SEANCE DU 11 OCTOBRE 2000
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Organismes extraparlementaires
(p.
1
).
3.
Candidatures à la commission spéciale chargée de vérifier et d'apurer les
comptes
(p.
2
).
4.
Nouvelles régulations économiques.
- Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p.
3
).
Demande de priorité (p. 4 )
Demande de priorité des amendements visant à insérer des divisions et des articles additionnels après l'article 8. - M. Philippe Marini, rapporteur de la commission des finances ; Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation. - La priorité est ordonnée.
Division additionnelle avant le titre Ier (p. 5 )
Amendement n° 430 rectifié de M. Claude Saunier. - Mme Danielle Bidard-Reydet, M. le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat, MM. Paul Loridant, Gérard Delfau, Joël Bourdin, Guy Cabanel, Alain Lambert, président de la commission des finances. - Rejet.
Articles additionnels avant l'article 1er (p. 6 )
Amendement n° 431 rectifié de Mme Danielle Bidard-Reydet. - Mme Danielle
Bidard-Reydet, M. le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Rejet.
5.
Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire de Roumanie
(p.
7
).
6.
Nouvelles régulations économiques.
- Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p.
8
).
Articles additionnels avant l'article 1er (suite) (p. 9 )
Amendement n° 432 rectifié
bis
de Mme Danielle Bidard-Reydet. - MM.
Robert Bret, le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Rejet.
Amendement n° 433 rectifié de Mme Danielle Bidard-Reydet. - MM. Gérard Le Cam,
le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Rejet.
Amendement n° 434 rectifié de M. Claude Saunier. - MM. Gérard Le Cam, le
rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Rejet.
Article 1er (p. 10 )
Amendement n° 479 du Gouvernement. - Mme le secrétaire d'Etat, M. le
rapporteur. - Adoption.
Amendement n° 157 de M. Philippe Marini. - M. le rapporteur, Mme le secrétaire
d'Etat, M. Michel Charasse. - Adoption.
Amendement n° 356 de M. Gérard Cornu. - MM. Bernard Murat, le rapporteur, Mme
le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Adoption de l'article modifié.
7.
Nomination des membres de la commission spéciale chargée de vérifier et
d'apurer les comptes
(p.
11
).
Suspension et reprise de la séance (p. 12 )
8. Nouvelles régulations économiques. - Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p. 13 ).
Divisions et articles additionnels
après l'article 8
(priorité)
(p.
14
)
Amendements n°s 152 rectifié et 153 rectifié de M. Michel Charasse. - MM.
Michel Charasse, le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Retrait des deux
amendements.
Amendement n° 625 du Gouvernement. - M. le président de la commission des
finances ; Mme le secrétaire d'Etat. - Réserve.
Amendement n° 334 de M. Gérard Larcher et sous-amendement n° 611 de la
commission ; amendement n° 415 (identique à l'amendement n° 334) de M. Gérard
Delfau. - MM. Gérard Larcher, le rapporteur, Gérard Delfau, Mme le secrétaire
d'Etat. - Adoption du sous-amendement n° 611 et de l'amendement n° 334 modifié
insérant une division additionnelle, l'amendement n° 415 devenant sans
objet.
9.
Déclaration de l'urgence d'un projet de loi
(p.
15
).
Suspension et reprise de la séance (p. 16 )
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
10. Nouvelles régulations économiques. - Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p. 17 ).
Divisions et articles additionnels
après l'article 8
(priorité) (suite)
(p.
18
)
Amendement n° 335 de M. Gérard Larcher. - Adoption de l'amendement insérant une
division additionnelle.
Amendement n° 416 de M. Gérard Delfau. - Rejet.
Amendement n° 336 de M. Gérard Larcher et sous-amendement n° 612 de la
commission ; amendements n°s 417 (identique à l'amendement n° 336), 418
rectifié et 421 de M. Gérard Delfau, 448 rectifié et 450 rectifié de M. Paul
Loridant. - MM. Paul Loridant, Gérard Delfau, Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à
l'artisanat et à la consommation ; Philippe Marini, rapporteur de la commission
des finances. - Adoption du sous-amendement n° 612 et de l'amendement n° 336
modifié insérant un article additionnel, les amendements n°s 417, 448 rectifié,
418 rectifié, 450 rectifié et 421 devenant sans objet.
Amendement n° 337 de M. Gérard Larcher. - Adoption de l'amendement insérant une
division additionnelle.
Amendement n° 338 de M. Gérard Larcher et sous-amendement n° 613 de la
commission ; amendements n°s 419 (identique à l'amendement n° 338) de M. Gérard
Delfau et 449 rectifié de M. Paul Loridant. - MM. Paul Loridant, Gérard Delfau,
le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption du sous-amendement n° 613
et de l'amendement n° 338 modifié insérant un article additionnel, les
amendements n°s 419 et 449 rectifié devenant sans objet.
Amendement n° 339 de M. Gérard Larcher. - Adoption de l'amendement insérant une
division additionnelle.
Amendements n°s 340 de M. Gérard Larcher, 420 et 422 rectifié de M. Gérard
Delfau. - MM. Gérard Delfau, le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat, M. Paul
Loridant. - Adoption de l'amendement n° 340 insérant un article additionnel,
les amendements n°s 420 et 422 rectifié devenant sans objet.
Amendement n° 625
(réservé)
du Gouvernement. - Mme le secrétaire d'Etat,
MM. le rapporteur, Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis, Paul Loridant,
Gérard Delfau, Pierre Hérisson. - Rejet.
Demande de priorité (p. 19 )
Demande de priorité des amendements depuis l'article additionnel avant l'article 55 A jusqu'aux articles additionnels après l'article 70 quater. - La priorité est ordonnée.
Article 2. - Adoption (p.
20
)
Article 3 (p.
21
)
Amendement n° 158 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le secrétaire
d'Etat. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 4 (p. 22 )
Amendement n° 436 de M. Paul Loridant. - MM. Paul Loridant, le rapporteur, Mme
le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendement n° 159 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le secrétaire
d'Etat. - Adoption.
Amendement n° 160 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le secrétaire
d'Etat. - Adoption.
Amendements n°s 161 de la commission et 359 de M. Gérard Cornu. - MM. Gérard
Cornu, le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat, M. Paul Loridant. - Retrait de
l'amendement n° 359 ; adoption de l'amendement n° 161.
Amendement n° 162 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le secrétaire
d'Etat. - Adoption.
Amendements n°s 358, 357 de M. Gérard Cornu, 163 à 165 de la commission et 480
du Gouvernement. - MM. Gérard Cornu, le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. -
Retrait des amendements n°s 358 et 357 ; adoption des amendements n°s 163, 480,
164 et 165.
Amendement n° 166 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le secrétaire
d'Etat. - Adoption.
Amendement n° 167 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le secrétaire
d'Etat. - Adoption.
Amendement n° 435 de M. Paul Loridant. - MM. Robert Bret, le rapporteur, Mme le
secrétaire d'Etat. - Rejet.
Amendement n° 437 de M. Paul Loridant. - Devenu sans objet.
M. Paul Loridant.
Adoption de l'article modifié.
Article 5 (p. 23 )
Amendement n° 438 de M. Paul Loridant. - Retrait.
Adoption de l'article.
Article 6 A (p. 24 )
Amendements identiques n°s 168 de la commission et 360 de M. Gérard Cornu. - MM. le rapporteur, Gérard Cornu, Mme le secrétaire d'Etat, M. Paul Loridant. - Adoption des deux amendements supprimant l'article.
Article 6 (p. 25 )
Amendement n° 169 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le secrétaire
d'Etat, M. Jean-Jacques Hyest. - Adoption.
Amendements n°s 361 et 362 de M. Gérard Cornu. - Devenus sans objet.
Amendement n° 170 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le secrétaire
d'Etat. - Adoption.
Amendement n° 171 rectifié de la commission. - M. le rapporteur, Mme le
secrétaire d'Etat. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 6 (p. 26 )
Amendement n° 172 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Article additionnel avant l'article 7 (p. 27 )
Amendement n° 439 de M. Paul Loridant. - MM. Paul Loridant, le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Rejet.
Article 7 (p. 28 )
Amendement n° 441 de M. Paul Loridant. - Rejet.
Amendements identiques n°s 173 de la commission et 364 de M. Gérard Cornu ;
amendement n° 440 rectifié de M. Paul Loridant. - MM. le rapporteur, Gérard
Cornu, Paul Loridant, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption des amendements n°s
173 et 364, l'amendement n° 440 rectifié devenant sans objet.
Amendements identiques n°s 174 de la commission et 363 de M. Gérard Cornu. -
MM. le rapporteur, Gérard Cornu, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption des deux
amendements.
Amendement n° 476 de M. Paul Loridant. - MM. Paul Loridant, le rapporteur, Mme
le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Adoption de l'article modifié.
Articles 8 et 9. - Adoption (p.
29
)
Article 10 (p.
30
)
Amendement n° 175 de la commission. - MM. le rapporteur, Mme le secrétaire
d'Etat. - Adoption.
Amendement n° 176 de la commission. - MM. le rapporteur, Mme le secrétaire
d'Etat. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 10 (p. 31 )
Amendement n° 177 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Article 11 (p. 32 )
Amendements n°s 442 à 444 de M. Paul Loridant. - Mme Odette Terrade, M. le
rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Rejet des trois amendements.
Adoption de l'article modifié.
Renvoi de la suite de la discussion.
11.
Dépôt d'un projet de loi
(p.
33
).
12.
Transmission d'un projet de loi organique
(p.
34
).
13.
Renvoi pour avis
(p.
35
).
14.
Dépôt d'un rapport
(p.
36
).
15.
Dépôt d'un rapport d'information
(p.
37
).
16.
Ordre du jour
(p.
38
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures cinq.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES
M. le président.
J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de procéder à
la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein de deux organismes
extraparlementaires.
En conséquence, j'invite la commission des affaires économiques et du Plan à
présenter un candidat pour siéger, en qualité de suppléant, au sein du Conseil
national des transports et un candidat pour siéger, également en qualité de
suppléant, au sein du Conseil supérieur de l'aviation marchande.
Les nominations des sénateurs appelés à siéger au sein de ces organismes
extraparlementaires auront lieu ultérieurement dans les conditions prévues par
l'article 9 du règlement.
3
CANDIDATURES À LA COMMISSION SPÉCIALE
CHARGÉE DE VÉRIFIER ET D'APURER
LES COMPTES
M. le président.
L'ordre du jour appelle la nomination des membres de la commission spéciale
chargée de vérifier et d'apurer les comptes.
Conformément à l'article 8 du règlement, la liste des candidats remise par les
bureaux des groupes a été affichée.
Cette liste sera ratifiée s'il n'y a pas d'opposition dans le délai d'une
heure.
4
NOUVELLES RÉGULATIONS ÉCONOMIQUES
Suite de la discussion d'un projet de loi
déclaré d'urgence
M. le président.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi (n° 321,
1999-2000), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence,
relatif aux nouvelles régulations économiques. [Rapport n° 5 (2000-2001) et
avis n°s 4 (2000-2001), 10 (2000-2001) et 343 (1999-2000).]
Nous en sommes parvenus à la discussion des articles.
Demande de priorité
M. Philippe Marini,
rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des
comptes économiques de la nation.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Monsieur le président, je souhaiterais que soient examinés en
priorité vers seize heures trente les amendements visant à insérer des
divisions additionnelles après l'article 8 et des articles additionnels après
l'article 8. Il s'agit du débat relatif aux services bancaires.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à
l'artisanat et à la consommation.
Le Gouvernement ne s'oppose pas à cette
demande.
M. le président.
La priorité est ordonnée.
PREMIÈRE PARTIE
RÉGULATION FINANCIÈRE
Division additionnelle avant le titre Ier
M. le président.
Par amendement n° 430 rectifié, M. Saunier, Mme Bidard-Reydet, MM. Loridant,
Autexier, Bécart, Mmes Beaudeau, Borvo, MM. Bret, Fischer, Foucaud, Le Cam,
Lefebvre, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite, Renar, Mme Terrade, MM. Vergès, Auban,
Autain, Bel, Mme Bergé-Lavigne, MM. Besson, Biarnès, Bony, Boyer, Mme Campion,
MM. Carrère, Cazeau, Chabroux, Courteau, Courrière, Mme Cerisier-ben Guiga, M.
Debarge, Mmes Derycke, Dieulangard, MM. Domeizel, Dreyfus-Schmidt, Mme Durrieu,
MM. Dussaut, Fatous, Godard, Guérini, Haut, Labeyrie, Lagauche, Lagorsse, Le
Pensec, Lejeune, Marc, Madrelle, Miquel, Pastor, Penne, Peyronnet, Picheral,
Piras, Plancade, Mmes Pourtaud, Printz, MM. Roujas, Sutour, Trémel, Vidal,
Désiré, Larifla, Lise, Collin et Delfau proposent d'ajouter, avant le titre Ier
de la première partie, un titre additionnel ainsi intitulé :
« Titre... : Régulation des transactions financières. »
La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cet
amendement, largement cosigné sur l'initiative des membres du groupe ATTAC -
Association pour une taxation des transactions financières pour l'aide aux
citoyens - du Sénat, constitue l'un des premiers éléments fondamentaux du débat
qui va nous animer pendant quelques jours.
Une telle initiative a, selon nous, tout à fait sa place dans le débat sur les
nouvelles régulations économiques. En l'occurrence, il s'agit d'insérer un
titre relatif à ce que nous appelons « la régulation des transactions
financières », qui manque dans le projet de loi. Cette absence est-elle l'aveu
d'une impuissance du politique ou l'affirmation de la soumission, aujourd'hui,
du politique à l'économique ?
Pour notre part, nous croyons que la construction de la société de demain ne
peut être déterminée uniquement à l'aune du profit des investissements, en
fonction de la seule liberté de circulation des capitaux, des monnaies, des
marchandises, sur la valorisation boursière au détriment du développement des
forces créatives de l'homme, de la réponse aux besoins collectifs et sociaux,
qu'ils s'expriment dans nos sociétés développées ou ailleurs dans le monde.
Prétendre à réguler les transactions financières internationales répond à ces
exigences, d'où notre amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur.
La commission n'a aucune raison de changer d'avis par rapport
au précédent débat sur ce sujet.
Toutefois, je voudrais rappeler que, depuis le moment où nous avons évoqué la
taxe Tobin ici, au Sénat, un certain nombre d'études ont été réalisées. Je
pense en particulier au rapport qui a été transmis par le Gouvernement au
Parlement en application de l'article 89 de la loi de finances initiale pour
2000. Dans un souci de synthèse, je citerai quelques intitulés de paragraphe
auxquels correspond bien évidemment toute une argumentation précise. Je lis,
par exemple, à la page 37 : « Collecte de la taxe : la question du lieu n'est
pas résolue » et, un peu loin, je lis : « Des effects incertains, voire
contre-productifs sur le marché des changes » ; « L'efficience du marché des
changes pourrait être réduite » ; « La spéculation la plus déstabilisante ne
serait pas efficacement dissuadée ». Un peu plus loin encore, à la page 39, je
lis : « Des conséquences qui pourraient être peu favorables à l'échelle de
l'économie ». Elles se détaillent ainsi : « Une incidence problématique sur les
échanges commerciaux » ; « Un frein à la diversification internationale des
portefeuilles » ; « La hausse des coûts de transaction serait dans une large
mesure répercutée sur l'économie réelle », etc. Je vous renvoie, mes chers
collègues, à ce rapport qui n'est pas très long puisqu'il ne comprend qu'une
soixantaine de pages.
La commission des finances, quant à elle, a traité de ce sujet dans un rapport
récent, puisqu'il date du mois de février dernier, sur la régulation financière
internationale. Ce rapport a sans doute été utile puisque nous avons constaté
que le Gouvernement y a fait certains emprunts pour le présent projet de
loi.
A partir de la page 55, et là encore je cite simplement les intitulés de
paragraphes, nous évoquons « Le mirage de la taxe Tobin sur les mouvements de
capitaux » et nous qualifions ce dispositif, reprenant l'avis des économistes
que nous avons rencontrés, de « solution globale utopique ». Nous ajoutons «
l'impossibilité de mettre en oeuvre une taxe sur les mouvements de capitaux au
plan mondial », « la contrainte d'universalité paralysant toute action concrète
», et « les effets pervers d'une taxe aveugle sur les mouvements de capitaux ».
De ce point de vue, nous ne pouvons qu'être satisfaits des éléments
d'appréciation supplémentaires apportés par le rapport du Gouvernement.
Je citerai
in fine
la conclusion du paragraphe de notre rapport du mois
de février dernier dans lequel nous écrivions que « les principales crises
financières qui justifient aux yeux de ses promoteurs la création d'une taxe
Tobin ne seraient pas empêchées par celle-ci compte tenu de l'ampleur des
dévaluations qui ont eu lieu en Asie. On rappellera à cet égard que les coûts
de transaction n'ont jamais constitué un rempart efficace aux maux de
l'instabilité financière internationale. Enfin, une moindre liquidité des
marchés pourrait, en amplifiant les mouvements de panique, accroître au
contraire les risques systémiques. »
Mes chers collègues, nous avons bien compris que la taxe Tobin est une
opération de politique intérieure, que c'est une mobilisation de forces
syndicales et sociales figurant dans votre base politique et électorale et
qu'elle vous embarrasse. Nous sommes en quelque sorte un peu dans le même débat
qu'hier soir, lorsque nous examinions la motion tendant à opposer la question
préalable soutenue par M. Loridant et que Mme le secrétaire d'Etat s'efforçait
d'y répondre.
La commission des finances demeure naturellement, dans sa majorité, fermement
défavorable à ce qui n'est qu'un mirage et une opération politicienne. Elle
émet par conséquent un avis défavorable sur l'amendement n° 430 rectifié.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
M. le rapporteur de la commission des finances vient
d'intervenir avec beaucoup de fougue.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Par souci de clarté !
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Pendant très longtemps, il a été répondu de façon
théorique mais sans fondement réel à cette demande de taxe Tobin. Comme vous,
mesdames, messieurs les sénateurs, je vais souvent sur le terrain et j'entends
fréquemment avancer une telle proposition. C'est pourquoi le Gouvernement a
demandé un rapport sur la fameuse taxation des opérations de change, sur la
régulation des mouvements de capitaux, sur les conséquences de la concurrence
fiscale entre Etats, texte auquel il a largement été fait référence et sur
lequel je ne reviens donc pas.
Sur le fond, on comprend parfaitement les motivations.
Sur la forme, mon intime conviction - j'exprimerai ensuite la position du
Gouvernement - est qu'une taxe de ce type, si elle était instituée, ne
fonctionnerait pas très bien et ne permettrait donc pas au dossier de la
spéculation financière de progresser.
On a vu récemment que des spéculations ayant lieu en dehors de notre
territoire national pouvaient avoir des conséquences sur l'économie de notre
pays et priver nos salariés d'emploi. Or nous n'avons aucun recours en droit,
ni sur le territoire français ni sur le territoire européen, puisque c'est bien
au-delà que les choses se sont passées. Par conséquent, nous devons prendre en
compte la réalité des situations des acteurs économiques français et européens,
en particulier de nos salariés. La taxation proposée affecterait négativement
l'économie réelle - nous en sommes tous certains - et conduirait à réduire les
marges des exportateurs et des importateurs dont les produits sont libellés en
devises. Un certain nombre de producteurs de taille dite moyenne - je pense en
particulier aux industriels agro-alimentaires - ont d'ailleurs alerté notre
attention sur le fait qu'ils seraient aussi concernés par cette disposition.
La proposition d'une telle taxe est certes généreuse et politiquement fondée.
Mais cette taxation ne répondrait pas à vos voeux, madame Bidard-Reydet, et
pourrait devenir dangereuse. Par conséquent, pour l'instant, tant que rien n'a
été trouvé en substitution à la taxe Tobin - des débats nourris se sont
instaurés, vous le savez, au mois d'août et au début du mois de septembre sur
ce sujet -, une telle taxation ne paraît pas judicieuse. Aujourd'hui, nous
considérons qu'une efficacité accrue et beaucoup de cohérence sont nécessaires
pour réguler le système monétaire et financier international. C'est pourquoi
nous avons toujours proposé des orientations nous semblant fiables.
J'insisterai sur quelques grandes orientations : il nous paraît indispensable
de définir et de mettre en oeuvre un principe de libéralisation financière
ordonnée des mouvements de capitaux ; il faut accélérer et renforcer la lutte
contre la spéculation internationale en éliminant ce que l'on appelle les «
trous noirs » de la finance internationale et en luttant contre la délinquance
financière ; il importe de favoriser la coopération monétaire régionale, à
l'instar de ce qui a été fait en Europe, et d'engager une réelle coordination
entre les trois principales zones monétaires, ce qui me semble porteur de
beaucoup d'espoirs pour nos systèmes ; enfin, il faut renforcer le rôle du FMI
dans la régulation du système financier international et faire en sorte que son
comité monétaire et financier international devienne une véritable instance
politique d'orientation et de décision.
Sur ce dernier point, des visites récentes, telle celle du président du Mali
voilà quelques jours, nous ont montré que c'est sur ce dernier point que les
pays connaissant le plus de difficultés par rapport à la spéculation financière
internationale nous demandent d'oeuvrer en priorité.
Le Gouvernement compte agir sur la base des orientations que je viens de
définir, tant au sein de l'Union européenne - nous avons de grandes
négociations à mener et il nous faut être plus forts que nous ne le sommes
aujourd'hui - que dans les négociations internationales. Nous devons, en effet,
arriver dans les enceintes financières internationales avec des positions
européennes dures pour atteindre les objectifs que nous partageons avec vous :
maîtriser certes les comportements spéculatifs sur les marchés financiers, mais
en nous dotant de moyens plus efficaces que ceux que pourrait procurer la taxe
que vous proposez d'instaurer.
Sans vouloir heurter ses défenseurs, j'ai mis en garde contre le risque de se
faire plaisir en votant une taxe Tobin sans toutefois obtenir aucun résultat
par rapport à la spéculation financière. Les discussions que nous avons
récemment menées à l'occasion de la présidence française avec les représentants
des pays en voie de développement ont montré que nous sommes sur la même
longueur d'ondes face à ce sujet. Nos propositions sont certes plus complexes,
plus difficiles à expliquer, et donc moins lisibles. Mais je reste intimement
convaincue que, dans la négociation qui s'ouvre au sein des instances
internationales, tant pour nous-mêmes, sur le territoire européen, que pour les
pays en voie de développement, c'est cette voie du réalisme et de l'efficacité
que nous devons choisir.
Je comprends votre position, madame Bidard-Reydet, parce que je sais que
nombre de petites et moyennes entreprises de ce pays se disent victimes de
cette spéculation à laquelle elles n'ont pas les moyens de résister. Il s'agit
donc d'un vrai dossier, qu'il faut considérer avec réalisme et construire. Si
j'avais accepté l'instauration de la taxation que vous souhaitez, j'aurais eu
l'impression de classer le dossier sans résultat, ce que je ne peux pas
faire.
J'émets donc un avis défavorable sur l'amendement n° 430 rectifié. Mais je
vous remercie de la qualité de votre intervention, madame Bidard-Reydet.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 430 rectifié.
M. Paul Loridant.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant.
Voilà beaucoup d'honneur fait à cet amendement n° 430 rectifié, dont l'objet
n'est, je le rappelle, que d'ajouter dans le projet de loi un titre ainsi
intitulé : « Régulation des transactions financières » !
Vous savez, pour m'avoir entendu le dire, que je ne suis pas un adepte de la
régulation en tant que telle ; je suis plutôt pour une réglementation. La
portée est cependant symbolique.
La réponse apportée par M. le rapporteur n'est pas à la hauteur des enjeux
puisqu'il s'agit bien de reconnaître qu'il y a des transactions financières sur
les marchés financiers mondiaux, que ces transactions ont un caractère
erratique, qu'elles perturbent le fonctionnement des économies réelles et les
économies des pays du Sud comme ceux du Nord. Le simple fait de vouloir ajouter
un titre additionnel en rappelant cela soulève des réprobations, en tout cas un
refus tout net.
Nous savons certes les uns et les autres, y compris au sein du groupe
communiste républicain et citoyen, que la taxe Tobin n'est pas facile à mettre
en oeuvre. Mais notre amendement invite les hommes politiques à reconnaître que
l'économie ne peut pas se passer de règle : de temps en temps, il faut que le
politique fixe un cadre.
Pour l'instant, il s'agit seulement d'un titre, mais je vois que cela soulève
à nouveau les passions et l'hostilité des grands libéraux. Eh bien, dont acte
!
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Et le Gouvernement ? Il ne vous
a pas donné un avis favorable !
M. Gérard Delfau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau.
La diatribe, jubilatoire d'ailleurs, du rapporteur général de la commission
des finances m'a rappelé - au fond, il en sera sans doute personnellement
flatté - les grandes envolées, ici même, dans cette assemblée, à la fin du
siècle dernier, quand il était question de la journée de huit heures,...
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Je n'étais pas encore né !
M. Guy Cabanel.
Si ce n'est toi, c'est donc ton frère !
(Sourires.)
M. Gérard Delfau.
... quand il était question,
horresco referens,
de créer l'impôt sur le
revenu, puis l'impôt sur le capital, les deux étant déjà liés, et de mettre en
place un arbitrage international pour lutter contre les conflits militaires.
Pourtant, des parlementaires, pas seulement à gauche d'ailleurs - il faut le
rappeler - se sont levés et ont soutenu, pas seulement pour les forces
syndicales représentant plus largement les masses populaires, ces idées,
lesquelles, progressivement, sont devenues réalité après maintes batailles, et
parfois, d'ailleurs, quelques événements sanglants.
Monsieur le rapporteur, votre réaction ne fait que confirmer ma propre
détermination : même si les temps ne sont pas mûrs, l'idée, elle, est en train
de se cristalliser à l'échelle internationale ; le moment viendra où il y aura
effectivement une régulation planétaire, parce qu'il y va de l'intérêt
économique de l'ensemble du monde et parce que, en outre, la justice le
commande.
Evidemment, il ne suffit pas d'avoir une pespective à moyen terme ; il faut
revenir au court terme. Je voudrais, de ce point de vue, avant de parler de la
position du Gouvernement, rappeler tout de même quelques événements récents.
Seattle, cela vous dit quelque chose ! Prague,...
M. Philippe Marini,
rapporteur.
C'est une belle ville !
(Sourires.)
M. Gérard Delfau.
... cela vous a directement concernés ! D'ailleurs, j'ai noté, dans la presse
conservatrice, que l'on mettait en avant, comme toujours, les anarchistes. Mais
qui est la cause de la radicalisation d'une partie des militants pour un ordre
économique international ?
M. Philippe Marini,
rapporteur.
C'est le mur d'argent !
M. Gérard Delfau.
Où sont les responsables, si ce n'est parmi les politiques des nations
développées qui ne prennent pas en charge les aspirations profondes des peuples
?
Aussi, même si, aujourd'hui, toutes les objections qui nous sont faites nous
montrent que les temps ne sont pas mûrs, même si, je le reconnais, le
Gouvernement est face à un réseau de contradictions...
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
C'est sympathique...
M. Gérard Delfau.
... et tente par ailleurs courageusement, lucidement, y compris par ce texte
que la majorité sénatoriale va repousser, de faire avancer un certain nombre de
mécanismes, de limiter un certain nombre d'errements, il faut que, dans cette
enceinte - et cela n'a rien de politicien, croyez-moi -, des sénateurs disent
les choses parce que, un jour, qui n'est peut-être pas si lointain que vous le
croyez, ces idées deviendront réalité.
M. Joël Bourdin.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Bourdin.
M. Joël Bourdin.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'ai
l'impression que la minorité du Sénat veut nous donner mauvaise conscience.
(M. Delfau s'exclame.)
En effet, il y a deux problèmes qui sont liés : celui de la taxe Tobin et de
l'imposition du mouvement des capitaux et celui de l'utilisation du produit de
cette taxe pour l'aide aux pays du tiers-monde.
J'ai le sentiment que l'on veut faire croire que nous sommes des suppôts d'un
système du xixe siècle admettant tout à fait la paupérisation d'un certain
nombre de pays. Or ce n'est pas le cas.
Nous sommes ici face à un amendement qui n'est pas réaliste, qui n'est pas
adapté, qui ne peut pas être appliqué. Que l'on vienne à l'aide des pays du
tiers-monde, oui, mais en leur permettant d'avoir un véritable système
monétaire et des monnaies convertibles par des accords, et non pas par le moyen
qui nous est proposé. Nous sommes donc prêts à prendre des initiatives, à
formuler des propositions - pas dans le cadre de ce texte, bien sûr -, mais
ôtez-vous de l'esprit que, si nous sommes contre la taxe Tobin, c'est parce que
nous voudrions que le mal se répande sur cette Terre. C'est tout le contraire !
Nous sommes contre la taxe Tobin parce qu'elle n'est pas applicable, comme l'a
très bien dit M. le rapporteur général.
M. Guy Cabanel.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Cabanel.
M. Guy Cabanel.
Rassurez-vous, mes chers collègues, je ne voterai pas aujourd'hui la taxe
Tobin, mais je voudrais quand même exprimer quelques sentiments nuancés
vis-à-vis de cet enterrement allègrement conduit par M. le rapporteur et par
vous-même, madame le secrétaire d'Etat, presque main dans la main, pour jeter à
la fosse commune cette proposition.
L'utopie de James Tobin - l'utopie double, comme vient de le dire notre
collègue Joël Bourdin - a, depuis une vingtaine d'années, soulevé bien des
espoirs, qu'il s'agisse de réguler des mouvements de capitaux qui, erratiques,
entraînaient parfois de grands désordres monétaires, comme ceux que l'on a
connus en Asie assez récemment, ou de féconder, en quelque sorte, le tiers
monde et d'obtenir un développement harmonieux par un prélèvement - limité -
sur ces mouvements de capitaux.
Cette utopie mérite notre respect. Peut-être par péché de jeunesse, nous avons
d'ailleurs été un certain nombre à la défendre. Toutefois, aujourd'hui, pour la
mettre en place, il faudrait un système monétaire international bien régulé et
bien unifié, de telle manière que la mesure soit parfaitement appliquée sans
aucune échappatoire possible, sans aucun risque de corrompre, en quelque sorte,
le système.
Quoi qu'il en soit, la mondialisation va nous conduire irrémédiablement à de
telles solutions et, ne nous y trompons pas, même l'OMC, tant critiquée à
Seattle comme ailleurs, sera peut-être un jour obligée d'envisager un tel
dispositif.
Et, si nous enterrons aujourd'hui - un peu allègrement pour certains,
peut-être avec un petit pincement au coeur pour d'autres - la taxe en question,
nous n'avons donc pas le droit d'oublier tout le mérite de l'utopie de James
Tobin.
(Très bien ! et applaudissements sur certaines travées socialistes
ainsi que sur certaines travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Monsieur le président, je veux
dénoncer ici une forme de débat qui pourrait confiner à l'hypocrisie.
Mes chers collègues, nous élaborons la norme législative. Or la proposition
faite par le groupe communiste républicain et citoyen...
M. Gérard Delfau.
Pas seulement ! Elle émane aussi de personnes siégeant sur d'autres travées
!
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
... a fait l'objet d'une
réponse du Gouvernement qui n'est pas favorable. Et voilà que le groupe en
question, avec nos collègues du groupe socialiste...
M. Marc Massion.
Pas tous ! Seulement certains !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
... appuient leurs propos sur
la réponse de M. le rapporteur.
Dans ces conditions, mes chers collègues, essayez d'abord de clarifier vos
relations avec le Gouvernement !
(Murmures sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
La majorité sénatoriale n'est en effet pas chargée d'organiser la coordination
de vos relations avec le Gouvernement !
(Applaudissements sur les travées de
l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Heureusement que le Sénat empêche les dérives qui pourraient découler de
l'absence de cohérence de votre majorité ! Combien de concessions le
Gouvernement n'est-il pas obligé de faire !
(Exclamations sur les travées
socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Cela ne vous est jamais arrivé, à vous ?
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
La réponse de Mme le secrétaire
d'Etat a été tellement diplomatique que l'on finit par ne plus savoir si l'avis
du Gouvernement est favorable ou défavorable !
Par son attitude, la majorité sénatoriale permet donc d'éviter que l'on donne
force de loi à une disposition inapplicable. Si le Sénat n'était pas là, votre
majorité plurielle produirait des monstruosités juridiques qui affecteraient
gravement l'économie de notre pays !
(Protestations sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Jean Delaneau.
Ils se défoulent de ce qu'ils ne peuvent pas faire à l'Assemblée nationale
!
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Pardonnez-moi d'allonger les débats, mais j'ai eu
l'impression d'être citée plusieurs fois.
M. le président.
Ne le prenez pas mal, madame le secrétaire d'Etat : cela va arriver tout
l'après-midi !
(Sourires.)
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Très honnêtement, monsieur le président, cela me fait
plutôt plaisir ! Il importe cependant de ne pas se laisser piéger. Mais
personne ici, je le pense, ne se laisse piéger !
La mondialisation provoque aujourd'hui un mouvement extrêmement fort et
j'entends bien les réactions des divers intervenants. Pour ce qui me concerne,
j'ai présenté un certain nombre de propositions et d'ouvertures tout à l'heure,
qui seront sûrement entendues par la suite. Toutefois, à l'heure actuelle, nous
sommes confrontés à une contradiction profonde : d'une part, nous savons que le
système ne peut fonctionner que s'il est mondialement accepté - s'il n'est pas
d'abord européen puis accepté dans les négociations internationales, nous nous
serons fait plaisir, mais cela ne fonctionnera pas - et, d'autre part, nous
assistons au rejet des structures de régulation.
J'ai rencontré un certain nombre de groupes - dont celui qui a été cité tout à
l'heure - à Bologne, lors de l'offensive contre l'OCDE. Et je puis vous dire
que nous ne réussirons cette régulation internationale que si nous savons
redonner sa place au politique dans les organismes internationaux. Je pense,
bien sûr, à l'OMC, mais aussi au FMI et à une certain nombre d'organismes de
régulation de ce type, qui ont été mis en place avec des cahiers de charge
extrêmement précis mais qui, petit à petit, ont quitté le monde de la politique
pour passer au monde de la structure et vivre un peu en autarcie.
Nous sommes assez intimement convaincus qu'il faut remettre de la politique
dans les organismes internationaux, avoir une position européenne forte pour
pouvoir parler au niveau de l'OMC, en particulier. Tel est bien l'objectif du
Gouvernement, qui a d'ailleurs été récemment rejoint par plusieurs pays, et
nous avons à cet égard entendu quelques déclarations surprenantes - mais
bienvenues - de nos collègues du Canada.
Je pense que les choses évoluent, mais que la taxe Tobin, aujourd'hui, n'est
pas la réponse, et je suis désolée que vous estimiez que je me noie dans ma
réponse. Non ! Je suis intimement convaincue que la régulation internationale a
besoin de politique, mais que, si la France instituait toute seule la taxe
Tobin, elle ferait peut-être reculer cette négociation internationale dont nous
avons tant besoin et dont sont demandeurs les pays en voie de développement.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 430 rectifié, repoussé par la commission et
par le Gouvernement.
M. Marc Massion.
Le groupe socialiste s'abstient.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Articles additionnels avant l'article 1er
M. le président.
Par amendement n° 431 rectifié, Mme Bidard-Reydet, MM. Loridant, Saunier,
Autexier, Bécart, Mmes Beaudeau, Borvo, MM. Bret, Fischer, Foucaud, Le Cam,
Lefevbre, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite, Renar, Mme Terrade, MM. Vergès, Auban,
Autain, Bel, Mme Bergé-Lavigne, MM. Besson, Biarnès, Bony, Boyer, Mme Campion,
MM. Carrère, Cazeau, Chabroux, Courteau, Courrière, Mme Cerisier-ben Guiga, M.
Debarge, Mmes Derycke, Dieulangard, MM. Domeizel, Dreyfus-Schmidt, Mme Durrieu,
MM. Dussaut, Fatous, Godard, Guérini, Haut, Labeyrie, Lagauche, Lagorsse, Le
Pensec, Lejeune, Marc, Madrelle, Miquel, Pastor, Penne, Peyronnet, Picheral,
Piras, Plancade, Mmes Pourtaud, Printz, MM. Roujas, Sutour, Trémel, Vidal,
Désiré, Larifla, Lise, Collin et Delfau proposent d'insérer avant l'article
1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 985 du code général des impôts, il est inséré un article 985
bis
ainsi rédigé :
«
Art. 985
bis. - Il est institué une taxe spéciale sur les opérations,
au comptant ou à terme, portant sur les devises, dont le taux est fixé à 0,05
%.
« Sont exonérées de cette taxe les opérations afférentes :
« - aux acquisitions ou livraisons intracommunautaires ;
« - aux exportations ou importations de biens et services ;
« - aux investissements directs au sens du décret n° 89-938 du 29 décembre
1989 modifié réglementant les relations financières avec l'étranger ;
« - aux opérations de change réalisées par les personnes physiques et dont le
montant est inférieur à 300 000 francs ;
« La taxe est due par les établissements de crédit, les institutions et les
services mentionnés à l'article 8 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984
relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit, les
entreprises d'investissement visées à l'article 7 de la loi du 2 juillet 1996
de modernisation des activités financières et par les personnes physiques ou
morales visées à l'article 25 de la loi n° 90-614 du 12 juillet 1990 relative à
la participation des organismes financiers à la lutte contre le blanchiment de
capitaux provenant du trafic de stupéfiants.
« La taxe spéciale est établie, liquidée et recouvrée sous les mêmes garanties
et sanctions que le prélèvement mentionné à l'article 125 A.
« Elle est due pour les opérations effectuées à compter de la promulgation de
la loi n° ... du ... relative aux nouvelles régulations économiques.
« Un décret fixe les modalités d'application du présent article. »
Madame Bidard-Reydet, peut-être pourrions-nous considérer que vous avez déjà
exposé cet amendement ?
(Mme Bidard-Reydet fait un signe de
dénégation.)
Je vous rappelle que nous devons examiner quelque 600 amendements. Pour
reprendre l'expression de M. Delfau, si chacun se livre à des diatribes
jubilatoires, nous en avons pour un moment !
La parole est donc à Mme Bidard-Reydet, pour exposer cet amendement n° 431
rectifié.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Monsieur le président, vous aurez observé que notre groupe n'a pas participé à
ces diatribes jubilatoires !
Cela étant, s'agissant de l'amendement n° 430 rectifié dont nous venons de
débattre, un intervenant a considéré qu'il ne constituait pas un sujet
d'actualité !
C'est bien sûr un sujet d'actualité, et les différentes interventions le
prouvent, de même que le prouvent chaque jour les conséquences très graves de
la spéculation financière sur le marché du travail et sur l'emploi : ce
problème est au coeur de la difficulté de vivre de beaucoup de nos concitoyens
et de leur angoisse par rapport au lendemain !
Par ailleurs, si cette question touche la France, elle touche désormais aussi
l'Europe et, au-delà, l'ensemble de la planète.
Enfin, notre collègue M. Bourdin a invoqué l'absence de réalisme de
l'amendement n° 430 rectifié, estimant qu'il ne serait pas applicable. Or, ces
arguments, nous les avons déjà entendus lorsqu'il s'est agi de supprimer le
travail des enfants ! Donc, je crois qu'en la matière il faut se montrer un peu
plus modeste...
J'en viens maintenant à l'amendement n° 431 rectifié, dont l'objet est
d'instituer une taxe sur les mouvements de capitaux au taux - il me paraît
nécessaire de le rappeler - de 0,05 %.
Première observation : cet amendement vise assez nettement à définir le champ
d'application de cette taxe car il exclut concrètement la plupart des
opérations menées par les particuliers en leur nom propre. Il tend donc à
répondre à une première interrogation quant à la portée réelle de la mesure que
nous préconisons, en la recentrant très précisément sur les acteurs effectifs
des marchés financiers.
Seconde observation qui vaut d'ailleurs pour d'autres débats que nous
pourrions avoir dans les prochains mois : la naissance de l'euro n'a pas
ralenti, loin de là, la vivacité de la spéculation monétaire ; bien au
contraire, et les mouvements observés sur les devises ont sans doute gagné une
vigueur nouvelle, comme l'illustre assez clairement la poussée observée tant
sur le dollar que sur le yen, principales monnaies concurrentes de l'euro,
aujourd'hui, sur le marché international des changes.
Ce sont donc des sommes et des masses financières toujours plus importantes
qui sont échangées sur les marchés de devises tous les jours, et pour des
mouvements dont la densité et l'acuité vont sans cesse croissant.
Troisième observation : un rapport parlementaire récent, auquel il a été fait
allusion tout à l'heure et qui faisait suite à l'adoption en ce sens d'un
article de la loi de finances, paraît avoir conclu à la difficulté de la mise
en oeuvre d'une telle taxation des transactions monétaires.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
C'est un rapport du Gouvernement
!
