SEANCE DU 10 OCTOBRE 2000


SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Modification de l'ordre du jour (p. 1 ).

3. Démission de membres de commissions et candidatures (p. 2 ).

4. Questions orales (p. 3 ).

AMÉNAGEMENT DES ROUTES NATIONALES 43 ET 52 (p. 4 )

Question de M. Philippe Nachbar. - Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme ; M. Philippe Nachbar.

CONDITIONS DE CIRCULATION SUR LA RN 415 (p. 5 )

Question de M. Hubert Haenel. - Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme ; M. Hubert Haenel.

MESURES EN FAVEUR DES EMPLOYÉS SAISONNIERS
DANS L'INDUSTRIE TOURISTIQUE (p. 6 )

Question de Mme Marie-Claude Beaudeau. - Mmes Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme ; Marie-Claude Beaudeau.

TAUX RÉDUIT DE TVA
APPLIQUÉ AUX PRESTATIONS D'ASSAINISSEMENT (p. 7 )

Question de M. Pierre Hérisson. - MM. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur ; Pierre Hérisson.

GUICHET UNIQUE POUR LE RECOUVREMENT
DES COTISATIONS SOCIALES
DES ARTISANS ET COMMERÇANTS (p. 8 )

Question de M. Dominique Braye. - MM. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur ; Dominique Braye.

AVENIR DES LIBRAIRIES (p. 9 )

Question de M. Gérard Delfau. - Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication ; M. Gérard Delfau.

DROIT DE PRÊT EN BIBLIOTHÈQUES (p. 10 )

Question de M. Yann Gaillard. - Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication ; M. Yann Gaillard.

RATIFICATION PAR LA FRANCE
DE LA CONVENTION D'UNIDROIT (p. 11 )

Question de M. Daniel Hoeffel. - Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication ; M. Daniel Hoeffel.

MINES ANTIPERSONNEL ET OPÉRATIONS DE DÉMINAGE (p. 12 )

Question de M. Michel Pelchat. - MM. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants ; Michel Pelchat.

RECONNAISSANCE ET TRAITEMENT
DES MALADIES PROFESSIONNELLES (p. 13 )

Question de M. Pierre Lefebvre. - Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés ; M. Pierre Lefebvre.

COTISATIONS SOCIALES DES PLURIACTIFS (p. 14 )

Question de M. Georges Mouly. - Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés ; M. Georges Mouly.

5. Souhaits de bienvenue à une délégation du Sénat coutumier de Nouvelle-Calédonie (p. 15 ).

6. Questions orales (suite) (p. 16 )

AVENIR DES PERSONNELS DE LA CIRCULATION
AÉRIENNE D'ESSAIS ET RÉCEPTIONS (p. 17 )

Question de M. Gérard Roujas. - MM. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants ; Gérard Roujas.

SÉCURISATION OU INTERDICTION DES JEUX TAURINS (p. 18 )

Question de M. André Vallet. - MM. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer ; André Vallet.

MAÎTRISE DES ANIMAUX DANGEREUX (p. 19 )

Question de M. René-Pierre Signé. - MM. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer ; René-Pierre Signé.

RENFORCEMENT DU CONTRÔLE DE LÉGALITÉ (p. 20 )

Question de M. Christian Demuynck. - MM. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer ; Christian Demuynck.

FINANCEMENT DE LA POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE (p. 21 )

Question de M. Jean Bizet. - MM. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer ; Jean Bizet.

7. Nomination de membres de commissions (p. 22 ).

Suspension et reprise de la séance (p. 23 )

PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE

8. Conférence des présidents (p. 24 ).

9. Nouvelles régulations économiques. - Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p. 25 ).
Discussion générale : MM. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; Philippe Marini, rapporteur de la commission des finances ; Pierre Hérisson, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis de la commission des lois ; Jean Chérioux, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales ; Marc Massion, Jean Huchon, Joël Bourdin, Jean-Patrick Courtois, Mme Odette Terrade, MM. Gérard Delfau, Bernard Dussaut, Serge Franchis, Bernard Plasait, Gérard Larcher.
Clôture de la discussion générale.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation ; M. le président.

Question préalable (p. 26 )

Motion n° 606 de M. Paul Loridant. - MM. Paul Loridant, le rapporteur, Alain Lambert, président de la commission des finances ; Mme le secrétaire d'Etat, MM. Marc Massion, Joël Bourdin, Gérard Larcher. - Rejet.
Renvoi de la suite de la discussion.

10. Communication relative à une commission mixte paritaire (p. 27 ).

11. Dépôt d'une proposition de loi organique (p. 28 ).

12. Dépôt d'une proposition de loi (p. 29 ).

13. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 30 ).

14. Renvoi pour avis (p. 31 ).

15. Dépôt d'un rapport (p. 32 ).

16. Ordre du jour (p. 33 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR

M. le président. J'informe le Sénat que les questions orales n° 847 de M. Robert Laufoaulu et n° 863 de M. André Rouvière sont retirées, à la demande de leur auteur, de l'ordre du jour de la séance d'aujourd'hui.

3

DÉMISSION DE MEMBRES DE COMMISSIONS
ET CANDIDATURES

M. le président. J'ai reçu avis de la démission de M. Marcel Charmant, comme membre de la commission des finances, et de celle de M. Claude Lise, comme membre de la commission des lois.
Le groupe intéressé a fait connaître à la présidence le nom des candidats proposés en remplacement.
Ces candidatures vont être affichées et la nomination aura lieu conformément à l'article 8 du règlement.

4

QUESTIONS ORALES

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

AMÉNAGEMENT DES ROUTES NATIONALES 43 ET 52

M. le président. La parole est à M. Nachbar, auteur de la question n° 854, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Philippe Nachbar. Ma question porte sur le retard pris par l'aménagement de deux routes nationales, la RN 43 et la RN 52, qui traversent le nord de mon département, la Meurthe-et-Moselle, et qui sont essentielles tant sur le plan économique que pour renforcer la sécurité des usagers.
En ce qui concerne la RN 52, qui traverse le bassin de Longwy jusqu'à la frontière belge, la mise à deux fois deux voies s'accompagnant de dispositifs assurant la protection des riverains est une nécessité dont l'Etat n'a pas, à ce jour, prévu le financement dans des conditions acceptables, notamment pour les collectivités locales, non seulement en raison des contraintes budgétaires dans un arrondissement durement touché sur le plan économique - et ce n'est pas vous, madame la secrétaire d'Etat, élue du Nord, proche, à beaucoup d'égards, de mon département sur le plan de la mono-industrie, qui serez indifférente à une telle situation - mais aussi et surtout parce que, s'agissant d'une liaison internationale, il est de la responsabilité de l'Etat d'assurer la majeure partie du financement.
Un des ouvrages les plus importants, le viaduc de la Chiers, qui domine la ville de Longwy, est particulièrement dangereux : on a dénombré dix-huit morts depuis sa mise en service voilà une vingtaine d'années. Le doublement de ce viaduc et l'aménagement de ses abords constituent une priorité dont l'urgence est indiscutable. Or l'Etat n'a prévu la réalisation de ces travaux que pour 2010, ce qui est évidemment inacceptable.
S'agissant de la RN 43, qui va de Briey, chef-lieu d'arrondissement, à la frontière belge, qui est, elle aussi, un axe structurant vital pour le bassin ferrifère en pleine reconversion, seule une réhabilitation partielle a été réalisée en s'étalant sur une longue période, et de nombreux travaux sont encore nécessaires pour que cette route, nationale elle aussi, je le précise de nouveau, soit praticable en toute sécurité.
Or ces aménagements ne sont pas actuellement programmés par l'Etat, alors qu'il s'agit de l'axe qui relie le bassin de Briey au nord de la France, au Luxembourg et à la Belgique.
Je vous demande donc, madame la secrétaire d'Etat, ce que l'Etat entend faire pour assurer pleinement le financement des travaux nécessaires sur ces deux voies nationales.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme. Monsieur le sénateur, M. Jean-Claude Gayssot, qui est actuellement en voyage officiel aux Etats-Unis, m'a demandé de vous communiquer la réponse qu'il a préparée à votre intention.
Le financement des aménagements importants de routes nationales relève, comme vous le savez, des contrats de plan Etat-région, qui viennent d'être signés.
Preuve de l'importance que l'Etat accorde à la RN 52, la mise à deux fois deux voies d'une partie du contournement de Longwy, la section Mexy-Pulventeux, a été inscrite au contrat de plan entre l'Etat et la région Lorraine pour un montant de 180 millions de francs.
La répartition des financements est la suivante : 27,5 % pour l'Etat, 27,5 % pour la région et 45 % pour les autres collectivités.
Cette section, qui inclut le doublement du viaduc de la Chiers, permettra d'obtenir un itinéraire à deux fois deux voies continu dans les secteurs sud et ouest de l'agglomération. Toutefois, la durée des études de cet ouvrage exceptionnel de plus de six cents mètres de longueur et d'environ cinquante mètres de hauteur au point le plus élevé ne permettra d'en engager la réalisation qu'au cours de la deuxième partie du Plan.
La mise à deux fois deux voies de la partie nord de la déviation de Longwy devra être réalisée en continuité, au début du XIIIe Plan.
Pour ce qui concerne la RN 43 entre Briey et Longuyon, qui assure principalement une fonction de desserte des huit agglomérations situées sur son parcours, le trafic modéré et essentiellement local qu'elle supporte justifie non pas un investissement de capacité mais des aménagements visant à améliorer la sécurité des usagers, qui est une priorité pour le Gouvernement.
Un programme pluriannuel de réhabilitation de chaussées de 27 millions de francs, financé à 100 % par l'Etat s'achèvera à la fin de cette année. Outre une mise hors gel, il consistait en un recalibrage de la chaussée à 6,5 mètres.
Par ailleurs, des aménagements de traversées d'agglomération ont été engagés, avec un financement de l'Etat s'élevant globalement à 23 millions de francs. Ainsi, la traversée de la Malmaison a été réalisée, celle de Xivry-Circourt sera engagée cette année. Les traversées de Mainville, Landres et Mercy-le-Bas, actuellement à l'étude, seront réalisées entre 2001 et 2003.
Ce programme vient s'ajouter aux 10 millions de francs engagés dans le cadre du XIe Plan pour l'aménagement du carrefour avec la route départementale 156 à Landres, la rectification des virages d'Anoux et la première tranche de la rectification des virages de Beuveille.
Telle est la réponse que M. Gayssot m'a chargée de vous communiquer, monsieur le sénateur, en espérant qu'elle répondrait à vos attentes.
M. Philippe Nachbar. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Nachbar.
M. Philippe Nachbar. Madame la secrétaire d'Etat, je vous remercie de cette réponse. Elle ne correspond que partiellement à mes attentes.
Vous comprendrez aisément que, s'agissant de routes nationales, les élus comme la population des communes riveraines aient un peu de mal à admettre - et c'est une litote - que l'Etat puisse se désengager en faisant supporter aux collectivités locales 45 %, comme c'est le cas pour la RN 52, du coût d'opérations aussi lourdes que celles que vous venez d'évoquer. En effet, les collectivités locales sont, comme je l'ai dit voilà quelques instants, dans une situation de détresse financière totale puisque nous sommes en zone de mono-industrie qui a quasiment disparue.
Par conséquent, je renouvellerai au Gouvernement la question sous des formes diverses et je lui rappellerai l'attente et la vigilance des élus et de la population des communes concernées, car ils considèrent que, s'agissant de la RN 43 et de la RN 52, il appartient à l'Etat - cela fait partie de ses prérogatives traditionnelles - d'assurer et leur sécurité et la desserte économique du pays haut.

CONDITIONS DE CIRCULATION SUR LA RN 415

M. le président. La parole est à M. Haenel, auteur de la question n° 864, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Hubert Haenel. Madame la secrétaire d'Etat, je reviens, une fois encore, sur les conséquences de la fermeture à la circulation des poids lourds du tunnel de Sainte-Marie-aux-Mines et des implications de cette décision, que je ne remets pas en question, sur l'économie de la vallée de Sainte-Marie-aux-Mines et tout spécialement sur l'accroissement, à certains égards insoutenables et intolérable, du trafic des camions dans les cols vosgiens, notamment sur la route nationale 415 - col du Bonhomme - en particulier dans la vallée de la Weiss, dans les traversées très dangereuses, pour l'ensemble des usagers de cette route et, bien entendu, pour les riverains de cet axe routier, des villages de Lapoutroie-Hachimette et du Bonhomme.
Certes, les services de l'Etat ne sont pas inertes à l'échelon tant national, régional que départemental, mais ils sont trop souvent illisibles et inefficaces. Les réunions se multiplient mais la communication à l'égard des habitants et des élus est pour le moins brouillonne.
Madame la secrétaire d'Etat, nous voulons, tout d'abord, une information complète et sincère, que l'on nous dise que le tunnel sera fermé jusqu'à telle date. Aujourd'hui, les gens ont l'impression qu'on leur ment. Pour rassurer, des dates de réouverture, fantaisistes le plus souvent, sont avancées, tantôt par les uns, tantôt par les autres. L'information se fait dans tous les sens et en dépit du bon sens ; elle trouble les usagers et les élus. Qui croire ? Ne nous mène-t-on pas en bateau ? Ne traite-t-on pas ce dossier de mensonge en mensonge, ou en tout cas à la légère ?
Nous voulons, ensuite, des mesures concrètes immédiates, une réglementation stricte et appliquée, l'interdiction totale du trafic de nuit dans les cols. Cela veut dire un renforcement permanent et important des moyens de la gendarmerie nationale.
Un exemple : on nous a promis l'installation en amont de l'agglomération de Lapoutroie-Hachimette d'un lit d'arrêt d'urgence. Mais on nous dit qu'il faut attendre, qu'il faut faire les études, etc. Donc, on ne verra ce lit d'arrêt d'urgence que dans le courant de l'année prochaine, et encore si tout va bien.
Nous ne pouvons plus attendre. La population ne comprend pas, s'indigne et s'est déjà révoltée. Le sentiment ambiant est que le conflit d'intérêts entre les poids lourds et la population riveraine se règle en fonction de la crainte, pour les décideurs publics, des actions que pourraient mener les plus forts : le pot de terre contre le pot de fer.
Madame la secrétaire d'Etat, nous voulons donc des décisions claires, des décisions réalistes, des décisions appliquées ; nous ne voulons plus de volte-face ; nous voulons que les décisions du ministre de l'équipement, des transports et du logement soient répercutées sur les services départementaux et régionaux de l'Etat, notamment les services de l'équipement, et appliquées fidèlement, voire avec zèle, par ces derniers. Nous voulons qu'en cas de situation exceptionnelle le traitement ne soit pas technocratique, en déphasage total avec ce que vivent les gens.
Si, par malheur, madame la secrétaire d'Etat, une catastrophe se produisait au niveau de ce col, dans la traversée du Bonhomme ou de Hachimette - nous la risquons tous les jours, notamment à la sortie et à l'entrée des écoles - la responsabilité morale des uns et des autres, notamment des décideurs de l'Etat, ainsi que la responsabilité civile, administrative, voire pénale, serait particulièrement lourde.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme. Monsieur le sénateur, comme pour votre collègue M. Nachbar, M. Gayssot, en voyage à l'étranger, m'a demandé de vous communiquer la réponse à votre question.
Les problèmes liés au développement du trafic des camions dans les cols vosgiens, notamment sur la route nationale 415, col du Bonhomme, ont fait l'objet de plusieurs mesures.
Comme vous le savez, M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement a fait déléguer, à titre tout à fait exceptionnel et à votre demande, aux préfets du Haut-Rhin et des Vosges 200 000 francs au titre des actions locales de sécurité routière. Il s'agit, avec cette somme, de procéder à l'acquisition de radars pour les forces de l'ordre, ce qui permettra de renforcer les contrôles sur les principaux axes de déviation du trafic des poids lourds qui empruntaient auparavant le tunnel Maurice Lemaire.
Parallèlement, des crédits d'un montant total de 1,6 million de francs ont été attribués aux directions départementales de l'équipement de Meurthe-et-Moselle, de Moselle, du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et des Vosges pour compléter la signalisation des itinéraires de déviation.
D'autres crédits ont été mis en place dans les départements du Haut-Rhin et des Vosges pour des opérations spécifiques sur les routes nationales 59, 415 et 420, utilisées comme itinéraires de déviation. Cela permettra de renforcer les dispositifs de comptage, de réaliser des aménagements de sécurité en rase campagne et en traversée d'agglomération, ainsi que des travaux d'entretien préventif et de réhabilitation de la chaussée de la route nationale 415.
Au total, 6,7 millions de francs ont déjà été affectés cette année. D'autres aménagements de sécurité sur la route nationale 415, pour des carrefours et des traversées d'agglomération, sont en cours d'étude et pourront être financés dès 2001.
Par ailleurs, un dispositif exceptionnel sera mis en place pendant l'hiver. J'ai chargé les préfets des Vosges et du Haut-Rhin d'organiser, en cas de fermeture du col de Sainte-Marie-aux-Mines, des convois sécurisés des poids lourds locaux, dans le tunnel de Sainte-Marie-aux-Mines, fermé à la circulation, avec une escorte de pompiers et de forces de l'ordre.
Enfin, conformément aux engagements du Gouvernement et pour répondre à vos fortes inquiétudes, je serai en mesure de préciser avant la fin de l'année la solution précise retenue pour la mise en sécurité du tunnel, qui comprendra un cheminement latéral de sécurité, comme le prévoit l'instruction technique diffusée par la circulaire du 25 août dernier, laquelle ne s'imposait pourtant qu'aux seuls tunnels neufs.
Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments de réponse que tenait à vous apporter mon collègue M. Jean-Claude Gayssot.
M. Hubert Haenel. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Haenel.
M. Hubert Haenel. Je vous remercie, madame la secrétaire d'Etat, du début de réponse que vous venez de nous apporter.
Dans cette affaire, les populations et les élus veulent être pris en considération et au sérieux. Cette descente très rapide qui conduit du col du Bonhomme, à environ 980 mètres d'altitude, à la commune de Hachimette, siuée, seulement à quelques dizaines de kilomètres plus loin, à 400 mètres d'altitude, présente un danger réel.
Nous demandons à l'Etat de décider, de veiller, de surveiller, de diriger et de commander. Or, nous avons parfois le sentiment que les technocrates biaisent un peu et n'appliquent pas nécessairement les décisions prises par les politiques.
Les technocrates sont des fonctionnaires qui ne sont pas commandés. Au lieu de nous en prendre toujours à eux, mieux vaudrait nous en prendre à ceux qui sont chargés de les diriger !

MESURES EN FAVEUR DES EMPLOYÉS SAISONNIERS
DANS L'INDUSTRIE TOURISTIQUE

M. le président. La parole est à Mme Beaudeau, auteur de la question n° 862, adressée à Mme le secrétaire d'Etat au tourisme.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Madame la secrétaire d'Etat, cette année, 73 millions de touristes ont visité notre pays. L'an prochain, ils seront 75 millions, voire davantage. La France est bien devenue la première destination touristique au monde. Il s'agit d'un secteur porteur pour notre économie. Le chiffre d'affaires dépasse les 700 milliards de francs. L'excédent de la balance des paiements s'est accru, l'an dernier, de 19 milliards de francs, pour avoisiner les 100 milliards de francs.
Ces chiffres sont ceux que vous avez publiés, madame la secrétaire d'Etat, et tel n'est pas l'objet de mon propos.
Aujourd'hui, je voudrais attirer votre attention sur les créations d'emplois induites par ces évolutions ; 35 000 emplois supplémentaires déclarés ont été créés ces dernières années.
Parmi les deux millions d'emplois connus et reconnus, beaucoup sont de caractère saisonnier - au moins 25 % - et l'on note une tendance à l'accroissement.
Or, madame la secrétaire d'Etat, on estime à plusieurs dizaines de milliers la pénurie de main-d'oeuvre, s'agissant notamment des saisonniers dans le secteur de l'hôtellerie et de la restauration.
Des mesures nouvelles doivent donc être prises. En deux mois et demi, des employeurs veulent réaliser un chiffre d'affaires et des bénéfices commerciaux d'une année ou presque. Des organisations syndicales ont pu dénoncer, chiffres à l'appui, que des établissements de « front de mer » emploient des jeunes mal payés accomplissant plus de cent heures de travail par semaine.
Cette anarchie doit être corrigée. N'oublions pas que, dans certaines régions à forte concentration touristique, 40 % de jeunes travaillent sans être déclarés, sans parler des « extras » devenant permanents et non déclarés. La plupart du temps, les heures supplémentaires ne sont ni reconnues ni payées.
Sur le plan social, cette situation est grave et non fatale. Il n'est qu'à voir la situation des garçons de café et l'acquis des luttes qui, avec la loi Godard de 1934, a stabilisé une profession et garanti les qualités d'un service reconnu comme étant le meilleur du monde.
Il est également de l'intérêt du tourisme français d'avoir des personnels mieux payés, qualifiés, disponibles car disposant de garanties de salaires, et ayant la volonté de réussir dans leur travail.
La France s'honore qu'un Français ait été déclaré meilleur sommelier du monde, voilà quelques jours.
Il est aussi important d'avoir des saisonniers disponibles et qualifiés.
Le problème d'un statut est posé.
Un statut signifie des réponses s'agissant du logement, du respect du droit au travail, de l'ouverture des droits à la formation, de la protection sociale, d'autant plus que beaucoup de saisonniers ont une activité temporaire de travail substitutive à leurs vacances.
Ces problèmes - je le sais, madame la secrétaire d'Etat - ne vous ont pas échappé. Vous avez demandé à Anicet Le Pors, ancien ministre, conseiller d'Etat, d'établir un rapport et des propositions tendant à l'amélioration de la situation sociale et professionnelle des salariés du tourisme. Les propositions, articulées autour des grands thèmes de vie des salariés du tourisme, répondent à l'idée majeure selon laquelle le progrès social doit accompagner le développement du secteur touristique.
Trente et une propositions ont été dégagées. Je sais également que, le 9 février dernier, vous avez fait adopter en conseil des ministres deux séries de propositions concernant le logement et les droits sociaux de cette profession.
Aujourd'hui, nous pouvons faire le point. Peu de progrès ont été réalisés, madame la secrétaire d'Etat, et ce non parce que vos propositions étaient mauvaises, mais tout simplement parce qu'elles sont restées volontairement ignorées des employeurs et de l'inspection du travail isolée, dotée de peu d'effectifs et sans moyens réels.
A l'issue de cette année où la pénurie des saisonniers s'est amplifiée, il faut être réaliste : il convient de définir non pas seulement des objectifs multiples et généreux, mais bien plus des règles contraignantes à faire appliquer par les employeurs.
Imaginez un saisonnier quittant sa banlieue de Paris, de Lyon ou de Lille pour aller travailler trois mois à Nice, l'été, et trois mois à Courchevel, l'hiver. Il devrait pouvoir partir avec un contrat en poche, au lieu de simples promesses paternalistes, démenties le plus souvent par les faits, et avec ses frais de transport payés. Ce contrat doit définir des conditions de logement, de rémunération, et celles dans lesquelles se déroulera, par exemple, la visite médicale du travail. Il doit être exprimé sous forme de contraintes fortes pour les employeurs et constituer un engagement réciproque avec signature des deux parties.
Ce contrat doit définir clairement la saisonnalité en termes de durée minimale et maximale. Il doit inclure la garantie d'ouverture du droit au chômage, une clause automatique de reconduction pour les saisons suivantes.
Le contrat doit reconnaître, bien entendu, le paiement obligatoire des heures supplémentaires.
La médecine du travail doit s'exercer par site. Les conditions de logement doivent être définies à la signature du contrat et elles ne doivent pas prendre la forme d'un hébergement précaire.
Je n'oublie pas, madame la secrétaire d'Etat, que le code du travail, dans son article L. 122-1-1 3°, précise que « le caractère saisonnier d'un emploi concerne des tâches normalement appelées à se répéter chaque année à des dates à peu près fixes, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs » et « que de l'ensemble des contrats de travail qui se sont succédé pendant plus de quatre ans sans autre interruption que la période des congés scolaires résulte une relation de travail d'une durée globale indéterminée ».
Compte tenu du développement du tourisme en France, cette relation de travail ne mérite-t-elle pas d'être mieux définie et de permettre l'octroi de garanties valables et de qualité nouvelle pour le saisonnier et l'employeur ?
La saison d'hiver approche, madame la sécrétaire d'Etat. Ne pourriez-vous pas, avant l'ouverture de la saison d'hiver, rappeler avec fermeté les employeurs à leurs obligations et à leurs devoirs ?
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme. Comme vous venez de le rappeler, madame la sénatrice, l'industrie touristique, notamment le secteur des hôtels, cafés et restaurants, est confrontée à un déficit de main-d'oeuvre que l'on peut estimer à près de 60 000 emplois.
Parmi les raisons de ces difficultés de recrutement, deux raisons m'apparaissent essentielles : d'une part, les niveaux de rémunération insuffisants ; d'autre part, les contraintes liées au temps et aux conditions de travail.
En ce qui concerne les saisonniers, il faut ajouter à ces deux raisons la précarité de l'emploi. Aujourd'hui les jeunes, qui forment l'essentiel de la population des saisonniers, peuvent, du fait de la baisse du chômage, accéder à d'autres types d'emploi.
Pour développer la qualité de l'industrie touristique et assurer son développement, j'ai fait de l'amélioration des conditions de vie et de travail des saisonniers un axe essentiel de ma politique. Comme vous le soulignez, j'ai, à la suite du rapport de M. Le Pors, présenté quinze mesures en conseil des ministres, le 9 février 2000.
Outre son caractère concret, cette démarche nouvelle a aussi une valeur pédagogique. Il est en effet important de démontrer que la précarité des emplois touristiques n'est pas une fatalité.
Ces mesures sont axées autour de l'amélioration des conditions de logement et des droits sociaux des salariés. Certaines d'entre elles ont déjà reçu un début de mise en oeuvre et de prise en compte.
Ainsi, s'agissant des logements saisonniers, l'importante proposition faite par mon collègue Louis Besson de lancer un programme de 6 000 logements, avec une aide financière à l'appui, a abouti à la préparation de projets à Villard-de-Lans, à Belle-Ile-en-Mer, à Ouessant et à Nice, ou dans les départements des Pyrénées-Orientales ou de la Savoie.
Pour ce qui concerne la médecine du travail, il est à noter que ma collègue Martine Aubry a demandé aux services médicaux du travail de mieux prendre en compte les saisonniers, en leur faisant passer la visite médicale avant la saison.
Les contrôles de l'inspection du travail ont été renforcés sur le littoral et en montagne.
Un accord a été conclu dans le secteur des remontées mécaniques en vue de sécuriser les saisonniers et de les indemniser en cas d'aléa climatique, notamment d'absence de neige.
Des réponses locales telles que les groupements d'employeurs, l'échange entre sites de salariés saisonniers ont été mises en oeuvre, notamment dans le Morbihan et la Savoie.
A ce jour, des initiatives sont prises dans vingt-cinq départements. J'ai par ailleurs demandé aux préfets, dès le mois de juin, de réunir l'ensemble des partenaires sociaux. Un certain nombre d'entre eux se sont déjà engagés, ce qui se traduit par la mise en oeuvre de programmes locaux, sur le logement, la formation et l'information des salariés, notamment dans les Hautes-Alpes, à Villard-de-Lans, etc.
J'entends aussi développer la formation et la qualification des saisonniers afin de leur permettre d'accéder de façon pérenne à un emploi dans le secteur touristique. C'est le sens de la convention que je signerai prochainement avec ma collègue Nicole Péry et le conseil régional de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.
La validation des acquis professionnels, élément extrêmement important de reconnaissance des qualifications, sera examinée au Parlement au début du mois de janvier 2001.
Dans le cadre de la loi portant réduction du temps de travail de janvier 2000, le contrat de travail intermittent a été créé afin de permettre la fédéralisation des contrats des salariés saisonniers.
Des maisons de saisonniers seront prochainement mises en place, les deux premières dans les gorges de l'Ardèche et à Serre-Chevalier.
Pour accélérer et pérenniser davantage la mise en oeuvre de ces mesures et de dispositions particulières selon les bassins d'emplois - la réalité n'est pas la même en montagne et sur le littoral -, je souhaite la mise en place de commissions départementales de l'emploi touristique chargées d'aider à leur application. Ces commissions seront composées des principaux acteurs de l'industrie touristique, qu'ils soient employeurs ou salariés.
Enfin, je confierai dans les prochains jours à l'inspection générale du tourisme une mission visant à évaluer la mise en oeuvre concrète des mesures annoncées le 9 février 2000.
Si ce plan d'action est mis en place trop lentement, selon vous, je rappelle que, dans le passé, aucune mesure n'a jamais été mise en place en faveur des saisonniers du tourisme. Il y a donc, madame la sénatrice, une dynamique nouvelle sur le terrain.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Madame la secrétaire d'Etat, je connais votre attachement à la défense du monde du travail en général et des salariés permanents ou saisonniers du tourisme en particulier. Ce matin, vous l'avez exprimé une fois de plus devant le Sénat.
Toutefois, aujourd'hui, des besoins nouveaux en matière de main-d'oeuvre s'expriment : vous reconnaissez vous-même que 60 000 emplois auraient pu être créés dans le domaine du tourisme.
Je suis persuadée que les employeurs, c'est-à-dire les hôteliers et les restaurateurs, mais aussi les entreprises du bâtiment, se rendent compte que, s'ils veulent trouver de la main-d'oeuvre, il leur faudra revoir les conditions de travail et de rémunération qui sont pratiquées actuellement. Des dispositions nouvelles doivent être définies et, surtout, vous le savez bien, appliquées.
Mon intervention ne visait pas ce matin à contester votre action, madame la secrétaire d'Etat, même s'il faut reconnaître que des insuffisances subsistent encore en matière de réglementation du travail des saisonniers.
Ce matin, la presse faisait encore état d'une reprise du chômage durant l'été et de l'aggravation de la situation du travail des jeunes, avec des inégalités dénoncées et reconnues. Mais les mesures à prendre ne relèvent pas, je le sais, de votre seule responsabilité, elles concernent l'ensemble des ministères.
En tout cas, je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d'Etat.

TAUX RÉDUIT DE TVA
APPLIQUÉ AUX PRESTATIONS D'ASSAINISSEMENT

M. le président. La parole est à M. Hérisson, auteur de la question n° 869, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Pierre Hérisson. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le syndicat intercommunal du lac d'Annecy, qui a compétence pour le service public de l'assainissement des eaux usées, réalise pour le compte des habitants des communes adhérentes un certain nombre de travaux chaque année. L'instruction n° 169 bis de la direction générale des impôts, en date du 15 septembre 1999, étend l'éligibilité du taux réduit de TVA aux travaux de branchement au réseau d'eaux usées de locaux affectés à l'habitation et achevés depuis plus de deux ans.
Ce syndicat, dont j'ai l'honneur d'assurer la présidence, applique cette disposition de taux réduit aux prestations facturées par des entreprises prestataires du syndicat mais pour le compte du client final.
Par ailleurs, l'article 279 bis du code général des impôts et l'instruction du 26 février 1982 fixent le régime du taux réduit applicable aux remboursements et rémunérations versés par les communes et leurs groupements aux exploitants des services d'assainissement pour les prestations de services concourant au bon fonctionnement des réseaux d'eaux usées dans le cadre de la gestion normale et limitative du service, essentiellement pour l'entretien : nettoyage des caniveaux, nettoyage des réseaux, évacuation des boues.
Mais je souhaiterais, monsieur le secrétaire d'Etat, savoir si ce taux réduit s'applique aussi à des prestations et travaux de rénovation, de réparation, d'entretien des réseaux d'eaux usées et des stations d'épuration des eaux usées, ou encore à la mise à niveau des tampons de visite, aux réhabilitations partielles et à la remise en état d'ouvrages du réseau, à la maintenance et à la réparation des équipements nécessaires au bon fonctionnement de la station d'épuration, aux prestations de nettoyage de celle-ci, dès lors que les dépenses correspondantes sont inscrites en section d'exploitation du budget et font l'objet de rémunérations versées aux prestataires, tout en ajoutant que le code général des impôts paraît faire mention au sens large des prestations d'assainissement.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur. Monsieur le sénateur, l'article 279-0 bis du code général des impôts, issu de l'article 5 de la loi de finances pour 2000, soumet au taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée, à compter du 15 septembre 1999, les travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien des locaux à usage d'habitation achevés depuis plus de deux ans.
En application de cette mesure, les travaux d'installation, de mise aux normes et d'entretien - vidange, curage - des systèmes d'assainissement individuel afférents à des locaux à usage d'habitation achevés depuis plus de deux ans relèvent du taux réduit de la TVA.
Il en est de même s'agissant de la part privative des travaux de raccordement des locaux d'habitation achevés depuis plus de deux ans aux réseaux publics - électricité, gaz, assainissement, adduction d'eau - facturés par les entreprises prestataires au propriétaire ou à l'occupant des locaux, ou bien encore aux collectivités locales lorsqu'elles font réaliser ces travaux au nom des particuliers, afin d'en diminuer le coût grâce à un financement partiellement subventionné. Ces précisions sont reprises au Bulletin officiel des impôts du 5 septembre 2000.
Par ailleurs, en application de l'article 279 B du code général des impôts, les prestations de services qui concourent au bon fonctionnement du réseau d'assainissement collectif bénéficient du taux réduit de TVA dès lors qu'elles sont effectuées pour les besoins de la gestion du service public et qu'elles sont fournies par l'exploitant du service public - collectivité locale, concessionnaire, fermier - ou en exécution d'un contrat conclu avec cet exploitant.
Ainsi, les prestations de nettoyage et d'entretien du réseau et des stations d'épuration sont soumises au taux réduit.
En revanche, les travaux immobiliers proprement dits - construction, rénovation de l'égout, de stations d'épuration - réalisés pour le compte de l'exploitant du service public d'assainissement ne bénéficient pas des dispositions des articles 279-0 bis et 279 B précités, et demeurent soumis au taux normal de la TVA.
Cela étant, il ne pourra vous être répondu plus précisément que si l'administration est mise en mesure d'examiner les contrats afférents aux opérations visées.
M. Pierre Hérisson. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai bien compris la réponse détaillée que vous nous avez apportée sur les différents points que j'ai soulevés.
Toutefois, le « par ailleurs » que vous avez développé dans la dernière partie de votre réponse me conduit à préciser que le blocage en matière de taux de TVA provient du fait que le contrôle de légalité nous impose d'inclure les travaux d'entretien et de réparation dans le budget d'exploitation et non dans le budget d'investissement.
Il suffirait de modifier l'instruction ministérielle pour que puissent être considérées comme investissements ces grosses réparations. Que le taux de TVA soit au taux normal ou au taux réduit importe peu en la circonstance, mais cela nous rendrait éligibles soit au fonds de compensation soit au remboursement de la TVA sur les investissements.
La première partie de votre réponse confirme donc ce que je vous ai dit, mais la dernière partie ne peut me satisfaire car il faut que le contrôle de légalité et les services déconcentrées de l'Etat admettent la possibilité, pour les collectivités, d'inclure ces travaux, aujourd'hui inscrits en exploitation, dans le budget d'investissement. Nous pourrons ainsi, sinon bénéficier du taux réduit de TVA, du moins entrer dans le mécanisme soit des compensations soit des récupérations de TVA sur investissement.
Je souhaiterais que vous puissiez étudier cette question dans le cadre de la préparation du budget pour 2001.

GUICHET UNIQUE POUR LE RECOUVREMENTDES COTISATIONS SOCIALES DES ARTISANS ET COMMERÇANTS

M. le président. La parole est à M. Braye, auteur de la question n° 838, adressée à Mme le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation.
M. Dominique Braye. Monsieur le secrétaire d'Etat, le plan de simplification des formalités administratives qui nous a été présenté prévoit un recouvrement intégré des contributions personnelles et des cotisations sociales des artisans et des commerçants par la mise en place d'un guichet unique.
Les artisans et les commerçants des Yvelines, comme ceux de l'ensemble de la France, sont massivement favorables à cette mesure, puisque 89 % d'entre eux souhaitent un interlocuteur unique pour le paiement de leurs charges sociales, un interlocuteur qui soit naturellement au fait des spécificités de leurs activités professionnelles et qui maîtrise leur culture très particulière. Je pense aux caisses d'assurance vieillesse des artisans, les AVA, ou à l'ORGANIC.
Un recouvrement assuré par ces caisses présenterait de nombreux avantages : d'abord, la garantie pour les chefs d'entreprises artisanales d'avoir l'interlocuteur le plus parfaitement proche de leurs préoccupations ; ensuite, l'assurance d'un transfert optimal des fonds et des informations pour les organismes partenaires ; enfin, pour l'Etat, le gage d'un savoir-faire reconnu et d'une équité de traitement des assurés.
Je tiens également à rappeler que l'Union professionnelle des artisans a, sans ambiguïté, marqué sa préférence pour le dispositif présenté par les AVA et l'ORGANIC, lequel présente une plus grande portée simplificatrice.
Malgré tous ces éléments, il semblerait que le Gouvernement soit plus favorable à ce que les URSSAF prennent en charge ce rôle d'interlocuteur unique.
A l'évidence, le propos des artisans est non pas de remettre en cause le rôle et le professionnalisme de cet organisme recouvreur, mais de rappeler que les AVA et l'ORGANIC possèdent une véritable culture et un savoir-faire du milieu de l'artisanat que ne possèdent pas les URSSAF, et qu'elles disposent d'un réseau fort de cent soixante-deux caisses et délégations sur le territoire national.
En conséquence, je vous demande, monsieur le secrétaire d'Etat, d'une part, de préciser vos intentions dans ce dossier et, d'autre part, de tenir compte du souhait plein de bon sens et de pragmatisme exprimé par ces professions, par ailleurs entièrement favorables à cette volonté de simplification d'un environnement administratif aujourd'hui lourd et complexe pour aboutir à un système unifié et simplifié qui soit le plus opérationnel possible.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur. Monsieur le sénateur, la simplification des formalités administratives incombant aux entreprises est une préoccupation constante des pouvoir publics.
Conformément à ses engagements, le Gouvernement fait de cette orientation l'une de ses priorités et de nombreuses mesures ont déjà été prises dans le cadre des plans de simplification de décembre 1997 et novembre 1998.
Le projet de recouvrement intégré des cotisations sociales personnelles des travailleurs non salariés non agricoles s'inscrit dans cette démarche. L'objet est de permettre aux commerçants, artisans et professionnels libéraux d'acquitter leurs cotisations sociales selon un calendrier et des modalités unifiés tout en veillant à ne pas dégrader les taux de recouvrement enregistrés par les différents organismes.
Les conclusions rendues par une mission d'étude des inspections générales de l'industrie et du commerce et des affaires sociales avaient en effet signalé, d'une part, la complexité des procédures liée à la multiplicité des organismes sociaux compétents pour le recouvrement des cotisations et contributions sociales des travailleurs indépendants, et, d'autre part, la difficulté de mise en oeuvre de ces procédures, notamment pour les créateurs d'entreprise et cotisants en difficulté.
Un exercice de réflexion concerté avec les caisses a été mené au début de l'année 2000 par M. François Monier, conseiller maître à la Cour des comptes, sur la base des projets présentés, d'une part, par l'ORGANIC et la CANCAVA, et, d'autre part, par certaines URSSAF.
Il apparaît que les projets de réforme présentés par les différents organismes et visant à gérer en leur sein l'intégralité du recouvrement ne suscitent pas de consensus au sein de l'ensemble des professions et des régimes concernés. En effet, chacun fait valoir ses atouts, tout en soulignant les problèmes sociaux qu'il ne manquerait pas de connaître dès lors qu'il serait dessaisi du recouvrement.
En tout état de cause, le Gouvernement est soucieux de permettre à tous les partenaires concernés de prendre en charge, dans de bonnes conditions, les changements nécessaires. Il ne peut donc pas être question d'avancer sans les organismes sociaux et les organisations professionnelles qui poursuivent leurs réflexions afin de présenter des propositions aux pouvoirs publics au cours de l'automne. Cette concertation doit permettre l'adoption de mesures qui permettront de se rapprocher de l'objectif recherché, à savoir la simplification administrative et l'amélioration du service rendu aux entreprises.
M. Dominique Braye. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Braye.
M. Dominique Braye. J'ai pris note des bonnes intentions du Gouvernement et des engagements de M. le secrétaire d'Etat. Mais les décisions attendues ne sont pas encore prises.
Je voulais me faire l'écho de l'inquiétude et du pragmatisme des professions artisanales qui se prononcent à près de 90 % pour les caisses AVA et ORGANIC comme interlocuteur unique.
Certes, monsieur le secrétaire d'Etat, je comprends votre souci d'équilibre, mais je ne pense pas que retenir ces caisses comme guichet unique soit de nature à mettre en péril les autres organismes recouvreurs. Je fais confiance aux négociations qui sont en cours pour prendre en compte ce souci, plein de pragmatisme et de bon sens, je le rappelle à nouveau, des professions artisanales.

AVENIR DES LIBRAIRIES

M. le président. La parole est à M. Delfau, auteur de la question n° 852, adressée à Mme le ministre de la culture et de la communication.
M. Gérard Delfau. Ma question s'adresse à Mme la ministre de la culture et de la communication et elle a trait à la disparition rapide des libraires de quartier en milieu urbain, ainsi que des kiosques et autres dépôts de presse.
Ces entreprises familiales sont victimes du système léonin mis en place par les NMPP et les MLP, système qui oblige ces petites structures à avancer le coût d'une partie du stock d'invendus. Vous imaginez le résultat désastreux sur leur trésorerie de cette pratique. Elles sont, en outre, concurrencées par les rayons « librairie » ouverts par les grandes surfaces, qui traitent les livres comme des barils de lessive et se refusent à exposer l'ouvrage qui n'est pas prévendu.
Nous voyons les conséquences de cette situation aux Etats-Unis : l'édition ne cesse de s'appauvrir.
Depuis un an, les services du ministère de la culture préparent des mesures, à partir, notamment, du rapport de Jean-Claude Hassan sur la réforme de la distribution de la presse écrite, remis en février dernier et dont les orientations m'inquiètent. C'est toute la politique de la lecture en France, toute la politique de l'édition, ainsi que celle de l'accès à la pluralité de l'information, qui sont concernées par cette crise économique et morale de nombreuses petites entreprises de proximité.
Faut-il attendre que les agences franchisées du plus gros opérateur privé aient tué la librairie de quartier et le kiosque, imposant une conception purement mercantile du livre et de l'imprimé ? Je souhaite savoir quand, madame le ministre, vous annoncerez vos décisions en la matière, car il y a urgence. Je ne doute pas, vous connaissant, qu'elles seront positives.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, vous vous préoccupez à juste raison de la situation des librairies de quartier en milieu urbain, ainsi que de celle des kiosques et autres dépôts de presse qui sont des éléments essentiels du commerce de proximité et d'animation de nos quartiers.
L'évolution du nombre de points de vente de presse depuis trois ans est la suivante : 545 points de vente ont été créés en 1999 contre 695 en 1998 et 733 en 1997 ; en revanche, 410 points de vente ont été supprimés en 1999, 354 en 1998 et 278 en 1997. Le solde entre les créations et les suppressions demeure donc largement positif puisqu'il est de 135 en 1999.
Sur le total des points de vente, le commerce traditionnel s'établit à 89 % et le commerce intégré à 11 %. S'agissant des créations, celles qui ont été réalisées au profit du commerce traditionnel sont de l'ordre de 75 % contre 25 % pour le commerce intégré.
Par ailleurs, la rémunération des diffuseurs de presse est fixée par le décret n° 88-136 du 9 février 1998, qui prévoit les commissions maximales dont peuvent bénéficier les dépositaires.
La rémunération des diffuseurs de presse a été améliorée, grâce au plan de modernisation engagé par les Nouvelles messageries de la presse parisienne sur la période 1994-1997 et soutenu par l'Etat par le biais de conventions FNE dérogatoires au droit commun.
Le plan a permis de redistribuer 147 millions de francs aux 14 400 diffuseurs qualifiés, soit une revalorisation de plus de 1,5 point de leur commission.
La convention du 2 mai 1994 entre l'Etat et le conseil de gérance des NMPP visait à assurer, à l'issue du plan quadriennal, une baisse du coût de distribution moyen de trois points pour les éditeurs et une réévaluation de la rémunération des diffuseurs d'un point de commission.
Soyez assuré, monsieur le sénateur, que les pouvoirs publics, conscients des difficultés rencontrées par les diffuseurs de presse, restent très attentifs à la répartition des économies entre les éditeurs et les diffuseurs, même si elle relève prioritairement de la compétence des divers acteurs de l'édition et de la diffusion de la presse.
Monsieur le sénateur, je vous signale que, depuis quelques semaines, a été mise en place une table ronde des professionnels de la distribution qui devrait permettre de projeter sur l'avenir l'économie de l'ensemble du secteur.
M. Gérard Delfau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Madame la ministre, vous avez rappelé les efforts qui ont été réalisés par les pouvoirs publics ces dernières années face à une situation qui, même si les chiffres globaux peuvent la faire apparaître satisfaisante, reste préoccupante.
Il faudrait notamment, pour affiner notre jugement, connaître la proportion de diffuseurs indépendants par rapport aux diffuseurs franchisés, toujours plus nombreux. C'est un élément non négligeable de notre réflexion car la même politique n'est pas forcément menée dans les deux cas.
Je reviendrai sur un point très précis, qui est au coeur des discussions, aujourd'hui comme hier : le système de l'envoi d'office.
Récemment encore, la libraire de mon quartier, femme de grande culture qui fait beaucoup pour la promotion de la lecture, m'expliquait le système. Elle reçoit d'office un certain nombre de livres qu'elle n'a pas commandés ; elle doit payer la facture. Il existe, certes, une faculté de retour mais, de fait, elle avance ainsi la trésorerie - elle qui gère seule une toute petite structure - à de grands groupes de presse et de distribution qui disposent de moyens importants.
En outre, le système de facturation ne cesse de se compliquer, de telle sorte qu'un certain nombre de ces libraires indépendants perdent pied et se trouvent dans des difficultés dont ils ne peuvent pas se sortir.
Il est nécessaire de rééquilibrer le système. Il n'est pas possible que les « petits », vais-je dire de façon un peu schématique, financent les « gros », et cela est d'autant moins acceptable quand il s'agit du livre car, à l'injustice sociale que cela représente, s'ajoute une sorte de crime contre l'esprit.
Voilà pourquoi je voulais attirer votre attention. Je sais que vous êtes sensible à cette situation, nous en avons parlé ensemble voilà quelque temps. Je souhaite beaucoup, par cette intervention qui traduit l'état d'esprit de l'ensemble du Sénat, je le sais, peser sur la table ronde qui se tient actuellement ; je demande qu'elle ne s'éternise pas et de vous, madame la ministre, que vous fassiez comprendre aux différentes parties la nécessité d'un rééquilibrage. Eventuellement, il vous faudra imposer par un arbitrage de bonnes solutions à la fois pour la vie de nos quartiers et, bien sûr, pour la création et la lecture en France.

