SEANCE DU 12 OCTOBRE 2000
M. le président.
Par amendement n° 445, M. Loridant, Mme Beaudeau, M. Foucaud, Mme Terrade et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer,
avant l'article 12, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Il est créé une commission de sanction des autorités financières et
économiques qui exerce en leur nom les pouvoirs de sanction dévolus aux
autorités de régulation financière et économique.
« La commission de sanction des autorités financières et économiques comprend
huit membres désignés par arrêté du ministre chargé de l'économie pour une
durée de quatre ans. Elle se compose de quatre membres choisis parmi les
juridictions administratives ou judiciaires dont au moins un conseiller d'Etat
et un conseiller à la Cour de cassation, ainsi que quatre personnes choisies en
raison de leur expérience en matière d'assurance, d'activités bancaires,
d'activités financières et en matière économique. Huit membres suppléants sont
désignés dans les mêmes conditions.
« La commission est présidée par un conseiller d'Etat lorsqu'elle statue au
nom d'une autorité dont les décisions sont susceptibles de recours devant une
juridiction administrative et par un conseiller à la Cour de cassation
lorsqu'elles le sont devant une juridiction de l'ordre judiciaire.
« La commission est saisie par l'une des autorités au nom desquelles elle
exerce le pouvoir de sanction. Cette autorité formule des griefs et décide du
renvoi devant la commission selon les modalités fixées pour ses décisions en
matière de sanction. Elle nomme auprès de la commission un rapporteur qui
notifie les griefs à la personne mise en cause, instruit la procédure et
n'assiste pas au délibéré final de la commission.
« Un commissaire du Gouvernement participe aux séances de la commission et
assiste au délibéré. Il peut demander une seconde délibération sauf lorsque les
dispositions régissant les pouvoirs de sanction de l'autorité de saisine
prévoient que la commission agit alors en tant que juridiction.
« La commission informe l'autorité de saisine de la décision prise. Un décret
en Conseil d'Etat détermine les modalités de fonctionnement de la
commission.
« II. - Après l'article L. 464-3 du code de commerce, il est inséré un article
additionnel ainsi rédigé.
«
Art. L...
- La commission de sanction des autorités financières et
économiques exerce au nom du Conseil de la concurrence les pouvoirs de sanction
qui lui sont dévolus. »
« III. - Après l'article 45 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 précitée, il
est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
«
Art...
- La commission de sanction des autorités financières et
économiques exerce au nom de la commission bancaire les pouvoirs de sanction
qui lui sont dévolus. »
« IV. - Après l'article L. 310-18-1 du code des asurances, il est inséré un
article additionnel ainsi rédigé :
«
Art. L...
- La commission de sanction des autorités financières et
économiques exerce au nom de la commission de contrôle des assurances les
pouvoirs de sanction qui lui sont dévolus. »
« V. - Après l'article 33-4 de la loi n° 88-1201 du 23 décembre 1988 relative
aux organismes de placement collectif en valeurs mobilières et portant création
des fonds communs de créances, il est inséré un article additionnel ainsi
rédigé :
«
Art...
- La commission de sanction des autorités financières et
économiques exerce au nom du conseil de discipline de la gestion financière les
pouvoirs de sanction qui lui sont dévolus. »
« VI. - Dans le dernier alinéa de l'article 33-3 de la même loi, les mots :
"la Commission des opérations de bourse" sont remplacés par les mots : "le
commissaire du Gouvernement".
« VII. - L'article 69 de la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 précitée est
complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La commission de sanction des autorités financières et économiques
exerce au nom du conseil des marchés financiers les pouvoirs de sanction qui
lui sont dévolus. »
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
L'amendement n° 445 porte sur une question relativement importante, que
souhaite d'ailleurs aborder notre commission des finances, celle de la portée
de l'intervention des autorités de contrôle existant en matière boursière et
financière et, par voie de conséquence, celle de leur éventuelle fusion.
L'exposé des motifs du présent amendement fait expressément référence aux
limites posées à l'intervention des autorités de régulation existantes, compte
tenu d'ailleurs de leur nature et de la confusion qui résulte de la trop grande
hétérogénéité de leurs compétences.
Une telle situation, vous en conviendrez, est relativement regrettable,
notamment au moment où la place boursière de Paris connaît de très importantes
évolutions, avec notamment la disparition de certains marchés, le regroupement
qui est envisagé avec d'autres bourses européennes et la croissance
exponentielle du niveau de la capitalisation et des transactions.
L'actualité récente a d'ailleurs montré que l'existence d'autorités de
contrôle indépendantes n'était pas nécessairement un gage de qualité, surtout
quand certains mouvements pour le moins discutables - on appelle cela des «
délits d'initié » - impliquent directement des agents de ces autorités de
contrôle ! En l'espèce, l'opprobre n'est peut être pas jeté sur l'autorité en
tant que telle, mais il la touche néanmoins, quand bien même, dans son
ensemble, elle demeurerait respectable.