Mme Danielle Bidard-Reydet.
L'une des conditions nécessaires pour cette mise en oeuvre - un large accord
international sur le sujet - ne semble en effet pas réunie aujourd'hui, et cela
permet à certains de justifier le report à une période ultérieure qui ne
serait, bien sûr, pas identifiée.
Devons-nous pour autant nous accommoder d'une telle situation ? Nous ne le
pensons pas, et je remercie Mme la secrétaire d'Etat d'avoir insisté sur ce
point.
Il nous semble que nous entrons là dans un débat assez fondamental : la
volonté politique, selon qu'elle est portée par un gouvernement ou par une
assemblée parlementaire, doit-elle reculer, baisser les bras, en quelque sorte,
devant une difficulté, ou permettre une réflexion collective pour l'affronter
directement et trouver les moyens de la résoudre ?
Il est temps de rendre au politique - vous l'avez dit, madame la secrétaire
d'Etat -, parce qu'il est porteur d'une aspiration largement partagée, toute sa
force et de rompre ainsi avec une soumission que l'on observe face à
l'inexorable loi du marché.
Tel est le sens de cet amendement.
Il est citoyen, parce qu'il appelle à la mise à contribution de ceux qui
peuvent aider à mobiliser des ressources pour le bénéfice le plus large de la
collectivité. En l'espèce, la citoyenneté va de pair avec la justice, et cela
est tout à fait indispensable.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur.
J'en ai déjà fait état lors de l'examen du précédent
amendement car, au-delà du titre, j'avais abordé le contenu et, si nous étions
en désaccord sur l'intitulé, c'est parce qu'il ne nous aurait pas semblé utile
de voter une division et de ne rien mettre dedans.
Nous en venons donc maintenant à la substance même de la proposition qui nous
est faite.
Sans allonger inutilement notre débat, je voudrais m'efforcer de placer notre
collègue Mme Bidard-Reydet et son groupe devant quelques-unes de leurs
contradictions.
Vous nous dites en substance qu'il faut plus de régulation internationale, et
donc des organisations internationales plus fortes. Mais qui s'oppose avec
continuité et persévérance à l'euro, à la monnaie unique, à la zone euro, à
l'Union européenne en tant que construction institutionnelle politique, sinon
le parti dont vous êtes l'élue, et qui d'ailleurs n'est pas seul puisqu'il est
accompagné de quelques autres à ce sujet ?
Vous nous dites aujourd'hui qu'il faut plus d'Europe, qu'il faut une position
unanime des pays européens. Cela va-t-il se produire par génération spontanée,
ou cela ne devrait-il pas, dans votre esprit, se produire par une construction
politique ? Or vous êtes contre la construction politique ! C'est une première
contradiction que je voulais relever.
En second lieu, vous êtes contre l'euro, mais, lorsque l'euro n'existait pas,
chaque monnaie nationale pouvait être attaquée par l'ensemble des opérateurs du
monde entier ! Si nous avions, dans ce pays, les contraintes d'une monnaie dite
forte avec des taux d'intérêt élevés et ce qui en résulte pour une économie
trop peu dynamique, c'est bien parce que nous devions défendre notre monnaie
contre ce que l'on appelle d'un terme un peu facile - mais acceptons-le - la
spéculation monétaire internationale !
Depuis qu'il y a l'euro, on ne spécule plus contre le franc, contre le mark,
la peseta ou la lire italienne. Nous avons donc gagné en sécurité, nous avons
diminué l'ampleur des mouvements spéculatifs de capitaux.
Vous nous dites que l'euro fluctue. Mais, madame Bidard-Reydet, c'est là le
lot de toutes les monnaies, sauf à être dans un système de prix administrés où
l'on décrète la valeur d'une monnaie, comme ce fut autrefois le cas dans
certains pays que je n'oserai pas nommer, mais dont le souvenir est
certainement bien présent à votre esprit. Et même dans ces pays où l'on
décrétait un cours officiel, vous savez bien que tout arrivant étranger était
assailli par quantité de changeurs qui venaient lui proposer le change au cours
réel et non au cours officiel. Bref, l'euro a créé un espace de sécurité.
Vous nous dites aussi qu'aujourd'hui l'euro baisse. Mais vous oubliez de dire
que cela a eu une incidence très favorable sur le développement des activités
des entreprises. C'est encore une contradiction que je voulais relever.
Enfin, vous êtes aux côtés de tous les groupements dits de la société civile
ou ONG, par exemple, qui, dans le monde entier, font campagne non seulement
pour cette taxe Tobin mais en même temps contre les organisations
intergouvernementales mondiales.
Reprenant, à cet égard, l'argumentation très juste et très opportune de Mme le
secrétaire d'Etat, je dirai que, pour être cohérent avec soi-même, il faut -
même si l'on veut que ses procédures, ses méthodes, ses modes de décision
évoluent - soutenir le Fonds monétaire international, soutenir les institutions
de Bretton Woods, soutenir l'Organisation mondiale du commerce.
Or, ce sont bien vos amis, madame Bidard-Reydet, qui, à Prague, dernièrement,
manifestaient avec des drapeaux rouges, et même avec des faucilles et des
marteaux.
(Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
Mais c'est un fait !
(Protestations sur les mêmes travées.)
Cela s'est passé à Prague il y a
quelques semaines.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
C'étaient les seuls drapeaux
disponibles !
(Sourires.)
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Mais votre réaction prouve-t-elle que vous avez à rougir de
ce drapeau ? En êtes-vous honteuse, madame ?
(Mme Danielle Bidard-Reydet s'exclame.)
Alors, si vous y croyez encore, ce qui est votre droit, n'ayez pas cette
réaction !
Il y a donc une totale contradiction entre votre position aux côtés de
l'association ATTAC à la fois pour la taxe Tobin et contre les organisations
intergouvernementales mondiales, contre l'Organisation mondiale du commerce,
qui s'efforce d'apporter une régulation mondiale, contre le Fonds monétaire
international et les institutions de Bretton Woods.
Votre dispositif, qui n'est pas acceptable sur le plan technique, qui découle
d'une démarche intellectuelle totalement ambiguë, me semble participer de ce
climat d'hypocrisie convenue qui apparaît aujourd'hui comme l'une des données
de base du débat politique. Si nos concitoyens se désintéressent du débat
politique, peut-être est-ce parce qu'ils en ont assez de ces clichés qui n'ont
rien à voir avec la réalité,...
MM. Pierre Hérisson et Aymeri de Montesquiou.
C'est vrai !
M. Philippe Marini,
rapporteur.
... ni d'aujourd'hui, ni d'ici, ni d'ailleurs, ni,
a
fortiori,
de demain ! En effet, même s'ils ne sont pas tous - on peut le
comprendre ! - très ferrés à glace ou compétents techniquement sur le sujet,
ils savent reconnaître la langue de bois et la recherche sincère de la
réalité.
De grâce, chers collègues, cessons de faire ce type de propositions qui ne
font en rien avancer les débats. Tel est, en tout cas, le point de vue de la
commission des finances, qui ne peut que réitérer son avis très défavorable à
cette initiative.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Pour ne pas allonger les débats, et parce qu'il s'agit
du même sujet que précédemment, je me contenterai de dire que le Gouvernement
est défavorable à cet amendement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 431 rectifié.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Monsieur le rapporteur, je veux vous dire très sereinement qu'à vous entendre
j'ai eu vraiment l'impression que vous n'aviez pas du tout écouté
l'argumentaire que j'ai développé, et qui avait un grand nombre de
signataires.
J'ai également eu l'impression - je crois n'avoir pas été la seule - qu'en
vous adressant à moi vous répondiez à vos propres interrogations, je dirai même
à vos propres angoisses.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Il n'en a guère ; ce n'est pas
dans sa nature !
(Sourires.)
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Enfin, j'ai remarqué que, dans votre réponse, il y avait de grands absents, à
savoir ces travailleurs qui, chaque jour, apprennent que leur entreprise, qui
fait pourtant des bénéfices extraordinaires, va supprimer des emplois, que
dorénavant ils seront au chômage. Voilà le coeur du problème, monsieur Marini !
Je ne sais pas si en parler, c'est employer la langue de bois, mais ce que je
peux dire, c'est que vous, vous l'ignorez totalement.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 431 rectifié, repoussé par la commission et
par le Gouvernement.
M. Marc Massion.
Le groupe socialiste s'abstient.
(L'amendement n'est pas adopté.)
5
SOUHAITS DE BIENVENUE
À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE
DE ROUMANIE
M. le président.
Mes chers collègues, j'ai le très grand plaisir de saluer la présence, dans
notre tribune officielle, d'une délégation de Roumanie venue inaugurer en
France l'exposition « 150 ans de relations parlementaires franco-roumaines »,
conduite par M. Ion Diaconescu, président de la Chambre des députés de
Roumanie, et reçue pour un entretien par M. Christian Poncelet, président du
Sénat.
Nous sommes particulièrement sensibles à l'intérêt et à la sympathie qu'ils
portent à notre institution, et je saisis cet instant pour me féliciter de
l'excellence des relations qui unissent la France et la Roumanie.
Cette délégation est accompagnée par notre collègue Henri Revol, président de
notre groupe d'amitié.
Au nom du Sénat de la République, je leur souhaite la bienvenue et je forme
des voeux pour que leur séjour en France contribue à renforcer les liens
d'amitié entre nos pays.
(Mme le secrétaire d'Etat, Mmes et MM. les
sénateurs se lèvent et applaudissent.)
6
NOUVELLES RÉGULATIONS ÉCONOMIQUES
Suite de la discussion d'un projet de loi
déclaré d'urgence
M. le président.
Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée
nationale après déclaration d'urgence, relatif aux nouvelles régulations
économiques.
Articles additionnels avant l'article 1er (suite)
M. le président.
Par amendement n° 432 rectifié
bis,
Mme Bidart-Reydet, MM. Loridant,
Saunier, Autexier, Bécart, Mmes Beaudeau, Borvo, MM. Bret, Fischer, Foucaud, Le
Cam, Lefevbre, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite, Renar, Mme Terrade, MM. Vergès,
Auban, Autain, Bel, Mme Bergé-Lavigne, MM. Besson, Biarnès, Bony, Boyer, Mme
Campion, MM. Carrère, Cazeau, Chabroux, Courteau, Courrière, Mme Cerisier-ben
Guiga, M. Debarge, Mmes Derycke, Dieulangard, MM. Domeizel, Dreyfus-Schmidt,
Mme Durrieu, MM. Dussaut, Fatous, Godard, Guérini, Haut, Labeyrie, Lagauche,
Lagorsse, Le Pensec, Lejeune, Marc, Madrelle, Miquel, Pastor, Penne, Peyronnet,
Picheral, Piras, Plancade, Mmes Pourtaud, Printz, MM. Roujas, Sutour, Trémel,
Vidal, Weber, Désiré, Larifla, Lise, Collin et Delfau proposent d'insérer,
avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le dernier alinéa (8°) de l'article 980
bis
du code général des
impôts est supprimé. »
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret.
Cet amendement, déposé par les membres de notre groupe, mais aussi par des
collègues du groupe socialiste et du RDSE, porte sur la question de
l'application du droit de timbre sur les opérations de bourse pour les
opérations menées par les non-résidents.
On sait que, depuis l'adoption d'un article dans le cadre de la loi du 31
décembre 1993 portant diverses dispositions relatives à la Banque de France, à
l'assurance, au crédit et aux marchés financiers, une disposition permet la
mise en oeuvre de cette exonération fiscale.
Dans les faits, quand on y regarde d'un peu plus près, une telle mesure est
plus que discutable.
Cet amendement tend à revenir sur la réalité de ces dispositions, dont il
apparaît, à l'examen, qu'elles ont, pour l'essentiel, favorisé la diffusion
assez large de la propriété de nombreuses entreprises françaises à l'étranger
et qu'elles ont validé des opérations d'optimisation fiscale menées par
quelques initiés jouant de leur qualité de non-résidents en leur nom propre ou
derrière l'écran d'une personne morale de circonstance, leur permettant ainsi
de disposer d'une exemption complémentaire.
Au-delà des divergences traditionnelles dans cette Haute Assemblée - on en a
encore eu un exemple, voilà un instant - la question se pose : pourquoi tant de
sollicitude et d'attention pour le traitement fiscal de ces transactions ?
Pourquoi tant de prévenance ? Madame la secrétaire d'Etat, comment le
Gouvernement peut-il décemment laisser en l'état une législation dont le
précédent gouvernement s'est fait - c'est le cas de le dire - le porteur ?
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur.
La commission n'est pas favorable à cet amendement.
La mesure aurait pour effet de détourner de la France d'importants flux
d'investissement. De caractère discriminatoire, elle irait à l'encontre des
objectifs visés par ses auteurs.
Soucieux de participer à la recherche et à la réflexion de ces derniers, je
leur suggérerai, pour aboutir à ce que le contrôle des entreprises françaises
cotées en bourse soit plus souvent exercé par des capitaux français, de
soutenir les propositions de création de fonds de pension en France. En effet,
ceux-ci me semblent être de nature à drainer l'épargne capitalisée des actifs
pour, à la fois, préparer les retraites, ou une partie des retraites, des
futurs retraités et participer vraiment au contrôle des grandes entreprises
françaises. Il est vrai que 40 % à 50 % de la capitalisation des principales
entreprises cotées françaises sont aujourd'hui détenus par des investisseurs
étrangers, ce qui est de nature à poser, à terme, de réels problèmes.
L'objectif visé mérite donc l'attention sur nombre de travées, mais, comme la
méthode proposée n'est pas acceptable, peut-être faut-il réfléchir à autre
chose !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
La proposition rapportée par M. Bret induit le même
type de débat que précédemment.
La suppression de l'exonération dont bénéficient actuellement les personnes
établies hors de France aurait davantage pour effet de délocaliser l'opération
d'entremise que de soumettre les investisseurs étrangers à cet impôt.
M. Bret a lui-même évoqué les écrans. Il sait fort bien que, s'il existe une
taxe spécifique sur la place bancaire française, on peut très rapidement aller
acheter ailleurs avec son écran et qu'il est très difficile - nous devons être
très vigilants - de savoir d'où partent réellement les ordres d'achat et les
ordres de vente. Actuellement, donc, ces ordres d'achat ou de vente peuvent
partir du territoire français et passer par un courtier situé hors du
territoire français, d'où des problèmes de taxation.
Nous venons d'ailleurs de mettre en place, avec les services de la DGCCRF, la
direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression
des fraudes, un système de surveillance en ligne, précisément pour voir comment
s'organisent certains transferts rapides.
Sur le fond, la position défendue est parfaitement compréhensible mais, si
nous perdons un certain nombre de transactions sur la place de Paris, nous
perdrons en même temps de la TVA, si bien que nous perdrons plus de recettes
que nous n'en créerons.
C'est donc par réalisme que nous n'acceptons pas cet amendement, même si nous
sommes conscients que se pose là un vrai problème de la taxation du capital.
M. Michel Charasse.
C'est comme l'existence de Jésus-Christ, on n'en sortira jamais !
(Sourires.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 432 rectifié
bis
, repoussé par la
commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 433 rectifié, Mme Bidard-Reydet, MM. Loridant, Saunier,
Autexier, Bécart, Mmes Beaudeau, Borvo, MM. Bret, Fischer, Foucaud, Le Cam,
Lefevbre, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite, Renar, Mme Terrade, MM. Vergès, Auban,
Autain, Bel, Mme Bergé-Lavigne, MM. Besson, Biarnès, Bony, Boyer, Mme Campion,
MM. Carrère, Cazeau, Chabroux, Courteau, Courrière, Mme Cerisier-ben Guiga, M.
Debarge, Mmes Derycke, Dieulangard, MM. Domeizel, Dreyfus-Schmidt, Mme Durrieu,
MM. Dussaut, Fatous, Godard, Guérini, Haut, Labeyrie, Lagauche, Lagorsse, Le
Pensec, Lejeune, Marc, Madrelle, Miquel, Pastor, Penne, Peyronnet, Picheral,
Piras, Plancade, Mmes Pourtaud, Printz, MM. Roujas, Sutour, Trémel, Vidal,
Weber, Désiré, Larifla, Lise, Collin et Delfau proposent d'insérer avant
l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les deux derniers alinéas de l'article 978 du code général des impôts sont
supprimés. »
La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam.
Avec cet amendement, qui tend à déplafonner l'impôt sur les opérations de
bourse, nous entrons dans un débat déjà assez largement entamé par notre Haute
Assemblée où existent quelques divergences idéologiques quant au sens que l'on
souhaite donner à l'impôt et au système fiscal dans notre pays.
En 1993, alors même que l'on imposait à nos compatriotes, au nom de la
réduction des déficits publics nécessaire pour « qualifier» notre pays pour
l'Union économique et monétaire, nombre de sacrifices, notamment en matière de
protection sociale, le Gouvernement issu des élections du printemps précédent
faisait passer, dans le cadre de la loi de finances rectificative, une petite
douceur fiscale pour les marchés boursiers sous forme d'un plafonnement de
l'impôt dû sur les opérations menées sur les bourses de valeurs.
Il s'agissait alors de favoriser l'intervention des parties concernées sur les
marchés et de rendre encore plus présentable la place de Paris en allégeant la
contrainte fiscale imposée à cette intervention.
Force est de constater, en l'état actuel de l'indice CAC 40 et du niveau de la
capitalisation boursière, que l'objectif a largement été atteint et même
dépassé.
Cela est-il pour autant suffisant pour que, dans leur subtile harmonie, les
marchés financiers soient aujourd'hui plus sensibles aux besoins de la
collectivité qui leur a fait cette faveur en 1993 ?
Cela suffit-il pour que les batailles menées « à la corbeille » n'aient aucun
effet négatif sur l'emploi, sur l'équilibre économique des régions, sur le
devenir d'un grand nombre de nos compatriotes, marchandé avec les parts
sociales de l'entreprise victime de telle ou telle OPA ?
Nous savons pertinemment que la majorité de la commission des finances est
assez largement défavorable, dans sa philosophie propre, à la mesure que nous
préconisons. Là est sans doute l'une des divergences d'appréciation
fondamentale qui nous oppose. Cela fait partie de la démocratie, en fait,
d'avoir des idées quelque peu différentes. Mais il faudra bien un jour
cependant que ceux qui préconisent la disparition pure et simple de l'impôt de
bourse nous expliquent quelle est la justification sociale et économique de la
chose.
La fluidité des transactions boursières dispense-t-elle de payer des impôts
?
Je reviendrai brièvement sur le débat qui vient d'avoir lieu à propos de la
taxe Tobin. En effet, cette taxe dont la faisabilité a failli pouvoir être
concrétisée à l'échelon européen - il n'a manqué que quelques voix - mérite en
tout cas d'être prise en considération, et je voudrais dire à notre collègue M.
Marini que nous ne sommes pas en contradiction.
Certes, nous souhaitons une Europe, mais une Europe différente et non l'Europe
des directives qui nivelle par le bas des mesures sociales gagnées de haute
lutte dans notre pays.
Nous ne sommes pas contre la mondialisation, nous sommes pour une
modernisation de la mondialisation, notamment à l'échelon de l'OMC -
Organisation mondiale du commerce - de l'OIT - Organisation internationale du
travail - et de l'OMS - Organisation mondiale de la santé. La mondialisation
pourrait certainement servir à faire bénéficier de nombreux peuples, de
nombreux pays des progrès accomplis sur les plans de la santé, des brevets ou
des inventions. Oui, nous sommes favorables à cette mondialisation-là, mais pas
à celle qui se déroule actuellement.
Enfin, le capitalisme, c'est bien l'histoire du loup dans la bergerie. Avec la
taxe Tobin se pose cette question : faut-il piéger ce loup ? faut-il tendre un
collet ? faut-il creuser une fosse à loup ? ou faut-il simplement se contenter
de lui limer les crocs ?
La question est importante. En tout cas, je vous appelle maintenant, mes chers
collègues, à voter cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Je ne vais pas reprendre l'argumentaire que j'ai exposé à
l'occasion de l'examen du précédent amendement. Celui-ci est d'esprit identique
et appelle les mêmes remarques et le même avis défavorable de la commission.
Mais puisque notre collègue Le Cam évoque une décision prise à l'échelon
européen, je voudrais rappeler, si ma mémoire ne me fait pas défaut, qu'il
s'agissait d'un vote au Parlement européen visant à constituer un groupe de
travail sur la question, ce qui relativise déjà quelque peu la portée de
l'engagement pris. Si l'on devait arriver à une norme européenne, il faudrait,
mes chers collègues, qu'une décision soit prise à l'unanimité du Conseil. Je me
permets de vous le rappeler, car une directive fiscale doit être adoptée à
l'unanimité. Si vous êtes favorable à la substitution de la majorité qualifiée
à l'unanimité, mon cher collègue, je crois qu'il faudrait que vous nous le
disiez. Ce serait, en effet, un pas important dans la problématique
européenne.
M. Denis Badré.
Une avancée intéressante !
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Je crois qu'il vaut mieux savoir ce dont on parle, appeler un
chat un chat - ce que je m'efforce de faire ici - en tout cas la commission des
finances émet un avis tout à fait défavorable sur cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Comme il s'agit du même débat, le Gouvernement est
défavorable pour les mêmes raisons que précédemment.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 433 rectifié, repoussé par la commission et
par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 434 rectifié, M. Saunier, Mme Bidard-Reydet, MM. Loridant,
Autexier, Bécart, Mmes Beaudeau, Borvo, MM. Bret, Fischer, Foucaud, Le Cam,
Lefevbre, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite, Renar, Mme Terrade, MM. Verges, Auban,
Autain, Bel, Mme Bergé-Lavigne, MM. Besson, Biarnès, Bony, Boyer, Mme Campion,
MM. Carrère, Cazeau, Chabroux, Courteau, Courrière, Mme Cerisier-ben Guiga, M.
Debarge, Mmes Derycke, Dieulangard, MM. Domeizel, Dreyfus-Schmidt, Mme Durrieu,
MM. Dussaut, Fatous, Godard, Guérini, Haut, Labeyrie, Lagauche, Lagorsse, Le
Pensec, Lejeune, Marc, Madrelle, Miquel, Pastor, Penne, Peyronnet, Picheral,
Piras, Plancade, Mmes Pourtaud, Printz, MM. Roujas, Sutour, Trémel, Vidal,
Weber, Désiré, Larifla, Lise, Collin et Delfau proposent d'insérer, avant
l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 978, il est inséré dans le code général des impôts un
article ainsi rédigé :
«
Art. ... -
Les opérations d'achat ou de vente des valeurs de toute
nature effectuées par une personne physique ou morale qui est domiciliée ou
établie hors de France donnent lieu à la rédaction d'un bordereau soumis à un
droit de timbre correspondant à 1,5 du montant de la transaction. »
La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam.
Cet amendement n° 434 rectifié est un dérivé de l'amendement n° 432 rectifié
bis,
en ce sens qu'il prévoit expressément la mise en place d'un taux
spécifique de l'impôt de bourse pour les opérations menées par les
non-résidents.
Il procède donc, quant au fond, des mêmes intentions que le précédent et
participe de la définition de ce que nous avons appelé la régulation des
transactions financières en amendement liminaire.
Il ne nous semble pas utile par conséquent d'en ajouter beaucoup plus, sinon
pour réaffirmer la nécessité de parvenir à une forme d'égalité de traitement
entre intervenants sur les marchés financiers, qu'il s'agisse ou non de
résidents.
C'est sous le bénéfice de ces observations que nous vous invitons à vous
associer à cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Cet amendement étant dérivé du précédent, l'avis de la
commission sera, lui aussi, dérivé du précédent, donc défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Je ne veux pas non plus allonger le débat : avis tout
simplement défavorable !
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 434 rectifié.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Je ne suis pas familiarisé avec les opérations visées dans l'amendement, mais
je voudrais poser à nos collègues auteurs de la proposition une question.
L'amendement vise « les opérations d'achat ou de vente de valeurs de toute
nature ». Si une personne se rend dans un bureau de change pour acheter
l'équivalent de 5 000 francs en dollars parce qu'elle se rend à l'étranger,
elle sera donc taxée à 1,5 ?
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
C'est exact !
M. Michel Charasse.
Cela signifie que, désormais, les touristes qui partent hors de la zone euro
seront taxés lors de l'achat de devises... Cela suffit pour que je ne vote pas
cet amendement.
(Sourires.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 434 rectifié, repoussé par la commission et
par le Gouvernement.
M. Marc Massion.
Le groupe socialiste s'abstient.
M. Michel Charasse.
Je vote contre !
(L'amendement n'est pas adopté.)
TITRE Ier
DÉROULEMENT DES OFFRES PUBLIQUES
D'ACHAT OU D'ÉCHANGE
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. - L'article 356-1-4 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les
sociétés commerciales est ainsi rédigé :
«
Art. 356-1-4
. - Toute clause d'une convention prévoyant des
conditions préférentielles de cession ou d'acquisition d'actions admises aux
négociations sur un marché réglementé et portant sur au moins 0,5 % du capital
ou des droits de vote de la société qui a émis ces actions doit être transmise
dans un délai fixé par décret au Conseil des marchés financiers qui en assure
la publicité. A défaut de transmission, les effets de cette clause sont
suspendus, et les parties déliées de leurs engagements, en période d'offre
publique.
« Le conseil doit également être informé de la date à laquelle la clause prend
fin. Il assure la publicité de cette information.
« Les clauses des conventions conclues avant la date de publication de la loi
n° du relative aux nouvelles régulations économiques qui
n'ont pas été transmises au Conseil des marchés financiers à cette date doivent
lui être transmises, dans les mêmes conditions et avec les mêmes effets que
ceux mentionnés au premier alinéa, dans un délai de six mois. »
Par amendement n° 479, le Gouvernement propose :
I. - De rédiger comme suit le premier alinéa de cet article :
« L'article L. 233-11 du code de commerce est ainsi rédigé :. »
II. - Au début du second alinéa de ce même article, de remplacer la référence
: «
Art. 356-1-4
» par la référence : «
Art. L. 233-11
».
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Il s'agit d'un amendement de codification.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Cet amendement est le premier d'une très longue série. La
commission sera favorable à ces amendements excepté lorsque, pour des raisons
de coordination, la codification proposée entre en contradiction avec ses
propres amendements.
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
C'est logique !
M. Philippe Marini,
rapporteur.
La codification dont il s'agit, dans notre esprit, se fait
bien à droit constant...
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Tout à fait !
M. Philippe Marini,
rapporteur.
... selon les principes en usage dans ce domaine.
Nous n'avons pas été en mesure, nous-mêmes, de « peigner », si j'ose
m'exprimer ainsi, l'ensemble de la matière. Nous espérons donc que, dans cette
codification, aucune transcription n'aille au-delà du concept du droit
constant.
Bien entendu, nos votes d'aujourd'hui et des jours à venir en cette matière ne
nous engagent aucunement s'agissant des positions que nous serons amenés à
prendre lors de l'examen du projet de loi de ratification sur lequel les
assemblées auront ultérieurement à se prononcer.
Cela dit, je pense qu'il y a vraiment très peu de risque, le travail ayant été
bien fait, que nous ayons à revenir dans le détail sur tel ou tel vote.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission est favorable à cet
amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 479, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 157, M. Marini, au nom de la commission des finances,
propose, dans la première phrase du deuxième alinéa de l'article 1er, de
remplacer les mots : « dans un délai fixé par décret », par le mot : «
immédiatement ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Nous entrons maintenant dans le domaine du droit boursier. Il
s'agit de prévoir ici que la transmission des clauses comportant des conditions
préférentielles d'acquisition ou de cession au Conseil des marchés financiers
se fait immédiatement et non pas dans un délai fixé par décret.
Cette modification assurera l'application immédiate du dispositif dès la
promulgation de la loi. Point ne sera besoin d'attendre la sortie d'un
hypothétique décret. Ce dispositif, qui a une réelle utilité pour faire
progresser la transparence du marché, doit s'appliquer sans retard.
C'est donc dans cet esprit, pour travailler à l'amélioration des procédures de
la place de Paris, que nous proposons l'amendement n° 157.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement souhaite renforcer la transparence du
fonctionnement des marchés financiers, et c'est à cette fin que l'article 1er
du projet de loi prévoit la transmission au Conseil des marchés financiers des
clauses des conventions d'actionnaires comportant des conditions
préférentielles de cession ou d'acquisition d'actions de sociétés cotées.
Vous proposez, monsieur le rapporteur, de préciser que cette transmission se
fasse immédiatement. Objectivement, en droit, la notion « immédiatement » est
floue et une formulation aussi imprécise risque de poser des problèmes
juridiques.
C'est pourquoi j'ai proposé de prévoir un délai de transmission fixé par
décret. Le décret indiquera également comment ce délai doit être calculé. Il va
de soi que le délai doit être court, vous avez raison sur le fond.
Je vous demande donc, monsieur le rapporteur, de retirer cet amendement n°
157. A défaut, nous y serons défavorables dans la mesure où nous nous engageons
à faire un bon travail technique pour que ce délai soit court.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
De quoi s'agit-il ? Il s'agit de pactes ou d'accords
d'actionnaires comportant des clauses préférentielles d'acquisition. Cette
notion juridique est très bien cernée ; il n'y a aucune ambiguïté à ce sujet.
Il s'agit donc de prévoir que de telles clauses sont bien portées à la
connaissance du marché, et ce sans délai.
Le Gouvernement nous propose de fixer ce délai par un décret, et donc
d'attendre la sortie de ce décret et l'expiration du délai qu'il prévoira.
Pourquoi s'infliger cette double attente alors que l'on peut faire les choses
tout de suite ? Le terme « immédiatement » veut dire que, dès la promulgation
de la loi, il est du devoir des initiateurs de tels accords ou simplement des
détenteurs de tels accords de les communiquer matériellement au Conseil des
marchés financiers.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 157.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Je comprends bien le souci du rapporteur mais la brutalité du mot «
immédiatement » m'effraie un peu quant à ses conditions d'application.
A la limite, s'il était proposé que le décret doive paraître dans un délai de
quinze jours, ou trois semaines ou dans un délai approchant, je comprendrais.
Mais j'ai bien entendu les propos de M. le rapporteur qui a dit : « dès la
promulgation de la loi », c'est-à-dire en réalité dès qu'elle est applicable,
soit une jour franc après l'arrivée du
Journal officiel
dans le lieu
considéré. Cela signifie que le jour ne sera pas le même selon que l'on se
trouve à Paris ou en province.
Que se passe-t-il si on ne le fait pas le jour même ? Y a-t-il une sanction ou
est-ce qu'ayant raté le jour immédiat on ne peut plus le faire ? Je pose la
question à notre rapporteur, qui est meilleur spécialiste du droit financier et
bancaire que moi dans ce domaine.
Je crains que le mot « immédiatement » - même si je comprends bien le motif de
sa proposition : il pense en effet qu'il faut le faire le plus vite possible -
ne risque d'entraîner des difficultés et des contentieux.
A cela s'ajoute le fait que la date d'application de la loi parue au
Journal officiel
n'est pas la même selon qu'on est à Paris ou en
province, s'il y a un dimanche ou s'il n'y en a pas, s'il y a un jour ouvrable
ou s'il n'y en a pas.
J'appelle donc votre attention : quel que soit le sort de cet amendement, les
modalités pratiques d'application de ce dispositif ne me paraissent pas si
évidentes que cela.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Je crois devoir répondre à M. Michel Charasse qu'il existe
toute une jurisprudence sur l'application des lois et sur les délais de
promulgation et d'acheminement de l'information. Cette jurisprudence tient très
exactement compte de ce qu'il a dit, c'est-à-dire de la capacité plus ou moins
immédiate où l'on se trouve de prendre connaissance d'un nouveau texte et il
est très simple de s'y référer. Tout cela, allais-je dire, est vieux comme le
Journal officiel
!
S'agissant des risques de contentieux qui ont été évoqués, je voudrais en
souligner un qui me semble découler de la rédaction du Gouvernement, madame le
secrétaire d'Etat. Que se passerait-il dans le cas où une offre publique serait
déclenchée entre le moment de la signature d'un pacte et l'expiration du délai
de transmission au Conseil des marchés financiers ? Cela ne risquerait-il pas
de donner lieu à contentieux ?
Nous disons donc que, en l'absence d'un délai, un pacte non transmis au
Conseil des marchés financiers ne peut, du fait de la loi, avoir d'effets en
période d'offre publique. Nous évoquons en effet des événements qui
s'enchaînent très rapidement.
C'est donc précisément dans le souci de simplifier, d'aller plus vite,
d'améliorer la transparence et d'éviter les risques de contentieux que nous
avons déposé cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 157, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 356, MM. Cornu, Courtois, Cazalet, Francis Giraud et Murat
proposent, dans le quatrième alinéa de l'article 1er, de remplacer les mots : «
avant la date de la publication de la loi n° du relative aux
nouvelles régulations économiques » par les mots : « depuis le 1er janvier 1995
».
La parole est à M. Murat.
M. Bernard Murat.
Le dispositif de l'article 1er, qui étend l'obligation de transmission au
Conseil des marchés financiers de l'ensemble des pactes d'actionnaires, doit
être modifié pour simplifier son application. Il est proposé à cette fin de
fixer une limite dans le temps, en imposant la publication des seuls pactes
conclus depuis le 1er janvier 1995.
On évitera ainsi que ne soit réalisé un historique obligatoire des accords
passés par une entreprise ayant disparu. Cette mesure de simplification ne
remet évidemment pas en cause l'objectif de transparence qui sous-tend
l'article 1er.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur.
La commission approuve le souci de simplification qui a
justifié le dépôt de l'amendement n° 356, mais il est de mon devoir de rappeler
que des pactes relativement anciens, en l'occurrence conclus avant le 1er
janvier 1995, sont susceptibles d'avoir aujourd'hui encore des effets en
période d'offre publique alors que le marché n'en a pas connaissance. Dès lors,
le fonctionnement du marché est bel et bien faussé.
Mon propos ne repose pas sur une fiction : il est facile de se référer aux
épisodes des offres publiques bancaires qui ont eu lieu au printemps et à l'été
1999. Lors de l'un de ces épisodes, il est arrivé que les parties «
redécouvrent », de façon sans doute pas tout à fait innocente, un pacte vieux
d'une quinzaine d'années au beau milieu d'une opération, ce qui a donné lieu à
la publication, par la Commission des opérations de bourse, d'un communiqué qui
figure à la page 35 du rapport de la commission des finances.
C'est donc bien par souci de transparence, et malgré les conséquences sur une
gestion matérielle sans doute plus lourde, que la commission des finances ne
peut aller dans le sens de l'amendement n° 356. Il lui semble que la
transparence du marché, l'information de tous les membres du marché, de tous
les investisseurs est un principe avec lequel on ne peut en aucun cas
transiger.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Il faut rejeter cet amendement, car il ne correspond
pas à notre souhait à tous d'assurer une transparence accrue du marché
financier.
M. le président.
Monsieur Murat, l'amendement est-il maintenu ?
M. Bernard Murat.
Nous le retirons, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 356 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
M. Robert Bret.
Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.
M. Michel Charasse.
Le groupe socialiste également.
(L'article 1er est adopté.)
7
NOMINATION DES MEMBRES
DE LA COMMISSION SPÉCIALE CHARGÉE
DE VÉRIFIER ET D'APURER LES COMPTES
M. le président.
Je rappelle qu'il a été procédé à l'affichage de la liste des candidats aux
fonctions de membres de la commission spéciale chargée de vérifier et d'apurer
les comptes.
Le délai fixé par le règlement est expiré.
Je n'ai reçu aucune opposition.
En conséquence, la liste est ratifiée et je proclame membres de la commission
spéciale chargée de vérifier et d'apurer les comptes : Mme Marie-Claude
Beaudeau, MM. Georges Berchet, Michel Charasse, Luc Dejoie, Yves Fréville, Yann
Gaillard, Rémi Herment, Marc Massion, Jacques Oudin et François Trucy.
A la demande du Gouvernement, nous allons maintenant interrompre nos travaux
pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures
trente-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
8
NOUVELLES RÉGULATIONS ÉCONOMIQUES
Suite de la discussion d'un projet de loi
déclaré d'urgence
M. le président.
Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée
nationale après déclaration d'urgence, relatif aux nouvelles régulations
économiques.
Dans la suite de la discussion des articles, nous en sommes parvenus aux
articles additionnels après l'article 8, appelés en priorité.
Divisions et articles additionnels
après l'article 8
(priorité)
M. le président.
Par amendement n° 152 rectifié, MM. Charasse et Plancade proposent d'insérer,
après l'article 8, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les banques ne pourront facturer les prestations qu'elles assurent pour les
titulaires de comptes bancaires pour ce qui concerne la facturation des
chèques, qu'à compter de la date d'abrogation de toutes les dispositions
rendant obligatoire le paiement par chèque. »
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Si vous le permettez, monsieur le président, mes chers collègues, je
présenterai en même temps l'amendement n° 153 rectifié.
M. le président.
J'appelle donc en discussion l'amendement n° 153 rectifié, présenté par MM.
Charasse et Plancade, et tendant à insérer, après l'article 8, un article
additionnel ainsi rédigé :
« Est interdite la facturation des prestations fournies par les banques au
titre de la tenue et de l'utilisation des comptes bancaires des particuliers
dont les salaires, pensions et prestations sociales sont soumis à l'obligation
de virements bancaires. »
La parole est à M. Charasse, pour défendre ces deux amendements.
M. Michel Charasse.
Je précise que la rectification des amendements n°s 152 et 153 est due à
l'adjonction d'un signataire, M. Plancade, qui a souhaité s'associer à mon
initiative.
Ces jours derniers, nous avons tous suivi le débat récurrent relatif non pas à
la taxation, puisque ce n'est pas une taxe, mais à l'éventuel paiement des
chèques que les banques pourraient exiger. On a même proposé, ici ou là, des
tarifs et comparé ces propositions. C'est ce qui m'a conduit à suggérer ces
deux amendements, qui ont d'abord pour objet d'entendre - et M. le ministre ne
m'en voudra pas - les explications du Gouvernement sur une question que l'on
paraît d'ailleurs embrouiller un peu à dessein.
Mes chers collègues, les banques assurent des services privés à leurs clients.
Beaucoup de leurs prestations, facultatives, sont aujourd'hui facturées, les
cartes bleues par exemple. Reste en dehors de la facturation, en principe,
l'utilisation du carnet de chèques.
On peut discuter indéfiniment sur la question de savoir si ce service doit
être rendu gratuitement ou moyennant paiement, étant entendu que la
contrepartie est le dépôt des fonds gratuitement à la banque et l'utilisation
gratuite par la banque des fonds qui y sont déposés. Mais passons !
Au regard du droit européen et d'un certain nombre de règles du commerce, il
est sans doute difficile d'interdire par la loi à un organisme privé de tarifer
ses services et de l'obliger à travailler gratuitement. Mais, monsieur le
ministre - c'est l'objet des amendements n°s 152 rectifié et 153 rectifié -, il
y a tout de même un problème de fond qui se pose. En effet, quand on sait qu'un
certain nombre de textes législatifs obligent aujourd'hui au paiement par
chèque et qu'un certain nombre de textes législatifs ou réglementaires imposent
le paiement des salaires, des pensions, des prestations familiales et sociales
par virement bancaire, comment, dans ces conditions, la majorité de nos
concitoyens pourrait-elle ne pas tirer au moins un chèque, en réalité plusieurs
?
Tout le monde sait aussi que, pour se procurer de l'argent liquide, c'est
parfois le parcours du combattant, la majorité des agences bancaires de notre
pays étant de petites agences avec une encaisse très modeste par crainte des
cambrioleurs. Par conséquent, on vous dit que l'on ne peut vous donner que 1
500 francs, 2 000 francs, voire 2 500 francs, mais pas plus.
Ces deux amendements visent non pas à interdire aux banques de facturer leurs
services - ce n'est peut-être pas d'ailleurs l'opinion de M. le ministre sur ce
point - mais en tout cas à préserver la liberté des usagers afin que celui qui
passe par la banque ait choisi sciemment d'y passer et que celui qui ne veut
pas de compte bancaire puisse ne pas en avoir et être malgré tout en mesure de
percevoir son salaire, directement en liquide - comme cela se faisait autrefois
dans les usines, où les gens allaient tous les quinze jours chercher leur
enveloppe - ou de se présenter au guichet de la caisse d'allocations familiales
pour y recevoir ses prestations, entre autres, toutes choses qui ne sont pas
possibles aujourd'hui.
Par conséquent, ces deux amendements ont un objet quasiment analogue. Tant que
des textes obligeront à passer par les banques, je ne vois pas comment on
pourrait taxer le service de base, c'est-à-dire l'obligation de l'utilisation
du chèque. Mes chers collègues, c'est exactement comme si l'on vous disait que,
pour tous vos déplacements, vous serez désormais obligés de prendre le train
selon une tarification imposée par le propriétaire du train et qu'en plus, pour
que vous n'ayez pas d'autre solution, il sera interdit d'acheter des chaussures
ou de les porter ! Vous êtes alors complètement coincés !