DROIT DE PRÊT EN BIBLIOTHÈQUES

M. le président. La parole est à M. Gaillard, auteur de la question n° 865, adressée à Mme le ministre de la culture et de la communication.
M. Yann Gaillard. Madame la ministre, ma question porte sur un problème brûlant qui est celui du prêt payant dans les bibliothèques.
Je vous avais posé une question écrite sur ce sujet. Depuis, j'ai lu un écho, paru dans une lettre confidentielle, Culture - Décideurs, qui dépend, je crois, de votre ministère, faisant état de certains axes de votre réflexion sinon de vos décisions - mais vous allez sans doute pouvoir nous éclairer dans quelques instants sur ce point.
Je ne reviendrai pas sur ce débat qui doit vous déchirer, madame la ministre, comme il nous déchire tous : d'un côté, les droits d'auteurs et la protection de la propriété intellectuelle ; de l'autre, l'accès pour tous à la culture. Nombre de grands noms intellectuels ont participé à une polémique attendue, certains, d'ailleurs, ayant des positions parfois surprenantes.
Bref, ce n'est pas une question facile et je ne vous reproche pas de ne pas l'avoir encore réglée.
Vous vous appuyez sur le rapport Borzeix, commandé par votre prédécesseur et aujourd'hui publié.
Si je prends pour bonnes les informations de la lettre Culture - Décideurs, vous proposez tout d'abord de ne pas prévoir de paiement à l'acte - cela, on peut le comprendre - et, pour dégager quelques fonds, de limiter les rabais dont bénéficient actuellement les collectivités - pour l'essentiel les bibliothèques municipales - en les ramenant de 20 % à 5 %, ce qui donnerait 75 millions de francs.
Ensuite, il serait envisagé, pour augmenter l'enveloppe reversée aux auteurs et aux éditeurs, une contribution forfaitaire annuelle au prorata du nombre de lecteurs inscrits. C'est une proposition du rapport Borzeix. On avance la somme de 10 francs à 20 francs, qui viendraient s'ajouter aux 80 francs que pratiquent déjà 75 % des bibliothèques. On disposerait ainsi de 95 millions de francs supplémentaires, soit au total quelque 170 millions de francs. Quelle en sera la répartition, et selon quelle proportion entre les éditeurs et les auteurs ? Quels auteurs ? Nous n'en savons rien ; tout cela est encore très obscur.
Puisque nous sommes au Sénat, permettez-moi, madame la ministre, de vous dire que vous avancez la main vers ce chaudron de sorcière qu'est le problème des transferts de charges entre l'Etat et les collectivités locales. Une fois de plus, après la vignette, ce sont les collectivités locales qui, à un double titre, devront en quelque sorte payer la facture.
D'ailleurs, si j'en crois un article du Monde, qui commentait la lettre Culture - Décideurs , le système serait encore plus vicieux, si je puis dire, puisque les collectivités locales auraient la responsabilité de répercuter ou de ne pas répercuter la contribution forfaitaire sur les lecteurs. Alors, non seulement on les ferait payer mais de plus, on leur fera porter le chapeau.
Je ne voudrais pas employer de termes vulgaires, car je sais que c'est un débat très difficile. Je veux simplement vous demander si, vraiment, vous êtes sur le point d'annoncer des décisions de façon plus officielle que par l'intermédiaire d'une feuille confidentielle, même si elle dépend quasiment de vous, et vous mettre en garde contre cette tentation à laquelle semble si souvent céder le Gouvernement qui est de passer la facture aux collectivités locales, que nous avons mission de représenter ici.
M. Gérard Delfau. Ce n'est pas d'aujourd'hui !
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Une petite précision d'abord, monsieur le sénateur : Culture - Décideurs ne relève en rien du ministère de la culture.
La question du droit de prêt voit en effet s'affronter des conceptions tout à fait opposées. Si ce débat est légitime, il a, je crois, été obscurci par un certain nombre d'outrances.
Le Gouvernement s'est attaché à rechercher des solutions équilibrées avec le concours des élus comme des professionnels.
Le Gouvernement n'envisage pas de demander aux usagers de payer un droit pour chaque livre emprunté. En sens inverse, il n'est pas juste de priver les auteurs de leurs droits sur un mode d'utilisation de leurs oeuvres qui - et c'est un bien pour la lecture et le livre dans son ensemble - s'est heureusement développé depuis deux décennies.
Cette rémunération prend la forme de droits d'auteurs proprement dits mais elle pourrait également comprendre une intervention de caractère social portant sur la retraite des auteurs. Je rappelle que les écrivains sont actuellement la seule catégorie, parmi les artistes et les créateurs, à ne pas bénéficier d'une retraite complémentaire.
Pour améliorer cette rémunération, j'étudie actuellement le moyen de combiner deux sources de financement : un droit payé à l'achat des livres, ce qui supposerait de mettre fin à l'exception à la loi sur le prix unique du livre dont bénéficient actuellement certains acheteurs, et un forfait par usager inscrit dont s'acquitteraient les établissements prêteurs.
Il importe bien évidemment que ces mesures n'alourdissent pas excessivement la charge des collectivités locales et ne les conduisent pas à réduire leurs efforts pour les bibliothèques.
C'est pourquoi la juste réponse réside forcément dans l'effort conjoint de l'Etat et des collectivités locales. C'est cet effort conjoint qui a permis le développement de la lecture publique, et c'est ensemble que nous réussirons à garantir la pérennité de l'écriture et de la lecture.
Je me suis donné pour objectif de proposer des mesures à l'ensemble des partenaires : professionnels, représentants des éditeurs et des auteurs, et collectivités locales, que je consulte notamment au travers du Conseil supérieur des collectivités territoriales, qui a été institué par mon prédécesseur. Il s'agit pour l'Etat non pas d'imposer des solutions mais de les négocier avec l'ensemble de tous ceux qui soutiennent la création et la lecture publique. (M. Delfau applaudit.)
M. Yann Gaillard. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. Madame la ministre, votre réponse m'a intéressé. Je reste malgré tout quelque peu sur ma faim parce qu'il semble qu'aucune décision ne soit encore prise.
Je note par ailleurs, mais vous le savez mieux que moi, que, s'il a été question d'une aide financière de l'Etat aux collectivités locales pour compenser cette nouvelle charge, aucun crédit ne figure à ce titre dans le « bleu » budgétaire. Il est sans doute trop tôt. Peut-être en discuterons-nous à nouveau à l'occasion de l'examen de votre projet de budget, dont je suis le rapporteur spécial.

RATIFICATION PAR LA FRANCE
DE LA CONVENTION D'UNIDROIT

M. le président. La parole est à M. Hoeffel, auteur de la question n° 874, adressée à Mme le ministre de la culture et de la communication.
M. Daniel Hoeffel. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur l'importance des vols d'objets d'art commis aux dépens des collections publiques et sur l'explosion des trafics alimentés par les vols, souvent accompagnés de déprédations, organisés aux dépens d'un patrimoine d'autant plus précieux qu'il est le témoin de l'histoire, d'une histoire malmenée en Europe tout au long de ce siècle.
L'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a adopté à l'unanimité la recommandation 1372 demandant aux Etats membres du Conseil de l'Europe de ratifier la convention d'Unidroit, qui impose à l'acquéreur d'un objet d'art un minimum de diligence pour s'assurer de la régularité de son achat et bénéficier ainsi de la présomption de bonne foi.
Ne serait-il pas opportun que la France prenne l'initiative de la ratification de cette convention et invite non seulement ses partenaires de l'Union européenne, mais aussi les autres Etats membres du Conseil de l'Europe à la ratifier ?
Nos concitoyens ne s'attacheront durablement à l'Europe que si la disparition des frontières s'accompagne d'un renforcement du respect des cultures et de l'amélioration de la sécurité des objets d'art qui en sont les témoins. Cette orientation a inspiré précisément le pacte contre la criminalité organisée, récemment adopté par les pays de l'Union européenne et les onze pays candidats.
Ne pensez-vous pas, madame la ministre, qu'une large ratification de la convention d'Unidroit compléterait cet effort nécessaire en rendant plus difficile la revente d'objets arrachés au patrimoine des différentes nations européennes ?
M. le président. La parole est à Mme le minsitre.
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Sachez, monsieur le sénateur, que le ministère de la culture et de la communication partage votre préoccupation.
Je tiens à ce titre à vous informer que la procédure de ratification de la convention d'Unidroit du 24 juin 1995 sur les biens culturels volés ou illicitement exportés est sur le point d'aboutir. Il est en effet envisagé le dépôt au Parlement du projet de loi autorisant la ratification de la convention précitée, avant la fin de l'année 2000.
En outre, la ratification par la France de cet instrument international doit permettre au gouvernement français d'inciter ceux des Etats membres de l'Union européenne qui n'ont pas à ce jour adhéré ou ratifié la convention d'Unidroit à le faire. Comme il a été indiqué en plusieurs occasions, l'efficacité du dispositif de protection des biens culturels prévu par la convention dépend d'une mise en oeuvre harmonisée par l'ensemble des pays concernés, notamment par les pays européens.
Je rappelle que la convention d'Unidroit n'est pas le seul moyen de lutte contre le trafic des biens culturels. Des mesures de renforcement de la sécurité des musées nationaux ont ainsi été prises, tant sur le plan des accès des édifices que de la protection des oeuvres elles-mêmes.
Enfin, le Gouvernement entend réaffirmer sa volonté de voir préservée l'identité culturelle des nations. Cela implique que leur patrimoine puisse être conservé et protégé contre toute atteinte et que les règles de prudence reconnues à l'échelon international soient respectées par tous les intervenants du marché de l'art.
Dans cette optique, la France s'associe en particulier au développement de l'école du patrimoine africain, située à Porto-Novo au Bénin, institution qui a la charge de la formation des personnels des musées nationaux des Etats africains. Ce programme illustre la politique de coopération et d'échange que la France souhaite voir se développer au plan international dans le domaine de la protection des biens culturels.
M. Daniel Hoeffel. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel. Madame la ministre, j'avais déjà appelé l'attention du Gouvernement sur ce point en 1998 et 1999, et je vous remercie donc de cette bonne nouvelle : la convention d'Unidroit sera ratifiée avant la fin de cette année.
Je note que cette ratification est aussi une manière pour notre pays de rendre hommage à l'action du Conseil de l'Europe, action discrète mais utile et trop souvent méconnue.
M. le président. En attendant l'arrivée de Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés, j'appelle la question n° 858 de M. Pelchat.

MINES ANTIPERSONNEL ET OPÉRATIONS DE DÉMINAGE

M. le président. La parole est à M. Pelchat, auteur de la question n° 858, adressée à M. le ministre de la défense.
M. Michel Pelchat. Monsieur le secrétaire d'Etat, ma question concerne le douloureux problème des mines antipersonnel.
Vous le savez, sur le plan technique, la lutte contre une centaine de millions de mines antipersonnel disséminées à travers le monde pose un problème dramatique car la difficulté réside, non pas dans la destruction des mines, mais dans le repérage des champs de mines.
Or le déminage est un objectif majeur pour la communauté internationale, auquel la France s'associe. Elle doit jouer un rôle, non seulement en raison de sa tradition humanitaire, mais aussi en raison d'un savoir-faire unanimement reconnu.
Pourtant, dans ce domaine, la France n'a pas été en mesure de jouer le rôle qui aurait dû être le sien, tant sur le plan européen qu'à l'échelle internationale.
Je dis « le rôle qui aurait dû être le sien » en matière de déminage humanitaire pour trois raisons.
Premièrement, l'armée française dispose d'une expertise unanimement reconnue, qui est mise à disposition des pays concernés à travers l'activité de la COFRACE, cette entreprise dont la vocation est de servir d'interface entre la « clientèle » civile et internationale et notre secteur militaire.
Deuxièmement, le principal industriel français de l'armement terrestre, l'entreprise publique GIAT-Industrie dispose d'une expérience qui pourrait se révéler précieuse.
Enfin, troisièmement, le ministère des affaires étrangères joue un rôle moteur dans la compétition internationale visant à lutter contre les mines antipersonnel, notamment en participant au financement d'opérations de déminage en liaison avec le ministère de la défense.
Ainsi, dans un pays ami comme le Cambodge, qui ne pourra être reconstruit tant qu'il ne sera pas débarrassé de ces armes infernales et meurtrières, aujourd'hui, seuls 148 kilomètres carrés, sur plus de 1 000 kilomètres carrés concernés, ont été déminés. Et la part de la France dans ce déminage insuffisant a malheureusement été, jusqu'à présent, beaucoup trop faible. Le savoir-faire de la France n'est pas suffisamment exploité, monsieur le secrétaire d'Etat.
Faute de référence, il n'y a pratiquement pas de sociétés de déminage sur le terrain. En matière de développement d'équipements, il n'y a pas de stratégie nationale, pas de financement dédié - les financements français en matière d'aide sont versés dans les « pots communs » des Nations unies ou de la Communauté européenne - et pas d'instance de coordination des quelques industriels ou laboratoires maîtrisant les technologies utilisables.
A l'appui de ces propos, je tiens à noter une observation de la Commission nationale pour l'élimination des mines antipersonnel, la CNEMA, qui, dans son premier rapport, qui a été remis au Premier ministre le 13 septembre dernier, indique, à la page 82 que « la France n'apparaît pas dans le peloton de tête des contributeurs aux actions internationales multilatérales, comme en témoigne, par exemple, sa contribution générale à l'UNMAS, le service d'action antimines des Nations unies, qui est deux fois moins importante que celle de la Belgique ou de l'Espagne et trois fois moins importante que celle de l'Allemagne ou de la Grande-Bretagne », avant de conclure qu' « une réflexion d'ensemble doit être menée sur ce sujet ». Enfin, à la page 89 de son rapport, la commission souligne que « la France est en retrait par rapport au rôle que son expérience et ses capacités lui permettraient de tenir au sein de la communauté internationale ».
En conséquence, monsieur le secrétaire d'Etat, quelles mesures pourriez-vous envisager afin de fédérer l'ensemble des acteurs français compétents en matière de déminage humanitaire, qu'il s'agisse d'organismes gouvernementaux, d'organisations humanitaires, d'industriels ou de spécialistes du déminage, afin de proposer un dispositif français cohérent de coopération internationale susceptible de bénéficier des soutiens et des financements européens et d'aider utilement au déminage de pays amis comme le Cambodge, dont je viens d'évoquer la situation et qui nous lance un appel pressant ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. Monsieur le sénateur, vous évoquez un sujet grave : la sauvegarde de la vie de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants. Mais votre jugement à l'égard de la politique de la France - je dis bien : « la politique de la France » - dans le domaine des mines antipersonnel me paraît un peu sévère.
Je vous prie tout d'abord d'excuser M. Alain Richard, qui ne peut vous répondre personnellement, car il participe, à Londres, à la réunion des ministres de la défense de l'Union européenne. Il m'a demandé de vous faire connaître son sentiment sur la question que vous lui avez posée.
La France joue un rôle particulièrement actif dans le domaine de la lutte contre les mines antipersonnel. Sur la scène internationale comme sur le plan national, elle a montré sa détermination à lutter contre ce fléau. Elle a même été l'un des tout premiers pays à donner l'exemple et n'a cessé, au cours de ces dernières années, de prendre des initiatives en ce sens.
Comme vous le soulignez à juste titre, tous les efforts de la communauté internationale doivent désormais tendre vers le déminage et l'assistance aux victimes. A cet égard, l'action de la France s'est particulièrement concentrée, au cours des dernières années, sur les pays les plus affectés, où les mines antipersonnel constituent un obstacle au retour à la vie normale après une période de conflit, tels que le Cambodge, l'Angola, le Laos, le Mozambique, la Bosnie-Herzégovine, le Nicaragua et l'Afghanistan.
Le financement de la France en faveur du déminage sur la période 1995-1999 a été de 250 millions de francs, hors recherche. Depuis 1995, près de 65 millions de francs ont été consacrés à des opérations de déminage humanitaire. A ce montant, vient s'ajouter la quote-part versée par la France aux programmes mis en oeuvre par l'Union européenne.
Pour la période 1995-1999, la part de la contribution française dans les programmes financés par la Commission s'élève à plus de 170 millions de francs, auxquels s'ajoutent 15 millions de francs débloqués dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune.
Par ailleurs, et vous le savez fort bien, monsieur le sénateur, les démineurs militaires français ont participé depuis longtemps à de nombreuses opérations d'assistance au déminage en faveur des pays affectés. Le surcoût « opérations extérieures », hors transport, est estimé à 439 millions de francs courants sur les dix dernières années.
Ainsi, la contribution globale apportée par notre pays est significative.
Elle peut, certes, encore être améliorée - tel est l'objet de votre question - et c'est dans cet esprit qu'a récemment été mis en place un nouvel instrument souple et pluriannuel de financement des opérations de déminage et d'assistance aux victimes des mines, d'un montant de 20 millions de francs, qui permettra notamment de soutenir plus efficacement l'action des organisations non gouvernementales dans ce domaine.
Par ailleurs, comme l'a récemment rappelé le Premier ministre, la France s'est engagée à renforcer la coordination de son action contre les mines afin d'en accroître l'efficacité. Ainsi, la loi du 8 juillet 1998 a créé une commission nationale pour l'élimination des mines antipersonnel, qui assure non seulement le suivi de l'application de cette loi et de l'action internationale de la France en matière d'assistance aux victimes des mines antipersonnel et d'aide au déminage, mais aussi une coordination des différents ministères.
Cette coordination doit permettre de mettre au point un plan d'action destiné à aider les Etats qui, faute de moyens techniques et financiers, ne peuvent détruire eux-mêmes les mines présentes sur leur territoire. Pour les pays les moins avancés, ces actions pourraient s'inscrire dans le cadre des plans bilatéraux de coopération.
Un ambassadeur itinérant a également été nommé ; il est chargé de l'action de la France en matière de déminage et d'assistance aux victimes.
En matière de formation au déminage, l'action internationale de la France sera renforcée, en raison de l'expérience et de la compétence de son armée, vous l'avez indiqué, dans le domaine de l'enlèvement des explosifs. A cette fin, le ministère de la défense favorisera l'accès de l'Ecole supérieure et d'application du génie, l'ESAG, d'Angers aux stagiaires étrangers ainsi qu'aux organisations non gouvernementales.
Afin de réaliser un état des lieux précis de la situation des zones minées dans le monde, la France encourage la mise en place rapide d'une banque de données mondiale, qui pourrait être placée sous l'égide du secrétariat général des Nations unies. Notre pays a apporté un concours actif à cette initiative en communiquant notamment les données qui sont détenues par le centre d'expertise sur les mines de l'ESAG d'Angers.
L'action de la France sera également conduite par la volonté de développer un partenariat renforcé avec les gouvernements des principaux pays concernés. Elle s'attachera à leur apporter une assistance systématique dans la la mise en place de plans nationaux de déminage et de structures locales permettant d'assurer le suivi et la pérennité des opérations. La France organisera ainsi, en coordination avec le Canada et l'Organisation de l'unité africaine, en février prochain à Bamako, un séminaire panafricain. Cet exercice nous offrira l'occasion de recenser les besoins d'un continent durement frappé par les mines antipersonnel et d'évaluer les actions concrètes d'assistance requises.
On ne peut donc pas dire que la France est absente en ce domaine. Certes, on peut toujours améliorer une situation - c'est le sens de votre intervention - mais on ne peut pas dire que notre pays se désintéresse de cette question ; ses initiatives sur le plan international l'attestent.
Quoi qu'il en soit, je vous remercie d'avoir fait part au ministre de votre préoccupation.
M. Michel Pelchat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Pelchat.
M. Michel Pelchat. J'ai bien entendu votre réponse, monsieur le secrétaire d'Etat, qui appelle de ma part trois observations.
Vous avez fait référence à la commission nationale pour l'élimination des mines antipersonnel ; c'est précisément au premier rapport de cette commission, qui a été remis à votre gouvernement, que je me suis référé pour montrer non pas l'absence totale, bien entendu, mais la faiblesse de la contribution de la France.
A aucun moment, vous n'avez cité les compétences de l'industrie française ; je pense notamment à GIAT Industrie, notre société d'armement terrestre, dont toutes les compétences ne sont pas exploitées, monsieur le secrétaire d'Etat, et qui offre, si j'ose dire, une « mine » de possibilités dans le domaine du déminage, précisément.
Je me félicite de votre engagement à élaborer des partenariats. Vous avez cité l'Afrique, continent particulièrement concerné par le problème qui nous occupe. Mais je vous rappelle l'appel pressant que lancent aujourd'hui à la France nos amis cambodgiens, qui veulent pouvoir favoriser le développement économique nécessaire au redémarrage de leur pays. Mais, sur plus de 1 000 kilomètres carrés fortement minés de leur territoire, seulement 148 kilomètres carrés ont été déminés par les instances internationales ! La France pourrait jouer un rôle tout à fait déterminant dans ce pays aussi.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse. Je ne manquerai ni de prendre connaissance du prochain rapport de la CNEMA, qui, je l'espère, placera la France en meilleure position, ni de prendre contact avec l'ambassadeur dont vous m'avez signalé la nomination.

RECONNAISSANCE ET TRAITEMENT
DES MALADIES PROFESSIONNELLES

M. le président. La parole est à M. Lefebvre, auteur de la question n° 850, adressée à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Pierre Lefebvre. Madame la secrétaire d'Etat, dans le bassin minier du Nord - Pas-de-Calais, des milliers de mineurs atteints de la silicose ne sont pas reconnus. L'aggravation de leur mal est trop souvent contestée, tout comme la reconnaissance du décès par silicose ou pneumoconiose.
Les procédures de recours en cas de rejet sont lourdes, souvent rebutantes et injustes.
En cas de décès de la victime, reste le plus souvent l'utilisation du recours, par l'union régionale des sociétés de sécurité sociale minière, à l'autopsie, avec son côté dramatique pour la famille et souvent choquant.
Enfin, dans la gestion du risque lié à la maladie professionnelle par l'union régionale de sécurité sociale minière, l'un des principes de la loi n'est pas appliqué semble-t-il. Dans la réalité du fonctionnement de la sécurité sociale minière, à aucun moment les victimes n'ont le libre choix médical. Ainsi, la société de sécurité sociale minière est juge et partie. Voilà qui n'est pas juste.
Pour remédier au plus vite à cette situation, l'union régionale des syndicats de retraités et veuves CGT de mineurs et similaires a formulé des propositions pour que soient respectées les règles légales sur les maladies professionnelles.
Je veux brièvement vous les soumettre, madame la secrétaire d'Etat.
Le principe d'indépendance absolue de l'avis médical pour les victimes doit être posé.
Les médecins traitants doivent pouvoir assumer leur rôle et responsabilité jusqu'au terme du dossier, y compris dans les décisions du médecin-conseil.
Le suivi médical des victimes, amélioré, doit être placé en situation d'indépendance médicale absolue.
Enfin, Le recours aux autopsies pour déterminer les causes du décès par maladie professionnelle doit être supprimé.
Madame la secrétaire d'Etat, votre réponse est attendue avec intérêt et impatience dans le bassin minier, où cette question fait l'objet d'une mobilisation importante.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés. Je vous prie, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, de bien vouloir excuser mon retard ; j'ai été retenue plus longtemps que prévu à l'Assemblée nationale.
Vous avez raison de rappeler, monsieur Lefebvre, les souffrances qu'endurent ceux qui, aujourd'hui, sont atteints de silicose et la détresse de leurs proches. Comme souvent, l'injustice s'est acharnée sur les plus fragiles : ce sont les travailleurs astreints à des emplois d'une extrême pénibilité qui sont aujourd'hui fauchés par la maladie.
Devant ces drames humains et sociaux, il est indispensable de simplifier l'accès à la reconnaissance et à la réparation des maladies professionnelles. Depuis que ce gouvernement est en place, vous l'avez souligné, d'importantes mesures ont été prises en ce sens pour l'ensemble des salariés. Les unions régionales de secours minier sont concernées puisqu'elles appliquent les règles du Livre IV du code de la sécurité sociale, relatif aux accidents du travail et aux maladies professionnelles.
Ainsi, la procédure de contestation préalable, qui permettait aux organismes de sécurité sociale de différer indéfinimenent leur décision, a été supprimée par le décret du 27 avril 1999. Désormais, les caisses doivent examiner les dossiers dans des délais strictement encadrés. A défaut de réponse dans ces délais, le caractère professionnel de la maladie ou de l'accident est réputé acquis.
De même, les modalités de reconnaissance des pneumoconioses ont été simplifiées par le décret du 31 août 1999. Les procédures dérogatoires, notamment le passage devant le collège des trois médecins, compliquaient l'accès à la réparation.
Il est clair que ces mesures, après une période d'adaptation, auront un effet positif sur les délais.
Les unions régionales de secours minier doivent respecter ces règles, en améliorant leurs procédures et en s'attachant à développer le dialogue avec les victimes et leurs familles. Des informations qui ont été communiquées à Mme Aubry, il ressort que la réglementation est respectée : le délai moyen est actuellement de sept semaines pour un dossier ne comportant pas la saisine du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles et de quinze semaines lorsque ce comité doit se prononcer.
Vous soulevez également la question du libre choix du médecin. Je rappelle que les mineurs, comme les salariés du secteur privé, disposent du libre choix de leur praticien en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle. Il est vrai que celui-ci n'est pas habilité à déterminer le taux d'incapacité de la victime, qui relève de la seule compétence du médecin conseil du régime auquel appartient l'intéressé. La règle de droit n'est donc pas différente pour les mineurs. J'ajoute cependant que le médecin traitant a toute latitude pour adresser au médecin conseil l'information dont il dispose et qu'il juge utile pour son patient.
La caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines a récemment diffusé une instruction demandant expressément au médecin conseil régional du Nord - Pas-de-Calais qu'aucun médecin conseil amené à se prononcer sur les révisions de rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle n'assure désormais des tâches de suivi médical. Dans ce même courrier, il était également demandé qu'un médecin issu du service médical soit mis à disposition du centre d'études de pneumoconioses.
Enfin, je rappelle qu'en matière d'accidents du travail et de maladies professionnelles, l'autopsie est prévue en cas d'accident ou de maladie mortelle. Si c'est un moyen de recherche de la cause du décès, il ne doit être mis en oeuvre qu'en dernier recours ; l'union régionale du Nord a eu recours à des autopsies pour l'instruction de vingt-trois dossiers sur deux cent soixante-quatorze. En application du code de la sécurité sociale, si les ayants droit de la victime refusent l'autopsie, ils perdent le bénéfice de la présomption d'imputabilité au risque professionnel et doivent prouver le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie mortelle.
Les associations de défense des victimes ont appelé l'attention de Mme Aubry sur ce sujet et souhaitent que les familles soient clairement prévenues des conséquences de leur refus. Des instructions ont été données en ce sens aux organismes par la caisse nationale d'assurance maladie. Les unions régionales se doivent d'appliquer la même consigne afin que l'information des ayants droit soit réelle et que les intéressés puissent prendre leur décision en toute connaissance de cause.
Nous sommes, vous le voyez, attentifs à ce que les organismes de sécurité sociale s'attachent à rendre effectifs les droits des assurés et nous veillerons à ce que les mesures que nous avons prises soient appliquées, au bénéfice de celles et de ceux à qui elles sont destinées.
M. Pierre Lefebvre. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre. Je vous remercie, madame la secrétaire d'Etat, de ces précisions. Je vous sais gré, en particulier, d'avoir rappelé les modifications des règles applicables en la matière, modifications qui sont intervenues sous votre responsabilité.
Il faut évidemment laisser... du temps au temps ; il faut que les nouvelles instructions parviennent à l'union régionale des sociétés de secours minier afin que l'ancienne pratique, que l'on connaît trop bien dans le bassin minier, puisse céder le pas devant la nouvelle, à partir des recommandations que vous aurez bien voulu donner.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés. Vous nous y aiderez, monsieur le sénateur !

COTISATIONS SOCIALES DES PLURIACTIFS

M. le président. La parole est à M. Mouly, auteur de la question n° 861, adressée à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Georges Mouly. Madame la secrétaire d'Etat, la question des cotisations sociales des pluriactifs est ancienne, mais le problème va s'accentuant depuis quelques années. Il y a là un enjeu économique et social dont l'importance n'a, du reste, échappé ni au Parlement ni au Gouvernement ; plusieurs rapports n'ont-ils pas été produits sur le sujet, notamment ceux de MM. Gueremenk, Gaymard, Le Pors, qui aboutissent d'ailleurs aux mêmes conclusions ?
Chacun s'accorde à reconnaître que l'exercice de la pluriactivité est, en bien des cas, nécessaire, voire indispensable aux paysans d'aujourd'hui. L'exemple est bien connu des agriculteurs moniteurs de ski en montagne ; il en est bien d'autres, qui tiennent en particulier au développement des activités dites agritouristiques, que connaît notamment ma région.
Si chacun s'accorde à reconnaître le bien-fondé de la pluriactivité, être pluriactif aujourd'hui en milieu rural n'est pas, c'est le moins que l'on puisse dire, chose aisée au regard de la protection sociale, et ce n'est pas un aspect secondaire.
Force est de constater que les pluriactifs sont souvent ceux qui cotisent le plus et qui, pourtant, reçoivent le moins. Ce problème ne relève pas cependant entièrement des insuffisances de la législation elle-même ; la loi Montagne et, plus récemment, la loi d'orientation agricole ont en effet donné lieu à un certain nombre de mesures. Le problème relève plutôt des conditions d'application de la loi et surtout des partenaires sociaux ; c'est la non-mise en place de dispositifs nécessaires à la protection sociale des 500 000 pluriactifs français : le guichet unique et la caisse-pivot.
Aujourd'hui, en effet, il n'existe pas en tant que tel de guichet unique et de caisse-pivot. Cette situation est la conséquence directe de la non-application du décret 97-362 du 16 avril 1997, qui fait qu'aucune convention-cadre n'a été signée plus de deux ans après la publication dudit décret. Ce guichet unique et cette caisse-pivot seraient pourtant bien utiles !
Du fait du caractère changeant de la situation des pluriactifs, le travail peut être différent d'une année à l'autre, en fonction des activités exercées, ce qui entraîne des affiliations à des caisses différentes, donc des difficultés liées à la multiplicité des interlocuteurs. La caisse-pivot permettrait de prendre enfin en compte le pluriactif dans sa globalité et donc de gérer plus facilement les changements de situation au regard de la protection sociale.
La caisse-pivot serait, pour un pluriactif, un intelocuteur unique, quelles que soient les situations professionnelles dans lesquelles il se trouve et entraînerait une simplification administrative - ce n'est pas là un point mineur - ainsi qu'un allégement des coûts, tant pour les caisses elles-mêmes que pour les pluriactifs.
Ma question est la suivante, madame la secrétaire d'Etat : comment le Gouvernement compte-t-il procéder pour que soit mis en oeuvre ce que le législateur a prévu en matière de caisse-pivot et de guichet unique, premiers jalons, à mes yeux, de la définition d'un réel statut des pluriactifs.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés. Monsieur le sénateur, vous me posez une question extrêmement technique et je vais m'efforcer d'y répondre avec clarté à partir des notes qui m'ont été remises par Mme Aubry.
Afin de faciliter les démarches des personnes exerçant, au cours d'une même année, plusieurs activités professionnelles non salariées, l'article 34 de la loi n° 93-121 du 27 janvier 1993, modifié par l'article 43 de la loi n° 95-95 du 1er février 1995, avait posé le principe d'une caisse-pivot, interlocuteur unique de l'assuré social pluriactif soumis à différentes législations sociales.
Soucieux de simplifier véritablement l'exercice de la pluriactivité, le Gouvernenment a décidé d'être plus ambitieux en décidant que les personnes exerçant plusieurs activités relevant de différents régimes de sécurité sociale de non-salariés seraient désormais affiliées à un seul régime de sécurité sociale, celui de leur activité principale.
L'article 53 de la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d'orientation agricole concrétise cette décision. Il introduit en effet dans le code de la sécurité sociale un article L. 171-3 aux termes duquel les personnes exerçant une activité non salariée agricole et une activité non salariée non agricole - l'exemple que vous avez cité, de l'agriculteur moniteur de ski, est tout à fait approprié - seront désormais affiliées au seul régime de l'activité principale, régime auprès duquel ils cotiseront sur l'ensemble des revenus tirés des deux activités.
Un décret rédigé par le ministère de l'agriculture, et qui a reçu l'assentiment du ministère de l'emploi, précisera très prochainement les conditions d'application de cette mesure, qui répond à la demande des pluriactifs plus efficacement que le dispositif de la caisse-pivot. En effet, le nouveau dispositif soumet les revenus tirés des deux activités à un seul régime de prélèvement, de la même façon que s'il étaient imposés sous un régime fiscal unique. Dans un dispositif de caisse-pivot, ces différents revenus demeureraient au contraire appréhendés de façon distincte et donc assujettis à des prélèvements différents, ce qui limiterait fortement la simplification.
J'ajoute que les cotisations réclamées aux pluriactifs ne sont pas supérieures à celles qui sont demandées aux personnes exerçant une activité unique. L'assujettissement des revenus tirés par les pluriactifs de chacune de leurs activités leur donne parfois ce sentiment, mais celui-ci n'est pas fondé. Au demeurant, assujettir seulement une partie de leurs revenus reviendrait en fait à demander, à revenus identiques, un effort contributif plus élevé aux mono-actifs, solution inapplicable dans la mesure où elle induirait une rupture d'égalité devant les charges publiques.
M. le président. Monsieur Mouly, vous voilà éclairé et nous, informés.
M. Georges Mouly. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Mouly.
M. Georges Mouly. Si ma question a abouti à ce résultat, vous informer, monsieur le président, vous m'en voyez ravi ! (Sourires.)
Au-delà de la complexité technique du sujet, son importance n'échappe à personne, car la pluriactivité est, souvent, la condition de la survie d'une exploitation agricole.
L'affiliation à un régime correspondant à l'activité principale constituerait une réelle simplification. J'ai compris que les dispositions permettant l'entrée en application de cette mesure étaient encore à venir. Je souhaite qu'elles interviennent le plus rapidement possible et que, par ce biais, le pluriactif trouve ce qu'il attend, à savoir la simplification administrative nécessaire à la poursuite de ses différentes activités.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Je confirme que le décret de mise en oeuvre de cette simplification par l'affiliation au régime de l'activité principale est à la veille d'être publié, puisqu'il a été rédigé par le ministère de l'agriculture et qu'il a reçu l'approbation du ministère de l'emploi.

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SOUHAITS DE BIENVENUE
À UNE DÉLÉGATION DU SÉNAT COUTUMIER
DE NOUVELLE-CALÉDONIE

M. le président. Mes chers collègues, j'ai le très grand plaisir de saluer la présence, dans la tribune officielle, d'une délégation de membres du Sénat coutumier de Nouvelle-Calédonie, conduite par son président, M. Jean Wanabo.
L'accueil que nous leur réservons dans cet hémicycle prouve l'intérêt et la sympathie que nous portons ainsi à l'une des composantes emblématiques des nouvelles institutions calédoniennes.
Au nom du Sénat de la République, je leur souhaite la bienvenue et je forme des voeux pour que leur séjour en métropole soit l'occasion de mieux faire connaître et apprécier leur rôle au service de la Nouvelle-Calédonie. (Applaudissements.)

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QUESTIONS ORALES (suite)

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite des réponses à des questions orales.

AVENIR DES PERSONNELS DE LA CIRCULATION AÉRIENNE
D'ESSAIS ET RÉCEPTIONS

M. le président. La parole est à M. Roujas, auteur de la question n° 855, adressée à M. le ministre de la défense.
M. Gérard Roujas. J'ai souhaité attirer votre attention, monsieur le secrétaire d'Etat, sur la circulation aérienne d'essais et réceptions, plus communément appelé CER, qui dépend, comme vous le savez, du ministère de la défense, même si, au fil du temps, ses missions sont devenues essentiellement civiles.
En effet, la forte croissance du trafic aérien commercial, le développement des programmes d'avions civils, comme Airbus, et, parallèlement, la diminution des essais de type militaire entraînent une baisse constante de la part militaire des missions de la CER.
Dans un souci de plus grande sécurité, une harmonisation semblerait souhaitable entre la circulation aérienne générale, relevant du ministère des transports, et la circulation aérienne militaire, dont dépend la CER, sous la tutelle du ministère de la défense.
Ne peut-on envisager, par exemple, sans remettre en cause les priorités militaires, de regrouper l'ensemble de ces services sous l'autorité d'un même ministère ? Il semblerait d'ailleurs que cette solution recueille l'assentiment des personnels concernés, et j'ai cru comprendre que le ministère des transports n'y était pas opposé.
S'agissant des personnels de la CER, au moment où j'ai déposé la présente question, la situation sociale était fortement dégradée, et le dialogue avec l'administration de tutelle rompu. Fort heureusement, le dialogue a pu être renoué depuis, et nous ne pouvons que nous en réjouir.
Les revendications de ces personnels, dont vous n'ignorez ni le degré de qualification ni la compétence unanimement reconnue, portaient essentiellement sur la reconnaissance de leur statut et sur la fin de la précarité de la plupart des contrats. D'une manière générale, elles laissaient apparaître une inquiétude quant à l'avenir du service.
Je sais que des propositions ont été formulées et qu'elles ont été favorablement accueillies par les représentants syndicaux. Je sais également que ceux-ci restent vigilants et que l'inquiétude n'est pas encore totalement dissipée.
Aussi, je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de bien vouloir me confirmer les avancées sociales obtenues lors des négociations dans ce secteur d'activité et de faire connaître à la représentation nationale les perspectives d'avenir de la circulation aérienne d'essais et réceptions dans le cadre d'une meilleure gestion de l'espace aérien européen.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. Monsieur le sénateur, je veux tout d'abord vous présenter les excuses de M. Alain Richard, qui est retenu ce matin à Londres avec ses collègues ministres de la défense de l'Union européenne.
Je veux maintenant vous faire part de quelques éléments en réponse à votre question, extrêmement pointue, qui m'a d'ailleurs fait découvrir un sujet que je ne connaissais pas jusqu'alors.
Je vous confirme tout d'abord le maintien du cadre actuel, dans lequel coexistent, comme vous l'avez rappelé, deux types de circulation aérienne.
Ainsi, aux côtés de la circulation aérienne générale, qui relève de la compétence du ministre chargé de l'aviation civile, on trouve la circulation aérienne militaire, qui dépend de la compétence du ministre chargé des armées. Elle comprend la circulation opérationnelle militaire et la circulation d'essais et réceptions.
La circulation aérienne d'essais et réceptions représente en France 12 000 mouvements par an, sur les deux millions de mouvements, toutes circulations confondues.
Le rattachement de la circulation aérienne d'essais et réceptions au ministère chargé des armées est lié, d'une part, au fait qu'à l'origine une grande majorité des vols d'essais était à finalité militaire - plus de la moitié de ces vols est toujours consacrée à des essais d'aéronefs militaires - et, d'autre part, aux spécificités des techniques de contrôle utilisées, dont la caractéristique dominante est d'offrir aux équipages conduisant des vols d'essais et réceptions la liberté de manoeuvre nécessaire à la réussite de leur mission avec une sécurité maximale, techniques qui, de ce fait, ne peuvent s'inscrire dans les règles de la circulation aérienne générale.
Extraire de ce cadre les vols d'essais civils ferait donc disparaître la synergie résultant du groupement sous la même autorité des ressources consacrées au contrôle des vols d'essais qui, civils ou militaires, présentent en grande partie les mêmes caractéristiques.
En revanche, allant dans le sens de l'amélioration de la gestion de l'espace aérien et de la circulation aérienne souhaitée par les ministères des transports et de la défense, l'implantation d'organismes de la circulation aérienne d'essais et réceptions dans certains centres de contrôle civils a été décidée ; elle est aujourd'hui effective. Cela constitue un exemple de coexistence sûre et efficace de deux circulations aux caractéristiques différentes.
J'en viens au statut des personnels, que vous avez évoqué à la fin de votre question. Le contrôle effectué dans ce cadre est assuré par des personnels de différentes catégories titulaires d'un brevet attribué à l'issue d'une formation spécifique dispensée par l'école du personnel navigant d'essais et réceptions. La population concernée s'élève à trente-trois militaires et cinquante-cinq agents civils, fonctionnaires - techniciens - ou contractuels - ingénieurs ou techniciens. Parmi ces derniers, les techniciens sont tous d'anciens sous-officiers issus de l'armée de l'air ou de la marine. Une forte revalorisation de leur indemnité spéciale de responsabilité, qui a été triplée, est intervenue l'an dernier. La durée hebdomadaire du travail a été fixée à 36 heures, dont 32 heures consacrées à la tenue du poste, et une formation spécifique pour les chefs de quart et pour les chefs de centre a été instaurée. Enfin, une mission centrale a été créée afin de gérer les problèmes spécifiques aux centres de contrôle d'essais et réceptions, qu'il s'agisse des personnels, des infrastructures ou des achats.
En juin dernier, s'est exprimée une revendication forte des techniciens contractuels tendant à la transformation de leur contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.
Comme vous le savez, les agents contractuels recrutés par l'Etat après 1983 l'ont été sur le fondement de la loi du 11 janvier 1984, qui ne permet le recrutement de contractuels que pour une durée maximale de trois ans, renouvelable par reconduction expresse.
Au cours des discussions qui se sont ouvertes avec leur organisme d'emploi, l'engagement a toutefois été pris d'examiner chaque dossier dans le cadre des travaux de résorption de l'emploi précaire conduits par le ministère de la fonction publique.
Dans l'immédiat, une démarche visant à obtenir la validation de leur diplôme, afin de permettre à ces contractuels l'accès à certains corps de fonctionnaires de l'ordre technique de la défense, a été engagée.
Par ailleurs, et vous l'avez souligné, un groupe de travail paritaire relatif aux conditions d'emploi, notamment aux conditions de promotion des agents au sein des centres, a été constitué, renouant ainsi le dialogue social le fil s'était quelque peu distendu jusqu'à ces dernières semaines, voire ces derniers mois.
Réuni à six reprises depuis le mois de juin, ce groupe de travail, qui a fonctionné de façon très consensuelle, devrait rendre ses conclusions très prochainement.
Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments que M. le ministre de la défense souhaitait vous apporter ce matin en réponse à votre question.