Nous souhaitons donc que soit renforcée la pertinence de l'intervention des
autorités de régulation et de contrôle, grâce à une distinction claire, dans
leurs attributions, entre ce qui procède de la réglementation et du contrôle et
ce qui procède de la sanction.
Pour ce bloc de compétences, nous préconisons la mise en place d'une commisson
de sanction sécifique, composée pour l'essentiel de juristes et complétée, par
arrêté ministériel, de personnalités qualifiées dans les domaines considérés -
le droit de la concurrence, le droit des assurances, le droit bancaire, le
droit boursier, etc. - en vue de couper le lien parfois trouble et source de
confusion entre, d'une part, le pouvoir de réglementation et de contrôle et,
d'autre part, le pouvoir de sanction.
Nous versons cette proposition au débat alors que nous savons pertinemment que
le Gouvernement réfléchit à l'évolution de l'intervention des autorités
indépendantes en matière financière.
Nous ne pouvons évidement nous satisfaire de la position de la commission des
finances, qui, de notre point de vue, fait la part belle aux seuls «
professionnels » du marché et qui risque fort, à terme, de réduire la
consistance de la réglementation, du contrôle et des sanctions à un simple
gentleman's agreement
entre initiés.
En tout état de cause, nous vous invitons à adopter notre proposition en
votant l'amendement n° 445.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur.
La démarche de Mme Beaudeau n'est pas très éloignée de celle
de la commission. En effet, nous examinerons dans la suite du débat un
amendement visant à promouvoir la fusion de la Commission des opérations de
bourse et du Conseil des marchés financiers en vue de créer une autorité unique
de régulation des marchés financiers au sein de laquelle seront instaurées des
formations spécialisées.
L'une des formations que nous vous proposerons de créer est une formation «
sanction », une formation spécialisée qui examinera les dossiers susceptibles
de donner lieu à des sanctions administratives.
L'idée est donc très proche, madame Beaudeau, même si le dosage des membres et
l'esprit ne sont pas tout à fait identiques.
L'amendement de la commission que je viens d'évoquer prévoira que cette
formation « sanction » de la future ARMF, l'autorité de régulation des marchés
financiers que nous appelons de nos voeux, sera présidée de droit par un
conseiller d'Etat. Cela démontre que, pour la bonne administration des
procédures de sanction, nous entendons donner la prééminence aux magistrats,
qui ont vocation à siéger, au sein de telles instances, aux côtés des
professionnels.
Il ne s'agit donc pas seulement d'un « club », il s'agit aussi et surtout d'un
régulateur dont l'esprit a toutes les raisons d'être proche de celui qui a
inspiré le présent projet de loi.
Je vous inviterai donc à retirer l'amendement n° 445, quitte, si vous suivez
cet avis, à proposer un peu plus tard des sous-amendements à notre amendement
visant à créer l'ARMF, si par exemple la composition de cette instance ne
correspondait pas à vos propres options. Mais vous comprendrez qu'à ce stade je
ne peux émettre un avis favorable sur l'amendement n° 445.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement entend bien le problème posé à la fois
par Mme Beaudeau et, même s'il ne l'a pas fait exactement dans les mêmes
termes, par M. le rapporteur.
C'est parce qu'il s'agit d'un vrai sujet et d'un vrai débat - celui qui a
commencé ici le démontre - que le Gouvernement présentera dans les prochaines
semaines un projet de loi visant à accomplir une réforme ambitieuse du
dispositif de régulation financière, réforme qui couvrira l'ensemble des champs
concernés.
L'amendement traite cependant un aspect important de la régulation. Votre
proposition vise à créer une commission unique chargée d'exercer les pouvoirs
de sanction actuellement dévolus à plusieurs autorités exerçant des compétences
dans des domaines différents.
Vraisemblablement, sur la forme, nous ferons une proposition différente de la
vôtre, mais, sur le fond, je pense que nous nous rejoignons.
En revanche, pour ce qui est de la procédure, votre amendement n'a pas sa
place ici, dans la mesure où le projet de loi sera examiné en conseil des
ministres avant la fin de l'année et par le Parlement dans la foulée. Vous et
vos collègues de l'Assemblée nationale pourrez alors déposer des
amendements.
Donc, même si l'amendement n° 445 concerne effectivement cette question, même
s'il est vrai que nous aurions pu engager ce débat maintenant, je vous demande
de le retirer.
M. le président.
Madame Beaudeau, l'amendement n° 445 est-il maintenu ?
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Compte tenu de ce que vient de dire Mme le secrétaire d'Etat et de
l'engagement qu'elle a pris qu'un projet de loi nous sera présenté avant la fin
de l'année, je retire ce soir mon amendement. Mais, évidemment, nous serons
très certainement amenés à revenir sur ce sujet avec nos propres
propositions.
M. le président.
L'amendement n° 445 est retiré.
Article 12