté d'insertion sociale ou économique, les populations françaises d'outre-mer.
Le slogan majeur de cette campagne était : « La contraception... A vous de choisir la vôtre ». Un tel slogan signifie que la contraception est désormais une évidence, que l'heure n'est plus à se poser la question non plus de « la contraception », mais de « quelle contraception ? », puisqu'il y a maintenant un moyen de contraception différent et adapté à la situation de vie de chacune et de chacun.
Cette campagne s'est accompagnée d'une déclinaison spécialement adaptée aux départements d'outre-mer, déclinaison apparue nécessaire face au déficit majeur d'information sur la contraception dans ces départements, spécialement chez les jeunes.
Cette campagne dans les médias, qui a été relayée par plus d'un millier d'initiatives locales, a pour objet d'organiser une information de proximité sur la contraception, à partir d'un guide de poche diffusé à plus de 12 millions d'exemplaires, notamment dans les collèges et les lycées.
Enfin, exprimant sa volonté de continuer dans ce domaine, le Gouvernement a décidé de poursuivre l'effort engagé en rediffusant d'ici à l'été prochain les spots télévisés, en rééditant le guide de poche et en soutenant la valorisation et l'aide aux actions locales.
Surtout, M. le Premier ministre, conscient de la nécessité de réitérer, année après année, l'information sur la contraception, notamment pour qu'elle puisse toucher les nouvelles générations d'adolescents qui arrivent à l'éveil sentimental et sexuel, a adopté le principe d'une campagne régulière en faveur de la contraception.
Nos efforts en faveur de la contraception ne se résument pas à cette seule campagne d'information. Nous voulons en effet faciliter l'accès de toutes les femmes à tous les contraceptifs disponibles sur le marché à travers plusieurs dispositions.
Tout d'abord, Martine Aubry a fermement incité à la mise sur le marché des premières pilules du lendemain : le Tétragynon, en décembre 1998, et le NorLevo, en juin 1999.
Par ailleurs, nous avons récemment interpellé publiquement le laboratoire fabriquant le NorLevo, qui avait décidé d'augmenter le prix de ce médicament de 20 %, pour le convaincre de revenir au prix antérieur.
Nous avons encore décidé, il y a quelques semaines, d'encadrer le prix de vente public du stérilet, et fixé le remboursement à hauteur de ce prix de vente. Désormais, la somme restant à la charge des femmes achetant un stérilet en cuivre n'est plus que de 49,70 francs, au lieu de 255 francs préalablement.
Nous avons également fait en sorte qu'un dossier de mise sur le marché d'un générique de pilule de troisième génération remboursable par la sécurité sociale soit prochainement soumis à l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l'AFSSAPS. Si l'agence conclut positivement sur ce dossier - ce qui n'est pas encore totalement assuré, car les experts s'interrogent sur la balance coût-avantage de ce médicament - une pilule de troisième génération remboursée par la sécurité sociale devrait pouvoir être disponible dès le premier trimestre de 2001. Elle répondra à l'attente de nombreuses femmes qui sont persuadées de la supériorité du service médical rendu par ces pilules généreusement promues par des laboratoires, mais pour lesquelles ils n'ont jamais sollicité le listage, conservant ainsi la liberté de prix et de publicité.
Rendre plus facile l'accès des adolescentes à la contraception d'urgence dans les établissements scolaires procède de la même volonté politique.
Nous avons donc voulu répondre au désarroi de nombreuses jeunes filles cherchant dans leur environnement quotidien une personne adulte à qui demander conseil et assistance en cas de conduite imprudente. Les infirmières scolaires, par leur disponibilité, par leur capacité d'écoute et par leur proximité, par leur aptitude à évaluer la réalité des risques, par la possibilité qu'elles ont d'éclairer la perspective d'une contraception ordinaire, régulière et responsable, se sont imposées comme l'adulte de référence dans cette situation.
C'était le sens du dispositif d'accès au NorLevo dans les collèges et les lycées prévu par Ségolène Royal. C'est aussi celui de l'instruction que Jack Lang vient d'adresser à tous les recteurs, inspecteurs d'académie, directeurs départementaux de l'éducation nationale et chefs d'établissements publics locaux d'enseignement, dans l'attente que l'ancien protocole puisse s'appuyer sur une base légale incontestable, à la construction de laquelle nous nous employons aujourd'hui.
C'est le sens de la proposition de loi dont nous sommes appelés à débattre aujourd'hui.
La contraception d'urgence est une innovation récente en matière de contraception.
Dans ce champ, le fait d'avoir recours à un dispositif contraceptif d'urgence est une réelle innovation, qui est susceptible de faire reculer de manière significative le nombre de grossesses non désirées et, par suite, le nombre d'IVG.
Cette contraception d'urgence est une « pilule du lendemain » susceptible de réduire considérablement le risque de grossesse qui suit un rapport sexuel non ou mal protégé. Elle permet de réduire les conséquences d'une situation mal évaluée, mal maîtrisée, et de s'inscrire dans une réflexion de responsabilité sexuelle et de contraception régulière.
Il y a encore quelques mois, aucune pilule du lendemain n'était disponible en France. La situation est différente aujourd'hui, puisque deux d'entre elles sont désormais sur le marché : d'une part, le Tétragynon, association oestro-progestative, qui comporte des contre-indications, notamment cardio-vasculaires, identiques à celles de tous les produits comprenant des dérivés oestrogéniques, et, d'autre part, le NorLevo, progestatif pur, à ce titre beaucoup mieux toléré et sans aucun danger pour la santé.
Ces deux produits peuvent être pris sans examen gynécologique préalable.
Il faut surtout insister sur le fait qu'ils sont d'autant plus efficaces qu'ils sont pris le plus précocement possible après le rapport non protégé. En effet, leur efficacité diminue avec le temps : ainsi, le NorLevo, par exemple, est efficace à 95 % s'il est pris dans les vingt-quatre premières heures et à 58 % seulement s'il est pris entre la quarante-huitième et la soixante-douzième heure.
Ce sont ces deux caractéristiques tout à fait particulières du NorLevo - son innocuité, d'une part, son efficacité « temps-dépendance », d'autre part - qui nous ont conduits à décider, conformément à l'avis de l'AFSSAPS, qu'il pourrait y être accédé sans prescription médicale.
Plus de cinq cent mille boîtes de NorLevo ont été vendues à ce jour, alors que ce médicament n'est en vente que depuis quelques mois, ce qui confirme qu'il y avait une réelle attente des femmes à l'égard de la contraception d'urgence. Le recul n'est pas suffisant pour savoir quelles en seront les conséquences sur le recours à l'IVG, mais nous en espérons les mêmes résultats que ceux qu'ont obtenus nos voisins.
En Finlande, par exemple, où le taux de recours à l'IVG était particulièrement élevé dans les années quatre-vingt - il était supérieur à vingt femmes pour mille - il a diminué de plus de 50 % sur les dix années qui ont suivi la mise sur le marché de la pilule du lendemain et, en 1997, moins de neuf femmes sur mille ont eu recours à l'IVG.
Quant au taux de recours aux contraceptifs classiques, alors qu'il n'est que de 80 % chez nous, il s'élève aujourd'hui à 95 %, tous âges confondus, en Finlande.
Ce bon score est en partie lié, disent les experts, au fait que l'accès à la pilule du lendemain favorise l'efficacité de la politique globale en faveur de la contraception. Dans les pays où elle est disponible, elle n'a jamais diminué le recours à la contraception classique, bien au contraire. Elle favorise la prise de conscience que la contraception est un instrument de liberté et de maîtrise de son destin. Elle favorise aussi le dialogue : à l'occasion du recours à la contraception d'urgence, les femmes parlent de leur angoisse d'une grossesse non désirée, de leur soulagement d'y échapper et de leurs interrogations sur la contraception.
Le texte qui vous est proposé vise à introduire trois exceptions à la législation actuelle sur les contraceptifs, et ce en faveur du seul NorLevo.
D'abord, il réaffirme qu'une prescription médicale n'est pas nécessaire à son obtention.
Cette explicitation est nécessaire tant que nous n'aurons pas révisé l'ensemble de la loi de 1967 relative à la régulation des naissances.
Est-il besoin de rappeler, dans cette enceinte, à qui nous devons cette loi, qui a constitué une étape si importante dans la lutte pour le droit des femmes ? Il s'agit de M. le sénateur Neuwirth, que je salue et auquel je tiens à dire une fois encore combien les femmes lui sont reconnaissantes de sa clairvoyance et de son courage à une époque où il fallait pour cela bousculer bien des préjugés.
Mme Nelly Olin. Bravo !
M. Alain Gournac. Bravo Lucien !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Cette loi a été véritablement « révolutionnaire ». (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. - M. le président de la commission applaudit également.)
Cependant, plus de trente ans après, elle nécessite d'être quelque peu actualisée. En effet, elle confère notamment un statut particulier aux contraceptifs qui n'a plus lieu d'être puisque nous disposons maintenant d'une législation d'ensemble sur les médicaments. Il faut donc que nous harmonisions notre système législatif sur ce point, ce que le Gouvernement proposera dans quelques semaines.
En attendant, la dérogation qu'introduit la proposition de loi d'aujourd'hui mettra en conformité l'accès du NorLevo avec notre droit commun du médicament : elle permettra que la décision prise par le Gouvernement sur proposition du directeur de l'agence en charge du médicament s'applique de plein droit, c'est-à-dire que le NorLevo soit accessible sans prescription médicale, vendu librement en pharmacie.
Le NorLevo est du reste à ce jour le seul contraceptif accessible sans prescription médicale. Au-delà de son effet contraceptif d'urgence, il est innovant également à ce titre. Nous suivrons les conséquences de cette décision avec intérêt, car, pour la première fois, ce sont les femmes qui vont décider elles-mêmes de « s'auto-prescrire » une contraception.
Or, toutes les études le disent, plus l'accès à la contraception est libre, plus les femmes s'approprient la responsabilité de son contrôle, et moins il y a d'IVG.
L'intérêt de cet accès libre, rapide et sans ordonnance n'est donc pas seulement d'éviter les délais liés à l'obligation de prendre rendez-vous chez un médecin, il est aussi de rendre les femmes plus autonomes et donc responsables vis-à-vis de la maîtrise de leur sexualité et de leur fécondité.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Les deux autres exceptions introduites par ce texte sont qu'il autorise, d'une part, l'accès libre des mineures au NorLevo et, d'autre part, son administration par les infirmières en milieu scolaire.
Comme en témoigne le protocole conçu voilà quelques mois par l'éducation nationale à cette fin, le Gouvernement est très favorable à ces dispositions.
Aujourd'hui, la législation ne permet pas l'accès sans autorisation parentale des mineures aux contraceptifs hormonaux en dehors des centres de planification familiale.
Je vous l'ai dit, notre objectif est de parvenir à faire reculer la fréquence, beaucoup trop élevée à l'heure actuelle, des grossesses non désirées chez les jeunes adolescentes. Or, celles-ci représentent une population particulièrement vulnérable à cet égard, du fait de leur grande fertilité, d'une part, et de leur fréquente méconnaissance des risques qu'elles encourent en ayant des relations sexuelles non protégées, d'autre part.
Combien croient que le premier rapport est infertile! Combien savent que le préservatif, rigoureusement conseillé et utilisé pour prévenir des maladies sexuellement transmissibles, est aussi une prévention de grossesse et ignorent que tout abandon de l'usage du préservatif sitôt leur situation amoureuse stabilisée, les expose immédiatement au risque d'une grossesse non désirée !
M. Alain Vasselle. C'est la faute de l'éducation nationale !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Le premier argument qui incite à ouvrir la possibilité pour les infirmières d'administrer le NorLevo aux adolescentes dans les établissements scolaires tient aux conditions de son efficacité. Je vous l'ai dit, le NorLevo est d'autant plus efficace pour éviter le risque de grossesse qu'il est pris précocement. Son administration en urgence par une infirmière intervenant en milieu scolaire peut permettre de gagner plusieurs heures sur le délai qui serait nécessaire à la jeune fille pour se procurer ce médicament.
Un deuxième argument plaide dans le sens de cette initiative législative ; il tient au déficit manifeste de notre politique d'éducation à la santé et à la sexualité.
M. Alain Vasselle. Eh oui !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Les experts ne cessent de nous le répéter, le nombre de grossesses non désirées tient d'abord à l'absence de connaissance en matière de sexualité, y compris chez les adultes, qui véhiculent encore beaucoup d'idées fausses.
Mme Claire-Lise Campion. Absolument !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Les enquêtes et les témoignages des infirmières scolaires témoignent que les adolescents sont demandeurs d'un dialogue sur ces questions avec les infirmières des collèges. Ces enquêtes indiquent aussi combien le dialogue sur ces questions est devenu plus fréquent depuis la mise en place du protocole de Ségolène Royal visant à faciliter l'accès au NorLevo dans les établissements scolaires, même en l'absence de demande précise de contraceptif d'urgence.
Là encore, la pilule du lendemain sert de vecteur à l'information sur la contraception, à l'éducation sexuelle et à l'éducation pour la santé.
Ce dispositif n'affaiblit en rien la responsabilisation des parents. A l'évidence, ceux-ci demeurent en première ligne sur ces sujets et c'est une mauvaise querelle de prétendre que cette disposition affaiblirait leur autorité. Car, quelles que soient leurs opinions, quand les parents encouragent le dialogue, font preuve d'écoute et de compréhension, diffusent les informations sur ces questions au sein de la famille, nous voyons bien que les enfants n'éprouvent pas le besoin d'aller parler avec l'infirmière du collège ou du lycée.
M. Roland Courteau. C'est exact !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Mais, nous le savons, il y a des familles dans lesquelles les conversations sur ces questions sont moins faciles et même impossibles. Il y a des familles qui ont des références morales et religieuses que heurte le principe même de la contraception et dans lesquelles tout échange sur la sexualité est proscrit.
Nous avons une responsabilité à l'égard de ces enfants. Il ne nous appartient pas de leur inculquer des valeurs qui seraient différentes de celles qu'ils entendent choisir ; mais il nous revient de les aider à surmonter les épreuves et à éviter la détresse. C'est en particulier envers eux que l'école a une obligation d'éducation sexuelle.
En conclusion, je souhaite vivement que ce texte recueille un vote largement positif. Nous saurons l'accompagner des mesures nécessaires à sa pleine efficacité. Pour cela, nous mettrons notamment en place les actions de formation à la contraception d'urgence en direction des professionnels de la santé les plus concernés, en particulier, mais pas seulement, les infirmières qui travaillent en milieu scolaire. Un projet de formation est en cours d'élaboration avec la collaboration du Planning familial.
Vous le voyez, le Gouvernement ne cesse de poursuivre son effort pour faire progresser le droit à la contraception et manifester son soutien à toute initiative qui va dans ce sens. Dans ce domaine aussi, nous avons le sentiment de faire progresser l'idéal des droits de l'homme en permettant à chacun d'être pleinement responsable de ses actes et de son corps.
M. Roland Courteau. Tout à fait !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Cette responsabilité, nul ne la possède de façon innée ; chacun l'acquiert à travers son histoire, en surmontant les erreurs qu'il commet, en les comprenant, en évitant de les reproduire.
Dans nos débats, je souhaite que nous gardions toujours à l'esprit le souci de celle pour qui cette loi est faite, cette jeune fille qui, peut-être, se laissera aller à commettre une erreur, mais que nous ne voulons pas voir punie par ce qui devrait être une joie : une grossesse par inadvertance qu'elle ne pourrait pas assumer parce qu'elle ne l'aurait pas voulue ou parce qu'elle serait trop jeune.
Au désespoir de celle qui ne croit plus en l'avenir, sachons opposer et offrir la possibilité de lendemains qui chantent ! (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Neuwirth, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je voudrais dire en préambule que ce débat n'est pas anodin ; il ne doit pas être l'arbre qui cache la forêt.
La question est de savoir si nous avons la volonté de regarder les conditions dans lesquelles nous abordons ce nouveau siècle envahi par de nouvelles technologies inimaginables il y a seulement un quart de siècle. On peut se demander alors où est l'homme, où sont la femme, l'adolescent, l'enfant, au moment où l'ordinateur entre dans les maternelles de certains pays.
Ce texte d'apparence modeste, qui tend à éteindre un incendie que nous n'avons pas su prévenir, doit nous inciter à revoir collectivement, et dans chaque famille, la façon dont nous préparons nos enfants, nos adolescents, à affronter les difficultés du monde telles qu'elles ont toujours été, mais qui ont été insuffisamment prises en compte.
L'examen par le Parlement de la présente proposition de loi trouve son origine dans l'annulation par le Conseil d'Etat, le 30 juin 2000, des dispositions d'une circulaire du 29 décembre 1999 autorisant la distribution de la pilule contraceptive NorLevo par les infirmières scolaires.
Le texte adopté par l'Assemblée nationale s'articule autour de trois dispositions bien distinctes.
La première a trait à la suppression de l'obligation d'une prescription médicale pour la délivrance des contraceptifs d'urgence qui ne sont pas susceptibles de présenter un danger pour la santé dans des conditions normales d'emploi ; cette mesure donne une base législative à la mise en vente libre du NorLevo, seul médicament contraceptif aujourd'hui concerné par cette disposition.
La deuxième disposition prévoit la possibilité, pour les médecins, de prescrire et, pour les pharmaciens, de délivrer ces contraceptifs d'urgence aux « mineures désirant garder le secret », c'est-à-dire sans autorisation parentale.
Enfin, la troisième disposition introduit la possibilité, pour les infirmières scolaires, d'administrer ces contraceptifs d'urgence aux élèves mineures et majeures.
Votre rapporteur ne peut que regretter que le débat sur ce texte soit engagé dans un climat de polémique peu propice au consensus.
Le Gouvernement a, en effet, fait un choix de calendrier quelque peu maladroit, de mon point de vue, en décidant de présenter en conseil des ministres le 4 octobre dernier, soit la veille de l'examen en séance publique à l'Assemblée nationale de la présente proposition de loi, le projet de loi relatif à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception, qui étend notamment de dix à douze semaines de grossesse le délai limite pour la pratique d'une IVG.
Il n'est dès lors pas surprenant qu'une certaine confusion ait pu voir le jour entre une simple adaptation de la législation sur la contraception - qui fait l'objet de la présente proposition de loi - et l'allongement du délai légal pour une IVG, qui soulève, à l'évidence, des questions infiniment plus délicates.
La confusion est encore accrue par l'intitulé et le contenu du texte dit « projet de loi relatif à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception », qui mêle ainsi deux sujets que tout oppose - je tiens à le dire fermement et avec toute ma conviction - l'IVG n'étant pas une forme de contraception !
Votre rapporteur regrette d'autant plus ce mélange des genres que le volet contraception de ce projet de loi, s'il a moins attiré l'attention de l'opinion publique, n'en est pas pour autant anodin.
Il n'en reste pas moins que l'objet de la proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui est de tenter d'apporter une réponse à un problème réel, qu'il nous appartient d'examiner avec attention.
La contraception d'urgence est définie comme l'utilisation d'un médicament ou d'un dispositif permettant d'éviter une grossesse après un rapport sexuel non ou mal protégé.
Depuis la fin des années quatre-vingt, il existe ainsi, à côté des contraceptifs hormonaux classiques, qui sont destinés à une utilisation régulière et préventive, d'autres formes de pilules contraceptives uniquement réservées aux cas d'urgence.
Ces pilules contraceptives, parfois dites « pilules du lendemain », sont destinées à être absorbées après un rapport sexuel. Leur mode d'action est comparable soit à celui d'un contraceptif hormonal classique - puisqu'elles empêchent l'ovulation si celle-ci n'a pas encore eu lieu - soit à celui d'un dispositif intra-utérin, qui empêche la nidation de l'oeuf.
La France dispose aujourd'hui de deux médicaments hormonaux - Mme le secrétaire d'Etat y a fait allusion tout à l'heure - pour la contraception d'urgence. L'un, une association d'oestrogènes et d'un progestatif, est commercialisé sous le nom de Tétragynon. L'autre, composé d'un progestatif - le lévonogestrel - est le NorLevo, qui a obtenu une autorisation de mise sur le marché en France dans l'indication de contraception d'urgence le 16 avril 1999.
Contrairement au Tétragynon, le NorLevo, en raison de l'absence d'oestrogènes et d'une durée d'administration courte, n'a aucune contre-indication médicale. Il empêche l'implantation de l'oeuf fécondé dans l'utérus et doit être absorbé le plus rapidement possible, dans les soixante-douze heures après un rapport sexuel non protégé. Son efficacité décroît fortement avec le temps : elle est de 95 % lorsque la prise se situe dans les vingt-quatre heures, elle diminue à 85 % lorsque la prise a lieu entre vingt-quatre et quarante-huit heures et à 58 % seulement entre quarante-huit et soixante-douze heures.
Compte tenu de l'absence de contre-indication médicale du NorLevo, un arrêté en date du 27 mai 1999, pris par le secrétaire d'Etat à la santé d'alors, M. Bernard Kouchner, a supprimé l'obligation de prescription médicale à laquelle, comme tous les contraceptifs hormonaux, ce médicament était soumis jusque-là. Cette décision autorisait donc la vente libre en pharmacie du NorLevo.
La mise à disposition du NorLevo sans prescription médicale obligatoire visait à permettre aux femmes de recourir à la contraception d'urgence le plus tôt possible après un rapport sexuel non protégé.
La contraception d'urgence constitue en effet un véritable progrès dans la mesure où elle permet de limiter le recours à l'avortement. Elle apparaît en outre très adaptée à la situation particulière des adolescentes.
En effet, la caractéristique des adolescents est de passer rapidement à l'acte, d'avoir des rapports non prévus, sur un coup de coeur. Ces rapports sont alors non protégés. Du fait de l'inexpérience, les adolescents rencontrent de surcroît des problèmes spécifiques quand ils utilisent la contraception : accidents de préservatifs, oubli de pilule, etc.
Dans tous ces cas, la contraception d'urgence peut être d'un grand secours pour éviter les grossesses non désirées et les interruptions volontaires de grossesse.
Naturellement, si la contraception d'urgence répond à des situations de détresse et permet - passez-moi l'expression - de « réparer un accident », elle n'a aucunement vocation à remplacer une contraception classique.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Lucien Neuwirth, rapporteur. L'accent mis aujourd'hui sur la contraception d'urgence, qui devrait rester une méthode d'exception, - de rattrapage, si je puis dire -, est assez révélateur de l'échec relatif des politiques menées depuis trente ans en faveur du développement de la contraception, particulièrement auprès des jeunes.
Il est ainsi frappant de constater - écoutez bien les chiffres ! - que le nombre des IVG reste presque aussi élevé qu'il y a vingt-cinq ans : 220 000 aujourd'hui contre 250 000 en 1976, soit une IVG pour trois naissances ; 30 % des IVG concernent les moins de vingt-cinq ans, 10 % concernent les moins de vingt ans. On recense aujourd'hui 6 000 IVG par an chez les mineures, 10 000 chez les dix-huit-vingt ans. La proportion des mineures enceintes recourant à l'IVG augmente fortement : elle était de 59,7 % en 1985, de 64 % en 1990 et de 71,8 % en 1995.
Ces données témoignent des carences de l'information en faveur de la contraception et des efforts insuffisants menés pour promouvoir son utilisation.
Mme Nelly Olin. Oh oui !
M. Lucien Neuwirth, rapporteur. A l'évidence, la sexualité reste un sujet sensible, souvent difficile à aborder au sein de la cellule familiale ou de l'institution scolaire.
Dans ce contexte, votre rapporteur ne peut que se féliciter que le Gouvernement ait choisi, le 12 janvier dernier, de lancer une campagne d'envergure sur la contraception. Cette campagne était nécessaire. La dernière campagne de communication sur la contraception remontait en effet à 1992 et mettait principalement l'accent sur le préservatif.
J'en viens maintenant à l'origine de cette proposition de loi.
Le statut juridique incertain de la contraception d'urgence nécessitait une intervention du législateur. La décision prise par l'ancien secrétaire d'Etat à la santé, M. Bernard Kouchner, d'autoriser la mise en vente libre du NorLevo reposait en effet sur un raisonnement juridique pour le moins fagile.
La loi du 28 décembre 1967, à laquelle mon nom est parfois associé, soumet, en son article 3, la délivrance des contraceptifs hormonaux à une double contrainte car, voilà trente-trois ans, les contraceptifs hormonaux issus de la fameuse pilule créée par le Dr Pincus étaient très lourdement chargés et présentaient de toute évidence des dangers. C'est pourquoi le Parlement avait imposé, à l'unanimité, une prescription médicale pour leur délivrance.
Si, dans son arrêté du 27 mai 1999, M. Kouchner a choisi d'ignorer cette disposition, c'est sans doute parce que lui-même ne l'avait pas notée.
Pour justifier cette position, le Gouvernement a estimé qu'en soumettant à prescription médicale obligatoire tous les contraceptifs hormonaux, la loi du 28 décembre 1967 dépassait les objectifs de la directive européenne du 31 mars 1992 concernant la classification en matière de délivrance des médicaments à usage humain.
Quelques mois plus tard, en décembre 1999, prenant acte de la décision du secrétaire d'Etat à la santé et considérant que rien ne l'interdisait désormais, Mme Ségolène Royal prenait la décision d'autoriser par circulaire les infirmières scolaires à délivrer elles-mêmes, en cas d'urgences, des comprimés de NorLevo aux collégiennes et aux lycéennes, mêmes mineures.
Si cette décision a été en général bien accueillie par la plupart des professionnels de santé concernés, elle a toutefois suscité le dépôt devant le Conseil d'Etat d'un certain nombre de recours déposés par des associations de défense de la famille et de lutte contre l'avortement visant à annuler pour excès de pouvoir les dispositions de la circulaire relatives à la contraception d'urgence. Il existait une contradiction entre le refus de contraception et le refus d'avortement.
Dans sa décision du 30 juin 2000, le Conseil d'Etat a effectivement annulé les passages litigieux de la circulaire attaquée. Il a estimé en effet que, en confiant le rôle de prescription et de délivrance du NorLevo, contraceptif d'urgence, aux infirmières scolaires, le ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire avait méconnu la loi de 1967, qui impose que les contraceptifs hormonaux soient délivrés en pharmacie sur prescription médicale.
Pour le Conseil d'Etat, le NorLevo, qui constitue un contraceptif hormonal au sens de la loi de 1967, ne peut, en application de l'article 3 de cette loi, être prescrit que par un médecin et délivré qu'en pharmacie ou, dans les conditions posées par l'article 4 de la loi, par un centre de planification ou d'éducation familiale.
Il est intéressant de noter, à cet égard, que le Conseil d'Etat ne s'est pas prononcé sur la légalité de l'arrêté du secrétaire d'Etat à la santé autorisant la mise en vente libre du NorLevo, point sur lequel il n'était en effet pas sollicité.
Le soir même de l'annonce de l'arrêt du Conseil d'Etat, le Gouvernement, dans un communiqué de presse, prenait acte de cette décision, dont il entendait « tirer toutes les conséquences ». Il réaffirmait sa « volonté de garantir l'accès libre de toutes les femmes à la nouvelle contraception » - il faut entendre la contraception d'urgence - et annonçait le prochain examen d'un texte par le Parlement.
Ce texte a pris la forme de la présente proposition de loi sur la contraception d'urgence, déposée le 13 septembre 2000 par Mme Danielle Bousquet et les membres du groupe socialiste et apparentés, et adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture le 5 octobre 2000.
Je vais maintenant vous faire part des réflexions qui ont conduit la commission des affaires sociales à vous proposer d'adopter, sous réserve d'un certain nombre de modifications tendant à compléter et à préciser le texte, la présente proposition de loi.
Je considère pour ma part, comme beaucoup d'entre nous, que rien n'est pire pour une jeune fille que de débuter sa vie par une IVG et que notre devoir est de tout faire pour éviter que ne se produisent de telles situations. Personne ne peut rester insensible à la détresse de ces adolescentes menacées par une grossesse non désirée.
Or, la contraception d'urgence - qui n'a pas vocation à tenir lieu d'une contraception classique, je le répète - peut contribuer à préserver ces jeunes filles d'une IVG, événement toujours traumatisant. La notion d'urgence confère dès lors une spécificité très particulière à cette forme de contraception et justifie, pour une large part, un statut législatif adapté.
Il faut en effet faire en sorte que ces adolescentes puissent accéder le plus rapidement possible à cette forme de contraception en autorisant la vente du NorLevo et sa délivrance aux mineures. Eu égard à cet objectif, il n'apparaît pas choquant de confier aux infirmières scolaires la mission d'administrer une contraception d'urgence dans les cas de détresse caractérisée.
Les centres de planification familiale, aujourd'hui seuls autorisés par la loi à délivrer une contraception sans autorisation parentale, sont souvent rares, presque inexistants en milieu rural et mal connus par les adolescents.
En outre, le premier bilan des six mois d'application de la circulaire de Mme Royal apparaît satisfaisant ; les infirmières ont su faire face avec beaucoup de responsabilité à la nouvelle mission qui leur était confiée : en moyenne, il y eu deux administrations de NorLevo pour dix demandes d'élèves.
Sur le fond, le texte de l'Assemblée nationale semble donc pouvoir être accepté. Il gagnerait cependant à être précisé et complété. C'est l'objet de l'amendement que vous propose la commission.
S'agissant de l'autorisation, pour les médecins, de prescrire et, pour les pharmaciens, de délivrer les contraceptifs d'urgence aux « mineures désirant garder le secret », c'est-à-dire sans autorisation parentale, la commission a jugé qu'il convenait de préciser que cette dérogation au principe du consentement parental ne pouvait se justifier que par un impératif essentiel : préserver les mineures d'une interruption volontaire de grossesse.
S'agissant de l'administration, par les infirmières scolaires, d'une contraception d'urgence aux élèves mineures et majeures, la commission vous propose de compléter cette disposition en rappelant dans la loi un certain nombre de principes et en précisant le déroulement de la procédure.
Enfin, je vous proposerai de prévoir que la délivrance d'une contraception d'urgence aux mineures s'effectue à titre gratuit dans les pharmacies. L'objet de cette disposition est d'éviter que le coût du NorLevo en pharmacie - qui est aujourd'hui de 60 francs environ - ne soit un obstacle à la contraception d'urgence pour les jeunes filles issues de milieux défavorisés. (Très bien ! sur certaines travées socialistes.)
La gratuité en pharmacie permet en outre d'apporter une réponse aux situations posées par la fermeture des établissements scolaires lors des vacances. Les modalités de cette délivrance gratuite seront d'ailleurs, pour garantir plus de souplesse et de flexibilité déterminées par voie réglementaire.
Je voudrais vous faire part, mes chers collègues, en guise de conclusion, d'un certain nombre de réflexions.
Peut-on séparer la formation professionnelle, l'apprentissage des règles de l'économie, des sciences humaines, de l'information du jeune citoyen et de la jeune citoyenne sur les réalités de la vie qu'ils auront à rencontrer au cours de leur existence ?
Cela ressortit à la mission éducatrice des parents, qui, pour la plupart d'entre eux, n'ont pas reçu, à cet égard, un enseignement direct de leurs propres parents et sont donc mal préparés à cette mission éducatrice.
Or, nous avons changé de siècle, mes chers collègues. Les adolescents d'aujourd'hui sont les parents de demain. Si, hier, l'attitude de l'éducation nationale consistait à considérer que sa seule mission était l'instruction publique, aujourd'hui elle a compris qu'il en va différemment.
Cette conception allait de pair avec l'attitude de la société vis-à-vis des femmes, destinées principalement à donner des enfants à leur époux et à s'occuper de la famille et du ménage.
Ma génération se souvient des combats, quelquefois homériques, que durent mener les femmes pour voir reconnaître leurs droits et faire entre autres admettre la nécessité de mettre à la portée de toutes, et d'abord des plus démunies, les moyens de maîtriser leur fécondité.
Or, aujourd'hui, des milliers d'adolescentes sont enceintes ou courent le risque de l'être et de recourir à l'IVG. Cherchez l'erreur !
Certes, pendant des siècles, l'infanticide, l'abandon et l'avortement s'étaient établis comme seule régulation des naissances, jusqu'à l'intervention de la contraception.
Aujourd'hui, il dépend de nous qu'une telle situation cesse, et tout de suite.
Oui, transmettre la vie est une responsabilité grave. C'est pourquoi les garçons comme les filles doivent recevoir une information complète sur la transmission de la vie, ses conditions et ses conséquences.
Le problème réside principalement, croyez-moi, mes chers collègues, dans la méconnaissance dans laquelle se trouvent ces jeunes filles des mécanismes et des réalités de la vie à travers les phénomènes naturels que sont la fécondité et la sexualité, désormais maîtrisables grâce à l'éducation, à l'information reçue et à la contraception.
Pouvoirs publics et familles doivent associer leurs efforts, doivent oeuvrer ensemble afin qu'une information crédible, éclairante, permette à l'avenir à chacune et à chacun d'ordonner sa vie personnelle, sa vie affective et familiale, et de découvrir aussi qu'un enfant à naître est non pas un objet mais un être sensible, qui vient au monde parce que d'autres que lui en ont pris la responsabilité.
Oui, liberté et responsabilité vont de pair ! J'espère que le texte auquel nous allons aboutir ensemble aidera à assurer leur pérennité dans notre pays en ce domaine essentiel qu'est la transmission de la vie. (Applaudissements sur certaines travées du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à Mme Bardou.
Mme Janine Bardou, au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la délégation aux droits des femmes a été saisie, à sa demande, par le président de la commission des affaires sociales de la proposition de loi relative à la contraception d'urgence.
La semaine dernière, la délégation a adopté un rapport présentant les raisons qui sont à l'origine de l'examen de ce texte, le contexte dans lequel il s'inscrit et ses conséquences pratiques. Après un intéressant débat, elle a approuvé à l'unanimité, après l'avoir légèrement amendé, le projet de recommandations que je lui avais soumis.
L'histoire de la contraception chimique est encore très récente : la pillule a en effet été inventée dans le courant des années cinquante. Cette histoire est probablement encore inachevée : on espère mettre au point, dans les prochaines années, des vaccins contraceptifs, qui pourraient concerner autant les hommes que les femmes. En tout état de cause, ces progrès, très rapides, à l'aune de l'histoire humaine, constituent une étape fondamentale pour l'émancipation des femmes.
Mme la ministre et M. le rapporteur vous ont présenté, mes chers collègues, le cadre législatif qui régit actuellement, en France, le recours à la contraception, ainsi que les politiques publiques en sa faveur. Je n'y reviens donc pas. Je voudrais simplement signaler combien la délégation aux droits des femmes, de manière unanime, est consternée par la sous-information générale dans laquelle se trouvent aujourd'hui nos concitoyens, jeunes ou moins jeunes, en matière de contraception, et ce alors que la loi Neuwirth, cette loi fondatrice qui a ouvert aux femmes de France la possibilité de maîtriser leur fécondité en posant comme pricnipe le droit à la contraception et à l'information, remonte maintenant à plus de trente ans. Il y a encore dans notre pays beaucoup trop de grossesses non désirées et, par voie de conséquence, d'IVG. Voici quelques chiffres issus des statistiques officielles relatives aux méthodes contraceptives utilisées par nos concitoyens, ainsi qu'aux IVG pratiquées, qui me paraissent particulièrement inquiétants et significatifs : 60 % des premiers rapports des mineurs se dérouleraient sans contraception ; plus de 10 % des femmes de 20 à 44 ans, soit plus d'un million de femmes en âge et en situation de procréer, ne seraient pas protégées par une contraception efficace ; enfin, on compte environ 220 000 IVG chaque année, dont 6 500 chez les mineures.
Tous ces chiffres montrent que le dispositif actuel d'information sur la contraception ne fonctionne pas correctement. Aussi la délégation aux droits des femmes s'est-elle félicitée que la campagne d'information lancée par le Gouvernement le 12 janvier dernier soit recondutie dès l'an prochain et que M. le Premier ministre ait accepté le principe d'une campagne régulière, notamment pour qu'elle puisse toucher les nouvelles générations d'adolescents.
Dans le même ordre d'idées, la délégation est favorable aux initiatives prises en milieu scolaire depuis 1996 pour favoriser l'éducation des collégiens à la sexualité tant il est vrai que le problème révélé par l'importance du nombre des IVG, particulièrement du nombre de celles qui concernent les mineures, trouve ses racines dans la méconnaissance, je dirais même l'ignorance qu'ont les femmes de leur corps et de leurs droits, mais aussi de ce que sont la contraception, ses méthodes, ses effets.
Plus tôt on remédie à cette méconnaissance, plus la sexualité des filles leur appartient, et plus la lutte contre les grossesses non désirées est efficace.
Mais il faut aussi agir en direction des jeunes garçons et des hommes, qui doivent être davantage informés et impliqués.