SÉCURISATION OU INTERDICTION DES JEUX TAURINS

M. le président. La parole est à M. Vallet, auteur de la question n° 822, adressée à Mme le ministre de la jeunesse et des sports.
M. André Vallet. Monsieur le secrétaire d'Etat, ces derniers temps, la voix de certaines instances, notamment européennes, s'est élevée pour demander une plus grande « sécurisation », voire l'interdiction des courses camarguaises de taureaux.
Ces propositions, qui ne sont, je l'espère, que la traduction ponctuelle du drame qui s'est déroulé en avril dernier dans les arènes de Vauvert, dans le Gard, suscitent la plus grande incompréhension en Camargue, y compris d'ailleurs dans la famille de la victime : « Il ne faut rien changer », a déclaré le fils, qui a refusé de porter plainte.
Des voix se sont donc élevées afin que soient renforcées les mesures de sécurité des manifestations taurines. Il a notamment été proposé que soient installés des grillages et des barres d'acier au pied de ceux-ci, pour empêcher les bêtes de sauter.
Pour beaucoup, isoler le spectateur de la piste dénaturerait la tauromachie camarguaise et ruinerait l'esprit de l'arène, qui recherche l'osmose entre la représentation spectaculaire et le public. La participation collective au jeu taurin est une raison structurelle de la persistance et de la continuité de la tauromachie camarguaise. Le plus grand danger serait sans doute que l'on transforme une tradition ancestrale en un pur spectacle, séparant le public du jeu taurin.
Dès lors, monsieur le secrétaire d'Etat, pouvez-vous m'indiquer si les propositions de « sécurisation » ou d'interdiction des jeux taurins, qui en dénaturent largement l'esprit, sont approuvées par le Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer. Monsieur le sénateur, en accord avec Mme Marie-George Buffet, je vais m'efforcer de vous répondre avec une grande précision sur ce sujet grave et très important.
Les courses camarguaises sont régies par un document intitulé « Statut et règlement de la Fédération française de la course camarguaise », document qui a été agréé par le secrétariat d'Etat à la jeunesse et aux sports en 1975.
Comme pour toute activité donnant lieu à un rassemblement important de spectateurs, l'organisation d'une telle manifestation doit respecter les prescriptions relatives à la sécurité. Ainsi les installations doivent-elles avoir fait l'objet d'une visite de la commission départementale de sécurité, en application, notamment, de la loi du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives.
Il doit être en outre rappelé que les organisateurs de manifestations sportives, récréatives ou culturelles à but lucratif, lorsque le public et le personnel qui concourt à la réalisation de la manifestation dépassent 1 500 personnes, sont tenus d'en faire la déclaration au maire ou à Paris, au préfet de police.
Par ailleurs, et là aussi de manière générale - mais je crois ces rappels utiles - le maire, conformément aux dispositions du code général des collectivités territoriales, est chargé de la police municipale, laquelle comprend notamment « le maintien du bon ordre dans les endroits où il se fait de grands rassemblements d'hommes tels que spectacles, jeux... ».
Il convient d'ajouter que les communes sont propriétaires des arènes dans lesquelles se déroulent les courses camarguaises. En tout état de cause, le ministre de l'intérieur n'a pas compétence pour déterminer de quelque manière que ce soit les conditions de la pratique de ce sport : c'est bien aux fédérations sportives agréées par le ministère chargé des sports que le législateur a entendu confier l'exécution d'une mission de service public. Tel est l'objet de l'article 16 de la loi du 16 juillet 1984 que j'ai citée tout à l'heure. Ce même texte prescrit notamment que les fédérations sportives « font respecter les règles techniques et déontologiques de leurs disciplines ».
Le Conseil d'Etat, dans une jurisprudence constante, a décidé que les décisions prises par les fédérations sportives habilitées constituent des actes administratifs. Il en résulte que les fédérations sportives « exercent leur activité en toute indépendance » - il s'agit de l'article 16 précité - et que les décisions qu'elles prennent sont susceptibles d'être déférées au juge administratif.
Au demeurant, il ressort des renseignements obtenus par le ministère de l'intérieur - et cela répond encore plus directement, me semble-t-il, au souci que vous exprimiez - que le règlement édicté par la Fédération française de la course camarguaise n'est pas, à brève échéance, susceptible d'être affecté par des modifications. Par conséquent, la tradition associée à la pratique des courses sera maintenue. Toutefois, vous l'avez rappelé, à la suite du grave accident survenu à la fin du mois d'avril dans les arènes de Vauvert, la fédération a décidé, très certainement à juste titre, de mettre en place une commission, rassemblant des maires, des membres de la fédération en cause et des manadiers, chargée de mener une réflexion sur les normes de sécurité.
Il est apparu en outre, lors de l'enquête administrative qui a suivi, que la hauteur des barrières de protection n'était pas en conformité avec la réglementation existante. Le renforcement des barrières et leur aménagement ont été réalisés rapidement : en pratique, dans les quinze jours qui ont suivi l'accident dont vous avez rappelé la gravité. Bien entendu, entre ces deux dates, toute activité taurine avait été suspendue.
J'espère avoir répondu avec précision à vos préoccupations, monsieur le sénateur.
M. André Vallet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Vallet.
M. André Vallet. Je tiens tout d'abord à vous remercier, monsieur le secrétaire d'Etat, d'avoir indiqué avec force qu'il n'est pas question de modifier la réglementation des courses camarguaises et d'avoir souligné qu'une telle décision appartient à la fédération régissant ce sport.
Cependant, vous n'avez pas complètement répondu à ma question, monsieur le secrétaire d'Etat, puisque je vous ai interrogé avant tout sur les initiatives que voulait prendre Bruxelles en la matière. Je vous ai demandé de m'indiquer si le Gouvernement approuvait les quelques initiatives qui ont été lancées par la Commission et qui tendraient à trop renforcer, tout au moins de notre point de vue, la sécurité dans les arènes.

MAÎTRISE DES ANIMAUX DANGEREUX

M. le président. La parole est à M. Signé, auteur de la question n° 857, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
M. René-Pierre Signé. Monsieur le secrétaire d'Etat, je voudrais attirer l'attention sur le trouble persistant que représentent les chiens de type molossoïde pour l'ordre public et la sécurité des personnes...
M. Christian Demuynck. C'est vrai !
M. René-Pierre Signé. ... tout au moins lorsque ces animaux ne sont pas maîtrisés, voire quand ils sont élevés en vue de servir d'armes à leurs propriétaires. Si la loi réglementant la détention, la déclaration et la reproduction de ces animaux est bonne, il semble pourtant que l'application de ce texte requière des moyens qui font actuellement défaut aux forces de police et plus particulièrement aux forces de gendarmerie.
M. Christian Demuynck. Très bien !
M. René-Pierre Signé. Faute d'être pleinement appliquée, la législation crée, en fait, une économie souterraine hautement profitable pour les trafiquants d'animaux. Elle génère aussi un engouement malsain, une sorte de mythe construit autour de la dangerosité des pitbulls et autres rottweillers.
J'observe que les premières victimes du risque créé par la circulation incontrôlée de ces chiens sont des populations défavorisées, des personnes de tous âges qui vivent dans les cités des périphéries de nos villes, et même, monsieur le secrétaire d'Etat, dans nos petites communes rurales.
Parallèlement, un trafic d'animaux dangereux se développe, des combats de chiens sont organisés. Certains s'enrichissent au mépris de toute légalité.
Personnellement, je comprends la circonspection des forces de l'ordre chargées de capturer les chiens. Quels sont les moyens qui peuvent être mis en oeuvre afin d'améliorer la formation et la protection en vue de ces missions difficiles. De façon plus générale, quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour renforcer l'efficacité de la loi de 1999 et pour la rendre effective ?
M. le président. Monsieur le secrétaire d'Etat, avant de vous donner la parole, et pour vous encourager, je dois vous dire que je publie régulièrement à Marseille des arrêtés anti-pitbulls mais que, en réalité, tout le monde s'en bat l'oeil et le flanc gauche ! ( Sourires. )
M. Christian Demuynck. Eh oui !
M. le président. Vous avez la parole, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer. Monsieur le président, je ne peux que vous encourager à poursuivre dans cette voie !
Monsieur Signé, la lutte contre la délinquance très spécifique que constituent les troubles occasionnés par les chiens de type molossoïde - pitbulls, rottweillers et bien d'autres, hélas ! - pour l'ordre public et la sécurité des personnes représente, je tiens à le confirmer ce matin devant vous, l'une des priorités des services de police, et de gendarmerie, d'ailleurs, en application de la loi de 1999 relative aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux.
Je voudrais rappeler, et j'attire votre attention sur ces chiffres, que la police nationale a d'ores et déjà déployé une activité importante dans ce domaine, constatant 10 450 infractions et procédant à la capture et au placement en fourrière de 925 chiens dangereux au cours du premier semestre de l'année 2000, sur les 453 circonscriptions métropolitaines de sécurité publique. Je crois, monsieur le sénateur, que, là, il n'y pas trace de circonspection, il existe une réelle détermination.
La création d'unités spécialisées pour l'interpellation de ces animaux apportera une aide complémentaire aux services de police pour lutter contre le danger réel et incontestable que présentent ces chiens.
D'ores et déjà, trois unités spécialisées ont été constituées en région parisienne et de nouvelles structures, après formation des fonctionnaires, seront créées dans les départements qui sont fortement affectés par le phénomène des chiens molosssoïdes.
Par ailleurs, il convient de noter que l'émergence d'une économie souterraine est liée à la détention de ces animaux, et les services de la sécurité publique et de la police judiciaire s'emploient à lutter, je le crois efficacement, contre cette délinquence spécifique.
En outre, en concertation avec le ministère de l'agriculture et de la pêche, une mission d'étude a été confiée à l'inspection générale de l'administration ainsi qu'à l'inspection générale de la police nationale sur les problèmes posés par la mise en oeuvre de la loi du 6 janvier 1999, que vous avez rappelés. Cette mission a pour objet de constater les difficultés rencontrées par les différents services chargés de l'application de cette loi et de proposer les mesures les plus adaptées et les plus rapides pour les surmonter.
Mais il convient également, et votre question, monsieur le sénateur de la Nièvre, y invitait le Gouvernement, de ne pas limiter ces mesures aux zones urbaines. En effet, cette forme de délinquance n'épargne pas les territoires ruraux. Il conviendra que les forces de gendarmerie soient également dotées des moyens et d'une formation adaptés.
M. René-Pierre Signé. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Signé.
M. René-Pierre Signé. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse.
Vous savez mieux que moi que la loi définit certaines obligations pour les détenteurs de tels chiens : tatouage, vaccination, assurance, déclaration à la mairie, nécessité de museler et de tenir en laisse. En outre, le maire peut, si la loi n'est pas respectée, ordonner la confiscation de l'animal.
Toutefois, la plupart du temps, ces dispositions ne sont pas suivies d'effet. Si cette loi marque un progrès, elle me paraît néanmoins perfectible. Surtout, son application est freinée par trois obstacles.
Le premier, c'est le nombre insuffisant des fourrières et leur mauvaise adaptation à l'hébergement de tels chiens. Ce problème relève peut-être d'ailleurs moins du Gouvernement que de l'échelon départemental.
Le deuxième obstacle, c'est l'insuffisance de formation des policiers et particulièrement des gendarmes en milieu rural. Il s'agit d'une formation périlleuse et d'une entreprise à risques.
Le troisième obstacle, c'est la dotation insuffisante en matériels de capture. Les gendarmes me font part, comme à vous sans doute, monsieur le secrétaire d'Etat, de ce problème.
Il faut savoir que tous ces chiens sont dangereux, contraitement aux apparences et même si chaque propriétaire d'un tel animal prétend que son chien est paisible. En effet, ces animaux sont potentiellement dangereux et ils deviennent immanquablement dangereux un jour ou l'autre. Ces chiens de première catégorie doivent donc disparaître. Or, comme je l'ai dit tout à l'heure, il existe des élevages clandestins, et ces animaux font l'objet d'un trafic très lucratif ; des combats de chiens sont organisés, même à Nevers !
Monsieur le secrétaire d'Etat, il serait bon que les forces de police et les forces de gendarmerie soient sensibilisées à ce problème et, surtout, qu'elles soient dotées d'un matériel adéquat, qui permette la capture des animaux concernés.

RENFORCEMENT DU CONTRÔLE DE LÉGALITÉ

M. le président. La parole est à M. Demuynck, auteur de la question n° 886, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
M. Christian Demuynck. Monsieur le secrétaire d'Etat, au vu du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains ou des récentes réformes de fiscalité locale, force est, hélas ! de déplorer le jacobinisme dont le Gouvernement nous gratifie ces temps-ci.
Pourtant, ces quelques coups d'éclat ne doivent pas occulter ce que tout élu local constate depuis plusieurs mois, à savoir la multiplication manifeste des lettres d'observation des préfets sur la base d'un pointillisme exacerbé.
Que le contrôle de légalité constitue la garantie de l'unité républicaine, j'en suis le premier partisan.
Mais qu'il débouche sur un formalisme excessif et déplacé, je ne peux que m'y opposer.
En effet, tous les élus vous le diront : les lettres d'observation se multiplient, brident ainsi la libre administration des collectivités territoriales et augmentent, par là même, les risques d'un contentieux devant les juridictions administratives.
Dès lors, les communes, en grande majorité sûres de leur bon droit et soucieuses de respecter leurs engagements, doivent s'attacher les conseils de juristes et mobiliser leurs services pour défendre leur dossier.
Ainsi les collectivités locales devront-elles de plus en plus consacrer une part non négligeable de leur budget aux frais de justice. J'entends ici, évidemment, les cas dans lesquels l'Etat prend l'initiative de déférer une décision locale devant le juge.
Dès lors, il paraît logique que le renforcement récent du contrôle de légalité soit accompagné d'une compensation financière de la part de l'Etat, celui-ci démultipliant les cas de contentieux juridictionnel.
Le Gouvernement est-il prêt à prendre en charge les conséquences des débordements tatillons de ses fonctionnaires ? M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer. Monsieur le sénateur, le secrétaire d'Etat chargé de l'outre-mer, qui défendra cet après-midi devant l'Assemblée nationale une grande loi de décentralisation pour l'outre-mer, ne peut que désapprouver, bien sûr très courtoisement, le procès en jacobinisme que vous avez voulu instruire ce matin.
Pour répondre plus directement à votre question, le contrôle de légalité est, vous l'avez reconnu, la contrepartie nécessaire du principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales.
Sur le fondement de l'article 72 de la Constitution, le représentant de l'Etat dans le département doit veiller au respect par les collectivités locales des lois en général et, en particulier, des lois régissant le fonctionnement et les compétences desdites collectivités.
Le Conseil d'Etat, que je cite une seconde fois ce matin dans cet hémicycle, a d'ailleurs rappelé que la responsabilité de l'Etat pourrait être engagée, et elle l'est parfois, sur le fondement d'une faute lourde pour défaut de contrôle de légalité.
Par conséquent, il n'est pas véritablement envisageable, ni sans doute même souhaitable, de modifier les règles, notamment législatives, de contrôle qui concernent aujourd'hui les collectivités locales.
Néanmoins, le grand nombre d'actes transmis par les collectivités locales - six millions d'actes - a conduit à définir, dans un souci d'efficacité et sans doute aussi de bonne compréhension mutuelle, une stratégie locale de contrôle. Celle-ci tend, d'une part, à assurer un contrôle plus cohérent, plus pertinent et, d'autre part, à développer - et c'est essentiel, l'élu local que je suis est d'accord avec vous sur ce point - la fonction de conseil auprès des élus.
A cet effet, une circulaire interministérielle entre le ministère de l'intérieur et le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie a été élaborée dans le domaine délicat de la commande publique. Une démarche similaire est entreprise avec le ministère de l'équipement, des transports et du logement dans le domaine de l'urbanisme.
Les lettres d'observations, que vous avez mentionnées et qui sont élaborées dans le cadre du contrôle de légalité, permettent d'éviter au préfet de recourir au différé préfectoral en offrant aux collectivités locales la possibilité soit d'apporter les éléments susceptibles de lever toute incertitude sur la légalité de l'acte contesté, soit de réformer l'acte lorsque les collectivités locales sont convaincues de son illégalité. Ces lettres d'observations sont donc tout à fait utiles.
L'accroissement du nombre de lettres d'observations ne se traduit d'ailleurs pas systématiquement par une augmentation du nombre de recours contentieux, je veux le souligner. Par conséquent, si les collectivités sont amenées à renforcer, comme vous l'avez souligné, leurs services juridiques pour assurer la fiabilité de leurs décisions, elles n'ont pas, en revanche, à constater d'augmentations substantielles de leurs frais de justice.
En tout état de cause, - et je suis sûr que vous m'en donnerez acte - il ne saurait être envisagé d'allouer aux collectivités locales une aide financière tendant à rembourser des frais de justice générés par l'élaboration d'actes illégaux.
M. Christian Demuynck. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck. Monsieur le secrétaire d'Etat, selon l'analyse que je fais de la loi, le fait que l'Etat décide de contrôler les actes produits par les collectivités territoriales me paraît tout à fait normal.
Le problème, monsieur le secrétaire d'Etat, est le suivant : vous décidez de faire contrôler les collectivités territoriales par les préfets et les sous-préfets qui, depuis quelque temps, se sont entourés d'une flopée d'attachés. Soit ! Mais peut-être eût-il été préférable de s'interroger sur d'éventuels autres besoins, plutôt que de renforcer ce contrôle de légalité et d'augmentet le nombre de fonctionnaires. Bref, lorsqu'un préfet ou un sous-préfet a un doute, dans la mesure où ils sont tout de même quelque peu inquiets des suites de ce contrôle par les cours régionales des comptes ou la Cour des comptes, ils adressent au maire une lettre d'observation. Si la réponse de celui-ci ne les satisfait pas ou s'ils ont un simple doute, ils font un déféré préfectoral sachant que, de toute façon, la collectivité ne pourra rien faire à leur encontre. Ils préfèrent donc la facilité. La collectivité, quant à elle, est obligée de s'entourer de juristes, et éventuellement de recruter du personnel pour pouvoir se défendre.
Aussi, lorsque le tribunal administratif décide que le préfet a tort, je propose que soient remboursés à la collectivité les frais qu'elle a engagés afin de prouver sa bonne foi.

FINANCEMENT DE LA POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE

M. le président. La parole est à M. Bizet, auteur de la question n° 851, adressée à M. le ministre des affaires étrangères.
M. Jean Bizet. Ma question vise à interpeller M. le ministre des affaires étrangères sur le financement de la politique agricole commune. Définie dans le cadre du Conseil européen de Berlin, cette politique semble aujourd'hui, selon les craintes émises par le commissaire en charge de l'agriculture, M. Franz Fischler, remise en cause par le projet de la Commission européenne de financer la reconstruction et le développement des Balkans entre 2001 et 2003, en partie grâce à une réduction des dépenses prévues pour le fonctionnement des marchés agricoles.
Cette réduction de l'ordre de 300 millions d'euros serait assurée par une réorganisation du marché du sucre. Je suis étonné de constater qu'une réorganisation d'une telle ampleur de ce marché n'ait pas été réalisée plut tôt, à moins que les économies ainsi dégagées ne se traduisent d'une manière ou d'une autre par une diminution du soutien communautaire global, les engagements pris lors du Conseil européen de Berlin risquant dans ce cas de ne plus être respectés.
On peut constater une fois de plus, dans cette affaire, le manque de cohérence et de coordination des travaux du Conseil. Il est difficilement acceptable que les ministres des affaires étrangères prennent des décisions apparemment sans se soucier de leur financement, et que l'on propose ensuite aux ministres des finances de remettre en cause un accord global sur la politique agricole commune qui a été longuement et difficilement négocié.
Ce manque de cohérence est également un motif d'inquiétude si l'on songe à la reprise des négociations au sein de l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC. La « clause de paix » qui protège l'agriculture européenne va s'éteindre en 2003. Ce n'est plus si loin ! Et si les négociations continuent à piétiner, l'Union européenne risque d'en aborder la phase finale en position très défavorable, car elle serait alors obligée de négocier sous la menace d'un contentieux lourd de nombreux risques.
Je voudrais obtenir l'assurance, monsieur le secrétaire d'Etat, que le Gouvernement a bien l'intention de faire respecter les décisions prises à Berlin et que ces décisions restent bien la base de la position communautaire dans les négociations de l'OMC.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer. Monsieur le sénateur, je voudrais, au nom du Gouvernement et plus particulièrement de mon collège Hubert Védrine, vous rassurer.
Comme vous l'avez relevé, la Commission européenne a en effet proposé un effort financier important de l'Union européenne en faveur de la région des Balkans pour la période 2001-2006. Cette contribution suppose, selon la Commission, de réviser les perspectives financières adoptées au Conseil européen de Berlin, en mars 1999, et qui lient aujourd'hui le Conseil, la Commission et le Parlement européen.
Il est clair - je tiens à le souligner ici - que le gouvernement français ne saurait accepter que le financement de la reconstruction et du développement des Balkans puisse être assuré, comme le propose la Commission, par un prélèvement à hauteur de 300 millions d'euros sur les dépenses agricoles. Les autorités françaises s'opposent donc à cette proposition de révision des perspectives financières et l'ont déjà indiqué très clairement et à plusieurs reprises à Bruxelles. Les partenaires de la France partagent également la volonté de cette dernière de ne pas remettre en cause les règles de discipline budgétaire définies à Berlin et considèrent que l'effort supplémentaire à fournir en faveur des Balkans peut être financé sans modifier les plafonds de crédits arrêtés l'an dernier.
Le Gouvernement a donc bien l'intention de faire respecter les décisions adoptées en 1999 sur la programmation budgétaire prévue pour les années 2000 à 2006 qui couvrent, notamment, le financement de la réforme de la politique agricole commune. Les dépenses agricoles, y compris celles de l'organisation commune du marché du sucre, évolueront dans le cadre des enveloppes fixées à Berlin. Ces décisions restent également le fondement de la position communautaire dans les négociations de l'Organisation mondiale du commerce.
M. Jean Bizet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Bizet.
M. Jean Bizet. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de ces précisions dont je prends bonne note. Je souhaite vivement qu'il ne soit pas procédé à une ponction de 300 millions d'euros sur le budget de la politique agricole commune, car ce serait dramatique pour l'ensemble des négociations et pour les agriculteurs de notre pays.
J'avoue que cela me fait penser à ce qui s'est passé lors des accords de Blair House en 1992 : au cours desquels la Commission ayant outrepassé les missions qui lui avaient été confiées, nous restons depuis lors dépendants, s'agissant des protéines végétales, à hauteur de quelque 76 %.
Néanmoins, monsieur le secrétaire d'Etat, je prends bonne note de vos informations et je vous en remercie.

7

NOMINATION DE MEMBRES
DE COMMISSIONS

M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe socialiste a présenté une candidature pour la commission des finances et une candidature pour la commission des lois.
Le délai prévu par l'article 8 du règlement est expiré.
La présidence n'a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées et je proclame :
- M. Claude Lise, membre de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, en remplacement de M. Marcel Charmant, démissionnaire ;
- M. Marcel Charmant, membre de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, en remplacement de M. Claude Lise, démissionnaire.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures cinquante, est reprise à seize heures dix, sous la présidence de M. Jacques Valade.)

PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

8

CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS

M. le président. La conférence des présidents a établi comme suit l'ordre du jour des prochaines séances du Sénat :
Mercredi 11 octobre 2000 :
A quinze heures et le soir :
1° Nomination des membres de la commission spéciale chargée de vérifier et d'apurer les comptes du Sénat.
Les candidatures à cette commission doivent être remises au secrétariat central du service des commissions, avant dix-sept heures, le mardi 10 octobre 2000.

Ordre du jour prioritaire

2° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif aux nouvelles régulations économiques (n° 321, 1999-2000).
Jeudi 12 octobre 2000 :
A neuf heures trente et à quinze heures :

Ordre du jour prioritaire

Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif aux nouvelles régulations économiques (n° 321, 1999-2000).
Mardi 17 octobre 2000 :
A neuf heures trente :

Ordre du jour prioritaire

1° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif aux nouvelles régulations économiques (n° 321, 1999-2000).
A seize heures et le soir :
2° Suite de l'ordre du jour du matin.
3° Nouvelle lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la solidarité et au renouvellement urbains (n° 456, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 16 octobre 2000, à midi, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi ;
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort, et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 16 octobre 2000.
Mercredi 18 octobre 2000 :
A quinze heures et le soir :

Ordre du jour prioritaire

Suite de la nouvelle lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la solidarité et au renouvellement urbains (n° 456, 1999-2000).
Jeudi 19 octobre 2000 :
A neuf heures trente :

Ordre du jour prioritaire

1° Suite de la nouvelle lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la solidarité et au renouvellement urbains (n° 456, 1999-2000).
A quinze heures :
2° Questions d'actualité au Gouvernement.
L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant onze heures.

Ordre du jour prioritaire

3° Suite de la nouvelle lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la solidarité et au renouvellement urbains (n° 456, 1999-2000).
Mardi 24 octobre 2000 :
A dix heures :
1° Quinze questions orales :
N° 797 de M. Gérard Braun à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (exonération de taxe d'habitation pour les étudiants logés dans les résidences des CROUS) ;
N° 848 de M. Alain Gournac à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (politique familiale) ;
N° 871 de M. Charles Descours à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (mise en application de la CMU) ;
N° 873 de M. Bernard Fournier à M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie (abandon de la traduction en français des brevets européens) ;
N° 876 de M. Patrice Gélard à M. le ministre de l'intérieur (portée des recommandations émises par le Conseil constitutionnel concernant la réforme du mode de scrutin sénatorial) ;
N° 877 de M. Serge Franchis à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés (transmission des maladies à prion) ;
N° 878 de M. Jean-Patrick Courtois à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés (amélioration des conditions de vie des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer) ;
N° 879 de M. Francis Grignon à M. le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants (indemnisation des anciens incorporés de force dans le RAD) ;
N° 880 de Mme Nicole Borvo à Mme le secrétaire d'Etat au budget (situation du centre médico-social Clavel de Paris) ;
N° 882 de M. Jean Chérioux à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (dispositif de rémunération des heures de veille pour le personnel des établissements d'accueil de handicapés) ;
N° 883 de M. Alain Hethener à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (modalités de la desserte de la région Lorraine par le futur TGV Est) ;
N° 884 de M. Philippe Madrelle à M. le ministre de l'éducation nationale (manque de postes d'enseignants dans le département de la Gironde) ;
N° 890 de M. Fernand Demilly à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche (mise aux normes des bâtiments d'élevage) ;
N° 891 de M. Marcel Bony à M. le ministre de l'intérieur (emplois fonctionnels et intercommunalité) ;
N° 894 de M. Jean Boyer à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (liaison aérienne Paris-Grenoble).
A seize heures et, éventuellement, le soir :

Ordre du jour prioritaire

2° Suite de la nouvelle lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la solidarité et au renouvellement urbains (n° 456, 1999-2000).
Mercredi 25 octobre 2000 :
A seize heures et, éventuellement, le soir :

Ordre du jour prioritaire

Projet de loi portant habilitation du Gouvernement à transposer, par ordonnances, des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines dispositions du droit communautaire (n° 473, 1999-2000).
La conférence des présidents a décidé :
- de fixer au mardi 24 octobre 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi ;
- d'attribuer au président de la délégation pour l'Union européenne un temps d'intervention de dix minutes ;
- de limiter à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort, et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mardi 24 octobre 2000.
Jeudi 26 octobre 2000 :

Ordre du jour réservé

A neuf heures trente et à quinze heures :
Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi constitutionnelle de MM. Christian Poncelet, Jean-Paul Delevoye, Jean-Pierre Fourcade, Jean Puech et Jean-Pierre Raffarin relative à la libre administration des collectivités territoriales et à ses implications fiscales et financières (n° 432, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé : au mercredi 25 octobre 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de loi.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort, et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 25 octobre 2000.
Mardi 31 octobre 2000 :

Ordre du jour prioritaire

A neuf heures trente :
1° Sous réserve de sa transmission, projet de loi organique modifiant la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel (AN, n° 2564).
La conférence des présidents a fixé au lundi 30 octobre 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi organique.
2° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relative à la contraception d'urgence (n° 12, 2000-2001).
La conférence des présidents à décidé :
- de fixer au lundi 30 octobre 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de loi ;
- d'attribuer un temps d'intervention de dix minutes au représentant de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les femmes et les hommes ;
- de limiter à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort, et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 30 octobre 2000.
A seize heures :
3° Suite de l'ordre du jour du matin.
Mardi 7 novembre 2000 :
A neuf heures trente :
1° Questions orales.
A seize heures et, éventuellement, le soir :

Ordre du jour prioritaire

2° Nouvelle lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi d'orientation relatif à l'outre-mer.
La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 6 novembre 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi d'orientation ;
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort, et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 6 novembre 2000.
Mercredi 8 novembre 2000 :

Ordre du jour prioritaire

A quinze heures et le soir :
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à l'épargne salariale (n° 11, 2000-2001).
La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 6 novembre 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi ;
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort, et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 6 novembre 2000.
Jeudi 9 novembre 2000 :
A neuf heures trente :

Ordre du jour prioritaire

1° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à l'épargne salariale (n° 11, 2000-2001).
A quinze heures :
2° Questions d'actualité au Gouvernement.
L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant onze heures.

Ordre du jour prioritaire

3° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à l'épargne salariale (n° 11, 2000-2001).
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?...
Ces propositions sont adoptées.
Par ailleurs, la conférence des présidents propose au Sénat de suspendre ses travaux en séance publique :
- du 24 décembre 2000 au 7 janvier 2001
- du 11 février au 25 mars 2001
- et du 8 avril au 16 avril 2001.
Il n'y a pas d'opposition ?...
Il en est ainsi décidé.

