Séance du 06 juin 2000
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Adaptation francs-euros dans les textes législatifs.
- Adoption d'un projet de loi (p.
1
).
Discussion générale : Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la
justice ; MM. Denis Badré, rapporteur de la commission des finances ; Paul
Loridant.
Mme le garde des sceaux.
Clôture de la discussion générale.
Articles 1er à 1er ter et 2. - Adoption (p. 2 )
Adoption de l'ensemble du projet de loi.
Suspension et reprise de la séance (p. 3 )
PRÉSIDENT DE M. CHRISTIAN PONCELET
3.
Eloge funèbre de Roger Husson, sénateur de la Moselle
(p.
4
).
MM. le président, Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie.
Suspension et reprise de la séance (p. 5 )
4.
Conférence des présidents
(p.
6
).
5.
Communication relative à des commissions mixtes paritaires
(p.
7
).
6.
Orientation budgétaire.
- Débat sur une déclaration du Gouvernement (p.
8
).
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances.
7.
Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire d'Ukraine
(p.
9
).
8.
Orientation budgétaire.
- Suite du débat sur une déclaration du Gouvernement (p.
10
).
MM. Alain Lambert, président de la commission des finances ; Jean
François-Poncet, président de la commission des affaires économiques ; Jean
Delaneau, président de la commission des affaires sociales ; Xavier de
Villepin, président de la commission des affaires étrangères ; Roland du Luart,
Philippe Adnot, Jacques Oudin, Mme Marie-Claude Beaudeau.
Suspension et reprise de la séance (p. 11 )
MM. Gérard Delfau, Bernard Angels, Denis Badré, Joël Bourdin, Charles Descours,
Paul Girod, Michel Sergent, Yves Fréville, Gérard César, Gérard Braun, Xavier
Darcos, Alain Joyandet.
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Clôture du débat.
9.
Dépôt d'une proposition de loi
(p.
12
).
10.
Texte soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution
(p.
13
).
11.
Dépôt de rapports
(p.
14
).
12.
Ordre du jour
(p.
15
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à dix heures cinq.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
ADAPTATION FRANCS-EUROS
DANS LES TEXTES LÉGISLATIFS
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 330, 1999-2000),
adopté par l'Assemblée nationale, portant habilitation du Gouvernement à
adapter par ordonnance la valeur en euros de certains montants exprimés en
francs dans les textes législatifs. [Rapport n° 372 (1999-2000).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, l'entrée dans l'euro, réalisée le 1er
janvier 1999, constitue une étape essentielle de l'histoire politique et
économique de l'Europe et de notre pays.
En effet, en décidant de mettre en commun l'un des attributs essentiels de
leur souveraineté, les Etats de la zone euro ont permis une intégration
renforcée de l'Europe sur les plans économique, monétaire et financier.
Ils ont également franchi un pas important vers une union politique plus
étroite.
Cette intégration monétaire fut un processus long et progressif, dont la
dernière étape est fixée au 1er janvier 2002, date à laquelle les monnaies
nationales disparaîtront pour laisser définitivement place à la monnaie
unique.
Cette dernière phase sera la plus visible, mais aussi la plus délicate pour
nos concitoyens, puisqu'il faudra que chacune et chacun s'adapte à la nouvelle
monnaie.
Vous savez que le Gouvernement a entrepris diverses actions pour que tous les
acteurs de la vie économique - particuliers, entreprises, associations et
administrations - soient pleinement partie prenante de ce passage à l'euro. Il
a lancé, à cette fin, une vaste campagne d'information auprès du grand public
et des entreprises.
L'Etat n'est pas resté à l'écart de ce mouvement général et une structure
interministérielle de préparation des administrations au passage à l'euro a été
créée, dite « Mission euro ».
Il faut aujourd'hui parachever ces efforts à destination de nos contitoyens en
veillant à ce qu'ils n'aient pas l'impression que la monnaie unique se fait
sans eux.
Réussir le passage à l'euro dans la clarté et sans qu'une partie des Français
aient le sentiment de rester au bord de la route, voilà la tâche qui nous
attend !
Le projet de loi d'habitation qui vous est soumis contribue, en réalisant
l'adaptation de notre législation au passage à l'euro, à préparer l'échéance du
1er janvier 2002 pour que l'euro soit pour tous une réussite.
Dans la perspective de l'abandon définitif des monnaies internes par chaque
Etat membre, le Conseil de l'Union européenne a prévu que les références aux
unités monétaires nationales figurant dans les textes normatifs doivent, à
compter du 1er janvier 2002, être lues comme des références à l'euro.
Ainsi, toutes les références au franc figurant dans nos lois et décrets
devront être considérées, sans qu'il soit besoin pour cela de prendre des
mesures nationales particulières, comme des références à l'euro.
Cette opération automatique doit être effectuée conformément aux règles de
conversion et d'arrondi issues du règlement européen, ce qui conduira à rendre
certains montants exprimés en francs moins « lisibles » et par conséquent plus
difficilement applicables.
A titre d'exemple, l'amende de 300 000 francs prévue en cas de vol par
l'article 311-3 du code pénal devra automatiquement être lue, à compter du 1er
janvier 2002, comme étant d'un montant de 45 734,71 euros.
De même, le montant minimal du capital social d'une SARL, soit 50 000 francs,
devrait être lu comme étant de 7 622,45 euros.
Chacun conviendra que ces montants sont plus difficiles à mémoriser que les
anciennes valeurs en francs et que certaines références risquent de perdre leur
valeur symbolique ou pédagogique.
C'est pourquoi le Gouvernement propose d'anticiper sur la conversion
automatique et d'adapter certains montants convertis, afin de maintenir leur
lisibilité.
Pour reprendre l'exemple du capital social minimal d'une SARL, il pourrait
être fixé à 7 500 euros, valeur qui s'écarte d'à peine 1,6 % du montant
converti automatiquement, mais qui sera bien plus facile à identifier et à
mémoriser pour les utilisateurs.
Bien entendu, il n'est nullement question de modifier, à cette occasion, le
fond des règles de droit en vigueur. Il est simplement question d'assurer le
maintien de la clarté et de l'efficacité des montants inscrits dans les normes
juridiques.
Il va par ailleurs de soi que les adaptations doivent rester marginales et ne
concerner que les textes pour lesquels il serait problématique ou dommageable
de s'en tenir au montant résultant de la conversion communautaire.
J'en viens maintenant aux principes qui devront guider le Gouvernement pour
procéder par ordonnance, puisque tel est le choix qui a été fait, plutôt que de
soumettre au Parlement un projet de loi d'adaptation.
Les textes de notre corpus législatif concernés par cette conversion sont
extrêmement nombreux, le plus souvent techniques et touchent à des domaines
variés.
Il a fallu trois ans au groupe de travail interministériel pour faire le tri
entre ceux qui pourraient s'accommoder des règles de conversion automatiques et
ceux qui nécessitent, au contraire, des adaptations particulières, et pour
mesurer les impacts économique, social, fiscal et budgétaire des modifications
envisagées.
Afin que ces adaptations ne dépassent pas ce qui est strictement nécessaire
pour garantir la lisibilité de notre législation, le Gouvernement s'est
lui-même fixé des lignes directrices précises encadrant strictement l'action de
tous les ministères concernés.
Premièrement, comme je l'ai déjà dit, l'adaptation envisagée s'appliquera non
pas à l'ensemble des références en francs, mais seulement à celles qui peuvent
difficilement s'accommoder de valeurs comportant deux chiffres après la
virgule.
Deuxièmement, l'ensemble des adaptations suivra un principe de neutralité
financière globale, destiné à éviter que, d'un côté, les particuliers et les
entreprises, de l'autre, l'Etat, les collectivités locales ou les
établissements publics ne soient financièrement favorisés ou désavantagés.
Troisièmement, une harmonisation des solutions pour des seuils et montants
comparables ou relevant d'une même matière a été recherchée.
Quatrièmement, pour les sanctions pécuniaires, quelle qu'en soit la nature -
pénale, fiscale, civile, etc. - le nombre très élevé de textes concernés et la
nécessité d'un traitement homogène conduisent à retenir systématiquement un
arrondi à la baisse, afin de ne pas aggraver la répression des infractions à
l'occasion du passage à l'euro.
Cinquièmement, en matière de législation fiscale, les seuils, abattements et
tarifs très nombreux qui figurent dans le code général des impôts et dans le
livre des procédures fiscales feront l'objet d'un traitement cohérent et aussi
neutre que possible compte tenu des enjeux budgétaires.
Dans tous les cas, le Gouvernement a eu le souci d'encadrer les variations de
montant autorisées et il a pris des engagements très précis en ce sens.
Le projet de loi d'habilitation prévoit également des dispositions spécifiques
d'habilitation pour les territoires d'outre-mer concernés par cette
adaptation.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je veux encore une fois insister sur les
conséquences majeures sur la vie quotidienne de nos concitoyens qu'aura le
changement de monnaie fiduciaire.
Ceux d'entre nous qui ont connu le passage au nouveau franc voilà plus de
quarante ans savent combien les signes monétaires et la valeur des choses
qu'ils expriment sont profondément enracinés dans l'expérience vécue de nos
concitoyens. Nous mesurons tout le travail que chaque usager devra fournir pour
se familiariser avec les nouveaux montants libellés en euros.
Laisser aux ménages, entreprises et administrations un délai d'un an pour se
familiariser avec les nouveaux montants avant qu'ils ne s'appliquent légalement
sera aussi un facteur de réussite du passage à l'euro. Tel est bien l'objet du
texte qui vous est soumis.
Il me reste à remercier votre commission des finances et son rapporteur, M.
Denis Badré, pour le travail accompli. Son rapport démontre que, tant sur les
objectifs que sur les moyens de les atteindre, le Gouvernement et le Sénat sont
à l'unisson sur ce sujet européen.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Denis Badré,
rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des
comptes économiques de la nation.
Le présent projet de loi vise à
habiliter le Gouvernement - vous le rappeliez à l'instant, madame la ministre -
à adapter par ordonnance, en vertu de l'article 38 de la Constitution, la
valeur en euros de certains montants exprimés en francs dans les textes
législatifs.
Je vous rappelle que, le 31 décembre 1998, le taux de conversion de l'euro
vis-à-vis du franc a été fixé de manière irrévocable à 6,559 57 francs pour un
euro, avec un arrondi à la deuxième décimale. Le lendemain, l'euro est devenu
la monnaie unique de onze pays de l'Union européenne.
L'application directe des règles de conversion édictées au niveau
communautaire présenterait un défaut évident : les montants monétaires figurant
dans les textes législatifs et réglementaires traduits en euros comporteraient,
dans la plupart des cas, des décimales. Ils seraient donc illisibles et de
mémorisation quasi impossible.
Ce fait serait préjudiciable à la bonne appréhension, donc à la bonne
application, de la réglementation, ce qui serait fâcheux en soi. J'ajoute qu'il
desservirait également l'idée européenne en donnant des arguments à ceux qui
cherchent toutes les occasions pour dire que « l'Europe, c'est compliqué », ce
qui doit être évité. Votre projet de loi, madame la ministre, poursuit donc un
objectif pédagogique, et nous ne pouvons que l'apprécier.
J'ajoute qu'il vient à point en un temps où, derrière le débat sur l'euro
faible ou fort, on constate une relative baisse d'intérêt de l'opinion pour un
sujet qui, tout bien considéré, est estimé, par certains, comme très loin
derrière nous et, dès lors, tout à fait acquis ou, par beaucoup d'autres, pas
encore mûr, ni encore présent et donc prématuré.
En prévoyant des dispositions particulières visant à adapter les règles de
conversion afin que certaines valeurs figurant en euros dans les textes
législatifs, en particulier les seuils et les amendes, ne comprennent pas de
décimales ou soient suffisamment arrondies pour être compréhensibles et
mémorisables pour tous, il doit enfin contribuer à éviter l'apparition de
nouvelles angoisses face à l'euro, notamment chez les personnes âgées.
L'objectif du texte est donc bon en un temps où la mise en place pratique de
l'euro doit se poursuivre sans relâche et de manière méticuleuse.
Pour mesurer l'exacte portée de ce texte, il convient toutefois d'insister sur
le fait que seuls les textes législatifs sont visés.
Rappelons brièvement dans quel contexte s'inscrit ce projet de loi.
Le Conseil européen de Madrid, en décembre 1995, a clairement établi le
calendrier de passage à la monnaie unique.
Le 2 mai 1998, les chefs d'Etat et de Gouvernement, réunis à Bruxelles, ont
décidé de leur participation à l'Union économique et monétaire, tandis que, le
lendemain, le conseil ECOFIN a déterminé les préparités de change bilatérales
définitives pour les monnaies des pays membres de l'Union économique et
monétaire.
L'euro a été créé le 1er janvier 1999. Mais ce n'est qu'à partir du 1er
janvier 2002 que les pièces et les billets en euros seront mis en
circulation.
Il avait été prévu que les monnaies nationales subsisteraient en même temps
que les pièces et les billets en euros jusqu'au 1er juillet 2002 en tant que
subdivisions non décimales de l'euro.
Je considérais personnellement que la durée de cette période d'introduction de
l'euro facial retenue par le traité de Maastricht - six mois - était trop
longue. Je me réjouis que, au cours de sa réunion du 11 février dernier, le
Comité national de l'euro ait décidé de ramener cette période de double
circulation de six mois à six ou huit semaines. Cette annonce est opportune.
C'est une manière de confirmer que tout se passe bien et que les inévitables
problèmes posés par une opération d'une telle envergure sont traités les uns
après les autres, en temps et en heure.
Par ailleurs, il me paraît fâcheux et très peu justifié que des frais de
change continuent à être perçus au sein de la zone euro. Madame la ministre, je
souhaiterais que vous puissiez me faire part de votre position sur ce sujet en
m'indiquant notamment si le Gouvernement a l'intention de dénoncer cette
situation et de faire le nécessaire pour qu'elle cesse.
D'une manière générale, la coexistence de plusieurs formes d'une même monnaie
conduit, au cours de la période transitoire, à d'innombrables opérations de
conversion qui donnent lieu à des arrondis, donc à l'apparition d'écarts de
valeur résultant de ces arrondis.
