SEANCE DU 10 OCTOBRE 2000
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Modification de l'ordre du jour
(p.
1
).
3.
Démission de membres de commissions et candidatures
(p.
2
).
4.
Questions orales
(p.
3
).
AMÉNAGEMENT DES ROUTES NATIONALES 43 ET 52 (p. 4 )
Question de M. Philippe Nachbar. - Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme ; M. Philippe Nachbar.
CONDITIONS DE CIRCULATION SUR LA RN 415 (p. 5 )
Question de M. Hubert Haenel. - Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme ; M. Hubert Haenel.
MESURES EN FAVEUR DES EMPLOYÉS SAISONNIERS
DANS L'INDUSTRIE TOURISTIQUE (p.
6
)
Question de Mme Marie-Claude Beaudeau. - Mmes Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme ; Marie-Claude Beaudeau.
TAUX RÉDUIT DE TVA
APPLIQUÉ AUX PRESTATIONS D'ASSAINISSEMENT (p.
7
)
Question de M. Pierre Hérisson. - MM. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur ; Pierre Hérisson.
GUICHET UNIQUE POUR LE RECOUVREMENT
DES COTISATIONS SOCIALES
DES ARTISANS ET COMMERÇANTS (p.
8
)
Question de M. Dominique Braye. - MM. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur ; Dominique Braye.
AVENIR DES LIBRAIRIES (p. 9 )
Question de M. Gérard Delfau. - Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication ; M. Gérard Delfau.
DROIT DE PRÊT EN BIBLIOTHÈQUES (p. 10 )
Question de M. Yann Gaillard. - Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication ; M. Yann Gaillard.
RATIFICATION PAR LA FRANCE
DE LA CONVENTION D'UNIDROIT (p.
11
)
Question de M. Daniel Hoeffel. - Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication ; M. Daniel Hoeffel.
MINES ANTIPERSONNEL ET OPÉRATIONS DE DÉMINAGE (p. 12 )
Question de M. Michel Pelchat. - MM. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants ; Michel Pelchat.
RECONNAISSANCE ET TRAITEMENT
DES MALADIES PROFESSIONNELLES (p.
13
)
Question de M. Pierre Lefebvre. - Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés ; M. Pierre Lefebvre.
COTISATIONS SOCIALES DES PLURIACTIFS (p. 14 )
Question de M. Georges Mouly. - Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la
santé et aux handicapés ; M. Georges Mouly.
5.
Souhaits de bienvenue à une délégation du Sénat coutumier de
Nouvelle-Calédonie
(p.
15
).
6.
Questions orales
(suite)
(p.
16
)
AVENIR DES PERSONNELS DE LA CIRCULATION
AÉRIENNE D'ESSAIS ET RÉCEPTIONS (p.
17
)
Question de M. Gérard Roujas. - MM. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants ; Gérard Roujas.
SÉCURISATION OU INTERDICTION DES JEUX TAURINS (p. 18 )
Question de M. André Vallet. - MM. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer ; André Vallet.
MAÎTRISE DES ANIMAUX DANGEREUX (p. 19 )
Question de M. René-Pierre Signé. - MM. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer ; René-Pierre Signé.
RENFORCEMENT DU CONTRÔLE DE LÉGALITÉ (p. 20 )
Question de M. Christian Demuynck. - MM. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer ; Christian Demuynck.
FINANCEMENT DE LA POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE (p. 21 )
Question de M. Jean Bizet. - MM. Christian Paul, secrétaire d'Etat à
l'outre-mer ; Jean Bizet.
7.
Nomination de membres de commissions
(p.
22
).
Suspension et reprise de la séance (p. 23 )
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
8.
Conférence des présidents
(p.
24
).
9.
Nouvelles régulations économiques.
- Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p.
25
).
Discussion générale : MM. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances
et de l'industrie ; Philippe Marini, rapporteur de la commission des finances ;
Pierre Hérisson, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques
; Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis de la commission des lois ; Jean
Chérioux, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales ; Marc
Massion, Jean Huchon, Joël Bourdin, Jean-Patrick Courtois, Mme Odette Terrade,
MM. Gérard Delfau, Bernard Dussaut, Serge Franchis, Bernard Plasait, Gérard
Larcher.
Clôture de la discussion générale.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises,
au commerce, à l'artisanat et à la consommation ; M. le président.
Question préalable (p. 26 )
Motion n° 606 de M. Paul Loridant. - MM. Paul Loridant, le rapporteur, Alain
Lambert, président de la commission des finances ; Mme le secrétaire d'Etat,
MM. Marc Massion, Joël Bourdin, Gérard Larcher. - Rejet.
Renvoi de la suite de la discussion.
10.
Communication relative à une commission mixte paritaire
(p.
27
).
11.
Dépôt d'une proposition de loi organique
(p.
28
).
12.
Dépôt d'une proposition de loi
(p.
29
).
13.
Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
(p.
30
).
14.
Renvoi pour avis
(p.
31
).
15.
Dépôt d'un rapport
(p.
32
).
16.
Ordre du jour
(p.
33
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR
M. le président. J'informe le Sénat que les questions orales n° 847 de M. Robert Laufoaulu et n° 863 de M. André Rouvière sont retirées, à la demande de leur auteur, de l'ordre du jour de la séance d'aujourd'hui.
3
DÉMISSION DE MEMBRES DE COMMISSIONS
ET CANDIDATURES
M. le président.
J'ai reçu avis de la démission de M. Marcel Charmant, comme membre de la
commission des finances, et de celle de M. Claude Lise, comme membre de la
commission des lois.
Le groupe intéressé a fait connaître à la présidence le nom des candidats
proposés en remplacement.
Ces candidatures vont être affichées et la nomination aura lieu conformément à
l'article 8 du règlement.
4
QUESTIONS ORALES
M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
AMÉNAGEMENT DES ROUTES NATIONALES 43 ET 52
M. le président.
La parole est à M. Nachbar, auteur de la question n° 854, adressée à M. le
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Philippe Nachbar.
Ma question porte sur le retard pris par l'aménagement de deux routes
nationales, la RN 43 et la RN 52, qui traversent le nord de mon département, la
Meurthe-et-Moselle, et qui sont essentielles tant sur le plan économique que
pour renforcer la sécurité des usagers.
En ce qui concerne la RN 52, qui traverse le bassin de Longwy jusqu'à la
frontière belge, la mise à deux fois deux voies s'accompagnant de dispositifs
assurant la protection des riverains est une nécessité dont l'Etat n'a pas, à
ce jour, prévu le financement dans des conditions acceptables, notamment pour
les collectivités locales, non seulement en raison des contraintes budgétaires
dans un arrondissement durement touché sur le plan économique - et ce n'est pas
vous, madame la secrétaire d'Etat, élue du Nord, proche, à beaucoup d'égards,
de mon département sur le plan de la mono-industrie, qui serez indifférente à
une telle situation - mais aussi et surtout parce que, s'agissant d'une liaison
internationale, il est de la responsabilité de l'Etat d'assurer la majeure
partie du financement.
Un des ouvrages les plus importants, le viaduc de la Chiers, qui domine la
ville de Longwy, est particulièrement dangereux : on a dénombré dix-huit morts
depuis sa mise en service voilà une vingtaine d'années. Le doublement de ce
viaduc et l'aménagement de ses abords constituent une priorité dont l'urgence
est indiscutable. Or l'Etat n'a prévu la réalisation de ces travaux que pour
2010, ce qui est évidemment inacceptable.
S'agissant de la RN 43, qui va de Briey, chef-lieu d'arrondissement, à la
frontière belge, qui est, elle aussi, un axe structurant vital pour le bassin
ferrifère en pleine reconversion, seule une réhabilitation partielle a été
réalisée en s'étalant sur une longue période, et de nombreux travaux sont
encore nécessaires pour que cette route, nationale elle aussi, je le précise de
nouveau, soit praticable en toute sécurité.
Or ces aménagements ne sont pas actuellement programmés par l'Etat, alors
qu'il s'agit de l'axe qui relie le bassin de Briey au nord de la France, au
Luxembourg et à la Belgique.
Je vous demande donc, madame la secrétaire d'Etat, ce que l'Etat entend faire
pour assurer pleinement le financement des travaux nécessaires sur ces deux
voies nationales.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Michelle Demessine,
secrétaire d'Etat au tourisme.
Monsieur le sénateur, M. Jean-Claude
Gayssot, qui est actuellement en voyage officiel aux Etats-Unis, m'a demandé de
vous communiquer la réponse qu'il a préparée à votre intention.
Le financement des aménagements importants de routes nationales relève, comme
vous le savez, des contrats de plan Etat-région, qui viennent d'être signés.
Preuve de l'importance que l'Etat accorde à la RN 52, la mise à deux fois deux
voies d'une partie du contournement de Longwy, la section Mexy-Pulventeux, a
été inscrite au contrat de plan entre l'Etat et la région Lorraine pour un
montant de 180 millions de francs.
La répartition des financements est la suivante : 27,5 % pour l'Etat, 27,5 %
pour la région et 45 % pour les autres collectivités.
Cette section, qui inclut le doublement du viaduc de la Chiers, permettra
d'obtenir un itinéraire à deux fois deux voies continu dans les secteurs sud et
ouest de l'agglomération. Toutefois, la durée des études de cet ouvrage
exceptionnel de plus de six cents mètres de longueur et d'environ cinquante
mètres de hauteur au point le plus élevé ne permettra d'en engager la
réalisation qu'au cours de la deuxième partie du Plan.
La mise à deux fois deux voies de la partie nord de la déviation de Longwy
devra être réalisée en continuité, au début du XIIIe Plan.
Pour ce qui concerne la RN 43 entre Briey et Longuyon, qui assure
principalement une fonction de desserte des huit agglomérations situées sur son
parcours, le trafic modéré et essentiellement local qu'elle supporte justifie
non pas un investissement de capacité mais des aménagements visant à améliorer
la sécurité des usagers, qui est une priorité pour le Gouvernement.
Un programme pluriannuel de réhabilitation de chaussées de 27 millions de
francs, financé à 100 % par l'Etat s'achèvera à la fin de cette année. Outre
une mise hors gel, il consistait en un recalibrage de la chaussée à 6,5
mètres.
Par ailleurs, des aménagements de traversées d'agglomération ont été engagés,
avec un financement de l'Etat s'élevant globalement à 23 millions de francs.
Ainsi, la traversée de la Malmaison a été réalisée, celle de Xivry-Circourt
sera engagée cette année. Les traversées de Mainville, Landres et Mercy-le-Bas,
actuellement à l'étude, seront réalisées entre 2001 et 2003.
Ce programme vient s'ajouter aux 10 millions de francs engagés dans le cadre
du XIe Plan pour l'aménagement du carrefour avec la route départementale 156 à
Landres, la rectification des virages d'Anoux et la première tranche de la
rectification des virages de Beuveille.
Telle est la réponse que M. Gayssot m'a chargée de vous communiquer, monsieur
le sénateur, en espérant qu'elle répondrait à vos attentes.
M. Philippe Nachbar.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Nachbar.
M. Philippe Nachbar.
Madame la secrétaire d'Etat, je vous remercie de cette réponse. Elle ne
correspond que partiellement à mes attentes.
Vous comprendrez aisément que, s'agissant de routes nationales, les élus comme
la population des communes riveraines aient un peu de mal à admettre - et c'est
une litote - que l'Etat puisse se désengager en faisant supporter aux
collectivités locales 45 %, comme c'est le cas pour la RN 52, du coût
d'opérations aussi lourdes que celles que vous venez d'évoquer. En effet, les
collectivités locales sont, comme je l'ai dit voilà quelques instants, dans une
situation de détresse financière totale puisque nous sommes en zone de
mono-industrie qui a quasiment disparue.
Par conséquent, je renouvellerai au Gouvernement la question sous des formes
diverses et je lui rappellerai l'attente et la vigilance des élus et de la
population des communes concernées, car ils considèrent que, s'agissant de la
RN 43 et de la RN 52, il appartient à l'Etat - cela fait partie de ses
prérogatives traditionnelles - d'assurer et leur sécurité et la desserte
économique du pays haut.
CONDITIONS DE CIRCULATION SUR LA RN 415
M. le président.
La parole est à M. Haenel, auteur de la question n° 864, adressée à M. le
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Hubert Haenel.
Madame la secrétaire d'Etat, je reviens, une fois encore, sur les conséquences
de la fermeture à la circulation des poids lourds du tunnel de
Sainte-Marie-aux-Mines et des implications de cette décision, que je ne remets
pas en question, sur l'économie de la vallée de Sainte-Marie-aux-Mines et tout
spécialement sur l'accroissement, à certains égards insoutenables et
intolérable, du trafic des camions dans les cols vosgiens, notamment sur la
route nationale 415 - col du Bonhomme - en particulier dans la vallée de la
Weiss, dans les traversées très dangereuses, pour l'ensemble des usagers de
cette route et, bien entendu, pour les riverains de cet axe routier, des
villages de Lapoutroie-Hachimette et du Bonhomme.
Certes, les services de l'Etat ne sont pas inertes à l'échelon tant national,
régional que départemental, mais ils sont trop souvent illisibles et
inefficaces. Les réunions se multiplient mais la communication à l'égard des
habitants et des élus est pour le moins brouillonne.
Madame la secrétaire d'Etat, nous voulons, tout d'abord, une information
complète et sincère, que l'on nous dise que le tunnel sera fermé jusqu'à telle
date. Aujourd'hui, les gens ont l'impression qu'on leur ment. Pour rassurer,
des dates de réouverture, fantaisistes le plus souvent, sont avancées, tantôt
par les uns, tantôt par les autres. L'information se fait dans tous les sens et
en dépit du bon sens ; elle trouble les usagers et les élus. Qui croire ? Ne
nous mène-t-on pas en bateau ? Ne traite-t-on pas ce dossier de mensonge en
mensonge, ou en tout cas à la légère ?
Nous voulons, ensuite, des mesures concrètes immédiates, une réglementation
stricte et appliquée, l'interdiction totale du trafic de nuit dans les cols.
Cela veut dire un renforcement permanent et important des moyens de la
gendarmerie nationale.
Un exemple : on nous a promis l'installation en amont de l'agglomération de
Lapoutroie-Hachimette d'un lit d'arrêt d'urgence. Mais on nous dit qu'il faut
attendre, qu'il faut faire les études, etc. Donc, on ne verra ce lit d'arrêt
d'urgence que dans le courant de l'année prochaine, et encore si tout va
bien.
Nous ne pouvons plus attendre. La population ne comprend pas, s'indigne et
s'est déjà révoltée. Le sentiment ambiant est que le conflit d'intérêts entre
les poids lourds et la population riveraine se règle en fonction de la crainte,
pour les décideurs publics, des actions que pourraient mener les plus forts :
le pot de terre contre le pot de fer.
Madame la secrétaire d'Etat, nous voulons donc des décisions claires, des
décisions réalistes, des décisions appliquées ; nous ne voulons plus de
volte-face ; nous voulons que les décisions du ministre de l'équipement, des
transports et du logement soient répercutées sur les services départementaux et
régionaux de l'Etat, notamment les services de l'équipement, et appliquées
fidèlement, voire avec zèle, par ces derniers. Nous voulons qu'en cas de
situation exceptionnelle le traitement ne soit pas technocratique, en déphasage
total avec ce que vivent les gens.
Si, par malheur, madame la secrétaire d'Etat, une catastrophe se produisait au
niveau de ce col, dans la traversée du Bonhomme ou de Hachimette - nous la
risquons tous les jours, notamment à la sortie et à l'entrée des écoles - la
responsabilité morale des uns et des autres, notamment des décideurs de l'Etat,
ainsi que la responsabilité civile, administrative, voire pénale, serait
particulièrement lourde.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Michelle Demessine,
secrétaire d'Etat au tourisme.
Monsieur le sénateur, comme pour votre
collègue M. Nachbar, M. Gayssot, en voyage à l'étranger, m'a demandé de vous
communiquer la réponse à votre question.
Les problèmes liés au développement du trafic des camions dans les cols
vosgiens, notamment sur la route nationale 415, col du Bonhomme, ont fait
l'objet de plusieurs mesures.
Comme vous le savez, M. le ministre de l'équipement, des transports et du
logement a fait déléguer, à titre tout à fait exceptionnel et à votre demande,
aux préfets du Haut-Rhin et des Vosges 200 000 francs au titre des actions
locales de sécurité routière. Il s'agit, avec cette somme, de procéder à
l'acquisition de radars pour les forces de l'ordre, ce qui permettra de
renforcer les contrôles sur les principaux axes de déviation du trafic des
poids lourds qui empruntaient auparavant le tunnel Maurice Lemaire.
Parallèlement, des crédits d'un montant total de 1,6 million de francs ont été
attribués aux directions départementales de l'équipement de Meurthe-et-Moselle,
de Moselle, du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et des Vosges pour compléter la
signalisation des itinéraires de déviation.
D'autres crédits ont été mis en place dans les départements du Haut-Rhin et
des Vosges pour des opérations spécifiques sur les routes nationales 59, 415 et
420, utilisées comme itinéraires de déviation. Cela permettra de renforcer les
dispositifs de comptage, de réaliser des aménagements de sécurité en rase
campagne et en traversée d'agglomération, ainsi que des travaux d'entretien
préventif et de réhabilitation de la chaussée de la route nationale 415.
Au total, 6,7 millions de francs ont déjà été affectés cette année. D'autres
aménagements de sécurité sur la route nationale 415, pour des carrefours et des
traversées d'agglomération, sont en cours d'étude et pourront être financés dès
2001.
Par ailleurs, un dispositif exceptionnel sera mis en place pendant l'hiver.
J'ai chargé les préfets des Vosges et du Haut-Rhin d'organiser, en cas de
fermeture du col de Sainte-Marie-aux-Mines, des convois sécurisés des poids
lourds locaux, dans le tunnel de Sainte-Marie-aux-Mines, fermé à la
circulation, avec une escorte de pompiers et de forces de l'ordre.
Enfin, conformément aux engagements du Gouvernement et pour répondre à vos
fortes inquiétudes, je serai en mesure de préciser avant la fin de l'année la
solution précise retenue pour la mise en sécurité du tunnel, qui comprendra un
cheminement latéral de sécurité, comme le prévoit l'instruction technique
diffusée par la circulaire du 25 août dernier, laquelle ne s'imposait pourtant
qu'aux seuls tunnels neufs.
Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments de réponse que tenait à vous
apporter mon collègue M. Jean-Claude Gayssot.
M. Hubert Haenel.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Haenel.
M. Hubert Haenel.
Je vous remercie, madame la secrétaire d'Etat, du début de réponse que vous
venez de nous apporter.
Dans cette affaire, les populations et les élus veulent être pris en
considération et au sérieux. Cette descente très rapide qui conduit du col du
Bonhomme, à environ 980 mètres d'altitude, à la commune de Hachimette, siuée,
seulement à quelques dizaines de kilomètres plus loin, à 400 mètres d'altitude,
présente un danger réel.
Nous demandons à l'Etat de décider, de veiller, de surveiller, de diriger et
de commander. Or, nous avons parfois le sentiment que les technocrates biaisent
un peu et n'appliquent pas nécessairement les décisions prises par les
politiques.
Les technocrates sont des fonctionnaires qui ne sont pas commandés. Au lieu de
nous en prendre toujours à eux, mieux vaudrait nous en prendre à ceux qui sont
chargés de les diriger !
MESURES EN FAVEUR DES EMPLOYÉS SAISONNIERS
DANS L'INDUSTRIE TOURISTIQUE
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau, auteur de la question n° 862, adressée à Mme le
secrétaire d'Etat au tourisme.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Madame la secrétaire d'Etat, cette année, 73 millions de touristes ont visité
notre pays. L'an prochain, ils seront 75 millions, voire davantage. La France
est bien devenue la première destination touristique au monde. Il s'agit d'un
secteur porteur pour notre économie. Le chiffre d'affaires dépasse les 700
milliards de francs. L'excédent de la balance des paiements s'est accru, l'an
dernier, de 19 milliards de francs, pour avoisiner les 100 milliards de
francs.
Ces chiffres sont ceux que vous avez publiés, madame la secrétaire d'Etat, et
tel n'est pas l'objet de mon propos.
Aujourd'hui, je voudrais attirer votre attention sur les créations d'emplois
induites par ces évolutions ; 35 000 emplois supplémentaires déclarés ont été
créés ces dernières années.
Parmi les deux millions d'emplois connus et reconnus, beaucoup sont de
caractère saisonnier - au moins 25 % - et l'on note une tendance à
l'accroissement.
Or, madame la secrétaire d'Etat, on estime à plusieurs dizaines de milliers la
pénurie de main-d'oeuvre, s'agissant notamment des saisonniers dans le secteur
de l'hôtellerie et de la restauration.
Des mesures nouvelles doivent donc être prises. En deux mois et demi, des
employeurs veulent réaliser un chiffre d'affaires et des bénéfices commerciaux
d'une année ou presque. Des organisations syndicales ont pu dénoncer, chiffres
à l'appui, que des établissements de « front de mer » emploient des jeunes mal
payés accomplissant plus de cent heures de travail par semaine.
Cette anarchie doit être corrigée. N'oublions pas que, dans certaines régions
à forte concentration touristique, 40 % de jeunes travaillent sans être
déclarés, sans parler des « extras » devenant permanents et non déclarés. La
plupart du temps, les heures supplémentaires ne sont ni reconnues ni payées.
Sur le plan social, cette situation est grave et non fatale. Il n'est qu'à
voir la situation des garçons de café et l'acquis des luttes qui, avec la loi
Godard de 1934, a stabilisé une profession et garanti les qualités d'un service
reconnu comme étant le meilleur du monde.
Il est également de l'intérêt du tourisme français d'avoir des personnels
mieux payés, qualifiés, disponibles car disposant de garanties de salaires, et
ayant la volonté de réussir dans leur travail.
La France s'honore qu'un Français ait été déclaré meilleur sommelier du monde,
voilà quelques jours.
Il est aussi important d'avoir des saisonniers disponibles et qualifiés.
Le problème d'un statut est posé.
Un statut signifie des réponses s'agissant du logement, du respect du droit au
travail, de l'ouverture des droits à la formation, de la protection sociale,
d'autant plus que beaucoup de saisonniers ont une activité temporaire de
travail substitutive à leurs vacances.
Ces problèmes - je le sais, madame la secrétaire d'Etat - ne vous ont pas
échappé. Vous avez demandé à Anicet Le Pors, ancien ministre, conseiller
d'Etat, d'établir un rapport et des propositions tendant à l'amélioration de la
situation sociale et professionnelle des salariés du tourisme. Les
propositions, articulées autour des grands thèmes de vie des salariés du
tourisme, répondent à l'idée majeure selon laquelle le progrès social doit
accompagner le développement du secteur touristique.
Trente et une propositions ont été dégagées. Je sais également que, le 9
février dernier, vous avez fait adopter en conseil des ministres deux séries de
propositions concernant le logement et les droits sociaux de cette
profession.
Aujourd'hui, nous pouvons faire le point. Peu de progrès ont été réalisés,
madame la secrétaire d'Etat, et ce non parce que vos propositions étaient
mauvaises, mais tout simplement parce qu'elles sont restées volontairement
ignorées des employeurs et de l'inspection du travail isolée, dotée de peu
d'effectifs et sans moyens réels.
A l'issue de cette année où la pénurie des saisonniers s'est amplifiée, il
faut être réaliste : il convient de définir non pas seulement des objectifs
multiples et généreux, mais bien plus des règles contraignantes à faire
appliquer par les employeurs.
Imaginez un saisonnier quittant sa banlieue de Paris, de Lyon ou de Lille pour
aller travailler trois mois à Nice, l'été, et trois mois à Courchevel, l'hiver.
Il devrait pouvoir partir avec un contrat en poche, au lieu de simples
promesses paternalistes, démenties le plus souvent par les faits, et avec ses
frais de transport payés. Ce contrat doit définir des conditions de logement,
de rémunération, et celles dans lesquelles se déroulera, par exemple, la visite
médicale du travail. Il doit être exprimé sous forme de contraintes fortes pour
les employeurs et constituer un engagement réciproque avec signature des deux
parties.
Ce contrat doit définir clairement la saisonnalité en termes de durée minimale
et maximale. Il doit inclure la garantie d'ouverture du droit au chômage, une
clause automatique de reconduction pour les saisons suivantes.
Le contrat doit reconnaître, bien entendu, le paiement obligatoire des heures
supplémentaires.
La médecine du travail doit s'exercer par site. Les conditions de logement
doivent être définies à la signature du contrat et elles ne doivent pas prendre
la forme d'un hébergement précaire.
Je n'oublie pas, madame la secrétaire d'Etat, que le code du travail, dans son
article L. 122-1-1 3°, précise que « le caractère saisonnier d'un emploi
concerne des tâches normalement appelées à se répéter chaque année à des dates
à peu près fixes, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie
collectifs » et « que de l'ensemble des contrats de travail qui se sont succédé
pendant plus de quatre ans sans autre interruption que la période des congés
scolaires résulte une relation de travail d'une durée globale indéterminée
».
Compte tenu du développement du tourisme en France, cette relation de travail
ne mérite-t-elle pas d'être mieux définie et de permettre l'octroi de garanties
valables et de qualité nouvelle pour le saisonnier et l'employeur ?
La saison d'hiver approche, madame la sécrétaire d'Etat. Ne pourriez-vous pas,
avant l'ouverture de la saison d'hiver, rappeler avec fermeté les employeurs à
leurs obligations et à leurs devoirs ?
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Michelle Demessine,
secrétaire d'Etat au tourisme.
Comme vous venez de le rappeler, madame la
sénatrice, l'industrie touristique, notamment le secteur des hôtels, cafés et
restaurants, est confrontée à un déficit de main-d'oeuvre que l'on peut estimer
à près de 60 000 emplois.
Parmi les raisons de ces difficultés de recrutement, deux raisons
m'apparaissent essentielles : d'une part, les niveaux de rémunération
insuffisants ; d'autre part, les contraintes liées au temps et aux conditions
de travail.
En ce qui concerne les saisonniers, il faut ajouter à ces deux raisons la
précarité de l'emploi. Aujourd'hui les jeunes, qui forment l'essentiel de la
population des saisonniers, peuvent, du fait de la baisse du chômage, accéder à
d'autres types d'emploi.
Pour développer la qualité de l'industrie touristique et assurer son
développement, j'ai fait de l'amélioration des conditions de vie et de travail
des saisonniers un axe essentiel de ma politique. Comme vous le soulignez,
j'ai, à la suite du rapport de M. Le Pors, présenté quinze mesures en conseil
des ministres, le 9 février 2000.
Outre son caractère concret, cette démarche nouvelle a aussi une valeur
pédagogique. Il est en effet important de démontrer que la précarité des
emplois touristiques n'est pas une fatalité.
Ces mesures sont axées autour de l'amélioration des conditions de logement et
des droits sociaux des salariés. Certaines d'entre elles ont déjà reçu un début
de mise en oeuvre et de prise en compte.
Ainsi, s'agissant des logements saisonniers, l'importante proposition faite
par mon collègue Louis Besson de lancer un programme de 6 000 logements, avec
une aide financière à l'appui, a abouti à la préparation de projets à
Villard-de-Lans, à Belle-Ile-en-Mer, à Ouessant et à Nice, ou dans les
départements des Pyrénées-Orientales ou de la Savoie.
Pour ce qui concerne la médecine du travail, il est à noter que ma collègue
Martine Aubry a demandé aux services médicaux du travail de mieux prendre en
compte les saisonniers, en leur faisant passer la visite médicale avant la
saison.
Les contrôles de l'inspection du travail ont été renforcés sur le littoral et
en montagne.
Un accord a été conclu dans le secteur des remontées mécaniques en vue de
sécuriser les saisonniers et de les indemniser en cas d'aléa climatique,
notamment d'absence de neige.
Des réponses locales telles que les groupements d'employeurs, l'échange entre
sites de salariés saisonniers ont été mises en oeuvre, notamment dans le
Morbihan et la Savoie.
A ce jour, des initiatives sont prises dans vingt-cinq départements. J'ai par
ailleurs demandé aux préfets, dès le mois de juin, de réunir l'ensemble des
partenaires sociaux. Un certain nombre d'entre eux se sont déjà engagés, ce qui
se traduit par la mise en oeuvre de programmes locaux, sur le logement, la
formation et l'information des salariés, notamment dans les Hautes-Alpes, à
Villard-de-Lans, etc.
J'entends aussi développer la formation et la qualification des saisonniers
afin de leur permettre d'accéder de façon pérenne à un emploi dans le secteur
touristique. C'est le sens de la convention que je signerai prochainement avec
ma collègue Nicole Péry et le conseil régional de la région Provence-Alpes-Côte
d'Azur.
La validation des acquis professionnels, élément extrêmement important de
reconnaissance des qualifications, sera examinée au Parlement au début du mois
de janvier 2001.
Dans le cadre de la loi portant réduction du temps de travail de janvier 2000,
le contrat de travail intermittent a été créé afin de permettre la
fédéralisation des contrats des salariés saisonniers.
Des maisons de saisonniers seront prochainement mises en place, les deux
premières dans les gorges de l'Ardèche et à Serre-Chevalier.
Pour accélérer et pérenniser davantage la mise en oeuvre de ces mesures et de
dispositions particulières selon les bassins d'emplois - la réalité n'est pas
la même en montagne et sur le littoral -, je souhaite la mise en place de
commissions départementales de l'emploi touristique chargées d'aider à leur
application. Ces commissions seront composées des principaux acteurs de
l'industrie touristique, qu'ils soient employeurs ou salariés.
Enfin, je confierai dans les prochains jours à l'inspection générale du
tourisme une mission visant à évaluer la mise en oeuvre concrète des mesures
annoncées le 9 février 2000.
Si ce plan d'action est mis en place trop lentement, selon vous, je rappelle
que, dans le passé, aucune mesure n'a jamais été mise en place en faveur des
saisonniers du tourisme. Il y a donc, madame la sénatrice, une dynamique
nouvelle sur le terrain.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Madame la secrétaire d'Etat, je connais votre attachement à la défense du
monde du travail en général et des salariés permanents ou saisonniers du
tourisme en particulier. Ce matin, vous l'avez exprimé une fois de plus devant
le Sénat.
Toutefois, aujourd'hui, des besoins nouveaux en matière de main-d'oeuvre
s'expriment : vous reconnaissez vous-même que 60 000 emplois auraient pu être
créés dans le domaine du tourisme.
Je suis persuadée que les employeurs, c'est-à-dire les hôteliers et les
restaurateurs, mais aussi les entreprises du bâtiment, se rendent compte que,
s'ils veulent trouver de la main-d'oeuvre, il leur faudra revoir les conditions
de travail et de rémunération qui sont pratiquées actuellement. Des
dispositions nouvelles doivent être définies et, surtout, vous le savez bien,
appliquées.
Mon intervention ne visait pas ce matin à contester votre action, madame la
secrétaire d'Etat, même s'il faut reconnaître que des insuffisances subsistent
encore en matière de réglementation du travail des saisonniers.
Ce matin, la presse faisait encore état d'une reprise du chômage durant l'été
et de l'aggravation de la situation du travail des jeunes, avec des inégalités
dénoncées et reconnues. Mais les mesures à prendre ne relèvent pas, je le sais,
de votre seule responsabilité, elles concernent l'ensemble des ministères.
En tout cas, je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire
d'Etat.
TAUX RÉDUIT DE TVA
APPLIQUÉ AUX PRESTATIONS D'ASSAINISSEMENT
M. le président.
La parole est à M. Hérisson, auteur de la question n° 869, adressée à M. le
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Pierre Hérisson.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
syndicat intercommunal du lac d'Annecy, qui a compétence pour le service public
de l'assainissement des eaux usées, réalise pour le compte des habitants des
communes adhérentes un certain nombre de travaux chaque année. L'instruction n°
169
bis
de la direction générale des impôts, en date du 15 septembre
1999, étend l'éligibilité du taux réduit de TVA aux travaux de branchement au
réseau d'eaux usées de locaux affectés à l'habitation et achevés depuis plus de
deux ans.
Ce syndicat, dont j'ai l'honneur d'assurer la présidence, applique cette
disposition de taux réduit aux prestations facturées par des entreprises
prestataires du syndicat mais pour le compte du client final.
Par ailleurs, l'article 279
bis
du code général des impôts et
l'instruction du 26 février 1982 fixent le régime du taux réduit applicable aux
remboursements et rémunérations versés par les communes et leurs groupements
aux exploitants des services d'assainissement pour les prestations de services
concourant au bon fonctionnement des réseaux d'eaux usées dans le cadre de la
gestion normale et limitative du service, essentiellement pour l'entretien :
nettoyage des caniveaux, nettoyage des réseaux, évacuation des boues.
Mais je souhaiterais, monsieur le secrétaire d'Etat, savoir si ce taux réduit
s'applique aussi à des prestations et travaux de rénovation, de réparation,
d'entretien des réseaux d'eaux usées et des stations d'épuration des eaux
usées, ou encore à la mise à niveau des tampons de visite, aux réhabilitations
partielles et à la remise en état d'ouvrages du réseau, à la maintenance et à
la réparation des équipements nécessaires au bon fonctionnement de la station
d'épuration, aux prestations de nettoyage de celle-ci, dès lors que les
dépenses correspondantes sont inscrites en section d'exploitation du budget et
font l'objet de rémunérations versées aux prestataires, tout en ajoutant que le
code général des impôts paraît faire mention au sens large des prestations
d'assainissement.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Huwart,
secrétaire d'Etat au commerce extérieur.
Monsieur le sénateur, l'article
279-0
bis
du code général des impôts, issu de l'article 5 de la loi de
finances pour 2000, soumet au taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée, à
compter du 15 septembre 1999, les travaux d'amélioration, de transformation,
d'aménagement et d'entretien des locaux à usage d'habitation achevés depuis
plus de deux ans.
En application de cette mesure, les travaux d'installation, de mise aux normes
et d'entretien - vidange, curage - des systèmes d'assainissement individuel
afférents à des locaux à usage d'habitation achevés depuis plus de deux ans
relèvent du taux réduit de la TVA.
Il en est de même s'agissant de la part privative des travaux de raccordement
des locaux d'habitation achevés depuis plus de deux ans aux réseaux publics -
électricité, gaz, assainissement, adduction d'eau - facturés par les
entreprises prestataires au propriétaire ou à l'occupant des locaux, ou bien
encore aux collectivités locales lorsqu'elles font réaliser ces travaux au nom
des particuliers, afin d'en diminuer le coût grâce à un financement
partiellement subventionné. Ces précisions sont reprises au
Bulletin
officiel
des impôts du 5 septembre 2000.
Par ailleurs, en application de l'article 279 B du code général des impôts,
les prestations de services qui concourent au bon fonctionnement du réseau
d'assainissement collectif bénéficient du taux réduit de TVA dès lors qu'elles
sont effectuées pour les besoins de la gestion du service public et qu'elles
sont fournies par l'exploitant du service public - collectivité locale,
concessionnaire, fermier - ou en exécution d'un contrat conclu avec cet
exploitant.
Ainsi, les prestations de nettoyage et d'entretien du réseau et des stations
d'épuration sont soumises au taux réduit.
En revanche, les travaux immobiliers proprement dits - construction,
rénovation de l'égout, de stations d'épuration - réalisés pour le compte de
l'exploitant du service public d'assainissement ne bénéficient pas des
dispositions des articles 279-0
bis
et 279 B précités, et demeurent
soumis au taux normal de la TVA.
Cela étant, il ne pourra vous être répondu plus précisément que si
l'administration est mise en mesure d'examiner les contrats afférents aux
opérations visées.
M. Pierre Hérisson.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson.
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai bien compris la réponse détaillée que vous
nous avez apportée sur les différents points que j'ai soulevés.
Toutefois, le « par ailleurs » que vous avez développé dans la dernière partie
de votre réponse me conduit à préciser que le blocage en matière de taux de TVA
provient du fait que le contrôle de légalité nous impose d'inclure les travaux
d'entretien et de réparation dans le budget d'exploitation et non dans le
budget d'investissement.
Il suffirait de modifier l'instruction ministérielle pour que puissent être
considérées comme investissements ces grosses réparations. Que le taux de TVA
soit au taux normal ou au taux réduit importe peu en la circonstance, mais cela
nous rendrait éligibles soit au fonds de compensation soit au remboursement de
la TVA sur les investissements.
La première partie de votre réponse confirme donc ce que je vous ai dit, mais
la dernière partie ne peut me satisfaire car il faut que le contrôle de
légalité et les services déconcentrées de l'Etat admettent la possibilité, pour
les collectivités, d'inclure ces travaux, aujourd'hui inscrits en exploitation,
dans le budget d'investissement. Nous pourrons ainsi, sinon bénéficier du taux
réduit de TVA, du moins entrer dans le mécanisme soit des compensations soit
des récupérations de TVA sur investissement.
Je souhaiterais que vous puissiez étudier cette question dans le cadre de la
préparation du budget pour 2001.
GUICHET UNIQUE POUR LE RECOUVREMENTDES COTISATIONS SOCIALES DES ARTISANS ET
COMMERÇANTS
M. le président.
La parole est à M. Braye, auteur de la question n° 838, adressée à Mme le
secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à
l'artisanat et à la consommation.
M. Dominique Braye.
Monsieur le secrétaire d'Etat, le plan de simplification des formalités
administratives qui nous a été présenté prévoit un recouvrement intégré des
contributions personnelles et des cotisations sociales des artisans et des
commerçants par la mise en place d'un guichet unique.
Les artisans et les commerçants des Yvelines, comme ceux de l'ensemble de la
France, sont massivement favorables à cette mesure, puisque 89 % d'entre eux
souhaitent un interlocuteur unique pour le paiement de leurs charges sociales,
un interlocuteur qui soit naturellement au fait des spécificités de leurs
activités professionnelles et qui maîtrise leur culture très particulière. Je
pense aux caisses d'assurance vieillesse des artisans, les AVA, ou à
l'ORGANIC.
Un recouvrement assuré par ces caisses présenterait de nombreux avantages :
d'abord, la garantie pour les chefs d'entreprises artisanales d'avoir
l'interlocuteur le plus parfaitement proche de leurs préoccupations ; ensuite,
l'assurance d'un transfert optimal des fonds et des informations pour les
organismes partenaires ; enfin, pour l'Etat, le gage d'un savoir-faire reconnu
et d'une équité de traitement des assurés.
Je tiens également à rappeler que l'Union professionnelle des artisans a, sans
ambiguïté, marqué sa préférence pour le dispositif présenté par les AVA et
l'ORGANIC, lequel présente une plus grande portée simplificatrice.
Malgré tous ces éléments, il semblerait que le Gouvernement soit plus
favorable à ce que les URSSAF prennent en charge ce rôle d'interlocuteur
unique.
A l'évidence, le propos des artisans est non pas de remettre en cause le rôle
et le professionnalisme de cet organisme recouvreur, mais de rappeler que les
AVA et l'ORGANIC possèdent une véritable culture et un savoir-faire du milieu
de l'artisanat que ne possèdent pas les URSSAF, et qu'elles disposent d'un
réseau fort de cent soixante-deux caisses et délégations sur le territoire
national.
En conséquence, je vous demande, monsieur le secrétaire d'Etat, d'une part, de
préciser vos intentions dans ce dossier et, d'autre part, de tenir compte du
souhait plein de bon sens et de pragmatisme exprimé par ces professions, par
ailleurs entièrement favorables à cette volonté de simplification d'un
environnement administratif aujourd'hui lourd et complexe pour aboutir à un
système unifié et simplifié qui soit le plus opérationnel possible.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Huwart,
secrétaire d'Etat au commerce extérieur.
Monsieur le sénateur, la
simplification des formalités administratives incombant aux entreprises est une
préoccupation constante des pouvoir publics.
Conformément à ses engagements, le Gouvernement fait de cette orientation
l'une de ses priorités et de nombreuses mesures ont déjà été prises dans le
cadre des plans de simplification de décembre 1997 et novembre 1998.
Le projet de recouvrement intégré des cotisations sociales personnelles des
travailleurs non salariés non agricoles s'inscrit dans cette démarche. L'objet
est de permettre aux commerçants, artisans et professionnels libéraux
d'acquitter leurs cotisations sociales selon un calendrier et des modalités
unifiés tout en veillant à ne pas dégrader les taux de recouvrement enregistrés
par les différents organismes.
Les conclusions rendues par une mission d'étude des inspections générales de
l'industrie et du commerce et des affaires sociales avaient en effet signalé,
d'une part, la complexité des procédures liée à la multiplicité des organismes
sociaux compétents pour le recouvrement des cotisations et contributions
sociales des travailleurs indépendants, et, d'autre part, la difficulté de mise
en oeuvre de ces procédures, notamment pour les créateurs d'entreprise et
cotisants en difficulté.
Un exercice de réflexion concerté avec les caisses a été mené au début de
l'année 2000 par M. François Monier, conseiller maître à la Cour des comptes,
sur la base des projets présentés, d'une part, par l'ORGANIC et la CANCAVA, et,
d'autre part, par certaines URSSAF.
Il apparaît que les projets de réforme présentés par les différents organismes
et visant à gérer en leur sein l'intégralité du recouvrement ne suscitent pas
de consensus au sein de l'ensemble des professions et des régimes concernés. En
effet, chacun fait valoir ses atouts, tout en soulignant les problèmes sociaux
qu'il ne manquerait pas de connaître dès lors qu'il serait dessaisi du
recouvrement.
En tout état de cause, le Gouvernement est soucieux de permettre à tous les
partenaires concernés de prendre en charge, dans de bonnes conditions, les
changements nécessaires. Il ne peut donc pas être question d'avancer sans les
organismes sociaux et les organisations professionnelles qui poursuivent leurs
réflexions afin de présenter des propositions aux pouvoirs publics au cours de
l'automne. Cette concertation doit permettre l'adoption de mesures qui
permettront de se rapprocher de l'objectif recherché, à savoir la
simplification administrative et l'amélioration du service rendu aux
entreprises.
M. Dominique Braye.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Braye.
M. Dominique Braye.
J'ai pris note des bonnes intentions du Gouvernement et des engagements de M.
le secrétaire d'Etat. Mais les décisions attendues ne sont pas encore
prises.
Je voulais me faire l'écho de l'inquiétude et du pragmatisme des professions
artisanales qui se prononcent à près de 90 % pour les caisses AVA et ORGANIC
comme interlocuteur unique.
Certes, monsieur le secrétaire d'Etat, je comprends votre souci d'équilibre,
mais je ne pense pas que retenir ces caisses comme guichet unique soit de
nature à mettre en péril les autres organismes recouvreurs. Je fais confiance
aux négociations qui sont en cours pour prendre en compte ce souci, plein de
pragmatisme et de bon sens, je le rappelle à nouveau, des professions
artisanales.
AVENIR DES LIBRAIRIES
M. le président.
La parole est à M. Delfau, auteur de la question n° 852, adressée à Mme le
ministre de la culture et de la communication.
M. Gérard Delfau.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de la culture et de la communication
et elle a trait à la disparition rapide des libraires de quartier en milieu
urbain, ainsi que des kiosques et autres dépôts de presse.
Ces entreprises familiales sont victimes du système léonin mis en place par
les NMPP et les MLP, système qui oblige ces petites structures à avancer le
coût d'une partie du stock d'invendus. Vous imaginez le résultat désastreux sur
leur trésorerie de cette pratique. Elles sont, en outre, concurrencées par les
rayons « librairie » ouverts par les grandes surfaces, qui traitent les livres
comme des barils de lessive et se refusent à exposer l'ouvrage qui n'est pas
prévendu.
Nous voyons les conséquences de cette situation aux Etats-Unis : l'édition ne
cesse de s'appauvrir.
Depuis un an, les services du ministère de la culture préparent des mesures, à
partir, notamment, du rapport de Jean-Claude Hassan sur la réforme de la
distribution de la presse écrite, remis en février dernier et dont les
orientations m'inquiètent. C'est toute la politique de la lecture en France,
toute la politique de l'édition, ainsi que celle de l'accès à la pluralité de
l'information, qui sont concernées par cette crise économique et morale de
nombreuses petites entreprises de proximité.
Faut-il attendre que les agences franchisées du plus gros opérateur privé
aient tué la librairie de quartier et le kiosque, imposant une conception
purement mercantile du livre et de l'imprimé ? Je souhaite savoir quand, madame
le ministre, vous annoncerez vos décisions en la matière, car il y a urgence.
Je ne doute pas, vous connaissant, qu'elles seront positives.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le sénateur, vous
vous préoccupez à juste raison de la situation des librairies de quartier en
milieu urbain, ainsi que de celle des kiosques et autres dépôts de presse qui
sont des éléments essentiels du commerce de proximité et d'animation de nos
quartiers.
L'évolution du nombre de points de vente de presse depuis trois ans est la
suivante : 545 points de vente ont été créés en 1999 contre 695 en 1998 et 733
en 1997 ; en revanche, 410 points de vente ont été supprimés en 1999, 354 en
1998 et 278 en 1997. Le solde entre les créations et les suppressions demeure
donc largement positif puisqu'il est de 135 en 1999.
Sur le total des points de vente, le commerce traditionnel s'établit à 89 % et
le commerce intégré à 11 %. S'agissant des créations, celles qui ont été
réalisées au profit du commerce traditionnel sont de l'ordre de 75 % contre 25
% pour le commerce intégré.
Par ailleurs, la rémunération des diffuseurs de presse est fixée par le décret
n° 88-136 du 9 février 1998, qui prévoit les commissions maximales dont peuvent
bénéficier les dépositaires.
La rémunération des diffuseurs de presse a été améliorée, grâce au plan de
modernisation engagé par les Nouvelles messageries de la presse parisienne sur
la période 1994-1997 et soutenu par l'Etat par le biais de conventions FNE
dérogatoires au droit commun.
Le plan a permis de redistribuer 147 millions de francs aux 14 400 diffuseurs
qualifiés, soit une revalorisation de plus de 1,5 point de leur commission.
La convention du 2 mai 1994 entre l'Etat et le conseil de gérance des NMPP
visait à assurer, à l'issue du plan quadriennal, une baisse du coût de
distribution moyen de trois points pour les éditeurs et une réévaluation de la
rémunération des diffuseurs d'un point de commission.
Soyez assuré, monsieur le sénateur, que les pouvoirs publics, conscients des
difficultés rencontrées par les diffuseurs de presse, restent très attentifs à
la répartition des économies entre les éditeurs et les diffuseurs, même si elle
relève prioritairement de la compétence des divers acteurs de l'édition et de
la diffusion de la presse.
Monsieur le sénateur, je vous signale que, depuis quelques semaines, a été
mise en place une table ronde des professionnels de la distribution qui devrait
permettre de projeter sur l'avenir l'économie de l'ensemble du secteur.
M. Gérard Delfau.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est M. Delfau.
M. Gérard Delfau.
Madame la ministre, vous avez rappelé les efforts qui ont été réalisés par les
pouvoirs publics ces dernières années face à une situation qui, même si les
chiffres globaux peuvent la faire apparaître satisfaisante, reste
préoccupante.
