SEANCE DU 5 OCTOBRE 2000
ADAPTATION AU DROIT COMMUNAUTAIRE
DANS LE DOMAINE DES TRANSPORTS
Adoption d'un projet de loi en deuxième lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi (n°
375, 1999-2000), modifié par l'Assemblée nationale, portant diverses
dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des
transports. [Rapport n° 481 (1999-2000).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet
de loi a pour objet de transcrire dans notre droit interne un certain nombre de
textes communautaires, conformément aux obligations faites par les traités
fondateurs de l'Union européenne.
Il nous faut donc mener à bien ce projet de loi, si possible avant la fin de
la présidence française - c'est-à-dire avant la fin de l'année -, notre pays se
devant, à cette occasion, de rattraper le retard et de montrer l'exemple.
Comme l'indique dans son rapport écrit votre rapporteur, M. Jean-François Le
Grand - je salue au passage la qualité du travail qu'il a accompli - ce projet
de loi aborde huit sujets différents.
Le Sénat et l'Assemblée nationale l'ont discuté et amendé en première lecture
dans un esprit constructif, et nous pouvons constater que la démarche des deux
chambres du Parlement est convergente sur de nombreux points.
Le dispositif à transposer a donc été largement amélioré.
Un certain nombre d'idées qui ont cheminé au cours des débats se traduisent
désormais concrètement dans le corps des articles soumis à votre examen, et
votre commission a souhaité entériner ces évolutions en acceptant la rédaction
adoptée par l'Assemblée nationale. Il convient de s'en féliciter.
Avant d'aborder les conditions de la suppression du monopole des courtiers
maritimes, sur lesquelles subsistent encore quelques divergences, je voudrais
souligner les points d'accord entre votre commission des affaires économiques
et du Plan et l'Assemblée nationale.
Dans le domaine maritime, je note tout d'abord que chacun accepte les
nouvelles règles de francisation des navires, qui faciliteront l'accès à notre
pavillon tout en insistant sur l'exigence de sécurité et de conformité des
navires aux règles de navigabilité en vigueur.
Il en va de même pour le toilettage des règles relatives au cabotage maritime,
à l'importation de charbon ainsi qu'au contrôle des brassières de sauvetage, du
marquage des bateaux de plaisance et des équipements marins destinés aux
navires professionnels.
Nous pouvons également être satisfaits de l'article 11
bis
, introduit
par l'Assemblée nationale avec l'appui du Gouvernement, qui oblige les navires
à nettoyer leurs soutes avant de quitter les ports. Il s'agit d'une mesure
indispensable pour lutter contre la pratique détestable et condamnable du
dégazage ou déballastage en mer, pratique qui pollue nos mers et nos côtes. Ce
texte anticipe d'ailleurs sur la transposition en droit français d'une
directive européenne en cours d'adoption.
A ce sujet, je souhaiterais faire une petite mise au point sur la position
française à propos de ce texte : la France y a toujours été très favorable.
Afin de faire aboutir au plus vite le projet de directive - qui comprend
d'autres volets relatifs à l'obligation d'équipement des ports et à
l'obligation de déballastage avant la sortie des ports - la France a activement
contribué à l'élaboration d'un compromis entre les positions du Parlement
européen et celles du conseil des ministres des transports. Le Parlement était
en effet favorable au principe du paiement au forfait pour financer les
infrastructures de déballastage, alors que le conseil « Transports » était
favorable au principe pollueur-payeur.
Sans notre intervention forte durant la préparation de la présidence
française, cette directive serait encore en négociation, et nous aurions perdu
quelques précieux mois supplémentaires dans l'application des principales
mesures : obligation d'équiper les ports européens, obligation de dégazer avant
de sortir du port, sanctions contre les contrevenants.