La proposition de loi fait suite à deux initiatives successivement prises par le Gouvernement pour permettre un accès facile et rapide au NorLevo, ce nouveau contraceptif d'urgence qui ne présente pas de contre-indication médicale, sauf s'il est utilisé comme une méthode contraceptive répétée et régulière ; je veux parler de sa mise en vente libre en 1999 et de sa distribution d'urgence par les infirmières scolaires en 2000.
Le souci des pouvoirs publics, souci que partage la délégation aux droits des femmes, est d'éviter les grossesses non désirées, en particulier chez les jeunes filles, et donc les avortements. Depuis juin 1999, plus de 500 000 boîtes de NorLevo ont été vendues ou distribuées et, actuellement, les ventes mensuelles avoisinent le chiffre de 50 000 boîtes, comme nous l'a signalé Mme la secrétaire d'Etat.
La délégation a longuement débattu de l'administration du NorLevo par les infirmières scolaires, en particulier aux mineures en l'absence d'autorisation parentale.
Nous sommes tous très attachés à la responsabilité des parents. Mais nous savons aussi que, dans de trop nombreuses familles, le dialogue est difficile, notamment durant l'adolescence ; et, en matière de sexualité, bien souvent, c'est une totale absence de dialogue qui prévaut. Il faut certes souhaiter que des relations de confiance puissent être renouées entre parents et adolescents, mais on doit également tenir compte de cette réalité lorsqu'on se fixe pour objectif de préserver la santé et l'intégrité des toutes jeunes filles.
C'est dans cet esprit que la délégation est favorable au rôle reconnu par la proposition de loi aux infirmières scolaires, grâce auxquelles les adolescentes peuvent, sans trop de difficultés, nouer un premier dialogue avec un adulte sur la sexualité.
La délégation est également très attentive à ce que, au-delà de ce rôle essentiel, les infirmières scolaires interviennent, ainsi qu'elles l'ont d'ailleurs fait pendant la période d'application du protocole national - avant que celui-ci ne soit annulé par le Conseil d'Etat, en juin dernier - comme médiatrices entre l'élève et sa famille, et l'encouragent à se faire suivre médicalement par le centre de planification, le médecin traitant ou un médecin spécialiste.
M. Paul Blanc. Très bien !
Mme Janine Bardou, au nom de la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Enfin, il paraît absolument indispensable à la délégation que la jeune fille soit informée de ce que la contraception d'urgence ne peut en aucun cas remplacer la contraception habituelle. Il convient de l'alerter sur le danger qu'une prise régulière pourrait représenter pour sa santé.
Pour en revenir à la proposition de loi, il est apparu à la délégation aux droits des femmes qu'elle ne règle pas toutes les situations, et que ses conséquences positives seront étroitement conditionnées par les mesures d'accompagnement qu'il ne faudra pas manquer d'y adjoindre.
Ce sont ces préoccupations qui constituent le fil conducteur des recommandations que la délégation a adoptées, je vous le rappelle, à l'unanimité, et dont je vais à présent vous livrer la teneur.
Tout d'abord, la délégation s'est déclarée favorable au dispositif de la présente proposition de loi, car elle est convaincue de la nécessité de diminuer le nombre des grossesses non désirées et, par conséquent, celui des IVG, qui demeure considérable dans notre pays. Trop de jeunes filles sont encore confrontées à cette situation, alors même que le recours à la contraception a été libéralisé il y a plus de trente ans et que des progrès scientifiques significatifs ont été, depuis, accomplis en la matière.
Sur un plan global, la délégation estime donc qu'il est impératif de donner plus d'informations à la population en général, mais plus particulièrement aux adolescentes et adolescents sur les droits en matière de contraception, sur les méthodes contraceptives, ainsi que sur les structures d'accueil et sur les professionnels qui peuvent faciliter les démarches à entreprendre.
La délégation considère que les pouvoirs publics doivent délivrer un puissant message en direction des familles afin que celles-ci fassent preuve d'une meilleure écoute et d'une plus grande compréhension à l'égard des enfants ; pour l'essentiel, les situations de détresse résultent en effet d'une absence de dialogue dans le cadre familial en ce qui concerne la sexualité, et une amélioration durable de la situation ne saurait advenir sans l'établissement d'un tel dialogue.
Quant à l'efficacité de la présente proposition de loi, votre délégation, mes chers collègues, considère qu'elle ne pourra être obtenue que dans la mesure où un certain nombre de préoccupations auront été prises en compte.
Il faut que les médecins scolaires soient pleinement associés aux dispositifs mis en oeuvre dans les établissements.
Il est indispensable que des moyens supplémentaires en personnels - infirmières scolaires, notamment - et en crédits budgétaires - s'agissant en particulier, de la formation initiale et permanente de tous les intervenants éducatifs et médico-sociaux dans les établissements scolaires - soient dégagés pour faire vivre les différentes initiatives prises ces dernières années en matière d'éducation à la sexualité et d'accompagnement des situations d'urgence. La réussite est à ce prix.
Il sera aussi nécessaire de favoriser de véritables partenariats entre les établissements scolaires et les centres de planification ou d'éducation familiale.
Enfin et surtout, des solutions adaptées devront être recherchées pour permettre aux jeunes filles en situation d'urgence ou de détresse d'accéder rapidement et facilement à la contraception d'urgence, notamment, comme le rappelait M. le rapporteur, pendant les périodes de vacances scolaires.
En conclusion, la délégation aux droits des femmes recommande que des bilans soient régulièrement effectués en ce qui concerne tant l'application du présent dispositif législatif que le respect, par les autorités scolaires, des instructions ministérielles relatives à la politique d'éducation à la sexualité. (Applaudissements sur certaines travées des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Ségolène Royal, ministre délégué à la famille et à l'enfance. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je crois, comme M. Lucien Neuwirth, que ce débat n'est pas anodin.
En effet, de quoi parlons-nous ? Nous parlons d'adolescence, de responsabilité parentale, de droit à l'erreur, de détresse, de naissances non désirées, d'interruption volontaire de grossesse chez de toutes jeunes filles ; nous parlons aussi de violences sexuelles.
Il me paraît utile de rappeler en quelques mots pourquoi j'ai pris, dans mes précédentes fonctions, cette décision concernant le système scolaire, et pourquoi, aujourd'hui, en tant que ministre de la famille et de l'enfance, je reste déterminée à poursuivre ce que je considère comme un combat pour l'accession des adolescentes à la dignité.
Cette décision, je l'ai prise en novembre 1999, à l'occasion d'une réunion qui rassemblait près de 500 infirmières scolaires, et en réponse à l'une des questions qu'elles me posaient. Cette décision, contrairement à ce qui a pu être dit ici ou là, je l'ai mûrement réfléchie.
Je rappelle qu'elle est intégrée dans un protocole nationale de soins auquel j'ai travaillé pendant deux ans et qui a été publié au Bulletin officiel de l'éducation nationale le 6 janvier dernier. Elle fait partie d'une remise à niveau de l'ensemble des services des infirmières scolaires, intéressant tous les collèges et lycées, à travers tout le territoire.
C'est la première fois qu'un tel protocole national de soins a été mis en place. Auparavant, les comportements étaient très hétérogènes, nul ne savait quels types de médicaments pouvaient être détenus dans les infirmeries scolaires, nul ne savait précisément quel comportement il convenait d'adopter au regard des soins d'urgence que les infirmières scolaires devaient prodiguer pour sauver des vies humaines, pour sauver des élèves.
Il existe donc maintenant un dispositif spécifique sur la délivrance de la contraception d'urgence aux élèves des collèges et lycées.
Cette décision que j'ai prise s'intègre donc dans une démarche éducative globale et, plus spécialement, dans une politique d'éducation à la santé.
Pendant trois ans, je crois avoir beaucoup oeuvré pour la santé scolaire, et cette décision fait partie d'un ensemble de chantiers qui ont été ouverts et menés à bonne fin dans le système scolaire.
Au cours de ces trois années, j'ai accru le nombre des infirmières scolaires et des assistantes sociales comme il ne l'avait jamais été pendant les dix années précédentes.
Au cours de ces trois années, j'ai réintroduit l'éducation à la santé dès l'école maternelle en diffusant une instruction officielle afin qu'on enseigne aux élèves le respect du corps, qu'on leur explique que le corps n'est pas un jouet.
S'agissant de l'école primaire, j'ai intégré au programme officiel, outre l'éducation au respect du corps, la lutte contre les violences entre élèves, l'apprentissage de l'interdit de l'inceste. Cela doit s'apprendre très tôt, je pense, de manière que les élèves soient les acteurs de leur propre protection contre un certain nombre de violences sexuelles.
Dans les collèges, j'ai créé les modules d'éducation à la santé.
J'ai également instauré, dans chaque collège et chaque lycée, le comité d'éducation à la santé et à la citoyenneté, qui réunit désormais autour d'une table non seulement les équipes pédagogiques mais aussi des intervenants extérieurs du quartier, les personnels médico-sociaux compétents, pour que les élèves soient formés, en particulier, à la prévention des conduites à risque.
J'ai, par ailleurs, fait diffuser des instructions officielles très précises pour redonner un contenu à l'éducation à la sexualité et à la vie. Des programmes pédagogiques spécifiques ont été rédigés. Une mallette d'éducation à la sexualité et à la vie a été fabriquée ; je l'ai récemment présentée officiellement avec Jack Lang. C'est l'aboutissement d'un travail très approfondi, en particulier pour recadrer l'éducation à la contraception dans une logique d'éducation à la responsabilité, à la vie affective, à la lutte contre toutes les formes de violence.
Autrement dit, la possibilité qui a été donnée aux infirmières scolaires s'inscrit dans un projet éducatif global, car il vaut mieux prévenir que guérir et, dès lors, il est essentiel de surmonter les difficultés d'accès à l'information.
Bien entendu, cette décision supposait une confiance absolue envers les infirmières scolaires. Celles-ci ont prouvé qu'elles savaient jouer ce rôle fondamental de médiatrices entre les élèves et leurs parents.
La première obligation qui leur est faite dans ce protocole est d'ailleurs de contacter les parents, en accord avec les jeunes filles mineures, de tout faire pour obtenir cet accord. L'expérience prouve que, dans trois cas sur quatre, elles parviennent à renouer ce fil avec les parents.
Le bilan qui a été rendu public, après six mois d'application, fait apparaître que, sur un peu plus de 7 000 demandes, les infirmières scolaires ont délivré 1 600 contraceptions d'urgence. Autrement dit, il n'y a pas eu ce déferlement que certains prédisaient. Dans tous les autres cas, l'infirmière scolaire a réussi soit à faire prendre en charge le problème par les parents, soit à orienter les élèves vers un service médical de proximité pour la prise en charge médicale d'une contraception responsable.
Le protocole fait en outre obligation aux infirmières scolaires d'accompagner psychologiquement et médicalement les élèves.
Il s'agit, par conséquent, d'un dispositif qui n'a été mis en place qu'après une ample réflexion et qui a d'ores et déjà fait ses preuves dans le système scolaire.
Le Conseil d'Etat a, certes, annulé une partie de ce protocole. Mais il faut s'en féliciter, car cela permet au Parlement d'en débattre. Or il s'agit là d'affaires éminemment politiques.
Ce qui est en cause, en effet, c'est notamment l'approche que l'on peut avoir des difficultés de l'âge adolescent, qui est à la fois celui de toutes les demandes et de tous les refus, l'âge des hésitations et des erreurs. Il nous revient de réfléchir à la façon dont nous pouvons au mieux accompagner les responsabilités éducatives face aux adolescents.
C'est pourquoi je me réjouis d'avoir entendu à l'instant M. Neuwirth, puis Mme Bardou orienter leurs réflexions dans un sens positif.
Je voudrais maintenant, en fonction de l'expérience que j'ai acquise dans mes responsabilités passées et présentes, réagir aux propositions de M. Neuwirth.
Vous souhaitez, monsieur Neuwirth, que la pilule du lendemain soit gratuite. Qui pourrait être hostile à un accès à la contraception d'urgence encore plus facile que je ne l'avais imaginé ?
Je tire de cette prise de position une leçon politique. En effet, au moment où j'ai pris la décision que j'évoquais à l'instant, j'ai été assez vivement attaquée et je me suis trouvée plutôt seule. J'observe qu'aujourd'hui les mentalités ont évolué. L'opinion publique est parfois très en avance sur les responsables politiques.
Je retiens surtout que, lorsqu'une décision semble juste, il faut savoir braver les résistances. C'est ce que j'ai fait, et je suis heureuse qu'à l'Assemblée nationale puis au Sénat mon action ait en définitive été reconnue par des parlementaires appartenant à des horizons politiques divers.
Faut-il aller jusqu'à la gratuité ? Vous me trouverez toujours à vos côtés pour faciliter encore davantage les choses, mais la gratuité ne constituerait-elle pas au fond une réponse partielle à une véritable question ? Derrière la gratuité se cache en effet la question de savoir comment faciliter l'accès à la contraception. Rendre gratuite la pilule du lendemain, n'est-ce pas risquer de la banaliser, alors que nous sommes tous d'accord pour considérer qu'il ne s'agit pas d'un mode de contraception régulière ? N'allons-nous pas faire l'impasse sur le vrai débat, qui devrait porter sur les moyens de faciliter l'accès à la contraception préventive aux jeunes filles, mais aussi aux femmes en général ?
On le sait bien, la véritable révolution est la « démédicalisation » de la contraception. Peut-on réellement soutenir aujourd'hui que les nouvelles pilules présentent plus de risques que la pilule du lendemain ? Pourquoi les unes nécessitent-elles une prescription médicale mais pas l'autre ? C'est un débat qu'il nous faudra aborder un jour, mais je crains la précipitation. Pourquoi décider aujourd'hui de la gratuité de la pilule du lendemain ? Pourquoi pas celle des préservatifs, ou celle de la contraception préventive, que l'on sait être la meilleure et la plus responsable ?
Le débat doit être replacé dans une réflexion globale sur les moyens de faciliter l'accès à la contraception, d'autant que nous sommes tous d'accord pour reconnaître que le nombre élevé d'interruptions volontaires de grossesse en France constitue un problème fondamental et - pourquoi ne pas le dire ? - une blessure qui est le symptôme même de la difficulté d'accès à la contraception.
La contraception est trop médicalisée, en particulier pour les adolescentes. On sait en effet que la plupart des premiers rapports ont lieu sans protection parce que le cheminement amoureux est très progressif et que la date du premier rapport sexuel n'est pas programmée. Il n'est pas possible par ailleurs de prendre des décisions qui auraient pour effet d'inciter les adolescents à avoir des rapports sexuels précoces.
C'est pourquoi, dans le cadre de la nouvelle éducation à la sexualité et à la vie, j'ai pris la responsabilité de donner aux infirmières scolaires la possibilité de délivrer ces contraceptifs d'urgence, mais j'affirme dans le même temps que la sexualité précoce n'est pas une conquête et que les jeunes, en particulier les filles, doivent être armés pour résister à l'imposition de rapports sexuels dans la violence, ou dans la norme.
Je pense donc que tout signal qui banaliserait la contraception d'urgence pourrait se retourner contre les adolescentes et que le sujet mérite un débat plus global, même s'il est difficile d'être contre la possibilité que vous ouvrez - encore que vous l'ouvrez à toutes les mineures et pas seulement aux plus défavorisées. Pourquoi ne pas l'ouvrir aussi aux jeunes majeures ?.
Le dispositif que vous proposez ne me semble pas suffisamment « calé » ; il a des effets pervers et fait l'impasse sur la question la plus fondamentale, à savoir : pourquoi ne pas « démédicaliser » la contraception préventive pour en faciliter l'accès ?
La deuxième proposition que vous formulez consiste à re prendre une partie du protocole dans la loi. Elle avait déjà été présentée à l'Assemblée nationale. J'ai fait valoir un certain nombre d'arguments, qui ont été reçus.
Vous reprenez une partie du protocole que j'ai rédigé, ce dont je suis fort honorée. Dans le même temps, vous compliquez les choses pour les infirmières scolaires car, en ne retenant qu'une partie du protocole dans la proposition de loi, vous faites l'impasse sur un certain nombre de points qui sont traités dans le protocole. Les infirmières seront donc confrontées à deux textes, l'un très complet, le protocole, et l'autre partiel.
Surtout vous passez sous silence le rôle de médiation des infirmières scolaires.
Hier, en tant que ministre chargée de l'enseignement scolaire, aujourd'hui, en qualité de ministre déléguée à la famille et à l'enfance, j'ai toujours absolument tenu à ce que la médiation entre l'élève mineur et ses parents reste le rôle éminent des infirmières scolaires.
M. Lucien Neuwirth, rapporteur. Et pendant les vacances ?
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée. La vente des pilules est libre dans les pharmacies !
Dans le système scolaire, nous avons voulu introduire un « plus », grâce à la médiation des infirmières scolaires...
M. Lucien Neuwirth, rapporteur. La pilule n'est pas gratuite !
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Certes, mais d'autres médicaments d'urgence ne le sont pas non plus !
Mais, surtout, et Mme Bardou avait posé cette question tout à fait judicieuse en commission, en dehors de la période scolaire, les centres de vacances, les centres de jeunesse ou les centres d'animation peuvent très bien avoir dans leur infirmerie des pilules d'urgence puisque ce médicament est en vente libre. Les associations de jeunesse et d'éducation populaire peuvent donc venir en aide à des jeunes en difficulté pendant les vacances scolaires.
M. Jean-Louis Lorrain. Ben voyons !
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Tels sont les quelques éléments que je voulais livrer à votre réflexion. Je redis qu'il s'agit d'un débat fondamental, qui met en cause certaines convictions, lesquelles, j'en suis sûre, trouveront à s'exprimer pendant la discussion générale.
Il nous faut, mais cela a été bien compris si j'en crois les interventions que nous venons d'entendre, assumer notre responsabilité éducative d'adultes et savoir tendre la main au bon moment à des adolescentes en détresse. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 31 minutes ;
Groupe socialiste, 25 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 19 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 17 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 11 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 10 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 7 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Campion.
Mme Claire-Lise Campion. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le xxe siècle restera sans nul doute marqué de l'empreinte des femmes. Elles y auront acquis leur émancipation juridique, politique, familiale. Ces trente-trois dernières années, l'évolution des moeurs et de la place de la femme dans notre société a déjà amené le législateur à opérer un recadrage, que ce soit au travers de la loi sur la parité ou de la loi relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
Il convient aujourd'hui, grâce à cette proposition de loi sur la contraception d'urgence, de faire progresser un peu plus - et je m'en félicite - les droits spécifiques et fondamentaux des femmes, à savoir le droit à disposer librement de son corps, de maîtriser sa fécondité et de choisir ses maternités. Ces avancées trouveront un écho et un prolongement avec le projet de loi de modernisation sociale dont nous serons amenés à débattre prochainement.
Aujourd'hui, c'est une pierre de plus que l'on nous propose d'ajouter à l'édifice des lois Neuwirth et Veil, adoptées respectivement en 1967 et 1975, afin d'apporter une solution aux trop nombreuses situations de détresse résultant de grossesses non désirées.
En effet, elles sont quelque 10 000 adolescentes à être, chaque année, confrontées à cette angoisse, et près de 7 000 d'entre elles feront, souvent dans la solitude, la douloureuse expérience d'une interruption volontaire de grossesse.
Une prise de conscience était urgente. Selon le rapport sur les grossesses des adolescentes, rédigé en 1998 par le docteur Michèle Uzan, « la sexualité des adolescentes est irrégulière et imprévue ; 50 à 60 % des premiers rapports ont lieu sans contraception ; 70 % des adolescentes n'ont aucune contraception trois mois avant l'IVG et 20 % oublient la pilule ou laissent le préservatif dans la poche. »
Signalons aussi que 40 % des jeunes filles de moins de seize ans vivent leur premier rapport sexuel sous la contrainte ; il est difficile de mener ensuite sereinement une grossesse.
N'oublions pas non plus que les campagnes de promotion sur l'utilisation du préservatif pour la prévention du sida n'ont pas incité les jeunes à une sexualité plus précoce. L'âge du premier rapport sexuel reste dix-sept ans.
Toutefois, les jeunes générations ont souvent confondu contraception et préservatif, ce qui les expose à un risque particulier de grossesses non désirées.
On ne pouvait donc rester plus longtemps insensible à la détresse de ces jeunes filles et ne rien faire pour leur éviter de débuter leur vie de femme par la terrible expérience d'une interruption volontaire de grossesse.
La contraception d'urgence est un progrès considérable en la matière, dans la mesure où elle contribue à limiter le recours à l'avortement. Ainsi, en Finlande, le nombre d'interruptions volontaires de grossesse a diminué de plus de la moitié dans les dix années qui ont suivi la mise sur le marché de la pilule du lendemain.
L'insuffisance patente en matière de prévention et d'accès à la contraception et l'introduction en France d'une contraception d'urgence ont amené la mise en place en janvier dernier, à l'initiative de Mme Ségolène Royal alors ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire, d'un protocole national organisant la délivrance du NorLevo, en cas d'urgence, par les infirmières scolaires. Rappelons que ce protocole national sur l'organisation des soins et des urgences dans les écoles et les établissements publics locaux d'enseignement fit l'objet d'une longue concertation puisque celle-ci dura plus de six mois.
Le NorLevo appartient à la catégorie juridique des contraceptifs hormonaux et/ou intra-utérins. Il ne comporte aucune contre-indication médicale. Son efficacité atteint 95 % si le premier comprimé est pris dans les vingt-quatre heures qui suivent le rapport, et 58 % si la prise a lieu entre quarante-huit et soixante-douze heures après.
Si le Gouvernement, sur proposition de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, a autorisé la vente libre du NorLevo, c'est que, à la différence du Tétragynon, autre contraceptif d'urgence, il ne comporte pas d'oestrogènes : ces hormones peuvent provoquer des nausées et, surtout, elles entraînent des risques de malformation du foetus en cas de poursuite de la grossesse. Le NorLevo, au contraire, est uniquement composé de progestatif. Cette contraception d'urgence peut donc aussi venir en aide aux femmes qui ont pris des risques et qui n'ont pas nécessairement une contraception régulière. Elle permet d'éviter sept à neuf grossesses sur dix.
La délivrance exceptionnelle en milieu scolaire a bien été respectée, puisqu'en six mois ont été recensées 7 074 demandes de NorLevo de la part des élèves, qui ont donné lieu à 1 618 délivrances effectives. Toutes les élèves ont été suivies et orientées vers un centre de planification familiale. C'est dire avec quel professionnalisme et sérieux les infirmières scolaires ont su réagir et engager le dialogue pour inciter ces jeunes à utiliser par la suite une méthode de contraception préventive et à en discuter avec leurs parents.
Le Conseil d'Etat, dans un arrêt du 30 juin 2000, a annulé les dispositions du protocole national sans en remettre en cause pour autant le bien-fondé.
Il nous appartient donc aujourd'hui de donner une base légale à ces mesures en votant un texte législatif permettant une réelle prise en compte de la spécificité thérapeutique de ce contraceptif, inconnu en 1967.
Je vois dans cette prescription d'urgence non pas, comme certains, une atteinte à un domaine d'intervention jusqu'à présent réservé au médecin, mais un remède pour les jeunes contre l'inégalité dans l'accès à la contraception et à l'éducation sexuelle, inégalité d'autant plus réelle qu'elle est fonction de l'âge, mais aussi de la situation sociale, culturelle ou économique.
La délivrance du NorLevo par une infirmière scolaire, alors que l'école demeure l'endroit le mieux à même de réduire les inégalités, et sa vente libre en pharmacie répondent donc à une nécessité, particulièrement peut-être dans les zones rurales, où les centres de planification familiales, qui sont d'ailleurs eux-mêmes peu connus des adolescents, sont souvent éloignés.
La cohérence de cette proposition de loi passe cependant par une meilleure connaissance des risques encourus par les jeunes lors de leurs premières relations sexuelles, par l'augmentation du temps de présence des infirmières dans les collèges et les lycées, et par une formation adéquate de ces dernières en matière d'éducation à la santé et à la sexualité.
Je me réjouis de constater que les récentes mesures du ministère de l'éducation nationale pour la rentrée scolaire 2000-2001 vont dans ce sens, avec la mise en place à titre expérimental des cours d'éducation à la sexualité pour les élèves des classes de quatrième et de troisième. Cette initiative a d'autant plus de valeur qu'elle ne marginalise pas le rôle des garçons dans cette ouverture à la sexualité. Ils seront eux aussi parents demain.
Toutefois, cet enseignement, souvent jugé trop théorique et trop scientifique, devra être plus pédagogique. Il devra figurer dans la formation initiale et continue des enseignants, ainsi que dans celles des infirmières scolaires et des assistantes sociales. Sur ce point, un projet est d'ailleurs en cours d'élaboration avec la collaboration du planning familial.
Certains ont vu dans la « démédicalisation » du contraceptif d'urgence une atteinte à l'autorité parentale. L'objectif, loin d'être de remplacer le dialogue entre parents et enfants en matière d'éducation à la sexualité, est d'apporter une réponse à des jeunes filles en détresse et non de déresponsabiliser les parents. C'est d'autant plus vrai que l'autorisation parentale n'est déjà pas requise pour la prescription d'une contraception régulière dans les centres de planification.
D'ailleurs, les mineures agissent en toute conscience, sans en informer leurs parents. La loi doit inscrire dans les faits que les adolescentes sont en mesure de gérer leur sexualité, si on leur en donne les moyens. Elles se retrouveront trop souvent seules au terme de leur grossesse face à une décision traumatisante : garder l'enfant ou l'abandonner.
Une vie sexuelle socialement acceptée, c'est une sexualité responsable et une jeunesse responsable et reconnue.
Mais, vous le savez, l'éducation sexuelle a toujours fait l'objet d'un tabou culturel pour les parents. Si des progrès ont été accomplis dans de nombreuses familles, toutes n'ont pas le même accès à l'information et toutes n'ont pas la même approche de la question. Par peur ou par pudeur, les parents sont parfois réticents à imaginer la vie sexuelle de leur enfant, et de leur fille en particulier, ce qui conduit de nombreux jeunes à vouloir conserver le secret sur leur sexualité.
L'écoute d'une tierce personne, en l'occurrence l'infirmière scolaire, est donc parfois plus à même d'apporter le soutien et le conseil nécessaires dans ces situations d'urgence.
Il y a non pas substitution, mais complémentarité dans l'action. N'entrons pas dans la confusion « autorité parentale » et « autorisation parentale ». Déroger ne veut pas dire supprimer.
Mais, s'il s'agit bien de pallier une imprudence ou une ignorance, la contraception d'urgence doit demeurer une exception. Il faudra veiller à ce que le recours au NorLevo ne se banalise pas. N'oublions pas que la sexualité des adolescentes est irrégulière et imprévue, d'où l'importance du travail des infirmières en milieu scolaire et l'urgence à accompagner cette proposition de loi des moyens financiers nécessaires pour une mise en application dans les meilleures conditions.
Je suis sûre que le Gouvernement saura accompagner cette réforme des garanties nécessaires, comme le montrent les différentes actions qu'il a déjà entreprises en ce domaine. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Francis Giraud.
M. Francis Giraud. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, quelque 6 500 interruptions volontaires de grossesse par an chez les mineures mais, surtout, une forte augmentation, en cinq ans, de la proportion de mineures enceintes recourant à l'interruption volontaire de grossesse, qui passe de 59 % en 1990 à 71 % en 1995 : ces chiffres sont tristement éloquents !
Pour tenter de limiter le recours à l'avortement, le Gouvernement a préconisé des mesures qui sont reprises dans l'article unique d'une proposition de loi, déjà votée par l'Assemblée nationale.
Ce texte prévoit d'autoriser la contraception d'urgence, par la délivrance sans ordonnance du NorLevo, « la pilule du lendemain », et l'administration de cette contraception, dans des circonstances exceptionnelles, à des mineures, sans l'autorisation préalable des parents, par des infirmières en milieu scolaire.
Permettez-moi tout d'abord de féliciter nos collègues M. Lucien Neuwirth et Mme Janine Bardou de la qualité exemplaire de leurs rapports.
Un sénateur socialiste. C'est vrai !
M. Francis Giraud. Ce texte aborde un vrai problème de société, une situation dramatique pour les adolescentes, une situation dont nous sommes tous responsables, politiques de droite comme de gauche, parents, enseignants et médecins. Il n'y a donc bien sûr pas lieu de polémiquer ; il convient plutôt de réfléchir et de faire des propositions.
Sur un tel sujet, on pourrait épiloguer sans fin, car ce texte, élaboré dans l'urgence, sans débat de fond, concerne, entre autres points, deux éléments fondamentaux de l'organisation de notre société : la responsabilité médicale et la responsabilité parentale.
Médecin des hôpitaux publics, ayant exercé pendant de longues années dans les domaines de la pédiatrie et de la génétique médicale, je limiterai mon intervention à trois points, à savoir l'aspect médical, l'information et l'éducation.
Oui, dans notre société, une grossesse chez une jeune adolescente est un drame, une détresse - sans doute davantage sur le plan psychologique que sur le plan physique - qui la condamne à un avenir chaotique. La conception d'une vie nouvelle se transforme en désastre.
Oui, il y a urgence après un rapport sexuel non protégé si l'on veut éviter une grossesse.
Oui, le NorLevo, contraceptif à base de progestérone, s'il est ingéré dans les vingt-quatre heures qui suivent le rapport sexuel, est efficace, en empêchant l'ovulation ou la nidation. Il n'a rien à voir avec un médicament abortif, tel que le RU 486.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Très bien !
M. Francis Giraud. Médecin, j'ai été étonné des commentaires concernant un produit chimique qui, en lui-même, n'a pas de valeur morale. Un médicament à la dose voulue est efficace ou non. Celui-ci l'est, à l'évidence.
Son utilisation exceptionnelle n'entraîne pas de conséquences apparentes. Le vrai danger réside dans les utilisations répétées d'une méthode trop facile, qui généreront sans aucun doute des perturbations sérieuses, dont les répercussions ne sont pas encore connues avec précision.
Contrairement à certains de nos collègues qui déclarent que les femmes et les adolescentes sont responsables, je pense, par expérience dans d'autres domaines, que la banalisation est un réel danger.
S'agissant des infirmières scolaires, dont j'ai pu apprécier l'immense dévouement, la compétence, par ailleurs reconnue, la faculté d'écoute, je m'interroge sur deux points. Pourront-elles être présentes dans ces situations de détresse, quand on sait que leur nombre est limité - une infirmière pour 2 500 enfants, certaines ne venant que quelques heures dans un établissement - et que les congés scolaires représentent à peu près un tiers de l'année civile ? Bien plus important encore, au-delà du protocole national qui les guidera dans leur action, a-t-on bien réfléchi à la responsabilité médicale qu'on leur délègue ?
Bien entendu, un jour ou l'autre, un incident, un accident, se produira chez une adolescente. Même si celui-ci n'a aucun rapport avec le NorLevo, les infirmières scolaires ne seront-elles pas inquiétées ?
Sur un plan plus général, la possibilité de prescription sans avis médical ne me paraît pas souhaitable. Il s'agit non pas de corporatisme, mais de bon sens.
Certes, le nombre de médecins scolaires est notoirement insuffisant, le service de prévention maternelle et infantile et les centres de planning familial sont en nombre insuffisant et peu étayés. Cet aspect du problème ne devrait-il pas être révisé en priorité ? Un pays riche comme le nôtre doit-il accepter de telles carences ?
L'exonération explicite de l'autorisation parentale pour les mineures qui désirent garder le secret peut se comprendre, compte tenu de la réalité sociale, des différences de culture et de l'extrême urgence de la décision. Cette porte ouverte, nécessaire en l'occurrence, peut toutefois se révéler dangereuse dans d'autres circonstances.
Il faudra bien, un jour, repenser la place des parents dans le système de santé.
Surtout, le fait de faire entrer la médecine à l'école et de ne plus se limiter à une surveillance médicale crée une ambiguïté dangereuse entre les missions de l'éducation nationale et celles du ministère de la santé. (Applaudissements sur certaines travées du RPR et de l'Union centriste.)
S'agissant de l'information sur la contraception, les chiffres parlent d'eux-mêmes.
Plus de trente ans après la loi Neuwirth, vingt-cinq ans après la loi Veil de 1975, on dénombre 220 000 interruptions volontaires de grossesse par an en France, avec une hausse de 6 % pour la période 1990-1998, qui concerne plus particulièrement les plus jeunes femmes. On compte 20 000 grossesses chez les mineures, dont 10 000 non désirées, et 6 500 interruptions volontaires de grossesse. Par ailleurs, 60 % de premiers rapports sexuels ont lieu sans protection.
Cette attristante situation appelle de notre part modestie et réflexion. Les décisions courageuses prises en 1967 et en 1975 ont abouti de ce point de vue, et ces chiffres le démontrent, à un échec : le recours à l'interruption volontaire de grossesse qui devait, selon la loi de 1975, intervenir exceptionnellement, est devenu, hélas ! une méthode de contraception.
Certes, des campagnes d'information sur la contraception ont été réalisées, des centres d'accueil offrant confidentialité et gratuité existent à l'hôpital et au planning familial. Certes, des programmes d'enseignement pour les jeunes sur la sexualité ont été institués et codifiés par de multiples circulaires émanant de différents ministères. Pourtant, c'est une constatation, cette information se révèle insuffisante, insatisfaisante. Tous les acteurs de terrain sont consternés par l'ignorance abyssale des Français sur la physiologie de la reproduction, sur la régulation des naissances.
Le bilan est lourd. Le droit proclamé pour chaque femme de planifier la naissance de ses enfants n'a pas réellement progressé. En effet, comme M. Lucien Neuwirth l'a rappelé, on dénombrait 250 000 interruptions volontaires de grossesse légales par an en 1976 ; on en compte 220 000 de nos jours.
Une fois de plus, on constate dans notre pays, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, que les intentions sont louables, que les effets d'annonce ne manquent pas ; mais leur mise en oeuvre à travers tout le territoire est déficiente. (Applaudissements sur certaines travées du RPR.)
D'autres pays pourraient servir d'exemple.
Un rapport de l'INSERM, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, constate qu'aux Pays-Bas, où l'enseignement de la santé, et donc de la sexualité, est abordé dès l'école primaire, les taux d'interruptions volontaires de grossesse sont les plus bas d'Europe, soit 6,5 , contre 15,4 en France, tout comme le rapport entre avortements et naissances, qui s'établit à 1 sur 9, contre 1 sur 3 en France.
Quelle que soit la qualité de l'information, celle-ci sera toujours insuffisante sans une éducation des jeunes à la vie.
Cette éducation, bien des enfants la reçoivent dans leur famille, qui a un rôle irremplaçable. La préparation des jeunes à l'âge adulte se fait par l'exemple que l'on donne en tant que parents et adultes, par l'attachement à certaines valeurs et par le sens des responsabilités que l'on manifeste dans sa propre vie. (Applaudissements sur certaines travées du RPR.)
Cette construction s'effectue patiemment depuis la petite enfance grâce à une attention sans cesse renouvelée. Les discussions à l'adolescence, franches et directes, sont indispensables à cette élaboration qui fera d'un adolescent un adulte responsable, respectueux de lui-même et de ceux qui l'entourent.
Il est temps, sur cette question de société et de santé, d'associer tous les acteurs : parents, éducateurs et corps médical.
Il est de notre responsabilité à tous que les jeunes, sans distinction de sexe, soient conscients que l'acte sexuel ne relève pas de la performance, qu'il comporte des risques et engage donc la responsabilité, que le plaisir naît d'un échange respectueux de soi-même et de l'autre.
Ces réflexions peuvent vous sembler irréalistes, car il est vrai que l'organisation de notre société ne se prête pas à ces échanges fructueux entre parents et adolescents. Il est par ailleurs incontestable que la cellule familiale est menacée, de plus en plus sujette à dislocation.
Mais ces réflexions, je les crois justes, et je le dis.
La responsabilité doit être le maître mot de nos débats après le constat d'une si dramatique situation : responsabilité des jeunes, des parents, des éducateurs, des professions médicales, des médias et des décideurs politiques.
A ce propos, je suis étonné que, durant ces débats, l'on n'ait pas davantage insisté sur la responsabilité des garçons. Ce sont bien sûr les filles qui subissent les conséquences de rapports sexuels non protégés. Bien souvent, elles les assument seules. On continue à leur faire croire que la contraception est de leur unique reponsabilité. Il n'est prévu nulle part que leurs partenaires masculins soient davantages impliqués.
Madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, devant cette situation qui atteint la jeunesse de notre pays, quels moyens financiers entendez-vous utiliser pour augmenter encore, car vous l'avez déjà fait, le nombre des médecins et des infirmières scolaires ? Chacun sait le nombre extraordinaire de collèges et de lycées qui, sur le territoire, ne sont pas pourvus normalement et suffisamment de médecins et d'infirmières. Quels moyens financiers entendez-vous utiliser pour améliorer une information insuffisante et insatisfaisante ? Vous avez parlé d'une campagne médiatique. C'est très bien ; mais les chiffres prouvent que toutes ces campagnes, toutes ces actions, aussi louables soient-elles, n'ont pas produit l'effet escompté.
M. Roland Muzeau. Il n'y en a pas eu assez !
M. Francis Giraud. Quels moyens entendez-vous utiliser pour responsabiliser les jeunes dans leur éducation à la vie ?
Je suis certain que tous, ici, nous sommes désireux du plein épanouissement des jeunes de notre pays.
Au-delà de ce texte, que je voterai, sans enthousiasme, pour répondre à des situations de détresse comme le serment d'Hippocrate m'y engage, conjuguons nos efforts pour améliorer dans notre société la situation délicate des adolescents. (Très bien ! et applaudissements sur les travées RPR et du groupe de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du groupe du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il a fallu attendre le 1er juillet 1967 pour que la proposition de loi sur la régulation des naissances de Lucien Neuwirth, alors député, soit adoptée par le Parlement. Je profite d'ailleurs de cette intervention pour remercier notre collègue : le rapporteur qu'il est a su de façon magistrale orienter les débats et les travaux de la commission des affaires sociales. L'éclairage apporté par Mme Bardou, au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, nous a également été très utile. Merci, madame.
A une époque où environ 300 000 avortements étaient pratiqués chaque année et où seules les femmes ayant un bon réseau relationnel et les moyens nécessaires pouvaient accéder à des produits contraceptifs à l'étranger, à une époque où des moyens plus ou moins dangereux d'éviter une grossesse étaient en circulation, l'autorisation et la vente, sur prescription médicale, d'une molécule contraceptive ont annoncé une véritable révolution culturelle pour l'ensemble des Françaises et des Français.
Trente-trois ans plus tard, que constatons-nous ? Nous observons que l'utilisation de la contraception, en France, relève d'un paradoxe : la contraception féminine s'est généralisée, mais le taux d'IVG reste stable, comme nous l'a rappelé M. le rapporteur.
La France détient le record du monde de l'utilisation de la pilule et du stérilet : 57 % dans notre pays contre 30 % en Grande-Bretagne et 15 % aux Etats-Unis. (Mme Pourtaud s'exclame.) Cependant, si l'on peut penser que la diffusion de la connaissance et de la pratique de la contraception est aujourd'hui assez forte parmi les femmes, il reste que près de 220 000 interruptions volontaires de grossesse sont encore pratiquées chaque année en France.
Malheureusement, on constate également une augmentation des IVG chez les jeunes filles de quinze ans à vingt-quatre ans, la progression la plus importante se situant dans la classe d'âge des dix-huit - dix-neuf ans : plus 26,7 % entre 1992 et 1995.
Les études montrent que la plupart des IVG chez les adolescentes sont dues à l'absence de contraception, en premier lieu, à une mauvaise utilisation du préservatif et à l'oubli de la pilule, en second lieu. La sexualité des adolescentes se caractérise par un nombre important de rapports non protégés, puisque 50 % à 60 % des premiers rapports ont lieu sans aucune contraception.
Que peut-on donc constater si ce n'est la pauvreté de l'éducation sexuelle dans notre pays, aboutissant à ce que la moitié des grossesses des adolescentes ne soient pas désirées et que près des deux tiers de ces grossesses conduisent aujourd'hui à un avortement ?
La proposition de loi qui nous est aujourd'hui soumise s'avère être une mesure nécessaire au regard du nombre encore important d'IVG chez les adolescentes. Il s'agit d'une mesure nécessaire pour accompagner l'évolution de la société, évolution que l'on peut regretter, voire rejeter, je le conçois. Mais ne soyons pas hypocrites : ne vivons pas dans un monde virtuel, regardons la réalité et adaptons nos décisions aux nouveaux comportements.
La diffusion de la contraception d'urgence nécessite un accès rapide et facile pour les mineures. C'est pourquoi il semble effectivement nécessaire que cette contraception soit délivrée par les infirmières scolaires et disponible dans les pharmacies.
Quant à sa délivrance, elle ne doit constituer qu'une mesure d'urgence, destinée à répondre à une situation de détresse dans la mesure où l'efficacité du NorLevo est liée à son absorption rapide. Elle doit être rattachée à une procédure très particulière et rigoureuse.
Si les parents jouent un rôle irremplaçable dans l'éducation de leurs enfants, leur apportant leur soutien et leurs conseils dans les situations difficiles, il n'est cependant pas toujours possible à l'adolescente de créer l'occasion de se livrer à eux, de s'informer auprès d'eux et de les informer de ce qui lui arrive. Elle veut éviter une situation de crise, pour préserver tout simplement son intimité, et c'est légitime. Il est donc essentiel que l'anonymat soit préservé, si la jeune fille le demande.
Ne pas exiger l'autorité parentale, c'est aussi faire preuve de réalisme. En effet, il y a longtemps que les mineures utilisent la contraception sans en parler à leurs parents. Ne vaut-il pas mieux que, dans des circonstances difficiles, une adolescente ait affaire à une infirmière scolaire, qui l'écoute, plutôt que d'être livrée à elle-même et à la seule écoute de ses copines ?
Quels parents peuvent se targuer de savoir trouver, à tout moment, les mots qu'il faut pour parler à leur fille ? L'adolescence est l'âge des refus et des oppositions, et, s'il est une chose dont les adolescents ne parlent pas librement avec leurs parents, c'est le plus souvent, hélas ! de la sexualité.