Il faudrait notamment, pour affiner notre jugement, connaître la proportion de
diffuseurs indépendants par rapport aux diffuseurs franchisés, toujours plus
nombreux. C'est un élément non négligeable de notre réflexion car la même
politique n'est pas forcément menée dans les deux cas.
Je reviendrai sur un point très précis, qui est au coeur des discussions,
aujourd'hui comme hier : le système de l'envoi d'office.
Récemment encore, la libraire de mon quartier, femme de grande culture qui
fait beaucoup pour la promotion de la lecture, m'expliquait le système. Elle
reçoit d'office un certain nombre de livres qu'elle n'a pas commandés ; elle
doit payer la facture. Il existe, certes, une faculté de retour mais, de fait,
elle avance ainsi la trésorerie - elle qui gère seule une toute petite
structure - à de grands groupes de presse et de distribution qui disposent de
moyens importants.
En outre, le système de facturation ne cesse de se compliquer, de telle sorte
qu'un certain nombre de ces libraires indépendants perdent pied et se trouvent
dans des difficultés dont ils ne peuvent pas se sortir.
Il est nécessaire de rééquilibrer le système. Il n'est pas possible que les «
petits », vais-je dire de façon un peu schématique, financent les « gros », et
cela est d'autant moins acceptable quand il s'agit du livre car, à l'injustice
sociale que cela représente, s'ajoute une sorte de crime contre l'esprit.
Voilà pourquoi je voulais attirer votre attention. Je sais que vous êtes
sensible à cette situation, nous en avons parlé ensemble voilà quelque temps.
Je souhaite beaucoup, par cette intervention qui traduit l'état d'esprit de
l'ensemble du Sénat, je le sais, peser sur la table ronde qui se tient
actuellement ; je demande qu'elle ne s'éternise pas et de vous, madame la
ministre, que vous fassiez comprendre aux différentes parties la nécessité d'un
rééquilibrage. Eventuellement, il vous faudra imposer par un arbitrage de
bonnes solutions à la fois pour la vie de nos quartiers et, bien sûr, pour la
création et la lecture en France.
DROIT DE PRÊT EN BIBLIOTHÈQUES
M. le président.
La parole est à M. Gaillard, auteur de la question n° 865, adressée à Mme le
ministre de la culture et de la communication.
M. Yann Gaillard.
Madame la ministre, ma question porte sur un problème brûlant qui est celui du
prêt payant dans les bibliothèques.
Je vous avais posé une question écrite sur ce sujet. Depuis, j'ai lu un écho,
paru dans une lettre confidentielle,
Culture - Décideurs,
qui dépend, je
crois, de votre ministère, faisant état de certains axes de votre réflexion
sinon de vos décisions - mais vous allez sans doute pouvoir nous éclairer dans
quelques instants sur ce point.
Je ne reviendrai pas sur ce débat qui doit vous déchirer, madame la ministre,
comme il nous déchire tous : d'un côté, les droits d'auteurs et la protection
de la propriété intellectuelle ; de l'autre, l'accès pour tous à la culture.
Nombre de grands noms intellectuels ont participé à une polémique attendue,
certains, d'ailleurs, ayant des positions parfois surprenantes.
Bref, ce n'est pas une question facile et je ne vous reproche pas de ne pas
l'avoir encore réglée.
Vous vous appuyez sur le rapport Borzeix, commandé par votre prédécesseur et
aujourd'hui publié.
Si je prends pour bonnes les informations de la lettre
Culture - Décideurs,
vous proposez tout d'abord de ne pas prévoir de paiement à l'acte - cela,
on peut le comprendre - et, pour dégager quelques fonds, de limiter les rabais
dont bénéficient actuellement les collectivités - pour l'essentiel les
bibliothèques municipales - en les ramenant de 20 % à 5 %, ce qui donnerait 75
millions de francs.
Ensuite, il serait envisagé, pour augmenter l'enveloppe reversée aux auteurs
et aux éditeurs, une contribution forfaitaire annuelle au prorata du nombre de
lecteurs inscrits. C'est une proposition du rapport Borzeix. On avance la somme
de 10 francs à 20 francs, qui viendraient s'ajouter aux 80 francs que
pratiquent déjà 75 % des bibliothèques. On disposerait ainsi de 95 millions de
francs supplémentaires, soit au total quelque 170 millions de francs. Quelle en
sera la répartition, et selon quelle proportion entre les éditeurs et les
auteurs ? Quels auteurs ? Nous n'en savons rien ; tout cela est encore très
obscur.
Puisque nous sommes au Sénat, permettez-moi, madame la ministre, de vous dire
que vous avancez la main vers ce chaudron de sorcière qu'est le problème des
transferts de charges entre l'Etat et les collectivités locales. Une fois de
plus, après la vignette, ce sont les collectivités locales qui, à un double
titre, devront en quelque sorte payer la facture.
D'ailleurs, si j'en crois un article du
Monde,
qui commentait la lettre
Culture - Décideurs
, le système serait encore plus vicieux, si je puis
dire, puisque les collectivités locales auraient la responsabilité de
répercuter ou de ne pas répercuter la contribution forfaitaire sur les
lecteurs. Alors, non seulement on les ferait payer mais de plus, on leur fera
porter le chapeau.
Je ne voudrais pas employer de termes vulgaires, car je sais que c'est un
débat très difficile. Je veux simplement vous demander si, vraiment, vous êtes
sur le point d'annoncer des décisions de façon plus officielle que par
l'intermédiaire d'une feuille confidentielle, même si elle dépend quasiment de
vous, et vous mettre en garde contre cette tentation à laquelle semble si
souvent céder le Gouvernement qui est de passer la facture aux collectivités
locales, que nous avons mission de représenter ici.
M. Gérard Delfau.
Ce n'est pas d'aujourd'hui !
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Une petite précision
d'abord, monsieur le sénateur :
Culture - Décideurs
ne relève en rien du
ministère de la culture.
La question du droit de prêt voit en effet s'affronter des conceptions tout à
fait opposées. Si ce débat est légitime, il a, je crois, été obscurci par un
certain nombre d'outrances.
Le Gouvernement s'est attaché à rechercher des solutions équilibrées avec le
concours des élus comme des professionnels.
Le Gouvernement n'envisage pas de demander aux usagers de payer un droit pour
chaque livre emprunté. En sens inverse, il n'est pas juste de priver les
auteurs de leurs droits sur un mode d'utilisation de leurs oeuvres qui - et
c'est un bien pour la lecture et le livre dans son ensemble - s'est
heureusement développé depuis deux décennies.
Cette rémunération prend la forme de droits d'auteurs proprement dits mais
elle pourrait également comprendre une intervention de caractère social portant
sur la retraite des auteurs. Je rappelle que les écrivains sont actuellement la
seule catégorie, parmi les artistes et les créateurs, à ne pas bénéficier d'une
retraite complémentaire.
Pour améliorer cette rémunération, j'étudie actuellement le moyen de combiner
deux sources de financement : un droit payé à l'achat des livres, ce qui
supposerait de mettre fin à l'exception à la loi sur le prix unique du livre
dont bénéficient actuellement certains acheteurs, et un forfait par usager
inscrit dont s'acquitteraient les établissements prêteurs.
Il importe bien évidemment que ces mesures n'alourdissent pas excessivement la
charge des collectivités locales et ne les conduisent pas à réduire leurs
efforts pour les bibliothèques.
C'est pourquoi la juste réponse réside forcément dans l'effort conjoint de
l'Etat et des collectivités locales. C'est cet effort conjoint qui a permis le
développement de la lecture publique, et c'est ensemble que nous réussirons à
garantir la pérennité de l'écriture et de la lecture.
Je me suis donné pour objectif de proposer des mesures à l'ensemble des
partenaires : professionnels, représentants des éditeurs et des auteurs, et
collectivités locales, que je consulte notamment au travers du Conseil
supérieur des collectivités territoriales, qui a été institué par mon
prédécesseur. Il s'agit pour l'Etat non pas d'imposer des solutions mais de les
négocier avec l'ensemble de tous ceux qui soutiennent la création et la lecture
publique.
(M. Delfau applaudit.)
M. Yann Gaillard.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard.
Madame la ministre, votre réponse m'a intéressé. Je reste malgré tout quelque
peu sur ma faim parce qu'il semble qu'aucune décision ne soit encore prise.
Je note par ailleurs, mais vous le savez mieux que moi, que, s'il a été
question d'une aide financière de l'Etat aux collectivités locales pour
compenser cette nouvelle charge, aucun crédit ne figure à ce titre dans le «
bleu » budgétaire. Il est sans doute trop tôt. Peut-être en discuterons-nous à
nouveau à l'occasion de l'examen de votre projet de budget, dont je suis le
rapporteur spécial.
RATIFICATION PAR LA FRANCE
DE LA CONVENTION D'UNIDROIT
M. le président.
La parole est à M. Hoeffel, auteur de la question n° 874, adressée à Mme le
ministre de la culture et de la communication.
M. Daniel Hoeffel.
Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur l'importance des
vols d'objets d'art commis aux dépens des collections publiques et sur
l'explosion des trafics alimentés par les vols, souvent accompagnés de
déprédations, organisés aux dépens d'un patrimoine d'autant plus précieux qu'il
est le témoin de l'histoire, d'une histoire malmenée en Europe tout au long de
ce siècle.
L'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a adopté à l'unanimité la
recommandation 1372 demandant aux Etats membres du Conseil de l'Europe de
ratifier la convention d'Unidroit, qui impose à l'acquéreur d'un objet d'art un
minimum de diligence pour s'assurer de la régularité de son achat et bénéficier
ainsi de la présomption de bonne foi.
Ne serait-il pas opportun que la France prenne l'initiative de la ratification
de cette convention et invite non seulement ses partenaires de l'Union
européenne, mais aussi les autres Etats membres du Conseil de l'Europe à la
ratifier ?
Nos concitoyens ne s'attacheront durablement à l'Europe que si la disparition
des frontières s'accompagne d'un renforcement du respect des cultures et de
l'amélioration de la sécurité des objets d'art qui en sont les témoins. Cette
orientation a inspiré précisément le pacte contre la criminalité organisée,
récemment adopté par les pays de l'Union européenne et les onze pays
candidats.
Ne pensez-vous pas, madame la ministre, qu'une large ratification de la
convention d'Unidroit compléterait cet effort nécessaire en rendant plus
difficile la revente d'objets arrachés au patrimoine des différentes nations
européennes ?
M. le président.
La parole est à Mme le minsitre.
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Sachez, monsieur le
sénateur, que le ministère de la culture et de la communication partage votre
préoccupation.
Je tiens à ce titre à vous informer que la procédure de ratification de la
convention d'Unidroit du 24 juin 1995 sur les biens culturels volés ou
illicitement exportés est sur le point d'aboutir. Il est en effet envisagé le
dépôt au Parlement du projet de loi autorisant la ratification de la convention
précitée, avant la fin de l'année 2000.
En outre, la ratification par la France de cet instrument international doit
permettre au gouvernement français d'inciter ceux des Etats membres de l'Union
européenne qui n'ont pas à ce jour adhéré ou ratifié la convention d'Unidroit à
le faire. Comme il a été indiqué en plusieurs occasions, l'efficacité du
dispositif de protection des biens culturels prévu par la convention dépend
d'une mise en oeuvre harmonisée par l'ensemble des pays concernés, notamment
par les pays européens.
Je rappelle que la convention d'Unidroit n'est pas le seul moyen de lutte
contre le trafic des biens culturels. Des mesures de renforcement de la
sécurité des musées nationaux ont ainsi été prises, tant sur le plan des accès
des édifices que de la protection des oeuvres elles-mêmes.
Enfin, le Gouvernement entend réaffirmer sa volonté de voir préservée
l'identité culturelle des nations. Cela implique que leur patrimoine puisse
être conservé et protégé contre toute atteinte et que les règles de prudence
reconnues à l'échelon international soient respectées par tous les intervenants
du marché de l'art.
Dans cette optique, la France s'associe en particulier au développement de
l'école du patrimoine africain, située à Porto-Novo au Bénin, institution qui a
la charge de la formation des personnels des musées nationaux des Etats
africains. Ce programme illustre la politique de coopération et d'échange que
la France souhaite voir se développer au plan international dans le domaine de
la protection des biens culturels.
M. Daniel Hoeffel.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel.
Madame la ministre, j'avais déjà appelé l'attention du Gouvernement sur ce
point en 1998 et 1999, et je vous remercie donc de cette bonne nouvelle : la
convention d'Unidroit sera ratifiée avant la fin de cette année.
Je note que cette ratification est aussi une manière pour notre pays de rendre
hommage à l'action du Conseil de l'Europe, action discrète mais utile et trop
souvent méconnue.
M. le président.
En attendant l'arrivée de Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux
handicapés, j'appelle la question n° 858 de M. Pelchat.
MINES ANTIPERSONNEL ET OPÉRATIONS DE DÉMINAGE
M. le président.
La parole est à M. Pelchat, auteur de la question n° 858, adressée à M. le
ministre de la défense.
M. Michel Pelchat.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ma question concerne le douloureux problème des
mines antipersonnel.
Vous le savez, sur le plan technique, la lutte contre une centaine de millions
de mines antipersonnel disséminées à travers le monde pose un problème
dramatique car la difficulté réside, non pas dans la destruction des mines,
mais dans le repérage des champs de mines.
Or le déminage est un objectif majeur pour la communauté internationale,
auquel la France s'associe. Elle doit jouer un rôle, non seulement en raison de
sa tradition humanitaire, mais aussi en raison d'un savoir-faire unanimement
reconnu.
Pourtant, dans ce domaine, la France n'a pas été en mesure de jouer le rôle
qui aurait dû être le sien, tant sur le plan européen qu'à l'échelle
internationale.
Je dis « le rôle qui aurait dû être le sien » en matière de déminage
humanitaire pour trois raisons.
Premièrement, l'armée française dispose d'une expertise unanimement reconnue,
qui est mise à disposition des pays concernés à travers l'activité de la
COFRACE, cette entreprise dont la vocation est de servir d'interface entre la «
clientèle » civile et internationale et notre secteur militaire.
Deuxièmement, le principal industriel français de l'armement terrestre,
l'entreprise publique GIAT-Industrie dispose d'une expérience qui pourrait se
révéler précieuse.
Enfin, troisièmement, le ministère des affaires étrangères joue un rôle moteur
dans la compétition internationale visant à lutter contre les mines
antipersonnel, notamment en participant au financement d'opérations de déminage
en liaison avec le ministère de la défense.
Ainsi, dans un pays ami comme le Cambodge, qui ne pourra être reconstruit tant
qu'il ne sera pas débarrassé de ces armes infernales et meurtrières,
aujourd'hui, seuls 148 kilomètres carrés, sur plus de 1 000 kilomètres carrés
concernés, ont été déminés. Et la part de la France dans ce déminage
insuffisant a malheureusement été, jusqu'à présent, beaucoup trop faible. Le
savoir-faire de la France n'est pas suffisamment exploité, monsieur le
secrétaire d'Etat.
Faute de référence, il n'y a pratiquement pas de sociétés de déminage sur le
terrain. En matière de développement d'équipements, il n'y a pas de stratégie
nationale, pas de financement dédié - les financements français en matière
d'aide sont versés dans les « pots communs » des Nations unies ou de la
Communauté européenne - et pas d'instance de coordination des quelques
industriels ou laboratoires maîtrisant les technologies utilisables.
A l'appui de ces propos, je tiens à noter une observation de la Commission
nationale pour l'élimination des mines antipersonnel, la CNEMA, qui, dans son
premier rapport, qui a été remis au Premier ministre le 13 septembre dernier,
indique, à la page 82 que « la France n'apparaît pas dans le peloton de tête
des contributeurs aux actions internationales multilatérales, comme en
témoigne, par exemple, sa contribution générale à l'UNMAS, le service d'action
antimines des Nations unies, qui est deux fois moins importante que celle de la
Belgique ou de l'Espagne et trois fois moins importante que celle de
l'Allemagne ou de la Grande-Bretagne », avant de conclure qu' « une réflexion
d'ensemble doit être menée sur ce sujet ». Enfin, à la page 89 de son rapport,
la commission souligne que « la France est en retrait par rapport au rôle que
son expérience et ses capacités lui permettraient de tenir au sein de la
communauté internationale ».
En conséquence, monsieur le secrétaire d'Etat, quelles mesures pourriez-vous
envisager afin de fédérer l'ensemble des acteurs français compétents en matière
de déminage humanitaire, qu'il s'agisse d'organismes gouvernementaux,
d'organisations humanitaires, d'industriels ou de spécialistes du déminage,
afin de proposer un dispositif français cohérent de coopération internationale
susceptible de bénéficier des soutiens et des financements européens et d'aider
utilement au déminage de pays amis comme le Cambodge, dont je viens d'évoquer
la situation et qui nous lance un appel pressant ?
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants.
Monsieur
le sénateur, vous évoquez un sujet grave : la sauvegarde de la vie de milliers
d'hommes, de femmes et d'enfants. Mais votre jugement à l'égard de la politique
de la France - je dis bien : « la politique de la France » - dans le domaine
des mines antipersonnel me paraît un peu sévère.
Je vous prie tout d'abord d'excuser M. Alain Richard, qui ne peut vous
répondre personnellement, car il participe, à Londres, à la réunion des
ministres de la défense de l'Union européenne. Il m'a demandé de vous faire
connaître son sentiment sur la question que vous lui avez posée.
La France joue un rôle particulièrement actif dans le domaine de la lutte
contre les mines antipersonnel. Sur la scène internationale comme sur le plan
national, elle a montré sa détermination à lutter contre ce fléau. Elle a même
été l'un des tout premiers pays à donner l'exemple et n'a cessé, au cours de
ces dernières années, de prendre des initiatives en ce sens.
Comme vous le soulignez à juste titre, tous les efforts de la communauté
internationale doivent désormais tendre vers le déminage et l'assistance aux
victimes. A cet égard, l'action de la France s'est particulièrement concentrée,
au cours des dernières années, sur les pays les plus affectés, où les mines
antipersonnel constituent un obstacle au retour à la vie normale après une
période de conflit, tels que le Cambodge, l'Angola, le Laos, le Mozambique, la
Bosnie-Herzégovine, le Nicaragua et l'Afghanistan.
Le financement de la France en faveur du déminage sur la période 1995-1999 a
été de 250 millions de francs, hors recherche. Depuis 1995, près de 65 millions
de francs ont été consacrés à des opérations de déminage humanitaire. A ce
montant, vient s'ajouter la quote-part versée par la France aux programmes mis
en oeuvre par l'Union européenne.
Pour la période 1995-1999, la part de la contribution française dans les
programmes financés par la Commission s'élève à plus de 170 millions de francs,
auxquels s'ajoutent 15 millions de francs débloqués dans le cadre de la
politique étrangère et de sécurité commune.
Par ailleurs, et vous le savez fort bien, monsieur le sénateur, les démineurs
militaires français ont participé depuis longtemps à de nombreuses opérations
d'assistance au déminage en faveur des pays affectés. Le surcoût « opérations
extérieures », hors transport, est estimé à 439 millions de francs courants sur
les dix dernières années.
Ainsi, la contribution globale apportée par notre pays est significative.
Elle peut, certes, encore être améliorée - tel est l'objet de votre question -
et c'est dans cet esprit qu'a récemment été mis en place un nouvel instrument
souple et pluriannuel de financement des opérations de déminage et d'assistance
aux victimes des mines, d'un montant de 20 millions de francs, qui permettra
notamment de soutenir plus efficacement l'action des organisations non
gouvernementales dans ce domaine.
Par ailleurs, comme l'a récemment rappelé le Premier ministre, la France s'est
engagée à renforcer la coordination de son action contre les mines afin d'en
accroître l'efficacité. Ainsi, la loi du 8 juillet 1998 a créé une commission
nationale pour l'élimination des mines antipersonnel, qui assure non seulement
le suivi de l'application de cette loi et de l'action internationale de la
France en matière d'assistance aux victimes des mines antipersonnel et d'aide
au déminage, mais aussi une coordination des différents ministères.
Cette coordination doit permettre de mettre au point un plan d'action destiné
à aider les Etats qui, faute de moyens techniques et financiers, ne peuvent
détruire eux-mêmes les mines présentes sur leur territoire. Pour les pays les
moins avancés, ces actions pourraient s'inscrire dans le cadre des plans
bilatéraux de coopération.
Un ambassadeur itinérant a également été nommé ; il est chargé de l'action de
la France en matière de déminage et d'assistance aux victimes.
En matière de formation au déminage, l'action internationale de la France sera
renforcée, en raison de l'expérience et de la compétence de son armée, vous
l'avez indiqué, dans le domaine de l'enlèvement des explosifs. A cette fin, le
ministère de la défense favorisera l'accès de l'Ecole supérieure et
d'application du génie, l'ESAG, d'Angers aux stagiaires étrangers ainsi qu'aux
organisations non gouvernementales.
Afin de réaliser un état des lieux précis de la situation des zones minées
dans le monde, la France encourage la mise en place rapide d'une banque de
données mondiale, qui pourrait être placée sous l'égide du secrétariat général
des Nations unies. Notre pays a apporté un concours actif à cette initiative en
communiquant notamment les données qui sont détenues par le centre d'expertise
sur les mines de l'ESAG d'Angers.
L'action de la France sera également conduite par la volonté de développer un
partenariat renforcé avec les gouvernements des principaux pays concernés. Elle
s'attachera à leur apporter une assistance systématique dans la la mise en
place de plans nationaux de déminage et de structures locales permettant
d'assurer le suivi et la pérennité des opérations. La France organisera ainsi,
en coordination avec le Canada et l'Organisation de l'unité africaine, en
février prochain à Bamako, un séminaire panafricain. Cet exercice nous offrira
l'occasion de recenser les besoins d'un continent durement frappé par les mines
antipersonnel et d'évaluer les actions concrètes d'assistance requises.
On ne peut donc pas dire que la France est absente en ce domaine. Certes, on
peut toujours améliorer une situation - c'est le sens de votre intervention -
mais on ne peut pas dire que notre pays se désintéresse de cette question ; ses
initiatives sur le plan international l'attestent.
Quoi qu'il en soit, je vous remercie d'avoir fait part au ministre de votre
préoccupation.
M. Michel Pelchat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Pelchat.
M. Michel Pelchat.
J'ai bien entendu votre réponse, monsieur le secrétaire d'Etat, qui appelle de
ma part trois observations.
Vous avez fait référence à la commission nationale pour l'élimination des
mines antipersonnel ; c'est précisément au premier rapport de cette commission,
qui a été remis à votre gouvernement, que je me suis référé pour montrer non
pas l'absence totale, bien entendu, mais la faiblesse de la contribution de la
France.
A aucun moment, vous n'avez cité les compétences de l'industrie française ; je
pense notamment à GIAT Industrie, notre société d'armement terrestre, dont
toutes les compétences ne sont pas exploitées, monsieur le secrétaire d'Etat,
et qui offre, si j'ose dire, une « mine » de possibilités dans le domaine du
déminage, précisément.
Je me félicite de votre engagement à élaborer des partenariats. Vous avez cité
l'Afrique, continent particulièrement concerné par le problème qui nous occupe.
Mais je vous rappelle l'appel pressant que lancent aujourd'hui à la France nos
amis cambodgiens, qui veulent pouvoir favoriser le développement économique
nécessaire au redémarrage de leur pays. Mais, sur plus de 1 000 kilomètres
carrés fortement minés de leur territoire, seulement 148 kilomètres carrés ont
été déminés par les instances internationales ! La France pourrait jouer un
rôle tout à fait déterminant dans ce pays aussi.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse. Je ne
manquerai ni de prendre connaissance du prochain rapport de la CNEMA, qui, je
l'espère, placera la France en meilleure position, ni de prendre contact avec
l'ambassadeur dont vous m'avez signalé la nomination.
RECONNAISSANCE ET TRAITEMENT
DES MALADIES PROFESSIONNELLES
M. le président.
La parole est à M. Lefebvre, auteur de la question n° 850, adressée à Mme le
ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Pierre Lefebvre.
Madame la secrétaire d'Etat, dans le bassin minier du Nord - Pas-de-Calais,
des milliers de mineurs atteints de la silicose ne sont pas reconnus.
L'aggravation de leur mal est trop souvent contestée, tout comme la
reconnaissance du décès par silicose ou pneumoconiose.
Les procédures de recours en cas de rejet sont lourdes, souvent rebutantes et
injustes.
En cas de décès de la victime, reste le plus souvent l'utilisation du recours,
par l'union régionale des sociétés de sécurité sociale minière, à l'autopsie,
avec son côté dramatique pour la famille et souvent choquant.
Enfin, dans la gestion du risque lié à la maladie professionnelle par l'union
régionale de sécurité sociale minière, l'un des principes de la loi n'est pas
appliqué semble-t-il. Dans la réalité du fonctionnement de la sécurité sociale
minière, à aucun moment les victimes n'ont le libre choix médical. Ainsi, la
société de sécurité sociale minière est juge et partie. Voilà qui n'est pas
juste.
Pour remédier au plus vite à cette situation, l'union régionale des syndicats
de retraités et veuves CGT de mineurs et similaires a formulé des propositions
pour que soient respectées les règles légales sur les maladies
professionnelles.
Je veux brièvement vous les soumettre, madame la secrétaire d'Etat.
Le principe d'indépendance absolue de l'avis médical pour les victimes doit
être posé.
Les médecins traitants doivent pouvoir assumer leur rôle et responsabilité
jusqu'au terme du dossier, y compris dans les décisions du médecin-conseil.
Le suivi médical des victimes, amélioré, doit être placé en situation
d'indépendance médicale absolue.
Enfin, Le recours aux autopsies pour déterminer les causes du décès par
maladie professionnelle doit être supprimé.
Madame la secrétaire d'Etat, votre réponse est attendue avec intérêt et
impatience dans le bassin minier, où cette question fait l'objet d'une
mobilisation importante.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.
Je vous prie, monsieur le
président, mesdames, messieurs les sénateurs, de bien vouloir excuser mon
retard ; j'ai été retenue plus longtemps que prévu à l'Assemblée nationale.
Vous avez raison de rappeler, monsieur Lefebvre, les souffrances qu'endurent
ceux qui, aujourd'hui, sont atteints de silicose et la détresse de leurs
proches. Comme souvent, l'injustice s'est acharnée sur les plus fragiles : ce
sont les travailleurs astreints à des emplois d'une extrême pénibilité qui sont
aujourd'hui fauchés par la maladie.
Devant ces drames humains et sociaux, il est indispensable de simplifier
l'accès à la reconnaissance et à la réparation des maladies professionnelles.
Depuis que ce gouvernement est en place, vous l'avez souligné, d'importantes
mesures ont été prises en ce sens pour l'ensemble des salariés. Les unions
régionales de secours minier sont concernées puisqu'elles appliquent les règles
du Livre IV du code de la sécurité sociale, relatif aux accidents du travail et
aux maladies professionnelles.
Ainsi, la procédure de contestation préalable, qui permettait aux organismes
de sécurité sociale de différer indéfinimenent leur décision, a été supprimée
par le décret du 27 avril 1999. Désormais, les caisses doivent examiner les
dossiers dans des délais strictement encadrés. A défaut de réponse dans ces
délais, le caractère professionnel de la maladie ou de l'accident est réputé
acquis.
De même, les modalités de reconnaissance des pneumoconioses ont été
simplifiées par le décret du 31 août 1999. Les procédures dérogatoires,
notamment le passage devant le collège des trois médecins, compliquaient
l'accès à la réparation.
Il est clair que ces mesures, après une période d'adaptation, auront un effet
positif sur les délais.
Les unions régionales de secours minier doivent respecter ces règles, en
améliorant leurs procédures et en s'attachant à développer le dialogue avec les
victimes et leurs familles. Des informations qui ont été communiquées à Mme
Aubry, il ressort que la réglementation est respectée : le délai moyen est
actuellement de sept semaines pour un dossier ne comportant pas la saisine du
comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles et de quinze
semaines lorsque ce comité doit se prononcer.
Vous soulevez également la question du libre choix du médecin. Je rappelle que
les mineurs, comme les salariés du secteur privé, disposent du libre choix de
leur praticien en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle. Il
est vrai que celui-ci n'est pas habilité à déterminer le taux d'incapacité de
la victime, qui relève de la seule compétence du médecin conseil du régime
auquel appartient l'intéressé. La règle de droit n'est donc pas différente pour
les mineurs. J'ajoute cependant que le médecin traitant a toute latitude pour
adresser au médecin conseil l'information dont il dispose et qu'il juge utile
pour son patient.
La caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines a récemment
diffusé une instruction demandant expressément au médecin conseil régional du
Nord - Pas-de-Calais qu'aucun médecin conseil amené à se prononcer sur les
révisions de rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle n'assure
désormais des tâches de suivi médical. Dans ce même courrier, il était
également demandé qu'un médecin issu du service médical soit mis à disposition
du centre d'études de pneumoconioses.
Enfin, je rappelle qu'en matière d'accidents du travail et de maladies
professionnelles, l'autopsie est prévue en cas d'accident ou de maladie
mortelle. Si c'est un moyen de recherche de la cause du décès, il ne doit être
mis en oeuvre qu'en dernier recours ; l'union régionale du Nord a eu recours à
des autopsies pour l'instruction de vingt-trois dossiers sur deux cent
soixante-quatorze. En application du code de la sécurité sociale, si les ayants
droit de la victime refusent l'autopsie, ils perdent le bénéfice de la
présomption d'imputabilité au risque professionnel et doivent prouver le
caractère professionnel de l'accident ou de la maladie mortelle.
Les associations de défense des victimes ont appelé l'attention de Mme Aubry
sur ce sujet et souhaitent que les familles soient clairement prévenues des
conséquences de leur refus. Des instructions ont été données en ce sens aux
organismes par la caisse nationale d'assurance maladie. Les unions régionales
se doivent d'appliquer la même consigne afin que l'information des ayants droit
soit réelle et que les intéressés puissent prendre leur décision en toute
connaissance de cause.
Nous sommes, vous le voyez, attentifs à ce que les organismes de sécurité
sociale s'attachent à rendre effectifs les droits des assurés et nous
veillerons à ce que les mesures que nous avons prises soient appliquées, au
bénéfice de celles et de ceux à qui elles sont destinées.
M. Pierre Lefebvre.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre.
Je vous remercie, madame la secrétaire d'Etat, de ces précisions. Je vous sais
gré, en particulier, d'avoir rappelé les modifications des règles applicables
en la matière, modifications qui sont intervenues sous votre responsabilité.
Il faut évidemment laisser... du temps au temps ; il faut que les nouvelles
instructions parviennent à l'union régionale des sociétés de secours minier
afin que l'ancienne pratique, que l'on connaît trop bien dans le bassin minier,
puisse céder le pas devant la nouvelle, à partir des recommandations que vous
aurez bien voulu donner.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.
Vous nous y aiderez,
monsieur le sénateur !
COTISATIONS SOCIALES DES PLURIACTIFS
M. le président.
La parole est à M. Mouly, auteur de la question n° 861, adressée à Mme le
ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Georges Mouly.
Madame la secrétaire d'Etat, la question des cotisations sociales des
pluriactifs est ancienne, mais le problème va s'accentuant depuis quelques
années. Il y a là un enjeu économique et social dont l'importance n'a, du
reste, échappé ni au Parlement ni au Gouvernement ; plusieurs rapports
n'ont-ils pas été produits sur le sujet, notamment ceux de MM. Gueremenk,
Gaymard, Le Pors, qui aboutissent d'ailleurs aux mêmes conclusions ?
Chacun s'accorde à reconnaître que l'exercice de la pluriactivité est, en bien
des cas, nécessaire, voire indispensable aux paysans d'aujourd'hui. L'exemple
est bien connu des agriculteurs moniteurs de ski en montagne ; il en est bien
d'autres, qui tiennent en particulier au développement des activités dites
agritouristiques, que connaît notamment ma région.
Si chacun s'accorde à reconnaître le bien-fondé de la pluriactivité, être
pluriactif aujourd'hui en milieu rural n'est pas, c'est le moins que l'on
puisse dire, chose aisée au regard de la protection sociale, et ce n'est pas un
aspect secondaire.
Force est de constater que les pluriactifs sont souvent ceux qui cotisent le
plus et qui, pourtant, reçoivent le moins. Ce problème ne relève pas cependant
entièrement des insuffisances de la législation elle-même ; la loi Montagne et,
plus récemment, la loi d'orientation agricole ont en effet donné lieu à un
certain nombre de mesures. Le problème relève plutôt des conditions
d'application de la loi et surtout des partenaires sociaux ; c'est la non-mise
en place de dispositifs nécessaires à la protection sociale des 500 000
pluriactifs français : le guichet unique et la caisse-pivot.
Aujourd'hui, en effet, il n'existe pas en tant que tel de guichet unique et de
caisse-pivot. Cette situation est la conséquence directe de la non-application
du décret 97-362 du 16 avril 1997, qui fait qu'aucune convention-cadre n'a été
signée plus de deux ans après la publication dudit décret. Ce guichet unique et
cette caisse-pivot seraient pourtant bien utiles !
Du fait du caractère changeant de la situation des pluriactifs, le travail
peut être différent d'une année à l'autre, en fonction des activités exercées,
ce qui entraîne des affiliations à des caisses différentes, donc des
difficultés liées à la multiplicité des interlocuteurs. La caisse-pivot
permettrait de prendre enfin en compte le pluriactif dans sa globalité et donc
de gérer plus facilement les changements de situation au regard de la
protection sociale.
La caisse-pivot serait, pour un pluriactif, un intelocuteur unique, quelles
que soient les situations professionnelles dans lesquelles il se trouve et
entraînerait une simplification administrative - ce n'est pas là un point
mineur - ainsi qu'un allégement des coûts, tant pour les caisses elles-mêmes
que pour les pluriactifs.
Ma question est la suivante, madame la secrétaire d'Etat : comment le
Gouvernement compte-t-il procéder pour que soit mis en oeuvre ce que le
législateur a prévu en matière de caisse-pivot et de guichet unique, premiers
jalons, à mes yeux, de la définition d'un réel statut des pluriactifs.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.
Monsieur le sénateur,
vous me posez une question extrêmement technique et je vais m'efforcer d'y
répondre avec clarté à partir des notes qui m'ont été remises par Mme Aubry.
Afin de faciliter les démarches des personnes exerçant, au cours d'une même
année, plusieurs activités professionnelles non salariées, l'article 34 de la
loi n° 93-121 du 27 janvier 1993, modifié par l'article 43 de la loi n° 95-95
du 1er février 1995, avait posé le principe d'une caisse-pivot, interlocuteur
unique de l'assuré social pluriactif soumis à différentes législations
sociales.
Soucieux de simplifier véritablement l'exercice de la pluriactivité, le
Gouvernenment a décidé d'être plus ambitieux en décidant que les personnes
exerçant plusieurs activités relevant de différents régimes de sécurité sociale
de non-salariés seraient désormais affiliées à un seul régime de sécurité
sociale, celui de leur activité principale.
L'article 53 de la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d'orientation agricole
concrétise cette décision. Il introduit en effet dans le code de la sécurité
sociale un article L. 171-3 aux termes duquel les personnes exerçant une
activité non salariée agricole et une activité non salariée non agricole -
l'exemple que vous avez cité, de l'agriculteur moniteur de ski, est tout à fait
approprié - seront désormais affiliées au seul régime de l'activité principale,
régime auprès duquel ils cotiseront sur l'ensemble des revenus tirés des deux
activités.
Un décret rédigé par le ministère de l'agriculture, et qui a reçu
l'assentiment du ministère de l'emploi, précisera très prochainement les
conditions d'application de cette mesure, qui répond à la demande des
pluriactifs plus efficacement que le dispositif de la caisse-pivot. En effet,
le nouveau dispositif soumet les revenus tirés des deux activités à un seul
régime de prélèvement, de la même façon que s'il étaient imposés sous un régime
fiscal unique. Dans un dispositif de caisse-pivot, ces différents revenus
demeureraient au contraire appréhendés de façon distincte et donc assujettis à
des prélèvements différents, ce qui limiterait fortement la simplification.
J'ajoute que les cotisations réclamées aux pluriactifs ne sont pas supérieures
à celles qui sont demandées aux personnes exerçant une activité unique.
L'assujettissement des revenus tirés par les pluriactifs de chacune de leurs
activités leur donne parfois ce sentiment, mais celui-ci n'est pas fondé. Au
demeurant, assujettir seulement une partie de leurs revenus reviendrait en fait
à demander, à revenus identiques, un effort contributif plus élevé aux
mono-actifs, solution inapplicable dans la mesure où elle induirait une rupture
d'égalité devant les charges publiques.
M. le président.
Monsieur Mouly, vous voilà éclairé et nous, informés.
M. Georges Mouly.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Mouly.
M. Georges Mouly.
Si ma question a abouti à ce résultat, vous informer, monsieur le président,
vous m'en voyez ravi !
(Sourires.)
Au-delà de la complexité technique du sujet, son importance n'échappe à
personne, car la pluriactivité est, souvent, la condition de la survie d'une
exploitation agricole.
L'affiliation à un régime correspondant à l'activité principale constituerait
une réelle simplification. J'ai compris que les dispositions permettant
l'entrée en application de cette mesure étaient encore à venir. Je souhaite
qu'elles interviennent le plus rapidement possible et que, par ce biais, le
pluriactif trouve ce qu'il attend, à savoir la simplification administrative
nécessaire à la poursuite de ses différentes activités.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Je confirme que le décret de mise en oeuvre de cette
simplification par l'affiliation au régime de l'activité principale est à la
veille d'être publié, puisqu'il a été rédigé par le ministère de l'agriculture
et qu'il a reçu l'approbation du ministère de l'emploi.
5
SOUHAITS DE BIENVENUE
À UNE DÉLÉGATION DU SÉNAT COUTUMIER
DE NOUVELLE-CALÉDONIE
M. le président.
Mes chers collègues, j'ai le très grand plaisir de saluer la présence, dans la
tribune officielle, d'une délégation de membres du Sénat coutumier de
Nouvelle-Calédonie, conduite par son président, M. Jean Wanabo.
L'accueil que nous leur réservons dans cet hémicycle prouve l'intérêt et la
sympathie que nous portons ainsi à l'une des composantes emblématiques des
nouvelles institutions calédoniennes.
Au nom du Sénat de la République, je leur souhaite la bienvenue et je forme
des voeux pour que leur séjour en métropole soit l'occasion de mieux faire
connaître et apprécier leur rôle au service de la Nouvelle-Calédonie.
(Applaudissements.)
6
QUESTIONS ORALES (suite)
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite des réponses à des questions orales.
AVENIR DES PERSONNELS DE LA CIRCULATION AÉRIENNE
D'ESSAIS ET RÉCEPTIONS
M. le président.
La parole est à M. Roujas, auteur de la question n° 855, adressée à M. le
ministre de la défense.
M. Gérard Roujas.
J'ai souhaité attirer votre attention, monsieur le secrétaire d'Etat, sur la
circulation aérienne d'essais et réceptions, plus communément appelé CER, qui
dépend, comme vous le savez, du ministère de la défense, même si, au fil du
temps, ses missions sont devenues essentiellement civiles.
En effet, la forte croissance du trafic aérien commercial, le développement
des programmes d'avions civils, comme Airbus, et, parallèlement, la diminution
des essais de type militaire entraînent une baisse constante de la part
militaire des missions de la CER.
Dans un souci de plus grande sécurité, une harmonisation semblerait
souhaitable entre la circulation aérienne générale, relevant du ministère des
transports, et la circulation aérienne militaire, dont dépend la CER, sous la
tutelle du ministère de la défense.
Ne peut-on envisager, par exemple, sans remettre en cause les priorités
militaires, de regrouper l'ensemble de ces services sous l'autorité d'un même
ministère ? Il semblerait d'ailleurs que cette solution recueille l'assentiment
des personnels concernés, et j'ai cru comprendre que le ministère des
transports n'y était pas opposé.
S'agissant des personnels de la CER, au moment où j'ai déposé la présente
question, la situation sociale était fortement dégradée, et le dialogue avec
l'administration de tutelle rompu. Fort heureusement, le dialogue a pu être
renoué depuis, et nous ne pouvons que nous en réjouir.
Les revendications de ces personnels, dont vous n'ignorez ni le degré de
qualification ni la compétence unanimement reconnue, portaient essentiellement
sur la reconnaissance de leur statut et sur la fin de la précarité de la
plupart des contrats. D'une manière générale, elles laissaient apparaître une
inquiétude quant à l'avenir du service.
Je sais que des propositions ont été formulées et qu'elles ont été
favorablement accueillies par les représentants syndicaux. Je sais également
que ceux-ci restent vigilants et que l'inquiétude n'est pas encore totalement
dissipée.
Aussi, je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de bien vouloir me
confirmer les avancées sociales obtenues lors des négociations dans ce secteur
d'activité et de faire connaître à la représentation nationale les perspectives
d'avenir de la circulation aérienne d'essais et réceptions dans le cadre d'une
meilleure gestion de l'espace aérien européen.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants.
Monsieur
le sénateur, je veux tout d'abord vous présenter les excuses de M. Alain
Richard, qui est retenu ce matin à Londres avec ses collègues ministres de la
défense de l'Union européenne.
Je veux maintenant vous faire part de quelques éléments en réponse à votre
question, extrêmement pointue, qui m'a d'ailleurs fait découvrir un sujet que
je ne connaissais pas jusqu'alors.
Je vous confirme tout d'abord le maintien du cadre actuel, dans lequel
coexistent, comme vous l'avez rappelé, deux types de circulation aérienne.
Ainsi, aux côtés de la circulation aérienne générale, qui relève de la
compétence du ministre chargé de l'aviation civile, on trouve la circulation
aérienne militaire, qui dépend de la compétence du ministre chargé des armées.
Elle comprend la circulation opérationnelle militaire et la circulation
d'essais et réceptions.
La circulation aérienne d'essais et réceptions représente en France 12 000
mouvements par an, sur les deux millions de mouvements, toutes circulations
confondues.
Le rattachement de la circulation aérienne d'essais et réceptions au ministère
chargé des armées est lié, d'une part, au fait qu'à l'origine une grande
majorité des vols d'essais était à finalité militaire - plus de la moitié de
ces vols est toujours consacrée à des essais d'aéronefs militaires - et,
d'autre part, aux spécificités des techniques de contrôle utilisées, dont la
caractéristique dominante est d'offrir aux équipages conduisant des vols
d'essais et réceptions la liberté de manoeuvre nécessaire à la réussite de leur
mission avec une sécurité maximale, techniques qui, de ce fait, ne peuvent
s'inscrire dans les règles de la circulation aérienne générale.
Extraire de ce cadre les vols d'essais civils ferait donc disparaître la
synergie résultant du groupement sous la même autorité des ressources
consacrées au contrôle des vols d'essais qui, civils ou militaires, présentent
en grande partie les mêmes caractéristiques.
En revanche, allant dans le sens de l'amélioration de la gestion de l'espace
aérien et de la circulation aérienne souhaitée par les ministères des
transports et de la défense, l'implantation d'organismes de la circulation
aérienne d'essais et réceptions dans certains centres de contrôle civils a été
décidée ; elle est aujourd'hui effective. Cela constitue un exemple de
coexistence sûre et efficace de deux circulations aux caractéristiques
différentes.
J'en viens au statut des personnels, que vous avez évoqué à la fin de votre
question. Le contrôle effectué dans ce cadre est assuré par des personnels de
différentes catégories titulaires d'un brevet attribué à l'issue d'une
formation spécifique dispensée par l'école du personnel navigant d'essais et
réceptions. La population concernée s'élève à trente-trois militaires et
cinquante-cinq agents civils, fonctionnaires - techniciens - ou contractuels -
ingénieurs ou techniciens. Parmi ces derniers, les techniciens sont tous
d'anciens sous-officiers issus de l'armée de l'air ou de la marine. Une forte
revalorisation de leur indemnité spéciale de responsabilité, qui a été triplée,
est intervenue l'an dernier. La durée hebdomadaire du travail a été fixée à 36
heures, dont 32 heures consacrées à la tenue du poste, et une formation
spécifique pour les chefs de quart et pour les chefs de centre a été instaurée.
Enfin, une mission centrale a été créée afin de gérer les problèmes spécifiques
aux centres de contrôle d'essais et réceptions, qu'il s'agisse des personnels,
des infrastructures ou des achats.
En juin dernier, s'est exprimée une revendication forte des techniciens
contractuels tendant à la transformation de leur contrat à durée déterminée en
contrat à durée indéterminée.
Comme vous le savez, les agents contractuels recrutés par l'Etat après 1983
l'ont été sur le fondement de la loi du 11 janvier 1984, qui ne permet le
recrutement de contractuels que pour une durée maximale de trois ans,
renouvelable par reconduction expresse.
Au cours des discussions qui se sont ouvertes avec leur organisme d'emploi,
l'engagement a toutefois été pris d'examiner chaque dossier dans le cadre des
travaux de résorption de l'emploi précaire conduits par le ministère de la
fonction publique.
Dans l'immédiat, une démarche visant à obtenir la validation de leur diplôme,
afin de permettre à ces contractuels l'accès à certains corps de fonctionnaires
de l'ordre technique de la défense, a été engagée.
Par ailleurs, et vous l'avez souligné, un groupe de travail paritaire relatif
aux conditions d'emploi, notamment aux conditions de promotion des agents au
sein des centres, a été constitué, renouant ainsi le dialogue social le fil
s'était quelque peu distendu jusqu'à ces dernières semaines, voire ces derniers
mois.
Réuni à six reprises depuis le mois de juin, ce groupe de travail, qui a
fonctionné de façon très consensuelle, devrait rendre ses conclusions très
prochainement.
Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments que M. le ministre de la défense
souhaitait vous apporter ce matin en réponse à votre question.
SÉCURISATION OU INTERDICTION DES JEUX TAURINS
M. le président.
La parole est à M. Vallet, auteur de la question n° 822, adressée à Mme le
ministre de la jeunesse et des sports.
M. André Vallet.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ces derniers temps, la voix de certaines
instances, notamment européennes, s'est élevée pour demander une plus grande «
sécurisation », voire l'interdiction des courses camarguaises de taureaux.
Ces propositions, qui ne sont, je l'espère, que la traduction ponctuelle du
drame qui s'est déroulé en avril dernier dans les arènes de Vauvert, dans le
Gard, suscitent la plus grande incompréhension en Camargue, y compris
d'ailleurs dans la famille de la victime : « Il ne faut rien changer », a
déclaré le fils, qui a refusé de porter plainte.
Des voix se sont donc élevées afin que soient renforcées les mesures de
sécurité des manifestations taurines. Il a notamment été proposé que soient
installés des grillages et des barres d'acier au pied de ceux-ci, pour empêcher
les bêtes de sauter.