L'article 11
ter
prévoit d'ici à 2005 le dépôt devant les assemblées
parlementaires d'un rapport du Gouvernement portant sur l'évolution des moyens
alloués au contrôle maritime. Il permettra aux parlementaires de se faire une
idée précise et juste des efforts qu'aura faits le Gouvernement en la matière,
ce qui est une très bonne chose.
Dans le domaine aérien, un consensus se dégage également à propos des
conditions d'acquisition de l'aptitude à la conduite des aéronefs, des
modalités d'agrément des organismes de formation et d'expertise d'aptitude
médicale des personnels navigants, ainsi que des mesures nécessaires pour
lutter contre les prix anormalement bas dans le transport aérien.
Enfin, ne semblent pas poser de problème particulier les dispositions portant
sur les services de transports non urbains de voyageurs, celles qui concernent
l'extension des missions de Voies navigables de France ou les nouvelles
conditions d'affrètement et de formation des prix en matière de transport de
marchandises par voie navigable, tout comme celles qui visent le contrôle des
constituants d'interopérabilité du système ferroviaire transeuropéen à grande
vitesse.
Ce projet de loi est donc avant tout un texte technique destiné à mettre en
oeuvre des directives européennes, et il convient de se féliciter des apports
de chacun à cette construction.
Quelques divergences subsistent cependant, je le répète, à propos du chapitre
Ier, qui porte, comme vous le savez, sur les conditions d'évolution de la
profession des courtiers maritimes et sur la suppression de leur privilège dans
le cadre juridique créé par les traités constitutifs de l'Union européenne.
L'Assemblée nationale a souhaité revenir à la rédaction proposée par le
Gouvernement pour l'article 2 et ne pas mentionner la suppression du monopole
des courtiers, que vous aviez ajoutée en première lecture, mesdames, messieurs
les sénateurs.
Comme lors de l'examen du projet de loi relatif aux commissaires-priseurs, qui
a donné lieu à une discussion similaire, le Gouvernement confirme son analyse
selon laquelle la mesure de suppression du privilège des courtiers maritimes
consistant à présenter leur successeur à l'agrément ministériel, telle qu'elle
est prévue à l'article 1er du projet de loi, n'est pas constitutive d'une
expropriation. Le Gouvernement ne peut donc pas être favorable à l'amendement
que vous proposez à l'article 2.
En outre, votre commission vous invite également à augmenter l'indemnisation
prévue par le projet de loi en multipliant par plus de deux le montant proposé
par le Gouvernement, grâce à une modification de la base de calcul, et en
supprimant la pondération en fonction de la part du chiffre d'affaires réalisé
sur les activités faisant l'objet du privilège des courtiers.
Dans l'esprit du Gouvernement, il s'agit bien d'une indemnisation pour la
suppression du privilège des courtiers maritimes de présenter leur successeur à
l'agrément ministériel et non pour la suppression de leur monopole. Dès lors,
il ne me semble pas que l'indemnisation prévue par le projet de loi - que
l'Assemblée nationale a modifiée pour tenir compte des remarques techniques
soulevées, ici même par Mme Heinis - soit insuffisante. C'est pourquoi le
Gouvernement ne peut qu'être défavorable à cet amendement.
La commission propose que les courtiers maritimes puissent avoir accès à la
profession de commissionnaire de transport, ce que le Sénat avait d'ailleurs
voté en première lecture.
Sur ce point, le Gouvernement avait alors objecté que la profession de
commissionnaire de transport, dont les conditions d'exercice ont été récemment
modifiées, risquait d'être déstabilisée à l'occasion de ces reconversions.
Le Gouvernement ne peut que maintenir sa position, qui est d'ailleurs conforme
au vote de l'Assemblée nationale en première lecture.
S'agissant, enfin, de la prorogation du privilège détenu par les courtiers
maritimes, la position initiale du Gouvernement avait été discutée à la fois
avec la profession et avec les services de la Commission européenne. Mesdames,
messieurs les sénateurs, je souhaite attirer votre attention sur le fait qu'une
durée trop longue, telle qu'elle est envisagée par les parlementaires, pourrait
soulever d'inutiles difficultés avec la Commission. En la matière, le
Gouvernement s'en remettra donc à la sagesse des parlementaires.
