Séance du 26 juin 2000
CONVENTIONS FISCALES AVEC LA LITUANIE,
L'ESTONIE ET LA LETTONIE
Adoption de trois projets de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion :
- du projet de loi (n° 80, 1999-2000), autorisant l'approbation de la
convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement
de la République de Lituanie en vue d'éviter les doubles impositions et de
prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et
sur la fortune (ensemble un protocole) [Rapport n° 436 (1999-2000)].
- du projet de loi (n° 78, 1999-2000), autorisant l'approbation de la
convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement
de la République d'Estonie en vue d'éviter les doubles impositions et de
prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et
sur la fortune (ensemble un protocole) [Rapport n° 434 (1999-2000)].
- du projet de loi (n° 79, 1999-2000), autorisant l'approbation de la
convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement
de la République de Lettonie en vue d'éviter les doubles impositions et de
prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et
sur la fortune (ensemble un protocole) [Rapport n° 435 (1999-2000)].
La conférence des présidents a décidé que ces trois projets de loi feraient
l'objet d'une discussion générale commune.
Dans la discussion générale commune, la parole est à Mme le secrétaire
d'Etat.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat au budget.
Monsieur le président, monsieur le
rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les trois conventions soumises à
votre approbation présentent la particularité d'avoir fait l'objet d'une
négociation collective, d'où sans doute leur examen conjoint par votre Haute
Assemblée.
En effet, c'est sur l'intiative des trois Etats baltes que cette négociation a
été entreprise en 1994, en raison de leur refus de continuer à être engagés par
une convention fiscale franco-soviétique du 4 octobre 1985, ces Etats ayant
toujours rejeté la légalité de l'annexion soviétique en 1940.
Les négociations achevées en 1997 ont permis d'aboutir à la mise au point de
trois textes pratiquement identiques qui permettront de combler un vide
juridique préjudiciable aux intérêts français dans ces Etats.
Sur le plan des principes, ces trois conventions comportent des dispositions
conformes à celles du modèle de convention fiscale de l'OCDE, l'Organisation de
coopération et de développement économique, ce qui, dès leur entrée en vigueur,
améliorera le sort de nos entreprises qui investissent dans les Etats baltes et
sont actuellement soumises à la législation locale des retenues à la source sur
les intérêts, dividendes et redevances de ces Etats. Ces taux les handicapent
sans conteste par rapport à leurs concurrents européens.
C'est ainsi que la nouvelle convention conclue avec l'Estonie permettra de
ramener le taux de retenue à la source pratiqué pour les redevances de 15 % à 5
ou 10 % selon les cas et celui qui est pratiqué pour les intérêts de 26 % à 10
%.
Afin d'équilibrer les résultats de la négociation, la France a accepté de
prendre en compte le niveau de développement économique des trois Etats baltes
en permettant que certaines clauses s'écartent du modèle de l'OCDE. C'est
notamment le cas des taux de retenue à la source pratiqués sur les redevances
et intérêts du capital, ce qui préserve les recettes fiscales de ces Etats
compte tenu du caractère déséquilibré des flux au profit de la France.
De même, un chantier de construction ou de montage sera considéré comme un
établissement fixe à compter d'une période de seulement six mois, conformément
au modèle de convention de l'ONU.
La France a néanmoins obtenu de revenir aux règles de l'OCDE, qui préconisent
en la matière une durée de douze mois à l'issue d'une période de dix ans, la
croissance économique et les perspectives d'adhésion à l'Union européenne
justifiant ce retour aux normes habituelles.
Enfin, afin de minimiser les conséquences du vide juridique en matière fiscale
qui existe depuis 1994, la France a su négocier à son avantage une entrée en
vigueur rétroactive pour deux des trois conventions : au 1er janvier 1996 avec
l'Estonie, et au 1er janvier 1997 avec la Lituanie.
Je voudrais maintenant souligner l'intérêt économique des conventions qui sont
soumises à votre approbation.
En ce qui concerne l'Estonie, retenue dans la première vague des candidats à
l'adhésion à l'Union européenne, l'intérêt de la mise en place d'un
environnement fiscal stable entre les deux Etats est évident. Il convient en
effet de sauvegarder les intérêts des ressortissants français et des
entreprises françaises, bien implantées dans cet Etat.
Les relations économiques entre la France et l'Estonie sont en plein essor.
Avec un accroissement de près de 70 % par rapport à 1996, le montant des
exportations françaises vers l'Estonie s'est élevé en 1997 à 389 millions de
francs, tandis que les importations diminuaient de 14,3 %.
L'Estonie représente donc sans conteste un marché prometteur pour nos
entreprises, avec une reprise de la croissance depuis 1995 - malgré une baisse
en 1999 - et une économie sensiblement assainie. Ce pays se caractérise par une
forte présence française.