Les infirmières ont, depuis longtemps, un rôle d'écoute et de conseil auprès des adolescentes. Elles sont parfois le seul interlocuteur adulte, dont les adolescentes ont besoin, avec lequel elles se sentent en confiance. Enfin, la grande majorité d'entre elles avaient accueilli très favorablement la circulaire du 27 décembre 1999, d'autant qu'elles avaient déjà dû faire face à de telles situations sans pouvoir y répondre.
Il faut reconnaître, après six mois d'application de cette circulaire, que les infirmières scolaires ont fort bien su suivre le protocole très précis qui leur était imposé. Elles sont conscientes de leurs responsabilités, qu'elles assument pourtant dans des conditions bien difficiles, d'autant plus qu'il y a, en moyenne, une infirmière pour 2 500 élèves.
S'agissant de l'éducation sexuelle, elle ne doit pas se limiter, comme c'est trop souvent le cas, aux aspects biologiques ni à des conseils de prévention, mais elle doit donner toute sa place à la dimension affective, culturelle, sociale de la sexualité, et faire davantage appel, pour cela, à des intervenants extérieurs qui sauront expliquer la valeur du partage, l'importance du don de la vie par décision mutuelle et non par accident d'ignorance.
Vous avez parlé, madame la ministre, de « leçon politique ». Mais nous aurions aimé que, lorsque vous étiez en charge des collèges, vous mettiez en place une véritable éducation sexuelle, que nous réclamons aujourd'hui avec vigueur.
Les adolescents, qui éprouvent souvent de grandes difficultés à aborder le sujet de la sexualité avec leurs parents, sont peu informés et peu réceptifs à un enseignement qu'ils estiment trop théorique.
Méditons sur les chiffres donnés par notre collègue Francis Giraud : un avortement pour trois naissances en France, un pour neuf aux Pays-Bas. Si une bonne éducation sexuelle dès l'enseignement primaire permet véritablement un tel résultat, mettons-la tout de suite en oeuvre chez nous !
Le rôle des infirmières scolaires a aujourd'hui toute son importance, puisque, à chaque fois qu'elles ont pu établir un dialogue avec l'adolescente, elles ont réussi à la conduire à envisager une contraception régulière.
La commission des affaires sociales souhaite que la contraception d'urgence soit délivrée gratuitement, aux jeunes filles mineures, par les pharmaciens.
Je suis, comme une grande majorité des membres de mon groupe, tout à fait favorable à cette mesure, car je n'en connais pas d'autre qui pourrait éviter une discrimination entre les jeunes mineures, entre celles qui habitent en ville et celles qui habitent dans les petites communes rurales, entre celles dont le collège a une infirmière et celles dont le collège n'en a pas. Il est nécessaire qu'il y ait une équité totale entre toutes ces élèves afin qu'elles puissent toutes bénéficier de la même contraception d'urgence à titre gratuit.
Il me paraît raisonnable de faire confiance aux pharmaciens comme on fait confiance aux infirmières scolaires. Ils font partie du réseau des professionnels de santé, qui, en France, est fiable et responsable. Reconnaissons-le et renforçons-le.
Pour toutes ces raisons, je voterai, avec la grande majorité des membres de mon groupe, cette proposition de loi qui donne un fondement juridique à l'arrêté et à la circulaire de Mme Royal.
On peut certes rêver d'un autre monde, d'un monde idéal où régnerait, au sein de toute famille, un esprit de dialogue, d'ouverture, de tolérance et de pardon. Mais la réalité est tout autre, et il faut être lucide.
Enfin, comme mon collègue Francis Giraud, je voudrais qu'on cesse de faire porter le lourd fardeau de la responsabilité de l'acte sexuel aux filles. La « faute » rejaillit toujours sur la fille ; c'est toujours elle qui est culpabilisée, c'est toujours elle qui doit faire attention, c'est toujours elle qui supporte les risques. Le garçon, lui, reste aux abonnés absents. Il ne se sent plus concerné.
Malgré tout cela, je fais confiance à nos jeunes ; ils réfléchissent, ils se posent des questions, ils sont en quête de la société qu'ils souhaitent : celle de demain. Nous leur avons légué une société de consommation, une société de réalisation du soi. Aidons-les à s'informer, à se former, à se responsabiliser, à accepter toutes les conséquences de leurs actes. C'est dans cet esprit que nous voterons le texte amendé par la commission. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Seillier.
M. Bernard Seillier. Madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le président, mes chers collègues, j'ai beaucoup écouté les arguments avancés par les uns et par les autres sur la contraception dite d'urgence. Tout semble lumineux.
La politique d'incitation à la contraception développée depuis 1967 serait un échec. Il faudrait donc non seulement la relancer pour arriver enfin à faire de la contraception un comportement réflexe et préventif, mais aussi la compléter par une contraception de rattrapage, dite « du lendemain ».
Ne doit-on pas pourtant et d'abord dénoncer l'hypocrisie des adultes qui incitent à la vie sexuelle précoce, présentée parfois comme un droit sexuel des jeunes, et qui semblent découvrir ensuite les situations dramatiques qui en résultent ? Ayant entendu vos propos, madame la ministre, je mets à part votre position sur ce sujet.
L'avant-propos du rapport de notre éminent collègue M. Neuwirth semble à première vue incontestable : « Avoir un enfant avec l'être qu'on aime, au moment où l'on peut l'accueillir dans les meilleures conditions, d'abord pour lui-même, car un enfant, c'est d'abord un projet de vie dont les auteurs ont la responsabilité, c'est un accomplissement. »
Mais pourquoi ne pas dire d'abord que le couple lui-même est un projet de vie en commun ? Car il n'y a pas que la fécondité qui doit être entourée d'une telle attention ! La relation sexuelle n'est pas anodine et banale, elle concerne toute la personnalité.
Avoir une relation avec l'être qu'on aime devrait signifier unir sa vie à la sienne et, pour cela, s'y préparer pendant son adolescence. Or ce qui, hier, semblait encore un idéal peu controversé paraît abandonné par les adultes - beaucoup plus que par les jeunes, d'ailleurs - et ce qui est présenté par les adultes comme un fait de société irréversible imposerait, dès lors, la logique de la contraception généralisée.
Mais qu'y aurait-il donc de fondamentalement changé en l'homme pour le conduire à se glorifier désormais de donner libre cours à ses pulsions ? Heureusement, cet enchaînement n'est pas aussi irréversible qu'on le croit parfois. Ici ou là, aux Etats-Unis notamment mais en France aussi, existent des jeunes - de plus en plus nombreux - qu'anime un idéal exigeant pour la préparation et la pratique d'un authentique amour conjugal.
Mme Dinah Derycke. Tant mieux !
M. Bernard Seillier. Si l'on réfléchit déjà un peu au problème de la procréation, on voit combien est approximative la thèse de la décision rationnelle et de la programmation de l'enfant. Quel homme peut dire qu'un jour il s'est senti tout à fait prêt à décider de devenir père ? N'est-ce pas, pour beaucoup, l'amour de sa femme et la venue de l'enfant qui le font psychiquement devenir père ?
Qui peut savoir le moment où les conditions d'accueil de l'enfant sont tout à fait convenables ? Qui peut affirmer, en dehors de quelques rares et exceptionnelles circonstances, qu'elles ne le sont pas ?
Quand on lit cet extraordinaire livre de Madeleine Aylmer Roubenne, préfacé par Geneviève de Gaulle Anthonioz, évoquant, certes, une situation limite mais sans doute éclairante - J'ai donné la vie dans un camp de la mort - on est profondément bouleversé de constater combien, en fait, l'arrivée de l'enfant est mobilisatrice de l'amour de tous, mobilisatrice de toutes les énergies, suscitant des prodiges d'imagination, de tendresse et de courage.
Et que l'on pense tout simplement à tous les exclus du quart monde, qui ne sont riches que de leurs enfants ! Est-ce bien raisonnable, ou admirable, voire les deux ?
Nous avons donc le choix entre deux philosophies, deux anthropologies difficilement conciliables derrière nos débats : d'un côté, une sexualité impulsive et qui implique, dès lors, l'organisation contraceptive systématique ; de l'autre, une sexualité véritablement humaine, inséparable de la construction de la personnalité.
La première hypothèse ne conduira-t-elle pas un jour inexorablement à des campagnes pour la stérilisation, pour en finir avec les aléas de la contraception ? C'est déjà le cas dans certains pays !
A contrario , le régime de maîtrise personnelle à deux, à partir d'une connaissance en constant progrès de la physiologie féminine, offre une tout autre perspective à l'accomplissement de l'homme et de la femme. C'est aussi la voie d'une écologie authentiquement humaine, et donc caractérisée par une responsabilité partagée. C'est la voie du progrès !
Je ne nie pas que les circonstances particulières dans lesquelles vivent certaines personnes les conduisent à agir selon l'une ou l'autre de ces conceptions, et ce n'est pas cette question de conduite personnelle que je soulève ici. Mais le politique doit prendre en considération à la fois le bien personnel et le bien de la société dans son ensemble, en dépassant les cas particuliers, car chacun d'entre nous a besoin de toute la société, avec sa diversité, pour se développer et s'épanouir.
Or, depuis une quarantaine d'années, le développement des campagnes en faveur de la contraception tend à devenir normatif et à caricaturer d'autres conceptions sur la sexualité. Le bonheur des personnes, et donc la stabilité de la société, en souffrent. La violence liée à l'instinct sexuel se trouve libérée, alors que la pacification des relations sociales, véritable fruit de la maîtrise de soi, se désagrège.
Se développe une sexualité vagabonde, détachée de tout lien durable entre partenaires devenus des « particules élémentaires », qui fragilise l'amour, le lien familial et donc, à long terme, le lien social. J'en veux pour preuve le constat que nous faisons aujourd'hui comme maires à propos des divorces, qui se multiplient après de longues années de vie commune.
N'est-il pas temps aussi de dénoncer la domination sans cesse plus affirmée de l'homme sur la femme, devenue pour lui un objet sexuel toujours disponible et qu'il peut jeter après usage ? La poignante et récente révolte de la compagne de José Bové se passe de commentaires...
Par quel miracle la société survit-elle encore un peu à la clandestinité organisée de l'amour conjugal et familial ? C'est grâce à la jeunesse, qui continue à entretenir le goût pour un amour authentique. C'est évidemment autour d'elle - de l'adolescence, particulièrement - que la passion de la transmission de la vie s'exprime facilement et spontanément.
L'adolescent ne pense pas d'abord à l'aventure passagère, il croit à l'amour qui ne calcule pas, qui ne compte pas. Ce n'est pas seulement qu'il aime le risque, c'est qu'il est surtout spontanément et naturellement en phase avec la fécondité de la sexualité, qu'il souhaite même l'éprouver. Ce n'est qu'avec le temps, et devant l'exemple même des adultes, qu'il acquiert la maturité souhaitable.
A l'opposé, l'incitation aux relations sexuelles précoces et prématurées ne peut que conduire à la multiplication des grossesses chez les mineures.
Les incohérences sont, par ailleurs, multiples autour de cette proposition de loi.
La première, et non des moindres, est que le NorLevo est aujourd'hui en vente libre dans les pharmacies. L'état de droit n'est plus qu'une façade !
Un autre sujet d'étonnement tient au délai d'efficacité du NorLevo : il vaut mieux l'avoir acheté la veille pour qu'il ne risque pas de devenir la « pilule du surlendemain », ayant perdu 25 % de son efficacité !
Dans ce débat, largement mais superficiellement médiatisé, les jeunes ne pourraient-ils pas trouver quelques signes en provenance du Parlement pour les encourager à oser l'aventure humaine de l'amour véritable, plutôt qu'un palliatif dissimulé derrière le paravent d'une assurance chimique contre la vie ?
L'idéologie scientiste du contrôle chimique de la sexualité ne représente-t-elle pas un nouveau type d'oppression du genre humain ? Il n'y a de libération authentique que dans une liberté conquise par la volonté, s'exprimant à travers la maîtrise de soi pour mieux aimer.
La vie n'est pas seulement biologique, elle est aussi et surtout âme et esprit chez l'être humain, et la grandeur de l'homme est de ne pas dissocier sexualité, affectivité et spiritualité : seul son esprit lui permet d'articuler dans le temps sa fécondité et sa sexualité sans rompre son unité intérieure.
C'est pourquoi l'exclusion, la mise au chômage de l'esprit par la diffusion d'une mentalité contraceptive généralisée ampute la sexualité et nie toute sagesse et toute philosophie. Et, loin de porter remède aux détresses qu'elle prétend traiter, elle risque fort de les multiplier à l'avenir.
Ce danger me paraît très grave et c'est pourquoi, en conscience, il me conduit à rejeter cette proposition de loi. (Applaudissements sur certaines travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, quels que soient l'âge et les circonstances qui conduisent à arrêter le processus d'une grossesse, il y a là échec. C'est une décision difficile à prendre et dont l'oubli est hypothétique.
Depuis la contraception chimique, introduite il y a une quarantaine d'années, la plupart du temps, les femmes se trouvent seules devant un choix à faire qui ne se posait pas jusqu'alors. Peut-être parce que, au sein d'un couple, l'homme se sent moins concerné par une régulation voulue des naissances, il y a, la plupart du temps, un sentiment d'isolement dans la conduite choisie, sentiment qui se renforce quand la grossesse est rejetée.
Les chiffres ont déjà été cités à plusieurs reprises : sur les 220 000 IVG annuelles, dont 160 000 déclarées, 6 000 concernent les mineurs, 10 % touchent les moins de vingt ans et 30 % sont pratiquées sur des moins de vingt-cinq ans.
Ces jeunes sont pourtant les enfants de couples qui ont connu, depuis trente ans, toutes les politiques de santé menées en faveur de la contraception.
Il y a un double constat à faire : d'une part, les campagnes d'information n'ont pas atteint leur objectif ; d'autre part, le milieu familial n'a pas assumé son rôle d'éducateur en la matière.
Il faut dire que la dernière vraie campagne de sensibilisation sur les moyens contraceptifs date de près de vingt ans. En effet, celle qui a été lancée au début de cette année est restée très discrète, et les esprits ne semblent pas avoir été marqués par sa force d'attaque.
Il semble qu'il y ait eu confusion entre cette éducation contraceptive et les messages répétitifs et soutenus en faveur de la protection contre les maladies sexuellement transmissibles, en particulier le sida. Si bien que, extrêmement sensibilisés au barrage nécessaire contre ce fléau, les jeunes qui entretiennent une relation durable, fondée sur la confiance et la fidélité, négligent l'emploi du préservatif, oubliant le risque de grossesse.
Aussi la contraception d'urgence répond-elle bien à cette double carence.
En grande majorité, le premier rapport sexuel se passe sans protection. Il est rarement programmé. Mais on constate également une grande indigence d'information sur les risques encourus, du côté des jeunes filles comme du côté des garçons. Le sujet reste tabou dans bien des familles, et c'est entre eux que les jeunes en parlent. Et ils en parlent mal, car ils sont sous-informés.
S'il est quasi exceptionnel qu'il y ait des échanges entre parents et enfants sur le déroulement de la vie sexuelle, comment imaginer qu'une mineure s'ouvre à sa mère d'une présomption de grossesse ? A la peur, à la honte parfois, s'ajoute un sentiment de décalage entre le statut de l'enfant et celui de l'adulte qu'il devient malgré lui. La situation est vite ingérable.
La possibilité d'avoir une écoute et une aide en milieu scolaire est une réelle réponse à la détresse éprouvée. Toutefois, il convient que l'interlocuteur non seulement ait les compétences médicales nécessaires à la prescription du produit, mais aussi qu'il soit en mesure de déclencher un accompagnement psychologique indispensable.
En tant qu'ancien praticien, j'aurais donc préféré que ce soient les médecins scolaires qui reçoivent cette mission plutôt que les infirmières.
Il est affirmé que le NorLevo ne présente pas de danger pour la santé ; néanmoins, le dosage de la substance réactive est suffisamment fort pour empêcher la nidation.
A cet égard, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, je voudrais savoir comment un médecin scolaire qui a - cela arrive ! - 9 000 élèves en charge, ou une infirmière, qui s'occupe de 2 500 élèves en moyenne pourront effectivement répondre à une situation d'urgence et de détresse. Car il faut être conscient que la jeune fille qui aura eu le courage de venir pousser une fois la porte du service médical ne le trouvera peut-être pas une seconde fois ! Or, c'est dans les soixante-douze heures qu'il faut agir.
Qu'en sera-t-il également en cas de refus pour clause de conscience ?
Par ailleurs, l'acte n'est pas anodin. Il convient de mettre en place une prise en charge qui rassure et qui informe en même temps. Ce que la prévention n'a pas su faire, la formation dans l'éducation des conduites devra en combler les manques. Car, si ce volet était négligé, la contraception d'urgence, qui évite le pire, serait banalisée. On courrait alors le risque d'y avoir recours à répétition.
Il me semble qu'à cette occasion on pourrait associer les garçons à cette information, afin qu'eux aussi apprennent la responsabilité partagée.
Il n'en reste pas moins très gênant que les familles soient tenues à l'écart de la démarche. Si l'élève concernée exige que sa demande ne soit pas divulguée, on conçoit que ce soit un médecin qui y souscrive : tenu au secret professionnel, il est en capacité de prendre sa décision. Mais que peut-on avancer à des parents qui s'opposeraient à l'administration du contraceptif d'urgence s'il était prescrit à une mineure par une personne n'ayant pas cette qualité ? Face à l'administrateur légal, que peut-on répondre ?
Au-delà de la disposition spécifique du texte que nous examinons aujourd'hui, ce sont les chiffres des IVG pratiquées annuellement qui méritent une attention particulière : chez plus d'un tiers des femmes enceintes, les grossesses ne sont pas souhaitées.
Si chacun est libre de ses choix, le recours à l'IVG n'en est pas un, il apparaît comme la solution ultime. C'est bien ce qu'une société avancée ne devrait plus enregistrer qu'exceptionnellement. Un vaste travail reste à faire pour en arriver là.
Néanmoins, aujourd'hui, je voterai cette proposition de loi amendée par notre commission. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur celles du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je débuterai mon propos en félicitant le Gouvernement d'avoir eu le courage de prendre, l'hiver dernier, la décision d'autoriser le délivrance du NorLevo, plus connu sous le nom de « pilule du lendemain », par les infirmières scolaires.
Comme je l'avais dit lors de ma question d'actualité du 22 juin dernier, cette disposition reposait sur une analyse très juste de la réalité de la vie des adolescentes, de leur extrême détresse parfois. Elle avait pour objet de prévenir les conséquences médicales, psychologiques et sociales, souvent dramatiques, d'une grossesse non désirée chez les jeunes filles.
Les chiffres ont été cités : chaque année 10 000 adolescentes de quinze à dix-huit ans sont confrontées à une grossesse non désirée et 6 700 d'entre elles ont recours à une interruption volontaire de grossesse.
Les jeunes filles parmi les plus défavorisées, souffrant le plus de la solitude, le plus à l'écart des filières d'information, mais aussi le plus victimes de violences sont les plus concernées.
Parmi ces jeunes filles, nous trouvons, hélas ! aussi celles qui sont soumises à des rapports sexuels contraints et qui ne peuvent pas, ou ne veulent pas, en parler à leurs proches.
Face à de telles réalités, il était indispensable d'agir rapidement. Car derrière ces statistiques, c'est de l'angoisse de plusieurs milliers de jeunes qu'il s'agit. C'est aussi de leur incapacité, pour des raisons diverses, à communiquer avec leurs parents et à résoudre ce problème au sein de la cellule familiale.
C'est également, pour ces jeunes, l'absence de lieux, même s'il en existe de remarquables, comme les centres de planning familial, où ils ont envie d'aller pour aborder les questions de sexualité et de contraception.
Admettre que les jeunes filles puissent avoir recours à une contraception, y compris à la contraception d'urgence, c'est admettre que les jeunes peuvent avoir une sexualité.
Si certains peuvent penser que notre société est plus ouverte et plus permissive sur ces questions, nous pouvons également tous constater combien il est culturellement peu admis que les adolescents parlent de sexualité et de contraception à des adultes, même si ce sont leurs parents.
Ce silence, j'allais dire ce tabou, conduit à une véritable sous-information, que constatent chaque jour les infirmières et les médecins scolaires, les équipes enseignantes, les personnels des centres de planning familial.
Cette méconnaissance de la contraception, du fonctionnement du corps humain en matière de fécondité, conjuguée avec l'envie d'être considéré comme responsable de ses choix et avec l'émoi des sentiments, aboutit trop souvent à un rapport sexuel non protégé.
Ces débuts de la vie sexuelle des adolescents leur appartiennent, et aucun adulte ne peut décider à leur place. Toutefois, il est de la responsabilité des adultes, notamment des pouvoirs publics et des législateurs que nous sommes, de dégager des moyens, afin de mettre en place des campagnes d'information et de prévention. C'est ce qu'a fait le secrétariat d'Etat aux droits des femmes au début de l'année, en lançant une nouvelle campagne relative à la contraception.
Cependant, on est loin du compte, car rien n'avait été fait sur ce sujet depuis 1982, alors même que la permanence de l'information dans ce domaine est une exigence de santé publique et de citoyenneté !
Chacun a pu constater que les récentes campagnes sur le sida, si elles étaient tout à fait justifiées, avaient quelque peu détourné le message de la protection contraceptive.
L'éducation nationale a, dans ce domaine, un rôle évident à jouer. Comme le note le rapport de Mme Bardou, plus l'éducation sexuelle est réalisée tôt auprès des toutes jeunes filles, plus leur sexualité leur appartiendra et plus la lutte contre les grossesses non désirées sera efficace. Pour illustrer cette affirmation, notre collègue cite le cas des Pays-Bas, où cet enseignement est abordé dès l'école primaire. Les taux d'IVG y sont les plus bas d'Europe - 6,5 , contre 15,4 en France - tout comme le nombre des grossesses d'adolescentes.
Il est primordial que les jeunes filles et les jeunes garçons, qu'ils aient décidé, ou non, d'avoir des relations sexuelles, soient parfaitement informés des mécanismes de la fécondité, de l'ensemble des moyens de contraception existants.
Une éducation sexuelle pertinente et permanente doit être réalisée auprès des adolescents non seulement pour éviter les grossesses non désirées, mais également afin qu'ils puissent mieux connaître leur corps, son fonctionnement. De cette façon, ces campagnes d'information et de prophylaxie contribueront également à garantir leur intégrité physique, leur épanouissement.
C'est donc face à la complexité de la situation que Mme Royal avait autorisé, le 6 janvier dernier, par une circulaire, la délivrance du NorLevo par les infirmières scolaires. Cette circulaire avait pris la forme d'un protocole national. Il rappelait que le NorLevo était en vente libre dans les pharmacies, donc sans ordonnance, depuis le 1er juin 1999, que cette substance était dépourvue de toxicité et de contre-indication, qu'elle n'était pas abortive et qu'elle ne remplaçait pas une contraception régulière. Cette délivrance par les infirmières scolaires était très encadrée ; des dispositions contraignantes leur étaient imposées.
Les infirmières scolaires ont d'ailleurs parfaitement compris l'esprit de ce protocole et l'ont appliqué sans aucun excès. En effet, le bilan de six mois d'application pour les 22 académies fait apparaître 1 618 délivrances de NorLevo pour 7 074 demandes, soit en moyenne - ces chiffres ont été cités tout à l'heure - 2 délivrances de NorLevo pour 10 demandes d'élève. Dans les autres cas, soit les infirmières ont réussi à faire prendre en charge le problème par la famille, soit elles ont obtenu que les adolescentes s'adressent à un centre de planning familial, à un service hospitalier ou à un médecin.
Le 30 juin dernier, le Conseil d'Etat, dans un arrêt où il ne se prononçait pas sur le fond, déclarait que la mise en vente libre du NorLevo dans les pharmacies et sa délivrance par les infirmières scolaires étaient non conformes à la loi Neuwirth du 12 décembre 1967.
Cette décision a alors provoqué la réaction des deux principaux syndicats d'infirmières scolaires. Leur colère a été partagée par les parents d'élèves de la Fédération des conseils de parents d'élèves des écoles publiques, la FCPE, et par le mouvement du planning familial. Les parents d'élèves membres de la Fédération des parents d'élèves de l'enseignement public, la PEEP, initialement hostiles à la mesure, ont fait réaliser, en août 2000, un sondage auprès de mille parents. Le résultat est éloquent : 66 % d'entre eux y sont favorables.
C'est donc afin de valider législativement votre décision, madame Royal, que nous examinons aujourd'hui cette proposition de loi qui a été adoptée à l'Assemblée nationale le 5 octobre dernier.
Le texte est court, il ne comporte qu'un article. Il précise tout d'abord que la contraception d'urgence n'est pas soumise à une prescription médicale obligatoire. Le premier alinéa prend en compte l'évolution de la société et les progrès en matière de recherche et de contraception qui sont intervenus depuis la loi Neuwirth de 1967, qui imposait que les contraceptifs hormonaux soient délivrés en pharmacie, uniquement sur prescription médicale.
Le texte que nous examinons permet la délivrance du NorLevo par les infirmières scolaires aux élèves majeures ou mineures. La proposition de loi prend ainsi en considération le rôle éducatif essentiel des infirmières scolaires. Tout le monde s'accorde à reconnaître l'importance de leur mission et le lien privilégié qu'elles savent nouer avec les jeunes.
Cette reconnaissance doit maintenant s'exercer jusque dans la création des postes d'infirmière nécessaires en milieu scolaire pour mener à bien leurs missions. On compte aujourd'hui environ une infirmière pour 2 020 élèves. C'est trop peu. Comment pourront-elles en effet intervenir en matière de contraception d'urgence, où les délais sont très stricts, alors qu'elles sont obligées d'effectuer des permanences dans plusieurs établissements ?
L'augmentation importante de leurs effectifs doit être une priorité. Certes, 300 postes ont été créés l'année dernière et 150 créations sont prévues dans le projet de budget pour 2001. Toutefois, les retards à combler sont tels que les efforts à réaliser doivent être bien plus significatifs.
Les échanges que nous avons eus à la délégation du Sénat aux droits des femmes ont été tout à fait passionnants. Ils ont été marqués par la sérénité et la volonté de répondre à la réalité, aux situations d'urgence et de détresse auxquelles sont confrontées certaines adolescentes.
Je tiens d'ailleurs à remercier nos deux rapporteurs, Mme Bardou et M. Neuwirth, pour l'approche responsable et positive de leurs rapports.
Je souhaite vivement que le climat qui régnait la semaine dernière, lors de cette réunion, soit de nouveau de mise aujourd'hui en séance. Les jeunes et leurs parents - je rappelle que 66 % d'entre eux approuvent la disposition - attendent cela de nous.
N'oublions pas combien certains « débordements » lors du débat relatif à la parité ont donné une image figée et rétrograde de notre assemblée.
Mes chers collègues, compte tenu du sujet sensible dont nous traitons aujourd'hui, à savoir la détresse d'adolescentes face à une grossesse non désirée, et même si, parfois, des différences significatives existent entre vous, ne laissez pas croire à nos concitoyens et à nos concitoyennes que vous refusez toute évolution à propos des questions sociétales, en particulier de la libération des femmes ! Car, lorsqu'on parle de contraception, qu'elle soit d'urgence ou non, il s'agit bien des droits des femmes et des jeunes filles, des droits et des moyens de disposer de son corps, de maîtriser sa fécondité.
En observant ce qui se produit chez nos voisins, nous pouvons constater qu'aux Pays-Bas et en Finlande le nombre d'interruptions volontaires de grossesse a baissé chez les adultes et les adolescentes à partir du moment où la pilule du lendemain a été connue et rendue facilement accessible. Ce constat doit nous encourager et nous donner confiance.
De plus, toutes les enquêtes démontrent qu'une femme ou une jeune fille ayant eu recours à la contraception d'urgence est plus encline, ensuite, à recourir à une contraception permanente. Ce n'est donc pas à de la banalisation que nous assistons, en élargissant l'accès à la contraception d'urgence, mais bien à de la responsabilisation.
S'agissant de l'autorisation parentale, il faut, bien entendu, souhaiter que le dialogue s'établisse au sein de chaque famille. Mais - nous l'avons dit, et cela a été rappelé tout à l'heure - ce dialogue est parfois impossible.
Sans vouloir remettre en cause l'autorité parentale, il me semble que la situation actuelle révèle plusieurs paradoxes.
Tout d'abord, la mineure qui choisit de mener à bien une grossesse aura le droit d'abandonner son enfant sans avoir besoin du consentement de ses parents. Elle dispose également de toute son autorité parentale dans l'éducation de l'enfant qu'elle aura choisi de garder. Alors, pourquoi devrait-elle obtenir l'autorisation parentale pour avoir recours à la contraception d'urgence ? Je vois là une sorte d'hypocrisie.
N'est-il pas plutôt décisif de donner aux jeunes filles la possibilité de commencer leur vie amoureuse et sexuelle autrement que par la crainte, l'angoisse d'une interruption volontaire de grossesse toujours traumatisante, voire par une grossesse non désirée ?
Les moyens pour y parvenir sont divers. La contraception d'urgence ne remplace en aucun cas la contraception régulière, mais elle est tout de même une réponse qui peut convenir si des rapports sexuels non protégés ont lieu.
C'est pourquoi le groupe communiste républicain et citoyen soutiendra sans réserve l'esprit qui prévaut dans cette proposition de loi.
Nous présenterons deux amendements qui visent à enrichir le texte sans en amoindrir l'économie.
Le premier porte sur la gratuité du NorLevo délivré aux mineures dans les pharmacies. Compte tenu du public concerné, il nous semble que cette mesure pourrait faciliter l'accès à la pilule du lendemain. Je me réjouis de constater que, sur ce point, nous partageons la préoccupation du rapporteur, M. Neuwirth.
Notre second amendement pose le problème de l'accès au NorLevo en dehors des périodes scolaires. Nous proposons d'étendre l'autorisation de délivrer la pilule du lendemain par les infirmières exerçant dans les centres de vacances agréés. Cela nous semble aller dans la continuité logique de la période scolaire, pour laquelle nous légiférons.
Pour conclure, je dirai simplement que le groupe communiste républicain et citoyen, soucieux de garantir et de développer des droits nouveaux pour les femmes et les jeunes filles, soutiendra avec énergie et conviction cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui porte sur l'accès à la contraception d'urgence, et non sur l'interruption volontaire de grossesse, comme l'ont bien souligné Mme Bardou et M. Neuwirth dans leurs excellents rapports. Ne nous trompons donc pas de débat : celui sur l'IVG viendra en son temps devant notre assemblée !
Concernant cette proposition de loi, je pourrais comprendre les inquiétudes qui s'expriment, notamment quant au risque de banalisation de la contraception d'urgence, si nous n'avions pas à notre disposition un texte réglementaire d'application aussi clair et aussi complet que le protocole national et si le bilan de six mois de délivrance du NorLevo par les infirmières scolaires ne venait contredire, par les faits même, cette inquiétude.
Rappelons donc les chiffres : sur 7 074 demandes d'élèves, 1 618 ont donné lieu à une délivrance de NorLevo, soit 2 administrations pour 10 demandes.
Dans tous les cas, que l'infirmière ait ou non délivré une contraception d'urgence, elle a orienté l'élève vers un centre de planning familial : 50 % des jeunes filles ont été suivies par le centre de planification, 39 % par l'infirmière elle-même, 8 % par un médecin et 3 % par une assistante sociale. Faisons donc confiance aux infirmières, à leur conscience professionnelle, pour assurer le suivi des élèves et les informer sur la contraception !
Autre grief fait à ce texte : il saperait prétendument l'autorité parentale, voire il encouragerait la démission des parents.
D'abord, ne confondons pas, par un raccourci fallacieux, « autorité parentale » et « autorisation parentale ».
Ensuite, ne soyons pas hypocrites : peu nombreux sont les parents, pour des raisons multiples et complexes touchant au plus profond de chaque être, qui parlent vraiment de sexualité avec leurs enfants. Alors, non, la levée de l'autorisation parentale ne s'adresse pas uniquement aux familles maghrébines ou défavorisées, mais bien à toutes les familles, quelle que soit leur origine, leur culture ou leur milieu social !
Rares, également, sont les adolescents qui demandent l'autorisation à leurs parents pour avoir des relations sexuelles ou pour utiliser un contraceptif. Et c'est heureux, car il s'agit bien, avant tout, de leur intimité et de leur jardin secret, que leurs parents doivent savoir respecter !
Enfin, savoir que l'on peut bénéficier de la contraception d'urgence inciterait, pensent certains, à passer à l'acte. C'était déjà ce même argument qui avait servi pour refuser l'éducation sexuelle à l'école, puis pour contester les distributeurs de préservatifs dans les établissements scolaires, Or, ce sont ces comportements obscurantistes qui entretiennent les non-dits, les tabous, les idées fausses, voire la culpabilisation, par rapport à la sexualité.
Faisons donc confiance aux adolescents : ils ne sont pas les écervelés pour lesquels certains les font passer, tout comme les femmes n'ont jamais été les irresponsables pour lesquelles certains les ont fait passer, il y a trente ans, afin de mieux leur refuser la liberté de disposer de leur propre corps !
Par ailleurs, ce texte, pour être pleinement efficace, doit s'inscrire dans un effort continu en matière de médecine scolaire, d'abord, d'éducation à la sexualité, ensuite.
En ce qui concerne les sous-effectifs d'infirmières dans les établissements scolaires et l'impossibilité d'une présence journalière dans chaque établissement, le Gouvernement, depuis trois ans, s'est engagé dans un rattrapage des années Bayrou : 1 150 postes médico-sociaux ont été créés et le budget pour 2001 prévoit 300 créations.
Ces postes ont été affectés en priorité aux académies qui présentaient un retard en matière d'encadrement médico-social et à celles où les difficultés sociales des élèves rendaient plus nécessaire qu'ailleurs un suivi sanitaire. Si nous ne pouvons que féliciter le Gouvernement pour cet engagement constant, nous l'invitons à l'amplifier encore.
Notons aussi le dispositif prévu en faveur de la formation des personnels : 800 infirmières formées spécifiquement à la contraception d'urgence d'ici à la fin de l'année scolaire, un réseau de 200 « personnes ressources » chargées d'animer et d'organiser des stages de formation d'équipes dans les établissements volontaires, des stages pour 5 000 personnels assurant l'éducation à la sexualité des élèves.
Parce que la sexualité fait partie de la vie, qu'elle est naturelle, l'éducation à la sexualité, qui ne peut que relever d'une coresponsabilité partagée entre les parents et l'école, doit trouver toute sa place à chaque étape de la scolarité de nos enfants. Deux heures obligatoires en quatrième et en troisième, c'est trop peu et c'est trop tardif.
Pour ma part, je suis favorable à une éducation à la sexualité en tant que connaissance et respect à la fois de son corps et de l'autre, et ce dès la maternelle. Evidemment, cette éducation se doit de respecter les rythmes et les besoins de chacun, les rythmes de chaque âge, elle se doit de ne pas choquer les consciences. Mais un enfant de quatre ans est tout à fait capable de comprendre avec des mots d'adultes la différence entre les sexes, la conception, la grossesse ou la rencontre amoureuse.
L'enjeu que nous avons trop longtemps occulté est précisément de savoir quelle image de la sexualité nous voulons promouvoir auprès des jeunes. Trop longtemps, l'éducation sexuelle, lorsqu'elle existait, s'est réduite soit à des données anatomiques et biologiques, soit à l'interdit et aux mises en garde. N'existe-t-il pas d'aspects positifs de la sexualité ?
Récemment, le ministère de l'éducation nationale s'est engagé dans une démarche de refonte de l'éducation sexuelle, qui devient une « éducation à la sexualité et à la vie ». Elle est entendue comme une éducation à la responsabilité, au rapport à l'autre, à l'égalité entre femme et homme, et elle donne sa place aux dimensions affective, psychologique, culturelle et sociale de la sexualité.
J'insisterai maintenant sur un point particulier : l'implication et la responsabilisation des garçons à l'égard de la contraception.
Non, la contraception, ce n'est pas qu'une affaire de fille. Le poids de la contraception, les oublis ou les erreurs ne sont pas de la seule responsabilité de la jeune fille, surtout face à des jeunes gens qui, bien souvent, par pur égoïsme, refusent d'utiliser le préservatif.
Sur cet aspect-là, comme sur d'autres, nous devons agir sur les normes sociales de la sexualité pour une véritable égalité entre femmes et hommes.
Il convient aussi de ne plus occulter les notions de désir et de plaisir, surtout de plaisir partagé, dans notre éducation à la sexualité. Ainsi sortirons-nous peut-être des schémas collectifs où seul est socialement reconnu le plaisir de l'homme.
Je ne souhaite qu'une chose : que ce débat sur l'accès à la contraception d'urgence permette de sortir des discours moralisateurs et culpabilisants envers les femmes et les jeunes filles, et d'avancer dans l'acceptation sociale de la sexualité des adolescentes et des adolescents, de la sexualité de nos propres enfants, qui est un élément indispensable à une meilleure appropriation de la contraception par les jeunes et, par là même, des futurs adultes. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avec ce texte, nous étions en droit d'attendre un véritable débat de société destiné à adapter une ambitieuse législation aujourd'hui trentenaire.
L'évolution de notre société, sous le double effet de l'hédonisme et du libéralisme culturels, a bouleversé le rapport de notre jeunesse à la sexualité au point de faire apparaître de nouveaux comportements chez des mineurs inconscients des risques qu'ils courent parce qu'ils sont mal informés.
Vous prétendez que votre texte prend en compte ces changements et y apporte une réponse audacieuse. Est-ce bien le cas ? Je ne le pense pas.
En effet, ce qui nous est présenté comme une extraordinaire avancée sociale ne concernera que peu de mineures et ne remettra pas fondamentalement en cause les dispositions présentées en 1967 par notre éminent collègue M. Lucien Neuwirth. Ce texte facilitera néanmoins la vie de certaines jeunes filles.
Une grossesse non désirée chez une mineure ne manque pas de susciter les pires drames familiaux. Car, disons-le clairement, la multiplication des interruptions volontaires de grossesse depuis une dizaine d'années traduit les craintes que ces jeunes femmes éprouvent à la simple idée de dévoiler leur maternité à des parents rarement enclins, dans de pareils cas, à l'indulgence. Cela ne manque d'ailleurs pas d'étonner lorsque l'on sait qu'ils portent leur part de responsabilité dans cette maternité inopportune.
Avant qu'une jeune femme ne se décide, de longues semaines s'écoulent, rendant l'IVG inévitable. Les études récentes le démontrent : selon une statistique publiée en novembre 1998, sur les 10 000 grossesses non désirées de jeunes filles mineures, 67 % aboutissent à une IVG et donc, quoi qu'on en dise, à un traumatisme physique et moral.
En d'autres termes, la fin de l'autorisation parentale n'est sans doute pas un mal.
D'aucuns pourraient y voir une atteinte à la sacro-sainte relation parents-enfants et à notre culture judéo-chrétienne. J'y vois, pour ma part, une nécessité impérieuse.
De plus, cette proposition de loi aidera de nombreuses jeunes filles issues de milieux défavorisés, chez qui la grossesse est un grave problème s'ajoutant, hélas ! à bien d'autres. Là encore, les chiffres parlent d'eux-mêmes : la probabilité d'une IVG chez des jeunes filles de quinze à dix-huit ans connaissant ou ayant connu des difficultés scolaires est cinq fois supérieure à celle de jeunes du même âge mais ayant une scolarité normale.
En un mot, ce texte suscitera, je l'espère, une baisse du nombre des interruptions de grossesse. Je ne peux qu'être d'accord avec vous sur ce point.
En revanche, je déplore l'exploitation médiatique que le Gouvernement a cru bon d'organiser autour de la délivrance de cette pilule dans les lycées.
Tout le battage fait autour de cette initiative est incompréhensible. A croire que la gauche plurielle aurait souhaité, une fois encore, se faire passer pour avant-gardiste à peu de frais !
En effet, le Gouvernement et sa majorité ont présenté votre proposition comme une évolution copernicienne en matière contraceptive. Pour ma part, je n'y vois qu'un complément, utile certes, à la loi du 28 décembre 1967, dite « loi Neuwirth », du nom de notre illustre collègue.
Au bout du compte, ce que d'aucuns vous reprochent, ou ce dont beaucoup vous félicitent, c'est de faire délivrer la « pilule du lendemain », le NorLevo, par des infirmières scolaires. L'arrêt du Conseil d'Etat du 30 juin 2000 n'aura d'ailleurs fait que donner la meilleure publicité à votre texte.
De plus, à vous entendre, avec cette proposition de loi, les dispositions de la loi Neuwirth devaient être périmées. Pourtant, permettez-moi de constater qu'elles demeurent le droit commun de la contraception.
Même si vous remettez en cause l'autorisation en la matière - ce que j'approuve - vous ne faites rien de plus que de vous appuyer sur cette loi dont, encore aujourd'hui, les procédures sont les plus usitées.
Qui plus est, en dépit de ces avancées indéniables mais limitées, cette proposition de loi dissimule mal l'échec de la politique de prévention du sida ou de toute autre maladie sexuellement transmissible. Ces grossesses non désirées résultent en effet de la banalisation des rapports non protégés. A l'époque du sida, c'est bien le moindre des paradoxes, dont la responsabilité incombe au Gouvernement du fait de ses insuffisances en la matière.
Parler de ces maladies à nos jeunes ne doit pas se limiter à de gros coups médiatiques ponctuels et, naturellement, inefficaces. Je ne ferai donc qu'évoquer votre politique de prévention auprès des jeunes, présentée le 29 septembre dernier et qui se limite aux sempiternels groupes de travail. On y glosera sur le pourquoi du comment de la sexualité chez les mineurs.
Bref, il n'y a là rien de bien concret. Mais cela a au moins le mérite de vous dédouaner, à peu de frais, d'un réel programme en la matière. La prévention s'inscrit dans la durée, ce qui est peu compatible avec le calendrier électoral, j'en conviens !
Même si votre texte est utile, il ne fait que gérer des cas que, semble-t-il, une ambitieuse politique de prévention aurait su éviter. A ce titre, le Gouvernement serait bien avisé d'installer, dans les meilleurs délais, une structure visant à suivre l'application de cette loi. Cette structure pourrait utilement dresser un bilan statistique des IVG et analyser l'évolution de la consommation de NorLevo, étant entendu que de trop nombreuses jeunes filles risquent de voir en ce produit un substitut moins contraignant à la traditionnelle pilule.
Pour résumer mon propos, je dirai « oui » à ce texte, qui, même s'il innove peu au regard de la législation en vigueur, traduit tout de même une prise de conscience salutaire de la part du Gouvernement, ou plutôt un « oui, mais », puisque ce texte ne sera qu'une coquille vide s'il ne s'accompagne pas d'une réelle campagne de prévention et d'une évaluation de celle-ci. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain. Monsieur le président, madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la proposition de loi relative à la contraception d'urgence a connu des conditions de maturation surprenantes, mais parfaitement encadrées.
Le sujet, que l'opinion publique estime limité à la pilule du lendemain dans les établissements scolaires, est beaucoup plus vaste.
Le Conseil d'Etat, le 30 juin 2000, après avoir rappelé la loi en matière de prescription des contraceptifs, semble avoir surpris. Or, tout praticien de base aurait pu expliquer que la loi de 1967 a été malmenée et continue de l'être quotidiennement dans les pharmacies, pour des raisons humanitaires.