Afin de permettre à l'ensemble des pays européens de résoudre ce problème de
manière homogène, le règlement communautaire du 17 juin 1997 a fixé un cadre
général et des règles précises quant aux techniques de conversion utilisées. En
particulier, le taux de conversion doit comporter six chiffres significatifs,
c'est-à-dire cinq chiffres après la virgule pour la France. Les règles édictées
au niveau communautaire sont relativement simples et logiques, mais leur portée
pratique ne manque pas, parfois, de poser problème.
Sur le plan national, la loi du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions
d'ordre économique et financier a harmonisé les règles d'arrondi en matière
fiscale et sociale, en prévoyant que les bases des impositions de toute nature
sont arrondies au franc ou à l'euro le plus proche et que la fraction de franc
ou d'euro égale à 0,50 est comptée pour 1, toute disposition contraire étant
abrogée.
Le contexte du projet de loi soumis à notre examen est également marqué par
l'utilisation encore confidentielle de l'euro en tant que monnaie scripturale.
Je me permets de vous renvoyer à mon rapport écrit sur ce sujet.
M. Michel Charasse.
Excellent rapport !
M. Denis Badré,
rapporteur.
Merci, mon cher collègue.
Les chiffres montrent que le niveau des transactions en euros reste très
faible en France.
M. Paul Loridant.
C'est bien vrai !
M. Denis Badré,
rapporteur.
Il convient donc de relancer la communication dans la
perspective de l'introduction de l'euro et de développer les actions
pédagogiques nécessaires pour mieux préparer nos concitoyens à l'utilisation
d'une monnaie qui est déjà complètement la leur.
Il est essentiel d'éviter que le passage à la monnaie unique ne crée des «
exclus de l'euro ». Il faut donc amplifier les actions d'information et de
sensibilisation dirigées vers les entreprises - celles qui existent sont bonnes
mais il faut toujours aller plus loin - vers les publics scolaires et, surtout,
vers ceux qui peuvent éprouver le plus de difficultés à s'adapter à l'euro.
Le basculement effectif sera d'autant mieux vécu que les opérations prévues au
cours de la deuxième quinzaine du mois de décembre 2001 seront bien préparées,
en particulier en ce qui concerne la préalimentation en pièces des
particuliers, préalimentation qui interviendra par la mise à la disposition du
public de « porte-monnaie euro » d'une valeur de 100 francs.
Il conviendra également de veiller à la bonne marche de l'adaptation des
différents automates, des distributeurs automatiques de billets en particulier.
De même, les particuliers seront davantage sensibilisés à l'euro si les
factures, bulletins de paye ou relevés bancaires - n'est-ce pas, mon cher
collègue Loridant ?
(M. Loridant agite un chéquier en euro)
- portent en
caractères plus grands l'ensemble des mentions en euro qui restent encore trop
souvent confidentielles.
Il faudra progressivement passer d'un système dans lequel les valeurs en
francs sont marquées en caractères gras et les valeurs en euro en plus petit à
un système inverse.
Toutefois, en elle-même, la faible utilisation de l'euro scriptural n'est pas
inquiétante. Elle est même normale. En effet, je rappelle que l'euro est déjà
la monnaie de la France, le franc n'existant plus, sinon en apparence, que
comme l'expression non décimale de l'euro. Les particuliers utilisent l'euro
sans le savoir, comme M. Jourdain faisait de la prose. Dès lors, pourquoi se
compliqueraient-ils l'existence à utiliser deux expressions de la même monnaie
? Ils continuent à travailler en francs. Il semble qu'ils préfèrent logiquement
attendre l'introduction des pièces et des billets, donc le 1er janvier 2002. A
chaque jour suffit sa peine, se disent-ils !
Aujourd'hui, nous en sommes au présent projet de loi.
Pour rédiger son projet d'ordonnance le Gouvernement s'est appuyé sur les
travaux menés par un groupe de travail interministériel
ad hoc
.
La préparation des administrations publiques à l'introduction de l'euro a
débuté par une circulaire du Premier ministre en date du 22 mars 1996, il y a
quatre ans déjà.
Un groupe de travail interministériel a été créé en juillet 1996 afin
d'étudier plus spécifiquement les conséquences de l'introduction de l'euro sur
les effets de seuil. Il a reçu pour mission de recenser l'ensemble des textes
législatifs et réglementaires affectés par le passage à l'euro tout en veillant
à ce que les références chiffrées conservent une signification claire pour les
agents économiques. Il a également été chargé de mesurer toutes les
conséquences des adaptations envisagées, ainsi que celles qui pourraient
découler d'un éventuel franchissement de seuils.
A ce point de mon intervention, je me permets, madame la ministre, de vous
poser une question particulière relative à la conversion en euro de la valeur
du point d'indice de la fonction publique. Quand le Gouvernement va-t-il y
procéder ? Il avait été question de juillet 2000. Selon quelles modalités
va-t-il le faire ?
Le groupe de travail interministériel a opéré une distinction entre quatre
catégories de textes comportant des références monétaires en fonction du degré
d'adaptation à réaliser en vue de l'introduction de l'euro, en allant du plus
simple au plus compliqué.
La première catégorie comprend les textes qui font l'objet d'une
revalorisation annuelle au 1er janvier de chaque année et qui ne devraient pas
entraîner de difficultés particulières.
Viennent ensuite les textes qui ne sont soumis à aucun impératif de lisibilité
ou qui ne présentent pas de caractère symbolique, si importants soient-ils,
tels que les rémunérations des fonctionnaires ou les prestations sociales.
Puis, nous trouvons les textes qui doivent rester lisibles mais dont
l'adaptation aurait peu de conséquences financières, comme les seuils
indicatifs.
Enfin, la dernière catégorie comprend les textes les plus complexes, ceux qui
sont soumis à un impératif de lisibilité et dont l'adaptation entraînerait des
conséquences financières importantes ; il en existe environ 700. Ce sont eux
qui nous intéressent en premier lieu.
En raison de l'impossibilité de recourir à une seule méthode d'adaptation, le
groupe de travail a pragmatiquement retenu quatre recommandations qui cadrent
le projet d'ordonnance que vous avez préparé.
Première recommandation : le projet d'ordonnance doit être juridiquement
neutre. L'adaptation des textes ne doit entraîner aucune modification du droit
existant. Ainsi, le nouveau libellé des montants des sanctions ne doit pas
aggraver celles-ci.
Deuxième recommandation : le projet d'ordonnance doit être financièrement
neutre. L'adaptation des références chiffrées ne doit se traduire ni par une
augmentation des dépenses publiques ni, bien sûr, par une diminution de
ressources.
Troisième recommandation : le projet d'ordonnance doit conserver, dans la
mesure du possible, la même échelle de référence pour les montants exprimés en
francs et pour ceux qui sont exprimés en euros après conversion.
Quatrième recommandation, enfin : le projet d'ordonnance doit confirmer
l'entrée en vigueur au 1er janvier 2002 des montants relibellés.
Ces recommandations vont peut-être de soi, vont peut-être sans dire, mais je
pense qu'elles vont encore mieux en le disant !
L'objet de l'ordonnance relève donc d'une simple traduction, elle n'a pas
vocation à reprendre sur le fond des textes législatifs qui ne doivent pas être
revus.
J'ajouterai enfin quelques mots sur la situation outre-mer.
Les différentes collectivités territoriales sont dans des positions variées
face à la monnaie unique. Leurs régimes juridiques sont différents, comme l'est
leur situation vis-à-vis des dispositions du traité de Maastricht. Je ne
reprends pas ici les détails qui figurent dans mon rapport écrit. Je rappelle
simplement que, à partir du 1er janvier 2002, les départements d'outre-mer,
Saint-Pierre-et-Miquelon et Mayotte, qui utilisent actuellement le franc
français, passeront à l'euro tandis que les territoires d'outre-mer et la
Nouvelle-Calédonie continueront d'utiliser le franc Pacifique.
Je conclurai en évoquant les modifications apportées par l'Assemblée nationale
au présent projet de loi. En effet, confirmant l'importance des principes
retenus par le groupe de travail interministériel, l'Assemblée nationale a
donné une portée législative à deux des quatre recommandations que celui-ci a
faites : celles qui concernent la neutralité financière et la neutralité
juridique.
En outre, elle a limité au 2 octobre 2000, date de la reprise de nos travaux
d'automne, l'habilitation à procéder par ordonnance. Les dispositions à prendre
étant, dans leur ensemble, pratiquement prêtes, je pense que le Gouvernement
verra plutôt dans cette date butoir une obligation de résultat. Cela me paraît
opportun dans le cadre d'un calendrier de mise en place de l'euro qui ne doit
en aucun cas se relâcher.
Approuvant ces dispositions, qui relèvent de la nécessaire prudence dont il
faut faire preuve face à un exercice inédit, la commission vous propose, mes
chers collègues, d'adopter tel quel le projet de loi qui vous est soumis.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, ce
projet de loi, dont le caractère relativement technique apparaît assez
clairement dans l'exposé des motifs, soulève de notre point de vue un certain
nombre de questions.
En premier lieu, je souhaite faire remarquer que, par principe, je demeure
hostile à toute démarche législative qui conduirait le Parlement à se dessaisir
de ses prérogatives. Ainsi, le recours à l'article 38 de la Constitution ne me
satisfait pas ; c'est une question de principe !
Certes, un grand nombre des adaptations qui sont prévues dans ce texte sont de
pure forme. Néanmoins, elles sont suffisamment nombreuses pour que nous nous
interrogions sur le recours à cette procédure.
Le texte lui-même pose, selon nous, deux questions essentielles : l'une sur la
reconnaissance et la familiarité de nos concitoyens à l'égard de l'euro,
l'autre sur le problème de la mise en place de la monnaie unique dans le
contexte économique et monétaire international.
Lancé à grand renfort de publicité, l'euro est, aujourd'hui, vraiment loin
d'être entré dans les moeurs de nos concitoyens. Il est vrai que notre bon
vieux franc, avec sa stricte application du système décimal, présente par
nature un caractère autrement plus simple que la monnaie européenne avec ses
cinq décimales après la virgule.
Nous n'avons pas le bonheur d'être allemands et d'avoir une monnaie unique
sensiblement égale à la valeur de deux deutsche marks, ce qui aurait le mérite
de nous simplifier le travail de conversion.
L'exposé des motifs du projet de loi reconnaît lui-même la difficulté que pose
la conversion des francs en euros en bien des domaines. Le Gouvernement se
trouve donc contraint de mettre en application des ordonnances tendant à
arrondir au plus près les résultats obtenus afin de les rendre intelligibles :
juste préoccupation, madame la garde des sceaux !
Au vu du peu d'enthousiasme - le mot est faible - de la part de nos
concitoyens à utiliser l'euro dans leurs achats quotidiens, cette préoccupation
est vraiment une bonne chose.
Au demeurant, les consommateurs ne sont pas les seuls à bouder la monnaie
unique. Les créateurs d'entreprises nouvelles, « branchés » de la net économie
ou « débranchés » de la vieille économie, semblent encore aujourd'hui préférer
indiquer que leur SARL dispose plutôt d'un capital de 50 000 francs que d'un
capital de 7 622,45 euros, que l'on arrondit quelque fois à 7 600 euros ou à 7
620 euros.
Cela est d'autant plus étonnant que la monnaie unique est entrée
officiellement en vigueur depuis plus de dix-huit mois et que, désormais, nous
sommes également à dix-huit mois de la disparition définitive du franc dans
l'espace national.
Nous pensons qu'il serait d'ailleurs judicieux que le Gouvernement indique à
la représentation nationale, et plus largement à l'opinion publique, quel est
le degré de pénétration de la monnaie unique dans les pratiques commerciales ou
monétaires, en fait à quel niveau nos concitoyens sont-ils préparés au grand
saut de la monnaie unique.
Sur ce sujet, je pourrais, madame la garde des sceaux, multiplier les
anecdotes.
Ainsi, moi qui suis titulaire d'un chéquier en euros
(L'orateur brandit un chéquier.)
- il est vert, ce qui est déjà en soi
une provocation - je n'ai pu placer que vingt-cinq chèques en un an. J'ai, par
exemple, été obligé de menacer le percepteur de ma commune de poser une
question écrite au ministre ! Il a fini par accepter mes chèques en euros. J'ai
obtenu de payer également en euros la cantine à la mairie des Ulis. En
revanche, dans cette maison-même, si vous voulez payer au restaurant avec un
chèque en euros on vous répond que c'est impossible.
Autre exemple : lorsque l'on paie ses impôts avec un chèque en euros, il est
débité trois semaines ou un mois plus tard qu'il ne l'aurait été si le chèque
avait été libellé en francs.
Bref, madame la garde des sceaux, l'euro ça ne marche pas vraiment !
La grande question que pose ce texte est évidemment celle du rôle même de
l'euro.
Certes, il n'entre pas dans l'objet de ce projet de loi de régler cette
question. Néanmoins, il me semble important, à dix-huit mois à peine du
basculement définitif, d'ouvrir ce débat que beaucoup aujourd'hui cherchent à
éviter. Je serais donc tenté de dire, sans vouloir faire un jeu de mots facile
: sur l'euro parlons franc !
Le problème essentiel de l'euro est que, dans les faits, il ne remplit pas les
objectifs assignés. Je vous le rappelle, mes chers collègues, l'euro devait
permettre à l'Europe unie de faire entendre sa voix dans le concert monétaire
international, entrant ainsi en concurrence directe avec le dollar américain et
le yen japonais en matière de règlements internationaux.
L'euro, disait-on, sera fort ou ne sera pas. La réalité est tout autre :
l'euro est devenu l'objet d'une intense spéculation monétaire et a fait les
frais de la politique monétaire américaine. Dix-huit mois après son lancement
triomphal, il a perdu près de 25 % de sa valeur par rapport au dollar ou au
yen.
Certes, nous ne nous en plaindrons pas, car la gestion « intelligente » de
cette situation par les dirigeants de la Banque centrale européenne a permis de
relancer les économies européennes et d'alléger le drame du chômage.
Je souhaite toutefois faire remarquer à la représentation nationale et aux
tenants de la monnaie forte que cette embellie économique souligne
a
posteriori
les dégâts humains et économiques causés par la politique du
franc fort mise en oeuvre durant les années quatre-vingt et
quatre-vingt-dix.