Pour beaucoup, isoler le spectateur de la piste dénaturerait la tauromachie
camarguaise et ruinerait l'esprit de l'arène, qui recherche l'osmose entre la
représentation spectaculaire et le public. La participation collective au jeu
taurin est une raison structurelle de la persistance et de la continuité de la
tauromachie camarguaise. Le plus grand danger serait sans doute que l'on
transforme une tradition ancestrale en un pur spectacle, séparant le public du
jeu taurin.
Dès lors, monsieur le secrétaire d'Etat, pouvez-vous m'indiquer si les
propositions de « sécurisation » ou d'interdiction des jeux taurins, qui en
dénaturent largement l'esprit, sont approuvées par le Gouvernement ?
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer.
Monsieur le sénateur, en accord avec Mme
Marie-George Buffet, je vais m'efforcer de vous répondre avec une grande
précision sur ce sujet grave et très important.
Les courses camarguaises sont régies par un document intitulé « Statut et
règlement de la Fédération française de la course camarguaise », document qui a
été agréé par le secrétariat d'Etat à la jeunesse et aux sports en 1975.
Comme pour toute activité donnant lieu à un rassemblement important de
spectateurs, l'organisation d'une telle manifestation doit respecter les
prescriptions relatives à la sécurité. Ainsi les installations doivent-elles
avoir fait l'objet d'une visite de la commission départementale de sécurité, en
application, notamment, de la loi du 16 juillet 1984 relative à l'organisation
et à la promotion des activités physiques et sportives.
Il doit être en outre rappelé que les organisateurs de manifestations
sportives, récréatives ou culturelles à but lucratif, lorsque le public et le
personnel qui concourt à la réalisation de la manifestation dépassent 1 500
personnes, sont tenus d'en faire la déclaration au maire ou à Paris, au préfet
de police.
Par ailleurs, et là aussi de manière générale - mais je crois ces rappels
utiles - le maire, conformément aux dispositions du code général des
collectivités territoriales, est chargé de la police municipale, laquelle
comprend notamment « le maintien du bon ordre dans les endroits où il se fait
de grands rassemblements d'hommes tels que spectacles, jeux... ».
Il convient d'ajouter que les communes sont propriétaires des arènes dans
lesquelles se déroulent les courses camarguaises. En tout état de cause, le
ministre de l'intérieur n'a pas compétence pour déterminer de quelque manière
que ce soit les conditions de la pratique de ce sport : c'est bien aux
fédérations sportives agréées par le ministère chargé des sports que le
législateur a entendu confier l'exécution d'une mission de service public. Tel
est l'objet de l'article 16 de la loi du 16 juillet 1984 que j'ai citée tout à
l'heure. Ce même texte prescrit notamment que les fédérations sportives « font
respecter les règles techniques et déontologiques de leurs disciplines ».
Le Conseil d'Etat, dans une jurisprudence constante, a décidé que les
décisions prises par les fédérations sportives habilitées constituent des actes
administratifs. Il en résulte que les fédérations sportives « exercent leur
activité en toute indépendance » - il s'agit de l'article 16 précité - et que
les décisions qu'elles prennent sont susceptibles d'être déférées au juge
administratif.
Au demeurant, il ressort des renseignements obtenus par le ministère de
l'intérieur - et cela répond encore plus directement, me semble-t-il, au souci
que vous exprimiez - que le règlement édicté par la Fédération française de la
course camarguaise n'est pas, à brève échéance, susceptible d'être affecté par
des modifications. Par conséquent, la tradition associée à la pratique des
courses sera maintenue. Toutefois, vous l'avez rappelé, à la suite du grave
accident survenu à la fin du mois d'avril dans les arènes de Vauvert, la
fédération a décidé, très certainement à juste titre, de mettre en place une
commission, rassemblant des maires, des membres de la fédération en cause et
des manadiers, chargée de mener une réflexion sur les normes de sécurité.
Il est apparu en outre, lors de l'enquête administrative qui a suivi, que la
hauteur des barrières de protection n'était pas en conformité avec la
réglementation existante. Le renforcement des barrières et leur aménagement ont
été réalisés rapidement : en pratique, dans les quinze jours qui ont suivi
l'accident dont vous avez rappelé la gravité. Bien entendu, entre ces deux
dates, toute activité taurine avait été suspendue.
J'espère avoir répondu avec précision à vos préoccupations, monsieur le
sénateur.
M. André Vallet.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Vallet.
M. André Vallet.
Je tiens tout d'abord à vous remercier, monsieur le secrétaire d'Etat, d'avoir
indiqué avec force qu'il n'est pas question de modifier la réglementation des
courses camarguaises et d'avoir souligné qu'une telle décision appartient à la
fédération régissant ce sport.
Cependant, vous n'avez pas complètement répondu à ma question, monsieur le
secrétaire d'Etat, puisque je vous ai interrogé avant tout sur les initiatives
que voulait prendre Bruxelles en la matière. Je vous ai demandé de m'indiquer
si le Gouvernement approuvait les quelques initiatives qui ont été lancées par
la Commission et qui tendraient à trop renforcer, tout au moins de notre point
de vue, la sécurité dans les arènes.
MAÎTRISE DES ANIMAUX DANGEREUX
M. le président.
La parole est à M. Signé, auteur de la question n° 857, adressée à M. le
ministre de l'intérieur.
M. René-Pierre Signé.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je voudrais attirer l'attention sur le trouble
persistant que représentent les chiens de type molossoïde pour l'ordre public
et la sécurité des personnes...
M. Christian Demuynck.
C'est vrai !
M. René-Pierre Signé.
... tout au moins lorsque ces animaux ne sont pas maîtrisés, voire quand ils
sont élevés en vue de servir d'armes à leurs propriétaires. Si la loi
réglementant la détention, la déclaration et la reproduction de ces animaux est
bonne, il semble pourtant que l'application de ce texte requière des moyens qui
font actuellement défaut aux forces de police et plus particulièrement aux
forces de gendarmerie.
M. Christian Demuynck.
Très bien !
M. René-Pierre Signé.
Faute d'être pleinement appliquée, la législation crée, en fait, une économie
souterraine hautement profitable pour les trafiquants d'animaux. Elle génère
aussi un engouement malsain, une sorte de mythe construit autour de la
dangerosité des pitbulls et autres rottweillers.
J'observe que les premières victimes du risque créé par la circulation
incontrôlée de ces chiens sont des populations défavorisées, des personnes de
tous âges qui vivent dans les cités des périphéries de nos villes, et même,
monsieur le secrétaire d'Etat, dans nos petites communes rurales.
Parallèlement, un trafic d'animaux dangereux se développe, des combats de
chiens sont organisés. Certains s'enrichissent au mépris de toute légalité.
Personnellement, je comprends la circonspection des forces de l'ordre chargées
de capturer les chiens. Quels sont les moyens qui peuvent être mis en oeuvre
afin d'améliorer la formation et la protection en vue de ces missions
difficiles. De façon plus générale, quelles mesures le Gouvernement
envisage-t-il de prendre pour renforcer l'efficacité de la loi de 1999 et pour
la rendre effective ?
M. le président.
Monsieur le secrétaire d'Etat, avant de vous donner la parole, et pour vous
encourager, je dois vous dire que je publie régulièrement à Marseille des
arrêtés anti-pitbulls mais que, en réalité, tout le monde s'en bat l'oeil et le
flanc gauche ! (
Sourires.
)
M. Christian Demuynck.
Eh oui !
M. le président.
Vous avez la parole, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer.
Monsieur le président, je ne peux que
vous encourager à poursuivre dans cette voie !
Monsieur Signé, la lutte contre la délinquance très spécifique que constituent
les troubles occasionnés par les chiens de type molossoïde - pitbulls,
rottweillers et bien d'autres, hélas ! - pour l'ordre public et la sécurité des
personnes représente, je tiens à le confirmer ce matin devant vous, l'une des
priorités des services de police, et de gendarmerie, d'ailleurs, en application
de la loi de 1999 relative aux animaux dangereux et errants et à la protection
des animaux.
Je voudrais rappeler, et j'attire votre attention sur ces chiffres, que la
police nationale a d'ores et déjà déployé une activité importante dans ce
domaine, constatant 10 450 infractions et procédant à la capture et au
placement en fourrière de 925 chiens dangereux au cours du premier semestre de
l'année 2000, sur les 453 circonscriptions métropolitaines de sécurité
publique. Je crois, monsieur le sénateur, que, là, il n'y pas trace de
circonspection, il existe une réelle détermination.
La création d'unités spécialisées pour l'interpellation de ces animaux
apportera une aide complémentaire aux services de police pour lutter contre le
danger réel et incontestable que présentent ces chiens.
D'ores et déjà, trois unités spécialisées ont été constituées en région
parisienne et de nouvelles structures, après formation des fonctionnaires,
seront créées dans les départements qui sont fortement affectés par le
phénomène des chiens molosssoïdes.
Par ailleurs, il convient de noter que l'émergence d'une économie souterraine
est liée à la détention de ces animaux, et les services de la sécurité publique
et de la police judiciaire s'emploient à lutter, je le crois efficacement,
contre cette délinquence spécifique.
En outre, en concertation avec le ministère de l'agriculture et de la pêche,
une mission d'étude a été confiée à l'inspection générale de l'administration
ainsi qu'à l'inspection générale de la police nationale sur les problèmes posés
par la mise en oeuvre de la loi du 6 janvier 1999, que vous avez rappelés.
Cette mission a pour objet de constater les difficultés rencontrées par les
différents services chargés de l'application de cette loi et de proposer les
mesures les plus adaptées et les plus rapides pour les surmonter.
Mais il convient également, et votre question, monsieur le sénateur de la
Nièvre, y invitait le Gouvernement, de ne pas limiter ces mesures aux zones
urbaines. En effet, cette forme de délinquance n'épargne pas les territoires
ruraux. Il conviendra que les forces de gendarmerie soient également dotées des
moyens et d'une formation adaptés.
M. René-Pierre Signé.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Signé.
M. René-Pierre Signé.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse.
Vous savez mieux que moi que la loi définit certaines obligations pour les
détenteurs de tels chiens : tatouage, vaccination, assurance, déclaration à la
mairie, nécessité de museler et de tenir en laisse. En outre, le maire peut, si
la loi n'est pas respectée, ordonner la confiscation de l'animal.
Toutefois, la plupart du temps, ces dispositions ne sont pas suivies d'effet.
Si cette loi marque un progrès, elle me paraît néanmoins perfectible. Surtout,
son application est freinée par trois obstacles.
Le premier, c'est le nombre insuffisant des fourrières et leur mauvaise
adaptation à l'hébergement de tels chiens. Ce problème relève peut-être
d'ailleurs moins du Gouvernement que de l'échelon départemental.
Le deuxième obstacle, c'est l'insuffisance de formation des policiers et
particulièrement des gendarmes en milieu rural. Il s'agit d'une formation
périlleuse et d'une entreprise à risques.
Le troisième obstacle, c'est la dotation insuffisante en matériels de capture.
Les gendarmes me font part, comme à vous sans doute, monsieur le secrétaire
d'Etat, de ce problème.
Il faut savoir que tous ces chiens sont dangereux, contraitement aux
apparences et même si chaque propriétaire d'un tel animal prétend que son chien
est paisible. En effet, ces animaux sont potentiellement dangereux et ils
deviennent immanquablement dangereux un jour ou l'autre. Ces chiens de première
catégorie doivent donc disparaître. Or, comme je l'ai dit tout à l'heure, il
existe des élevages clandestins, et ces animaux font l'objet d'un trafic très
lucratif ; des combats de chiens sont organisés, même à Nevers !
Monsieur le secrétaire d'Etat, il serait bon que les forces de police et les
forces de gendarmerie soient sensibilisées à ce problème et, surtout, qu'elles
soient dotées d'un matériel adéquat, qui permette la capture des animaux
concernés.
RENFORCEMENT DU CONTRÔLE DE LÉGALITÉ
M. le président.
La parole est à M. Demuynck, auteur de la question n° 886, adressée à M. le
ministre de l'intérieur.
M. Christian Demuynck.
Monsieur le secrétaire d'Etat, au vu du projet de loi relatif à la solidarité
et au renouvellement urbains ou des récentes réformes de fiscalité locale,
force est, hélas ! de déplorer le jacobinisme dont le Gouvernement nous
gratifie ces temps-ci.
Pourtant, ces quelques coups d'éclat ne doivent pas occulter ce que tout élu
local constate depuis plusieurs mois, à savoir la multiplication manifeste des
lettres d'observation des préfets sur la base d'un pointillisme exacerbé.
Que le contrôle de légalité constitue la garantie de l'unité républicaine,
j'en suis le premier partisan.
Mais qu'il débouche sur un formalisme excessif et déplacé, je ne peux que m'y
opposer.
En effet, tous les élus vous le diront : les lettres d'observation se
multiplient, brident ainsi la libre administration des collectivités
territoriales et augmentent, par là même, les risques d'un contentieux devant
les juridictions administratives.
Dès lors, les communes, en grande majorité sûres de leur bon droit et
soucieuses de respecter leurs engagements, doivent s'attacher les conseils de
juristes et mobiliser leurs services pour défendre leur dossier.
Ainsi les collectivités locales devront-elles de plus en plus consacrer une
part non négligeable de leur budget aux frais de justice. J'entends ici,
évidemment, les cas dans lesquels l'Etat prend l'initiative de déférer une
décision locale devant le juge.
Dès lors, il paraît logique que le renforcement récent du contrôle de légalité
soit accompagné d'une compensation financière de la part de l'Etat, celui-ci
démultipliant les cas de contentieux juridictionnel.
Le Gouvernement est-il prêt à prendre en charge les conséquences des
débordements tatillons de ses fonctionnaires ?
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer.
Monsieur le sénateur, le secrétaire
d'Etat chargé de l'outre-mer, qui défendra cet après-midi devant l'Assemblée
nationale une grande loi de décentralisation pour l'outre-mer, ne peut que
désapprouver, bien sûr très courtoisement, le procès en jacobinisme que vous
avez voulu instruire ce matin.
Pour répondre plus directement à votre question, le contrôle de légalité est,
vous l'avez reconnu, la contrepartie nécessaire du principe constitutionnel de
libre administration des collectivités locales.
Sur le fondement de l'article 72 de la Constitution, le représentant de l'Etat
dans le département doit veiller au respect par les collectivités locales des
lois en général et, en particulier, des lois régissant le fonctionnement et les
compétences desdites collectivités.
Le Conseil d'Etat, que je cite une seconde fois ce matin dans cet hémicycle, a
d'ailleurs rappelé que la responsabilité de l'Etat pourrait être engagée, et
elle l'est parfois, sur le fondement d'une faute lourde pour défaut de contrôle
de légalité.
Par conséquent, il n'est pas véritablement envisageable, ni sans doute même
souhaitable, de modifier les règles, notamment législatives, de contrôle qui
concernent aujourd'hui les collectivités locales.
Néanmoins, le grand nombre d'actes transmis par les collectivités locales -
six millions d'actes - a conduit à définir, dans un souci d'efficacité et sans
doute aussi de bonne compréhension mutuelle, une stratégie locale de contrôle.
Celle-ci tend, d'une part, à assurer un contrôle plus cohérent, plus pertinent
et, d'autre part, à développer - et c'est essentiel, l'élu local que je suis
est d'accord avec vous sur ce point - la fonction de conseil auprès des
élus.
A cet effet, une circulaire interministérielle entre le ministère de
l'intérieur et le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie a été
élaborée dans le domaine délicat de la commande publique. Une démarche
similaire est entreprise avec le ministère de l'équipement, des transports et
du logement dans le domaine de l'urbanisme.
Les lettres d'observations, que vous avez mentionnées et qui sont élaborées
dans le cadre du contrôle de légalité, permettent d'éviter au préfet de
recourir au différé préfectoral en offrant aux collectivités locales la
possibilité soit d'apporter les éléments susceptibles de lever toute
incertitude sur la légalité de l'acte contesté, soit de réformer l'acte lorsque
les collectivités locales sont convaincues de son illégalité. Ces lettres
d'observations sont donc tout à fait utiles.
L'accroissement du nombre de lettres d'observations ne se traduit d'ailleurs
pas systématiquement par une augmentation du nombre de recours contentieux, je
veux le souligner. Par conséquent, si les collectivités sont amenées à
renforcer, comme vous l'avez souligné, leurs services juridiques pour assurer
la fiabilité de leurs décisions, elles n'ont pas, en revanche, à constater
d'augmentations substantielles de leurs frais de justice.
En tout état de cause, - et je suis sûr que vous m'en donnerez acte - il ne
saurait être envisagé d'allouer aux collectivités locales une aide financière
tendant à rembourser des frais de justice générés par l'élaboration d'actes
illégaux.
M. Christian Demuynck.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck.
Monsieur le secrétaire d'Etat, selon l'analyse que je fais de la loi, le fait
que l'Etat décide de contrôler les actes produits par les collectivités
territoriales me paraît tout à fait normal.
Le problème, monsieur le secrétaire d'Etat, est le suivant : vous décidez de
faire contrôler les collectivités territoriales par les préfets et les
sous-préfets qui, depuis quelque temps, se sont entourés d'une flopée
d'attachés. Soit ! Mais peut-être eût-il été préférable de s'interroger sur
d'éventuels autres besoins, plutôt que de renforcer ce contrôle de légalité et
d'augmentet le nombre de fonctionnaires. Bref, lorsqu'un préfet ou un
sous-préfet a un doute, dans la mesure où ils sont tout de même quelque peu
inquiets des suites de ce contrôle par les cours régionales des comptes ou la
Cour des comptes, ils adressent au maire une lettre d'observation. Si la
réponse de celui-ci ne les satisfait pas ou s'ils ont un simple doute, ils font
un déféré préfectoral sachant que, de toute façon, la collectivité ne pourra
rien faire à leur encontre. Ils préfèrent donc la facilité. La collectivité,
quant à elle, est obligée de s'entourer de juristes, et éventuellement de
recruter du personnel pour pouvoir se défendre.
Aussi, lorsque le tribunal administratif décide que le préfet a tort, je
propose que soient remboursés à la collectivité les frais qu'elle a engagés
afin de prouver sa bonne foi.
FINANCEMENT DE LA POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE
M. le président.
La parole est à M. Bizet, auteur de la question n° 851, adressée à M. le
ministre des affaires étrangères.
M. Jean Bizet.
Ma question vise à interpeller M. le ministre des affaires étrangères sur le
financement de la politique agricole commune. Définie dans le cadre du Conseil
européen de Berlin, cette politique semble aujourd'hui, selon les craintes
émises par le commissaire en charge de l'agriculture, M. Franz Fischler, remise
en cause par le projet de la Commission européenne de financer la
reconstruction et le développement des Balkans entre 2001 et 2003, en partie
grâce à une réduction des dépenses prévues pour le fonctionnement des marchés
agricoles.
Cette réduction de l'ordre de 300 millions d'euros serait assurée par une
réorganisation du marché du sucre. Je suis étonné de constater qu'une
réorganisation d'une telle ampleur de ce marché n'ait pas été réalisée plut
tôt, à moins que les économies ainsi dégagées ne se traduisent d'une manière ou
d'une autre par une diminution du soutien communautaire global, les engagements
pris lors du Conseil européen de Berlin risquant dans ce cas de ne plus être
respectés.
On peut constater une fois de plus, dans cette affaire, le manque de cohérence
et de coordination des travaux du Conseil. Il est difficilement acceptable que
les ministres des affaires étrangères prennent des décisions apparemment sans
se soucier de leur financement, et que l'on propose ensuite aux ministres des
finances de remettre en cause un accord global sur la politique agricole
commune qui a été longuement et difficilement négocié.
Ce manque de cohérence est également un motif d'inquiétude si l'on songe à la
reprise des négociations au sein de l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC.
La « clause de paix » qui protège l'agriculture européenne va s'éteindre en
2003. Ce n'est plus si loin ! Et si les négociations continuent à piétiner,
l'Union européenne risque d'en aborder la phase finale en position très
défavorable, car elle serait alors obligée de négocier sous la menace d'un
contentieux lourd de nombreux risques.
Je voudrais obtenir l'assurance, monsieur le secrétaire d'Etat, que le
Gouvernement a bien l'intention de faire respecter les décisions prises à
Berlin et que ces décisions restent bien la base de la position communautaire
dans les négociations de l'OMC.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer.
Monsieur le sénateur, je voudrais, au
nom du Gouvernement et plus particulièrement de mon collège Hubert Védrine,
vous rassurer.
Comme vous l'avez relevé, la Commission européenne a en effet proposé un
effort financier important de l'Union européenne en faveur de la région des
Balkans pour la période 2001-2006. Cette contribution suppose, selon la
Commission, de réviser les perspectives financières adoptées au Conseil
européen de Berlin, en mars 1999, et qui lient aujourd'hui le Conseil, la
Commission et le Parlement européen.
Il est clair - je tiens à le souligner ici - que le gouvernement français ne
saurait accepter que le financement de la reconstruction et du développement
des Balkans puisse être assuré, comme le propose la Commission, par un
prélèvement à hauteur de 300 millions d'euros sur les dépenses agricoles. Les
autorités françaises s'opposent donc à cette proposition de révision des
perspectives financières et l'ont déjà indiqué très clairement et à plusieurs
reprises à Bruxelles. Les partenaires de la France partagent également la
volonté de cette dernière de ne pas remettre en cause les règles de discipline
budgétaire définies à Berlin et considèrent que l'effort supplémentaire à
fournir en faveur des Balkans peut être financé sans modifier les plafonds de
crédits arrêtés l'an dernier.
Le Gouvernement a donc bien l'intention de faire respecter les décisions
adoptées en 1999 sur la programmation budgétaire prévue pour les années 2000 à
2006 qui couvrent, notamment, le financement de la réforme de la politique
agricole commune. Les dépenses agricoles, y compris celles de l'organisation
commune du marché du sucre, évolueront dans le cadre des enveloppes fixées à
Berlin. Ces décisions restent également le fondement de la position
communautaire dans les négociations de l'Organisation mondiale du commerce.
M. Jean Bizet.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Bizet.
M. Jean Bizet.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de ces précisions dont je
prends bonne note. Je souhaite vivement qu'il ne soit pas procédé à une
ponction de 300 millions d'euros sur le budget de la politique agricole
commune, car ce serait dramatique pour l'ensemble des négociations et pour les
agriculteurs de notre pays.
J'avoue que cela me fait penser à ce qui s'est passé lors des accords de Blair
House en 1992 : au cours desquels la Commission ayant outrepassé les missions
qui lui avaient été confiées, nous restons depuis lors dépendants, s'agissant
des protéines végétales, à hauteur de quelque 76 %.
Néanmoins, monsieur le secrétaire d'Etat, je prends bonne note de vos
informations et je vous en remercie.
7
NOMINATION DE MEMBRES
DE COMMISSIONS
M. le président.
Je rappelle au Sénat que le groupe socialiste a présenté une candidature pour
la commission des finances et une candidature pour la commission des lois.
Le délai prévu par l'article 8 du règlement est expiré.
La présidence n'a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées et je proclame :
- M. Claude Lise, membre de la commission des finances, du contrôle budgétaire
et des comptes économiques de la nation, en remplacement de M. Marcel Charmant,
démissionnaire ;
- M. Marcel Charmant, membre de la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale,
en remplacement de M. Claude Lise, démissionnaire.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons
maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures cinquante, est reprise à seize heures dix,
sous la présidence de M. Jacques Valade.)
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
8
CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS
M. le président.
La conférence des présidents a établi comme suit l'ordre du jour des
prochaines séances du Sénat :
Mercredi 11 octobre 2000 :
A quinze heures et le soir :
1° Nomination des membres de la commission spéciale chargée de vérifier et
d'apurer les comptes du Sénat.
Les candidatures à cette commission doivent être remises au secrétariat
central du service des commissions, avant dix-sept heures, le mardi 10 octobre
2000.
Ordre du jour prioritaire
2° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration
d'urgence, relatif aux nouvelles régulations économiques (n° 321,
1999-2000).
Jeudi 12 octobre 2000 :
A neuf heures trente et à quinze heures :
Ordre du jour prioritaire
Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration
d'urgence, relatif aux nouvelles régulations économiques (n° 321,
1999-2000).
Mardi 17 octobre 2000 :
A neuf heures trente :
Ordre du jour prioritaire
1° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration
d'urgence, relatif aux nouvelles régulations économiques (n° 321,
1999-2000).
A seize heures et le soir :
2° Suite de l'ordre du jour du matin.
3° Nouvelle lecture du projet de loi, adopté avec modifications par
l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la solidarité et au
renouvellement urbains (n° 456, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 16 octobre 2000, à midi, le délai limite pour le dépôt des
amendements à ce projet de loi ;
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion
générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun
groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort, et les
inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant
dix-sept heures, le lundi 16 octobre 2000.
Mercredi 18 octobre 2000 :
A quinze heures et le soir :
Ordre du jour prioritaire
Suite de la nouvelle lecture du projet de loi, adopté avec modifications par
l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la solidarité et au
renouvellement urbains (n° 456, 1999-2000).
Jeudi 19 octobre 2000 :
A neuf heures trente :
Ordre du jour prioritaire
1° Suite de la nouvelle lecture du projet de loi, adopté avec modifications
par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la solidarité et au
renouvellement urbains (n° 456, 1999-2000).
A quinze heures :
2° Questions d'actualité au Gouvernement.
L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la
séance avant onze heures.
Ordre du jour prioritaire
3° Suite de la nouvelle lecture du projet de loi, adopté avec modifications
par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la solidarité et au
renouvellement urbains (n° 456, 1999-2000).
Mardi 24 octobre 2000 :
A dix heures :
1° Quinze questions orales :
N° 797 de M. Gérard Braun à M. le ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie (exonération de taxe d'habitation pour les étudiants logés dans les
résidences des CROUS) ;
N° 848 de M. Alain Gournac à M. le ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie (politique familiale) ;
N° 871 de M. Charles Descours à Mme le ministre de l'emploi et de la
solidarité (mise en application de la CMU) ;
N° 873 de M. Bernard Fournier à M. le ministre délégué à la coopération et à
la francophonie (abandon de la traduction en français des brevets européens)
;
N° 876 de M. Patrice Gélard à M. le ministre de l'intérieur (portée des
recommandations émises par le Conseil constitutionnel concernant la réforme du
mode de scrutin sénatorial) ;
N° 877 de M. Serge Franchis à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux
handicapés (transmission des maladies à prion) ;
N° 878 de M. Jean-Patrick Courtois à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et
aux handicapés (amélioration des conditions de vie des personnes atteintes de
la maladie d'Alzheimer) ;
N° 879 de M. Francis Grignon à M. le secrétaire d'Etat à la défense chargé des
anciens combattants (indemnisation des anciens incorporés de force dans le RAD)
;
N° 880 de Mme Nicole Borvo à Mme le secrétaire d'Etat au budget (situation du
centre médico-social Clavel de Paris) ;
N° 882 de M. Jean Chérioux à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
(dispositif de rémunération des heures de veille pour le personnel des
établissements d'accueil de handicapés) ;
N° 883 de M. Alain Hethener à M. le ministre de l'équipement, des transports
et du logement (modalités de la desserte de la région Lorraine par le futur TGV
Est) ;
N° 884 de M. Philippe Madrelle à M. le ministre de l'éducation nationale
(manque de postes d'enseignants dans le département de la Gironde) ;
N° 890 de M. Fernand Demilly à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche
(mise aux normes des bâtiments d'élevage) ;
N° 891 de M. Marcel Bony à M. le ministre de l'intérieur (emplois fonctionnels
et intercommunalité) ;
N° 894 de M. Jean Boyer à M. le ministre de l'équipement, des transports et du
logement (liaison aérienne Paris-Grenoble).
A seize heures et, éventuellement, le soir :
Ordre du jour prioritaire
2° Suite de la nouvelle lecture du projet de loi, adopté avec modifications
par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la solidarité et au
renouvellement urbains (n° 456, 1999-2000).
Mercredi 25 octobre 2000 :
A seize heures et, éventuellement, le soir :
Ordre du jour prioritaire
Projet de loi portant habilitation du Gouvernement à transposer, par
ordonnances, des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines
dispositions du droit communautaire (n° 473, 1999-2000).
La conférence des présidents a décidé :
- de fixer au mardi 24 octobre 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour
le dépôt des amendements à ce projet de loi ;
- d'attribuer au président de la délégation pour l'Union européenne un temps
d'intervention de dix minutes ;
- de limiter à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la
discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la
liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort, et les
inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant
dix-sept heures, le mardi 24 octobre 2000.
Jeudi 26 octobre 2000 :
Ordre du jour réservé
A neuf heures trente et à quinze heures :
Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi
constitutionnelle de MM. Christian Poncelet, Jean-Paul Delevoye, Jean-Pierre
Fourcade, Jean Puech et Jean-Pierre Raffarin relative à la libre administration
des collectivités territoriales et à ses implications fiscales et financières
(n° 432, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé : au mercredi 25 octobre 2000, à dix-sept
heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de
loi.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort, et les
inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant
dix-sept heures, le mercredi 25 octobre 2000.
Mardi 31 octobre 2000 :
Ordre du jour prioritaire
A neuf heures trente :
1° Sous réserve de sa transmission, projet de loi organique modifiant la loi
n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la
République au suffrage universel (AN, n° 2564).
La conférence des présidents a fixé au lundi 30 octobre 2000, à dix-sept
heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi
organique.
2° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après déclaration
d'urgence, relative à la contraception d'urgence (n° 12, 2000-2001).
La conférence des présidents à décidé :
- de fixer au lundi 30 octobre 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour
le dépôt des amendements à cette proposition de loi ;
- d'attribuer un temps d'intervention de dix minutes au représentant de la
délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les femmes et
les hommes ;
- de limiter à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la
discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la
liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort, et les
inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant
dix-sept heures, le lundi 30 octobre 2000.
A seize heures :
3° Suite de l'ordre du jour du matin.
Mardi 7 novembre 2000 :
A neuf heures trente :
1° Questions orales.
A seize heures et, éventuellement, le soir :
Ordre du jour prioritaire
2° Nouvelle lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi
d'orientation relatif à l'outre-mer.
La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 6 novembre 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt
des amendements à ce projet de loi d'orientation ;
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion
générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun
groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort, et les
inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant
dix-sept heures, le lundi 6 novembre 2000.
Mercredi 8 novembre 2000 :
Ordre du jour prioritaire
A quinze heures et le soir :
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence,
relatif à l'épargne salariale (n° 11, 2000-2001).
La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 6 novembre 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt
des amendements à ce projet de loi ;
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la
discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la
liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort, et les
inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant
dix-sept heures, le lundi 6 novembre 2000.
Jeudi 9 novembre 2000 :
A neuf heures trente :
Ordre du jour prioritaire
1° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration
d'urgence, relatif à l'épargne salariale (n° 11, 2000-2001).
A quinze heures :
2° Questions d'actualité au Gouvernement.
L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la
séance avant onze heures.
Ordre du jour prioritaire
3° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration
d'urgence, relatif à l'épargne salariale (n° 11, 2000-2001).
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence
des présidents relatives à la tenue des séances ?...
Ces propositions sont adoptées.
Par ailleurs, la conférence des présidents propose au Sénat de suspendre ses
travaux en séance publique :
- du 24 décembre 2000 au 7 janvier 2001
- du 11 février au 25 mars 2001
- et du 8 avril au 16 avril 2001.
Il n'y a pas d'opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
9
NOUVELLES RÉGULATIONS ÉCONOMIQUES
Discussion d'un projet de loi
déclaré d'urgence
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 321, 1999-2000),
adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif aux
nouvelles régulations économiques. [Rapport n° 5 (2000-2001), et avis n°s 4
(2000-2001), 10 (2000-2001) et 343 (1999-2000)].
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Monsieur le
président, mesdames, messieurs les sénateurs, quelques mots d'abord sur la
philosophie générale de ce texte, qui renvoie à une certaine conception de
l'Etat.
Ce gouvernement, vous le savez, n'est pas le défenseur du tout bureaucratique.
C'est l'esprit de réforme, de justice, si cela est possible, et de
modernisation qui doit nous mener. En faisant évoluer l'Etat, l'organisation
des services financiers ou encore le vote du budget, le Gouvernement veut
s'efforcer de rendre notre économie, notre administration et notre société plus
efficaces et plus justes, plus transparentes et plus solidaires, donc mieux
accordées aux nécessités du monde actuel.
Pas davantage nous n'adhérons à une doctrine systématique selon laquelle moins
l'Etat interviendrait dans la vie économique et sociale, mieux l'économie et la
société se porteraient. Le pari de cette thèse est bien connu : puisque les
marchés, par définition, seraient toujours plus intelligents que les
gouvernants, il faudrait exclusivement s'en remettre aux premiers plutôt qu'aux
seconds. Or, il est loin d'être évident, nous le savons tous, que le seul jeu
des forces du marché débouche toujours sur l'optimum économique, et encore
moins sur l'optimum social. Si, comme le dit une vieille chanson, il n'est pas
de sauveur suprême, il est, pour parvenir à concilier le bien-être social et
l'expansion économique, des arbitres plus ou moins efficaces. On l'a bien vu
cet été à propos du prix des carburants, ou lors de grandes intempéries, ou
bien encore à chaque crise agricole.
Même s'ils le critiquent volontiers, c'est en efffet vers l'Etat que nos
concitoyens se tournent quand des mécanismes économiques trop brutaux pour être
viables ou totalement non économiques conduisent à des déséquilibres
insupportables. Le marché repose sur des équilibres que la concurrence et la
transparence s'efforcent d'assurer, mais qu'ils ne peuvent pas entièrement
garantir. Le Parlement et le Gouvernement s'appuient, en démocratie, sur la
légitimité d'un suffrage qui leur donne une force certaine et la possibilité
d'envisager le temps long, celui des stratégies et des projets, celui de
l'horizon non marchand aussi. Si je devais résumer ce point, je dirais : ni
impuissance de l'Etat donc, ni omniprésence !
Avec la mondialisation, le besoin d'Etat se maintient, mais les formes de son
action doivent incontestablement évoluer. Elles quittent souvent le domaine
étroit de la réglementation, trop lente, parfois trop lourde, pour la sphère,
plus large et plus libre, de la régulation.
Ce n'est pas une évolution facile. Capétiens, révolutionnaires, impériaux et
républicains, l'histoire de notre pays est en effet aussi celle de l'Etat.
Autant que le cadre de notre souveraineté, il constitue notre culture. Aussi
faut-il éviter, me semble-t-il, les slogans et les solutions toutes faites,
comme si le débat pouvait se réduire au face-à-face entre les tenants du « trop
» de gouvernement, et les partisans du « trop peu » de gouvernement, entre les
prosélytes du « laisser faire » et les zélateurs du « tout diriger ». C'est une
vision caricaturale.
Notre défi est différent.
Il consiste à quitter une habitude, celle de l'Etat « omniprescripteur », pour
adopter une pratique, celle de l'Etat-partenaire, arbitre et garant du contrat
social, aiguilleur du développement économique, centré sur ses missions
régaliennes, soutenant et développant l'initiative, quand il le faut, agissant
en réseau, laissant certaines décisions se prendre par des autorités de même
niveau plutôt qu'en les obligeant systématiquement à remonter, faisant de la
décentralisation, de la proximité et de l'efficacité les règles essentielles de
son fonctionnement.
Il consiste à maîtriser la dépense publique, corrélat indispensable de la
réforme - allégement de la fiscalité - et à rendre plus transparente la gestion
: d'où importance, par exemple, de la réforme - je sais que beaucoup d'entre
vous y sont sensibles - de l'ordonnance du 2 janvier 1959 sur les finances
publiques, dont je vous confirme que le Gouvernement souhaite que vous puissiez
discuter au semestre prochain.
Réguler l'économie entre pleinement dans ce cadre, puisque c'est à la fois
assurer son bon régime, éviter les captations qui la pénalisent, rétablir,
lorsqu'il le faut, l'équilibre entre ses acteurs. Il y va de l'intérêt de tous,
des salariés comme des chefs d'entreprise, des consommateurs comme des
entrepreneurs. A défaut, ce sont les plus faibles, les plus démunis, qui sont
laissés sur le bord du chemin. Réguler, tel est bien un nouveau rôle que nos
concitoyens assignent désormais à la puissance publique.
Démontrer qu'ils ont été entendus est l'ambition du projet de loi qu'au nom du
Gouvernement, avec Mme Marylise Lebranchu, je défendrai devant vous. La
régulation repose sur une méthode qui, souplement, passe par trois étapes :
d'abord, fixer des objectifs ; puis définir de grands équilibres qu'il convient
de respecter ; enfin, doter les régulateurs des pouvoirs leur permettant, en
toute indépendance, de sanctionner un manquement éventuel à ces règles.
Fidèle à ces modalités, ce texte en détermine les conditions d'application
dans trois domaines : le droit de la concurrence et de la consommation, le
droit des sociétés, le droit financier.
Beaucoup d'entre nous ont noté la diversité des dispositions présentées.
Parfois même ils l'ont jugée excessive. C'est que la régulation est une
démarche, une méthode, dont les points d'application, par définition, relèvent
de domaines différents. L'unité de ce texte c'est la régulation ; la diversité,
son champ d'extension.
Mesdames, messieurs les sénateurs, c'est au droit financier qu'est consacré le
premier volet du projet. J'en résumerai les principaux traits à grandes
guides.
Davantage de transparence dans les offres publiques d'achat ou de vente pour
éviter l'opacité d'opérations interminables et souvent indéterminées qui
finissent par obérer l'avenir des entreprises, quand elles ne les détruisent
pas.
Davantage d'information donnée aux salariés, pour les motiver, les associer,
les intégrer, quant à l'évolution du périmètre, du capital et de l'activité des
sociétés dans lesquelles ils sont employés, ce qui sera un atout supplémentaire
donné, dans l'intérêt de tous, aux fusions, aux acquisitions, aux prises de
participation rendues plus fluides par l'information et, si possible,
l'adhésion des premiers concernés.
Davantage de vigilance - j'y reviendrai - dans la lutte contre le blanchiment
des capitaux.
Dans la mesure où nous examinerons ces dispositions dans le détail lors de la
discussion des articles, je souhaite, à ce stade de notre débat, insister
uniquement sur deux points.
Le premier me tient particulièrement à coeur. Pour que prévale ce que
j'appellerai une mondialisation humanisée, les institutions financières
internationales doivent acquérir véritablement une vocation universelle, n'être
la propriété exclusive d'aucune puissance, consacrer tous leurs moyens à la
lutte contre les déséquilibres, pour le développement durable et la réduction
des charges supportées par les pays les plus pauvres. Cela exige que ces
institutions soient confortées et modernisées.
Mais la réforme de l'architecture financière internationale n'a de sens que si
elle s'accompagne d'une plus grand transparence des mouvements de capitaux. Il
faut donc braquer la lumière sur ces véritables « trous noirs » que constituent
les centres
offshore,
qui déstabilisent et décrédibilisent les
mécanismes de régulation adoptés par les institutions internationales et qui
fragilisent l'assiette fiscale des territoires ou « pays honnêtes ».
Au cours des derniers mois, le Gouvernement a eu l'occasion de marquer sa
détermination à voir progresser cet important dossier. La publication de la
liste des territoires non coopératifs par le GAFI, le groupe d'action
financière internationale des capitaux, a marqué le premier aboutissement
d'efforts à l'origine français. Lors du G7 Finances, qui s'est tenu à Prague le
25 septembre dernier, j'ai pu obtenir que l'on passe à l'étape suivante en
envisageant des sanctions dissuasives. La France a également mis cette priorité
à l'ordre du jour de sa présidence de l'Union européenne. Au cours du dernier
Ecofin, le 29 septembre dernier, a été obtenu l'accord politique sur une
directive appelée « lutte contre le blanchiment », qui précise la liste des
professions soumises à déclaration de soupçons.
Enfin, vient d'être publié - je m'en enquérais auprès du président de la
commission des finances et du rapporteur général, auxquels j'ai adressé ce
document - le rapport établi à notre demande sur les relations financières
entre la France et Monaco, ainsi que sur leurs aspects judiciaires. Il dresse
un état des lieux objectif, met en évidence un certain nombre d'insuffisances
et formule des propositions pour remédier aux problèmes. Le projet qui vous est
présenté aujourd'hui est une invitation à compléter l'ensemble de ce
dispositif.
Second point sur lequel je souhaite m'arrêter quelques instants : les
autorités de surveillance du marché financier.
En dehors de dispositions ponctuelles, la réforme d'ensemble des autorités de
régulation du marché financier ne figure pas dans le texte que vous allez
examiner. Le reproche nous avait été fait, à l'Assemblée nationale, de traiter
de la régulation sans évoquer les autorités chargées d'en assurer le bon
fonctionnement. J'ai tenu compte de ce reproche. Ce manque avait une
explication : tout simplement, le temps indispensable à la concertation.
Celle-ci a, depuis, été largement menée avec l'ensemble des acteurs de la
place, et l'on peut considérer qu'elle vient juste d'aboutir.
Quelles sont les données ? Les bourses étaient autrefois des institutions
immuables. Elles sont devenues des entreprises de services et des fournisseurs
de prestations, notamment informatiques. Modes de compensations, rapprochements
industriels et systèmes de règlement se diversifient ou s'amplifient. Si l'on
veut accompagner ce mouvement, il faut une stratégie, il faut des institutions
qui sachent unir leurs compétences et leur talent.
Les métiers et la technique des banques et des assurances se rapprochent ;
leurs autorités prudentielles doivent le faire aussi. Les bourses européennes
s'allient ; il faut que les régulateurs des marchés financiers soient plus
réactifs, plus coopératifs avec leurs homologues.
Les clients des banques et des assurances demandent davantage d'écoute et de
concertation, comme la commission Belorgey sur l'assurabilité l'a établi ; il
convient donc que nos structures de contrôle replacent le consommateur, son
service et sa sécurité au centre de leurs préoccupations.
Sécuriser : précisément, c'est sur ce terrain, celui de la sûreté et de la
solidité, que la COB a été, vous le savez, à plusieurs reprises, évoquée ces
derniers mois. Dès cet été, à titre quasi conservatoire, le Gouvernement a pris
un décret pour réformer la procédure et les modes de sanction de la COB. Il
était cependant indispensable d'aller au-delà et de modifier, dans leurs
structures mêmes, les mécanismes disciplinaires de cette instance. Le
législateur, évidemment, doit être consulté pour cela.
Devant quels problèmes nous trouvions-nous ? Actuellement, en matière de
délits financiers, les mêmes faits incriminés peuvent faire l'objet de deux
procédures parallèles, l'une menée par la Commission des opérations de bourse,
l'autre par le juge judiciaire.
Les conclusions de ces procédures ne sont pas toujours identiques. Du tribunal
ou de l'autorité administrative indépendante, c'est cette dernière qui a pu
s'en trouver affaiblie. Pour remédier à cette confusion, mieux vaut séparer ce
qui relève du pénal de ce qui relève du disciplinaire.
De même, la coexistence de deux instances des marchés financiers a fait
progressivement émerger deux droits boursiers parallèles. D'où conflit de
compétences, jurisprudences contradictoires, perplexité des acteurs - on les
comprend - sourire entendu de nos voisins étrangers, assez heureux de nous voir
occupés, pour ne pas dire emmêlés, dans ces querelles de Gaulois. La fusion
entre conseil des marchés financiers et COB - puisqu'il s'agit d'une fusion -
devrait nous préserver de ce danger.
Enfin, quelques déboires récents dans le secteur des assurances, en
particulier dans l'assurance vie, nous ont fait envisager collectivement de
renforcer nos procédures d'agrément et de rendre toujours plus efficace la
commission de contrôle de ce secteur. Je souhaite donc que, le moment venu,
soit créé un comité des entreprises d'assurances, sur le modèle du Comité des
établissements de crédit et des entreprises d'investissement, le CECEI.
On aurait pu souhaiter - c'était mon idée initiale - que cette réforme des
autorités de contrôle financier, que je viens de résumer, soit introduite ici
et maintenant. C'était une hypothèse séduisante, mais l'introduction de cette
réforme, dans toutes ses composantes, à ce stade de la discussion, nous aurait,
d'après ce que m'ont indiqué les juristes, conduits à excéder les limites
inhérentes au droit d'amendement. Nous aurions encouru une critique de la part
du juge constitutionnel. C'est pourquoi le Gouvernement a préféré, avec un
certain regret, placer ces dispositions importantes dans un projet de loi
autonome qui sera soumis en conseil des ministres dans les prochaines semaines,
ce qui devrait permettre, je l'espère, de le voter définitivement au premier
semestre 2001. J'ai tenu néanmoins à vous présenter l'économie de ces
dispositions car vous n'auriez pas compris que je ne le fasse pas.
Le deuxième champ de la régulation porte sur la concurrence et le droit des
concentrations.
Le projet de loi qui vous est soumis prévoit une réforme en profondeur des
textes, qui doivent évoluer rapidement compte tenu d'un contexte qui a changé.
Les règles qui président à la notion de concurrence ont souvent mauvaise
réputation. On espérerait celle-ci pure et parfaite. Elle l'est rarement. Des
formules un peu rapides conduisent souvent à l'opposer à l'intérêt général, à
en faire l'ennemi de l'aménagement du territoire, à n'y voir qu'un prétexte à
restructuration économique. C'est oublier la protection du consommateur, les
nécessités de bonne gestion, la volonté des acteurs.
Le texte qui vous est soumis rappelle combien la recherche d'une économie
compétitive et innovante suppose une concurrence loyale. Il veut garantir
chacun des équilibres de l'univers commercial et promouvoir un « civisme
marchand ». C'est pourquoi, sans diaboliser personne, il organise une meilleure
protection de la relation entre distributeurs et fournisseurs en créant une
commission des pratiques commerciales destinée notamment à élaborer des codes
de bonne conduite, laquelle ne doit en aucun cas devenir un édifice
para-juridictionnel supplémentaire. Trop de droit peut tuer le droit. Liberté
contractuelle, oui ! Abus individuels, non !
Cette avancée s'accompagnera du renforcement des pouvoirs du Conseil de la
concurrence. Celui-ci doit offrir une meilleure efficacité dans le traitement
des affaires qui lui sont soumises, une plus grande effectivité aux règles
qu'il est chargé d'appliquer et, si possible, une plus grande actualité au
droit des concentrations, qu'il faut moderniser. C'est pourquoi une procédure
systématique et lisible, avec notification obligatoire, sera instaurée pour les
instructions qui concernent des sociétés dont le chiffre d'affaires se situe
au-delà d'un certain seuil. De cette façon, un traitement plus rapide sera mis
en place pour les opérations simples, tandis que le maximum de garanties
accompagnera les opérations posant les questions les plus délicates, comme
celles qui supposent une saisine pour avis du Conseil de la concurrence.
Enfin, ce texte, assez technique sur ce point, tend aussi à accroître
l'information du marché sur les opérations de concentration en cours, tout en
préservant le secret des affaires au bénéfice des entreprises concernées. Ces
dispositions seront assorties d'une capacité d'intervention au profit du
ministre de l'économie, le cas échéant du ministre chargé du secteur intéressé.