En outre, le secteur automobile se développe de façon particulièrement
prometteuse et la nouvelle convention profitera aux entreprises françaises
implantées dans ce pays.
Si la France a pu se hisser au rang de huitième fournisseur, derrière
notamment la Finlande, l'Allemagne et la Suède, il convient cependant de
déplorer qu'elle ne soit que le trente-quatrième investisseur en Estonie,
d'autant plus que la relative bonne santé économique estonienne incite à
relativiser notre présence dans ce pays. Nos ventes y restent inférieures à
celles que nous réalisons en Lituanie et en Lettonie.
Dans le cas de la Lettonie, nos échanges commerciaux demeurent modestes. En
dépit d'une progression de 30 % de ses exportations en 1998, la France ne se
classe qu'au douzième rang des fournisseurs de ce pays, avec une part de marché
de 3,1 % en 1999, loin derrière l'Allemagne, la Russie et les pays
nordiques.
La présence commerciale française tend à se développer : des sociétés qui
produisent des biens d'équipement ont obtenu plusieurs grands contrats. La
nouvelle convention fiscale devrait permettre de pallier la quasi-absence
d'investissement en Lettonie et de développer les implantations françaises dans
un pays qui a renoué avec la croissance depuis 1995.
Enfin, la Lituanie connaît un retard de développement économique par rapport
aux deux autres pays baltes et a dû faire face à la récession en 1999. De ce
fait, nos échanges ont subi des baisses importantes après trois années
consécutives de très forte croissance. La France conserve actuellement sa
huitième place de fournisseur de la Lituanie, loin derrière la Russie et
l'Allemagne.
En raison de la récession, les projets des entreprises françaises en Lituanie
ont subi des retards et on note une faiblesse des investissements de nos
entreprises dans ce pays où la France ne se situe guère qu'au quinzième rang
des investisseurs.
Cependant, l'amélioration de la situation économique lituanienne et l'attrait
du marché lituanien devraient encourager les investissements français et les
échanges avec ce pays, désireux de s'ancrer au monde occidental et susceptible
de constituer un point d'appui pour nos entreprises.
Les trois Etats baltes ont achevé, dès la fin de 1997, leurs procédures
internes d'approbation des présentes conventions. Il convenait de combler le
vide juridique créé par la dénonciation de la convention fiscale
franco-soviétique de 1985 et de mettre en place un régime fiscal sûr et stable,
favorable à nos entreprises en leur permettant de rivaliser enfin avec nos
partenaires européens, mieux implantés que nous dans ces Etats.
Ce sera chose faite si les conventions en vue d'éviter les doubles impositions
conclues le 14 avril 1997 avec la Lettonie, le 7 juillet 1997 avec la Lituanie
et le 28 octobre 1997 avec l'Estonie recueillent l'approbation de votre
assemblée.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Chaumont,
rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des
comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, madame la
secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les Etats baltes ont refusé d'être liés
par les engagements juridiques de l'Union soviétique et, en particulier, par la
convention fiscale franco-soviétique du 4 octobre 1985. Ils avaient exprimé le
désir de négocier ensemble avec leurs partenaires, tout d'abord avec
l'Allemagne et les pays scandinaves, ensuite avec la France, les nouvelles
conventions fiscales qui sont soumises aujourd'hui au vote de la Haute
Assemblée.
Les parlements des Etats baltes ont approuvé ces conventions en 1997 et 1998.
Il est donc urgent que le Parlement français soit saisi de ces textes, ce qui
permettra aux entreprises et aux ressortissants français présents dans ces pays
ou souhaitant s'y installer de bénéficier des garanties qui leur sont
nécessaires. En effet, du fait du vide juridique actuel, certaines entreprises
françaises payent leurs impôts à la fois en France et dans les pays baltes.
Ces trois conventions sont conformes pour l'essentiel au modèle de l'OCDE et
les quelques dispositions qui s'en écartent résultent dans la plupart des cas,
soit de demandes de la partie française qui découlent de notre modèle de
convention fiscale, soit de demandes des pays baltes qui ont été acceptées par
la France.
De manière très concrète, les conventions entre la France et les pays baltes
s'écartent du modèle de l'OCDE sur les points que je vais rappeler.
S'agissant de la notion d'établissements stables, la durée à partir de
laquelle un chantier constitue un établissement stable est de six mois et ce
pour une période transitoire de dix ans à compter de la date de prise d'effet
des conventions, contre douze mois dans le modèle de l'OCDE, durée qui
s'appliquera à l'issue de cette période transitoire.
Par ailleurs, les revenus des parts ou actions conférant à leur détenteur la
jouissance de biens immobiliers situés dans un Etat contractant sont imposables
dans cet Etat. Cette disposition est nécessaire pour adapter la convention au
droit interne français, dans lequel les personnes qui détiennent des parts dans
une société civile immobilière sont considérées, sur le plan fiscal, exactement
comme si elles étaient directement propriétaires des immeubles gérés par cette
société.