9

NOUVELLES RÉGULATIONS ÉCONOMIQUES

Discussion d'un projet de loi
déclaré d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 321, 1999-2000), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif aux nouvelles régulations économiques. [Rapport n° 5 (2000-2001), et avis n°s 4 (2000-2001), 10 (2000-2001) et 343 (1999-2000)].
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, quelques mots d'abord sur la philosophie générale de ce texte, qui renvoie à une certaine conception de l'Etat.
Ce gouvernement, vous le savez, n'est pas le défenseur du tout bureaucratique. C'est l'esprit de réforme, de justice, si cela est possible, et de modernisation qui doit nous mener. En faisant évoluer l'Etat, l'organisation des services financiers ou encore le vote du budget, le Gouvernement veut s'efforcer de rendre notre économie, notre administration et notre société plus efficaces et plus justes, plus transparentes et plus solidaires, donc mieux accordées aux nécessités du monde actuel.
Pas davantage nous n'adhérons à une doctrine systématique selon laquelle moins l'Etat interviendrait dans la vie économique et sociale, mieux l'économie et la société se porteraient. Le pari de cette thèse est bien connu : puisque les marchés, par définition, seraient toujours plus intelligents que les gouvernants, il faudrait exclusivement s'en remettre aux premiers plutôt qu'aux seconds. Or, il est loin d'être évident, nous le savons tous, que le seul jeu des forces du marché débouche toujours sur l'optimum économique, et encore moins sur l'optimum social. Si, comme le dit une vieille chanson, il n'est pas de sauveur suprême, il est, pour parvenir à concilier le bien-être social et l'expansion économique, des arbitres plus ou moins efficaces. On l'a bien vu cet été à propos du prix des carburants, ou lors de grandes intempéries, ou bien encore à chaque crise agricole.
Même s'ils le critiquent volontiers, c'est en efffet vers l'Etat que nos concitoyens se tournent quand des mécanismes économiques trop brutaux pour être viables ou totalement non économiques conduisent à des déséquilibres insupportables. Le marché repose sur des équilibres que la concurrence et la transparence s'efforcent d'assurer, mais qu'ils ne peuvent pas entièrement garantir. Le Parlement et le Gouvernement s'appuient, en démocratie, sur la légitimité d'un suffrage qui leur donne une force certaine et la possibilité d'envisager le temps long, celui des stratégies et des projets, celui de l'horizon non marchand aussi. Si je devais résumer ce point, je dirais : ni impuissance de l'Etat donc, ni omniprésence !
Avec la mondialisation, le besoin d'Etat se maintient, mais les formes de son action doivent incontestablement évoluer. Elles quittent souvent le domaine étroit de la réglementation, trop lente, parfois trop lourde, pour la sphère, plus large et plus libre, de la régulation.
Ce n'est pas une évolution facile. Capétiens, révolutionnaires, impériaux et républicains, l'histoire de notre pays est en effet aussi celle de l'Etat.
Autant que le cadre de notre souveraineté, il constitue notre culture. Aussi faut-il éviter, me semble-t-il, les slogans et les solutions toutes faites, comme si le débat pouvait se réduire au face-à-face entre les tenants du « trop » de gouvernement, et les partisans du « trop peu » de gouvernement, entre les prosélytes du « laisser faire » et les zélateurs du « tout diriger ». C'est une vision caricaturale.
Notre défi est différent.
Il consiste à quitter une habitude, celle de l'Etat « omniprescripteur », pour adopter une pratique, celle de l'Etat-partenaire, arbitre et garant du contrat social, aiguilleur du développement économique, centré sur ses missions régaliennes, soutenant et développant l'initiative, quand il le faut, agissant en réseau, laissant certaines décisions se prendre par des autorités de même niveau plutôt qu'en les obligeant systématiquement à remonter, faisant de la décentralisation, de la proximité et de l'efficacité les règles essentielles de son fonctionnement.
Il consiste à maîtriser la dépense publique, corrélat indispensable de la réforme - allégement de la fiscalité - et à rendre plus transparente la gestion : d'où importance, par exemple, de la réforme - je sais que beaucoup d'entre vous y sont sensibles - de l'ordonnance du 2 janvier 1959 sur les finances publiques, dont je vous confirme que le Gouvernement souhaite que vous puissiez discuter au semestre prochain.
Réguler l'économie entre pleinement dans ce cadre, puisque c'est à la fois assurer son bon régime, éviter les captations qui la pénalisent, rétablir, lorsqu'il le faut, l'équilibre entre ses acteurs. Il y va de l'intérêt de tous, des salariés comme des chefs d'entreprise, des consommateurs comme des entrepreneurs. A défaut, ce sont les plus faibles, les plus démunis, qui sont laissés sur le bord du chemin. Réguler, tel est bien un nouveau rôle que nos concitoyens assignent désormais à la puissance publique.
Démontrer qu'ils ont été entendus est l'ambition du projet de loi qu'au nom du Gouvernement, avec Mme Marylise Lebranchu, je défendrai devant vous. La régulation repose sur une méthode qui, souplement, passe par trois étapes : d'abord, fixer des objectifs ; puis définir de grands équilibres qu'il convient de respecter ; enfin, doter les régulateurs des pouvoirs leur permettant, en toute indépendance, de sanctionner un manquement éventuel à ces règles.
Fidèle à ces modalités, ce texte en détermine les conditions d'application dans trois domaines : le droit de la concurrence et de la consommation, le droit des sociétés, le droit financier.
Beaucoup d'entre nous ont noté la diversité des dispositions présentées. Parfois même ils l'ont jugée excessive. C'est que la régulation est une démarche, une méthode, dont les points d'application, par définition, relèvent de domaines différents. L'unité de ce texte c'est la régulation ; la diversité, son champ d'extension.
Mesdames, messieurs les sénateurs, c'est au droit financier qu'est consacré le premier volet du projet. J'en résumerai les principaux traits à grandes guides.
Davantage de transparence dans les offres publiques d'achat ou de vente pour éviter l'opacité d'opérations interminables et souvent indéterminées qui finissent par obérer l'avenir des entreprises, quand elles ne les détruisent pas.
Davantage d'information donnée aux salariés, pour les motiver, les associer, les intégrer, quant à l'évolution du périmètre, du capital et de l'activité des sociétés dans lesquelles ils sont employés, ce qui sera un atout supplémentaire donné, dans l'intérêt de tous, aux fusions, aux acquisitions, aux prises de participation rendues plus fluides par l'information et, si possible, l'adhésion des premiers concernés.
Davantage de vigilance - j'y reviendrai - dans la lutte contre le blanchiment des capitaux.
Dans la mesure où nous examinerons ces dispositions dans le détail lors de la discussion des articles, je souhaite, à ce stade de notre débat, insister uniquement sur deux points.
Le premier me tient particulièrement à coeur. Pour que prévale ce que j'appellerai une mondialisation humanisée, les institutions financières internationales doivent acquérir véritablement une vocation universelle, n'être la propriété exclusive d'aucune puissance, consacrer tous leurs moyens à la lutte contre les déséquilibres, pour le développement durable et la réduction des charges supportées par les pays les plus pauvres. Cela exige que ces institutions soient confortées et modernisées.
Mais la réforme de l'architecture financière internationale n'a de sens que si elle s'accompagne d'une plus grand transparence des mouvements de capitaux. Il faut donc braquer la lumière sur ces véritables « trous noirs » que constituent les centres offshore, qui déstabilisent et décrédibilisent les mécanismes de régulation adoptés par les institutions internationales et qui fragilisent l'assiette fiscale des territoires ou « pays honnêtes ».
Au cours des derniers mois, le Gouvernement a eu l'occasion de marquer sa détermination à voir progresser cet important dossier. La publication de la liste des territoires non coopératifs par le GAFI, le groupe d'action financière internationale des capitaux, a marqué le premier aboutissement d'efforts à l'origine français. Lors du G7 Finances, qui s'est tenu à Prague le 25 septembre dernier, j'ai pu obtenir que l'on passe à l'étape suivante en envisageant des sanctions dissuasives. La France a également mis cette priorité à l'ordre du jour de sa présidence de l'Union européenne. Au cours du dernier Ecofin, le 29 septembre dernier, a été obtenu l'accord politique sur une directive appelée « lutte contre le blanchiment », qui précise la liste des professions soumises à déclaration de soupçons.
Enfin, vient d'être publié - je m'en enquérais auprès du président de la commission des finances et du rapporteur général, auxquels j'ai adressé ce document - le rapport établi à notre demande sur les relations financières entre la France et Monaco, ainsi que sur leurs aspects judiciaires. Il dresse un état des lieux objectif, met en évidence un certain nombre d'insuffisances et formule des propositions pour remédier aux problèmes. Le projet qui vous est présenté aujourd'hui est une invitation à compléter l'ensemble de ce dispositif.
Second point sur lequel je souhaite m'arrêter quelques instants : les autorités de surveillance du marché financier.
En dehors de dispositions ponctuelles, la réforme d'ensemble des autorités de régulation du marché financier ne figure pas dans le texte que vous allez examiner. Le reproche nous avait été fait, à l'Assemblée nationale, de traiter de la régulation sans évoquer les autorités chargées d'en assurer le bon fonctionnement. J'ai tenu compte de ce reproche. Ce manque avait une explication : tout simplement, le temps indispensable à la concertation. Celle-ci a, depuis, été largement menée avec l'ensemble des acteurs de la place, et l'on peut considérer qu'elle vient juste d'aboutir.
Quelles sont les données ? Les bourses étaient autrefois des institutions immuables. Elles sont devenues des entreprises de services et des fournisseurs de prestations, notamment informatiques. Modes de compensations, rapprochements industriels et systèmes de règlement se diversifient ou s'amplifient. Si l'on veut accompagner ce mouvement, il faut une stratégie, il faut des institutions qui sachent unir leurs compétences et leur talent.
Les métiers et la technique des banques et des assurances se rapprochent ; leurs autorités prudentielles doivent le faire aussi. Les bourses européennes s'allient ; il faut que les régulateurs des marchés financiers soient plus réactifs, plus coopératifs avec leurs homologues.
Les clients des banques et des assurances demandent davantage d'écoute et de concertation, comme la commission Belorgey sur l'assurabilité l'a établi ; il convient donc que nos structures de contrôle replacent le consommateur, son service et sa sécurité au centre de leurs préoccupations.
Sécuriser : précisément, c'est sur ce terrain, celui de la sûreté et de la solidité, que la COB a été, vous le savez, à plusieurs reprises, évoquée ces derniers mois. Dès cet été, à titre quasi conservatoire, le Gouvernement a pris un décret pour réformer la procédure et les modes de sanction de la COB. Il était cependant indispensable d'aller au-delà et de modifier, dans leurs structures mêmes, les mécanismes disciplinaires de cette instance. Le législateur, évidemment, doit être consulté pour cela.
Devant quels problèmes nous trouvions-nous ? Actuellement, en matière de délits financiers, les mêmes faits incriminés peuvent faire l'objet de deux procédures parallèles, l'une menée par la Commission des opérations de bourse, l'autre par le juge judiciaire.
Les conclusions de ces procédures ne sont pas toujours identiques. Du tribunal ou de l'autorité administrative indépendante, c'est cette dernière qui a pu s'en trouver affaiblie. Pour remédier à cette confusion, mieux vaut séparer ce qui relève du pénal de ce qui relève du disciplinaire.
De même, la coexistence de deux instances des marchés financiers a fait progressivement émerger deux droits boursiers parallèles. D'où conflit de compétences, jurisprudences contradictoires, perplexité des acteurs - on les comprend - sourire entendu de nos voisins étrangers, assez heureux de nous voir occupés, pour ne pas dire emmêlés, dans ces querelles de Gaulois. La fusion entre conseil des marchés financiers et COB - puisqu'il s'agit d'une fusion - devrait nous préserver de ce danger.
Enfin, quelques déboires récents dans le secteur des assurances, en particulier dans l'assurance vie, nous ont fait envisager collectivement de renforcer nos procédures d'agrément et de rendre toujours plus efficace la commission de contrôle de ce secteur. Je souhaite donc que, le moment venu, soit créé un comité des entreprises d'assurances, sur le modèle du Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement, le CECEI.
On aurait pu souhaiter - c'était mon idée initiale - que cette réforme des autorités de contrôle financier, que je viens de résumer, soit introduite ici et maintenant. C'était une hypothèse séduisante, mais l'introduction de cette réforme, dans toutes ses composantes, à ce stade de la discussion, nous aurait, d'après ce que m'ont indiqué les juristes, conduits à excéder les limites inhérentes au droit d'amendement. Nous aurions encouru une critique de la part du juge constitutionnel. C'est pourquoi le Gouvernement a préféré, avec un certain regret, placer ces dispositions importantes dans un projet de loi autonome qui sera soumis en conseil des ministres dans les prochaines semaines, ce qui devrait permettre, je l'espère, de le voter définitivement au premier semestre 2001. J'ai tenu néanmoins à vous présenter l'économie de ces dispositions car vous n'auriez pas compris que je ne le fasse pas.
Le deuxième champ de la régulation porte sur la concurrence et le droit des concentrations.
Le projet de loi qui vous est soumis prévoit une réforme en profondeur des textes, qui doivent évoluer rapidement compte tenu d'un contexte qui a changé. Les règles qui président à la notion de concurrence ont souvent mauvaise réputation. On espérerait celle-ci pure et parfaite. Elle l'est rarement. Des formules un peu rapides conduisent souvent à l'opposer à l'intérêt général, à en faire l'ennemi de l'aménagement du territoire, à n'y voir qu'un prétexte à restructuration économique. C'est oublier la protection du consommateur, les nécessités de bonne gestion, la volonté des acteurs.
Le texte qui vous est soumis rappelle combien la recherche d'une économie compétitive et innovante suppose une concurrence loyale. Il veut garantir chacun des équilibres de l'univers commercial et promouvoir un « civisme marchand ». C'est pourquoi, sans diaboliser personne, il organise une meilleure protection de la relation entre distributeurs et fournisseurs en créant une commission des pratiques commerciales destinée notamment à élaborer des codes de bonne conduite, laquelle ne doit en aucun cas devenir un édifice para-juridictionnel supplémentaire. Trop de droit peut tuer le droit. Liberté contractuelle, oui ! Abus individuels, non !
Cette avancée s'accompagnera du renforcement des pouvoirs du Conseil de la concurrence. Celui-ci doit offrir une meilleure efficacité dans le traitement des affaires qui lui sont soumises, une plus grande effectivité aux règles qu'il est chargé d'appliquer et, si possible, une plus grande actualité au droit des concentrations, qu'il faut moderniser. C'est pourquoi une procédure systématique et lisible, avec notification obligatoire, sera instaurée pour les instructions qui concernent des sociétés dont le chiffre d'affaires se situe au-delà d'un certain seuil. De cette façon, un traitement plus rapide sera mis en place pour les opérations simples, tandis que le maximum de garanties accompagnera les opérations posant les questions les plus délicates, comme celles qui supposent une saisine pour avis du Conseil de la concurrence.
Enfin, ce texte, assez technique sur ce point, tend aussi à accroître l'information du marché sur les opérations de concentration en cours, tout en préservant le secret des affaires au bénéfice des entreprises concernées. Ces dispositions seront assorties d'une capacité d'intervention au profit du ministre de l'économie, le cas échéant du ministre chargé du secteur intéressé. Certains regrettent le maintien de ce pouvoir. Je crois qu'il est du rôle des pouvoirs publics de rester le garant de l'utilisation de ce pouvoir de police économique, non pas à l'encontre mais au profit du droit des concentrations, pour éviter dérives ou abus.
Sur le chapitre de la concurrence, le projet de loi a un peu évolué depuis sa conception initiale. Lors du débat à l'Assemblée nationale, les députés ont voulu encore accentuer le caractère « protecteur » du texte en y introduisant diverses dispositions. Une garantie de prix minimum dans le domaine des fruits et légumes comme la labellisation de certains produits ont été votées et vous seront soumises. Le Gouvernement vous propose en outre plusieurs ajouts substantiels.
J'en évoquerai un avec Mme Marylise Lebranchu, qui sera à mes côtés dans quelques instants : nous vous invitons à accorder, comme l'attendent ces professionnels, une garantie supplémentaire aux fournisseurs. Elle consiste en la transposition immédiate pour les transactions privées de la directive sur les retards de paiement adoptée voilà deux mois.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ce serait une sorte de record de célérité que nous battrions ainsi, réjouissant les Européens que vous êtes, et qui permettrait au Sénat, s'il n'était pas indifférent aux honneurs superficiels, de figurer au Guiness book des membres de l'Union, puisque, à peine décidés, les éléments se retrouveraient dans nos textes.
Nous ne proposons pas de transposer à ce stade le volet de la directive concernant les retards de paiements publics. En effet, la question étant posée de savoir qui de l'ordonnateur ou du comptable, de la collectivité locale ou de l'Etat, doit assumer la responsabilité du dépassement du délai, il me semble nécessaire qu'une concertation soit menée préalablement avec les représentants des élus locaux sur ce point tout à fait majeur.
La troisième et dernière partie de ce projet fixe les règles relatives au fonctionnement démocratique des entreprises privées comme publiques. La qualité du dialogue social contribue à la performance de l'économie. La démocratie économique, outre ses mérites propres, est un facteur d'efficacité.
Pour favoriser ce climat, quatre orientations principales sont retenues dans le texte du Gouvernement : assurer un meilleur équilibre des pouvoirs au sein des organes dirigeants en encourageant la dissociation entre les fonctions de président du conseil d'administration et celles de directeur général, mais aussi en limitant le cumul des mandats d'administrateur et de dirigeant d'entreprise ; doter les sociétés de davantage de limpidité, notamment par la transparence des rémunérations des mandataires sociaux et l'extension du champ des conventions réglementées ; renforcer les pouvoirs des actionnaires minoritaires en abaissant le seuil d'exercice de certains droits essentiels de 10 % à 5 % ; développer la démocratie et faciliter l'utilisation des nouvelles technologies, préoccupations qui ne sont pas autonomes l'une par rapport à l'autre, en donnant, par exemple, une possibilité de vote électronique, donc une plus grande faculté de participation, aux actionnaires minoritaires. L'Etat actionnaire doit donner l'exemple en matière de démocratisation et de transparence. Ces mesures s'appliqueront donc également au secteur public. Des entreprises où chacun est en mesure d'assumer pleinement ses responsabilités sont plus diverses, plus audacieuses et sans doute plus pertinentes, dont plus prospères.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je conclurai mon propos par deux sujets, l'un qui a fait couler beaucoup - probablement trop - d'encre, l'autre peut-être pas assez.
Le premier concerne la fiscalité des stock-options. Le vote d'un amendement gouvernemental à l'Assemblée nationale a permis de dégager une solution que nous croyons adaptée. Un vieux débat, qui a consommé beaucoup d'énergie et de salive, a ainsi été tranché. Un équilibre a été trouvé. J'espère que vous y adhérerez.
Le second sujet concrétise une oeuvre très discrète, elle, mais importante : la création d'un pôle financier public, puissant, cohérent, CDC-finances. Sans doute est-ce parce qu'il a été approuvé à l'unanimité des députés que ce projet n'a pas été assez souligné... Nous parlons souvent de modernité, non comme une obsession mais comme une certaine forme tranquille de révolution. En voici une bonne illustration.
Ainsi définie, la régulation n'est pas un choix conjoncturel, mais bien une méthode démocratique, fruit d'une volonté politique affirmée. Exigence économique, impératif social, elle devrait conduire la France à mieux épouser la vision moderne d'une économie à l'échelle humaine. Compléter ce texte sans en bouleverser la cohérence, améliorer s'il le faut un projet qui, parce qu'il aborde des matières délicates peut sembler complexe, préserver le choix fondamental opéré de la régulation comme réponse à une mondialisation qu'il faut regarder comme un fait, mais dont il faut savoir corriger les effets : c'est ce que nos débats, je l'espère, pourront permettre.
Une démocratie économique pour une mondialisation humanisée, telle est donc la démarche qui sous-tend le projet de loi que j'ai l'honneur de vous présenter. Elle constitue une étape importante dans la volonté du Gouvernement de moderniser les structures de notre économie, de favoriser l'emploi, de garantir une activité et une solidarité durable. Bref, il s'agit - ce n'est pas une ambition facile - de faire en sorte que la confiance et la croissance puissent continuer de se conjuguer. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici aux prises avec un texte fort intéressant, qui a beaucoup fait travailler nos commissions, commission saisie au fond et commissions saisies pour avis, qui ont conjugué très harmonieusement leur approche. Au nom de la commission des finances, je souhaite, bien sûr, en remercier nos collègues Pierre Hérisson pour la commission des affaires économiques et Jean-Jacques Hyest pour la commission des lois.
Nous voici aux prises avec un texte tout à fait inédit, monsieur le ministre. En écoutant votre propos sur sa « réputée » philosophie générale, je m'interrogeais sur cette figure géométrique que vous nous commentez avec tant de talent mais dont nous serions fondés à penser que le centre est partout et la circonférence nulle part. (Sourires.) La régulation telle que vous l'évoquez pourrait en effet s'appliquer à des sujets et à des situations en nombre infiniment supérieur à ceux que vous traitez dans ce texte, qui, au lieu des 122 articles transmis par l'Assemblée nationale, devrait, si l'on voulait épuiser la matière de ce que vous appelez « régulation », comporter des milliers d'articles. C'est à la vérité tout le droit économique, social, financier, comptable, qui est matière à régulation !
A partir de cet immense vivier, vous avez, ou, plutôt, vos prédécesseurs ont sélectionné un certain nombre de sujets soumis à présent à la discussion parlementaire. Avec un peu de mémoire, nous sommes en mesure de nous souvenir que l'origine de ce texte se trouve dans un épisode auquel a, contre son gré, participé la société Michelin et à la suite duquel le Premier ministre s'est exprimé devant les médias pour reconnaître que la politique ne peut pas tout et que la vie économique et la vie des marchés se déroulent certes avec son intervention mais celle-ci étant un élément parmi d'autres. Cela a donné lieu, au sein de la majorité qui vous soutient à l'Assemblée nationale, à des expressions diverses et variées, et le Premier ministre s'est retrouvé taxé, sinon d'impuissance, du moins d'une insuffisance de volontarisme.
A ce moment-là, et avec l'efficacité qui était la sienne, votre prédécesseur Dominique Strauss-Kahn a été en mesure de faire état d'une recette miracle qui s'appelait « régulation » et qui, en l'espèce, conduisait à examiner une série de sujets eux-mêmes issus de réflexions souvent opportunes et utiles, parfois anciennes de vos propres services de Bercy, ainsi d'ailleurs que de ceux de la Chancellerie.
Nous nous trouvons à présent saisis de ce texte, que je me permettrai de qualifier de DDOEJCF - diverses dispositions d'ordre économique, juridique, comptable et financier. Nous allons traiter, mes chers collègues, aussi bien de droit boursier que de la vente à perte des fruits et légumes, en passant par le blanchiment d'argent et... la composition du chocolat ! Cela va naturellement alimenter utilement nos débats et nous aurons certainement, monsieur le ministre, au cours des journées et des nuits qui vont s'écouler, beaucoup de débats dans le débat.
Il faut également relever que ce texte est très étrangement frappé d'une déclaration d'urgence. C'est le président du Sénat Christian Poncelet qui évoquait, à l'ouverture de la session, ce qu'il appelait la déclaration d'urgence « à l'aveugle », c'est-à-dire une méthode qui traduit non pas l'urgence d'un texte, mais le souci du Gouvernement de contrôler la discussion parlementaire et de réduire le droit d'amendement, puisque, à l'issue d'une première lecture à l'Assemblée nationale et d'une première lecture au Sénat, nous arriverons tout de suite à la phrase finale de l'examen de ce texte, avec réussite ou échec de la commission mixte paritaire, puis lecture définitive dans chaque assemblée.
Nous sommes dans des domaines juridique, de droit financier, de droit boursier, de droit des sociétés ou de droit de la concurrence qui nécessitent que les textes soient bien faits, bien préparés, bien établis. Or, dans le passé, la règle générale, pour tous les textes de cette nature, a été de laisser le bicamérisme jouer son rôle jusqu'au terme de l'examen du projet de loi.
Celui qui nous occupe aujourd'hui a été déposé le 15 mars et adopté par l'Assemblée nationale le 2 mai. Il s'est donc écoulé cinq mois - curieuse et surprenante urgence ! - entre l'adoption du texte par l'Assemblée nationale et le début de son examen par le Sénat.
Il est d'autres éléments d'étrangeté dans cette approche législative, monsieur le ministre : c'est dans le Journal officiel du 21 septembre que nous avons constaté avec intérêt la présence du nouveau code de commerce - cent cinquante pages de Journal officiel ! - et ce dans le cadre d'une ordonnance qui habilite le Gouvernement à codifier à droit constant - mais encore faut-il qu'il le fasse réellement à droit constant - ce qui le conduit à supprimer des textes aussi fondamentaux que l'ordonnance de 1986, qui crée les règles de notre droit de la concurrence, et la loi de 1966 sur les sociétés commerciales, qui fonde le droit des sociétés de la France d'aujourd'hui.
Nous avons donc dû réaliser toute une gymnastique pour substituer aux dispositions modifiées par l'Assemblée nationale et qui n'existent plus, celles qui sont édictées par la nouvelle codification et qui n'existent pas encore, puisque ces dispositions n'ont pas été ratifiées à l'heure qu'il est.
Ce sont là certes des considérations de procédure, mais tout à fait inédites et qui viennent ajouter au caractère un peu surprenant de notre exercice. Cela me conduit d'ailleurs, monsieur le ministre, à formuler quelques réserves sur la validité juridique, voire constitutionnelle, de ce dispositif.
Enfin, nous avons pu observer, sur certains sujets, que la prise en compte de l'urgence, telle que vous avez pu l'exprimer en public, par exemple au mois de juillet, n'était plus tout à fait la même au moment d'aborder le débat parlementaire en première lecture au Sénat, puisque, sur ce sujet très utile de la simplification de l'architecture de la régulation financière de la place de Paris, vous aviez laissé entendre que l'on pourrait déboucher à l'occasion de la présente loi. Or vous nous dites aujourd'hui que, après avoir vérifié des aspects de procédure, cela ne vous semble plus possible.
J'avoue, monsieur le ministre, avoir de la peine à penser que, au mois de juillet, lorsque vous avez annoncé que vous franchiriez ce cap, la vérification nécessaire n'avait pas été faite par vos services et ceux du secrétariat général du Gouvernement en ce qui concerne les limites du droit d'amendement.
Sur ce point, vous me verrez exprimer mon scepticisme, car dans ce « DDOEJCF », il n'y a pas véritablemnt de sujet nouveau, surtout lorsque l'on tire les conséquences d'une démarche relative à la régulation pour s'intéresser au statut et au rôle des régulateurs. Y a-t-il régulation sans régulateur ? Pouvons-nous, nous, législateur, accepter de voir proliférer un peu partout des collèges indépendants, nés chacun d'une opportunité particulière mais qui ne répondraient pas à une logique d'ensemble et qui ne se présenteraient pas au public avec un statut harmonisé ? Pouvons-nous considérer comme adjonctions au texte, hors de son esprit et de sa nature, des dispositions simplifiant l'architecture de la régulation financière de la place de Paris ?
Je ne peux vraiment pas croire, monsieur le ministre, que la cause juridique, formelle et procédurale que vous avez présentée tout à l'heure soit réellement à prendre au sérieux.
Comment nos commissions ont-elles travaillé, monsieur le ministre ? La commission des finances, pour ma part, s'est efforcée d'avoir une démarche de législateur.
Dans ce pays, il faut, nous semble-t-il, restaurer et revaloriser le respect de la loi. Cela suppose que la loi soit bien faite, qu'elle soit lisible, qu'elle soit compréhensible autant que possible pour tous et qu'elle véhicule des concepts clairs.
A ce titre, nous avons dû réécrire très largement beaucoup d'aspects de ce texte. En effet, si les rédactions issues des travaux de l'Assemblée nationale reflétaient, sur bien des points, des conjonctions parlementaires ponctuelles, elles ne nous semblaient pas susceptibles d'être gravées dans la loi ou dans un code.
En outre, nous avons estimé qu'il fallait entrer...
M. René-Pierre Signé. Zorro est arrivé !
M. Philippe Marini, rapporteur. Mes chers collègues, c'est notre rôle d'essayer d'écrire correctement. On pourrait faire grief aux commissions de ne pas appliquer cette méthode de travail.
Notre deuxième préoccupation a été de rendre de la cohérence au texte - donc, finalement, de vous aider, monsieur le ministre - pour restituer une certaine unité à ce texte, en particulier en faisant avancer les statuts des régulateurs, en faisant en sorte que les collèges, par exemple en matière de concurrence et de marchés financiers, soient réellement indépendants, que leurs pouvoirs ne soient pas redondants avec ceux d'autres instances. Ainsi, chacun pourra y voir clair.
Enfin, nous avons tenu à situer tous ces efforts dans un cadre international, plus particulièrement européen, car nous avons, les uns et les autres, conscience que si les entreprises doivent être compétitives, le droit, lui aussi, le droit économique en premier lieu, doit être compétitif.
Il est donc de notre devoir de doter notre pays d'un droit boursier qui maximalise les chances de succès de la place de Paris. Il est de notre devoir de faire évoluer le droit de la concurrence de manière à respecter le droit communautaire et à apporter des atouts à nos entreprises. Il est aussi de notre devoir de faire en sorte que les sociétés commerciales soient organisées conformément à leurs objectifs, avec toute la souplesse, mais aussi toute la clarté et la sécurité nécessaires.
Monsieur le ministre, c'est au vu de ces principes que nous avons abordé l'examen des différentes parties du texte.
Je ne vais pas revenir maintenant en détail sur leurs éléments, car nous aurons tout loisir pour le faire - rassurez-vous, mes chers collègues - lors de l'examen des articles.
Mais, par exemple, nous ne pouvons pas approuver l'article 4 dans l'état où il nous vient de l'Assemblée nationale. Il s'agit là d'un point sur lequel une réécriture est nécessaire.
Il n'est en effet pas possible de placer les chefs d'entreprise, que ce soient ceux qui lancent une offre publique ou ceux qui dirigent l'entreprise cible de cette offre publique, quelque part entre le délit d'entrave aux pouvoirs du comité d'entreprise et le délit d'initié, au sens de la législation boursière. Les risques que présentent votre texte sur ce point sont tels qu'il nous est nécessaire de le modifier très substantiellement.
Par ailleurs, en matière de droit boursier, nous avons considéré qu'il était important de donner dès maintenant un signal aux investisseurs et à l'industrie financière de la place de Paris.
Puisque vous dites qu'il faut clarifier les textes - ce que nous acceptons - il est tout à fait concevable qu'en vertu de notre droit d'amendement nous déposions deux ou trois articles brefs pour relever les enjeux d'aujourd'hui. Nous considérons en effet qu'il est de notre devoir de donner dès maintenant naissance à une autorité unique de régulation des marchés financiers. Je ne saurais mieux plaider que vous en sa faveur, monsieur le ministre, d'autant que je souscris à vos arguments.
Par ailleurs, s'agissant des services bancaires, dans la phase d'ouverture de la compétition où nous nous trouvons, il faut naturellement veiller à ce que celle-ci se déroule correctement et équitablement.
Mais il faut également veiller autant que possible à ce que personne ne reste sur le bord du chemin, d'où les préoccupations exprimées par un certain nombre de membres de notre assemblée - dont nous aurons l'occasion de discuter - qui concernent l'éventualité d'un service bancaire de base.
Monsieur le ministre, sous la conduite de la commission des lois, nous avons également examiné avec un grand intérêt le dispositif sur le blanchiment des capitaux. Nous avons considéré à cet égard que des modifications dans la rédaction du texte et dans la mise en place des concepts étaient nécessaires. Nous nous sommes surtout réjouis dans ce domaine que vous-même et vos services ayez repris bon nombre des conclusions qui se trouvaient dans le rapport, remis en février dernier du groupe de travail de la commission des finances sur la régulation financière internationale.
Nous sommes sans amour-propre d'auteur. Nous ne demandons pas à être cités. Mais, lorsque les mesures proposées par le Gouvernement rejoignent certaines de nos propositions, nous ne pouvons que nous réjouir.
En deuxième lieu, mes chers collègues, ce texte traite des questions de droit de la concurrence.
Il convient, à l'évidence, de combattre les nouvelles formes d'abus de dépendance qui sont apparues depuis l'ordonnance du 1er décembre 1986. Il est indispensable, en ce domaine, de faire des progrès, de ne pas céder à la tentation d'une « reréglementation excessive », tout en faisant en sorte que les règles du jeu soient bien claires et soient appliquées par un conseil de la concurrence dont le statut soit revalorisé.
Ledit conseil est aujourd'hui trop imbriqué dans votre administration, monsieur le ministre. Il faut l'en sortir et lui conférer l'indépendance nécessaire pour qu'il joue à plein son rôle de régulateur et pour qu'il puisse être considéré à cet égard, dans le cadre européen, comme une autorité sur laquelle on puisse s'appuyer.
Nous n'avons pas d'opposition de principe à des innovations comme la commission des pratiques commerciales ; mais nous souhaitons que son rôle soit bien défini et qu'il n'existe pas de confusion entre sa fonction d'observatoire et sa mission lorsqu'elle sera amenée à examiner des dossiers particuliers et à prendre des décisions susceptibles de faire grief à l'une ou l'autre des parties.
A cela s'ajoute l'opportunité pour nous de mieux situer les responsabilités dans le domaine du contrôle des concentrations entre le conseil de la concurrence et le ministre. Sur ce point, la commission des finances a estimé qu'il était préférable de protéger le ministre des risques que l'on prend inévitablement lorsque l'on devient soi-même acteur d'un jeu en tranchant directement un litige entre des parties privées.
Enfin, le troisième volet du projet de loi concerne ce que vous appelez « la régulation de l'entreprise », et que je préfère, pour ma part, appeler tout simplement le « droit des sociétés commerciales ».
J'aurais voulu trouver dans ce texte encore beaucoup d'autres choses, surtout une conception plus globale de l'évolution de ce droit pour le rendre plus compétitif au service de nos entreprises et de nos emplois. Mais nous devons nous contenter d'un certain nombre de retouches ponctuelles.
Parmi ces retouches, il est un dispositif sans doute utile, mais auquel il ne faut pas donner une place trop centrale : c'est la souplesse que l'on peut opportunément apporter aux sociétés à conseil d'administration pour décider soit de séparer la fonction de président de celle de directeur général, soit de les unifier. Nous estimons qu'il est indispensable de réécrire le texte sur ce point, notamment pour éviter la confusion, qui pourrait être grave en termes d'exercice de responsabilités, entre, d'une part, la société à conseil d'administration et, d'autre part, la société à conseil de surveillance et directoire, née de la loi de 1966 et qui demeure un modèle juridique à part entière.
Monsieur le ministre, au cours du débat, nous reviendrons sur tous ces sujets : les conventions réglementées que vous avez citées, pour lesquelles le texte issu de l'Assemblée nationale créerait un déluge paperassier absolument ingérable ; le cumul des mandats d'administrateur - la commission a été en particulier sensible à la liberté d'organisation au sein d'un groupe de sociétés - ou encore la définition du contrôle conjoint d'une société, selon le droit des sociétés ou selon le droit boursier.
Enfin, nous avons pris connaissance avec grand intérêt du chapitre VIII, intitulé « Dispositions diverses et transitoires », qui conduit à traiter un très grand nombre de sujets, puisqu'il faut attendre les articles 70 bis et 70 ter, issus de laborieux compromis au Palais-Bourbon, pour retrouver la question des options de souscription ou d'achat d'actions, version française mais trop longue, naturellement, des stock-options, et, en ce domaine, la commission des finances ne peut que réaffirmer les positions qu'elle a déjà prises et inviter le Sénat à confirmer ses votes antérieurs.
Nous formulerons, nous aussi, sur ces dispositions diverses et transitoires, un certain nombre de remarques et proposerons des ajouts, en restant dans des limites raisonnables.
Pour terminer, je souhaite simplement qu'au seuil d'un débat qui sera certainement intéressant et fourni nous nous efforcions, les uns et les autres, d'examiner ce texte avec le maximum de conscience, dans le souci d'élaborer une bonne législation et d'apporter à nos entreprises et à nos professions les armes dont elles ont besoin pour investir et pour créer des emplois. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Hérisson, rapporteur pour avis.
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des affaires économiques du Sénat a souhaité se saisir pour avis du titre Ier de la deuxième partie du projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques, qui traite de la moralisation des pratiques commerciales.
Comme l'a souligné tout à l'heure M. le rapporteur, nous avons essayé de travailler en harmonie avec les différentes commissions du Sénat, afin, c'est notre rôle, d'ouvrir un débat constructif, d'affiner ce texte qui nous vient de l'Assemblée nationale et de parvenir à la meilleure lisibilité possible.
Les dispositions contenues dans le titre Ier répondent à une attente forte. En dépit de l'intervention régulière du législateur ces dernières années, les relations entre les fournisseurs et la grande distribution se caractérisent par un déséquilibre au détriment des premiers, affirmant ainsi une tendance que notre regretté collègue Jean-Jacques Robert dénonçait déjà dans son rapport sur la loi du 1er juillet 1996.
Le législateur a tenté d'encadrer non seulement l'essor de la grande distribution, mais également l'affirmation de sa puissance à l'égard des fournisseurs.
Modernisant la loi Royer du 27 décembre 1973, qui a soumis l'implantation des grandes surfaces à l'autorisation de commissions départementales, la loi du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat, dont j'avais été le rapporteur au nom de la commission des affaires économiques, tendait ainsi à limiter l'expansion quantitative des grandes surfaces.
La loi du 1er juillet 1996, relative à la loyauté et à l'équilibre des relations commerciales, a interdit la revente à perte, dans le but de limiter la croissance des « marges avant » des distributeurs. Mais elle a également tendu à favoriser la transparence de la négociation commerciale, en permettant de sanctionner un certain nombre de pratiques abusives. L'examen par le Parlement du projet de loi d'orientation agricole avait aussi été l'occasion d'évoquer la dépendance particulière des producteurs agricoles à l'égard de leurs clients distributeurs.
Malgré ces dispositions législatives, l'inégalité du rapport de force existant entre la grande distribution et ses fournisseurs n'a malheureusement cessé de s'accentuer, notamment à la faveur de la concentration des distributeurs. Votre rapporteur pour avis fait observer à cet égard que ne subsistent actuellement en France que cinq grandes centrales d'achat. Un nombre limité de magasins sont ainsi devenus le point de passage obligé pour les fournisseurs, qui consentent des avantages commerciaux de plus en plus exorbitants, notamment sous la forme de remises et ristournes, et parfois sous la menace d'un déréférencement, afin d'avoir accès au marché. Cette situation de dépendance est encore plus durement ressentie par les petites et moyennes entreprises de notre pays qui ne disposent pas de puissance de vente, en raison de la forte « substituabilité » des produits qu'elles fabriquent.
J'en viens maintenant à la présentation de la partie du projet de loi qui nous intéresse ici.
Le titre premier de la deuxième partie de ce projet comportait initialement cinq grands articles.
L'article 27 instaure un dispositif d'encadrement des promotions dans le secteur des fruits et légumes frais.
L'article 28 crée une commission d'examen des pratiques commerciales chargée d'exercer un rôle d'observatoire et de formuler des observations sur les relations entre fournisseurs et distributeurs.
L'article 29 enrichit la rédaction de l'ancien article 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, qui tend à définir un certain nombre de pratiques abusives. Parmi les pratiques ajoutées à la liste existante, il convient de citer notamment la coopération commerciale fictive et l'abus de dépendance économique. L'article 29 précise également les conditions de rupture des relations commerciales et renforce les moyens d'action de l'Etat auprès des tribunaux, en vue de mieux faire sanctionner ces pratiques abusives.
L'article 30 concerne la définition du mode de production raisonné en agriculture. Vaste programme et vaste débat.
L'article 31, relatif à l'étiquetage des denrées alimentaires, vise à déterminer les conditions d'utilisation simultanée d'une marque commerciale et d'un signe d'identification.
L'Assemblée nationale a complété ces dispositions, notamment par l'adjonction de douze articles, qui tendent en particulier à remplacer, pour les ventes au déballage de moins de soixante-quinze mètres carrés organisées par des associations caritatives, le régime d'autorisation par un système de déclaration préalable - il s'agit de l'article 27 B - et à permettre à l'Etat de rendre obligatoire un accord de crise conjoncturelle entre producteurs et distributeurs, tendant à fixer un prix minimum pour une catégorie de fruits ou légumes frais - il s'agit de l'article 27 bis. L'Assemblée nationale a également complété les dispositions des articles 28 et 29, et introduit des articles portant sur les produits vendus sous marque de distributeur, les dénominations du chocolat, les modes d'élevage des volailles et le statut des coopératives de commerçants détaillants. Vaste programme !
M. Jean-Jacques Hyest. Ça, c'est un progrès !
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis. Les amendements que je présenterai au nom de la commission des affaires économiques s'articulent autour de trois grandes préoccupations.
Il s'agit, tout d'abord, monsieur le ministre, de limiter les abus observés à l'occasion de la négociation commerciale, en précisant les conditions d'établissement et de rupture des relations commerciales, et en renforçant la transparence de la coopération commerciale, mais également en proscrivant les accords dits de gamme.
Il convient ensuite d'accorder une attention à la situation particulière des petits producteurs, fournisseurs et commerçants, dont la spécificité n'est pas toujours prise en compte dans la législation actuelle.
Le rapporteur du Sénat vous proposera, au nom de la commission des affaires économiques, des dispositions visant à conforter le rôle de la commission d'examen des pratiques commerciales, auprès de laquelle les petits fournisseurs pourront faire valoir les abus dont ils sont victimes et qu'ils n'osent généralement pas porter devant le juge.
Il convient également de prévoir une dérogation à l'interdiction de verser un droit préalable au référencement, au profit des petites coopératives de commerçants et d'artisans.
Dans le même esprit, il vous proposera d'introduire dans ce projet de loi une disposition visant à protéger les petits commerçants contre certaines opérations de démarchage, au même titre que les particuliers.
Ces propositions démontrent qu'une législation commerciale uniforme et indifférenciée est d'application délicate. A cet égard, il serait opportun de réfléchir à la mise en place d'une législation spécifique pour les petites et moyennes entreprises, comme le recommandait le rapport de notre collègue Francis Grignon sur le small business aux Etats-Unis.
Enfin, la commission des affaires économiques souhaite anticiper l'application en droit français de la législation communautaire. A cet égard, je vous proposerai en son nom un amendement visant à transposer une directive européenne du 29 juin 2000, qui pose le principe d'un délai de paiement maximal de trente jours.
Pour conclure, je souhaite faire une observation qui m'a été inspirée par les travaux menés à l'occasion de l'élaboration de ce rapport pour avis. Il semble que les abus et injustices constatés ici et là dans les relations commerciales résultent, pour partie, de l'insuffisante implication des banques dans le tissu industriel et commercial de nos entreprises. Dès lors, la conduite d'une réflextion sur le rôle des banques dans ce domaine paraît nécessaire à l'amélioration durable des relations entre fournisseurs et distributeurs : le banquier doit cesser d'être un simple caissier pour devenir un véritable partenaire. (Applaudissements sur les travées du l'Union centriste, des Républicains et Indépendants, et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Hyest, rapporteur pour avis. M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout d'abord, arrêtons de nous faire peur en parlant du capitalisme, ou du libéralisme, sauvage ! Il n'a jamais existé que dans quelques livres et n'est jamais appliqué nulle part : tous les Etats font de la régulation économique, même ceux qui se prétendent les plus libéraux.
Cependant, monsieur le ministre, contrairement à votre présentation intelligente et séduisante de la régulation économique, et malgré le titre accrocheur de « nouvelles régulations économiques » - c'est nouveau, donc c'est bien, c'est comme la modernité ; et « régulations », cela fait plaisir et permettra peut-être à certains de comprendre enfin quelque chose à l'économie - le texte qui nous est soumis traduit en fait combien il est difficile à certains de sortir de leur cadre de pensée : ils rêvent toujours d'une économie administrée... On le verra, de nombreuses traces d'économie administrée subsistent, dans les amendements votés à l'Assemblée nationale notamment, et ce n'est pas du tout ce que vous avez présenté en matière de régulation, monsieur le ministre.
Bel exemple, M. le rapporteur général l'a déjà dit, d'une législation de circonstance, touffue, pointilliste sur certains sujets, parfois contradictoire, ce texte pourrait être qualifié de projet portant diverses dispositions d'ordre économique - DDOE - auquel il faut ajouter les mots juridique, comptable et financier, JCF, en un mot un DDOEJCF qui n'ose pas dire son nom !
Il faudrait ajouter, monsieur le ministre, que le volet sur l'épargne salariale, qui devait être l'élément majeur du projet de loi, a été différé pour des motifs qui sont dans toutes les mémoires, et dont la gestation douloureuse vient de connaître une étape non dénuée de difficultés à l'Assemblé nationale.
Paradoxalement - on l'a déjà noté - l'urgence déclarée sur ce texte - qui, plus que d'autres, nécessitait une navette afin de permettre un dialogue entre les deux assemblées - se justifiait d'autant moins que nous avons attendu cinq mois pour l'examiner. C'est une sorte d'urgence « à reculons » ! On est donc passé de la plus totale précipitation à un processus « à élipses », ce qui prive de toute justification la procédure d'urgence.
En outre, le non-respect du calendrier initialement prévu conduit à pratiquer une véritable acrobatie juridique du fait du télescopage de l'examen de ce projet de loi avec le processus de codification.
En effet, M. le rapporteur général l'indiquait, le nouveau code du commerce, qui a été publié au Journal officiel le 21 septembre dernier, intègre désormais les dispositions de plusieurs lois et ordonnances qui avaient auparavant une existence autonome. C'est vrai, en particulier, de l'ordonnance relative à la concurrence, et de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, laquelle a donc été abrogée par son intégration dans le code de commerce.
On pourrait donc considérer à juste titre que des pans entiers du projet de loi qui nous est soumis sont devenus caducs. Il n'y a plus de projet de loi !
A la limite, le vote d'une question préalable serait juridiquement très justifié cette fois-ci.
M. Paul Loridant. Ce serait une bonne idée ! (Sourires.)
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Ce n'est pas mal parti !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis. Je rappelle d'ailleurs, monsieur le ministre - je pense que vous le confirmerez - que le vote de dispositions modificatives du code de commerce n'implique ni la ratification de l'ensemble du code de commerce, hors ces dispositions législatives, ni même l'intégralité de la codification de la loi de 1966 sur les sociétés commerciales, dans la mesure où ne sont visés que 10 % environ des articles de la loi de 1966.
Nous avons donc fait l'effort - parce que nous sommes de bonne composition, quoi qu'on en dise...
M. Philippe Marini, rapporteur. Nous sommes trop bons !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis. ... de proposer, pour ce qui relève de la partie du texte examinée par la commission des lois - je suis sûr que cela a été fait pour les autres aspects, notamment pour ce qui concerne la concurrence - d'assurer la cohérence entre les texte de codification et les textes sources. J'espère que le Gouvernement se livrera aussi à ce travail délicat.
La brièveté des délais initialement impartis ont contraint la commission des lois à restreindre son champ d'investigation à deux volets relevant normalement de sa compétence de fond : le titre IV de la première partie, consacré au renforcement de la lutte contre le blanchiment d'argent provenant d'activités criminelles organisées, et le titre Ier de la troisième partie, relative à la régulation de l'entreprise, traitant du droit des sociétés commerciales.
Nous aurions bien voulu nous intéresser aussi au droit de la concurrence, comme nous l'avions fait en d'autres circonstances, mais nous ne disposions au départ que de quinze jours pour examiner l'ensemble des textes, même si nous avons obtenu ensuite quelques délais estivaux pour approfondir notre réflexion.
Composé originellement de 74 articles - toute grande loi est forcément composée de nombreux articles - le projet de loi a atteint 120 articles à l'issue de son examen par l'Assemblée nationale. Curieuse façon de légiférer ! Plusieurs articles portant sur des sujets de fond ont été introduits par amendements du Gouvernement, ce qui démontre une fois de plus la précipitation et l'improvisation qui ont présidé à l'élaboration de ce texte. Pour notre part, nous proposerons 112 amendements portant sur 41 articles, ne serait-ce, comme je le disais tout à l'heure, que pour assurer la cohérence avec le code de commerce.
En ce qui concerne la lutte contre le blanchiment, il est incontestable que, si la législation adoptée en juillet 1990 a porté ses fruits, il y a lieu de conforter ce dispositif. Toutefois, un télescopage risque de s'opérer entre le projet de loi et la proposition de loi de modification de la directive européenne de 1991 sur la lutte contre le blanchiment. Si la commission des lois ne peut qu'approuver les orientations du projet de loi dans ce domaine, elle s'est interrogée, compte tenu de ce que je viens de dire, sur l'opportunité de légiférer dès à présent sur ce sujet, particulièrement en ce qui concerne la liste des personnes assujetties à l'obligation de déclaration à TRACFIN - la cellule de traitement du renseignement et de l'action contre les circuits financiers clandestins. J'espère qu'il n'y aura pas d'autres initiatives intempestives dans ce domaine.
Par ailleurs, s'agissant des dispositions pénales, le renforcement du dispositif de lutte contre le blanchiment ne saurait supporter le flou et l'imprécision des termes. C'est pourquoi nous proposerons un certain nombre d'amendements à ce sujet. C'est pourquoi aussi, compte tenu d'une interprétation contestable faite, semble-t-il, par certains magistrats de textes de nature pénale, la commission des lois du Sénat a souhaité mentionner explicitement dans la définition du blanchiment le caractère intentionnel de ce délit. Nous aurons à expliciter notre point de vue lors de l'examen des articles.
Le projet de loi aborde ensuite, dans ses articles 55 A à 70 bis , le droit des sociétés.
Au lieu de la réforme d'ensemble attendue, et malgré de nombreux avant-projets qui ont été soumis à concertation à plusieurs reprises depuis dix ou quinze ans, le droit des sociétés commerciales est une fois de plus vendu « par appartement ».
C'est ainsi qu'il y a moins d'un an la réforme des sociétés par actions simplifiées fut glissée subrepticement dans le projet de loi relatif à l'innovation et la recherche par un amendement du Gouvernement, sans que la commission des lois ait pu se prononcer, ne serait-ce que par un avis. Détestable méthode de travail législatif !
Un nouveau pan de réforme a été introduit dans le présent projet de loi, visant, en fait, à « moraliser » le fonctionnement des sociétés. Passons sur la curiosité juridique, pour ne pas dire plus, que constitue l'article 55 A, qui prévoit l'attribution de droit d'une action au comité d'entreprise... Cela ne vous fait pas réagir, mes chers collègues ?
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Nous sommes béats d'admiration. (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis. Je n'aurais jamais pensé que l'on pût inventer une chose pareille ! Et pourtant, cette disposition a été votée par l'Assemblée nationale. J'espère que ce ne fut pas à l'unanimité.
Passons donc sur cette curiosité et tentons de synthétiser les divers aspects de ce volet du projet de loi.
Il va de l'abaissement des effectifs des conseils d'administration et des conseils de surveillance à la limitation du nombre de mandats sociaux - application dans le domaine économique d'une véritable passion pour le non-cumul des mandats - à la prévention des conflits d'intérêts - M. le rapporteur général en a parlé - à la meilleure information des actionnaires - nous la souhaitons - et à l'obligation réaffirmée de transparence.
Compte tenu de la précipitation qui a présidé à la rédaction de ce projet de loi, nous aurons à présenter nombre d'amendements pour assurer la cohérence du dispositif. Toutefois, il me paraît utile de formuler brièvement, dès à présent, cinq observations significatives à propos du droit des sociétés.
Première observation : la dépénalisation attendue de certaines dispositions actuelles fait l'objet d'une timide avancée dans les articles 67 et 68 du projet de loi...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Très timide !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis. ... au profit de sanctions civiles, ce que nous ne cessons de réclamer. C'est une mesure positive ; il faudra bien un jour nettoyer la loi de 1966 sur tout ce qui concerne ce domaine.
Deuxième observation : une tendance générale, et perverse à mon sens, continue à se perpétuer en ce qui concerne le capital des sociétés - notamment les SARL. Toutes les études tendent à démontrer que, faute de fonds propres, les entreprises ne survivent pas, et c'est un des éléments qui caractérise notre pays. Dans ce domaine, néanmoins, sous prétexte de favoriser la création d'entreprise, tout est fait pour reporter la libération du capital social. Ce n'est sans doute pas rendre service aux créateurs d'entreprise et il est bien d'autres voies et moyens pour assurer le financement des créations d'entreprise ! Troisième observation : si l'on ne peut que souscrire aux dispositions concernant la transparence et l'information des actionnaires, par exemple en ce qui concerne la rémunération et les avantages attribués à chaque mandataire par la société et les sociétés qu'elle contrôle, quel curieux processus celui qui a conduit à étendre ce dispositif aux salariés - pourquoi dix ? - les mieux rémunérés ou les mieux dotés en stock-options - mot magique ! Cela ne peut que créer des tensions inutiles et nuisibles au sein des sociétés et n'a d'autre justification qu'une idéologie simpliste... et l'air du temps médiatique.
Quatrième observation : le Gouvernement avait envisagé pour les sociétés dotées d'un conseil d'administration, dites sociétés monistes par référence à la société dualiste à directoire et conseil de surveillance, de dissocier obligatoirement les fonctions de président du conseil d'administration et de directeur général.
Nonobstant le fait que les fonctions respectives de ces deux organes n'ont pas été redéfinies, ce qui me paraît assez grave, il est évident que, si cette forme de partage des pouvoirs au sein des sociétés commerciales peut et doit être rendue possible, il faut laisser le choix aux administrateurs de l'appliquer ou non.
Nous suivrons bien volontiers sur ce point la position de l'Assemblée nationale. Heureusement en effet que, malgré tout, quelques parlementaires connaissent encore la vie des entreprises et le droit des sociétés ; que le moule administratif laisse quelques survivants parmi les trop nombreux élus qui en sont issus - c'est gentiment dit, n'est-ce pas ! (Sourires.) Cela se justifie d'autant plus que le Gouvernement voudrait appliquer aux sociétés commerciales ce qu'il a renoncé, à juste titre, à imposer à certaines grandes entreprises publiques.
Je pense à la RATP, où les pouvoirs ont été concentrés entre les mains d'un président - il n'y a plus de directeur général - à Air France, mais aussi à EDF où la dyarchie président et directeur général a été abolie - après avoir fait beaucoup de ravages.
Cinquième observation : comme la commission des lois sait être magnanime, elle propose d'étendre aux professions libérales l'exercice de leur profession sous forme de société anonyme simplifiée. C'est une occasion unique, profitons-en ! Cela est très attendu par les professionnels libéraux et très justifié.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, telles sont les brèves observations qu'il m'a paru utile de présenter au nom de la commission des lois, qui, bien entendu se félicite de la coopération que nous avons pu mener - elle est habituelle - avec la commission des finances.
Sous réserve des modifications qu'elle vous présentera et dont je vous ai annoncé les grandes lignes, la commission émettra bien entendu un avis favorable sur les dispositions du projet de loi relatives à l'amélioration de la lutte contre le blanchiment d'activités criminelles organisées et sur celles qui intéressent le droit des sociétés commerciales.
Cela étant, dans un souci d'équilibre, nous sommes autant attachés à la liberté d'organisation des entreprises que certains le sont à leur administration ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Chérioux, rapporteur pour avis. M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mon rapport présente cette caractéristique assez peu commune d'exprimer la décision de la commission des affaires sociales de renoncer aux mesures qu'elle entendait proposer au Sénat,...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. C'est la sagesse !
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis. ... et cela en raison de l'inconstance gouvernementale.
Ce faisant, la commission répond au souci de M. le rapporteur de la commission des finances de ne pas accroître la complexité de ce texte par l'adjonction de dispositions d'ordre social. Cela ajouterait encore une lettre au sigle que vous avez développé tout à l'heure, monsieur le rapporteur pour avis ! (Sourires.)
La commission des affaires sociales avait en effet décidé de se saisir pour avis du projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques.
Cette saisine intervenait dans un contexte un peu particulier. Elle visait à introduire, par voie d'amendement, les dispositions de la proposition de loi, adoptée par le Sénat le 16 décembre dernier, tendant à favoriser le partenariat social par le développement de l'actionnariat salarié.
Notre démarche visait en réalité à répondre à une carence du Gouvernement.
Un bref retour en arrière s'impose.
De rapports en reports, de consultations officieuses en concertations inachevées, la réforme de l'épargne salariale annoncée depuis plusieurs mois faisait alors figure d'Arlésienne.
Lors de la discussion de la proposition de loi sénatoriale en décembre dernier, le Gouvernement, par la voix de Mme Marylise Lebranchu, nous avait affirmé qu'il était trop tôt pour légiférer, qu'il était préférable d'attendre les conclusions du rapport Balligand-Foucauld, dont les propositions devaient trouver une traduction législative dans la loi sur les nouvelles régulations économiques.
Je ferai observer, à ce propos, que les propositions de ce rapport rendues publiques en janvier se révèlent très proches du texte voté par le Sénat.
Ce rapport en est très proche dans son constat et dans sa philosophie, puisque ses auteurs estiment nécessaire d'actualiser - et non de bouleverser - les dispositifs d'épargne salariale, d'encourager le développement de l'actionnariat salarié dans un cadre incitatif et contractuel et d'en favoriser l'organisation.
Mais il en est aussi très proche dans ses propositions. Celles-ci sont en effet pour beaucoup identiques ou issues d'inspiration commune à celles du Sénat. Vous voyez comme le Sénat inspire même les instances gouvernementales en cette période de cohabitation !
A titre d'exemple, on peut citer la création des plans d'épargne interentreprises, la mise en place de plans d'épargne à long terme, l'amélioration des conditions d'application du « rendez-vous obligatoire », la possibilité de mobilité de l'épargne salariale parallèlement à la mobilité des salariés, le renforcement des conseils de surveillance des fonds communs de placement d'entreprise, l'extension du champ de négociation sur l'épargne salariale.
Cette grande similitude n'a pourtant pas poussé le Gouvernement à agir, bien au contraire. Ainsi, il n'a pas jugé souhaitable d'inscrire le texte voté par le Sénat à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale et n'a donc pas permis au débat parlementaire de se poursuivre.
En outre, dès le mois de février, le Gouvernement renonçait à introduire les dispositions relatives à la participation et à l'actionnariat dans le texte sur les nouvelles régulations, les reportant à un texte spécifique.
Nous avions alors jugé ces tergiversations d'autant plus regrettables qu'une réponse urgente en la matière nous paraissait indispensable. C'est pourquoi nous nous proposions d'intégrer les propositions sénatoriales sur la participation et l'actionnariat salarié dans le présent projet de loi.
Mais notre souci d'aborder à bras-le-corps ces questions allait une nouvelle fois se heurter aux atermoiements du Gouvernement. En effet, il décidait, le 18 mai dernier, de retirer le projet de loi sur les nouvelles régulations de l'ordre du jour prioritaire du Sénat. Ce texte étant enfin inscrit au programme des travaux du Sénat, la question se posait, pour la commission des affaires sociales, de savoir s'il était encore opportun de maintenir ses amendements. Dans moins d'un mois, en effet, notre assemblée aura à débattre du projet de loi sur l'épargne salariale, texte qui constitue à l'évidence un bien meilleur support pour aborder les questions liées à l'actionnariat salarié.
Dans ces conditions, notre commission a décidé de retirer ses amendements sur le projet de loi relatif aux nouvelles régulations et de reporter l'indispensable débat sur la modernisation de nos dispositifs de participation et d'actionnariat salarié à l'examen du projet de loi sur l'épargne salariale. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République : 45 minutes ;
Groupe socialiste : 38 minutes ;
Groupe de l'Union centriste : 29 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants : 26 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen : 18 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen : 16 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe : 8 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Massion.
M. Marc Massion. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le texte très dense dont nous entamons la discussion aujourd'hui nous semble particulièrement bienvenu, autant que son urgence nous paraît évidente, étant donné certains désordres dont se font l'écho, ici ou là, de nombreux observateurs de notre vie économique.
Bien sûr, certains de ces désordres ne sont pas nouveaux, mais ils ont tendance à s'aggraver, et ce ne sont parfois que les formes de ces désordres qui sont nouvelles. Quoi qu'il en soit, cela justifie pleinement que le Gouvernement, conscient des risques encourus par la société dans ses diverses composantes, juge indispensable de s'atteler à la tâche éminemment délicate, mais ô combien nécessaire, consistant à mettre à jour, à rénover et à moderniser les textes qui régissent des aspects importants, voire essentiels, de notre vie économique et sociale.
Cependant, dans notre esprit, comme dans celui du Gouvernement, il s'agit de moderniser non pour se faire plaisir ou pour répondre à un simple souci d'affichage, mais pour que notre économie et notre société soient à la fois plus efficaces, plus justes et, pourquoi pas, plus efficaces pour être plus justes.
Puisque nous sommes dans une économie de marché et que nous refusons la société de marché, notre démarche régulatrice ne vise à rien de moins qu'à faire respecter les fondements de cette économie de marché, à savoir, notamment, la pluralité des producteurs, quelle que soit leur taille. Alors que le capitalisme contemporain - car il faut bien l'appeler par son nom, même si cela contrarie M. Hyest - est dominé par des phénomènes de concentration jusqu'alors inconnus, et par les risques que les monopoles font courir à la liberté des citoyens-consommateurs, nous prenons des dispositions pour tenter de faire en sorte qu'au moins ce capitalisme reste pluriel.
En effet, nous, socialistes, nous pensons que l'Etat, loin d'être « le plus froid des monstres froids », dont il faut toujours se méfier, doit être un Etat social et, pour ce faire, un Etat régulateur, un Etat garant de l'équilibre de la société, garant de la cohérence du fonctionnement de cette société et garant de la solidarité qui doit régir les relations entre les citoyens.
Une méthode que nous considérons comme une vraie politique, la régulation, et en particulier la régulation intelligente des mécanismes de l'économie par l'Etat, doit permettre à la société de n'être pas seulement façonnée par la fameuse « main invisible du marché », que personne, évidemment, n'a encore pu voir.
Nous savons tous, en effet, que les forces du marché livrées à elles-mêmes sont source de désordre et d'inégalités. La concurrence dans l'initiative, dans la création, dans la production, est stimulante et génératrice de richesses. La compétition est normale entre les entrepreneurs comme entre les commerçants. Mais cette compétition doit être régie selon des règles simples, claires, justes et reconnues : il y va de l'intérêt de tous les citoyens, qu'ils se trouvent dans la situation de salarié, de consommateur, d'investisseur ou d'entrepreneur.
L'Etat que dessine le texte que nous allons étudier est un Etat régulateur, c'est-à-dire un Etat volontaire, un Etat organisé pour pouvoir arbitrer dans le sens de l'intérêt général ; un Etat qui, en conséquence, établit des règles du jeu permettant aux acteurs économiques, qu'ils soient des grands groupes industriels, commerciaux ou financiers, ou encore de simples PME, qu'ils soient des producteurs ou des consommateurs, qu'ils soient des salariés ou des actionnaires, de jouer leur rôle, tout leur rôle, en parfaite connaissance de cause et dans la transparence la plus grande possible ; un Etat qui est le seul à disposer de la légitimité nécessaire pour incarner et défendre l'intérêt général.
Sans l'intervention de l'Etat, les libertés sont souvent formelles : la liberté d'entreprendre n'est-elle pas souvent bridée par les difficultés des entrepreneurs à accéder aux financements ou par l'insuffisance de leur couverture sociale ?
C'est pourquoi nous saluons l'initiative du Gouvernement, qui, par le biais de ce projet de loi, cherche à corriger certains dysfonctionnements de la vie économique et à réduire certains de ses déséquilibres, certaines inégalités. Ainsi, ce projet de loi vise à moderniser l'économie de marché en la rendant plus transparente.
Dans le domaine financier, il s'agit d'abord d'impliquer les salariés des entreprises dans les opérations de cession et de fusion, afin que celles-ci se passent dans la transparence, la clarté et le respect de l'égalité entre les diverses parties prenantes de ces opérations.
Et il bien normal que les salariés soient associés à des opérations qui ont souvent de si grandes conséquences pour leur situation et pour leur avenir ! Quand je dis que cela est bien normal, ça l'est du moins à nos yeux à nous, socialistes, dont la vision de la société et la conception de l'entreprise mettent l'homme, le citoyen, la réalisation de ses légitimes aspirations à une vie meilleure au centre de l'activité économique et, par conséquent, au centre de la vie de l'entreprise.
De plus, les fusions sont des opérations de haute stratégie qui réunissent d'autant mieux qu'elles ont su emporter l'adhésion des personnels concernés, grâce à l'implication de ceux-ci et à leur association aux grandes décisions.
Pour cette raison, nous pouvons nous féliciter que le projet de loi prévoie une information officielle des salariés de l'existence d'une OPA - offre public d'achat - ou d'une OPE - offre publique d'échange - et nous approuvons le fait que le comité d'entreprise puisse inviter l'auteur de l'offre à s'expliquer sur ses objectifs et sur les moyens qu'il compte mettre en oeuvre pour les atteindre.
Le même souci d'amélioration de la transparence des opérations financières délicates que sont les OPA et les OPE amène, afin d'assurer la stabilité et la fiabilité du système financier français, à prévoir la limitation de la durée de ces opérations et un renforcement des pouvoirs de la Commission des opérations de bourse en matière de contrôle de la véracité et de la sincérité de l'information du public et, de façon générale, en matière de publicité desdites offres.
De la même façon, afin d'assurer une plus grande transparence dans le fonctionnement des autorités de régulation financière, celles-ci seront dotées d'instruments juridiques renforcés pour assurer l'égalité de traitement des divers intervenants. Ainsi le rôle du comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement se trouvera-t-il affermi.
Dans le domaine des relations financières internationales, c'est avec beaucoup de satisfaction que nous voyons se concrétiser le renforcement du dispositif de lutte contre le blanchiment des capitaux. Il convient en effet d'accroître les moyens de la lutte contre le recyclage de l'argent du crime, du trafic de stupéfiants et du proxénétisme, qui sape les bases de nos règles de vie en commun, car la mise à mal de nos règles fiscales, sociales et morales constitue une menace majeure non seulement pour nos économies mais aussi pour nos démocraties.
Le texte du projet de loi prévoit ainsi le renforcement des moyens des autorités françaises chargées de détecter les flux financiers en provenance ou à destination des pays ou territoires dans lesquels les conditions de sécurité fiancière ne sont pas réunies en particulier ce qu'il est convenu d'appeler les « centres offshore » : une obligation de déclaration systématique des transactions financières devrait permettre de répondre aux problèmes posés par ces centres.
S'il est prévu que la mise en oeuvre de mesures comme celle-ci soit progressive et réalisée en coordination avec nos partenaires étrangers, le projet de loi prévoit de renforcer dès maintenant notre dispositif interne de lutte contre le blanchiment de l'argent sale, notamment en clarifiant la notion de soupçon et en élargissant les possibilités de sanctions pénales à d'autres activités financières délictueuses. La France se situe ainsi dans le groupe d'avant-garde des pays qui luttent contre ce type de criminalité. Nous devons saluer avec fierté cet engagement fort.
Mon collègue Bernard Dussaut, membre de la commission des affaires économiques, interviendra tout à l'heure sur la partie du projet de loi qui traite de la régulation de la concurrence. Je me bornerai donc à souligner que les mesures prévues par ce projet visant à créer les conditions d'une concurrence plus loyale s'inscrivent dans le droit-fil de la philosophie qui a présidé à l'élaboration de l'ensemble du texte : il n'est que de citer la liberté des contrats, la loyauté de la concurrence, le meilleur contrôle des concentrations, la lutte contre les abus de position dominante, le soutien aux petits producteurs, la défense des consommateurs ; il s'agit, en bref, de la régulation économique au service de la cohésion sociale.
La troisième partie du projet de loi est consacrée à la régulation de l'entreprise, et celle-ci constitue bien la cellule de base de la vie économique. Réguler le fonctionnement de la vie économique en favorisant l'équilibre des pouvoirs au sein de l'entreprise est donc une nécessité en soi. Mais c'est aussi une démarche qui vise à améliorer l'efficacité économique de l'entreprise.
Les administrateurs doivent être plus présents et davantage concernés par la stratégie de leur entreprise. Le pouvoir de direction de celle-ci doit être mieux réparti. Les actionnaires minoritaires doivent cesser d'être considérés comme quantité négligeable : ils doivent pouvoir jouer leur vrai rôle d'actionnaire.
En effet, les grands groupes économiques et financiers se développent et leurs actionnaires se multiplient. Cette évolution appelle la mise en oeuvre d'une démocratisation de ce que l'on peut appeler le « gouvernement » de l'entreprise. Il s'agit donc de rénover de mode de fonctionnement des sociétés commerciales comme celui des entreprises du secteur public.
Il nous faut par conséquent, mes chers collègues, rechercher un fonctionnement plus équilibré et plus transparent des organes dirigeants des entreprises faisant appel à l'épargne. Il faut assurer un meilleur équilibre des pouvoirs entre les organes dirigeants. La mission du conseil d'administration doit être clarifiée, de même que doivent être précisées les fonctions de président du conseil d'administration et de directeur général. Le cumul des mandats d'administrateur doit être limité. Les sociétés doivent se convertir à davantage de transparence, par exemple en matière de rémunération des mandataires sociaux. Le pouvoir des actionnaires minoritaires doit être renforcé grâce, notamment, à l'abaissement du seuil d'exercice de certains droits essentiels dans le domaine de la gestion.
Toutes ces dispositions, que le projet de loi qui nous est soumis nous permet d'envisager concrètement, devraient permettre aux différentes parties prenantes à la gestion de l'entreprise de mieux exercer leurs responsabilités, de participer davantage à l'élaboration de ses orientations stratégiques, de mieux contrôler ses activités, et tout cela pour le plus grand bien de l'entreprise comme de ceux qui y travaillent.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je me réjouis que le Parlement - aujourd'hui, le Sénat - ait à examiner toute une série de dispositions régulatrices qui constituent autant d'avancées. Elles seront suivies par d'autres mesures, découlant d'autres textes que nous aurons à connaître.
Ces dispositions traduisent notre capacité à adapter nos modes d'action aux évolutions de l'économie et de la société, afin de corriger les excès de la première et de rendre la seconde plus humaine.
Enfin, ces dispositions, pour nombreuses, précises et détaillées qu'elles soient, n'en relèvent pas moins d'une philosophie qui fait honneur à la gauche : la philosophie de la liberté, du contrat social, de l'équilibre, de l'égalité, de la solidarité et de la justice. Si je devais me risquer à résumer d'une formule cette philosophie qui est la nôtre et qui nous conduit à adhérer totalement à votre démarche, monsieur le ministre, je dirais ceci : c'est la liberté qui stimule, mais c'est la loi qui libère. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Huchon.
M. Jean Huchon. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous débattons aujourd'hui d'une question décisive pour l'avenir de notre économie. En effet, la mondialisation crée une situation qui se caractérise par la distorsion des revenus et des coûts, avec toutes les conséquences qui peuvent en découler.
Mes propos seront brefs et traiteront du problème posé par la grande distribution.
Très regroupées - elles sont cinq et font trembler une armée de petites et moyennes entreprises - les centrales d'achat, goulet d'étranglement du circuit marchand, commercialisent dans les faits plus de 90 % des produits alimentaires de notre pays.
On retire de la lecture du rapport parlementaire sur l'évolution de la distribution le sentiment que rien n'arrêtera le rouleau compresseur du grand commerce. Nous avons entendu tous les acteurs, grands distributeurs et fournisseurs, et nous avons constaté l'inégalité des situations : la grande distribution a acquis une telle puissance qu'elle écrase tout sur son passage, à l'exception peut-être de quelques multinationales capables de lui résister.