Force m'est aussi de constater que cette bonne gestion de l'euro par la Banque
centrale européenne, à l'origine de la salutaire reprise économique, est plutôt
à mettre à l'actif du
Federal Reserve Board,
qui tente ainsi de
contrôler la surchauffe de l'économie américaine. Qu'en sera-t-il demain
lorsque les orientations de la politique monétaire américaine favoriseront un
dollar faible ? Belle démonstration de l'indépendance monétaire qu'était censé
nous apporter l'euro !
En réalité, cette situation pose clairement la question de l'indépendance de
la Banque centrale européenne. Ce choix était-il et est-il encore pertinent ?
Est-il le mieux à même de garantir que les orientations de la Banque centrale
européenne favoriseront réellement des politiques budgétaires et monétaires
susceptibles de conforter la croissance et, donc, d'asseoir la création
monétaire sur la richesse effectivement produite ? J'en doute !
Les décisions prises récemment par la Banque centrale européenne, et notamment
le relèvement des taux d'intérêt, favorisent, en fait, les poussées dépressives
et le ralentissement de la croissance. Ces décisions malheureuses, justifiées
plus par des choix idéologiques que par le sens des responsabilités, vont
réduire le rythme de décrue du chômage et maintenir encore des millions de
personnes dans les difficultés et dans la précarité.
Je dirai quelques mots, avant de conclure, sur la question de la convergence
des politiques budgétaires et économiques des pays de l'Union, en tout cas de
ceux qui sont pleinement engagés dans l'euro.
Force est de constater que ces politiques présentent, sur de nombreux points,
des similitudes. La règle de la progression des dépenses publiques, la mise en
oeuvre d'une politique de libéralisation à outrance des services publics sous
la pression bienveillante de la Commission européenne, l'impossibilité de
définir un cadre fiscal commun à l'ensemble des pays partenaires qui encourage,
de fait, le
dumping
fiscal et favorise la persistance de véritables
paradis fiscaux à une heure de Paris : telles sont les caractéristiques les
plus marquantes de ces politiques menées au sein de l'Europe.
Quant à l'Europe sociale, on en parlera encore, j'en suis sûr, mes chers
collègues, lors des prochaines élections européennes - c'était le cas dès les
premières, en 1979 - et puis, une fois l'élection passée, on oubliera bien vite
les bonnes intentions et les déclarations de principe... Ainsi va, dans la
réalité, la construction européenne.
J'ai conscience que cela dépasse assez largement le cadre étroit de ce projet
de loi, mais vous comprendrez que l'orientation précise des politiques que la
Banque centrale européenne et la Commission, gardiennes du temple libéral, font
suivre aux Etats participants est suffisamment critiquable pour que nous en
fassions état dès que l'occasion se présente.
La construction européenne ne peut, de notre point de vue, être comprise et
intégrée par les citoyens des pays de l'Union si sa traduction concrète se
résume à toujours plus de sacrifices et d'efforts jamais véritablement
récompensés.
On ne pourra, en particulier, faire partager un enthousiasme en matière de
construction européenne tant que la Banque centrale européenne ne sera pas
placée sous le contrôle démocratique des citoyens et de leurs élus et tant que
le développement économique et la lutte contre le chômage ne feront pas partie
intégrante des objectifs généraux de la Banque centrale européenne, comme c'est
le cas de la Réserve fédérale américaine.
Sur la base de ces remarques, tout en soulignant, madame la garde des sceaux,
monsieur le rapporteur, la grande qualité technique de ce texte, d'ailleurs
amendé de manière positive par l'Assemblée nationale, le groupe communiste
républicain et citoyen ne prendra pas part au vote.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. Michel Charasse.
Loridant... dur !
(Sourires.)
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Monsieur le président, je souhaite répondre à une
question posée tout à l'heure par M. Badré sur les frais de change.
Il faut distinguer les frais de change au sens strict, qui ont été supprimés
le 1er janvier 1999, et les commissions qui sont liées aux virements et autres
opérations effectués au-delà des frontières. Ces derniers continuent d'être
facturés par les banques.
Le Gouvernement souhaite que des progrès soient rapidement accomplis par les
banques pour réduire ces frais. La Banque centrale européenne est très attachée
à cet objectif et elle demande aux banques commerciales européennes d'aller
dans ce sens.
Vous le voyez, monsieur le rapporteur, il s'agit dune question qui relève de
pratiques commerciales et non pas de la réglementation publique.
M. Denis Badré,
rapporteur.
Il faut que les citoyens le comprennent !
M. Michel Charasse.
Ce n'est pas demain la veille !
M. Paul Loridant.
Vaste programme !
M. Michel Charasse.
Il faut déjà qu'ils comprennnent pourquoi ils ont une monnaie qui se casse la
gueule !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. - Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution,
le Gouvernement est autorisé à prendre, par ordonnance, les mesures nécessaires
:
« 1° A l'adaptation au passage à l'euro de certains montants exprimés en
francs dans les textes législatifs, autres que ceux mentionnés au 2° ci-après
;
« 2° A la conversion en euros des montants exprimés en francs dans les textes
législatifs spécifiques à la Nouvelle-Calédonie, aux territoires d'outre-mer et
aux collectivités territoriales de Saint-Pierre-et-Miquelon et Mayotte, ainsi
qu'à l'adaptation au passage à l'euro de certains de ces montants. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Articles 1er
bis,
1er
ter
et 2
M. le président.
« Art. 1er
bis.
- L'application de l'article 1er ne doit entraîner
l'aggravation d'aucune sanction pécuniaire législative ni d'aucune sanction
pénale. » - (
Adopté.
)
« Art. 1er
ter.
- L'ordonnance prise en application de l'article 1er ne
devra pas avoir d'incidence significative sur les ressourses et dépenses
publiques. » - (
Adopté.
)
« Art. 2. - L'ordonnance prévue à l'article 1er devra être prise au plus tard
le 2 octobre 2000. »
« Un projet de loi de ratification de l'ordonnance devra être déposé devant le
Parlement au plus tard le dernier jour du neuvième mois commençant après la
promulgation de la présente loi. » - (
Adopté.
)
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
M. Michel Charasse.
Le groupe socialiste vote pour.
(Le projet de loi est adopté.)
M. le président.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons
interrompre nos travaux. Nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix heures quarante, est reprise à seize heures
quinze, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
M. le président. La séance est reprise.
3
ÉLOGE FUNÈBRE DE ROGER HUSSON,
SÉNATEUR DE LA MOSELLE
M. le président.
Mes chers collègues, je vais prononcer l'éloge funèbre de Roger Husson.
(M.
le ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)
Notre collègue Roger Husson, sénateur de la Moselle, nous a quittés le 28
avril dernier, à l'âge de soixante-seize ans. La nouvelle de sa disparition
subite nous a profondément émus.
La vie de Roger Husson est un cheminement exemplaire, fait de courage et de
dévouement, porté par des valeurs fortes.
Notre collègue, ami de tous, était né le 12 juin 1924, à Dieuze, dans le
département de la Moselle. Plus tard, sa vie d'homme public sera entièrement
dévouée à cette ville du plateau de la Lorraine.
Roger Husson était de ceux dont l'engagement s'enracine au plus profond d'une
petite parcelle de la terre de France.
C'est cet attachement à son pays, transmis de génération en génération par une
tradition patriotique familiale, qui suscitera son engagement volontaire en
juin 1944 dans la brigade Alsace-Lorraine. Il s'y comportera en héros.
La médaille militaire, la croix de guerre et la croix du combattant volontaire
illustreront son action sous les drapeaux.
Ces années de guerre ne cesseront d'habiter Roger Husson. Elles imprimeront
une marque particulière à son action.
C'est à l'usine Kuhlmann, à Dieuze, que Roger Husson retourne à la vie civile,
en pleine période de reconstruction de notre pays.
Elu conseiller municipal de Dieuze en 1957, il accède à la fonction de maire
en 1965.
Premier magistrat pendant trente-deux ans, il est de ces maires dont
l'énergie, la personnalité et l'attention aux autres permettent de triompher
des clivages traditionnels.
Comme nombre de ses administrés, les activités professionnelles de Roger
Husson étaient liées de façon très intime à la vie de sa région. Nommé
contremaître en 1966, il est appelé en 1973 à siéger au Conseil économique et
social, à la section de l'industrie et du commerce.
Sans quitter son travail, il est élu, en 1982, conseiller général et, l'année
suivante, conseiller régional.
La Lorraine connaît alors des années difficiles. La terre et les hommes sont
frappés par la reconversion industrielle. C'est dans leur chair que les
Lorrains sont touchés par la fermeture des houillères et le déclin d'une
culture ouvrière fédératrice.
En 1983, Roger Husson est élu au Sénat et parachève, avec ce mandat, sa
carrière d'élu local. Il s'y fera l'apôtre de ses valeurs et de celles de sa
région.
Dans l'hémicycle de notre assemblée et au sein de la commission des affaires
sociales, il intervient avec force sur la crise que connaît « sa » Lorraine.
Il prône la diversification des activités, le renouvellement des
infrastructures, le traitement économique d'un chômage croissant, avec comme
objectif intangible l'ambition que la population lorraine garde espoir dans le
renouveau de la région.
Son discours s'enflammait alors pour lutter contre la résignation.
Avec la même énergie, qui était sa marque, il combat, avec succès, pour le
maintien à Dieuze du 13e régiment de dragons parachutistes.
Au nom de la commission des affaires économiques, qu'il rejoint en 1993, il
est l'auteur de plusieurs rapports sur les mines et le bassin houiller lorrain.
Parallèlement, son intérêt pour les questions de défense ne se dément pas.
Depuis cinq ans, Roger Husson travaillait au sein de la commission des
affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Son action était sous-tendue par la volonté de promouvoir l'esprit de défense
et le patriotisme, en particulier chez les jeunes.
Une défense efficace pour la France, une armée moderne dotée des moyens
nécessaires étaient au coeur de ses convictions.
L'indépendance de la France grâce à une industrie de défense forte rejoignait
ses préoccupations en matière d'emploi.
Car c'est bien pour servir les autres que Roger Husson était entré en
politique, servait la politique et honorait la politique : pour les mineurs
lorrains privés d'emploi, pour les militaires risquant leur vie et leur
souffrance, pour les veuves de militaires, au sujet desquelles il avait déposé
puis rapporté une proposition de loi, et, plus généralement, pour une certaine
idée du bien public et de celui de son pays.
Ceux qui l'ont connu ont été les témoins de la noblesse avec laquelle il
s'acquittait de cette mission.
Au nom du Sénat tout entier, je voudrais rendre hommage à sa mémoire.
A son épouse et à ses enfants je voudrais apporter le témoignage de notre
profonde et sincère émotion.
J'assure ses amis du groupe du RPR et ses collègues de la commission des
affaires étrangères de notre émotion et de notre sympathie attristée.
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Monsieur le
président, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux, au nom du Gouvernement,
m'associer à l'hommage que vous rendez aujourd'hui à Roger Husson, qui nous a
quittés le 28 avril dernier.
Issu d'une famille modeste d'ouvriers et de mineurs mosellans, Roger Husson
commença sa vie professionnelle comme apprenti chez Ugine-Kuhlmann. Son
expérience de l'usine, sa connaissance des hommes et du terrain, ses qualités
de travailleur le firent demeurer dans l'entreprise jusqu'en 1974. D'une
certaine façon, c'est la même rigueur que vous distinguiez lorsqu'il siégeait à
vos côtés.
Dieuzois de souche, Roger Husson resta fidèle à sa ville natale tout au long
de sa vie d'élu, c'est-à-dire pendant près d'un demi-siècle. Son engagement
politique, il le mettait au service de ses concitoyens, car guidé par son
remarquable bon sens et par l'expérience, Roger Husson avait gardé cette
proximité et ce dévouement qui sont la marque des grands élus. Il recueillait
l'estime de ses amis et le respect de ses opposants.
Mais je n'oublie pas que Roger Husson fut aussi, et peut-être d'abord, un
résistant.
Engagé volontaire, il rejoignit la brigade Alsace-Lorraine, celle d'André
Malraux, et se fit combattant de la liberté au service d'une certaine idée de
la France.
Au nom du Gouvernement de la République, je vous adresse, madame, à vous, à
vos enfants et à vos proches mes très sincères condoléances.
(A la demande du président, M. le ministre, Mmes et MM. les sénateurs
observent une minute de silence.)
M. le président.
Je vous propose, mes chers collègues, d'interrompre nos travaux quelques
instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures
trente-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
4
CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS
M. le président.
La conférence des présidents a établi comme suit l'ordre du jour des
prochaines séances du Sénat :
Mercredi 7 juin 2000 :
Ordre du jour prioritaire
A quinze heures et le soir :
Projet de loi de finances rectificative pour 2000, adopté par l'Assemblée
nationale (n° 351, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé à deux heures la durée globale du temps
dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes
ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les
inscription de paroles devront être faites au service de la séance, avant
dix-sept heures, le mardi 6 juin 2000.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Jeudi 8 juin 2000 :
A neuf heures trente :
Ordre du jour prioritaire
1° Eventuellement, suite du projet de loi de finances rectificative pour 2000,
adopté par l'Assemblée nationale (n° 351, 1999-2000).
2° Projet de loi de règlement définitif du budget de 1998, adopté par
l'Assemblée nationale (n° 350, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé au mercredi 7 juin 2000, à dix-sept
heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
3° Deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée
nationale en deuxième lecture, relative à la constitution d'une commission de
contrôle nationale et décentralisée des fonds publics accordés aux entreprises
(n° 379, 1999-2000).
A quinze heures :
4° Questions d'actualité au Gouvernement.
L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la
séance avant onze heures.
Ordre du jour prioritaire
5° Suite de l'ordre du jour du matin.
Mardi 13 juin 2000 :
A neuf heures trente :
1° Dix-huit questions orales.
L'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement.
