SEANCE DU 19 OCTOBRE 2000
M. le président.
Par amendement n° 271, Mme Pourtaud et les membres du groupe socialiste et
apparentés proposent d'insérer, après l'article 86
septies
, un article
additionnel ainsi rédigé :
« Après le paragraphe II de l'article 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989
précitée, il est inséré un nouveau paragraphe ainsi rédigé :
« ... Quand un congé pour vente est délivré par un bailleur relevant de
secteurs locatifs définis aux quatrième et cinquième alinéas de l'article 41
ter
de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, dans le cadre d'une vente
par lots de plus de dix logements dans le même immeuble et lorsque le locataire
ne peut se porter acquéreur de son logement et qu'il ne peut déménager en
raison de son âge supérieur à soixante-dix ans, de son état de santé présentant
un caractère de gravité reconnue, d'un handicap physique ou d'une dépendance
psychologique établie, ou de sa situation dûment justifiée, son bail est
renouvelé. En cas de vente, cette obligation est transmise à l'acquéreur. »
La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud.
Cet amendement vise à transposer dans la loi les dispositions de l'accord de
juillet 1998 que, grâce à votre intervention, monsieur le secrétaire d'Etat,
les associations de locataires avaient obtenu de la part des bailleurs
institutionnels, dans le cadre de ce que l'on a appelé « les congés-vente ».
Cet accord, qui visait à préserver la mixité sociale dans de nombreux quartiers
parisiens, mais aussi dans de nombreuses villes d'Ile-de-France, a été étendu
par décret un an plus tard.
L'amendement n° 24 propose la reconduction automatique du bail pour les
personnes handicapées, âgées ou dans toute situation de précarité pouvant la
justifier.
Cette disposition est particulièrement importante, car, pour toutes ces
personnes fragilisées, un déménagement et l'obligation de quitter le quartier
où elles ont leurs repères constituent un véritable traumatisme.
Dans l'esprit des associations, lors de la signature de l'accord, les
bailleurs s'étaient engagés à reconduire à vie le bail de ces locataires.
Malheureusement, la pratique a montré que les bailleurs signataires de
l'accord le vidaient de sa substance en vendant occupés les appartements
concernés. La garantie instituée est ainsi anéantie, puisque l'acquéreur,
personne physique ou morale, n'est pas soumis aux mêmes obligations que le
bailleur institutionnel. Cette pratique, contraire à l'esprit de l'accord, doit
être, nous semble-t-il, corrigée.
Pour pallier cela, dans le cadre particulier des congés-vente, cet amendement
vise à instaurer par la loi le transfert de l'obligation de reconduction
automatique du bail des locataires en situation précaire, reposant initialement
sur le bailleur institutionnel, vers l'acquéreur de l'immeuble.
J'attire l'attention de ceux qui considéreraient une telle disposition comme
attentatoire au droit de propriété qu'il ne s'agit que de cas extrêmement
limités puisque, pour qu'elle s'applique, deux séries de conditions devront
être remplies : que le lot fasse l'objet d'un congé-vente dans le cadre d'une
vente de plus de dix logements, et que le locataire soit une personne
particulièrement fragilisée du fait de son âge ou de son état de santé.
J'ajoute que cette contrainte a été acceptée par les bailleurs institutionnels
dans le cadre de l'accord que je citais tout à l'heure. C'est pourquoi j'espère
que le Sénat voudra bien voter l'amendement n° 271.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Althapé,
rapporteur.
L'accord sur les congés-vente, signé avec les organismes
bailleurs, prévoit une clause de reconduction du bail d'un locataire âgé ou
handicapé. Mais cette clause de reconduction ne se transmet pas à l'acquéreur
du bien ainsi occupé. Cet amendement remet donc en cause l'équilibre que la loi
du 6 juillet 1989 avait instauré entre les bailleurs et les propriétaires. Il
risque surtout de se retourner contre les bénéficiaires de ce dispositif, à qui
les institutionnels, par précaution, ne voudront plus louer de logements.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Tout d'abord, je souhaite donner acte à Mme Pourtaud
de son engagement très fort sur ce dossier et de sa contribution à l'évolution
qu'il a connue avec l'accord qui est intervenu, avec l'appui des services du
ministère du logement. C'était un vrai combat, dans lequel elle a été épaulée
par certains de ses collègues élus parisiens et qui a porté des fruits.
Les dispositions que son amendement prévoit répondent, je le comprends fort
bien, au souci de protéger les locataires les plus âgés ou les plus faibles.
Toutefois, elles conduisent au maintien dans les lieux, sans aucune limite de
durée, de locataires qui ne sont pas dans le parc HLM, ce qui n'est évidemment
pas dans la logique de la loi du 6 juillet 1989, qui s'applique à ce patrimoine
et qui fait effectivement peser sur les éventuels acquéreurs concernés des
contraintes nouvelles et fortes en prévoyant la transmission de l'obligation de
renouveler le bail même en cas de vente du logement.
Ces dispositions vont donc au-delà de l'accord sur les congés-vente, qui a
fait l'objet de longues négociations entre les partenaires.
Cela étant, le Gouvernement, comme Mme Pourtaud, au vu des résultats obtenus
par l'accord sur les congés-vente, souscrit à l'analyse selon laquelle ceux-ci
sont insuffisants sur plusieurs points. Aussi a-t-il été demandé au président
de la Commission nationale de concertation, M. François Geindre, de dresser un
bilan de l'application de cet accord.
Le groupe de travail qui a pris en charge ce dossier doit rendre ses
conclusions avant la fin de l'année. Par conséquent, il paraît sage, dans
l'immédiat, d'attendre et de poursuivre la concertation, plutôt que d'imposer
par la loi, d'une manière prématurée, une décision qui pourrait être obtenue
sous une autre forme, dans le prolongement de la concertation engagée.
Voilà ce que je peux indiquer à Mme Pourtaud, en l'assurant de l'attention
extrême que nous portons aux préoccupations qu'elle soulève depuis de nombreux
mois.
Le processus de la concertation n'est pas terminé et le Gouvernement
apprécierait, dans ces conditions, que l'amendement puisse être retiré en
raison de son caractère prématuré. S'il était maintenu, le Gouvernement
émettrait un avis défavorable.
M. le président.
Madame Pourtaud, l'amendement est-il maintenu ?
Mme Danièle Pourtaud.
Je vais accéder à la demande du Gouvernement. Je comprends en effet qu'il soit
nécessaire de laisser le groupe de travail poursuivre ses travaux.
Je voudrais toutefois attirer l'attention de M. le secrétaire d'Etat et de mes
collègues sur le fait que, dès lors que cette obligation serait inscrite dans
la loi, elle serait connue des éventuels acquéreurs. Les institutionnels
sauraient qu'ils sont obligés de maintenir ces logements dans le parc locatif,
ce qui est
a priori
leur intention lorsqu'il s'agit d'investisseurs. En
revanche, cela pourrait constituer un frein pour les personnes privées qui
souhaiteraient acheter ces logements.
Malgré cette restriction, notre objectif étant, pour maintenir la mixité
sociale, de conserver ces logements dans le parc locatif, ce dispositif ne me
paraît présenter que des avantages.
M. le président.
L'amendement n° 271 est retiré.
Article 86 decies