Certains regrettent le maintien de ce pouvoir. Je crois qu'il est du rôle des
pouvoirs publics de rester le garant de l'utilisation de ce pouvoir de police
économique, non pas à l'encontre mais au profit du droit des concentrations,
pour éviter dérives ou abus.
Sur le chapitre de la concurrence, le projet de loi a un peu évolué depuis sa
conception initiale. Lors du débat à l'Assemblée nationale, les députés ont
voulu encore accentuer le caractère « protecteur » du texte en y introduisant
diverses dispositions. Une garantie de prix minimum dans le domaine des fruits
et légumes comme la labellisation de certains produits ont été votées et vous
seront soumises. Le Gouvernement vous propose en outre plusieurs ajouts
substantiels.
J'en évoquerai un avec Mme Marylise Lebranchu, qui sera à mes côtés dans
quelques instants : nous vous invitons à accorder, comme l'attendent ces
professionnels, une garantie supplémentaire aux fournisseurs. Elle consiste en
la transposition immédiate pour les transactions privées de la directive sur
les retards de paiement adoptée voilà deux mois.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ce serait une sorte
de record de célérité que nous battrions ainsi, réjouissant les Européens que
vous êtes, et qui permettrait au Sénat, s'il n'était pas indifférent aux
honneurs superficiels, de figurer au
Guiness book
des membres de
l'Union, puisque, à peine décidés, les éléments se retrouveraient dans nos
textes.
Nous ne proposons pas de transposer à ce stade le volet de la directive
concernant les retards de paiements publics. En effet, la question étant posée
de savoir qui de l'ordonnateur ou du comptable, de la collectivité locale ou de
l'Etat, doit assumer la responsabilité du dépassement du délai, il me semble
nécessaire qu'une concertation soit menée préalablement avec les représentants
des élus locaux sur ce point tout à fait majeur.
La troisième et dernière partie de ce projet fixe les règles relatives au
fonctionnement démocratique des entreprises privées comme publiques. La qualité
du dialogue social contribue à la performance de l'économie. La démocratie
économique, outre ses mérites propres, est un facteur d'efficacité.
Pour favoriser ce climat, quatre orientations principales sont retenues dans
le texte du Gouvernement : assurer un meilleur équilibre des pouvoirs au sein
des organes dirigeants en encourageant la dissociation entre les fonctions de
président du conseil d'administration et celles de directeur général, mais
aussi en limitant le cumul des mandats d'administrateur et de dirigeant
d'entreprise ; doter les sociétés de davantage de limpidité, notamment par la
transparence des rémunérations des mandataires sociaux et l'extension du champ
des conventions réglementées ; renforcer les pouvoirs des actionnaires
minoritaires en abaissant le seuil d'exercice de certains droits essentiels de
10 % à 5 % ; développer la démocratie et faciliter l'utilisation des nouvelles
technologies, préoccupations qui ne sont pas autonomes l'une par rapport à
l'autre, en donnant, par exemple, une possibilité de vote électronique, donc
une plus grande faculté de participation, aux actionnaires minoritaires. L'Etat
actionnaire doit donner l'exemple en matière de démocratisation et de
transparence. Ces mesures s'appliqueront donc également au secteur public. Des
entreprises où chacun est en mesure d'assumer pleinement ses responsabilités
sont plus diverses, plus audacieuses et sans doute plus pertinentes, dont plus
prospères.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je conclurai mon
propos par deux sujets, l'un qui a fait couler beaucoup - probablement trop -
d'encre, l'autre peut-être pas assez.
Le premier concerne la fiscalité des stock-options. Le vote d'un amendement
gouvernemental à l'Assemblée nationale a permis de dégager une solution que
nous croyons adaptée. Un vieux débat, qui a consommé beaucoup d'énergie et de
salive, a ainsi été tranché. Un équilibre a été trouvé. J'espère que vous y
adhérerez.
Le second sujet concrétise une oeuvre très discrète, elle, mais importante :
la création d'un pôle financier public, puissant, cohérent, CDC-finances. Sans
doute est-ce parce qu'il a été approuvé à l'unanimité des députés que ce projet
n'a pas été assez souligné... Nous parlons souvent de modernité, non comme une
obsession mais comme une certaine forme tranquille de révolution. En voici une
bonne illustration.
Ainsi définie, la régulation n'est pas un choix conjoncturel, mais bien une
méthode démocratique, fruit d'une volonté politique affirmée. Exigence
économique, impératif social, elle devrait conduire la France à mieux épouser
la vision moderne d'une économie à l'échelle humaine. Compléter ce texte sans
en bouleverser la cohérence, améliorer s'il le faut un projet qui, parce qu'il
aborde des matières délicates peut sembler complexe, préserver le choix
fondamental opéré de la régulation comme réponse à une mondialisation qu'il
faut regarder comme un fait, mais dont il faut savoir corriger les effets :
c'est ce que nos débats, je l'espère, pourront permettre.
Une démocratie économique pour une mondialisation humanisée, telle est donc la
démarche qui sous-tend le projet de loi que j'ai l'honneur de vous présenter.
Elle constitue une étape importante dans la volonté du Gouvernement de
moderniser les structures de notre économie, de favoriser l'emploi, de garantir
une activité et une solidarité durable. Bref, il s'agit - ce n'est pas une
ambition facile - de faire en sorte que la confiance et la croissance puissent
continuer de se conjuguer.
(Applaudissements sur les travées socialistes
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini,
rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des
comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, nous voici aux prises avec un texte fort
intéressant, qui a beaucoup fait travailler nos commissions, commission saisie
au fond et commissions saisies pour avis, qui ont conjugué très harmonieusement
leur approche. Au nom de la commission des finances, je souhaite, bien sûr, en
remercier nos collègues Pierre Hérisson pour la commission des affaires
économiques et Jean-Jacques Hyest pour la commission des lois.
Nous voici aux prises avec un texte tout à fait inédit, monsieur le ministre.
En écoutant votre propos sur sa « réputée » philosophie générale, je
m'interrogeais sur cette figure géométrique que vous nous commentez avec tant
de talent mais dont nous serions fondés à penser que le centre est partout et
la circonférence nulle part.
(Sourires.)
La régulation telle que vous
l'évoquez pourrait en effet s'appliquer à des sujets et à des situations en
nombre infiniment supérieur à ceux que vous traitez dans ce texte, qui, au lieu
des 122 articles transmis par l'Assemblée nationale, devrait, si l'on voulait
épuiser la matière de ce que vous appelez « régulation », comporter des
milliers d'articles. C'est à la vérité tout le droit économique, social,
financier, comptable, qui est matière à régulation !
A partir de cet immense vivier, vous avez, ou, plutôt, vos prédécesseurs ont
sélectionné un certain nombre de sujets soumis à présent à la discussion
parlementaire. Avec un peu de mémoire, nous sommes en mesure de nous souvenir
que l'origine de ce texte se trouve dans un épisode auquel a, contre son gré,
participé la société Michelin et à la suite duquel le Premier ministre s'est
exprimé devant les médias pour reconnaître que la politique ne peut pas tout et
que la vie économique et la vie des marchés se déroulent certes avec son
intervention mais celle-ci étant un élément parmi d'autres. Cela a donné lieu,
au sein de la majorité qui vous soutient à l'Assemblée nationale, à des
expressions diverses et variées, et le Premier ministre s'est retrouvé taxé,
sinon d'impuissance, du moins d'une insuffisance de volontarisme.
A ce moment-là, et avec l'efficacité qui était la sienne, votre prédécesseur
Dominique Strauss-Kahn a été en mesure de faire état d'une recette miracle qui
s'appelait « régulation » et qui, en l'espèce, conduisait à examiner une série
de sujets eux-mêmes issus de réflexions souvent opportunes et utiles, parfois
anciennes de vos propres services de Bercy, ainsi d'ailleurs que de ceux de la
Chancellerie.
Nous nous trouvons à présent saisis de ce texte, que je me permettrai de
qualifier de DDOEJCF - diverses dispositions d'ordre économique, juridique,
comptable et financier. Nous allons traiter, mes chers collègues, aussi bien de
droit boursier que de la vente à perte des fruits et légumes, en passant par le
blanchiment d'argent et... la composition du chocolat ! Cela va naturellement
alimenter utilement nos débats et nous aurons certainement, monsieur le
ministre, au cours des journées et des nuits qui vont s'écouler, beaucoup de
débats dans le débat.
Il faut également relever que ce texte est très étrangement frappé d'une
déclaration d'urgence. C'est le président du Sénat Christian Poncelet qui
évoquait, à l'ouverture de la session, ce qu'il appelait la déclaration
d'urgence « à l'aveugle », c'est-à-dire une méthode qui traduit non pas
l'urgence d'un texte, mais le souci du Gouvernement de contrôler la discussion
parlementaire et de réduire le droit d'amendement, puisque, à l'issue d'une
première lecture à l'Assemblée nationale et d'une première lecture au Sénat,
nous arriverons tout de suite à la phrase finale de l'examen de ce texte, avec
réussite ou échec de la commission mixte paritaire, puis lecture définitive
dans chaque assemblée.
Nous sommes dans des domaines juridique, de droit financier, de droit
boursier, de droit des sociétés ou de droit de la concurrence qui nécessitent
que les textes soient bien faits, bien préparés, bien établis. Or, dans le
passé, la règle générale, pour tous les textes de cette nature, a été de
laisser le bicamérisme jouer son rôle jusqu'au terme de l'examen du projet de
loi.
Celui qui nous occupe aujourd'hui a été déposé le 15 mars et adopté par
l'Assemblée nationale le 2 mai. Il s'est donc écoulé cinq mois - curieuse et
surprenante urgence ! - entre l'adoption du texte par l'Assemblée nationale et
le début de son examen par le Sénat.
Il est d'autres éléments d'étrangeté dans cette approche législative, monsieur
le ministre : c'est dans le
Journal officiel
du 21 septembre que nous
avons constaté avec intérêt la présence du nouveau code de commerce - cent
cinquante pages de
Journal officiel !
- et ce dans le cadre d'une
ordonnance qui habilite le Gouvernement à codifier à droit constant - mais
encore faut-il qu'il le fasse réellement à droit constant - ce qui le conduit à
supprimer des textes aussi fondamentaux que l'ordonnance de 1986, qui crée les
règles de notre droit de la concurrence, et la loi de 1966 sur les sociétés
commerciales, qui fonde le droit des sociétés de la France d'aujourd'hui.
Nous avons donc dû réaliser toute une gymnastique pour substituer aux
dispositions modifiées par l'Assemblée nationale et qui n'existent plus, celles
qui sont édictées par la nouvelle codification et qui n'existent pas encore,
puisque ces dispositions n'ont pas été ratifiées à l'heure qu'il est.
Ce sont là certes des considérations de procédure, mais tout à fait inédites
et qui viennent ajouter au caractère un peu surprenant de notre exercice. Cela
me conduit d'ailleurs, monsieur le ministre, à formuler quelques réserves sur
la validité juridique, voire constitutionnelle, de ce dispositif.
Enfin, nous avons pu observer, sur certains sujets, que la prise en compte de
l'urgence, telle que vous avez pu l'exprimer en public, par exemple au mois de
juillet, n'était plus tout à fait la même au moment d'aborder le débat
parlementaire en première lecture au Sénat, puisque, sur ce sujet très utile de
la simplification de l'architecture de la régulation financière de la place de
Paris, vous aviez laissé entendre que l'on pourrait déboucher à l'occasion de
la présente loi. Or vous nous dites aujourd'hui que, après avoir vérifié des
aspects de procédure, cela ne vous semble plus possible.
J'avoue, monsieur le ministre, avoir de la peine à penser que, au mois de
juillet, lorsque vous avez annoncé que vous franchiriez ce cap, la vérification
nécessaire n'avait pas été faite par vos services et ceux du secrétariat
général du Gouvernement en ce qui concerne les limites du droit
d'amendement.
Sur ce point, vous me verrez exprimer mon scepticisme, car dans ce « DDOEJCF
», il n'y a pas véritablemnt de sujet nouveau, surtout lorsque l'on tire les
conséquences d'une démarche relative à la régulation pour s'intéresser au
statut et au rôle des régulateurs. Y a-t-il régulation sans régulateur ?
Pouvons-nous, nous, législateur, accepter de voir proliférer un peu partout des
collèges indépendants, nés chacun d'une opportunité particulière mais qui ne
répondraient pas à une logique d'ensemble et qui ne se présenteraient pas au
public avec un statut harmonisé ? Pouvons-nous considérer comme adjonctions au
texte, hors de son esprit et de sa nature, des dispositions simplifiant
l'architecture de la régulation financière de la place de Paris ?
Je ne peux vraiment pas croire, monsieur le ministre, que la cause juridique,
formelle et procédurale que vous avez présentée tout à l'heure soit réellement
à prendre au sérieux.
Comment nos commissions ont-elles travaillé, monsieur le ministre ? La
commission des finances, pour ma part, s'est efforcée d'avoir une démarche de
législateur.
Dans ce pays, il faut, nous semble-t-il, restaurer et revaloriser le respect
de la loi. Cela suppose que la loi soit bien faite, qu'elle soit lisible,
qu'elle soit compréhensible autant que possible pour tous et qu'elle véhicule
des concepts clairs.
A ce titre, nous avons dû réécrire très largement beaucoup d'aspects de ce
texte. En effet, si les rédactions issues des travaux de l'Assemblée nationale
reflétaient, sur bien des points, des conjonctions parlementaires ponctuelles,
elles ne nous semblaient pas susceptibles d'être gravées dans la loi ou dans un
code.
En outre, nous avons estimé qu'il fallait entrer...
M. René-Pierre Signé.
Zorro est arrivé !
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Mes chers collègues, c'est notre rôle d'essayer d'écrire
correctement. On pourrait faire grief aux commissions de ne pas appliquer cette
méthode de travail.
Notre deuxième préoccupation a été de rendre de la cohérence au texte - donc,
finalement, de vous aider, monsieur le ministre - pour restituer une certaine
unité à ce texte, en particulier en faisant avancer les statuts des
régulateurs, en faisant en sorte que les collèges, par exemple en matière de
concurrence et de marchés financiers, soient réellement indépendants, que leurs
pouvoirs ne soient pas redondants avec ceux d'autres instances. Ainsi, chacun
pourra y voir clair.
Enfin, nous avons tenu à situer tous ces efforts dans un cadre international,
plus particulièrement européen, car nous avons, les uns et les autres,
conscience que si les entreprises doivent être compétitives, le droit, lui
aussi, le droit économique en premier lieu, doit être compétitif.
Il est donc de notre devoir de doter notre pays d'un droit boursier qui
maximalise les chances de succès de la place de Paris. Il est de notre devoir
de faire évoluer le droit de la concurrence de manière à respecter le droit
communautaire et à apporter des atouts à nos entreprises. Il est aussi de notre
devoir de faire en sorte que les sociétés commerciales soient organisées
conformément à leurs objectifs, avec toute la souplesse, mais aussi toute la
clarté et la sécurité nécessaires.
Monsieur le ministre, c'est au vu de ces principes que nous avons abordé
l'examen des différentes parties du texte.
Je ne vais pas revenir maintenant en détail sur leurs éléments, car nous
aurons tout loisir pour le faire - rassurez-vous, mes chers collègues - lors de
l'examen des articles.
Mais, par exemple, nous ne pouvons pas approuver l'article 4 dans l'état où il
nous vient de l'Assemblée nationale. Il s'agit là d'un point sur lequel une
réécriture est nécessaire.
Il n'est en effet pas possible de placer les chefs d'entreprise, que ce soient
ceux qui lancent une offre publique ou ceux qui dirigent l'entreprise cible de
cette offre publique, quelque part entre le délit d'entrave aux pouvoirs du
comité d'entreprise et le délit d'initié, au sens de la législation boursière.
Les risques que présentent votre texte sur ce point sont tels qu'il nous est
nécessaire de le modifier très substantiellement.
Par ailleurs, en matière de droit boursier, nous avons considéré qu'il était
important de donner dès maintenant un signal aux investisseurs et à l'industrie
financière de la place de Paris.
Puisque vous dites qu'il faut clarifier les textes - ce que nous acceptons -
il est tout à fait concevable qu'en vertu de notre droit d'amendement nous
déposions deux ou trois articles brefs pour relever les enjeux d'aujourd'hui.
Nous considérons en effet qu'il est de notre devoir de donner dès maintenant
naissance à une autorité unique de régulation des marchés financiers. Je ne
saurais mieux plaider que vous en sa faveur, monsieur le ministre, d'autant que
je souscris à vos arguments.
Par ailleurs, s'agissant des services bancaires, dans la phase d'ouverture de
la compétition où nous nous trouvons, il faut naturellement veiller à ce que
celle-ci se déroule correctement et équitablement.
Mais il faut également veiller autant que possible à ce que personne ne reste
sur le bord du chemin, d'où les préoccupations exprimées par un certain nombre
de membres de notre assemblée - dont nous aurons l'occasion de discuter - qui
concernent l'éventualité d'un service bancaire de base.
Monsieur le ministre, sous la conduite de la commission des lois, nous avons
également examiné avec un grand intérêt le dispositif sur le blanchiment des
capitaux. Nous avons considéré à cet égard que des modifications dans la
rédaction du texte et dans la mise en place des concepts étaient nécessaires.
Nous nous sommes surtout réjouis dans ce domaine que vous-même et vos services
ayez repris bon nombre des conclusions qui se trouvaient dans le rapport, remis
en février dernier du groupe de travail de la commission des finances sur la
régulation financière internationale.
Nous sommes sans amour-propre d'auteur. Nous ne demandons pas à être cités.
Mais, lorsque les mesures proposées par le Gouvernement rejoignent certaines de
nos propositions, nous ne pouvons que nous réjouir.
En deuxième lieu, mes chers collègues, ce texte traite des questions de droit
de la concurrence.
Il convient, à l'évidence, de combattre les nouvelles formes d'abus de
dépendance qui sont apparues depuis l'ordonnance du 1er décembre 1986. Il est
indispensable, en ce domaine, de faire des progrès, de ne pas céder à la
tentation d'une « reréglementation excessive », tout en faisant en sorte que
les règles du jeu soient bien claires et soient appliquées par un conseil de la
concurrence dont le statut soit revalorisé.
Ledit conseil est aujourd'hui trop imbriqué dans votre administration,
monsieur le ministre. Il faut l'en sortir et lui conférer l'indépendance
nécessaire pour qu'il joue à plein son rôle de régulateur et pour qu'il puisse
être considéré à cet égard, dans le cadre européen, comme une autorité sur
laquelle on puisse s'appuyer.
Nous n'avons pas d'opposition de principe à des innovations comme la
commission des pratiques commerciales ; mais nous souhaitons que son rôle soit
bien défini et qu'il n'existe pas de confusion entre sa fonction d'observatoire
et sa mission lorsqu'elle sera amenée à examiner des dossiers particuliers et à
prendre des décisions susceptibles de faire grief à l'une ou l'autre des
parties.
A cela s'ajoute l'opportunité pour nous de mieux situer les responsabilités
dans le domaine du contrôle des concentrations entre le conseil de la
concurrence et le ministre. Sur ce point, la commission des finances a estimé
qu'il était préférable de protéger le ministre des risques que l'on prend
inévitablement lorsque l'on devient soi-même acteur d'un jeu en tranchant
directement un litige entre des parties privées.
Enfin, le troisième volet du projet de loi concerne ce que vous appelez « la
régulation de l'entreprise », et que je préfère, pour ma part, appeler tout
simplement le « droit des sociétés commerciales ».
J'aurais voulu trouver dans ce texte encore beaucoup d'autres choses, surtout
une conception plus globale de l'évolution de ce droit pour le rendre plus
compétitif au service de nos entreprises et de nos emplois. Mais nous devons
nous contenter d'un certain nombre de retouches ponctuelles.
Parmi ces retouches, il est un dispositif sans doute utile, mais auquel il ne
faut pas donner une place trop centrale : c'est la souplesse que l'on peut
opportunément apporter aux sociétés à conseil d'administration pour décider
soit de séparer la fonction de président de celle de directeur général, soit de
les unifier. Nous estimons qu'il est indispensable de réécrire le texte sur ce
point, notamment pour éviter la confusion, qui pourrait être grave en termes
d'exercice de responsabilités, entre, d'une part, la société à conseil
d'administration et, d'autre part, la société à conseil de surveillance et
directoire, née de la loi de 1966 et qui demeure un modèle juridique à part
entière.
Monsieur le ministre, au cours du débat, nous reviendrons sur tous ces sujets
: les conventions réglementées que vous avez citées, pour lesquelles le texte
issu de l'Assemblée nationale créerait un déluge paperassier absolument
ingérable ; le cumul des mandats d'administrateur - la commission a été en
particulier sensible à la liberté d'organisation au sein d'un groupe de
sociétés - ou encore la définition du contrôle conjoint d'une société, selon le
droit des sociétés ou selon le droit boursier.
Enfin, nous avons pris connaissance avec grand intérêt du chapitre VIII,
intitulé « Dispositions diverses et transitoires », qui conduit à traiter un
très grand nombre de sujets, puisqu'il faut attendre les articles 70
bis
et 70
ter,
issus de laborieux compromis au Palais-Bourbon, pour
retrouver la question des options de souscription ou d'achat d'actions, version
française mais trop longue, naturellement, des stock-options, et, en ce
domaine, la commission des finances ne peut que réaffirmer les positions
qu'elle a déjà prises et inviter le Sénat à confirmer ses votes antérieurs.
Nous formulerons, nous aussi, sur ces dispositions diverses et transitoires,
un certain nombre de remarques et proposerons des ajouts, en restant dans des
limites raisonnables.
Pour terminer, je souhaite simplement qu'au seuil d'un débat qui sera
certainement intéressant et fourni nous nous efforcions, les uns et les autres,
d'examiner ce texte avec le maximum de conscience, dans le souci d'élaborer une
bonne législation et d'apporter à nos entreprises et à nos professions les
armes dont elles ont besoin pour investir et pour créer des emplois.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Hérisson, rapporteur pour avis.
M. Pierre Hérisson,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la
commission des affaires économiques du Sénat a souhaité se saisir pour avis du
titre Ier de la deuxième partie du projet de loi relatif aux nouvelles
régulations économiques, qui traite de la moralisation des pratiques
commerciales.
Comme l'a souligné tout à l'heure M. le rapporteur, nous avons essayé de
travailler en harmonie avec les différentes commissions du Sénat, afin, c'est
notre rôle, d'ouvrir un débat constructif, d'affiner ce texte qui nous vient de
l'Assemblée nationale et de parvenir à la meilleure lisibilité possible.
Les dispositions contenues dans le titre Ier répondent à une attente forte. En
dépit de l'intervention régulière du législateur ces dernières années, les
relations entre les fournisseurs et la grande distribution se caractérisent par
un déséquilibre au détriment des premiers, affirmant ainsi une tendance que
notre regretté collègue Jean-Jacques Robert dénonçait déjà dans son rapport sur
la loi du 1er juillet 1996.
Le législateur a tenté d'encadrer non seulement l'essor de la grande
distribution, mais également l'affirmation de sa puissance à l'égard des
fournisseurs.
Modernisant la loi Royer du 27 décembre 1973, qui a soumis l'implantation des
grandes surfaces à l'autorisation de commissions départementales, la loi du 5
juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de
l'artisanat, dont j'avais été le rapporteur au nom de la commission des
affaires économiques, tendait ainsi à limiter l'expansion quantitative des
grandes surfaces.
La loi du 1er juillet 1996, relative à la loyauté et à l'équilibre des
relations commerciales, a interdit la revente à perte, dans le but de limiter
la croissance des « marges avant » des distributeurs. Mais elle a également
tendu à favoriser la transparence de la négociation commerciale, en permettant
de sanctionner un certain nombre de pratiques abusives. L'examen par le
Parlement du projet de loi d'orientation agricole avait aussi été l'occasion
d'évoquer la dépendance particulière des producteurs agricoles à l'égard de
leurs clients distributeurs.
Malgré ces dispositions législatives, l'inégalité du rapport de force existant
entre la grande distribution et ses fournisseurs n'a malheureusement cessé de
s'accentuer, notamment à la faveur de la concentration des distributeurs. Votre
rapporteur pour avis fait observer à cet égard que ne subsistent actuellement
en France que cinq grandes centrales d'achat. Un nombre limité de magasins sont
ainsi devenus le point de passage obligé pour les fournisseurs, qui consentent
des avantages commerciaux de plus en plus exorbitants, notamment sous la forme
de remises et ristournes, et parfois sous la menace d'un déréférencement, afin
d'avoir accès au marché. Cette situation de dépendance est encore plus durement
ressentie par les petites et moyennes entreprises de notre pays qui ne
disposent pas de puissance de vente, en raison de la forte « substituabilité »
des produits qu'elles fabriquent.
J'en viens maintenant à la présentation de la partie du projet de loi qui nous
intéresse ici.
Le titre premier de la deuxième partie de ce projet comportait initialement
cinq grands articles.
L'article 27 instaure un dispositif d'encadrement des promotions dans le
secteur des fruits et légumes frais.
L'article 28 crée une commission d'examen des pratiques commerciales chargée
d'exercer un rôle d'observatoire et de formuler des observations sur les
relations entre fournisseurs et distributeurs.
L'article 29 enrichit la rédaction de l'ancien article 36 de l'ordonnance du
1er décembre 1986, qui tend à définir un certain nombre de pratiques abusives.
Parmi les pratiques ajoutées à la liste existante, il convient de citer
notamment la coopération commerciale fictive et l'abus de dépendance
économique. L'article 29 précise également les conditions de rupture des
relations commerciales et renforce les moyens d'action de l'Etat auprès des
tribunaux, en vue de mieux faire sanctionner ces pratiques abusives.
L'article 30 concerne la définition du mode de production raisonné en
agriculture. Vaste programme et vaste débat.
L'article 31, relatif à l'étiquetage des denrées alimentaires, vise à
déterminer les conditions d'utilisation simultanée d'une marque commerciale et
d'un signe d'identification.
L'Assemblée nationale a complété ces dispositions, notamment par l'adjonction
de douze articles, qui tendent en particulier à remplacer, pour les ventes au
déballage de moins de soixante-quinze mètres carrés organisées par des
associations caritatives, le régime d'autorisation par un système de
déclaration préalable - il s'agit de l'article 27 B - et à permettre à l'Etat
de rendre obligatoire un accord de crise conjoncturelle entre producteurs et
distributeurs, tendant à fixer un prix minimum pour une catégorie de fruits ou
légumes frais - il s'agit de l'article 27
bis.
L'Assemblée nationale a
également complété les dispositions des articles 28 et 29, et introduit des
articles portant sur les produits vendus sous marque de distributeur, les
dénominations du chocolat, les modes d'élevage des volailles et le statut des
coopératives de commerçants détaillants. Vaste programme !
M. Jean-Jacques Hyest.
Ça, c'est un progrès !
M. Pierre Hérisson,
rapporteur pour avis.
Les amendements que je présenterai au nom de la
commission des affaires économiques s'articulent autour de trois grandes
préoccupations.
Il s'agit, tout d'abord, monsieur le ministre, de limiter les abus observés à
l'occasion de la négociation commerciale, en précisant les conditions
d'établissement et de rupture des relations commerciales, et en renforçant la
transparence de la coopération commerciale, mais également en proscrivant les
accords dits de gamme.
Il convient ensuite d'accorder une attention à la situation particulière des
petits producteurs, fournisseurs et commerçants, dont la spécificité n'est pas
toujours prise en compte dans la législation actuelle.
Le rapporteur du Sénat vous proposera, au nom de la commission des affaires
économiques, des dispositions visant à conforter le rôle de la commission
d'examen des pratiques commerciales, auprès de laquelle les petits fournisseurs
pourront faire valoir les abus dont ils sont victimes et qu'ils n'osent
généralement pas porter devant le juge.
Il convient également de prévoir une dérogation à l'interdiction de verser un
droit préalable au référencement, au profit des petites coopératives de
commerçants et d'artisans.
Dans le même esprit, il vous proposera d'introduire dans ce projet de loi une
disposition visant à protéger les petits commerçants contre certaines
opérations de démarchage, au même titre que les particuliers.
Ces propositions démontrent qu'une législation commerciale uniforme et
indifférenciée est d'application délicate. A cet égard, il serait opportun de
réfléchir à la mise en place d'une législation spécifique pour les petites et
moyennes entreprises, comme le recommandait le rapport de notre collègue
Francis Grignon sur le
small business
aux Etats-Unis.
Enfin, la commission des affaires économiques souhaite anticiper l'application
en droit français de la législation communautaire. A cet égard, je vous
proposerai en son nom un amendement visant à transposer une directive
européenne du 29 juin 2000, qui pose le principe d'un délai de paiement maximal
de trente jours.
Pour conclure, je souhaite faire une observation qui m'a été inspirée par les
travaux menés à l'occasion de l'élaboration de ce rapport pour avis. Il semble
que les abus et injustices constatés ici et là dans les relations commerciales
résultent, pour partie, de l'insuffisante implication des banques dans le tissu
industriel et commercial de nos entreprises. Dès lors, la conduite d'une
réflextion sur le rôle des banques dans ce domaine paraît nécessaire à
l'amélioration durable des relations entre fournisseurs et distributeurs : le
banquier doit cesser d'être un simple caissier pour devenir un véritable
partenaire.
(Applaudissements sur les travées du l'Union centriste, des
Républicains et Indépendants, et du RPR, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Hyest, rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration
générale.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, tout d'abord, arrêtons de nous faire peur en parlant du capitalisme,
ou du libéralisme, sauvage ! Il n'a jamais existé que dans quelques livres et
n'est jamais appliqué nulle part : tous les Etats font de la régulation
économique, même ceux qui se prétendent les plus libéraux.
Cependant, monsieur le ministre, contrairement à votre présentation
intelligente et séduisante de la régulation économique, et malgré le titre
accrocheur de « nouvelles régulations économiques » - c'est nouveau, donc c'est
bien, c'est comme la modernité ; et « régulations », cela fait plaisir et
permettra peut-être à certains de comprendre enfin quelque chose à l'économie -
le texte qui nous est soumis traduit en fait combien il est difficile à
certains de sortir de leur cadre de pensée : ils rêvent toujours d'une économie
administrée... On le verra, de nombreuses traces d'économie administrée
subsistent, dans les amendements votés à l'Assemblée nationale notamment, et ce
n'est pas du tout ce que vous avez présenté en matière de régulation, monsieur
le ministre.
Bel exemple, M. le rapporteur général l'a déjà dit, d'une législation de
circonstance, touffue, pointilliste sur certains sujets, parfois
contradictoire, ce texte pourrait être qualifié de projet portant diverses
dispositions d'ordre économique - DDOE - auquel il faut ajouter les mots
juridique, comptable et financier, JCF, en un mot un DDOEJCF qui n'ose pas dire
son nom !
Il faudrait ajouter, monsieur le ministre, que le volet sur l'épargne
salariale, qui devait être l'élément majeur du projet de loi, a été différé
pour des motifs qui sont dans toutes les mémoires, et dont la gestation
douloureuse vient de connaître une étape non dénuée de difficultés à l'Assemblé
nationale.
Paradoxalement - on l'a déjà noté - l'urgence déclarée sur ce texte - qui,
plus que d'autres, nécessitait une navette afin de permettre un dialogue entre
les deux assemblées - se justifiait d'autant moins que nous avons attendu cinq
mois pour l'examiner. C'est une sorte d'urgence « à reculons » ! On est donc
passé de la plus totale précipitation à un processus « à élipses », ce qui
prive de toute justification la procédure d'urgence.
En outre, le non-respect du calendrier initialement prévu conduit à pratiquer
une véritable acrobatie juridique du fait du télescopage de l'examen de ce
projet de loi avec le processus de codification.
En effet, M. le rapporteur général l'indiquait, le nouveau code du commerce,
qui a été publié au
Journal officiel
le 21 septembre dernier, intègre
désormais les dispositions de plusieurs lois et ordonnances qui avaient
auparavant une existence autonome. C'est vrai, en particulier, de l'ordonnance
relative à la concurrence, et de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés
commerciales, laquelle a donc été abrogée par son intégration dans le code de
commerce.
On pourrait donc considérer à juste titre que des pans entiers du projet de
loi qui nous est soumis sont devenus caducs. Il n'y a plus de projet de loi
!
A la limite, le vote d'une question préalable serait juridiquement très
justifié cette fois-ci.
M. Paul Loridant.
Ce serait une bonne idée !
(Sourires.)
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Ce n'est pas mal parti !
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur pour avis.
Je rappelle d'ailleurs, monsieur le ministre - je
pense que vous le confirmerez - que le vote de dispositions modificatives du
code de commerce n'implique ni la ratification de l'ensemble du code de
commerce, hors ces dispositions législatives, ni même l'intégralité de la
codification de la loi de 1966 sur les sociétés commerciales, dans la mesure où
ne sont visés que 10 % environ des articles de la loi de 1966.
Nous avons donc fait l'effort - parce que nous sommes de bonne composition,
quoi qu'on en dise...
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Nous sommes trop bons !
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur pour avis.
... de proposer, pour ce qui relève de la partie du
texte examinée par la commission des lois - je suis sûr que cela a été fait
pour les autres aspects, notamment pour ce qui concerne la concurrence -
d'assurer la cohérence entre les texte de codification et les textes sources.
J'espère que le Gouvernement se livrera aussi à ce travail délicat.
La brièveté des délais initialement impartis ont contraint la commission des
lois à restreindre son champ d'investigation à deux volets relevant normalement
de sa compétence de fond : le titre IV de la première partie, consacré au
renforcement de la lutte contre le blanchiment d'argent provenant d'activités
criminelles organisées, et le titre Ier de la troisième partie, relative à la
régulation de l'entreprise, traitant du droit des sociétés commerciales.
Nous aurions bien voulu nous intéresser aussi au droit de la concurrence,
comme nous l'avions fait en d'autres circonstances, mais nous ne disposions au
départ que de quinze jours pour examiner l'ensemble des textes, même si nous
avons obtenu ensuite quelques délais estivaux pour approfondir notre
réflexion.
Composé originellement de 74 articles - toute grande loi est forcément
composée de nombreux articles - le projet de loi a atteint 120 articles à
l'issue de son examen par l'Assemblée nationale. Curieuse façon de légiférer !
Plusieurs articles portant sur des sujets de fond ont été introduits par
amendements du Gouvernement, ce qui démontre une fois de plus la précipitation
et l'improvisation qui ont présidé à l'élaboration de ce texte. Pour notre
part, nous proposerons 112 amendements portant sur 41 articles, ne serait-ce,
comme je le disais tout à l'heure, que pour assurer la cohérence avec le code
de commerce.
En ce qui concerne la lutte contre le blanchiment, il est incontestable que,
si la législation adoptée en juillet 1990 a porté ses fruits, il y a lieu de
conforter ce dispositif. Toutefois, un télescopage risque de s'opérer entre le
projet de loi et la proposition de loi de modification de la directive
européenne de 1991 sur la lutte contre le blanchiment. Si la commission des
lois ne peut qu'approuver les orientations du projet de loi dans ce domaine,
elle s'est interrogée, compte tenu de ce que je viens de dire, sur
l'opportunité de légiférer dès à présent sur ce sujet, particulièrement en ce
qui concerne la liste des personnes assujetties à l'obligation de déclaration à
TRACFIN - la cellule de traitement du renseignement et de l'action contre les
circuits financiers clandestins. J'espère qu'il n'y aura pas d'autres
initiatives intempestives dans ce domaine.
Par ailleurs, s'agissant des dispositions pénales, le renforcement du
dispositif de lutte contre le blanchiment ne saurait supporter le flou et
l'imprécision des termes. C'est pourquoi nous proposerons un certain nombre
d'amendements à ce sujet. C'est pourquoi aussi, compte tenu d'une
interprétation contestable faite, semble-t-il, par certains magistrats de
textes de nature pénale, la commission des lois du Sénat a souhaité mentionner
explicitement dans la définition du blanchiment le caractère intentionnel de ce
délit. Nous aurons à expliciter notre point de vue lors de l'examen des
articles.
Le projet de loi aborde ensuite, dans ses articles 55 A à 70
bis
, le
droit des sociétés.
Au lieu de la réforme d'ensemble attendue, et malgré de nombreux avant-projets
qui ont été soumis à concertation à plusieurs reprises depuis dix ou quinze
ans, le droit des sociétés commerciales est une fois de plus vendu « par
appartement ».
C'est ainsi qu'il y a moins d'un an la réforme des sociétés par actions
simplifiées fut glissée subrepticement dans le projet de loi relatif à
l'innovation et la recherche par un amendement du Gouvernement, sans que la
commission des lois ait pu se prononcer, ne serait-ce que par un avis.
Détestable méthode de travail législatif !
Un nouveau pan de réforme a été introduit dans le présent projet de loi,
visant, en fait, à « moraliser » le fonctionnement des sociétés. Passons sur la
curiosité juridique, pour ne pas dire plus, que constitue l'article 55 A, qui
prévoit l'attribution de droit d'une action au comité d'entreprise... Cela ne
vous fait pas réagir, mes chers collègues ?
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Nous sommes béats d'admiration.
(Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur pour avis.
Je n'aurais jamais pensé que l'on pût inventer une
chose pareille ! Et pourtant, cette disposition a été votée par l'Assemblée
nationale. J'espère que ce ne fut pas à l'unanimité.
Passons donc sur cette curiosité et tentons de synthétiser les divers aspects
de ce volet du projet de loi.
Il va de l'abaissement des effectifs des conseils d'administration et des
conseils de surveillance à la limitation du nombre de mandats sociaux -
application dans le domaine économique d'une véritable passion pour le
non-cumul des mandats - à la prévention des conflits d'intérêts - M. le
rapporteur général en a parlé - à la meilleure information des actionnaires -
nous la souhaitons - et à l'obligation réaffirmée de transparence.
Compte tenu de la précipitation qui a présidé à la rédaction de ce projet de
loi, nous aurons à présenter nombre d'amendements pour assurer la cohérence du
dispositif. Toutefois, il me paraît utile de formuler brièvement, dès à
présent, cinq observations significatives à propos du droit des sociétés.
Première observation : la dépénalisation attendue de certaines dispositions
actuelles fait l'objet d'une timide avancée dans les articles 67 et 68 du
projet de loi...
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Très timide !
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur pour avis.
... au profit de sanctions civiles, ce que nous ne
cessons de réclamer. C'est une mesure positive ; il faudra bien un jour
nettoyer la loi de 1966 sur tout ce qui concerne ce domaine.
Deuxième observation : une tendance générale, et perverse à mon sens, continue
à se perpétuer en ce qui concerne le capital des sociétés - notamment les SARL.
Toutes les études tendent à démontrer que, faute de fonds propres, les
entreprises ne survivent pas, et c'est un des éléments qui caractérise notre
pays. Dans ce domaine, néanmoins, sous prétexte de favoriser la création
d'entreprise, tout est fait pour reporter la libération du capital social. Ce
n'est sans doute pas rendre service aux créateurs d'entreprise et il est bien
d'autres voies et moyens pour assurer le financement des créations d'entreprise
! Troisième observation : si l'on ne peut que souscrire aux dispositions
concernant la transparence et l'information des actionnaires, par exemple en ce
qui concerne la rémunération et les avantages attribués à chaque mandataire par
la société et les sociétés qu'elle contrôle, quel curieux processus celui qui a
conduit à étendre ce dispositif aux salariés - pourquoi dix ? - les mieux
rémunérés ou les mieux dotés en stock-options - mot magique ! Cela ne peut que
créer des tensions inutiles et nuisibles au sein des sociétés et n'a d'autre
justification qu'une idéologie simpliste... et l'air du temps médiatique.
Quatrième observation : le Gouvernement avait envisagé pour les sociétés
dotées d'un conseil d'administration, dites sociétés monistes par référence à
la société dualiste à directoire et conseil de surveillance, de dissocier
obligatoirement les fonctions de président du conseil d'administration et de
directeur général.
Nonobstant le fait que les fonctions respectives de ces deux organes n'ont pas
été redéfinies, ce qui me paraît assez grave, il est évident que, si cette
forme de partage des pouvoirs au sein des sociétés commerciales peut et doit
être rendue possible, il faut laisser le choix aux administrateurs de
l'appliquer ou non.
Nous suivrons bien volontiers sur ce point la position de l'Assemblée
nationale. Heureusement en effet que, malgré tout, quelques parlementaires
connaissent encore la vie des entreprises et le droit des sociétés ; que le
moule administratif laisse quelques survivants parmi les trop nombreux élus qui
en sont issus - c'est gentiment dit, n'est-ce pas !
(Sourires.)
Cela se
justifie d'autant plus que le Gouvernement voudrait appliquer aux sociétés
commerciales ce qu'il a renoncé, à juste titre, à imposer à certaines grandes
entreprises publiques.
Je pense à la RATP, où les pouvoirs ont été concentrés entre les mains d'un
président - il n'y a plus de directeur général - à Air France, mais aussi à EDF
où la dyarchie président et directeur général a été abolie - après avoir fait
beaucoup de ravages.
Cinquième observation : comme la commission des lois sait être magnanime, elle
propose d'étendre aux professions libérales l'exercice de leur profession sous
forme de société anonyme simplifiée. C'est une occasion unique, profitons-en !
Cela est très attendu par les professionnels libéraux et très justifié.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, telles sont les brèves observations qu'il m'a paru utile de
présenter au nom de la commission des lois, qui, bien entendu se félicite de la
coopération que nous avons pu mener - elle est habituelle - avec la commission
des finances.
Sous réserve des modifications qu'elle vous présentera et dont je vous ai
annoncé les grandes lignes, la commission émettra bien entendu un avis
favorable sur les dispositions du projet de loi relatives à l'amélioration de
la lutte contre le blanchiment d'activités criminelles organisées et sur celles
qui intéressent le droit des sociétés commerciales.
Cela étant, dans un souci d'équilibre, nous sommes autant attachés à la
liberté d'organisation des entreprises que certains le sont à leur
administration !
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du
RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Chérioux, rapporteur pour avis.
M. Jean Chérioux,
rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers
collègues, mon rapport présente cette caractéristique assez peu commune
d'exprimer la décision de la commission des affaires sociales de renoncer aux
mesures qu'elle entendait proposer au Sénat,...
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
C'est la sagesse !
M. Jean Chérioux,
rapporteur pour avis.
... et cela en raison de l'inconstance
gouvernementale.
Ce faisant, la commission répond au souci de M. le rapporteur de la commission
des finances de ne pas accroître la complexité de ce texte par l'adjonction de
dispositions d'ordre social. Cela ajouterait encore une lettre au sigle que
vous avez développé tout à l'heure, monsieur le rapporteur pour avis !
(Sourires.)
La commission des affaires sociales avait en effet décidé de se saisir pour
avis du projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques.
Cette saisine intervenait dans un contexte un peu particulier. Elle visait à
introduire, par voie d'amendement, les dispositions de la proposition de loi,
adoptée par le Sénat le 16 décembre dernier, tendant à favoriser le partenariat
social par le développement de l'actionnariat salarié.
Notre démarche visait en réalité à répondre à une carence du Gouvernement.
Un bref retour en arrière s'impose.
De rapports en reports, de consultations officieuses en concertations
inachevées, la réforme de l'épargne salariale annoncée depuis plusieurs mois
faisait alors figure d'Arlésienne.
Lors de la discussion de la proposition de loi sénatoriale en décembre
dernier, le Gouvernement, par la voix de Mme Marylise Lebranchu, nous avait
affirmé qu'il était trop tôt pour légiférer, qu'il était préférable d'attendre
les conclusions du rapport Balligand-Foucauld, dont les propositions devaient
trouver une traduction législative dans la loi sur les nouvelles régulations
économiques.
Je ferai observer, à ce propos, que les propositions de ce rapport rendues
publiques en janvier se révèlent très proches du texte voté par le Sénat.
Ce rapport en est très proche dans son constat et dans sa philosophie, puisque
ses auteurs estiment nécessaire d'actualiser - et non de bouleverser - les
dispositifs d'épargne salariale, d'encourager le développement de
l'actionnariat salarié dans un cadre incitatif et contractuel et d'en favoriser
l'organisation.
Mais il en est aussi très proche dans ses propositions. Celles-ci sont en
effet pour beaucoup identiques ou issues d'inspiration commune à celles du
Sénat. Vous voyez comme le Sénat inspire même les instances gouvernementales en
cette période de cohabitation !
A titre d'exemple, on peut citer la création des plans d'épargne
interentreprises, la mise en place de plans d'épargne à long terme,
l'amélioration des conditions d'application du « rendez-vous obligatoire », la
possibilité de mobilité de l'épargne salariale parallèlement à la mobilité des
salariés, le renforcement des conseils de surveillance des fonds communs de
placement d'entreprise, l'extension du champ de négociation sur l'épargne
salariale.
Cette grande similitude n'a pourtant pas poussé le Gouvernement à agir, bien
au contraire. Ainsi, il n'a pas jugé souhaitable d'inscrire le texte voté par
le Sénat à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale et n'a donc pas permis au
débat parlementaire de se poursuivre.
En outre, dès le mois de février, le Gouvernement renonçait à introduire les
dispositions relatives à la participation et à l'actionnariat dans le texte sur
les nouvelles régulations, les reportant à un texte spécifique.
Nous avions alors jugé ces tergiversations d'autant plus regrettables qu'une
réponse urgente en la matière nous paraissait indispensable. C'est pourquoi
nous nous proposions d'intégrer les propositions sénatoriales sur la
participation et l'actionnariat salarié dans le présent projet de loi.
Mais notre souci d'aborder à bras-le-corps ces questions allait une nouvelle
fois se heurter aux atermoiements du Gouvernement. En effet, il décidait, le 18
mai dernier, de retirer le projet de loi sur les nouvelles régulations de
l'ordre du jour prioritaire du Sénat. Ce texte étant enfin inscrit au programme
des travaux du Sénat, la question se posait, pour la commission des affaires
sociales, de savoir s'il était encore opportun de maintenir ses amendements.
Dans moins d'un mois, en effet, notre assemblée aura à débattre du projet de
loi sur l'épargne salariale, texte qui constitue à l'évidence un bien meilleur
support pour aborder les questions liées à l'actionnariat salarié.
Dans ces conditions, notre commission a décidé de retirer ses amendements sur
le projet de loi relatif aux nouvelles régulations et de reporter
l'indispensable débat sur la modernisation de nos dispositifs de participation
et d'actionnariat salarié à l'examen du projet de loi sur l'épargne salariale.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants,
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République : 45 minutes ;
Groupe socialiste : 38 minutes ;
Groupe de l'Union centriste : 29 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants : 26 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen : 18 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen : 16 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe :
8 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Massion.
M. Marc Massion.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, le texte très dense dont nous entamons la discussion
aujourd'hui nous semble particulièrement bienvenu, autant que son urgence nous
paraît évidente, étant donné certains désordres dont se font l'écho, ici ou là,
de nombreux observateurs de notre vie économique.