Hormis quelques amendements de forme ou de coordination, nos travaux de ce
matin ne devraient donc porter que sur ce débat relatif aux modalités
d'indemnisation de la suppression du monopole des courtiers maritimes.
Je crois que nous pouvons dès à présent nous féliciter du travail accompli
entre le Gouvernement, le Sénat et l'Assemblée nationale, et féliciter encore
votre commission et son rapporteur, M. Jean-François Le Grand, qui ont eu le
souci d'aboutir à un texte qui soit le plus précis et le plus efficace
possible.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain
et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur
le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Sénat doit se
prononcer en deuxième lecture sur le projet de loi portant diverses
dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des
transports.
Ce texte concerne un certain nombre de dispositions dans les domaines
maritime, aérien et terrestre.
Huit sujets sont abordés : la suppression du monopole dont bénéficient les
courtiers interprètes et conducteurs de navires, la francisation des navires,
le cabotage maritime entre ports français, l'importation de charbon par voie
maritime, le contrôle à bord de la sécurité et des normes européennes des
navires, l'aptitude et les habilitations à la conduite d'un aéronef, le
transport routier non urbain de personnes - dit de cabotage - sur le territoire
national et l'affrètement de marchandises par voienavigable.
Je reviens brièvement sur le débat qui a eu lieu en première lecture et sur
les améliorations que le Sénat a apportées au texte.
S'agissant des professions de courtier interprète et de conducteur de navire,
le Sénat a souhaité modifier la procédure d'indemnisation de la perte du
privilège de courtier maritime en appliquant notamment à cette profession les
mesures qu'il avait retenues en faveur des commissaires-priseurs : mise en
place d'une commission présidée par un magistrat et composée pour moitié de
personnes qualifiées désignées par le ministre de la justice et pour moitié de
représentants de la profession pour évaluer les montants d'indemnisation ;
examen des recours devant la cour d'appel de Paris ; désignation d'une
commission d'experts habilitée à réévaluer, si nécessaire, le mode de calcul et
le montant de l'indemnité.
Le Sénat a aussi souhaité que les anciens courtiers maritimes puissent se
reconvertir dans un certain nombre de professions en bénéficiant d'un régime
privilégié en ce qui concerne les dispenses totales ou partielles de diplômes
ou de formation professionnelle. Il a ajouté à la liste des « professions
d'accueil » prévues par le projet de loi celles de commissaires-priseurs et de
commissionnaires de transport.
La Haute Assemblée a encore mis en place un régime fiscal particulier pour les
indemnités versées aux courtiers maritimes.
Elle a ramené de douze à six mois le délai suivant le dépôt de la demande
durant lequel l'indemnité sera versée aux courtiers.
Surtout, le Sénat a décidé de maintenir pendant trois ans après la
promulgation de la loi le monopole que le projet de loi abolit tout en levant
l'interdiction faite à cette profession par l'article 85 du code de commerce
d'effectuer des actes de commerce pour son compte propre.
La Haute Assemblée a adopté, sans modification, les articles relatifs à la
francisation des navires, au cabotage maritime entre ports français, à
l'importation de charbon par voie maritime et au contrôle à bord des
navires.
En ce qui concerne l'aptitude et les habilitations à la conduite d'un aéronef,
le Sénat a apporté trois modifications importantes. Il s'agit, d'abord, de
permettre au ministre de saisir le conseil médical de l'aéronautique civile en
cas de doute sur l'aptitude physique ou psychique du personnel navigant. Il
s'agit, ensuite, de permettre aux organismes non agréés de formation d'exercer
leur activité pour des licences non professionnelles. Il s'agit, enfin, de
permettre au titulaire d'une licence délivrée dans un Etat membre de la
Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen
d'effectuer, en cas de doute sur l'équivalence de sa licence, des épreuves
complémentaires de confirmation. C'était une proposition de notre collègue M.