En ce qui concerne l'imposition des bénéfices des entreprises, les dépenses
admises en déduction ne comprennent, pour une période transitoire de dix ans,
que les dépenses qui seraient déductibles en vertu de la législation interne
des pays baltes à leurs propres résidents.
En outre, l'Etat de résidence de la société peut appliquer une retenue à la
source à un taux réduit de 5 % sur les dividendes lorsque ces derniers sont
payés à une société qui détient 10 % du capital de la société qui distribue les
dividendes, contre 25 % dans le modèle de l'OCDE.
Par ailleurs, l'Etat de la source conserve la possibilité d'imposer les
intérêts au taux maximum de 10 %, mais les négociateurs français ont obtenu une
exonération pour les intérêts relatifs aux prêts garantis par la Compagnie
française d'assurance pour le commerce extérieur, la COFACE. Les intérêts
versés à un Etat contractant ou à sa banque centrale, ainsi que les intérêts
liés à des opérations de vente à crédit de marchandises ou d'un équipement
industriel, commercial ou scientifique sont également exonérés d'imposition à
la source.
Alors que le modèle de convention de l'OCDE prévoit que les redevances sont
imposables dans l'Etat de résidence de leur bénéficiaire, les conventions
prévoient une retenue à la source en matière de redevances, y compris pour la
location d'équipements.
S'agissant des mécanismes visant à éviter la double imposition, les revenus
qui ne font pas l'objet de mentions particulières ne sont imposables, en
principe, que dans l'Etat de résidence. Toutefois, ces revenus pourront
également être imposés dans l'Etat contractant dont ils proviennent pendant une
période transitoire de dix ans.
Cette période transitoire de dix ans, prévue par plusieurs dispositions de ces
conventions, a été acceptée par la France, car nos principaux partenaires
n'ayant pas obtenu de meilleures clauses, comme Mme le secrétaire d'Etat l'a
souligné, il était peu probable que la France obtienne des conditions plus
avantageuses sans donner des contreparties.
Enfin et surtout les milieux d'affaires français considéraient que l'essentiel
était d'obtenir un texte remédiant à l'insécurité juridique qui résultait du
refus - compréhensible - des pays baltes de se reconnaître comme Etats
successeurs de l'ancienne Union soviétique.
La principale différence entre les trois conventions fiscales conclues avec
les pays baltes - la Lettonie, l'Estonie et la Lituanie - réside dans la date
d'entrée en vigueur des conventions. Si les dispositions de la convention
conclue avec la Lettonie s'appliqueront le 1er janvier de l'année suivant celle
de son entrée en vigueur, il n'en est pas de même pour les deux autres Etats
baltes. Les conventions conclues avec l'Estonie et la Lituanie comprennent, en
effet, un dispositif de prise d'effet radioactif, respectivement au 1er janvier
1996 et au 1er janvier 1997.
Compte tenu du vide juridique qui existait dans les pays baltes depuis leur
indépendance, le Gouvernement français s'est efforcé d'obtenir un effet
rétroactif maximal pour l'entrée en vigueur des conventions, afin que les
investisseurs français dans les pays baltes puissent bénéficier de
régularisations pour les impôts payés dans ces pays à compter de 1991. La
France n'a pu obtenir d'effet rétroactif pour la convention avec la Lettonie,
parce que ce pays considérait que des problèmes pratiques s'opposaient à la
mise en oeuvre de procédures de régularisation d'impôt
a posteriori.
Votre commission des finances vous propose d'adopter les trois projets de loi
autorisant l'approbation des conventions fiscales avec les pays baltes.
Telles sont, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les différences
essentielles entre ces conventions et la convention type de l'OCDE. Après les
avoir examinées, votre commission des finances vous propose d'adopter les trois
projets de loi qui autorisent l'approbation des conventions fiscales avec les
pays baltes.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ?...
La discussion générale commune est close.
CONVENTION FISCALE AVEC LA LITUANIE
M. le président.
Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 80 :
«
Article unique. -
Est autorisée l'approbation de la convention entre
le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République
de Lituanie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et
la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune
(ensemble un protocole), signée à Paris le 7 juillet 1997 et dont le texte est
annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
CONVENTION FISCALE AVEC L'ESTONIE
M. le président.
Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 78 :
«
Article unique. -
Est autorisée l'approbation de la convention entre
le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République
d'Estonie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et
la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune
(ensemble un protocole), signée à Paris le 28 octobre 1997 et dont le texte est
annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
CONVENTION FISCALE AVEC LA LETTONIE
M. le président.
Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 79 :
«
Article unique. -
Est autorisée l'approbation de la convention entre
le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République
de Lettonie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et
la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune
(ensemble un protocole), signée à Paris le 14 avril 1997 et dont le texte est
annexé à la présente loi.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
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