N° 777 de M. Patrice Gélard à M. le ministre de l'éducation nationale
(rattachement des écoles du canton de Goderville à l'inspection académique
d'Yvetot) ;
N° 804 de M. Georges Mouly à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux
handicapés (développement du service de gériatrie du centre hospitalier général
de Tulle) ;
N° 809 de M. Josselin de Rohan à M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement (réseau transeuropéen de fret ferroviaire) ;
N° 812 de M. Jean-Claude Carle à Mme le secrétaire d'Etat au budget
(augmentation du taux de remise sur les ventes de tabac) ;
N° 814 de M. Francis Grignon à M. le ministre de l'économie, des finances et
de l'industrie (taux de TVA applicable au chocolat noir) ;
N° 815 de M. Daniel Hoeffel à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
(convention de l'OIT traitant des droits de la maternité)) ;
N° 816 de M. Christian Demuynck à M. le ministre de l'économie, des finances
et de l'industrie (application de la TVA à la restauration collective) ;
N° 818 de M. Paul Girod à M. le ministre de l'équipement, des transports et du
logement (fermeture du centre de parachutisme de Laon) ;
N° 820 de M. André Vallet à M. le ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie (refus d'acceptation de certains billets par les commerçants) ;
N° 821 de M. Paul Blanc à M. le ministre délégué chargé des affaires
européennes (programme d'aides communautaires) ;
N° 823 de M. Aymeri de Montesquiou à M. le ministre délégué chargé des
affaires européennes (demande de simplification administrative des mesures
communautaires) ;
N° 824 de M. Serge Franchis à M. le ministre de la fonction publique et de la
réforme de l'Etat (cumul d'activités des agents de la fonction publique
territoriale) ;
N° 825 de Mme Danièle Pourtaud à M. le secrétaire d'Etat au logement
(reconduction des baux de locataires en situation précaire) ;
N° 827 de Mme Danielle Bidard-Reydet à M. le ministre de l'intérieur
(commémoration des événements d'octobre 1961) ;
N° 829 de M. Jean-Louis Lorrain à M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement (déficit de contrôleurs aériens en Europe) ;
N° 830 de M. Roland Muzeau à M. le ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie (relance du bâtiment et inflation des prix) ;
N° 831 de M. Jean-Pierre Vial à M. le ministre de l'équipement, des transports
et du logement (avancement du projet de liaison ferroviaire Lyon-Turin) ;
N° 832 de M. Gilbert Chabroux à Mme le ministre de la culture et de la
communication (situation de la radio FIP).
A seize heures et, éventuellement, le soir :
Ordre du jour prioritaire
2° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration
d'urgence, d'orientation pour l'outre-mer (n° 342, 1999-2000).
La conférence des présidents à fixé :
- au mardi 13 juin 2000, à seize heures, le délai limite pour le dépôt des
amendements à ce texte ;
- à dix minutes le temps réservé au représentant de la délégation aux droits
des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes ;
- à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la
discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la
liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les
inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 12
heures, le mardi 13 juin 2000.
Mercredi 14 juin 2000 :
A quinze heures et le soir :
1° Désignation d'un membre de la délégation pour la planification.
Ordre du jour prioritaire
2° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration
d'urgence, d'orientation pour l'outre-mer (n° 342, 1999-2000).
Jeudi 15 juin 2000 :
Ordre du jour réservé
A dix heures, à quinze heures et, éventuellement, le soir :
1° Proposition de loi de M. Lucien Neuwirth et de plusieurs de ses collègues
instituant un congé et une allocation favorisant l'exercice de la solidarité
familiale en cas de maladie d'un enfant ou de fin de vie d'un proche (n° 348,
1999-2000).
La conférence des présidents a fixé au mercredi 14 juin 2000, à dix-sept
heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
2° Proposition de loi de M. André Dulait et de plusieurs de ses collègues
portant sur l'organisation d'audiences publiques lors de la réalisation de
grandes infrastructures (n° 196, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé au mercredi 14 juin 2000, à dix-sept
heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
3° Proposition de loi de M. Jean-Claude Gaudin et de plusieurs de ses
collègues tendant à permettre aux conseillers d'arrondissement de siéger au
conseil d'une communauté urbaine (n° 277, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé au mercredi 14 juin 2000, à dix-sept
heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
4° Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée
nationale, tendant à préciser la définition des délits non intentionnels (n°
308, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé au mercredi 14 juin 2000, à dix-sept
heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
5° Proposition de loi de M. Louis de Broissia modifiant la loi n° 57-32 du 10
janvier 1957 portant statut de l'Agence France-Presse (n° 368, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé au mercredi 14 juin 2000, à dix-sept
heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
Lundi 19 juin 2000 :
Ordre du jour prioritaire
A quinze heures et le soir :
Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration
d'urgence, d'orientation pour l'outre-mer (n° 342, 1999-2000).
Mardi 20 juin 2000 :
Ordre du jour prioritaire
A dix heures :
1° Eventuellement, suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale
après déclaration d'urgence, d'orientation pour l'outre-mer (n° 342,
1999-2000).
A seize heures et, éventuellement, le soir :
2° Nouvelle lecture du projet de loi organique, adopté par l'Assemblée
nationale en nouvelle lecture, tendant à favoriser l'égal accès des femmes et
des hommes aux mandats de membre des assemblées de province et du congrès de la
Nouvelle-Calédonie, de l'assemblée de la Polynésie française et de l'assemblée
territoriale des îles Wallis-et-Futuna (n° 363, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé au lundi 19 juin 2000, à dix-sept heures,
le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
3° Nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en
nouvelle lecture, relatif à l'élection des sénateurs (n° 364, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé au lundi 19 juin 2000, à dix-sept heures,
le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
Mercredi 21 juin 2000 :
Ordre du jour prioritaire
A quinze heures et le soir :
1° Nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en
nouvelle lecture, relatif à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage (n°
352, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé au mardi 20 juin 2000, à dix-sept heures,
le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
2° Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire
sur le projet de loi relatif au référé devant les juridictions
administratives.
3° Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture de la
proposition de loi relative à la prestation compensatoire en matière de
divorce.
4° Sous réserve de sa transmission, projet de loi autorisant la ratification
de la convention relative à la coopération en matière d'adoption d'enfants
entre la République française et la République socialiste du Vietnam (AN, n°
2358).
5° Projet de loi autorisant la ratification de la convention relative à
l'entraide judiciaire en matière civile entre la République française et la
République socialiste du Vietnam (n° 218, 1999-2000).
La conférence des présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient
l'objet d'une discussion générale commune.
Jeudi 22 juin 2000 :
A neuf heures trente :
Ordre du jour prioritaire
1° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation
du Protocole de Kyoto à la convention-cadre des Nations unies sur les
changements climatiques (ensemble deux annexes) (n° 305 rectifié,
1999-2000).
2° Sous réserve de sa transmission, nouvelle lecture du projet de loi relatif
à la chasse.
La conférence des présidents a fixé au mercredi 21 juin 2000, à dix-sept
heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
A quinze heures et, éventuellement, le soir :
3° Questions d'actualité au Gouvernement.
L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la
séance avant onze heures.
Ordre du jour prioritaire
4° Suite de l'ordre du jour du matin.
Lundi 26 juin 2000 :
Ordre du jour prioritaire
A quinze heures et, éventuellement, le soir :
1° Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet
de loi de finances rectificative pour 2000.
En cas de nouvelle lecture, la conférence des présidents a fixé au samedi 24
juin 2000, à seize heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce
texte.
2° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le
Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de
Lituanie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la
fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble
un protocole) (n° 80, 1999-2000).
3° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le
Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République
d'Estonie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et
la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune
(ensemble un protocole) (n° 78, 1999-2000).
4° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le
Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de
Lettonie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la
fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble
un protocole) (n° 79, 1999-2000).
La conférence des présidents a décidé que ces trois projets de loi feraient
l'objet d'une discussion générale commune.
5° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le
Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République
d'Arménie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et
la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune
(ensemble un protocole) (n° 26, 1999-2000).
Mardi 27 juin 2000 :
A neuf heures trente :
1° Dix-huit questions orales :
L'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement.
N° 761 de Mme Nicole Borvo à Mme le ministre de la culture et de la
communication (devenir de la maison des métallurgistes) ;
N° 789 de M. Gérard Larcher à M. le ministre de l'intérieur (construction de
logements locatifs sociaux) ;
N° 817 de M. Rémi Herment à M. le secrétaire d'Etat à la défense chargé des
anciens combattants (mise à disposition des crédits prévus par le rapport
Mingasson) ;
N° 819 de M. Charles Revet à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice
(répression des fausses alertes adressées aux services d'incendie et de
secours) ;
N° 826 de M. Francis Giraud à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
(attribution du nombre de postes d'interne dans la subdivision de Marseille)
;
N° 828 de M. Jean Pépin à M. le ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie (situation des buralistes) ;
N° 833 de Mme Danièle Pourtaud à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux
handicapés (suppression du service de chirurgie pédiatrique de
Saint-Vincent-de-Paul) ;
N° 834 de M. René-Pierre Signé à M. le ministre de l'agriculture et de la
pêche (aides à la diversification) ;
N° 835 de M. Kléber Malécot à M. le ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie (taux de TVA sur les travaux dans les locaux d'habitation) ;
N° 837 de M. Dominique Braye à M. le ministre de l'économie, des finances et
de l'industrie (mode de calcul de taxe sur les emprises sur le domaine public
fluvial) ;
N° 839 de Mme Marie-Madeleine Dieulangard à M. le ministre de l'économie, des
finances et de l'industrie (abattement fiscal applicable aux aides aux
personnes âgées) ;
N° 840 de M. Philippe Madrelle à M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement (travaux d'aménagement de la RN 10 en Nord Gironde)
;
N° 841 de M. Michel Teston à M. le ministre de l'éducation nationale
(conditions de fonctionnement du lycée et du collège de Privas) ;
N° 842 de M. Claude Huriet à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux
handicapés (dépistage du cancer colorectal) ;
N° 843 de M. Guy Fischer à M. le ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie (fiscalité des contrats d'assurance de rente-survie) ;
N° 844 de M. Jean Bernard à M. le ministre de l'équipement, des transports et
du logement (réglementation du transport de marchandises par les taxis) ;
N° 845 de M. Gérard Cornu à Mme le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes
entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation (aides aux
détaillants de carburants en milieu rural) ;
N° 849 de M. Fernand Demilly à M. le ministre de la défense (avion de
transport militaire du futur).
A seize heures et, éventuellement, le soir :
Ordre du jour prioritaire
2° Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant
réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques (n°
344, 1999-2000) ;
3° Troisième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée
nationale en deuxième lecture, relative à la protection des trésors nationaux
et modifiant la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992 relative aux produits soumis
à certaines restrictions de circulation et à la complémentarité entre les
services de police, de gendarmerie et de douane (n° 300, 1999-2000) ;
4° Nouvelle lecture du projet de loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30
septembre 1986 relative à la liberté de communication.
La conférence des présidents a fixé au lundi 26 juin 2000, à dix-sept heures,
le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
Mercredi 28 juin 2000 :
Ordre du jour prioritaire
A neuf heures trente, à quinze heures et le soir :
1° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration
d'urgence, relatif à la sécurité du dépôt et de la collecte de fonds par les
entreprises privées (n° 380, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé au mardi 27 juin 2000, à dix-sept heures,
le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
2° Sous réserve de sa transmission, proposition de loi relative à la
prolongation du mandat et à la date de renouvellement des conseils
d'administration des services d'incendie et de secours (AN, n° 2374).
La conférence des présidents a fixé au mardi 27 juin 2000, à dix-sept heures,
le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
3° Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée
nationale, interdisant les candidatures multiples aux élections cantonales (n°
301, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé au mardi 27 juin 2000, à dix-sept heures,
le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
4° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, instaurant une
journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites
de l'Etat français et d'hommage aux « Justes » de France (n° 244,
1999-2000).
La conférence des présidents a fixé au mardi 27 juin 2000, à dix-sept heures,
le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
5° Deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par
l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à l'élargissement du conseil
d'administration d'Air France et aux relations avec l'Etat et portant
modification du code de l'aviation civile (n° 369, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé au mardi 27 juin 2000, à dix-sept heures,
le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
6° Projet de loi autorisant la ratification des amendements à la constitution
de l'Organisation internationale pour les migrations (n° 171, 1999-2000).
7° Projet de loi autorisant l'approbation de l'instrument d'amendement à la
constitution de l'Organisation internationale du travail (n° 191,
1999-2000).
8° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'entraide
judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française
et le Gouvernement de la République du Paraguay (n° 217, 1999-2000).
9° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'extradition entre
le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République
du Paraguay (n° 219, 1999-2000).
10° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention sur le
transfèrement des personnes condamnées entre le Gouvernement de la République
française et le Gouvernement de la République du Paraguay (n° 220,
1999-2000).
La conférence des présidents a décidé que ces trois projets de loi feraient
l'objet d'une discussion générale commune.
11° Projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant n° 2 à l'entente entre
le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Québec en
matière de sécurité sociale (n° 252, 1999-2000).
12° Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement
de la République française et le Gouvernement de la République du Ghana sur
l'encouragement et la protection réciproques des investissements (n° 327,
1999-2000).
13° Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement
de la République française et le Gouvernement de la République dominicaine sur
l'encouragement et la protection réciproques des investissements (n° 328,
1999-2000).
Jeudi 29 juin 2000 :
Ordre du jour prioritaire
A neuf heures trente et à quinze heures :
Sous réserve de sa transmission, projet de loi constitutionnelle portant
modification de l'article 6 de la Constitution.
Les modalités de discussion de ce projet de loi constitutionnelle seront
fixées ultérieurement.
Vendredi 30 juin 2000 :
Ordre du jour prioritaire
A neuf heures trente et à quinze heures :
Eventuellement, suite de l'ordre du jour de la veille.
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence
des présidents relatives à la tenue des séances et à l'ordre du jour réservé
?...
Ces propositions sont adoptées.
5
COMMUNICATION RELATIVE
À DES COMMISSIONS MIXTES PARITAIRES
M. le président. J'informe le Sénat que les commissions mixtes paritaires chargées de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains et du projet de loi relatif à la liberté de communication ne sont pas parvenues à l'adoption d'un texte commun.
6
ORIENTATION BUDGÉTAIRE
Débat sur une déclaration du Gouvernement
M. le président.
L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat,
d'orientation budgétaire.
La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Monsieur le
président, messieurs les présidents de commission, monsieur le rapporteur
général, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis particulièrement heureux
d'être devant vous avec Mme la secrétaire d'Etat, Florence Parly. Je connais la
valeur du travail mené par la Haute Assemblée, en particulier dans le domaine
budgétaire et financier, dont nous allons parler.