La directive européenne du 3 mars 1999, qui autoriserait la vente libre du NorLevo, a été évoquée par le cabinet du ministre de la santé. Mme Aubry, à l'Assemblée nationale, a dit qu'elle avait suivi l'avis de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, qui précise clairement que l'accès au NorLevo pouvait se faire sans prescription médicale. Quant à vous, madame Royal, vous avez affirmé dans la presse, en décembre 1999, que la pilule du lendemain n'était pas concernée par la loi de 1967.
Permettez-moi d'être perplexe. Le contexte d'élaboration de ce dispositif relève plutôt d'un flou bien organisé après des décisions qui ne sont pas si rapides que cela. Mais le protocole sérieux a permis néanmoins un bilan après six mois.
On note 7 074 demandes pour 1 618 délivrances de NorLevo. Les centres de planification ont pris en charge 50 % des élèves, 39 % ont été suivies par une infirmière, 8 % par un médecin, 3 % par une assistante sociale. Cela permet à M. Lang de répondre à tous les moralisateurs et d'évoquer sa réelle satisfaction d'avoir pu répondre à des situations de détresse.
L'objet de la proposition de loi est, en premier lieu, de permettre l'accès de toutes les femmes à la contraception d'urgence en pharmacie et sans ordonnance.
Un moyen supplémentaire de contraception mis à la disposition des femmes est de toute manière intéressant. Il est nécessaire de rappeler le sous-emploi, pour des raisons culturelles, d'information ou d'éducation, de nombreuses autres méthodes contraceptives, locales ou par voie générale.
La libre prescription permettrait, paraît-il, de se libérer de la contrainte médicale. L'acte médical n'est-il pas uniquement en faveur de la personne ? On peut s'interroger. Cette liberté ne peut se concevoir que dans l'optique d'une automédicamentation bien comprise - ce qui n'est pas le cas en France. De fait, cette liberté est liée à un problème économique : le remboursement des actes.
Le credo est à la maîtrise des problèmes de santé, au détriment de la prévention et de l'information. La loi va permettre l'utilisation d'un produit d'urgence qui va devenir rapidement un produit de contraception courant, un substitutif qui se répandra, une contraception de confort.
Par exemple, chez les célibataires sans compagnon régulier, le NorLevo deviendra une réponse plurielle aux rencontres occasionnalles. Sans les contraintes de la pilule classique, le NorLevo sera dévoyé dans son utilisation.
Qui pourra contrôler les distributions itératives ? Sans doute pas les pharmaciens !
Le produit serait sans contre-indication, sûr, rayé de la liste des substances vénéneuses.
Quand on se réfère à l'Académie de médecine, j'aimerais qu'on la cite in extenso. Elle indiquait, dans la séance du 7 mars 2000 : « Le levonorgestrel ne saurait faire l'objet d'une utilisation répétée, ne serait-ce qu'en raison du fait qu'elle peut entraîner des perturbations du cycle menstruel telles que des grossesses non désirées risquent de survenir et donc un nombre accru d'avortements, ce qui irait à l'encontre de l'objectif recherché par le protocole ministériel. »
Anodin ? Sûrement pas !
En outre, l'Académie de médecine « demande un bilan établi à deux ou trois ans sur les effets de l'utilisation du NorLevo en termes d'incidents éventuels et d'efficacité démontrée par la diminution du nombre d'avortements ». Cela doit relever non pas du règlement, mais de la loi.
La contraception d'urgence nous invite à reconsidérer le concept d'urgence, fait d'un état de danger immédiat menaçant la vie d'une personne et nécessitant des gestes appropriés. La seule dérogation en matière de prescription médicamenteuse portait sur les antalgiques, dans le cadre de soins palliatifs.
L'urgence devient donc psycho-sociale, tout en utilisant des outils médicaux.
Dans une pharmacie, si l'on peut être rassuré sur la compétence des professionnels, la confidentialité n'est pas toujours démontrée. Même si l'ordre des pharmaciens semble favorable à la contraception d'urgence, on peut s'interroger sur l'attitude des acteurs locaux. A-t-on envisagé un statut des pharmaciens lié à cette nouvelle mission, à cette nouvelle responsabilité ?
La possibilité pour les mineures de se voir prescrire la pilule du lendemain par tout médecin sans autorisation parentale est le constat de l'échec éducatif. La prescription de la contraception à des mineures existe dans les centres de planification et de nombreux médecins la pratiquent sous leur responsabilité. La problématique dépasse le milieu scolaire. En effet, les week-ends, les vacances, sont des temps propices à la sexualité.
L'école est-elle un lien privilégié pour compenser les carences éducatives familiales ? Sans doute. Mais il eût été souhaitable de traiter un véritable problème de société.
Quelle politique familiale adopter pour permettre aux parents de reconquérir leur responsabilité, quelles que soient leurs origines culturelles, ethniques ou religieuses ? On pourrait évoquer la nécessité d'une véritable éducation à la parentalité concernant des thèmes aussi variés que l'alimentation ou la sexualité.
Ce débat de société aurait pu permettre de préciser le rôle des associations familiales ou des associations de prévention. Il est en effet stérile d'avoir un discours sur les valeurs réhabilitées - l'amour, le bonheur, le respect, la sensibilité... - s'il n'existe pas un projet de société étayé de réels moyens.
Il ne suffit pas d'avoir fait le Bulletin officiel du 28 septembre 2000 ou d'annoncer un Bulletin officiel spécial consacré à la mixité et à l'égalité, lancé médiatiquement à l'occasion du Salon de l'éducation, pour engendrer une politique de prévention des grossesses non désirées ! Il me semble correct d'évoquer des constats, sans évacuer, naturellement, les nécessaires réponses aux grandes détresses.
Moins de 1 % des nouveau-nés ont une mère âgé de douze à dix-sept ans ; mais 8 000 mineures avortent chaque année. Les bébés des adolescentes représentent 0,6 % des naissances annuelles. On constate une baisse de plus de la moitié de celles-ci depuis dix-sept ans. Le nombre d'IVG des mineures n'a, semble-t-il, guère bougé : il est de 8 000 à 10 600 par an, ce qui représente de 4,9 à 5,9 % de l'ensemble des avortements. C'est trop ! Pour l'INED, le recours à l'avortement « traduit l'évolution des choix des jeunes face à une grossesse et leur souhait de plus en plus affirmé de différer une maternité non planifiée et trop précoce ».
L'article 371-2 du code civil stipule que « l'autorité appartient aux père et mère pour protéger l'enfant dans sa sécurité, sa santé et sa moralité.
« Ils ont à son égard droit et devoir de garde, de surveillance et d'éducation ».
A l'échec parental, quelles réponses apporter ?
Nous constatons tous les difficultés des adolescents issus de familles déficientes, oppressantes, absentes ou éclatées. Mais avons-nous une politique adaptée à des familles culturellement différentes ? Verrons-nous une grande réforme du code de la famille ?
Dans le rapport de Mme Françoise Dekeuwer-Defossez, on peut lire : « Seul un retrait de l'autorité parentale peut priver les père et mère de la titularité de l'autorité parentale. » « Nul, sinon le juge, ne peut remettre en cause le caractère intangible des liens entre l'enfant et ses parents. »
Le dialogue entre parents et enfants fait l'objet de nombreuses initiatives dans les villes et les départements.
Nous sommes confrontés ici à une situation d'urgence qui se veut exceptionnelle : le protocole proposé n'élimine pas les familles, je le dis clairement, mais il semble paradoxal au moment où une réflexion sur la coparentalité est engagée - je pense à la conférence de la famille qui s'est tenue en juin 2000. Ainsi, dans une situation douloureuse, on donne une préférence à la suppression de l'autorité parentale pour une mineure.
Comment pouvez-vous alors respecter les convictions ? Quels moyens d'action entendez-vous mobiliser pour promouvoir une culture de la responsabilité ? En quoi consiste le volet d'éducation à la parentalité ? Telles sont les véritables questions auxquelles il faut répondre.
Les réponses quantitatives en postes d'infirmière, d'assistante sociale relèvent d'une démarche de planification dont les échecs sont perceptibles, quels que soient les gouvernements.
Il y a actuellement 5 650 infirmières pour 7 500 collèges et lycées - la chose est dite. Actuellement, nos écoles d'infirmières ne font pas le plein - je peux en témoigner étant président d'une école - la crise du recrutement est cruelle. Les centres de formation de travailleurs sociaux vivent difficilement, au prix de situations très critiques ; des conventions ne sont pas respectées et, ayant en charge le budget d'une école d'assistantes sociales, je peux affirmer que les budgets restent imprécis toute l'année.
L'absence de la médecine scolaire est assourdissante !
Ne revenons pas sur les effectifs ; examinons simplement la place de cette médecine, qui est en fait une médecine du travail spécifique à l'enfant. A part quelques exceptions - et, à cet égard, on peut rendre hommage en particulier aux pionniers du rectorat de Lille - le médecin scolaire reste pauvre en relations avec le milieu extérieur ; il n'est qu'un accompagnant de la contraception d'urgence alors qu'il devrait être acteur.
La faiblesse du rôle réservé à l'assistante sociale est inquiétant. Ce travailleur social doit assurer la liaison avec les parents ; il est le plus habilité à évaluer la détresse sociale - avant l'infirmière - de certains jeunes. Le relais social est particulièrement important dans le traitement des maltraitances, des relations dites, bien trop pudiquement, « forcées ». Il ne s'agit pas d'une compétence sanitaire.
Trois circulaires redéfinissant les missions des services médicaux, infirmiers et sociaux seront publiées prochainement. Croyez-vous qu'elles répondent à de graves problèmes de société alors qu'une refondation totale est à entreprendre ? Il ne suffit pas d'évoquer dans les textes le soutien médical et psychologique pour les jeunes filles si une véritable organisation partenariale n'est pas proposée.
On peut évoquer le rôle des conseils généraux et des services de protection maternelle et infantile chargés des centres de planification familiale. Il existe des inégalités criantes. Nous pourrions proposer par exemple une sectorisation géographique de ces centres, qui seraient ainsi plus proches des collèges. Ces centres de planification pourraient rendre véritablement les services attendus. Actuellement, ils ne sont pas prêts à traiter les urgences en raison non seulement de leur fonctionnement, mais aussi de la limitation des moyens en vacations médicales ou de la présence limitée de sages-femmes.
C'est un leurre de vouloir traiter un problème sans outils et c'est grave de nous le faire croire !
Quant à la délivrance de la contraception d'urgence à titre gratuit, elle ouvre selon moi la porte à tous les excès. Je citerai une infirmière : « En une journée, j'ai eu quinze demandes de jeunes pour savoir si cette pilule sera distribuée gratuitement. » Comment va-t-on gérer les demandes des jeunes filles qui pratiqueront le « nomadisme » des pharmacies ? J'essaie d'imaginer les critères, qui devront être fixés par voie réglementaire, visant à définir les jeunes filles issues de familles nécessiteuses.
Il s'agit avant tout de la rencontre d'une personne et d'un produit. Comme pour la conduite automobile, la conduite de la sexualité chez l'adolescent est faite d'interdits, de violence, de plaisir immédiat, de mise en danger de son corps ; il y a la griserie de l'instant, mais aussi la victime du lendemain.
A une possible fécondation, de diagnostic impossible, une seule réponse semble donnée. Les jeunes filles angoissées, les informées présenteront leur souffrance, mais les timides et les culpabilisées seront à découvrir. On a préféré, une fois encore, attendre que la jeune fille soit victime. La distribution de préservatifs gratuits dans les collèges, dans les pharmacies, serait-elle abandonnée, alors qu'elle permettrait une coresponsabilité dans l'acte sexuel ?
Au sujet de l'éducation sexuelle, je citerai le professeur Israel Nisand, que vous avez beaucoup consulté, madame le ministre, au cours de vos recherches : « Il n'y a pas d'éducation sexuelle possible tout simplement parce qu'il n'y a pas de norme en matière de sexualité et rien à enseigner. Mais les adultes peuvent délivrer aux jeunes la parole humaniste dont ils manquent. »
Le professeur Jacques Waynberg, de l'Institut de sexologie à Paris, rappelle qu'il n'y a pas, d'un côté, une contraception médicale et, de l'autre, une contraception paramédicale. Elle est, selon lui, du ressort du médecin de famille, et l'éducation sexuelle scolaire est à confier à des sexologues et à des pédagogues.
Nous pourrions faire confiance au Collège national des gynécologues-obstétriciens français, à la Fédération nationale des collèges de gynécologie médicale, qui ont édité un livret et créé un site Internet.
L'éducation sexuelle à l'école ne peut porter ses fruits que grâce à des intervenants extérieurs, et non au professeur de biologie, qui évalue ses élèves.
L'école serait, nous dit-on, chargée d'enseigner le bonheur d'aimer. Toutefois, si le développement de la sensibilité peut relever de l'école, l'affectivité est du domaine privé. Les essais d'enseignement de la morale au lycée ont suscité des protestations de la part de plumes célèbres refusant cette mission impossible qu'est l'enseignement des vertus : le respect, l'honnêteté, la compassion, vertus que, bien sûr, nous défendons. Les parents restent et doivent rester prioritaires dans le domaine de l'intimité. La vie affective et la sexualité sont un jardin secret expliquant l'échec de matériel pédagogique médiatisé. Si l'école doit prendre en compte une réalité, beaucoup de mères de famille estiment qu'il est de leur responsabilité d'éduquer leurs enfants selon leurs propres valeurs - je vous renvoie aux mères de Montfermeil.
Mes collègues du groupe de l'Union centriste et moi-même avons souhaité qu'un bilan de deux années d'application du dispositif soit présenté au Parlement.
Mes collègues voteront la proposition de loi relative à la contraception d'urgence, telle que modifiée et complétée par la commission des affaires sociales.
Quant à moi, conscient de l'intérêt de la contraception d'urgence, qui peut permettre d'éviter le pire dans une situation exceptionnelle, je m'abstiendrai en raison des dérives annoncées hors milieu scolaire, de l'affaiblissement de l'autorité parentale et de l'absence d'une politique efficace de prévention. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il n'est pas un d'entre nous qui puisse rester insensible à l'objet du débat d'aujourd'hui et dont la conscience ne soit douloureusement interpellée.
Comment, en effet, ne pas souhaiter trouver une solution à la situation cruelle de jeunes femmes, souvent presque encore des enfants, qui sont confrontées à un état de détresse tel qu'elles ne veulent, voire ne peuvent accepter une maternité à leurs yeux impossible, et qui, de ce fait, n'ont d'autre possibilité que le recours à l'interruption volontaire de grossesse ?
Ce texte constitue une nouvelle étape sur la voie de ce que certains prétendent être la libération de la femme - je dis bien « prétendent ».
Il ne faut pas l'oublier, cela risque d'être un coup de plus porté au rôle, pourtant essentiel, de la cellule familiale, lieu privilégié de l'éducation des enfants.
M. Philippe Marini. Tout à fait !
M. Jean Chérioux. J'ai mes convictions. Je suis attaché au respect de la vie et j'entends défendre le rôle irremplaçable de la famille !
M. Philippe Marini. Très bien !
M. Jean Chérioux. Mais je n'ai pas l'intention de me lancer aujourd'hui dans un débat - il a déjà été suffisamment long - qui risquerait de prendre un tour polémique et qui, d'ailleurs, ne servirait sans doute à rien, car, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, cela ne vous ferait certainement pas changer d'avis, pas plus d'ailleurs que d'autres membres de cette assemblée. Il suffisait de voir le peu d'attention portée à un certain nombre d'interventions pourtant d'un haut niveau ! (Protestations sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Je tiens néanmoins à souligner le caractère tout de même ambigu, pour ne pas dire plus, de ce texte, du texte auquel vous apportez votre soutien et celui du Gouvernement devrais-je dire, puisque, pour éviter les observations éventuelles du Conseil d'Etat, vous avez cru bon de recourir au dépôt d'une proposition de loi par l'intermédiaire des députés de votre majorité.
J'ai dit « ambigu » car, contrairement à son titre, ce texte ne correspond pas uniquement à la mise en place d'un système permettant de régler les situations d'urgence que connaissent des jeunes filles dans les écoles. Son premier alinéa a pour objet essentiel d'autoriser la mise en vente libre d'un médicament relevant jusqu'ici d'une prescription médicale, cela pour toutes les femmes, quel que soit leur âge ou leur situation de famille. Il s'agit donc tout simplement de la légalisation de l'arrêté de Bernard Kouchner.
C'est grave, très grave même, car c'est en réalité à un véritable problème de santé publique que nous sommes confrontés aujourd'hui.
Certes, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, ce médicament, le NorLevo, n'est pas dangereux, même s'il peut avoir des effets secondaires. A condition toutefois que sa prise demeure exceptionnelle. Un certain nombre de voix éminentes, celles de professeurs et de médecins, se sont pourtant élevées, notamment en commission, pour montrer les dangers que pouvait représenter l'utilisation répétitive d'un tel médicament. Or, rien ne nous permet de penser que les dispositions de ce nouveau texte n'entraîneront pas la banalisation de l'utilisation de ce médicament - on peut même craindre le contraire -...
M. Philippe Marini. Parfaitement !
M. Jean Chérioux. ... et qu'il ne se produira pas un véritable phénomène de substitution, crainte évoquée aussi par certains de nos collègues médecins qui connaissent bien la question. En effet, quelle femme ne serait pas tentée de prendre ce médicament alors que les pilules contraceptives traditionnelles sont soumises à prescription médicale (Protestations sur les travées socialistes)...
Mme Dinah Derycke. Nous sommes des femmes responsables !
M. Jean Chérioux. Permettez ! Chacun peut parler ! Je ne vous ai pas interrompus. Vous êtes des intolérants, un point c'est tout ! J'ai quand même le droit d'exprimer ma pensée !
Mme Dinah Derycke. Votre pensée d'homme !
M. Jean Chérioux. Je continue mon propos, malgré vos incantations.
Quelle femme, disais-je, ne serait pas tentée de prendre ce médicament alors que les pilules contraceptives traditionnelles sont soumises à prescription médicale et exigent une prise quotidienne et ininterrompue, le NorLevo présentant l'avantage apparent d'une mise en vente libre, d'une utilisation plus simple et d'une prise unique ?
Madame la ministre, vous avez abordé ce problème à propos de la gratuité proposée par la commission. Oui, il peut y avoir un danger de banalisation, mais pas seulement en raison de la gratuité. La banalisation peut aussi résulter de la facilité d'utilisation de ce médicament.
M. Philippe Marini. Il vaut mieux ne pas l'utiliser !
M. Jean Chérioux. C'est d'ailleurs pourquoi l'académie de pharmacie a exprimé des réticences et demandé de « respecter une période probatoire de délivrance sur prescription médicale, afin d'obtenir des données complémentaires ». Mais vous n'en avez pas tenu compte !
Ne risquons-nous pas de constater, dans quelques années, que l'utilisation de ce médicament s'est développée au-delà de ce qui était prévu ? Ne peut-il, dans ces conditions, avoir des effets dangereux, voire irréversibles, sur la santé de centaines de femmes ou sur leur capacité à enfanter ?
C'est pourquoi je proposerai tout à l'heure un premier amendement ayant pour objet de supprimer le premier alinéa de la proposition de loi, c'est-à-dire visant au maintien de la prescription médicale.
M. Philippe Marini. Très bien !
M. Jean Chérioux. Par ailleurs, je ne peux accepter des dispositions qui ont pour conséquence de déresponsabiliser totalement la famille. Même si, dans le protocole, il est recommandé à l'infirmière d'entrer en contact avec la famille, comment celle-ci pourrait-elle y parvenir dans un délai aussi court ? Or il ne peut être question de retirer indistinctement, de manière unilatérale et générale, leurs droits à toutes les familles. Certains parents entendent exercer leurs responsabilités et leur autorité.
C'est dans cet esprit que j'ai déposé un deuxième amendement visant à permettre à ces familles de refuser chaque année l'application de ces dispositions à leur enfant.
M. Philippe Marini. Très bien !
M. Jean Chérioux. J'ai bien dit « refuser », parce qu'on aurait pu envisager, a contrario, que les familles notifient leur acceptation. Cela aurait été aller trop loin car je sais que certaines jeunes filles n'ont pratiquement pas de famille. Mais il serait inadmissible qu'une famille n'ait pas le droit de dire : « Moi, je m'occupe de mon enfant, je l'élève et je prends la responsabilité de son éducation ; je refuse donc que lui soit appliqué le système que vous proposez. »
Monsieur le président, mes chers collègues, ma conclusion sera, comme mon propos, reconnaissez-le, extrêmement brève : si les amendements que j'ai proposés ne sont pas adoptés, je ne pourrai pas voter cette proposition de loi.
Et, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, je m'adresse tout particulièrement à vous en cet instant : je ne sais pas si vous l'avez bien pesée, mais c'est une lourde, une bien lourde responsabilité que vous prenez en donnant votre accord à ce texte qui bafoue les règles les plus élémentaires du principe de précaution sanitaire. Dieu sait pourtant si en ce moment on en parle, de la précaution sanitaire ! On en parle même continuellement ! C'est étonnant : elle est mise en avant dans de nombreux cas, mais là, il n'y aurait pas de problème ! Tout est réglé ! (Mme la ministre proteste.)
On en reparlera dans cinq ans, et j'espère ne pas être un prophète de mauvais augure ! (Applaudissements sur certaines travées du RPR.)
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, messieurs les sénateurs, mesdames les sénatrices, je tiens à me féliciter, au nom du Gouvernement, que la plupart de vos interventions aient souligné le caractère nécessaire et positif de la proposition de loi qui vous vient de l'Assemblée nationale.
Tout d'abord, je m'adresserai à M. le rapporteur, qui, dans une courte digression, a critiqué le climat dans lequel ce texte avait été présenté à l'Assemblée nationale, et à M. Chérioux, qui a considéré que, si le Gouvernement n'avait pas proposé lui-même un projet de loi, c'était pour échapper à un désaveu du Conseil d'Etat. Il en est tout autrement.
M. Philippe Marini. C'est une manoeuvre politique !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. En fait, l'organisation des débats découle d'une volonté commune du Gouvernement et de sa majorité...
M. Philippe Marini. C'est bien ça : le Gouvernement et sa majorité !
M. Serge Lagauche. Ça va comme ça !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. ... de faire en sorte que l'ensemble du dispositif de révision des lois Veil et Neuwirth soit adopté avant la fin de l'année.
Il s'est trouvé que, à la suite d'un avis tout à fait motivé de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, le NorLevo, ce produit contraceptif hormonal sans danger pour la santé, a pu être mis en vente libre dans les pharmacies.
M. Philippe Marini. C'est vous qui en avez pris la responsabilité !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Dès lors, afin d'offrir une contraception efficace aux jeunes filles, pour éviter les grossesses précoces non désirées, ce que vous avez tous reconnu être un fléau contre lequel nous devions lutter en unissant nos forces, Ségolène Royal, alors ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire, a décidé que ce médicament pourrait être administré par les infirmières en milieu scolaire.
Le Conseil d'Etat a stoppé la mise en place du dispositif !
M. Philippe Marini. Heureusement qu'il est là !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Il était donc urgent de régler cette question avant que le calendrier parlementaire ne nous permette de déposer le projet de loi visant à réviser les lois Veil et Neuwirth. Ainsi, toutes les femmes de notre pays pourront bénéficier de l'évolution médicale et pharmaceutique.
Au-delà de la prise en compte de la détresse des jeunes filles, vous avez été nombreux à souligner l'importance d'associer la contraception d'urgence et une perspective de responsabilisation sexuelle, qui me paraît également tout à fait essentielle. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avons confié cette mission aux infirmières scolaires. Elles ne se contenteront pas de donner la pilule, elles feront oeuvre de pédagogie, sans moraliser, sans heurter les valeurs familiales qui sont développées dans certaines familles, tout en permettant aux jeunes gens et aux jeunes filles de ne pas subir les lourdes contraintes liées à une erreur de conduite passagère. C'est cette ouverture à l'éducation pour la santé qu'il me paraît nécessaire de souligner.
Je reprendrai certaines des remarques, positives ou critiques, qui ont été formulées.
Monsieur Francis Giraud, vous avez beaucoup insisté sur la nécessité d'assurer une éducation sexuelle à l'école tout en respectant la coresponsabilité des parents. Effectivement, il est indispensable de développer cette forme d'éducation.
La question de l'éducation à la sexualité se pose depuis de nombreuses années à l'éducation nationale et celle-ci tente d'y répondre ; je dis bien « tente » parce qu'il s'agit d'une mission difficile et évolutive. La circulaire Fontanet définissait déjà, en 1973, les grandes lignes d'une approche visant « l'information scientifique et l'éducation à la responsabilité en matière de sexualité ». Mais peu de moyens en formation, des horaires insuffisants, des supports pédagogiques en gestation ont accompagné ce texte.
L'épidémie du sida et le devoir de prévention qu'elle a imposé ensuite ont accéléré, ces dernières années, la mise en place de dispositifs consacrés à l'éducation de la sexualité et ont abouti à la circulaire du 15 avril 1996 rendant obligatoires deux heures par an au minimum d'éducation à la sexualité pour les élèves de quatrième et de troisième des collèges et des lycées professionnels. Surtout, depuis 1998, ont été mis en place dans les collèges quatre types d'interventions en matière d'éducation à la sexualité ; Mme Royal les a rappelés tout à l'heure.
Des rencontres éducatives sur la santé, pour un total de trente à quarante heures prises sur le temps scolaire pendant les quatre années de collège, ont été mises en place l'année dernière, et M. Jack Lang procède actuellement, en coopération avec mon cabinet, à une concrétisation de tous les programmes et instructions officiels qui comportent une notion d'éducation pour la santé, de manière à y introduire les procédés pédagogiques concrets.
Des comités d'éducation à la santé et à la citoyenneté se mettent en place dans tous les collèges. Actuellement, la moitié des collèges en sont dotés. Le ministère de la santé apporte son soutien à ces dispositifs au niveau tant de leur élaboration que de leur financement, à concurrence de deux millions de francs par an.
Toutes ces mesures visent à favoriser chez les élèves une prise de conscience, une compréhension des données essentielles de leur développement sexuel et affectif, l'acquisition d'un esprit critique afin qu'ils puissent faire des choix libres et responsables.
Monsieur Joly, je vous remercie d'avoir vous-même noté que le gouvernement de M. Lionel Jospin est le premier à avoir développé une importante campagne pour promouvoir la contraception ; une telle campagne n'avait pas été organisée depuis 1982.
La campagne que nous avons suscitée au début de cette année a rencontré, contrairement à ce qui a été dit, un succès notable, puisque nous constatons, à l'issue des post-tests, un bon niveau de mémorisation : plus de quatre Français sur dix âgés de quinze à cinquante-cinq ans déclarent ainsi se souvenir de cette campagne d'information sur la contraception. Il en est de même pour les spots télévisés, puisque trois quarts des personnes interrogées disent avoir vu au moins un de ces films. Une grande majorité estime que ceux-ci ont trouvé le ton juste et qu'ils ont été utiles, compréhensibles et informatifs. En outre, les cibles prioritaires ont bien été touchées, puisque les films ont plu essentiellement aux jeunes femmes de quinze à vingt-cinq ans.
Il est vrai que l'on peut estimer que cette campagne a passé trop vite. C'est justement l'une des raisons qui ont conduit le Gouvernement à décider de la relancer dès l'année prochaine en réutilisant les supports audiovisuels et télévisés qui ont été créés et mis en oeuvre au début de cette année.
Je remercie Mme Terrade de l'insistance avec laquelle elle a rappelé que l'effort d'information sur la contraception doit être permanent. Je vous l'ai dit, nous en sommes tellement persuadés que le Premier ministre est convenu de la nécessité de renouveler cette campagne de façon régulière, presque chaque année, et que nous nous sommes engagés à ce que chaque nouvelle génération d'adolescents puisse bénéficier de cette information et de cette éducation à la santé, qui inclut également la responsabilité et l'éducation sexuelles.
En réponse à la question de M. Demuynck, je voudrais souligner que le Gouvernement est tout à fait disposée à mettre en place un dispositif de suivi de la mise en oeuvre de la loi sur la contraception d'urgence. Nous nous engageons à fournir un rapport sur ce sujet au Parlement au terme des deux premières années d'application, c'est-à-dire au mois de décembre 2002.
Par ailleurs, je tiens à vous redire que nous nous sommes égalements imposés d'évaluer régulièrement l'impact de la campagne sur la contraception, afin de pouvoir en améliorer l'efficacité régulièrement et surtout de pouvoir adapter nos messages à l'évolution de notre société. Un très grand nombre d'entre vous n'ont pas manqué de signaler cette évolution, qui vous conduit à considérer que nous ne pouvons aujourd'hui traiter les adolescents comme il y a vingt ans et qu'il est indispensable de leur donner le moyen d'assumer cette liberté sexuelle qu'ils ont acquise au fil des âges et qui ne leur est pas contestée aujourd'hui.
Nous pouvons constater ensemble qu'un tabou est tombé, celui de la sexualité des jeunes. Dès lors, il incombe aux pouvoirs publics d'organiser l'exercice de cette responsabilité, de cette liberté que nos jeunes ont acquise et qui ne leur est pas contestée, de manière que leur vie ne soit pas brisée par des débuts hasardeux, ce qui pourrait être vécu comme une punition.
Ne nous trompons pas d'objectif : nous mettons tout en oeuvre pour promouvoir la contraception ordinaire, quotidienne, à travers une éducation à la santé, qui doit être non seulement une éducation à la sexualité mais aussi une éducation au bonheur, une éducation à la vie.
C'est précisément parce que nous devons tout faire pour aider nos enfants à trouver le bonheur, à se construire une vie harmonieuse, qu'il nous faut conjurer le véritable malheur que constitue une grossesse non désirée. En effet, une telle grossesse est le plus souvent vécue dans la détresse, dans un isolement et une angoisse qui peuvent être un facteur de drame, voire à l'origine d'un geste irréversible.
Aujourd'hui, nous disposons d'un moyen simple pour éviter ces erreurs, qui ne doivent pas être stigmatisées comme des fautes ; ce moyen, c'est la contraception d'urgence.
En vous demandant d'approuver cette proposition de loi, nous ne vous invitons pas à donner aux jeunes un passeport pour l'insouciance ou l'irresponsabilité, comme l'ont laissé entendre quelques interventions. Au contraire, nous vous invitons à doter les institutions scolaires d'un instrument de dialogue nouveau permettant de surmonter d'éventuelles erreurs. Il faut que chaque jeune, aidé par l'éducation à la sexualité, ait la possibilité de laisser mûrir sa sexualité en devenant responsable de ses actes, conscient de ses choix. Assurément, cet instrument permettra, dans un certain nombre de cas, d'éviter réellement à des jeunes filles de fausser le cours de leur vie du fait d'une simple imprévoyance.
Fondamentalement, il s'agit de créer un nouveau climat autour de la contraception et de la sexualité, un climat de confiance au sein duquel chacun pourra réconcilier amour et responsabilité.
Ajourd'hui, dans cet hémicycle, on a entendu s'exprimer beaucoup de générosité envers ces jeunes que des conduites d'essai peuvent plonger dans une situation dramatique. Ceux qui manifestaient cette générosité, cette attention, avaient cependant parfois quelque mal à la traduire dans les faits. Il est vrai qu'il n'est pas toujours facile de renoncer à des idées, à des modèles de vie, notamment des modèles de vie familiale.
Mais je vous remercie, les uns et les autres, d'avoir accepté de considérer que la jeunesse est la promesse d'un avenir et que celui-ci ne doit pas être compromis du fait de conduites d'essai qui ne seraient pas contrôlées et accompagnées par la responsabilité des adultes.
En revanche, il me semble que cette générosité laissait parfois transparaître une certaine difficulté à coordonner les actions proposées. La discussion des amendements permettra au Gouvernement de montrer son esprit d'ouverture face à votre volonté de mieux organiser l'attention à porter à nos jeunes, sans perdre de vue la nécessité de garantir un accueil de proximité, la disponibilité d'un adulte, pour que ces jeunes qui accéderont à une contraception d'urgence puissent aussi comprendre que ce n'est qu'un outil de réparation qui ne doit pas devenir un moyen de régulation, que la protection et la prévention régulières relèvent d'une contraception quotidienne. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen).
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Mes chers collègues, il est dix-neuf heures quinze et, compte tenu de la sensibilité du sujet qui nous occupe, il se peut que ce débat se prolonge relativement tard dans la soirée.
M. Jean Chérioux. Nous serons brefs !
M. le président. Je me garderai de faire quelque pari à cet égard, mon cher collègue !
Quoi qu'il en soit, afin de permettre à chacun de prendre ses dispositions, je vous propose d'interrompre nos travaux pendant quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quinze, est reprise à dix-neuf heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. - L'article L. 5134-1 du code de la santé publique est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Les médicaments ayant pour but la contraception d'urgence, et non susceptibles de présenter un danger pour la santé dans les conditions normales d'emploi, ne sont pas soumis à prescription obligatoire.
« Ils peuvent être prescrits et délivrés aux mineures désirant garder le secret. Ils peuvent être administrés tant aux mineures qu'aux majeures par les infirmières en milieu scolaire. »
Par amendement n° 1 rectifié, M. Neuwirth, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit cet article :
« L'article L. 5134-1 du code de la santé publique est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« Les médicaments ayant pour but la contraception d'urgence et non susceptibles de présenter un danger pour la santé dans les conditions normales d'emploi ne sont pas soumis à prescription obligatoire.
« Afin de prévenir une interruption volontaire de grossesse, ils peuvent être prescrits ou délivrés aux mineures désirant garder le secret. Leur délivrance aux mineures s'effectue à titre gratuit dans des conditions fixées par voie réglementaire.
« Dans les établissements d'enseignement du second degré, si un médecin ou un centre de planification ou d'éducation familiale n'est pas immédiatement accessible, les infirmières peuvent, à titre exceptionnel et en application d'un protocole national déterminé par décret, dans les cas d'urgence et de détresse caractérisée, administrer aux élèves mineures et majeures une contraception d'urgence. Elle informent ensuite de leur décision le médecin scolaire, s'assurent de l'accompagnement psychologique de l'élève et veillent à la mise en oeuvre d'un suivi médical. »
Cet amendement est affecté de cinq sous-amendements.
Le sous-amendement n° 4, présenté par M. Chérioux, vise à supprimer le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 1 pour compléter l'article L. 5134-1 du code de la santé publique.
Le sous-amendement n° 7 rectifié, déposé par Mme Terrade, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, tend, après les mots : « à titre gratuit », à rédiger comme suit la fin de la seconde phrase du deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 1 pour compléter l'article L. 5134-1 du code de la santé publique : « dans les pharmacies selon des conditions définies par décret. »
Le sous-amendement n° 6, présenté par Mmes Campion et Dieulangard, M. Lagauche et les membres du groupe socialiste et apparentés, a pour objet de rédiger comme suit le dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 1 pour complérer l'article L. 5134-1 du code de la santé publique :
« Ils peuvent être administrés tant aux mineures qu'aux majeures par les infirmières en milieu scolaire. »
Le sous-amendement n° 8 rectifié, déposé par Mme Terrade, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, vise, dans la première phrase du dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 1 pour compléter l'article L. 5134-1 du code de la santé publique, après les mots : « second degré », à insérer les mots : « et dans les centres de vacances agréés bénéficiant de la présence d'une infirmière ».
Enfin, le sous-amendement n° 5, présenté par M. Chérioux, tend, dans la première phrase du dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 1 pour compléter l'article L. 5134-1 du code de la santé publique, après les mots : « si un médecin ou un centre de planification ou d'éducation familiale n'est pas immédiatement accessible », à insérer les mots : « et si les parents de l'élève mineure ne s'y sont pas opposés par une déclaration renouvelée chaque année ».
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 1 rectifié.
M. Lucien Neuwirth, rapporteur. Mes chers collègues, cet amendement reprend sans modification le premier alinéa du texte qui a été adopté par l'Assemblée nationale et selon lequel « les médicaments ayant pour but la contraception d'urgence et non susceptibles de présenter un danger pour la santé dans les conditions normales d'emploi ne sont pas soumis à prescription obligatoire ».
Cette rédaction est en effet satisfaisante dans la mesure où elle implique a contrario que la prescription médicale est maintenue sous la responsabilité du ministre chargé de la santé pour les contraceptifs d'urgence susceptibles de présenter un danger pour la santé.
S'agissant du deuxième alinéa, nous proposons une nouvelle rédaction de la première phrase, relative à l'autorisation de prescrire et de délivrer ces contraceptifs d'urgence aux « mineures désirant garder le secret ». Il convient, en effet, de préciser que cette dérogation au principe du consentement parental ne peut se justifier que par un impératif essentiel : préserver les mineures d'une grossesse non désirée et, donc, d'une interruption volontaire de grossesse.
J'en viens maintenant à un point sur lequel Mme Ségolène Royal a émis des objections.
Afin que la question du coût de ce contraceptif d'urgence ne soit pas un obstacle pour certaines jeunes filles issues de milieux défavorisés, la commission a décidé de compléter le deuxième alinéa de son amendement par une disposition prévoyant que la délivrance en pharmacie de ces contraceptifs aux mineures s'effectue à titre gratuit dans des conditions fixées par voie réglementaire.
Cette mesure facilitera l'accès des mineures à la contraception d'urgence, en particulier pendant les vacances scolaires. En effet, durant cette période, où voulez-vous qu'aillent les mineures pour se procurer cette contraception, sinon dans une pharmacie ? Madame le ministre délégué à la famille et à l'enfance, la gratuité nous paraît s'imposer d'évidence pour que ces jeunes filles ne recourent pas, ensuite, à une IVG, laquelle pourrait être tardive.
Votre opposition à la gratuité m'étonne d'autant plus que l'IVG, elle, est remboursée. Ainsi, on rembourserait l'IVG, mais non le médicament qui permettrait de l'éviter. Ce serait un peu « fort de café » !
L'amendement n° 1 rectifié consacre un alinéa spécifique à la possibilité offerte aux infirmières scolaires d'administrer aux élèves une contraception d'urgence. La commission a voulu, d'une part, rappeler les principes qui doivent guider les infirmières dans leur action, d'autre part, définir de manière plus précise la procédure d'administration du NorLevo aux élèves. L'amendement reprend ainsi, fidèlement d'ailleurs, certaines parties de votre propre circulaire du 29 décembre 1999, madame le ministre.
Cette procédure doit être réservée aux cas d'urgence - on le comprend puisqu'il faut intervenir dans un délai de soixante-douze heures - et aux cas de détresse caractérisée. L'administration d'une contraception d'urgence aux élèves ne peut être, bien entendu, qu'exceptionnelle.
C'est pourquoi la commission souhaite rappeler que la contraception d'urgence ne saurait en aucun cas être un substitut à une contraception régulière et responsable, et que son usage ne saurait être banalisé.
L'administration d'une pilule contraceptive d'urgence doit, de surcroît, se dérouler conformément au protocole national déterminé par décret. Ce protocole devra, naturellement, tenir compte de la responsabilité éducative des parents.
S'agissant de la procédure proprement dite, l'amendement précise que l'infirmière scolaire confrontée à une demande de NorLevo doit s'efforcer, en premier lieu, d'orienter l'élève vers un médecin ou un centre de planification ou d'éducation familiale, ce qui sera quelquefois difficile compte tenu du délai de soixante-douze heures.
Si un médecin ou un centre de planification familiale n'est pas immédiatement accessible, l'infirmière scolaire peut alors, compte tenu de l'urgence et si elle estime qu'il s'agit d'une situation de détresse caractérisée, administrer à l'élève majeure ou mineure cette contraception d'urgence.
L'amendement inscrit également dans la loi le nécessaire suivi des élèves à qui on administre le NorLevo. C'est pourquoi l'infirmière scolaire doit informer a posteriori le médecin scolaire des décisions qu'elle a prises, mais, surtout, elle doit s'assurer de l'accompagnement psychologique de l'élève, veiller à la mise en oeuvre d'un suivi médical par un médecin, qu'il soit généraliste ou spécialiste, ou par un centre de planification familiale.
La rédaction de l'amendement que propose la commission se veut donc plus complète, plus précise et, dirai-je, plus sanitaire que celle qui a été adoptée à l'Assemblée nationale.
C'est l'objet des modifications et, surtout, des précisions que la commission des affaires sociales souhaite apporter.
M. le président. La parole est à M. Chérioux, pour défendre le sous-amendement n° 4.
M. Jean Chérioux. Je serai bref, car j'ai déjà eu l'occasion d'expliquer le pourquoi de ce sous-amendement.
Je crains, je l'ai dit, un phénomène de banalisation. Aussi, je demande que soit maintenue l'obligation de prescription par un médecin, et ce faisant je ne me place pas du tout dans la même perspective que la commission.
Celle-ci envisage l'administration en urgence du NorLevo à une jeune fille en situation de détresse. Or, pour ma part, ce n'est pas une banalisation dans ces seuls cas mais une banalisation générale que je crains. On va se trouver confronté à un nouveau système de prévention de la grossesse ! On évitera l'IVG, c'est vrai, mais il sera quand même beaucoup plus facile, je le répète, à une femme de recourir à cette pilule-là plutôt que de continuer à subir les contraintes liées à la pilule classique. (Mme Odette Terrade et M. Roland Muzeau protestent.)
C'est un fait ! Et ce phénomène de banalisation, je le répète, n'est pas une vue de l'esprit.
M. Philippe Marini. Non !
M. Jean Chérioux. Mme Royal l'a reconnu elle-même en parlant de la gratuité.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Ne déformez pas mes propos !
M. Jean Chérioux. C'est inscrit dans le compte rendu des débats ! C'est vrai non seulement eu égard à la gratuité mais aussi eu égard à la simplification que ce nouveau mode de contraception procure aux femmes.
M. Philippe Marini. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Terrade, pour défendre le sous-amendement n° 7 rectifié.
Mme Odette Terrade. Notre sous-amendement a pour objet de permettre l'accès à la contraception d'urgence aux mineures disposant de faibles ressources.
Il est pour nous très important de lever tout obstacle d'ordre financier dans la diffusion de la contraception d'urgence.
Les chiffres prouvent en effet que le recours à l'IVG augmente fortement lorsque les jeunes filles sont issues de milieux défavorisés. Le taux est multiplié par cinq entre élèves de l'enseignement professionnel et élèves de l'enseignement général.