Les exemples sont nombreux dans la vie économique ; je prendrai celui du secteur des fruits et légumes, qui, en permanence, subit le sinistre de plein fouet. La profession se retourne alors vers le Gouvernement, afin qu'il sécurise la production des fruits et légumes en la réglementant et en moralisant les pratiques commerciales de la grande distribution, détentrice de 70 % de ce secteur du marché français.
Voilà des années que les producteurs de fruits et légumes travaillent à perte, qu'ils « vivotent », alors qu'ils constatent souvent un coefficient multiplicateur de dix entre le prix payé à l'exploitant et celui qu'ils voient au détail. On les maintient « sous perfusion » à coup d'aides.
Non seulement les coûts salariaux sont trop élevés, notamment les charges - ce qui est malheureusement propre à la France - mais la grande distribution est exigeante avec les producteurs, qui font pourtant des efforts considérables pour valoriser leur production et cherchent à offrir toujours plus de qualité, plus de traçabilité. Malheureusement, ils ne sont pas payés de retour et peuvent être balayés d'un revers de main par la grande distribution, et ce du jour au lendemain.
Le Gouvernement a-t-il réellement pris la mesure des enjeux ? Ses propositions, lors des assises du commerce et de la distribution, nous ont semblé bien tardives !
Dans leur rapport, les parlementaires font une analyse qui nous paraît lucide : la loi existe pour protéger les plus faibles ; cependant, il reste des failles, qui, au fil du temps, se transforment en canyons, dans lesquels s'engouffrent des milliards de francs. Tel est le cas des « marges arrières ». Ainsi, très souvent, les paiements au titre de la coopération commerciale ne correspondent plus à aucune réalité. Comment ne pas s'interroger, lorsque l'on sait que la réglementation existe mais est mal appliquée ? L' omerta - la loi du silence, respectée par les victimes de peur de représailles de la part de la grande distribution - ne suffit pas à expliquer le faible nombre des sanctions. Le secteur des fruits et légumes est le plus touché par ce déséquilibre.
Comment ne pas évoquer les pratiques commerciales de la grande distribution, que rend également possibles l'incapacité de la profession à s'organiser ? Pourtant, des organismes existent ; mais ils déçoivent les producteurs. Aujourd'hui, s'ajoute à cela la concurrence de l'hémisphère Sud : la Nouvelle-Zélande, le Chili, l'Argentine, entrent de plus en plus sur le marché européen et offrent notamment des fruits à coûts moindres et, malheureusement, sans être tenus au respect des normes imposées aux producteurs français. Là encore, les producteurs s'en remettent à l'Etat, puisque, contrairement aux autres secteurs de l'agriculture, le marché des fruits et légumes est totalement libre.
A défaut de lois réglementant leurs relations avec la grande distribution, les producteurs de fruits et légumes sont impatients de voir votée cette loi relative aux régulations économiques.
C'est donc sur les comportements qu'il faut intervenir, en définissant des règles du jeu claires et en en contrôlant la mise en oeuvre ; en reconnaissant la situation de dépendance économique par une sanction renforcée des abus ; en réaffirmant le rôle de l'Etat, qui doit pouvoir intervenir au nom de l'ordre public économique ; enfin, en développant une contractualisation, dans laquelle les producteurs doivent sinon reprendre l'initiative, du moins jouer tout leur rôle. A défaut, la pérennité de l'activité agricole et agroalimentaire, génératrice d'emplois dans un grand nombre de territoires, risque d'être affectée.
Si la loi Galland de juillet 1996 a éradiqué certaines pratiques, notamment la revente à perte - donc le discount pur et dur - les producteurs et les fournisseurs, en particulier les PME, se trouvent dans une situation de dépendance économique encore plus grande qu'hier du fait de la concentration d'une distribution qui, malheureusement, est en mesure d'imposer ses conditions.
Le véritable enjeu, au nom des intérêts bien compris de notre pays, n'est-il pas d'assurer d'abord une juste préservation des PME et des PMI, moteurs de la croissance économique ?
Jusqu'à ce jour, il a toujours été clair que les PME et PMI, « dominées », ne pouvaient pas se plaindre sans encourir le risque d'être « déréférencées ». C'est d'autant plus évident que la taille de l'entreprise fournisseur est plus petite.
Comment ne pas reconnaître l'effet dévastateur des regroupements et reclassements intervenant entre les enseignes de la grande distribution ? Trop longtemps, hélas, la puissance publique a feint de croire que les « ententes illicites » ne se rencontraient jamais que du seul côté des industriels, les dérapages de la grande distribution se trouvant pudiquement passés sous silence, en réalité au motif inavoué de mieux maîtriser l'inflation et de favoriser le pouvoir d'achat des consommateurs.
La grande distribution est un système féodal, sans contrepouvoir. Il n'est que temps aujourd'hui de faire cesser ces pratiques. Les producteurs se demandent vraiment s'il est encore possible de rester entrepreneur face à un tel pouvoir !
Ce que les producteurs-fournisseurs demandent - et nous les soutenons sur ce point - c'est que la coopération commerciale fictive soit rendue impossible ; que les pratiques rétroactives soient interdites ; que la compensation soit sanctionnée ; que la menace du déréférencement cesse d'être utilisée de façon arbitraire ; et, plus généralement, que la dépendance économique des fournisseurs ne soit pas exploitée de façon abusive. Dans le même temps, nous sommes convaincus que le dialogue interprofessionnel est également essentiel pour mettre un terme aux pratiques abusives et pour promouvoir les bons usages. Malheureusement, l'expérience nous montre que ce dialogue, qui repose sur le seul volontariat, n'aboutit pas ou ne donne naissance qu'à des accords qui sont contournés dès qu'ils sont conclus.
Avec mes collègues du groupe de l'Union centriste, je souhaite que le projet de loi soit amendé sur un certain nombre de points, notamment en ce qui concerne la commission d'examen des pratiques commerciales et sa composition ; les dispositions relatives au déréférencement brutal, qui doit être défini de façon plus précise ; la définition réglementaire des marques de distributeurs ; les délais de paiement ; enfin, l'ensemble des abus que nos talentueux rapporteurs ont évoqués.
Madame le secrétaire d'Etat, je vis au milieu de ces producteurs agricoles inquiets et désenchantés, de ces petites et moyennes entreprises du textile et de l'habillement, qui, tous, sont étouffés. Que ce sentiment d'étouffement ne se transforme pas en désespoir, avec toutes les conséquences qui peuvent en découler !
Mon voeu le plus cher est que ce projet de loi atteigne son objectif et ramène une sérénité qui n'aurait jamais dû disparaître. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Bourdin.
M. Joël Bourdin. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous discutons aujourd'hui du projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques.
Malgré la présence de l'adjectif « nouvelles », c'est un grand classique qui nous est proposé, comme l'ont rappelé nos excellents rapporteurs MM. Philippe Marini, Pierre Hérisson, Jean-Jacques Hyest et Jean Chérioux, puisque les sujets abordés sont disparates et mêlent droit boursier, droit financier, droit des sociétés, lutte contre le blanchiment de l'argent sale, distribution, concurrence, etc.
Il s'agit d'un texte d'opportunité, présenté sans véritable construction cohérente et relevant du patchwork législatif.
Il s'agit aussi d'un texte au parcours chaotique, surtout depuis le dernier remaniement ministériel : des amendements gouvernementaux ont été retirés, comme celui qui portait sur le « dégroupage » de France Télécom ; dans d'autres domaines, le Gouvernement hésite à engager les réformes - cela a été rappelé tout à l'heure par M. le ministre - comme celle des autorités de régulation ou celle du service bancaire de base. C'est donc notre commission des finances qui proposera, par voie d'amendement, la réforme de la COB !
La variété de ces thèmes explique que j'aie choisi de centrer mon propos sur la distribution, plus particulièrement la distribution des produits agricoles.
Le paysage dans lequel se déroulent les relations commerciales entre la grande distribution et ses fournisseurs a changé ; de nouvelles pratiques sont apparues, dont certaines ont eu des effets pervers qui appellent effectivement des modifications radicales.
Depuis la loi Galland de 1996, les relations entre les fournisseurs et la grande distribution ont connu de profondes évolutions. Nous constatons d'abord une accélération des concentrations, phénomène qui a bien été décrit tout à l'heure. Ainsi, dans le secteur de la distribution, les cinq premières centrales d'achat, qui représentaient 28 % des ventes en 1980, atteignent désormais la barre des 94 %.
Par ailleurs sont apparues des pratiques commerciales discriminatoires qui constituent de nouvelles formes d'abus de dépendance. Deux pratiques faussent gravement une relation commerciale équitable : il s'agit, d'une part, du phénomène dit de « marge arrière » et, d'autre part, des modalités d'élaboration des prix sur catalogue.
La « marge arrière » consiste pour le distributeur à faire payer au fournisseur une série de services qu'il est censé lui avoir rendus. Or, dans bien des cas, les avantages financiers sont perçus sans réelle contrepartie, ce qui porte préjudice tant aux consommateurs qu'aux acteurs économiques eux-mêmes. En effet, réduire la marge des fabricants ou des producteurs revient à limiter leur capacité à investir et à innover. Cela les conduit parfois tout simplement à constater une marge négative.
Une autre pratique provoque de graves distorsions au détriment des producteurs, celle des prix sur catalogue des fruits et légumes, qui est une véritable « monstruosité économique ». Nous en connaissons maintenant tous le mécanisme : en début de saison, les distributeurs annoncent à leurs clients, par des documents imprimés, des prix très bas établis pour toute la saison, au moment où les producteurs mettent sur le marché leur première récolte, qui est rare et qui est généralement chère. Une telle pratique oriente fictivement les prix à la baisse et pousse les producteurs dans leurs derniers retranchements, c'est-à-dire à la vente à perte. Dès lors, toute la filière de production subit les contrecoups de cette désorganisation.
Enfin, s'agissant du cas particulier du secteur des fruits et légumes, la crise de l'été 1999 et celle de l'été dernier pour la pêche et la nectarine ont clairement mis en lumière le déséquilibre des relations commerciales entre producteurs et distributeurs.
Nous devons tirer toutes les conséquences de ces crises en reconnaissant, d'abord, l'échec du double étiquetage mis en place en août 1999 et en prenant, ensuite, toutes les dispositions nécessaires pour que la crise de 1999 ne se reproduise pas. Je rappellerai que les pertes du secteur des fruits et légumes se sont élevées cette année à 1,1 milliard de francs.
Face à ces situations, vous concevrez aisément, mes chers collègues, qu'il est impératif de disposer d'un cadre législatif adapté. Notre objectif est de rééquilibrer les relations commerciales et de lutter contre des pratiques qui menacent des secteurs entiers de notre économie, au risque de les voir disparaître : le producteur doit pouvoir vivre correctement de la vente de ses produits.
Dans cette perspective, plusieurs aspects du projet de loi nous paraissent importants ; nous entendons les compléter par plusieurs amendements.
Premièrement, il faut encadrer les promotions pour les produits alimentaires périssables en subordonnant les annonces de prix à l'existence d'un accord interprofessionnel. Tel est l'objet de l'article 27 du projet de loi, qui permet, en outre, d'encourager les négociations interprofessionnelles.
Deuxièmement, j'apporte mon soutien à l'amendement de notre collègue M. Hérisson, qui vise à mieux encadrer la coopération commerciale pour remédier aux « marges arrière ».
Troisièmement, nous devons veiller à ce que les informations données sur les produits soient claires et rigoureuses, afin que le consommateur puisse faire son choix en toute connaissance. A ce titre, nous sommes favorables à une définition précise, par décret, du concept d'« agriculture raisonnée ».
Dans le même ordre d'idées, il est nécessaire de s'assurer de la lisibilité des différents labels et appellations permettant d'identifier une production de qualité : le producteur et le consommateur n'ont rien à gagner à la confusion des informations et des sigles. C'est pourquoi, dans le droit-fil de la proposition de notre collègue Michel Pelchat, au nom du groupe des Républicains et Indépendants, nous souhaitons que l'appellation « chocolat pur beurre de cacao » soit exclusivement réservée au chocolat produit avec des fèves de cacaoyer, sans adjonction de matière grasse de substitution.
MM. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis, et Jean-Patrick Courtois. Très bien !
M. Joël Bourdin. Parallèlement, nous devons veiller à ce que les marques de distributeurs n'annihilent pas les mentions valorisantes propres aux signes officiels de qualité qui sont appliqués à des modes de production spécifiquement agricoles.
Enfin, dans certains cas, les producteurs doivent être protégés. Ainsi, il est important de préciser les conditions de rupture d'une relation commerciale, en particulier par un préavis non seulement écrit mais motivé.
De même, le rapport présenté par la commission d'examen des pratiques commerciales ne doit pas être un simple rapport descriptif, il faut qu'il puisse contenir des recommandations ; son utilité réside dans l'identification rapide des dérives et dans la proposition de solutions pour y remédier.
Pour conclure, le volet « distribution » de ce projet de loi demeure modeste, surtout au regard des ambitions affichées à l'automne dernier par le Gouvernement, avant la tenue des assises du commerce et de la distribution.
Nous devons, certes, assainir certaines pratiques commerciales, et nous faisons d'ailleurs des propositions dans ce sens. Nous devons aussi sécuriser certaines productions agricoles qui paient très cher des conditions de distribution draconiennes. Nous devons, au total, corriger l'asymétrie des relations entre producteurs et distributeurs lorsque le déséquilibre est tel qu'il porte préjudice à l'une des parties.
Cependant, nous devons garder à l'esprit la signification du mot « régulation ». Selon le Robert , la régulation est « le fait de maintenir en équilibre, d'assurer le fonctionnement correct », en l'occurrence du marché.
Nous devons donc veiller à ce que les tentations apparemment irrépressibles de la majorité plurielle ne la conduisent insidieusement à un retour au dirigisme économique et à la multiplication des réglementations. Bien au contraire, il nous semble que la responsabilisation des acteurs, la négociation et la contractualisation doivent primer.
En conséquence, le groupe des Républicains et Indépendants adopterea ce texte tel qu'il sera amendé par le Sénat.
Je terminerai mon propos en formulant deux recommandations.
Tout d'abord, s'il faut modifier la loi ; nous y sommes prêts. Il faut aussi que le Gouvernement ait le courage d'engager, en partenariat avec les acteurs économiques, la réforme de certaines filières, car seuls des producteurs forts et organisés pourront se défendre collectivement avec efficacité.
Ensuite, le Gouvernement doit se donner les moyens d'un contrôle rigoureux, qui permette de sanctionner rapidement les dérives, car il est préférable d'appliquer totalement les textes en vigueur plutôt que d'envisager un nouveau texte plus contraignant. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Courtois.
M. Jean-Patrick Courtois. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, adopté en conseil des ministres au mois de mars dernier, le projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques est soumis au Sénat six mois après son examen par l'Assemblée nationale.
M. Philippe Marini, rapporteur. L'urgence !
M. Jean-Patrick Courtois. Le caractère particulièrement « serré » de l'emploi du temps parlementaire jusqu'à la fin de l'année 2000, ajouté au calendrier électoral du premier trimestre de l'année 2001, fait que ce projet de loi sera promulgué près d'un an après le début de son examen. Voilà qui relativise considérablement la déclaration d'urgence faite par le Gouvernement !
M. Philippe Marini, rapporteur. Certes !
M. Jean-Patrick Courtois. Avec M. le président du Sénat et M. le rapporteur général, que nous félicitons vivement de la qualité de son travail et de la précision de son rapport, nous regrettons une certaine banalisation de la procédure d'urgence. Agir ainsi, c'est, de la part du Gouvernement, donner l'illustration d'une volonté de ne pas laisser la réflexion parlementaire aller à son terme.
M. Philippe Marini, rapporteur. Effectivement ! M. Jean-Patrick Courtois. Ce projet de loi est le reflet assez fidèle de la politique menée en matière économique par le Gouvernement : une politique au fil de l'eau, sans réelles priorités définies.
Il faut rappeler les conditions dans lesquelles est apparu ce texte. Voilà plus d'un an, le 13 septembre 1999, le Premier ministre vint déclarer au journal télévisé du soir : « Il ne faut pas attendre tout de l'Etat et du Gouvernement. Ce n'est pas par la loi, par les textes, que l'on va réguler l'économie »,...
M. Philippe Marini, rapporteur. Il avait raison !
M. Jean-Patrick Courtois. ... ou « administrer l'économie » puisqu'il paraît que le Premier ministre avait commis un lapsus en utilisant le mot « réguler ».
D'ailleurs, la nuance entre les termes « réguler » et « administrer » est si subtile qu'elle a même échappé au ministère de l'économie, qui a utilisé le terme « régulations » dans l'intitulé du projet de loi. Peut-être le Gouvernement proposera-t-il au Sénat un amendement tendant à remplacer le mot « régulations » par le mot « administrations », afin de se conformer à l'exacte pensée du Premier ministre.
M. Philippe Marini, rapporteur. Pensée qui évolue !
M. Jean-Patrick Courtois. En tout état de cause, quel aveu pour les tenants d'une politique keynésienne et quelle tempête dans les rangs de la majorité plurielle, où certains se sont même laissés aller à dénoncer « la dérive libérale du Gouvernement » !
Afin de rendre quelques couleurs à sa majorité abasourdie, le Premier ministre annonçait quelques jours plus tard le dépôt d'un projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques, qui se voulait être l'arme absolue contre la mondialisation, le capitalisme et le libéralisme. Quel programme ! Mais quelle déception lorsque le dispositif du projet de loi fut rendu public ! La bonne dénomination de ce texte, nous la devons à M. le rapporteur, et je la reprends bien volontiers à mon compte : il s'agit non pas de régulations économiques, mais de diverses dispositions d'ordre économique, juridique, comptable et financier, qui devront être examinées comme telles.
Certes, de nombreuses dispositions de ce texte auront pour effet d'accentuer la mainmise de la sphère publique sur les relations entre personnes privées, qu'elles soient commerciales, financières ou contractuelles. C'est à cette dérive que nous opposerons notre foi dans l'homme, plutôt que dans l'Etat omniprésent et omnipotent. Les amendements que présenteront les collègues de mon groupe seront tous empreints de cette certitude : en économie, la liberté est toujours préférable à la contrainte, et la souplesse à la rigidité.
La bonne approche de la notion de régulation économique concilie la loi et la liberté de choix des acteurs. Le mode naturel et légitime d'intervention des pouvoirs publics est la loi. C'est à l'Etat et aux organismes de contrôle compétents de veiller à sa totale application. Pourtant, il ne s'agit pas pour l'Etat de fixer les moindres détails. Il convient de laisser une marge de liberté aux acteurs économiques, d'encadrer les choix, et non de les imposer. La loi ne doit pas augurer le choix qui sera finalement effectué par les acteurs économiques.
S'il est une critique qui peut être faite à ce texte, c'est son absence de dimension internationale. Le Gouvernement s'enferme dans une vision franco-française de l'économie,...
M. Philippe Marini, rapporteur. Effectivement.
M. Jean-Patrick Courtois. ... alors que celle-ci est complètement ouverte sur l'extérieur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Absolument !
M. Jean-Patrick Courtois. Faute d'avoir déterminé précisément le champ ouvert à une régulation nationale et celui qui nécessite une coordination européenne, le Gouvernement cantonne son projet de loi dans des domaines où la régulation seulement nationale est totalement inefficace et, le plus souvent, contre-productive.
L'autre erreur commise par le Gouvernement est d'avoir limité son texte aux seules grandes entreprises, alors que sur 2,3 millions d'entreprises, plus de deux millions sont des petites et moyennes entreprises. Cultivant une méfiance à l'égard du monde de l'entreprise, la majorité plurielle tente de lever l'une contre l'autre l'entreprise vue comme une égoïste créatrice de valeurs et la société dans son ensemble. Cette diabolisation de l'entreprise permet, par ailleurs, de mettre en permanence les entreprises à contribution à l'occasion des majorations d'impôts et de charges, si nombreuses depuis trois ans.
L'Etat aurait été dans son rôle de régulateur si le Gouvernement avait initié la profonde réforme du droit des sociétés qui est nécessaire pour nos entreprises, tout particulièrement pour les plus petites d'entre elles. Il convient, dans ce cadre, de rapprocher les différentes formes de sociétés françaises des modèles européens existants ; on pense ici, bien sûr, à la SARL française, dont le statut devrait être rapproché de celui de la GmbH allemande, ou à la nécessité de donner un véritable statut juridique aux groupes.
M. Philippe Marini, rapporteur. Très bien !
M. Jean-Patrick Courtois. Mais aucune réforme ambitieuse n'est soumise à l'examen du Parlement, alors même que le temps joue contre la compétitivitié de nos entreprises vis-à-vis de celles de nos voisins.
Dans la partie relative à la régulation financière, les dispositions relatives au déroulement des offres publiques d'achat ou d'échange ont retenu toute notre attention. Il est incompréhensible que le Gouvernement et sa majorité aient décidé d'introduire des notions relevant du droit du travail dans un domaine du droit boursier.
M. Philippe Marini, rapporteur. Absolument !
M. Jean-Patrick Courtois. Il en va ainsi de la privation des droits de vote rattachés aux actions, lorsque l'auteur de l'OPA ou de l'OPE refuse de répondre à l'invitation du comité d'entreprise à venir expliquer sa stratégie. Il s'agit d'une atteinte évidente au droit de propriété, qu'il convient de dénoncer. Notre groupe, qui a déposé un amendement visant à supprimer ce dispositif, la dénoncera. Cette disposition du projet de loi illustre la méconnaissance de l'entreprise par le Gouvernement. En effet, pour qu'une OPA fonctionne, l'attaquant a tout intérêt à aller devant le comité d'entreprise et à dévoiler clairement ses objectifs et ses projets.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation. Oh non !
M. Jean-Patrick Courtois. Cette attitude a d'ailleurs été adoptée par le président de la BNP au moment des offres sur Paribas et la Société Générale.
Avant que s'entame la première lecture devant le Sénat, la partie du projet de loi relative au droit boursier revêtait une véritable curiosité : les vrais problèmes n'y étaient pas traités. Ainsi, la multiplicité des organismes de régulation dans le domaine financier n'aurait sans doute pas fait l'objet d'un amendement de fusion des organismes par le Gouvernement devant le Sénat, après son silence devant les députés, si le rapporteur générale de notre commission des finances n'avait tenu à analyser le problème et à formuler des solutions dans son rapport.
Sur le problème de la lutte contre le blanchiment des capitaux, nous ne pouvons qu'approuver les principes, mais nous rejetons les moyens proposés par le Gouvernement, dont l'efficacité et la portée peuvent être mises en cause.
Les propositions qui nous seront exposées par notre commission des finances, inspirées par son récent rapport relatif à un nouvel ordre financier mondial, recevront notre total soutien. Il nous semble, à ce sujet, que la démarche du Sénat soit beaucoup plus constructive que celle qui a été adoptée par la majorité de l'Assemblée nationale.
Pour ce qui est des relations commerciales et de la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles, ce projet de loi est l'occasion pour le Gouvernement de procéder à une « reréglementation », notamment par le renforcement de certaines prérogatives du pouvoir exécutif et de l'administration. Les difficultés qui existent entre les distributeurs et les producteurs ne seront pas résolus par un alourdissement des mesures d'encadrement administratif. Au contraire, ce type de mesures est, à l'évidence, à l'origine de la multiplication des approvisionnements de la grande distribution hors de France.
M. Philippe Marini, rapporteur. C'est vrai !
M. Jean-Patrick Courtois. A cet alourdissement, il convient d'ajouter les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale qui, pour les unes, seront inapplicables et, pour les autres, sont contraires à notre droit.
Un certain nombre d'amendements que nous présenterons tendront à remédier à ces défauts de conception. Nos propositions marqueront notre différence d'approche avec celle qu'a choisie le Gouvernement. Pour ce dernier, le seul objectif est le renforcement de la zone d'influence de la sphère publique dans des relations entre acteurs privés. A l'inverse, notre démarche consiste à regretter cette immixtion permanente.
Un autre exemple illustre bien cette différence de conception : les relations entre production et distribution ont déjà fait l'objet d'un empilage d'une multitude de textes sans que l'on soit parvenu à un résultat réellement satisfaisant. La solution prônée par le Gouvernement est d'ajouter un nouvel étage à l'édifice, au risque d'ailleurs de le fragiliser un peu plus. C'est la conséquence d'une vision quelque peu déséquilibrée des relations commerciales, dans lesquelles le Gouvernement s'obstine à vouloir faire de l'autorité publique le centre de tout.
Notre groupe partage l'analyse développée par le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, que nous tenons à féliciter de la clarté de ses propositions. Ce n'est pas le rôle du législateur de remettre en cause le principe de la coopération commerciale qui relève par nature de la libre négociation contractuelle, même si c'est à lui de s'assurer que c'est dans le cadre qu'il a déterminé que celle-ci s'inscrit.
Par ailleurs, nous revendiquons la transparence des relations contractuelles entre distributeurs et fournisseurs. Or la multiplication des règles ne constitue en aucun cas l'assurance que cet objectif de transparence soit plus facilement atteint ; c'est peut-être même le contraire.
Notre groupe manifeste une certaine inquiétude au regard de la trop grande sollicitude manifestée par le Gouvernement à l'égard des entreprises dans la troisième partie du projet de loi. Le Gouvernement a manifesté des intentions plutôt positives en souhaitant assurer une place plus prépondérante à la notion de « gouvernement des entreprises » dans le droit des sociétés. Malheureusement, sans vision d'ensemble du droit des sociétés, nous en sommes restés, au pire, au stade des intentions ou, au mieux, à celui de l'impression de réforme.
Dans ces conditions, nous ne pouvons que regretter que le Gouvernement n'ait pas nourri sa réflexion et son analyse à la meilleure source, en prenant en considération les travaux effectués en 1996, à la demande du Premier ministre, par le rapporteur général de notre commission des finances, sur la modernisation du droit des sociétés. Comme le rapporteur de la commission des lois du Sénat, comment ne pas regretter l'absence de cohérence d'une politique qui consiste à modifier le droit des sociétés par petites touches dans des textes disparates et sans unité ?
Le groupe du RPR proposera la suppression de l'article 55 A prévoyant l'attribution de droit d'une action au comité d'entreprise, étant donné son caractère juridiquement approximatif et inutile au regard des pouvoirs déjà détenus par le comité d'entreprise.
Sur le sujet délicat de la limitation du cumul des mandats, notre groupe s'en remettra aux solutions équilibrées proposées par nos rapporteurs.
Enfin, nous ne pouvons que déplorer les conditions dans lesquelles a été modifié le régime fiscal applicable aux stock-options. Il convient donc de soutenir les propositions de la commission des finances tant sur le délai d'indisponibilité que sur les taux d'imposition récemment aggravés par le Gouvernement.
Finalement, ce projet de loi n'est à la hauteur ni des promesses du Premier ministre ni des enjeux propres aux domaines qu'il prétend réformer.
Paradoxalement, le rôle des salariés dans les entreprises n'est pas clarifié. Le texte adopté par l'Assemblée nationale manque à la fois d'ambition et de souffle. C'est à cette tâche qu'il convient maintenant de s'atteler pour apporter à notre économie les conditions d'un développement harmonieux, à l'abri des à-coups des réglementations successives.
Telles sont toutes les raisons pour lesquelles le groupe du Rassemblement pour la République apportera son soutien aux propositions des rapporteurs et restera attentif au sort qui sera réservé aux siennes. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd'hui, très médiatisé lors de son passage à l'Assemblée nationale, était attendu par l'opinion publique. Et pour cause ! Il avait pour objectif, selon l'aveu de M. le Premier ministre, de résoudre des situations telles que l'« affaire Michelin ».
Sans anticiper sur les propos de mon collègue Paul Loridant, je rappellerai brièvement les faits. En septembre 1999, la société Michelin affiche des bénéfices en hausse de 22 % et, quasiment dans le même temps, son président-directeur général annonce un plan dit « social » se traduisant par 7 500 licenciements. A l'annonce de ces licenciements, le cours de l'action Michelin s'envole. L'émotion et la colère des salariés de cette entreprise et, plus largement, de nos concitoyens qui se sont exprimés alors étaient légitimes.
Comment ne pas se sentir révolté ou tout du moins désappointé par la brutalité de cette réalité ?
Dans le même esprit, comment ne pas se sentir frustré ou, tout du moins, déçu par le texte que nous examinons aujourd'hui et qui devait apporter une solution à ce type de situations ?
Nous apprécions incontestablement un certain nombre de dispositions que ce projet de loi prévoit. Le groupe communiste républicain et citoyen ne manquera d'ailleurs pas de soutenir toutes les mesures lui semblant aller dans le bon sens. Pour autant, nous regrettons que ce texte, après avoir fait l'objet d'annonces éminemment politiques, manque singulièrement d'ambition politique et d'efficacité.
En fait, de quoi est-il question ? Il s'agit d'un toilettage de mesures existantes. Le Gouvernement procède à une actualisation et à une réglementation des relations contractuelles ou conflictuelles qui ont cours dans les stratégies d'entreprises sans rien remettre en cause de l'architecture actuelle. Il légitime les mouvements de capitaux, même s'ils se révèlent contraires à l'intérêt général. Sans tenter de les limiter significativement, il rend plus strictes les modalités de fusion, de concentration, afin de lutter contre les concurrences déloyales ou le blanchiment de l'argent sale.
Enfin, il rend le statut des entreprises plus collégial, à défaut de le rendre démocratique, en respectant mieux les droits des petits actionnaires mais en restant muet sur les droits à accorder aux salariés, qu'ils soient actionnaires ou non.
Force est de constater que ce texte ne répond pas à l'ambition initiale qui avait guidé sa rédaction.
Les illustrations de ce fait sont nombreuses. En effet, qu'est-ce que la consultation de la COB, la Commission des opérations de bourse, et du CECEI, le comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement, proposée par ce texte, aurait changé à la captation du Crédit commercial de France par la HSBC, la Hong Kong and Shangai Banking Corporation ?
Quels effets cette loi aurait-elle eu sur des mouvements de concentration tels que ceux qui ont été opérés par Renault et Nissan, TotalFina et Elf ou la BNP et Paribas
Quels outils présentés dans ce projet de loi sont-ils de nature à lutter contre le mouvement des capitaux, qui, par leurs combinaisons réussies ou non, défavorisent des populations considérables ?
Se dégage-t-il de ce texte la volonté de créer une autorité politique capable de faire valoir une incompatibilité entre ces procédés et la politique monétaire, financière, sociale de la France ?
A toutes ces questions, nous sommes dans l'obligation de répondre par la négative.
Nous ne sous-estimons pas le travail accompli par l'Assemblée nationale, qui, d'ailleurs, a quelque peu amélioré les dispositions proposées : c'est d'ailleurs pourquoi nous soutiendrons, si elles sont mises en débat, un certain nombre de mesures positives.
Toutefois, et de façon plus fondamentale, nous regrettons que la logique de financiarisation de l'économie, avec toutes ses conséquences négatives sur l'économie réelle, ne soit pas contestée dans la philosophie et les dispositions mêmes du projet. Comme nos collègues communistes de l'Assemblée nationale, nous analysons ce texte comme une adaptation à la logique spéculative, à la croissance fictive qui se développe de manière irrationnelle, à la multiplication des bulles financières qui aspirent la substance monétaire au détriment des activités sociales, économiques, écologiques et humaines, qui sont pourtant l'expression de la vraie vie.
Nous attendions l'esquisse d'une autre construction économique et financière, transformant qualitativement notre façon de produire, répartissant les richesses et partageant les pouvoirs, au service d'un développement dynamique, solidaire, dans le cadre d'une mondialisation tenant compte de la diversité des cultures et des territoires.
En résumé, nous souhaitions rompre avec la logique de guerre économique qui domine aujourd'hui et se traduit par une concurrence sauvage, exacerbée par l'économie virtuelle, cette économie qui serait la seule capable de nous faire entrer dans la modernité, et ce malgré les conséquences désastreuses que nous observons chaque jour.
Les parlementaires communistes appellent de leurs voeux des réformes structurelles. Bien entendu, ces réformes nécessitent ambition, courage politique et aussi inventivité. Mais les points d'appui ne manquent pas pour y parvenir.
En effet, des organisations comme la coordination pour un contrôle citoyen de l'Organisation mondiale du commerce ou celles qui sont présentes à Seattle, à Boston ou à Washington se font jour. Elles réfléchissent, proposent et agissent. Elles souhaitent, elles aussi, de nouvelles lois de régulation, fondées sur un contrôle démocratique des ressources, le respect des écosystèmes, l'égalité, la coopération et le principe de précaution.
Permettez-moi de développer quelques-unes de nos propositions qui prendront la forme d'amendements que le groupe communiste républicain et citoyen vous présentera au fil des articles.
Tout d'abord, nous présenterons une série d'amendements cosignés avec d'autres collègues, membres du groupe parlementaire ATTAC. L'amendement le plus important vise bien entendu à mettre en oeuvre la taxe Tobin sur les flux transnationaux de capitaux. Mais un certain nombre de ces amendements portent également sur le renforcement de la lutte contre les paradis fiscaux et le blanchiment des produits du trafic des stupéfiants et de l'activité des organisations criminelles.
Je citerai enfin, s'agissant de cette série d'amendements, ceux qui tendent au rétablissement du droit de timbre et de l'impôt de bourse dont sont exonérées les opérations effectuées par des investisseurs non résidents. En effet, cet impôt de bourse, supprimé par M. Balladur en 1993, pourrait faire figure de mini-taxe Tobin, car il ne porte que sur le marché des actions et non sur celui des changes. Je rappelle que cet impôt est appliqué aux résidents et que, s'il était élargi aux non-résidents au même taux, c'est-à-dire 0,15 %,...
M. Philippe Marini, rapporteur. Ils iraient ailleurs !
Mme Odette Terrade. ... il rapporterait 18 milliards de francs par an.
M. Philippe Marini, rapporteur. Mais non ! Cela ne rapporterait rien !
Mme Odette Terrade. Cette somme est dérisoire par rapport au rendement de la bourse de Paris, qui a augmenté de 52 %, en 1999 !
Il suffirait de porter cet impôt à 1 % pour que 120 milliards de francs soient collectés.
M. Philippe Marini, rapporteur. Mais non !
Mme Odette Terrade. Avouez qu'amputer de 1 % les opérations boursières, qui portent chaque année sur 12 000 milliards de francs, ne mettrait pas les actionnaires sur la paille !
M. Philippe Marini, rapporteur. C'est une illusion complète !
Mme Odette Terrade. Cette disposition pourrait également contribuer à instaurer plus d'équité fiscale entre souscripteurs et permettrait ainsi de s'attaquer à la part toujours plus grande qu'occupent les placements venant de l'étranger.
Toujours dans la première partie de ce projet de loi, relative aux régulations financières, nous proposerons des dispositions s'attaquant aux spéculations abusives afin de contenir la croissance financière lorsqu'elle ne s'appuie pas sur celle de l'économie réelle.
S'agissant des offres publiques d'achat, les OPA, et des offres publics d'échanges, les OPE, nous sommes très attachés à offrir aux salariés et à leurs représentants des droits nouveaux leur permettant d'être informés, mais également de prendre une part plus active dans les décisions, en particulier lors d'OPA, d'OPE, de fusions, d'absorptions, de concentrations et lorsque l'emploi est en jeu.
Concernant la lutte contre le blanchiment de l'argent, nous notons positivement les améliorations proposées par le texte, notamment après son passage à l'Assemblée nationale. Il était urgent de s'attaquer à ce problème car, je le rappelle, selon le Fonds monétaire international, le blanchiment représenterait 1 000 milliards d'euros.
Nous proposerons trois amendements lors de l'examen de ce titre. Le premier vise à impliquer l'ensemble des membres des professions juridiques indépendantes qui participent, dans le cadre de leur profession, à la conception ou à la réalisation de transactions de blanchiment de capitaux provenant du trafic des stupéfiants.
Nos deux autres amendements visent à étendre les sanctions aux centres financiers off shore, aux paradis fiscaux et autres zones de non-droit.
La deuxième partie de ce projet de loi concerne la régulation de la concurrence.
La domination qu'exerce aujourd'hui les distributeurs tant sur les PME du secteur industriel ou agro-alimentaire que sur les consommateurs au travers de l'abaissement des critères de qualité démontre combien il est nécessaire de favoriser l'émergence de nouvelles relations entre producteurs et distributeurs.
Cette problématique est d'ailleurs similaire dans les domaines de la production intellectuelle et artistique. C'est pourquoi nous présenterons un amendement visant à interdire les offres d'accès illimité aux cinémas appartenant à des entreprises réalisant plus de 0,5 % des entrées sur le territoire métropolitain, comme UGC l'a fait au détriment des petites salles, qu'elles soient d'art ou d'essai, ou dans les zones rurales.
On assiste aujourd'hui à de larges mouvements de restructuration et de concentration qui affectent le bon fonctionnement de la concurrence, l'équilibre des relations entre les entreprises et, par voie de conséquence, les prix et l'emploi.
Dans le secteur de l'agro-alimentaire, on assiste au diktat des groupes d'achat qui écrase les petits producteurs. L'offre d'un bas prix pour les consommateurs ne doit pas servir d'alibi à ces pratiques déloyales qui menacent nos producteurs. La préoccupation des cinq centrales d'achat qui distribuent à elles seules 93,60 % des produits alimentaires dans notre pays est, n'en doutons pas, exclusivement financière.
Le groupe communiste républicain et citoyen souhaite confirmer l'ordonnance de 1986 qui donne la possibilité au Gouvernement d'agir sur les prix agricoles en cas de crise.
Nous souhaitons également que le rôle du conseil de la concurrence soit étendu en élargissant son champ de compétences aux opérations de concentration. Ces opérations nous semblent d'ailleurs devoir faire l'objet de plus grands contrôles, notamment par leur notification au ministre chargé de l'économie.
Enfin, la troisième partie du projet de loi dont nous discutons aujourd'hui est relative à la régulation de l'entreprise.
Là encore, madame la secrétaire d'Etat, nous restons sur notre faim.
Conformément aux objectifs affichés par M. Jospin, nous aurions souhaité que vous nous proposiez un dispositif interdisant aux entreprises réalisant des bénéfices substantiels de procéder à des plans dits « sociaux ». Je me permets de souligner qu'aux dégâts sociaux que de telles opérations produisent s'ajoute un pillage éhonté des fonds publics. En effet, ces plans appelés « sociaux » sont souvent réalisés alors que ces mêmes entreprises reçoivent de l'argent public au nom de l'emploi.
A cet égard, je rappelle que le groupe communiste républicain et citoyen a déposé une proposition de loi relative à la constitution d'une commission de contrôle des fonds publics accordés aux entreprises.
S'agissant des stocks-options, nous pensons qu'il est indispensable de clarifier leur régime fiscal, en considérant leur caractère anti-économique au regard de l'économie réelle.
Comme pour la sphère politique, la volonté du projet de loi de limiter le cumul des mandats dans les entreprises a beaucoup été commentée. Nous pensons qu'il convient de mieux dissocier les pouvoirs dans toutes les entreprises. Une présence significative des salariés dans tous les lieux de décision, y compris au conseil d'administration, nous semble nécessaire.
Avant de conclure, je voudrais dire quelques mots sur les modifications apportées par les différentes commissions saisies, en particulier la commission des finances.
Lorsque l'on parle de nouvelles régulations économiques, certains, tels MM. les rapporteurs, tirent de cette définition un sens particulier. Pour eux, cela signifie que l'on accepte comme indépassables, indiscutables « l'économie ultra-libérale » et son cortège de ravages et que, dès lors, toute mesure de caractère législatif est directement liée à la seule adaptation de la société à ces modalités de fonctionnement économique !
Dans son essence, le présent projet de loi peut donc tout à fait convenir à la majorité sénatoriale, qui retrouve là une partie de ses préoccupations. C'est le cas pour la modernisation du droit des sociétés qui procède du mode de fonctionnement des entreprises anglo-saxonnes. C'est également le cas pour la place particulière des autorités indépendantes ou professionnelles dans le contrôle de telle ou telle activité et donc pour la dissolution du rôle de l'Etat, du politique, du « démocratique élu » au bénéfice d'organismes tendant à définir entre « initiés » les règles du jeu. C'est certainement là la vision de la « liberté par rapport à la contrainte », citée par l'orateur précédent.
Mais cette démarche trouve tout de même quelques limites : ainsi, une forte volonté de lutter contre l'argent sale est affichée. On s'interroge aussi sur l'intentionnalité du délit.
De même, chers collègues de la majorité sénatoriale, vous appelez de vos voeux la gouvernance d'entreprise et le renforcement des pouvoirs de l'assemblée générale des actionnaires, mais, surtout, vous souhaitez réduire la portée de l'intervention des instances de représentation du personnel et vous vous montrez plus que réservés lorsqu'il s'agit de transparence de la rémunération des dirigeants...
Les parlementaires communistes républicains et citoyens ne se satisfont pas, quant à eux, du fonctionnement actuel de l'économie de marché. Et ce texte, qui ne vise qu'à en corriger les effets les plus négatifs, ne peut remporter notre totale approbation !
Nous pensons qu'un autre fonctionnement de notre économie est possible. J'ai tenté, à l'aide de la série de propositions que je viens d'énoncer, d'en tracer une ébauche. L'adoption des amendements du groupe communiste républicain et citoyen permettrait de répondre aux attentes de nombre de nos concitoyens, qui aspirent tout comme nous à l'inversion de la logique dominante. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur celles du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques, proposé aujourd'hui à l'examen du Sénat, est d'un grand intérêt par la variété des sujets abordés et par le souci de moralisation des pratiques financières qui l'inspire.
Plusieurs niveaux d'intervention caractérisent les mesures qu'il contient.
Tout d'abord, ce projet intervient après de nombreux débats sur la nécessité de fixer des règles dans l'organisation et le fonctionnement des systèmes fondés sur l'actionnariat.
Il vise, ensuite, à pallier les lacunes juridiques dans la nébuleuse des liens douteux entre l'argent sale et les circuits financiers.
Enfin, il prend en compte l'existence de déséquilibres profonds entre certaines catégories de partenaires économiques.
A un moment où notre pays redécouvre régulièrement que certaines sphères économiques n'ont d'autre règle que celle du plus fort et que la croissance et les bénéfices toujours plus importants des grandes entreprises n'empêchent ni les licenciements massifs ni les politiques de délocalisation, ce projet arrive donc à point.
Il nous donnera, je l'espère, l'occasion d'exprimer la primauté du politique sur l'économique dans l'élaboration des grandes orientations de tout projet de société : comment rester de marbre, mes chers collègues, face aux exigences de certains actionnaires dans leur soif toujours plus insatiable de bénéfices, comment demeurer inerte face aux pratiques commerciales déloyales, hélas trop courantes, où le plus fort a le dernier mot ?
Le projet de loi qui nous est proposé permet une meilleure appréhension du phénomène de la déréglementation et de l'abus de position dominante auxquels il convient d'apporter des limites.
Ainsi, dans le droit-fil de ce projet de loi, le moment est venu d'instituer une taxe sur les mouvements de capitaux spéculatifs, destinée à lutter contre leurs incidences négatives qui aboutissent le plus souvent à des crises économiques graves.
Cette taxe serait due par les établissements de crédit et par les entreprises d'investissement. Ses modalités d'établissement, de liquidation et de recouvrement seraient identiques à celles qui sont prévues pour les prélèvements sur les produits de placement à revenu fixe ; nombre de nos collègues soutiendront d'ailleurs avec moi cette idée. Sans vouloir m'attarder sur les détails, les débats qui suivront la fin de la discussion générale ne manqueront pas de souligner le bien-fondé de toute disposition visant à s'opposer aux mouvements anarchiques de vente et d'achat de capitaux à caractère spéculatif.
Dans le même esprit, et après avoir approuvé les grandes orientations de ce texte, j'aimerais apporter modestement ma pierre à l'édification d'un nouvel ensemble de règles dans le domaine bancaire.
Mes chers collègues, il faut bien en convenir : l'accession de toutes les couches de la population aux services bancaires de base n'est plus aujourd'hui réalisée, alors qu'il s'agit d'un élément constitutif de la citoyenneté. Les chiffres actuels sont éloquents : 5 à 6 millions de Français sont exclus du système bancaire, et ces chiffres ne font que croître. Cette croissance est d'autant plus choquante et injuste que les résultats financiers des principales banques françaises ne cessent de progresser.
C'est pourquoi, fort de ces constatations, j'ai déposé un certain nombre d'amendements tendant à instaurer un service universel bancaire gratuit garantissant une gamme complète de prestations de base. En effet, ce service universel bancaire s'adresserait à tous les usagers, sans exception, y compris aux petits revenus. Par le truchement d'un fonds de compensation, se mettrait en place un mécanisme financier capable d'inciter tous types d'établissements à élargir leur clientèle, ce qui encouragerait une meilleure implantation territoriale et un accès facilité pour les personnes les plus démunies.
M. Jean-Marc Pastor. Très bien !
M. Gérard Delfau. Je sais que cette idée d'un service universel de base gratuit et ouvert à tous fait l'objet d'un grand nombre d'amendements, provenant de tous les groupes de notre Haute Assemblée.
Le débat devra, pourtant, clarifier la position de chacun sur un point crucial : comment ce service sera-t-il financé ? Nos collègues de la majorité sénatoriale envisagent-ils, pour être plus précis, que ce coût soit financé par une tarification des chèques, mesure impopulaire ?
M. Henri de Raincourt. Oh non !
M. Gérard Delfau. Si oui, pourquoi ne le disent-ils pas ?
Ou alors s'agira-t-il d'une surfacturation des autres services, ce qui pèserait lourdement sur les usagers les moins fortunés ?
Il est du devoir du législateur d'assumer la responsabilité de ses choix et de dire qui, in fine , paiera la note.
C'est en raison de cette objection que j'ai prévu un amendement de repli créant des comptes sécurisés destinés à réintégrer les quelques millions de Français exclus du système bancaire. Je propose, à cet effet - m'appliquant ainsi la règle que je viens d'édicter - un mode de financement à partir d'un fonds de compensation alimenté par une taxe fiscale.
L'intérêt de cette méthode est de choisir une cible plus restreinte, dont le coût serait infiniment moins élevé ; et d'inciter fermement l'ensemble du système bancaire à prendre en charge tous les citoyens, quels que soient leurs revenus, et tout le territoire, y compris les zones rurales et les quartiers urbains sensibles.
Le Sénat n'échappera pas à ces questions. Il ne peut espérer résoudre par un texte si vague des problèmes qui concernent des millions de personnes et qui sont, chacun d'entre nous le sait, si sensibles dans l'opinion publique.
Il serait, enfin, souhaitable que ce service bancaire de base garantisse l'accès à des prêts à vocation sociale et à des prêts d'honneur pour la création d'entreprise. Je présenterai aussi des propositions à ce sujet.
De même faut-il revoir, je le dis au passage, la loi de 1991 qui frappe les émissions de chèques sans provision et qui multiplie les interdits bancaires. Les pénalités ne sont-elles pas disproportionnées, et l'Etat doit-il continuer à prélever sa dîme sur des situations de détresse ?
Telles sont, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les caractéristiques du service universel bancaire et du service bancaire de base que je tenais à vous proposer. La solidarité nationale exige une telle clarification ; et la décision concernant l'exclusion bancaire est depuis trop longtemps attendue.
L'efficacité économique y trouvera, elle aussi, son compte. Le Sénat, qui s'est souvent préoccupé du problème de l'exclusion bancaire, ferait preuve, en adoptant ces amendements, de modernité et d'équité.
Quoi qu'il en soit, pour en revenir à l'ensemble du texte, j'aurai à coeur, avec mes collègues radicaux de gauche du groupe du Rassemblement démocratique et social européen, d'améliorer tout au long des débats un projet de loi dont j'approuve l'esprit et le courage. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Dussaut.
M. Bernard Dussaut. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mon intervention portera sur la deuxième partie du projet de loi, et plus particulièrement sur la moralisation des pratiques commerciales et la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles entre fournisseurs et distributeurs, notamment.
Après le constat d'un malaise profond dans les relations commerciales, il était urgent de mettre en place des mécanismes de régulation afin de moraliser les relations, de lutter plus efficacement contre les pratiques anticoncurrentielles et d'organiser les échanges de manière plus transparente.
C'est ce qu'attendent de ce projet de loi les acteurs du monde économique concernés que nous avons pu rencontrer.
Plusieurs dispositions vont dans le bon sens, notamment celles qui encadrent les conditions de rupture entre les producteurs et les distributeurs.
Par ailleurs, les propositions concernant l'étiquetage des produits sous marque de distributeur, qui imposent de faire figurer le nom et les coordonnées du fabricant - lequel se trouve souvent en situation de dépendance par rapport à un distributeur - sont différemment appréciées. Peut-être trouverons-nous un compromis afin que le fabricant puisse faire le choix de voir ou non figurer son nom sur le produit ?
Un des dispositifs centraux de la deuxième partie de ce texte est la création d'une commission d'examen et d'observation des pratiques commerciales.
La mise en place d'une instance de consultation, sorte de juge de paix, est nécessaire. Elle devra délibérer sur le principe des pratiques générales et non pas sur les pratiques individuelles. Il faudra cependant veiller à ce qu'elle ne soit pas paralysée pour cause d'encombrement, à ce qu'elle ne se transforme pas en une sorte de juridiction corporatiste, où certains refuseraient alors de siéger : elle se révélerait alors totalement inopérante.
Je souhaiterais enfin faire remarquer que l'économie de marché s'inscrit dans une trilogie production-distribution-consommation et que le consommateur a indéniablement un rôle à jouer dans cette commission. C'est pourquoi nous déposerons un amendement tendant à organiser une représentation des organismes agréés de consommateurs, ce qui n'est pas prévu pour l'instant.
En un mot, cette commission sera ce qu'en feront ses acteurs. Elle doit, à mon sens, être une instance préventive.
Ce texte comprend également des éléments de répression, avec des conséquences financières plus importantes que celles qui sont en vigueur actuellement pour les auteurs de pratiques abusives. Les mécanismes de sanction prévus permettront sans conteste une moralisation dans ce domaine.
Ce projet de loi, enrichi par l'Assemblée nationale, n'instaure pas un nouveau droit de la concurrence, mais de nouvelles réglementations de ce droit. C'est un texte dont les objectifs sont clairs : respect des acteurs minoritaires du marché ; renforcement de la transparence économique ; attribution de moyens efficaces aux autorités de régulation.
Nous espérons que sa discussion au Sénat ne remettra pas en cause l'équilibre ainsi affirmé. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Franchis.
M. Serge Franchis. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la deuxième partie du présent projet de loi est consacrée à la moralisation des pratiques commerciales et à la régulation de la concurrence.
Dans un contexte général marqué par une asymétrie des relations entre producteurs et distributeurs, les mesures proposées tendent à renforcer l'effectivité du droit de la concurrence et à favoriser le développement de meilleures pratiques commerciales par des modifications de l'ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, ainsi que par un toilettage du code de la consommation.
La situation de l'été 1999, qui a opposé les producteurs de fruits et légumes à la grande distribution, a été à l'origine des Assises de la grande distribution et de ce second volet du projet de loi.
Cette crise qui a frappé les producteurs de fruits et légumes a mis en lumière le déséquilibre des relations commerciales entre producteurs et distributeurs. Illustrant, pour certains, les pressions que font peser les distributeurs de produits alimentaires sur les producteurs, cette crise a effectivement révélé des dérives de comportement préjudiciables aux fournisseurs. Mais elle fut également la manifestation d'une situation générale dégradée, dont le comportement de la grande distribution n'est pas la cause unique, et qui trouve ses racines dans l'évolution générale du paysage commercial français.
Le mouvement de concentration des grandes enseignes commerciales a pris, depuis quelques années, une nouvelle dimension.
La progresssion constante des grandes surfaces à dominante alimentaire, la fusion récente entre Carrefour et Promodès - après celles d'Auchan et de Mamouth, de Leclerc et de Système U - ont alerté les producteurs, les conduisant à se demander si cette évolution leur laissait une quelconque marge de manoeuvre dans la négociation, en dépit même du fait que la France ne soit pas, dans ce secteur, particulièrement plus concentrée que ses principaux voisins européens.
Chacun connaît le rapport de forces qui caractérise la relation fournisseurs-distributeurs : d'une part, des producteurs et des fournisseurs agricoles et agro-alimentaires nombreux et insuffisamment organisés, d'autre part, une distribution puissante et toujours plus concentrée.
Les abus constatés et dénoncés, notamment dans le rapport de la commission d'enquête parlementaire de MM. Le Déaut et Charié, concourent aux difficultés rencontrées par les producteurs et fournisseurs, du secteur agro-alimentaire notamment.
Il faut souhaiter que le projet de loi puisse avoir des effets positifs si, en fixant mieux les limites de la liberté contractuelle, il parvient à redéfinir un cadre dans lequel la négociation commerciale s'exerce au bénéfice des deux parties.
Mais, pour que cette négociation réussie existe, il faut au préalable une meilleure organisation des producteurs et des filières, ce que l'on appelle « les bonnes ententes ».
Certes, un certain nombre de dispositions, dont les dernières ont été votées dans la loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999, vont dans le bon sens. Mais sont-elles suffisamment utilisées ?
La prohibition absolue des ententes a, dans le passé, freiné et placé dans l'insécurité les acteurs de l'agriculture, alors que la taille des exploitations de notre pays, toujours petites par rapport au marché, doit nous conduire vers une organisation économique plus fiable. Les pouvoirs publics doivent l'encourager, sous peine de devoir, à chaque nouvelle crise, « jouer les pompiers ».
Ce nouvel environnement impose, à l'évidence, un rééquilibrage des relations entre les deux parties, qui, sans négliger l'importance de la contractualisation, adapte le cadre législatif à une réforme des pratiques commerciales.
On peut regretter que d'autres voies de rééquilibrage n'aient pas été explorées : d'un côté, celles qui auraient privilégié l'organisation de la profession elle-même, à savoir les producteurs, autour de centrales d'offres capables de regrouper une part importante de la production et de modifier ainsi le rapport de force existant ; de l'autre, celles qui auraient permis d'encourager le développement d'une économie contractuelle entre producteurs et distributeurs.
La contractualisation ne règle pas la question du prix, mais elle permet d'assurer des débouchés et d'éviter, chez les producteurs, l'effet de panique que suscitent les crises annoncées.
Quant aux entreprises coopératives, qu'elles soient grandes, petites ou moyennes, elles ont une caractéristique commune : elles sont liées aux territoires par leurs hommes et par leurs produits. Elles ne peuvent délocaliser leurs « bassins » pour aller s'approvisionner ailleurs et moins cher. C'est leur mision et leur rôle qui les distingue d'autres PME du secteur agroalimentaire.
La relation contractuelle est au coeur de la relation commerciale entre les partenaires de la filière. Il faut souhaiter que les règles du jeu soient définies et respectées, et que les abus soient sanctionnés. En ce sens, la création de la commission d'examen des pratiques commerciales est une innovation. Espérons qu'elle permettra de mieu réguler les abus dans les pratiques commerciales et ne participera pas à un effet d'annonce sur des séries de mesures sans réelle efficacité à long terme.
Avec mes collègues du groupe de l'Union centriste, nous souhaitons voir le dispositif de cette deuxième partie du projet de loi amélioré sur certains points que nous estimons fondamentaux.
Nous prônons ainsi un même délai de paiement pour tous les produits alimentaires ; un contrat entre industriels et distributeurs qui décrit précisément les prestations fournies par les distributeurs ; un fonctionnement opérationnel de la commission d'examen des pratiques commerciales ; une obligation de motiver le préavis de déréférencement ; un préavis de six mois en cas de déréférencement d'une marque de distributeur ; enfin, une clarification des règles d'étiquetage pour éviter la confusion entre la marque de l'enseigne distributrice du produit et la marque du fabricant du produit.
Nous avons, en conséquence, déposé quelques amendements portant sur ces dispositions essentielles.
Je dirai, pour conclure, que nous souhaitons avant tout que, avant de fixer de nouvelles contraintes, avant de créer un nouveau carcan qui empêcherait le marché de jouer son rôle et qui contraindrait les distributeurs à aller peut-être s'approvisionner à l'étranger pour fuir les rigueurs de la loi, il faudrait faire en sorte que les contraintes existantes puissent s'appliquer déjà effectivement.
Le cadre législatif et réglementaire en vigueur est aujourd'hui inopérant ou contourné. Puisse cette nouvelle loi infléchir le rapport de forces qui s'est établi entre les producteurs et la grande distribution, rapport de forces qui permet à cette dernière d'exiger de ses fournisseurs des avantages que ceux-ci ne peuvent pas lui refuser !
Pour ces motifs, nous sommes favorables à ce que l'ordonnance de 1986, sans être refondue, soit toutefois révisée, afin d'être applicable de façon plus réaliste. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Plasait.
M. Bernard Plasait. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, légiférer est décidément un art difficile. Il consiste, en particulier, à éviter des « lois inutiles qui affaiblissent les lois nécessaires », vieux conseil de Montesquieu.
Alors, sommes-nous aujourd'hui dans cette épure ? J'en doute fortement, malgré les propos, que j'ai écoutés avec beaucoup d'attention, de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ni absence, ni omniprésence de l'Etat, nous dit-il. Fort bien ! Mais je ne trouve pas dans ce texte de contenu correspondant à cette intention.
« Nouvelles régulations économiques » ! L'enseigne est scintillante, mais le magasin est hétéroclite et bien décevant. Dans cette espèce de brocante législative, je trouve tout ce qui ne devrait pas figurer dans une loi de régulation et je ne trouve rien de ce qui serait vraiment nécessaire à la compétitivité de notre économie.
Je cherche à comprendre le concept de régulation à la française. Je crains qu'il ne s'agisse pas seulement de réguler, c'est-à-dire de définir et d'améliorer les règles du jeu du marché pour qu'il soit loyal et protecteur des plus faibles.
J'ai bien peur que nous n'assistions à une réglementation masquée faisant descendre l'Etat de son rôle d'arbitre et de garant jusqu'à celui d'intervenant.
Permettez-moi, madame le secrétaire d'Etat, de vous dire mon inquiétude.
D'abord ce texte ressemble à l'habillage, qui se veut séduisant, d'un ensemble hétéroclite particulièrement surprenant.
Comme l'a fort bien dit, avec beaucoup de justesse, M. le rapporteur général de la commission des finances, notre excellent collègue Philippe Marini, ce texte n'est jamais qu'un nouveau DDOEF. L'innovation majeure, c'est qu'il s'agit sans doute du plus « fourre-tout » des textes de ce genre. Je crois que le plus fin des juristes y perdra son latin.
Ainsi collectionne-t-il des dispositions techniques sur des sujets aussi divers que le droit boursier et financier, le droit des sociétés, la lutte contre le blanchiment de l'argent sale ou la distribution et la concurrence.
On se demande, dès lors, quelle réflexion d'ensemble et quelle cohérence ont pu présider à l'élaboration de ce florilège !
La seule réponse plausible, c'est malheureusement l'opportunité. Il fallait bien donner un signe fort à l'opinion, que l'on avait fait rêver avec les cagnottes successives. «Français, ne vous inquiétez pas ! On ne vous rendra rien de ce que l'on vous a pris, mais le Gouvernement régule » !
Et c'est bien là la seconde réalité contestable de ce texte : sa vocation idéologique. Les députés socialistes ne s'y sont d'ailleurs pas trompés, qui l'ont considéré comme un texte de « limitation du capitalisme ». Voilà de nouveau la gauche cédant à ses vieux démons, la gauche qui a « toujours cru que l'égalité consistait à trancher ce qui dépasse ».
Le psychodrame des stock-options est la parfaite illustration des motivations idéologiques du Gouvernement. Alors que ces options d'achat d'actions sont le plus souvent attribuées par les entreprises à leurs cadres dirigeants pour les motiver et les fidéliser, la majorité plurielle a accru la taxation des plus-values les plus importantes, pour ne prévoir qu'un allégement - très conditionnel - des plus petites. Ce régime fiscal, fruit d'un compromis passé avec le président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, fait sourire la presse étrangère et risque de faire fuir encore un peu plus les équipes dirigeantes françaises à l'étranger.
M. Philippe Marini, rapporteur. Mme Terrade sera contente !
M. Bernard Plasait. A cet égard, je ne saurais trop rappeler l'urgence pour notre pays de prendre en compte les conclusions de l'excellent rapport du président de la commission des affaires économiques, M. François-Poncet, sur la fuite de nos cerveaux à l'étranger.
Autre exemple de la dérive idéologique de ce texte, la transparence imposée partout. En effet, le renforcement de la transparence des opérations financières et du pouvoir des autorités de régulation ne saurait suffire à assurer la stabilité de notre système bancaire.
De même, en matière de droit des sociétés, le projet de loi établit les règles du « gouvernement d'entreprise ». D'aucuns lui reprocheront alors son caractère minimaliste car, dépourvue de force contraignante, la réforme ne va pas jusqu'au bout de la logique. D'autres - et je suis de ceux-là - se demandent s'il fallait vraiment légiférer de cette façon, tant il est essentiel d'engager une vraie modernisation de notre droit des sociétés, vaste réforme qui dépasse largement les seuls principes du corporate governance.
En outre, je crois qu'il eût été préférable d'avoir un vrai débat sur l'organisation du pouvoir et sur les mécanismes de contrôle au sein de l'entreprise, notamment sur la base des rapports Viénot et à la lumière des expériences anglosaxonnes.
Quoi qu'il en soit, je tiens à exprimer des réserves quant à la totale transparence des rémunérations des dirigeants sociaux, qui, pour des raisons culturelles que je crois évidentes, me semble difficilement transposable en droit français.
Dans cette logique, et même si cela ne me paraît pas suffisant, j'approuve pleinement la proposition du rapporteur général de supprimer l'obligation faite aux dix salariés les mieux payés de rendre publics leurs rémunérations et leurs stock-options.
Ce qui est réellement préjudiciable à nos entreprises, c'est ce que ne contient pas ce projet de loi, qui n'est, de facto, que l'arbre qui cache la forêt des réformes de fond que le Gouvernement se refuse à engager.
Une chose est certaine, la France est malade de son Etat, un Etat tentaculaire et budgétivore.
On ne nationalise plus, mais on réglemente toujours plus, réduisant chaque jour davantage le champ des libertés économiques.
Depuis 1997, les prélèvements se sont accrus de 523 milliards de francs. Pourtant, chaque année, le Gouvernement essaie de nous faire croire que les impôts baisseront. Chaque fois, il a été contredit par les faits.
En trois ans, il a créé quinze nouveaux impôts ou nouvelles taxes. Il a fait adopter à la sauvette plus de trente mesures d'augmentation !
Plus les déclarations gouvernementales en faveur de la création d'entreprises se multiplient, plus la fiscalité les accable.
M. Marc Massion. Et la TVA Juppé !
M. Bernard Plasait. Alors oui, madame le secrétaire d'Etat, l'impôt sur les sociétés diminuera en 2001. La suppression de la majoration de 10 % permettra effectivement de revenir au taux de 33,3 %. Mais il ne faudrait quand même pas oublier que le Gouvernement a créé, l'année dernière, une contribution sociale sur les bénéfices de 10 %. Cela s'appelle « un jeu à somme nulle ».
J'ajoute que le taux d'imposition des bénéfices restera supérieur, en France, à celui qui est en vigueur chez nos principaux partenaires, soit 36 % chez nous, alors qu'il n'est que de 30 % au Royaume-Uni et de 25 % en Allemagne.
Dans ces conditions, comment s'étonner de la baisse de nos exportations enregistrée ces derniers mois ? Depuis quatre ans, nos entreprises ont fortement réduit leurs investissements, au point qu'elles sont aujourd'hui sous-équipées et qu'elles ne peuvent pas répondre à la demande étrangère,...
M. Marc Massion. C'est faux !
M. Bernard Plasait. ... surtout en ce qui concerne les produits à forte intensité technologique.
Les 43,7 % du PIB de prélèvements obligatoires pénalisent gravement nos produits et nos services.
Alors que l'initiative individuelle devrait être vivement encouragée, la fiscalité sur le revenu l'entrave.
Là encore, madame le secrétaire d'Etat, vous annoncez une baisse de 43 milliards de francs pour les trois ans à venir, après avoir annulé, en 1997, le plan Juppé de baisse de l'impôt sur le revenu portant sur 75 milliards de francs. Vous le pouvez d'autant mieux que l'impôt sur le revenu devrait augmenter de 60 milliards de francs pour la seule année 2000.
Vous comptez ramener le taux marginal de 54 % à 52,5 % en 2003. C'est mieux qu'en 1982, où vous aviez créé une super-tranche à 65 %. Mais que de chemin encore à parcourir ! Le taux marginal sera de 42 % en Allemagne et il est déjà de 40 % au Royaume-Uni.
Dès lors, comment s'étonner que nos jeunes, entreprenants, deviennent des entrepreneurs à l'étranger ? Comment s'étonner que les diplômés français, aux compétences mondialement reconnues, aillent de plus en plus recueillir les fruits de leurs efforts outre-Manche et outre-Atlantique ?
Une fiscalité aussi confiscatoire ne peut que faire des ravages. l'Etat doit dépenser moins, l'Etat doit dépenser mieux. La compétitivité de notre économie est à ce prix. Il y a urgence.
D'après l'enquête réalisée cette année par le World Economic Forum , la France est au quinzième rang pour la compétitivité actuelle et au vingt-deuxième pour le potentiel de compétitivté.
Aussi, madame le secrétaire d'Etat, je vous dirai tout simplement ceci : rendez aux Français leur argent ! (Exclamations sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.) C'est la seule régulation qui vaille. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Philippe Marini, rapporteur. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Gérard Larcher.
M. Gérard Larcher. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce texte fait, dès son intitulé, un abus de langage : il utilise le mot « régulation » alors qu'il ne propose que de la « réglementation » ! Il m'inspire trois réflexions ; j'allais dire trois désillusions !
Oui, c'est un texte qui réglemente plus qu'il ne régule !
Le projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques était présenté par le Gouvernement comme l'alpha et l'oméga d'une « meilleure organisation vis-à-vis de l'évolution de l'économie mondiale ». En fait, le contenu du projet de loi est inversement proportionnel aux effets d'annonce.
Au fond, il ne s'agit que d'un texte fourre-tout, sans ambition, relevant d'ailleurs, à certains moments, plus du domaine réglementaire que législatif. C'est en fait un projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique, juridique, comptable et financier, qui complète et amende la législation en vigueur.
Puisque l'on parle de « régulations économiques », de fait, il y a tromperie sur la marchandise, et la plupart des vraies questions posées par les conséquences de la mondialisation sur notre économie ne trouvent pas les vraies amorces de réponses dans ce texte.
Avec 8 000 lois, 100 000 décrets, 360 000 règlements, 30 000 textes d'origine européenne et 30 codes, n'était-il pas temps d'aller vers un peu plus de simplification ? Ne vaut-il pas mieux, chaque fois que possible, remplacer le détail de la loi par le contrat ?
La bonne approche de la régulation consisterait en fait à fixer les principes d'en haut et à régler les choses d'en bas.
On ne peut donc pas parler de régulations alors que la conséquence du texte est l'alourdissement de la pression réglementaire et des contrôles, là où tout devrait être fait pour assurer un meilleur fonctionnement de l'économie. L'économie ne fonctionnera pas de manière plus satisfaisante si l'on étend encore plus l'intervention de l'Etat.
Ce projet est l'illustration, une fois encore, des travers de l'économie réglementée, cause des blocages les plus répandus dans notre société : blocages des initiatives individuelles, découragement de l'esprit d'entreprendre, incitation - Bernard Plasait l'a évoqué - au départ des créateurs de richesses et d'emplois vers des terres plus propices au développement de leurs activités !
Réglementer encore plus l'économie constitue, pour l'Etat, le risque de prendre un retard difficile à rattraper. A l'heure de la mondialisation des échanges et des nouvelles technologies, il s'agirait d'aller vers plus de souplesse dans les échanges économiques, et les conditions favorables à cette souplesse sont absentes de ce texte. En réglementant à nouveau dans des domaines où la sphère publique se trouvait un peu en retrait, le Gouvernement place la société dans une situation d'inadaptation aux défis économiques de demain.
Très concrètement, le Gouvernement n'est pas allé au bout de la logique de la régulation ; il a refusé à l'économie ce qu'il avait accordé à d'autres domaines.
Par exemple, en matière de concurrence, le Gouvernement refuse de faire du Conseil de la concurrence une instance libérée de la tutelle de l'Etat et va même, à l'inverse, renforcer cette tutelle ainsi que les pouvoirs du ministre compétent en matière de concurrence ; Philippe Marini l'a dit clairement dans ses propos liminaires.
Par ailleurs, le Gouvernement se refuse à débattre de la création d'une autorité de régulation postale adossée à l'Etat, alors même qu'une telle autorité pourrait être un élément important à la fois de la protection, de la modernisation et de l'adaptation de notre grand opérateur de service public : La Poste.
Alors, je dois dire ma désillusion.
Ma deuxième désillusion a déjà été largement évoquée : le Parlement est si peu respecté !
Il va s'écouler un an entre le début de l'examen de ce texte par l'Assemblée nationale et la promulgation de la loi, qui, dans les meilleurs délais, n'interviendra qu'au printemps prochain pour motifs de session budgétaire et d'élections municipales. Ainsi est illustré le peu de respect du Gouvernement - en tout cas de considération - envers le Parlement. L'utilisation abusive de la procédure d'urgence - M. Marini y a fait allusion tout à l'heure, reprenant les mots du président Poncelet - c'est ce que j'appelle, moi, paraphrasant pitrement Goethe : « l'urgence lente »... (Sourires.)
L'urgence lente, c'est une réalité de la discussion d'aujourd'hui, qui nous prive finalement d'un vrai débat, à l'occasion duquel la navette enrichit les idées et nous permet d'avancer, dépassant souvent les clivages.
Oui, encadrer le processus parlementaire dans des délais de plus en plus courts nuit à la qualité de notre travail. Et nous allons en avoir un exemple dans les semaines qui viennent puisque nous allons débattre de 53 directives et de 7 règlements communautaires... comme ça... (L'orateur claque des doigts.) Comme ça, Natura 2000... Comme ça ! l'avenir de la loi d'orientation postale... Comme ça ! le financement des concessions autoroutières.
Cela n'est pas acceptable ! et je suis certain que le Sénat ne l'acceptera pas (Chaque fois, l'orateur renouvelle son geste) sur des sujets aussi essentiels, sujets dont, le 8 juin dernier, M. Fabius disait : « La Poste, c'est l'un des grands sujets pour le Gouvernement. » Cinq minutes, au mieux, dans une loi d'habilitation...
Ma troisième désillusion, malgré la déclaration de M. Fabius voilà quelques jours, est que le Gouvernement n'a pas déposé d'amendement permettant, après l'échec de la commission Jollivet, d'assurer l'effectivité du droit au compte ouvert par l'article 137 de la loi de lutte contre l'exclusion. Là, les propos incantatoires ne signifient rien. Il faut maintenant inscrire dans la loi ce que nous voulons.
Ce faisant, M. Fabius a refusé de prendre clairement position sur les conditions de sortie du « ni-ni bancaire » - ni facturation des chèques ni rémunération des dépôts à vue - et les effets que la fin de cette spécificité française va entraîner pour les plus démunis de nos concitoyens. De ces conséquences, nous avons ici le devoir de débattre ! S'agissant de ce sujet, la question du droit au compte des plus démunis et le problème posé par les chèques payants, je suis certain que nous sortirons de ce débat avec un texte enrichi et une réponse à cette problèmatique.
En effet, nous avons, plusieurs de nos collègues de notre groupe d'étude sur l'avenir de La Poste et moi-même, déposé une proposition de loi en mars dernier, qui a fait depuis des adeptes, ici comme à l'Assemblée nationale. De cette proposition de loi, nous reprendrons l'essentiel ici, dans des amendements visant à instaurer un service universel bancaire ouvert à tous, mais « profilé » pour répondre en priorité aux besoins des plus modestes de nos concitoyens, car, pour eux, la fin programmée de la gratuité du compte bancaire peut avoir des conséquences dramatiques dans la mesure où elle signifierait leur exclusion des circuits financiers.
Il faut, mes chers collègues, avoir bien conscience que le chèque payant n'est que le premier pas d'un processus d'alignement de nos tarifs bancaires sur les pratiques ayant habituellement cours ailleurs dans l'Union européenne - seule la Grèce applique encore aujourd'hui notre système.
Tout cela heurte pour le moins nos habitudes.
Cependant, l'esprit qui inspire la demande bancaire peut se comprendre et n'est pas critiquable en soi : nos établissements financiers sont des entreprises qui doivent pouvoir se battre à armes égales avec leurs concurrents, notamment européens. Il peut même en résulter un nouvel équilibre dans les relations entre les banques et la majorité de leurs clients, la gratuité du chèque se payant actuellement sur d'autres services.
Je rassure M. Delfau : il y a bien d'autres services payants. Mais le compte bancaire a une dimension sociale et la fin de sa gratuité risque de contribuer à l'exclusion des couches les plus fragiles de la population.
L'avenir de La Poste va être un enjeu crucial des prochaines années car cette entreprise n'a toujours pas procédé aux adaptations nécessaires. Je pense à son statut et à sa dotation en capital. A ce sujet, le 20 novembre, nous aurons un rendez-vous particulier : l'entrée de la poste allemande sur le marché européen.