Ce débat d'orientation budgétaire, que, dans l'horrible jargon qui nous est
familier, nous appelons le « DOB », devrait être l'un des temps intéressants de
notre vie parlementaire. Il répond en effet à une double volonté : la volonté
du Gouvernement d'exposer sa vision des finances publiques tout en écoutant les
parlementaires et la volonté des assemblées de placer le contrôle et
l'évaluation des dépenses au coeur de leurs préoccupations.
Nous sommes d'ailleurs à un moment tout à fait propice pour faire le point et
pour parler de l'avenir. Stratégie des finances publiques, stratégie
économique, sociale, voire industrielle, le Gouvernement veut conduire les
réformes que, grâce à la croissance et à la confiance du pays, il a maintenant
engagées depuis trois ans.
Je vous livrerai, dans un propos qui ne sera pas très long, quelques remarques
introductives. Vous ne m'en voudrez pas, je l'espère, si je laisse de côté
toute une série de débats intéressants - mais, si vous les abordez, je
répondrai à vos questions dans la nuit - pour donner plutôt des coups de
projecteur - avec une part d'arbitraire que je vous prie par avance de bien
vouloir excuser - sur quelques points qui me paraissent particulièrement
intéressants.
Je commencerai, une fois n'est pas coutume - mais, après tout, c'est un
plaisir que nous pouvons tous savourer ensemble sans céder à
l'autosatisfaction, qui n'est jamais bonne conseillère - par présenter un
certain nombre de nouvelles que je considère comme bonnes.
Depuis déjà un certain nombre d'années, collectivement, nous avions perdu
l'habitude et même le goût de la croissance, quand ce n'en était pas l'espoir.
Le contrecoup de deux chocs pétroliers et de périodes de reprise
malheureusement avortées, le poids de ce que j'appellerai des années grises que
chaque famille a porté, l'idée même selon laquelle notre économie devait
s'accoutumer à un chômage fort et à une croissance faible, tout cela nous avait
installés dans un état de crise, dans une culture de crise. Or, reconnaissons
que, depuis un certain nombre de mois, la donne s'est modifiée et que nous
enregistrons de bonnes nouvelles, d'ailleurs de moins en moins espacées dans le
temps. Il faut examiner ces résultats avec prudence et modestie, mais il est
honnête de les examiner.
La première bonne nouvelle a trait au caractère robuste de la croissance. La
France connaît une séquence économique forte, en réalité la plus longue depuis
vingt-cinq ans, comme les chiffres l'attestent. Depuis 1998, le produit
intérieur brut a augmenté de 3,1 % en 1998 et de 2,9 % en 1999. La prévision
est de 3,6 % pour 2000 et de l'ordre de 3 % pour 2001, tout en maîtrisant
pleinement l'inflation. Avec régularité donc, nous rattrapons ce que les
économistes appellent le retard de croissance que nous avions connu au début et
au milieu des années quatre-vingt-dix.
Je dirai, pour être parfaitement précis, que les dernières estimations sont un
peu moins optimistes pour le premier trimestre : la croissance connaîtrait un
léger tassement. Il y aurait deux causes à cette évolution : les tempêtes de la
fin de l'année dernière et le « bogue » de l'an 2000, qui ne s'est pas produit
mais qui, paradoxalement, a conduit les entreprises à reporter un certain
nombre d'opérations de la fin de 1999 au début de l'année 2000.
Personnellement - je peux bien sûr, comme chacune et chacun d'entre nous, me
tromper - je crois que l'accélération de l'activité dans les mois à venir sera
au rendez-vous. Ce qu'on appelle l'acquis de croissance atteint d'ores et déjà
un niveau de 2 %, ce qui garantit un point d'ancrage assez élevé pour
l'ensemble de l'année 2000. De plus - j'en bavardais encore hier avec mes
homologues européens -, c'est l'Europe entière qui est en passe de réaliser
l'objectif d'une croissance de 3 %. Sachons donc garder le sens des
proportions. Par rapport à la période 1994-1996, qui n'est pas si lointaine,
notre taux de croissance a plus que doublé. La légère déception statistique du
premier trimestre, même si elle nous rappelle à une nécessaire modestie, me
paraît sans très grande signification.
La deuxième bonne nouvelle, peut-être plus importante, concerne le dynamisme
de l'investissement des entreprises, en particulier le dynamisme de
l'investissement industriel. La reprise de l'investissement s'opère autour d'un
rythme supérieur à 7 % en moyenne depuis 1998. L'investissement industriel,
nous indiquent les études de l'INSEE, pourrait même progresser de 12 % cette
année, soit plus du double de l'an passé, de 14 % dans le secteur manufacturier
et de 26 % dans le secteur automobile. Or, nous savons tous qu'il n'y a pas de
puissance économique durable sans un élément industriel très solide et un
encouragement manifeste à l'investissement.
Dans ce contexte porteur, les entreprises ne se contentent pas de moderniser
ou de renouveler leur appareil de production, mais une grande partie d'entre
elles accroissent leurs capacités de production, donc se mettent en situation
d'embaucher aujourd'hui ou demain. Nous commençons donc à compenser la
situation antérieure, qui avait vu - c'était très inquiétant - l'investissement
fortement décroître. C'est une sorte de nouveau théorème que nous voyons à
l'oeuvre : les investissements d'aujourd'hui font les innovations de demain et
les emplois d'après-demain.
La troisième bonne nouvelle est le caractère toujours soutenu, depuis trois
ans, de la consommation des ménages, moteur puissant de l'activité : cette
consommation a augmenté de près de 1 % au dernier trimestre, et la progression
pourrait atteindre 2,7 % pour 2000. Le pouvoir d'achat s'est corrélativement
amélioré, progressant de 7,8 % entre 1998 et 2000.
La quatrième bonne nouvelle - mais ce n'est pas vraiment une nouveauté, même
si c'est renouvelé - réside dans l'excellente santé de notre balance
commerciale. Avant les années 1996 et 1997, cet excédent était inférieur ou
égal à 50 milliards de francs par an, ce qui n'était déjà pas mal, et il
dépasse aujourd'hui régulièrement les 100 milliards de francs par an, ce qui
est très positif.
Mais, à la vérité, toutes ces bonnes nouvelles s'effacent devant leur
résultante, qui est la meilleure nouvelle : le retour vers plus d'emploi - on
dit même le plein emploi - et la confiance. La semaine dernière, pour la
première fois depuis près de dix ans, la France a renoué avec un taux de
chômage à un seul chiffre avant la virgule : 9,8 % contre 12,6 % en 1997, soit
plus de 750 000 chômeurs de moins.
Au-delà du symbole, la croissance française, à taux identique, crée
actuellement deux foix plus d'emplois qu'il y a trois ans ; la baisse du
chômage bénéficie désormais à toutes les catégories de demandeurs d'emplois, en
particulier aux chômeurs de longue durée et aux jeunes. Cela ne signifie
évidemment pas, loin de là, la disparition de tous les problèmes dans ce
domaine : nous avons une population encore très nombreuse de personnes peu ou
mal formées, nous connaissons des pénuries de personnel dans un certain nombre
de secteurs, ce qui doit nous inviter à compléter notre action. Cependant, un
chômage à un chiffre, s'il ne signifie sans doute pas grand-chose pour ceux,
encore trop nombreux, qui sont exclus du marché du travail, permet d'espérer
que, après avoir remporté la victoire contre l'inflation voilà une vingtaine
d'années, nous allons être capables, les uns et les autres, tous ensemble, je
l'espère, de gagner la bataille de l'emploi. En trente-six mois, un million
d'emplois ont été créés. Chaque emploi, c'est de la croissance pour le pays, de
la confiance pour les familles. Tout indique que nous allons briser le mur des
deux millions de chômeurs.
J'en viens à la deuxième série d'observations que je souhaite vous proposer.
On nous dit parfois : « La croissance, au fond, vous n'y êtes pas pour
grand-chose », comme si elle était la progéniture automatique de Kondratieff et
de Microsoft ! Les choses sont en réalité un peu plus complexes, me
semble-t-il. Sur la période 1998-2001, la France devrait profiter d'une
croissance de 12,7 %, contre 8,4 % pour l'Italie, 8,9 % pour l'Allemagne et 9,3
% pour la Grande-Bretagne. Nos résultats sont liés, reconnaissons-le, à un
contexte international favorable. Je ne vois pas pourquoi nous en prendrions
ombrage ! Ils se conjuguent avec la révolution technologique, avec le dynamisme
des entreprises qui se battent pour gagner des parts de marché et créer de
l'emploi. Ils sont aussi - reconnaissons-le également - le fait d'une
politique, qui a su opérer en temps utile les bons choix et - c'est peut-être
plus important encore - éviter les grandes erreurs. Toute croissance est
sensible au pilotage chargé de l'orienter et de la consolider. Croissance ou
récession : selon les choix qu'opèrent les gouvernements, les résultats ne sont
pas les mêmes. D'ailleurs, s'il n'en était pas ainsi, la politique et votre
mandat n'auraient pas de sens ! Plus d'emplois et moins d'impôts : tels
pourraient être résumés certains axes, et même la stratégie de la politique
économique et sociale que nous poursuivons ; à quoi j'ajouterai, pour compléter
la perspective, plus de dynamisme et moins d'injustices, tant l'économique et
le social sont liés, c'est-à-dire la croissance, la justice et la confiance.
Ces premiers acquis - c'est ma troisième série d'observations - devraient nous
permettre de viser trois objectifs : réduire les déficits et la charge de la
dette, assurer le financement de nos priorités, alléger les impôts pour
conforter l'activité et l'emploi.
La clef de voûte de notre politique au service de la croissance réside
largement dans l'évolution maîtrisée de la dépense publique. Le Gouvernement,
vous le savez, préparera le budget de 2001 avec un objectif de progression de
0,3 % des dépenses en volume, soit une progression nominale de 1,2 %. Mme Parly
et moi-même avons d'ailleurs fait parvenir aux membres de la commission des
finances les lettres de cadrage que le Premier ministre envoie aux ministres.
Il n'y a en effet pas de raison que les parlementaires n'en disposent pas. Il
en ira de même dans le futur.
Depuis 1998 - c'est un point sur lequel il faut être attentif parce que, s'il
est compris, il n'est peut-être pas toujours retenu à sa juste valeur - nous
soumettons la dépense publique à une logique pluriannuelle stabilisatrice qui -
c'est là le point important - indépendamment de la conjoncture, cherche à
donner une cohérence de long terme à nos budgets sans préjuger les choix faits
chaque année dans le cadre des lois de finances. Si la conjoncture se révèle
meilleure que prévu, cela doit permettre d'aller plus loin dans la réduction
des impôts ou dans l'allégement du déficit et de l'endettement. C'est ce qui se
produit en ce moment, d'autant plus que les « retours » sur croissance allègent
les charges publiques aussi bien pour le budget de l'Etat que pour celui de la
protection sociale. Un mécanisme légitime serait d'ailleurs, à notre sens, que
l'Etat, qui a été pendant longtemps, lors des périodes de vaches maigres, le
réassureur en dernier ressort de la sécurité sociale et de l'UNEDIC, l'Union
nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce,
ce qui était tout à fait normal, ne soit pas oublié de ces organismes
lorsqu'ils connaissent de nouveau des périodes plus favorables.
Trop longtemps, la charge de la dette, cet impôt masqué et reporté, a dévoré
une part croissante des recettes fiscales de l'Etat. Nous avions alors ce
cercle, qui n'a d'aileurs pas entièrement disparu : le déficit creusait la
dette et la dette augmentait le déficit. Mais reconnaissons - les chiffres sont
là pour l'attester - que les déficits publics ont été divisés par deux depuis
1997. La réduction du besoin de financement des administrations publiques est
confirmée, avec moins 3,5 % en 1997, moins 1,5 % en 2000, et l'objectif de
baisse est maintenu pour les années qui viennent.
Quant au déficit budgétaire, il est passé de 267 milliards de francs en 1997 à
227 milliards de francs en 1998 et à 206 milliards de francs en 1999. Les
prévisions confirment sa réduction pour les années à venir : pour 2000, nous
espérons un montant d'environ 200 milliards de francs et, pour 2001, de 195
milliards de francs et même peut-être moins. Hors dépenses exceptionnelles,
l'ensemble des dépenses de l'Etat sera stabilisé en volume en 2000,
conformément à l'objectif de la loi de finances initiale.
Les chiffres que je cite pour cette année sont d'ailleurs conformes - c'est
très important - au niveau du solde protecteur estimé par la Commission
européenne, c'est-à-dire le niveau qu'il faut atteindre pour que, même en cas
de retournement de la conjoncture - on peut toujours l'envisager - nos finances
publiques ne se détériorent pas d'une façon inadmissible.
Si le déficit est acceptable et, à vrai dire, impossible à empêcher en période
de difficultés économiques où il incombe à l'Etat d'enclencher la relance, un
déficit trop élevé est préjudiciable en période d'expansion où l'Etat doit
réduire ses dettes et transmettre aux générations futures des comptes sûrs
plutôt que des factures.
La situation des comptes de la France - nous en discuterons, bien sûr - est en
train de s'améliorer.
Dans cet esprit, je vous confirme que l'éventuel surplus de recettes que nous
connaîtrons pour 2000 sera affecté à la réduction du déficit de l'Etat.
Je vous confirme également ce que je viens d'annoncer à vos collègues de
l'Assemblée nationale, à savoir que le produit des licences dites de mobiles de
troisième génération sera, pour l'essentiel, attribué au fonds de réserve des
retraites, afin de diminuer l'endettement global du pays ; en aucun cas, il ne
sera utilisé pour les dépenses courantes du budget.
Cette double nécessité de maîtriser les dépenses et de réduire la dette doit
être rendue compatible avec le financement de nos priorités. Il faut à la fois
assainir et agir.
Priorité sera donc donnée en 2001 à la lutte contre le chômage, en poursuivant
les dispositifs d'incitation à la réduction du temps de travail, en soutenant
la création d'entreprises et l'innovation.
Priorité sera donnée, comme l'a indiqué M. le Premier ministre, à l'éducation
et à la formation, premier poste budgétaire mais aussi condition essentielle de
la croissance dans un monde où le savoir est la plus précieuse des richesses :
je le dis souvent, l'éducation, en particulier l'éducation continue, est la «
sécurité sociale » du xxie siècle.