Bien sûr, certains de ces désordres ne sont pas nouveaux, mais ils ont
tendance à s'aggraver, et ce ne sont parfois que les formes de ces désordres
qui sont nouvelles. Quoi qu'il en soit, cela justifie pleinement que le
Gouvernement, conscient des risques encourus par la société dans ses diverses
composantes, juge indispensable de s'atteler à la tâche éminemment délicate,
mais ô combien nécessaire, consistant à mettre à jour, à rénover et à
moderniser les textes qui régissent des aspects importants, voire essentiels,
de notre vie économique et sociale.
Cependant, dans notre esprit, comme dans celui du Gouvernement, il s'agit de
moderniser non pour se faire plaisir ou pour répondre à un simple souci
d'affichage, mais pour que notre économie et notre société soient à la fois
plus efficaces, plus justes et, pourquoi pas, plus efficaces pour être plus
justes.
Puisque nous sommes dans une économie de marché et que nous refusons la
société de marché, notre démarche régulatrice ne vise à rien de moins qu'à
faire respecter les fondements de cette économie de marché, à savoir,
notamment, la pluralité des producteurs, quelle que soit leur taille. Alors que
le capitalisme contemporain - car il faut bien l'appeler par son nom, même si
cela contrarie M. Hyest - est dominé par des phénomènes de concentration
jusqu'alors inconnus, et par les risques que les monopoles font courir à la
liberté des citoyens-consommateurs, nous prenons des dispositions pour tenter
de faire en sorte qu'au moins ce capitalisme reste pluriel.
En effet, nous, socialistes, nous pensons que l'Etat, loin d'être « le plus
froid des monstres froids », dont il faut toujours se méfier, doit être un Etat
social et, pour ce faire, un Etat régulateur, un Etat garant de l'équilibre de
la société, garant de la cohérence du fonctionnement de cette société et garant
de la solidarité qui doit régir les relations entre les citoyens.
Une méthode que nous considérons comme une vraie politique, la régulation, et
en particulier la régulation intelligente des mécanismes de l'économie par
l'Etat, doit permettre à la société de n'être pas seulement façonnée par la
fameuse « main invisible du marché », que personne, évidemment, n'a encore pu
voir.
Nous savons tous, en effet, que les forces du marché livrées à elles-mêmes
sont source de désordre et d'inégalités. La concurrence dans l'initiative, dans
la création, dans la production, est stimulante et génératrice de richesses. La
compétition est normale entre les entrepreneurs comme entre les commerçants.
Mais cette compétition doit être régie selon des règles simples, claires,
justes et reconnues : il y va de l'intérêt de tous les citoyens, qu'ils se
trouvent dans la situation de salarié, de consommateur, d'investisseur ou
d'entrepreneur.
L'Etat que dessine le texte que nous allons étudier est un Etat régulateur,
c'est-à-dire un Etat volontaire, un Etat organisé pour pouvoir arbitrer dans le
sens de l'intérêt général ; un Etat qui, en conséquence, établit des règles du
jeu permettant aux acteurs économiques, qu'ils soient des grands groupes
industriels, commerciaux ou financiers, ou encore de simples PME, qu'ils soient
des producteurs ou des consommateurs, qu'ils soient des salariés ou des
actionnaires, de jouer leur rôle, tout leur rôle, en parfaite connaissance de
cause et dans la transparence la plus grande possible ; un Etat qui est le seul
à disposer de la légitimité nécessaire pour incarner et défendre l'intérêt
général.
Sans l'intervention de l'Etat, les libertés sont souvent formelles : la
liberté d'entreprendre n'est-elle pas souvent bridée par les difficultés des
entrepreneurs à accéder aux financements ou par l'insuffisance de leur
couverture sociale ?
C'est pourquoi nous saluons l'initiative du Gouvernement, qui, par le biais de
ce projet de loi, cherche à corriger certains dysfonctionnements de la vie
économique et à réduire certains de ses déséquilibres, certaines inégalités.
Ainsi, ce projet de loi vise à moderniser l'économie de marché en la rendant
plus transparente.
Dans le domaine financier, il s'agit d'abord d'impliquer les salariés des
entreprises dans les opérations de cession et de fusion, afin que celles-ci se
passent dans la transparence, la clarté et le respect de l'égalité entre les
diverses parties prenantes de ces opérations.
Et il bien normal que les salariés soient associés à des opérations qui ont
souvent de si grandes conséquences pour leur situation et pour leur avenir !
Quand je dis que cela est bien normal, ça l'est du moins à nos yeux à nous,
socialistes, dont la vision de la société et la conception de l'entreprise
mettent l'homme, le citoyen, la réalisation de ses légitimes aspirations à une
vie meilleure au centre de l'activité économique et, par conséquent, au centre
de la vie de l'entreprise.
De plus, les fusions sont des opérations de haute stratégie qui réunissent
d'autant mieux qu'elles ont su emporter l'adhésion des personnels concernés,
grâce à l'implication de ceux-ci et à leur association aux grandes
décisions.
Pour cette raison, nous pouvons nous féliciter que le projet de loi prévoie
une information officielle des salariés de l'existence d'une OPA - offre public
d'achat - ou d'une OPE - offre publique d'échange - et nous approuvons le fait
que le comité d'entreprise puisse inviter l'auteur de l'offre à s'expliquer sur
ses objectifs et sur les moyens qu'il compte mettre en oeuvre pour les
atteindre.
Le même souci d'amélioration de la transparence des opérations financières
délicates que sont les OPA et les OPE amène, afin d'assurer la stabilité et la
fiabilité du système financier français, à prévoir la limitation de la durée de
ces opérations et un renforcement des pouvoirs de la Commission des opérations
de bourse en matière de contrôle de la véracité et de la sincérité de
l'information du public et, de façon générale, en matière de publicité desdites
offres.
De la même façon, afin d'assurer une plus grande transparence dans le
fonctionnement des autorités de régulation financière, celles-ci seront dotées
d'instruments juridiques renforcés pour assurer l'égalité de traitement des
divers intervenants. Ainsi le rôle du comité des établissements de crédit et
des entreprises d'investissement se trouvera-t-il affermi.
Dans le domaine des relations financières internationales, c'est avec beaucoup
de satisfaction que nous voyons se concrétiser le renforcement du dispositif de
lutte contre le blanchiment des capitaux. Il convient en effet d'accroître les
moyens de la lutte contre le recyclage de l'argent du crime, du trafic de
stupéfiants et du proxénétisme, qui sape les bases de nos règles de vie en
commun, car la mise à mal de nos règles fiscales, sociales et morales constitue
une menace majeure non seulement pour nos économies mais aussi pour nos
démocraties.
Le texte du projet de loi prévoit ainsi le renforcement des moyens des
autorités françaises chargées de détecter les flux financiers en provenance ou
à destination des pays ou territoires dans lesquels les conditions de sécurité
fiancière ne sont pas réunies en particulier ce qu'il est convenu d'appeler les
« centres
offshore
» : une obligation de déclaration systématique des
transactions financières devrait permettre de répondre aux problèmes posés par
ces centres.
S'il est prévu que la mise en oeuvre de mesures comme celle-ci soit
progressive et réalisée en coordination avec nos partenaires étrangers, le
projet de loi prévoit de renforcer dès maintenant notre dispositif interne de
lutte contre le blanchiment de l'argent sale, notamment en clarifiant la notion
de soupçon et en élargissant les possibilités de sanctions pénales à d'autres
activités financières délictueuses. La France se situe ainsi dans le groupe
d'avant-garde des pays qui luttent contre ce type de criminalité. Nous devons
saluer avec fierté cet engagement fort.
Mon collègue Bernard Dussaut, membre de la commission des affaires
économiques, interviendra tout à l'heure sur la partie du projet de loi qui
traite de la régulation de la concurrence. Je me bornerai donc à souligner que
les mesures prévues par ce projet visant à créer les conditions d'une
concurrence plus loyale s'inscrivent dans le droit-fil de la philosophie qui a
présidé à l'élaboration de l'ensemble du texte : il n'est que de citer la
liberté des contrats, la loyauté de la concurrence, le meilleur contrôle des
concentrations, la lutte contre les abus de position dominante, le soutien aux
petits producteurs, la défense des consommateurs ; il s'agit, en bref, de la
régulation économique au service de la cohésion sociale.
La troisième partie du projet de loi est consacrée à la régulation de
l'entreprise, et celle-ci constitue bien la cellule de base de la vie
économique. Réguler le fonctionnement de la vie économique en favorisant
l'équilibre des pouvoirs au sein de l'entreprise est donc une nécessité en soi.
Mais c'est aussi une démarche qui vise à améliorer l'efficacité économique de
l'entreprise.
Les administrateurs doivent être plus présents et davantage concernés par la
stratégie de leur entreprise. Le pouvoir de direction de celle-ci doit être
mieux réparti. Les actionnaires minoritaires doivent cesser d'être considérés
comme quantité négligeable : ils doivent pouvoir jouer leur vrai rôle
d'actionnaire.
En effet, les grands groupes économiques et financiers se développent et leurs
actionnaires se multiplient. Cette évolution appelle la mise en oeuvre d'une
démocratisation de ce que l'on peut appeler le « gouvernement » de
l'entreprise. Il s'agit donc de rénover de mode de fonctionnement des sociétés
commerciales comme celui des entreprises du secteur public.
Il nous faut par conséquent, mes chers collègues, rechercher un fonctionnement
plus équilibré et plus transparent des organes dirigeants des entreprises
faisant appel à l'épargne. Il faut assurer un meilleur équilibre des pouvoirs
entre les organes dirigeants. La mission du conseil d'administration doit être
clarifiée, de même que doivent être précisées les fonctions de président du
conseil d'administration et de directeur général. Le cumul des mandats
d'administrateur doit être limité. Les sociétés doivent se convertir à
davantage de transparence, par exemple en matière de rémunération des
mandataires sociaux. Le pouvoir des actionnaires minoritaires doit être
renforcé grâce, notamment, à l'abaissement du seuil d'exercice de certains
droits essentiels dans le domaine de la gestion.
Toutes ces dispositions, que le projet de loi qui nous est soumis nous permet
d'envisager concrètement, devraient permettre aux différentes parties prenantes
à la gestion de l'entreprise de mieux exercer leurs responsabilités, de
participer davantage à l'élaboration de ses orientations stratégiques, de mieux
contrôler ses activités, et tout cela pour le plus grand bien de l'entreprise
comme de ceux qui y travaillent.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, je me réjouis que le Parlement - aujourd'hui, le Sénat - ait
à examiner toute une série de dispositions régulatrices qui constituent autant
d'avancées. Elles seront suivies par d'autres mesures, découlant d'autres
textes que nous aurons à connaître.
Ces dispositions traduisent notre capacité à adapter nos modes d'action aux
évolutions de l'économie et de la société, afin de corriger les excès de la
première et de rendre la seconde plus humaine.
Enfin, ces dispositions, pour nombreuses, précises et détaillées qu'elles
soient, n'en relèvent pas moins d'une philosophie qui fait honneur à la gauche
: la philosophie de la liberté, du contrat social, de l'équilibre, de
l'égalité, de la solidarité et de la justice. Si je devais me risquer à résumer
d'une formule cette philosophie qui est la nôtre et qui nous conduit à adhérer
totalement à votre démarche, monsieur le ministre, je dirais ceci : c'est la
liberté qui stimule, mais c'est la loi qui libère.
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Huchon.
M. Jean Huchon.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, nous débattons aujourd'hui d'une question décisive pour
l'avenir de notre économie. En effet, la mondialisation crée une situation qui
se caractérise par la distorsion des revenus et des coûts, avec toutes les
conséquences qui peuvent en découler.
Mes propos seront brefs et traiteront du problème posé par la grande
distribution.
Très regroupées - elles sont cinq et font trembler une armée de petites et
moyennes entreprises - les centrales d'achat, goulet d'étranglement du circuit
marchand, commercialisent dans les faits plus de 90 % des produits alimentaires
de notre pays.
On retire de la lecture du rapport parlementaire sur l'évolution de la
distribution le sentiment que rien n'arrêtera le rouleau compresseur du grand
commerce. Nous avons entendu tous les acteurs, grands distributeurs et
fournisseurs, et nous avons constaté l'inégalité des situations : la grande
distribution a acquis une telle puissance qu'elle écrase tout sur son passage,
à l'exception peut-être de quelques multinationales capables de lui
résister.
Les exemples sont nombreux dans la vie économique ; je prendrai celui du
secteur des fruits et légumes, qui, en permanence, subit le sinistre de plein
fouet. La profession se retourne alors vers le Gouvernement, afin qu'il
sécurise la production des fruits et légumes en la réglementant et en
moralisant les pratiques commerciales de la grande distribution, détentrice de
70 % de ce secteur du marché français.
Voilà des années que les producteurs de fruits et légumes travaillent à perte,
qu'ils « vivotent », alors qu'ils constatent souvent un coefficient
multiplicateur de dix entre le prix payé à l'exploitant et celui qu'ils voient
au détail. On les maintient « sous perfusion » à coup d'aides.
Non seulement les coûts salariaux sont trop élevés, notamment les charges - ce
qui est malheureusement propre à la France - mais la grande distribution est
exigeante avec les producteurs, qui font pourtant des efforts considérables
pour valoriser leur production et cherchent à offrir toujours plus de qualité,
plus de traçabilité. Malheureusement, ils ne sont pas payés de retour et
peuvent être balayés d'un revers de main par la grande distribution, et ce du
jour au lendemain.
Le Gouvernement a-t-il réellement pris la mesure des enjeux ? Ses
propositions, lors des assises du commerce et de la distribution, nous ont
semblé bien tardives !
Dans leur rapport, les parlementaires font une analyse qui nous paraît lucide
: la loi existe pour protéger les plus faibles ; cependant, il reste des
failles, qui, au fil du temps, se transforment en canyons, dans lesquels
s'engouffrent des milliards de francs. Tel est le cas des « marges arrières ».
Ainsi, très souvent, les paiements au titre de la coopération commerciale ne
correspondent plus à aucune réalité. Comment ne pas s'interroger, lorsque l'on
sait que la réglementation existe mais est mal appliquée ? L'
omerta
- la
loi du silence, respectée par les victimes de peur de représailles de la part
de la grande distribution - ne suffit pas à expliquer le faible nombre des
sanctions. Le secteur des fruits et légumes est le plus touché par ce
déséquilibre.
Comment ne pas évoquer les pratiques commerciales de la grande distribution,
que rend également possibles l'incapacité de la profession à s'organiser ?
Pourtant, des organismes existent ; mais ils déçoivent les producteurs.
Aujourd'hui, s'ajoute à cela la concurrence de l'hémisphère Sud : la
Nouvelle-Zélande, le Chili, l'Argentine, entrent de plus en plus sur le marché
européen et offrent notamment des fruits à coûts moindres et, malheureusement,
sans être tenus au respect des normes imposées aux producteurs français. Là
encore, les producteurs s'en remettent à l'Etat, puisque, contrairement aux
autres secteurs de l'agriculture, le marché des fruits et légumes est
totalement libre.
A défaut de lois réglementant leurs relations avec la grande distribution, les
producteurs de fruits et légumes sont impatients de voir votée cette loi
relative aux régulations économiques.
C'est donc sur les comportements qu'il faut intervenir, en définissant des
règles du jeu claires et en en contrôlant la mise en oeuvre ; en reconnaissant
la situation de dépendance économique par une sanction renforcée des abus ; en
réaffirmant le rôle de l'Etat, qui doit pouvoir intervenir au nom de l'ordre
public économique ; enfin, en développant une contractualisation, dans laquelle
les producteurs doivent sinon reprendre l'initiative, du moins jouer tout leur
rôle. A défaut, la pérennité de l'activité agricole et agroalimentaire,
génératrice d'emplois dans un grand nombre de territoires, risque d'être
affectée.
Si la loi Galland de juillet 1996 a éradiqué certaines pratiques, notamment la
revente à perte - donc le
discount
pur et dur - les producteurs et les
fournisseurs, en particulier les PME, se trouvent dans une situation de
dépendance économique encore plus grande qu'hier du fait de la concentration
d'une distribution qui, malheureusement, est en mesure d'imposer ses
conditions.
Le véritable enjeu, au nom des intérêts bien compris de notre pays, n'est-il
pas d'assurer d'abord une juste préservation des PME et des PMI, moteurs de la
croissance économique ?
Jusqu'à ce jour, il a toujours été clair que les PME et PMI, « dominées », ne
pouvaient pas se plaindre sans encourir le risque d'être « déréférencées ».
C'est d'autant plus évident que la taille de l'entreprise fournisseur est plus
petite.
Comment ne pas reconnaître l'effet dévastateur des regroupements et
reclassements intervenant entre les enseignes de la grande distribution ? Trop
longtemps, hélas, la puissance publique a feint de croire que les « ententes
illicites » ne se rencontraient jamais que du seul côté des industriels, les
dérapages de la grande distribution se trouvant pudiquement passés sous
silence, en réalité au motif inavoué de mieux maîtriser l'inflation et de
favoriser le pouvoir d'achat des consommateurs.
La grande distribution est un système féodal, sans contrepouvoir. Il n'est que
temps aujourd'hui de faire cesser ces pratiques. Les producteurs se demandent
vraiment s'il est encore possible de rester entrepreneur face à un tel pouvoir
!
Ce que les producteurs-fournisseurs demandent - et nous les soutenons sur ce
point - c'est que la coopération commerciale fictive soit rendue impossible ;
que les pratiques rétroactives soient interdites ; que la compensation soit
sanctionnée ; que la menace du déréférencement cesse d'être utilisée de façon
arbitraire ; et, plus généralement, que la dépendance économique des
fournisseurs ne soit pas exploitée de façon abusive. Dans le même temps, nous
sommes convaincus que le dialogue interprofessionnel est également essentiel
pour mettre un terme aux pratiques abusives et pour promouvoir les bons usages.
Malheureusement, l'expérience nous montre que ce dialogue, qui repose sur le
seul volontariat, n'aboutit pas ou ne donne naissance qu'à des accords qui sont
contournés dès qu'ils sont conclus.
Avec mes collègues du groupe de l'Union centriste, je souhaite que le projet
de loi soit amendé sur un certain nombre de points, notamment en ce qui
concerne la commission d'examen des pratiques commerciales et sa composition ;
les dispositions relatives au déréférencement brutal, qui doit être défini de
façon plus précise ; la définition réglementaire des marques de distributeurs ;
les délais de paiement ; enfin, l'ensemble des abus que nos talentueux
rapporteurs ont évoqués.
Madame le secrétaire d'Etat, je vis au milieu de ces producteurs agricoles
inquiets et désenchantés, de ces petites et moyennes entreprises du textile et
de l'habillement, qui, tous, sont étouffés. Que ce sentiment d'étouffement ne
se transforme pas en désespoir, avec toutes les conséquences qui peuvent en
découler !
Mon voeu le plus cher est que ce projet de loi atteigne son objectif et ramène
une sérénité qui n'aurait jamais dû disparaître.
(Applaudissements sur les
travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Bourdin.
M. Joël Bourdin.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous
discutons aujourd'hui du projet de loi relatif aux nouvelles régulations
économiques.
Malgré la présence de l'adjectif « nouvelles », c'est un grand classique qui
nous est proposé, comme l'ont rappelé nos excellents rapporteurs MM. Philippe
Marini, Pierre Hérisson, Jean-Jacques Hyest et Jean Chérioux, puisque les
sujets abordés sont disparates et mêlent droit boursier, droit financier, droit
des sociétés, lutte contre le blanchiment de l'argent sale, distribution,
concurrence, etc.
Il s'agit d'un texte d'opportunité, présenté sans véritable construction
cohérente et relevant du patchwork législatif.
Il s'agit aussi d'un texte au parcours chaotique, surtout depuis le dernier
remaniement ministériel : des amendements gouvernementaux ont été retirés,
comme celui qui portait sur le « dégroupage » de France Télécom ; dans d'autres
domaines, le Gouvernement hésite à engager les réformes - cela a été rappelé
tout à l'heure par M. le ministre - comme celle des autorités de régulation ou
celle du service bancaire de base. C'est donc notre commission des finances qui
proposera, par voie d'amendement, la réforme de la COB !
La variété de ces thèmes explique que j'aie choisi de centrer mon propos sur
la distribution, plus particulièrement la distribution des produits
agricoles.
Le paysage dans lequel se déroulent les relations commerciales entre la grande
distribution et ses fournisseurs a changé ; de nouvelles pratiques sont
apparues, dont certaines ont eu des effets pervers qui appellent effectivement
des modifications radicales.
Depuis la loi Galland de 1996, les relations entre les fournisseurs et la
grande distribution ont connu de profondes évolutions. Nous constatons d'abord
une accélération des concentrations, phénomène qui a bien été décrit tout à
l'heure. Ainsi, dans le secteur de la distribution, les cinq premières
centrales d'achat, qui représentaient 28 % des ventes en 1980, atteignent
désormais la barre des 94 %.
Par ailleurs sont apparues des pratiques commerciales discriminatoires qui
constituent de nouvelles formes d'abus de dépendance. Deux pratiques faussent
gravement une relation commerciale équitable : il s'agit, d'une part, du
phénomène dit de « marge arrière » et, d'autre part, des modalités
d'élaboration des prix sur catalogue.
La « marge arrière » consiste pour le distributeur à faire payer au
fournisseur une série de services qu'il est censé lui avoir rendus. Or, dans
bien des cas, les avantages financiers sont perçus sans réelle contrepartie, ce
qui porte préjudice tant aux consommateurs qu'aux acteurs économiques
eux-mêmes. En effet, réduire la marge des fabricants ou des producteurs revient
à limiter leur capacité à investir et à innover. Cela les conduit parfois tout
simplement à constater une marge négative.
Une autre pratique provoque de graves distorsions au détriment des
producteurs, celle des prix sur catalogue des fruits et légumes, qui est une
véritable « monstruosité économique ». Nous en connaissons maintenant tous le
mécanisme : en début de saison, les distributeurs annoncent à leurs clients,
par des documents imprimés, des prix très bas établis pour toute la saison, au
moment où les producteurs mettent sur le marché leur première récolte, qui est
rare et qui est généralement chère. Une telle pratique oriente fictivement les
prix à la baisse et pousse les producteurs dans leurs derniers retranchements,
c'est-à-dire à la vente à perte. Dès lors, toute la filière de production subit
les contrecoups de cette désorganisation.
Enfin, s'agissant du cas particulier du secteur des fruits et légumes, la
crise de l'été 1999 et celle de l'été dernier pour la pêche et la nectarine ont
clairement mis en lumière le déséquilibre des relations commerciales entre
producteurs et distributeurs.
Nous devons tirer toutes les conséquences de ces crises en reconnaissant,
d'abord, l'échec du double étiquetage mis en place en août 1999 et en prenant,
ensuite, toutes les dispositions nécessaires pour que la crise de 1999 ne se
reproduise pas. Je rappellerai que les pertes du secteur des fruits et légumes
se sont élevées cette année à 1,1 milliard de francs.
Face à ces situations, vous concevrez aisément, mes chers collègues, qu'il est
impératif de disposer d'un cadre législatif adapté. Notre objectif est de
rééquilibrer les relations commerciales et de lutter contre des pratiques qui
menacent des secteurs entiers de notre économie, au risque de les voir
disparaître : le producteur doit pouvoir vivre correctement de la vente de ses
produits.
Dans cette perspective, plusieurs aspects du projet de loi nous paraissent
importants ; nous entendons les compléter par plusieurs amendements.
Premièrement, il faut encadrer les promotions pour les produits alimentaires
périssables en subordonnant les annonces de prix à l'existence d'un accord
interprofessionnel. Tel est l'objet de l'article 27 du projet de loi, qui
permet, en outre, d'encourager les négociations interprofessionnelles.
Deuxièmement, j'apporte mon soutien à l'amendement de notre collègue M.
Hérisson, qui vise à mieux encadrer la coopération commerciale pour remédier
aux « marges arrière ».
Troisièmement, nous devons veiller à ce que les informations données sur les
produits soient claires et rigoureuses, afin que le consommateur puisse faire
son choix en toute connaissance. A ce titre, nous sommes favorables à une
définition précise, par décret, du concept d'« agriculture raisonnée ».
Dans le même ordre d'idées, il est nécessaire de s'assurer de la lisibilité
des différents labels et appellations permettant d'identifier une production de
qualité : le producteur et le consommateur n'ont rien à gagner à la confusion
des informations et des sigles. C'est pourquoi, dans le droit-fil de la
proposition de notre collègue Michel Pelchat, au nom du groupe des Républicains
et Indépendants, nous souhaitons que l'appellation « chocolat pur beurre de
cacao » soit exclusivement réservée au chocolat produit avec des fèves de
cacaoyer, sans adjonction de matière grasse de substitution.
MM. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur pour avis,
et Jean-Patrick Courtois.
Très bien !
M. Joël Bourdin.
Parallèlement, nous devons veiller à ce que les marques de distributeurs
n'annihilent pas les mentions valorisantes propres aux signes officiels de
qualité qui sont appliqués à des modes de production spécifiquement
agricoles.
Enfin, dans certains cas, les producteurs doivent être protégés. Ainsi, il est
important de préciser les conditions de rupture d'une relation commerciale, en
particulier par un préavis non seulement écrit mais motivé.
De même, le rapport présenté par la commission d'examen des pratiques
commerciales ne doit pas être un simple rapport descriptif, il faut qu'il
puisse contenir des recommandations ; son utilité réside dans l'identification
rapide des dérives et dans la proposition de solutions pour y remédier.
Pour conclure, le volet « distribution » de ce projet de loi demeure modeste,
surtout au regard des ambitions affichées à l'automne dernier par le
Gouvernement, avant la tenue des assises du commerce et de la distribution.
Nous devons, certes, assainir certaines pratiques commerciales, et nous
faisons d'ailleurs des propositions dans ce sens. Nous devons aussi sécuriser
certaines productions agricoles qui paient très cher des conditions de
distribution draconiennes. Nous devons, au total, corriger l'asymétrie des
relations entre producteurs et distributeurs lorsque le déséquilibre est tel
qu'il porte préjudice à l'une des parties.
Cependant, nous devons garder à l'esprit la signification du mot « régulation
». Selon le
Robert
, la régulation est « le fait de maintenir en
équilibre, d'assurer le fonctionnement correct », en l'occurrence du marché.
Nous devons donc veiller à ce que les tentations apparemment irrépressibles de
la majorité plurielle ne la conduisent insidieusement à un retour au dirigisme
économique et à la multiplication des réglementations. Bien au contraire, il
nous semble que la responsabilisation des acteurs, la négociation et la
contractualisation doivent primer.
En conséquence, le groupe des Républicains et Indépendants adopterea ce texte
tel qu'il sera amendé par le Sénat.
Je terminerai mon propos en formulant deux recommandations.
Tout d'abord, s'il faut modifier la loi ; nous y sommes prêts. Il faut aussi
que le Gouvernement ait le courage d'engager, en partenariat avec les acteurs
économiques, la réforme de certaines filières, car seuls des producteurs forts
et organisés pourront se défendre collectivement avec efficacité.
Ensuite, le Gouvernement doit se donner les moyens d'un contrôle rigoureux,
qui permette de sanctionner rapidement les dérives, car il est préférable
d'appliquer totalement les textes en vigueur plutôt que d'envisager un nouveau
texte plus contraignant.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Courtois.
M. Jean-Patrick Courtois.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
adopté en conseil des ministres au mois de mars dernier, le projet de loi
relatif aux nouvelles régulations économiques est soumis au Sénat six mois
après son examen par l'Assemblée nationale.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
L'urgence !
M. Jean-Patrick Courtois.
Le caractère particulièrement « serré » de l'emploi du temps parlementaire
jusqu'à la fin de l'année 2000, ajouté au calendrier électoral du premier
trimestre de l'année 2001, fait que ce projet de loi sera promulgué près d'un
an après le début de son examen. Voilà qui relativise considérablement la
déclaration d'urgence faite par le Gouvernement !
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Certes !
M. Jean-Patrick Courtois.
Avec M. le président du Sénat et M. le rapporteur général, que nous félicitons
vivement de la qualité de son travail et de la précision de son rapport, nous
regrettons une certaine banalisation de la procédure d'urgence. Agir ainsi,
c'est, de la part du Gouvernement, donner l'illustration d'une volonté de ne
pas laisser la réflexion parlementaire aller à son terme.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Effectivement !
M. Jean-Patrick Courtois.
Ce projet de loi est le reflet assez fidèle de la politique menée en matière
économique par le Gouvernement : une politique au fil de l'eau, sans réelles
priorités définies.
Il faut rappeler les conditions dans lesquelles est apparu ce texte. Voilà
plus d'un an, le 13 septembre 1999, le Premier ministre vint déclarer au
journal télévisé du soir : « Il ne faut pas attendre tout de l'Etat et du
Gouvernement. Ce n'est pas par la loi, par les textes, que l'on va réguler
l'économie »,...
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Il avait raison !
M. Jean-Patrick Courtois.
... ou « administrer l'économie » puisqu'il paraît que le Premier ministre
avait commis un lapsus en utilisant le mot « réguler ».
D'ailleurs, la nuance entre les termes « réguler » et « administrer » est si
subtile qu'elle a même échappé au ministère de l'économie, qui a utilisé le
terme « régulations » dans l'intitulé du projet de loi. Peut-être le
Gouvernement proposera-t-il au Sénat un amendement tendant à remplacer le mot «
régulations » par le mot « administrations », afin de se conformer à l'exacte
pensée du Premier ministre.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Pensée qui évolue !
M. Jean-Patrick Courtois.
En tout état de cause, quel aveu pour les tenants d'une politique keynésienne
et quelle tempête dans les rangs de la majorité plurielle, où certains se sont
même laissés aller à dénoncer « la dérive libérale du Gouvernement » !
Afin de rendre quelques couleurs à sa majorité abasourdie, le Premier ministre
annonçait quelques jours plus tard le dépôt d'un projet de loi relatif aux
nouvelles régulations économiques, qui se voulait être l'arme absolue contre la
mondialisation, le capitalisme et le libéralisme. Quel programme ! Mais quelle
déception lorsque le dispositif du projet de loi fut rendu public ! La bonne
dénomination de ce texte, nous la devons à M. le rapporteur, et je la reprends
bien volontiers à mon compte : il s'agit non pas de régulations économiques,
mais de diverses dispositions d'ordre économique, juridique, comptable et
financier, qui devront être examinées comme telles.
Certes, de nombreuses dispositions de ce texte auront pour effet d'accentuer
la mainmise de la sphère publique sur les relations entre personnes privées,
qu'elles soient commerciales, financières ou contractuelles. C'est à cette
dérive que nous opposerons notre foi dans l'homme, plutôt que dans l'Etat
omniprésent et omnipotent. Les amendements que présenteront les collègues de
mon groupe seront tous empreints de cette certitude : en économie, la liberté
est toujours préférable à la contrainte, et la souplesse à la rigidité.
La bonne approche de la notion de régulation économique concilie la loi et la
liberté de choix des acteurs. Le mode naturel et légitime d'intervention des
pouvoirs publics est la loi. C'est à l'Etat et aux organismes de contrôle
compétents de veiller à sa totale application. Pourtant, il ne s'agit pas pour
l'Etat de fixer les moindres détails. Il convient de laisser une marge de
liberté aux acteurs économiques, d'encadrer les choix, et non de les imposer.
La loi ne doit pas augurer le choix qui sera finalement effectué par les
acteurs économiques.
S'il est une critique qui peut être faite à ce texte, c'est son absence de
dimension internationale. Le Gouvernement s'enferme dans une vision
franco-française de l'économie,...
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Effectivement.
M. Jean-Patrick Courtois.
... alors que celle-ci est complètement ouverte sur l'extérieur.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Absolument !
M. Jean-Patrick Courtois.
Faute d'avoir déterminé précisément le champ ouvert à une régulation nationale
et celui qui nécessite une coordination européenne, le Gouvernement cantonne
son projet de loi dans des domaines où la régulation seulement nationale est
totalement inefficace et, le plus souvent, contre-productive.
L'autre erreur commise par le Gouvernement est d'avoir limité son texte aux
seules grandes entreprises, alors que sur 2,3 millions d'entreprises, plus de
deux millions sont des petites et moyennes entreprises. Cultivant une méfiance
à l'égard du monde de l'entreprise, la majorité plurielle tente de lever l'une
contre l'autre l'entreprise vue comme une égoïste créatrice de valeurs et la
société dans son ensemble. Cette diabolisation de l'entreprise permet, par
ailleurs, de mettre en permanence les entreprises à contribution à l'occasion
des majorations d'impôts et de charges, si nombreuses depuis trois ans.
L'Etat aurait été dans son rôle de régulateur si le Gouvernement avait initié
la profonde réforme du droit des sociétés qui est nécessaire pour nos
entreprises, tout particulièrement pour les plus petites d'entre elles. Il
convient, dans ce cadre, de rapprocher les différentes formes de sociétés
françaises des modèles européens existants ; on pense ici, bien sûr, à la SARL
française, dont le statut devrait être rapproché de celui de la GmbH allemande,
ou à la nécessité de donner un véritable statut juridique aux groupes.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Très bien !
M. Jean-Patrick Courtois.
Mais aucune réforme ambitieuse n'est soumise à l'examen du Parlement, alors
même que le temps joue contre la compétitivitié de nos entreprises vis-à-vis de
celles de nos voisins.
Dans la partie relative à la régulation financière, les dispositions relatives
au déroulement des offres publiques d'achat ou d'échange ont retenu toute notre
attention. Il est incompréhensible que le Gouvernement et sa majorité aient
décidé d'introduire des notions relevant du droit du travail dans un domaine du
droit boursier.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Absolument !
M. Jean-Patrick Courtois.
Il en va ainsi de la privation des droits de vote rattachés aux actions,
lorsque l'auteur de l'OPA ou de l'OPE refuse de répondre à l'invitation du
comité d'entreprise à venir expliquer sa stratégie. Il s'agit d'une atteinte
évidente au droit de propriété, qu'il convient de dénoncer. Notre groupe, qui a
déposé un amendement visant à supprimer ce dispositif, la dénoncera. Cette
disposition du projet de loi illustre la méconnaissance de l'entreprise par le
Gouvernement. En effet, pour qu'une OPA fonctionne, l'attaquant a tout intérêt
à aller devant le comité d'entreprise et à dévoiler clairement ses objectifs et
ses projets.
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à
l'artisanat et à la consommation.
Oh non !
M. Jean-Patrick Courtois.
Cette attitude a d'ailleurs été adoptée par le président de la BNP au moment
des offres sur Paribas et la Société Générale.
Avant que s'entame la première lecture devant le Sénat, la partie du projet de
loi relative au droit boursier revêtait une véritable curiosité : les vrais
problèmes n'y étaient pas traités. Ainsi, la multiplicité des organismes de
régulation dans le domaine financier n'aurait sans doute pas fait l'objet d'un
amendement de fusion des organismes par le Gouvernement devant le Sénat, après
son silence devant les députés, si le rapporteur générale de notre commission
des finances n'avait tenu à analyser le problème et à formuler des solutions
dans son rapport.
Sur le problème de la lutte contre le blanchiment des capitaux, nous ne
pouvons qu'approuver les principes, mais nous rejetons les moyens proposés par
le Gouvernement, dont l'efficacité et la portée peuvent être mises en cause.
Les propositions qui nous seront exposées par notre commission des finances,
inspirées par son récent rapport relatif à un nouvel ordre financier mondial,
recevront notre total soutien. Il nous semble, à ce sujet, que la démarche du
Sénat soit beaucoup plus constructive que celle qui a été adoptée par la
majorité de l'Assemblée nationale.
Pour ce qui est des relations commerciales et de la lutte contre les pratiques
anticoncurrentielles, ce projet de loi est l'occasion pour le Gouvernement de
procéder à une « reréglementation », notamment par le renforcement de certaines
prérogatives du pouvoir exécutif et de l'administration. Les difficultés qui
existent entre les distributeurs et les producteurs ne seront pas résolus par
un alourdissement des mesures d'encadrement administratif. Au contraire, ce
type de mesures est, à l'évidence, à l'origine de la multiplication des
approvisionnements de la grande distribution hors de France.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
C'est vrai !
M. Jean-Patrick Courtois.
A cet alourdissement, il convient d'ajouter les dispositions adoptées par
l'Assemblée nationale qui, pour les unes, seront inapplicables et, pour les
autres, sont contraires à notre droit.
Un certain nombre d'amendements que nous présenterons tendront à remédier à
ces défauts de conception. Nos propositions marqueront notre différence
d'approche avec celle qu'a choisie le Gouvernement. Pour ce dernier, le seul
objectif est le renforcement de la zone d'influence de la sphère publique dans
des relations entre acteurs privés. A l'inverse, notre démarche consiste à
regretter cette immixtion permanente.
Un autre exemple illustre bien cette différence de conception : les relations
entre production et distribution ont déjà fait l'objet d'un empilage d'une
multitude de textes sans que l'on soit parvenu à un résultat réellement
satisfaisant. La solution prônée par le Gouvernement est d'ajouter un nouvel
étage à l'édifice, au risque d'ailleurs de le fragiliser un peu plus. C'est la
conséquence d'une vision quelque peu déséquilibrée des relations commerciales,
dans lesquelles le Gouvernement s'obstine à vouloir faire de l'autorité
publique le centre de tout.
Notre groupe partage l'analyse développée par le rapporteur pour avis de la
commission des affaires économiques, que nous tenons à féliciter de la clarté
de ses propositions. Ce n'est pas le rôle du législateur de remettre en cause
le principe de la coopération commerciale qui relève par nature de la libre
négociation contractuelle, même si c'est à lui de s'assurer que c'est dans le
cadre qu'il a déterminé que celle-ci s'inscrit.
Par ailleurs, nous revendiquons la transparence des relations contractuelles
entre distributeurs et fournisseurs. Or la multiplication des règles ne
constitue en aucun cas l'assurance que cet objectif de transparence soit plus
facilement atteint ; c'est peut-être même le contraire.
Notre groupe manifeste une certaine inquiétude au regard de la trop grande
sollicitude manifestée par le Gouvernement à l'égard des entreprises dans la
troisième partie du projet de loi. Le Gouvernement a manifesté des intentions
plutôt positives en souhaitant assurer une place plus prépondérante à la notion
de « gouvernement des entreprises » dans le droit des sociétés.
Malheureusement, sans vision d'ensemble du droit des sociétés, nous en sommes
restés, au pire, au stade des intentions ou, au mieux, à celui de l'impression
de réforme.
Dans ces conditions, nous ne pouvons que regretter que le Gouvernement n'ait
pas nourri sa réflexion et son analyse à la meilleure source, en prenant en
considération les travaux effectués en 1996, à la demande du Premier ministre,
par le rapporteur général de notre commission des finances, sur la
modernisation du droit des sociétés. Comme le rapporteur de la commission des
lois du Sénat, comment ne pas regretter l'absence de cohérence d'une politique
qui consiste à modifier le droit des sociétés par petites touches dans des
textes disparates et sans unité ?
Le groupe du RPR proposera la suppression de l'article 55 A prévoyant
l'attribution de droit d'une action au comité d'entreprise, étant donné son
caractère juridiquement approximatif et inutile au regard des pouvoirs déjà
détenus par le comité d'entreprise.
Sur le sujet délicat de la limitation du cumul des mandats, notre groupe s'en
remettra aux solutions équilibrées proposées par nos rapporteurs.
Enfin, nous ne pouvons que déplorer les conditions dans lesquelles a été
modifié le régime fiscal applicable aux stock-options. Il convient donc de
soutenir les propositions de la commission des finances tant sur le délai
d'indisponibilité que sur les taux d'imposition récemment aggravés par le
Gouvernement.
Finalement, ce projet de loi n'est à la hauteur ni des promesses du Premier
ministre ni des enjeux propres aux domaines qu'il prétend réformer.
Paradoxalement, le rôle des salariés dans les entreprises n'est pas clarifié.
Le texte adopté par l'Assemblée nationale manque à la fois d'ambition et de
souffle. C'est à cette tâche qu'il convient maintenant de s'atteler pour
apporter à notre économie les conditions d'un développement harmonieux, à
l'abri des à-coups des réglementations successives.
Telles sont toutes les raisons pour lesquelles le groupe du Rassemblement pour
la République apportera son soutien aux propositions des rapporteurs et restera
attentif au sort qui sera réservé aux siennes.
(Applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants, et de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
texte que nous examinons aujourd'hui, très médiatisé lors de son passage à
l'Assemblée nationale, était attendu par l'opinion publique. Et pour cause ! Il
avait pour objectif, selon l'aveu de M. le Premier ministre, de résoudre des
situations telles que l'« affaire Michelin ».
Sans anticiper sur les propos de mon collègue Paul Loridant, je rappellerai
brièvement les faits. En septembre 1999, la société Michelin affiche des
bénéfices en hausse de 22 % et, quasiment dans le même temps, son
président-directeur général annonce un plan dit « social » se traduisant par 7
500 licenciements. A l'annonce de ces licenciements, le cours de l'action
Michelin s'envole. L'émotion et la colère des salariés de cette entreprise et,
plus largement, de nos concitoyens qui se sont exprimés alors étaient
légitimes.
Comment ne pas se sentir révolté ou tout du moins désappointé par la brutalité
de cette réalité ?
Dans le même esprit, comment ne pas se sentir frustré ou, tout du moins, déçu
par le texte que nous examinons aujourd'hui et qui devait apporter une solution
à ce type de situations ?
Nous apprécions incontestablement un certain nombre de dispositions que ce
projet de loi prévoit. Le groupe communiste républicain et citoyen ne manquera
d'ailleurs pas de soutenir toutes les mesures lui semblant aller dans le bon
sens. Pour autant, nous regrettons que ce texte, après avoir fait l'objet
d'annonces éminemment politiques, manque singulièrement d'ambition politique et
d'efficacité.
En fait, de quoi est-il question ? Il s'agit d'un toilettage de mesures
existantes. Le Gouvernement procède à une actualisation et à une réglementation
des relations contractuelles ou conflictuelles qui ont cours dans les
stratégies d'entreprises sans rien remettre en cause de l'architecture
actuelle. Il légitime les mouvements de capitaux, même s'ils se révèlent
contraires à l'intérêt général. Sans tenter de les limiter significativement,
il rend plus strictes les modalités de fusion, de concentration, afin de lutter
contre les concurrences déloyales ou le blanchiment de l'argent sale.
Enfin, il rend le statut des entreprises plus collégial, à défaut de le rendre
démocratique, en respectant mieux les droits des petits actionnaires mais en
restant muet sur les droits à accorder aux salariés, qu'ils soient actionnaires
ou non.
Force est de constater que ce texte ne répond pas à l'ambition initiale qui
avait guidé sa rédaction.
Les illustrations de ce fait sont nombreuses. En effet, qu'est-ce que la
consultation de la COB, la Commission des opérations de bourse, et du CECEI, le
comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement,
proposée par ce texte, aurait changé à la captation du Crédit commercial de
France par la HSBC, la Hong Kong and Shangai Banking Corporation ?
Quels effets cette loi aurait-elle eu sur des mouvements de concentration tels
que ceux qui ont été opérés par Renault et Nissan, TotalFina et Elf ou la BNP
et Paribas
Quels outils présentés dans ce projet de loi sont-ils de nature à lutter
contre le mouvement des capitaux, qui, par leurs combinaisons réussies ou non,
défavorisent des populations considérables ?
Se dégage-t-il de ce texte la volonté de créer une autorité politique capable
de faire valoir une incompatibilité entre ces procédés et la politique
monétaire, financière, sociale de la France ?
A toutes ces questions, nous sommes dans l'obligation de répondre par la
négative.
Nous ne sous-estimons pas le travail accompli par l'Assemblée nationale, qui,
d'ailleurs, a quelque peu amélioré les dispositions proposées : c'est
d'ailleurs pourquoi nous soutiendrons, si elles sont mises en débat, un certain
nombre de mesures positives.
Toutefois, et de façon plus fondamentale, nous regrettons que la logique de
financiarisation de l'économie, avec toutes ses conséquences négatives sur
l'économie réelle, ne soit pas contestée dans la philosophie et les
dispositions mêmes du projet. Comme nos collègues communistes de l'Assemblée
nationale, nous analysons ce texte comme une adaptation à la logique
spéculative, à la croissance fictive qui se développe de manière irrationnelle,
à la multiplication des bulles financières qui aspirent la substance monétaire
au détriment des activités sociales, économiques, écologiques et humaines, qui
sont pourtant l'expression de la vraie vie.
Nous attendions l'esquisse d'une autre construction économique et financière,
transformant qualitativement notre façon de produire, répartissant les
richesses et partageant les pouvoirs, au service d'un développement dynamique,
solidaire, dans le cadre d'une mondialisation tenant compte de la diversité des
cultures et des territoires.
En résumé, nous souhaitions rompre avec la logique de guerre économique qui
domine aujourd'hui et se traduit par une concurrence sauvage, exacerbée par
l'économie virtuelle, cette économie qui serait la seule capable de nous faire
entrer dans la modernité, et ce malgré les conséquences désastreuses que nous
observons chaque jour.
Les parlementaires communistes appellent de leurs voeux des réformes
structurelles. Bien entendu, ces réformes nécessitent ambition, courage
politique et aussi inventivité. Mais les points d'appui ne manquent pas pour y
parvenir.
En effet, des organisations comme la coordination pour un contrôle citoyen de
l'Organisation mondiale du commerce ou celles qui sont présentes à Seattle, à
Boston ou à Washington se font jour. Elles réfléchissent, proposent et
agissent. Elles souhaitent, elles aussi, de nouvelles lois de régulation,
fondées sur un contrôle démocratique des ressources, le respect des
écosystèmes, l'égalité, la coopération et le principe de précaution.
Permettez-moi de développer quelques-unes de nos propositions qui prendront la
forme d'amendements que le groupe communiste républicain et citoyen vous
présentera au fil des articles.
Tout d'abord, nous présenterons une série d'amendements cosignés avec d'autres
collègues, membres du groupe parlementaire ATTAC. L'amendement le plus
important vise bien entendu à mettre en oeuvre la taxe Tobin sur les flux
transnationaux de capitaux. Mais un certain nombre de ces amendements portent
également sur le renforcement de la lutte contre les paradis fiscaux et le
blanchiment des produits du trafic des stupéfiants et de l'activité des
organisations criminelles.
Je citerai enfin, s'agissant de cette série d'amendements, ceux qui tendent au
rétablissement du droit de timbre et de l'impôt de bourse dont sont exonérées
les opérations effectuées par des investisseurs non résidents. En effet, cet
impôt de bourse, supprimé par M. Balladur en 1993, pourrait faire figure de
mini-taxe Tobin, car il ne porte que sur le marché des actions et non sur celui
des changes. Je rappelle que cet impôt est appliqué aux résidents et que, s'il
était élargi aux non-résidents au même taux, c'est-à-dire 0,15 %,...
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Ils iraient ailleurs !
Mme Odette Terrade.
... il rapporterait 18 milliards de francs par an.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Mais non ! Cela ne rapporterait rien !
Mme Odette Terrade.
Cette somme est dérisoire par rapport au rendement de la bourse de Paris, qui
a augmenté de 52 %, en 1999 !