En conclusion, monsieur le président, je me demande même dans quelle mesure
les obligations qui sont faites de passer par les banques par un certain nombre
de textes législatifs et réglementaires sont bien conformes au principe de
liberté, et donc à la Constitution !
(Sourires.)
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Alors là, on en a pour une bonne semaine !
(Sourires.)
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Il s'agit d'un sujet particulièrement important sur lequel la
commission souhaiterait entendre préalablement le Gouvernement.
(Nouveaux
sourires.)
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Je m'attendais bien à quelque chose de la part de M.
le rapporteur, mais pas à une invite aussi rapide !
(Rires.)
Si vous le permettez, en répondant à M. Michel Charasse, je m'adresserai en
même temps au cosignataire des amendements, M. Plancade, ainsi qu'à MM. Gérard
Larcher et Gérard Delfau leurs amendements suivants ayant aussi pour objet,
bien que de façon différente, de réglementer autrement les relations entre les
banques et leurs clients. Une réponse globale de ma part me permettra peut-être
de ne pas y revenir.
Monsieur Charasse, vous avez déposé deux amendements, l'un portant sur la
facturation des chèques, l'autre sur la facturation de la tenue de comptes,
qui, si je les lie correctement, se fondent sur l'idée que les chèques sont
payants, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
M. Michel Charasse.
Cela risque de le devenir...
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Ils anticipent donc sur une situation qui n'existe pas
aujourd'hui, et le Gouvernement ne voudrait pas que vos amendements, monsieur
Charasse, deviennent d'actualité.
M. Michel Charasse.
C'est trop d'honneur !
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Monsieur Larcher, dans vos amendements, vous proposez
l'institution d'un service bancaire universel gratuit. Mais, en fixant de façon
limitative des prestations gratuites, vous suggérez que les autres prestations
sont bien évidemment payantes. Si l'on adoptait ces dispositions, cela pourrait
être compris comme un signal - M. le ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie le rappelait devant vos collègues de l'Assemblée nationale la
semaine dernière - en faveur des chèques payants. Or nous sommes déterminés,
nous fondant d'ailleurs en partie sur les arguments qu'a très bien exposés tout
à l'heure Michel Charasse - à faire en sorte que les chèques restent gratuits.
Je ferai la même remarque à propos des amendements déposés par M. Delfau.
En fait, nous abordons là un point important : il s'agit des relations, quasi
quotidiennes pour beaucoup de nos concitoyens, entre le monde bancaire et ses
usagers. Les banques peuvent tirer de ces relations - vous l'avez écrit,
monsieur Larcher, et vous l'avez dit, monsieur Charasse - une juste
rémunération, mais elles doivent se comporter également avec toute la
conscience qu'elles ont du rôle qu'elles jouent sur l'ensemble des contraintes
qui pèsent sur leurs concitoyens, en particulier sur le fait qu'il n'y a pas de
concurrence. Les Français, qui sont obligés d'ouvrir un compte pour percevoir
leurs revenus, veulent accéder gratuitement à leur argent. C'est possible
aujourd'hui avec la gratuité des chèques ; on ne voit pas pourquoi cela
changerait.
Certaines banques - c'est peut-être ce qui a motivé le dépôt de ces
amendements - ont déclaré à nouveau leur intention de faire payer les chèques.
Il faut dire qu'elles font cette annonce depuis des années, cela fait quinze
ans je crois. Depuis, elles reculent parce qu'elles ne souhaitent pas déplaire
à leur clientèle ; ce sont des raisons commerciales qui les poussent à avoir un
tel comportement.
Par conséquent, je le répète, nous ne souhaitons pas leur donner de signal
pour que les choses changent.
En revanche, il me semble qu'il faut répondre à la question de fond que vous
posez sur les relations entre la banque et ses clients. En effet, nombre
d'usagers aujourd'hui ne connaissent pas la réalité des services dont la
facturation apparaît sur leur relevé de compte.
Le Gouvernement y répond par deux mesures.
D'une part, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie déposera
dans les jours qui viennent le décret portant sur le droit au compte pour les
personnes en grande difficulté ; je pense que ce décret est prêt. Il permettra
au Gouvernement de respecter un engagement qu'il avait pris.
D'autre part, il faut permettre aux usagers des banques de bénéficier d'une
bonne information sur ce qu'est aujourd'hui la réalité de la tarification. En
effet, si le chèque n'est pas payant, un certain nombre de services le sont, et
l'on ne sait pas très bien pourquoi ils sont plus coûteux dans telle banque que
dans telle autre.
En outre, on oublie aussi ceux qui ne disposent que d'un livret A - c'est une
autre préoccupation qui a été exprimée par M. Delfau hors de cette enceinte,
mais qui sera sans doute reprise aujourd'hui. Un certain nombre d'opérations
doivent absolument être réalisées gratuitement. Il n'y a aucune raison que
quelqu'un qui n'utilise que son livret A parce qu'il ne peut pas faire
autrement ait à payer un quelconque service.
Pour toutes ces raisons, nous pensons qu'il faut que les banques soient
assignées au même respect des droits des consommateurs que l'ensemble des
entreprises. Ce sont des entreprises privées, même si elles ont à faire face à
une garantie prudentielle qui ne s'impose pas aux autres acteurs économiques.
Elles doivent entrer dans le champ de la protection du consommateur et, pour ce
faire, répondre à un certain nombre d'obligations qui figurent dans un
amendement que le Gouvernement va soumettre à la Haute Assemblée.
Tout doit être extrêmement clair. Ainsi, par exemple, les banques ne doivent
pas échapper à la règle qui veut que l'on n'a pas le droit de vendre un service
lié. Il est par ailleurs important que les banques, à côté du système actuel,
qui n'est pas un mauvais système - ne soyons pas manichéens - mettent en place
un comité de médiation qui permette de régler les litiges de manière plus
transparente, plus claire, plus constructive, y compris d'ailleurs s'il le
faut, en faisant appel à une réglementation.
Bref, il faut que l'ensemble de la politique commerciale des banques soit
soumis au droit de la consommation. Depuis quarante ans à peu près les banques
sont les seules à ne pas relever de ce droit.
Pour que ce droit s'exerce avec toute la transparence voulue, les services de
l'Etat doivent pouvoir exercer un contrôle à l'intérieur des agences bancaires,
comme ils en ont la possibilité à l'intérieur de toute entreprise, pour
vérifier que le droit d'information du consommateur est strictement respecté,
qu'il n'y a pas de services liés, par exemple, qu'il n'y a pas obligation pour
l'usager qui souscrit un prêt de prendre l'assurance proposée par la banque.
En fait, il faut remédier à tout ce qui fait qu'aujourd'hui les choses ne sont
pas claires et donnent lieu à autant d'amendements, de propositions et de
débats.
Nous souhaitons que tout soit bien codifié et s'exerce dans la plus grande
transparence pour assurer de meilleures relations entre le monde bancaire et
les usagers. Voilà ce que nous proposerons en déposant l'amendement n° 625.
M. le président.
Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Je voudrais, en quelques mots, rappeler dans quel débat
d'ensemble nous nous situons car Mme le secrétaire d'Etat a fait état
d'amendements qui ne sont pas encore exposés ; elle a également fait état - je
ne lui en fais aucun reproche, je ne me le permettrais pas - d'un amendement
que le Gouvernement vient de déposer et qui, lui non plus, n'a pas encore été
exposé dans le détail.
De quoi s'agit-il ?
L'ensemble des textes que nous allons examiner, mes chers collègues, traite de
l'évolution du système bancaire et de sa compétitivité, mais aussi de l'accès
au service bancaire : nous avons, d'un côté un problème économique, de l'autre,
un problème social.
La commission des finances avait déjà traité le problème économique voilà
quelques années, alors que M. Alain Lambert était rapporteur général, dans un
rapport de mission d'information dont le titre était :
Banques : votre santé
nous intéresse.
Pourquoi avions-nous retenu ce titre ? Parce que les banques, tout en étant
des entreprises compétitives, ne sont pas tout à fait des entreprises comme les
autres. Certes, elles sont soumises aux règles du marché, nous l'avons vu en
1999 avec les opérations de restructuration bancaire, qui sont d'ailleurs
largement à l'origine du titre Ier de ce projet de loi. Mais une banque, c'est,
et cela a toujours été, un lieu d'influence, un lieu de pouvoir tel que les
gouvernants d'un pays et les législateurs ne peuvent y être indifférents.
En conséquence, il est important que nous sachions quelles sont leurs
conditions de compétitivité, parce que si les banques dont le siège est en
France ne sont pas compétitives, au gré des restructurations européennes, elles
seront amenées à se diluer, à disparaître, à passer sous le contrôle d'autres
centres d'influence et de pouvoir.
Il est donc nécesssaire que le Sénat s'intéresse à la bonne santé économique
du secteur bancaire.
Or la question de la tarification des services bancaires se situe bien au
coeur de cette problématique économique qui est celle de la compétitivité de
nos banques par rapport à leurs concurrentes, notamment celles de la zone
euro.
En effet, nous travaillons dans un ensemble de plus en plus intégré. Nous
avons une seule et même échelle de taux d'intérêt. Nous avons une seule et même
devise pour l'essentiel de nos transactions, etc.
D'un autre côté, se pose le problème social, qui soulève un certain nombre
d'interrogations : qui a accès, et dans quelles conditions, aux services
bancaires ? Qu'entend-on par services bancaires ? Que recouvre cette expression
? Quels sont les domaines traités ? S'agit-il de l'accès aux liquidités, de
l'existence d'un compte, de l'octroi de crédits, ce qui implique un risque pour
la banque car, si le fait de domicilier un compte dans ses écritures et de
permettre à son titulaire de récupérer son argent liquide génère un coût
administratif sans risques, en revanche, ouvrir un crédit et permettre au
titulaire d'un compte de disposer de plus d'argent qu'il n'en a déposé, c'est
prendre un risque une telle opération doit donc avoir un traitement différent
des autres.
Pour que nos délibérations soient bien claires, je voudrais vous rappeler, mes
chers collègues, que les banques françaises ne sont pas calfeutrées dans une
tour d'ivoire, ni entourées comme le village gaulois d'Astérix. Elles se
situent dans un monde totalement ouvert, c'est une évidence.
Donc, lorsqu'on évoque des sujet comme la rémunération des comptes courants ou
la tarification des chèques, il faut s'interroger sur ce qui est de la
responsabilité des banques, qui s'efforcent de rester compétitives, et sur ce
qui est de la responsabilité de l'Etat.
En matière de chèque, par exemple, selon les règles actuellement en vigueur,
la délivrance du chéquier est gratuite - c'est un impératif légal - mais
l'utilisation du chéquier peut être facturée. Elle peut être facturée si une
banque ou si les banques en décident ainsi.
Quel doit être le bon équilibre économique ? Il est assez difficile de le
dire. De mon point de vue et de celui de la commission, il est assez difficile
de s'immiscer dans un tel débat. A l'inverse, lorsqu'il s'agit de s'assurer que
les éléments les plus démunis de la population peuvent disposer du minimum
d'infrastructure bancaire dont chacun a besoin pour vivre et pour assurer la
vie de sa famille, nous nous sentons beaucoup plus concernés ; ce sont des
sujets qui ne sont pas totalement nouveaux pour le législateur.
Dans la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions de 1998,
on a créé un droit au compte. Selon certains de nos collègues, il s'agit
aujourd'hui de préciser, de concrétiser les engagements pris dans cette loi,
qui, je le rappelle, est une loi « transmajorités » puisqu'elle a été préparée
par les uns, qu'elle a été présentée par les autres et qu'elle incluait nombre
de dispositions recueillant l'accord des uns et des autres.
S'agissant des amendements n°s 152 rectifié et 153 rectifié, la commission des
finances a émis ce matin un avis défavorable, sans nier l'intérêt de la
réflexion menée à ce propos et sans sous-estimer les objectifs visés par notre
collègue Michel Charasse.
En fait, nous estimons préférable de traiter le sujet dans un cadre plus
général et nous pourrons dégager une position après que Gérard Larcher, Gérard
Delfau et Paul Loridant nous auront présenté leurs amendements.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 152 rectifié.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Les amendements que j'ai déposés avec M. Plancade avaient bien entendu pour
objet de susciter ce débat ou cette réflexion à voix haute qui vient d'avoir
lieu.
Nous ne sommes pas favorables, vous l'avez compris, à la tarification bancaire
en ce qui concerne l'utilisation du carnet de chèques, pour parler un langage
clair puisque, comme l'ont rappelé M. le rapporteur et M. le ministre, la
délivrance du carnet de chèques est gratuite... jusqu'au jour où elle sera
payante.
Cela étant, si malgré toutes les précautions prises, malgré les contraintes
que le Gouvernement souhaite imposer aux services bancaires et qui figurent
dans l'amendement n° 625 que nous examinerons tout à l'heure, malgré toutes nos
déclarations et celles de M. Fabius, récemment, qui m'ont fait très plaisir - à
moi et à d'autres, d'ailleurs - si, malgré tout cela, la tarification est
finalement appliquée, alors, une question devra se poser : pourra-t-on, oui ou
non, se passer de la banque ? Aura-t-on le droit de demander le versement de
son salaire ou de sa pension en liquide ? Pourra-t-on percevoir directement ses
allocations familiales à la caisse d'allocations familiales ? Bref, sera-t-on
condamné à passer par l'intermédiaire de la banque ?
Et je ne parle pas des personnes âgées qui détiennent trois ou quatre
malheureuses actions et qui, au titre de l'obligation de dématérialisation des
titres, ont été obligées d'en remettre la gestion à une banque, laquelle leur
prend parfois des droits de garde supérieurs aux dividendes perçus !
Pourra-t-on, comme autrefois, détenir ses actions sous une forme matérielle et
les garder chez soi ou en tout autre lieu à sa convenance ?
Telles sont les questions que je me pose.
Et puis il y a aussi l'obligation légale de payer par chèque pour toute
transaction d'un montant supérieur à 20 000 francs. J'entends bien que c'est
une disposition tendant à permettre le contrôle fiscal, mais faudra-t-il payer
pour pouvoir respecter cette obligation ?
J'étais, voilà peu, en Auvergne, sur un marché aux bestiaux. Les portefeuilles
des marchands de vaches avaient à peu près 15 centimètres d'épaisseur !
(Sourires.)
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Là, il n'y a pas grand-chose de déclaré !
M. Michel Charasse.
Evidemment tous les achats se faisaient en liquide et tout le monde se moquait
bien du plafond des 20 000 balles !
M. Gérard Larcher.
Cela n'arrive qu'en Auvergne !
(Nouveaux sourires.)
M. Michel Charasse.
Ils font comme cela depuis le Moyen Age, personne ne les contrôle, cela se
passe très bien et il n'y a pas jamais eu de vols !
Laurent Fabius connaît d'ailleurs très bien la région dont je parle : il lui
est arrivé de venir y goûter les bons fromages et le saucisson !
(Nouveaux
sourires.)
En tout cas, si l'on n'est pas marchand de vaches, faudra-t-il payer pour
avoir un chéquier et pouvoir ainsi régler ses achats de plus de 20 000 francs
?
Monsieur le ministre, ce que je vais vous dire est une horreur pour un
ministre chargé du budget : à la limite, dans la mesure où c'est la loi qui
impose, c'est en fait l'Etat qui devrait assumer ces frais !
(Nouveaux
sourires.)
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Mais bien
sûr...
M. Michel Charasse.
Soyons logiques !
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Ne déposez pas
d'amendement allant dans ce sens : il serait voté !
M. Michel Charasse.
Il y a tout de même l'article 40 !
A partir du moment où l'on impose à un citoyen une obligation quelconque, si
elle doit se traduire pour lui par le versement d'une somme destinée non à
l'Etat mais à un service privé, on peut se poser la question de savoir si la
puissance publique ne doit pas compenser.
Je n'insiste pas, mais j'espère que, si nous devons finalement avoir la
fameuse tarification, ce que je ne souhaite pas, pas plus que le Gouvernement,
nous pourrons faire évoluer la législation de manière que ceux qui ne voudront
pas payer leurs chèques soient en mesure de se passer de la banque et gérer
leurs sous comme ils l'entendent : paroles d'Auvergnat et de citoyen libre, qui
n'est aux ordres de personne, et surtout pas des banques !
Par conséquent, monsieur le président, je retire mes deux amendements.
M. le président.
Les amendements n°s 152 rectifié et 153 rectifié sont retirés.
J'appelle maintenant l'amendement n° 625 du Gouvernement.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Cet amendement, qui vient d'être
déposé, suppose, à l'évidence, un examen approfondi. Je propose de réserver cet
amendement jusqu'à la reprise de la séance, après le dîner, ce qui permettrait
à la commission des finances de se réunir et de l'étudier comme il convient, eu
égard à la « densité » de cette proposition.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Le Gouvernement
l'accepte.
M. le président.
La réserve est ordonnée.
Je suis maintenant saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 334 est présenté par MM. Gérard Larcher, Hérisson, Trucy, Paul
Girod et Louis Althapé.
L'amendement n° 415 est présenté par MM. Delfau, Baylet, Collin, Mouly et
Pelletier.
Tous deux tendent à insérer, après l'article 8, une division additionnelle
ainsi rédigée : « Chapitre... - Dispositions relatives au service universel
bancaire ».
L'amendement n° 334 est affecté d'un sous-amendement n° 611, présenté par M.
Marini, au nom de la commission des finances, et tendant, dans l'intitulé du
chapitre proposé par l'amendement n° 334 pour insérer une division
additionnelle après l'article 8, à remplacer le mot « universel » par les mots
« de base ».
La parole est à M. Gérard Larcher, pour défendre l'amendement n° 334.
M. Gérard Larcher.
Si vous le permettez, monsieur le président - mais j'ai déjà pu constater
combien votre mansuétude était grande, cet après-midi, puisque nous avons
entendu des avis sur des amendements avant même qu'ils ne soient présentés - je
défendrai d'un même mouvement, outre l'amendement n° 334, les amendements n°s
335 à 340, dont mes collègues MM. Hérisson, Trucy, Paul Girod et Althapé sont
également signataires et auxquels, même s'ils ne les ont pas signés, MM. André
et Pelchat ont bien voulu s'associer.
Avant d'exposer en détail les mesures proposées, il m'apparaît important de
préciser quels sont nos objectifs à travers ces amendements.
Ces sept amendements ont une triple motivation.
Ils visent d'abord à ouvrir devant le Sénat - et c'est réussi - un débat qui
intéresse la vie quotidienne de tous les Français ; on dit qu'on ne débat pas
assez, au Parlement, des problèmes de vie quotidienne ; nous prouvons le
contraire cet après-midi. En l'occurence, il s'agit des chèques payants et,
d'une manière plus générale, des évolutions qui vont amener nos concitoyens à
payer ce qui est aujourd'hui le plus souvent gratuit : leur compte bancaire.
L'euro, l'harmonisation des règles bancaires au sein de l'Union européenne, la
nécessité de doter nos établissements financiers des mêmes armes
concurrentielles que leurs homologues vont en effet conduire à aligner nos
tarifs bancaires sur ce qui se pratique ailleurs dans l'Union, à savoir, d'une
part, la facturation d'un certain nombre de services, dont les chèques, et,
d'autre part, la rémunération des dépôts à vue.
En bref, même si l'on en parle depuis quinze ans, madame le secrétaire d'Etat,
à un terme qui ne me paraît pas lointain, c'en sera fini de l'exception
bancaire française du « ni-ni » : ni facturation des chèques ni rémunération
des dépôts. Cette double interdiction, en dehors de la Grèce, la France est le
seul pays de l'Union européenne à continuer à la pratiquer.
D'ores et déjà, sur le plan juridique, rien n'interdit la facturation des
chèques puisque la seule prohibition réglementaire existante concerne la
rémunération des dépôts à vue.
Le changement de nos habitudes bancaires paraît donc inéluctable aux
cosignataires de ces amendements.
Une telle évolution n'est pas critiquable en tant que telle. On ne peut, à
l'heure de l'euro, imposer un handicap à nos établissements financiers. On ne
doit pas non plus se cacher que, par beaucoup d'aspects, l'actuelle gratuité du
chèque est un leurre puisque, son émission et son traitement ayant un coût, son
prix se trouve en définitive acquitté au travers d'autres services bancaires
payés plus chers que nécessaire.
De ce point de vue, la fin du « ni-ni bancaire » marquera un ajustement des
prix sur les coûts, pouvant aboutir à un nouvel équilibre des relations entre
les banques et leurs clients et à l'emploi accru de moyens de paiement moins
coûteux ; on l'a constaté dans d'autres pays.
Cependant, le compte bancaire a une dimension sociale qui est essentielle à
nos yeux. Sans lui, il est très complexe d'effectuer ou de recevoir des
paiements et, par voie de conséquence, de s'insérer matériellement dans la
société. Ainsi, la difficulté d'accès aux services financiers tend à favoriser
l'exclusion.
Au vu de cette réalité, la question se pose donc de savoir si la fin du «
ni-ni bancaire » peut être acceptée sans correctif.
Face à cette interrogation, plusieurs attitudes politiques sont
envisageables.
On peut décider de ne rien faire et laisser les transformations s'opérer
finalement en catimini. C'est la tentation de beaucoup.
On peut aussi confier à d'autres le soin de résoudre ce problème. C'est ce
que, dans un premier temps, a tenté de faire le Gouvernement en demandant à la
commission Jolivet, composée de représentants des banques et des consommateurs,
de fixer les modalités du droit au compte institué par l'article 137 - que nous
avons voté, par-delà les clivages politiques - de la loi contre l'exclusion.
Mais cette stratégie a échoué puisque la commission Jolivet n'est pas parvenue
à un accord.
On peut encore déclarer son opposition aux chèques payants mais ne rien faire
pour infléchir le processus en cours.
Cette posture, un peu à la Ponce Pilate, j'ai cru la déceler, monsieur le
ministre, dans vos propos de la semaine dernière,...
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Vous avez tort
!
M. Gérard Larcher.
... lorsque vous avez déclaré votre hostilité aux chèques payants. Mais le
Gouvernement paraissait avoir renoncé à légiférer sur ce sujet.
Je voudrais rappeler aussi à Mme le secrétaire d'Etat, qui m'a répondu par
avance, que des réseaux facturent déjà les chèques. D'ailleurs, quels sont les
textes qui interdisent de rendre les chèques payants ?
On peut enfin considérer que les engagements européens de la France et la
nécessité de moderniser nos structures économiques doivent nous amener à
renoncer à certaines exceptions, mais pas à n'importe quelle condition et, en
tout état de cause, pas sans en débattre publiquement devant le Parlement, afin
que chacun assume la responsabilité de ses choix. Telle est la conviction des
signataires de ces amendements : pas de chèques payants sans débat
parlementaire ! C'est bien le moins !
La seconde motivation de nos sept amendements est de proposer un dispositif
garantissant que la fin de la gratuité du compte bancaire ne s'opère pas au
détriment des plus démunis des Français.
Aujourd'hui, environ 1 600 000 Français vivent avec à peine 2 500 francs,
voire moins, par mois et à peu près autant perçoivent des minima sociaux d'un
montant avoisinant 3 500 francs par mois.
D'aucuns argueront qu'avoir à payer quelques francs pour émettre un chèque
n'est pas une dépense bien lourde et que même les personnes qui ont des revenus
modestes pourront s'en acquitter. Mais les personnes qui expliquent cela sont
rarement ceux qui se trouvent confrontés, au quotidien, avec la grande détresse
sociale.
Pour les associations caritatives que nous avons consultées, telles que le
Secours catholique ou ATD Quart Monde, s'engager dans cette voie reviendrait à
pousser encore davantage hors de la société les couches les plus fragiles de la
population.
D'abord, quand on signe beaucoup de petits chèques - ce que font souvent les
gens en situation précaire -, même à quelques francs le chèque, les additions
finissent par être lourdes.
Ensuite, il faut en avoir conscience, la fin de la gratuité des chèques ne
sera vraisemblablement que le premier pas d'un alignement des tarifs bancaires
français sur ce qui se pratique dans les autres pays européens. Tout ce qui est
gratuit aujourd'hui ne le sera plus nécessairement demain.
M. Paul Loridant.
Là, c'est l'alignement par le haut !
M. Gérard Larcher.
Ainsi, il semblerait que certains réseaux bancaires envisagent d'ores et déjà
de faire payer les dépôts et retraits d'espèces. A terme, on s'orientera
probablement vers un forfait pour un certain nombre de services. Or, si l'on en
croit les évaluations faites par les associations de consommateurs, le montant
de ce forfait ne sera pas négligeable et, sur l'année, il représentera une part
significative d'un mois de revenu minimum d'insertion.
L'enjeu de la sortie du « ni-ni bancaire » au regard de l'exclusion ne doit
pas être sous-évalué.
Enfin, la troisième et dernière - mais non la moindre - des raisons qui ont
motivé d'abord le dépôt d'une proposition de loi, puis celui de ces amendements
découle du souci de préserver l'équilibre du grand opérateur de service public
qu'est La Poste, laquelle a aussi un service financier.
En effet, force est de constater que les guichets financers les plus
accueillants pour les populations les plus fragiles sont ceux de La Poste. En
raison de l'étendue de son réseau, de sa présence sur tout le territoire, y
compris dans les zones sensibles, et de l'esprit de service public qui l'anime,
elle en accueille la plus large part. Le nombre moyen des retraits quotidiens
inférieurs à 40 francs effectués auprès des bureaux de poste de Trappes, dans
les Yvelines, en constitue une parfaite illustration.
Cependant, cet accueil a un coût, qui a été évalué à 1,3 milliard de francs
par an pour l'opérateur public, soit l'équivalent du résultat net qu'il a
dégagé en 1999.
Cette charge, qui résulte notamment de l'utilisation du livret A comme un «
compte portefeuille », ne fait l'objet d'aucune compensation. Il est à craindre
que, si le paiement généralisé des chèques et des comptes courants était
institué, elle ne s'alourdisse très significativement, les populations les plus
vulnérables se trouvant en quelques sorte incitées à recourir, en plus grand
nombre encore, au livret A comme à un « compte portefeuille ».
A un moment où l'avantage relatif que constitue le livret A tend à s'estomper
et où la concurrence sur les métiers postaux traditionnels, notamment le
courrier et le colis, devient de plus en plus forte et de plus en plus
menaçante, une telle perspective ne peut être acceptée comme allant de soi.
Le renforcement de nos établissements de crédit ne doit pas se payer du prix
d'un affaiblissement de notre opérateur public, La Poste, alors même qu'elle
est soumise à un lourd défi stratégique.
Il ne faut pas non plus perdre de vue que, si les banques assurent plus de
quatre cent mille emplois et disposent de quelque vingt-cinq mille guichets sur
le territoire, La Poste, à elle seule, compte plus de trois cent mille salariés
et entretient dix-sept mille points de contact.
Quel est, en conséquence, le dispositif que nous proposons ? Pour le résumer,
il repose sur deux axes centraux : un service universel bancaire visant à
assurer l'insertion financière des plus démunis, d'une part, et, d'autre part,
un fonds de compensation alimenté par les cotisations de tous les acteurs du
service universel - les banques, les réseaux mutualistes, La Poste, le Trésor -
et destiné à répartir équitablement entre eux les charges découlant du service
universel. Il s'agit d'un service assez comparable à celui que nous avions
prévu pour les télécommunications, monsieur Delfau, et qui fonctionne.
Le service universel bancaire proposé est gratuit et ouvert à tous, mais il
est « ciblé » prioritairement - on pourrait en débattre - pour répondre aux
besoins des plus modestes de nos concitoyens. Il englobe donc les prestations
indispensables à leur intégration dans les circuits financiers de la vie
sociale, mais il ne va pas au-delà.
Ainsi, nous proposons d'exclure du champ de ce service universel « les moyens
de paiement à risque » que sont les chèques autres que les chèques de banque,
et notamment, de ne pas favoriser les détournements conduisant à en accroître
le coût. Cela n'empêche pas, bien entendu, que les bénéficiaires du service
universel disposent du quota de chèques gratuits que les banques
s'engageraient, d'après les contacts que nous avons eu, à attribuer à tous
leurs clients. On pourrait résumer l'esprit du dispositif par la formule : «
pas de chèque payant pour les plus démunis, donc maintien de la gratuité du
compte ». Dans le même ordre d'idées bénéficier du service universel
interdirait de prétendre à la rémunération de ses dépôts à vue.
Cependant, ce service universel n'est pas pour autant réduit à presque rien ;
il n'est pas non plus l'expression d'une quelconque nostalgie passéiste. Il ne
comporte pas moins de huit prestations obligatoires, du relevé bancaire à des
moyens de paiement sans risque pour ses utilisateurs et pour les banques.
Je pensais tout à l'heure, en écoutant M. Charasse, que le relevé d'identité
bancaire, le RIB, et le relevé mensuel étaient importants. Il y a aussi les
quotas mensuels de prélèvements directs, les quotas mensuels de chèques de
banque et la carte plafonnée de retrait d'espèces dans les guichets
automatiques.
En outre, le service universel est organisé pour inciter à une modernisation
accrue de nos infrastructures financières en encourageant la généralisation de
la carte de paiement sécurisée à autorisation systématique qui, demain,
remplacera avantageusement les chèques de banque et la carte de retrait.
En d'autres termes, si, en droit, le service universel bancaire est ouvert à
tous pour éviter d'avoir à établir des discriminations complexes et humiliantes
et, parfois, des effets de seuil, en fait, il n'attirera que ceux qui ont peu
de moyens et peu de besoins bancaires.
Pour résumer, le service universel bancaire reposerait en quelque sorte sur le
même mécanisme que les Restaurants du coeur : tout le monde peut s'y rendre et
recevoir de la nourriture s'en avoir à présenter papiers, attestations et
autres documents justifiant d'un droit ; mais tout le monde ne s'y rend pas,
car ceux qui en ont les moyens savent que ce n'est pas prévu spécifiquement
pour eux.
Le financement de ce service universel est assuré par un fonds de compensation
auxquels adhèrent tous ceux qui ont à l'assurer : les établissements de crédit,
La Poste et le Trésor. Le fonds est alimenté par les cotisations de ses
membres, calculées sur la base du montant de leurs dépôts, dans les conditions
fixées par un règlement du comité de la réglementation bancaire et financière,
ce que je préfère à la réglementation ou à une taxe.
Cette partie du dispositif est construite de manière à assurer une
compensation à ceux qui assumeront l'accueil des plus démunis.
Mes chers collègues, pardonnez ce long exposé : j'ai voulu tracer à grands
traits l'esprit et le contenu de ces sept amendements qui, comme vous pouvez le
constater, visent à garantir le respect de préoccupations de clarté politique
dans la défense des plus faibles de nos concitoyens et du plus faible de nos
réseaux financiers.
Il est vrai, madame le secrétaire d'Etat, que nous anticipons, mais cet avenir
est inéluctable, et il est en fait déjà à notre porte.
J'ai lu rapidement la proposition du Gouvernement, dont l'examen sera reporté
après le dîner ; mais, comme j'occuperai alors le fauteuil de la présidence, je
ne pourrai pas m'exprimer. Permettez-moi donc de le faire maintenant.
L'amendement n° 625, déposé par le Gouvernement en première lecture au Sénat,
ne touche pas à la question de la gratuité des prestations de base : il encadre
le paiement des prestations de base, certes, mais n'en exonère pas les plus
démunis. Vous nous avez dit, madame le secrétaire d'Etat, que le temps vous
manquait. Mais cela fait maintenant deux ans que le Gouvernement travaille sur
le sujet ! Le temps est venu de débattre et de trancher.
C'était donc, monsieur le président, monsieur le ministre, madame le
secrétaire d'Etat, mes chers collègues, un long exposé sur ce service universel
bancaire que nous souhaitons voir instaurer à l'occasion de ce débat. Il s'agit
bien d'un système de régulation, car il n'est pas de véritable régulation
économique sans dimension sociale.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter le sous-amendement n° 611.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
J'ai cru comprendre que notre collègue M. Gérard Larcher a
d'ores et déjà présenté une séquence d'amendements dont il est l'auteur, en
particulier les amendements n°s 334, 336 et 338.
Monsieur le président, m'autoriseriez-vous à exprimer un avis global sur ces
amendements et, en même temps, à présenter le sous-amendement n° 611 relatif
portant sur l'amendement n° 334, puis le sous-amendement n° 612, portant sur
l'amendement n° 336, et le sous-amendement n° 613, portant sur l'amendement n°
338 ?
M. le président.
Monsieur le rapporteur, par courtoisie pour notre éminent collègue M. Gérard
Delfau, peut-être pourriez-vous présenter d'abord le sous-amendement n° 611 ?
Je donnerai ensuite la parole à M. Delfau pour défendre l'amendement n° 415, et
vous reviendrez enfin sur tous les points que vous souhaitez.
M. Paul Loridant.
Oui ! Sinon, nous n'aurons jamais la parole !
M. le président.
Je ne vous l'ai jamais refusée, monsieur Loridant. Je vous l'ai même accordée
abondamment !
M. Marc Massion.
M. Loridant est bien vu !
(Sourires.)
M. le président.
Vous avez la parole, monsieur le rapporteur, pour présenter le sous-amendement
n° 611.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
La commission est à votre disposition, monsieur le président
!
La proposition de M. Gérard Larcher s'inscrit dans une longue histoire qui
remonte à la loi bancaire de 1984, dont l'article 58 instaurait le droit de
tout citoyen d'avoir un compte bancaire.
En 1992, la charte sur les services bancaires de base a été élaborée sous les
auspices du comité des usagers, avec la participation de l'Association
française des banques. Elle est peu appliquée, et c'est dommage, car elle
aurait sans doute constitué le véhicule idéal pour mettre en place un service
bancaire de base.
Enfin, l'article 137 de la loi d'orientation relative à la lutte contre les
exclusions introduit la notion de service bancaire de base, mais le décret
d'application n'est jamais paru. Ce n'est pas totalement la faute du
Gouvernement, puisque la commission dite « Jolivet », chargée de la conception
de ce décret, devait d'abord se mettre d'accord sur un texte. Or tel n'a pas
été le cas. On peut en déduire, soit dit en passant, qu'il est risqué de
laisser à une entité extérieure, représentative ou réputée telle, le soin de
faire ce que le législateur avait confié au pouvoir exécutif.
M. Gérard Larcher propose un service bancaire qu'il qualifie d'universel. La
commission des finances s'interroge. Elle rappelle ne pas avoir d'éléments
d'appréciation sur le coût d'un tel service, et elle a tendance à mettre en
garde contre l'impact d'une telle mesure sur la compétitivité du secteur
bancaire. Il lui semble que, tout en respectant les intentions et les objectifs
des auteurs de l'amendement, celui-ci serait mieux « ciblé » si le champ
couvert était limité aux personnes qui en ont vraiment besoin, c'est-à-dire à
celles qui sont exclues du système bancaire ou qui risquent de l'être pour des
raisons économiques et sociales.
La commission considère, et c'est l'objet précis du sous-amendement n° 611,
qu'il vaut mieux parler de « service de base bancaire » et non plus de «
service universel bancaire ». Au demeurant, l'amendement qui sera examiné
aussitôt après l'amendement n° 336 tend à préciser le contenu de ce service. La
commission estime qu'il doit s'agir d'un service de base, du point de vue tant
des opérations que du public concernés.
Tel est l'objet du sous-amendement n° 611, qui, s'il était adopté par le
Sénat, nous permettrait d'émettre un avis favorable sur l'amendement n° 334.
M. le président.
La parole est à M. Delfau, pour présenter l'amendement n° 415.
M. Gérard Delfau.
Monsieur le président, je me permettrai de présenter en même temps les
amendements n°s 416 et 417, ce qui nous fera gagner du temps.
La division additionnelle que tendent à insérer après l'article 8 les nombreux
amendements visant à mettre fin à l'exclusion bancaire par la création d'un
service universel gratuit et ouvert à tous permet à la Haute Assemblée
d'aborder le premier vrai grand débat sur un fait de société dont il importe de
mesurer l'ampleur.
Si nous engageons ce débat, c'est, n'en doutons pas, en raison de la pression
de l'opinion publique. Les organisations syndicales, les associations
caritatives, les associations de consommateurs, nombre de personnalités
qualifiées et morales, demandent instamment au Parlement et aux pouvoirs
publics de prendre à bras-le-corps ce problème qui, pour être relativement
récent, n'en voit pas moins ses effets néfastes croître avec une telle rapidité
qu'ils frappent maintenant un nombre considérable de Français ou de
résidents.
Je relève au passage que l'Assemblée nationale a pris soin d'éviter ce débat.
C'est donc tout à l'honneur du Sénat de le lancer et à l'honneur du
Gouvernement d'y contribuer.
Je voudrais d'abord que l'on mesure bien l'ampleur du phénomène. D'après
l'Association française des banques - elle porte maintenant un autre nom -
qu'évidemment, comme tout parlementaire, je reçois et avec laquelle je
m'entretiens, car elle est représentative, le taux de bancarisation de la
France serait de 98 %.
C'est un chiffre rassurant, mais que recouvre-t-il ? Les interdits bancaires,
par exemple, y sont-ils inclus ?
Lisant un article de presse - qui eut un grand retentissement durant l'été
1999 - dans lequel s'exprimait une voix aussi autorisée que celle de Daniel
Lebegue, actuel directeur général de la Caisse des dépôts et consignations et
ancien dirigeant d'une très grande banque française, j'ai découvert que
celui-ci évaluait à cinq ou six millions le nombre de Français qui seraient
exclus du système bancaire.
Il suffit, comme il arrive à chacun d'entre nous de le faire, de se rendre
dans un village un peu reculé, dans un quartier sensible ou, tout simplement,
de parler avec le receveur d'un bureau de poste pour s'apercevoir - ce que,
d'ailleurs, la télévision nous a montré - que le livret A est désormais le
compte de dépôt et le moyen de retrait pour un nombre de plus en plus
considérable d'usagers.
Une telle situation est à la fois indigne d'un pays développé comme la France
et économiquement très préjudiciable. Elle fait déjà l'objet de l'attention des
instances européennes puisque, je le rappelle, la présidence finlandaise, au
cours du second semestre de 1999, avait jugé nécessaire d'examiner ce sujet et
avait interrogé chaque pays membre sur ce point.
Toujours dans la presse, je découvre que le gouvernement de Tony Blair,
s'inquiétant de l'exclusion bancaire, a chargé il y a trois ou quatre mois la
banque britannique de relever ce défi, mais - et le « mais » n'est pas sans
importance - moyennant une compensation financière.
Le sujet est donc devenu un sujet national, un sujet européen ; et un pays
qui, jusqu'à présent, n'a pas vraiment donné l'exemple d'une grande efficacité
ni d'un grand souci du service public s'est déjà engagé dans la voie de la
solution.
Evidemment, nous avons voté des textes ; j'ai moi-même, comme d'autres sur ces
travées, participé en 1984 au débat sur la loi bancaire et j'ai cru, en votant
son article 58 - M. le rapporteur le rappelait à l'instant -, que le problème
serait résolu et ne se reposerait plus. J'ai suivi avec intérêt ce que l'on
appelle communément la charte bancaire. J'ai participé au vote de l'article 137
de la loi de 1998 et j'ai attendu ce décret d'application qui n'est pas encore
publié et que l'on nous annonce comme imminent.
Je m'inquiète, moi aussi, de l'arrivée de l'euro, de l'exacerbation, dès
maintenant, de la concurrence entre les banques, de l'effet négatif sur
l'entreprise publique qu'est La Poste et sur l'équilibre de ses comptes de ce
reflux de clients refusés par le système bancaire traditionnel.
Tel est donc le contexte dans lequel nous abordons ce débat.
Divers amendements ont été déposés, notamment celui de nos collègues MM.
Gérard Larcher et Pierre Hérisson, tendant à instaurer un service universel
bancaire ouvert à tous et gratuit. Il s'agit de la reprise d'une proposition de
loi. Pour ce qui me concerne, j'avais, avec d'autres collègues, aussi déposé,
voilà quelques mois, une proposition de loi en ce sens. Sur le principe d'une
telle mesure, nous sommes donc tous d'accord. En revanche, il faut revenir à ma
question, à laquelle notre collègue M. Gérard Larcher n'a pas vraiment répondu
: Comment ce service sera-t-il financé ? J'ai bien écouté notre collègue M.
Gérard Larcher. Il a laissé entendre qu'il donnait un accord tacite à la
tarification des chèques. Il en prend la responsabilité. Pour ma part, je ne la
prendrai pas, et je constate que le Gouvernement ne le suit pas dans cette
voie. Il a évoqué aussi un fonds de compensation. Pourquoi pas ?