Priorité sera donnée au renforcement de la sécurité et à la modernisation de
la justice, qu'exigent les personnes les plus modestes, souvent premières
victimes des délits, des crimes et de la délinquance.
Priorité, enfin, sera donnée à l'environnement et à l'amélioration du cadre de
vie, à la mise en place de sécurités sanitaires et alimentaires, au choix du
développement durable.
Dans ce contexte, réduire les impôts d'aujourd'hui et, à travers la réduction
de la dette, de demain, constitue un élément non pas simplement d'une stratégie
fiscale, comme on le dit souvent, mais d'une stratégie sociale.
Telle est notre ambition pour favoriser l'emploi - ce qui est la première des
justices - et soutenir le dynamisme de l'économie. En effet, baisser les impôts
et les prélèvements obligatoires, à condition de le faire avec discernement,
c'est aussi réduire les inégalités, qui s'étaient malheureusement creusées.
Le gouvernement de Lionel Jospin a engagé, entre 1997 et 1999, une réduction
des prélèvements indirects par des baisses ciblées de TVA qui ont rendu à
l'activité 29 milliards de francs.
Mais il fallait, à notre avis aller plus loin. Pour accompagner la croissance
retrouvée, le Gouvernement a donc choisi de réduire d'un point le taux normal
de TVA. Cette baisse se traduira, dès cette année, à travers le collectif 2000
que vous présentera Mme Parly, par un allégement d'impôt de 18 milliards de
francs en 2000 et de plus de 30 milliards de francs à partir de 2001.
Depuis juin 1997, l'action menée par cette équipe gouvernementale a donc rendu
aux consommateurs 60 milliards de francs en année pleine au titre de la TVA et
effacé des hausses qui avaient eu une conséquence économique - et pas seulement
sociale - assez désastreuse dans le passé : en 1995, la hausse de deux points
de la TVA avait amputé le budget des ménages de 57 milliards de francs, ce qui
avait eu une conséquence extrêmement négative sur l'activité économique.
Au total, avec la diminution des deux premières tranches du barème de l'impôt
sur le revenu et la disparition - compensée - de la part régionale de la taxe
d'habitation, la pression fiscale devrait être réduite de 80 milliards de
francs en 2000, soit environ un point de produit intérieur brut, s'ajoutant aux
mesures que vous avez déjà adoptées, c'est-à-dire à la réforme de la taxe
professionnelle, à l'allégement des charges dans le cadre de la réduction
négociée du temps de travail, à la suppression de la taxe de droit au bail et à
la réforme des droits d'enregistrement.
Dans le passé, vous le savez, j'ai souvent insisté sur le fait que nous
devions, sur ce terrain, aller encore plus loin et, comme l'a indiqué le
Premier ministre, confirmer la baisse des prélèvements directs. Ces réductions
devront contribuer à l'augmentation des revenus d'activité, afin d'encourager
la formation professionnelle, l'initiative individuelle et l'investissement des
salariés dans le travail et d'éviter ce que l'on appelle les « pièges à
inactivité », qui sont l'un des maux dont nous souffrons.
A ce stade de mon propos, je voudrais relever que cette stratégie des finances
publiques n'est peut-être pas encore totalement comprise - j'y ai fait allusion
d'un mot tout à l'heure - ou, si elle l'est, qu'elle n'inspire pas encore
suffisamment certaines propositions, d'ailleurs souvent de sens contraire, qui
sont formulées ici ou là. Je suis d'ailleurs frappé par le fait que certains -
souvent au nom de la solidarité - recommandent, dès lors que la croissance est
là, d'augmenter massivement les dépenses publiques. Le problème, c'est que, à
partir d'une approche que je reconnais être généreuse, ce serait
vraisemblablement une politique vouée à l'échec, non seulement parce qu'elle
creuserait le déficit - mécaniquement - et nous obligerait à tailler
ultérieurement davantage dans les crédits à un moment où la conjoncture serait
moins favorable, mais aussi parce que cette politique, je le dis en passant,
serait contraire à la coordination européenne que nous avons nous-mêmes
réclamée, et surtout - et je demande que l'on considère cet argument - parce
que cette dépense supplémentaire faite au nom de la solidarité porterait
atteinte à la solidarité vis-à-vis des années futures, sur lesquelles
reposerait alors la totalité du prix de notre éventuel laisser-aller.
(M. le
président de la commission des finances applaudit, ainsi que plusieurs
sénateurs sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Vous avez vu qui vous applaudit, monsieur le ministre ?
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Eh oui, j'approuve !
M. Roland du Luart.
C'est courageux !
M. Jean Delaneau.
On a le droit d'applaudir !
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Je ne vous visais
pas, madame Beaudeau !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Mais vous êtes applaudi par la droite, monsieur le ministre !
M. Marcel Debarge.
Nous applaudissons aussi !
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Et je vais
peut-être, dans un instant, me faire applaudir par d'autres !
D'aucuns réclament, au contraire, une baisse encore plus forte du déficit, ou
une baisse encore plus marquée des impôts, sans insister ni sur les
contradictions internes de leurs demandes ni sur les conséquences
qu'entraîneraient ces évolutions sur des dépenses - civiles ou militaires -
qu'ils jugent pourtant incompressibles, voire qu'ils réclament d'augmenter.
M. Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Applaudissez, madame Beaudeau !
(Sourires.)
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Oui, j'applaudis !
(Nouveaux sourires.)
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Vous avez bien
compris !
(Nouveaux sourires.)
J'ajouterai, si je le puis, un degré dans le raisonnement : il est et il
demeurera nécessaire que nous maîtrisions nos dépenses publiques, qu'il
s'agisse des dépenses budgétaires ou des dépenses sociales, cela n'est pas
contesté. N'oublions pas que c'est dans la mesure où le rythme de ces dépenses
progresse moins vite que le taux de croissance de notre économie que nous
pouvons, grâce à ce décalage et tout en finançant nos priorités et les services
publics, réduire les déficits et réduire les impôts !
Si notre taux de croissance venait dans le futur à ralentir - ce qu'à Dieu ne
plaise ! - sans que le rythme de nos dépenses soit maîtrisé, alors l'un de nos
objectifs s'éloignerait mécaniquement : nous sacrifierions soit la réduction du
déficit, soit la baisse des impôts, soit les deux. Or les deux sont
indispensables, en même temps qu'une bonne couverture du service public.
Il nous faut donc rechercher une forte croissance avec une maîtrise réelle des
dépenses publiques et, si la croissance fléchit, une maîtrise encore plus
affirmée pour maintenir les marges d'action indispensables.
En entendant certains commentaires, je ne suis pas sûr qu'on intègre toujours
cette logique de sérieux budgétaire. Cela implique - c'est pourquoi je me suis
permis ce développement, et j'espère que je ne vous ai pas heurtés - que l'on
soit parfaitement au clair sur la démarche intellectuelle et politique qui
sous-tend ces choix que je viens d'exposer.
Cette présentation des grands axes de la politique budgétaire du Gouvernement
serait évidemment incomplète si nous ne portions notre attention au moins sur
deux volets, la transparence et l'euro, qui ne sont pas sans lien entre eux et
qui vont contribuer, dans les années à venir, à une définition plus exigeante
et plus complète de notre stratégie des finances publiques et de ses moyens
d'application.
La transparence, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est tout simplement une
exigence démocratique. L'Etat demande aux particuliers - ce qui est tout à fait
légitime - de faire connaître avec sincérité revenus et patrimoine, aux
entreprises chiffre d'affaires et bilan. Au nom de quelle dérogation
s'exonérerait-il lui-même des principes et des règles qu'il a fixés pour les
autres ?
M. Roland du Luart.
C'est tout à fait vrai !
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Le choix d'une
plus grande transparence correspond aussi - on l'oublie souvent - à un
impératif économique. Dans une économie mondialisée, l'opacité - on en connaît
quelques exemples - aggrave les crises. Dans un contexte de croissance durable,
la transparence représente un atout pour attirer les entreprises, les
technologies, les compétences.
Favoriser l'efficacité et une clarté accrue de la dépense publique, dont le
volume représente en France un aspect très important du produit intérieur brut,
renvoie aussi à la nécessité plus large de réformer l'Etat. J'ai souvent eu
l'occasion d'exprimer ma conviction : l'Etat moderne ne peut obtenir la
confiance et le respect de ses interlocuteurs s'il ne rend pas des comptes
détaillés sur son administration. Vous le faites dans vos communes, dans vos
départements - tout au moins je l'espère - et il doit en être de même au niveau
de l'Etat.
C'est la raison pour laquelle je plaide en faveur d'un Etat qui ne fasse pas
mystère de ses comptes. La formule a beaucoup servi, il faut parler vrai, et
j'ajouterai pour ma part compter juste et gérer clair ! Ce sont des points
cardinaux de ce que j'appelle une bonne pratique de l'Etat.
Je n'oublie pas, en même temps, que ce n'est pas sur un réseau de villes ou
sur un système marchand que s'est construite la France, mais, à bien des égards
- nous le savons - sur la notion d'Etat. Là sont notre culture et notre
histoire et je sais qu'en matière d'amélioration de la transparence et de
signification des comptes publics, nous avons déjà accompli des avancées, mais
je crois qu'il faut aujourd'hui aller plus loin en termes d'information et de
contrôle.
A cet égard, monsieur le président, vous qui êtes très attentif à ces choses,
permettez-moi de souligner l'essentiel des mesures que Mme Parly et moi-même
avons retenues pour les temps qui viennent.
Examen et évaluation par la commission des comptes économiques de la nation, à
la rentrée de septembre, des prévisions de recettes fiscales du budget ; charte
de budgétisation pour mieux effectuer les comparaisons d'un budget à l'autre ;
communication aux commissaires des finances des lettres de cadrage du Premier
ministre ; présentation à ces mêmes commissaires du programme pluriannuel des
finances publiques transmis à Bruxelles ; résumé des objectifs, des coûts et
des résultats attendus pour chaque ministère et compte rendu de gestion ;
informations rendues plus claires - c'est nécessaire - aux contribuables sur
l'utilisation de l'impôt qu'ils payent ; communication tous les quinze jours
aux présidents et rapporteurs des commissions des finances de la situation des
finances publiques ; révision ouverte, à votre diligence, de l'ordonnance du 2
janvier 1959, tels sont quelques aspects de notre feuille de route pour assurer
la maîtrise globale de la dépense publique, mettre à la disposition des
parlementaires et de l'opinion une information plus riche et plus simple,
apprécier l'efficacité des politiques et mesurer la performance des
administrations chargées de les mettre en oeuvre.
Pour autant, il me paraît essentiel - et ce point doit être souligné car il ne
s'agit pas entre nous de faire preuve de démagogie - de laisser au ministère
des finances et au Gouvernement l'espace indispensable de réflexion et de
délibération, le droit à l'hypothèse, à la prévision, à la correction,...
M. Paul Loridant.
... à l'erreur...
(Sourires.)
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
... sans lequel
il n'est pas de politique possible. La liberté d'appréciation et d'arbitrage du
ministre, puis du Premier ministre, sont des principes indispensables au bon
fonctionnement de nos institutions.
Evitons le risque de voir se constituer tacitement deux circuits
d'information, l'un officiel mais apuré, l'autre officieux mais complet, et, au
final, d'obtenir plus d'obscurité quand on exigeait plus de lumière. Bref - et
vous en serez certainement d'accord - le besoin légitime de transparence ne
doit pas conduire à tout confondre ou à nier la réalité du pouvoir exécutif.
Une dernière donnée que je veux souligner, parce qu'elle va changer notre
regard sur beaucoup de choses, c'est la réalité de l'euro. Il est à lui seul
une révolution profonde et, des lois de finances aux débats budgétaires, il
faudra dans l'avenir que nos discussions se déroulent en euros - ce qui n'est
pas bien difficile - mais aussi par rapport aux autres pays de l'euro, ce qui
est plus important.
Au-delà des aléas des marchés des changes, je veux souligner que l'euro est
une monnaie déjà solide, dont l'utilité doit se mesurer à la seule évocation de
ce que chacune des récentes crises financières - asiatique, russe,
sud-américaine - aurait naguère déclenché s'il n'avait pas été là : divergences
monétaires entre les Etats européens, ajustements brutaux, sans doute
dévaluations entre les pays membres, et donc augmentation massive des taux
d'intérêt, qui aurait freiné la croissance.
L'utilité récente de l'euro n'est donc pas à démontrer, pas plus, je le crois
- même s'il reste des progrès à faire - que sa puissance future ; les «
eurofondamentaux », comme on dit, sont bons, et les perspectives de croissance
de l'Euro 11 - qui sera bientôt Euro 12 avec l'entrée de la Grèce dans le
système - sont favorables.
La présidence française de l'Union européenne, qui s'ouvrira dans quelques
semaines, fera des propositions pour renforcer la coordination de nos
politiques économiques et, par conséquent, l'efficacité de la nôtre. Un euro
solide et des taux d'intérêt modérés, accompagnés de bonnes pratiques
budgétaires et économiques dans chacun des Etats, telle est la vision que nous
devons avoir de la monnaie unique. Il ne s'agit pas de pratiquer une politique
uniforme, mais de réaliser une certaine convergence des politiques économiques
des uns et des autres.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la croissance est
sans doute une récompense, mais elle est surtout une invitation. C'est la
récompense des choix qui ont été faits depuis maintenant trois ans, qui l'ont
accompagnée, orientée et, je le crois, fortifiée.
Nos concitoyens, pour la première fois depuis longtemps, commencent à
considérer que, pour eux-mêmes et pour leurs enfants, demain pourra sans doute
être meilleur qu'aujourd'hui. C'est un changement majeur de perspective.
De partout nous sentons une invitation monter pour convertir sans cesse
davantage la croissance en plus de solidarité et en plus de réformes. C'est ce
que, parodiant une formule célèbre, nous devons nous attacher à faire : des
réformes, encore des réformes, toujours des réformes, à condition que ce soient
des réformes, vers la solidarité et l'efficacité. C'est, je crois, ce
qu'attendent les Français. C'est ce que devraient permettre les choix
économiques, budgétaires et sociaux du Gouvernement pour les temps qui
viennent.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du
RDSE et de l'Union centriste.)