Le Cam, qui avait été retenue ici même.
S'agissant des courtiers interprètes et conducteurs de navires, l'Assemblée
nationale a, pour l'essentiel, rétabli les dispositions du projet de loi
initial, sous trois réserves importantes.
Elle a admis que les anciens courtiers maritimes pourraient être dispensés,
totalement ou partiellement, de diplômes.
Elle a retenu le raccourcissement de douze à six mois du délai pour le
versement de l'indemnité aux courtiers.
Surtout, elle a accepté le principe d'une période transitoire durant laquelle
les courtiers continueront à bénéficier de leur privilège.
Pour notre commission, cet acquis est important. Même si les députés ont
ramené de trois ans à deux ans la durée de la période transitoire, il n'en
reste pas moins que les courtiers maritimes pourront bénéficier d'un délai
d'adaptation raisonnable. Cela relève, comme vous l'avez dit dans votre propos
liminaire, monsieur le ministre, de la subsidiarité. Dans ce domaine, le
Gouvernement et le Parlement français ont, je crois, une certaine liberté
d'action.
Par ailleurs, le Gouvernement a indiqué au rapporteur de l'Assemblée nationale
que le régime des plus-values nettes à long terme qui serait applicable aux
indemnités versées aux courtiers maritimes répondrait, en partie, à la
préoccupation exprimée par le Sénat à l'article 5
bis.
Nous sommes donc
d'accord sur ce principe.
En ce qui concerne le régime du pavillon national, l'Assemblée nationale a
adopté un amendement imposant aux navires, pour être francisés, d'avoir
satisfait aux visites de contrôle confirmant leur totale sécurité et leur
conformité aux règles de navigabilité en vigueur. C'est une excellente
disposition, et le Sénat s'honorera en la votant.
En matière de transport aérien, l'Assemblée nationale, tout en conservant les
modifications apportées au texte par le Sénat, a rétabli le caractère permanent
des brevets délivrés aux personnels navigants de l'aéronautique civile. Là
aussi, il s'agit d'une disposition intéressante, que je qualifierai même
d'intelligente.
(M. le ministre sourit.)
Vous pouvez sourire, monsieur
le ministre, mais il arrive parfois aussi à d'autres assemblées de faire preuve
d'intelligence. Le Sénat ne dispose pas seul de ce privilège !
M. Charles Revet.
Très bien !
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
La commission demandera donc au Sénat d'adopter cette
disposition.
En ce qui concerne le transport par voie navigable, l'Assemblée nationale a
maintenu les amendements adoptés par le Sénat.
J'en viens à mes conclusions et aux propositions que je vous soumets pour
cette deuxième lecture.
Les travaux du Sénat ont débouché sur un certain nombre d'« acquis » : la
prorogation pour deux ans du monopole des courtiers maritimes ; la faculté,
pour ces officiers publics, s'ils le souhaitent, de se reconvertir dans
d'autres professions juridiques sans condition de diplôme ou de formation
professionnelle ; l'obligation pour le Gouvernement de verser l'indemnité aux
courtiers dans les six mois de la demande d'indemnisation ; la possibilité pour
le ministre chargé de l'aviation civile de saisir le conseil médical de
l'aéronautique civile.
Néanmoins, la commission proposera, une nouvelle fois, de tenter d'améliorer
le sort des courtiers maritimes. Certes, vous avez déjà apporté quelques
éléments de réponse sur ce point voilà un instant, monsieur le ministre, mais
nous y reviendrons lors de l'examen des articles car cette question mérite un
peu de considération.
Les activités exercées dans le cadre du monopole sont rémunérées selon un
barème administratif simple : la péréquation entre opérations très rentables et
opérations déficitaires assure les recettes nécessaires au bon fonctionnement
des charges.