Ce fonds serait financé par des cotisations des divers acteurs du système
financier et bancaire. Là aussi, je m'interroge. Quelle sera la quote-part de
chacun ? Sur quels critères sera-t-il réparti ? Et, surtout, qui contrôlera
l'effectivité du droit au compte bancaire et aux moyens de paiement pour tout
citoyen ? Ce n'est ni la Banque de France, ni les tribunaux, ni les gardes
mobiles qui le feront appliquer. Enfin, le dernier risque et non des moindres
réside dans la surfacturation des autres services amenant, par ricochet, les
clients les plus pauvres à payer pour les plus fortunés. Voilà où nous en
sommes.
J'ajouterai un autre élément qui, je le sais, touchera l'ensemble du Sénat.
Nous parlons des personnes exclues du système bancaire. Il faudrait y ajouter
les territoires exclus du maillage des établissements bancaires traditionnels.
Combien de cantons, qui connaissent une baisse démographique, notamment dans le
centre de la France, combien de villages, combien de quartiers urbains que l'on
appelle difficiles n'ont pas eu, n'ont plus ou n'auront jamais, dans le système
actuel, un guichet de banque pour reprendre volontairement la terminologie
traditionnelle ? Sont-ils moins français ? Sont-ils voués à moins de vie
sociale et à une moindre efficacité économique ? Sont-ils condamnés à n'être
que des ghettos ?
Je voudrais donc que, dans ce débat, soit inclu aussi le maillage du
territoire national par l'ensemble du système financier. En effet, si nous ne
le faisons pas, nous n'accomplissons pas notre travail de parlementaires et,
j'ose le dire, particulièrement de membres du Sénat. Voilà où en est ma
réflexion.
J'ai bien entendu le Gouvernement, notamment Mme la scrétaire d'Etat. J'ai
compris le contenu implicite de l'amendement n° 625 présenté par le
Gouvernement. Je suis prêt à reconnaître que ce texte, dont nous discuterons ce
soir, contient des avancées considérables. En effet, aligner les pratiques
bancaires sur le droit à la consommation, c'est un réel progrès. Il fallait
avoir le courage de proposer cette disposition et de la faire voter par le
Parlement. Toutefois, je reste, pour l'instant, dubitatif. En effet, si la
proposition visant à instaurer un service universel bancaire ouvert à tous, que
j'ai moi-même soutenue et que je pourrais soutenir encore, me séduit, je suis
conscient des difficultés d'application qu'elle pose. C'est pourquoi je veux
revenir à l'essentiel, au plus urgent : mettre fin à l'exclusion bancaire de
quelques millions de citoyens.
Et, pour aller droit au but : quel sera le contenu du décret ; sortira-t-on de
la pétition de principe, donnera-t-on effectivité à ce droit au compte et aux
moyens de paiement pour l'ensemble des Français ? Qui financera ? Qui
contrôlera ? Qu'est-ce qui fera que les établissements qui s'en dispenseront
seront pénalisés ? Comment évitera-t-on que La Poste fasse, et une fois de
plus, par souci du service public, par tradition, par culture, par devoir et
par esprit de responsabilité, les frais d'une telle avancée, si avancée il y
a.
Aussi, avant de me déterminer, je demande solennellement à M. le ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie ainsi qu'à Mme la secrétaire d'Etat
de nous dire comment prochainement -- puisque, dit-on, un décret sera bientôt
publié pour permettre de concrétiser cet article 137 - nous allons pouvoir
avancer dans ce domaine.
Je ne suis pas l'homme du tout ou rien. Je sais par mon expérience, déjà
ancienne, de parlementaire et par mon expérience, plus ancienne encore, de
maire qu'il faut parfois procéder par petits pas. Encore faut-il qu'un signal
soit donné, non pas aux banques, mais à tous ceux que préoccupe le problème de
l'exclusion bancaire, et je souhaite beaucoup, monsieur le ministre, que ce
soit le moment.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur.
J'ai déjà fait part des réactions de la commission sur
l'amendement n° 334 visant à instaurer un « service universel bancaire ». Nous
avons présenté le sous-amendement n° 611 pour substituer à cette expression la
notion de « service de base bancaire ».
S'agissant de l'amendement n° 336, la commission a bien noté que la liste des
prestations comprises dans le service de base bancaire est essentiellement
composée des opérations d'ouverture de comptes et d'accès aux liquidités sur
ces comptes.
Cette définition du service de base n'appelle pas de réserve de notre part.
Cependant, notre sous-amendement n° 612 vient préciser le champ d'application,
dans l'esprit de ce que j'annonçais tout à l'heure. Nous pensons qu'il faut
s'adresser aux publics les plus fragilisés, c'est-à-dire aux titulaires des
actuels minima sociaux : revenu minimum d'insertion, allocation de solidarité
spécifique minimum vieillesse et, allocation pour adulte handicapé.
Je précise que, dans l'esprit de la majorité de la commission des finances, la
référence au revenu minimum d'insertion et à l'allocation de solidarité
spécifique s'entend dans le cadre de la proposition de loi que nous avons
déposée voilà quelques mois pour transformer ces allocations d'assistance en «
revenu minimum d'activité ». Il ne s'agit donc pas, dans notre esprit, de créer
une trappe à pauvreté supplémentaire, de créer un frein supplémentaire à la
reprise du travail et de l'activité. C'est donc en ayant à l'esprit notre
conception d'activation des dépenses d'assistance que nous formulons cette
proposition destinée aux publics les plus fragilisés. Tel est l'objet de notre
sous-amendement n° 612.
En ce qui concerne l'amendement n° 336, la commission émet un avis favorable,
sous réserve de l'adoption de son sous-amendement n° 612.
S'agissant de l'amendement n° 338, la commission émet, là encore, un avis
favorable, sous réserve de l'adoption de son sous-amendement n° 613.
J'en viens aux amendements déposés par nos collègues MM. Delfau, Baylet,
Collin, Mouly et Pelletier. Si ces amendements ont un tronc commun avec les
amendements de M. Gérard Larcher, ils comportent une liste d'opérations quelque
peu différente. En effet, parmi ces opéations figurent des prêts dits à faible
montant à vocation sociale, selon des conditions fixées par décret en Conseil
d'Etat, ainsi que des prêts d'honneur sans intérêt pour tout créateur
d'entreprise dont le dossier sera déclaré éligible par une commission
décentralisée, selon les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, ainsi
qu'aux entreprises de moins de cinquante salariés qui veulent investir pour
leur développement. Il s'agit, selon nous, d'une ouverture beaucoup plus grande
à des opérations à risques. Cela nous paraît sortir de la vocation d'un service
de base.
Par ailleurs, M. Delfau et ses collègues font reposer le financement sur la
Caisse des dépôts et consignations. Cela représenterait une charge indue pour
cet établissement au moment même où l'on veut, à juste titre, madame le
secrétaire d'Etat, adapter ses structures pour qu'il puisse, sans renier son
statut, prendre réellement sa place dans la compétition.
En résumé, les différents amendements déposés par M. Gérard Delfau et ses
collègues appellent, pour les raisons que j'ai indiquées, des avis défavorables
de la part de la comission.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 334, le sous-amendement n°
611 et l'amendement n° 415 ?
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Avant de donner l'avis du Gouvernement, je ferai
quelques remarques aux auteurs de ces propositions.
Monsieur Larcher, si on examine bien votre proposition, on constate qu'elle
engendre deux conséquences négatives importantes.
La première : en prévoyant la gratuité d'un certain nombre de prestations
limitativement énumérées, cette disposition risque - et c'est son paradoxe -
d'avaliser la facturation des autres prestations et tout particulièrement des
chèques payants. Or le Gouvernement a indiqué - et je crois que c'est avec
courage, qu'il l'a fait, contrairement à ce que vous avez indiqué tout à
l'heure - qu'il n'était pas favorable au chèque payant, non pas dans le cadre
d'une sorte de jeu avec le monde bancaire car il connaît le coût effectif du
traitement de certaines opérations, mais parce que les populations les plus
défavorisées, qui sont aussi celles qui font le moins d'opérations, utilisent,
elles, le chèque : autoriser les chèques payants, c'est permettre la
facturation des services auxquels ces personnes ont recours.
Certes, monsieur Larcher, vous présentez d'autres amendements, mais une
deuxième conséquence nous incite à ne pas vous suivre : en instaurant un fonds,
vous instaurez en fait aussi une taxe parafiscale.
(M. Larcher s'exclame.)
Il faudra bien un financement : le fonds ne fonctionnera pas sans que qui
que ce soit ne verse quoi que ce soit !
Il me semble, si j'ai bien compris votre proposition - et je crois l'avoir
comprise - qu'il y a donc un fonds, qui est certes réparti en fonction du
caractère plus ou moins favorisé des différents opérateurs ; mais il bien
évident que c'est le consommateur,
in fine,
qui financera ce fonds. En
effet, je ne vois pas comment les établissements qui auront à verser cette
contribution - ne l'appelons pas « taxe parafiscale », si vous le voulez - ne
la répercuteraient pas sur les prix. En fait, la disposition que vous proposez
engendrera une augmentation du prix de l'ensemble des services bancaires or,
comme vous faites un service bancaire gratuit universel, qui paiera
in
fine
? Les consommateurs qui n'entreront pas dans votre épure. C'est par
conséquent un jeu dangereux à la fois pour les chèques et pour le service
lui-même, dans la mesure où les consommateurs ne souhaitent pas que les
services bancaires « flambent », si vous me permettez cette expression.
Monsieur Delfau, vous dites à juste raison que le décret d'application que
vous attendiez n'a pas été publié. Je peux néanmoins vous assurer que les
choses vont évoluer rapidement. Nous avons voulu - M. le rapporteur le
rappelait tout à l'heure - que, dans l'esprit de la charte bancaire, dans
l'esprit de l'engagement des contrôles de qualité, dans l'esprit de tout ce qui
a pu être négocié, y compris au Conseil national du crédit et du titre,
s'engage une véritable négociation entre les partenaires bancaires et les
associations de consommateurs, afin de pouvoir « décortiquer » aussi finement
que possible la tarification actuelle des services bancaires et ce qu'elle
pourrait être dans l'avenir et voir quel système pourrait permettre à nos
concitoyens les plus démunis de payer le moins possible, voire rien du tout.
Cette négociation a abouti à des positions que vous connaissez aussi bien que
moi : d'une part, celle de M. Gérard Larcher, qui prévoit un certain nombre
d'engagements par rapport aux chèques payants ; d'autre part, celle des
défenseurs d'un service de base bancaire plus restreint.
La négociation n'ayant pas permis de déterminer un service qui nous convienne
complètement, nous allons maintenant publier un décret, lequel doit comprendre,
nous semble-t-il, divers éléments : l'ouverture et la tenue des comptes de
dépôt, la délivrance, à la demande de l'usager, d'un relevé d'identité bancaire
ou postal - comme Michel Charasse l'a dit, c'est extrêmement important -,
l'envoi mensuel au moins d'un relevé des opérations, ce qui permet à la
personne de bien suivre son compte, la réalisation des opérations de caisse,
les dépôts et retraits d'espèces aux guichets de l'organisme teneur de compte,
l'encaissement de chèques ou de virements bancaires ou postaux, la mise à
disposition d'une carte permettant des retraits d'espèces dans les
distributeurs automatiques de billets de l'organisme teneur de compte - vous
avez raison, monsieur le sénateur, l'organisme teneur de compte n'est peut-être
pas à proximité immédiate du domicile, et il faut donc prévoir cette carte de
retrait dans les distributeurs automatiques - et la mise à disposition d'une
carte de crédit à demande d'autorisation systématique, si l'organisme teneur de
compte est en mesure de la délivrer. En effet, lors des débats intervenus dans
cette enceinte sur le surendettement - je me souviens en particulier des
interventions de Paul Loridant et d'Odette Terrade -, il a été demandé que,
dans les situations les plus difficiles, même si elles sont temporaires, le
surendettement soit évité et que les organismes bancaires - cela a d'ailleurs
été demandé collectivement - soient responsabilisés dans ces dossiers du
surendettement. Si la mise à disposition d'une carte n'est pas soumise aux
règles que je viens d'énoncer, qui sera responsable d'un éventuel
surendettement ? Par conséquent, nous répondons à votre souci concernant la
responsabilité du surendettement.
La mise à disposition de cette carte de crédit ne doit bien évidemment pas
exclure le paiement par prélèvement au moyen d'un titre interbancaire de
paiement - Michel Charasse rappelait tout à l'heure les obligations pour les
sommes de plus de 20 000 francs ; là, nous ne sommes pas dans cette épure, car
il s'agit du règlement des frais liés à la vie quotidienne - ainsi que par
virement bancaire ou postal - il faut au moins deux possibilités de virements,
car nous n'habitons pas tous à proximité du fournisseur d'eau ou d'électricité
-, la délivrance à la demande de deux chèques de banque par mois - c'est
important pour les raisons que j'ai déjà indiquées -, des moyens de
consultation à distance du solde du compte - il n'y a pas de raison d'exclure
de cette technologie, qui permet de savoir en temps et en heure où l'on en est
exactement de son compte, les personnes rencontrant des difficultés - et, bien
sûr, la possibilité d'effectuer un changement d'adresse.
Ce décret devrait donc être publié dans les semaines qui viennent, après avoir
bien évidemment été soumis au Conseil d'Etat. Ce doit être un acte fort de la
prise en compte des personnes connaissant le plus de difficultés.
A côté de celles-là, on trouve également des personnes dont la situation est
certes moins difficile, mais qui peuvent avoir des problèmes personnels, y
compris de lecture des services proposés par la banque. Ici même, lors du débat
sur le texte relatif à la lute contre le surendettement, vous aviez été
nombreux, sur toutes les travées, à attirer l'attention du Gouvernement sur le
fait que les services bancaires sont souvent « achetés », alors même que
l'usager n'en a pas besoin : je pense notamment aux cartes qui permettent de
voyager, et qui ne sont d'aucune utilité quand leur détenteur ne voyage pas,
ainsi qu'aux cartes à débit différé, qui ne servent pas à leur détenteur si ce
dernier a décidé de gérer son compte au jour le jour !
Le Gouvernement pense donc lier, d'une part, le traitement des cas des
personnes les plus en difficulté, dont il doit se préoccuper au premier chef -
et cela relève non pas de la relation système bancaire-clients mais de la
responsabilité du Gouvernement - en faisant aboutir le droit au compte et,
d'autre part, l'ouverture de l'ensemble des banques à une forme de bonne
négociation permanente avec l'ensemble de leurs usagers, ce qui passe par le
code de la consommation et les propositions que nous avons déposées tout à
l'heure.
Monsieur le président, compte tenu du fait que ces propositions n'ont pas
encore pu être examinées par la commission des finances, il serait à mon avis
sage de réserver le vote sur les divers amendements qui concernent le même
sujet. C'est en tout cas la demande que formule le Gouvernement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur cette demande de réserve ?
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Monsieur le président, nous devons à mon avis savoir gré à
Mme le secrétaire d'Etat de son exposé sur la place de la banque dans la
société contemporaine et sur la préparation d'un décret à venir, toutes choses
qui nous documentent très utilement.
Néanmoins, je n'ai pas entendu l'avis du Gouvernement sur les amendements et
le sous-amendement présentés, alors que cet avis serait utile au Sénat pour se
former un jugement. Madame le secrétaire d'Etat, êtes-vous favorable ou
défavorable au service de base bancaire pour les plus démunis ? C'est la
question qui vous est posée, et il vous faut y répondre !
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement, compte tenu des propositions qu'il a
faites et des propos que j'ai tenus sur le décret relatif au droit au compte,
souhaite le retrait ou, à défaut, le rejet des amendements. Le financement du
service tel qu'il est proposé - et vous avez excellemment défini cela tout à
l'heure, monsieur le rapporteur général - n'est en effet pas assuré !
M. le président.
Quel est, en définitive, l'avis de la commission sur la demande de réserve
formulée par le Gouvernement ?
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Avis défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix la demande de réserve des amendements n°s 334 et 415 et du
sous-amendement n°s 611.
(La réserve n'est pas ordonnée.)
M. le président.
Je vais donc mettre aux voix le sous-amendement n° 611.
M. Paul Loridant.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant.
Notre discussion porte, en fait, sur divers articles. Or il y avait une
discussion commune sur les amendements n°s 336, 417, 448 rectifié, 418
rectifié, 450 rectifié et 421. M. Delfau a présenté les amendements n°s 418
rectifié et 421 ; quant à M. Gérard Larcher, il a défendu l'amendement n° 336.
Pour ma part, j'ai déposé des amendements qui sont des cousins germains,
parfois des frères, de ceux de MM. Delfau ou Gérard Larcher, et qui n'ont pas
été présentés alors même que les avis ont en partie été donnés.
Je souhaite donc pouvoir maintenant présenter conjointement les amendements
n°s 448 rectifié et 450 rectifié, qui font partie de la discussion de fond
commune sur les services bancaires de base.
M. le président.
Monsieur Loridant, nous ne pouvons procéder de la sorte, sous peine de
bouleverser trop la discussion, qui n'est déjà pas simple. C'est uniquement
pour gagner du temps que M. Gérard Larcher, défendant son amendement n° 336,
qui était appelé en premier, s'est également exprimé sur ses autres
amendements.
M. Gérard Delfau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau.
Je suis très embarrassé par le déroulement de cette discussion, monsieur le
président.
En effet, le Gouvernement nous a fourni des éléments nouveaux importants, mais
nous n'avons pas eu le temps de les examiner et la commission n'a pas pu s'en
saisir.
Par ailleurs - je le dis à M. le rapporteur - le sous-amendement n° 611
bouleverse totalement la philosophie de l'amendement n° 334 de nos collègues
Gérard Larcher et Pierre Hérisson, ou alors je ne comprends rien et je ne sais
ni lire ni entendre.
J'ai distingué, depuis le début de cette discussion, le service universel
bancaire gratuit et ouvert à tous d'un service restreint de compte sécurisé,
que j'appelle « service bancaire de base ». Or, tout d'un coup, on nous demande
d'approuver les deux dispositifs à la fois. Je dis que ce n'est pas digne du
Sénat, et je ne me prononcerai pas, parce que je n'ai pas le moyen de savoir
sur quoi je me prononce.
M. Gérard Larcher.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gérard Larcher.
M. Gérard Larcher.
Je voudrais d'abord remercier la commission des finances, son rapporteur et
son président de la manière dont ils ont abordé l'examen des amendements que
nous avons déposés. Ces propositions d'amendement ont fait l'objet d'une
discussion approfondie en commission et ici même en séance publique, discussion
qui était nécessaire.
Le sous-amendement n° 611 que, naturellement, je voterai est d'une philosophie
différente de celle qui inspire le service universel. Mais ce qui compte, c'est
le résultat. Le résultat, c'est que plus de trois millions de nos concitoyens
vont bénéficier d'un service.
Madame la secrétaire d'Etat, qu'est-ce que poser un acte fort ? Entre un
décret et l'introduction dans la loi, l'acte fort est celui que nous allons
faire maintenant en direction de ces populations. L'annonce du décret me
réjouit parce que, vous le savez, nous l'attendions depuis des mois. Mais
l'introduction dans la loi a une autre signification et une autre force.
Voilà pourquoi, pour ne pas prolonger davantage nos débats, monsieur le
président, je renverrai M. Delfau à mon texte pour l'explication du fonds de
compensation. Mme la secrétaire d'Etat a compris que ce n'était pas fiscal,
mais que c'était comparable au fonds des télécommunications, que je connais
assez bien pour en avoir débattu ici.
Voilà pourquoi, sur l'ensemble du texte, je suivrai la commission des
finances, même si j'aurais souhaité le service universel.
Moi aussi, je crains l'effet de seuil, que le décret n'évite pas au demeurant.
C'est la raison pour laquelle, si j'accepte l'idée d'un revenu minimum
d'activité, je considère que nous devons revoir toute la philosophie de
l'insertion. Mais c'est un autre sujet que celui dont nous débattons cet
après-midi, et c'est pourquoi je me range, pour l'heure, à l'approche de la
commission des finances.
(Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 611, repoussé par le Gouvernement.
M. Paul Loridant.
Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.
M. Marc Massion.
Et le groupe socialiste refuse de participer au vote.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 334, accepté par la
commission et repoussé par le Gouvernement.
M. Paul Loridant.
Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.
M. Marc Massion.
Et le groupe socialiste refuse de participer au vote.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, une division additionnelle ainsi rédigée est insérée dans le
projet de loi, après l'article 8, et l'amendement n° 415 n'a plus
d'objet.
9
DÉCLARATION DE L'URGENCE
D'UN PROJET DE LOI
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :
« Paris, le 11 octobre 2000.
« Monsieur le président,
« J'ai l'honneur de vous faire connaître qu'en application de l'article 45,
alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement déclare l'urgence du projet de
loi portant habilitation du Gouvernement à transposer, par ordonnances, des
directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines dispositions du droit
communautaire, déposé sur le bureau du Sénat, le 7 septembre 2000.
« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute
considération.
« Signé : Lionel Jospin »
Acte est donné de cette communication.
Mes chers collègues, devant recevoir, dans quelques instants, tous les
fonctionnaires qui ont préparé, le 14 juillet dernier, la fête de la Fédération
- événement qui a connu, sous l'autorité de Gérard Larcher, le très grand
succès que nous savons, avec la présence de milliers de maires dans l'enceinte
du Sénat - M. le président du Sénat m'a fait savoir qu'il souhaitait que la
présente séance soit suspendue afin de permettre à chacun de se rendre à cette
réception.
En conséquence, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à vingt et une heure quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à vingt et une heure
vingt, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
10
NOUVELLES RÉGULATIONS ÉCONOMIQUES
Suite de la discussion d'un projet de loi
déclaré d'urgence
M. le président.
Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée
nationale après déclaration d'urgence, relatif aux nouvelles régulations
économiques.
Divisions et articles additionnels
après l'article 8
(priorité) (suite)
M. le président.
Je vous rappelle, mes chers collègues, que nous avons entamé, avant la
suspension, l'examen des amendements appelés en priorité, tendant à insérer des
articles additionnels après l'article 8 et portant sur la notion de service
universel bancaire devenu service de base bancaire.
Par amendement n° 335, MM. Gérard Larcher, Hérisson, Trucy, Paul Girod et
Althapé proposent d'insérer, après l'article 8, une division additionnelle
ainsi rédigée : « Section I. - « Définition. »
Cet amendement a été défendu par son auteur et la commission et le
Gouvernement ont déjà donné leur avis.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 335, accepté par la commission et repoussé
par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, une division additionnelle ainsi rédigée est insérée dans le
projet de loi, après l'article 8.
Par amendement n° 416, MM. Delfau, Baylet, Collin, Mouly et Pelletier
proposent d'insérer, après l'article 8, un article additionnel ainsi rédigé
:
« Dans le titre II de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité
et au contrôle des établissements de crédits, il est inséré un chapitre
additionnel ainsi rédigé :
« Chapitre IV.
« Service universel bancaire ».
Cet amendement a été défendu, et la commission et le Gouvernement ont déjà
donné leur avis.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 416, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je suis maintenant saisi de plusieurs amendements qui peuvent faire l'objet
d'une discussion commune.
Par amendement n° 336, MM. Gérard Larcher, Hérisson, Trucy, Girod et Althapé
proposent d'insérer, après l'article 8, un article additionnel ainsi rédigé
:
« I. - A compter du 1er janvier 2001 est institué un service universel
bancaire fourni et financé dans les conditions définies au présent chapitre.
« II. - Le service universel bancaire garantit à tous un service bancaire de
base de qualité.
« Il est fourni gratuitement par les établissements de crédit ainsi que par
les services financiers de La Poste et du Trésor public. Sa fourniture exclut
la rémunération des dépôts inscrits au compte ouvert à ce titre.
« Le service universel bancaire assure à toute personne demandant à en
bénéficier le droit à :
« - un compte de dépôt ;
« - la délivrance à la demande d'un relevé d'identité bancaire ou postal ;
« - la domiciliation de virements bancaires ou postaux ;
« - l'envoi mensuel d'un relevé des opérations effectuées sur le compte de
dépôt ;
« - la réalisation des opérations de caisse ;
« - l'encaissement de chèques et de virements bancaires ou postaux ;
« - un minimum de cinq paiements par prélèvement, titre interbancaire de
paiement ou virement bancaire ou postal par mois ;
« - une carte de retrait autorisant des retraits hebdomadaires d'espèces dans
la limite d'un quart du montant mensuel du revenu minimum d'insertion et un
quota mensuel de chèques de banque dont le nombre et les conditions
d'attribution sont déterminés par décret ou une carte de paiement dite à
autorisation systématique permettant le débit du solde disponible du compte de
dépôt dans la limite d'un plafond mensuel également fixé par décret.
« La fourniture du service universel bancaire n'interdit pas l'offre d'autres
prestations gratuites par les organismes assujettis. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 612, présenté par M.
Marini, au nom de la commission des finances, et visant :
I. - Dans le premier alinéa (I) du texte proposé par l'amendement n° 336 pour
insérer un article additionnel après l'article 8, à remplacer le mot : «
universel » par les mots : « de base ».
II. - Dans le deuxième alinéa (II) du texte proposé par l'amendement n° 336
pour insérer un article additionnel après l'article 8, à remplacer les mots : «
à tous » par les mots : « aux personnes bénéficiaires du revenu minimum
d'insertion, de l'allocation de solidarité spécifique, du minimum vieillesse ou
de l'allocation pour adulte handicapé ».
Par amendement n° 417, MM. Delfau, Baylet, Collin, Mouly et Pelletier
proposent d'insérer, après l'article 8, un article additionnel ainsi rédigé
:
« Après l'article 36 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 précitée, il est
inséré un article additionnel ainsi rédigé :
«
Art. ... -
Est institué un service universel bancaire qui garantit à
tous les usagers un service bancaire de base de qualité.
« Il est fourni gratuitement par les établissements de crédit ainsi que par
les services de La Poste et du Trésor public. Sa fourniture exclut la
rémunération des dépôts faits au compte ouvert à ce titre.
« Le service bancaire assure à toute personne le droit à :
« - un compte de dépôt ;
« - la délivrance d'un relevé bancaire ou postal ;
« - la domiciliation de virements bancaires ou postaux ;
« - l'envoi mensuel d'un relevé des opérations effectuées sur le compte de
dépôt ;
« - la réalisation des opérations de caisse ;
« - l'encaissement des chèques et des virements bancaires ou postaux ;
« - un minimum de cinq paiements par prélèvement, titre interbancaire de
paiement ou virement bancaire ou postal par mois ;
« - une carte de retrait autorisant des retraits hebdomadaires dans les
conditions posées par décret en Conseil d'Etat ;
« - un prêt à faible montant à vocation sociale, selon les conditions fixées
par décret en Conseil d'Etat ;
« - un prêt d'honneur sans intérêt pour tout créateur d'entreprise dont le
dossier sera déclaré éligible par une commission décentralisée, selon les
conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, ainsi qu'aux entreprises de
moins de 50 salariés qui veulent investir pour leur développement.
« La mise en place de cette double procédure et son financement sont confiés à
la Caisse des dépôts. »
Par amendement n° 448 rectifié, M. Loridant, Mme Beaudeau, M. Foucaud, Mme
Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen et Mmes
Bergé-Lavigne, Yolande Boyer, Printz, MM. Saunier, Debarge, Chabroux, Pastor,
Plancade, Lejeune, Auban et Roujas proposent d'insérer, après l'article 8, un
article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 58 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 précitée, il est
inséré un article additionnel ainsi rédigé :
«
Art. ...
- Le service universel bancaire garantit à tous les usagers
un service bancaire de base de qualité.
« Il est fourni gratuitement par les établissements de crédit ainsi que par
les services de La Poste et du Trésor public. Sa fourniture exclut la
rémunération des dépôts faits au compte ouvert à ce titre.
« Le service bancaire assure à toute personne le droit à :
« - un compte de dépôts ;
« - la délivrance d'un relevé bancaire ou postal ;
« - la domiciliation de virements bancaires ou postaux ;
« - l'envoi mensuel d'un relevé des opérations effectuées sur le compte de
dépôt ;
« - la réalisation des opérations de caisse ;
« - l'encaissement des chèques et des virements bancaires ou postaux ;
« - un minimum de dix paiements par prélèvement, titre interbancaire de
paiement ou virement bancaire ou postal par mois ;
« - une carte de retrait autorisant des retraits hebdomadaires dans les
conditions posées par décret en Conseil d'Etat ;
« - un prêt à faible montant à vocation sociale, selon les conditions fixées
par décret en Conseil d'Etat ;
« - un prêt d'honneur sans intérêt pour tout créateur d'entreprise dont le
dossier sera déclaré éligible par une commission décentralisée, selon les
conditions fixées par décret, ainsi qu'aux entreprises de moins de 50 salariés
qui veulent investir pour leur développement.
« - La mise en place de cette double procédure et son financement sont confiés
à la Caisse des dépôts. » Par amendement n° 418 rectifié, MM. Delfau, Baylet,
Collin, Mouly et Pelletier proposent d'insérer, après l'article 8, un article
additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 36 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 précitée, il est
inséré un article additionnel rédigé comme suit :
« Dans le cadre du service universel bancaire et sur demande de l'usager, est
mis en place un service des comptes sécurisés comprenant outre les prestations
ci-dessus présentées, un quota mensuel de moyens de paiement sécurisés à titre
gratuit et banalisés, ainsi qu'une carte bancaire de paiement dont le montant a
fait l'objet d'une autorisation préalable.
« Toute personne physique résidant en France, détentrice d'un compte de dépôt,
a le droit de demander la limitation du fonctionnement de ce compte aux seules
prestations relevant du service universel bancaire.
« L'établissement auquel cette demande est adressée la satisfait sans frais.
Il ne peut la refuser ni en tirer motif de résiliation du compte concerné.
« Seules peuvent exercer ce droit les personnes qui remettent à
l'établissement auquel elles ont adressé leur demande une déclaration sur
l'honneur attestant qu'elles ne disposent d'aucun autre compte de dépôt. »
Par amendement n° 450 rectifié, M. Loridant, Mme Beaudeau, M. Foucaud, Mme
Terrade et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen et Mmes
Bergé-Lavigne, Yolande Boyer, Printz, MM. Saunier, Pastor, Lejeune, Chabroux,
Plancade, Debarge, Auban et Roujas proposent d'insérer, après l'article 8, un
article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 58 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 précitée, il est
inséré un article additionnel ainsi rédigé :
«
Art. ...
- Est mis en place un service dee "comptes sécurisés"
comprenant, outre les prestations prévues à l'article 58, cinq moyens de
paiement à titre gratuit et banalisé dans le cadre du service universel
bancaire, sur demande de l'usager.
« Toute personne physique résidant en France, détentrice d'un compte de dépôt,
a le droit de demander la limitation du fonctionnement de ce compte aux seules
prestations relevant du service universel bancaire.
« L'établissement auquel cette demande est adressée la satisfait sans frais.
Il ne peut la refuser ni en tirer motif de résiliation du compte concerné.
« Seules peuvent exercer ce droit les personnes qui remettent à
l'établissement auquel elles ont adressé leur demande une déclaration sur
l'honneur attestant qu'elles ne disposent d'aucun autre compte de dépôt. »
Par amendement n° 421, MM. Delfau, Baylet, Collin, Mouly et Pelletier
proposent d'insérer, après l'article 8, un article additionnel ainsi rédigé
:
« Après l'article 36 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 précitée, il est
inséré un article additionnel rédigé comme suit :
«
Art.
... Selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat,
l'entreprise publique La Poste et tout établissement financier ou bancaire sont
autorisés :
« - à délivrer des prêts sans épargne préalable pour des petits crédits à la
consommation sur critère social ;
« - à financer des prêts d'honneur de faible montant pour les créateurs
d'entreprise. »
L'amendement n° 336, le sous-amendement n° 612 et l'amendement n° 417 ont été
défendus, et la commission et le Gouvernement ont déjà donné leur avis.
La parole est à M. Loridant, pour défendre les amendements n°s 448 rectifié et
450 rectifié.
M. Paul Loridant.
Vous me permettrez, avant de défendre ces amendements, de marquer la
satisfaction du groupe communiste républicain et citoyen d'avoir vu s'engager
ce débat sur le service de base bancaire dans cette haute assemblée, alors que
le projet de loi - sur lequel nous regrettons une nouvelle fois que l'urgence
ait été déclarée - ne comprenait aucune disposition sur cette question
importante pour la vie quotidienne de nos citoyens.
Si nous pouvons en particulier apprécier positivement la prise de position de
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie quant à
l'offensive menée par certains établissements de crédit sur la tarification des
services bancaires, nous ne pouvons que nous inquiéter du fait qu'aucune
initiative ne vienne étayer cette position de principe, au demeurant
parfaitement estimable, et dont, d'une certaine manière, notre collègue
Charasse s'est fait l'écho dans ses deux amendements, que nous avons examinés
avant la suspension.
Pour autant, cela pose évidemment des questions quant aux contours que l'on
souhaite donner audit service universel - maintenant service de base bancaire -
et quant à la manière dont notre législation va pouvoir ou non intégrer les
prescriptions communautaires.
Je me permettrai ici de souligner que l'on peut regretter que la France n'ait
pas décidé de profiter de sa présidence de l'Union européenne pour remettre
cette question sur le tapis des négociations au plus haut niveau. Nous en
prenons acte, mais nous considérons, quant à nous, que cette question est très
importante.
Il nous semble qu'il serait particulièrement regrettable que ce qui relève
aujourd'hui des actes de la vie courante pour nombre de nos compatriotes, comme
payer ses factures, ses impôts et taxes, ou encore s'acquitter progressivement
du remboursement d'un prêt personnel ou d'un prêt immobilier, puisse devenir
une contrainte sujette au paiement d'une prestation, d'ailleurs rendue
aujourd'hui de moins en moins coûteuse pour les établissements bancaires du
fait de l'évolution des techniques de communication et de traitement de ce type
d'opérations.
Il importe, en effet, de rappeler pour la forme que c'est fondamentalement
l'argent des comptes courants qui constitue encore aujourd'hui l'une des
ressources principales des établissements bancaires, le socle de leur
refinancement et qui apparaît, et de loin, le moins coûteux à collecter et à
gérer, même compte tenu du coût de la gestion du réseau ; en effet, on sait
bien qu'aujourd'hui la collecte des fonds s'effectue de plus en plus par des
moyens techniques modernes.
Renchérir le coût de cette collecte en établissant à nos yeux un faux
parallélisme entre rémunération du coût de la prestation servie à la clientèle
et rémunération de l'importance des dépôts des particuliers n'est pas
nécessairement, sur la durée, de bonne politique. De ce point de vue, nous
considérons que les relations entre les banques et leurs clients ne sont pas
équilibrées, notamment compte tenu des dispositions qui consistent à faire
payer des tarifs bancaires tout en rémunérant de façon tout à fait modeste les
dépôts.
L'une des questions récurrentes que pose, bien entendu, notre débat sur le
service bancaire de base est celle de l'accessibilité à ce service, notamment
pour les personnes les plus en difficulté et les plus vulnérables.
Sur un plan strictement commercial, ces personnes ne constituent pas -
d'autres collègues, notamment M. Delfau tout à l'heure, l'ont dit - une
clientèle très intéressante pour nombre d'établissements de crédit,
intéressante au sens où elle leur rapporterait une rémunération.
En revanche, sur un plan social et humain, il ne nous semble pas souhaitable
que ces personnes vivent durablement le problème de l'exclusion bancaire avec
ce que cela peut avoir comme conséquence sur leur insertion sociale et
professionnelle, ainsi que sur les problèmes de leur vie quotidienne.
On estime aujourd'hui qu'environ 10 % de nos compatriotes sont concernés par
l'exclusion bancaire et donc victimes de la rigidité que cette situation peut
engendrer.
On observera ici, en écho à cette préoccupation, que l'on ne peut que
s'interroger sur ce qui conduit M. le rapporteur du présent projet de loi à
supprimer l'article 16
bis
qui tend à modifier quelque peu les conditons
d'application de ces interdictions bancaires.
De notre point de vue, on se doit donc, au terme de la présentation de ces
amendements sur l'exclusion bancaire et la création d'un service universel - à
cette heure transformé en service de base - de préconiser une disposition
spécifique en direction de ces publics en difficulté par la mise en place de ce
que l'on appelle les comptes sécurisés.
C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite volontiers à adopter les
amendements n°s 448 rectifié et 450 rectifié que présente notre groupe.
M. le président.
La parole est à M. Delfau, pour défendre les amendements n° 418 rectifié et
421.
M. Gérard Delfau.
L'amendement n° 418 rectifié permet de donner un contenu au service de base
bancaire auquel, à partir d'une gymnastique intellectuelle qui m'a un peu
échappé vu sa finesse, la majorité du Sénat s'est ralliée.
L'idée, en effet, est, premièrement, qu'il est nécessaire d'assurer à une
partie de la population - dont l'importance numérique est encore discutée - un
minimum de services bancaires et, deuxièmement, que ces services doivent être
sécurisés pour l'usager, mais aussi pour l'établissement financier.
Nous savons en effet que la relation bancaire s'analyse comme un contrat qui,
contrairement au reste des pratiques commerçantes, appelle des garanties ou des
précautions particulières.
Nous avons donc essayé, avec mes collègues Baylet, Collin, Mouly et Pelletier,
de préciser le « minimum » accompagnant les comptes sécurisés : un quota
mensuel de moyens de paiement à titre gratuit et banalisé, une carte bancaire
de paiement dont le montant a fait l'objet d'une autorisation préalable par
l'établissement bancaire et, évidemment, l'ouverture du compte, qui va de soi,
la fourniture du chéquier allant avec le quota des moyens de paiement dont je
parlais à l'instant.
C'est vraiment un minimum et l'amendement voté tout à l'heure, même si le
débat m'a paru quelque peu confus à un certain moment, m'a semblé relever de
l'effet d'annonce, être une coquille vide ou, pour dire les choses de façon
beaucoup plus positive, une position de principe.
Par conséquent, à partir de cette décision prise par le Sénat, et compte tenu
de la parution imminente du décret que nous a confirmée Mme le secrétaire
d'Etat, je propose, par cet amendement, des dispositions qu'il faudrait au
minimum prévoir pour satisfaire ce type de population.
Je tiens à insister - ce sera d'ailleurs l'objet d'un amendement suivant - sur
le problème de la délimitation du nombre de personnes concernées, sur les
critères de répartition et leur incidence géographique.
Ce que j'ai dit dans cette assemblée a quelque peu frappé, m'a-t-il paru. Il
n'en demeure pas moins que c'est un leitmotiv pour moi, parce que si l'on ne
résout pas cette question nous n'aboutirons à rien.
A propos de l'amendement n° 421, je tiens à dire que je persiste à penser,
contrairement à ce qu'indiquait tout à l'heure M. le rapporteur général, que
l'accès de toute la population à de petits prêts, au minimum à des prêts à
vocation sociale, fait partie du service de base bancaire. Je persiste
également à penser que les prêts d'honneur aux créateurs d'entreprises - et je
sais que Mme la secrétaire d'Etat est particulièrement sensible à ce sujet -
font partie aujourd'hui du minimum pour tout citoyen ayant affaire aux services
financiers.
Je n'en dirai pas plus à ce sujet parce que je reconnais que ce n'est pas le
plus urgent.
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Monsieur Delfau, depuis hier, il existe un prêt à la
création d'entreprise qui répond à votre demande : il s'agit d'un prêt de 50
000 francs octroyé sans garantie et sans caution, ces dernières étant
interdites.
Je dois saluer le fait que la totalité des banques étaient présentes et ont
accepté de cofinancer ce prêt.
Pour ce qui est des prêts sociaux, monsieur le sénateur, il nous faut
travailler encore sur le prêt des caisses d'allocations familiales, dont c'est
exactement la vocation.
C'est en modifiant les garanties publiques de ce prêt que nous pourrons
répondre à votre préoccupation. Je comprends en effet que les banques ne
couvrent pas ce risque.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 448 rectifié, 418
rectifié, 450 rectifié et 421 ?
M. Philippe Marini,
rapporteur.
La commission est défavorable à ces quatre amendements,
puisqu'elle a choisi un dispositif différent de ce qui est préconisé par tous
ces amendements, à savoir le service de base bancaire couvrant un certain
nombre d'opérations et destiné aux publics les plus fragilisés, c'est-à-dire
aux bénéficiaires des minima sociaux.
En conséquence, les dispositifs préconisés, d'un côté, par M. Loridant et, de
l'autre, par M. Delfau, qui relèvent de logiques substantiellement différentes,
ne pouvent pas recevoir notre accord.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
L'argumentation du Gouvernement reste la même sur la
notion de service universel, ou de base, puisque, à partir du moment où le
service est universel, il est valable pour tout le monde, quels que soient les
revenus des personnes.