(M. Jean Faure remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'année dernière,
je terminais mon intervention dans le débat d'orientation budgétaire en citant
le président de l'Assemblée nationale d'alors, qui disait d'excellentes choses
en matière de baisse des prélèvements obligatoires et de réduction des dépenses
publiques.
(Sourires.)
Je veux commencer, cette fois-ci, en saluant comme elle le mérite la
déclaration de politique générale qui vient de nous être faite et en
approuvant, bien entendu, les intentions, elles aussi générales, qui ont été
exprimées.
Permettez-moi cependant, monsieur le ministre, en m'inspirant d'une actualité
immédiate, de revenir en quelques mots, dans cette introduction, sur la
transparence, qui est l'un des maîtres mots que vous avez invoqués voilà
quelques instants.
Chacun sait, pour lire la presse, que le grand débat de ces jours-ci est de
savoir comment et pour quel prix certaines licences téléphoniques vont être
cédées à des opérateurs. Sera-ce au terme d'un processus d'enchères, ou d'un
processus de nature différente ? De combien s'agira-t-il, par rapport aux 200
ou 215 milliards de francs du déficit budgétaire dont nous allons parler au
titre du collectif ? Sans doute s'agira-t-il de montants très significatifs.
Où parle-t-on de ces sujets ? Je me permets, monsieur le ministre, de vous
poser cette question, à vous qui, naguère, nous disiez que les droits du
Parlement devaient être revalorisés ? En parle-t-on au Parlement ?
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Oui !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Peut-être allons-nous en parler, et nous serons alors
heureux de vous entendre, parce que, jusqu'ici, c'est en interrogeant les
journalistes que nous avons pu nous informer et non pas en interrogeant vos
services ou les membres du Gouvernement.
Nous demanderez-vous d'apporter des modifications à la législation existante
?
Nous exprimerez-vous les enjeux de politique industrielle, les enjeux
stratégiques, financiers, budgétaires de la téléphonie de nouvelle génération
?
Nous direz-vous si les versements sollicités des opérateurs sont assimilables
à une contribution, en d'autres termes à une taxe nécessitant l'accord
préalable du Parlement ?
Nous direz-vous si, selon votre analyse, il s'agit pour ces 100 ou 200
milliards de francs d'une redevance, ce qui suppose une certaine règle de
proportionnalité par rapport à l'utilité économique que l'on est susceptible de
tirer de l'utilisation du domaine public ?
Nous direz-vous si vous avez l'intention de nous demander des adaptations
fiscales ? Etc.
Monsieur le ministre, j'ai entendu avec grand plaisir vos propos sur la
transparence. J'espère simplement que vous allez nous en donner un premier
exemple à propos de cette affaire si importante, afin que nous ne nous
retrouvions pas, d'ici à quelques mois, lors de la discussion du projet de loi
de finances pour 2001, dans l'obligation de voter en régularisation de
décisions déjà prises un certain nombre de dispositions réputées techniques.
Vous avez dit aussi - transparence toujours ! - que cette somme très
importante serait affectée au fonds de réserve pour les retraites. On ne peut
naturellement que s'en réjouir puisqu'une affectation de cette nature équivaut,
en réalité, à une réduction du déficit public.
Mais nous direz-vous qui va gérer le fonds de réserve, selon quels horizons de
gestion, en arbitrant quelles catégories de produits financiers ? Quelle
relation établirez-vous entre l'Etat et les professionnels qui assureront ces
gestions de capitaux ? Tous sujets qui jusqu'ici, mes chers collègues, me
semblent être restés quelque peu dans le flou.
Nous avons au cours de cet après-midi, de cette soirée, de la journée de
demain et de celle d'après-demain, une série de rendez-vous financiers. Ils ont
le très grand mérite de nous faire parcourir une période qui va de 1998 à
2003.
Par le hasard des choses et de la mécanique parlementaire, nous allons, à la
vérité, procéder à rebours de ce qu'il faudrait faire logiquement. Il faudrait,
en effet, commencer par examiner la loi de règlement de 1998, premier exercice
plein sous la gestion du Gouvernement de M. Jospin, aborder ensuite le
collectif budgétaire pour 2000, à savoir l'adaptation de la loi de finances
initiale aux résultats de gestion de 1999 et aux heureuses surprises - mais
étaient-ce des surprises ? - en matière de recettes budgétaires, et, enfin,
tracer une perspective plus longue et aborder l'avenir, c'est-à-dire la manière
dont nous nous situons dans le programme pluriannuel des finances publiques
2001-2003.
Je le répète, nous allons, mes chers collègues, faire cet exercice à rebours.
Mais l'important est de bien se situer dans une cohérence d'ensemble.
Cette cohérence, nous nous sommes efforcés de l'exprimer en intitulant le
rapport de la commission
Rapport sur le débat d'orientation budgétaire,
avec en sous-titre : « Comment être crédible en Europe ? » Car tel nous
semble bien être, à nous, commissaires des finances, l'enjeu essentiel.
Et, du moins sur cet enjeu, celui de la présidence française de l'Union
européenne, celui de la compétitivité de notre pays, sinon sur les moyens d'y
parvenir, je pense que nous pouvons nous situer de la même manière, monsieur le
ministre.
Mais lorsque nous approfondissons les choses et que nous regardons la réalité
de l'économie française en Europe, nos chemins divergent.
L'approche de la commission des finances se fonde sur des études que nous
commandons, comme nous avons l'habitude de le faire, à des économistes. Nous
l'avons fait, cette année, sur l'initiative du président Alain Lambert, auprès
de deux organismes, l'Observatoire français des conjonctures économiques et le
Centre d'observation économique.
L'un comme l'autre ont appelé notre attention sur le fait que la politique
conduite dans une période de conjoncture favorable et de belle croissance est
très probablement une politique exagérément procyclique, trop favorable à une
demande déjà vigoureuse, alors même que la politique économique qui serait en
mesure de prémunir notre pays des risques d'un retournement pourrait être,
devrait être, selon les avis qui nous sont donnés et selon nos analyses, une
politique davantage centrée sur l'offre et permettant d'assainir davantage et
plus vite les finances publiques.
Partons en effet, mes chers collègues, de l'appréciation du cadre
macro-économique. Nous ne saurions contester les chiffres de la belle
croissance. Nous nous en réjouissons, comme le ministre l'a fait voilà quelques
instants.
Nous nous interrogeons, bien entendu, sur ce qui nous attend dans les
prochaines années et au terme de la perspective triennale qui a été tracée.
Nous savons bien que des aléas existent, qui sont de différentes natures : le
risque américain, le risque européen, le risque lié à notre propre politique
des finances publiques, le risque, surtout, lié à l'aggravation des rigidités
structurelles.
Nous pensons, du moins pour ce qui est de la majorité de la commission des
finances, que la réduction de la durée du travail, que l'absence de
perspectives claires en matière de réforme des retraites, de réforme de l'Etat,
font peser de réels risques sur notre économie, compte tenu de la part
excessive de la sphère publique dans le produit intérieur brut.
Nous pensons aussi que l'environnement international peut nous réserver des
surprises, que l'évolution de la croissance ou le rythme d'atterrissage, un
jour, de l'économie américaine représentent des points d'interrogation tout à
fait sérieux à moyen terme.
Nous pensons également que la résurgence de l'inflation peut se produire sur
le territoire européen et qu'elle peut conduire les autorités monétaires du
système européen de Banque centrale à prendre, un jour, des décisions
susceptibles d'avoir des effets récessifs sur l'activité.
Bref, si, aujourd'hui, tout paraît en quelque sorte anesthésié par la belle
croissance, il est certain que l'on doit se préparer à l'évolution de la
conjoncture et que les cycles de l'économie, un jour, se retournent.
Pour tenir compte de telles préoccupations, la commission des finances estime
que deux priorités doivent être conjuguées avec beaucoup plus de force que vous
ne le faites, monsieur le ministre : en premier lieu, la baisse des
prélèvements obligatoires en second lieu, la maîtrise des dépenses
publiques.
Vous le savez, en 1999, plus de 70 % de l'augmentation de la richesse
nationale a été en quelque sorte confisquée par les prélèvements obligatoires.
Vous savez aussi que l'heureuse conjoncture, qui, en apparence, est celle de
nos finances publiques, provient dans une très large mesure des surcroîts de
recettes intervenus en 1999 et à venir en l'an 2000. De ce point de vue, en
effet, monsieur le ministre, il y a bien des progrès à faire vers la
transparence !
M. Roland du Luart.
Oh oui !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je ne saurais, naturellement, dévoiler les travaux
qui sont actuellement menés par la commission des finances en tant que
commission d'enquête, s'agissant des conditions de préparation et d'exécution
des dernières lois de finances.
Je peux cependant, puisqu'il s'agit de documents publics, me référer à ce qui
a été dit de manière tout à fait indépendante par la Cour des comptes : selon
elle, les méthodes utilisées pour clore un exercice budgétaire n'ont pas le
caractère de pérennité et de certitude que devraient avoir des méthodes
comptables. Elle estime qu'en quelque sorte l'Etat clôt ses comptes selon la
commodité du moment et que des reports de recettes ont été faits, de 1999 à
2000, à des niveaux bien supérieurs à ce qui a été avoué, d'ailleurs très
tardivement : 9 milliards de francs de recettes fiscales et, en ce qui concerne
les recettes non fiscales - ces éléments d'ajustement si commodes, monsieur le
ministre, pour vos prédécesseurs - le report serait de 18 à 19 milliards de
francs, et non pas de 15,6 milliards de francs.
Pour l'année 2000, nous considérons qu'avec l'hypothèse officielle de 3,6 % de
taux de croissance, dont, encore une fois, on ne peut que se réjouir, le
surcroît de recettes pour les administrations publiques par rapport aux
documents initiaux est de 50 milliards de francs pour l'Etat, de 14 milliards
de francs pour la sécurité sociale et de 8 milliards de francs pour l'ensemble
des collectivités locales. Si l'hypothèse de croissance était de 4,2 % et non
pas de 3,6 %, comme le prévoient certains économistes - je n'ai pas d'avis
particulier sur ces hypothèses - 20 milliards de francs s'ajouteraient aux 72
milliards de francs.
Aussi permettez-moi, monsieur le ministre, de vous poser une question : au nom
de la transparence, comment nous informerez-vous, en cours d'exercice, de
l'évolution réelle des choses ? C'est très bien de recevoir les situations deux
fois par mois, après - le président Lambert le dirait mieux que moi - des mois
et des mois de demandes répétées et légitimes ; vous l'avez décidé et,
naturellement, nous ne pouvons que nous réjouir de cette information
supplémentaire.
S'agissant des recettes, nous avons, monsieur le ministre, examiné les
affectations que vous proposez. En ce qui concerne les baisses d'impôts, la
commission des finances proposera bien évidemment au Sénat de les accepter.
Mais, vous le savez fort bien en tant qu'ancien parlementaire chevronné, les
textes organiques nous interdisent de substituer aux baisses d'impôts que vous
proposez des baisses de cotisations sociales.
S'agissant du programme de baisse des prélèvements obligatoires, vous savez
que l'hypothèse qui, sur le plan économique, aurait notre préférence serait non
pas une dispersion des mesures mais au contraire une concentration de celles-ci
sur ce qui nous semble être la voie la plus efficace à tous égards : une baisse
de l'impôt sur le revenu pour toutes les tranches couplée à une baisse des
cotisations sociales par employeur. Les économistes nous disent que c'est la
voie qui assure les meilleurs effets économiques, notamment en termes d'emploi,
sur la période à venir.
La seconde préoccupation centrale de notre commission est naturellement la
maîtrise des dépenses publiques.
Dans le collectif qui va nous être présenté demain par Mme Parly, 10 milliards
de francs de dépenses supplémentaires apparaissent sans aucune réduction du
déficit - j'y reviendrai dans quelques instants. Or, nous savons que la
proportion des dépenses publiques dans le produit intérieur brut est
actuellement supérieure de quatre points à la moyenne de la zone euro et de
sept points au chiffre de l'Allemagne, qui partage avec nous le même modèle de
développement et d'organisation de la société.
Monsieur le ministre, il est possible d'être plus ambitieux en matière de
diminution des dépenses et de recul de la part du produit intérieur brut
mobilisée par les dépenses publiques. Si vous avez besoin d'être aidé dans vos
efforts louables en ce domaine, vous pouvez naturellement compter sur notre
commission et sur la majorité du Sénat.
Nous nous appuyons, en ce qui nous concerne, sur les préconisations des
économistes que nous avons consultés.
Pour atteindre notre objectif, c'est-à-dire la parité avec l'Allemagne à la
fin de l'année 2002 en termes de prélèvements obligatoires rapportés au produit
intérieur brut, il faut baisser les prélèvements obligatoires, et baisser en
contrepartie la dépense publique annuelle en volume de l'ordre de 0,95 point.
C'est un effort qui, si on en a la volonté, dans une période de croissance, est
tout à fait susceptible d'être accompli par l'Etat.
Monsieur le ministre, à la suite de ces considérations sur les recettes et sur
les dépenses, nous ne pouvons nous empêcher de faire quelques commentaires sur
le solde.
La belle conjoncture a permis d'arrêter, au moins provisoirement, les
compteurs de l'année 1999 à un déficit budgétaire de 206 milliards de francs,
venant se substituer à l'estimation d'origine, qui était de 236,5 milliards de
francs.
Vous nous avez dit tout à l'heure que l'année 2000 se terminerait probablement
par un solde d'environ 200 milliards de francs. Monsieur le ministre, pourquoi
alors nous présentez-vous, dans le même temps, un collectif budgétaire qui fait
apparaître - loi de finances initiale et collectif budgétaire - un déficit de
215 milliards de francs ?
Vous conviendrez avec nous que ce collectif apparaît, au moment même où vous
le présentez, comme dépassé par les événements et par les prévisions que vous
faites vous-même.
Au demeurant, pour être crédible en Europe, mieux vaut, semble-t-il, faire
état d'une séquence en baisse des déficits publics non pas pour le plaisir
mais, comme vous l'avez très bien dit vous-même, pour ménager la capacité
d'action et les marges de manoeuvre de ceux qui nous succéderont aux uns et aux
autres, c'est-à-dire de ceux sur qui pèseront les charges de cette dette que
nous continuons à contracter.