La perte du monopole va donc se traduire, dans le climat de concurrence
actuel, par une perte de chiffre d'affaires immédiate et importante, chacun des
prestataires de services portuaires essayant de récupérer cette activité.
La fin du monopole pourrait donc entraîner la disparition d'un grand nombre
d'offices et diminuera substantiellement l'activité, et encore plus la
rentabilité de ceux qui parviendront à survivre.
Or, il apparaît, en l'état actuel des textes, que le montant prévu de
l'indemnisation couvrira à peine les frais de fermeture. J'y reviendrai tout à
l'heure, à l'occasion de la discussion d'un amendement. Selon les calculs qui
ont été effectués, il y a, à l'évidence, tout juste compensation des frais de
fermeture, mais pas véritablement indemnisation de la perte du monopole.
Par ailleurs, je vous proposerai trois amendements à l'article 4 qui auront
pour objet de rappeler que l'indemnisation devra porter aussi sur la
suppression du monopole - c'est ce que j'ai dit à l'instant - et de retenir,
pour le calcul d'évaluation des offices, un mode équitable.
L'Assemblée nationale n'a pas accepté que les courtiers maritimes puissent se
reconvertir dans la profession de commissionnaire de transport. Nous y
reviendrons, là encore, lors de la discussion d'un amendement correctif.
Tout à l'heure, monsieur le ministre, vous avez cité la directive « Sécurité
en mer ». Vous avez exprimé le souhait de voir cette directive adoptée pendant
la présidence française de l'Union européenne. Sachez que nos voeux vous
accompagnent. En tant qu'élu d'un département maritime, je souhaite que cette
directive puisse voir le jour dans les meilleurs délais. Nous ne pouvons plus
attendre. Laisser subsister une totale impunité en ce domaine présente trop de
risques. Il faut une réglementation.
De même, j'ai déjà eu l'occasion de vous le dire en d'autres circonstances,
l'Organisation maritime internationale, l'OMI, ne peut continuer à fonctionner
selon son mode actuel. En effet, elle émet des recommandations mais n'a pas de
véritable capacité à réglementer l'espace maritime. Une réglementation existe
pour le ciel. Il existe donc une lacune. Je souhaiterais non seulement
l'adoption rapide de la directive mais, aussi vous suggérer la création d'un
Institut du droit maritime qui traiterait du droit international de la mer et
ferait évoluer la situation en ce domaine. Je vous proposerai, si vous en êtes
d'accord, l'université de Cherbourg
(Sourires)
qui me paraît très bien adaptée, qu'il s'agisse de sa
situation, de sa finalité ou de sa capacité à former cette nouvelle profession.
Il existe également en ce domaine une lacune. Je suis certain, monsieur le
ministre, que vous adhérerez à ce principe. Nous pouvons essayer, ensemble, de
faire évoluer le droit international afin que la mer ne soit plus un simple
enjeu sans codification.
M. Jacques Oudin.
Très bien !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
C'est une bonne idée !
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Monsieur le président, je demanderai tout à l'heure une
suspension de séance pour permettre à la commision d'examiner six amendements
qui émanent d'elle ou de certains sénateurs afin de pouvoir apporter une
réponse pertinente.
Sous réserve du sort réservé à ces amendements et aux propositions que j'ai
formulées, il vous sera recommandé, mes chers collègues, d'adopter le texte
ainsi amélioré par le Sénat.
(Applaudissements sur les travées du RPR, du
groupe des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste. - Mme
Dieulangard applaudit également.)
M. le président.
La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous
abordons, aujourd'hui, la deuxième lecture d'un texte dont l'actualité du début
de cette année - le naufrage de l'
Erika
et la catastrophe écologique qui
en a résulté - soulignait déjà les enjeux lors de la première lecture, en
février 2000.