Le but essentiel de la proposition de loi est de faire baisser le nombre d'IVG, expérience toujours traumatisante, surtout lorsqu'elle intervient au début de la vie sexuelle d'une jeune fille.
Par conséquent, tout doit être mis en oeuvre pour éviter d'arriver à cette extrémité et l'accès à la contraception d'urgence doit être facilitée.
Mes chers collègues, je suis persuadée que vous prendrez cette réalité en compte et émettrez un avis positif sur ce sous-amendement.
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard, pour défendre le sous-amendement n° 6.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Avec, je l'espère, un grand nombre de sénateurs ici présents, nous partageons la volonté de faciliter, tout en l'encadrant au mieux l'administration de la pilule du lendemain par les infirmières scolaires.
C'est dans cette optique qu'il nous est apparu plus pertinent et mieux adapté de privilégier une formulation moins « encombrée » de conditions que celle qui a été adoptée par la commission des affaires sociales pour le dernier alinéa de l'article L.5134-1 du code de la santé publique.
Ainsi, insérer dans la loi des conditions qui devront figurer dans le futur protocole national auquel devront aussi se conformer les infirmières scolaires ne nous paraît pas opportun pour deux raisons.
Tout d'abord, la loi intégrera ainsi des dispositions qui ont de toute évidence leur place dans un texte réglementaire et on peut donc s'interroger sur la nécessité de les formaliser sous forme législative.
De plus, l'amendement n° 1 rectifié procède à une accumulation de conditions : la pilule sera délivrée à titre exceptionnel, dans les situations « d'urgence et de détresse caractérisée », dans les cas où aucun médecin ne serait disponible et aucun centre de planification ou d'éducation familiale accessible.
Nous craignons que cette énumération ne soit interprétée comme une marque de suspicion à l'égard des infirmières scolaires, même si, vous connaissant, monsieur le rapporteur, je n'imagine pas que cela puisse être votre sentiment. Nous savons que le caractère exceptionnel de la délivrance du NorLevo a été respecté et que la majorité des lycéennes ont été orientées vers les centres de planification familiale.
Par ailleurs, mes chers collègues, deux risques majeurs sont à craindre.
Il y a d'abord un risque de dépassement des délais : nous sommes ici dans le cadre d'une contraception d'urgence qui perd progressivement son efficacité dans les soixante-douze heures qui suivent le rapport sexuel.
Il y a aussi le risque d'une interprétation dévoyée de cet alinéa qui pourrait être « instrumentalisé » par des associations, que nous connaissons tous, qui refusent systématiquement, parfois violemment, tout acquis en matière de contraception ou d'accès à l'IVG, qui multiplient les recours contentieux pour remettre en cause ce droit essentiel pour les femmes, car il fonde et détermine leur liberté de disposer de leur corps et d'avoir des enfants quand elles le souhaitent et le décident.
Ces associations ne manqueront pas, nous devons en être conscients, de contester fréquemment la légitimité de l'intervention de l'infirmière scolaire au prétexte que telle ou telle condition ne serait pas, à leurs yeux, remplie. La recherche d'un centre de planification s'arrête-t-elle aux limites de la ville, de l'agglomération ou du département ? On les imagine fixant un cadre géographique le plus large possible !
Nous vous demandons donc d'adopter notre sous-amendement afin d'éviter que certains obstacles ne se dressent contre ce que nous voulons avec autant de détermination que vous, monsieur le rapporteur : donner aux infirmières la possiblité d'administrer la contraception d'urgence afin d'éviter des grossesses non désirées ou des avortements traumatisants.
Nous réaffirmons notre volonté de faire en sorte que cette contraception ne se substitue pas à une contraception plus régulière et classique.
Souhaitons que notre débat contribue à l'ouverture d'un dialogue entre les jeunes filles et les interlocuteurs capables de leur apporter une information indispensable en la matière.
M. le président. La parole est à M. Muzeau, pour défendre le sous-amendement n° 8 rectifié.
M. Roland Muzeau. Ce sous-amendement a pour objet d'étendre la mise en oeuvre des dispositions de l'amendement n° 1 rectifié aux infirmières présentes dans les centres de vacances et de loisirs.
Une telle mesure aura un effet limité dans ces centres compte tenu de la faible présence des infirmières parmi les assistants sanitaires, qui sont en très grande majorité simplement titulaires de l'attestation de formation aux premiers secours, formation dont on sait qu'elle ne dure que deux jours.
En tout état de cause, il paraît nécessaire, pour des raisons de santé publique, de limiter une telle possibilité aux seuls infirmiers.
Une solution complémentaire consistera dans le recours aux pharmacies de ville, autorisées par la proposition de loi à conseiller les jeunes et à vendre librement ces contraceptifs. Il appartiendra aux directeurs de centre, sous la responsabilité desquels sont placés les mineures, de les informer de cette possibilité et de les autoriser à y avoir recours.
Avec ce sous-amendement, il s'agit d'assurer une continuité logique entre la période extrascolaire et la période scolaire, et je vous remercie, madame la ministre, d'avoir évoqué dans votre propos introductif cette question.
M. le président. La parole est à M. Chérioux, pour défendre le sous-amendement n° 5.
M. Jean Chérioux. Il s'agit là encore d'un problème que j'ai déjà abordé dans mon exposé liminaire.
A l'évidence, le rôle des familles est complètement oublié dans le système qui est mis en place.
Je sais bien que l'on vise des situations de détresse et que ce n'est pas le moment où il sera le plus facile à l'infirmière, ou à la personne qui sera reconnue compétente, de prendre contact avec la famille. Dans ces cas-là, il est, hélas ! souvent trop tard. Pour autant, il ne faut pas que les familles qui s'occupent de leurs enfants et qui entendent exercer leur responsabilité puissent se voir appliquer un texte de ce genre.
Je sais bien que, dans nombre de cas, ces situations de détresse sont dues au fait que les familles ne s'occupent pas de leurs enfants et que les jeunes filles sont abandonnées à elles-mêmes. C'est pourquoi je ne propose pas que l'autorisation soit demandée aux parents chaque année. A l'évidence, cela irait beaucoup trop loin et ne permettrait pas de faire face aux situations de détresse dont vous parlez.
En revanche, on n'a pas le droit de refuser à une famille la possibilité de dire qu'elle ne veut pas que ce texte s'applique à ses enfants parce qu'elle a une certaine conception de la responsabilité et qu'elle entend exercer celle-ci.
C'est la raison pour laquelle je vous demande d'adopter ce sous-amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces cinq sous-amendements ?
M. Lucien Neuwirth, rapporteur. Le sous-amendement n° 4 vise à rétablir l'obligation d'une prescription médicale pour la délivrance des contraceptifs d'urgence qui ne présentent pas de danger pour la santé.
Le texte de l'amendement de la commission signifie a contrario , je le rappelle, que la prescription médicale est maintenue, sous la responsabilité du ministre chargé de la santé, pour les contraceptifs d'urgence susceptibles de présenter un danger pour la santé.
En fait, cette disposition fait entrer les contraceptifs d'urgence dans le droit commun du médicament : ceux qui ne sont pas dangereux pourront - ce n'est qu'une possibilité, et c'est en tout état de cause une décision du ministre lui-même - être mis en vente libre ; ceux qui seraient susceptibles de présenter un danger pour la santé resteront soumis à prescription médicale.
Notre collègue Jean Chérioux soulève cependant un vrai problème : il y a là à l'évidence, et nous en sommes tous conscients, un risque de banalisation et même de substitution à une contraception régulière. Ce risque me semble toutefois limité et je vois à cela deux raisons - il s'agit de mon point de vue et de celui de la commission.
D'une part, la contraception d'urgence n'est pas efficace à 100 %, loin de là. Une jeune fille ou une femme qui déciderait de recourir de manière très régulière à la contraception d'urgence comme moyen de contraception prendrait un risque très élevé ; je l'ai dit, la contraception d'urgence est en quelque sorte une bouée de sauvetage utilisée au dernier moment pour éviter d'avoir recours plus tard à l'IVG.
D'autre part, les contraceptifs d'urgence ne sont pas délivrés en pharmacie aussi facilement que l'aspirine ou le paracétamol, qui, au demeurant, peuvent eux aussi se révéler extrêmement dangereux en cas d'emploi « normal ».
En commission, j'ai pu montrer les fiches qui ont été envoyées par l'ordre national des pharmaciens à toutes les officines. Le pharmacien doit interroger la jeune femme et accompagner la délivrance des contraceptifs des conseils appropriés. Il doit notamment lui rappeler qu'une prise répétée de NorLevo peut avoir des conséquences dommageables et lui conseiller d'adopter une contraception régulière.
A cet égard, je veux rappeler que tout médicament est susceptible de présenter un danger pour la santé si l'on n'en respecte pas les conditions d'emploi.
Voilà les raisons pour lesquelles le risque de banalisation me semble limité. On prend ce médicament parce qu'on se trouve dans une situation de détresse et qu'il faut tout tenter avant de recourir à une IVG. C'est pourquoi il me semble souhaitable d'adopter les dispositions proposées. Mais il nous faudra être particulièrement vigilants sur ce point et revenir sur les dispositions qui nous sont proposées aujourd'hui si une dérive inquiétante est constatée. Ce sera l'objet de l'un des amendements que nous examinerons ultérieurement.
C'est pourquoi je me félicite que certains de nos collègues aient déposé des amendements tendant à un bilan de l'application de la présente loi dès sa deuxième année d'application, c'est-à-dire avec le recul nécessaire. Si ce risque de banalisation se confirmait, il faudrait alors probablement revoir la loi.
L'alinéa que le sous-amendement n° 4 vise à supprimer me semble donc utile dans la mesure où il favorisera un accès plus rapide à la contraception d'urgence dans des situations où les intéressées sont vraiment tenues par des limites de temps. Il s'agit en effet d'une bouée de sauvetage !
Je demanderai donc à mon collègue et ami JeanChérioux de bien vouloir retirer son sous-amendement ; s'il n'en allait pas ainsi, j'émettrai alors un avis défavorable, ce qui m'ennuierait beaucoup.
J'en viens au sous-amendement n° 7 rectifié, qui est presque en conformité avec les propositions de la commission. Il vise à prévoir que la délivrance des médicaments ayant pour but la contraception d'urgence s'effectue à titre gratuit « dans les pharmacies selon des conditions définies par décret ».
Avant de donner l'avis de la commission, j'aimerais connaître l'avis du Gouvernement sur ce sous-amendement, qui tend à préciser l'amendement n° 1 rectifié.
M. le président. Madame le secrétaire d'Etat, quel est donc l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 7 rectifié ?
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Monsieur le président,...
M. Lucien Neuwirth, rapporteur. Le sous-amendement n° 7 rectifié tend à insérer les mots : « dans les pharmacies selon des conditions définies par décret ».
Si je suis d'accord sur le sens de ce sous-amendement, je considère cependant que les termes : « dans les pharmacies » sont superfétatoires, après l'emploi du mot : « délivrance ». En effet, la délivrance ne se fait jamais qu'en pharmacie, de la même façon que la prescription ne peut être faite que par un médecin. Ce sont les termes habituellement utilisés, et je crois donc, madame Terrade, que vous pouvez rejoindre la commission. (Mme Terrade fait un signe d'assentiment.)
M. le président. Monsieur le rapporteur, vous avez souhaité entendre l'avis du Gouvernement. Je demande donc à Mme le secrétaire d'Etat de poursuivre son propos.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Le sous-amendement est-il retiré ? S'il l'est, j'argumenterai tout à l'heure !
M. le président. Madame Terrade, le sous-amendement n° 7 rectifié est-il retiré ?
Mme Odette Terrade. La gratuité n'est pas retirée, mais...
M. Philippe Marini. Nous voudrions comprendre ce qui se passe !
M. le président. Si le sous-amendement n° 7 rectifié n'est pas retiré, Mme le secrétaire d'Etat va répondre !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement partage absolument votre souci de faciliter l'accès gratuit des mineures à la contraception d'urgence.
Simplement, généraliser la gratuité dans les pharmacies pour les mineures impliquerait, outre les différentes mesures qui ont été proposées pour organiser la distribution gratuite de la pilule du lendemain dans les établissements scolaires et la vente libre dans les pharmacies, des difficultés de coordination, de bonne pratique, dans des officines qui ne sont pas tenues par des fonctionnaires ou par des professionnels vis-à-vis desquels les pouvoirs publics peuvent exercer une action et auxquels ils peuvent confier des missions. Il s'agit, en effet, de professionnels libéraux.
En résumé, nous sommes favorables à la gratuité de la pilule du lendemain, mais nous souhaitons que sa délivrance aux adolescentes soit sujette à un accompagnement. Nous l'avons répété à plusieurs reprises, y compris sur les travées de cet hémicycle : il est indispensable que l'éducation à la sexualité, à la responsabilité sexuelle se fasse au contact d'adultes de proximité. Si les familles ne peuvent accomplir cette éducation, il faut que cette mission soit dévolue à des professionnels qui bénéficient de toute la confiance tant des parents que des pouvoirs publics.
Je ne pense pas que nous soyons en mesure d'exiger des pharmaciens une telle disponibilité à un accompagnement au moment de la délivrance d'une pilule du lendemain à titre gratuit à une mineure qui viendrait la demander. (Murmures sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. Philippe Marini. Ce n'est pas leur métier ! C'est le métier des médecins, ce n'est pas celui des pharmaciens !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Ce n'est pas, en effet, le métier des pharmaciens ! (Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Philippe Marini. C'était utile de le préciser !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Donc, il faut que le recours au NorLevo soit l'occasion d'une éducation à la santé et à la responsabilité sexuelle. Il faut qu'il soit l'occasion d'un dialogue avec la jeune fille, l'invitant notamment à recourir à une contraception classique. A cet égard, quel accompagnement peut-il y avoir en pharmacie ? (Exclamations sur certaines travées de l'Union centriste.)
M. Philippe Marini. Ce n'est le métier ni des infirmières ni des pharmaciens !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Nous allons voir en fonction de votre volonté. Nous avons beaucoup de réponses à apporter aux questions que soulève votre souci d'élargissement de la gratuité, y compris dans les pharmacies, pour que les jeunes filles puissent avoir accès, en dehors des périodes et des heures scolaires, à une contraception d'urgence. Mais, avant de nous prononcer sans hésitation sur cette gratuité totale aux comptoirs des pharmacies, nous devons apporter des réponses à un certain nombre de questions.
M. le président. Quel est, en définitive, l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 7 rectifié ?
M. Lucien Neuwirth, rapporteur. Il y a une confusion ! Le sous-amendement n° 7 rectifié vise à insérer les mots : « dans les pharmacies selon des conditions définies par décret », alors que la commission a adopté la formule suivante : « dans des conditions fixées par voie réglementaire ». Par conséquent, la seule nuance sur laquelle nous débattons pour l'instant tient au décret ou à la voie réglementaire, et à l'adjonction du mot « pharmacies », la commission employant pour sa part le mot « délivrance », ce qui sous-entend l'implication des pharmacies.
Nous n'évoquons pas encore la gratuité ! En effet, cette dernière est visée par l'amendement n° 1 rectifié de la commission, et non par le sous-amendement n° 7 rectifié.
M. le président. Mais quel est donc l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 7 rectifié ?
M. Lucien Neuwirth, rapporteur. La commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
J'en viens au sous-amendement n° 6, qui vise à revenir très exactement au texte adopté par l'Assemblée nationale, moins complet que celui de la commission.
La commission a jugé, pour sa part, qu'il était souhaitable de préciser dans la loi les éléments qui devront figurer dans le décret porteur du protocole national. La loi a vocation à encadrer le protocole national, mais ne s'y substitue pas. Je dis cela à l'attention de nos collègues : c'est bien le protocole national, qui est un texte réglementaire, que, concrètement, l'infirmière scolaire devra appliquer, et là intervient le chef d'établissement dans l'organisation du service.
Mme Dieulangard a soulevé à cette occasion un vrai problème, comme l'avait fait tout à l'heure l'un de nos collègues : celui de la responsabilité des infirmières scolaires. J'aimerais que Mme le secrétaire d'Etat nous éclaire sur cette question délicate.
Dans quelle mesure la responsabilité d'une infirmière pourrait-elle être engagée, notamment par les parents, du fait de l'administration ou du refus de l'administration du NorLevo à une élève ? Je précise à cet égard que, par rapport au texte adopté par l'Assemblée nationale, l'amendement de la commission ne modifie en rien le régime propre à cette responsabilité.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. C'est à un exercice un peu compliqué que vous nous demandez de nous livrer, monsieur le rapporteur !
Je vous le répète : la mission des infirmières scolaires est fixée par un règlement. Dans le cas présent, l'administration d'un certain nombre de médicaments est régie par un protocole national visé par le ministre de l'éducation nationale et celui de la santé, sous contrôle de nos services, donc de la direction générale de la santé. Lorsque Ségolène Royal a proposé de revoir la liste des médicaments qui peuvent être disponibles dans les infirmeries scolaires, tous ces médicaments ont alors été évalués et visés par la direction générale de la santé en fonction d'un avis de l'AFSSAPS, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, au regard de la non-dangerosité pour la santé de ces médicaments. Il apparaît, en vertu des expertises réalisées par l'Agence du médicament, que le NorLevo est un médicament sans danger aucun pour la santé. C'est en vertu de cet avis de l'AFSSAPS que le NorLevo a pu être inscrit, au même titre que d'autres médicaments sans danger pour la santé, dans la liste des médicaments qui sont disponibles dans les infirmeries scolaires.
Il n'y a donc pas de responsabilité individuelle ou directe des infirmières. Il s'agit de l'administration qui est prévue par le protocole élaboré par des médecins et qui est imposée dans les missions des infirmières scolaires.
M. Jean Chérioux. Et le sang contaminé ? Vous ne vous souvenez pas du sang contaminé ?
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Cela n'a aucun rapport !
M. Jean Chérioux. Et comment !
M. le président. Quel est, en définitive, l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 6 ?
M. Lucien Neuwirth, rapporteur. Voilà qui prouve combien il était nécessaire de compléter le texte de l'Assemblée nationale et d'y insérer la mention du protocole national. C'est la raison pour laquelle - madame Dieulangard, je pense que vous l'aurez compris - la commission émet un avis favorable sur le sous-amendement n° 6.
Le sous-amendement n° 8 rectifié tend à autoriser la délivrance des contraceptifs d'urgence dans les centres de vacances agréés lorsque ces derniers bénéficient de la présence d'une infirmière. J'observe qu'il s'insère plutôt mal dans le dispositif prévu par l'amendement n° 1 rectifié de la commission. Il semble difficile de l'adopter en l'état.
C'est pourquoi la commission a émis un avis de sagesse prudente sur ce sous-amendement...
M. Philippe Marini. Sagesse prudente ?...
M. Lucien Neuwirth, rapporteur. ... et souhaiterait, là encore, recueillir l'avis du Gouvernement pour savoir si nous nous orientons vers une énumération, toujours limitative, des établissements où pourrait être remis le NorLevo.
Le sous-amendement n° 5, présenté par M. Chérioux, tend à donner la faculté aux parents de s'opposer à une éventuelle administration à leur enfant mineur d'une contraception d'urgence par les infirmières scolaires.
Nous sommes nombreux, dans cette assemblée, à partager le souci de notre collègue Jean Chérioux d'éviter que des parents ne soient absents de cette procédure.
Le protocole national devra, c'est évident, tenir compte de la responsabilité éducative des parents. Ainsi, dans le protocole de décembre 1999, l'infirmière devait s'efforcer d'entrer en contact avec l'un des parents de l'élève mineure aux fins d'informer celui-ci des différentes possibilités qui se présentaient. Ce n'était « que si l'élève refuse catégoriquement que la famille soit associée à sa démarche » que l'infirmière scolaire prenait rendez-vous en urgence auprès d'un centre de planification familiale, s'il en existait, ou qu'elle délivrait elle-même le NorLevo compte tenu de l'impératif des délais.
Le sous-amendement n° 5 offre la possibilité aux parents de s'opposer, par une déclaration annuelle, à ce que l'on réponde à la demande de l'enfant mineure de bénéficier d'une contraception d'urgence.
Je considère pour ma part - nous en avons parlé ce matin - que, dans les cas d'urgence et de détresse caractérisées, le souci de prévenir une interruption volontaire de grossesse doit prévaloir sur l'exigence du consentement parental immédiat.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Lucien Neuwirth, rapporteur. J'ajoute que, très concrètement, la jeune fille pour laquelle l'infirmière se verrait interdire l'administration d'une contraception d'urgence n'aurait qu'à se rendre à la pharmacie la plus proche, qui lui délivrerait alors ce contraceptif.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Bien sûr !
M. Lucien Neuwirth, rapporteur. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle notre collègue M. Chérioux, qui est cohérent avec lui-même, nous avait demandé, dans un précédent amendement, d'interdire cette vente libre.
M. Philippe Marini. Il avait raison ! C'est logique !
M. Lucien Neuwirth, rapporteur. Oui, il y a une logique, et je viens de le dire !
Dans ces conditions, j'inviterai notre collègue Jean Chérioux à retirer son sous-amendement ; sinon, je serai obligé d'y donner un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 1 rectifié et sur les sous-amendements n°s 4, 7 rectifié, 6, 8 rectifié et 5 ?
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Le sous-amendement n° 4 va dans un sens opposé à ce que souhaitent le Gouvernement et l'Assemblée nationale,...
M. Philippe Marini. Heureusement !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. ... à savoir faciliter l'accès à la contraception d'urgence.
Je le répète, nous avons la chance, aujourd'hui, de disposer d'un produit contraceptif hormonal qui ne comporte pas de danger pour la santé et qui peut, l'AFSSAPS l'a confirmé, être délivré sans prescription médicale. Dans la mesure où la contraception d'urgence est d'autant plus efficace qu'elle est prise rapidement après un rapport sexuel non protégé, cet accès sans prescription est un atout essentiel.
M. le rapporteur lui-même a essayé, en 1967, d'introduire dans la loi qui porte son nom un accès aux contraceptifs sans prescription médicale. Or, à l'époque, le dosage des médicaments était tel que ce n'était pas possible. Aujourd'hui, profitons donc des progrès de la médecine ! Faisons-en profiter l'ensemble des jeunes filles de notre pays !
Dans ces conditions, j'en suis désolée, je suis défavorable au sous-amendement n° 4.
M. Jean Chérioux. Ne soyez pas désolée, madame le secrétaire d'Etat !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Je me suis déjà expliquée sur le sous-amendement n° 7 rectifié, et j'y reviendrai dans un instant en me prononçant sur l'amendement n° 1 rectifié.
En ce qui concerne le sous-amendement n° 6, j'ai eu l'occasion de répondre à la demande de M. le rapporteur s'agissant de la responsabilité des infirmières dans la mission qui leur est confiée à travers le protocole de soins infirmiers en milieu scolaire.
Personnellement, je considère que le texte voté par l'Assemblée nationale précise les choses. Il y est en effet indiqué que ces médicaments « peuvent être administrés tant aux mineures qu'aux majeures ». Or nous savons que la scolarité se prolonge quelquefois aujourd'hui au-delà de la majorité. Il serait donc injuste qu'une élève majeure ne puisse pas bénéficier de la même attention que sa camarade mineure, alors même que l'une et l'autre s'adresseraient à l'infirmière scolaire.
Je souhaite donc le retour au texte de l'Assemblée nationale, objet du sous-amendement n° 6, auquel je donne donc mon accord.
M. Lucien Neuwirth, rapporteur. Notre texte fait référence lui aussi aux « mineures et majeures ».
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Le sous-amendement n° 8 rectifié vise à intégrer les centres de vacances agréés dans la liste des lieux de distribution de la pilule du lendemain.
Après Ségolène Royal, je vous répète que le souhait du Gouvernement est de voir les structures qui travaillent avec des adolescents participer à leur réflexion sur les questions de la sexualité, contribuant ainsi à l'élévation de leur niveau de responsabilité dans ce domaine et à la lutte contre les grossesses non désirées.
L'expérience des pays nordiques, où les questions de sexualité sont très ouvertement abordées avec les enfants, les jeunes et les adolescents, le montre bien, car se sont ces pays qui connaissent le taux le plus faible d'IVG des mineures.
Les responsables de centres de vacances pour adolescents ont bien évidemment un rôle à jouer dans ce domaine. Le Gouvernement s'engage, à cet égard, à travailler avec les mouvements d'éducation populaire, avec les organisateurs de centres de vacances pour adolescents, sur les questions de la prévention des grossesses non désirées, de l'éducation à la santé et à la responsabilité sexuelle sur l'administration possible du NorLevo. Or cette prévention passe avant tout par le développement de l'éducation de proximité.
Quelques rares centres de vacances disposent des services d'une infirmière. Celle-ci devra pouvoir, après une formation identique à celle qui sera proposée aux infirmières scolaires, répondre à la détresse d'une jeune fille nécessitant une contraception d'urgence et engager avec elle le dialogue sur ces questions.
Pour les autres centres de vacances, qui ne disposent pas d'une infirmière, un rapprochement avec les centres de planning familial ou avec d'autres centres de vacances situés à proximité devrait permettre de mutualiser les compétences et de résoudre les problèmes rencontrés.
Le Gouvernement est donc favorable au sous-amendement n° 8 rectifié.
Quant au sous-amendement n° 5, dont l'objet est de permettre aux parents d'élèves de s'opposer, éventuellement, à ce que leur fille puisse bénéficier de l'attention de l'infirmière scolaire, il est en contradiction avec l'esprit de la proposition de loi. Précisément, les mineures qui ne se sentent pas en confiance et qui ne se sentent pas autorisées à s'ouvrir de leurs problèmes dans leur famille doivent pouvoir trouver un appui et un soutien auprès de l'infirmière scolaire ! Nous ne pouvons donc pas soumettre cette attention de l'infirmière scolaire à la déclaration préalable des parents.
Le Gouvernement est donc opposé à ce sous-amendement.
J'en viens à l'amendement n° 1 rectifié, présenté par M. Neuwirth, au nom de la commission.
Au nom du Gouvernement, je tiens à remercier la commission des affaires sociales, et tout particulièrement son rapporteur, du soutien qu'ils ont apporté aux actions que nous menons en la matière, afin de faciliter l'accès à la contraception d'urgence.
Le premier alinéa de l'amendement n° 1 rectifié, qui reprend les termes du texte adopté par l'Assemblée nationale, recueille bien évidemment l'accord total du Gouvernement.
Au début du deuxième alinéa, l'ajout de l'expression : « afin de prévenir une interruption volontaire de grossesse » nous paraît inutile. La contraception d'urgence, comme toute méthode de contraception, a pour effet d'éviter les grossesses non désirées et, par conséquent, les interruptions volontaires de grossesse qui pourraient en résulter. Cet ajout est donc un peu redondant.
M. Lucien Neuwirth, rapporteur. Cela va sans dire, mais cela va mieux en le disant !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. La deuxième phrase du deuxième alinéa évoque la possibilité d'administrer, à titre gratuit, des contraceptifs d'urgence aux mineures.
C'est un sujet qui nous a déjà réunis à plusieurs reprises au cours de ce débat : le Gouvernement partage votre souci de faciliter l'accès gratuit des mineures à la contraception d'urgence.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Très bien !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Au demeurant, la gratuité des contraceptifs d'urgence est d'ores et déjà effective, comme celle des autres contraceptifs, dans les centres de planification familiale pour les mineures désirant garder le secret.
Par ailleurs, grâce à la présente proposition de loi, les contraceptifs d'urgence pourront être administrés gratuitement dans les établissements scolaires.
Enfin, le Tétragynon peut, dès aujourd'hui, être obtenu dans les établissements hospitaliers, notamment dans les services d'urgence. Le NorLevo pourra également y être disponible dès que le laboratoire en aura fait la demande. Il suffira alors d'une circulaire ministérielle pour préciser aux établissements hospitaliers qu'ils pourront le délivrer gratuitement.
Généraliser la gratuité pour les mineures impliquerait, si je vous suis bien, monsieur le rapporteur, d'organiser en outre la distribution gratuite de la pilule du lendemain en pharmacie,...
M. Lucien Neuwirth, rapporteur. En dehors des périodes scolaires !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. ... entraînant des difficultés de coordination des pratiques dans les officines tenues par des praticiens libéraux, ainsi que je l'ai expliqué tout à l'heure.
J'entends bien que vous nous encouragez à préciser, au moyen d'un règlement, les modalités de mise à disposition gratuite dans les pharmacies de cette pilule en dehors des périodes scolaires, avec des mesures d'accompagnement.
Le Gouvernement est favorable à la gratuité de la pilule du lendemain et il souhaite que sa délivrance aux adolescentes se fasse avec un accompagnement. Il nous faudra donc préciser comment cet accompagnement peut être réalisé dans les pharmacies. Le recours au NorLevo doit être l'occasion d'un dialogue avec la jeune fille, l'invitant notamment à recourir à une contraception classique.
Quel accompagnement les pharmacies pourront-elles opérer ? Il va nous falloir répondre à cette question. S'il devenait plus facile, pour les mineures, d'accéder à la contraception d'urgence plutôt qu'à la contraception classique, serait-ce aussi pédagogique que nous le souhaitons ? Il nous faut répondre à ces questions avant de nous prononcer sans hésitation sur la gratuité.
Quant aux différentes précisions contenues dans le troisième alinéa de l'amendement n° 1 rectifié, elles sont d'ores et déjà prévues dans le protocole national sur l'organisation des soins et des urgences dans les écoles et les établissements publics locaux d'enseignement. Il n'apparaît donc pas nécessaire d'apporter toutes ces précisions dans la loi, revenir au texte initial semble suffisant.
Cependant, compte tenu du travail important qui a été accompli par la commission des affaires sociales pour améliorer ce texte - qui, je le sais, monsieur le rapporteur, vous tient beaucoup à coeur - et compte tenu du souhait du Gouvernement d'entraîner le maximum d'adhésion sur la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale, je m'en remets à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 1 rectifié.
M. Lucien Neuwirth, rapporteur. Merci, madame le secrétaire d'Etat.
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 4.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Malgré les sollicitations dont j'ai été l'objet, je maintiens ce sous-amendement, monsieur le président, car je pense qu'une prescription médicale est nécessaire.
Je sais bien que M. le rapporteur nous affirme que les pharmaciens peuvent remplir ce rôle. Pour ma part, je n'ai rien contre les pharmaciens, loin de là - je respecte beaucoup leur action - mais je sais qu'ils travaillent souvent dans des conditions qui ne leur permettent pas de jouer ce rôle.
De plus, à entendre tout à l'heure Mme le secrétaire d'Etat, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle n'a pas été très favorable, s'agissant du rôle des pharmaciens, à la gratuité ! (Mme le secrétaire d'Etat fait un geste de dénégation.)
Je ne vois pas pourquoi les pharmaciens joueraient mieux un rôle de prescription ! Par conséquent, je maintiens mon sous-amendement.
M. Philippe Marini. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Nous devons prendre position sur un sujet extrêmement important pour nos jeunes, et pas seulement en raison du texte même que l'on nous propose, mais en raison, surtout, du signal qu'il constitue.
Voulons-nous donner un signal supplémentaire en faveur de la banalisation de la contraception ? Voulons-nous donner un signal supplémentaire en faveur de la banalisation de l'acte sexuel ?
Mme Odette Terrade. Oh !
M. Philippe Marini. Je pose tout simplement la question, car elle est à la base des réponses que nous sommes appelés à donner ce soir. (Exclamations sur les travées socialistes.)
Il en est peut-être à qui cela ne plaît pas, mais je crois que chacun siège ici pour exprimer ses convictions. Si mes convictions ne sont pas les vôtres, si vous ne les partagez pas, ayez du moins la bonté de les écouter, car je puis vous assurer qu'elles sont sincères et fortement ancrées !
M. Serge Lagauche. Cela ne nous étonne pas !
M. Philippe Marini. Je pense que j'exerce ici le droit de tout parlementaire à exprimer ses convictions et, parmi elles, celles qui sont, je le répète, les mieux ancrées dans ce qu'il peut y avoir de plus profond en soi.
J'exprimerai donc, comme Jean Chérioux tout à l'heure, ma préoccupation : la vie mérite d'être protégée à tous les stades et notre société évolue sans cesse vers plus d'individualisme, vers une libération croissante des comportements individuels, quelles qu'en soient les conséquences. Or je crois que, au travers de la disposition supplémentaire que l'on nous propose d'adopter, en elle-même peut-être discutable ou d'ampleur limitée, nous sommes devant une étape supplémentaire dans cette évolution à laquelle, pour ma part, je ne peux pas souscrire.
M. Jean Chérioux a raison de bien poser les deux limites qui sont essentielles.
La première, c'est la responsabilité du médecin, c'est la prescription médicale. On ne fera croire à personne que l'infirmier peut se substituer au médecin ! On ne fera croire à personne que le pharmacien d'officine peut se substituer au médecin ! On ne fera croire à personne que l'animateur de colonie de vacances peut se substituer au médecin ! (Murmures sur les travées socialistes.)
Il y a là un verrou qui, au regard de ce que je crois profondément, est important. C'est le sens de l'amendement de M. Chérioux.
La seconde limite, c'est la relation avec la famille : l'enfant scolarisé fait partie de sa famille, famille qui doit l'assumer, qui doit dialoguer avec lui, qui doit prendre ses responsabilités.
Mes chers collègues, par-delà toute idéologie, toute opinion politique, si nous voulons voir sans cesse, dans notre société, plus de comportements individualistes, voir sans cesse la famille s'éclater en de multiples cellules, en de multiples initiatives, au point de ne plus pouvoir mériter le nom même de famille, il faut effectivement franchir ce pas supplémentaire que constitue le vote de la proposition de loi adoptée à l'Assemblée nationale et qui, telle qu'amendée par la commission des affaires sociales - j'ai le regret de le dire au rapporteur, pour qui j'ai un infini respect - va même encore un peu plus loin.
Pour ma part, je ne peux pas faire ce pas supplémentaire, ni a fortiori le pas plus grand de la commission des affaires sociales, et c'est pourquoi, naturellement, par conviction, je voterai le sous-amendement de notre ami et collègue Jean Chérioux. (M. Emmanuel Hamel applaudit.)
M. Lucien Neuwirth, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Neuwirth, rapporteur. Il est tout à fait normal que chacun d'entre nous puisse exprimer ici ses convictions. Nous nous sommes battus pour la liberté, pour la démocratie, et c'est cela la démocratie.
Je répondrai plusieurs choses à mon excellent collègue Philippe Marini.
D'abord, il a dit une phrase fondamentale : « La vie mérite d'être protégée. » Oui, c'est vrai. Mais, protégée, elle l'est par la vérité, pas par l'ignorance !
Mme Claire-Lise Campion. Absolument !
M. Lucien Neuwirth, rapporteur. Qu'est-ce qui caractérise ces malheureuses filles qui se trouvent dans des situations désespérées. Elles sont, ou elles étaient dans l'ignorance. Voilà pourquoi je partage son point de vue.
Pour ce qui est de la famille aussi, j'y suis, moi aussi, très attaché, pour nombre de raisons personnelles que certains ici connaissent. Mais si le dialogue confiant existait dans la famille, l'adolescente se serait confiée soit à sa mère, soit à sa soeur, soit à toute autre personne de sa famille ! C'est là tout le problème.
Je l'ai dit tout à l'heure les parents actuels n'ont pas été informés par leurs propres parents et c'est là un inconvénient majeur.
Mme Odette Terrade. Bien sûr !
M. Lucien Neuwirth, rapporteur. Ils font preuve de maladresse, une espèce de pudeur les retient. Ils hésitent à informer leurs enfants à un moment crucial. Je pense aux petites filles - je cite souvent cet exemple - qui ont leurs premières règles. Quelle belle occasion pour une maman de dire : « Tu vois, maintenant, tu es comme moi, tu peux avoir un enfant, il faut donc que tu saches comment se transmet la vie » ! C'est là un moment important, un moment de vérité.
Enfin - et je m'arrêterai là - M. Marini a ajouté qu'une infirmière ne remplaçait pas un médecin. Si ! On l'a vu souvent. C'est pourquoi on a établi les protocoles pour le traitement de la douleur. Quand les médecins, les internes ne sont pas là, les infirmières peuvent apporter des soins, toutes sortes de soins, pour pallier leur absence. Je tenais à le dire parce que les infirmières remplissent une véritable mission et beaucoup le font avec une grande conscience. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste. - M. Yann Gaillard applaudit également.)
Mme Dinah Derycke. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. Je fais tout à fait miens les propos que vient de tenir M. le rapporteur et je voterai donc dans le même sens que lui.
Monsieur Marini, l'acte sexuel n'est pas quelque chose de honteux, et il ne s'agit pas d'inciter nos jeunes à la débauche.
M. Philippe Marini. Je n'ai jamais dit cela. Mais l'acte sexuel suppose l'amour.
Mme Dinah Derycke. Cela ne suppose pas automatiquement la conception de l'amour que vous avez. Roméo et Juliette avaient seize ans ; ils n'ont pas vécu parce que leurs familles, manifestement, n'ont pas su exercer leurs responsabilités. Mais, s'ils avaient vécu, personne ne saura jamais s'ils auraient vécu jusqu'à un grand âge la main dans la main, les yeux dans les yeux, avec toujours le même amour.
Deux adolescents qui sont attirés l'un vers l'autre et qui font l'amour ne feront pas pour autant leur vie ensemble, comme l'on dit, ne fonderont pas nécessairement une famille ensemble ; mais cela peut être beau et cela peut être très enrichissant - et pas seulement physiquement - pour l'un comme pour l'autre.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 4, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 7 rectifié, pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 6, repoussé par la commission et accepté par le Gouvernement.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 8 rectifié.
M. Claude Huriet. Je demande la parole contre le sous-amendement.
M. le président. La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet. Je ne vois pas dans quelles conditions, si le sous-amendement était adopté, il pourrait s'appliquer, conformément, d'ailleurs, à l'ensemble du texte sur lequel nous allons nous prononcer dans un instant.
En effet, dans l'article unique tel qu'amendé par la commission des affaires sociales, il est prévu que les infirmières en milieu scolaire « informent de leur décision le médecin scolaire, s'assurent de l'accompagnement psychologique de l'élève et veillent à la mise en oeuvre d'un suivi médical ».
Je ne vois pas, à l'évidence, comment un infirmier ou une infirmière, qui n'a pas nécessairement été formé pour exercer cette responsabilité, tout de même très particulière, pourrait remplir les conditions, sur lesquelles nous n'aurons aucune peine à nous mettre d'accord, concernant le soutien psychologique et le suivi.
C'est la raison pour laquelle je voterai contre ce sous-amendement.
M. Roland Muzeau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau. Monsieur Huriet, la vente libre dans les pharmacies, après consultation éclairée du pharmacien, conduit à la même démonstration que celle que vous venez de faire. La présence d'une infirmière dans les centres de vacances apporte un certain nombre de protections, comparables à celles qu'offriront les pharmaciens qui auront pris le temps de discuter avec les jeunes venus les voir. L'objection que vous avez émise n'est donc pas fondée.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 8 rectifié, accepté par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 5, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1 rectifié.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Monsieur le président, le groupe socialiste demande qu'il soit procédé à un vote par division sur cet amendement n° 1 rectifié.
M. le président. La division étant de droit, je mettrai successivement aux voix la première partie constituée des deux premiers alinéas, puis la deuxième et la troisième, constituées respectivement du troisième et du quatrième alinéa de l'amendement n° 1 rectifié.
Je vais mettre aux voix la première partie.
Mme Claire-Lise Campion. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Campion.
Mme Claire-Lise Campion. Puisqu'il nous est donné de procéder par division au vote de l'amendement de notre collègue M. Neuwirth, je veux m'exprimer, au nom de mon groupe, sur le premier alinéa proposé pour l'article L. 5134-1 du code de la santé publique, qui concerne la suppression de la prescription obligatoire pour le NorLevo.
Tout d'abord, je souhaite clarifier l'objet de notre discussion d'aujourd'hui afin d'éviter tout amalgame ou erreur : il s'agit non pas de la contraception en général, mais de la contraception d'urgence.
Ensuite, il n'est question que de la contraception d'urgence non susceptible de présenter un danger pour la santé, si bien qu'à ce jour seul le NorLevo entre dans cette catégorie.
Par ailleurs, je tiens à rappeler que l'accès libre pour toutes les femmes au NorLevo sans prescription médicale s'applique d'ores et déjà, depuis que le Gouvernement a autorisé par arrêté la vente libre en pharmacie du NorLevo.
Soulignons, à cet égard, que les recours devant le Conseil d'Etat et la décision qu'il a rendue ne concernaient que l'administration par les infirmières scolaires.
En effet, le Conseil d'Etat, qui n'avait pas été sollicité sur l'arrêté de Bernard Kouchner, ne s'est donc pas prononcé sur la légalité de cette mesure.
Mais il est évident que, si tel devait être le cas, la décision du Conseil d'Etat serait alors identique à celle que nous ne connaissons que trop bien.
Si nous légiférons sur ce point et si le groupe socialiste de l'Assemblée nationale a inscrit cette disposition dans sa proposition de loi, c'est afin d'assurer une validation législative à un arrêté sur lequel pèse une épée de Damoclès.
Le groupe socialiste du Sénat, dans sa volonté de garantir l'accès libre de toutes les femmes à la contraception d'urgence et, surtout, de faire en sorte que cette liberté ne puisse plus être remise en cause, ne peut qu'être favorable à une telle disposition. C'est pourquoi nous voterons la première partie de l'amendement.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Je voterai contre cette première partie, fidèle en cela à l'esprit du sous-amendement que j'avais proposé.
Je rappelle, une fois de plus, que ce texte ne vise pas seulement les situations d'urgence ou les détresses caractérisées, qu'il permet aussi l'utilisation d'un médicament d'urgence par des personnes qui ne sont pas nécessairement en difficulté, et qu'il y a donc un risque de banalisation pour ces dernières, comme l'ont dit de nombreux collègues dans cette assemblée.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la première partie de l'amendement n° 1 rectifié.