Il est donc de notre devoir de nous soucier de son sort, en raison de son rôle éminent dans l'économie nationale et de par sa présence territoriale.
Il ne nous faut pas espérer que le Gouvernement se préoccupe de cette question. Depuis deux ans, nous attendons l'indispensable loi d'orientation postale qu'il s'était pourtant engagé à élaborer par les voix de Mme Voynet et de M. Pierret. Nous lui donnons rendez-vous dans quelques semaines !
Nous aborderons naturellement la question du service bancaire de base, ou du service bancaire universel, et de leur financement. La solution ne réside peut-être uniquement pas dans une taxe fiscale.
Mes chers collègues, c'est à nous tous qu'il revient de rétablir une concordance entre le titre du projet de loi et son contenu. Nous y veillerons.
A propos de ce texte, M. Bernard Plasait a parlé de « brocante » ; pour ma part, j'ai pensé un moment à l'expression « vide-greniers ». En fait, il s'agit plutôt d'un magasin d'antiquités : il traite en effet de l'intervention de l'Etat, alors qu'aujourd'hui il faut de la liberté, de la souplesse et aussi un certain nombre de régulations.
Il nous reviendra de défendre nos options ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, et de l'Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais essayer de vous apporter des réponses aussi complètes que possible.
M. le rapporteur général a, d'une certaine façon, revendiqué le droit à la contradiction, puisqu'il a à la fois estimé que ce texte était un inventaire, que tout est régulation et que, enfin, il aurait souhaité y trouver d'autres dispositions.
Par ailleurs, il a regretté qu'on l'examine trop vite et, dans le même temps, que l'on ait trop tardé pour l'inscrire à l'ordre du jour, alors même que c'est le temps très long - vous le savez tous ici, et j'ai eu pour ma part suffisamment d'incidents à gérer à ce sujet pour pouvoir le rappeler - consacré par la Haute Assemblée à l'examen du projet de loi sur le renouvellement urbain qui est la cause de ce retard.
M. Philippe Marini, rapporteur. Non ! Je ne peux pas laisser dire cela !
M. Gérard Larcher. C'est inexact, madame ! Nous nous en sommes d'ailleurs expliqués en conférence des présidents !
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. J'y viens, monsieur Larcher.
Puisque j'ai vécu suffisamment d'incidents à ce sujet, je voulais profiter de ma présence en cet hémicycle... (M. le rapporteur demande à interrompre Mme le secrétaire d'Etat.)
Je vais jusqu'au terme de mon propos et je vous laisserai ensuite la parole, monsieur le rapporteur.
J'avais fait une erreur à propos du temps, et j'ai dit que l'examen du projet de loi sur le renouvellement urbain avait nécessité une trop longue discussion. Je m'en étais expliquée auprès de votre président en disant que, effectivement, le Sénat avait parfaitement le droit de prendre tout le temps qu'il voulait et que le Gouvernement aurait pu, comme M. le président me l'a rappelé après la conférence des présidents, retirer un autre texte de l'ordre du jour.
Mais il est vrai que nous étions alors dans une situation difficile et que, si ce n'est à cause du Sénat, nous rencontrions beaucoup de difficultés. Je me souviens avoir rencontré un certain nombre d'acteurs sur d'autres types de sujets : un problème de temps se posait à nous au printemps, vous le savez, monsieur le rapporteur.
Vous savez aussi que j'ai adressé une lettre à votre président concernant cette affaire.
Je pense qu'il fallait simplement rappeler ces faits en souriant, comme je le fais en cet instant, monsieur Marini.
Mais peut-être voulez-vous me répondre maintenant ?
M. le président. Naturellement, je peux donner la parole à M. le rapporteur. Mais il me semblait, madame le secrétaire d'Etat, que cette affaire était définitivement réglée. Je suis un peu désolé que vous l'évoquiez de nouveau.
M. Gérard Larcher. Moi aussi !
M. le président. Véritablement, cela ne nous semblait pas nécessaire.
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis. C'est une provocation !
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. La situation avait été difficile, et je rappelais à M. le rapporteur ainsi qu'à M. Larcher que j'avais tenu à écrire moi-même pour que les choses soient claires. Je pensais, moi aussi que c'était réglé, monsieur le président, d'y être revenue, alors que vous ne le jugiez pas opportun.
M. le président. Acte vous est donné de vos propos, madame le secrétaire d'Etat. Il n'y a plus d'incident. Il n'était pas nécessaire d'y revenir.
Veuillez poursuivre, madame le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Merci, monsieur le président.
Ensuite, monsieur le rapporteur, vous êtes passé d'un point de vue à un autre puisque vous avez jugé le texte fragile juridiquement et disparate, mais vous avez ensuite souhaité ajouter un cavalier législatif de la taille d'un cheval de Troie, puisque, sous la forme d'amendements sur la modernisation de la régulation financière, vous avez fait des propositions importantes !
M. Philippe Marini, rapporteur. Le Gouvernement aussi !
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Je pense que nous pouvons être d'accord sur un point au moins : si nous avons abordé un certain nombre de sujets importants que vous pouvez juger disparates, vous en ajoutez d'autres aussi importants, que nous pouvons, nous aussi, qualifier de disparates.
Vous avez dit que les ordonnances étaient excellentes mais, en même temps, vous avez dit qu'il fallait la loi.
M. Philippe Marini, rapporteur. Vous m'avez mal écouté !
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Nous y reviendrons au moment de la discussion des articles, et je m'exprimerai alors plus longuement sur le sujet.
Enfin, vous avez jugé certaines dispositions de ce texte « inclassables » ; vous avez même régulièrement rappelé que, dans les chapitres concernés, il n'y avait pas beaucoup d'ordre et que vous aviez beaucoup de difficultés à vous y retrouver. C'était fatal... pour un texte qui ne contiendrait rien, si j'en crois votre introduction.
Mais, paradoxalement, ce texte qui ne contient rien, vous l'avez estimé riche de trop de choses ! Nous y reviendrons également.
Sur le fond, j'apprécie votre double souci d'élaborer une bonne législation et votre désir de créer des emplois.
Je vous remercie, en outre, pour le satisfecit que vous avez décerné à la partie internationale de ce texte.
Même si tout le monde ne partage pas cette appréciation, vous avez fait part de votre absence d'opposition de principe à la commission des parités commerciales. C'est bon signe.
Il n'en demeure pas moins que nous ne sommes pas d'accord sur bien des sujets ; le débat sera donc fort intéressant.
Vous avez évoqué la transparence pour les OPA et les OPV, les règles applicables aux chefs d'entreprise oscillant entre le délit d'entrave et le délit d'inité. Le jugement est sûrement lourd. Nous y reviendrons aussi.
Vous avez également soupçonné les conventions réglementées d'engendrer un déluge paperassier, or nous allons simplifier les dispositifs.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis. C'est loupé !
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Notre appréciation n'est pas la même que la vôtre. Nous verrons bien comment elle sera perçue.
Vous avez préféré appeler « droit des sociétés » ce que nous appelons « régulation de l'entreprise ». Cela relève de votre volonté de vous opposer, car, sur le fond, les divergences ne sont pas dramatiques.
Selon nous, ce texte apporte des innovations en matière de régulations économiques. Vous ne semblez pas partager notre point de vue. La discussion nous permettra de dégager à la fois les points de cohérence et les points de divergence.
M. Hérisson a employé des mots que nous avons souvent entendus et que nous attendions : attente des consommateurs, moralisation, loyauté, équilibre. C'est logique !
Il s'est par ailleurs inquiété des concentrations et des rapports entre les distributeurs, les fournisseurs et les clients.
Avec Laurent Fabius, nous pensions qu'il allait approuver ce texte. Or, le seul élément positif qu'il ait salué, c'est l'entente qui a régné entre les commissions du Sénat. C'est dommage, parce que certains mécanismes de régulation des rapports entre distributeurs et clients auraient pu lui plaire.
M. Hyest a d'abord adressé des compliments au Gouvernement, pour ensuite lui reprocher de vouloir rétablir l'économie administrée. Pour le reste, je peux résumer sa pensée en disant : tout ce qui est mal est dans la loi, tout ce qui aurait été bien n'y est pas.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis. Non !
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Parce qu'il est, selon lui, de bonne composition, il a jugé que, pour les stock-options, nous n'agissions que par idéologie.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis. Simpliste !
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Par idéologie simpliste, dites-vous, alors que nous pensons, nous, qu'il s'agit de transparence, de modernité et de justice ! Cela effectivement nous sépare.
M. Chérioux, quant à lui, a utilisé un procédé cinématographique. Il a en effet fait un long flash-back sur la proposition sénatoriale d'actionnariat salarié. C'était son droit, et c'était intéressant.
Ensuite, M. Chérioux nous a annoncé que, dans l'attente du texte sur l'épargne salariale, il retirait tous ses amendements, dans un geste qu'il a qualifié de imperia brevitatis. C'est bien, et j'espère que cela nous conduira à un échange construtif au moment de la discussion du texte relatif à l'épargne salariale devant le Sénat.
M. Massion, sénateur-maire du Grand-Quevilly, s'est placé sur un terrain qui nous convenait forcément, celui des principes de justice. Face à la mondialisation, aux monopoles, aux concentrations, il faut effectivement rappeler l'utilité de l'Etat, garant du contrat social. Je crois que personne ici ne s'oppose sur ce point, en tout cas je l'espère.
Pour ce qui est de la concurrence, monsieur Massion, vous avez souhaité la transparence, la loyauté, la liberté des contrats. C'est effectivement ce que nous voulons.
Vous êtes également intervenu en faveur de la cohésion sociale et des droits des salariés en prônant l'équilibre des pouvoirs, le respect de chacun dans l'entreprise, la protection des plus petits, la protection des salariés ou celle des PME.
En tant que secrétaire d'état chargée des PME, j'ai reçu énormément de demandes de la part des PME, d'artisans et de commerçants ainsi que d'agriculteurs concernant ce texte. Je crois qu'ils vous rejoignent dans l'analyse de ce que pourrait être une cohésion sociale dans un monde économique plus équilibré et plus éthique.
Monsieur Massion, vous avez ensuite résolument placé la conclusion de votre propos sous un signe qui nous rassemble, sur une valeur que nous partageons : la solidarité. La solidarité, vous l'avez souligné, est non pas l'ennemi du social mais sûrement son support le plus infaillible. L'entreprise n'est pas plus du côté de l'employé que de celui de la loi ou de la liberté.
Vos propos formaient une belle intervention, monsieur le sénateur, et j'espère que nous travaillerons bien ensemble par la suite.
M. Huchon ayant quitté cet hémicycle, je lui répondrai plus brièvement.
Il a évoqué l'évolution des rapports de force entre distributeurs et fournisseurs à l'avantage des premiers. C'est bien cette évolution que le Gouvernement a prise en compte par ce projet, qui vise à la moralisation des pratiques commerciales, afin notamment de renforcer la lutte contre les abus.
M. Huchon a également souligné la concurrence avec les producteurs du Sud. C'est vrai, mais il ne faut pas non plus oublier que les producteurs et les entreprises agro-alimentaires françaises font souvent partie des fleurons de l'exportation française. Ils nous demandent donc à la fois une régulation, mais aussi une protection sur les marchés internationaux. Par conséquent, nous devons être prudents dans la façon dont nous traitons les problèmes, en particulier d'importation.
M. Bourdin a souhaité centrer son propos sur la distribution des produits agricoles. Je ne peux que saluer la justesse de son constat.
Il y a, c'est vrai, un déséquilibre dans les structures, des « marges arrière » destructrices. Je crois qu'on ne peut pas dire autre chose aujourd'hui.
Monsieur le sénateur, vous avez également salué l'encadrement des relations commerciales et les labels, et vous avez demandé au Gouvernement d'agir sur l'évolution des filières. C'est important, et le Gouvernement n'hésitera pas à prendre en charge ce dossier. Il le fera dans ce texte et dans d'autres, en particulier dans le projet de loi de finances, dont deux articles traitent des filières agricoles.
M. Courtois a justement placé le débat sur un choix fondamental, celui de la régulation ; c'est bien la voie retenue par le Gouvernement, non pas pour administrer ou réadministrer l'économie, mais pour offrir aux entreprises un cadre souple et adapté pour un exercice plus transparent de la vie des entreprises dans leurs opérations boursières, dans l'information des organes représentant des salariés, dans leurs relations commerciales avec leurs fournisseurs.
Monsieur le sénateur, vous avez dit ensuite que le texte manquait d'ambition. Cela revient à nier l'ampleur des sujets couverts. Les salariés - contrairement à ce que vous dites - se trouvent au coeur de la préoccupation de la loi. Cette contradiction est peut-être due au fait qu'il faut contracter ses propos dans une enceinte comme celle-ci.
Il est difficile aussi de ne voir dans le texte qu'une vision franco-française, quand on mesure l'ensemble des dispositions contre le blanchiment et les dernières avancées européennes en la matière. C'est à partir d'une action forte de Mme la garde des sceaux et de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie que nous avons pu faire avancer les choses au niveau européen. Selon moi, ce texte traduit une vision internationale qu'il fallait avoir sur tous ces sujets. Tout ce qui concerne les entreprises, en effet, dépasse effectivement le cadre national, nous le disons depuis longtemps.
Mme Terrade, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, a organisé son propos autour de trois points : sa déception, due au fait que nous ne soyons pas allés plus loin dans le droit des salariés - j'en prends acte ; mais je n'attendais pas autre chose, pour avoir rencontré Mme Terrade plusieurs fois à ce sujet - la proposition d'instauration d'une « taxe Tobin » et son opposition à voir les règles du marché financier trop peu encadrées aujourd'hui.
Je comprends l'attente de nos amis communistes, partagée au sein de la majorité plurielle.
Des amendements seront déposés. Le Gouvernement les examinera. A l'occasion de leur discussion, nous pourrons au moins débattre ensemble, ce qui est important.
Je reviens sur deux points cependant.
L'idée d'instaurer une taxe Tobin, généreuse et séduisante, est relayée à l'extérieur du Sénat comme de l'Assemblée nationale, par un certain nombre de mouvements que vous connaissez tous sur l'ensemble de ces travées mais sa mise en place pose d'innombrables problèmes techniques. Si un pays, un seul, instaurait une telle taxe, nous savons très bien les conséquences qui s'ensuivraient pour lui.
M. Philippe Marini, rapporteur. J'ai déjà entendu cela !
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Que Renault devienne un champion mondial, qu'il réussisse au Japon, ce n'est pas si mal pour notre pays et pour ses salariés. De plus, nos entreprises investissent à l'étranger, ne l'oublions pas. Avec la logique d'une taxe de ce type, délocaliser hors de nos frontières présenterait parfois, souvent même, des inconvénients. Or, au sein de ces entreprises, les salariés sont très demandeurs de ces projets d'exportation, et ils ont raison.
Monsieur Delfau, vous avez centré votre intervention sur ce que que vous avez appelé « la recherche de nouvelles règles bancaires ». Je partage tout à fait votre objectif de traiter le cas des citoyens exclus du système bancaire. Vous faites preuve de constance sur ce sujet.
Vous avez souligné, à juste titre, tous les dangers relatifs à l'instauration d'un service bancaire universel et gratuit. D'une part, les modalités de son financement peuvent se retourner contre les clients les plus modestes, qu'il faut justement protéger - vous rejoignez, sur ce point, les associations de consommateurs. D'autre part, cet objectif de financement peut cacher la tarification des chèques.
Je l'ai déjà dit depuis longtemps, au nom du Gouvernement, à l'Assemblée nationale, les banques françaises ont trouvé une solution qui consiste dans la tarification non pas des chèques, mais du traitement de ceux-ci. Il est vrai que face à ce système, les situations deviennent inégales.
Le Sénat ne peut pas sous-estimer les dangers d'un service universel et l'éventualité d'un report de la tarification du traitement et d'autres types d'opérations sur le chèque lui-même. Or, celui-ci, nous le savons, est le moyen de paiement le plus utilisé par ceux qui sont les moins favorisés, car les autres y ont très peu recours.
Il y a là matière à un véritable débat de fond. Il est intéressant que vous ayez posé le problème en ces termes avec un sens de la responsabilité et en proposant un dispositif alternatif. Nous aurons l'occasion d'y revenir lors de l'examen des amendements.
A propos de la partie relative à la régulation de la concurrence, M. Dussaut a évoqué deux axes majeurs du texte : la prévention, avec le rôle du juge de paix, et la commission des pratiques commerciales et des relations contractuelles.
Il faut revenir à des rapports commerciaux apaisés par la discussion. C'est pourquoi, comme M. Dussaut, le Gouvernement souhaite faire de cette commission non pas un nouveau lieu de cristallisation des conflits, en lui donnant une compétence quasi juridictionnelle, mais, au contraire, une instance de dialogue. Les parties, qu'il s'agisse des petites entreprises, des agriculteurs, des associations ou de la grande distribution, se sont retrouvées sur ces dispositions et nous avons au moins eu la satisfaction de voir les opinions converger sur ce point. Il est important d'en tenir compte.
Le deuxième axe de l'intervention de M. Dussaut a consisté à rappeler que la répression, lorsque la prévention a échoué, est un sujet délicat dans notre pays.
M. Dussaut a eu raison de rappeler que le projet du Gouvernement ne remet pas en cause tout le droit de la concurrence ; il a vocation à renforcer son efficacité pour plus de transparence et d'« éthique » en économie ; c'est un mot que nous ne devons pas avoir peur de prononcer.
M. Huchon a salué, à juste titre, le rapport de MM. Charié et Le Déaut. Certes, comme M. Marini me le soufflait tout à l'heure, le Sénat n'est pas l'Assemblée nationale. Mais, à entendre certaines critiques très fortes émanant des membres du groupe sénatorial du RPR, j'imaginais que les oreilles de M. Charié devaient siffler ! En effet, même s'il n'a pas la chance de siéger au Sénat, il appartient au même groupe politique que vous, monsieur Marini, et quand on a des positions aussi divergentes au sein d'un même groupe, cela ne doit pas être simple ! (Protestations sur les travées du RPR.)
M. Philippe Marini, rapporteur. C'est pluriel, réjouissons-nous !
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Ayant entendu tout à l'heure quelques critiques relatives aux difficultés de la majorité plurielle, permettez-moi d'évoquer quelques difficultés de la majorité sénatoriale !
M. Huchon, disais-je, a eu raison de saluer l'excellent rapport de MM. Charié et Le Déaut, dont le Gouvernement s'est effectivement largement inspiré pour la modernisation des pratiques commerciales. Je partage souvent leurs préoccupations et leur souci de voir mieux organiser les filières agricoles. En revanche, je ne saurais adhérer à un concept de bonnes ententes. Nous devons faire attention aux expressions et, souvent, les bonnes ententes non seulement sont contraires au droit de notre concurrence, mais aussi peuvent être réalisées au détriment du consommateur !
Cet été, avec l'accord de l'ensemble des parties, appliquant en cela l'ordonnance de 1986 et, au-delà, une entente entre une partie de la profession agricole et la distribution, nous avons expérimenté l'élargissement d'un accord de filière pendant un court moment - quelques semaines. C'est une pratique qui pourrait se renouveler dans l'avenir, sauf si, et c'est ce que nous souhaitons, nous n'avons plus besoin de faire appel à ce type d'intervention directe de l'Etat et si les relations entre les producteurs - qu'ils soient agricoles ou de biens - et la distribution s'améliorent.
M. Plasait a regretté le caractère hétéroclite du projet. Cela lui a permis d'évoquer de nombreux sujets, dont plusieurs, d'ailleurs, ne figuraient pas dans le texte !
Nous nous rejoignons sur l'impérative nécessité de discuter de beaucoup de sujets quand on parle de régulation économique.
En matière de fiscalité, il faut être juste sur l'analyse des chiffres et sur les commentaires qu'on en fait. Certes, on ne réduit jamais assez les impôts, mais le Gouvernement l'a fait, ce qui n'était pas le cas du précédent gouvernement.
M. Philippe Marini, rapporteur. La situation n'était pas la même. Il n'avait pas de cagnotte, le pauvre !
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Je reviendrai sur la cagnotte !
Le fait de supprimer la surtaxe Juppé de 10 %, de réduire l'impôt sur les sociétés des PME qui ont un chiffre d'affaires inférieur à 250 millions de francs pour le faire passer petit à petit largement en dessous de la barre des 20 %, c'est quand même un pas important pour les PME françaises, et je pense qu'elles sont assez satisfaites de cette tendance.
Vous avez parlé de cagnotte, monsieur Marini. Vous savez pourtant qu'avec un tel pourcentage de dette de l'Etat on n'a pas de cagnotte, et ce n'est pas à vous que je ferai l'injure de rappeler cela ! (Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Philippe Marini, rapporteur. C'est une expression consacrée ! (Sourires.)
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Disons que c'est une expression habituelle qui, sur le plan médiatique, a effectivement bien fonctionné !
M. Gérard Larcher a parlé avec beaucoup de talent ...
M. Gérard Larcher. Merci !
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. ... d'inadaptation et de concurrence...
M. Gérard Larcher. Du Conseil de la concurrence !
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. ... du Conseil de la concurrence, en effet, qui doit être libéré de toute tutelle. C'est extrêmement important.
Il a également parlé de désillusion. Il a dit que le Gouvernement était peu respecté parce qu'il était peu respectable. Je n'ai pas très bien suivi son raisonnement parce que, soyons honnêtes, appartenant à ce Gouvernement, je me sens respectable ! Mais ce n'est pas très grave.
Il a ensuite évoqué Goethe. Très honnêtement, je ne connais pas l'expression qu'il a employée...
M. Gérard Larcher. Gile mit Weile !
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. ... je ne reviendrai pas sur son propos.
Après ce long prologue, vous avez surtout parlé du « ni-ni bancaire » - c'est l'expression que vous avez utilisée, monsieur Larcher - et du droit au compte.
S'agissant des chèques payants, il est exact que nous sommes les derniers, avec la Grèce, à ne pas payer les chèques. Mais, je crois l'avoir dit tout à l'heure, il faut faire attention, d'autant que, comme je le précisais à M. Delfau, c'est le moyen de paiement qui est utilisé par les personnes les moins favorisées dans ce pays.
M. Gérard Larcher. Bien sûr !
Mme Marylise Lebranchu secrétaire d'Etat. C'est un élément qu'il faut prendre en compte.
Nous devons absolument régler cette question dans les meilleures conditions. Le Gouvernement a entamé des négociations et d'importants progrès ont d'ores et déjà été accomplis. En effet, deux banques - dont l'une vient de publier ses nouveaux tarifs - ont décidé de donner une pleine transparence à la tarification ; or c'est précisément le manque de transparence qui nous gênait. L'une d'elles - dont je ne peux bien évidemment pas citer le nom - a déjà procédé à une modulation en fonction des services rendus au client.
Il est extrêmement important que nous ayons obtenu cette transparence de la tarification ; qui permet au consommateur de choisir et à l'usager de savoir pourquoi telle ou telle somme lui est facturée. Cela permet également de savoir qui supporte in fine le coût d'un allégement de la charge sur le plus petit des services.
Nous avons donc déjà gagné une manche importante. Mais nous pourrons, au cours des débats, revenir sur ce sujet, qui est loin d'être clos.
Je remercie l'ensemble des orateurs de la qualité de leur intervention et aussi de leur fougue. Il est intéressant de voir la passion que suscitent les rapports entre distributeurs et fournisseurs.
On a cependant oublié - je l'ai noté à plusieurs reprises - à force de ne considérer qu'une seule aberration de l'économie, celle d'un rapport de force trop important entre le producteur et le distributeur, un rapport qu'il me semble pourtant nécessaire de signaler, c'est celui qui existe entre la petite entreprise et son donneur d'ordres, entre les sous-traitants, les cotraitants et les grands donneurs d'ordres. Le jeu entre les grands donneurs d'ordres et la grande distribution peut parfois ne pas profiter aux plus petits producteurs, quelle que soit la nature de leur production. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Philippe Marini, rapporteur. C'est vrai !