Il suffirait de porter cet impôt à 1 % pour que 120 milliards de francs soient
collectés.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Mais non !
Mme Odette Terrade.
Avouez qu'amputer de 1 % les opérations boursières, qui portent chaque année
sur 12 000 milliards de francs, ne mettrait pas les actionnaires sur la paille
!
M. Philippe Marini,
rapporteur.
C'est une illusion complète !
Mme Odette Terrade.
Cette disposition pourrait également contribuer à instaurer plus d'équité
fiscale entre souscripteurs et permettrait ainsi de s'attaquer à la part
toujours plus grande qu'occupent les placements venant de l'étranger.
Toujours dans la première partie de ce projet de loi, relative aux régulations
financières, nous proposerons des dispositions s'attaquant aux spéculations
abusives afin de contenir la croissance financière lorsqu'elle ne s'appuie pas
sur celle de l'économie réelle.
S'agissant des offres publiques d'achat, les OPA, et des offres publics
d'échanges, les OPE, nous sommes très attachés à offrir aux salariés et à leurs
représentants des droits nouveaux leur permettant d'être informés, mais
également de prendre une part plus active dans les décisions, en particulier
lors d'OPA, d'OPE, de fusions, d'absorptions, de concentrations et lorsque
l'emploi est en jeu.
Concernant la lutte contre le blanchiment de l'argent, nous notons
positivement les améliorations proposées par le texte, notamment après son
passage à l'Assemblée nationale. Il était urgent de s'attaquer à ce problème
car, je le rappelle, selon le Fonds monétaire international, le blanchiment
représenterait 1 000 milliards d'euros.
Nous proposerons trois amendements lors de l'examen de ce titre. Le premier
vise à impliquer l'ensemble des membres des professions juridiques
indépendantes qui participent, dans le cadre de leur profession, à la
conception ou à la réalisation de transactions de blanchiment de capitaux
provenant du trafic des stupéfiants.
Nos deux autres amendements visent à étendre les sanctions aux centres
financiers
off shore,
aux paradis fiscaux et autres zones de
non-droit.
La deuxième partie de ce projet de loi concerne la régulation de la
concurrence.
La domination qu'exerce aujourd'hui les distributeurs tant sur les PME du
secteur industriel ou agro-alimentaire que sur les consommateurs au travers de
l'abaissement des critères de qualité démontre combien il est nécessaire de
favoriser l'émergence de nouvelles relations entre producteurs et
distributeurs.
Cette problématique est d'ailleurs similaire dans les domaines de la
production intellectuelle et artistique. C'est pourquoi nous présenterons un
amendement visant à interdire les offres d'accès illimité aux cinémas
appartenant à des entreprises réalisant plus de 0,5 % des entrées sur le
territoire métropolitain, comme UGC l'a fait au détriment des petites salles,
qu'elles soient d'art ou d'essai, ou dans les zones rurales.
On assiste aujourd'hui à de larges mouvements de restructuration et de
concentration qui affectent le bon fonctionnement de la concurrence,
l'équilibre des relations entre les entreprises et, par voie de conséquence,
les prix et l'emploi.
Dans le secteur de l'agro-alimentaire, on assiste au diktat des groupes
d'achat qui écrase les petits producteurs. L'offre d'un bas prix pour les
consommateurs ne doit pas servir d'alibi à ces pratiques déloyales qui menacent
nos producteurs. La préoccupation des cinq centrales d'achat qui distribuent à
elles seules 93,60 % des produits alimentaires dans notre pays est, n'en
doutons pas, exclusivement financière.
Le groupe communiste républicain et citoyen souhaite confirmer l'ordonnance de
1986 qui donne la possibilité au Gouvernement d'agir sur les prix agricoles en
cas de crise.
Nous souhaitons également que le rôle du conseil de la concurrence soit étendu
en élargissant son champ de compétences aux opérations de concentration. Ces
opérations nous semblent d'ailleurs devoir faire l'objet de plus grands
contrôles, notamment par leur notification au ministre chargé de l'économie.
Enfin, la troisième partie du projet de loi dont nous discutons aujourd'hui
est relative à la régulation de l'entreprise.
Là encore, madame la secrétaire d'Etat, nous restons sur notre faim.
Conformément aux objectifs affichés par M. Jospin, nous aurions souhaité que
vous nous proposiez un dispositif interdisant aux entreprises réalisant des
bénéfices substantiels de procéder à des plans dits « sociaux ». Je me permets
de souligner qu'aux dégâts sociaux que de telles opérations produisent s'ajoute
un pillage éhonté des fonds publics. En effet, ces plans appelés « sociaux »
sont souvent réalisés alors que ces mêmes entreprises reçoivent de l'argent
public au nom de l'emploi.
A cet égard, je rappelle que le groupe communiste républicain et citoyen a
déposé une proposition de loi relative à la constitution d'une commission de
contrôle des fonds publics accordés aux entreprises.
S'agissant des stocks-options, nous pensons qu'il est indispensable de
clarifier leur régime fiscal, en considérant leur caractère anti-économique au
regard de l'économie réelle.
Comme pour la sphère politique, la volonté du projet de loi de limiter le
cumul des mandats dans les entreprises a beaucoup été commentée. Nous pensons
qu'il convient de mieux dissocier les pouvoirs dans toutes les entreprises. Une
présence significative des salariés dans tous les lieux de décision, y compris
au conseil d'administration, nous semble nécessaire.
Avant de conclure, je voudrais dire quelques mots sur les modifications
apportées par les différentes commissions saisies, en particulier la commission
des finances.
Lorsque l'on parle de nouvelles régulations économiques, certains, tels MM.
les rapporteurs, tirent de cette définition un sens particulier. Pour eux, cela
signifie que l'on accepte comme indépassables, indiscutables « l'économie
ultra-libérale » et son cortège de ravages et que, dès lors, toute mesure de
caractère législatif est directement liée à la seule adaptation de la société à
ces modalités de fonctionnement économique !
Dans son essence, le présent projet de loi peut donc tout à fait convenir à la
majorité sénatoriale, qui retrouve là une partie de ses préoccupations. C'est
le cas pour la modernisation du droit des sociétés qui procède du mode de
fonctionnement des entreprises anglo-saxonnes. C'est également le cas pour la
place particulière des autorités indépendantes ou professionnelles dans le
contrôle de telle ou telle activité et donc pour la dissolution du rôle de
l'Etat, du politique, du « démocratique élu » au bénéfice d'organismes tendant
à définir entre « initiés » les règles du jeu. C'est certainement là la vision
de la « liberté par rapport à la contrainte », citée par l'orateur
précédent.
Mais cette démarche trouve tout de même quelques limites : ainsi, une forte
volonté de lutter contre l'argent sale est affichée. On s'interroge aussi sur
l'intentionnalité du délit.
De même, chers collègues de la majorité sénatoriale, vous appelez de vos voeux
la gouvernance d'entreprise et le renforcement des pouvoirs de l'assemblée
générale des actionnaires, mais, surtout, vous souhaitez réduire la portée de
l'intervention des instances de représentation du personnel et vous vous
montrez plus que réservés lorsqu'il s'agit de transparence de la rémunération
des dirigeants...
Les parlementaires communistes républicains et citoyens ne se satisfont pas,
quant à eux, du fonctionnement actuel de l'économie de marché. Et ce texte, qui
ne vise qu'à en corriger les effets les plus négatifs, ne peut remporter notre
totale approbation !
Nous pensons qu'un autre fonctionnement de notre économie est possible. J'ai
tenté, à l'aide de la série de propositions que je viens d'énoncer, d'en tracer
une ébauche. L'adoption des amendements du groupe communiste républicain et
citoyen permettrait de répondre aux attentes de nombre de nos concitoyens, qui
aspirent tout comme nous à l'inversion de la logique dominante.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen
et sur celles du groupe socialiste.)
M. le président.
La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques, proposé
aujourd'hui à l'examen du Sénat, est d'un grand intérêt par la variété des
sujets abordés et par le souci de moralisation des pratiques financières qui
l'inspire.
Plusieurs niveaux d'intervention caractérisent les mesures qu'il contient.
Tout d'abord, ce projet intervient après de nombreux débats sur la nécessité
de fixer des règles dans l'organisation et le fonctionnement des systèmes
fondés sur l'actionnariat.
Il vise, ensuite, à pallier les lacunes juridiques dans la nébuleuse des liens
douteux entre l'argent sale et les circuits financiers.
Enfin, il prend en compte l'existence de déséquilibres profonds entre
certaines catégories de partenaires économiques.
A un moment où notre pays redécouvre régulièrement que certaines sphères
économiques n'ont d'autre règle que celle du plus fort et que la croissance et
les bénéfices toujours plus importants des grandes entreprises n'empêchent ni
les licenciements massifs ni les politiques de délocalisation, ce projet arrive
donc à point.
Il nous donnera, je l'espère, l'occasion d'exprimer la primauté du politique
sur l'économique dans l'élaboration des grandes orientations de tout projet de
société : comment rester de marbre, mes chers collègues, face aux exigences de
certains actionnaires dans leur soif toujours plus insatiable de bénéfices,
comment demeurer inerte face aux pratiques commerciales déloyales, hélas trop
courantes, où le plus fort a le dernier mot ?
Le projet de loi qui nous est proposé permet une meilleure appréhension du
phénomène de la déréglementation et de l'abus de position dominante auxquels il
convient d'apporter des limites.
Ainsi, dans le droit-fil de ce projet de loi, le moment est venu d'instituer
une taxe sur les mouvements de capitaux spéculatifs, destinée à lutter contre
leurs incidences négatives qui aboutissent le plus souvent à des crises
économiques graves.
Cette taxe serait due par les établissements de crédit et par les entreprises
d'investissement. Ses modalités d'établissement, de liquidation et de
recouvrement seraient identiques à celles qui sont prévues pour les
prélèvements sur les produits de placement à revenu fixe ; nombre de nos
collègues soutiendront d'ailleurs avec moi cette idée. Sans vouloir m'attarder
sur les détails, les débats qui suivront la fin de la discussion générale ne
manqueront pas de souligner le bien-fondé de toute disposition visant à
s'opposer aux mouvements anarchiques de vente et d'achat de capitaux à
caractère spéculatif.
Dans le même esprit, et après avoir approuvé les grandes orientations de ce
texte, j'aimerais apporter modestement ma pierre à l'édification d'un nouvel
ensemble de règles dans le domaine bancaire.
Mes chers collègues, il faut bien en convenir : l'accession de toutes les
couches de la population aux services bancaires de base n'est plus aujourd'hui
réalisée, alors qu'il s'agit d'un élément constitutif de la citoyenneté. Les
chiffres actuels sont éloquents : 5 à 6 millions de Français sont exclus du
système bancaire, et ces chiffres ne font que croître. Cette croissance est
d'autant plus choquante et injuste que les résultats financiers des principales
banques françaises ne cessent de progresser.
C'est pourquoi, fort de ces constatations, j'ai déposé un certain nombre
d'amendements tendant à instaurer un service universel bancaire gratuit
garantissant une gamme complète de prestations de base. En effet, ce service
universel bancaire s'adresserait à tous les usagers, sans exception, y compris
aux petits revenus. Par le truchement d'un fonds de compensation, se mettrait
en place un mécanisme financier capable d'inciter tous types d'établissements à
élargir leur clientèle, ce qui encouragerait une meilleure implantation
territoriale et un accès facilité pour les personnes les plus démunies.
M. Jean-Marc Pastor.
Très bien !
M. Gérard Delfau.
Je sais que cette idée d'un service universel de base gratuit et ouvert à tous
fait l'objet d'un grand nombre d'amendements, provenant de tous les groupes de
notre Haute Assemblée.
Le débat devra, pourtant, clarifier la position de chacun sur un point crucial
: comment ce service sera-t-il financé ? Nos collègues de la majorité
sénatoriale envisagent-ils, pour être plus précis, que ce coût soit financé par
une tarification des chèques, mesure impopulaire ?
M. Henri de Raincourt.
Oh non !
M. Gérard Delfau.
Si oui, pourquoi ne le disent-ils pas ?
Ou alors s'agira-t-il d'une surfacturation des autres services, ce qui
pèserait lourdement sur les usagers les moins fortunés ?
Il est du devoir du législateur d'assumer la responsabilité de ses choix et de
dire qui,
in fine
, paiera la note.
C'est en raison de cette objection que j'ai prévu un amendement de repli
créant des comptes sécurisés destinés à réintégrer les quelques millions de
Français exclus du système bancaire. Je propose, à cet effet - m'appliquant
ainsi la règle que je viens d'édicter - un mode de financement à partir d'un
fonds de compensation alimenté par une taxe fiscale.
L'intérêt de cette méthode est de choisir une cible plus restreinte, dont le
coût serait infiniment moins élevé ; et d'inciter fermement l'ensemble du
système bancaire à prendre en charge tous les citoyens, quels que soient leurs
revenus, et tout le territoire, y compris les zones rurales et les quartiers
urbains sensibles.
Le Sénat n'échappera pas à ces questions. Il ne peut espérer résoudre par un
texte si vague des problèmes qui concernent des millions de personnes et qui
sont, chacun d'entre nous le sait, si sensibles dans l'opinion publique.
Il serait, enfin, souhaitable que ce service bancaire de base garantisse
l'accès à des prêts à vocation sociale et à des prêts d'honneur pour la
création d'entreprise. Je présenterai aussi des propositions à ce sujet.
De même faut-il revoir, je le dis au passage, la loi de 1991 qui frappe les
émissions de chèques sans provision et qui multiplie les interdits bancaires.
Les pénalités ne sont-elles pas disproportionnées, et l'Etat doit-il continuer
à prélever sa dîme sur des situations de détresse ?
Telles sont, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les
caractéristiques du service universel bancaire et du service bancaire de base
que je tenais à vous proposer. La solidarité nationale exige une telle
clarification ; et la décision concernant l'exclusion bancaire est depuis trop
longtemps attendue.
L'efficacité économique y trouvera, elle aussi, son compte. Le Sénat, qui
s'est souvent préoccupé du problème de l'exclusion bancaire, ferait preuve, en
adoptant ces amendements, de modernité et d'équité.
Quoi qu'il en soit, pour en revenir à l'ensemble du texte, j'aurai à coeur,
avec mes collègues radicaux de gauche du groupe du Rassemblement démocratique
et social européen, d'améliorer tout au long des débats un projet de loi dont
j'approuve l'esprit et le courage.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Dussaut.
M. Bernard Dussaut.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mon
intervention portera sur la deuxième partie du projet de loi, et plus
particulièrement sur la moralisation des pratiques commerciales et la lutte
contre les pratiques anticoncurrentielles entre fournisseurs et distributeurs,
notamment.
Après le constat d'un malaise profond dans les relations commerciales, il
était urgent de mettre en place des mécanismes de régulation afin de moraliser
les relations, de lutter plus efficacement contre les pratiques
anticoncurrentielles et d'organiser les échanges de manière plus
transparente.
C'est ce qu'attendent de ce projet de loi les acteurs du monde économique
concernés que nous avons pu rencontrer.
Plusieurs dispositions vont dans le bon sens, notamment celles qui encadrent
les conditions de rupture entre les producteurs et les distributeurs.
Par ailleurs, les propositions concernant l'étiquetage des produits sous
marque de distributeur, qui imposent de faire figurer le nom et les coordonnées
du fabricant - lequel se trouve souvent en situation de dépendance par rapport
à un distributeur - sont différemment appréciées. Peut-être trouverons-nous un
compromis afin que le fabricant puisse faire le choix de voir ou non figurer
son nom sur le produit ?
Un des dispositifs centraux de la deuxième partie de ce texte est la création
d'une commission d'examen et d'observation des pratiques commerciales.
La mise en place d'une instance de consultation, sorte de juge de paix, est
nécessaire. Elle devra délibérer sur le principe des pratiques générales et non
pas sur les pratiques individuelles. Il faudra cependant veiller à ce qu'elle
ne soit pas paralysée pour cause d'encombrement, à ce qu'elle ne se transforme
pas en une sorte de juridiction corporatiste, où certains refuseraient alors de
siéger : elle se révélerait alors totalement inopérante.
Je souhaiterais enfin faire remarquer que l'économie de marché s'inscrit dans
une trilogie production-distribution-consommation et que le consommateur a
indéniablement un rôle à jouer dans cette commission. C'est pourquoi nous
déposerons un amendement tendant à organiser une représentation des organismes
agréés de consommateurs, ce qui n'est pas prévu pour l'instant.
En un mot, cette commission sera ce qu'en feront ses acteurs. Elle doit, à mon
sens, être une instance préventive.
Ce texte comprend également des éléments de répression, avec des conséquences
financières plus importantes que celles qui sont en vigueur actuellement pour
les auteurs de pratiques abusives. Les mécanismes de sanction prévus
permettront sans conteste une moralisation dans ce domaine.
Ce projet de loi, enrichi par l'Assemblée nationale, n'instaure pas un nouveau
droit de la concurrence, mais de nouvelles réglementations de ce droit. C'est
un texte dont les objectifs sont clairs : respect des acteurs minoritaires du
marché ; renforcement de la transparence économique ; attribution de moyens
efficaces aux autorités de régulation.
Nous espérons que sa discussion au Sénat ne remettra pas en cause l'équilibre
ainsi affirmé.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur certaines travées
du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Franchis.
M. Serge Franchis.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
deuxième partie du présent projet de loi est consacrée à la moralisation des
pratiques commerciales et à la régulation de la concurrence.
Dans un contexte général marqué par une asymétrie des relations entre
producteurs et distributeurs, les mesures proposées tendent à renforcer
l'effectivité du droit de la concurrence et à favoriser le développement de
meilleures pratiques commerciales par des modifications de l'ordonnance du 1er
décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, ainsi que
par un toilettage du code de la consommation.
La situation de l'été 1999, qui a opposé les producteurs de fruits et légumes
à la grande distribution, a été à l'origine des Assises de la grande
distribution et de ce second volet du projet de loi.
Cette crise qui a frappé les producteurs de fruits et légumes a mis en lumière
le déséquilibre des relations commerciales entre producteurs et distributeurs.
Illustrant, pour certains, les pressions que font peser les distributeurs de
produits alimentaires sur les producteurs, cette crise a effectivement révélé
des dérives de comportement préjudiciables aux fournisseurs. Mais elle fut
également la manifestation d'une situation générale dégradée, dont le
comportement de la grande distribution n'est pas la cause unique, et qui trouve
ses racines dans l'évolution générale du paysage commercial français.
Le mouvement de concentration des grandes enseignes commerciales a pris,
depuis quelques années, une nouvelle dimension.
La progresssion constante des grandes surfaces à dominante alimentaire, la
fusion récente entre Carrefour et Promodès - après celles d'Auchan et de
Mamouth, de Leclerc et de Système U - ont alerté les producteurs, les
conduisant à se demander si cette évolution leur laissait une quelconque marge
de manoeuvre dans la négociation, en dépit même du fait que la France ne soit
pas, dans ce secteur, particulièrement plus concentrée que ses principaux
voisins européens.
Chacun connaît le rapport de forces qui caractérise la relation
fournisseurs-distributeurs : d'une part, des producteurs et des fournisseurs
agricoles et agro-alimentaires nombreux et insuffisamment organisés, d'autre
part, une distribution puissante et toujours plus concentrée.
Les abus constatés et dénoncés, notamment dans le rapport de la commission
d'enquête parlementaire de MM. Le Déaut et Charié, concourent aux difficultés
rencontrées par les producteurs et fournisseurs, du secteur agro-alimentaire
notamment.
Il faut souhaiter que le projet de loi puisse avoir des effets positifs si, en
fixant mieux les limites de la liberté contractuelle, il parvient à redéfinir
un cadre dans lequel la négociation commerciale s'exerce au bénéfice des deux
parties.
Mais, pour que cette négociation réussie existe, il faut au préalable une
meilleure organisation des producteurs et des filières, ce que l'on appelle «
les bonnes ententes ».
Certes, un certain nombre de dispositions, dont les dernières ont été votées
dans la loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999, vont dans le bon sens.
Mais sont-elles suffisamment utilisées ?
La prohibition absolue des ententes a, dans le passé, freiné et placé dans
l'insécurité les acteurs de l'agriculture, alors que la taille des
exploitations de notre pays, toujours petites par rapport au marché, doit nous
conduire vers une organisation économique plus fiable. Les pouvoirs publics
doivent l'encourager, sous peine de devoir, à chaque nouvelle crise, « jouer
les pompiers ».
Ce nouvel environnement impose, à l'évidence, un rééquilibrage des relations
entre les deux parties, qui, sans négliger l'importance de la
contractualisation, adapte le cadre législatif à une réforme des pratiques
commerciales.
On peut regretter que d'autres voies de rééquilibrage n'aient pas été
explorées : d'un côté, celles qui auraient privilégié l'organisation de la
profession elle-même, à savoir les producteurs, autour de centrales d'offres
capables de regrouper une part importante de la production et de modifier ainsi
le rapport de force existant ; de l'autre, celles qui auraient permis
d'encourager le développement d'une économie contractuelle entre producteurs et
distributeurs.
La contractualisation ne règle pas la question du prix, mais elle permet
d'assurer des débouchés et d'éviter, chez les producteurs, l'effet de panique
que suscitent les crises annoncées.
Quant aux entreprises coopératives, qu'elles soient grandes, petites ou
moyennes, elles ont une caractéristique commune : elles sont liées aux
territoires par leurs hommes et par leurs produits. Elles ne peuvent
délocaliser leurs « bassins » pour aller s'approvisionner ailleurs et moins
cher. C'est leur mision et leur rôle qui les distingue d'autres PME du secteur
agroalimentaire.
La relation contractuelle est au coeur de la relation commerciale entre les
partenaires de la filière. Il faut souhaiter que les règles du jeu soient
définies et respectées, et que les abus soient sanctionnés. En ce sens, la
création de la commission d'examen des pratiques commerciales est une
innovation. Espérons qu'elle permettra de mieu réguler les abus dans les
pratiques commerciales et ne participera pas à un effet d'annonce sur des
séries de mesures sans réelle efficacité à long terme.
Avec mes collègues du groupe de l'Union centriste, nous souhaitons voir le
dispositif de cette deuxième partie du projet de loi amélioré sur certains
points que nous estimons fondamentaux.
Nous prônons ainsi un même délai de paiement pour tous les produits
alimentaires ; un contrat entre industriels et distributeurs qui décrit
précisément les prestations fournies par les distributeurs ; un fonctionnement
opérationnel de la commission d'examen des pratiques commerciales ; une
obligation de motiver le préavis de déréférencement ; un préavis de six mois en
cas de déréférencement d'une marque de distributeur ; enfin, une clarification
des règles d'étiquetage pour éviter la confusion entre la marque de l'enseigne
distributrice du produit et la marque du fabricant du produit.
Nous avons, en conséquence, déposé quelques amendements portant sur ces
dispositions essentielles.
Je dirai, pour conclure, que nous souhaitons avant tout que, avant de fixer de
nouvelles contraintes, avant de créer un nouveau carcan qui empêcherait le
marché de jouer son rôle et qui contraindrait les distributeurs à aller
peut-être s'approvisionner à l'étranger pour fuir les rigueurs de la loi, il
faudrait faire en sorte que les contraintes existantes puissent s'appliquer
déjà effectivement.
Le cadre législatif et réglementaire en vigueur est aujourd'hui inopérant ou
contourné. Puisse cette nouvelle loi infléchir le rapport de forces qui s'est
établi entre les producteurs et la grande distribution, rapport de forces qui
permet à cette dernière d'exiger de ses fournisseurs des avantages que ceux-ci
ne peuvent pas lui refuser !
Pour ces motifs, nous sommes favorables à ce que l'ordonnance de 1986, sans
être refondue, soit toutefois révisée, afin d'être applicable de façon plus
réaliste.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et
des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Plasait.
M. Bernard Plasait.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
légiférer est décidément un art difficile. Il consiste, en particulier, à
éviter des « lois inutiles qui affaiblissent les lois nécessaires », vieux
conseil de Montesquieu.
Alors, sommes-nous aujourd'hui dans cette épure ? J'en doute fortement, malgré
les propos, que j'ai écoutés avec beaucoup d'attention, de M. le ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie. Ni absence, ni omniprésence de
l'Etat, nous dit-il. Fort bien ! Mais je ne trouve pas dans ce texte de contenu
correspondant à cette intention.
« Nouvelles régulations économiques » ! L'enseigne est scintillante, mais le
magasin est hétéroclite et bien décevant. Dans cette espèce de brocante
législative, je trouve tout ce qui ne devrait pas figurer dans une loi de
régulation et je ne trouve rien de ce qui serait vraiment nécessaire à la
compétitivité de notre économie.
Je cherche à comprendre le concept de régulation à la française. Je crains
qu'il ne s'agisse pas seulement de réguler, c'est-à-dire de définir et
d'améliorer les règles du jeu du marché pour qu'il soit loyal et protecteur des
plus faibles.
J'ai bien peur que nous n'assistions à une réglementation masquée faisant
descendre l'Etat de son rôle d'arbitre et de garant jusqu'à celui
d'intervenant.
Permettez-moi, madame le secrétaire d'Etat, de vous dire mon inquiétude.
D'abord ce texte ressemble à l'habillage, qui se veut séduisant, d'un ensemble
hétéroclite particulièrement surprenant.
Comme l'a fort bien dit, avec beaucoup de justesse, M. le rapporteur général
de la commission des finances, notre excellent collègue Philippe Marini, ce
texte n'est jamais qu'un nouveau DDOEF. L'innovation majeure, c'est qu'il
s'agit sans doute du plus « fourre-tout » des textes de ce genre. Je crois que
le plus fin des juristes y perdra son latin.
Ainsi collectionne-t-il des dispositions techniques sur des sujets aussi
divers que le droit boursier et financier, le droit des sociétés, la lutte
contre le blanchiment de l'argent sale ou la distribution et la concurrence.
On se demande, dès lors, quelle réflexion d'ensemble et quelle cohérence ont
pu présider à l'élaboration de ce florilège !
La seule réponse plausible, c'est malheureusement l'opportunité. Il fallait
bien donner un signe fort à l'opinion, que l'on avait fait rêver avec les
cagnottes successives. «Français, ne vous inquiétez pas ! On ne vous rendra
rien de ce que l'on vous a pris, mais le Gouvernement régule » !
Et c'est bien là la seconde réalité contestable de ce texte : sa vocation
idéologique. Les députés socialistes ne s'y sont d'ailleurs pas trompés, qui
l'ont considéré comme un texte de « limitation du capitalisme ». Voilà de
nouveau la gauche cédant à ses vieux démons, la gauche qui a « toujours cru que
l'égalité consistait à trancher ce qui dépasse ».
Le psychodrame des stock-options est la parfaite illustration des motivations
idéologiques du Gouvernement. Alors que ces options d'achat d'actions sont le
plus souvent attribuées par les entreprises à leurs cadres dirigeants pour les
motiver et les fidéliser, la majorité plurielle a accru la taxation des
plus-values les plus importantes, pour ne prévoir qu'un allégement - très
conditionnel - des plus petites. Ce régime fiscal, fruit d'un compromis passé
avec le président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, fait
sourire la presse étrangère et risque de faire fuir encore un peu plus les
équipes dirigeantes françaises à l'étranger.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Mme Terrade sera contente !
M. Bernard Plasait.
A cet égard, je ne saurais trop rappeler l'urgence pour notre pays de prendre
en compte les conclusions de l'excellent rapport du président de la commission
des affaires économiques, M. François-Poncet, sur la fuite de nos cerveaux à
l'étranger.
Autre exemple de la dérive idéologique de ce texte, la transparence imposée
partout. En effet, le renforcement de la transparence des opérations
financières et du pouvoir des autorités de régulation ne saurait suffire à
assurer la stabilité de notre système bancaire.
De même, en matière de droit des sociétés, le projet de loi établit les règles
du « gouvernement d'entreprise ». D'aucuns lui reprocheront alors son caractère
minimaliste car, dépourvue de force contraignante, la réforme ne va pas
jusqu'au bout de la logique. D'autres - et je suis de ceux-là - se demandent
s'il fallait vraiment légiférer de cette façon, tant il est essentiel d'engager
une vraie modernisation de notre droit des sociétés, vaste réforme qui dépasse
largement les seuls principes du
corporate governance.
En outre, je crois qu'il eût été préférable d'avoir un vrai débat sur
l'organisation du pouvoir et sur les mécanismes de contrôle au sein de
l'entreprise, notamment sur la base des rapports Viénot et à la lumière des
expériences anglosaxonnes.
Quoi qu'il en soit, je tiens à exprimer des réserves quant à la totale
transparence des rémunérations des dirigeants sociaux, qui, pour des raisons
culturelles que je crois évidentes, me semble difficilement transposable en
droit français.
Dans cette logique, et même si cela ne me paraît pas suffisant, j'approuve
pleinement la proposition du rapporteur général de supprimer l'obligation faite
aux dix salariés les mieux payés de rendre publics leurs rémunérations et leurs
stock-options.
Ce qui est réellement préjudiciable à nos entreprises, c'est ce que ne
contient pas ce projet de loi, qui n'est,
de facto,
que l'arbre qui
cache la forêt des réformes de fond que le Gouvernement se refuse à engager.
Une chose est certaine, la France est malade de son Etat, un Etat tentaculaire
et budgétivore.
On ne nationalise plus, mais on réglemente toujours plus, réduisant chaque
jour davantage le champ des libertés économiques.
Depuis 1997, les prélèvements se sont accrus de 523 milliards de francs.
Pourtant, chaque année, le Gouvernement essaie de nous faire croire que les
impôts baisseront. Chaque fois, il a été contredit par les faits.
En trois ans, il a créé quinze nouveaux impôts ou nouvelles taxes. Il a fait
adopter à la sauvette plus de trente mesures d'augmentation !
Plus les déclarations gouvernementales en faveur de la création d'entreprises
se multiplient, plus la fiscalité les accable.
M. Marc Massion.
Et la TVA Juppé !
M. Bernard Plasait.
Alors oui, madame le secrétaire d'Etat, l'impôt sur les sociétés diminuera en
2001. La suppression de la majoration de 10 % permettra effectivement de
revenir au taux de 33,3 %. Mais il ne faudrait quand même pas oublier que le
Gouvernement a créé, l'année dernière, une contribution sociale sur les
bénéfices de 10 %. Cela s'appelle « un jeu à somme nulle ».
J'ajoute que le taux d'imposition des bénéfices restera supérieur, en France,
à celui qui est en vigueur chez nos principaux partenaires, soit 36 % chez
nous, alors qu'il n'est que de 30 % au Royaume-Uni et de 25 % en Allemagne.
Dans ces conditions, comment s'étonner de la baisse de nos exportations
enregistrée ces derniers mois ? Depuis quatre ans, nos entreprises ont
fortement réduit leurs investissements, au point qu'elles sont aujourd'hui
sous-équipées et qu'elles ne peuvent pas répondre à la demande étrangère,...
M. Marc Massion.
C'est faux !
M. Bernard Plasait.
... surtout en ce qui concerne les produits à forte intensité
technologique.
Les 43,7 % du PIB de prélèvements obligatoires pénalisent gravement nos
produits et nos services.
Alors que l'initiative individuelle devrait être vivement encouragée, la
fiscalité sur le revenu l'entrave.
Là encore, madame le secrétaire d'Etat, vous annoncez une baisse de 43
milliards de francs pour les trois ans à venir, après avoir annulé, en 1997, le
plan Juppé de baisse de l'impôt sur le revenu portant sur 75 milliards de
francs. Vous le pouvez d'autant mieux que l'impôt sur le revenu devrait
augmenter de 60 milliards de francs pour la seule année 2000.
Vous comptez ramener le taux marginal de 54 % à 52,5 % en 2003. C'est mieux
qu'en 1982, où vous aviez créé une super-tranche à 65 %. Mais que de chemin
encore à parcourir ! Le taux marginal sera de 42 % en Allemagne et il est déjà
de 40 % au Royaume-Uni.
Dès lors, comment s'étonner que nos jeunes, entreprenants, deviennent des
entrepreneurs à l'étranger ? Comment s'étonner que les diplômés français, aux
compétences mondialement reconnues, aillent de plus en plus recueillir les
fruits de leurs efforts outre-Manche et outre-Atlantique ?
Une fiscalité aussi confiscatoire ne peut que faire des ravages. l'Etat doit
dépenser moins, l'Etat doit dépenser mieux. La compétitivité de notre économie
est à ce prix. Il y a urgence.
D'après l'enquête réalisée cette année par le
World Economic Forum
, la
France est au quinzième rang pour la compétitivité actuelle et au
vingt-deuxième pour le potentiel de compétitivté.
Aussi, madame le secrétaire d'Etat, je vous dirai tout simplement ceci :
rendez aux Français leur argent !
(Exclamations sur les travées socialistes
et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
C'est la seule
régulation qui vaille.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants et du RPR.)
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Gérard Larcher.
M. Gérard Larcher.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce
texte fait, dès son intitulé, un abus de langage : il utilise le mot «
régulation » alors qu'il ne propose que de la « réglementation » ! Il m'inspire
trois réflexions ; j'allais dire trois désillusions !
Oui, c'est un texte qui réglemente plus qu'il ne régule !
Le projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques était présenté
par le Gouvernement comme l'alpha et l'oméga d'une « meilleure organisation
vis-à-vis de l'évolution de l'économie mondiale ». En fait, le contenu du
projet de loi est inversement proportionnel aux effets d'annonce.
Au fond, il ne s'agit que d'un texte fourre-tout, sans ambition, relevant
d'ailleurs, à certains moments, plus du domaine réglementaire que législatif.
C'est en fait un projet de loi portant diverses dispositions d'ordre
économique, juridique, comptable et financier, qui complète et amende la
législation en vigueur.
Puisque l'on parle de « régulations économiques », de fait, il y a tromperie
sur la marchandise, et la plupart des vraies questions posées par les
conséquences de la mondialisation sur notre économie ne trouvent pas les vraies
amorces de réponses dans ce texte.
Avec 8 000 lois, 100 000 décrets, 360 000 règlements, 30 000 textes d'origine
européenne et 30 codes, n'était-il pas temps d'aller vers un peu plus de
simplification ? Ne vaut-il pas mieux, chaque fois que possible, remplacer le
détail de la loi par le contrat ?
La bonne approche de la régulation consisterait en fait à fixer les principes
d'en haut et à régler les choses d'en bas.
On ne peut donc pas parler de régulations alors que la conséquence du texte
est l'alourdissement de la pression réglementaire et des contrôles, là où tout
devrait être fait pour assurer un meilleur fonctionnement de l'économie.
L'économie ne fonctionnera pas de manière plus satisfaisante si l'on étend
encore plus l'intervention de l'Etat.
Ce projet est l'illustration, une fois encore, des travers de l'économie
réglementée, cause des blocages les plus répandus dans notre société : blocages
des initiatives individuelles, découragement de l'esprit d'entreprendre,
incitation - Bernard Plasait l'a évoqué - au départ des créateurs de richesses
et d'emplois vers des terres plus propices au développement de leurs activités
!
Réglementer encore plus l'économie constitue, pour l'Etat, le risque de
prendre un retard difficile à rattraper. A l'heure de la mondialisation des
échanges et des nouvelles technologies, il s'agirait d'aller vers plus de
souplesse dans les échanges économiques, et les conditions favorables à cette
souplesse sont absentes de ce texte. En réglementant à nouveau dans des
domaines où la sphère publique se trouvait un peu en retrait, le Gouvernement
place la société dans une situation d'inadaptation aux défis économiques de
demain.
Très concrètement, le Gouvernement n'est pas allé au bout de la logique de la
régulation ; il a refusé à l'économie ce qu'il avait accordé à d'autres
domaines.
Par exemple, en matière de concurrence, le Gouvernement refuse de faire du
Conseil de la concurrence une instance libérée de la tutelle de l'Etat et va
même, à l'inverse, renforcer cette tutelle ainsi que les pouvoirs du ministre
compétent en matière de concurrence ; Philippe Marini l'a dit clairement dans
ses propos liminaires.
Par ailleurs, le Gouvernement se refuse à débattre de la création d'une
autorité de régulation postale adossée à l'Etat, alors même qu'une telle
autorité pourrait être un élément important à la fois de la protection, de la
modernisation et de l'adaptation de notre grand opérateur de service public :
La Poste.
Alors, je dois dire ma désillusion.
Ma deuxième désillusion a déjà été largement évoquée : le Parlement est si peu
respecté !
Il va s'écouler un an entre le début de l'examen de ce texte par l'Assemblée
nationale et la promulgation de la loi, qui, dans les meilleurs délais,
n'interviendra qu'au printemps prochain pour motifs de session budgétaire et
d'élections municipales. Ainsi est illustré le peu de respect du Gouvernement -
en tout cas de considération - envers le Parlement. L'utilisation abusive de la
procédure d'urgence - M. Marini y a fait allusion tout à l'heure, reprenant les
mots du président Poncelet - c'est ce que j'appelle, moi, paraphrasant
pitrement Goethe : « l'urgence lente »...
(Sourires.)
L'urgence lente, c'est une réalité de la discussion d'aujourd'hui, qui nous
prive finalement d'un vrai débat, à l'occasion duquel la navette enrichit les
idées et nous permet d'avancer, dépassant souvent les clivages.
Oui, encadrer le processus parlementaire dans des délais de plus en plus
courts nuit à la qualité de notre travail. Et nous allons en avoir un exemple
dans les semaines qui viennent puisque nous allons débattre de 53 directives et
de 7 règlements communautaires... comme ça...
(L'orateur claque des
doigts.)
Comme ça, Natura 2000... Comme ça ! l'avenir de la loi
d'orientation postale... Comme ça ! le financement des concessions
autoroutières.
Cela n'est pas acceptable ! et je suis certain que le Sénat ne l'acceptera pas
(Chaque fois, l'orateur renouvelle son geste)
sur des sujets aussi
essentiels, sujets dont, le 8 juin dernier, M. Fabius disait : « La Poste,
c'est l'un des grands sujets pour le Gouvernement. » Cinq minutes, au mieux,
dans une loi d'habilitation...
Ma troisième désillusion, malgré la déclaration de M. Fabius voilà quelques
jours, est que le Gouvernement n'a pas déposé d'amendement permettant, après
l'échec de la commission Jollivet, d'assurer l'effectivité du droit au compte
ouvert par l'article 137 de la loi de lutte contre l'exclusion. Là, les propos
incantatoires ne signifient rien. Il faut maintenant inscrire dans la loi ce
que nous voulons.
Ce faisant, M. Fabius a refusé de prendre clairement position sur les
conditions de sortie du « ni-ni bancaire » - ni facturation des chèques ni
rémunération des dépôts à vue - et les effets que la fin de cette spécificité
française va entraîner pour les plus démunis de nos concitoyens. De ces
conséquences, nous avons ici le devoir de débattre ! S'agissant de ce sujet, la
question du droit au compte des plus démunis et le problème posé par les
chèques payants, je suis certain que nous sortirons de ce débat avec un texte
enrichi et une réponse à cette problèmatique.
En effet, nous avons, plusieurs de nos collègues de notre groupe d'étude sur
l'avenir de La Poste et moi-même, déposé une proposition de loi en mars
dernier, qui a fait depuis des adeptes, ici comme à l'Assemblée nationale. De
cette proposition de loi, nous reprendrons l'essentiel ici, dans des
amendements visant à instaurer un service universel bancaire ouvert à tous,
mais « profilé » pour répondre en priorité aux besoins des plus modestes de nos
concitoyens, car, pour eux, la fin programmée de la gratuité du compte bancaire
peut avoir des conséquences dramatiques dans la mesure où elle signifierait
leur exclusion des circuits financiers.
Il faut, mes chers collègues, avoir bien conscience que le chèque payant n'est
que le premier pas d'un processus d'alignement de nos tarifs bancaires sur les
pratiques ayant habituellement cours ailleurs dans l'Union européenne - seule
la Grèce applique encore aujourd'hui notre système.
Tout cela heurte pour le moins nos habitudes.
Cependant, l'esprit qui inspire la demande bancaire peut se comprendre et
n'est pas critiquable en soi : nos établissements financiers sont des
entreprises qui doivent pouvoir se battre à armes égales avec leurs
concurrents, notamment européens. Il peut même en résulter un nouvel équilibre
dans les relations entre les banques et la majorité de leurs clients, la
gratuité du chèque se payant actuellement sur d'autres services.
Je rassure M. Delfau : il y a bien d'autres services payants. Mais le compte
bancaire a une dimension sociale et la fin de sa gratuité risque de contribuer
à l'exclusion des couches les plus fragiles de la population.
L'avenir de La Poste va être un enjeu crucial des prochaines années car cette
entreprise n'a toujours pas procédé aux adaptations nécessaires. Je pense à son
statut et à sa dotation en capital. A ce sujet, le 20 novembre, nous aurons un
rendez-vous particulier : l'entrée de la poste allemande sur le marché
européen.
Il est donc de notre devoir de nous soucier de son sort, en raison de son rôle
éminent dans l'économie nationale et de par sa présence territoriale.
Il ne nous faut pas espérer que le Gouvernement se préoccupe de cette
question. Depuis deux ans, nous attendons l'indispensable loi d'orientation
postale qu'il s'était pourtant engagé à élaborer par les voix de Mme Voynet et
de M. Pierret. Nous lui donnons rendez-vous dans quelques semaines !
Nous aborderons naturellement la question du service bancaire de base, ou du
service bancaire universel, et de leur financement. La solution ne réside
peut-être uniquement pas dans une taxe fiscale.
Mes chers collègues, c'est à nous tous qu'il revient de rétablir une
concordance entre le titre du projet de loi et son contenu. Nous y
veillerons.
A propos de ce texte, M. Bernard Plasait a parlé de « brocante » ; pour ma
part, j'ai pensé un moment à l'expression « vide-greniers ». En fait, il s'agit
plutôt d'un magasin d'antiquités : il traite en effet de l'intervention de
l'Etat, alors qu'aujourd'hui il faut de la liberté, de la souplesse et aussi un
certain nombre de régulations.
Il nous reviendra de défendre nos options !
(Applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants, et de l'Union
centriste.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à
l'artisanat et à la consommation.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, je vais essayer de vous apporter des réponses aussi complètes que
possible.
M. le rapporteur général a, d'une certaine façon, revendiqué le droit à la
contradiction, puisqu'il a à la fois estimé que ce texte était un inventaire,
que tout est régulation et que, enfin, il aurait souhaité y trouver d'autres
dispositions.
Par ailleurs, il a regretté qu'on l'examine trop vite et, dans le même temps,
que l'on ait trop tardé pour l'inscrire à l'ordre du jour, alors même que c'est
le temps très long - vous le savez tous ici, et j'ai eu pour ma part
suffisamment d'incidents à gérer à ce sujet pour pouvoir le rappeler - consacré
par la Haute Assemblée à l'examen du projet de loi sur le renouvellement urbain
qui est la cause de ce retard.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Non ! Je ne peux pas laisser dire cela !
M. Gérard Larcher.
C'est inexact, madame ! Nous nous en sommes d'ailleurs expliqués en conférence
des présidents !
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
J'y viens, monsieur Larcher.
Puisque j'ai vécu suffisamment d'incidents à ce sujet, je voulais profiter de
ma présence en cet hémicycle...
(M. le rapporteur demande à interrompre Mme
le secrétaire d'Etat.)
Je vais jusqu'au terme de mon propos et je vous laisserai ensuite la parole,
monsieur le rapporteur.
J'avais fait une erreur à propos du temps, et j'ai dit que l'examen du projet
de loi sur le renouvellement urbain avait nécessité une trop longue discussion.
Je m'en étais expliquée auprès de votre président en disant que, effectivement,
le Sénat avait parfaitement le droit de prendre tout le temps qu'il voulait et
que le Gouvernement aurait pu, comme M. le président me l'a rappelé après la
conférence des présidents, retirer un autre texte de l'ordre du jour.
Mais il est vrai que nous étions alors dans une situation difficile et que, si
ce n'est à cause du Sénat, nous rencontrions beaucoup de difficultés. Je me
souviens avoir rencontré un certain nombre d'acteurs sur d'autres types de
sujets : un problème de temps se posait à nous au printemps, vous le savez,
monsieur le rapporteur.
Vous savez aussi que j'ai adressé une lettre à votre président concernant
cette affaire.
Je pense qu'il fallait simplement rappeler ces faits en souriant, comme je le
fais en cet instant, monsieur Marini.
Mais peut-être voulez-vous me répondre maintenant ?
M. le président.
Naturellement, je peux donner la parole à M. le rapporteur. Mais il me
semblait, madame le secrétaire d'Etat, que cette affaire était définitivement
réglée. Je suis un peu désolé que vous l'évoquiez de nouveau.
M. Gérard Larcher.
Moi aussi !
M. le président.
Véritablement, cela ne nous semblait pas nécessaire.
M. Pierre Hérisson,
rapporteur pour avis.
C'est une provocation !
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
La situation avait été difficile, et je rappelais à M.
le rapporteur ainsi qu'à M. Larcher que j'avais tenu à écrire moi-même pour que
les choses soient claires. Je pensais, moi aussi que c'était réglé, monsieur le
président, d'y être revenue, alors que vous ne le jugiez pas opportun.
M. le président.
Acte vous est donné de vos propos, madame le secrétaire d'Etat. Il n'y a plus
d'incident. Il n'était pas nécessaire d'y revenir.
Veuillez poursuivre, madame le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Merci, monsieur le président.
Ensuite, monsieur le rapporteur, vous êtes passé d'un point de vue à un autre
puisque vous avez jugé le texte fragile juridiquement et disparate, mais vous
avez ensuite souhaité ajouter un cavalier législatif de la taille d'un cheval
de Troie, puisque, sous la forme d'amendements sur la modernisation de la
régulation financière, vous avez fait des propositions importantes !
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Le Gouvernement aussi !
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Je pense que nous pouvons être d'accord sur un point
au moins : si nous avons abordé un certain nombre de sujets importants que vous
pouvez juger disparates, vous en ajoutez d'autres aussi importants, que nous
pouvons, nous aussi, qualifier de disparates.
Vous avez dit que les ordonnances étaient excellentes mais, en même temps,
vous avez dit qu'il fallait la loi.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Vous m'avez mal écouté !
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Nous y reviendrons au moment de la discussion des
articles, et je m'exprimerai alors plus longuement sur le sujet.
Enfin, vous avez jugé certaines dispositions de ce texte « inclassables » ;
vous avez même régulièrement rappelé que, dans les chapitres concernés, il n'y
avait pas beaucoup d'ordre et que vous aviez beaucoup de difficultés à vous y
retrouver. C'était fatal... pour un texte qui ne contiendrait rien, si j'en
crois votre introduction.
Mais, paradoxalement, ce texte qui ne contient rien, vous l'avez estimé riche
de trop de choses ! Nous y reviendrons également.
Sur le fond, j'apprécie votre double souci d'élaborer une bonne législation et
votre désir de créer des emplois.