(Ce texte est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix, modifiée par le sous-amendement n° 7 rectifié, la deuxième partie de l'amendement n° 1 rectifié.
M. Claude Huriet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet. Je suis prêt à voter cette deuxième partie. J'aimerais toutefois obtenir une explication.
En effet, il est fait mention à la fois de la volonté de garder le secret et, dans la deuxième phrase, de la gratuité de la délivrance. Peut-on m'assurer que, dans les textes réglementaires, on saura concilier le secret et le remboursement ?
Quelles que soient les conditions dans lesquelles on pourra accéder gratuitement à la pilule du lendemain, il faudra bien justifier vis-à-vis des organismes en charge du remboursement, et je ne suis pas certain qu'il sera facile de concilier le respect de la volonté de secret et de confidentialité avec les possibilités d'accès à un remboursement au second degré.
M. le président. Je note que la délivrance aux mineures s'effectue à titre gratuit, dans les pharmacies, dans les conditions fixées par voie réglementaire.
Mme Dinah Derycke. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. Nous voterons cette deuxième partie. Elle entre tout à fait dans le cadre de l'action du Gouvernement, qui avait lancé une politique on ne peut plus innovante en matière de contraception.
La proposition de loi dont nous discutons aujourd'hui, et qui a été déposée à l'Assemblée nationale, avait pour objet essentiel de valider ces mesures.
Prévoir que les mineures pourront se voir délivrer gratuitement le NorLevo dans les pharmacies ne peut que compléter le dispositif que nous voulons mettre en place et s'inscrit parfaitement dans notre logique, qui est de faciliter le plus possible l'accès à la contraception d'urgence pour éviter le pire.
Bien que je sois tout à fait consciente des difficultés pratiques - on vient de les évoquer - qui découleront de l'inscription dans la loi d'une telle mesure, je n'en reste pas moins persuadée qu'elle est nécessaire et qu'elle répond à deux problèmes fondamentaux.
Si nous voulons protéger et préserver nos adolescentes de grossesses non désirées et si nous voulons donner à toutes les femmes, notamment les plus jeunes, les plus fragiles, les plus défavorisées, les plus démunies, le libre accès à une contraception d'urgence, sans contre-indication médicale, il nous appartient à toutes et à tous de concentrer nos efforts pour améliorer cette proposition de loi de façon satisfaisante.
Je rappelle que certaines adolescentes ne sont plus dans les circuits scolaires, qu'elles ne sont pas pour autant apprenties, qu'elles ne travaillent pas, et qu'elles n'ont aucun revenu.
J'ajoute que, quelquefois, ces jeunes filles n'ont même pas seize ans. Quelle que soit la loi sur l'obligation scolaire, dans notre pays, plusieurs milliers d'adolescentes ont quitté l'école à treize, voire à douze ans.
Il faut leur permettre d'avoir effectivement accès à une contraception d'urgence quand elles sont exposées au risque de grossesse, donc de recours à une IVG. Il est tout à fait nécessaire d'assurer la gratuité pour toutes les mineures.
Comme les centres de planification dans les hôpitaux, les urgences et les permanences d'accès aux soins sont malheureusement trop peu nombreux, je ne vois pas comment nous pourrions réellement parvenir à un accès à la contraception d'urgence pour toutes en dehors de la pharmacie. De plus, la gratuité me semble s'imposer pour les plus démunies d'entre elles.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Je voudrais redire qu'il reste des difficultés, que des questions techniques doivent être réglées pour réaliser l'amélioration que prévoit le texte proposé par la commission : garantir le secret aux mineures qui iront chercher la contraception d'urgence dans une officine pharmaceutique, pour l'instant, nous ne savons pas faire !
Il nous faut trouver des solutions pour faire respecter l'anonymat, pour faire respecter ce secret. Comme nous le savons, c'est réalisable dans les infirmeries scolaires, où les jeunes filles peuvent rencontrer un adulte de référence qui est lié par une mission de service public ; ce n'est pas le cas dans une officine de pharmacie.
Mais nous allons travailler pour résoudre ce problème et nous trouverons une solution.
Il nous faut aussi évaluer le coût de l'opération et trouver le financement de sorte que la gratuité soit effective.
J'ajoute - M. le rapporteur nous y encourage d'ailleurs -, que le décret d'application devra très précisément prévoir les périodes de mise à disposition gratuite du NorLevo dans les pharmacies, sachant que les périodes de vacances sont différentes selon les académies !
Monsieur le rapporteur, le Gouvernement est sensible à votre souci d'améliorer le texte afin de garantir le meilleur accès possible des jeunes filles mineures à une contraception d'urgence gratuite, sans oublier l'accompagnement, auquel nous tenons, pour conduire à l'esprit de responsabilité et garantir le passage à une contraception ordinaire.
Le Gouvernement s'en remet donc à la sagesse de la Haute Assemblée. Le temps de la navette ne sera pas de trop pour parvenir à résoudre ces difficultés.
M. Gérard Dériot. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dériot.
M. Gérard Dériot. En tant que pharmacien, je veux surtout remettre les choses à leur place, car bon nombre de nos collègues, et vous-même, madame la secrétaire d'Etat, semblez ne pas très bien savoir comment fonctionnent les officines.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Mais si !
M. Gérard Dériot. Quand vous le voudrez, je vous invite à vous rendre dans n'importe quelle officine, la mienne par exemple. Vous verrez ainsi que nous passons notre journée à conseiller nos clients et pas simplement à délivrer des médicaments et à encaisser l'argent correspondant.
Quant à la mission de service public, je suis persuadé que nous l'assurons.
Il est rare - c'est peut-être une spécificité de notre pays - qu'une profession libérale remplisse aussi pleinement une mission de service public. Et je vous rappelle que la répartition des officines sur l'ensemble du territoire est mieux assurée que celle de certains services publics proprement dits.
En outre, des gardes sont assurées, c'est-à-dire qu'un pharmacien est toujours de permanence.
Par ailleurs, en réponse à mon collègue Claude Huriet, je rappelle que le secret professionnel est pleinement respecté.
Enfin, connaissez-vous une autre profession pour laquelle on exige, selon son chiffre d'affaires, la présence de deux, trois, voire quatre diplômés en pharmacie ? Une telle exigence n'est même pas imposée à un médecin, qui, lui, peut faire ce qu'il veut, même si sa clientèle est importante.
A cela s'ajoute la capacité des pharmaciens ! Je rappelle à cet égard que, pour être pharmacien d'officine, il faut bac + six, contre bac + 7 pour un médecin, ce qui revient presque au même. Quant aux études, si les domaines sont un peu différents, leur qualité est équivalente, et le spécialiste du médicament, c'est bien le pharmacien.
Vous disiez tout à l'heure, madame le secrétaire d'Etat, que cette tâche ne relève pas de leurs fonctions. Je répète que, toute la journée, nous conseillons, nous expliquons.
Le président du conseil de l'ordre a donné son accord, parce qu'il a bien compris et qu'il connaît bien la profession. Je suis d'ailleurs persuadé que tous mes confrères sont prêts à s'investir pleinement pour renseigner, conseiller et orienter, forts de leur formation et de toutes les capacités professionnelles qu'ils ont acquises depuis l'obtention de leur diplôme.
Madame le secrétaire d'Etat, vous n'avez aucune crainte à avoir à cet égard. Permettez-moi d'ajouter que vous aurez les pharmaciens à vos côtés, qu'ils accepteront de travailler avec vous presque comme des... « complices ».
En ce qui concerne le remboursement, j'ai pu, en tant que président de conseil général, observer comment se déroulaient les vaccinations antitétaniques, par exemple. Eh bien ! les gens allaient tout simplement chercher le vaccin et les pharmaciens remplissaient un bon qu'ils envoyaient au conseil général. La confidentialité était donc totalement respectée.
Enfin, comme vous le savez, les officines ne sont pas aménagées n'importe comment, elles ont forcément une pièce à part pour recevoir les clients, pour pouvoir les renseigner et les conseiller en toute confidentialité.
Vous aurez sans doute quelques aménagements techniques à effectuer, madame le secrétaire d'Etat, mais ce sera très simple.
C'est pourquoi, nous voterons cet amendement. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Je vous remercie, monsieur le sénateur, d'avoir apporté toutes ces précisions sur les missions et les fonctions des pharmaciens.
Loin de moi l'idée de contester leur engagement professionnel. Mes explications et ma prudence provenaient du fait que le Gouvernement n'a pas encore procédé à la concertation nécessaire avec l'ordre des pharmaciens pour mettre en oeuvre ces dispositions. Sachez que les pharmaciens sont des professionnels de santé qui ont toute notre reconnaissance.
Par ailleurs, des études montrent que le pharmacien est identifié par l'usager des services de santé comme un praticien très accessible, à qui il est facile de demander des informations sur les prescriptions.
Enfin, je ne doute pas que les pharmaciens, puisque le président du conseil de l'ordre a déjà donné son avis, adhéreront majoritairement à ce nouveau dispositif.
Il nous faut cependant un peu de temps pour l'organiser, car il n'est pas dans les habitudes de mon ministère de procéder par injonction ; nous procédons plutôt par le dialogue et la concertation, pour garantir la meilleure mise en oeuvre d'un dispositif de cette nature.
M. Lucien Neuwirth, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Neuwirth, rapporteur. Je veux d'abord vous remercier, mon cher collègue pharmacien, pour les précisions que vous avez apportées.
J'ajoute, madame le secrétaire d'Etat, que si vous n'avez pas eu de concertation avec les pharmaciens, ce n'est pas mon cas : tout s'est fort bien passé et la conclusion a été la lettre du président Jean Parrot.
Madame le secrétaire d'Etat, vous nous dites : « Donnez-nous le temps de nous organiser, nous procéderons par voie réglementaire. » Mais il y a le feu ! Des milliers de gamines risquent une IVG. Cela suffit ! A un moment donné, il faut agir !
Je crois que vous pouvez, que vous devez mettre vos services au travail sur ce sujet.
Je sais que vous n'avez malheureusement qu'un secrétariat d'Etat et de petits moyens. Je le déplore d'ailleurs, je préférerais que vous soyez à la tête d'un ministère à part entière, avec de nombreux services vous permettant d'aller plus vite. (Mme le secrétaire d'Etat sourit.)
Voilà ce que je voulais préciser en ce qui concerne la voie réglementaire.
S'agissant maintenant du coût de la gratuité, il ne faut pas exagérer : l'IVG est remboursée, 6 000 à 10 000 IVG par an. Evaluez en regard le prix de 6 000 boîtes de NorLevo ! Je sais que davantage de boîtes seront distribuées, parce que les besoins seront plus grands ; mais sur un budget de la sécurité sociale de 693 milliards de francs, je crois que l'on doit pouvoir dégager l'argent nécessaire pour assurer la gratuité du NorLevo, d'abord pour les mineures en difficulté ; là sont les besoins les plus pressants, car, croyez-moi, il y a beaucoup de mineures en difficulté.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, modifiée, la deuxième partie de l'amendement n° 1 rectifié.