Huit mois ont passé. Malheureusement, les conséquences liées au naufrage de
l'
Erika
sur nos côtes sont encore bien présentes puisque, en raison des
grandes marées, de nombreux sites sont de nouveau gravement pollués par du
pétrole qui s'était répandu au fond de la mer.
Aux dégâts directs sur l'environnement, il faut ajouter les conséquences
économiques pour les professionnels de la mer et du tourisme. Pour beaucoup,
les difficultés induites par la marée noire ont appelé des aides
exceptionnelles de la part de l'Etat.
En tant qu'élue de Loire-Atlantique, j'axerai mon bref propos, comme je
l'avais fait en première lecture, sur le titre Ier qui traite de mesures
concernant le transport maritime.
Sans revenir sur le caractère disparate des mesures abordées dans ce titre, je
note cependant qu'elles portent, pour plusieurs d'entre elles, sur des
questions fondamentales comme la sécurité en mer et la définition du pavillon
maritime.
La sécurité en mer fait partie de nos préoccupations premières. Des décisions
prises à l'échelon national mais, surtout, au niveau européen dépendra l'avenir
de notre littoral, qui ne peut régulièrement être soumis à l'inconscience
criminelle d'armateurs de bateaux, animés uniquement par le souci de la
rentabilité financière.
Le Gouvernement a su saisir, à cette occasion, l'opportunité de faire voter en
première lecture, à l'Assemblée nationale, des dispositions visant à renforcer
la lutte contre certaines pollutions d'autant plus inacceptables qu'elles sont
le plus souvent volontaires. Il s'agit de mesures contre les dégazages
sauvages. Notre groupe les avait expressément demandées et je dois dire
qu'elles ont reçu un écho très favorable puisque les députés ont amendé le
dispositif puis voté l'ensemble du texte à l'unanimité.
Nous nous étions abstenus lors de la première lecture, au Sénat, estimant que
les amendements proposés par la commission ne se justifiaient pas. Ceux-ci
avaient pour finalité de protéger davantage la profession de courtier
interprète dont certains privilèges avaient été supprimés. Nous avions estimé
que le texte gouvernemental allait assez loin, et nous ne reviendrons pas sur
cette position. Nous ne soutiendrons donc pas les quelques amendements déposés
par la commission, laquelle, en deuxième lecture, nous propose de revenir au
texte initialement voté par la majorité sénatoriale.
J'avais insisté, lors de mon intervention en première lecture, sur la prise de
conscience indispensable de la communauté internationale face à ces fléaux que
représente, pour l'avenir de notre planète, la multiplication des naufrages de
navires transportant des produits dangereux. Nous pouvons influer sur cette
prise de conscience. Pour cette raison, la présidence française de l'Union
européenne a placé au rang de ses priorités la sécurité maritime. J'adhère
totalement à cette volonté de priorité et je souhaite vivement que les autres
membres s'engagent eux aussi dans cette démarche. Dans le cadre européen, nous
pourrons mieux contrôler les navires.
La Commission européenne vient d'ailleurs de rendre un rapport contenant des
propositions intéressantes, telles que la mise en place d'un système
d'information sur le trafic maritime et un système d'identification automatique
permettant le suivi des navires, l'installation de mouchards sur les navires en
vue de faciliter les enquêtes en cas de naufrage, une révision du régime de
responsabilité et de compensation des dommages, l'augmentation du plafond
d'indemnisation du FIPOL et d'autres mesures encore.
Il en va non seulement de la sauvegarde de notre littoral et de celui de
l'Europe en matière environnementale, écologique et touristique, mais également
de la préservation du littoral mondial. Le temps n'est plus aux atermoiements ;
des mesures drastiques s'imposent contre les pollueurs.
Les dispositions des titres II, III et IV n'appellent pas de ma part de
remarques spécifiques.
M. le président.
La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de
loi que nous examinons aujourd'hui en deuxième lecture vise à transposer des
directives européennes négociées et votées précédemment. Ayant déjà eu
l'occasion d'exprimer les réserves du groupe communiste républicain et citoyen
sur la forme d'un tel projet lors du débat en première lecture, je n'y
reviendrai pas ; mais ces réserves me semblent toujours justifiées.