Je vous remercie, en outre, pour le satisfecit que vous avez décerné à la
partie internationale de ce texte.
Même si tout le monde ne partage pas cette appréciation, vous avez fait part
de votre absence d'opposition de principe à la commission des parités
commerciales. C'est bon signe.
Il n'en demeure pas moins que nous ne sommes pas d'accord sur bien des sujets
; le débat sera donc fort intéressant.
Vous avez évoqué la transparence pour les OPA et les OPV, les règles
applicables aux chefs d'entreprise oscillant entre le délit d'entrave et le
délit d'inité. Le jugement est sûrement lourd. Nous y reviendrons aussi.
Vous avez également soupçonné les conventions réglementées d'engendrer un
déluge paperassier, or nous allons simplifier les dispositifs.
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur pour avis.
C'est loupé !
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Notre appréciation n'est pas la même que la vôtre.
Nous verrons bien comment elle sera perçue.
Vous avez préféré appeler « droit des sociétés » ce que nous appelons «
régulation de l'entreprise ». Cela relève de votre volonté de vous opposer,
car, sur le fond, les divergences ne sont pas dramatiques.
Selon nous, ce texte apporte des innovations en matière de régulations
économiques. Vous ne semblez pas partager notre point de vue. La discussion
nous permettra de dégager à la fois les points de cohérence et les points de
divergence.
M. Hérisson a employé des mots que nous avons souvent entendus et que nous
attendions : attente des consommateurs, moralisation, loyauté, équilibre. C'est
logique !
Il s'est par ailleurs inquiété des concentrations et des rapports entre les
distributeurs, les fournisseurs et les clients.
Avec Laurent Fabius, nous pensions qu'il allait approuver ce texte. Or, le
seul élément positif qu'il ait salué, c'est l'entente qui a régné entre les
commissions du Sénat. C'est dommage, parce que certains mécanismes de
régulation des rapports entre distributeurs et clients auraient pu lui
plaire.
M. Hyest a d'abord adressé des compliments au Gouvernement, pour ensuite lui
reprocher de vouloir rétablir l'économie administrée. Pour le reste, je peux
résumer sa pensée en disant : tout ce qui est mal est dans la loi, tout ce qui
aurait été bien n'y est pas.
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur pour avis.
Non !
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Parce qu'il est, selon lui, de bonne composition, il a
jugé que, pour les stock-options, nous n'agissions que par idéologie.
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur pour avis.
Simpliste !
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Par idéologie simpliste, dites-vous, alors que nous
pensons, nous, qu'il s'agit de transparence, de modernité et de justice ! Cela
effectivement nous sépare.
M. Chérioux, quant à lui, a utilisé un procédé cinématographique. Il a en
effet fait un long
flash-back
sur la proposition sénatoriale
d'actionnariat salarié. C'était son droit, et c'était intéressant.
Ensuite, M. Chérioux nous a annoncé que, dans l'attente du texte sur l'épargne
salariale, il retirait tous ses amendements, dans un geste qu'il a qualifié de
imperia brevitatis.
C'est bien, et j'espère que cela nous conduira à un
échange construtif au moment de la discussion du texte relatif à l'épargne
salariale devant le Sénat.
M. Massion, sénateur-maire du Grand-Quevilly, s'est placé sur un terrain qui
nous convenait forcément, celui des principes de justice. Face à la
mondialisation, aux monopoles, aux concentrations, il faut effectivement
rappeler l'utilité de l'Etat, garant du contrat social. Je crois que personne
ici ne s'oppose sur ce point, en tout cas je l'espère.
Pour ce qui est de la concurrence, monsieur Massion, vous avez souhaité la
transparence, la loyauté, la liberté des contrats. C'est effectivement ce que
nous voulons.
Vous êtes également intervenu en faveur de la cohésion sociale et des droits
des salariés en prônant l'équilibre des pouvoirs, le respect de chacun dans
l'entreprise, la protection des plus petits, la protection des salariés ou
celle des PME.
En tant que secrétaire d'état chargée des PME, j'ai reçu énormément de
demandes de la part des PME, d'artisans et de commerçants ainsi que
d'agriculteurs concernant ce texte. Je crois qu'ils vous rejoignent dans
l'analyse de ce que pourrait être une cohésion sociale dans un monde économique
plus équilibré et plus éthique.
Monsieur Massion, vous avez ensuite résolument placé la conclusion de votre
propos sous un signe qui nous rassemble, sur une valeur que nous partageons :
la solidarité. La solidarité, vous l'avez souligné, est non pas l'ennemi du
social mais sûrement son support le plus infaillible. L'entreprise n'est pas
plus du côté de l'employé que de celui de la loi ou de la liberté.
Vos propos formaient une belle intervention, monsieur le sénateur, et j'espère
que nous travaillerons bien ensemble par la suite.
M. Huchon ayant quitté cet hémicycle, je lui répondrai plus brièvement.
Il a évoqué l'évolution des rapports de force entre distributeurs et
fournisseurs à l'avantage des premiers. C'est bien cette évolution que le
Gouvernement a prise en compte par ce projet, qui vise à la moralisation des
pratiques commerciales, afin notamment de renforcer la lutte contre les
abus.
M. Huchon a également souligné la concurrence avec les producteurs du Sud.
C'est vrai, mais il ne faut pas non plus oublier que les producteurs et les
entreprises agro-alimentaires françaises font souvent partie des fleurons de
l'exportation française. Ils nous demandent donc à la fois une régulation, mais
aussi une protection sur les marchés internationaux. Par conséquent, nous
devons être prudents dans la façon dont nous traitons les problèmes, en
particulier d'importation.
M. Bourdin a souhaité centrer son propos sur la distribution des produits
agricoles. Je ne peux que saluer la justesse de son constat.
Il y a, c'est vrai, un déséquilibre dans les structures, des « marges arrière
» destructrices. Je crois qu'on ne peut pas dire autre chose aujourd'hui.
Monsieur le sénateur, vous avez également salué l'encadrement des relations
commerciales et les labels, et vous avez demandé au Gouvernement d'agir sur
l'évolution des filières. C'est important, et le Gouvernement n'hésitera pas à
prendre en charge ce dossier. Il le fera dans ce texte et dans d'autres, en
particulier dans le projet de loi de finances, dont deux articles traitent des
filières agricoles.
M. Courtois a justement placé le débat sur un choix fondamental, celui de la
régulation ; c'est bien la voie retenue par le Gouvernement, non pas pour
administrer ou réadministrer l'économie, mais pour offrir aux entreprises un
cadre souple et adapté pour un exercice plus transparent de la vie des
entreprises dans leurs opérations boursières, dans l'information des organes
représentant des salariés, dans leurs relations commerciales avec leurs
fournisseurs.
Monsieur le sénateur, vous avez dit ensuite que le texte manquait d'ambition.
Cela revient à nier l'ampleur des sujets couverts. Les salariés - contrairement
à ce que vous dites - se trouvent au coeur de la préoccupation de la loi. Cette
contradiction est peut-être due au fait qu'il faut contracter ses propos dans
une enceinte comme celle-ci.
Il est difficile aussi de ne voir dans le texte qu'une vision
franco-française, quand on mesure l'ensemble des dispositions contre le
blanchiment et les dernières avancées européennes en la matière. C'est à partir
d'une action forte de Mme la garde des sceaux et de M. le ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie que nous avons pu faire avancer les
choses au niveau européen. Selon moi, ce texte traduit une vision
internationale qu'il fallait avoir sur tous ces sujets. Tout ce qui concerne
les entreprises, en effet, dépasse effectivement le cadre national, nous le
disons depuis longtemps.
Mme Terrade, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, a organisé
son propos autour de trois points : sa déception, due au fait que nous ne
soyons pas allés plus loin dans le droit des salariés - j'en prends acte ; mais
je n'attendais pas autre chose, pour avoir rencontré Mme Terrade plusieurs fois
à ce sujet - la proposition d'instauration d'une « taxe Tobin » et son
opposition à voir les règles du marché financier trop peu encadrées
aujourd'hui.
Je comprends l'attente de nos amis communistes, partagée au sein de la
majorité plurielle.
Des amendements seront déposés. Le Gouvernement les examinera. A l'occasion de
leur discussion, nous pourrons au moins débattre ensemble, ce qui est
important.
Je reviens sur deux points cependant.
L'idée d'instaurer une taxe Tobin, généreuse et séduisante, est relayée à
l'extérieur du Sénat comme de l'Assemblée nationale, par un certain nombre de
mouvements que vous connaissez tous sur l'ensemble de ces travées mais sa mise
en place pose d'innombrables problèmes techniques. Si un pays, un seul,
instaurait une telle taxe, nous savons très bien les conséquences qui
s'ensuivraient pour lui.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
J'ai déjà entendu cela !
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Que Renault devienne un champion mondial, qu'il
réussisse au Japon, ce n'est pas si mal pour notre pays et pour ses salariés.
De plus, nos entreprises investissent à l'étranger, ne l'oublions pas. Avec la
logique d'une taxe de ce type, délocaliser hors de nos frontières présenterait
parfois, souvent même, des inconvénients. Or, au sein de ces entreprises, les
salariés sont très demandeurs de ces projets d'exportation, et ils ont
raison.
Monsieur Delfau, vous avez centré votre intervention sur ce que que vous avez
appelé « la recherche de nouvelles règles bancaires ». Je partage tout à fait
votre objectif de traiter le cas des citoyens exclus du système bancaire. Vous
faites preuve de constance sur ce sujet.
Vous avez souligné, à juste titre, tous les dangers relatifs à l'instauration
d'un service bancaire universel et gratuit. D'une part, les modalités de son
financement peuvent se retourner contre les clients les plus modestes, qu'il
faut justement protéger - vous rejoignez, sur ce point, les associations de
consommateurs. D'autre part, cet objectif de financement peut cacher la
tarification des chèques.
Je l'ai déjà dit depuis longtemps, au nom du Gouvernement, à l'Assemblée
nationale, les banques françaises ont trouvé une solution qui consiste dans la
tarification non pas des chèques, mais du traitement de ceux-ci. Il est vrai
que face à ce système, les situations deviennent inégales.
Le Sénat ne peut pas sous-estimer les dangers d'un service universel et
l'éventualité d'un report de la tarification du traitement et d'autres types
d'opérations sur le chèque lui-même. Or, celui-ci, nous le savons, est le moyen
de paiement le plus utilisé par ceux qui sont les moins favorisés, car les
autres y ont très peu recours.
Il y a là matière à un véritable débat de fond. Il est intéressant que vous
ayez posé le problème en ces termes avec un sens de la responsabilité et en
proposant un dispositif alternatif. Nous aurons l'occasion d'y revenir lors de
l'examen des amendements.
A propos de la partie relative à la régulation de la concurrence, M. Dussaut a
évoqué deux axes majeurs du texte : la prévention, avec le rôle du juge de
paix, et la commission des pratiques commerciales et des relations
contractuelles.
Il faut revenir à des rapports commerciaux apaisés par la discussion. C'est
pourquoi, comme M. Dussaut, le Gouvernement souhaite faire de cette commission
non pas un nouveau lieu de cristallisation des conflits, en lui donnant une
compétence quasi juridictionnelle, mais, au contraire, une instance de
dialogue. Les parties, qu'il s'agisse des petites entreprises, des
agriculteurs, des associations ou de la grande distribution, se sont retrouvées
sur ces dispositions et nous avons au moins eu la satisfaction de voir les
opinions converger sur ce point. Il est important d'en tenir compte.
Le deuxième axe de l'intervention de M. Dussaut a consisté à rappeler que la
répression, lorsque la prévention a échoué, est un sujet délicat dans notre
pays.
M. Dussaut a eu raison de rappeler que le projet du Gouvernement ne remet pas
en cause tout le droit de la concurrence ; il a vocation à renforcer son
efficacité pour plus de transparence et d'« éthique » en économie ; c'est un
mot que nous ne devons pas avoir peur de prononcer.
M. Huchon a salué, à juste titre, le rapport de MM. Charié et Le Déaut.
Certes, comme M. Marini me le soufflait tout à l'heure, le Sénat n'est pas
l'Assemblée nationale. Mais, à entendre certaines critiques très fortes émanant
des membres du groupe sénatorial du RPR, j'imaginais que les oreilles de M.
Charié devaient siffler ! En effet, même s'il n'a pas la chance de siéger au
Sénat, il appartient au même groupe politique que vous, monsieur Marini, et
quand on a des positions aussi divergentes au sein d'un même groupe, cela ne
doit pas être simple !
(Protestations sur les travées du RPR.)
M. Philippe Marini,
rapporteur.
C'est pluriel, réjouissons-nous !
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Ayant entendu tout à l'heure quelques critiques
relatives aux difficultés de la majorité plurielle, permettez-moi d'évoquer
quelques difficultés de la majorité sénatoriale !
M. Huchon, disais-je, a eu raison de saluer l'excellent rapport de MM. Charié
et Le Déaut, dont le Gouvernement s'est effectivement largement inspiré pour la
modernisation des pratiques commerciales. Je partage souvent leurs
préoccupations et leur souci de voir mieux organiser les filières agricoles. En
revanche, je ne saurais adhérer à un concept de bonnes ententes. Nous devons
faire attention aux expressions et, souvent, les bonnes ententes non seulement
sont contraires au droit de notre concurrence, mais aussi peuvent être
réalisées au détriment du consommateur !
Cet été, avec l'accord de l'ensemble des parties, appliquant en cela
l'ordonnance de 1986 et, au-delà, une entente entre une partie de la profession
agricole et la distribution, nous avons expérimenté l'élargissement d'un accord
de filière pendant un court moment - quelques semaines. C'est une pratique qui
pourrait se renouveler dans l'avenir, sauf si, et c'est ce que nous souhaitons,
nous n'avons plus besoin de faire appel à ce type d'intervention directe de
l'Etat et si les relations entre les producteurs - qu'ils soient agricoles ou
de biens - et la distribution s'améliorent.
M. Plasait a regretté le caractère hétéroclite du projet. Cela lui a permis
d'évoquer de nombreux sujets, dont plusieurs, d'ailleurs, ne figuraient pas
dans le texte !
Nous nous rejoignons sur l'impérative nécessité de discuter de beaucoup de
sujets quand on parle de régulation économique.
En matière de fiscalité, il faut être juste sur l'analyse des chiffres et sur
les commentaires qu'on en fait. Certes, on ne réduit jamais assez les impôts,
mais le Gouvernement l'a fait, ce qui n'était pas le cas du précédent
gouvernement.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
La situation n'était pas la même. Il n'avait pas de cagnotte,
le pauvre !
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Je reviendrai sur la cagnotte !
Le fait de supprimer la surtaxe Juppé de 10 %, de réduire l'impôt sur les
sociétés des PME qui ont un chiffre d'affaires inférieur à 250 millions de
francs pour le faire passer petit à petit largement en dessous de la barre des
20 %, c'est quand même un pas important pour les PME françaises, et je pense
qu'elles sont assez satisfaites de cette tendance.
Vous avez parlé de cagnotte, monsieur Marini. Vous savez pourtant qu'avec un
tel pourcentage de dette de l'Etat on n'a pas de cagnotte, et ce n'est pas à
vous que je ferai l'injure de rappeler cela !
(Exclamations sur les travées
du RPR.)
M. Philippe Marini,
rapporteur.
C'est une expression consacrée !
(Sourires.)
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Disons que c'est une expression habituelle qui, sur le
plan médiatique, a effectivement bien fonctionné !
M. Gérard Larcher a parlé avec beaucoup de talent ...
M. Gérard Larcher.
Merci !
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
... d'inadaptation et de concurrence...
M. Gérard Larcher.
Du Conseil de la concurrence !
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
... du Conseil de la concurrence, en effet, qui doit
être libéré de toute tutelle. C'est extrêmement important.
Il a également parlé de désillusion. Il a dit que le Gouvernement était peu
respecté parce qu'il était peu respectable. Je n'ai pas très bien suivi son
raisonnement parce que, soyons honnêtes, appartenant à ce Gouvernement, je me
sens respectable ! Mais ce n'est pas très grave.
Il a ensuite évoqué Goethe. Très honnêtement, je ne connais pas l'expression
qu'il a employée...
M. Gérard Larcher.
Gile mit Weile !
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
... je ne reviendrai pas sur son propos.
Après ce long prologue, vous avez surtout parlé du « ni-ni bancaire » - c'est
l'expression que vous avez utilisée, monsieur Larcher - et du droit au
compte.
S'agissant des chèques payants, il est exact que nous sommes les derniers,
avec la Grèce, à ne pas payer les chèques. Mais, je crois l'avoir dit tout à
l'heure, il faut faire attention, d'autant que, comme je le précisais à M.
Delfau, c'est le moyen de paiement qui est utilisé par les personnes les moins
favorisées dans ce pays.
M. Gérard Larcher.
Bien sûr !
Mme Marylise Lebranchu
secrétaire d'Etat.
C'est un élément qu'il faut prendre en compte.
Nous devons absolument régler cette question dans les meilleures conditions.
Le Gouvernement a entamé des négociations et d'importants progrès ont d'ores et
déjà été accomplis. En effet, deux banques - dont l'une vient de publier ses
nouveaux tarifs - ont décidé de donner une pleine transparence à la
tarification ; or c'est précisément le manque de transparence qui nous gênait.
L'une d'elles - dont je ne peux bien évidemment pas citer le nom - a déjà
procédé à une modulation en fonction des services rendus au client.
Il est extrêmement important que nous ayons obtenu cette transparence de la
tarification ; qui permet au consommateur de choisir et à l'usager de savoir
pourquoi telle ou telle somme lui est facturée. Cela permet également de savoir
qui supporte
in fine
le coût d'un allégement de la charge sur le plus
petit des services.
Nous avons donc déjà gagné une manche importante. Mais nous pourrons, au cours
des débats, revenir sur ce sujet, qui est loin d'être clos.
Je remercie l'ensemble des orateurs de la qualité de leur intervention et
aussi de leur fougue. Il est intéressant de voir la passion que suscitent les
rapports entre distributeurs et fournisseurs.
On a cependant oublié - je l'ai noté à plusieurs reprises - à force de ne
considérer qu'une seule aberration de l'économie, celle d'un rapport de force
trop important entre le producteur et le distributeur, un rapport qu'il me
semble pourtant nécessaire de signaler, c'est celui qui existe entre la petite
entreprise et son donneur d'ordres, entre les sous-traitants, les cotraitants
et les grands donneurs d'ordres. Le jeu entre les grands donneurs d'ordres et
la grande distribution peut parfois ne pas profiter aux plus petits
producteurs, quelle que soit la nature de leur production.
(Applaudissements
sur les travées socialistes.)
M. Philippe Marini,
rapporteur.
C'est vrai !
Question préalable
M. le président.
Je suis saisi par M. Loridant, Mme Terrade et les membres du groupe communiste
républicain et citoyen d'une motion, n° 606, tendant à opposer la question
préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat,
« Considérant l'émoi suscité par l'annonce simultanée par le groupe Michelin
d'une hausse de près de 20 % de son bénéfice semestriel suivi d'un bond de 12 %
du cours de l'action, et d'un plan de licenciement de 7 500 salariés,
« Considérant que les citoyens ont vu dans cette trilogie le symbole d'une
logique libérale purement financière qu'ils jugent sévèrement,
« Considérant la nécessité de réglementer strictement les opérations de
restructuration ayant une incidence sur l'emploi surtout lorsqu'elles sont
réalisées par des entreprises dégageant de confortables bénéfices,
« Considérant l'exigence d'une moralisation de la circulation des capitaux, de
lutter contre la spéculation financière et ses conséquences néfastes sur
l'emploi et les équilibres économiques et sociaux de notre pays,
« Considérant que ce projet de loi ne répond pas à la question originelle
posée par l'affaire Michelin,
« Considérant que le présent projet de loi cantonne la puissance publique à un
rôle d'observateur du marché sans lui donner réellement les outils permettant
de maîtriser les conséquences d'une mondialisation financière que les citoyens
rejettent massivement,
« Décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur ce projet de
loi, adopté après déclaration d'urgence par l'Assemblée nationale, relatif aux
nouvelles régulations économiques (n° 321, 1999-2000). »
Je rappelle que, en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement
du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion, l'auteur de
l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion
contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la
commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une
durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Loridant, auteur de la motion.
M. Paul Loridant.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, voilà
un an, en septembre 1999, les dirigeants du groupe Michelin annonçaient une
hausse de 20 % du bénéfice semestriel du groupe, le licenciement de plus de 7
500 salariés et, dans la foulée, l'action du producteur de pneumatique
enregistrait une hausse de 12 %. Incontestablement, « l'affaire Michelin »
avait marqué la rentrée politique et sociale.
Le lendemain, dans une intervention télévisée, le Premier minisre laissait
entendre l'impuissance des pouvoirs publics devant les règles du marché. Or
l'opinion avait vu dans cette trilogie le symbole d'une logique financière qui
tend peu à peu à s'imposer sur l'ensemble de la planète. Cette froide logique a
choqué et choque encore les citoyens.
Quelques jours plus tard encore, le Premier ministre, devant les
parlementaires socialistes, par un revirement, avait promis de réagir par le
dépôt d'un projet de loi.
L'actualité économique et sociale est désormais rythmée par la succession des
plans de fusion, d'acquisition ou de « restructuration » des grands groupes.
Pour justifier la course effrénée au gigantisme, qu'il s'agisse notamment du
feuilleton bancaire de l'été 1999 ou de la guerre à laquelle se sont livrés Elf
et Total-Fina dans l'industrie pétrolière pour savoir lequel mangera l'autre,
les PDG invoquent en choeur la nécessité de « créer la valeur ».
Certes, ce n'est pas la valeur « travail » chère au coeur des tenants de
l'analyse économique marxiste. Cette expression signifie dans la réalité la
confiscation par les seuls actionnaires de la valeur ajoutée créée par d'autres
: dans les entreprises elles-mêmes par les différentes catégories de salariés
et hors de l'entreprise par l'ensemble de l'environnement socio-économique et
par les services publics, notamment le système éducatif ou la politique de la
recherche par exemple.
L'élimination systématique de la main-d'oeuvre est le corollaire de ces
nouveaux jeux de Monopoly à l'échelle planétaire.
Les grandes entreprises, notamment les grandes entreprises industrielles,
n'ont pas simplement cessé de créer des emplois, elles les détruisent
massivement en vue de satisfaire l'appétit des actionnaires.
Vu leur manière de créer « de la valeur » chez Michelin, chez Volber ou chez
Alsthom à Belfort, les salariés sont en droit de considérer que cette stratégie
est une véritable déclaration de guerre.
La méthode de ces nouveaux dirigeants est simple et efficace et
malheureusement facile à mettre en oeuvre au vu du recul en matière de
réglementation économique et sociale dans notre pays et en Europe.
Alors que ces grandes entreprises dégagent souvent des bénéfices confortables,
les dirigeants, sous la pression des actionnaires en attente de dividendes en
constante augmentation, décident de lancer une opération de restructuration ou
de fusion. Pour rendre la mariée attirante, on propose aux actionnaires ou aux
futurs actionnaires des charrettes de licenciements. Immédiatement le cours de
l'action monte et les dirigeants se voient attribuer de confortables
augmentations de salaires sous forme de stock-options.
Ainsi, aux Etats-Unis, les dirigeants des neuf plus grosses entreprises, qui,
entre 1990 et 1996, avaient licencié 305 000 salariés, percevaient chacun un
salaire annuel d'environ 2 millions de dollars. Tout cela, vous pouvez le lire
dans la presse financière.
Avec les stock-options et autres avantages, le revenu annuel de chacun d'eux
dépassait, après ces vagues de licenciement, cinq millions de dollars.
En France, M. Philippe Jaffré, P-DG d'Elf, réunissant ses actionnaires
étrangers en petit comité, déclarait : « Depuis que je suis en poste, j'ai
réduit de 15 % le nombre de salariés français du groupe [...] et je continuerai
».
Quelques semaines après le raid victorieux de TotalFina sur le groupe Elf, la
France médusée découvrait que M. Jaffré avait négocié quelque 40 millions de
francs d'indemnités de départ, auxquels il fallait ajouter les 200 000
stock-options accumulés, soit un pactole d'environ 200 millions de francs.
La
corporate governance
ou, en français, le gouvernement d'entreprise,
semble désormais constituer la nouvelle forme que prend l'accumulation,
disons-le, capitaliste.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Mais oui !
M. Paul Loridant.
A la différence du système capitaliste classique que nous avons tous étudié
dans nos livres et dans lequel les inégalités résultaient du système de
production et d'échange, les nouveaux mécanismes d'accumulation tirent leur
dynamique même de ces inégalités.
La reprise économique américaine tire l'essentiel de sa vigueur du
développement du marché des actions et du gonflement de la bulle spéculative,
en particulier autour des valeurs de la prétendue nouvelle économie.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Cela, c'était vrai il y un an, il y a six mois !
M. Paul Loridant.
Les ménages solvables investissent leurs économies ou empruntent afin de
bénéficier de la corne d'abondance, renforçant ainsi encore le phénomène de
financiarisation de l'économie. Quant aux salariés à faible pouvoir d'achat,
les exclus du festin, ils constitueront les futures victimes de ce système qui
exige toujours plus de sacrifices, et donc toujours plus de sacrifiés pour
continuer à « dégager de la valeur ».
Le philosophe Zygmunt Bauman, dans son ouvrage
Le Coût humain de la
mondialisation
, décrit avec beaucoup de talent cette nouvelle dynamique du
capital financier. Dans un monde de plus en plus déréglementé, le capital
financier tend à se déplacer de plus en plus rapidement, aidé en cela par les
nouvelles technologies de l'information, à la recherche du rendement
maximum.
A travers des instruments tels les fonds de pension, les actionnaires
exercent, selon le mécanisme que j'ai décrit auparavant, une pression constante
sur les critères de gestion des entreprises et sur leurs effectifs.
En cas d'échec des dirigeants, la sanction est immédiate et se traduit par le
départ de ces capitaux, comme ce fut le cas avec l'entreprise Alacatel, qui
avait affiché des bénéfices, certes importants, mais en deçà des prévisions et
des engagements pris avec les représentants de ces fonds de pension.
Les salariés, les citoyens ne disposant pas des mêmes facilités de mouvement
que le capital financier sont, eux, cantonnés dans le local et condamnés à
subir les conséquences des fermetures d'entreprises.
A la suite de l'émotion suscitée par l'affaire Michelin, qui avait mis au
grand jour cette nouvelle dynamique de l'accumulation capitaliste, le
Gouvernement, par la voix du Premier ministre, avait pris l'engagement de
répondre par des actes forts à ces pratiques cyniques des dirigeants
économiques.
Le projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques est-il à la
hauteur de l'enjeu ?
Donne-t-il des armes suffisantes à la puissance publique pour résister à la
logique implacable de la mondialisation financière qui menace notre cohésion
sociale et les fondements de l'exception française, marquée par un souci
permanent de réaliser un équilibre entre la compétitivité économique et
l'impératif de justice sociale au travers d'un Etat acteur de la vie économique
et sociale ?
Avant de répondre sur le fond à ces questions, j'aimerais, si vous le
permettez, m'arrêter quelques instants sur le titre même de ce projet de
loi.
Qu'entend-t-on par « régulation » ?
Selon le dictionnaire, il s'agit d'assurer le fonctionnement d'un système
complexe. La notion est pour le moins ambiguë !
Il peut s'agir, au travers d'une législation rigoureuse et pénalisante, de
mettre un terme à la domination du capital financier sur la sphère de
l'économie réelle. En effet il est, selon nous, légitime de mettre les
entreprises, notamment les fonds de pension, face à leurs responsabilités et de
les contraindre ou plus simplement de les amener à réparer les préjudices
qu'ils ont pu éventuellement causer. Comment, en effet, exiger des Français
qu'ils respectent les devoirs inhérents à leur citoyenneté et, dans le même
temps, dédouaner les entreprises de toute responsabilité quand, par leurs
décisions, elles mettent à mal l'économie et l'équilibre social de régions
entières ?
Si tel était le sens de la démarche du Gouvernement pourquoi alors ne pas
avoir préféré le terme de réglementation ? Le choix des termes est rarement
neutre.
Pour les membres du groupe communiste républicain et citoyen, on ne saurait
répondre à la question posée par l'affaire Michelin par une gestion au
quotidien des dégâts causés par le capitalisme financier, comme le projet de
loi nous y invite.
La régulation ne saurait servir d'alibi, de bonne conscience, à ceux qui, par
résignation ou par goût de la « modernité », ce qui revient finalement au même,
ont abdiqué face au pouvoir de l'argent et refusent de mettre en cause la
logique même de cette nouvelle forme d'accumulation.
Ainsi, nous aurions aimé que ce texte fourre-tout apporte aux salariés des
outils leur permettant de renforcer leurs capacités d'intervention dans la
définition des critères de gestion de leur entreprise.
La question de la régulation dans l'entreprise n'est abordée que sous l'angle
des modalités de réunion des assemblées générales des actionnaires et du
fonctionnement des organes dirigeants alors que, au vu de la réalité que j'ai
décrite au début de mon intervention, se pose la question des droits des
salariés, et ce indépendamment de la question, importante ou non, de la
détention d'actions par ces salariés ou même par le comité d'entreprise.
Le texte qui nous est soumis manque à nos yeux cruellement d'ambition, de
volontarisme et de lisibilité politiques. La puissance publique ne se donne pas
réellement les moyens de mettre fin à l'arrogance des marchés financiers.
Le projet de loi cantonne l'Etat à un rôle d'observateur du marché ou au mieux
d'ambulance du capitalisme financier.
Il renvoie à l'examen d'autres textes, relatifs à l'épargne salariale ou à la
loi de modernisation sociale, la résolution d'un certain nombre de questions
posées à l'origine.
Dans la conception française de la République, l'Etat ne se cantonne pas à une
fonction d'arbitre ou d'autorité indépendante chargée d'assurer un bon
fonctionnement du système économique. Il a pour charge de favoriser l'intérêt
général au travers notamment d'une politique de redistribution, d'un
volontarisme économique et de services publics performants.
Dans cette conception, l'espace économique et l'entreprise ne sont pas des
sanctuaires dans lesquels la puissance publique n'aurait pas droit de cité.
Aussi, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, parlant au
nom du parti communiste et du Mouvement des citoyens, considérant que le texte
ne répond pas à la question originelle posée notamment par l'affaire Michelin,
estiment qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la discussion de ce texte.
J'ajoute que la procédure d'urgence déclarée sur ce projet de loi nous paraît
choquante et inappropriée.
(Bravo ! et applaudissements sur les travées du
RPR.)
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Très bien !
M. Paul Loridant.
Vous allez donc voter la motion, monsieur le rapporteur !
M. Paul Blanc.
Chiche !
M. Paul Loridant.
Nous entendons, par le dépôt et, je l'espère, par l'adoption de cette question
préalable, conduire le Gouvernement à remettre l'ouvrage sur le métier et à
répondre à l'attente des salariés, des citoyens de ce pays et des divers partis
de sa majorité.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen, ainsi que sur les travées du RPR.)
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers
collègues, la présentation qui vient d'être faite me laisse assez perplexe.
Tout l'après-midi, nous avons, les uns et les autres, évoqué cette notion de
régulation. Chacun est arrivé avec sa définition, et nous voyons bien que le
concept sur lequel repose le texte est un peu comme une auberge espagnole,
c'est-à-dire que chacun va concevoir le concept en fonction de ce qu'il
souhaite trouver dans l'édifice, ou dans ce texte en l'occurrence.
Ainsi, nous avons entendu, émanant de notre collègue Paul Loridant, un exposé
reposant sur des prémisses d'analyses économiques marxistes.
(Exclamations
sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les
travées socialistes. - Rires sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants, et de l'Union centriste.)
M. Paul Loridant.
Pourquoi pas ?
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Ce n'est pas une insulte !
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Il n'y a aucun jugement de valeur négatif dans mes propos. Je
respecte cette analyse, même si ses résultats concrets dans la gestion des
économies ont abouti à ce que nous savons tous. Sur le plan intellectuel, ces
raisonnements méritent en effet le respect, bien évidemment si on ne les
considère que comme des thèses universitaires.
(Manifestations d'approbation
sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
Hélas, ils eurent des applications dramatiques dans certains
pays, ce dont, heureusement, notre pays a été prémuni, même s'il s'en est fallu
de peu à certains moments !
Bref, cette analyse nous a été présentée avec rigueur et avec une grande
honnêteté intellectuelle.
M. Gérard Larcher.
C'est toujours le cas !
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Parallèlement, nous avons entendu tout à l'heure M. Laurent
Fabius, ministre de l'économie et des finances, se référer au fonctionnement de
l'économie de marché, nous parler d'ouverture des frontières, de liberté des
mouvements de capitaux, de compétitivité des entreprises. Il nous a expliqué
par exemple que la régulation financière, la réforme des institutions
boursières - qu'on la réalise tout de suite ou un peu plus tard - étaient
indispensables, dans le cadre européen, dans le cadre de l'économie mondiale,
dans le cadre des marchés tels qu'ils fonctionnent actuellement.
Aussi, quand j'entends, d'une part, M. Laurent Fabius, dont je respecte tout à
fait la manière de présenter les choses - sur certains des propos qu'il a
tenus, je n'ai d'ailleurs aucune opposition fondamentale à émettre - et quand
j'entends, d'autre part, M. Paul Loridant, je me pose des questions. Je me
demande comment ils peuvent être ensemble.
(Rires et exclamations sur
diverses travées.)
M. Paul Loridant.
Nous sommes de bonne compagnie !
(Sourires.)
M. Philippe Marini,
rapporteur.
C'est pourquoi la présentation de cette motion est un fait
intéressant.
C'est d'ailleurs, monsieur le président de la commission des finances, un fait
qui mérite réflexion.
(Sourires sur les travées du RPR et des Républicains
et Indépendants.)
En effet, la commission s'est réunie pour examiner un grand nombre
d'amendements - la semaine dernière, nous en avons adopté 175 ; nous allons
sans doute, demain, en examiner encore beaucoup d'autres -...
M. Paul Blanc.
Sauf si nous votons pour la motion !
M. Philippe Marini,
rapporteur.
... elle n'a jamais examiné la motion déposée par M. Paul
Loridant. Je ne suis donc pas en mesure, monsieur le président, de donner en
cet instant l'avis de la commission.
(Exclamations sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen.)
Je crois donc important, monsieur le président de la commission des finances,
que vous puissiez nous faire part de votre sentiment sur ce sujet, de telle
sorte que le Sénat soit mieux éclairé.
(Applaudissements sur les travées du
RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
Merci, monsieur le rapporteur, de n'avoir pas répondu à l'interrogation que
vous formuliez vous-même et d'avoir donné la possibilité à M. le président de
la commission des finances de s'exprimer.
(Sourires.)
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Monsieur le président, madame le
secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je salue l'honnêteté intellectuelle de
M. le rapporteur.
Il a en effet raison de dire que nous sommes face à un problème politique
important. Il n'y a, dit-on, pire péril pour les peuples que de ne pas être
gouvernés. En vérité, il en est peut-être un pire, c'est d'être mal gouverné.
Or, sous la Ve République, pour gouverner, le Gouvernement doit être soutenu
par une majorité.
M. Paul Loridant, dont je ne partage pas toutes les idées, s'est exprimé tout
à l'heure d'une manière très claire, et il l'a fait au nom du groupe communiste
républicain et citoyen, dans ses deux composantes, le parti communiste... ai-je
bien entendu, monsieur Loridant ?...
M. Paul Loridant.
Absolument !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
... et le Mouvement des
Citoyens... ai-je bien entendu, monsieur Loridant ?...
M. Paul Loridant.
Absolument !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
J'avais cru comprendre, madame
la secrétaire d'Etat, que leur soutien était indispensable pour que ce
gouvernement gouverne, ce gouvernement qui a employé envers la majorité du
Sénat des mots qui pourraient parfois la blesser si elle n'avait vu si souvent
des gouvernements passer très vite.
Ce soir, madame la secrétaire d'Etat, la majorité sénatoriale permettra
peut-être à votre gouvernement de présenter au Sénat un texte dont vous nous
avez expliqué combien il était nécessaire.
Après M. le rapporteur, je pose la question : est-il sérieux de travailler
dans les conditions dans lesquelles nous le faisons, mes chers collègues,
c'est-à-dire avec un gouvernement qui n'est plus soutenu par une partie de sa
majorité ? Comment cela pourrait-il nous apparaître comme anecdotique ? Ou
alors, votre gouvernement, madame la secrétaire d'Etat, est en train de vivre
d'anecdotes !
Je le dis avec gravité, car je ne m'en réjouis pas. Je ne soutiens pas du tout
ce gouvernement mais je le respecte parce que c'est celui des Français.
L'interrogation qui est aujourd'hui la mienne est de savoir si les Français
ont encore un gouvernement soutenu par une majorité. Je ne le pense pas ! M.
Loridant ne nous a-t-il pas, à l'instant, de cette tribune, fait comprendre
qu'il n'existait plus de majorité pour soutenir le Gouvernement ?
Monsieur le rapporteur, vous m'avez posé une question. Vous y répondrez
vous-même tout à l'heure parce que c'est votre rôle de le faire, au nom de la
commission des finances. Cela étant, connaissant mes collègues de ladite
commission, je sais qu'ils ont le sens de l'intérêt supérieur de la nation, et
je ne pense pas qu'il soit, dès lors, utile de les réunir. Bien que ce
gouvernement n'ait plus de majorité ce soir
(Rires et exclamations sur les
travées du groupe communiste républicain et citoyen)
, il faut continuer à
légiférer pour le bien des Français.
Par conséquent, monsieur le rapporteur, je ne vous recommande pas de demander
une suspension de séance et, pour ma part, si vous le suggérez au Sénat,
j'approuverai le rejet de la proposition de M. Loridant.
(Applaudissements
sur les travées du RPR.)
M. Gérard Larcher.
Très bien !
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Monsieur le président de la commission, pour répondre à votre
sollicitation et surtout pour que le bicamérisme joue tout son rôle,
c'est-à-dire pour que le Sénat apporte son empreinte à ce texte, qui en a bien
besoin, je crois qu'il faut rejeter la motion tendant à opposer la question
préalable.
M. Paul Loridant.
Hélas !
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Si nous ne la rejetons pas, le texte actuel, qui, sur bien
des points, est loin d'être excellent - je crois que nous l'avons prouvé -,
sera probablement adopté une nouvelle fois par l'Assemblée nationale. Or, pour
notre pays, ce ne serait sans doute pas une bonne chose.
En conséquence, mes chers collègues, je crois que, au nom de nos
responsabilités de législateur, il nous faut rejeter la motion présentée par M.
Paul Loridant, tout en nous réjouissant qu'elle ait pu être défendue et donner
lieu à ce débat.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président.
Tout a été dit. Reste la question posée par M. le rapporteur et à laquelle,
naturellement, Mme le secrétaire d'Etat va répondre : comment peuvent-ils être
encore ensemble ?
(Rires sur les travées du RPR et sur le banc des
commissions.)
M. Gérard Delfau.
Je crois que vous outrepassez quelque peu votre rôle, monsieur le président
!
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement sur la motion n° 606 ?
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Un président qui prend part au débat, c'est certain,
ne peut que contribuer à l'animer...
M. le président.
Je me permettais simplement de rappeler les termes de la question qui a été
posée par le rapporteur.
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
En vérité monsieur le président, je l'avais totalement
oubliée.
Quoi qu'il en soit, je remercie M. le président de la commission des finances
et M. le rapporteur de nous soutenir dans la recherche d'une majorité.
(Sourires.)
Je pourrais, moi aussi, ironiser de la même manière sur la versatilité
d'autres majorités. Je pourrais revenir sur les déclarations de M. Charié et
sur celles de M. Larcher.
Pour ma part, je ne connais pas d'exemple, sous la Ve République, d'une
majorité qui n'ait jamais nourri en son sein la moindre différence.
Au demeurant, s'il n'y avait pas de différences entre nous, nous serions tous
dans le même parti politique. Le souci du Premier ministre a été précisément de
faire de cette majorité une majorité plurielle, avec des cultures, des façons
de voir différentes. C'est même souvent cette pluralité des cultures qui nous
est reprochée !
En tout cas, il y a assurément, dans la majorité plurielle, au-delà des
différences de culture, une base commune de valeurs.
Mais j'en viens maintenant aux remarques de M. Loridant, auquel je me dois de
répondre. Comme vous, monsieur Loridant, et comme beaucoup de membres de cette
assemblée, nous avons été choqués par un certain nombre de faits tels que ceux
qui se sont produits chez Michelin. Vous avez rappelé les montants que peuvent
parfois atteindre des indemnités de licenciement ou des stocks-options
distribuées dans notre pays. En fait, beaucoup de nos concitoyens ont été
choqués par tout cela.
Vous jugez que la réponse que nos proposons d'apporter n'est pas
satisfaisante, et vous avez évidemment le droit le plus absolu d'exprimer cette
différence d'appréciation. Il est important pour la démocratie, pour la qualité
des débats, pour la progression des idées, d'écouter la différence de l'autre.
Si l'on ne sait pas entendre ce qui est différent chez l'autre, on court le
risque du monolithisme, et, à la limite, on est un très mauvais démocrate.
Il est indéniable que se déroulent dans l'ensemble du monde, y compris en
Europe, des phénomènes particulièrement choquants. Vous en avez, ainsi que
certains de vos collègues du groupe socialiste, évoqué fort justement certains.
Il est bon, en effet, de rappeler, par exemple, que certaines entreprises à
capitaux majoritairement français, ici ou là, ne respectent pas les droits
sociaux.
Mais, précisément, nous pensons que, face à de tels phénomènes, ce texte
permet de faire un pas. Sans doute est-il modeste, eu égard à l'ampleur du
scandale que constituent certaines situations, mais c'est tout de même un
pas.
Ainsi, nous abordons la question des stocks-options d'une manière très
différente de celle qui prévalait dans le passé.
Par ailleurs, nous établissons une distinction nette entre réglementation et
régulation.
Comme beaucoup d'acteurs politiques de ce pays, je suis intimement convaincue
que, malheureusement, le pouvoir politique est obligé d'intervenir dans les
relations économiques plus qu'il ne le devrait, et cela faute d'une solidarité
suffisante entre les acteurs économiques.
En trois ans, j'ai appris beaucoup et j'ai constaté bien plus de choses
négatives que de choses positives quant à la solidarité entre les acteurs
économiques. J'ai d'ailleurs souvent expliqué à des patrons de toutes petites
entreprises, commerçants ou artisants, sous-traitants ou cotraitants, que,
derrière l'unanimité qu'ils manifestaient parfois sur certains sujets, il y
avait toutes les bagarres entre les uns et les autres, les difficultés de
survie des petites entreprises, les difficultés des responsables de filiales,
etc. Il y aurait beaucoup à dire sur la solidarité économique !
Pour que cette solidarité économique advienne, il est nécessaire de faire un
peu de régulation. Ce que nous cherchons à faire, c'est imprimer une volonté de
dialogue entre les acteurs, et, à nos yeux, c'est un pas important.
J'ai parlé tout à l'heure des valeurs. Je voudrais évoquer aussi la notion
économique de valeur. M. le rapporteur a considéré que votre analyse, monsieur
Loridant, s'appuyait sur des fondements marxistes. Mais, justement, depuis
Marx, personne n'a échafaudé de nouvelle théorie économique de la valeur, et de
nombreux économistes, de tous bords, le reconnaissent aujourd'hui. Or c'est
peut-être ce qui nous manque le plus.
Ce qui est certain, en tout cas, c'est que, aujourd'hui, dans ce pays, la
répartition de la valeur ne se fait pas de façon solidaire ou de façon juste.
Eh bien, dans ce texte, à travers ce qui concerne la distribution, la «
gouvernance » des entreprises ou le droit des sociétés, par exemple, nous
visons à une répartition plus juste de la valeur. Les progrès que nous vous
proposons d'accomplir s'agissant des relations entre les acteurs économiques,
des relations internes à l'entreprise, des relations entre les détenteurs du
capital et les salariés, des relations entre ceux qui ont à gérer les marchés,
constituent selon nous un pas vers une répartition plus juste de la valeur.
Nous pensons que, pour parvenir à cette plus juste répartition, la régulation
devrait ouvrir plus de voies que la réglementation. Nous espérons que la
médiation jouera beaucoup plus que la réglementation.
Je souhaite donc, monsieur Loridant, que vous preniez toute votre place dans
ce débat : je le souhaite ardemment, au nom de notre fonds commun de valeurs,
qui n'est pas un fonds commun de placement...
(Sourires et applaudissements
sur les travées socialistes. - M. Loridant applaudit également.)
M. le président.
Je rappelle qu'en application de l'article 44 du règlement la parole peut être
accordée pour explication de vote pour une durée n'excédant pas cinq minutes à
un représentant de chaque groupe.
M. Marc Massion.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Massion, pour explication de vote.
M. Marc Massion.
Je voudrais d'abord dire que j'ai été désagréablement surpris tout à l'heure
par le « numéro » - je ne trouve pas d'autre mot ! - auquel se sont livrés M.
le président de la commission des finances et M. le rapporteur.
(Vives
protestations sur le banc des commissions.)
M. Paul Blanc.
Et le numéro de M. Loridant ?
M. Marc Massion.
Il me semble que cette sorte de polémique politicienne n'est pas conforme à
l'image que vous-mêmes, monsieur le président de la commission, monsieur le
rapporteur, vous vous attachez à donner de notre Haute Assemblée.
Mais je reviens à la question préalable qui a été soulevée par notre collègue
Paul Loridant.
Nous aussi, nous avons été très choqués par l'annonce simultanée par le groupe
Michelin de l'augmentation de son bénéfice, de la hausse de sa cotation
boursière et d'un plan de licenciements ! Bien sûr, nous aussi, nous voyons
dans ce triptyque le symbole d'une logique libérale purement financière que
nous condamnons ! Mais c'est justement pour cette raison, parmi d'autres, que
nous souhaitons un véritable Etat social, qui oriente, arbitre, garantit,
protège, bref, qui régule.
Mon intervention dans le cadre de la discussion générale en témoigne, nous ne
voulons absolument pas cantonner la puissance publique à un rôle d'observateur
passif d'un marché, lui, bien actif ! La régulation n'est pas, pour nous, la
consécration du dessaisissement de l'Etat. Pour nous, elle doit se traduire par
la gestion évolutive d'un corpus de règles du jeu, permettant de limiter les
occurrences dans lesquelles l'économie de marché sape elle-même les principes
sur lesquels elle est censée être fondée !
La régulation est un processus permanent. Et le projet de loi qui nous est
présenté rassemble, à un moment donné, les avancées de ce processus.
Nous vivons ici, en France et en Europe, dans une économie de marché, et non
dans une économie administrée. Pour cette raison, nous nous refusons de choisir
entre le tout et le rien, à savoir entre le tout réglementaire et le rien
libéral. Nous nous donnons pour mission d'agir, et ce projet est un moyen
d'agir.
C'est pourquoi le groupe socialiste ne votera pas la question préalable.