Question préalable



M. le président.
Je suis saisi par M. Loridant, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen d'une motion, n° 606, tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat,
« Considérant l'émoi suscité par l'annonce simultanée par le groupe Michelin d'une hausse de près de 20 % de son bénéfice semestriel suivi d'un bond de 12 % du cours de l'action, et d'un plan de licenciement de 7 500 salariés,
« Considérant que les citoyens ont vu dans cette trilogie le symbole d'une logique libérale purement financière qu'ils jugent sévèrement,
« Considérant la nécessité de réglementer strictement les opérations de restructuration ayant une incidence sur l'emploi surtout lorsqu'elles sont réalisées par des entreprises dégageant de confortables bénéfices,
« Considérant l'exigence d'une moralisation de la circulation des capitaux, de lutter contre la spéculation financière et ses conséquences néfastes sur l'emploi et les équilibres économiques et sociaux de notre pays,
« Considérant que ce projet de loi ne répond pas à la question originelle posée par l'affaire Michelin,
« Considérant que le présent projet de loi cantonne la puissance publique à un rôle d'observateur du marché sans lui donner réellement les outils permettant de maîtriser les conséquences d'une mondialisation financière que les citoyens rejettent massivement,
« Décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur ce projet de loi, adopté après déclaration d'urgence par l'Assemblée nationale, relatif aux nouvelles régulations économiques (n° 321, 1999-2000). »
Je rappelle que, en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion, l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Loridant, auteur de la motion.
M. Paul Loridant. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, voilà un an, en septembre 1999, les dirigeants du groupe Michelin annonçaient une hausse de 20 % du bénéfice semestriel du groupe, le licenciement de plus de 7 500 salariés et, dans la foulée, l'action du producteur de pneumatique enregistrait une hausse de 12 %. Incontestablement, « l'affaire Michelin » avait marqué la rentrée politique et sociale.
Le lendemain, dans une intervention télévisée, le Premier minisre laissait entendre l'impuissance des pouvoirs publics devant les règles du marché. Or l'opinion avait vu dans cette trilogie le symbole d'une logique financière qui tend peu à peu à s'imposer sur l'ensemble de la planète. Cette froide logique a choqué et choque encore les citoyens.
Quelques jours plus tard encore, le Premier ministre, devant les parlementaires socialistes, par un revirement, avait promis de réagir par le dépôt d'un projet de loi.
L'actualité économique et sociale est désormais rythmée par la succession des plans de fusion, d'acquisition ou de « restructuration » des grands groupes.
Pour justifier la course effrénée au gigantisme, qu'il s'agisse notamment du feuilleton bancaire de l'été 1999 ou de la guerre à laquelle se sont livrés Elf et Total-Fina dans l'industrie pétrolière pour savoir lequel mangera l'autre, les PDG invoquent en choeur la nécessité de « créer la valeur ».
Certes, ce n'est pas la valeur « travail » chère au coeur des tenants de l'analyse économique marxiste. Cette expression signifie dans la réalité la confiscation par les seuls actionnaires de la valeur ajoutée créée par d'autres : dans les entreprises elles-mêmes par les différentes catégories de salariés et hors de l'entreprise par l'ensemble de l'environnement socio-économique et par les services publics, notamment le système éducatif ou la politique de la recherche par exemple.
L'élimination systématique de la main-d'oeuvre est le corollaire de ces nouveaux jeux de Monopoly à l'échelle planétaire.
Les grandes entreprises, notamment les grandes entreprises industrielles, n'ont pas simplement cessé de créer des emplois, elles les détruisent massivement en vue de satisfaire l'appétit des actionnaires.
Vu leur manière de créer « de la valeur » chez Michelin, chez Volber ou chez Alsthom à Belfort, les salariés sont en droit de considérer que cette stratégie est une véritable déclaration de guerre.
La méthode de ces nouveaux dirigeants est simple et efficace et malheureusement facile à mettre en oeuvre au vu du recul en matière de réglementation économique et sociale dans notre pays et en Europe.
Alors que ces grandes entreprises dégagent souvent des bénéfices confortables, les dirigeants, sous la pression des actionnaires en attente de dividendes en constante augmentation, décident de lancer une opération de restructuration ou de fusion. Pour rendre la mariée attirante, on propose aux actionnaires ou aux futurs actionnaires des charrettes de licenciements. Immédiatement le cours de l'action monte et les dirigeants se voient attribuer de confortables augmentations de salaires sous forme de stock-options.
Ainsi, aux Etats-Unis, les dirigeants des neuf plus grosses entreprises, qui, entre 1990 et 1996, avaient licencié 305 000 salariés, percevaient chacun un salaire annuel d'environ 2 millions de dollars. Tout cela, vous pouvez le lire dans la presse financière.
Avec les stock-options et autres avantages, le revenu annuel de chacun d'eux dépassait, après ces vagues de licenciement, cinq millions de dollars.
En France, M. Philippe Jaffré, P-DG d'Elf, réunissant ses actionnaires étrangers en petit comité, déclarait : « Depuis que je suis en poste, j'ai réduit de 15 % le nombre de salariés français du groupe [...] et je continuerai ».
Quelques semaines après le raid victorieux de TotalFina sur le groupe Elf, la France médusée découvrait que M. Jaffré avait négocié quelque 40 millions de francs d'indemnités de départ, auxquels il fallait ajouter les 200 000 stock-options accumulés, soit un pactole d'environ 200 millions de francs.
La corporate governance ou, en français, le gouvernement d'entreprise, semble désormais constituer la nouvelle forme que prend l'accumulation, disons-le, capitaliste.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Mais oui !
M. Paul Loridant. A la différence du système capitaliste classique que nous avons tous étudié dans nos livres et dans lequel les inégalités résultaient du système de production et d'échange, les nouveaux mécanismes d'accumulation tirent leur dynamique même de ces inégalités.
La reprise économique américaine tire l'essentiel de sa vigueur du développement du marché des actions et du gonflement de la bulle spéculative, en particulier autour des valeurs de la prétendue nouvelle économie.
M. Philippe Marini, rapporteur. Cela, c'était vrai il y un an, il y a six mois !
M. Paul Loridant. Les ménages solvables investissent leurs économies ou empruntent afin de bénéficier de la corne d'abondance, renforçant ainsi encore le phénomène de financiarisation de l'économie. Quant aux salariés à faible pouvoir d'achat, les exclus du festin, ils constitueront les futures victimes de ce système qui exige toujours plus de sacrifices, et donc toujours plus de sacrifiés pour continuer à « dégager de la valeur ».
Le philosophe Zygmunt Bauman, dans son ouvrage Le Coût humain de la mondialisation , décrit avec beaucoup de talent cette nouvelle dynamique du capital financier. Dans un monde de plus en plus déréglementé, le capital financier tend à se déplacer de plus en plus rapidement, aidé en cela par les nouvelles technologies de l'information, à la recherche du rendement maximum.
A travers des instruments tels les fonds de pension, les actionnaires exercent, selon le mécanisme que j'ai décrit auparavant, une pression constante sur les critères de gestion des entreprises et sur leurs effectifs.
En cas d'échec des dirigeants, la sanction est immédiate et se traduit par le départ de ces capitaux, comme ce fut le cas avec l'entreprise Alacatel, qui avait affiché des bénéfices, certes importants, mais en deçà des prévisions et des engagements pris avec les représentants de ces fonds de pension.
Les salariés, les citoyens ne disposant pas des mêmes facilités de mouvement que le capital financier sont, eux, cantonnés dans le local et condamnés à subir les conséquences des fermetures d'entreprises.
A la suite de l'émotion suscitée par l'affaire Michelin, qui avait mis au grand jour cette nouvelle dynamique de l'accumulation capitaliste, le Gouvernement, par la voix du Premier ministre, avait pris l'engagement de répondre par des actes forts à ces pratiques cyniques des dirigeants économiques.
Le projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques est-il à la hauteur de l'enjeu ?
Donne-t-il des armes suffisantes à la puissance publique pour résister à la logique implacable de la mondialisation financière qui menace notre cohésion sociale et les fondements de l'exception française, marquée par un souci permanent de réaliser un équilibre entre la compétitivité économique et l'impératif de justice sociale au travers d'un Etat acteur de la vie économique et sociale ?
Avant de répondre sur le fond à ces questions, j'aimerais, si vous le permettez, m'arrêter quelques instants sur le titre même de ce projet de loi.
Qu'entend-t-on par « régulation » ?
Selon le dictionnaire, il s'agit d'assurer le fonctionnement d'un système complexe. La notion est pour le moins ambiguë !
Il peut s'agir, au travers d'une législation rigoureuse et pénalisante, de mettre un terme à la domination du capital financier sur la sphère de l'économie réelle. En effet il est, selon nous, légitime de mettre les entreprises, notamment les fonds de pension, face à leurs responsabilités et de les contraindre ou plus simplement de les amener à réparer les préjudices qu'ils ont pu éventuellement causer. Comment, en effet, exiger des Français qu'ils respectent les devoirs inhérents à leur citoyenneté et, dans le même temps, dédouaner les entreprises de toute responsabilité quand, par leurs décisions, elles mettent à mal l'économie et l'équilibre social de régions entières ?
Si tel était le sens de la démarche du Gouvernement pourquoi alors ne pas avoir préféré le terme de réglementation ? Le choix des termes est rarement neutre.
Pour les membres du groupe communiste républicain et citoyen, on ne saurait répondre à la question posée par l'affaire Michelin par une gestion au quotidien des dégâts causés par le capitalisme financier, comme le projet de loi nous y invite.
La régulation ne saurait servir d'alibi, de bonne conscience, à ceux qui, par résignation ou par goût de la « modernité », ce qui revient finalement au même, ont abdiqué face au pouvoir de l'argent et refusent de mettre en cause la logique même de cette nouvelle forme d'accumulation.
Ainsi, nous aurions aimé que ce texte fourre-tout apporte aux salariés des outils leur permettant de renforcer leurs capacités d'intervention dans la définition des critères de gestion de leur entreprise.
La question de la régulation dans l'entreprise n'est abordée que sous l'angle des modalités de réunion des assemblées générales des actionnaires et du fonctionnement des organes dirigeants alors que, au vu de la réalité que j'ai décrite au début de mon intervention, se pose la question des droits des salariés, et ce indépendamment de la question, importante ou non, de la détention d'actions par ces salariés ou même par le comité d'entreprise.
Le texte qui nous est soumis manque à nos yeux cruellement d'ambition, de volontarisme et de lisibilité politiques. La puissance publique ne se donne pas réellement les moyens de mettre fin à l'arrogance des marchés financiers.
Le projet de loi cantonne l'Etat à un rôle d'observateur du marché ou au mieux d'ambulance du capitalisme financier.
Il renvoie à l'examen d'autres textes, relatifs à l'épargne salariale ou à la loi de modernisation sociale, la résolution d'un certain nombre de questions posées à l'origine.
Dans la conception française de la République, l'Etat ne se cantonne pas à une fonction d'arbitre ou d'autorité indépendante chargée d'assurer un bon fonctionnement du système économique. Il a pour charge de favoriser l'intérêt général au travers notamment d'une politique de redistribution, d'un volontarisme économique et de services publics performants.
Dans cette conception, l'espace économique et l'entreprise ne sont pas des sanctuaires dans lesquels la puissance publique n'aurait pas droit de cité.
Aussi, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, parlant au nom du parti communiste et du Mouvement des citoyens, considérant que le texte ne répond pas à la question originelle posée notamment par l'affaire Michelin, estiment qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la discussion de ce texte.
J'ajoute que la procédure d'urgence déclarée sur ce projet de loi nous paraît choquante et inappropriée. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Philippe Marini, rapporteur. Très bien !
M. Paul Loridant. Vous allez donc voter la motion, monsieur le rapporteur !
M. Paul Blanc. Chiche !
M. Paul Loridant. Nous entendons, par le dépôt et, je l'espère, par l'adoption de cette question préalable, conduire le Gouvernement à remettre l'ouvrage sur le métier et à répondre à l'attente des salariés, des citoyens de ce pays et des divers partis de sa majorité. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées du RPR.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la présentation qui vient d'être faite me laisse assez perplexe.
Tout l'après-midi, nous avons, les uns et les autres, évoqué cette notion de régulation. Chacun est arrivé avec sa définition, et nous voyons bien que le concept sur lequel repose le texte est un peu comme une auberge espagnole, c'est-à-dire que chacun va concevoir le concept en fonction de ce qu'il souhaite trouver dans l'édifice, ou dans ce texte en l'occurrence.
Ainsi, nous avons entendu, émanant de notre collègue Paul Loridant, un exposé reposant sur des prémisses d'analyses économiques marxistes. (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes. - Rires sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, et de l'Union centriste.)
M. Paul Loridant. Pourquoi pas ?
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Ce n'est pas une insulte !
M. Philippe Marini, rapporteur. Il n'y a aucun jugement de valeur négatif dans mes propos. Je respecte cette analyse, même si ses résultats concrets dans la gestion des économies ont abouti à ce que nous savons tous. Sur le plan intellectuel, ces raisonnements méritent en effet le respect, bien évidemment si on ne les considère que comme des thèses universitaires. (Manifestations d'approbation sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.) Hélas, ils eurent des applications dramatiques dans certains pays, ce dont, heureusement, notre pays a été prémuni, même s'il s'en est fallu de peu à certains moments !
Bref, cette analyse nous a été présentée avec rigueur et avec une grande honnêteté intellectuelle.
M. Gérard Larcher. C'est toujours le cas !
M. Philippe Marini, rapporteur. Parallèlement, nous avons entendu tout à l'heure M. Laurent Fabius, ministre de l'économie et des finances, se référer au fonctionnement de l'économie de marché, nous parler d'ouverture des frontières, de liberté des mouvements de capitaux, de compétitivité des entreprises. Il nous a expliqué par exemple que la régulation financière, la réforme des institutions boursières - qu'on la réalise tout de suite ou un peu plus tard - étaient indispensables, dans le cadre européen, dans le cadre de l'économie mondiale, dans le cadre des marchés tels qu'ils fonctionnent actuellement.
Aussi, quand j'entends, d'une part, M. Laurent Fabius, dont je respecte tout à fait la manière de présenter les choses - sur certains des propos qu'il a tenus, je n'ai d'ailleurs aucune opposition fondamentale à émettre - et quand j'entends, d'autre part, M. Paul Loridant, je me pose des questions. Je me demande comment ils peuvent être ensemble. (Rires et exclamations sur diverses travées.)
M. Paul Loridant. Nous sommes de bonne compagnie ! (Sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur. C'est pourquoi la présentation de cette motion est un fait intéressant.
C'est d'ailleurs, monsieur le président de la commission des finances, un fait qui mérite réflexion. (Sourires sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
En effet, la commission s'est réunie pour examiner un grand nombre d'amendements - la semaine dernière, nous en avons adopté 175 ; nous allons sans doute, demain, en examiner encore beaucoup d'autres -...
M. Paul Blanc. Sauf si nous votons pour la motion !
M. Philippe Marini, rapporteur. ... elle n'a jamais examiné la motion déposée par M. Paul Loridant. Je ne suis donc pas en mesure, monsieur le président, de donner en cet instant l'avis de la commission. (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Je crois donc important, monsieur le président de la commission des finances, que vous puissiez nous faire part de votre sentiment sur ce sujet, de telle sorte que le Sénat soit mieux éclairé. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Merci, monsieur le rapporteur, de n'avoir pas répondu à l'interrogation que vous formuliez vous-même et d'avoir donné la possibilité à M. le président de la commission des finances de s'exprimer. (Sourires.)
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je salue l'honnêteté intellectuelle de M. le rapporteur.
Il a en effet raison de dire que nous sommes face à un problème politique important. Il n'y a, dit-on, pire péril pour les peuples que de ne pas être gouvernés. En vérité, il en est peut-être un pire, c'est d'être mal gouverné. Or, sous la Ve République, pour gouverner, le Gouvernement doit être soutenu par une majorité.
M. Paul Loridant, dont je ne partage pas toutes les idées, s'est exprimé tout à l'heure d'une manière très claire, et il l'a fait au nom du groupe communiste républicain et citoyen, dans ses deux composantes, le parti communiste... ai-je bien entendu, monsieur Loridant ?...
M. Paul Loridant. Absolument !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. ... et le Mouvement des Citoyens... ai-je bien entendu, monsieur Loridant ?...
M. Paul Loridant. Absolument !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. J'avais cru comprendre, madame la secrétaire d'Etat, que leur soutien était indispensable pour que ce gouvernement gouverne, ce gouvernement qui a employé envers la majorité du Sénat des mots qui pourraient parfois la blesser si elle n'avait vu si souvent des gouvernements passer très vite.
Ce soir, madame la secrétaire d'Etat, la majorité sénatoriale permettra peut-être à votre gouvernement de présenter au Sénat un texte dont vous nous avez expliqué combien il était nécessaire.
Après M. le rapporteur, je pose la question : est-il sérieux de travailler dans les conditions dans lesquelles nous le faisons, mes chers collègues, c'est-à-dire avec un gouvernement qui n'est plus soutenu par une partie de sa majorité ? Comment cela pourrait-il nous apparaître comme anecdotique ? Ou alors, votre gouvernement, madame la secrétaire d'Etat, est en train de vivre d'anecdotes !
Je le dis avec gravité, car je ne m'en réjouis pas. Je ne soutiens pas du tout ce gouvernement mais je le respecte parce que c'est celui des Français.
L'interrogation qui est aujourd'hui la mienne est de savoir si les Français ont encore un gouvernement soutenu par une majorité. Je ne le pense pas ! M. Loridant ne nous a-t-il pas, à l'instant, de cette tribune, fait comprendre qu'il n'existait plus de majorité pour soutenir le Gouvernement ?
Monsieur le rapporteur, vous m'avez posé une question. Vous y répondrez vous-même tout à l'heure parce que c'est votre rôle de le faire, au nom de la commission des finances. Cela étant, connaissant mes collègues de ladite commission, je sais qu'ils ont le sens de l'intérêt supérieur de la nation, et je ne pense pas qu'il soit, dès lors, utile de les réunir. Bien que ce gouvernement n'ait plus de majorité ce soir (Rires et exclamations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen) , il faut continuer à légiférer pour le bien des Français.
Par conséquent, monsieur le rapporteur, je ne vous recommande pas de demander une suspension de séance et, pour ma part, si vous le suggérez au Sénat, j'approuverai le rejet de la proposition de M. Loridant. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Gérard Larcher. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Monsieur le président de la commission, pour répondre à votre sollicitation et surtout pour que le bicamérisme joue tout son rôle, c'est-à-dire pour que le Sénat apporte son empreinte à ce texte, qui en a bien besoin, je crois qu'il faut rejeter la motion tendant à opposer la question préalable.
M. Paul Loridant. Hélas !
M. Philippe Marini, rapporteur. Si nous ne la rejetons pas, le texte actuel, qui, sur bien des points, est loin d'être excellent - je crois que nous l'avons prouvé -, sera probablement adopté une nouvelle fois par l'Assemblée nationale. Or, pour notre pays, ce ne serait sans doute pas une bonne chose.
En conséquence, mes chers collègues, je crois que, au nom de nos responsabilités de législateur, il nous faut rejeter la motion présentée par M. Paul Loridant, tout en nous réjouissant qu'elle ait pu être défendue et donner lieu à ce débat. (Applaudissements sur les travées du RPR.) M. le président. Tout a été dit. Reste la question posée par M. le rapporteur et à laquelle, naturellement, Mme le secrétaire d'Etat va répondre : comment peuvent-ils être encore ensemble ? (Rires sur les travées du RPR et sur le banc des commissions.)
M. Gérard Delfau. Je crois que vous outrepassez quelque peu votre rôle, monsieur le président !
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement sur la motion n° 606 ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Un président qui prend part au débat, c'est certain, ne peut que contribuer à l'animer...
M. le président. Je me permettais simplement de rappeler les termes de la question qui a été posée par le rapporteur.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. En vérité monsieur le président, je l'avais totalement oubliée.
Quoi qu'il en soit, je remercie M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur de nous soutenir dans la recherche d'une majorité. (Sourires.)
Je pourrais, moi aussi, ironiser de la même manière sur la versatilité d'autres majorités. Je pourrais revenir sur les déclarations de M. Charié et sur celles de M. Larcher.
Pour ma part, je ne connais pas d'exemple, sous la Ve République, d'une majorité qui n'ait jamais nourri en son sein la moindre différence.
Au demeurant, s'il n'y avait pas de différences entre nous, nous serions tous dans le même parti politique. Le souci du Premier ministre a été précisément de faire de cette majorité une majorité plurielle, avec des cultures, des façons de voir différentes. C'est même souvent cette pluralité des cultures qui nous est reprochée !
En tout cas, il y a assurément, dans la majorité plurielle, au-delà des différences de culture, une base commune de valeurs.
Mais j'en viens maintenant aux remarques de M. Loridant, auquel je me dois de répondre. Comme vous, monsieur Loridant, et comme beaucoup de membres de cette assemblée, nous avons été choqués par un certain nombre de faits tels que ceux qui se sont produits chez Michelin. Vous avez rappelé les montants que peuvent parfois atteindre des indemnités de licenciement ou des stocks-options distribuées dans notre pays. En fait, beaucoup de nos concitoyens ont été choqués par tout cela.
Vous jugez que la réponse que nos proposons d'apporter n'est pas satisfaisante, et vous avez évidemment le droit le plus absolu d'exprimer cette différence d'appréciation. Il est important pour la démocratie, pour la qualité des débats, pour la progression des idées, d'écouter la différence de l'autre. Si l'on ne sait pas entendre ce qui est différent chez l'autre, on court le risque du monolithisme, et, à la limite, on est un très mauvais démocrate.
Il est indéniable que se déroulent dans l'ensemble du monde, y compris en Europe, des phénomènes particulièrement choquants. Vous en avez, ainsi que certains de vos collègues du groupe socialiste, évoqué fort justement certains. Il est bon, en effet, de rappeler, par exemple, que certaines entreprises à capitaux majoritairement français, ici ou là, ne respectent pas les droits sociaux.
Mais, précisément, nous pensons que, face à de tels phénomènes, ce texte permet de faire un pas. Sans doute est-il modeste, eu égard à l'ampleur du scandale que constituent certaines situations, mais c'est tout de même un pas.
Ainsi, nous abordons la question des stocks-options d'une manière très différente de celle qui prévalait dans le passé.
Par ailleurs, nous établissons une distinction nette entre réglementation et régulation.
Comme beaucoup d'acteurs politiques de ce pays, je suis intimement convaincue que, malheureusement, le pouvoir politique est obligé d'intervenir dans les relations économiques plus qu'il ne le devrait, et cela faute d'une solidarité suffisante entre les acteurs économiques.
En trois ans, j'ai appris beaucoup et j'ai constaté bien plus de choses négatives que de choses positives quant à la solidarité entre les acteurs économiques. J'ai d'ailleurs souvent expliqué à des patrons de toutes petites entreprises, commerçants ou artisants, sous-traitants ou cotraitants, que, derrière l'unanimité qu'ils manifestaient parfois sur certains sujets, il y avait toutes les bagarres entre les uns et les autres, les difficultés de survie des petites entreprises, les difficultés des responsables de filiales, etc. Il y aurait beaucoup à dire sur la solidarité économique !
Pour que cette solidarité économique advienne, il est nécessaire de faire un peu de régulation. Ce que nous cherchons à faire, c'est imprimer une volonté de dialogue entre les acteurs, et, à nos yeux, c'est un pas important.
J'ai parlé tout à l'heure des valeurs. Je voudrais évoquer aussi la notion économique de valeur. M. le rapporteur a considéré que votre analyse, monsieur Loridant, s'appuyait sur des fondements marxistes. Mais, justement, depuis Marx, personne n'a échafaudé de nouvelle théorie économique de la valeur, et de nombreux économistes, de tous bords, le reconnaissent aujourd'hui. Or c'est peut-être ce qui nous manque le plus.
Ce qui est certain, en tout cas, c'est que, aujourd'hui, dans ce pays, la répartition de la valeur ne se fait pas de façon solidaire ou de façon juste. Eh bien, dans ce texte, à travers ce qui concerne la distribution, la « gouvernance » des entreprises ou le droit des sociétés, par exemple, nous visons à une répartition plus juste de la valeur. Les progrès que nous vous proposons d'accomplir s'agissant des relations entre les acteurs économiques, des relations internes à l'entreprise, des relations entre les détenteurs du capital et les salariés, des relations entre ceux qui ont à gérer les marchés, constituent selon nous un pas vers une répartition plus juste de la valeur.
Nous pensons que, pour parvenir à cette plus juste répartition, la régulation devrait ouvrir plus de voies que la réglementation. Nous espérons que la médiation jouera beaucoup plus que la réglementation.
Je souhaite donc, monsieur Loridant, que vous preniez toute votre place dans ce débat : je le souhaite ardemment, au nom de notre fonds commun de valeurs, qui n'est pas un fonds commun de placement... (Sourires et applaudissements sur les travées socialistes. - M. Loridant applaudit également.)
M. le président. Je rappelle qu'en application de l'article 44 du règlement la parole peut être accordée pour explication de vote pour une durée n'excédant pas cinq minutes à un représentant de chaque groupe.
M. Marc Massion. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Massion, pour explication de vote.
M. Marc Massion. Je voudrais d'abord dire que j'ai été désagréablement surpris tout à l'heure par le « numéro » - je ne trouve pas d'autre mot ! - auquel se sont livrés M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur. (Vives protestations sur le banc des commissions.)
M. Paul Blanc. Et le numéro de M. Loridant ?
M. Marc Massion. Il me semble que cette sorte de polémique politicienne n'est pas conforme à l'image que vous-mêmes, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, vous vous attachez à donner de notre Haute Assemblée.
Mais je reviens à la question préalable qui a été soulevée par notre collègue Paul Loridant.
Nous aussi, nous avons été très choqués par l'annonce simultanée par le groupe Michelin de l'augmentation de son bénéfice, de la hausse de sa cotation boursière et d'un plan de licenciements ! Bien sûr, nous aussi, nous voyons dans ce triptyque le symbole d'une logique libérale purement financière que nous condamnons ! Mais c'est justement pour cette raison, parmi d'autres, que nous souhaitons un véritable Etat social, qui oriente, arbitre, garantit, protège, bref, qui régule.
Mon intervention dans le cadre de la discussion générale en témoigne, nous ne voulons absolument pas cantonner la puissance publique à un rôle d'observateur passif d'un marché, lui, bien actif ! La régulation n'est pas, pour nous, la consécration du dessaisissement de l'Etat. Pour nous, elle doit se traduire par la gestion évolutive d'un corpus de règles du jeu, permettant de limiter les occurrences dans lesquelles l'économie de marché sape elle-même les principes sur lesquels elle est censée être fondée !
La régulation est un processus permanent. Et le projet de loi qui nous est présenté rassemble, à un moment donné, les avancées de ce processus.
Nous vivons ici, en France et en Europe, dans une économie de marché, et non dans une économie administrée. Pour cette raison, nous nous refusons de choisir entre le tout et le rien, à savoir entre le tout réglementaire et le rien libéral. Nous nous donnons pour mission d'agir, et ce projet est un moyen d'agir.
C'est pourquoi le groupe socialiste ne votera pas la question préalable. (Exclamations amusées sur les travées du RPR.)
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Monsieur le président, lorsqu'il s'agit de l'honneur d'une commission et de la manière dont s'exercent certaines fonctions, vous me pardonnerez de faire perdre au Sénat une minute supplémentaire pour dire chaleureusement et sincèrement à Marc Massion que la majorité sénatoriale a mieux à faire que d'arbitrer les différends de la majorité plurielle.
M. Gérard Larcher. Absolument !
Mme Odette Terrade. Mais c'est vous qui le faites !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Mais nous ne voulons pas priver les Français du bénéfice d'une loi qui soit la moins imparfaite possible, tant celle que l'Assemblée nationale a élaborée est mauvaise.
Par conséquent, monsieur Massion, arrangez-vous avec les communistes, avec le Mouvement des citoyens, et peut-être avec les Verts pour avoir une majorité cohérente et aller au terme de votre législature : c'est tout ce que nous vous demandons, pour les Français. Pour le reste, ceux-ci seront juges.
Mais franchement, ce soir, ce n'est pas nous qui avons provoqué cette cacophonie, c'est vous ! Et il était naturel que nous vous le fassions remarquer. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Joël Bourdin. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Bourdin.
M. Joël Bourdin. Les Républicains et Indépendants forment un groupe positif et réaliste. Ils considèrent donc le débat sur le texte qui nous est soumis comme important.
Ce texte nous parvient mal ficelé, il part un peu dans tous les sens ; mais nous allons vous aider, madame la secrétaire d'Etat, à le rectifier et à le rendre cohérent dans différents domaines. Nous aurons beaucoup d'amendements à proposer, et un lourd travail attend demain matin la commission des finances.
Nous sommes surpris que, alors que ce texte fourre-tout permet sans conteste le dépôt de nombreux amendements, nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen n'aient pas choisi cette voie pour le modifier et lui donner des orientations tout à fait nouvelles : n'est-ce pas précisément notre rôle ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis. Ils l'ont fait ! L'un n'empêche pas l'autre !
M. Joël Bourdin. Je remercie à la fois M. le rapporteur et M. le président de la commission des finances, qui, d'une manière très claire et très simple, ont exprimé le point de vue de la majorité sénatoriale en s'étonnant de cette situation. Nous les suivons pleinement dans les orientations qu'ils ont indiquées et nous ne voterons pas la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR).
M. Gérard Larcher. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Larcher.
M. Gérard Larcher. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le groupe du Rassemblement pour la République a souhaité que nous entrions dans le débat et que, grâce aux amendements qui seront proposés tant par les commissions que par nos collègues, nous tentions d'améliorer ce texte. Car nous croyons au bicamérisme et à l'enrichissement que permet le travail de cette assemblée.
De plus, relisant la motion défendue par M. Loridant, j'avoue ne pas pouvoir m'associer à certaine terminologie, même s'il m'a fait remarquer tout à l'heure que j'étais à bâbord... pour ne pas dire à gauche. Mais, vous le savez, gauche ou droite, dans notre hémicycle, c'est un problème de géographie : tout dépend de la place du président. Alors, suis-je dans la Montagne ou dans le Marais ?... (Sourires.)
En tout cas, ce qui compte dans ce débat, c'est que nous fassions évoluer le texte de l'Assemblée nationale, qui a préféré la voie de la réglementation à celle de la régulation,...
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis. Absolument !
M. Gérard Larcher. ... que nous lui donnions les moyens de progresser et de changer ; c'est le travail que nous allons faire ensemble.
Le groupe du Rassemblement pour la République, comme M. Joël Bourdin l'a dit pour les Républicains et Indépendants, ne peut que souscrire à l'analyse que M. le rapporteur et M. le président de la commission des finances ont développée devant nous. Le problème politique est réel.
Qu'un gouvernement, confronté au problème majeur de la mondialisation de l'économie, soit amené à constater que ce projet de loi donne lieu à une fracture ne peut que me conduire à m'inquiéter pour mon pays, car nous devrons faire face, demain, aux évolutions inhérentes à la construction européenne et à la réalité de l'économie mondiale. C'est la raison pour laquelle nous devrons bien travailler ensemble dans les jours qui viennent. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, et de l'Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 606, repoussée par la commission et par le Gouvernement.
Je rappelle que son adoption entraînerait le rejet du projet de loi.