L'absence d'encadrement de ce service nous pose problème, c'est pourquoi nous
avons préféré, comme je l'ai dit tout à l'heure, à la fois rédiger le décret
qui manquait sur le droit au compte, ce qui donne satisfaction à M. Delfau, et
mettre en place le dispositif que nous examinerons tout à l'heure en ce qui
concerne le droit des usagers face à la banque.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 612, repoussé par le Gouvernement.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 336, accepté par la
commission et repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 8, et les amendements n°s 417, 448 rectifié, 418
rectifié, 450 rectifié et 421 n'ont plus d'objet.
Par amendement n° 337, MM. Gérard Larcher, Hérisson, Trucy, Girod et Althapé
proposent d'insérer, après l'article 8, une division additionnelle ainsi
rédigée :
« Section II
« Mise en oeuvre »
Cet amendement a déjà été défendu, et la commission et le Gouvernement ont
donné leur avis.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 337, accepté par la commission et repoussé
par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, une division additionnelle ainsi rédigée est insérée dans le
projet de loi, après l'article 8.
Je suis maintenant saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une
discussion commune.
Par amendement n° 338, MM. Gérard Larcher, Hérisson, Trucy, Girod et Althapé
proposent d'insérer, après l'article 8, un article additionnel ainsi rédigé
:
« I. - A compter de la publication de la présente loi, toute personne physique
résidant en France, détentrice d'un compte de dépôt, a le droit de demander la
limitation du fonctionnement de ce compte aux seules prestations relevant du
service universel bancaire.
« L'établissement auquel cette demande est adressée la satisfait sans frais.
Il ne peut la refuser ni en tirer motif de résiliation du compte concerné.
« A compter du 1er juillet 2002, seules peuvent exercer ce droit les personnes
qui remettent à l'établissement auquel elles ont adressé leur demande une
déclaration sur l'honneur attestant qu'elles ne disposent d'aucun autre compte
de dépôt.
« II. - A compter de la publication de la présente loi, toute personne
physique résidant en France, dépourvue d'un compte de dépôt, a droit à
l'ouverture d'un tel compte au titre du service universel bancaire dans
l'établissement de crédit de son choix ou auprès des services financiers de La
Poste ou du Trésor public.
« L'ouverture d'un tel compte au titre de service universel bancaire
intervient après remise auprès de l'établissement de crédit d'une déclaration
sur l'honneur attestant le fait que le demandeur ne dispose d'aucun compte. En
cas de refus de la part de l'établissement choisi, la personne peut saisir la
Banque de France afin qu'elle lui désigne soit un établissement de crédit, soit
les services financiers de La Poste, soit ceux du Trésor public.
« Toute décision de clôture du compte, à l'initiative de l'établissement de
crédit désigné par la Banque de France, doit faire l'objet d'une notification
écrite et motivée adressée au client et à la Banque de France pour information.
Un délai minimum de quarante-cinq jours doit être consenti obligatoirement au
titulaire du compte.
« Les dispositions qui précèdent s'appliquent aux interdits bancaires. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 613, présenté par M. Marini
au nom de la commission des finances et tendant, dans le premier alinéa (I) et
le quatrième alinéa (II) du texte présenté par l'amendement n° 338 pour insérer
un article additionnel après l'article 8, à remplacer (deux fois) le mot : «
physique » par les mots : « bénéficiaire du revenu minimum d'insertion, de
l'allocation de solidarité spécifique, du minimum vieillesse, ou de
l'allocation pour adulte handicapé, et ».
Par amendement n° 419, MM. Delfau, Baylet, Collin, Mouly et Pelletier
proposent d'insérer, après l'article 8, un article additionnel ainsi rédigé
:
« Après l'article 36 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 précitée, il est
inséré un article additionnel rédigé comme suit :
«
Art. ... -
Toute personne physique résidant en France, dépourvue d'un
compte de dépôt, a droit à l'ouverture d'un tel compte au titre du service
universel bancaire dans l'établissement de crédit de son choix ou auprès des
services financiers de La Poste ou du Trésor public.
« L'ouverture d'un tel compte au titre de service universel bancaire
intervient après remise auprès de l'établissement de crédit d'une déclaration
sur l'honneur attestant le fait que le demandeur ne dispose d'aucun compte. En
cas de refus de la part de l'établissement choisi, la personne peut saisir la
Banque de France afin qu'elle lui désigne soit un établissement de crédit, soit
les services financiers de La Poste, soit ceux du Trésor public.
« Les établissements de crédit, les services financiers de La Poste ou du
Trésor public peuvent limiter les services gratuits liés à l'ouverture d'un
compte de dépôt aux seuls services inclus dans le service universel
bancaire.
« Toute décision de clôture du compte, à l'initiative de l'établissement de
crédit désigné par la Banque de France doit faire l'objet d'une notification
écrite et motivée adressée au client et à la Banque de France pour information.
Un délai minimum de quarante-cinq jours doit être obligatoirement consenti au
titulaire du compte.
« Les dispositions qui précèdent s'appliquent aux interdits bancaires. »
Par amendement n° 449 rectifié, M. Loridant, Mme Beaudeau, M. Foucaud, Mme
Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que
Mmes Bergé-Lavigne, Yolande Boyer, Printz, MM. Saunier, Lejeune, Chabroux,
Plancade, Pastor, Debarge, Auban et Roujas proposent d'insérer, après l'article
8, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 8, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 58 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 précitée est ainsi rédigé
:
«
Art. 58. -
Toute personne physique résidant en France, dépourvue d'un
compte de dépôt, a droit à l'ouverture d'un tel compte au titre du service
universel bancaire dans l'établissement de crédit de son choix ou auprès des
services financiers de La Poste ou du Trésor public.
« L'ouverture d'un tel compte au titre de service universel bancaire
intervient après remise auprès de l'établissement de crédit d'une déclaration
sur l'honneur attestant le fait que le demandeur ne dispose d'aucun compte. En
cas de refus de la part de l'établissement choisi, la personne peut saisir la
Banque de France afin qu'elle lui désigne soit un établissement de crédit, soit
les services financiers de La Poste, soit ceux du Trésor public.
« Les établissements de crédit, les services financiers de La Poste ou du
Trésor public peuvent limiter les services gratuits liés à l'ouverture d'un
compte de dépôt aux seuls services inclus dans le service universel
bancaire.
« Toute décision de clôture du compte, à l'initiative de l'établissement de
crédit désigné par la Banque de France, doit faire l'objet d'une notification
écrite et motivée adressée au client et à la Banque de France pour information.
Un délai minimum de quarante-cinq jours doit être consenti obligatoirement au
titulaire du compte.
« Les dispositions qui précèdent s'appliquent aux interdits bancaires. ».
L'amendement n° 338 et le sous-amendement n° 613 ont déjà été défendus par
leurs auteurs.
La parole est à M. Delfau, pour défendre l'amendement n° 419.
M. Gérard Delfau.
Il s'agit, par ce texte, de continuer à préciser un certain nombre de
procédures qui permettent d'assurer l'accès aux services financiers à toutes
les couches de la population, y compris aux plus défavorisés.
Nous reprenons dans ce texte entre autres l'idée de la saisine de la Banque de
France, même si, par le passé, elle s'est révélée, nous avons pu le constater,
moins efficace que nous ne l'aurions souhaité. Il nous semble toutefois qu'il
faut, à ce stade de la discussion, réaffirmer que la Banque de France doit
jouer le rôle d'arbitre, de régulation et, si nécessaire, de rappel à
l'ordre.
M. le président.
La parole est à M. Loridant, pour défendre l'amendement n° 449 rectifié.
M. Paul Loridant.
La question de l'exclusion bancaire est, depuis maintenant plusieurs mois, au
centre de l'actualité.
En effet, les établissements de crédit, s'appuyant sur les directives
européennes les plus récentes, ont marqué leur volonté de mettre en oeuvre des
mesures de tarification des services de base offerts à la clientèle.
Cette situation est au coeur de la série d'amendements que présente le groupe
communiste républicain et citoyen et qui procèdent, pour l'essentiel, de la
déclinaison de la proposition de loi que nous avons déposée sur le sujet, avec
et sous l'impulsion de M. Gérard Delfau.
Plusieurs observations fondamentales doivent être produites sur le sujet.
Tout d'abord, la tarification éventuelle des services bancaires de base est
une mesure particulièrement discutable dès lors que se pose la nécessité pour
les particuliers de disposer, ne serait-ce que pour percevoir une rémunération,
une allocation ou un revenu, ou pour accomplir sans formalités excessives le
règlement d'un certain nombre de charges ou de frais de la vie courante.
On sait par exemple que l'on peut payer par virement automatique ses factures
de téléphone, d'électricité et de gaz, ses impôts locaux ou l'impôt sur le
revenu, sans compter, dans certains cas, son loyer, ses charges de copropriété
ou encore tel ou tel emprunt.
La facturation des services bancaires paraît donc être comme ce qu'elle est :
la tarification de prestations rendues à une clientèle naturellement captive,
comme nous venons de rappeler.
Il nous semble nécessaire que cette situation soit quelque peu modifiée, et
c'est le sens de cet amendement.
Notre logique est assez fondamentalement différente de la position défendue
par les établissements de crédit dans le cadre de la concertation menée au sein
de la commission Jolivet qui, bien qu'ayant échoué, a marqué la première
confrontation entre les parties sur le sujet.
Nous nous plaçons en effet de manière claire du côté des clients des
établissements de crédit.
Par ailleurs - c'est là notre seconde observation - dans un univers économique
et social marqué par la montée du libéralisme, nous ne croyons pas que les
termes du contrat passé entre un établissement de crédit et son client soient
exactement fondés sur le principe d'égalité, quand bien même celui de liberté
serait apparemment respecté.
Dans ce cadre, pour rétablir l'équilibre, c'est la loi qui doit permettre de
garantir le droit du client à être entendu.
Cet amendement vise donc à donner une définition au service bancaire de
base.
Il tend à préserver les droits de la clientèle et à prévenir par avance deux
phénomènes essentiels : d'une part, l'exclusion bancaire dont souffre
aujourd'hui une partie trop importante de nos concitoyens et, d'autre part, ce
que l'on pouvait appeler une fausse concurrence sur les services qui pourrait
découler, pour les établissements de crédit, d'une absence de détermination de
règles minimales dans les relations avec la clientèle.
C'est sous le bénéfice de ces observations que je vous invite à adopter cet
amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°{s 419 et 449
rectifié ?
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Monsieur le président, dès lors que la commission a retenu
l'amendement n° 338 sous-amendé, elle ne peut pas émettre d'avis favorable sur
ces deux amendements.
Je voudrais souligner à ce stade que, si l'on voulait aller dans le sens d'un
service universel, il faudrait, bien entendu, en prévoir le coût. Ce coût,
vraisemblablement très élevé, se répercuterait inéluctablement sur la
tarification de tous les services bancaires quels qu'ils soient et le
renchérissement qui en résulterait se retournerait nécessairement contre une
partie des usagers, plus particulièrement contre les classes moyennes
utilisatrices de services plus diversifiés que ceux qui sont décrits au titre
du service universel.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 338 et le sous-amendement
n° 613, ainsi que sur les amendements n°s 419 et 449 rectifié ?
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Ce qui gêne le Gouvernement, ce sont les mots : «
service universel » ou « service de base », car la formulation vise l'ensemble
des usagers, quelle que soit leur situation financière. Ce n'est donc pas un
service destiné aux plus démunis. De plus, un tel service a un coût important.
En outre, il est le signal que tout ce qui n'est pas dans le service universel
ou service de base est payant, y compris les chèques. Deux arguments
s'opposent.
Le décret d'application relatif au droit au compte donne plus de moyens aux
personnes en situation difficile.
Le Gouvernement est donc défavorable au sous-amendement et aux amendements.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 613, repoussé par le Gouvernement.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 338, accepté par la
commission et repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 8, et les amendements n°s 419 et 449 rectifié n'ont
plus d'objet.
Par amendement n° 339, MM. Gérard Larcher, Hérisson, Trucy, Paul Girod et
Althapé proposent d'insérer, après l'article 8, une division additionnelle
ainsi rédigée :
Section III. - Financement et bilan d'application. »
Je rappelle que cet amendement a déjà été présenté par son auteur et que la
commission et le Gouvernement ont donné leur avis.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 339, accepté par la commission et repoussé
par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, une division additionnelle ainsi rédigée est insérée dans le
projet de loi, après l'article 8.
Je suis maintenant saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une
discussion commune.
Par amendement n° 340, MM. Gérard Larcher, Hérisson, Trucy, Paul Girod et
Althapé proposent d'insérer, après l'article 8, un article additionnel ainsi
rédigé :
« I. - Les coûts imputables aux obligations du service universel bancaire sont
évalués chaque année par la Banque de France sur la base d'une comptabilité
appropriée tenue par les établissements concernés.
« Pour chaque année, cette évalutation est établie au plus tard le 1er mars de
l'année suivante.
« II. - A compter de la publication de la présente loi, les établissements de
crédit agréés en France ainsi que La Poste et le Trésor public adhèrent à un
fonds de compensation destiné à financer les coûts du service universel
bancaire défini ci-dessus.
« Sous réserve des dispositions ci-après, le fonds de garantie des dépôts gère
le fonds de compensation dans les conditions édictées par les articles 52-1 à
5213 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle
des établissements de crédit.
« Les établissements adhérant au fonds de compensation lui fournissent les
ressources financières destinées à compenser le coût du service universel
bancaire dans les conditions fixées par un règlement du comité de la
règlementation bancaire et financière. Ce dernier précise la formule de
répartition des cotisations annuelles des membres sur la base du montant de
leurs dépôts, les modalités du versement des compensations dues aux membres
assurant une part des coûts du service universel bancaire supérieure au montant
de leur cotisation annuelle, ainsi que les conditions dans lesquelles les
cotisations de ces derniers membres peuvent ne pas être appelées par le fonds
de compensation.
« Le fonds de compensation dispose d'un droit d'accès aux documents
justificatifs du calcul du coût du service universel bancaire dont le montant
est arrêté par la Banque de France dans les conditions fixées au I.
« III. - Au moins une fois tous les quatre ans, à compter de la date de
publication de la présente loi, un rapport dressant le bilan du fonctionnement
du service universel bancaire est établi par la Banque de France.
« Ce rapport est communiqué au Parlement. Il peut proposer des modifications
des dispositions en vigueur. ».
Les deux amendements suivants sont présentés par MM. Delfau, Baylet, Collin,
Mouly et Pelletier.
L'amendement n° 420 tend à insérer, après l'article 8, un article additionnel
ainsi rédigé :
« Après l'article 36 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 précitée, il est
inséré un article additionnel rédigé comme suit :
«
Art. ...
- Dès la promulgation de la loi, est mise en place un Fonds
de compensation destiné à financer les coûts du service universel bancaire.
« Sous réserve des dispositions ci-après, le Fonds de garantie des dépôts gère
le Fonds de compensation dans les conditions édictées par les articles 52-1 à
52-13.
« Le Fonds de compensation dispose d'un droit d'accès aux documents
jsutificatifs du calcul du coût du service universel bancaire dont le montant
est évalué chaque année par la Banque de France sur la base d'une comptabilité
appropriée tenue par les établissements concernés.
« Le Fonds de compensation est alimenté par l'instauration d'une taxe fiscale
prélevée sur les opérations par carte bancaire, dont le montant sera réparti
par une autorité indépendante contrôlée par la Commission supérieure du service
public des postes et télécommunications.
« Les critères pour bénéficier du Fonds de compensation sont les suivants :
« - l'implantation des établissements d'un même réseau dans les cantons en
voie de désertification et les quartiers classés zone urbaine sensible ;
« - le nombre de personnes percevant le revenu mensuel d'insertion ayant
domicilié leur compte dans le réseau ;
« - le nombre de comptes sécurisés ouverts au sein de chaque réseau dans le
cadre du service universel bancaire. » L'amendement n° 422 rectifié tend à
insérer, après l'article 8, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 36 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 précitée, il est
inséré un article additionnel ainsi rédigé :
«
Art. ... -
Le service universel bancaire est gratuit. Le coût des
comptes sécurisés visés à l'article additionnel après l'article 36 (cf.
amendement n° 418 rectifié.) est assuré par les ressources du fonds de
compensation.
« Selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat, l'autorité
indépendante, visée à l'article additionnel après l'article 36 (cf. amendement
n° 420) et chargée de mettre en place le service universel bancaire et le fonds
de compensation, est placée sous l'autorité d'un magistrat et comprend des
représentants de la profession bancaire, des représentants des associations de
consommateurs, des élus locaux et des parlementaires.
« La commission supérieure du service public des postes et télécommunications
se voit confier la tâche d'accompagner cette mise en place et d'en apprécier
l'efficacité, au regard des critères de cohésion sociale et d'aménagement de
territoire. La commission départementale de la présence postale territoriale
s'assure que le service universel bancaire est offert à l'ensemble des citoyens
et sur tout le territoire. Elle tient informée la commission supérieure
précitée en cas de manquement caractérisé. »
Je rappelle que l'amendement n° 340 a été présenté par son auteur et que la
commission et le Gouvernement ont donné leur avis.
La parole est à M. Delfau, pour défendre les amendements n°s 420 et 422
rectifié.
M. Gérard Delfau.
L'amendement n° 420 vise à clarifier le problème fondamental du fonds de
compensation, autrement dit celui du financement et du mode de régulation du
dispositif qui sera réservé aux bénéficiaires du service de base bancaire.
Dans l'amendement n° 340, déposé par nos collègues, Gérard Larcher et Pierre
Hérisson, il est question - je ne parle que du fonds de compensation, non de
son extension - de ressources financières fixées par les partenaires avec
l'accord de l'autorité de régulation. En déposant l'amendement n° 420, nous
avons essayé de préciser comment ce fonds sera, d'une part, abondé et, d'autre
part, réparti.
En ce qui concerne la façon dont il sera abondé, nous avons l'honnêteté
législative de dire qu'il le sera par une taxe fiscale. Il en existe dans à peu
près toutes les professions, qu'il s'agisse de l'audiovisuel que je connais
bien - j'ai d'ailleurs contribué à l'élaboration de la taxe qui alimente le
fonds des radios associatives - ou qu'il s'agisse de l'agriculture, secteur
dans lequel il existe non pas une seule taxe, mais sans doute plusieurs
dizaines. Bref, il s'agit d'une taxe fiscale prélevée par décision du Parlement
et répartie ensuite, au sein de la profession, selon l'objet que la loi a
fixé.
S'agissant de la façon dont ce fonds sera réparti - second élément qui me
paraît encore plus important -, notre souci est d'éviter un troisième texte
réglementaire, si c'est un décret, ou législatif, comme la loi bancaire,
donnant mission de réintégrer l'ensemble des exclus bancaires et n'ayant en
fait aucune effectivité ou presque.
Si tel était le cas, étant donné l'attente, la gravité de la situation et
l'emballement quasi mécanique qui, aujourd'hui, contribue à rejeter de plus en
plus de citoyens en dehors des services financiers de base, les pouvoirs
publics en général et le Parlement en particulier, sans compter le
Gouvernement, auraient alors perdu, auprès de l'opinion publique, une part de
leur crédibilité.
Je ne connais que trois moyens, dans une démocratie comme la nôtre, pour
imposer ce type de péréquation : l'incitation financière - c'est celui que nous
avons choisi dans notre amendement n° 420 -, les pénalités - nous n'avons pas
voulu cette solution - ou bien la sanction - mais je ne vois pas quelle
autorité pourrait sanctionner tel réseau bancaire défaillant.
Les pénalités, c'est désagréable et, finalement, souvent difficile à mettre en
oeuvre. Nous avons choisi - je le dis clairement - le système de l'incitation
financière, prévoyant que, pour bénéficier des ressources procurées par ce
fonds de compensation, trois critères justifieront cette répartition.
Le premier critère est l'implantation et le maillage des établissements
financiers d'un même réseau sur les territoires les plus fragiles de notre
pays, qu'il s'agisse de cantons en voie de désertification ou de quartiers
classés zones urbaines sensibles.
Le deuxième critère fait l'unanimité : c'est le nombre de personnes percevant
le RMI et ayant domicilié leur compte dans le réseau concerné. Enfin, puisque
nous avons établi la notion de compte sécurisé, qui, je crois le comprendre,
est reprise sous la forme de service de base bancaire par le Sénat, ce serait
le troisième critère.
Je voudrais vraiment à ce moment du débat que, sous cette forme ou sous une
autre, aussi bien la majorité de nos collègues que le Gouvernement nous
assurent qu'il ne s'agira pas d'une pétition de principe, et que des mesures
seront effectivement prises. Pour ce faire, nous devons savoir le plus vite
possible qui en supportera le coût, et comment. Sur ce sujet, j'exprime le
point de vue non seulement des associations et de toutes les organisations qui
se sont mobilisées en faveur de la réintégration des exclus bancaires, mais
aussi des élus locaux et, ayant dit cela, je crois que je n'ai rien de plus à
ajouter au sein de notre Haute Assemblée.
Tel est l'objet des amendements n°s 420 et 422 rectifié.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 420 et 422 rectifié
?
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Etant favorable à l'amendement n° 340, la commission ne peut
l'être aux amendements n°s 420 et 422 rectifié.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Je continue dans la même logique ; autrement, vous
seriez surpris...
(Sourires.)
Le Gouvernement est défavorable à ces
amendements.
Le débat qui a été ouvert au Sénat n'est pas terminé, et nous aurons
vraisemblablement l'occasion de le reprendre.
Sans revenir sur le fonds lui-même, imaginons qu'on retienne les critères
avancés pour en bénéficier. Je ne suis pas certaine que l'on puisse « croiser »
le nombre de personnes percevant le RMI. La CNIL nous empêchera
vraisemblablement de reprendre ce critère auprès d'entreprises privées, critère
qui, pour être excellent, n'en est pas moins difficile à prendre en compte...
sans jeu de mots, malheureusement !
En outre, avec l'ensemble de vos critères, si l'incitation financière est
intéressante, le pourcentage sera pratiquement le même pour les grandes banques
- à l'exception d'une ou deux qui ne voudront absolument pas se mettre dans
cette configuration - et la répartition s'effectuera d'une façon à peu près
équivalente. Autrement dit, la taxe prélevée reviendra en fait à la banque
elle-même ! D'où la nécessité de travailler à nouveau cette question à
l'avenir, pour résoudre les problèmes qui se posent.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 340.
M. Gérard Delfau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau.
Je ne pourrai pas voter l'amendement n° 340 parce que je n'ai pas la réponse
aux questions de fond - c'est le cas de le dire ! - que je pose sur
l'abondement et la répartition et de ce fond.
Je veux revenir sur ce que disait Mme la secrétaire d'Etat et présenter
d'abord une remarque générale.
Oui, nous sommes au début d'une réflexion. J'en ai conscience tout comme vous,
et certainement comme beaucoup de nos collègues. Oui, je me suis, moi aussi,
posé le problème de la ville. Il est certain, quand on cherche des critères,
que l'on bute immédiatement sur cette difficulté, heureusement, vais-je
ajouter.
En revanche, je ne peux être d'accord avec vous quand vous dites que ce fonds
de compensation n'aurait plus de sens si cela provoquait la ruée des grands
établissements financiers dans les zones sensibles, qu'elles soient rurales ou
urbaines. Si cela était le cas, nous aurions fait des progrès politiques. Le
pays serait devenu tellement plus républicain que nous célébrerions tous
ensemble cette grande victoire !
M. Paul Loridant.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant.
Mon explication de vote portera à la fois sur les amendements n°s 340 et 420,
car je voudrais revenir sur ce que disait à l'instant mon collègue Gérard
Delfau.
Madame le secrétaire d'Etat, la vérité est triste. Je parlerai non pas des
zones rurales, mais des villes de banlieue. Les grands établissements bancaires
auxquels vous vous référez « se tirent », pour parler vulgairement, et ferment
les uns après les autres ! Les centres commerciaux de quartier voient donc les
grands établissements bancaires partir les uns après les autres et nous, les
maires, nous tentons de trouver un établissement mutualiste ou un établissement
à caractère plus social, ou, dans le cadre de la politique de la ville, nous
demandons l'implantation de bureaux de poste de quartier, bureaux de poste qui,
précisément, apporteront des services bancaires.
Ce que préconise Gérard Delfau répond donc à des besoins réels, tant dans les
quartiers défavorisés que - mais je ne peux pas en parler savamment - dans les
cantons ruraux désertifiés.
Je m'apprête donc à voter avec le groupe communiste républicain et citoyen
l'amendement présenté par Gérard Delfau parce qu'il répond, notamment en ce qui
concerne le financement, à ce besoin impérieux de mailler le tissu urbain et le
tissu rural d'établissements bancaires, tout simplement pour apporter des
services à la population. Bref, comme le dit M. Delfau, pour faire vivre au
quotidien la République !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 340, accepté par la commission et repoussé
par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 8, et les amendements n°s 420 et 422 rectifié n'ont
plus d'objet.
M. Paul Loridant.
Hélas !
M. Gérard Delfau.
Mais le problème demeure !
M. le président.
Par amendement n° 625, précédemment réservé, le Gouvernement propose
d'insérer, après l'article 8, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 58 de la loi n° 84-46 de la loi du 24 janvier 1984
relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit, il est
inséré un article 58-1 ainsi rédigé :
«
Art. 58-1. - I.
- Les principales dispositions encadrant la gestion
d'un compte de dépôt d'un client doivent figurer dans une convention de compte
écrite passée entre le client et son établissement de crédit et sont précisées
par un arrêt du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, pris
après avis du comité consultatif institué à l'article 59 de la présente loi.
« Tout projet de modification de tarification doit être communiqué par écrit
au client deux mois avant la date d'application envisagée.
«
II
. - Sauf si la convention de compte dispose autrement, toutes les
opérations en crédit et en débit d'un compte de dépôt doivent être portées à la
connaissance du client à intervalle régulier n'excédant pas un mois.
«
III
. - Est interdite la vente de produits ou de prestations de
services groupés sauf lorsque les produits ou prestations de services inclus
dans l'offre groupée peuvent être achetés individuellement ou qu'ils sont
indissociables.
« Est interdite toute vente ou offre de vente de produits ou de prestations de
services faite au client et donnant droit, à titre gratuit, immédiatement ou à
terme, à une prime financière ou consistant en produits, biens ou services dont
le montant serait supérieur à un seuil fixé, en fonction du type de service
offert à la clientèle, par un règlement du comité de la réglementation bancaire
et financière pris après avis du comité consultatif institué à l'article 59 de
la présente loi.
«
IV
. - Des agents de la Banque de France et les fonctionnaires
habilités à relever les infractions aux dispositions mentionnées aux
paragraphes IV, V et VI du présent article sont qualifiés pour procéder dans
l'exercice de leurs fonctions à la recherche et à la constatation par
procès-verbal des infractions aux I et III du présent article.
« Ces agents peuvent accéder à tous les locaux à usage professionnel et
demander la communication des livres et tous autres documents professionnels et
en prendre copie, recueillir sur convocation ou sur place les renseignements et
justifications. Ils ne peuvent accéder à ces locaux qu'entre 8 heures et 20
heures. Le secret professionnel ne peut être opposé aux agents agissant dans le
cadre des pouvoirs qui leurs sont conférés au présent article.
« Les procès-verbaux sont transmis au procureur de la République dans les cinq
jours suivant leur établissement. Une copie en est également remise à
l'intéressé.
«
V
. - Tout établissement de crédit désigne un ou plusieurs médiateurs
chargés de recommander des solutions aux litiges relatifs à l'application par
les établissements de crédit des obligations figurant aux I et III du présent
article. Les médiateurs sont choisis en raison de leur compétence et de leur
impartialité, dans des conditions fixées par décret.
« La saisine d'un médiateur suspend la prescription pendant l'examen par le
médiateur des litiges qui lui sont soumis. Le médiateur est tenu de statuer
dans un délai de deux mois à compter de sa saisine. Les constatations et les
déclarations que le médiateur recueille ne peuvent être ni produites ni
invoquées dans la suite de la procédure sans l'accord des parties. Cette
procédure de médiation est gratuite.
« Le compte rendu annuel d'activité établi par chaque médiateur dans des
conditions fixées par arrêté est transmis au Gouverneur de la Banque de France
et au président du comité consultatif.
«
VI
. - Il est institué un comité de la médiation bancaire chargé
d'examiner les rapports des médiateurs et d'établir chaque année un bilan de la
médiation bancaire qu'il transmet au Conseil national du crédit et du titre. Ce
comité peut adresser des recommandations aux établissements de crédit et aux
médiateurs.
« Le comité de la la médiation bancaire est présidé par le gouverneur de la
Banque de France, ou son représentant. Les autres membres sont nommés par
arrêté du ministre chargé de l'économie, selon la répartition suivante : une
personnalité proposée par le collège de consommateurs et usagers du Conseil
national de la consommation, une personnalité proposée par l'Association
française des établissements de crédit et des entreprises d'investissement et
deux personnalités choisies en raison de leur compétence.
«
VII
. - Est puni de 100 000 francs d'amende le fait de méconnaître
l'une des obligations figurant aux I et III du présent article.
« Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement dans
les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal des infractions
définies à l'alinéa précédent. Les peines encourues par les personnes morales
sont l'amende suivant les modalités prévues par l'article L. 131-38 du code
pénal.
« Avant d'engager l'action publique tendant à l'application des sanctions
pénales prévues au présent article, le parquet peut saisir pour avis le comité
de la médiation bancaire. En cas de dépôt d'une plainte avec constitution de
partie civile portant sur des infractions aux dispositions mentionnées aux I et
III du présent article, le procureur de la République peut, avant de prendre
ses réquisitions, saisir pour avis le comité de la médiation bancaire. Les
réquisitions sont transmises au juge d'instruction après avis du comité.
« Le comité de la médiation bancaire se prononce dans un délai de six semaines
au plus tard après la réception de la demande d'avis. Dans son avis, il
apprécie notamment la réalité des faits, ainsi que leur éventuel caractère
répétitif.
«
VIII
. - Les dispositions du présent article sont d'ordre public.
Elles entrent en vigueur le 1er janvier 2001. Les dispositions du III
s'appliquent à compter du 1er juillet 2002 aux ventes qui trouvent leur origine
dans les conventions conclues avant l'entrée en vigueur de la loi.
«
IX
. - Les dispositions du présent article s'appliquent également aux
services financiers de La Poste, aux services financiers du Trésor public, à la
Banque de France et à la Caisse des dépôts et consignations.
«
X
. - Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application
du présent article. »
« II. - Les dispositions du I de l'article 58-1 s'appliquent à compter du 1er
juillet 2001 pour les comptes de dépôt ouverts à la date d'entrée en vigueur de
la présente loi et n'ayant pas fait l'objet d'une convention conforme aux
dispositions précisées par l'arrêté visé au premier alinéa de cet article.
« III. - A l'article L. 122-4 du code de la consommation, les mots : "prévus
par les conditions générales de banque portées à la connaissance de la
clientèle et précisant le montant ou le mode de calcul de ces rémunérations"
sont remplacés par les mots : "dans les conditions fixées à l'article 58-1 de
la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984".
« IV. - Après le premier alinéa de l'article L. 113-3 du code de la
consommation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les règles relatives à l'obligation de renseignements par les établissements
de crédit, les services financiers de La Poste, les services financiers du
Trésor public, la Banque de France et la Caisse des dépôts et consignations
sont fixées par les I, II et VII de l'article 58-1 de la loi n° 84-46 du 24
janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit.
»
« V. - Après le premier alinéa de l'article L. 122-1 du code de la
consommation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les établissements de crédit, les services financiers de La Poste, les
services financiers du trésor public, la Banque de France et la Caisse des
dépôts et consignations, les règles relatives aux ventes subordonnées sont
fixées par le premier alinéa du III et le VII de l'article 58-1 de la loi n°
86-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des
établissements de crédit. »
« VI. - Après le premier alinéa de l'article L. 121-35 du code de la
consommation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les établissements de crédit, les services financiers de La Poste, les
services financiers du Trésor public, la Banque de France et la Caisse des
dépôts et consignations, les règles relatives aux ventes avec primes sont
fixées par le deuxième alinéa du III et le VII de l'article 58-1 de la loi n°
84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des
établissements de crédit. »
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Je vais essayer d'être brève, car j'ai déjà expliqué
de quoi il s'agissait tout à l'heure.
Le présent amendement tend, notamment, à appliquer le droit de la consommation
aux banques, ce qui est important.
Il impose la mise en place de conventions de compte avec chaque client, ce qui
n'est pas le cas aujourd'hui et ce qui permettra au moins à tout un chacun de
connaître la réalité du service payé.
Il soumet les banques à l'interdiction des ventes avec prime, les prétendus
cadeaux souvent générateurs de surendettement - je me souviens de vos
déclarations antérieures, messieurs les sénateurs -, à celle des ventes
subordonnées ; je pense en particulier à l'octroi de prêts subordonnés à
l'ouverture d'un compte.
Cet amendement vise en outre à protéger les consommateurs contre les
modifications unilatérales des conditions contractuelles.
Il prévoit la mise en place d'un dispositif de médiation rapide et gratuit.
Comme je l'ai expliqué à certains d'entre vous, les travaux de la commission
Jolivet ont tout de même débouché sur des propositions intéressantes.
Il est certain qu'actuellement les litiges relatifs à sur de petites sommes
sont rarement portés devant une juridiction. Il est donc important d'instituer
un dispositif de médiation qui intervienne rapidement et gratuitement. Cela
permettra à la personne concernée d'expliquer l'origine du litige, de savoir si
elle a ou non un droit et quelle est la nature de ce droit. En effet, malgré
l'existence de conventions de compte beaucoup plus explicites, nous savons que
des litiges surviendront, bien évidemment.
Ce dispositif de médiation nous permettra en outre de disposer d'un bilan de
tous ces litiges. Le cas échéant, si nécessaire, nous pourrons légiférer de
nouveau afin de modifier des dispositions qui ne sont pas opportunes. Mesdames,
messieurs les sénateurs, cela fait une dizaine d'années que les associations de
consommateurs réclament le rapprochement entre le droit bancaire et le droit de
la consommation.
Pour la première fois, aujourd'hui, on répond à cette demande.
Il s'agit d'une avancée forte, qui nous permettra sûrement dans l'avenir de
discuter à nouveau des services offerts, de leur qualité, de leur prix et de
l'égalité des citoyens devant le service bancaire ; je pense aux citoyens
usagers qui peuvent être en difficulté, mais aussi aux citoyens entrepreneurs.
En effet, bien des difficultés sont liées aux systèmes de caution, de garantie,
etc.
Bref, dans l'avenir, nous pourrons mieux nous rendre compte de ce qui se passe
entre le service bancaire et les usagers. Nous pourrons ainsi remédier plus
facilement à tout ce qui semblera néfaste.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur.
La commission s'est réunie en fin d'après-midi pour examiner
cet amendement qu'elle venait de découvrir, puisqu'il a été déposé en séance
vers seize heures. Aussi, mes chers collègues je peux vous livrer les
considérations de procédure, d'une part, les considérations de fond, d'autre
part, qu'elle a émises à son endroit.
En ce qui concerne la procédure, je rappellerai d'abord que le contenu de cet
amendement est en discussion au sein de la commission Jolivet depuis de longs
mois. Des versions préparatoires de ce texte ont déjà circulé.
Dès lors, pourquoi brusquer ainsi le Parlement, lequel n'a jamais été associé
à cette discussion, qui dure au moins depuis le début de l'année 2000 et qui
portait sur un dispositif concret concernant la vie quotidienne des Français et
les conditions d'exploitation des banques ? Le sujet méritait que l'on traitât
le Parlement au moins aussi bien, en tout cas pas plus mal, que les différents
groupes professionnels, corporatifs ou sociaux concernés.
Par ailleurs, madame le secrétaire d'Etat, j'ai relevé l'argument que l'on
nous a fait valoir hier sur les limites du droit d'amendement. On nous a dit, à
propos de la constitution de l'autorité de régulation des marchés financiers,
que cela risquait d'excéder les limites du droit d'amendement au regard de la
jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Si tel était le cas - ce que nous contestons -, quelle légitimité aurait le
Gouvernement à présenter un texte aussi complexe, qui fait trois pages et demie
bien denses, bien techniques, et qui traite d'un sujet complètement nouveau par
rapport à tout ce qui a été débattu en première lecture à l'Assemblée nationale
?
M. Gérard Cornu.
Oh !
(Sourires.)
M. Philippe Marini,
rapporteur.
C'est la réalité ! Autant on pouvait dire que la régulation
financière constitue le développement d'une discussion qui a déjà eu lieu dans
son principe, en première lecture, à l'Assemblée nationale, autant il est
manifeste que ce sujet, débattu depuis de longs mois par les groupes
corporatifs et par la commission Jolivet, n'a absolument pas été abordé à
l'Assemblée nationale.
Celle-ci a donc été aussi mal traitée que nous, disons-le au passage, et même,
à la limite, encore plus mal, puisque, madame le secrétaire d'Etat, vous vous
présentez au Sénat en première lecture avec un texte qui eût été à vrai dire
disponible à peu près sous la même forme au mois d'avril lorsque l'Assemblée
nationale s'est prononcée.
Il est clair, madame le secrétaire d'Etat, que l'urgence attachée à ce texte
ne fait qu'aggraver la situation.
M. Gérard Cornu.
Tout à fait, monsieur le rapporteur !
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Bien sûr, mes chers collègues, la commission n'a pas limité
son approche à ces considérations de procédure. J'en viens maintenant au
fond.
Le dispositif qui nous est proposé est certes issu des travaux de la
commission Jolivet, mais il n'y a pas pour autant fait l'unanimité. On ne peut
pas considérer ce texte comme totalement consensuel.
L'amendement que vous nous proposez comprend deux aspects, madame le
secrétaire d'Etat.
Le premier concerne l'application de certains principes du droit de la
consommation. Il s'agit en l'occurrence de l'exigence d'une convention de
compte écrite, encadrée par des dispositions très précises. Il s'agit également
de faire en sorte que les offres de services groupés ne trompent pas le
consommateur.
Toutes ces dispositions se traduisent par des prescriptions extrêmement
précises qui seront sans doute très lourdes à appliquer.
Il est difficile à la commission de se faire une opinion sur ce type de sujet
compte tenu du caractère très spécialisé de la matière.
En outre, l'approche de la commission des finances serait facilitée si elle
connaissait le coût de ces dispositions et leur impact sur les comptes
d'exploitation bancaires. Pour l'instant, madame le secrétaire d'Etat, nous
n'avons pas ces éléments d'appréciation.
Peut-être n'est-il pas simple de répondre à cette question.
J'en viens au second volet de l'amendement, qui traite des sanctions et des
dispositifs de médiation. Nous y voyons apparaître des normes procédurales
nouvelles, s'agissant du fonctionnement des comptes et des modalités des offres
à la clientèle. Immédiatement, cher collègue rapporteur de la commission des
lois, que voyons-nous apparaître ?
M. Jean-Jacques Hyest.
J'allais le dire !
M. Philippe Marini,
rapporteur.
De nouvelles sanctions pénales !
Dès lors, nous repartons pour un train de pénalisation pour défaut de
procédure au sein du fonctionnement des entreprises alors que, dans le même
texte, ou nous dit qu'« il faut simplifier, dépénaliser la vie des affaires »
et, en particulier, tout ce qui est négligences formelles, entorses de
procédure, que tout cela doit être plutôt traité par des injonctions de faire
ou des amendes civiles.
Enfin, il est très bien de prévoir que les grandes banques désignent des
médiateurs mais elles l'ont déjà fait, madame la secrétaire d'Etat, pour une
grande part d'entre elles.
La Société générale, par exemple, n'a pas attendu une loi pour désigner Mme
Scrivener comme médiateur ; d'autres ont, je crois, fait à peu près la même
chose - je ne tiens pas à faire de publicité pour quiconque, bien entendu. Dès
lors était-il indispensable d'inscrire cela dans la loi ?
Qui plus est, nous voyons apparaître - c'est presque la cerise sur le gâteau -
ce que nous attendions tous, le comité de la médiation bancaire. Nous voyons
donc apparaître une nouvelle entité, un nouveau groupe qui va avoir la charge
d'examiner les rapports des médiateurs et d'établir lui-même un rapport chaque
année. Voilà qui est intéressant ! En effet, les médiateurs qui vont travailler
au sein de chaque établissement enverront-ils à l'extérieur de l'établissement
des indications précises mettant en cause le fonctionnement interne de la
banque ? Il est très probable que non ; on aura donc des rapports assez
généraux, bien écrits mais sans doute édulcorés, un peu « langue de bois ».
Mme Odette Terrade,
rapporteur.
Pourquoi parler de langue de bois ?
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Parce que nous avons discuté de ce point tout à l'heure.
Personne n'a le monopole de la langue de bois, naturellement.
Mme Odette Terrade.
Ah !
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Je le reconnais tout à fait, elle existe aussi en milieu
professionnel.
Donc, les médiateurs bancaires pourront l'utiliser s'ils le souhaitent. Je
crains que ce ne soit une tentation. Nous allons avoir un nouveau comité «
Théodule » qui va adresser des recommandations, qui va se réunir sous la
présidence du Gouverneur de la Banque de France. Franchement, madame le
secrétaire d'Etat, ce n'est pas ce que l'on attend !