(Exclamations amusées sur les travées du RPR.)
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Monsieur le président, lorsqu'il
s'agit de l'honneur d'une commission et de la manière dont s'exercent certaines
fonctions, vous me pardonnerez de faire perdre au Sénat une minute
supplémentaire pour dire chaleureusement et sincèrement à Marc Massion que la
majorité sénatoriale a mieux à faire que d'arbitrer les différends de la
majorité plurielle.
M. Gérard Larcher.
Absolument !
Mme Odette Terrade.
Mais c'est vous qui le faites !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Mais nous ne voulons pas priver
les Français du bénéfice d'une loi qui soit la moins imparfaite possible, tant
celle que l'Assemblée nationale a élaborée est mauvaise.
Par conséquent, monsieur Massion, arrangez-vous avec les communistes, avec le
Mouvement des citoyens, et peut-être avec les Verts pour avoir une majorité
cohérente et aller au terme de votre législature : c'est tout ce que nous vous
demandons, pour les Français. Pour le reste, ceux-ci seront juges.
Mais franchement, ce soir, ce n'est pas nous qui avons provoqué cette
cacophonie, c'est vous ! Et il était naturel que nous vous le fassions
remarquer.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Joël Bourdin.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Bourdin.
M. Joël Bourdin.
Les Républicains et Indépendants forment un groupe positif et réaliste. Ils
considèrent donc le débat sur le texte qui nous est soumis comme important.
Ce texte nous parvient mal ficelé, il part un peu dans tous les sens ; mais
nous allons vous aider, madame la secrétaire d'Etat, à le rectifier et à le
rendre cohérent dans différents domaines. Nous aurons beaucoup d'amendements à
proposer, et un lourd travail attend demain matin la commission des
finances.
Nous sommes surpris que, alors que ce texte fourre-tout permet sans conteste
le dépôt de nombreux amendements, nos collègues du groupe communiste
républicain et citoyen n'aient pas choisi cette voie pour le modifier et lui
donner des orientations tout à fait nouvelles : n'est-ce pas précisément notre
rôle ?
M. Pierre Hérisson,
rapporteur pour avis.
Ils l'ont fait ! L'un n'empêche pas l'autre !
M. Joël Bourdin.
Je remercie à la fois M. le rapporteur et M. le président de la commission des
finances, qui, d'une manière très claire et très simple, ont exprimé le point
de vue de la majorité sénatoriale en s'étonnant de cette situation. Nous les
suivons pleinement dans les orientations qu'ils ont indiquées et nous ne
voterons pas la motion tendant à opposer la question préalable.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du
RPR).
M. Gérard Larcher.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Larcher.
M. Gérard Larcher.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
groupe du Rassemblement pour la République a souhaité que nous entrions dans le
débat et que, grâce aux amendements qui seront proposés tant par les
commissions que par nos collègues, nous tentions d'améliorer ce texte. Car nous
croyons au bicamérisme et à l'enrichissement que permet le travail de cette
assemblée.
De plus, relisant la motion défendue par M. Loridant, j'avoue ne pas pouvoir
m'associer à certaine terminologie, même s'il m'a fait remarquer tout à l'heure
que j'étais à bâbord... pour ne pas dire à gauche. Mais, vous le savez, gauche
ou droite, dans notre hémicycle, c'est un problème de géographie : tout dépend
de la place du président. Alors, suis-je dans la Montagne ou dans le Marais
?...
(Sourires.)
En tout cas, ce qui compte dans ce débat, c'est que nous fassions évoluer le
texte de l'Assemblée nationale, qui a préféré la voie de la réglementation à
celle de la régulation,...
M. Pierre Hérisson,
rapporteur pour avis.
Absolument !
M. Gérard Larcher.
... que nous lui donnions les moyens de progresser et de changer ; c'est le
travail que nous allons faire ensemble.
Le groupe du Rassemblement pour la République, comme M. Joël Bourdin l'a dit
pour les Républicains et Indépendants, ne peut que souscrire à l'analyse que M.
le rapporteur et M. le président de la commission des finances ont développée
devant nous. Le problème politique est réel.
Qu'un gouvernement, confronté au problème majeur de la mondialisation de
l'économie, soit amené à constater que ce projet de loi donne lieu à une
fracture ne peut que me conduire à m'inquiéter pour mon pays, car nous devrons
faire face, demain, aux évolutions inhérentes à la construction européenne et à
la réalité de l'économie mondiale. C'est la raison pour laquelle nous devrons
bien travailler ensemble dans les jours qui viennent.
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, et
de l'Union centriste.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 606, repoussée par la commission et par le
Gouvernement.
Je rappelle que son adoption entraînerait le rejet du projet de loi.
(La motion n'est pas adoptée.)
M. le président.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
10
COMMUNICATION RELATIVE
À UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président. J'informe le sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'archéologie préventive n'est pas parvenue à l'adoption d'un texte commun.
11
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI
ORGANIQUE
M. le président.
J'ai reçu de M. Philippe Arnaud une proposition de loi organique, relative à
la durée du mandat de sénateur.
La proposition de loi organique sera imprimée sous le n° 13, distribuée et
renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de
la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions
prévues par le règlement.
12
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. Ladislas Poniatowski une proposition de loi tendant à
compléter le code électoral sur la prise en considération du vote blanc.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 14, distribuée et renvoyée à la
commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel,
du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution
éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le
règlement.
13
TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil sur les lignes directrices pour les
politiques de l'emploi des Etats membres en 2001.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1559 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Communication de la Commission sur les services d'intérêt général en
Europe.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1560 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil modifiant l'article 3 de la décision
98/198/CE du Conseil, du 9 mars 1998.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1561 et distribué.
14
RENVOI POUR AVIS
M. le président. J'informe le Sénat que le projet de loi portant habilitation du Gouvernement à transposer, par ordonnances, des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines dispositions du droit communautaire (n° 473, 1999-2000), dont la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale est saisie au fond est renvoyé pour avis, à leur demande et sur décision de la conférence des présidents, à la commission des affaires culturelles, à la commission des affaires économiques et du Plan, à la commission des affaires sociales et à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
15
DÉPÔT D'UN RAPPORT
M. le président.
J'ai reçu de M. Jacques Legendre, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au
nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les
dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'archéologie
préventive.
Le rapport sera imprimé sous le n° 15 et distribué.
16
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au mercredi 11 octobre 2000, à quinze heures et le soir :
1. Nomination des membres de la commission spéciale chargée de vérifier et
d'apurer les comptes du Sénat.
2. Suite de la discussion du projet de loi (n° 321, 1999-2000), adopté par
l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif aux nouvelles
régulations économiques.
Rapport (n° 5, 2000-2001) de M. Philippe Marini, fait au nom de la commission
des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la
nation.
Avis (n° 4, 2000-2001) de M. Pierre Hérisson, fait au nom de la commission des
affaires économiques et du Plan.
Avis (n° 10, 2000-2001) de M. Jean-Jacques Hyest, fait au nom de la commission
des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du
règlement et d'administration générale.
Avis (n° 343, 1999-2000) de M. Jean Chérioux, fait au nom de la commission des
affaires sociales.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements
Projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle
lecture, relatif à la solidarité et au renouvellement urbains (n° 456,
1999-2000) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
lundi 16 octobre 2000, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 16 octobre 2000, à douze
heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures vingt.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES DU SÉNAT
établi par le Sénat dans sa séance du mardi 10 octobre 2000
à la suite des conclusions de la conférence des présidents
Mercredi 11 octobre 2000 :
A
15 heures
et le soir :
1° Nomination des membres de la commission spéciale chargée de vérifier et
d'apurer les comptes du Sénat.
(Les candidatures à cette commission doivent être remises au secrétariat
central du service des commissions, avant 17 heures, le mardi 10 octobre
2000.)
Ordre du jour prioritaire
2° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration
d'urgence, relatif aux nouvelles régulations économiques (n° 321,
1999-2000).
Jeudi 12 octobre 2000 :
A
9 h 30
et à
15 heures :
Ordre du jour prioritaire
Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration
d'urgence, relatif aux nouvelles régulations économiques (n° 321,
1999-2000).
Mardi 17 octobre 2000 :
A
9 h 30 :
Ordre du jour prioritaire
1° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration
d'urgence, relatif aux nouvelles régulations économiques (n° 321,
1999-2000).
A
16 heures
et le soir :
2° Suite de l'ordre du jour du matin.
3° Nouvelle lecture du projet de loi, adopté avec modifications par
l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la solidarité et au
renouvellement urbains (n° 456, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 16 octobre 2000, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des
amendements à ce texte ;
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion
générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun
groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les
inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17
heures, le lundi 16 octobre 2000.)
Mercredi 18 octobre 2000 :
A
15 heures
et le soir :
Ordre du jour prioritaire
Suite de la nouvelle lecture du projet de loi, adopté avec modifications par
l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la solidarité et au
renouvellement urbains (n° 456, 1999-2000).
Jeudi 19 octobre 2000 :
A
9 h 30 :
Ordre du jour prioritaire
1° Suite de la nouvelle lecture du projet de loi, adopté avec modifications
par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la solidarité et au
renouvellement urbains (n° 456, 1999-2000).
A
15 heures :
2° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de
la séance avant 11 heures.)
Ordre du jour prioritaire
3° Suite de la nouvelle lecture du projet de loi, adopté avec modifications
par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la solidarité et au
renouvellement urbains (n° 456, 1999-2000).
Mardi 24 octobre 2000 :
A
10 heures :
1° Quinze questions orales (l'ordre d'appel sera fixé ultérieurement) :
- n° 797 de M. Gérard Braun à M. le ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie (Exonération de taxe d'habitation pour les étudiants logés dans les
résidences des CROUS) ;
- n° 848 de M. Alain Gournac à M. le ministre de l'économie, des finances et
de l'industrie (Politique familiale) ;
- n° 871 de M. Charles Descours à Mme le ministre de l'emploi et de la
solidarité (Mise en application de la CMU) ;
- n° 873 de M. Bernard Fournier à M. le ministre délégué à la coopération et à
la francophonie (Abandon de la traduction en français des brevets européens)
;
- n° 876 de M. Patrice Gélard à M. le ministre de l'intérieur (Portée des
recommandations émises par le Conseil constitutionnel concernant la réforme du
mode de scrutin sénatorial) ;
- n° 877 de M. Serge Franchis à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux
handicapés (Transmission des maladies à prion) ;
- n° 878 de M. Jean-Patrick Courtois à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et
aux handicapés (Amélioration des conditions de vie des personnes atteintes de
la maladie d'Alzheimer) ;
- n° 879 de M. Francis Grignon à M. le secrétaire d'Etat à la défense chargé
des anciens combattants (Indemnisation des anciens incorporés de force dans le
RAD) ;
- n° 880 de Mme Nicole Borvo à Mme le secrétaire d'Etat au budget (Situation
du centre médico-social Clavel de Paris) ;
- n° 882 de M. Jean Chérioux à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
(Dispositif de rémunération des heures de veille pour le personnel des
établissements d'accueil d'handicapés) ;
- n° 883 de M. Alain Hethener à M. le ministre de l'équipement, des transports
et du logement (Modalités de la desserte de la région Lorraine par le futur TGV
Est) ;
- n° 884 de M. Philippe Madrelle à M. le ministre de l'éducation nationale
(Manque de postes d'enseignants dans le département de la Gironde) ;
- n° 890 de M. Fernand Demilly à M. le ministre de l'agriculture et de la
pêche (Mise aux normes des bâtiments d'élevage) ;
- n° 891 de M. Marcel Bony à M. le ministre de l'intérieur (Emplois
fonctionnels et intercommunalité) ;
- n° 894 de M. Jean Boyer à M. le ministre de l'équipement, des transports et
du logement (Liaison aériennne Paris-Grenoble).
A
16 heures
et, éventuellement, le soir :
Ordre du jour prioritaire
2° Suite de la nouvelle lecture du projet de loi, adopté avec modifications
par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la solidarité et au
renouvellement urbains (n° 456, 1999-2000).
Mercredi 25 octobre 2000 :
A
16 heures
et, éventuellement, le soir :
Ordre du jour prioritaire
Projet de loi portant habilitation du Gouvernement à transposer, par
ordonnances, des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines
dispositions du droit communautaire (n° 473, 1999-2000).
(La conférence des présidents a décidé :
- de fixer au mardi 24 octobre 2000, à 17 heures, le délai limite pour le
dépôt des amendements à ce texte ;
- d'attribuer au président de la délégation pour l'Union européenne un temps
d'intervention de dix minutes ;
- de limiter à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la
discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la
liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les
inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17
heures, le mardi 24 octobre 2000.)
Jeudi 26 octobre 2000 :
Ordre du jour réservé
A
9 h 30
et à
15 heures :
Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi
constitutionnelle de MM. Christian Poncelet, Jean-Paul Delevoye, Jean-Pierre
Fourcade, Jean Puech et Jean-Pierre Raffarin relative à la libre administration
des collectivités territoriales et à ses implications fiscales et financières
(n° 432, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 25 octobre 2000, à 17
heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les
inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17
heures, le mercredi 25 octobre 2000.)
Mardi 31 octobre 2000 :
Ordre du jour prioritaire
A 9 h 30 :
1° Sous réserve de sa transmission, projet de loi organique modifiant la loi
n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la
République au suffrage universel (AN, n° 2564).
(La conférence des présidents a fixé au lundi 30 octobre 2000, à 17 heures,
le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
2° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après déclaration
d'urgence, relative à la contraception d'urgence (n° 12, 2000-2001).
(La conférence des présidents a décidé :
- de fixer au lundi 30 octobre 2000, à 17 heures, le délai limite pour le
dépôt des amendements à ce texte ;
- d'attribuer un temps d'intervention de dix minutes au représentant de la
délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les femmes et
les hommes ;
- de limiter à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la
discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la
liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les
inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17
heures, le lundi 30 octobre 2000.)
A
16 heures :
3° Suite de l'ordre du jour du matin.
Mardi 7 novembre 2000 :
A
9 h 30 :
1° Questions orales.
A
16 heures
et, éventuellement, le soir :
Ordre du jour prioritaire
2° Nouvelle lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi
d'orientation relatif à l'outre-mer.
(La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 6 novembre 2000, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des
amendements à ce texte ;
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion
générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun
groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les
inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17
heures, le lundi 6 novembre 2000.)
Mercredi 8 novembre 2000 :
Ordre du jour prioritaire
A
15 heures
et le soir :
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence,
relatif à l'épargne salariale (n° 11, 2000-2001).
(La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 6 novembre 2000, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des
amendements à ce texte ;
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la
discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la
liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les
inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17
heures, le lundi 6 novembre 2000.)
Jeudi 9 novembre 2000 :
A
9 h 30 :
Ordre du jour prioritaire
1° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration
d'urgence, relatif à l'épargne salariale (n° 11, 2000-2001).
A
15 heures :
2° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de
la séance avant 11 heures.)
Ordre du jour prioritaire
3° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration
d'urgence, relatif à l'épargne salariale (n° 11, 2000-2001).
En application de l'article 28 de la Constitution et de l'article 32
bis,
alinéa 1, du règlement, le Sénat a décidé de suspendre ses travaux
en séance publique :
- du 24 décembre 2000 au 7 janvier 2001 ;
- du 11 février 2001 au 25 mars 2001 ;
- du 8 avril 2001 au 16 avril 2001.
A N N E X E
Questions orales inscrites à l'ordre du jour
du mardi 24 octobre 2000
N° 797. - M. Gérard Braun appelle l'attention de M. le ministre de l'économie,
des finances et de l'industrie sur l'exonération de taxe d'habitation dont
bénéficient les étudiants logés dans les résidences universitaires gérées par
les centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS). Il lui
fait part de sa surprise que cette décision n'ait été annoncée qu'à l'occasion
de réponses faites par le Gouvernement à de nombreuses questions écrites de
parlementaires depuis le début de l'année 1999 et par voie de communiqué de
presse en date du 11 février 1999. Il constate ensuite que l'extension de cette
exonération s'applique aux résidences universitaires gérées par un CROUS. Il
existe donc bien une rupture d'égalité entre l'ensemble des gestionnaires de
logements étudiants. Il lui demande sous quelles conditions cette exonération
pourrait être étendue à l'ensemble des étudiants logés en résidence
universitaire. Enfin, il le prie de bien vouloir lui indiquer les compensations
de perte de recettes pour les collectivités locales concernées que le
Gouvernement compte mettre en oeuvre.
N° 848. - M. Alain Gournac interroge M. le ministre de l'économie, des
finances et de l'industrie sur la mise en oeuvre, en 1999, des décisions de la
Conférence de la famille de juin 1998 qui ont permis le retour à l'universalité
des allocations familiales et abaissé le plafond du quotient familial. Il lui
rappelle qu'en contrepartie le budget de l'Etat avait pris en charge
l'allocation de parent isolé (API), soit environ 4 milliards de francs. Il lui
demande donc quel a été le rendement réel de la mesure relative au quotient
familial. Il lui demande également, étant donné que ce rendement est
probablement supérieur au transfert prévu, s'il envisage de rendre le
différentiel aux familles. Par ailleurs, il lui rappelle qu'il a abaissé le
plafond de la pension alimentaire versée à un enfant majeur sans discussion
avec le mouvement familial, cette décision n'ayant fait, quant à elle, l'objet
d'aucune contrepartie alors que chacun s'accorde à reconnaître la nécessité
d'une amélioration significative de la situation des familles ayant des jeunes
adultes à charge. Il lui demande donc enfin quel a été le rendement réel de
cette dernière mesure et s'il envisage d'en réinvestir au moins une partie en
direction des familles.
N° 871. - M. Charles Descours attire l'attention de Mme le ministre de
l'emploi et de la solidarité sur les conséquences sociales inquiétantes de la
mise en application de la couverture maladie universelle dans un grand nombre
de départements. L'Isère figure parmi la dizaine de départements qui avaient un
barème AMG (aide médicale générale) plus favorable que la CMU. C'est aussi le
cas à Paris où la carte Paris Santé avait un plafond maximal de ressources
supérieur à celui de la CMU. Or, fin octobre, les affiliations automatiques des
anciens bénéficiaires vont prendre fin et un grand nombre de personnes déjà
économiquement très fragiles risquent de ne plus être couvertes. Mais les
conseils généraux ne pourront pas pallier ce manque. Effectivement, la
compétence appartient désormais de par la loi à l'Etat. Les conseils généraux
continueront à financer cette dépense par une ponction sur la dotation
générale, et les personnels du service AMG sont généralement tous redéployés
sur d'autres services de décentralisation. Il lui demande par conséquent de
bien vouloir lui indiquer les mesures concrètes qu'elle compte prendre de
manière urgente pour éviter cet effet pervers de la loi qui va créer une
nouvelle catégorie d'exclus.
N° 873. - M. Bernard Fournier appelle l'attention de M. le ministre délégué à
la coopération et à la francophonie sur l'abandon de la traduction en français
des brevets européens. Le Gouvernement a accepté le principe d'un renoncement à
l'obligation de cette traduction. Cette intention marque un retour en arrière
par rapport à la position initiale exprimée par la France et qui était basée
sur un compromis consistant à limiter l'obligation de traduction pour la seule
partie signifiante. Si, officiellement, les déposants pourront choisir entre
trois options, anglais, allemand et français, il est à redouter que le « tout
anglais » prévale en l'absence de mesures contraignantes. L'Académie des
sciences morales et politiques a manifesté son désaccord sur le projet
gouvernemental. Pour sa part, il attire l'attention du Gouvernement sur la
contradiction que le revirement de position de l'exécutif entraîne avec la
Constitution, notamment son article 2 qui stipule que « la langue de la
République est le français ». La langue française est sans cesse menacée par
l'extension de l'anglais. Le monde industriel et le monde commercial sont des
secteurs sensibles où tout recul de la francophonie peut préfigurer d'autres
évolutions. Aussi il le remercie de bien vouloir lui indiquer si le
Gouvernement entend,
in fine,
développer une politique offensive de
maintien de l'obligation de traduction dans les différents secteurs, ou s'il
préfère capituler devant une nouvelle forme de domination linguistique.
N° 876. - M. Patrice Gélard appelle l'attention de M. le ministre de
l'intérieur sur les suites éventuelles que le Gouvernement souhaite accorder à
la réforme du mode de scrutin sénatorial compte tenu des recommandations émises
par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 6 juillet 2000 concernant la
loi relative à l'élection des sénateurs. Le dispositif du projet de loi engagé
par le Gouvernement pour réformer l'élection des sénateurs comportait deux
règles majeures (la première, pilier de ce projet de loi, modifiait très
sensiblement la composition du collège électoral du Sénat, l'autre disposition
tendait à modifier le mode de scrutin en augmentant le nombre de sénateurs élus
au scrutin proportionnel). Cette loi a fait l'objet d'une censure partielle du
Conseil constitutionnel. De plus, concernant la modification du mode de
scrutin, le Conseil constitutionnel a repris les arguments développés par les
auteurs de la saisine et a reconnu l'obligation pour le législateur de modifier
la répartition par département des sièges de sénateurs pour tenir compte des
évolutions de la population des collectivités territoriales dont le Sénat
assure la représentation. En conséquence, il lui demande quelle place il entend
accorder aux recommandations émises par le Conseil constitutionnel dans sa
décision du 6 juillet 2000 et dans quelle mesure un projet de loi en ce sens
pourrait être prochainement déposé.
N° 877. - M. Serge Franchis appelle l'attention de Mme le secrétaire d'Etat à
la santé et aux handicapés sur le fait que des informations alarmantes portant
sur la transmission des maladies à prion ont été communiquées au cours des
dernières semaines. Elles soulèvent de nouvelles questions sanitaires quant au
risque de contamination humaine. En effet, le franchissement des barrières
d'espèces, par ces agents non conventionnels, serait plus facile qu'on ne le
pensait. De plus, des porteurs sains pourraient participer à la dissémination
des agents. On peut craindre que des animaux, tels que les volailles ou le
porc, puissent être porteurs sains et mettent l'homme en danger. Les travaux
des scientifiques conduisent d'abord à envisager de prendre des décisions
radicales d'interdiction de toutes farines de viande ou d'os dans
l'alimentation des porcs, volailles et poissons. Il s'agirait là d'une
précaution élémentaire. La contamination, chez l'homme, pourrait, en outre, se
produire non seulement par voie de transfusion sanguine, mais aussi lors
d'interventions dentaires ou chirurgicales. Selon le docteur Dominique Dormont,
cette situation impose de reconsidérer la sécurité des greffes, des médicaments
d'origine humaine et de la transfusion, et aussi de réévaluer les règles de
sécurité hospitalière. Il est très vraisemblable que les procédures de
stérilisation des matériels chirurgicaux et l'usage de certains outils
diagnostiques doivent être revus. Le problème est suffisamment grave pour que
des mesures efficaces soient édictées dans les plus brefs délais. Il ne serait
pas admissible de voir renouveler certaines attitudes laxistes qui ont prévalu
lors d'autres formes de contamination. Quelles mesures vont être prises par le
Gouvernement et dans quel délai ?
N° 878. - M. Jean-Patrick Courtois appelle l'attention de Mme le secrétaire
d'Etat à la santé et aux handicapés sur les revendications légitimes exprimées
par de nombreuses familles françaises touchées par la maladie d'Alzheimer. En
effet, cette maladie, qui est une affection neurodégénérative, progresse chaque
année de façon très inquiétante et nécessite un traitement prolongé et une
thérapeutique coûteuse. Afin d'améliorer les conditions de vie des personnes
souffrant de ce handicap, une des solutions serait d'envisager un abaissement
du taux réduit de TVA de 20,6 % à 5,5 % sur les changes-couches, alèses et
gants de toilette jetables. Loin d'être des éléments de confort, ces produits
sont indispensables à la vie quotidienne de ces personnes. Par ailleurs, des
mesures urgentes doivent être prises afin de faciliter l'hébergement des
personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer dans les structures spécialisées.
En effet, la maladie n'est pas reconnue en tant que telle et entre sous la
rubrique des « troubles graves de la personnalité ». Le maintien à domicile
coûte très cher et, pour les familles, la prise en charge est épuisante. Le
malade doit être surveillé 24 heures sur 24. Aussi serait-il judicieux de
favoriser le séjour des malades dans les maisons spécialisées dont le coût de
pension reste aujourd'hui une charge financière considérable. Une des solutions
serait d'accorder à ces établissements spécialisés un agrément et de déduire le
coût des frais de pensions des revenus imposables. Les frais ne seraient donc
pas pris en charge par la sécurité sociale. Cette mesure permettrait surtout à
davantage de personnes atteintes de cette grave maladie d'être soignées dans
des conditions décentes et soulagerait la détresse morale et financière des
familles. Aujourd'hui, ce sont près de 500 000 de nos concitoyens qui sont
atteints de maladies dégénératives du cerveau, dont 70 % de la maladie
d'Alzheimer. C'est pourquoi il souhaiterait connaître la position du
Gouvernement sur les propositions ainsi formulées et les mesures qu'il entend
mettre en oeuvre pour faire droit à ces requêtes afin que des solutions
apparaissent rapidement en faveur des malades et des familles.
N° 879. - M. Francis Grignon appelle l'attention de M. le secrétaire d'Etat à
la défense chargé des anciens combattants sur la mise en place de
l'indemnisation des anciens incorporés de force dans le Reicharbeitsdienst
(RAD), service de travail forcé institué par les Allemands pendant la Seconde
Guerre mondiale. Il y a plus de deux ans, le principe de l'attribution d'une
allocation aux anciens incorporés était adopté. Le financement de cette
allocation doit être assuré conjointement par l'Etat et par la fondation
Entente franco-allemande. Le niveau de cette contribution dépendra du nombre de
bénéficiaires, qui devrait être connu prochainement. D'après la loi française
inscrite dans le code des pensions militaires d'invalidité, les RAD avaient
droit à l'indemnisation allemande, mais la rédaction du règlement intérieur de
la fondation les en a exclus. Ainsi un jugement du tribunal de grande instance
de Strasbourg les a, une première fois, déboutés de leur demande. La fondation
ne peut pas ne pas appliquer son règlement intérieur. C'est la raison pour
laquelle il ne semble pas possible de trouver une solution sur le plan
juridique. Reste la volonté politique. La fondation Entente franco-allemande
propose d'utiliser les fonds disponibles pour indemniser les anciens RAD. Mais,
en contrepartie, il est demandé au secrétaire d'Etat de compléter par un effort
comparable la contribution de la fondation. Cette mesure d'équité envers des
victimes du nazisme permettrait de clore définitivement ce douloureux dossier.
Il lui demande donc un engagement sur la date de la mise en place de
l'indemnisation des anciens incorporés de force dans le Reicharbeitsdienst.
N° 880. - Mme Nicole Borvo attire l'attention de Mme le secrétaire d'Etat au
budget sur les menaces qui pèsent sur le centre médico-social Clavel situé dans
le 19e arrondissement de Paris. Comme tous les centres médico-sociaux, celui-ci
a une mission de service public. D'ailleurs, avec près de 70 000 visites chaque
année, il est reconnu d'utilité publique. Ce centre représente en outre une
crèche familiale de 60 berceaux, un centre de protection maternelle et
infantile qui suit 1 300 enfants et un planning familial. Cette structure a été
entièrement conçue pour faciliter l'accès aux soins à la population de ce
quartier populaire. L'ensemble de ses activités s'inscrit donc dans la
politique sociale gouvernementale, prend au pied de la lettre la charte des
enfants à Paris signée en 1990 et contribue à une réelle diversification des
modes de garde. Deux credo y sont appliqués : la mixité socioprofessionnelle et
l'attention aux besoins des enfants pour faciliter leur socialisation. Mais la
dette fiscale de l'association qui gère le centre pèse de plus en plus
lourdement sur celui-ci. Pourtant, au début de cette année, l'administration
fiscale faisait preuve de bienveillance en acceptant des remboursements
mensuels de 5 000 francs. Or, il semble que la trésorerie principale du 19e
exige maintenant un remboursement annuel de 480 000 francs au lieu des 60 000
francs prévus. Il aurait même été question de saisie. Si cette décision devait
être appliquée, cela entraînerait à très court terme la fermeture du centre
médico-social. Elle lui demande par conséquent de reprendre le dialogue et
d'agir en faveur d'une solution qui puisse sauvegarder toutes les activités de
ce centre qui a une place importante dans ce quartier populaire de Paris.
N° 882. - M. Jean Chérioux attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi
et de la solidarité sur les graves conséquences pour les associations d'aide
aux handicapés de deux arrêts en date du 11 mai et du 27 juin 2000 des cours
d'appel de Versailles et Paris, écartant l'application de l'article 29 de la
loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000. Il rappelle que cet article, voté à
l'unanimité par le Sénat, avec l'avis favorable du Gouvernement, et adopté
conforme par l'Assemblée nationale, validait le dispositif de rémunération des
heures de veille pour le personnel des établissements d'accueil d'handicapés.
Il constate que cet article a été déclaré conforme à la Constitution par le
Conseil constitutionnel dans sa décision du 13 janvier 2000. Il lui demande en
conséquence quelles sont les initiatives envisagées par le Gouvernement pour
que la volonté du législateur soit respectée et l'avenir des associations
d'aide aux handicapés préservé.
N° 883. - M. Alain Hethener interroge M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement sur les modalités de la desserte de la région
Lorraine par le futur TGV Est. En effet, les conclusions d'un rapport de
Scetauroute ont ouvert le débat sur la localisation de ce qui devra devenir la
gare Lorraine, maintenant que le tracé définitif de la ligne à grande vitesse a
été arrêté. Naturellement, plusieurs sites peuvent prétendre à cette
localisation. Néanmoins, la nouvelle gare devra se trouver le plus près
possible d'un noeud de communications existant, qu'il soit routier,
ferroviaire, voire aérien. Il est vrai que le TGV doit représenter l'occasion
de mieux irriguer la région Lorraine et de permettre la multiplication des
échanges avec tous les points, même les plus isolés du secteur. Un tel objectif
suppose le soin particulier qu'il convient d'apporter au choix de l'emplacement
de la future gare TGV et des interconnexions qui en découleront. Vandières,
Cheminot, Louvigny et l'aéroport régional ? Il lui demande, pour aider à la
décision et à l'information des élus locaux, de lui indiquer l'état des
réflexions et des études menées par ses services et la SNCF et des conclusions
qui semblent s'en dégager.
N° 884. - M. Philippe Madrelle appelle l'attention de M. le ministre de
l'éducation nationale sur la faiblesse des moyens accordés au département de la
Gironde en nombre de postes budgétaires. Il lui rappelle sa volonté de mettre
en place dès la rentrée des expérimentations pédagogiques « consistant à
affecter plus de maîtres que de classes dans un certain nombre d'écoles,
notamment en zone d'éducation prioritaire pour traiter les élèves les plus en
difficulté ». Alors que des équipes d'enseignants de ZEP sont prêtes à se
lancer dans ces nouvelles expérimentations, il apparaît dommage et regrettable
que cet enthousiasme et ce dynamisme soient freinés par un manque de moyens en
personnel. En conséquence, il lui demande de quels moyens supplémentaires il
entend doter le département de la Gironde, afin que la volonté ministérielle
puisse être correctement et dans les meilleurs délais mise en oeuvre.
N° 890. - M. Fernand Demilly attire l'attention de M. le ministre de
l'agriculture et de la pêche sur la mise aux normes des bâtiments d'élevage,
qui constitue l'un des volets du programme de maîtrise des pollutions d'origine
agricole (le PMPOA). Ce programme s'inscrit dans un ensemble législatif et
réglementaire européen (directive nitrates) et national (loi sur l'eau et
installations classées). Le dispositif engagé en 1993 est prolongé jusqu'en
2003 ; il fixe le cadre financier : 30 % par l'Etat et les collectivités
locales, 35 % par l'Agence de l'eau, 35 % par l'éleveur. Un projet d'arrêté
ministériel prévoirait une nouvelle application du programme donnant la
priorité aux zones vulnérables et modifiant les modalités de financement. Ce
projet d'arrêté inquiète les éleveurs ayant déposé un dossier avant sa date de
publication et les élevages entrant dans la catégorie des installations
classées mais n'étant pas situées dans les futures zones prioritaires. Il
souhaiterait connaître les intentions du Gouvernement en ce domaine.
N° 891. - M. Marcel Bony interroge M. le ministre de l'intérieur sur la
création d'emplois fonctionnels au sein des établissements publics de
coopération intercommunale (EPCI) ruraux. Il résulte en effet du décret n°
2000-485 du 2 juin 2000 que désormais les EPCI sont classés dans une strate de
population en fonction de leur population intercommunale cumulée. Ce système
simple, calqué sur celui des communes, demeure assorti d'un seuil : au moins 20
000 habitants pour la création d'emplois fonctionnels. Ce seuil introduit une
différence de situation pénalisante pour l'intercommunalité rurale ou
semi-rurale. C'est encore plus sensible lorsqu'il s'agit d'un EPCI « à vocation
touristique » dont certaines communes membres sont surclassées et ont droit aux
emplois fonctionnels. Face à l'extension des responsabilités des EPCI, il lui
demande pourquoi une telle distinction a été privilégiée et comment valoriser
la coopération intercommunale fortement intégrée dans ces conditions. N'est-il
pas envisageable d'abaisser ce seuil comme cela avait été annoncé ? N'est-il
pas au moins concevable que le surclassement des communes soit pris en compte
au titre de l'intercommunalité ?
N° 894. - M. Jean Boyer attire l'attention de M. le ministre de l'équipement,
des transports et du logement sur la modification des rotations sur la ligne
Paris-Orly/Grenoble - Saint-Geoirs à partir du 30 octobre prochain. La récente
décision d'Air France tendant à supprimer sur la ligne Paris-Orly/Grenoble -
Saint-Geoirs une rotation sur cinq constitue un handicap très sérieux pour
l'économie grenobloise et sa région. Faut-il rappeler que plus de mille
industries de la région grenobloise sont exportatrices ? Faut-il rappeler que
cette région est la première après Paris en matière de recherche ? Du fait de
son attraction touristique, cette amputation ne serait pas de nature à répondre
aux besoins croissants des demandes étrangères et nationales. En outre, un seul
avion (Fokker 100) assurera désormais l'ensemble des rotations, ce qui fait
supposer en cas de panne de l'appareil non seulement des retards, mais
éventuellement des annulations de vols. La situation climatique de l'aéroport
de Grenoble - Saint-Geoirs (microclimat) répond parfaitement aux nombreux
déroutements, pendant la période hivernale, des atterrissages impossibles à
l'aéroport Saint-Exupéry à Lyon. C'est pourquoi il demande au Gouvernement le
maintien des rotations et des horaires actuels.
ORDRE DE CLASSEMENT DES ORATEURS
POUR LE PROCHAIN DÉBAT
ORGANISÉ PAR LA CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS
(Session ordinaire de 2000-2001)
Tirage au sort effectué le 10 octobre 2000
en application de l'article 29
bis
du règlement
1. Groupe des Républicains et Indépendants.
2. Groupe du Rassemblement démocratique et social européen.
3. Groupe communiste républicain et citoyen.
4. Groupe socialiste.
5. Groupe du Rassemblement pour la République.
6. Groupe de l'Union centriste.
7. Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun
groupe.
NOMINATION DE MEMBRES
DE COMMISSIONS PERMANENTES
Dans sa séance du
mardi 10 octobre 2000,
le Sénat a nommé :
M. Claude Lise membre de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation, en remplacement de M. Marcel Charmant,
démissionnaire ;
M. Marcel Charmant membre de la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale,
en remplacement de M. Claude Lise, démissionnaire.
NOMINATION DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES
M. Philippe Richert a été nommé rapporteur pour avis du projet de loi n° 473 (1999-2000) portant habilitation du Gouvernement à transposer, par ordonnances, des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines dispositions du droit communautaire, dont la commission des lois est saisie au fond.
COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
M. Ladislas Poniatowski a été nommé rapporteur pour avis du projet de loi n° 473 (1999-2000) portant habilitation du Gouvernement à transposer, par ordonnances, des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines dispositions du droit communautaire.
COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
M. André Jourdain a été nommé rapporteur pour avis du projet de loi n° 473 (1999-2000) portant habilitation du Gouvernement à transposer, par ordonnances, des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines dispositions du droit communautaire, dont la commission des lois est saisie au fond.
COMMISSION DES FINANCES
M. Denis Badré a été nommé rapporteur pour avis du projet de loi n° 473
(1999-2000) portant habilitation du Gouvernement à transposer, par ordonnances,
des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines dispositions du
droit communautaire, dont la commission des lois est saisie au fond.
COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LÉGISLATION, DU SUFFRAGE UNIVERSEL,
DU RÈGLEMENT ET D'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
M. Daniel Hoeffel a été nommé rapporteur du projet de loi n° 473 (1999-2000)
portant habilitation du Gouvernement à transposer, par ordonnances, des
directives communautaires.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Réhabilitation des cabanes pastorales
902.
- 6 octobre 2000. -
M. Claude Domeizel
attire l'attention de
M. le ministre de l'agriculture et de la pêche
sur le problème de l'hébergement des bergers lors de la transhumance dans les
alpages. A l'aube du xxie siècle, il est anormal que des hommes vivent dans des
conditions souvent très sommaires et dignes d'un autre siècle. Outre le
bénéfice d'un confort minimum, une amélioration des cabanes pastorales
permettrait aux bergers qui le souhaitent de séjourner avec leur famille. En
plus du maintien de l'équilibre familial, seraient aussi partagées les tâches
professionnelles et de la vie quotidienne qu'aujourd'hui le berger assume seul
; ce qui l'oblige à s'éloigner du troupeau pendant de longues heures. De plus,
si un argument supplémentaire devait être apporté, il lui paraît important de
souligner que la présence continue du berger ou d'un membre de la famille
auprès de son troupeau deviendrait alors un élément complémentaire de défense
contre les chiens errants, ou tout autre prédateur, et les intempéries. Les
départements et régions participent déjà, avec le concours des ministères de
l'environnement et de l'agriculture (Fonds national d'aménagement du
territoire, fonds de gestion de l'espace rural), au financement des
améliorations pastorales ; mais ces efforts sont à l'évidence insuffisants pour
la rénovation de ces habitats. C'est pourquoi il lui demande s'il envisage de
prendre des mesures financières plus conséquentes pour la réhabilitation ou la
construction de cabanes pastorales.
Suppression de l'émission télévisée « Montagne »
903.
- 9 octobre 2000. -
M. Jean Faure
appelle l'attention de
Mme le ministre de la culture et de la communication
sur la récente décision de France 3 Télévision de supprimer l'émission «
Montagne » diffusée le dimanche matin et produite par France 3 Grenoble. Il lui
indique que cette décision provoque le mécontentement des élus et des
populations de la montagne qui souhaitent que soit maintenu un rendez-vous
télévisuel régulier sur ce sujet, dans un créneau à plus forte audience. Il lui
précise que cette disparition du thème de la montagne des grilles de programmes
est regrettable dans un contexte où le grand public a, à son sujet, des a
priori souvent erronés et ne disposera donc plus d'un média facile d'accès pour
en appréhender les spécificités et les réalités socio-économiques.
Enseignement des langues wallisienne et futunienne
et place de Wallis et Futuna dans la nouvelle organisation
de l'enseignement supérieur dans le Pacifique
904.
- 10 octobre 2000. -
M. Robert Laufoaulu
appelle l'attention de
M. le ministre de l'éducation nationale
d'une part, sur l'enseignement des langues wallisienne et futunienne dans les
établissements scolaires et universitaires, d'autre part, sur la situation du
territoire de Wallis-et-Futuna du point de vue de l'enseignement supérieur.
Pour ce qui concerne le premier point, la loi n° 51-46 du 11 janvier 1951 dite
loi Deixonne, a mis en place un enseignement de langue et culture régionales
couvrant l'ensemble de la scolarité. Les dispositions de cette loi, qui
s'appliquaient initialement au basque, au breton, au catalan et à l'occitan,
ont été successivement étendues à d'autres langues, notamment au tahitien
(décret du 12 mai 1981) et aux langues mélanésiennes (arrêté du 20 octobre
1992). Il souhaiterait donc connaître sa position sur la possibilité d'étendre
cette loi aux langues wallisienne et futunienne. S'agissant du deuxième point,
l'université française du Pacifique, dont la compétence s'exerçait sur les
trois territoires français du Pacifique Sud, est désormais scindée en deux
entités distinctes : l'université de Polynésie française et l'université de
Nouvelle-Calédonie. En conséquence, il souhaiterait savoir quelle sera la place
exacte de Wallis-et-Futuna dans cette nouvelle organisation de l'enseignement
supérieur, et notamment, dans la logique de la première partie de cette
question, quelle pourrait être la place de l'enseignement des langues
wallisienne et futunienne dans l'enseignement supérieur.
Réforme des aides à l'embauche de jeunes
en contrat de qualification
905.
- 10 octobre 2000. -
M. Jean-Claude Carle
appelle l'attention de
Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
sur le projet de décret visant à réformer les aides forfaitaires pour les
contrats de qualification. Ce mécanisme permet d'octroyer une aide de 5 000 ou
7 000 francs aux employeurs qui concluent des contrats de qualification avec
des jeunes éligibles au dispositif. La suppression de cette aide à l'embauche
ne manquerait pas d'avoir des conséquences particulièrement graves sur le
fonctionnement des groupements d'employeurs pour l'insertion et la
qualification (GEIQ). Ces structures, dont l'instance nationale est
conventionnée depuis de nombreuses années avec le ministère en charge du
travail, embauchent notamment et mettent à disposition des employeurs membres
du GEIQ des jeunes sans qualification. Le contrat de qualification est le
contrat majoritairement mis en oeuvre au sein de ce réseau, fort de près de
quatre-vingt-dix entités. Grâce à la formation en alternance et à
l'accompagnement socioprofessionnel réalisé par le GEIQ, les jeunes salariés du
GEIQ se qualifient et s'insèrent, à l'issue de leur contrat, dans une
proportion très satisfaisante au sein d'entreprises, membres ou pas du
groupement. En tant qu'employeur, le GEIQ bénéficie de l'aide forfaitaire à
l'embauche. C'est principalement grâce à cette aide que l'accompagnement
socioprofessionnel est réalisé. En effet, alors même que les GEIQ participent
pleinement à l'insertion par l'activité économique, ils ne bénéficient d'aucune
aide publique pérenne. Dès lors, la suppression de l'aide forfaitaire à
l'embauche limiterait la capacité des GEIQ à accompagner les publics en grande
difficulté qu'ils accueillent. C'est pourquoi il souhaiterait avoir l'assurance
que sera maintenue pour les entreprises de dix salariés et plus, à l'instar de
ce qui est envisagé pour l'aide forfaitaire à l'apprentissage, la prime à
l'embauche pour les jeunes en contrat de qualification.
Reconstitution de carrière des médecins sous contrat
dans les centres hospitaliers publics
906.
- 10 octobre 2000. -
M. Bernard Cazeau
souhaite attirer l'attention de
M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat
sur le problème de reconstitution de carrière et de reconnaissance d'ancienneté
de statut des médecins sous contrat dans les centres hospitaliers publics. En
effet, à l'issue du dernier concours national de praticien hospitalier, les
médecins sous contrat dans les centres hospitaliers de Bergerac et Périgueux se
sont inscrits sur les listes d'aptitudes aux fonctions de praticien hospitalier
parues au
Journal officiel
du 27 février 2000. Or, les textes
réglementaires ne permettent pas de prendre en compte, au titre de
l'ancienneté, l'ensemble des années passées au sein du service public
hospitalier, leur situation étant trop atypique. La situation est
particulièrment préoccupante pour les médecins nommés ou dont le dossier est en
cours d'instruction au ministère de la santé. Cette situation concernera, à
terme, près de vingt-trois médecins des services d'urgences, des services
d'assistance médicale d'urgence (SAMU) et des services médicaux d'urgence et de
réanimation (SMUR) des hôpitaux de Bergerac, Périgueux et Sarlat. En
conséquence, il souhaiterait connaître les mesures qu'il entend mettre en
oeuvre pour résoudre ce problème.
Situation des associations intermédiaires d'Aquitaine
907.
- 10 octobre 2000. -
M. Auguste Cazalet
souhaite attirer l'attention de
M. le secrétaire d'Etat à l'économie solidaire
sur les difficultés rencontrées par les associations intermédiaires d'Aquitaine
dans l'exercice de leur missions ainsi que sur le bilan pour le moins mitigé
que leur union régionale vient de dresser après un an d'application des
dispositions de la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre
l'exclusion concernant l'insertion par l'activité économique, inscrites à
l'article L. 322-4-16-3 du code du travail. Ce dispositif a été complété par le
décret n° 99-109 du 18 février 1999 et s'applique aux associations
intermédiaires (AI) depuis le 1er juillet 1999. En dépit de la légitimité et du
rôle social qui leur a été reconnu par la loi, les AI d'Aquitaine ont vu leur
activité brutalement chuter puisque sept d'entre elles ont dû s'arrêter, ce qui
représente la perte de 308 salariés équivalents temps plein. Les sorties pour
contrat de travail ont diminué de 24 % en Aquitaine, 38 % dans le
Lot-et-Garonne. Cette tendance est encore plus marquée en Gironde où les AI
observent une baisse du secteur marchand de 48,6 % et de 52 % dans le bâtiment,
alors que ce secteur connaît une pénurie de main-d'oeuvre. Déplorant qu'en
période de reprise économique des personnes en difficulté soient exclues du
marché de l'emploi, les AI d'Aquitaine estiment que la loi de 1998, telle
qu'elle est appliquée à l'heure actuelle, les empêche de mener à bien leurs
missions. En raison d'abord de l'absence de financement de l'accompagnement
social pour laquelle les AI sont de plus en plus sollicitées ; il semblerait
que les entreprises d'insertion (EI) et les entreprises de travail temporaire
d'insertion (ETTI), dont les missions sont similaires et les publics concernés
très proches, bénéficient d'un financement de l'Etat de 120 000 francs pour un
poste d'accompagnateur social, les AI recevant une aide de la direction
départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS) au titre des mesures
ASI (appui social personnalisé), ce qui concernerait une très faible proportion
de salariés. Le fait ensuite de limiter à 240 heures la durée pendant laquelle
le salarié peut être admis à disposition d'un ou de plusieurs employeurs (art.
8-3° du décret du 18 février 1999), méconnaîtrait la réalité humaine du
parcours d'insertion, certains salariés pouvant accéder à un emploi ou être
envoyés vers une ETTI après 110 heures, d'autres ayant besoin d'une lente et
progressive immersion de 400 heures en secteur marchand. Enfin, la notion de
mois calendaire sur la base de laquelle est calculée l'intervention en
entreprise rendrait la mise à disposition plus complexe et réduirait le temps
disponible pour le suivi social. Il lui demande de bien vouloir lui préciser
les aménagements qu'il envisage d'apporter à la législation en direction des AI
afin que celles-ci puissent exercer pleinement leur rôle d'insertion par
l'activité économique et ainsi participer à la redynamisation du tissu
économique local.