(La motion n'est pas adoptée.)
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

10

COMMUNICATION RELATIVE
À UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le président. J'informe le sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'archéologie préventive n'est pas parvenue à l'adoption d'un texte commun.

11

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI
ORGANIQUE

M. le président. J'ai reçu de M. Philippe Arnaud une proposition de loi organique, relative à la durée du mandat de sénateur.
La proposition de loi organique sera imprimée sous le n° 13, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

12

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. Ladislas Poniatowski une proposition de loi tendant à compléter le code électoral sur la prise en considération du vote blanc.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 14, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

13

TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil sur les lignes directrices pour les politiques de l'emploi des Etats membres en 2001.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1559 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Communication de la Commission sur les services d'intérêt général en Europe.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1560 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil modifiant l'article 3 de la décision 98/198/CE du Conseil, du 9 mars 1998.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1561 et distribué.

14

RENVOI POUR AVIS

M. le président. J'informe le Sénat que le projet de loi portant habilitation du Gouvernement à transposer, par ordonnances, des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines dispositions du droit communautaire (n° 473, 1999-2000), dont la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale est saisie au fond est renvoyé pour avis, à leur demande et sur décision de la conférence des présidents, à la commission des affaires culturelles, à la commission des affaires économiques et du Plan, à la commission des affaires sociales et à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.

15

DÉPÔT D'UN RAPPORT

M. le président. J'ai reçu de M. Jacques Legendre, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'archéologie préventive.
Le rapport sera imprimé sous le n° 15 et distribué.

16

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 11 octobre 2000, à quinze heures et le soir :
1. Nomination des membres de la commission spéciale chargée de vérifier et d'apurer les comptes du Sénat.
2. Suite de la discussion du projet de loi (n° 321, 1999-2000), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif aux nouvelles régulations économiques.
Rapport (n° 5, 2000-2001) de M. Philippe Marini, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Avis (n° 4, 2000-2001) de M. Pierre Hérisson, fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan.
Avis (n° 10, 2000-2001) de M. Jean-Jacques Hyest, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Avis (n° 343, 1999-2000) de M. Jean Chérioux, fait au nom de la commission des affaires sociales.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.

Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements

Projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la solidarité et au renouvellement urbains (n° 456, 1999-2000) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 16 octobre 2000, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 16 octobre 2000, à douze heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures vingt.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES DU SÉNAT
établi par le Sénat dans sa séance du mardi 10 octobre 2000
à la suite des conclusions de la conférence des présidents

Mercredi 11 octobre 2000 :
A 15 heures et le soir :
1° Nomination des membres de la commission spéciale chargée de vérifier et d'apurer les comptes du Sénat.
(Les candidatures à cette commission doivent être remises au secrétariat central du service des commissions, avant 17 heures, le mardi 10 octobre 2000.)

Ordre du jour prioritaire

2° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif aux nouvelles régulations économiques (n° 321, 1999-2000).
Jeudi 12 octobre 2000 :
A 9 h 30 et à 15 heures :

Ordre du jour prioritaire

Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif aux nouvelles régulations économiques (n° 321, 1999-2000).
Mardi 17 octobre 2000 :
A 9 h 30 :

Ordre du jour prioritaire

1° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif aux nouvelles régulations économiques (n° 321, 1999-2000).
A 16 heures et le soir :
2° Suite de l'ordre du jour du matin.
3° Nouvelle lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la solidarité et au renouvellement urbains (n° 456, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 16 octobre 2000, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.

L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 16 octobre 2000.)
Mercredi 18 octobre 2000 :
A 15 heures et le soir :

Ordre du jour prioritaire

Suite de la nouvelle lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la solidarité et au renouvellement urbains (n° 456, 1999-2000).
Jeudi 19 octobre 2000 :
A 9 h 30 :

Ordre du jour prioritaire

1° Suite de la nouvelle lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la solidarité et au renouvellement urbains (n° 456, 1999-2000).
A 15 heures :
2° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures.)

Ordre du jour prioritaire

3° Suite de la nouvelle lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la solidarité et au renouvellement urbains (n° 456, 1999-2000).
Mardi 24 octobre 2000 :
A 10 heures :
1° Quinze questions orales (l'ordre d'appel sera fixé ultérieurement) :
- n° 797 de M. Gérard Braun à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (Exonération de taxe d'habitation pour les étudiants logés dans les résidences des CROUS) ;
- n° 848 de M. Alain Gournac à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (Politique familiale) ;
- n° 871 de M. Charles Descours à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (Mise en application de la CMU) ;
- n° 873 de M. Bernard Fournier à M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie (Abandon de la traduction en français des brevets européens) ;
- n° 876 de M. Patrice Gélard à M. le ministre de l'intérieur (Portée des recommandations émises par le Conseil constitutionnel concernant la réforme du mode de scrutin sénatorial) ;
- n° 877 de M. Serge Franchis à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés (Transmission des maladies à prion) ;
- n° 878 de M. Jean-Patrick Courtois à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés (Amélioration des conditions de vie des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer) ;
- n° 879 de M. Francis Grignon à M. le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants (Indemnisation des anciens incorporés de force dans le RAD) ;
- n° 880 de Mme Nicole Borvo à Mme le secrétaire d'Etat au budget (Situation du centre médico-social Clavel de Paris) ;
- n° 882 de M. Jean Chérioux à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (Dispositif de rémunération des heures de veille pour le personnel des établissements d'accueil d'handicapés) ;
- n° 883 de M. Alain Hethener à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (Modalités de la desserte de la région Lorraine par le futur TGV Est) ;
- n° 884 de M. Philippe Madrelle à M. le ministre de l'éducation nationale (Manque de postes d'enseignants dans le département de la Gironde) ;
- n° 890 de M. Fernand Demilly à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche (Mise aux normes des bâtiments d'élevage) ;
- n° 891 de M. Marcel Bony à M. le ministre de l'intérieur (Emplois fonctionnels et intercommunalité) ;
- n° 894 de M. Jean Boyer à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (Liaison aériennne Paris-Grenoble).
A 16 heures et, éventuellement, le soir :

Ordre du jour prioritaire

2° Suite de la nouvelle lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la solidarité et au renouvellement urbains (n° 456, 1999-2000).
Mercredi 25 octobre 2000 :
A 16 heures et, éventuellement, le soir :

Ordre du jour prioritaire

Projet de loi portant habilitation du Gouvernement à transposer, par ordonnances, des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines dispositions du droit communautaire (n° 473, 1999-2000).
(La conférence des présidents a décidé :
- de fixer au mardi 24 octobre 2000, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- d'attribuer au président de la délégation pour l'Union européenne un temps d'intervention de dix minutes ;
- de limiter à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.

L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 24 octobre 2000.)
Jeudi 26 octobre 2000 :

Ordre du jour réservé

A 9 h 30 et à 15 heures :
Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi constitutionnelle de MM. Christian Poncelet, Jean-Paul Delevoye, Jean-Pierre Fourcade, Jean Puech et Jean-Pierre Raffarin relative à la libre administration des collectivités territoriales et à ses implications fiscales et financières (n° 432, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 25 octobre 2000, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 25 octobre 2000.)
Mardi 31 octobre 2000 :

Ordre du jour prioritaire

A 9 h 30 :
1° Sous réserve de sa transmission, projet de loi organique modifiant la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel (AN, n° 2564).
(La conférence des présidents a fixé au lundi 30 octobre 2000, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
2° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relative à la contraception d'urgence (n° 12, 2000-2001).
(La conférence des présidents a décidé :
- de fixer au lundi 30 octobre 2000, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- d'attribuer un temps d'intervention de dix minutes au représentant de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les femmes et les hommes ;
- de limiter à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 30 octobre 2000.)
A 16 heures :
3° Suite de l'ordre du jour du matin.
Mardi 7 novembre 2000 :
A 9 h 30 :
1° Questions orales.
A 16 heures et, éventuellement, le soir :

Ordre du jour prioritaire

2° Nouvelle lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi d'orientation relatif à l'outre-mer.
(La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 6 novembre 2000, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 6 novembre 2000.)
Mercredi 8 novembre 2000 :

Ordre du jour prioritaire

A 15 heures et le soir :
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à l'épargne salariale (n° 11, 2000-2001).
(La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 6 novembre 2000, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 6 novembre 2000.)
Jeudi 9 novembre 2000 :
A 9 h 30 :

Ordre du jour prioritaire

1° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à l'épargne salariale (n° 11, 2000-2001).
A 15 heures :
2° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures.)

Ordre du jour prioritaire

3° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à l'épargne salariale (n° 11, 2000-2001).
En application de l'article 28 de la Constitution et de l'article 32 bis, alinéa 1, du règlement, le Sénat a décidé de suspendre ses travaux en séance publique :
- du 24 décembre 2000 au 7 janvier 2001 ;
- du 11 février 2001 au 25 mars 2001 ;
- du 8 avril 2001 au 16 avril 2001.

A N N E X E
Questions orales inscrites à l'ordre du jour
du mardi 24 octobre 2000

N° 797. - M. Gérard Braun appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur l'exonération de taxe d'habitation dont bénéficient les étudiants logés dans les résidences universitaires gérées par les centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS). Il lui fait part de sa surprise que cette décision n'ait été annoncée qu'à l'occasion de réponses faites par le Gouvernement à de nombreuses questions écrites de parlementaires depuis le début de l'année 1999 et par voie de communiqué de presse en date du 11 février 1999. Il constate ensuite que l'extension de cette exonération s'applique aux résidences universitaires gérées par un CROUS. Il existe donc bien une rupture d'égalité entre l'ensemble des gestionnaires de logements étudiants. Il lui demande sous quelles conditions cette exonération pourrait être étendue à l'ensemble des étudiants logés en résidence universitaire. Enfin, il le prie de bien vouloir lui indiquer les compensations de perte de recettes pour les collectivités locales concernées que le Gouvernement compte mettre en oeuvre.
N° 848. - M. Alain Gournac interroge M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la mise en oeuvre, en 1999, des décisions de la Conférence de la famille de juin 1998 qui ont permis le retour à l'universalité des allocations familiales et abaissé le plafond du quotient familial. Il lui rappelle qu'en contrepartie le budget de l'Etat avait pris en charge l'allocation de parent isolé (API), soit environ 4 milliards de francs. Il lui demande donc quel a été le rendement réel de la mesure relative au quotient familial. Il lui demande également, étant donné que ce rendement est probablement supérieur au transfert prévu, s'il envisage de rendre le différentiel aux familles. Par ailleurs, il lui rappelle qu'il a abaissé le plafond de la pension alimentaire versée à un enfant majeur sans discussion avec le mouvement familial, cette décision n'ayant fait, quant à elle, l'objet d'aucune contrepartie alors que chacun s'accorde à reconnaître la nécessité d'une amélioration significative de la situation des familles ayant des jeunes adultes à charge. Il lui demande donc enfin quel a été le rendement réel de cette dernière mesure et s'il envisage d'en réinvestir au moins une partie en direction des familles.
N° 871. - M. Charles Descours attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur les conséquences sociales inquiétantes de la mise en application de la couverture maladie universelle dans un grand nombre de départements. L'Isère figure parmi la dizaine de départements qui avaient un barème AMG (aide médicale générale) plus favorable que la CMU. C'est aussi le cas à Paris où la carte Paris Santé avait un plafond maximal de ressources supérieur à celui de la CMU. Or, fin octobre, les affiliations automatiques des anciens bénéficiaires vont prendre fin et un grand nombre de personnes déjà économiquement très fragiles risquent de ne plus être couvertes. Mais les conseils généraux ne pourront pas pallier ce manque. Effectivement, la compétence appartient désormais de par la loi à l'Etat. Les conseils généraux continueront à financer cette dépense par une ponction sur la dotation générale, et les personnels du service AMG sont généralement tous redéployés sur d'autres services de décentralisation. Il lui demande par conséquent de bien vouloir lui indiquer les mesures concrètes qu'elle compte prendre de manière urgente pour éviter cet effet pervers de la loi qui va créer une nouvelle catégorie d'exclus.
N° 873. - M. Bernard Fournier appelle l'attention de M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie sur l'abandon de la traduction en français des brevets européens. Le Gouvernement a accepté le principe d'un renoncement à l'obligation de cette traduction. Cette intention marque un retour en arrière par rapport à la position initiale exprimée par la France et qui était basée sur un compromis consistant à limiter l'obligation de traduction pour la seule partie signifiante. Si, officiellement, les déposants pourront choisir entre trois options, anglais, allemand et français, il est à redouter que le « tout anglais » prévale en l'absence de mesures contraignantes. L'Académie des sciences morales et politiques a manifesté son désaccord sur le projet gouvernemental. Pour sa part, il attire l'attention du Gouvernement sur la contradiction que le revirement de position de l'exécutif entraîne avec la Constitution, notamment son article 2 qui stipule que « la langue de la République est le français ». La langue française est sans cesse menacée par l'extension de l'anglais. Le monde industriel et le monde commercial sont des secteurs sensibles où tout recul de la francophonie peut préfigurer d'autres évolutions. Aussi il le remercie de bien vouloir lui indiquer si le Gouvernement entend, in fine, développer une politique offensive de maintien de l'obligation de traduction dans les différents secteurs, ou s'il préfère capituler devant une nouvelle forme de domination linguistique.
N° 876. - M. Patrice Gélard appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les suites éventuelles que le Gouvernement souhaite accorder à la réforme du mode de scrutin sénatorial compte tenu des recommandations émises par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 6 juillet 2000 concernant la loi relative à l'élection des sénateurs. Le dispositif du projet de loi engagé par le Gouvernement pour réformer l'élection des sénateurs comportait deux règles majeures (la première, pilier de ce projet de loi, modifiait très sensiblement la composition du collège électoral du Sénat, l'autre disposition tendait à modifier le mode de scrutin en augmentant le nombre de sénateurs élus au scrutin proportionnel). Cette loi a fait l'objet d'une censure partielle du Conseil constitutionnel. De plus, concernant la modification du mode de scrutin, le Conseil constitutionnel a repris les arguments développés par les auteurs de la saisine et a reconnu l'obligation pour le législateur de modifier la répartition par département des sièges de sénateurs pour tenir compte des évolutions de la population des collectivités territoriales dont le Sénat assure la représentation. En conséquence, il lui demande quelle place il entend accorder aux recommandations émises par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 6 juillet 2000 et dans quelle mesure un projet de loi en ce sens pourrait être prochainement déposé.
N° 877. - M. Serge Franchis appelle l'attention de Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés sur le fait que des informations alarmantes portant sur la transmission des maladies à prion ont été communiquées au cours des dernières semaines. Elles soulèvent de nouvelles questions sanitaires quant au risque de contamination humaine. En effet, le franchissement des barrières d'espèces, par ces agents non conventionnels, serait plus facile qu'on ne le pensait. De plus, des porteurs sains pourraient participer à la dissémination des agents. On peut craindre que des animaux, tels que les volailles ou le porc, puissent être porteurs sains et mettent l'homme en danger. Les travaux des scientifiques conduisent d'abord à envisager de prendre des décisions radicales d'interdiction de toutes farines de viande ou d'os dans l'alimentation des porcs, volailles et poissons. Il s'agirait là d'une précaution élémentaire. La contamination, chez l'homme, pourrait, en outre, se produire non seulement par voie de transfusion sanguine, mais aussi lors d'interventions dentaires ou chirurgicales. Selon le docteur Dominique Dormont, cette situation impose de reconsidérer la sécurité des greffes, des médicaments d'origine humaine et de la transfusion, et aussi de réévaluer les règles de sécurité hospitalière. Il est très vraisemblable que les procédures de stérilisation des matériels chirurgicaux et l'usage de certains outils diagnostiques doivent être revus. Le problème est suffisamment grave pour que des mesures efficaces soient édictées dans les plus brefs délais. Il ne serait pas admissible de voir renouveler certaines attitudes laxistes qui ont prévalu lors d'autres formes de contamination. Quelles mesures vont être prises par le Gouvernement et dans quel délai ?
N° 878. - M. Jean-Patrick Courtois appelle l'attention de Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés sur les revendications légitimes exprimées par de nombreuses familles françaises touchées par la maladie d'Alzheimer. En effet, cette maladie, qui est une affection neurodégénérative, progresse chaque année de façon très inquiétante et nécessite un traitement prolongé et une thérapeutique coûteuse. Afin d'améliorer les conditions de vie des personnes souffrant de ce handicap, une des solutions serait d'envisager un abaissement du taux réduit de TVA de 20,6 % à 5,5 % sur les changes-couches, alèses et gants de toilette jetables. Loin d'être des éléments de confort, ces produits sont indispensables à la vie quotidienne de ces personnes. Par ailleurs, des mesures urgentes doivent être prises afin de faciliter l'hébergement des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer dans les structures spécialisées. En effet, la maladie n'est pas reconnue en tant que telle et entre sous la rubrique des « troubles graves de la personnalité ». Le maintien à domicile coûte très cher et, pour les familles, la prise en charge est épuisante. Le malade doit être surveillé 24 heures sur 24. Aussi serait-il judicieux de favoriser le séjour des malades dans les maisons spécialisées dont le coût de pension reste aujourd'hui une charge financière considérable. Une des solutions serait d'accorder à ces établissements spécialisés un agrément et de déduire le coût des frais de pensions des revenus imposables. Les frais ne seraient donc pas pris en charge par la sécurité sociale. Cette mesure permettrait surtout à davantage de personnes atteintes de cette grave maladie d'être soignées dans des conditions décentes et soulagerait la détresse morale et financière des familles. Aujourd'hui, ce sont près de 500 000 de nos concitoyens qui sont atteints de maladies dégénératives du cerveau, dont 70 % de la maladie d'Alzheimer. C'est pourquoi il souhaiterait connaître la position du Gouvernement sur les propositions ainsi formulées et les mesures qu'il entend mettre en oeuvre pour faire droit à ces requêtes afin que des solutions apparaissent rapidement en faveur des malades et des familles.
N° 879. - M. Francis Grignon appelle l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants sur la mise en place de l'indemnisation des anciens incorporés de force dans le Reicharbeitsdienst (RAD), service de travail forcé institué par les Allemands pendant la Seconde Guerre mondiale. Il y a plus de deux ans, le principe de l'attribution d'une allocation aux anciens incorporés était adopté. Le financement de cette allocation doit être assuré conjointement par l'Etat et par la fondation Entente franco-allemande. Le niveau de cette contribution dépendra du nombre de bénéficiaires, qui devrait être connu prochainement. D'après la loi française inscrite dans le code des pensions militaires d'invalidité, les RAD avaient droit à l'indemnisation allemande, mais la rédaction du règlement intérieur de la fondation les en a exclus. Ainsi un jugement du tribunal de grande instance de Strasbourg les a, une première fois, déboutés de leur demande. La fondation ne peut pas ne pas appliquer son règlement intérieur. C'est la raison pour laquelle il ne semble pas possible de trouver une solution sur le plan juridique. Reste la volonté politique. La fondation Entente franco-allemande propose d'utiliser les fonds disponibles pour indemniser les anciens RAD. Mais, en contrepartie, il est demandé au secrétaire d'Etat de compléter par un effort comparable la contribution de la fondation. Cette mesure d'équité envers des victimes du nazisme permettrait de clore définitivement ce douloureux dossier. Il lui demande donc un engagement sur la date de la mise en place de l'indemnisation des anciens incorporés de force dans le Reicharbeitsdienst.
N° 880. - Mme Nicole Borvo attire l'attention de Mme le secrétaire d'Etat au budget sur les menaces qui pèsent sur le centre médico-social Clavel situé dans le 19e arrondissement de Paris. Comme tous les centres médico-sociaux, celui-ci a une mission de service public. D'ailleurs, avec près de 70 000 visites chaque année, il est reconnu d'utilité publique. Ce centre représente en outre une crèche familiale de 60 berceaux, un centre de protection maternelle et infantile qui suit 1 300 enfants et un planning familial. Cette structure a été entièrement conçue pour faciliter l'accès aux soins à la population de ce quartier populaire. L'ensemble de ses activités s'inscrit donc dans la politique sociale gouvernementale, prend au pied de la lettre la charte des enfants à Paris signée en 1990 et contribue à une réelle diversification des modes de garde. Deux credo y sont appliqués : la mixité socioprofessionnelle et l'attention aux besoins des enfants pour faciliter leur socialisation. Mais la dette fiscale de l'association qui gère le centre pèse de plus en plus lourdement sur celui-ci. Pourtant, au début de cette année, l'administration fiscale faisait preuve de bienveillance en acceptant des remboursements mensuels de 5 000 francs. Or, il semble que la trésorerie principale du 19e exige maintenant un remboursement annuel de 480 000 francs au lieu des 60 000 francs prévus. Il aurait même été question de saisie. Si cette décision devait être appliquée, cela entraînerait à très court terme la fermeture du centre médico-social. Elle lui demande par conséquent de reprendre le dialogue et d'agir en faveur d'une solution qui puisse sauvegarder toutes les activités de ce centre qui a une place importante dans ce quartier populaire de Paris.
N° 882. - M. Jean Chérioux attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur les graves conséquences pour les associations d'aide aux handicapés de deux arrêts en date du 11 mai et du 27 juin 2000 des cours d'appel de Versailles et Paris, écartant l'application de l'article 29 de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000. Il rappelle que cet article, voté à l'unanimité par le Sénat, avec l'avis favorable du Gouvernement, et adopté conforme par l'Assemblée nationale, validait le dispositif de rémunération des heures de veille pour le personnel des établissements d'accueil d'handicapés. Il constate que cet article a été déclaré conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 13 janvier 2000. Il lui demande en conséquence quelles sont les initiatives envisagées par le Gouvernement pour que la volonté du législateur soit respectée et l'avenir des associations d'aide aux handicapés préservé.
N° 883. - M. Alain Hethener interroge M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur les modalités de la desserte de la région Lorraine par le futur TGV Est. En effet, les conclusions d'un rapport de Scetauroute ont ouvert le débat sur la localisation de ce qui devra devenir la gare Lorraine, maintenant que le tracé définitif de la ligne à grande vitesse a été arrêté. Naturellement, plusieurs sites peuvent prétendre à cette localisation. Néanmoins, la nouvelle gare devra se trouver le plus près possible d'un noeud de communications existant, qu'il soit routier, ferroviaire, voire aérien. Il est vrai que le TGV doit représenter l'occasion de mieux irriguer la région Lorraine et de permettre la multiplication des échanges avec tous les points, même les plus isolés du secteur. Un tel objectif suppose le soin particulier qu'il convient d'apporter au choix de l'emplacement de la future gare TGV et des interconnexions qui en découleront. Vandières, Cheminot, Louvigny et l'aéroport régional ? Il lui demande, pour aider à la décision et à l'information des élus locaux, de lui indiquer l'état des réflexions et des études menées par ses services et la SNCF et des conclusions qui semblent s'en dégager.
N° 884. - M. Philippe Madrelle appelle l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur la faiblesse des moyens accordés au département de la Gironde en nombre de postes budgétaires. Il lui rappelle sa volonté de mettre en place dès la rentrée des expérimentations pédagogiques « consistant à affecter plus de maîtres que de classes dans un certain nombre d'écoles, notamment en zone d'éducation prioritaire pour traiter les élèves les plus en difficulté ». Alors que des équipes d'enseignants de ZEP sont prêtes à se lancer dans ces nouvelles expérimentations, il apparaît dommage et regrettable que cet enthousiasme et ce dynamisme soient freinés par un manque de moyens en personnel. En conséquence, il lui demande de quels moyens supplémentaires il entend doter le département de la Gironde, afin que la volonté ministérielle puisse être correctement et dans les meilleurs délais mise en oeuvre.
N° 890. - M. Fernand Demilly attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur la mise aux normes des bâtiments d'élevage, qui constitue l'un des volets du programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole (le PMPOA). Ce programme s'inscrit dans un ensemble législatif et réglementaire européen (directive nitrates) et national (loi sur l'eau et installations classées). Le dispositif engagé en 1993 est prolongé jusqu'en 2003 ; il fixe le cadre financier : 30 % par l'Etat et les collectivités locales, 35 % par l'Agence de l'eau, 35 % par l'éleveur. Un projet d'arrêté ministériel prévoirait une nouvelle application du programme donnant la priorité aux zones vulnérables et modifiant les modalités de financement. Ce projet d'arrêté inquiète les éleveurs ayant déposé un dossier avant sa date de publication et les élevages entrant dans la catégorie des installations classées mais n'étant pas situées dans les futures zones prioritaires. Il souhaiterait connaître les intentions du Gouvernement en ce domaine.
N° 891. - M. Marcel Bony interroge M. le ministre de l'intérieur sur la création d'emplois fonctionnels au sein des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ruraux. Il résulte en effet du décret n° 2000-485 du 2 juin 2000 que désormais les EPCI sont classés dans une strate de population en fonction de leur population intercommunale cumulée. Ce système simple, calqué sur celui des communes, demeure assorti d'un seuil : au moins 20 000 habitants pour la création d'emplois fonctionnels. Ce seuil introduit une différence de situation pénalisante pour l'intercommunalité rurale ou semi-rurale. C'est encore plus sensible lorsqu'il s'agit d'un EPCI « à vocation touristique » dont certaines communes membres sont surclassées et ont droit aux emplois fonctionnels. Face à l'extension des responsabilités des EPCI, il lui demande pourquoi une telle distinction a été privilégiée et comment valoriser la coopération intercommunale fortement intégrée dans ces conditions. N'est-il pas envisageable d'abaisser ce seuil comme cela avait été annoncé ? N'est-il pas au moins concevable que le surclassement des communes soit pris en compte au titre de l'intercommunalité ?
N° 894. - M. Jean Boyer attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur la modification des rotations sur la ligne Paris-Orly/Grenoble - Saint-Geoirs à partir du 30 octobre prochain. La récente décision d'Air France tendant à supprimer sur la ligne Paris-Orly/Grenoble - Saint-Geoirs une rotation sur cinq constitue un handicap très sérieux pour l'économie grenobloise et sa région. Faut-il rappeler que plus de mille industries de la région grenobloise sont exportatrices ? Faut-il rappeler que cette région est la première après Paris en matière de recherche ? Du fait de son attraction touristique, cette amputation ne serait pas de nature à répondre aux besoins croissants des demandes étrangères et nationales. En outre, un seul avion (Fokker 100) assurera désormais l'ensemble des rotations, ce qui fait supposer en cas de panne de l'appareil non seulement des retards, mais éventuellement des annulations de vols. La situation climatique de l'aéroport de Grenoble - Saint-Geoirs (microclimat) répond parfaitement aux nombreux déroutements, pendant la période hivernale, des atterrissages impossibles à l'aéroport Saint-Exupéry à Lyon. C'est pourquoi il demande au Gouvernement le maintien des rotations et des horaires actuels.

ORDRE DE CLASSEMENT DES ORATEURS
POUR LE PROCHAIN DÉBAT
ORGANISÉ PAR LA CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS
(Session ordinaire de 2000-2001)
Tirage au sort effectué le 10 octobre 2000
en application de l'article 29 bis du règlement

1. Groupe des Républicains et Indépendants.
2. Groupe du Rassemblement démocratique et social européen.
3. Groupe communiste républicain et citoyen.
4. Groupe socialiste.
5. Groupe du Rassemblement pour la République.
6. Groupe de l'Union centriste.
7. Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe.

NOMINATION DE MEMBRES
DE COMMISSIONS PERMANENTES

Dans sa séance du mardi 10 octobre 2000, le Sénat a nommé :
M. Claude Lise membre de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, en remplacement de M. Marcel Charmant, démissionnaire ;
M. Marcel Charmant membre de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, en remplacement de M. Claude Lise, démissionnaire.

NOMINATION DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES

M. Philippe Richert a été nommé rapporteur pour avis du projet de loi n° 473 (1999-2000) portant habilitation du Gouvernement à transposer, par ordonnances, des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines dispositions du droit communautaire, dont la commission des lois est saisie au fond.

COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

M. Ladislas Poniatowski a été nommé rapporteur pour avis du projet de loi n° 473 (1999-2000) portant habilitation du Gouvernement à transposer, par ordonnances, des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines dispositions du droit communautaire.

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

M. André Jourdain a été nommé rapporteur pour avis du projet de loi n° 473 (1999-2000) portant habilitation du Gouvernement à transposer, par ordonnances, des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines dispositions du droit communautaire, dont la commission des lois est saisie au fond.

COMMISSION DES FINANCES

M. Denis Badré a été nommé rapporteur pour avis du projet de loi n° 473 (1999-2000) portant habilitation du Gouvernement à transposer, par ordonnances, des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines dispositions du droit communautaire, dont la commission des lois est saisie au fond.

COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LÉGISLATION, DU SUFFRAGE UNIVERSEL, DU RÈGLEMENT ET D'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
M. Daniel Hoeffel a été nommé rapporteur du projet de loi n° 473 (1999-2000) portant habilitation du Gouvernement à transposer, par ordonnances, des directives communautaires.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Réhabilitation des cabanes pastorales

902. - 6 octobre 2000. - M. Claude Domeizel attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur le problème de l'hébergement des bergers lors de la transhumance dans les alpages. A l'aube du xxie siècle, il est anormal que des hommes vivent dans des conditions souvent très sommaires et dignes d'un autre siècle. Outre le bénéfice d'un confort minimum, une amélioration des cabanes pastorales permettrait aux bergers qui le souhaitent de séjourner avec leur famille. En plus du maintien de l'équilibre familial, seraient aussi partagées les tâches professionnelles et de la vie quotidienne qu'aujourd'hui le berger assume seul ; ce qui l'oblige à s'éloigner du troupeau pendant de longues heures. De plus, si un argument supplémentaire devait être apporté, il lui paraît important de souligner que la présence continue du berger ou d'un membre de la famille auprès de son troupeau deviendrait alors un élément complémentaire de défense contre les chiens errants, ou tout autre prédateur, et les intempéries. Les départements et régions participent déjà, avec le concours des ministères de l'environnement et de l'agriculture (Fonds national d'aménagement du territoire, fonds de gestion de l'espace rural), au financement des améliorations pastorales ; mais ces efforts sont à l'évidence insuffisants pour la rénovation de ces habitats. C'est pourquoi il lui demande s'il envisage de prendre des mesures financières plus conséquentes pour la réhabilitation ou la construction de cabanes pastorales.

Suppression de l'émission télévisée « Montagne »

903. - 9 octobre 2000. - M. Jean Faure appelle l'attention de Mme le ministre de la culture et de la communication sur la récente décision de France 3 Télévision de supprimer l'émission « Montagne » diffusée le dimanche matin et produite par France 3 Grenoble. Il lui indique que cette décision provoque le mécontentement des élus et des populations de la montagne qui souhaitent que soit maintenu un rendez-vous télévisuel régulier sur ce sujet, dans un créneau à plus forte audience. Il lui précise que cette disparition du thème de la montagne des grilles de programmes est regrettable dans un contexte où le grand public a, à son sujet, des a priori souvent erronés et ne disposera donc plus d'un média facile d'accès pour en appréhender les spécificités et les réalités socio-économiques.

Enseignement des langues wallisienne et futunienne
et place de Wallis et Futuna dans la nouvelle organisation
de l'enseignement supérieur dans le Pacifique

904. - 10 octobre 2000. - M. Robert Laufoaulu appelle l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale d'une part, sur l'enseignement des langues wallisienne et futunienne dans les établissements scolaires et universitaires, d'autre part, sur la situation du territoire de Wallis-et-Futuna du point de vue de l'enseignement supérieur. Pour ce qui concerne le premier point, la loi n° 51-46 du 11 janvier 1951 dite loi Deixonne, a mis en place un enseignement de langue et culture régionales couvrant l'ensemble de la scolarité. Les dispositions de cette loi, qui s'appliquaient initialement au basque, au breton, au catalan et à l'occitan, ont été successivement étendues à d'autres langues, notamment au tahitien (décret du 12 mai 1981) et aux langues mélanésiennes (arrêté du 20 octobre 1992). Il souhaiterait donc connaître sa position sur la possibilité d'étendre cette loi aux langues wallisienne et futunienne. S'agissant du deuxième point, l'université française du Pacifique, dont la compétence s'exerçait sur les trois territoires français du Pacifique Sud, est désormais scindée en deux entités distinctes : l'université de Polynésie française et l'université de Nouvelle-Calédonie. En conséquence, il souhaiterait savoir quelle sera la place exacte de Wallis-et-Futuna dans cette nouvelle organisation de l'enseignement supérieur, et notamment, dans la logique de la première partie de cette question, quelle pourrait être la place de l'enseignement des langues wallisienne et futunienne dans l'enseignement supérieur.

Réforme des aides à l'embauche de jeunes
en contrat de qualification

905. - 10 octobre 2000. - M. Jean-Claude Carle appelle l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur le projet de décret visant à réformer les aides forfaitaires pour les contrats de qualification. Ce mécanisme permet d'octroyer une aide de 5 000 ou 7 000 francs aux employeurs qui concluent des contrats de qualification avec des jeunes éligibles au dispositif. La suppression de cette aide à l'embauche ne manquerait pas d'avoir des conséquences particulièrement graves sur le fonctionnement des groupements d'employeurs pour l'insertion et la qualification (GEIQ). Ces structures, dont l'instance nationale est conventionnée depuis de nombreuses années avec le ministère en charge du travail, embauchent notamment et mettent à disposition des employeurs membres du GEIQ des jeunes sans qualification. Le contrat de qualification est le contrat majoritairement mis en oeuvre au sein de ce réseau, fort de près de quatre-vingt-dix entités. Grâce à la formation en alternance et à l'accompagnement socioprofessionnel réalisé par le GEIQ, les jeunes salariés du GEIQ se qualifient et s'insèrent, à l'issue de leur contrat, dans une proportion très satisfaisante au sein d'entreprises, membres ou pas du groupement. En tant qu'employeur, le GEIQ bénéficie de l'aide forfaitaire à l'embauche. C'est principalement grâce à cette aide que l'accompagnement socioprofessionnel est réalisé. En effet, alors même que les GEIQ participent pleinement à l'insertion par l'activité économique, ils ne bénéficient d'aucune aide publique pérenne. Dès lors, la suppression de l'aide forfaitaire à l'embauche limiterait la capacité des GEIQ à accompagner les publics en grande difficulté qu'ils accueillent. C'est pourquoi il souhaiterait avoir l'assurance que sera maintenue pour les entreprises de dix salariés et plus, à l'instar de ce qui est envisagé pour l'aide forfaitaire à l'apprentissage, la prime à l'embauche pour les jeunes en contrat de qualification.

Reconstitution de carrière des médecins sous contrat
dans les centres hospitaliers publics

906. - 10 octobre 2000. - M. Bernard Cazeau souhaite attirer l'attention de M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat sur le problème de reconstitution de carrière et de reconnaissance d'ancienneté de statut des médecins sous contrat dans les centres hospitaliers publics. En effet, à l'issue du dernier concours national de praticien hospitalier, les médecins sous contrat dans les centres hospitaliers de Bergerac et Périgueux se sont inscrits sur les listes d'aptitudes aux fonctions de praticien hospitalier parues au Journal officiel du 27 février 2000. Or, les textes réglementaires ne permettent pas de prendre en compte, au titre de l'ancienneté, l'ensemble des années passées au sein du service public hospitalier, leur situation étant trop atypique. La situation est particulièrment préoccupante pour les médecins nommés ou dont le dossier est en cours d'instruction au ministère de la santé. Cette situation concernera, à terme, près de vingt-trois médecins des services d'urgences, des services d'assistance médicale d'urgence (SAMU) et des services médicaux d'urgence et de réanimation (SMUR) des hôpitaux de Bergerac, Périgueux et Sarlat. En conséquence, il souhaiterait connaître les mesures qu'il entend mettre en oeuvre pour résoudre ce problème.

Situation des associations intermédiaires d'Aquitaine

907. - 10 octobre 2000. - M. Auguste Cazalet souhaite attirer l'attention de M. le secrétaire d'Etat à l'économie solidaire sur les difficultés rencontrées par les associations intermédiaires d'Aquitaine dans l'exercice de leur missions ainsi que sur le bilan pour le moins mitigé que leur union régionale vient de dresser après un an d'application des dispositions de la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre l'exclusion concernant l'insertion par l'activité économique, inscrites à l'article L. 322-4-16-3 du code du travail. Ce dispositif a été complété par le décret n° 99-109 du 18 février 1999 et s'applique aux associations intermédiaires (AI) depuis le 1er juillet 1999. En dépit de la légitimité et du rôle social qui leur a été reconnu par la loi, les AI d'Aquitaine ont vu leur activité brutalement chuter puisque sept d'entre elles ont dû s'arrêter, ce qui représente la perte de 308 salariés équivalents temps plein. Les sorties pour contrat de travail ont diminué de 24 % en Aquitaine, 38 % dans le Lot-et-Garonne. Cette tendance est encore plus marquée en Gironde où les AI observent une baisse du secteur marchand de 48,6 % et de 52 % dans le bâtiment, alors que ce secteur connaît une pénurie de main-d'oeuvre. Déplorant qu'en période de reprise économique des personnes en difficulté soient exclues du marché de l'emploi, les AI d'Aquitaine estiment que la loi de 1998, telle qu'elle est appliquée à l'heure actuelle, les empêche de mener à bien leurs missions. En raison d'abord de l'absence de financement de l'accompagnement social pour laquelle les AI sont de plus en plus sollicitées ; il semblerait que les entreprises d'insertion (EI) et les entreprises de travail temporaire d'insertion (ETTI), dont les missions sont similaires et les publics concernés très proches, bénéficient d'un financement de l'Etat de 120 000 francs pour un poste d'accompagnateur social, les AI recevant une aide de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS) au titre des mesures ASI (appui social personnalisé), ce qui concernerait une très faible proportion de salariés. Le fait ensuite de limiter à 240 heures la durée pendant laquelle le salarié peut être admis à disposition d'un ou de plusieurs employeurs (art. 8-3° du décret du 18 février 1999), méconnaîtrait la réalité humaine du parcours d'insertion, certains salariés pouvant accéder à un emploi ou être envoyés vers une ETTI après 110 heures, d'autres ayant besoin d'une lente et progressive immersion de 400 heures en secteur marchand. Enfin, la notion de mois calendaire sur la base de laquelle est calculée l'intervention en entreprise rendrait la mise à disposition plus complexe et réduirait le temps disponible pour le suivi social. Il lui demande de bien vouloir lui préciser les aménagements qu'il envisage d'apporter à la législation en direction des AI afin que celles-ci puissent exercer pleinement leur rôle d'insertion par l'activité économique et ainsi participer à la redynamisation du tissu économique local.