(Ce texte est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix la troisième partie de l'amendement n° 1 rectifié.

(Ce texte a adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, l'ensemble de l'amendement n° 1 rectifié, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article unique est ainsi rédigé.

Articles additionnels après l'article unique



M. le président.
Par amendement n° 2, Mme Bardou, M. Delaneau et les membres du groupe des Républicains et Indépendants proposent d'ajouter, après l'article unique, un article additionnel rédigé comme suit :
« Avant le 31 décembre 2002, le Gouvernement présente au Parlement un rapport dressant le bilan de l'application du cinquième alinéa de l'article L. 5134-1 du code de la santé publique autorisant les infirmières scolaires à administrer une contraception d'urgence aux élèves mineures et majeures. »
Cet amendement est affecté d'un sous-amendement n° 9 rectifié bis, présenté par MM. Nogrix, Jean-Louis Lorrain, Dériot, Huriet, Franchis, Mme Bocandé, MM. Marquès et Lesbros et tendant à compléter le texte de l'amendement n° 2 par les mots suivants : « ainsi que de la délivrance à titre gratuit dans les pharmacies d'une contraception d'urgence aux mineures. »
La parole est à Mme Bardou, pour présenter l'amendement n° 2.
Mme Janine Bardou. Au cours de ces débats, nous avons évoqué à plusieurs reprises la nécessité de dresser un bilan de l'application des dispositions proposées. Cet amendement prévoit par conséquent que le Gouvernement présentera au Parlement, avant le 31 décembre 2002, soit d'ici à deux ans, un bilan de l'application de cette disposition.
M. le président. La parole est à M. Nogrix, pour défendre le sous-amendement n° 9 rectifié bis.
M. Philippe Nogrix. Il s'agit d'un sous-amendement en cohérence avec ce que nous venons de voter.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 2 et sur le sous-amendement n° 9 rectifié bis ?
M. Lucien Neuwirth, rapporteur. Nous sommes tous très favorables à cet amendement et à ce sous-amendement. Si le Parlement veut remplir son rôle, leur adoption permettra un suivi de la situation nouvelle.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est tout à fait favorable au fait de rendre compte dans la transparence de son action. Il ne lui semble toutefois pas qu'il soit nécessaire d'inscrire cette disposition dans la loi.
La parole du Gouvernement et les pratiques en vigueur garantissent que cet engagement sera tenu. Je suis donc contre cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 9 rectifié bis, accepté par la commission.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 2 accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article unique.
Par amendement n° 3, M. Chérioux propose d'insérer, après l'article unique, un article additionnel rédigé comme suit :
« Les dispositions de la présente loi s'appliquent pendant une période de cinq ans à compter de leur entrée en vigueur. A l'issue de cette période, le Gouvernement présente au Parlement un bilan de l'application de la présente loi. »
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Si l'amendement n° 2 qui vient d'être adopté va dans le sens de mes préoccupations, il reste toutefois insuffisant.
Compte tenu de ma grande inquiétude concernant les conséquences de ce texte en matière de santé publique, il n'est pas anormal de souhaiter que la présente proposition de loi soit adoptée pour une période de cinq ans. Un délai analogue avait été fixé pour les lois sur l'IVG et la bioéthique.
Compte tenu de la gravité du problème, et même si tout le monde ne partage pas ce sentiment, je le sais, je reste dans ma logique et je considère qu'il est préférable qu'au terme de ces cinq années nous reprenions cette réflexion pour savoir si nous poursuivons l'application de ces dispositions ou si nous décidons d'y mettre un terme.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Lucien Neuwirth, rapporteur. La commission n'est pas favorable à ces lois limitées dans le temps.
Un exemple récent nous est fourni par les lois bioéthiques de juillet 1994, pour lesquelles le législateur avait fixé un délai, qui n'a pas été respecté.
Cela étant, une loi est bonne ou elle ne l'est pas. Si elle ne donne pas satisfaction, elle peut toujours être modifiée.
M. Jean Chérioux. On a bien fixé un délai pour l'IVG !
M. Lucien Neuwirth, rapporteur. Quant au délai lui-même, pourquoi cinq ans et non pas... trois, ou... six ?
M. Jean Chérioux. Cinq ans, c'est le délai qui a été décidé pour l'IVG !
M. Lucien Neuwirth, rapporteur. C'est à partir des rapports qui vont être établis sur le suivi de l'application de cette future loi que nous pourrons apprécier si elle est bonne, auquel cas l'on n'y touchera pas, ou si, au contraire, elle mérite d'être modifiée.
Voilà pourquoi je souhaite que M. Chérioux retire son amendement n° 3.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Monsieur le sénateur, vous craignez que le NorLevo ait des incidences que nous ne connaissons pas aujourd'hui.
Je vous rappelle que la France s'est dotée d'un système de pharmaco-vigilance. En l'occurrence, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé a d'ores et déjà indiqué, dans son avis, que le médicament ne présente aucun danger pour la santé, ce qui justifie qu'il puisse être délivré sans ordonnance médicale, et je peux vous assurer que les effets de ce médicament continuent d'être évalués.
En outre, l'agence a déjà préconisé des retraits de médicaments en circulation dès lors qu'une expertise nouvelle avait montré qu'ils pouvaient présenter un quelconque danger pour quelques personnes en fonction de leur état de santé.
Par conséquent, la disposition proposée ne me paraît pas justifiée. C'est pourquoi je vous demande moi aussi, monsieur Chérioux, de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Monsieur Chérioux, l'amendement est-il maintenu ?
M. Jean Chérioux. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je vais donc le mettre aux voix.
M. Claude Huriet. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet. Je comprends bien le souhait de notre collègue M. Chérioux, qui fait un rapprochement avec les lois bioéthiques que nous avons adoptées en 1994. Mais l'article relatif à la révision de ces lois était différent dans la mesure où il ne créait pas un vide juridique. Selon l'article qui résulterait de l'adoption de l'amendement n° 3, au terme de la période de cinq ans, évaluation ou non, la loi ne s'appliquerait plus. Si l'on peut déplorer le retard pris pour la révision des lois bioéthiques, celles-ci continuent à s'appliquer.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. La période de cinq ans que je préconise ne se conçoit pas de la même façon que pour les lois bioéthiques.
D'abord, je crois me souvenir que ces lois, - j'en étais le rapporteur - étaient extrêmement compliquées, au point que, un an et demi après qu'elles sont arrivées à leur terme, on n'a pas encore réussi à les réviser !
De plus, le texte d'aujourd'hui présente un risque important. En effet, même si Mme le secrétaire d'Etat affirme que ce médicament est considéré comme non dangereux, ce qui est vrai dans certaines conditions d'utilisation, je crains précisément que ses conditions d'utilisation n'aboutissent à une véritable banalisation, voire à une substitution. Or l'utilisation répétitive de ce médicament peut alors présenter un danger. C'est pour cette raison que j'insiste pour une révision du dispositif au bout de cinq ans.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Vous avez dit, monsieur le sénateur Huriet, que nous étions en retard pour la révision des lois bioéthiques.
Je vous rappelle que leur élaboration a demandé deux ans et demi, puisque la discussion a commencé en 1992 et qu'elles ont été votées en juillet 1994.
Le législateur, dans sa sagesse, avait préconisé une révision de ces lois au bout de cinq ans. Nous sommes parvenus au terme de cette période et la révision est désormais achevée. Vous vous êtes ému, je le sais, de ce que le projet de révision n'était pas encore paru, mais encore quelques semaines de patience, et vous verrez, monsieur le sénateur, que nous avons bien travaillé.
Ayant été consulté, comme un certain nombre d'autres sénateurs, vous ne pouviez d'ailleurs pas ignorer que le Gouvernement travaillait sur la révision des lois bioéthiques.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Vote sur l'ensemble



M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Huriet pour explication de vote.
M. Claude Huriet. Je vais m'abstenir sur ce vote, et je voudrais m'en expliquer.
Je me suis beaucoup investi, comme tous ceux qui ont participé ce soir à ce débat, marqué par une réflexion très approfondie et empreint du respect des valeurs que chacun a bien voulu exprimer. Nous sommes d'accord sur le fait que ce texte relatif à la pilule du lendemain est destiné à « rattraper » les insuffisances de la contraception et ses échecs compte tenu des chiffres qui ont été donnés, avec un recul de plus de vingt ans, bientôt trente ans, il est impossible de se féliciter du résultat des dispositions législatives qui ont été prises.
Je crains que le texte actuel n'aggrave encore les insuffisances de la contraception.
Si la prévention d'une grossesse non désirée doit s'appuyer sur l'éducation et sur l'information sexuelles - sujets sur lesquels on a fait un constat non réjouissant - la contraception doit être envisagée en tant que prévention non seulement de la grossesse, mais aussi - cela a été évoqué en pointillé au cours de nos échanges - des maladies sexuellement transmissibles. Or le NorLevo ne remédie que tardivement à l'insuffisance de la contraception, et il ne répond pas du tout à la prévention et à la protection contre les maladies sexuellement transmissibles, tout le monde en est d'accord. Les insuffisances et les échecs constatés, malgré l'apparition de la pilule, ne vont donc pas être corrigés par un accès plus facile à la pilule dite du lendemain. Cela m'amène à m'interroger.
Les adolescentes, qui ne peuvent percevoir la différence entre l'action de la pilule contraceptive et celle de la pilule du lendemain en raison de leur niveau de compréhension et d'information, qui est, on l'a vu, généralement bas, vont devoir choisir entre, d'une part, une contraception chimique astreignante, à savoir la prise d'une pilule trois semaines sur quatre, et représentant une dépense de quarante francs par mois, non remboursés s'il s'agit d'une pilule de nouvelle génération, ou une contraception mécanique, moins agréable, et, d'autre part, une contraception « au coup par coup » - permettez-moi l'expression - facile d'accès et gratuite ! Je crois que ces jeunes filles seront par conséquent amenées le plus souvent à privilégier, tout au moins pour un temps dont on ne connaît pas la durée, le dernier mode de contraception, qui laissera entier le problème de plus en plus redoutable de la prévention et de la protection contre les maladies sexuellement transmissibles.
Tout à l'heure, madame la secrétaire d'Etat, vous avez dit que la pilule du lendemain contribuerait au développement de la contraception. Si j'étais certain que vous avez raison, je voterais très volontiers ce texte. Mais je me demande si l'accès facile à la pilule du lendemain ne vas pas, au contraire, à l'encontre de notre objectif commun, à savoir le développement d'une éducation sexuelle et d'une contraception efficaces.
M. le président. La parole est à Mme Campion.
Mme Claire-Lise Campion. Au nom du groupe socialiste du Sénat, je voudrais affirmer que la proposition de loi que nous nous apprêtons à voter constitue une avancée essentielle pour les femmes.
Si le sujet, ce soir, est la contraception d'urgence et si l'on peut penser qu'il faudra bien un jour revoir totalement une législation qui donne aux contraceptifs hormonaux un statut spécifique qui n'est plus justifié, nous ne pouvons que convenir et nous féliciter de l'importance de la nouvelle étape que nous sommes en train de franchir en donnant une valeur législative à ce qui était vécu comme prioritaire, à savoir le libre accès à la contraception d'urgence pour toutes les femmes, quel que soit leur âge ou leur situation sociale, et l'accessibilité à une contraception d'urgence qui en soit vraiment une et qui ne constitue pas un danger pour la santé.
En menant cette bataille, nos efforts seront sans aucun doute récompensés par une baisse du nombre des IVG et des drames qui en sont la conséquence.
Mais la lutte n'en continue pas moins pour autant, car la route sera encore longue avant que la sexualité ne soit plus vécue ou présentée comme un tabou, avant qu'il soit culturellement admis que la femme est maîtresse de sa fécondité et, surtout, avant que l'éducation de l'adolescente permette à cette dernière, dès le départ et tout au long de sa vie de femme, une véritable appropriation de la contraception et de son contrôle.
Il est bien entendu que le groupe socialiste du Sénat votera pour ce texte, qui va dans le sens désiré.
M. le président. La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Au terme de nos débats riches et responsables sur un sujet particulièrement sensible, nous aboutissons à un texte important, certainement encore perfectible, qui, nous l'espérons, évitera à des adolescentes de se trouver en situation de grande détresse face à une grossesse non désirée.
Après six mois d'expérience de délivrance du NorLevo, nous savons que les infirmières scolaires ont respecté le caractère exceptionnel de cette délivrance.
Non, la délivrance du NorLevo ne conduira pas à une banalisation de la contraception d'urgence. Au contraire, nous pensons qu'elle sera une étape importante vers la responsabilisation des jeunes filles et des jeunes gens face à leur sexualité.
Mes chers collègues, nous n'avons pas à craindre de « dérives ». Nos rapporteurs l'ont rappelé en s'appuyant sur la réalité chiffrée : tous les pays qui ont élargi l'accès à la contraception d'urgence ont vu le nombre d'IVG baisser de façon très nette, notamment chez les adolescentes.
Il nous faut faire confiance aux femmes. L'inquiétude d'une grossesse non désirée est une angoisse trop importante, le recours à l'IVG est une expérience trop traumatisante pour penser que les jeunes filles et les femmes seraient des irresponsables et utiliseraient la contraception d'urgence, rendue plus facile d'accès, à la place d'une contraception régulière.
Dans ces conditions, comme l'a dit Mme la ministre, mobilisons-nous pour que les jeunes débutent leur vie d'adulte dans la sérénité, en ayant le choix et en étant responsables de leurs actes.
Nous voterons donc ce texte, qui, je l'ai dit, peut être une étape importante. Mais le débat doit se poursuivre. Nous comptons sur le dialogue à l'occasion de la commission mixte paritaire et sur nos homologues de l'Assemblée nationale pour améliorer encore la proposition de loi dans ce sens.
M. le président. La parole est à M. Hugot.
M. Jean-Paul Hugot. Personnellement, je voterai contre ce texte.
La contraception - y compris la contraception d'urgence -, est préférable à l'IVG, et il me semble que les conditions de délivrance permettent aujourd'hui à toutes les femmes, même aux très jeunes, d'y avoir accès. En effet, même si, dans certains cas, les parents ne sont pas les adultes les plus directement - malheureusement - concernés par ces questions, les jeunes peuvent toujours se tourner - pourquoi pas ? - vers l'infirmière scolaire, vers un grand-père ou une grand-mère, peut-être, en tout cas vers un adulte susceptible de les guider vers le médecin qui fera la prescription nécessaire. L'accès à la contraception d'urgence n'est donc pas aujourd'hui insurmontable, y compris pour les jeunes.
Mais je suis contre ce texte parce que les arguments relatifs au manque de maîtrise actuelle de l'IVG qui ont été évoqués tout à l'heure ne m'ont pas convaincu.
M. le rapporteur l'a rappelé, les IVG sont aussi nombreuses qu'il y a trente ans. Par ailleurs, il est à remarquer que l'évolution des IVG chez les jeunes générations suit depuis quelques années une courbe catastrophique. Il apparaît donc que la mission de l'éducation nationale, notamment en termes d'information et de sensibilisation, est un certain fiasco.
Je trouve donc regrettable que l'on cherche en quelque sorte à dédouaner l'éducation nationale de son échec en prétendant la réhabiliter par le biais d'une personne qui est à égale distance de l'éducateur et du thérapeute, l'infirmière scolaire, dont la profession ne relève qu'en partie de l'éducation nationale.
Il manque à ce texte de loi la force et le souffle qui auraient inscrit ses préconisations, y compris la mobilisation des infirmières scolaires, dans un programme d'ensemble dans lequel l'éducation nationale aurait pris la mesure de sa carence et développé toute une gamme de mesures nouvelles tendant non seulement à « diffuser », comme on dit, l'information - comme si seules les capacités intellectuelles étaient en cause ! -, mais aussi, pourquoi pas, à mettre en avant des méthodes éducatives incitant les jeunes à se montrer plus responsables dans le choix des règles devant régir leur propre vie.
C'est en raison de cet aspect-là que je suis contre ce texte.
Par ailleurs, mes chers collègues, j'ai noté que l'on a toujours fait allusion aux « infirmières scolaires ». Je ne veux pas y voir une quelconque discrimination à l'égard d'éventuels infirmiers, qui pourraient tout autant jouer ce rôle de confiance ! Certes, ce sont majoritairement des femmes qui remplissent ces fonctions, mais je ne sache pas qu'en droit les hommes en soient exclus. Il ne faudrait donc pas que la loi matérialise cette discrimination à l'égard des hommes !
Un autre point me paraît devoir être noté. Il me semble inopportun que la loi enregistre comme un fait avéré que la responsabilité des parents connaît des alternatives.
En réalité, ce projet de loi devrait prévoir un appel à la responsabilisation des parents, responsabilisation qui ne devrait pas être considérée comme une donnée impossible à prendre en compte.
Mme la ministre a évoqué tout à l'heure le cas de jeunes femmes ou de jeunes filles qui auraient subi des rapports soit par violence, disait-elle, soit sous la pression des normes. Il me semble que ce texte de loi qui, pour certains, augmentera la capacité d'avancer dans la vie - sans prendre conscience des risques, soit dit en passant - tend en fait à renforcer des normes qui pourraient avoir pour conséquence de réduire le sens des responsabilités.
Par là même, ce texte, qui veut saisir uniquement les conséquences du poids des normes, renforce, à mon avis, la cause et ses effets dévastateurs. Je le considère donc comme inopportun, voire dangereux.
M. le président. La parole est à Mme Heinis.
Mme Anne Heinis. Le groupe des Républicains et Indépendants approuve cette proposition de loi, sous réserve des améliorations que nous lui avons apportées par amendement. J'avoue personnellement être très sensible aux arguments de M. Claude Huriet, notamment à ceux qu'il a avancés voilà quelques instants, car rien ne paraît absolument sûr dans cette affaire.
Au nom de mon groupe, je tiens à souligner que ce texte peut avoir un effet positif ou au contraire négatif si un certain nombre de conditions ne sont pas remplies, ce qui a été souligné maintes fois ce soir, en particulier par nos excellents collègues M. Neuwirth et Mme Bardou.
La première, c'est l'amélioration de l'éducation sexuelle des jeunes.
Certes, le Gouvernement a lancé, le 12 janvier 2000, une nouvelle campagne sur la contraception : 24 millions de francs ont été investis et les acteurs mobilisés. Cela suffit-il cependant ? On peut en douter car le problème est très largement culturel. Incontestablement, c'est une action permanente institutionnelle qu'il faut engager en direction des familles, des professeurs, des professionnels de santé et des éducateurs, tous concernés par ce problème.
La deuxième condition déterminante de l'efficacité du texte dont nous discutons aujourd'hui - personnellement, je dirais de l'efficacité éventuelle - c'est l'accroissement du nombre des infirmières scolaires, dans la mesure où on leur donne la compétence d'administration du NorLevo. Je ne trancherai pas dans le débat médecin-infirmière, mais, dans la mesure où on donne à ces dernières cette compétence, encore faut-il, madame le secrétaire d'Etat, qu'elles soient suffisamment nombreuses.
En outre, s'il est effectivement essentiel d'avoir des intermédiaires et des médiateurs, comme l'a souligné M. Neuwirth, ce n'est pas suffisant. Malheureusement, on le sait bien, aucune infirmière n'est présente en permanence dans les collèges, voire dans un certain nombre de lycées : on dénombre 5 865 infirmières scolaires pour deux millions d'étudiants, soit une infirmière pour douze établissements scolaires et 2 240 élèves. Il convient donc - je suis certaine que vous en êtes conscients, mais il faut le rappeler - d'accomplir un effort important à cet égard.
Evidemment, il ne faut pas oublier les parents. Bien sûr, il y a souvent des difficultés de communication entre les adolescents et leurs parents sur ce sujet difficile, dont on ne parle pas si aisément que cela. Dans certaines familles, les difficultés sont telles qu'il n'y a aucune communication. Cependant, la mise à l'écart des parents affaiblit leur responsabilité éducative, qui est déjà bien entamée, et contribue à l'isolement croissant des jeunes.
On a l'air de considérer que l'on vit dans un monde parfait, où les familles sont disponibles, les enfants prêts à accepter tout ce qu'on leur dit. Ce n'est pas vrai. Cela ne se passe pas ainsi. Il y a des enfants sacrifiés, il y en a d'autres qui ne le sont pas. Tout le monde le sait.
Mais n'oublions pas qu'un nombre non négligeable de familles, j'en ai connu personnellement quand j'étais maire, nécessiteraient, elles-mêmes, un suivi plus que vigilant. On sait que les viols internes, c'est-à-dire les incestes, pour appeler les choses par leur nom, ont augmenté de 6 %. C'est une terrible constatation !
Il est bien évident que le dialogue avec ce genre de familles doit être d'une nature tout à fait particulière, parce qu'il faut les rééduquer et protéger les enfants.
Si l'on n'y prend pas garde, ce texte risque de suivre la pente de l'individualisme absolu, qui reste la grande tentation et la tare de notre société, et qui finit par nuire à l'individu lui-même en le conduisant à l'indifférence et à l'irresponsabilité vis-à-vis de la collectivité. Or les jeunes, tout le monde l'a dit, souhaitent être écoutés, voire à demi-mot ; ils souhaitent être compris, être soutenus, et c'est quand ils ressentent cette compréhension que les messages peuvent passer. Je crois, madame le ministre, que vous avez évoqué cet aspect des choses.
Peut-être est-ce alors le moment de leur faire passer le message que la sexualité dite « impulsive » - et qui l'est particulièrement chez les très jeunes gens - est une simple réponse à un besoin plus ou moins fort que tout le monde connaît, mais que, en revanche, la sexualité en elle-même prend une tout autre dimension quand elle devient l'expression de l'amour dans un couple et qu'elle aboutit à la conception d'un enfant désiré.
C'est quand même l'aspect positif de la chose ! Peut-être ne le souligne-t-on pas suffisamment.
Sans doute faut-il aussi répéter, comme l'a fait Mme le secrétaire d'Etat, que la sexualité précoce n'est pas une conquête. Vous avez dit, madame le secrétaire d'Etat, que les très jeunes gens programment très rarement leur premier rapport. Or, s'ils ne prennent pas en compte cette évidence, tous les discours sur le premier rapport passent un peu à côté du problème.
Il faut aussi enseigner qu'être responsable, avoir la maîtrise de soi, demande une éducation de la volonté. Pardonnez-moi de vous dire que nous savons tous, nous adultes, combien il est difficile, justement, d'atteindre ce genre d'objectif. C'est certainement aussi très difficile pour les jeunes. Cela n'empêche pas qu'il faut essayer d'apprendre.
Aider des jeunes filles en difficulté parce qu'elles affrontent un problème grave, ne pas les laisser seules face à des choix qui restent difficiles, c'est aussi notre responsabilité. Nous l'avons tous affirmé, mais nous n'avons pas toujours la même conception des solutions.
Madame le secrétaire d'Etat, c'est vous, je crois, qui avez dit qu'il n'y a pas de risque de dérive. Je ne peux pas vous suivre sur ce point. Les dérives sont dans tout. Il faut essayer de les limiter.
Tendre la main au bon moment à des adolescentes en détresse - ce sont vos propres termes, madame la ministre déléguée à la famille et à l'enfance -, préserver des mineures d'une IVG beaucoup plus traumatisante que la prise d'une pilule dite du lendemain me semblent être la seule vraie justification de ce texte.
Si l'on ne peut parler de grande victoire, c'est quand même un moindre mal, et on a bien besoin d'un tel texte face aux situations de détresse dans lesquelles se trouvent trop de jeunes filles, situations dont elles risquent de rester marquées profondément dans leur vie d'adulte... ce qu'elles ne savent pas encore car elles sont trop jeunes pour en avoir l'expérience !
Pour conclure, je reviendrai sur les trois points qui me paraissent essentiels : l'effort à accomplir en matière d'éducation sexuelle, d'éducation à la vie - ce qui n'est pas tout à fait la même chose - d'information sur la contraception ; l'accroissement nécessaire du nombre d'infirmières scolaires, qui devront rester des confidentes et des médiatrices ; l'implication le plus souvent possible des parents. Je viens d'énumérer les conditions indispensables à l'application de ce texte difficile, qui en fait traite d'un échec et de ce qu'on peut faire face à cet échec.
Sous le bénéfice de ces observations, le groupe des Républicains et des Indépendants apporte ses suffrages à cette proposition de loi amendée par notre assemblée.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Mme Gillot et moi-même avons beaucoup apprécié ce débat. Nous sommes heureuses d'avoir pu, au banc du Gouvernement, faire progresser, au cours de la discussion des différents amendements, la cause des adolescentes.
En donnant une base légale au protocole de soins, le Sénat a prolongé le travail déjà accompli par l'Assemblée nationale. L'adoption, au Sénat, d'un amendement concernant la gratuité de la contraception d'urgence en pharmacie permet de réaliser un incontestable progrès et conforte la gratuité assurée au sein du système scolaire.
Comme l'a excellemment dit Mme Gillot tout à l'heure, les différentes questions qui ont été soulevées, y compris par moi-même en tant que ministre délégué à la famille et à l'enfance, ont été résolues puisque vous vous êtes rallié, M. Neuwirth, à un décret. Mme Gillot a dit dans quel esprit serait préparé ce décret. Elle a notamment indiqué que serait prévu l'accompagnement de la mineure, afin que la gratuité ne conduise pas celle-ci à nourrir un sentiment de solitude.
Au-delà des solutions que nous avons trouvées ensemble pour résoudre ces problèmes, ce débat nous a conduits à réaffirmer un certain nombre de valeurs fondamentales.
Nous avons d'abord établi clairement que les droits de l'enfant et ceux de la femme forment un tout : le malheur des unes ne peut pas faire le bonheur des autres.
Nous avons ensuite montré, de manière indiscutable, qu'une grossesse précoce, c'est une adolescence fracassée.
Enfin, nous avons tous été d'accord pour dire que la mutation que constitue l'adolescence, ce commencement d'une femme dans la fin d'un enfant, devait être accompagnée. Toutes les compétences ici rassemblées, dans la diversité des opinions, nous ont aidés à définir les moyens de réaliser cet accompagnement.
En conclusion, je me plairai à souligner que ce débat rend hommage aux infirmières scolaires, à leur travail quotidien. Ce sont effectivement elles qui, tous les jours, accompagnent nos enfants et nos adolescents, sur l'ensemble du territoire. Aujourd'hui, nous les avons confortées dans leur rôle et je crois qu'elles nous en seront reconnaissantes.
Mme Odette Terrade. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président. Madame le ministre, vous avez évoqué la qualité de notre débat. Je voudrais à mon tour, au nom de la présidence, dire à quel point j'ai été touché de la manière dont celui-ci s'est déroulé.