En tout cas, avec toutes les réserves que j'ai émises concernant les aspects
techniques sur lesquels notre opinion n'est pas définitive, quand elle a pris
connaissance de cet amendement, en particulier de son deuxième volet, la
commission des finances n'a pas pu adhérer à votre proposition, madame le
secrétaire d'Etat. Elle considère qu'il est beaucoup plus clair et beaucoup
plus simple de promouvoir, comme elle l'a fait cet après-midi, un service de
base pour les plus démunis, ce qui peut être compris par chacun et ne nécessite
par quatre pages d'amendements.
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration
générale.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Hyest, rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur pour avis.
Quand un texte prévoit de nouvelles sanctions
pénales, il faudrait peut-être commencer par lui assurer une certaine cohérence
! Je lis, en haut de la page 2 : « ... fonctionnaires habilités à relever les
infractions aux dispositions mentionnées aux paragraphes IV, V et VI du présent
article... ». Or, si l'on s'en réfère à ces paragraphes, on n'y voit aucune
infraction, puisque les infraction en question figurent au I et au III. Ce sont
des détails, je le concède, mais tout de même...
Par ailleurs, on prévoit en page 3 le dépôt d'une plainte avec constitution de
partie civile. Mais je ne pense pas qu'il y ait de constitution de partie
civile possible lorsqu'il s'agit d'une contravention, passible donc d'une
amende !
Bref, on ne sait pas très bien comment tout cela s'articule. La Chancellerie a
sûrement été consultée, mais, apparemment, il faudrait tout de même revoir la
copie. Franchement, il est tout à fait critiquable d'improviser ainsi, surtout
en droit pénal.
En effet, déposer des amendements longs de trois pages, en cours de débat, ne
permet pas au Parlement de bien légiférer et donc de jouer son rôle.
Je reconnais que ces amendements comprennent des dispositions intéressantes,
mais il faut nous laisser le temps de les examiner, de voir s'il n'y a aucune
lacune en matière pénale. Il faudrait préciser, par exemple, s'il s'agit bien
d'une contravention. Nous ne le savons pas.
Il serait donc préférable, mes chers collègues, de réexaminer ces dispositions
ultérieurement, en tout cas, pour l'instant, de ne pas adopter l'amendement tel
qu'il est proposé par le Gouvernement.
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
S'agissant de la procédure, le Gouvernement n'a su que
lundi, il y a donc seulement trois jours, que le Sénat débattrait du service
bancaire de base ou du service universel, ce que n'avait pas fait l'Assemblée
nationle.
Mais nous sommes en première lecture au Sénat et celui-ci est parfaitement
dans son droit en introduisant ce grand sujet dans la présente discussion.
Ayant pris connaissance lundi des amendements qui étaient déposés par les
sénateurs sur ce point, nous avons consulté le groupe Jolivet avant d'arrêter,
hier, notre position.
Le Sénat doit en effet savoir que ce texte, tel que nous le proposons, a été
élaboré en accord avec la Chancellerie - ce qui ne nous empêche d'ailleurs pas,
monsieur Hyest, de le retravailler -...
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur pour avis.
Nous aussi, nous avons le droit de le modifier !
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Je ne vous conteste aucun droit : je vous dis
simplement ce qui s'est passé.
... et aussi en accord avec le groupe Jolivet.
J'insiste sur le fait que ce texte a reccueilli l'accord de l'ensemble des
participants à ce groupe, c'est-à-dire l'accord de toutes les associations de
consommateurs et de tous les représentants du monde bancaire.
C'est donc un texte consensuel, qui a fait l'objet de moult échanges et
travaux.
Le Gouvernement avait l'intention, lors de l'examen d'un texte ultérieur,
d'inviter le Parlement à aborder l'ensemble des problèmes qui avaient été, soit
réglés de façon consensuelle, soit au moins posés par le groupe Jolivet.
En tout cas, l'arrivée impromptue de cet amendement dans la discussion tient à
l'initiative, également impromptue, de cette assemblée de faire en sorte que
cette importante question soit abordée au cours de cette même discussion. Nous
pouvons nous donner acte les uns aux autres de ce que la responsabilité de la
procédure est partagée.
J'en viens maintenant au fond.
Monsieur le rapporteur, vous nous avez expliqué que la porte que nous voulions
ouvrir débouchait sur quelque chose de terrible : l'application de droit de la
consommation au monde bancaire. Mais le monde bancaire rencontre déjà ses
consommateurs et admet que ses pratiques commerciales entraînent aujourd'hui un
certain nombre de litiges. Vous avez d'ailleurs, vous-même, évoqué l'existence
d'un médiateur au sein d'une de nos banques.
Si nous avons proposé d'instituer cette commission, qui vous semble lourde,
c'est parce que, aujourd'hui, en cas de litige avec une banque, un consommateur
ne peut pas en appeler à sa direction départementale de la consommation, de la
concurrence et de la répression des fraudes. Quant aux organismes de contrôle
bancaire que sont la Commission bancaire ou le Comité de réglementation
bancaire et financière, ils ne peuvent pas non plus régler ce type de
litiges.
Il nous a donc semblé plus simple de permettre aux consommateurs pour qui le
litige porte sur une somme faible d'avoir recours à une commission de
médiation. Vous n'y croyez pas. Moi, je pense que la personne qui a un litige
portant sur 500, 1 000 ou 2 000 francs ne prendra pas le risque d'un recours
devant une juridiction, ce qui implique de prendre un avocat, parce qu'elle
sait que cela pourrait bien lui coûter sensiblement plus cher, surtout si son
bon droit n'est pas reconnu.
J'ai entendu aujourd'hui beaucoup de discours sur la protection des
consommateurs, sur la défense des exclus, sur la nécessaire prise en compte des
personnes en difficulté. Eh bien, c'est précisément en pensant à eux que nous
prévoyons la possibilité d'un recours amiable devant une commission,
possibilité qui n'empêche évidemment pas l'intéressé - la Chancellerie a été
extrêmement précise sur ce point - d'avoir recours au juge si telle est sa
volonté, étant entendu que le banquier peut également estimer nécessaire
l'intervention du juge.
Pourquoi, dès lors qu'il s'agit des banques, le droit de la consommation ne
devrait-il pas s'appliquer ? Pourquoi, de surcroît, priverait-on les gens qui
ont le plus de difficultés d'une possibilité de médiation ?
Je pense que l'ensemble du monde bancaire a compris qu'une page était tournée
avec l'introduction du droit de la consommation dans le monde bancaire, et je
dois dire que j'y ai été très sensible, d'autant que cela n'a pas été
facile.
C'est pourquoi, même si la commission des finances estime que ce texte n'est
pas bon, je suis heureuse et fière de le soumettre au Sénat. Si celui-ci devait
le repousser, ce que je ne veux pas croire, nous ne manquerions pas de saisir
de nouveau le Parlement de dispositions du même ordre, parce qu'il s'agit d'une
avancée spectaculaire pour les usagers de la banque.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur
celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 625.
M. Paul Loridant.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant.
Mme la secrétaire d'Etat a dit un certain nombre de choses que je voulais
moi-même exprimer.
Je peux comprendre M. le rapporteur lorsqu'il regrette que cet amendement ait
été déposé en cours de débat. Mais, monsieur le rapporteur, vous êtes, comme
moi et comme un certain nombre d'entre nous, très averti des affaires du monde
bancaire, vous étudiez la presse financière. Dès lors, dans la mesure où cet
amendement du Gouvernement est issu des travaux de la commission Jolivet, je ne
peux pas croire que vous ayez découvert cet après-midi, à seize heures trente,
le contenu de ces travaux. Ou alors, c'est que vous ne suivez pas réellement
les problèmes du monde bancaire !
(Sourires.)
Non, ce n'est pas possible ! Donc, votre argument ne tient
pas la route.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Je ne cherche pas les amendements dans la presse !
M. Paul Loridant.
Cet amendement reprend, Mme la secrétaire d'Etat l'a dit, les conclusions des
travaux de cette commission importante, présidée par un haut fonctionnaire de
Bercy, M. Jolivet, et qui a réuni pendant plusieurs mois des représentants des
associations de consommateurs et des représentants de la profession bancaire
pour discuter des conditions de droit au compte, des prix des services
bancaires, des droits et obligations des banques et des usagers des banques,
etc. Bref, elle s'est consacrée à un sujet qui est au coeur de la discussion
qui se poursuit cet après-midi : les services bancaires, leur coût et les
conditions dans lesquelles ils sont offerts à nos concitoyens.
L'amendement qui nous est présenté a reçu l'accord de toutes les parties.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Alors, il faut que la commission Jolivet remplace le
Parlement !
M. Paul Loridant.
Un seul point a fait l'objet d'un désaccord : la tarification des chèques.
Pour le reste, l'accord entre les associations de consommateurs et les
représentants de la profession bancaire était total.
Sur le fond, monsieur le rapporteur, franchement, en quoi l'application du
droit de la consommation au secteur bancaire devrait-elle heurter la commission
des finances et la Haute Assemblée ?
Monsieur le rapporteur, vous vous vantez d'avoir toujours des positions
équilibrées
(Mme Terrade s'esclaffe.)
Alors que les banques sont
d'accord pour que l'on applique le droit de la consommation dans leurs rapports
avec les usagers,...
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Elles ne sont pas venues nous le dire !
M. Paul Loridant.
... vous, au nom d'un prétendu équilibre, au nom de la pureté de la forme,
vous diriez : « Non, la commission des finances n'est pas d'accord »?... Eh
bien non, monsieur le rapporteur, votre position n'est pas équilibrée. Elle
tend à faire perdurer une situation qui est préjudiciable aux usagers des
banques, en reportant à une autre discussion, à un autre texte, des mesures
utiles qui pourraient être prises rapidement.
La position de la commission des finances n'est ni équitable ni juste et elle
ne va pas dans le sens de la défense de nos concitoyens.
J'invite donc la Haute Assemblée à voter l'amendement du Gouvernement, même
s'il ne répond pas à la totalité de nos aspirations.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
M. Gérard Delfau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau.
Bien des éclaircissements ayant été apportés par Mme la secrétaire d'Etat et
bien des arguments ayant, à l'instant, été brillamment développés par mon
collègue Paul Loridant, je ne ferai part, en cet instant, que de quelques
réflexions.
D'abord, monsieur le rapporteur, ce long amendement déposé par le Gouvernement
honore le Sénat. Il montre que le Gouvernement prend au sérieux le débat, qui
n'était pas inscrit, il faut toujours le rappeler, dans le texte initial. Ce
débat est né au Sénat, il s'y est développé et, en bonne logique démocratique,
le Gouvernement y apporte sa part. S'il ne le faisait pas, vous seriez en droit
de le lui reprocher.
Puisque le Gouvernement nous apporte un certain nombre d'éléments dans une
discussion que tous, dans cette assemblée, nous avons voulue, il me semble que
la même logique démocratique exige que nous saisissions la balle au bond.
De quoi s'agit-t-il donc, avec cet amendement ? Du fruit d'un accord des
différents partenaires réunis au sein de la commission Jolivet, obtenu à
l'issue d'un an et demi de travail.
J'ai souvent entendu nos collègues de la majorité du Sénat dire que le
Parlement ne devait pas faire peser sur les citoyens, arbitrairement,
préventivement, par le biais de la loi, un certain nombre de contraintes, que
le Parlement était là pour écouter les partenaires sociaux représentatifs.
En l'occurrence, ceux-ci ont été réunis, ils ont travaillé et ils se sont mis
d'accord sur des propositions de modernisation du droit bancaire !
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Et il faudrait dire
Amen
!
M. Gérard Delfau.
Et la commission des finances proposerait à la Haute Assemblée de refuser de
légiférer ainsi que nous pouvons le faire ce soir ?... Franchement, je ne
comprendrais pas que certains, dans cette assemblée, mènent un tel combat
d'arrière-garde, très en retrait par rapport à l'état d'esprit heureusement
général des établissements bancaires, et rétrograde par rapport à des pratiques
courantes de cette culture anglo-saxonne qu'à certains moments, m'a-t-il
semblé, vous nous donniez en exemple.
En résumé, ce texte permet d'assurer plus de transparence dans les rapports
entre les établissements bancaires et leurs clients ainsi qu'une moralisation
des pratiques. Il étend la médiation et prévoit, comme toujours quand c'est
nécessaire, des sanctions. Comment pourrions-nous refuser de voter cet
amendement ? Ne pas le voter serait totalement contradictoire, chers collègues,
avec toutes vos prises de position sur le service bancaire de base et, au-delà,
sur l'avenir de notre système financier.
Je souhaite donc vivement que la Haute Assemblée adopte cet amendement, même
si nous suggérons au Gouvernement comme à nos collègues de l'Assemblée
nationale d'y apporter des améliorations sur tel ou tel point.
M. Pierre Hérisson.
Je demande la parole pour expli- cation de vote.
M. le président.
La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson.
Nous avons entendu neuf fois, me semble-t-il, faire allusion aux bonnes
pratiques démocratiques. Tout à l'heure, Mme le secrétaire d'Etat a précisé que
le Gouvernement a déposé cet amendement n° 625 parce qu'il a eu connaissance
des intentions du Sénat voilà trois jours seulement, par les amendements qui
ont été présentés à propos du service universel bancaire ou du service tel que
l'ont défini les différents amendements adoptés il y a un instant.
Je rappellerai quelques bonnes pratiques démocratiques dont l'une consiste,
pour le Gouvernement, à essayer de se tenir informé des propositions de lois
déposées par les deux assemblées.
M. Gérard Larcher, M. Trucy, votre serviteur et plusieurs de nos collègues ont
déposé une proposition de loi en mars 2000 sur le service universel bancaire ;
M. Gérard Delfau a déposé lui-même une proposition de loi similaire au mois de
mai ou de juin. Il s'est donc passé un certain temps ! Il aurait suffi que le
Gouvernement prête attention à ces textes pour que le projet de loi puisse
tenir compte des préoccupations qui semblent ce soir devoir être discutées dans
la plus grande urgence ; or, un certain nombre des points qui ont été
développés répondent effectivement à l'attente d'une partie de nos concitoyens,
comme l'a brillamment rappelé cet après-midi M. Gérard Larcher en présentant
ses amendements.
Je crois donc que, pour l'avenir - puisque nous parlons ce soir de bonnes
pratiques démocratiques -, il appartient aussi au Gouvernement d'être attentif
à des parlementaires qui font leur travail correctement et qui déposent des
propositions de loi.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Très bien !
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur pour avis.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Hyest, rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur pour avis.
Je suis quelque peu inquiet de certains propos. On
nous demande de voter des dispositions qui, à mes yeux, présentent un certain
nombre de difficultés non négligeables. Je rappelle que le code pénal concerne
les libertés publiques ! On supprime deux infractions, on en crée une, on en
créera bien quelques autres encore tout à l'heure, dans le droit de la
concurrence et de la consommation... Tout le monde est d'accord pour
dépénaliser la société, pour que les sanctions soient des sanctions civiles,
mais on crée de nouvelles infractions ! On dit aussi que la justice est très
encombrée, mais on transmet au parquet ; etc.
Enfin, on nous demande de voter le texte en l'état et de laisser à l'Assemblée
nationale le soin de l'arranger ; c'est en tout cas ce qu'a dit M. Delfau. Pas
plus que, quand j'étais député, je n'admettais que l'on nous dise : « le Sénat
arrangera tout cela ! », je ne supporte pas que l'on me dise : « Votez et vous
verrez bien ! ». Cela tendrait à démontrer que l'on n'attache aucune importance
à la manière dont les lois sont rédigées ! On voit d'ailleurs le résultat :
elles contiennent des contradictions. On fait de la législation au jour le jour
et sans vue d'ensemble.
Vous dites, madame le secrétaire d'Etat que la concertation a eu lieu.
Permettez au moins aux parlementaires de vérifier qu'elle a abouti sur tous les
points que développe le texte ! Le rôle des commissions et des rapporteurs est
aussi de s'informer auprès du Gouvernement, d'avoir un dialogue avec lui comme
avec ceux qui sont concernés par le projet de loi. Or cela n'a pas été
possible, puisque l'amendement n'a été mis en distribution que cet
après-midi.
Appliquer le droit de la consommation aux banques est une bonne chose.
Permettre la médiation - puisque, comme vous le rappeliez, on ne peut pas
saisir directement les directions de la concurrence en matière bancaire - c'est
sans doute aussi une bonne chose. Mais, madame le secrétaire d'Etat, était-il
bien utile d'y consacrer trois pages ? Je n'en suis pas sûr, et il nous aurait
fallu de toute manière un peu plus de temps.
Dans ces conditions, je pense qu'il ne faut pas voter ce texte. Nous ne
pouvons pas légiférer de cette manière.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Très bien !
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Bien évidemment, nous avons lu les propositions de loi
- les « PPL », pour reprendre l'expression dont nous usons dans notre terrible
jargon. D'ailleurs, une autre PPL a été déposée. Je le répète, nous nous
attendions, nous, à discuter une proposition de loi, ici ou à l'Assemblée
nationale, dans une « fenêtre parlementaire ». Or, lundi dernier, l'ensemble
des groupes du Sénat en a décidé autrement. Nous avons réagi en deux jours,
mais ce n'est pas du tout ainsi que nous imaginions les choses !
Vous parlez de dialogue et de concertation. Lorsque vous avez, les uns et les
autres, rédigé vos propositions de loi, vous avez sûrement rencontré les
représentants de l'ensemble du monde bancaire. Le sujet était lié depuis le
départ, mais dès que l'on parle au monde bancaire du service de base, nos
interlocuteurs évoquent un certain nombre d'autres sujets, qui sont discutés
depuis près d'un an par la commission Jolivet.
Je regrette comme vous d'avoir été obligée de déposer tardivement cet
amendement. Je vous ferai aussi remarquer que le texte que nous devions
discuter à partir d'hier après-midi ne mentionnait pas le service bancaire de
base.
Vous nous reprochez que notre texte soit mal écrit.
Sans vouloir vous offenser, monsieur le sénateur, je ne suis pas persuadée
que le service de base bancaire que vous avez voté tout à l'heure soit d'une
très grande précision. Je ne sais aujourd'hui ni comment le fonds fonctionne ni
comment il sera organisé, pas plus que je ne connais la nature des textes
complémentaires qu'il faudra adopter ni quel type de décret sera nécessaire.
In fine
demeure la question de savoir qui financera ce service !
Puisque vous m'attaquez sur ce plan, je vous réponds que je ne suis pas
convaincue que votre travail soit lui-même d'une grande précision.
(Approbation sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
MM. Robert Bret et Marc Massion.
Très bien !
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur pour avis.
C'est tout de même le Parlement qui fait la loi
!
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 625, repoussé par la commission.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Demande de priorité
M. le président.
Pour la séance de demain, jeudi 12 octobre à neuf heures trente, le
Gouvernement demande l'examen en priorité des articles relatifs au droit des
sociétés commerciales, ce qui recouvre l'ensemble des amendements depuis
l'article additionnel avant l'article 55 A jusqu'aux articles additionnels
après l'article 70
quater.
Quel est l'avis de la commission sur cette demande de priorité ?
M. Philippe Marini,
rapporteur.
La commission n'y voit pas d'objection.
M. le président.
Il n'y a pas d'opposition ?...
La priorité est ordonnée.
Article 2
M. le président.
« Art. 2. - L'article 34 de la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 de
modernisation des activités financières est ainsi rédigé :
«
Art. 34
. - Les transactions sur instruments financiers faisant
l'objet d'une offre publique ne peuvent être réalisées que sur un marché
réglementé d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou sur
un marché reconnu en application de l'article 18 de la loi du 28 mars 1885 sur
les marchés à terme, sur lequel ces instruments financiers sont admis aux
négociations. Sans préjudice de la sanction prévue à l'article 45 de la
présente loi, les détenteurs d'instruments financiers acquis en violation des
dispositions précédentes sont privés du droit de vote pour toute assemblée
d'actionnaires qui se tiendrait avant l'expiration d'un délai de deux ans
suivant la date de l'acquisition. » -
(Adopté.)
Article 3
M. le président.
« Art. 3. - L'article 3 de l'ordonnance n° 67-833 du 28 septembre 1967
instituant une Commission des opérations de bourse et relative à l'information
des porteurs de valeurs mobilières et à la publicité de certaines opérations de
bourse est ainsi modifié :
« 1° Le troisième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Faute pour les sociétés intéressées de déférer à cette injonction, la
commission peut procéder elle-même à ces publications rectificatives. » ;
« 2° L'article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les frais occasionnés par les publications mentionnées aux deux alinéas
précédents sont à la charge des sociétés intéressées. »
Par amendement n° 158, M. Marini, au nom de la commission des finances,
propose, après le premier alinéa de cet article, d'insérer un alinéa ainsi
rédigé :
« 1° A. - A la fin du premier alinéa de cet article, les mots : "ou figurent
au relevé quotidien du hors-cote mentionné à l'article 34 de la loi n° 96-597
du 2 juillet 1996 de modernisation des activités financières" sont
supprimés.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement rédactionnel visant à supprimer une
scorie dans un alinéa de la loi du 2 juillet 1996.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 158, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 3, ainsi modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Article 4
M. le président.
« Art. 4. - I. - Le quatrième alinéa de l'article L. 432-1 du code du travail
est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« En cas de dépôt d'une offre publique d'achat ou d'offre publique d'échange
portant sur une entreprise, le chef de cette entreprise réunit immédiatement le
comité d'entreprise pour l'en informer. Au cours de cette réunion, le comité
décide s'il souhaite entendre l'auteur de l'offre. Le chef de l'entreprise
auteur de l'offre adresse au comité de l'entreprise qui en fait l'objet, dans
les trois jours suivant sa publication, la note d'information mentionnée au
troisième alinéa de l'article 7 de l'ordonnance n° 67-833 du 28 septembre 1967
instituant une Commission des opérations de bourse et relative à l'information
des porteurs de valeurs mobilières et à la publicité de certaines opérations de
bourse. Dans les quinze jours suivant la publication de cette note, le comité
d'entreprise est réuni pour procéder à son examen et, le cas échéant, à
l'audition de l'auteur de l'offre. Dans ce cas, la date de la réunion est
communiquée à ce dernier au moins trois jours à l'avance. Le comité
d'entreprise peut faire part à l'auteur de l'offre de toutes les observations
qu'il estime utiles. Il peut se faire assister préalablement et lors de la
réunion d'un expert de son choix dans les conditions prévues aux septième et
huitième alinéas de l'article 434-6.
« La société ayant déposé une offre et dont le chef d'entreprise, ou le
représentant qu'il désigne parmi les mandataires sociaux ou les salariés de
l'entreprise, ne se rend pas à la réunion du comité d'entreprise à laquelle il
a été invité dans les conditions prévues à l'alinéa précédent ne peut exercer
les droits de vote attachés aux titres de la société faisant l'objet de l'offre
qu'elle détient ou viendrait à détenir. Cette interdiction s'étend aux sociétés
qui la contrôlent ou qu'elle contrôle au sens de l'article 357-1 de la loi n°
66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales. La sanction est levée
le lendemain du jour où le chef d'entreprise de la société ayant déposé l'offre
a été entendu par le comité d'entreprise de la société faisant l'objet de
l'offre. La sanction est également levée si le chef d'entreprise n'est pas
convoqué à une nouvelle réunion du comité d'entreprise dans les quinze jours
qui suivent la réunion à laquelle il avait été préalablement convoqué. »
« II. - Le quatrième alinéa de l'article L. 439-2 du code du travail est
remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« En cas d'annonce d'offre publique d'achat ou d'offre publique d'échange
portant sur l'entreprise dominante d'un groupe, le chef de cette entreprise en
informe immédiatement le comité de groupe. Il est alors fait application au
niveau du comité de groupe des dispositions prévues aux quatrième et cinquième
alinéas de l'article L. 432-1 pour le comité d'entreprise.
« Le respect des dispositions de l'alinéa précédent dispense des obligations
définies à l'article L. 432-1 pour les comités d'entreprise des sociétés
appartenant au groupe. »
« III. - Le troisième alinéa de l'article 7 de l'ordonnance n° 67-833 du 28
septembre 1967 précitée est complété par une phrase ainsi rédigée :
« La note sur laquelle la commission appose un visa préalable contient les
orientations en matière d'emploi de la personne physique ou morale qui effectue
l'offre publique. »
Par amendement n° 436, M. Loridant, Mme Beaudeau, M. Foucaud, Mme Terrade et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter
la deuxième phrase du deuxième alinéa du I de cet article par les mots : « et
se prononce sur le caractère amical ou hostile de l'offre ».
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant.
Cet amendement est important à nos yeux.
Il s'agit de savoir dans quelles conditions se déroulent les offres publiques
d'achat, les OPA, et les offres publiques d'échange, les OPE, c'est-à-dire ce
qu'aujourd'hui l'on appelle, d'un autre terme, les opérations de concentration
d'entreprises.
De telles opérations ne sont pas nécessairement positives. Elles peuvent
prendre un caractère hostile et tendre, dans les faits, à porter atteinte à
l'intégrité d'une entreprise concurrente, viser à la contrôler, à l'acheter et
à asseoir sa propre position afin d'occuper, éventuellement, une position
dominante.
L'histoire économique et financière récente de notre pays a été profondément
marquée, on le sait - je pense à l'été dernier - par de grandes opérations dans
le monde bancaire ou dans le monde de l'énergie, et donc par d'importants
mouvements sur les détentions de titres ou de parts sociales dont la presse
économique s'est largement fait l'écho - il serait fastidieux d'en rappeler la
liste complète. Toujours est-il que certaines opérations sont menées à partir
d'une procédure d'échange de titres qui peut dans certains cas, dès lors que
l'OPA ou l'OPE n'est pas perçue positivement par la société convoitée,
consister à échanger, en quelque sorte, des fruits qui ne sont pas dans le
meilleur état pour des fruits plus beaux, au détriment de l'entreprise
visée.
Une telle orientation ne peut être laissée, de notre point de vue, à la seule
appréciation des autorités de contrôle et de régulation de la place et des
organes dirigeants de l'entreprise. Il importe à nos yeux que le personnel des
entreprises faisant l'objet d'une telle offre puisse également, par le biais de
ses instances représentatives, juger de la pertinence de tel ou tel
rapprochement et, au-delà de la consultation prévue à l'article 4, donner sa
position de fond et son avis sur l'opération menée à l'encontre de leur
entreprise.
En clair, nous demandons que le comité d'entreprise puisse donner son avis sur
le caractère amical ou hostile de l'offre publique d'achat ou de l'offre
publique d'échange - je parle bien entendu du comité de l'entreprise visée par
l'OPA et non de celui de l'entreprise qui cherche à acheter - afin que tout le
monde connaisse clairement les conditions dans lesquelles se déroulera
l'opération. J'ajoute - cela ne figure pas dans l'amendement - qu'il ne me
paraîtrait pas choquant, si le comité d'entreprise est hostile à l'offre, de
saisir une autorité de l'Etat, voire le ministre - pourquoi pas ? - pour que le
feu vert soit donné à l'opération envisagée.
Mais, je le sais, il s'agit là d'un débat de fond avec M. le rapporteur.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Loridant.
Défavorable !
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Comme le craint M. Loridant, la commission est défavorable à
cet amendement, et je vais m'en expliquer brièvement.
L'article 4 permettra de délivrer une information au comité d'entreprise, qui
pourra faire part de ses observations. Cette procédure est bien prévue par cet
article et continue de figurer dans le dispositif qui ressort des amendements
proposés par la commission.
Je me demande quel est l'apport de la rédaction suggérée par M. Loridant et
par son groupe. Selon l'amendement n° 436, le comité d'entreprise devra se
prononcer sur le caractère amical ou hostile de l'offre. Mais, en droit, rien
ne définit l'offre amicale, rien ne définit l'offre hostile : ce ne sont pas
des notions juridiques. Le fait qu'une opération soit perçue comme amicale ou
comme hostile par le comité d'entreprise ne peut donc entraîner aucune
conséquence juridique.
Au demeurant, mes chers collègues, qu'est-ce qu'une offre amicale ? Qu'est-ce
qu'une offre hostile ? Tout dépend de celui qui exprime l'avis. Toute offre est
amicale pour les actionnaires puisqu'elle va leur permettre de mieux valoriser
leurs titres. Toute offre visant à transformer la stratégie d'une entreprise
est plutôt inamicale, voire hostile, pour la direction en place.
Quant aux salariés, il existe nombre de cas de figure dans lesquels ils sont
courtisés à la fois par les uns et par les autres - cela arrive - et où ils
sont plutôt neutres dès lors qu'on ne touche pas aux effectifs et à
l'organisation de l'entreprise.
Par conséquent, imposer au comité d'entreprise de déclarer que, de son point
de vue, une opération est amicale ou hostile, est-ce vraiment servir les
intérêts des salariés ? Je pose sérieusement cette question en essayant de me
placer du point de vue de nos collègues. En effet, après tout, ce qui importe
au comité d'entreprise, c'est non pas de qualifier l'opération, mais que cette
dernière entraîne le moins de conséquences dommageables, le moins de dégâts
possible sur la structure sociale, les effectifs et l'organisation de
l'entreprise.
Pour l'ensemble de ces raisons, la commission des finances émet un avis tout à
fait défavorable sur l'amendement n° 436.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement émettra un avis assez proche de celui
de la commission.
Cet amendement vise à obliger le comité d'entreprise à trancher entre le
caractère hostile ou amical d'une offre, ce qui ne semble pas opportun. Le
comité d'entreprise peut d'ailleurs très bien avoir un avis nuancé. J'ajoute
que certains souhaiteront même ne pas siéger, craignant, pour le cas où l'offre
déclarée aboutirait quand même, connaître ensuite quelques soucis
professionnels.
Une telle disposition ne rendrait pas service aux salariés et n'emporterait
aucune conséquence juridique. Par conséquent, il est délicat de l'imposer au
comité d'entreprise.
Mais, pour avoir connu comme vous, monsieur Loridant, beaucoup de situations
de ce type, je peux vous dire que les représentants du personnel et le syndicat
du personnel s'expriment toujours, parfois même publiquement. Par conséquent,
leur parole existe, mais leur imposer cette dernière me paraît dangereux.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 436.
M. Paul Loridant.
Je le retire.
M. le président.
L'amendement n° 436 est retiré.
Par amendement n° 159, M. Marini, au nom de la commission des finances,
propose, au début de la troisième phrase du deuxième alinéa du I de l'article
4, de remplacer les mots : « Le chef de l'entreprise auteur de l'offre » par
les mots : « Ce dernier ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Monsieur le président, si vous m'y autorisez, je voudrais,
avec l'amendement n° 159, donner une vue générale des neuf amendements que la
commission a déposés à cet article et qui constituent un tout.
L'article 4 est relatif à la convocation devant le comité d'entreprise de
l'auteur d'une offre publique. C'est une possibilité, pour le comité
d'entreprise, de l'entendre, mais une obligation, pour l'auteur de l'offre, dès
lors que le comité le souhaite, de se rendre à cette audition. La sanction, en
cas de refus de l'auteur de l'offre, est la suspension de ses droits de
vote.
La commission des finances comprend bien l'objectif poursuivi, mais elle
souligne les risques qu'il présente de son point de vue. Il faut rappeler que,
d'ores et déjà, les comités d'entreprise disposent, dans la loi existante,
d'une possibilité de convoquer le chef d'entreprise. Les dispositions que vise
à ajouter l'article 4 peuvent créer de réelles difficultés ; et ce sont ces
difficultés et ces risques que les amendements de la commission visent à
réduire ou à éliminer.
De quoi s'agit-il ? Il s'agit tout d'abord - c'est la réparation d'un oubli -
d'étendre les obligations prévues aux initiateurs d'offres publiques qui
seraient des personnes physiques.
Pour être exceptionnelles, ces hypothèses peuvent néanmoins se produire, et
mieux vaut donc ne pas les laisser dans l'ombre.
Par ailleurs, nous souhaiterions offrir, en quelque sorte, une « session de
rattrapage » au comité d'entreprise, qui, n'ayant pas jugé bon, dans un premier
temps, de convoquer l'auteur de l'offre, se raviserait au vu de la note
d'information et estimerait nécessaire de compléter cette information par
l'audition du chef d'entreprise attaquante.
En troisième lieu, il convient de prévoir explicitement que la suspension des
droits de vote prévue par cet article est la seule sanction applicable à
l'auteur de l'offre. En effet, nous craignons que l'introduction de cette
disposition nouvelle dans le code du travail ne puisse engendrer un conflit de
deux droits : le droit boursier, puisque l'on est en offre publique, et le
droit du travail, puisqu'il s'agit des compétences des comités d'entreprise et
que cet article est inséré dans le code du travail. Ce sont deux disciplines
juridiques bien différentes, et il ne faut pas oublier que les compétences au
contentieux ne sont pas les mêmes, que les manquements ou délits de droit
boursier sont portés devant les tribunaux judiciaires répressifs et que les
contentieux en matière de droit du travail et notamment d'entrave au
fonctionnement régulier des comités d'entreprise sont portés devant le juge du
contrat de travail, c'est-à-dire le conseil de prud'hommes, en première
instance, et la cour d'appel, chambre sociale, en seconde instance. Ce sont des
concepts différents, des disciplines juridiques différentes et des juridictions
différentes.
Que peut-il donc se passer, madame le secrétaire d'Etat, si l'on ne prend pas
la précaution que préconise la commission des finances ? Le chef de
l'entreprise initiatrice, venant présenter la note d'information devant le
comité d'entreprise, pourrait, pressé de questions, en dire beaucoup plus que
ce qui figure dans ladite note. Or, selon un principe de droit boursier, tous
les participants au marché doivent disposer de la même information :
l'information doit être égale pour tous ; elle doit circuler librement pour
assurer la transparence du marché.
Le risque pour le chef d'entreprise est donc d'aller au-delà de l'information
visée par le régulateur boursier et de commettre une indiscrétion sur
l'opération, ce qui le placerait dans un cas de figure où l'ombre du délit
d'initié pourrait éventuellement planer.
A l'inverse, le responsable d'entreprise, s'exprimant au nom de l'entreprise
initiatrice, peut ne pas répondre à toutes les questions qui lui sont posées
par le comité d'entreprise ; si celui-ci peut alors considérer, au terme de
l'audition, qu'il ne lui a pas été donné satisfaction, il manifestera, en toute
logique, son mécontentement
(M. Loridant s'exclame.)
: il considérera
qu'il a été fait entrave à ses pouvoirs et que le délit d'entrave doit être
invoqué, de manière réelle ou, d'ailleurs, de manière plus dilatoire, auprès du
conseil de prud'hommes et, éventuellement, en appel.
Nous estimons qu'il faut absolument éviter tout risque de cette nature, car
les conséquences quant à la stabilité et à la sécurité des situations
pourraient être très graves. C'est pourquoi nous voudrions qu'il soit précisé
qu'il ne peut pas y avoir d'autres sanctions applicables à l'auteur de l'offre
que la suspension des droits de vote prévus par le texte, ce qui exclut toute
sanction en termes de droit du travail.
Enfin, il convient, nous semble-t-il, d'indiquer de façon explicite qu'aucun
recours ne pourra être interruptif du cours de l'offre. C'est, je crois,
conforme à l'esprit de l'article 4 tel qu'il a été proposé par le Gouvernement
et voté par l'Assemblée nationale, mais il faut l'écrire clairement ; nous
aurons à faire face à des phases de conflits telles que les différentes parties
voudront naturellement exploiter tous leurs droits et n'hésiteront pas à
entamer des procédures, peut-être sans effet final, mais qui prendront du
temps. Par conséquent, pendant de temps-là, la vie de l'entreprise, à défaut de
s'arrêter, s'engluerait. En effet, vous le savez, pendant une offre publique,
on ne peut plus qu'expédier les affaires courantes. Si cela devait durer des
mois et des mois, cela se retournerait un jour, dans un monde où les évolutions
sont rapides, où la compétition est acérée, contre les intérêts de
l'entreprise, et donc des salariés.
Par conséquent, nous souhaitons qu'aucun recours ne soit interruptif du cours
de l'offre.
Tel est l'objet des neuf amendements successifs proposés par la commission et
qui doivent être lus comme un tout.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
L'amendement n° 159 est intéressant, et le travail de
la commission des finances a été très positif. Le Gouvernement s'en remet donc
à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 159, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 160, M. Marini, au nom de la commission des finances,
propose, après la troisième phrase du deuxième alinéa du I de l'article 4,
d'insérer deux phrases ainsi rédigées :
« Le comité peut, lors d'une réunion ultérieure dans le délai de quinze jours
suivant la publication de la note et s'il ne l'a pas décidé lors de la première
réunion mentionnée à cet article, décider qu'il souhaite entendre l'auteur de
l'offre. Cette audition de l'auteur de l'offre se déroule dans les formes, les
conditions, les délais et sous les sanctions prévus aux alinéas suivants. »
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
La proposition de M. le rapporteur est intéressante.
Cependant, sa rédaction la rend complexe en introduisant un nouveau délai de
quinze jours dont l'articulation avec celui qui figure déjà dans le texte n'est
pas claire. On ne voit pas comment, sauf à allonger de nouveau la durée de
l'offre, le comité d'entreprise pourrait disposer d'un délai de quinze jours
pour décider d'entendre ou non l'auteur de l'offre alors qu'il dispose
précisément de ce même délai pour l'entendre et que ce dernier doit être
prévenu trois jours à l'avance.
La rédaction actuelle est plus simple, plus cohérente, tout en respectant les
droits du comité d'entreprise. C'est pourquoi le Gouvernement émet un avis
défavorable sur cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 160, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je suis maintenant saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une
discussion commune.
Par amendement n° 161, M. Marini, au nom de la commission des finances,
propose de supprimer les quatre dernières phrases du deuxième alinéa du I de
l'article 4.
Par amendement n° 359, MM. Cornu, Courtois,Cazalet, Francis Giraud et Murat
proposent de supprimer la dernière phrase du premier alinéa du texte présenté
par le I de l'article 4 pour remplacer le quatrième alinéa de l'article L.
432-1 du code du travail.
L'amendement n° 161 a déjà été défendu.
La parole est à M. Cornu, pour défendre l'amendement n° 359.
M. Gérard Cornu.
Cet amendement vise à supprimer un dispositif qui ne se justifie pas à ce
stade de la procédure.
L'article 4 prévoit que le comité d'entreprise pourra être assisté par un
expert lors de l'audition par ses soins du chef d'entreprise ayant lancé
l'offre publique d'achat ou l'offre publique d'échange. Or les frais liés à
cette expertise devront inévitablement être pris en charge par l'entreprise
visée par l'offre.
Il me semble que cette procédure ne se justifie pas à ce stade de
l'audition.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Notre collègue Gérard Cornu pose une question intéressante :
on peut effectivement comprendre que l'on cherche à minimiser les dépenses,
mais il convient de rappeler qu'il existe une disposition de portée très
générale, inscrite dans l'article L. 434-6 du code du travail, aux termes de
laquelle le comité d'entreprise peut faire appel à tout expert rémunéré par ses
soins pour préparer ses travaux. Cet article paraît être applicable en l'espèce
!
Par conséquent, même s'il était fait droit à la demande de nos collègues, le
comité d'entreprise pourrait néanmoins, sur le fondement de l'article L. 434-6
du code du travail, faire appel à un expert qu'il rémunérerait. C'est pourquoi,
par souci de réalisme et dans le cadre du droit existant, il a semblé
préférable à la commission de maintenir la rédaction de l'article 4 sur ce
point. Nous aurons ainsi accès, dans un même article, à l'ensemble du
dispositif sans être obligés d'aller « repêcher » dans tout le code du travail
des dispositions qui ne figureraient ici que par référence.
Sous le bénéfice de ces observations, je souhaiterais que notre collègue M.
Cornu retire cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 359 et 161 ?
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Sur l'amendement n° 359, le Gouvernement partage
l'avis défavorable de la commission. Le droit du comité d'entreprise à
l'expertise, qu'il utilise ou non, est simplement réaffirmé.
Quant à l'amendement n° 161, le Gouvernement y est également défavorable,
ainsi qu'aux amendements n°s 162 et 163, car le texte de l'article 4 tel qu'il
a été adopté par l'Assemblée nationale me semble clair, et je ne vois pas
l'utilité des modifications proposées.
M. le président.
Monsieur Cornu, l'amendement n° 359 est-il maintenu ?
M. Gérard Cornu.
Compte tenu des explications de M. le rapporteur, je le retire.
M. le président.
L'amendement n° 359 est retiré.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 161.
M. Paul Loridant.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Loridant.
M. Paul Loridant.
Avec cet amendement, nous sommes vraiment au coeur du débat que j'ai introduit
hier en défendant une motion tendant à opposer la question préalable.