Sur le fond, je doit reconnaître que certaines avancées ont été
incontestablement obtenues lors du passage du texte à l'Assemblée nationale.
Je pense, par exemple, aux amendements visant à un meilleur contrôle maritime,
notamment en ce qui concerne le dispositif de lutte contre les dégazages, ou à
la demande faite au Gouvernement de remettre un rapport sur l'évolution des
moyens alloués au contrôle maritime d'ici à 2005.
Je me félicite également des mesures introduites concernant le transport par
voies navigables, permettant par exemple aux autorités de la navigation
fluviale de connaître la nature juridique exacte des transports effectués sur
ces voies afin d'exercer leurs contrôles.
Je citerai également tout particulièrement l'amendement du Gouvernement adopté
par l'Assemblée nationale visant à assurer le contrôle des éléments
d'interopérabilité du système ferroviaire transeuropéen à grande vitesse. Cela
va dans le sens d'une volonté de développement de ce système que nous soutenons
fermement.
Certes donc, des avancées dans certains domaines ont été obtenues, et je
prends acte de la volonté du Gouvernement de limiter les conséquences néfastes
d'une réglementation libérale.
Cependant, je ne peux que déplorer, comme je l'avais fait lors de la première
lecture, les risques que fait courir à l'ensemble des professions et secteurs
concernés, en France, le développement de la concurrence contenu dans ce projet
de loi.
En effet, quelles que soient les adaptations et les concertations en amont
avec les professionnels, que je salue d'ailleurs, monsieur le ministre, ce
projet de loi s'inspire d'une réglementation européenne dans le domaine des
transports qu'on ne peut qualifier que d'ultralibérale et dont nous dénonçons
les objectifs et la logique.
Le principe de mise en concurrence toujours plus forte est lourd de dangers
pour l'avenir de nombreux secteurs fragilisés. Je pense en particulier à la
batellerie artisanale, aux petits ports, aux risques aggravés de
dumping
social liés à l'élargissement de la francisation des navires...
La question de la suppression du monopole conféré à la profession des
courtiers-interprètes et conducteurs de navires va fait l'objet, sur
l'initiative de la commission des affaires économiques, d'amendements que nous
approuvons. Même si cette profession ne concerne qu'un petit nombre d'individus
et si les questions d'indemnisation peuvent légitimement être considérées ici
comme moins urgentes que dans d'autres domaines, il n'en reste pas moins que
les interrogations persistent quant à l'avenir de cette activité, malgré, je le
répète, la concertation engagée avec les professionnels.
En conclusion, si des efforts significatifs sont à noter quant à la mise en
place de dispositions visant à limiter les conséquences négatives de la
réglementation européenne, je maintiens cependant de grandes réserves à l'égard
d'un projet de loi dont le socle libéral me semble fortement contestable.
Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstiendra donc sur ce texte.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Plusieurs
orateurs ont évoqué, au-delà de la question traitée dans ce projet de loi, des
problèmes plus généraux concernant la sécurité maritime. A cet égard, je
partage bien sûr le souci exprimé quant à la nécessité de progresser à
l'échelle non seulement de notre pays, mais aussi de l'Europe et de
l'organisation maritime internationale. Ces points sont d'ailleurs actuellement
en débat au sein du conseil des ministres des transports européens en vue
d'accélérer le processus de sécurisation et de responsabilisation dans le
secteur de la sécurité maritime.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Monsieur le président, la commission devant se réunir pour
examiner les six amendements lui restant à étudier, je vous demande une
suspension de séance d'une vingtaine de minutes.
M. le président.
Le Sénat va bien sûr accéder à votre demande, monsieur le rapporteur.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix heures dix, est reprise à dix heures
trente-cinq.)