6

DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Botswana en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 62, distribué et renvoyé à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

7

TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1349/2000 établissant certaines concessions sous forme de contingents tarifaires communautaires pour certains produits agricoles et prévoyant l'adaptation autonome et transitoire de certaines concessions agricoles prévues dans l'accord européen avec l'Estonie.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1580 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Proposition de règlement du Conseil établissant certaines mesures de contrôle applicables aux activités de pêche de certains stocks de poissons grands migrateurs.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1581 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Proposition de règlement du Conseil relatif à la conclusion du protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre la Communauté économique européenne et le gouvernement de la République de Côte d'Ivoire concernant la pêche au large de la Côte d'Ivoire, pour la période du 1er juillet 2000 au 30 juin 2003.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1582 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Proposition de décision du Conseil instituant un mécanisme communautaire de coordination des interventions de protection civile en cas d'urgence.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1583 et distribué.

8

DÉPÔT D'UN RAPPORT

M. le président. J'ai reçu de M. Joseph Ostermann un rapport, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à l'épargne salariale (n° 11, 2000-2001).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 63 et distribué.

9

DÉPÔT D'UN AVIS

M. le président. J'ai reçu de M. Jean Chérioux un avis, présenté au nom de la commission des affaires sociales, sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, sur l'épargne salariale (n° 11, 2000-2001).
L'avis sera imprimé sous le numéro 61 et distribué.

10

DÉPÔT RATTACHÉ POUR ORDRE
AU PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE
DU 26 OCTOBRE 2000

M. le président. J'ai reçu, le 27 octobre 2000, de MM. Jacques Pelletier, Robert Bret, Jean-Claude Gaudin, Bernard Piras, Michel Mercier et Jacques Oudin une proposition de loi relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915.
Cette proposition de loi sera imprimée sous le numéro 60, distribuée et renvoyée à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

11

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 7 novembre 2000 :
A neuf heures trente :
1. Questions orales suivantes :
I. - M. André Vallet attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur le refus, par certains commerçants, de billets émis par la Banque de France.
Il lui rappelle que, dès lors qu'une monnaie a cours légal toute personne est tenue de l'accepter. Il lui rappelle également qu'aux termes de l'article R. 642-3 du nouveau code pénal le refus de recevoir les espèces et monnaies nationales, selon la valeur pour laquelle elles ont cours, constitue une contravention punie d'une amende de seconde classe.
Dès lors, il lui demande sur quel fondement juridique s'appuie le refus de certains commerçants d'accepter des billets de banque dont rien ne permet de douter de l'authenticité. (N° 820.)
II. - Mme Marie-Claude Beaudeau attire l'attention de Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés sur le devenir de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris. Elle lui fait part de ses inquiétudes pour l'avenir de cette institution de santé que le monde entier nous envie, inquiétudes qui sont d'autant plus fortes que cette campagne coïncide avec des choix de gestion de la direction de l'AP-HP et de l'agence régionale de l'hospitalisation d'Ile-de-France (ARHIF), qui, au nom d'une prétendue « maîtrise comptable » des dépenses de santé et suivant le schéma régional d'organisation sanitaire et sociale (SROSS), remettent en cause les conditions d'accomplissement de la plupart des missions de l'AP-HP. L'AP-HP est de surcroît encore plus particulièrement pénalisée dans l'évolution de son enveloppe budgétaire qu'elle est systématiquement considérée comme « surdotée » sans tenir compte de ses spécificités. Elle lui fait observer combien les fermetures massives de lits, de services et d'hôpitaux à l'AP-HP menacent de déstructurer des activités entières, aussi bien en ce qui concerne les soins de proximité que des filières d'excellence ou des pôles de recherche. Elle lui demande comment elle compte inverser cette logique de démantèlement de cet atout national qu'est l'AP-HP et quels moyens elle compte lui accorder pour qu'elle puisse continuer à assurer ses missions, se développer et se moderniser. (N° 860.)
III. - M. José Balarello attire à nouveau l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur les faits suivants.
Premièrement, une somme de 24 000 000 de francs destinée à l'amélioration de la ligne Nice - Breil-sur-Roya a été décidée pour le XIe Plan Etat-région, financée de la façon suivante : 25 % par l'Etat, 25 % par la région, 25 % par le département, 25 % par la SNCF et RFF (Société nationale des chemins de fer français et Réseau ferré de France), la répartition interne étant de 80 % pour RFF et 20 % pour la SNCF. Or, lesdits travaux n'ont été réalisés qu'à hauteur de 200 000 francs, le reste n'ayant pas encore été engagé. Il lui demande ce qu'il compte faire pour mettre fin à ce qui est un dysfonctionnement dû à des transferts internes entre la SNCF et RFF qui sont inacceptables.
Deuxièmement, cette situation est en outre d'autant plus préjudiciable qu'au XIIe plan Etat-région une somme de 30 000 000 de francs a été prévue, somme pour laquelle aucune ouverture de crédit n'a été engagée.
Ces dysfonctionnements sont d'autant plus graves que, lors de la dernière réunion du « Comité de promotion du corridor est-ouest du sud de l'Europe », les chambres de commerce et d'industrie françaises et italiennes ont regretté l'inexistence de réseaux de transports modernes et rapides dans la traversée des Alpes entre la France et l'Italie. Cette carence constitue un handicap pour l'organisation de l'Europe du Sud, les perspectives du réseau ferroviaire Lyon-Turin ne pouvant constituer la seule réponse aux manques flagrants de structures dans cette région.
Il lui demande enfin où en sont les discussions avec le Gouvernement italien concernant l'électrification de la voie ferrée Limone-Fanghetto et où en sont les discussions concernant la création d'un épi ferroviaire reliant directement la gare de Vintimille-Ouest à Menton et Monaco sans rupture de charge et attente des trains venant de Gênes en gare de Vintimille-Est. (N° 866.)
IV. - M. René-Pierre Signé attire l'attention de M. le ministre de la défense sur la situation de la gendarmerie, en particulier la gendarmerie rurale.
Cette formation très homogène jusqu'alors tend à devenir très hétérogène.
La programmation concernant les années 1997-2002 inquiète les élus locaux puisque les effectifs ont perdu plus de 5 000 sous-officiers reconvertis, certes, pour partie en officiers mais sur des postes de soutien non opérationnels, et 12 000 gendarmes auxiliaires, issus du contingent volontaire, qui avaient une grande motivation et souhaitaient faire carrière dans la gendarmerie.
Il est vrai que la gendarmerie a vu ses effectifs grossir en particulier de 16 000 gendarmes adjoints, en fait des emplois-jeunes, qui n'ont pas toujours vocation bien arrêtée de faire carrière.
Ces jeunes futurs gendarmes, formés très rapidement, sont principalement affectés aux zones rurales, d'où sont retirés les gendarmes chevronnés et compétents.
Il en résulte des difficultés de fonctionnement ; une présence et une surveillance insuffisantes, des délais d'intervention trop longs.
Or, les problèmes de délinquance dans la ruralité, s'ils n'atteignent pas l'acuité de ceux de banlieues, n'en sont pas moins inquiétants et ont une fâcheuse tendance à s'amplifier.
Il considère que la sécurité des personnes et des biens est une exigence de base pour tout aménagement cohérent du territoire et qu'il serait regrettable que le monde rural fasse les frais de l'amélioration de la sécurité des villes. (N° 868.)
V. - M. Daniel Hoeffel attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur le risque de fermeture de l'institut français de Fribourg-en-Brisgau. En effet, depuis un certain temps il est question de fermer le plus ancien institut français en Allemagne, ce qui préoccupe tout particulièrement les responsables d'outre-Rhin, qui s'engagent fortement dans son fonctionnement, mais aussi la population à tradition biculturelle de la région.
Différentes raisons, notamment dans les domaines éducatifs et culturels, militent en faveur du maintien de ce prestigieux institut.
En ce qui concerne l'éducation, l'institut occupe au sein de la coopération transfrontalière une position clé dans le cadre de l'échange entre la jeunesse allemande et française. Cela est particulièrement bénéfique pour l'économie des régions transfrontalières.
L'institut français est un partenaire apprécié dans le cadre de la coopération des hautes écoles pédagogiques du Haut-Rhin, qui proposent des études afin de promouvoir le bilinguisme.
L'institut français est par ailleurs très impliqué au niveau culturel. Il est un partenaire important pour les projets culturels dans le cadre de la coopération avec le Haut-Rhin. Les dialogues culturels franco-allemands sont préparés et mis en oeuvre grâce au soutien actif de l'institut.
La fermeture de l'institut de Fribourg-en-Brisgau aurait, en conséquence, de sérieuses répercussions dans différents domaines. L'institut a fortement contribué au rapprochement entre la France et l'Allemagne, surtout dans une région transfrontalière où la présence active et forte de l'institut français de Fribourg-en-Brisgau est primordiale. Le maintien de cet institut revêt donc une signification toute particulière. (N° 875.)
VI. - M. René Marquès attire l'attention de M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat sur le régime indemnitaire des agents du cadre d'emploi des gardiens de police municipale.
En effet, par sa réponse au Journal officiel des questions de l'Assemblée nationale du 10 avril 2000, le ministre de la fonction publique a précisé que l'indemnité spéciale mensuelle de fonctions instaurée par le décret n° 97-702 du 31 mai 1997 était cumulable avec les IHTS (indemnité horaire pour travaux supplémentaires) versées dans les conditions du décret n° 50-1248 du 6 octobre 1950.
Or, l'article 3 du décret du 3 janvier 1974 instituant l'indemnité spéciale mensuelle police municipale précisait que ladite indemnité était cumulable avec celles dont l'agent pourrait bénéficier à un autre titre.
Il serait utile de connaître la position du ministère sur la possibilité de cumuler cette indemnité spéciale avec l'indemnité horaire pour travail de nuit instaurée par le décret du 10 mai 1961 et avec l'indemnité pour travail intensif de nuit. (N° 881.)
VII. - M. Christian Bonnet expose à M. le secrétaire d'Etat au logement que, dans le cadre du programme 9 du contrat de plan Etat-région de Bretagne, a été expressément prévue une aide à la construction pour les insulaires.
Il lui indique que la région a déjà dégagé, à ce titre, une somme de 20 millions.
Il lui demande si l'Etat a bien prévu de budgéter ce soutien indispensable pour permettre aux jeunes de demeurer sur des îles dont l'attraction, heureuse en soi, a engendré une pression foncière insupportable pour les couples aux revenus modestes. (N° 887.)
VIII. - M. Pierre Hérisson appelle l'attention de Mme le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation sur la qualification nécessaire à l'entrée dans le secteur des métiers. La loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement, à la promotion du commerce et de l'artisanat pose, en son article 16, l'exigence d'une qualification minimale préalable dans certaines activités du bâtiment comme la construction, l'entretien et la réparation des bâtiments, la mise en place, l'entretien et la réparation des réseaux et des équipements utilisant les fluides, ou pour tout ce qui touche l'alimentation en gaz, le chauffage des immeubles et les installations électriques, ou encore le ramonage. Sont visées les personnes en entreprise individuelle ou en société. Le décret du 2 avril 1998, pris très tardivement, indique que l'exercice de toutes ces activités est limité aux personnes titulaires d'un certificat d'aptitude professionnelle (CAP), d'un brevet d'études professionnelles (BEP) ou d'un diplôme ou titre homologué d'un niveau égal ou supérieur, dans l'un des métiers du bâtiment. A défaut d'un diplôme ou d'un titre homologué, une expérience de trois années effectives d'activité professionnelle dans le secteur du bâtiment est requise. Cette expérience fait l'objet d'une validation par le préfet. Or, une circulaire ministérielle du 12 juin 1998, ainsi qu'une réponse écrite du secrétariat d'Etat aux PME, au commerce et à l'artisanat ont vidé la loi de sa substance. La circulaire précise en effet que le défaut de qualification d'un candidat à la création d'entreprise interdit l'exercice des activités artisanales, mais laisse la porte ouverte à l'immatriculation à la chambre des métiers. Cette circulaire indique aussi que la condition peut être remplie soit par la personne qui exerce l'activité, soit par toute autre personne qui assurera un contrôle de façon permanente. Aussi, afin de respecter la volonté du législateur et dans un souci d'efficacité des missions de contrôle et dans l'intérêt même des candidats à l'installation, il lui demande si elle n'envisage pas de compléter les textes en la matière afin que les chambres consulaires qui effectuent l'immatriculation des artisans procèdent au contrôle de la qualification professionnelle, toujours dans le but de protéger le consommateur et d'améliorer le niveau de qualification des créateurs d'entreprises du bâtiment. (N° 888.)
IX. - Mme Marie-Madeleine Dieulangard souhaite interroger Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur la fixation des périodes ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité pour les salariés ayant été exposés à l'amiante, en particulier dans des établissements de construction et de réparation navale.
La liste de ces établissements et des métiers, ainsi que les dates retenues pour la durée d'exposition, figurent dans un arrêté du 7 juillet 2000. Pour les chantiers de l'Atlantique, à Saint-Nazaire, la date butoir est fixée à 1975. Or il est avéré que l'amiante a été utilisée bien au-delà, au moins jusqu'aux années 1980.
Il paraît donc essentiel que le temps réel d'exposition à l'amiante soit pris en compte afin que les mesures de départ anticipé puissent bénéficier à l'ensemble des salariés qui auraient été exposés.
Elle souhaite connaître les critères retenus pour la détermination de cette date. Le Gouvernement entend-il réexaminer cette date, notamment au regard des éléments apportés par plusieurs organisations syndicales et par l'Association des victimes de l'amiante. (N° 893.)
X. - M. Simon Sutour attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur le devenir de la plate-forme aéroportuaire de Nîmes-Garons.
Cet aéroport constitue un vecteur important dans le développement économique et touristique du département pour lequel les organismes consulaires, les milieux économiques et les collectivités locales n'ont eu de cesse d'oeuvrer à la pérennité.
La mise en place de la liaison Nîmes-Roissy, décidée par Air France, qui consacre l'ouverture de l'aéroport à l'international est une évolution positive dont chacun se félicite.
Néanmoins, son expansion future semble compromise par la décision unilatérale d'Air France qui a annoncé la suppression au 30 octobre de l'ensemble des liaisons quotidiennes sur Orly.
Cette suppression menace à terme le devenir de la plate-forme aéroportuaire en la privant d'un créneau porteur que constitue le marché d'affaires : une étude de la chambre de commerce et d'industrie démontre que le potentiel existant est de 430 000 passagers par an sur Paris, dont 340 000 sur Orly ; il paraît donc opportun de rétablir deux liaisons (matin et soir) sur Orly qui compléteraient efficacement et rationnellement l'offre actuelle et éviteraient les risques éventuels d'évasion de la clientèle potentielle vers Marseille et Montpellier.
C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir lui préciser quelles mesures il entend prendre pour contribuer au développement de l'aéroport qui a su, grâce à une gestion dynamique, s'engager dans une diversification de son offre et qui conforte par ailleurs une gestion multi-modale (aérienne, ferroviaire avec le TGV et routière) des transports et des déplacements dans notre département. (N° 895.)
XI. - M. Dominique Leclerc souhaite interroger M. le secrétaire d'Etat à l'industrie sur la composition du nouveau supercarburant. Ce dernier ne contient plus comme antidétonant, depuis le 1er janvier 2000, du plomb trétaéthyle mais du potassium. Or ce produit n'est pas sans incidence, aussi bien pour l'environnement que pour la santé publique. C'est pourquoi il aimerait savoir si un rapport d'impact concernant l'utilisation de ce dernier a été réalisé, et dans l'affirmative en connaître les conclusions. (N° 896.)
XII. - M. Dominique Braye appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur le plan de redéploiement des forces de police et de gendarmerie dans le département des Yvelines.
Les Yvelines constituent l'un des vingt-six départements prioritaires en matière de redéploiement des effectifs de police et de gendarmerie. Sept communes doivent ainsi passer de zone police en zone gendarmerie ou inversement, quatre d'entre elles étant opposées à ce changement, tandis que trois autres y sont favorables.
Pour celles qui sont opposées au redéploiement, il conviendrait de poursuivre la négociation avec leurs élus. Quand à celles qui acceptent ce changement (Buchelay, Magnanville et Toussus-le-Noble), la pertinence et l'urgence de ce redéploiement fait l'unanimité (population, élus, préfet, responsables départementaux de la police et de la gendarmerie). Or il est surprenant que ce redéploiement, qui devait être effectif au plus tard en janvier 2000, ne soit toujours pas mis en oeuvre dix mois plus tard.
Ce retard est d'autant plus fâcheux que, parmi les trois communes ayant accepté ce redéploiement, deux d'entre elles, Buchelay et Magnanville, sont situées en zone sensible en terme d'insécurité. En effet, elles partagent, avec les six autres communes de l'agglomération de Mantes en Yvelines, les mêmes problèmes liés à la présence de quartiers très difficiles. La similitude de ces problèmes ainsi que la continuité du tissu urbain implique donc que ces deux communes soient intégrées à la zone police de Mantes-la-Jolie. Tous les partenaires en conviennent, et l'Etat le premier. Pourtant, ce redéploiement nécessaire et urgent n'est toujours pas mis en place.
En conséquence, il lui demande de lui préciser à quelle date le redéploiement des effectifs de police et de gendarmerie sera effectif pour les trois communes qui l'ont accepté. (N° 897.)
XIII. - M. Auguste Cazalet appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur la très vive inquiétude exprimée par des agriculteurs du département des Pyrénées-Atlantiques concernés par la réforme des ICHN inscrite dans le projet de plan national de développement rural accepté par l'Union européenne lors du comité STAR du 26 juillet dans la mesure où ils y voient la remise en cause radicale des fondements de la politique montagne jusqu'à présent menée dans ce département et au crédit de laquelle le maintien de l'activité économique et le développement de production de qualité dans les zones défavorisées sont à porter. En effet, le fait de conditionner désormais l'attribution des ICHN au respect des bonnes pratiques agricoles, définies notamment par des critères d'extensivité, est perçu comme l'abandon du principe du handicap, les indemnités se transformant en mesures de type agri-environnemental. Ainsi, des dispositions telles que le non-versement de l'ICHN en deçà du seuil minimum et au-delà du seuil supérieur du taux de chargement, l'application d'un tarif unique de prime par type de zone défavorisée, la disparition de la différenciation par espèce (ovins-autres bovins), le mode de calcul de l'indemnité versée à l'agriculteur après fixation par le préfet d'une place optimale dans laquelle l'ICHN serait versée à taux plein et la restriction des critères d'éligibilité pour les pluriactifs suscitent plus que des interrogations auprès des éleveurs du département puisque, selon certaines estimations ce sont au total 1 500 agriculteurs qui, en Pays basque et en Béarn, sont non seulement concernés mais aussi menacés : quatre cents exploitations seraient exclues du dispositif, celles situées en zone de Piémont perdraient jusqu'à 14 % de leurs indemnités et les non-transhumants, environ cinq cents perdrait jusqu'à 30 %.
Il le remercie des précisions qu'il voudra bien lui apporter concernant le contenu de ce projet de réforme et lui demande de bien vouloir lui indiquer les points qu'il serait disposé à renégocier avec la profession. (N° 899.)
XIV. - M. Claude Domeizel attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur le problème de l'hébergement des bergers lors de la transhumance dans les alpages.
A l'aube du xxie siècle, il est anormal que des hommes vivent dans des conditions souvent très sommaires et dignes d'un autre siècle. Outre le bénéfice d'un confort minimum, une amélioration des cabanes pastorales permettrait aux bergers qui le souhaitent de séjourner avec leur famille. En plus du maintien de l'équilibre familial, seraient aussi partagées les tâches professionnelles et de la vie quotidienne qu'aujourd'hui le berger assume seul ; ce qui l'oblige à s'éloigner du troupeau pendant de longues heures.
De plus, si un argument supplémentaire devait être apporté, il lui paraît important de souligner que la présence continue du berger ou d'un membre de la famille auprès de son troupeau deviendrait alors un élément complémentaire de défense contre les chiens errants, ou tout autre prédateur, et les intempéries.
Les départements et régions participent déjà, avec le concours des ministères de l'environnement et de l'agriculture (Fonds national d'aménagement du territoire, fonds de gestion de l'espace rural), au financement des améliorations pastorales ; mais ces efforts sont à l'évidence insuffisants pour la rénovation de ces habitats.
C'est pourquoi, il lui demande s'il envisage de prendre des mesures financières plus conséquentes pour la réhabilitation ou la construction de cabanes pastorales. (N° 902.)
XV. - M. Jean Faure appelle l'attention de Mme le ministre de la culture et de la communication sur la récente décision de France 3 Télévision de supprimer l'émission « Montagne » diffusée le dimanche matin et produite par France 3 Grenoble.
Il lui indique que cette décision provoque le mécontentement des élus et des populations de la montagne qui souhaitent que soit maintenu un rendez-vous télévisuel régulier sur ce sujet, dans un créneau à plus forte audience.
Il lui précise que cette disparition du thème de la montagne des grilles de programme est regrettable dans un contexte où le grand public a, à son sujet, des a priori souvent erronés et ne disposera donc plus d'un média facile d'accès pour en appréhender les spécificités et les réalités socio-économiques. (N° 903.)
XVI. - M. Hubert Haenel demande à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés de bien vouloir lui préciser quelles actions ont été prises par la France dans l'esprit de la résolution du 27 mai 1997 du Parlement européen en vue de s'engager dans un processus de reconnaissance de la médecine anthroposophique tout en veillant à protéger les malades de toutes déviances.
Quelles conséquences le Gouvernement tire-t-il de la directive européenne 92/73 qui réglemente expressément deux types de médicaments : homéopathiques et anthroposophiques ?
Si aux yeux du Gouvernement, comme il lui a été indiqué dans la réponse à sa question écrite n° 22731 en date du 10 février 2000, la médecine anthroposophique serait, non pas une médecine non conventionnelle mais une simple application d'une idée mystique traditionnelle de l'Occident... suspecte de sectarisme et de charlatanisme. (N° 908.)
XVII. - M. Georges Mouly attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur la circulaire DAS-RVZ n° 2000/210 du 6 juin dernier, relative aux centres locaux d'information et de coordination (CLIC), fixant les modalités d'expérimentation du maintien à domicile des personnes âgées dans les vingt-six sites choisis pour l'an 2000 ainsi que la programmation pluriannuelle 2001-2005. Il lui demande s'il peut être espéré que le calendrier prévisionnel sera respecté comme suit : novembre 2000, bilan d'activité des sites pilotes et validation du cahier des charges détaillé ainsi que de la procédure de labellisation ; décembre 2000, publication du cahier des charges et appel à projet pour la campagne 2001. Il lui demande en outre si les spécificités du milieu rural pourront être prises en compte en terme de seuils de population couverte et de territoire. (N° 909.)
XVIII. - M. Christian Demuynck souhaite attirer l'attention de M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat sur la décision du Gouvernement de supprimer, à compter du 1er décembre prochain, les fiches d'état civil et les justificatifs de domicile.
En effet, il entend dénoncer les risques manifestes de fraude que cette mesure induira. Une simple copie certifiée conforme par les soins de tout un chacun suscitera de nombreuses falsifications et ne permettra pas, dans le cas particulier de livrets de famille étrangers, de déterminer les composantes familiales exactes.
Au surplus, il condamne avec virulence l'intention du Gouvernement de mettre fin aux justificatifs de domicile. Il craint que de nombreuses personnes falsifient leur déclaration sur l'honneur à seule fin de bénéficier des avantages sociaux d'une ou plusieurs villes, déséquilibrant de la sorte leurs finances.
En outre, les répercussions sur les effectifs scolaires seront considérables. Les parents n'hésiteront pas à déclarer de faux domiciles pour que leurs enfants intègrent de meilleurs établissements. Les inspections académiques verront ainsi leur tâche se compliquer.
Il entend, par conséquent, connaître les moyens mis en oeuvre pour éviter la fraude. (N° 930.)
A seize heures et, éventuellement, le soir :
2. Discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi d'orientation n° 28 (2000-2001) relatif à l'outre-mer, adopté par l'Assemblée nationale avec modifications en nouvelle lecture.
Rapport n° 48 (2000-2001) de M. José Balarello, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 6 novembre 2000, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 6 novembre 2000, à dix-sept heures.
3. Suite de la discussion après déclaration d'urgence du projet de loi n° 473 (1999-2000) portant habilitation du Gouvernement à transposer, par ordonnances, des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines dispositions du droit communautaire.
Rapport n° 30 (2000-2001) de M. Daniel Hoeffel, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Avis n° 32 (2000-2001) de M. Philippe Richert, au nom de la commission des affaires culturelles.
Avis n° 31 (2000-2001) de M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques et du Plan.
Avis n° 35 (2000-2001) de M. André Jourdain, au nom de la commission des affaires sociales.
Avis n° 36 (2000-2001) de M. Denis Badré, au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.

Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements

Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à l'épargne salariale (n° 11, 2000-2001) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 6 novembre 2000, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 6 novembre 2000, à dix-sept heures.
Sous réserve de sa transmission, projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 13 novembre 2000, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : ouverture de la discussion générale.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée à vingt et une heures quinze.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





ERRATA
Au compte rendu intégral de la séance du 17 octobre 2000
nouvelles régulations économiques

Page 5107, 2e colonne, dans le texte proposé par l'amendement n° 481, dernière ligne :
Au lieu de : « du titre II du code de commerce »
Lire : « du livre II du code de commerce ».
Page 5109, 2e colonne, au 9e alinéa (a) , 1re ligne :
Au lieu de : « Le projet porte »
Lire : « Le prêt porte ».
Page 5109, 2e colonne, aux 17e (V) et 18e alinéas :
Au lieu de : « 93-5 »
Lire : « 93-4 ».
Page 5111, 2e colonne, aux 4e (III) et 5e alinéas :
Au lieu de : « 93-4 »
Lire : « 93-5 ».
Page 5140, 1re colonne, remplacer les trois derniers alinéas par :
Par amendement n° 504 rectifié, le Gouvernement propose :
I. - De rédiger comme suit le premier alinéa de cet article : « L'article L. 450-4 du code de commerce est ainsi modifié : »
II. - A la fin de la première phrase du dernier alinéa de cet article, de remplacer les mots : « prévue à l'article 21 » par les mots : « prévue à l'article L. 463-2 ».

Au compte rendu intégral de la séance du 18 octobre 2000
solidarité et renouvellement urbains

Page 5256, 1re colonne, dans le texte proposé par l'amendement n° 10 rectifié pour l'article L. 121-6, 4e alinéa, 4e ligne :
Au lieu de : « intercommunale compétente »
Lire : « intercommunale compétents ».
Page 5256, 2e colonne, dans le texte proposé par l'amendement n° 10 rectifié pour l'article L. 121-6, 2e alinéa, 3e ligne :
Au lieu de : « R. 421 à R. 421-4 »
Lire : R. 421-1 à R. 421-4 ».



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Conditions d'attribution du macaron GIC
(grand invalide civil)

937. - 27 octobre 2000. - M. Pierre-Yvon Trémel attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur la situation des personnes handicapées ayant un taux d'invalidité inférieur à 80 % et titulaires d'une « carte station debout pénible ». Ces personnes ne peuvent actuellement pas bénéficier du macaron GIC. Il est pourtant avéré que dans un grand nombre de cas la vie quotidienne de ces personnes serait considérablement améliorée si elles pouvaient bénéficier de certains avantages offerts par le macaron. Aussi, tout en veillant à ne pas banaliser l'usage du macaron, et sans accorder les avantages fiscaux et sociaux qui en découlent, il serait souhaitable de permettre aux intéressés de stationner sur les emplacements réservés aux titulaires de la carte GIC. En conséquence, il lui demande si des mesures sont envisagées dans ce sens.

Fonctionnement de la justice
dans le département d'Eure-et-Loir

938. - 30 octobre 2000. - M. Gérard Cornu appelle l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les conditions matérielles dans lesquelles s'exerce la justice dans le département d'Eure-et-Loir. L'actuel palais de justice de Chartres, situé au coeur de la ville, ne dispose plus de la place nécessaire à l'évolution de ce service public. Magistrats, personnels de greffe et secrétariat se partagent des locaux dont l'exiguïté sera rendue encore plus intolérable avec l'instauration des cours d'assises d'appel, dont les sessions risquent d'être rendues impossibles. La construction d'une cité judiciaire est évoquée depuis trente ans. Un terrain a été cédé le 18 octobre 1998 par le conseil général d'Eure-et-Loir au ministère de la justice, aux fins de recourir à une extension des locaux. Depuis lors aucune perspective n'a été évoquée. Il lui demande de bien vouloir mettre tout en oeuvre pour qu'une solution soit trouvée afin que la justice puisse être rendue en Eure-et-Loir avec toutes les exigences qui lui sont dues.

Conséquences des mesures de précaution sanitaire

939. - 31 octobre 2000. - M. Jacques Legendre rappelle à M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation que le Gouvernement a annoncé le 11 octobre dernier sa décision d'interdire l'utilisation de l'ensemble des intestins provenant de bovins, quel que soit leur âge, dans la fabrication de la charcuterie. L'une des spécialités culinaires de la région de Cambrai est ainsi concernée au premier chef. En effet, l'andouillette qui y est fabriquée est composée à 95 % de fraise de veau, produit dont l'utilisation représente 700 tonnes environ par an pour la confection de 500 tonnes d'andouillette, et qui serait visée par la mesure en question. La décision d'interdiction, qui n'a pour l'instant que simplement été annoncée sans prendre de caractère officiel par voie d'arrêté interministériel, est extrêmement lourde de conséquences économiques et sociales pour le tissu artisanal local. Le Cambrésis assure en effet plus de 25 % de la production nationale d'andouillette à base de fraise de veau. Or, outre la dégradation de l'image des artisans charcutiers concernés (quatre-vingt-dix dans le Cambrésis), le chiffre d'affaires de ces derniers a chuté en deux semaines seulement de 15 à 25 % selon les cas, et des mesures de chômage technique ont malheureusement d'ores et déjà dû être mises en oeuvre. Il l'approuve dans sa volonté de faire prévaloir le principe de précaution quand la santé du consommateur peut être compromise. Mais il lui demande quelles mesures il entend prendre rapidement pour sauvegarder un secteur économique qui a su promouvoir jusqu'ici un produit traditionnel reconnu.

Imputation du montant des bourses d'études sur le RMI

940. - 31 octobre 2000. - M. Aymeri de Montesquiou interroge Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur le lien entre l'octroi de bourses étudiantes et le niveau du Revenu minimum d'insertion des parents. La loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988 relative au RMI prévoit dans son article 9 que « l'ensemble des ressources des personnes retenues pour la détermination du montant du revenu minimum d'insertion est pris en compte pour le calcul de l'allocation ». En conséquence, les parents Rmistes d'étudiants méritants voient leur allocation amputée d'une partie du montant des bourses. En cette rentrée universitaire, il lui demande si elle entend mettre fin à cette situation injuste envers les familles en situation de précarité. Il lui demande également les moyens qu'elle entend mettre en oeuvre pour remédier à cette injustice.



ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du mardi 31 octobre 2000


SCRUTIN (n° 13)



sur l'ensemble du projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale, modifiant la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel.


Nombre de votants : 314


Nombre de suffrages exprimés : 314
Pour : 314
Contre : 0

Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (17) :
Pour : 17.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :

Pour : 17.
N'ont pas pris part au vote : 6. _ M. Paul Girod, qui présidait la séance, MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin et Gérard Delfau.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :

Pour : 98.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Christian Poncelet, président du Sénat.

GROUPE SOCIALISTE (77) :

Pour : 77.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :

Pour : 52.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (46) :

Pour : 46.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :

Pour : 7.

Ont voté pour


Nicolas About
Philippe Adnot
Guy Allouche
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Bernard Angels
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Michel Bécot
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Claude Belot
Georges Berchet
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
Marcel Bony
James Bordas
Didier Borotra
Nicole Borvo
Joël Bourdin
Jean Boyer
Louis Boyer
Yolande Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Robert Bret
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Claire-Lise Campion
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Jean-Louis Carrère
Auguste Cazalet
Bernard Cazeau
CharlesCeccaldi-Raynaud
Monique Cerisier-ben Guiga
Gérard César
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Gérard Collomb
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Raymond Courrière
Roland Courteau
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Marcel Debarge
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Bertrand Delanoë
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Jean-Pierre Demerliat
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Dinah Derycke
Charles Descours
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
André Diligent
Claude Domeizel
Jacques Dominati
Jacques Donnay
Michel Doublet
MichelDreyfus-Schmidt
Paul Dubrule
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Claude Estier
Hubert Falco
Léon Fatous
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Guy Fischer
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Thierry Foucaud
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Serge Godard
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Jean-Noël Guérini
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Claude Haut
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Roger Hesling
Alain Hethener
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Roland Huguet
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Journet
Alain Joyandet
Roger Karoutchi
Christian de La Malène
Philippe Labeyrie
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Dominique Larifla
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Gérard Le Cam
Jean-François Le Grand
Louis Le Pensec
Dominique Leclerc
Pierre Lefebvre
Jacques Legendre
André Lejeune
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Claude Lise
Paul Loridant
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Hélène Luc
Jacques Machet
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Kléber Malécot
André Maman
François Marc
Max Marest
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Marc Massion
Paul Masson
Serge Mathieu
Pierre Mauroy
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Gérard Miquel
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Michel Moreigne
Georges Mouly
Bernard Murat
Roland Muzeau
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Jean-Marc Pastor
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Guy Penne
Jean Pépin
Daniel Percheron
Jacques Peyrat
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Xavier Pintat
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jack Ralite
Paul Raoult
Jean-Marie Rausch
Ivan Renar
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Roger Rinchet
Yves Rispat
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Gérard Roujas
André Rouvière
Michel Rufin
Claude Saunier
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Simon Sutour
Martial Taugourdeau
Odette Terrade
Michel Teston
Henri Torre
René Trégouët
Pierre-Yvon Tremel
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Paul Vergès
André Vezinhet
Jean-Pierre Vial
Marcel Vidal
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac
Henri Weber

N'ont pas pris part au vote


François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin et Gérard Delfau.

N'ont pas pris part au vote


Christian Poncelet, président du Sénat, et Paul Girod, qui présidait la séance.



Les nombres annoncés en séance avaient été de :


Nombre de votants : 315


Nombre des suffrages exprimés 315


Majorité absolue des suffrages exprimés 158
Pour : 315
Contre : 0

Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés, conformément à la liste ci-dessus.