Ce projet de loi apporte-t-il une réponse aux vraies questions qui se posent
aux salariés lorsqu'ils voient leur entreprise menacée de restructuration,
lorsqu'ils font l'objet de procédures de licenciement ou, dans le cas qui nous
intéresse, lorsqu'ils sont exposées à une OPA ou à une OPE ?
M. le rapporteur considère que le projet de loi issu des travaux de
l'Assemblée nationale n'est pas satisfaisant parce que l'on risquerait, s'il
était adopté, de se heurter soit au délit d'entrave, soit au délit d'initié.
Nous avons d'ailleurs eu ce débat au sein de la commission des finances.
En vérité, le problème est de savoir si les nouveaux pouvoirs qui sont donnés
au comité d'entreprise constituent un moyen de permettre aux salariés de se
défendre. Il s'agit là d'un sujet difficile : faut-il donner à l'autorité
politique la capacité de s'impliquer dans telle ou telle OPA ? Certes, cette
possibilité pourrait se heurter à la logique européenne ou à celle du droit des
sociétés ou du droit du commerce. Toutefois, faute de donner ce pouvoir
d'intervention au pouvoir politique, nous nous trouvons pris dans des
contradictions.
Dans ces conditions, le groupe communiste républicain et citoyen votera contre
l'amendement n° 161, parce qu'il vient une fois de plus, sous couvert de
positions dites équilibrées, rogner les pouvoirs des salariés.
Pour autant, le texte tel qu'il est issu des travaux de l'Assemblée nationale
ne nous satisfait pas.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Je veux simplement rappeler que les amendements de la
commission ont pour principal objet de permettre à l'auteur de l'offre de se
faire assister dans sa présentation devant le comité d'entreprise par une
personne de son choix : si, par exemple, il s'agit d'un étranger non
francophone, il est bon qu'il puisse être accompagné par quelqu'un qui traduira
ses propos, ou par un expert ou un collaborateur susceptible de faciliter un
meilleur contact avec le comité d'entreprise.
Si nous avons introduit cette disposition, c'est pour faciliter le dialogue
susceptible de se nouer, afin que la réunion soit fructueuse. Voilà pourquoi je
suis un peu surpris de l'avis qui a été émis par le Gouvernement !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 161, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 162, M. Marini, au nom de la commission des finances,
propose, avant le dernier alinéa du I de l'article 4, d'insérer un alinéa ainsi
rédigé :
« Dans les quinze jours suivant la publication de la note d'information, le
comité d'entreprise est réuni pour procéder à son examen et, le cas échéant, à
l'audition de l'auteur de l'offre. Si le comité d'entreprise a décidé
d'auditionner l'auteur de l'offre, la date de la réunion est communiquée à ce
dernier au moins trois jours à l'avance. Lors de la réunion, l'auteur de
l'offre, qui peut se faire assister des personnes de son choix, prend
connaissance des observations éventuellement formulées par le comité
d'entreprise. Ce dernier peut se faire assister préalablement et lors de la
réunion d'un expert de son choix dans les conditions prévues aux septième et
huitième alinéas de l'article L. 434-6. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
J'ai déjà défendu cet amendement, monsieur le président.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 162, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je suis maintenant saisi de six amendements qui peuvent faire l'objet d'une
discussion commune.
Les deux premiers sont présentés par MM. Cornu, Courtois, Cazalet, Francis
Giraud et Murat.
L'amendement n° 358 vise à supprimer le second alinéa du texte proposé par le
I de l'article 4 pour remplacer le quatrième alinéa de l'article L. 432-1 du
code du travail.
L'amendement n° 357 tend à rédiger ainsi le second alinéa du texte proposé par
le I de l'article 4 pour remplacer le quatrième alinéa de l'article L. 432-1 du
code du travail :
« Si le chef d'entreprise de la société ayant déposé l'offre ou son
représentant ne se rend pas à la réunion du comité d'entreprise à laquelle il a
été invité dans les conditions prévues à l'alinéa précédent, cette carence peut
être rendue publique à l'initiative du comité d'entreprise. De même celui-ci
peut faire connaître les questions qu'il a souhaité poser aux dirigeants de la
société ayant déposé l'offre et auxquelles il n'a pas été répondu précisément.
»
Par amendement n° 163, M. Marini, au nom de la commission des finances,
propose, dans la première phrase du dernier alinéa du I de l'article 4, de
remplacer les mots : « à l'alinéa précédent » par les mots : « aux deux
précédents alinéas ».
Par amendement n° 480, le Gouvernement propose, dans la deuxième phrase du
dernier alinéa du I de l'article 4, de remplacer les mots : « article 357-1 de
la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales » par les
mots : « article L. 233-16 du code de commerce ».
Les deux derniers amendements sont présentés par M. Marini, au nom de la
commission des finances.
L'amendement n° 164 vise, après la deuxième phrase du dernier alinéa du I de
l'article 4, à insérer une phrase ainsi rédigée : « Une sanction identique
s'applique à l'auteur de l'offre, personne physique, qui ne se rend pas à la
rénion du comité d'entreprise à laquelle il a été invité dans les conditions
prévues aux deux alinéas précédents. »
L'amendement n° 165 tend à supprimer les deux dernières phrases du dernier
alinéa du I de l'article 4.
La parole est à M. Cornu, pour présenter les amendements n°s 358 et 357.
M. Gérard Cornu.
L'amendement n° 358 tend à supprimer la sanction adoptée par l'Assemblée
nationale en cas de refus du dirigeant de la société émettrice de l'offre de
comparaître devant le comité d'entreprise. Cette sanction consistant en la
privation des droits de vote attachés aux titres acquis à l'occasion de l'offre
publique, elle porte à l'évidence atteinte au droit de propriété.
L'amendement n° 357 vise à proposer un autre type de sanction : si l'auteur de
l'offre a refusé de se rendre à l'invitation du comité d'entreprise ou a refusé
de répondre aux questions qui lui étaient posées lors de cette réunion, cette
attitude peut être rendue publique par le comité d'entreprise.
Par ailleurs, cet amendement précise que, à défaut de la présence du chef de
l'entreprise auteur de l'offre, celui-ci peut se faire représenter par le
représentant de son choix, sans que ce dernier soit obligatoirement un des
mandataires sociaux ou un salarié de l'entreprise.
M. le président.
L'amendement n° 163 a déjà été présenté.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat, pour défendre l'amendement n°
480.
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat
Il s'agit d'un amendement de codification.
M. le président.
Les amendements n°s 164 et 165 ont déjà été présentés.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n° 358, 357 et 480 ?
M. Philippe Marini,
rapporteur.
S'agissant des amendements n°s 358 et 357, je rappellerai
brièvement l'esprit dans lequel la commission des finances a abordé cette
question.
L'organisation d'une audition par le comité d'entreprise en nous choque pas.
ll est vrai que les salariés sont concernés et que le dialogue doit se nouer,
même si, du fait des contraintes du droit boursier ce dialogue ne pourra pas
aller au-delà du commentaire de la note d'information, pour les raisons que je
rappelais voilà quelques instants. Mais il est logique et normal que les
salariés d'une entreprise soient considérés comme partie prenante à une
opération qui les concerne incontestablement.
Le comité d'entreprise est bien l'instance de représentation légitime
permettant de nouer ce minimum de contact. La commission dénonce cependant la
confusion des genres instaurée par le texte adopté par l'Assemblée nationale
entre le droit du travail et le droit boursier. C'est pourquoi, si nous ne
sommes pas choqués par une sanction relevant du droit des sociétés, à savoir la
suspension des droits de vote, qui est une sanction classique, nous ne voulons
pas que puisse éventuellement s'y ajouter une autre sanction qui serait
éventuellement décidée par le juge du contrat de travail. Dans ces conditions,
nous préconisons une sanction et une seule, à savoir la suspension du droit de
vote.
En second lieu, nous craignons beaucoup, dans l'intérêt des entreprises et du
marché, la possibilité de procédures dilatoires telles que la situation de
l'entreprise serait suspendue aux décisions imprévisibles des prétoires pendant
des mois et des mois.
Sous le bénéfice de ces explications et compte tenu des priorités de la
commission, qui souhaite simplifier ce dispositif afin d'éviter qu'il ne se
retourne contre l'intérêt des entreprises, je souhaiterais qu'il vous soit
possible, monsieur Cornu, de retirer les amendements n°s 358 et 357.
Quant à l'amendement n° 480, qui est un amendement de codification, la
commission y est favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 358, 357, 163, 164 et
165 ?
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Les travaux de l'Assemblée nationale ont conforté le
Gouvernement dans sa position : il a choisi de ne pas appliquer une sanction
liée au droit du travail, dans la mesure où une telle sanction s'appliquerait à
une offre faite par un repreneur potentiel français, mais pas par un repreneur
potentiel étranger. Il y aurait donc une différence importante de traitement
entre les offres.
A notre avis, la seule sanction opératoire est la supression du droit de vote.
voilà pourquoi le Gouvernement est défavorable aux différents amendements
proposés.
M. le président.
Monsieur Cornu, maintenez-vous vos amendements n°s 358 et 357 ?
M. Gérard Cornu.
Je les retire, monsieur le président.
M. le président.
Les amendements n°s 358 et 357 sont retirés.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 163, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 480, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 164, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 165, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 166, M. Marini, au nom de la commission des finances,
propose de compléter
in fine
le I. de l'article 4 par un alinéa ainsi
rédigé :
« La sanction est levée le lendemain du jour où l'auteur de l'offre a été
entendu par le comité d'entreprise de la société faisant l'objet de l'offre. La
sanction est également levée si l'auteur de l'offre n'est pas convoqué à une
nouvelle réunion du comité d'entreprise dans les quinze jours qui suivent la
réunion à laquelle il avait été préalablement convoqué. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Cet amendement a déjà été défendu.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu
secrétaire d'Etat.
Monsieur le président, je reviens sur l'avis du
Gouvernement sur l'amendement n° 164, qui concernait non pas l'application du
droit du travail mais visait à étendre la sanction de privation des droits de
vote aux personnes physiques. C'est effectivement une solution envisageable, et
je souhaitais donc m'en remettre à la sagesse du Sénat.
S'agissant maintenant de l'amendement n° 166, c'est un texte de coordination,
précisément avec l'amendement n° 164 : je m'en remets également à la sagesse du
Sénat.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 166, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 167, M. Marini, au nom de la commission des finances,
propose de compléter
in fine
le I de l'article 4 par un alinéa ainsi
rédigé :
« Aucune autre sanction que la suspension des droits de vote prévue par le
présent article n'est applicable à l'auteur de l'offre. Aucun recours ne peut
être interruptif des formalités requises par le calendrier de l'offre. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Cet amendement a également été déjà défendu.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat
L'amendement n° 167 vise à exclure toute autre sanction
que la suspension des droits de vote. Je m'en suis expliqué tout à l'heure :
j'y suis défavorable.
M. Jean-Jacques Hyest.
J'avais eu l'impression que vous aviez dit le contraire tout à l'heure en
faisant la différence entre les étrangers et les Français !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
C'est une nuance !
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 167, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.).
M. le président.
Par amendement n° 435, M. Loridant, Mme Beaudeau, M. Foucaud, Mme Terrade et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent :
A. - De compléter le I de l'article 4 par deux alinéas ainsi rédigés :
« Pour qu'elle puisse être réalisée, l'offre publique d'achat ou l'offre
publique d'échange doit être acceptée par une ou des organisations syndicales
représentatives dans l'entreprise ayant recueilli la majorité des suffrages
exprimés lors des dernières élections au comité d'entreprise ou, à défaut, des
délégués du personnel. Lorsque le quorum a été atteint au premier tour des
élections, le nombre de voix à prendre en compte est le total de celles
recueillies par les candidats titulaires lors de ce tour. Si cette condition
n'est pas satisfaite, une consultation du personnel peut être organisée à la
demande d'une ou de plusieurs organisations syndicales signataires. L'offre
publique d'achat ou l'offre publique d'échange peut être réalisée si elle est
approuvée par les salariés à la majorité des suffrages exprimés ».
« Participent à la consultation prévue à l'alinéa ci-dessus les salariés
satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 433-4 ou L. 423-7 du
présent code. Les modalités d'organisation et de déroulement du vote font
l'objet d'un accord entre le chef d'entreprise et les organisations syndicales.
Cet accord doit respecter les principes généraux du droit électoral. Les
modalités sur lesquelles aucun accord n'a pu intervenir peuvent être fixées
dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article L. 433-9 du
présent code. La consultation a lieu pendant le temps de travail. »
B. - En conséquence, à la fin du premier alinéa du même I, de remplacer les
mots : « deux alinéas ainsi rédigés » par les mots : « quatre alinéas ainsi
rédigés ».
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret.
Cet amendement concerne la question de la connaissance sur les offres
publiques d'achat et les offres publiques d'échange. Ainsi que nous le
précisons dans l'exposé des motifs, il se pose la question assez essentielle
selon nous des rapports pour le moins ambigus qui lient entre elles les règles
propres au droit social, d'une part, et, d'autre part, celles du droit des
sociétés - fût-il, comme c'est le cas avec ce texte, codifié dans le code de
commerce - et celle, plus fondamentale de la relation entre décision économique
et société.
Le premier aspect que nous voulons traiter avec cet amendement est celui de
l'irruption du social dans la décision économique.
Avec notre amendement, en effet, le personnel des entreprises faisant l'objet
d'une offre publique d'achat ou d'échange serait directement consulté par la
voie d'un référendum d'entreprise à la demande d'une ou plusieurs organisations
syndicales de l'entreprise concernée afin de traduire concrètement l'avis de
ceux qui, à défaut d'être actionnaires, sont, en pratique, concernés par la
décision économique.
On ne peut, en effet, oublier qu'il n'est guère d'opérations de concentration
ou de rapprochement entre entreprises qui n'aient fini par générer des
suppressions d'emplois, sous prétexte qu'il est nécessaire de dégager une
certaine forme de retour sur investissement pour les nouveaux actionnaires ou
de rationaliser le processus de production.
On notera d'ailleurs que la langue économique d'aujourd'hui est riche de
concepts servant à dissimuler ce que le langage commun appelle d'autres noms :
qu'il s'agisse de plan social pour « charrette de licenciements » ou
d'accroissement de la productivité pour « hausse des cadences de production »,
le vocabulaire « managerial » s'est profondément renouvelé et il habille
aujourd'hui des couleurs de la modernité des procédés aussi vieux que la
société marchande.
Notre souci est donc de faire de la consultation du personnel, soit par le
biais de l'accord des organisations syndicales représentatives majoritaires
dans l'entreprise, soit dans le cadre d'une consultation directe des
personnels, un passage obligé dans la mise en oeuvre d'une procédure d'OPA ou
d'OPE.
Pour nous, l'entreprise ne peut être réduite à une proie financière. Elle est
aussi une manifestation de l'intérêt collectif.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous invite, mes chers collègues, à
adopter cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur.
L'amendement de notre collègue subordonne la réalisation
d'une offre publique d'achat ou d'échange à son acceptation par une ou
plusieurs organisations syndicales représentatives dans l'entreprise ou, à
défaut, par les délégués du personnel, ou encore a»rès consultation du
personnel.
Là, manifestement, on est face à une démarche politique, certainement
honorable, mais qui ne peut être en cohérence avec la vision de la majorité de
la commission des finances...
M. Jean-Jacques Hyest.
Cela n'existe nulle part !
M. Philippe Marini,
rapporteur.
... et qui n'est d'ailleurs pas plus en cohérence, me
semble-t-il, avec le texte du Gouvernement, sans préjuger ce qu'il va nous
dire.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Vous êtes trop bon avec le
Gouvernement, monsieur le rapporteur !
(Sourires.)
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Il est certain que je suis trop bon !
Je voudrais profiter tout de même de cette intervention pour redire que la
réponse, madame le secrétaire d'Etat, qui a été faite tout à l'heure à la
question, préoccupante en droit, du cumul possible des procédures et surtout
des sanctions du droit du travail et du droit boursier, cette réponse, très
franchement, nous ne l'avons pas entendue.
Nous ne l'avons pas entendue, et, pour les travaux préparatoires, il est
vraiment important qu'elle figure clairement, si je puis me permettre de
solliciter une prise de position à cet égard, dans nos débats parce que, s'il
apparaît que cette réponse n'a pas été complètement argumentée, que va-t-il se
passer ? Ainsi, le premier avocat venu d'un comité d'entreprise qui se trouvera
placé dans cette situation ira devant le conseil des prud'hommes pour invoquer
le délit d'entrave. Il va le faire. Ce n'est pas théorique !
Il faudrait donc que vous nous disiez si, oui ou non, avec votre texte,
puisque vous estimez qu'il ne doit pas être amendé, il existe un risque de
redondance ou de conflit entre le droit du travail et le droit boursier. Les
entreprises ont besoin de cette réponse.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat
Le Gouvernement ne peut pas être favorable à
l'amendement n° 435 car l'article 4 a pour objet de renforcer les pouvoirs
d'intervention du comité d'entreprise en cas d'offre publique. Or l'amendement
vise à soumettre les OPA, les OPE et, plus généralement, les cessions
d'entreprises à l'accord préalable des organisations syndicales, des comités
d'entreprises, etc.
Je comprends la motivation de ce texte mais vous savez aussi, d'une part,
qu'il n'y a pas forcément d'unanimité, y compris au sein d'une même
organisation syndicale- nous avons vécu récemment un conflit qui en a fait la
démonstration - d'autre part, que, personne n'étant certain de la cohérence
interne des positions de l'ensemble des salariés ou de l'ensemble des
organisations syndicales, on peut également avoir des refus qui conduisent à
des conflits durs et qui aboutissent
in fine
à des situations
dramatiques pour l'entreprise et les salariés. Autant nous voulons renforcer
les pouvoirs et les moyens du comité d'entreprise - ce qui est novateur dans ce
texte - autant aller au-delà ne rendrait service à personne. C'est pourquoi je
souhaite, monsieur le sénateur, que vous retiriez votre amendement. A défaut,
j'émettrai un avis défavorable.
Monsieur le rapporteur, en ce qui concerne l'amendement n° 167, et lui seul,
il contient, vous l'avez rappelé, deux dispositions de nature différente.
Tout d'abord, il vise à exclure toute autre sanction que la suspension des
droits de vote en cas de refus de l'auteur de l'offre de se rendre devant le
comité d'entreprise. Le Gouvernement ne peut accepter une telle disposition. En
effet, s'agissant de prérogatives du comité d'entreprise, il n'y a aucune
raison de ne pas appliquer les sanctions de droit commun prévues par le code du
travail, à savoir le délit d'entrave.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Ah !
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
La seconde phrase de l'amendement précise qu'il ne
peut y avoir aucun recours interruptif des formalités requises par le
calendrier de l'offre. Cette précision ne me semble pas nécessaire, car
l'intervention du comité d'entreprise est strictement délimitée dans le
temps.
De plus, en ce qui concerne le contenu de la note d'information, les éventuels
contentieux y afférents sont de la compétence de la cour d'appel de Paris, qui
a l'habitude de traiter ces questions très rapidement.
Pour ces raisons, le Gouvernement n'était pas favorable à l'adoption de cet
amendement.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Vous êtes donc favorable au double contentieux ! Très bien
!
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 435, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 437, M. Loridant, Mme Beaudeau, M. Foucaud, Mme Terrade et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter
in fine
le dernier alinéa du II de l'article 4 par une phrase ainsi
rédigée :
« Néanmoins, des dispositions équivalentes à celles prévues au sixième alinéa
de l'article L. 432-1 sont mises en application à l'échelon de l'ensemble du
groupe. »
La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade.
Il s'agissait d'un amendement de cohérence avec l'amendement n° 435.
M. le président.
L'amendement n° 437 n'a plus d'objet.
Je vais mettre aux voix l'article 4.
M. Paul Loridant.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant.
La question que pose en fin de compte cet article 4 amendé par la Haute
Assemblée est double. D'une part, jusqu'où doit-on aller dans la transparence
en matière d'information des salariés d'une entreprise concernée par une offre
publique d'achat ou d'échange ? D'autre part, est-il inconvenant ou
inconcevable de considérer qu'une possibilité de sanction puisse être liée à un
défaut d'information et de transparence ?
Selon toutes les apparences et les explications de M. le rapporteur, la
commission des finances et la Haute Assemblée optent clairement pour un
objectif de limitation tant de la transparence que des possibilités de
sanction.
Il y a manifestement quelque chose qui fait un peu peur à la majorité
sénatoriale, c'est la possibilité que certaines règles applicables au droit du
travail viennent toucher également le droit boursier. On pourrait dire, sans
trahir exagérément la pensée de M. le rapporteur, et en tout cas la teneur même
de son rapport, que sa crainte est que cette possibilité d'intervention des
salariés ne vienne « contaminer » le processus d'offre publique d'achat ou
d'échange.
C'est ainsi que, à la page 55 de ce rapport, est posée cette question
essentielle : « le risque d'un blocage des offres : la reconnaissance d'un
droit d'opposition aux salariés ? »
Sur ce point, notre position est claire, monsieur le rapporteur : nous disons
« et pourquoi pas ? »
Qu'est-ce qui doit primer dans une procédure d'appel d'offres ?
Nous n'avons voté aucun des amendements de la commission des finances et nous
ne voterons pas l'article 4, car il nous paraît remettre en cause les droits
des salariés, qui se trouvent réduits par rapport à ce qu'ils étaient dans le
texte issu des travaux de l'Assemblée nationale. En outre, sur le fond,
l'article 4 ne répond pas à la question originelle, à savoir que ce projet de
loi doit modifier les rapports sociaux et donner des droits nouveaux aux
salariés pour s'opposer à des opérations de restructuration qui viennent mettre
en cause l'emploi alors même que les entreprises sont prospères.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4, modifié.
M. Marc Massion.
Le groupe socialiste s'abstient.
(L'article 4 est adopté.)
Article 5
M. le président.
« Art. 5. - L'article 33 de la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 précitée est
complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le règlement général du Conseil des marchés financiers fixe également les
conditions dans lesquelles, lorsque plus de trois mois se sont écoulés depuis
le dépôt d'un projet d'offre publique sur les titres d'une société, le conseil
peut fixer, après avoir préalablement demandé aux parties de présenter leurs
observations, une date de clôture définitive de toutes les offres publiques
portant sur les titres de ladite société. »
Par amendement n° 438, M. Loridant, Mme Beaudeau, M. Foucaud, Mme Terrade et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter
in fine
le dernier aliéna de cet article : « ainsi que les modalités de
retrait d'une offre publique d'échange lorsque le conseil d'administration ou
le conseil de surveillance et le comité d'entreprise de la société visée s'y
sont déclarés hostiles. »
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant.
Je retire l'amendement, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 438 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
je mets aux voix l'article 5.
M. Paul Loridant.
Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.
(L'article 5 est adopté.)
TITRE II
POUVOIRS DES AUTORITÉS DE RÉGULATION
Chapitre Ier
Dispositions relatives aux établissements de crédit
et aux entreprises d'investissement
Article 6 A
M. le président.
« Art. 6 A. - I. - Au début de la dernière phrase du premier alinéa de
l'article 45-1 de la loi n° 92-665 du 16 juillet 1992 portant adaptation au
marché unique européen de la législation applicable en matière d'assurance et
de crédit, les mots : "Assiste également aux séances du collège" sont remplacés
par les mots : "Il est présidé par". »
« II. - A la fin de la première phrase du dernier alinéa du même article, les
mots : "sous présidence tournante chaque année" sont supprimés. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 168 est présenté par M. Marini, au nom de la commission des
finances.
L'amendement n° 360 est déposé par MM. Cornu, Courtois, Cazalet, Francis
Giraud et Murat.
Tous deux tendent à supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 168.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Il s'agit de supprimer l'article 6 A, suivant lequel le
ministre chargé de l'économie préside le collège des autorités de contrôle des
entreprises du secteur financier.
Cette innovation ne nous semble en effet ni souhaitable ni nécessaire, car le
ministre assiste déjà aux réunions du collège. Le ministre n'étant pas lui-même
une autorité de contrôle, il ne participe à ce collège que pour être informé de
ce qui va s'y échanger. Il n'a donc manifestement pas vocation à en être le
président.
Faire présider par le ministre chargé de l'économie un collège constitué de
présidents d'autorités indépendantes, c'est naturellement nier cette
indépendance ou la faire descendre d'un degré. On ne peut prétendre créer des
régulateurs indépendants avec des présidents jouissant de la même indépendance
et rassembler le tout dans un ensemble que l'on appelle « collège des autorités
de contrôle », qui n'a d'ailleurs aucune compétence propre, et qui serait
présidé par le ministre.
Là, madame le secrétaire d'Etat, vous « réadministrativisez » en quelque sorte
(Exclamations sur toutes les travées).
Pardonnez-moi, le mot n'est pas
très beau et je le retire, disons que vous réduisez l'indépendance des
régulateurs en les plaçant sous la présidence du ministre chargé de
l'économie.
Le dispositif que vous nous proposez n'est pas conforme à l'évolution de
l'organisation des régulateurs dans les pays développés et il est absolument en
contradiction avec les principes adoptés lors du comité de Bâle de 1997.
Madame le secrétaire d'Etat, j'ai de la peine à comprendre l'origine de cette
disposition ou, plus exactement, je crains qu'elle ne résulte de concessions
que le ministre à dû faire lors de la discussion à l'Assemblée nationale.
M. le président.
La parole est à M. Cornu, pour défendre l'amendement n° 360.
M. Gérard Cornu.
L'amendement n° 360 a le même objet que l'amendement de la commission et je
souscris totalement aux explications de M. le rapporteur.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 168 et 360 ?
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement confirme les propos qu'il a tenus au
cours des débats antérieurs devant l'Assemblée nationale : il approuve la
disposition prévue par l'amendement, car elle va dans le sens d'un renforcement
de la cohérence et de l'autorité du collège des autorités de contrôle.
Je vous rappelle, monsieur le rapporteur, qu'il y a un commissaire du
Gouvernement dans chacune des autorités de contrôle et que, si le ministre
préside, il n'a pas de pouvoir spécifique.
Il s'agit en fait d'instituer un dispositif cohérent dans lequel le ministre
pourra jouer un vrai rôle, mais sans autre souci que d'être celui qui coordonne
le travail.
Je ne vois pas pourquoi cela vous chagrine à ce point. J'ai vu tout à l'heure
que vous aviez de la peine. J'ai compris que c'était de la peine à nous
comprendre. Par conséquent, le Gouvernement ayant été favorable à cette
disposition à l'Assemblée nationale, il est défavorable à l'amendement de la
commission des finances du Sénat.
M. le président.
Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 168 et 360.
M. Paul Loridant.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant.
Pour les mêmes raisons que celles qu'a évoquées M. le rapporteur mais avec un
argumentaire inversé, nous nous prononcerons contre ces deux amendements
identiques.
En effet, nous considérons quant à nous, précisément parce qu'il s'agit de
rééquilibrer les pouvoirs du politique par rapport aux forces du marché, qu'il
est important que ce soit le ministre qui préside le collège regroupant ces
autorités de contrôle.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 168 et 360, repoussés par le
Gouvernement.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
En conséquence, l'article 6 A est supprimé.
Article 6
M. le président.
« Art. 6. - I. - La loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et
au contrôle des établissements de crédit est ainsi modifiée :
« 1° A Après le troisième alinéa de l'article 15, il est inséré un alinéa
ainsi rédigé :
« Pour fixer les conditions de son agrément, le Comité des établissements de
crédit et des entreprises d'investissement peut prendre en compte la
spécificité de certains établissements de crédit appartenant au secteur de
l'économie sociale et solidaire. Il apprécie notamment l'intérêt de leur action
au regard des missions d'intérêt général relevant de la lutte contre les
exclusions ou de la reconnaissance effective d'un droit au crédit. » ;
« 1° Après le quatrième alinéa de l'article 15, il est inséré un alinéa ainsi
rédigé :
« Enfin, le comité peut assortir l'agrément délivré de conditions
particulières visant à préserver l'équilibre de la structure financière de
l'établissement et le bon fonctionnement du système bancaire. Il peut aussi
subordonner l'octroi de l'agrément au respect d'engagements souscrits par
l'établissement requérant. » ;
« 2° Après l'article 15-1, il est inséré un article 15-2 ainsi rédigé :
«
Art. 15-2
. - Toute modification des conditions auxquelles était
subordonné l'agrément délivré à un établissement de crédit doit faire l'objet,
selon les cas, d'une autorisation préalable du Comité des établissements de
crédit et des entreprises d'investissement, d'une déclaration ou d'une
notification, dans les conditions fixées par un règlement du Comité de la
réglementation bancaire et financière.
« Dans les cas où une autorisation doit être délivrée, elle peut, elle-même,
être assortie de conditions particulières répondant aux finalités mentionnées
au sixième alinéa de l'article 15 ou subordonnée au respect d'engagements pris
par l'établissement. » ;
« 3° Le I de l'article 19 est ainsi rédigé :
«
I.
- Le retrait d'agrément est prononcé par le Comité des
établissements de crédit et des entreprises d'investissement à la demande de
l'établissement. Il peut aussi être décidé d'office par le comité si
l'établissement ne remplit plus les conditions ou les engagements auxquels
était subordonné son agrément ou une autorisation ultérieure, ou si
l'établissement n'a pas fait usage de son agrément dans un délai de douze mois
ou lorsqu'il n'exerce plus son activité depuis au moins six mois. » ;
« 4° Au premier alinéa de l'article 45, les mots : "n'a pas respecté les
engagements pris" sont remplacés par les mots : "n'a pas respecté les
conditions particulières posées ou les engagements pris". »
« II. - La loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 précitée est ainsi modifiée :
« 1° Après le septième alinéa de l'article 12, il est inséré un alinéa ainsi
rédigé :
« Le comité peut assortir l'agrément de conditions particulières visant à
préserver l'équilibre de la structure financière de l'entreprise. Le comité
peut également subordonner l'octroi de l'agrément au respect d'engagements
souscrits par l'entreprise requérante. » ;
« 2° Après le quatrième alinéa de l'article 13, il est inséré un alinéa ainsi
rédigé :
« Le comité peut assortir l'agrément de conditions particulières visant à
préserver l'équilibre de la structure financière de l'établissement. Le comité
peut également subordonner l'octroi de l'agrément au respect d'engagements
souscrits par l'établissement requérant. » ;
« 3° Après l'article 13, il est inséré un article 13-1 ainsi rédigé :
«
Art. 13-1
. - Toute modification des conditions auxquelles était
subordonné l'agrément délivré à une entreprise d'investissement ou à un
établissement de crédit fournissant un ou plusieurs services d'investissement
doit faire l'objet, selon les cas, d'une autorisation préalable du Comité des
établissements de crédit et des entreprises d'investissement, d'une déclaration
ou d'une notification, dans les conditions fixées par un règlement du Comité de
la réglementation bancaire et financière.
« Dans les cas où une autorisation doit être délivrée, elle peut, elle-même,
être assortie de conditions particulières répondant à la finalité mentionnée
aux deuxièmes alinéas des articles 12 et 13 ou subordonnée au respect
d'engagements pris par l'entreprise ou l'établissement. » ;
« 4° Avant le dernier alinéa de l'article 15, il est inséré un alinéa ainsi
rédigé :
« La commission peut assortir l'agrément de conditions particulières visant à
préserver l'équilibre de la structure financière de la société de gestion. Elle
peut également subordonner l'octroi de l'agrément au respect d'engagements
souscrits par la société requérante. » ;
« 5° Après l'article 15, il est inséré un article 15-1 ainsi rédigé :
«
Art. 15-1
. - Toute modification apportée aux conditions auxquelles
était subordonné l'agrément délivré à une société de gestion de portefeuille
doit faire l'objet, selon les cas, d'une autorisation préalable de la
Commission des opérations de bourse, d'une déclaration ou d'une notification,
dans les conditions fixées par un règlement de la commission.
« Dans les cas où une autorisation doit être délivrée, elle peut, elle-même,
être assortie de conditions particulières répondant à la finalité mentionnée à
l'avant-dernier alinéa de l'article 15 ou subordonnée au respect d'engagements
pris par la société de gestion. »
Par amendement n° 169, M. Marini, au nom de la commission des finances,
propose de supprimer les deuxième et troisième alinéas du I de cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Les deuxième et troisième alinéas du I de l'article 6 que la
commission des finances propose de supprimer ont été introduits par amendement
à l'Assemblée nationale.
Ces deux alinéas prévoient que le Comité des établissements de crédit et des
entreprises d'investissements, pour fixer les conditions de son agrément,
puisse prendre en compte la spécificité de certains établissements de crédit
appartenant au secteur de l'économie sociale et solidaire. Ils précisent en
outre qu'il devrait apprécier l'intérêt de leur action au regard des missions
d'intérêt général relevant de la lutte contre les exclusions ou de la
reconnaissance effective d'un droit au crédit.
Il est clair que cela ne relève pas de la compétence du CECEI. J'en veux pour
preuve, madame le secrétaire d'Etat, la composition de ce comité. Les personnes
très estimables qui en font partie sont complètement « hors du jeu » lorsqu'il
s'agit d'apprécier des missions d'intérêt général en matière de lutte contre
les exclusions.
Demander à un comité de hauts fonctionnaires et de banquiers d'attester de
l'intérêt de certains établissements de crédit très spécifiques au regard de la
lutte contre les exclusions, c'est complètement contre nature, cela revient, si
je puis dire, à demander à un évêque d'organiser une maison close !
(Exclamations.)
Peut-être cette comparaison est-elle quelque peu hors de
propos !
(Sourires.)
Quoi qu'il en soit, la commission des finances, qui
a des raisonnements plus classiques, considère que, pour que les vaches soient
bien gardées, il faut que celui qui les garde ait un minimum de compétences !
(Nouveaux sourires.)
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Nous sommes très attachés au développement de
l'économie sociale et solidaire et l'objectif que sous-tend cet amendement doit
être pris en compte.
Sans doute le dispositif gagnerait-il à être affiné afin, notamment, de ne pas
imposer au CECEI des critères juridiquement inexacts ou inadaptés à son mode
habituel de contrôle. Cette disposition est, en son principe, incontestable.
C'est pourquoi, même si les critiques ont été enjolivées, le Gouvernement
demande le rejet de cet amendement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 169.
M. Jean-Jacques Hyest.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Je me demande s'il ne faudrait pas inscrire dans la nouvelle charte européenne
des droits de l'homme le droit au crédit !
Il s'agit d'un droit bien curieux. A-t-on droit au crédit ? Je m'interroge.
Il existe de nombreux droits nouveaux. Vient s'y ajouter le droit au crédit.
Voilà qui est intéressant car cette reconnaissance va beaucoup changer la
nature de notre société.
On ne se rend même plus compte de ce qu'on dit et de ce qu'on écrit. Pourquoi
ne pas continuer demain avec le droit à la propriété ? Non, surtout pas ! parce
que la propriété, c'est le mal.
Mme Odette Terrade.
Cela dépend laquelle !
M. Pierre Hérisson.
Celle du voisin !
M. Jean-Jacques Hyest.
C'est une étrangeté !
Il faudra m'expliquer ce qu'est ce nouveau droit au crédit dont vous confirmez
l'instauration, madame le secrétaire d'Etat ?
M. Philippe Marini,
rapporteur.
C'est fou !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Je suis désespéré !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 169, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 361, MM. Cornu, Courtois, Cazalet, Francis Giraud et Murat
proposent, dans la première phrase du deuxième alinéa du 1° du I de cet
article, après les mots : « peut assortir », d'insérer les mots : « , après
avis de la commission bancaire, ».
Cet amendement n'a plus d'objet.
Par amendement n° 362, MM. Cornu, Courtois, Cazalet, Francis Giraud et Murat
proposent :
« I. - Dans la première phrase du deuxième alinéa du 1° du II de l'article 6
après les mots : « peut assortir », d'insérer les mots : « , après avis de la
commission bancaire, ».
« II. - En conséquence, dans la première phrase du deuxième alinéa du 2° du
même II, après les mots : « peut assortir », d'insérer les mots : « , après
avis de la commission bancaire, ».
Cet amendement n'a plus d'objet.
Par amendement n° 170, M. Marini, au nom de la commission des finances,
propose de compléter
in fine
le II de l'article 6 par deux alinéas ainsi
rédigés :
« 6° Le premier alinéa du I de l'article 18 est ainsi rédigé :
« Le retrait d'agrément d'une entreprise d'investissement autre qu'une société
de gestion de portefeuille est prononcé par le Comité des établissements de
crédit et des entreprises d'investissement à la demande de l'entreprise
d'investissement. Il peut aussi être décidé d'office par le Comité si
l'entreprise d'investissement ne remplit plus les conditions ou les engagements
auxquels étaient subordonnés son agrément ou une autorisation ultérieure, ou si
l'entreprise d'investissement n'a pas fait usage de son agrément dans un délai
de douze mois ou lorsqu'elle n'exerce plus son activité depuis au moins six
mois. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Avec cet article, le Gouvernement a entrepris de légaliser la
pratique des conditions et engagements conditionnant l'agrément donné par le
CECEI ou par la COB. C'est assurément une bonne chose.
Malheureusement, le travail d'harmonisation n'est pas complet et certaines
dispositions, pourtant symétriques à d'autres, ont tout simplement été
oubliées. C'est pourquoi nous les rétablissons avec l'amendement n° 170.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Dans la mesure où la rédaction des dispositions
relatives à l'agrément des établissements de crédits des entreprises
d'investissement a été harmonisée, il convient effectivement de conserver
autant que faire se peut cette symétrie pour les dispositions concernant le
retrait d'agrément.
Je m'en remets donc à la sagesse de la Haute Assemblée sur cette disposition
qui permet d'aligner en cette matière les dispositions de la loi bancaire.
Cet avis du Gouvernement salue la qualité du travail de la commission.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 170, sur lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 171, M. Marini, au nom de la commission, propose de
compléter
in fine
le II de l'article 6 par deux alinéas ainsi rédigés
:
« 7° Le premier alinéa du I de l'article 19 est ainsi rédigé :
« Le retrait d'agrément d'une société de gestion de portefeuille est prononcé
par la Commission des opérations de bourse à la demande de la société. Il peut
aussi être décidé d'office par la Commission si la société ne remplit plus les
conditions ou les engagements auxquels étaient subordonnés son agrément ou une
autorisation ultérieure, ou si la société n'a pas fait usage de son agrément
dans un délai de douze mois ou lorsqu'elle n'exerce plus son activité depuis au
moins six mois ou lorsque la poursuite de son activité est de nature à porter
atteinte aux intérêts des investisseurs. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Cet amendement tend à réparer des oublis.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement accepterait cet amendement si M. le
rapporteur acceptait que les mots : « ou lorsque la poursuite de son activité
est de nature à porter atteinte aux intérêts des investisseurs » soient
supprimés.
Le dispositif proposé serait ainsi en symétrie totale et en parfaite cohérence
avec l'amendement n° 170.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Je donne bien volontiers mon accord à cette rectification.
M. le président.
Je suis donc saisi d'un amendement n° 171 rectifié, présenté par M. Marini, au
nom de la commission des finances, et visant à compléter
in fine
le II
de l'article 6 par deux alinéas ainsi rédigés :
« 7° Le premier alinéa du I de l'article 19 est ainsi rédigé :
« Le retrait d'agrément d'une société de gestion de portefeuille est prononcé
par la Commission des opérations de bourse à la demande de la société. Il peut
aussi être décidé d'office par la Commission si la société ne remplit plus les
conditions ou les engagements auxquels étaient subordonnés son agrément ou une
autorisation ultérieure, ou si la société n'a pas fait usage de son agrément
dans un délai de douze mois ou lorsqu'elle n'exerce plus son activité depuis au
moins six mois. »
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 171 rectifié, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 6, modifié.
(L'article 6 est adopté.)
Article additionnel après l'article 6
M. le président.
Par amendement n° 172, M. Marini, au nom de la commission des finances,
propose d'insérer après l'article 6, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans l'article 7 de la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 de modernisation
des activités financières, les mots : "qui ont pour profession habituelle et
principale de fournir des services d'investissement" sont remplacés par les
mots : "qui fournissent des services d'investissement à titre de profession
habituelle".
« II. - L'article 9 de la même loi est ainsi rédigé :
«
Art. 9.
- Le Comité de la réglementation bancaire et financière fixe
les conditions dans lesquelles les entreprises d'investissement peuvent
exercer, à titre professionnel, une activité autre que celles prévues à
l'article 4. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Il s'agit d'un article additionnel qui vise à rapprocher la
rédaction de la loi de modernisation des activités financières de juillet 1996
du texte de la directive européenne de 1993 sur les services
d'investissement.
En effet, en l'état actuel de notre droit, une entreprise qui fournit des
services connexes aux services d'investissement à titre principal ne peut pas
avoir la qualité d'entreprise d'investissement et, donc, bénéficier du
passeport européen.
La rédaction de la loi de modernisation des activités financières a pu, malgré
tout le soin que nous lui avons apporté, présenter quelques incohérences ou
insuffisances.
Cet article additionnel permettrait de régler les difficultés apparues, en
soulignant d'ailleurs que des situations de ce type ont été examinées par le
conseil des marchés financiers qui a considéré, me semble-t-il, qu'une telle
précision était nécessaire.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
A l'usage, il a pu effectivement apparaître que cette
rédaction pourrait conduire à ne pas agréer une entreprise dont une part,
majoritaire, des activités relèverait des services connexes et l'autre part,
minoritaire, des services d'investissement.
La modification proposée, dans la mesure où elle est encadrée par la fixation
par le CRBF des conditions dans lesquelles une entreprise pourrait fournir à
titre professionnel une activité autre que des services d'investissement et
bénéficier néanmoins d'un agrément, peut donc avoir sa justification.
Sur cette proposition, je m'en remets à la sagesse de l'assemblée.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 172, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 6.
Article additionnel avant l'article 7
M. le président.
Par amendement n° 439, M. Loridant, Mme Beaudeau, M. Foucaud, Mme Terrade et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, avant
l'article 7, d'insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans le premier alinéa de l'article 15 de la loi n° 84-46 du 24 janvier
1984 précitée, après les mots : "l'agrément délivré par le" sont insérés les
mots : "ministre chargé de l'économie sur avis du" et les mots : "le comité"
sont remplacés par les mots : "le ministre".
« II. - Il est procédé au même remplacement du quatrième au septième alinéa du
même article.
« III. - A l'article 15-1 de la même loi, les mots : "sa décision" sont
remplacés par les mots : "son avis".
« IV. - Aux I et II de l'article 19, à l'article 31 et à l'article 32 de la
même loi, les mots : "ministre chargé de l'économie sur avis du" sont insérés
avant les mots : "comité des établissements de crédit et des entreprises
d'investissement".
« V. - Au début du premier alinéa de l'article 38 de la même loi, les mots :
"La commission bancaire comprend le gouverneur de la Banque de France ou son
représentant, président," sont remplacés par les dispositions : "Le président
de la Commission bancaire est désigné par arrêté du ministre chargé de
l'économie. Elle comprend également... (Le reste sans changement.) »
« VI. - En conséquence, dans l'ensemble des lois et règlements en vigueur,
avant les mots : "président de la commission bancaire », les mots : "gouverneur
de la Banque de France" sont supprimés. »
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant.
Cet amendement, qui porte sur la question essentielle de la place des
responsables politiques dans les règles de fonctionnement du secteur financier
et, singulièrement, du secteur bancaire, présente évidemment quelques
similitudes, dans son esprit, avec celui que l'Assemblée nationale a adopté
sous le nom d'article 6 A et qui consacrait la place particulière du ministre
de l'économie dans le fonctionnement des autorités de régulation.
Sa philosophie est clairement identitaire, puisqu'il s'agit de revenir sur la
question clé de la séparation entre les fonctions entre direction de la Banque
centrale et secteur de la surveillance bancaire.
La loi de 1993 sur l'indépendance de la Banque de France par rapport au
pouvoir politique a, en effet, alors même qu'on ne nous en faisait pas
obligation, fusionné les deux fonctions, faisant du gouverneur à la fois le
"banquier central", c'est-à-dire le responsable de la Banque centrale, et le
chef de file de la surveillance bancaire.
L'exposé des motifs de l'amendement n° 439 rappelle, à bon escient, me
semble-t-il, qu'il n'en est pas de même dans un grand pays voisin où la banque
centrale n'a pourtant pas été la dernière à revendiquer son indépendance.
Nous souhaitons donc que cette orientation soit retenue pour ce qui concerne
notre pays et que nous revenions, dans les faits, sur les termes de la loi de
1993, dont nous n'aurons jamais de cesse de souligner les errements et les
limites.
Très clairement, nous souhaitons que le gouverneur de la Banque centrale reste
le gouverneur de la Banque centrale et que l'autorité de surveillance soit
présidée par le ministre, puisque c'est lui qui doit avoir l'autorité, et non
pas, comme c'est le cas actuellement, par le gouverneur de la Banque
centrale.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Le débat sur la place du politique dans l'organisation des
phénomènes économiques et dans la régulation est un débat utile et il doit
avoir lieu. Toutefois, chers collègues, est-ce servir la fonction politique que
de prévoir que le ministre, autorité publique, se trouve ainsi, en première
ligne, en charge de trancher des questions individualisées qui mettent en
présence des groupes d'intérêts ? Est-ce la fonction du ministre ?
M. Gérard Cornu.
Non !
M. Philippe Marini,
rapporteur.
S'il existe une Commission bancaire indépendante - et
celle-ci, nous dit-on, est appelée à une prochaine réforme, sans doute pour
être encore plus indépendante, du moins c'est le souhait que je me permettrai
d'émettre -, c'est bien pour que l'agrément des établissements de crédit et le
suivi de leur situation prudentielle soient le fait de personnes neutres,
s'exprimant en termes techniques et sans pouvoir être suspectées de quelque
biais politicien que ce soit.
Si l'on devait, par une vue de l'esprit, charger le ministre d'autorisations
qui sont extrêmement sensibles dans ces domaines, ne créerait-on pas les
conditions de pressions considérables ? Ne placerait-on pas le ministre dans
une situation impossible ? En effet, on l'instrumentaliserait, en quelque
sorte, puisqu'il devrait, sans avoir nécessairement tous les éléments
d'appréciation, donner raison aux uns et tort aux autres, et donc prendre des
décisions qui, me semble-t-il, ne sont vraiment plus celles que l'on est
susceptible de prendre aujourd'hui dans l'économie de marché telle qu'elle
est.
Le rejet de cet amendement par la commission des finances traduit une
conception différente de notre part de la responsabilité ministérielle. Ce
n'est pas une conception moins exigeante que la vôtre, j'oserais dire bien au
contraire, mais nous ne voulons pas du mélange des genres !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement apprécie beaucoup la qualité du débat
sur la place du politique, débat qui est demandé par les citoyens. Mais il est
défavorable à cet amendement.
Il nous semble important en effet de conserver une distinction très nette
entre l'activité de réglementation, qui est confiée au ministre, et les
activités d'agrément et de contrôle, qui sont attribuées à des autorités
administratives indépendantes. Transférer au ministre les compétences
d'agrément des établissements de crédit ou lui confier, ce qui revient au même,
le pouvoir de désigner le président de la commission bancaire romprait avec les
règles et les usages en vigueur sur notre territoire et chez nos partenaires,
pour des raisons qui sont effectivement des raisons d'exposition, si je puis me
permettre de résumer ainsi ce que vous venez de dire, monsieur le sénateur.
L'adoption de l'amendement proposé conduirait en outre à desserrer les liens
avec la banque centrale. Elle induirait de graves incertitudes quant au statut
et au devenir des personnels, par exemple, de la Banque de France, et ces
personnels sont sensibles à cet aspect des choses.
Par ailleurs, je rejoins ce qui a été dit : les prérogatives du Gouvernement
au sein des autorités de régulation sont préservées en vertu de plusieurs
dispositions de la loi bancaire. Ces prérogatives du Gouvernement existent, et
il ne faut pas les oublier.
Le ministre est en effet représenté au sein de deux institutions. Il a la
faculté de demander l'ajournement des décisions des CECEI si un élément le lui
permet ou si sa conviction va en ce sens. Je pense donc que les choses sont
bien faites ainsi, et il est vrai que l'influence forte que pourrait subir un
ministre serait de nature à casser quelque peu cette logique d'indépendance.
S'agissant des mètres carrés des grandes surfaces, sujet qui n'a rien à voir,
je vous rappelle que, récemment, les autorités indépendantes de contrôle qui
étaient sous l'autorité du ministre, ont été placées sous l'autorité d'une
personne totalement indépendante, pour des raisons justement d'influences et de
pressions, afin d'éviter ce type de situation trop difficile pour le ministre
lui-même, en revanche, celui-ci est chargé du respect de la loi, cela me paraît
suffisant.
L'amendement proposé étant dangereux, monsieur Loridant, je vous demande de
bien vouloir le retirer. Dans le cas contraire, le Gouvernement y serait
défavorable.
M. le président.
Monsieur Loridant, l'amendement est-il maintenu ?
M. Paul Loridant.
Oui, monsieur le président.
M. le président.
Je vais donc le mettre aux voix.
M. Paul Loridant.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant.
Ce débat est intéressant, mais il ne faudrait pas avoir la mémoire courte.
Rappelez-vous, c'était au cours de l'été 1999, la bataille bancaire opposant la
BNP et la Société générale à propos du contrôle de Paribas et de la Société
générale.
L'autorité dite « indépendante » qui devait donner son avis était bien ennuyée
pour le faire. Le président du CECEI a bien auditionné le président de la
Société générale, celui de la BNP et celui de Paribas, mais on n'a jamais su
vraiment quel était son avis ! Le ministre, lui, en avait un : il souhaitait la
constitution d'une grande banque française capable de s'imposer sur la place,
mais il n'a pas été entendu ! C'est cela la réalité, madame le secrétaire
d'Etat, et les faits démentent la démonstration que vous venez de faire ainsi
que celle de M. le rapporteur.
C'est précisément au vu de ces éléments et de l'intention originelle qui
sous-tend ce projet de loi de redonner des pouvoirs aux politiques par rapport
aux marchés qu'il faut mettre les instances politiques en situation d'imprimer
des inflexions. La future loi sur les nouvelles régulations économiques ne doit
pas tendre à mettre de l'huile dans les mécanismes de marché, elle doit, dans
notre esprit en tout cas, redonner le pouvoir aux politiques sur un certain
nombre de dossiers parce que les faits - l'affaire Michelin, l'affaire
BNP-Société générale, l'affaire Alstom à Belfort - ont montré que le pouvoir
politique n'avait plus l'autorité nécessaire pour donner des orientations.
Nous maintenons donc cet amendement en regrettant, madame le secrétaire
d'Etat, sur ce point précis, notre désaccord avec le Gouvernement.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 439, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 7
M. le président.
« Art. 7. - L'article 15 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 précitée est
complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toute personne physique ou morale envisageant de déposer un projet d'offre
publique au Conseil des marchés financiers en application de l'article 33 de la
loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 précitée, en vue d'acquérir une quantité
déterminée de titres d'un établissement de crédit agréé en France, est tenue
d'en informer le ministre chargé de l'économie, puis le gouverneur de la Banque
de France, président du Comité des établissements de crédit et des entreprises
d'investissement, huit jours ouvrés avant le dépôt de ce projet d'offre ou son
annonce publique si elle est antérieure. »
Par l'amendement n° 441, M. Loridant, Mme Beaudeau, M. Foucaud, Mme Terrade et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le
second alinéa de cet article, de supprimer les mots : « au conseil des marchés
financiers en application de l'article 33 de la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996
précitée ».
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant.
Je considère que j'ai défendu cet amendement, qui relève de la même
philosophie que mes amendements précédents.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 441, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je suis maintenant saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une
discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 173 est présenté par M. Marini, au nom de la commission des
finances.
L'amendement n° 364 est présenté par MM. Cornu, Courtois, Cazalet, Francis
Giraud et Murat.
Tous deux visent, dans le deuxième alinéa de l'article 7, à supprimer les mots
: « le ministre chargé de l'économie, puis ».
Enfin, l'amendement n° 440 rectifié, présenté par M. Loridant, Mme Beaudeau,
M. Foucaud, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et
citoyen proposent, dans le second alinéa de l'article 7, de remplacer les mots
: « puis le gouverneur de la Banque de France, président du Comité des
établissements de crédit et des entreprises d'investissement » par les mots : «
président du collège des autorités de contrôle des entreprises du secteur
financier ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 173.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Cet amendement vise à revenir au texte initial du
Gouvernement, qui prévoyait l'information préalable du gouverneur de la Banque
de France en cas d'offre publique visant un établissement de crédit, et non pas
l'information du ministre chargé de l'économie, puis celle du gouverneur de la
Banque de France. Le texte initial nous semble plus conforme à une bonne
répartition des compétences.
M. le président.
La parole est à M. Cornu, pour présenter l'amendement n° 364.
M. Gérard Cornu.
Cet amendement est identique à celui de la commission. Il est en effet inutile
d'inscrire dans la loi l'obligation d'informer le ministre de l'économie dans
le cas d'opérations boursières, le Gouverneur de la Banque de France le faisant
systématiquement quand celles-ci sont d'une certaine ampleur.
M. le président.
La parole est à M. Loridant, pour présenter l'amendement n° 440 rectifié.
M. Paul Loridant.
J'ai déjà défendu cet amendement lors de mon intervention sur l'amendement n°
439. Il procède de la même philosophie.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 173 et 364,
ainsi que sur l'amendement n° 440 rectifié ?
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
A l'Assemblée nationale, le Gouvernement s'est rallié
à une position consistant à obliger l'initiateur d'une offre à informer
préalablement le ministre chargé de l'économie, puis le gouverneur de la Banque
de France. Par conséquent, il ne peut être favorable aux amendements
identiques.
S'agissant de l'amendement de M. Loridant, sa position est la même que
précédemment.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 173 et 364, repoussés par le
Gouvernement.
(Ces amendements sont adoptés.)
M. le président.
En conséquence, l'amendement n° 440 rectifié n'a plus d'objet.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 174 est présenté par M. Marini, au nom de la commission des
finances.
L'amendement n° 363 est déposé par MM. Cornu, Courtois, Cazalet, Francis
Giraud et Murat.
Tous deux visent, dans le deuxième alinéa de l'article 7, à remplacer les mots
: « huit jours » par les mots : « deux jours ».
La parole est M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 174.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Il s'agit également de revenir au texte initial du
Gouvernement, qui était plus orthodoxe et qui prévoyait l'information préalable
du Gouverneur de la Banque de France en cas d'offre publique visant un
établissement de crédit deux jours ouvrés avant le dépôt de l'offre et non plus
huit jours, comme le propose dangereusement l'Assemblée nationale.
Je sais bien que, là encore, vous avez dû faire des concessions, madame le
secrétaire d'Etat, mais nous voudrions vous aider pour que le texte de la loi
soit un peu plus réaliste.
M. le président.
La parole est à M. Cornu, pour présenter l'amendement n° 363.
M. Gérard Cornu.
Il est en effet important de réduire le délai adopté à l'Assemblée nationale
parce qu'il faut faire attention au risque de délit d'initié.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 174 et 363
?
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Je rappellerai tout d'abord que seule l'Italie a
introduit dans sa législation un délai de sept jours. Dans la majorité des
pays, la pratique conduit à des délais variables qui peuvent être brefs.
Pour sa part, le Gouvernement estime que le délai minimal d'information
préalable qui précède la tenue du conseil d'administration statuant sur le
projet d'offre ou le dépôt de celle-ci auprès du conseil des marchés financiers
doit être suffisamment court pour permettre de préserver les conditions de
confidentialité et de souplesse nécessaires à la bonne réalisation des
opérations de restructuration bancaires et éviter de donner un signal
protectionniste à nos partenaires, notamment européens. C'est pourquoi, si le
débat reste ouvert, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 174 et 363, pour lesquels le
Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
Par amendement n° 476, M. Loridant, Mme Beaudeau, M. Foucaud, Mme Terrade et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter
in fine
l'article 7 par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu'une offre publique a été déposée sans l'information préalable requise
ou que l'opération est manifestement de nature à perturber l'équilibre du
système financier, les autorités compétentes constatent à la demande du
ministre chargé de l'économie l'irrégularité de l'acquisition des titres
concernés et prononcent l'irrecevabilité de l'offre ou le refus de l'agrément.
»
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant.
Il faut noter que l'obligation d'information préalable n'en est pas vraiment
une, dès lors qu'aucune sanction ne vient remettre en question l'absence de
transmission de l'information préalable en cas d'opérations d'offre publique
d'achat ou d'échange.
Dans ce contexte, notre amendement prévoit donc la déchéance de l'opération
dès lors que la transmission de l'information n'a pas eu lieu et renforce de ce
fait le caractère obligatoire de l'information préalable. Il s'agit, là encore,
de permettre à la puissance publique, parce qu'elle représente les intérêts de
la collectivité, de jouer pleinement son rôle dans ce type de procédure qui,
nous le savons pertinemment, peut avoir des effets néfastes pour certaines
catégories de salariés ou même pour la simple survie de certaines activités
économiques dans les opérations de restructuration.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Ce serait vraiment faire marche arrière que d'adopter cet
amendement, puisqu'il vise en réalité à restituer le fait du prince. Le
ministre chargé de l'économie serait dès lors totalement souverain pour faire
échouer une opération de marché. Il donnerait instruction aux autorités, qui
naturellement ne seraient même plus des régulateurs - elles ne seraient que des
exécutants - de constater l'irrégularité de l'acquisition des titres concernés
et de prononcer l'irrégularité de l'offre ou le refus de l'agrément. C'est la
négation même de la régulation. Nous en sommes revenus au système
d'administration des marchés, à supposer d'ailleurs qu'il ait jamais existé. En
tout cas, là où il existait, il n'y avait pas d'économie de marché.
M. Jean-Jacques Hyest.
Dans ces conditions, il n'y aurait plus de marché !
M. Philippe Marini,
rapporteur.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Cet amendement vise à instaurer une sanction
spécifique, si j'ai bien compris, au cas où l'obligation d'informer n'a pas été
respectée. Les deux autorités, le CMF et la COB, ont pour compétence la
surveillance et la garantie des droits des épargnants afin qu'ils ne soient pas
lésés par l'absence d'information. Une telle sanction n'est donc pas adaptée.
Aussi, monsieur Loridant, je vous demande de retirer l'amendement n° 476, faute
de quoi le Gouvernement émettra un avis défavorable.
M. Paul Loridant.
Je retire l'amendement n° 476.
M. le président.
L'amendement n° 476 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 7, modifié.
M. Jean-Marc Pastor.
Le groupe socialiste s'abstient.
(L'article 7 est adopté.)
Article 8
M. le président.
« Art. 8. - I. - La loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 précitée est ainsi
modifiée :
« 1° Au sixième alinéa de l'article 15, les mots : "l'honorabilité nécessaire
et l'expérience" sont remplacés par les mots : "l'honorabilité et la compétence
nécessaires ainsi que l'expérience" ;
« 2° Au deuxième alinéa de l'article 17, après les mots : "deux personnes au
moins", sont insérés les mots : "qui doivent satisfaire à tout moment aux
conditions prévues à l'article 15". »
« II. - La loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 précitée est ainsi modifiée :
« 1° Au premier alinéa de l'article 14, les mots : "apprécie la qualité de ce
programme au regard de la compétence et de l'honorabilité des dirigeants" sont
remplacés par les mots : "apprécie la qualité de ce programme au regard de
l'honorabilité et de la compétence des dirigeants et de l'adéquation de leur
expérience à leurs fonctions" ;
« 2° Le 4° de l'article 15 est ainsi rédigé :
«
4°
Est dirigée effectivement par des personnes possédant
l'honorabilité et la compétence nécessaires ainsi que l'expérience adéquate à
leur fonction ; ». -
(Adopté.)
Mes chers collègues, je vous rappelle que les amendements tendant à insérer
des articles additionnels après l'article 8 ont été examinés par priorité,
après l'article 1er.
Chapitre II
Dispositions relatives aux entreprises d'assurance
Article 9
M. le président.
« Art. 9. - I. - L'article L. 321-10 du code des assurances est complété par
un alinéa ainsi rédigé :
« L'octroi de l'agrément peut être subordonné au respect d'engagements
souscrits par l'entreprise requérante. »
« II. - Après le premier alinéa de l'article L. 322-4 du même code, il est
inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L'autorisation donnée à des opérations mentionnées au premier alinéa peut
être subordonnée au respect d'engagements souscrits par une ou plusieurs des
personnes ayant présenté une demande d'autorisation. » -
(Adopté.)
Article 10
M. le président.
« Art. 10. - I. - Avant le dernier alinéa de l'article L. 322-2 du code des
assurances, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les personnes appelées à fonder, diriger ou administrer une entreprise ou
une société mentionnée au premier alinéa doivent posséder la qualification
nécessaire à leur fonction. »
« II. - Le deuxième tiret du premier alinéa de l'article L. 321-10 du même
code est complété par les mots : "appréciées dans les conditions définies à
l'article L. 322-2".
« III. - Après le 4° de l'article L. 310-18 du même code, il est inséré un 4°
bis
ainsi rédigé :
«
4°
bis La démission d'office d'un ou plusieurs dirigeants de
l'entreprise ; ».
Par amendement n° 175, M. Marini, au nom de la commission, propose, à la fin
du deuxième alinéa de cet article, de remplacer les mots : « la qualification
nécessaire à leur fonction » par les mots : « la compétence ainsi que
l'expérience nécessaires à leur fonction ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
La commission s'est demandé pourquoi deux formulations qui
s'appliquent, à notre avis, aux mêmes objets ne sont pas identiques.
S'agissant des conditions requises des dirigeants dans le domaine bancaire, le
texte repose sur une trilogie : « honorabilité, compétence et expérience ». En
matière d'assurance, ce n'est plus qu'un duo : « honorabilité et qualification
».
L'amendement que je présente vise à aligner les rédactions puisqu'il nous
semble qu'il n'y a pas de raisons particulières de ne pas employer le même
langage pour les critères d'agrément de dirigeants tant du côté assuranciel que
du côté bancaire.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
La commission a raison de se poser la question ; le
Gouvernement est donc favorable à l'amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 175, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 176, M. Marini, au nom de la commission, propose de rédiger
ainsi le II de l'article 10 :
« II. - Dans le troisième alinéa de l'article L. 321-10 du même code, les mots
: "et la qualification des personnes chargées de la conduire", sont remplacés
par les mots : ", la compétence et l'expérience des personnes chargées de la
conduire, appréciées dans les conditions définies à l'article L. 322-2". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Il s'agit également d'aligner la rédaction du code des
assurances sur la rédaction de la loi bancaire, ainsi que sur celle de la loi
de modernisation des activités financières.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement est également favorable à cet
amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 176, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 10, modifié.
(L'article 10 est adopté.)
Article additionnel après l'article 10
M. le président.
Par amendement n° 177, M. Marini, au nom de la commission, propose d'insérer,
après l'article 10, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 411-1 du code des assurances est ainsi modifié :
« I. - Après le onzième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« - le président du conseil de surveillance du fonds de garantie institué à
l'article L. 423-1 ou un membre du directoire le représentant. »
« II. - Dans le dernier alinéa, le mot : "onzième" est remplacé par le mot :
"douzième". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Il s'agit de prévoir que le président du conseil de
surveillance du fonds de garantie des assurés sur la vie, créé par la loi
relative à l'épargne et à la sécurité financière de 1999, est membre de droit
du Conseil national des assurances. En effet, aujourd'hui, il y siège, mais à
titre de représentant des assurés, ce qui ne semble pas satisfaisant. C'était
probablement un oubli dans la loi de 1999.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
La remarque est opportune. En conséquence, le
Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 177, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 10.
Article 11
M. le président.
« Art. 11. - L'article L. 322-4 du code des assurances est complété par un
alinéa ainsi rédigé :
« Toute personne envisageant de déposer un projet d'offre publique au Conseil
des marchés financiers en application de l'article 33 de la loi n° 96-597 du 2
juillet 1996 de modernisation des activités financières, en vue d'acquérir une
quantité déterminée de titres d'une entreprise d'assurance agréée en France,
est tenue d'en informer le ministre chargé de l'économie deux jours ouvrés
avant le dépôt de ce projet d'offre ou son annonce publique si elle est
antérieure. »
Par amendement n° 444, M. Loridant, Mme Beaudeau, M. Foucaud, Mme Terrade, les
membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le second
alinéa de l'article 11, de supprimer les mots : « au conseil des marchés
financiers en application de l'article 33 de la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996
de modernisation des activités financières ».
La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade.
Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps les
trois amendements que nous avons déposés sur cet article.
M. le président.
Je vais donc appeler également en discussion les deux amendements suivants.
Par amendement n° 443, M. Loridant, Mme Beaudeau, M. Foucaud, Mme Terrade, les
membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le second
alinéa de l'article 11, après les mots : « ministre chargé de l'économie »,
d'insérer les mots : « , président du collège des autorités de contrôle des
entreprises du secteur financier, ».
Par amendement n° 442, M. Loridant, Mme Beaudeau, M. Foucaud, Mme Terrade, les
membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le second
alinéa de cet article, après les mots : « ministre chargé de l'économie »,
d'insérer les mots : « ainsi que les commissions des finances des assemblées
parlementaires ».
La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade.
L'article 11 vise les offres publiques d'achat ou d'échange survenant dans le
secteur, ô combien important pour l'économie - et notamment pour la gestion de
la dette de l'Etat ou pour le développement du secteur de l'immobilier -, des
compagnies et sociétés d'assurance.
Les trois amendements que nous avons déposés sur cet article sont en quelque
sorte symétriques de ceux que nous avons défendus sur l'article 7.
Dans les trois cas, il s'agit de faire valoir la place particulière du pouvoir
politique au sein de la commission de contrôle des assurances et d'y appliquer
le traitement que nous avons souhaité, dans le droit-fil de la loi de 1999,
voir appliqué aux autorités de contrôle dans les domaines boursier et
financier.
Je préciserai seulement que le premier de ces amendements fait expressément
référence à l'information des assemblées parlementaires, ce qui peut se
concevoir dans la mesure où le Parlement est, d'une certaine manière,
dépositaire de la souveraineté populaire.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 444, 443 et 442 ?
M. Philippe Marini,
rapporteur.
S'agissant de l'amendement n° 444, il nous semble difficile
que l'obligation d'information s'applique à des offres visant, certes, une
entreprise d'assurance agréée en France mais déposées sur d'autres places que
celle de Paris. Notre avis est donc défavorable.
L'amendement n° 443 étant incompatible avec l'amendement n° 168 de la
commission, adopté tout à l'heure, nous y sommes défavorables par
coordination.
Nous sommes également défavorables à l'amendement n° 442, qui prévoit que les
commissions des finances du Sénat et de l'Assemblée nationale seraient
informées, comme le ministre, des projets d'offre publique visant une compagnie
d'assurance. Une telle disposition ferait en effet peser de graves risques sur
la nécessaire confidentialité qui doit entourer des opérations de ce type. Elle
placerait en tout cas un très grand nombre de personnes dans la situation
d'initiés à l'égard d'une opération boursière près de se réaliser.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur ces trois amendements ?
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
L'amendement n° 444 a pour objet d'étendre
l'obligation d'information à toutes les offres publiques visant une entreprise
d'assurance installée en France, quel que soit le marché sur lequel elle est
cotée. Cette disposition paraît très difficile à mettre en pratique. N'étant
pas, en cet instant, en mesure d'apporter une réponse totalement éclairée sur
les possibilités techniques d'application d'une telle dispostion, je m'en
remettrai, pour ce qui est de cet amendement, à la sagesse du Sénat.
En ce qui concerne l'amendement n° 442, il est certain que sa mise en oeuvre
placerait dans une situation extrêmement difficile tant ceux qui ont à diffuser
l'information que ceux qui la reçoivent. Dans ces conditions le Gouvernement
émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 444, repoussé par la commission et pour
lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 443, repoussé par la commission.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 442, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 11.
(L'article 11 est adopté.)
M. le président.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
11
DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l'approbation
du protocole relatif aux zones et à la vie sauvage spécialement protégées à la
convention pour la protection et la mise en valeur du milieu marin de la région
des Caraïbes (ensemble trois annexes).
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 19, distribué et renvoyé à la
commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous
réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les
conditions prévues par le règlement.
12
TRANSMISSION
D'UN PROJET DE LOI ORGANIQUE
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi organique, adopté par
l'Assemblée nationale, modifiant la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative
à l'élection du Président de la République au suffrage universel.
Le projet de loi organique sera imprimé sous le numéro 16, distribué et
renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de
la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions
prévues par le règlement.
13
RENVOI POUR AVIS
M. le président. J'informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, sur l'épargne salariale (n° 11, 2000-2001), dont la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des affaires sociales.
14
DÉPÔT D'UN RAPPORT
M. le président.
J'ai reçu de M. Louis Althapé un rapport, fait au nom de la commission des
affaires économiques et du Plan, sur le projet de loi, adopté avec
modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la
solidarité et au renouvellement urbains (n° 456, 1999-2000).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 17 et distribué.
15
DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION
M. le président.
J'ai reçu de MM. Pierre Hérisson et Louis Althapé un rapport d'information,
fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan par le groupe
de travail sur la modernisation du droit de l'urbanisme, sur la réforme du
droit de l'urbanisme à mi-parcours.
Le rapport d'information sera imprimé sous le numéro 18 et distribué.
16
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée à aujourd'hui, jeudi 12 octobre 2000, à neuf heures trente et à quinze
heures :
Suite de la discussion du projet de loi (n° 321, 1999-2000), adopté par
l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif aux nouvelles
régulations économiques.
Rapport (n° 5, 2000-2001) de M. Philippe Marini, fait au nom de la commission
des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la
nation.
Avis (n° 4, 2000-2001) de M. Pierre Hérisson, fait au nom de la commission des
affaires économiques et du Plan.
Avis (n° 10, 2000-2001) de M. Jean-Jacques Hyest, fait au nom de la commission
des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du
règlement et d'administration générale.
Avis (n° 343, 1999-2000) de M. Jean Chérioux, fait au nom de la commission des
affaires sociales.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Délais limites pour des inscriptions de parole
et pour le dépôt d'amendements
Projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle
lecture, relatif à la solidarité et au renouvellement urbains (n° 456,
1999-2000).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
lundi 16 octobre 2000, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 16 octobre 2000, à douze
heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 12 octobre 2000, à zéro heure quinze.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
NOMINATION
DES MEMBRES D'UNE COMMISSION
Dans sa séance du mercredi 11 octobre 2000, en exécution de l'article 103 du règlement, le Sénat a nommé membres de la commission spéciale chargée de vérifier et d'apurer les comptes : Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Georges Berchet, Michel Charasse, Luc Dejoie, Yves Fréville, Yann Gaillard, Rémi Herment, Marc Massion, Jacques Oudin, François Trucy.
NOMINATIONS DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
DE LA DÉFENSE ET DES FORCES ARMÉES
M. Serge Vinçon a été nommé rapporteur du projet de loi n° 484 (1999-2000) autorisant la ratification de l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et le Royaume hachémite de Jordanie, d'autre part (ensemble sept annexes, quatre protocoles, un acte final, douze déclarations communes et un échange de lettres).
COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
M. Lucien Neuwirth a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 12
(2000-2001), adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la contraception
d'urgence.
M. Jean Chérioux a été nommé rapporteur pour avis du projet de loi n° 11
(2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence,
relatif à l'épargne salariale.
COMMISSION DES FINANCES
M. Joseph Ostermann a été nommé rapporteur du projet de loi n° 11 (2000-2001),
adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, sur l'épargne
salariale.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Reconnaissance de la médecine anthroposophique
908.
- 11 octobre 2000. -
M. Hubert Haenel
demande à
Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés
de bien vouloir lui préciser quelles actions ont été prises par la France dans
l'esprit de la résolution du 27 mai 1997 du Parlement européen en vue de
s'engager dans un processus de reconnaissance de la médecine anthroposophique
tout en veillant à protéger les malades de toutes déviances. Quelles
conséquences le Gouvernement tire-t-il de la directive européenne 92/73 qui
réglemente expressément deux types de médicaments : homéopathiques et
anthroposophiques ? Si aux yeux du Gouvernement, comme il lui a été indiqué
dans la réponse à sa question écrite n° 22731 en date du 10 février 2000, la
médecine anthroposophique serait, non pas une médecine non conventionnelle mais
une simple application d'une idée mystique traditionnelle de l'Occident...
suspecte de sectarisme et de charlatanisme.
Maintien à domicile des personnes âgées
909.
- 11 octobre 2000. -
M. Georges Mouly
attire l'attention de
Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
sur la circulaire DAS-RVZ n° 2000/210 du 6 juin dernier, relative aux centres
locaux d'information et de coordination (CLIC), fixant les modalités
d'expérimentation du maintien à domicile des personnes âgées dans les vingt-six
sites choisis pour l'an 2000 ainsi que la programmation pluriannuelle
2001-2005. Il lui demande s'il peut être espéré que le calendrier prévisionnel
sera respecté comme suit : novembre 2000, bilan d'activité des sites pilotes et
validation du cahier des charges détaillé ainsi que de la procédure de
labellisation ; décembre 2000, publication du cahier des charges et appel à
projet pour la campagne 2001. Il lui demande en outre si les spécificités du
milieu rural pourront être prises en compte en terme de seuils de population
couverte et de territoire.
Financement des réseaux de distribution d'eau potable
910.
- 11 octobre 2000. -
M. Bernard Piras
attire l'attention de
M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement
sur la réglementation qui encadre le financement des réseaux de distribution
d'eau potable. Il apparaît que pour l'extension des réseaux publics nécessitée
par des projets de constructions nouvelles, le code de l'urbanisme organise
trois dispositifs permettant de financer tout ou partie des réseaux d'eau
potable rendus directement nécessaires par des projets de construction ou de
développement urbain. Il s'agit des articles L. 332-6-1-2°-d (coût des
travaux), L. 332-9 (PAE, plan d'aménagement d'ensemble) et L. 311-4-1 (ZAC,
zone d'aménagement concerté). Exceptées ces trois hypothèses, il semble que,
faute de base légale, les collectivités publiques, communes ou groupements de
communes, ne peuvent instituer de droits ou taxes de branchement. Depuis
toujours, le financement des collectivités publiques chargées de la
distribution d'eau potable est assuré par différentes recettes dont « les
droits de branchement ». Il s'interroge pour l'avenir. A cet égard, il est
clair que la disparition de ce revenu pour les collectivités, mais surtout pour
les syndicats intercommunaux, risque de créer des difficultés financières
importantes, susceptibles de compromettre leur équilibre budgétaire et
d'alourdir fortement le prix de l'eau. Il lui demande si une réforme est
envisagée pour lever toute ambiguïté sur ces droits de branchement.
Fiscalité applicable aux retraites mutualistes
des anciens combattants
911.
- 11 octobre 2000. -
M. Philippe de Gaulle
interroge
M. le secrétaire d'Etat à la défense, chargé des anciens combattants,
sur la modification par certains centres des impôts de la fiscalité applicable
à la retraite mutualiste des anciens combattants. En effet, les versements
supplémentaires qu'effectuent chaque année les anciens combattants pour suivre
l'évolution du plafond majorable leur ouvrent droit à un nouveau montant de
rente qui excède, pour beaucoup d'entre eux, le plafond défiscalisé. En
conséquence, la fraction de rente excédentaire est alors soumise à la fiscalité
des rentes viagères à titre onéreux, ce que personne ne conteste, en tenant
compte de la date d'entrée en jouissance de chaque nouveau titre de retraite
correspondant au dernier versement. Or, cette année, pour la première fois des
adhérents se voient attribuer des redressements fiscaux basés sur une date
d'entrée en jouissance à la date initiale de la première retraite à capital
définitif, soit généralement lorsqu'ils ont atteint un âge entre cinquante et
cinquante-neuf ans, et non pas d'après l'année de l'investissement concerné.
Cette nouvelle position de certains centres d'impôts est sans fondement. Il lui
demande d'examiner ce problème de manière à ce que la question soit réglée
avant le 31 décembre prochain, date limite des recours fiscaux des intéressés
et l'établissement de leur déclaration d'impôt de l'année.
Conséquences de l'épidémie de « vache folle »
pour les petits éleveurs
912.
- 11 octobre 2000. -
M. Jean-Pierre Demerliat
interroge
M. le ministre de l'agriculture et de la pêche
sur les conséquences de la maladie de la vache folle pour les petits éleveurs.
Il est tout à fait indispensable que les préoccupations de sécurité sanitaire
pour les consommateurs priment sur toute autre considération et nécessitent
sans doute que tout le troupeau soit abattu quand un cas de la maladie de
Creutzfeld-Jacob est décelé. Néanmoins, les autorités ne doivent pas ignorer le
traumatisme psychologique et la catastrophe économique que représente
l'abattage complet d'un troupeau pour un petit éleveur. Il s'interroge donc sur
les limites d'une telle politique et se demande notamment si, avec les nouveaux
procédés pour déceler la maladie, un traitement aussi radical ne peut être
évité afin d'assurer la survie économique de ces agriculteurs. Il souhaiterait
que le débat soit engagé sur les véritables causes de cette maladie et que les
véritables responsables soient clairement identifiés afin d'atténuer la
suspicion qui pèse aujourd'hui presque entièrement sur les agriculteurs.
Financement des services d'incendie et de secours
913.
- 11 octobre 2000. -
M. Joseph Ostermann
attire l'attention de
M. le ministre de l'intérieur
sur le financement des services d'incendie et de secours (SDIS). La réforme
portant départementalisation des SDIS instituée en 1996 a prévu un large
financement par les collectivités locales, l'Etat, quant à lui, réservant une
part de la dotation globale d'équipement (DGE) (350 MF sur trois ans) à l'aide
à l'équipement des SDIS. Or, depuis 1996, on assiste à l'explosion des budgets
des SDIS . Ainsi, dans le département du Bas-Rhin, ce dernier a augmenté de 10
% par an depuis 1996. Pour 2001, une augmentation de plus de 20 % est prévue.
Cette forte croissance est due non seulement à une remise à niveau en matière
de matériels, de structures et d'équipements mais aussi et surtout à la
multiplication de mesures nouvelles en matière de régime de service, de régimes
indemnitaires ainsi qu'au renforcement des services de santé. Les collectivités
locales sont par conséquent contraintes de financer des dépenses
supplémentaires que leur impose l'Etat sans contrepartie. Or, celles-ci
n'étaient pas préparées à faire face à ces dépenses nouvelles et ne peuvent,
par conséquent, pas les assumer. Dans le rapport qu'il vient de remettre au
Gouvernement, le député de la Somme Jacques FLEURY conclut lui-même que pour de
nombreux élus l'incidence du coût des SDIS devient insupportable dans la
fiscalité locale. Les 350 MF de DGE attribués par l'Etat ne peuvent suffire, et
ce d'autant plus que la suppression de la vignette automobile prive les
départements de 12 MF de recettes fiscales. Il lui demande par conséquent s'il
ne conviendrait pas, avant de présenter tout nouveau projet de loi sur la
sécurité civile qui impliquerait encore de nouvelles dépenses, de prévoir une
contribution supplémentaire de la part de l'Etat. Il rappelle que la sécurité
demeure une des missions régaliennes de l'Etat.
Ventes de terrains par l'Assistance publique de Paris
914.
- 11 octobre 2000. -
Mme Nicole Borvo
attire l'attention de
Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
sur le devenir des terrains libérés par les hôpitaux Laënnec, Boucicaut et une
partie de Broussais après la création de l'hôpital européen Georges-Pompidou.
Ces terrains appartiennent à l'Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP).
Leurs emprises est d'environ 110 000 m². Ils sont situés au coeur de Paris,
respectivement dans les 7e, 15e et 14e arrondissements. Les instructions des
autorités de tutelle de l'AP-HP conduisent celle-ci à céder ces terrains afin
d'autofinancer le nouvel hôpital Georges-Pompidou. En ce qui concerne l'hôpital
Laënnec, la Cogedim pourrait acheter l'ensemble du site de Laënnec y compris la
partie historique sans condition suspensive pour un montant de 500 millions de
francs. Ce promoteur y prévoirait la création, d'un hôtel quatre étoiles dans
une partie des bâtiments classés monuments historiques, la réalisation d'une
maison de retraite privée de luxe, la construction de 170 logements
ultrarésidentiels, vendables entre 50 000 et 60 000 francs le mètre carré. Il y
aurait seulement 50 logements prêt locatif intermédiaire (PLI) et 10 logements
prêt locatif aidé (PLA) alors que le 7e arrondissement est parmi les
arrondissements où le logement social est quasi absent. Tous ces projets
interviennent alors qu'il est important de préserver le domaine public et de
contenir la spéculation immobilière. Il y a, à Paris, de très importants
besoins collectifs, de mixité sociale et d'équipements. C'est particulièrement
vrai dans les 7e, 15e et 14e arrondissements où ces terrains se trouvent.
Faut-il rappeler que la récente convention Etat-ville de Paris sur le logement
signée en mars 1999 par M. le secrétaire d'Etat au logement stipule que : «
lorsque les terrains appartiennent à des établissements publics, des protocoles
tripartites seront recherchés afin de définir les objectifs de production de
logements sociaux. » C'est pourquoi elle lui demande de contribuer à l'arrêt
des procédures en cours et d'organiser une consultation entre l'Etat, la
région, la ville de Paris et l'AP-HP en vue de se saisir d'une occasion pour
satisfaire les besoins collectifs, de mixité sociale et d'équipements de la
capitale.