Si la dette publique s'est en effet stabilisée en termes de produit intérieur
brut, c'est grâce non pas à l'Etat mais aux collectivités territoriales, car la
dette de l'Etat va augmenter - mes chers collègues, je tiens à vous le rappeler
- en valeur absolue de 200 milliards de francs en l'an 2000 ! Ainsi, l'encours
de la dette à la fin de l'année, selon vos prévisions, monsieur le ministre,
s'établira à 4 500 milliards de francs contre 4 300 milliards de francs à la
fin de l'année 1999. Je tiens à répéter que nous allons contracter, en l'an
2000, 622 milliards de francs d'emprunts nouveaux, qui seront utilisés à
hauteur de 407 milliards de francs à rembourser des emprunts antérieurs et
même, pour 50 milliards de francs, à solder les dépenses de
fonctionnement...
M. Jacques Oudin.
C'est scandaleux !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... méthode qui devrait naturellement être bannie de
nos finances publiques, et le plus vite possible.
J'ai évoqué les collectivités territoriales pour dire que leur solde était, en
termes macro-économiques, tout à fait favorable à notre pays. Je voudrais en
quelques mots développer cette considération.
Dans le document que vous nous avez fait parvenir, monsieur le ministre, j'ai
cru lire des phrases laissant entendre qu'il existerait une sorte de dérapage
de la dépense locale. Ce n'est pas vrai ! En réalité, si les dépenses locales
semblent augmenter, c'est en raison de la prise en compte des différentes
obligations résultant de la législation proposée par le Gouvernement, par
exemple sur la revalorisation des traitements, ou sur l'élimination des
déchets.
En ce qui concerne le solde des administrations publiques, les collectivités
territoriales affichaient en 1999 un solde positif de plus de 34,5 milliards de
francs. Elles se désendettent ; leur poids dans l'endettement public, je le
rappelle, est passé de 26 % en 1980 à 12 % en 1998. Pendant la même période -
la très longue période, celle dont nous sommes tous collectivement responsables
- l'Etat, lui, a contribué à plus de 80 % de la hausse du ratio d'endettement
des administrations publiques.
Alors, monsieur le ministre, il n'est pas conforme à la réalité de laisser
entendre que le financement des collectivités locales serait une charge
excessive pour l'Etat. Les modalités d'évolution des dotations de l'Etat ne
sont pas aussi favorables aux collectivités territoriales que le document qui
nous a été adressé semble le dire. Mais, surtout, les concours de l'Etat
servent de plus en plus à compenser la fiscalité locale : 77 % de
l'augmentation des concours de l'Etat aux collectivités territoriales en 2 000
proviennent de la substitution de dotations à des éléments de fiscalité
supprimés. C'est d'ailleurs dans cette voie que vous voudriez nous entraîner un
peu plus, monsieur le ministre, avec la suppression de la part régionale de la
taxe d'habitation.
Toujours plus de concours de l'Etat, toujours moins d'autonomie réelle fiscale
et financière des collectivités territoriales : c'est bien ce qui s'appelle un
processus de recentralisation !
M. Gérard Braun.
Tout à fait !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Enfin, monsieur le ministre, permettez-moi, en guise
de conclusion, d'évoquer très brièvement les finances sociales - MM. Oudin et
Descours, ainsi que le président Delaneau, le feront de façon beaucoup plus
argumentée et précise.
A la vérité, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, nous sommes
des sénateurs vraiment très frustrés. Nous voulions un débat consolidé ; nous
voulions que l'on nous expose au moins, dans la perspective triennale, ce que
donne la consolidation des finances de l'Etat et des finances des organismes
sociaux - nous savons bien qu'aujourd'hui 60 % des prélèvements obligatoires
ont pour origine la loi de financement de la sécurité sociale, nous savons bien
que, pour les agents économiques et pour les entreprises en particulier, c'est
bien l'addition de tous les prélèvements obligatoires, sociaux et fiscaux,
qu'il faut prendre en compte. Or ce débat consolidé nous a été refusé, et je le
regrette vivement.
M. Jacques Oudin.
Oui, c'est bien dommage !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Au demeurant, lorsque votre collègue ministre de
l'emploi et de la solidarité se félicite de la bonne tenue des soldes des
organismes sociaux, elle oublie simplement de préciser qu'en 1999 les
prélèvements sociaux ont augmenté de près de 5 % et qu'avec une telle manne il
eût été vraiment très étrange, la croissance et la diminution du chômage
aidant, que l'on n'arrive pas à des comptes en excédent !
Monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, telles sont les quelques
considérations que la commission des finances tenait à vous livrer et qui, vous
le voyez, concernent les impératifs : impératif de baisse des impôts et des
prélèvements sociaux, impératif de réduction de la dépense publique, impératif
de réduction de l'endettement public. Ces orientations, semble-t-il, nous les
partageons.
L'an dernier, le rapport d'orientation budgétaire de la commission des
finances s'intitulait :
Des intentions aux faits.
Nous y avons donc
ajouté cette année la question :
Comment être crédibles en Europe ?
Permettez-nous, monsieur le ministre, de ne pas prendre pour argent comptant
les propos agréables que vous avez bien voulu tenir devant notre assemblée.
Mes chers collègues, je vous remercie de votre attention.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
7
SOUHAITS DE BIENVENUE
À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE
D'UKRAINE
M. le président.
Mes chers collègues, j'ai le plaisir de saluer la présence dans notre tribune
officielle d'une délégation de l'Assemblée nationale d'Ukraine, conduite par M.
Serguyi Teriokhine, président du groupe d'amitié Ukraine-France, qui séjourne
en France à l'invitation du Sénat et de notre groupe d'amitié présidé par notre
collègue Patrice Gélard.
Cette visite suit celle que le président du Sénat a effectuée en Ukraine en
1999 et les nombreux contacts bilatéraux que nos deux assemblées entretiennent.
Je veux saluer ici l'excellence des relations et la densité des échanges qui
existent entre nos deux pays.
Cette visite s'inscrit également dans la perspective de création d'un Sénat en
Ukraine dont le principe vient d'être adopté par référendum le 16 avril
dernier.
Je souhaite que cette visite au Sénat permette à nos collègues ukrainiens
d'avancer dans leur réflexion et qu'elle contribue à les convaincre, comme l'a
démontré la réunion des Sénats du monde du 14 mars dernier, que le bicamérisme
est une idée d'avenir.
Au nom du Sénat, je souhaite la bienvenue à la délégation du président
Teriokhine et forme des voeux pour que son séjour en France renforce encore les
liens d'amitié qui existent entre nos deux assemblées et entre nos deux pays.
(M. le ministre, Mme le secrétaire d'Etat, Mme et MM. les sénateurs se
lèvent et applaudissent.)
8
ORIENTATION BUDGÉTAIRE
Suite du débat sur une déclaration du Gouvernement
M. le président.
Nous reprenons le débat d'orientation budgétaire consécutif à une déclaration
du Gouvernement.
Dans la suite du débat, la parole est à M. le président de la commission des
finances.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Monsieur le ministre, je souhaite vous saluer au
banc du Gouvernement à l'occasion de ce débat d'orientation budgétaire, après
l'avoir fait au sein de notre commission. Je souhaite également vous dire que
j'ai été sensible, comme beaucoup de mes collègues sans doute, à la
reconnaissance que vous avez marquée pour la valeur du travail mené par notre
assemblée et, un peu aussi, par notre commission. Cette reconnaissance est le
gage, me semble-t-il, d'un dialogue fécond entre le Gouvernement et le
Parlement, et ce pour le bien de la démocratie, pour le bien de la France et
des Français.
Le regroupement des débats budgétaires est une bonne idée. Nous allons ainsi
pouvoir observer ce qui s'est passé pendant trois ans, ce que vous vous
proposez de faire au moins pour les deux années à venir ; nous allons pouvoir
examiner la politique de finances publiques du Gouvernement sur la période
allant de 1998 à 2003.
C'est aussi pour nous l'occasion de vous faire des suggestions. Il est vrai
que, lorsqu'on est dans l'opposition, on est parfois soupçonné de critiquer
exclusivement ce que la majorité propose. La culture de notre assemblée,
notamment celle de notre commission, nous conduit chaque fois à formuler des
propositions alternatives, sur lesquelles nous ne sommes naturellement pas
toujours d'accord. Mais telle est la contribution que nous souhaitons verser au
débat démocratique.
S'agissant d'abord de la méthode, monsieur le ministre, comme M. le rapporteur
général vous l'a dit tout à l'heure, nous avons voulu marquer notre
objectivité.
Il est vrai que, parce que nous sommes engagés dans la vie publique, nous
avons nos convictions, lesquelles nous amènent parfois à porter des jugements
sévères sur certaines situations. Nous avons donc demandé à des organes
extérieurs de procéder à deux expertises indépendantes, afin de consolider la
réflexion que nous menons.
L'Observatoire français des conjonctures économiques, l'OFCE, a d'ailleurs
confirmé des hypothèses qui ont été retenues par le Gouvernement en matière de
recettes fiscales. Il estime aussi les recettes supplémentaires des organismes
de sécurité sociale à une somme comprise entre 14 milliards de francs et 25
milliards de francs, ce qui conduit à regretter l'absence de loi de financement
rectificative pour la sécurité sociale ; je parle sous le contrôle de mon
collègue Jean Delaneau, qui reviendra sans doute sur ce sujet tout à
l'heure.
Nous déplorons aussi, comme M. le rapporteur général l'a dit, que nous n'ayons
pas choisi ce moment-là - vous auriez ainsi complètement réussi ce rendez-vous,
monsieur le ministre - pour avoir un débat consolidé sur les finances
publiques.
Je rappelle que M. le président Poncelet, avant même que vous ne soyez
installé dans vos fonctions, avait écrit au Premier ministre afin d'appeler son
attention sur la nécessité de ne pas limiter le débat d'orientation budgétaire
au seul budget de l'Etat. Il lui était apparu nécessaire, sans vouloir diminuer
en aucune façon l'extrême importance de vos fonctions, monsieur le ministre,
que soit présente à vos côtés Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
pour que nous puissions examiner l'ensemble des finances publiques. Par
conséquent, je pense que vous pouvez faire encore mieux l'année prochaine. Il
est toujours encourageant d'avoir devant soi des marges de progrès !
Quelle est la bonne politique des finances publiques selon la conception qui
est la mienne, conception qui est, me semble-t-il, partagée par la majorité de
la commission des finances ? Je reprendrai une partie des propos qu'a tenus
tout à l'heure M. le rapporteur général.
Il nous faut, mes chers collègues, concilier deux objectifs : la baisse des
impôts et un assainissement des finances publiques. Ces objectifs sont
conciliables et j'essaierai de le prouver.
Tout d'abord, il faut réduire les prélèvements obligatoires. Tout le monde le
dit ! Cela signifie donc que les Français supportent de moins en moins le
niveau trop élevé des prélèvements obligatoires dans notre pays.
Cette baisse des impôts est nécessaire pour garantir la compétitivité de la
France et pour améliorer la situation de l'emploi. J'ai d'ailleurs le sentiment
que ce point de vue est partagé par tout le monde.
Ensuite, il importe de poursuivre l'assainissement de nos finances avec plus
de détermination que n'en marque le Gouvernement, afin que nous soyons armés
pour faire face aux aléas conjoncturels qui se présenteront inévitablement un
jour et aux chocs structurels qui, eux, sont annoncés.
La clé pour réussir à concilier ces deux objectifs
a priori
antagonistes - baisse des impôts et assainissement des finances publiques -
c'est naturellement la croissance. Or la croissance est là, forte et,
semble-t-il, durable. Il reste à voir l'usage que le Gouvernement en fait et
quel meilleur usage pourrait en être fait.
Sur les trois dernières années, les déficits ont certes été réduits - c'est un
fait arithmétique - mais en augmentant les recettes, c'est-à-dire les impôts et
les charges.
Pour les années à venir, le Gouvernement annonce une réduction des impôts,
mais nous avons le sentiment, monsieur le ministre, que cette réduction se fera
au détriment de l'assainissement des finances publiques. Pourtant, avec les
mêmes hypothèses de croissance que celle du Gouvernement, les deux objectifs
nous paraissent conciliables, à condition de prendre un autre chemin : une
maîtrise plus exigeante des dépenses publiques et la baisse des charges
salariales, qui, vous le savez, a notre préférence par rapport aux baisses
d'impôt que vous nous proposez.
S'agissant de l'assainissement financier, depuis 1997, les déficits publics
sont passés de 3 % du produit intérieur brut à 1,5 %, en principe, cette année,
pour atteindre 0,3 à 0,5 % en 2003, ce qui, naturellement, va dans le bon sens.
Mais pour obtenir cette amélioration, le Gouvernement a augmenté les
prélèvements de 400 milliards de francs, et pas seulement grâce à cette bonne
fée qu'est la conjoncture, mais grâce aussi à un relèvement du taux des
prélèvements, qui est passé de 44,8 % à 45,7 % du produit intérieur brut.
Comparée à ses partenaires européens dont le niveau de vie et la qualité des
services publics sont tout à fait comparables, la France prélève quatre points
de richesse nationale supplémentaires pour ses administrations, soit environ
350 milliards de francs de plus qu'elle ne le ferait si elle se situait dans la
moyenne européenne. Le fardeau de cette charge pèse sur la compétitivité de
notre pays, il pèse sur l'emploi.
Certes, nous nous réjouissons des bonnes nouvelles sur le front du chômage.
Mais, mes chers collègues, gardons à l'esprit les 2,5 millions de chômeurs et
une situation de l'emploi qui reste parmi les plus mauvaises des grands pays
industriels. Nous retrouvons, en fait, le niveau de chômage de 1991, époque où
ne prévalait pourtant aucun triomphalisme - j'ai consulté les débats
parlementaires d'alors.
M. Jacques Oudin.
Très bien !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Nous étions plutôt mécontents,
alors qu'aujourd'hui chacun semble se satisfaire du niveau du chômage. Le
chômage de masse existe dans notre pays, et si nous ne réduisons pas de façon
significative les prélèvements, nous buterons sur des seuils incompressibles
beaucoup plus élevés qu'ailleurs.
Pour réduire le déficit, le Gouvernement - c'est notre sentiment, monsieur le
ministre - s'est appuyé quasi exclusivement sur les fruits de la croissance. Au
fond, il n'a accompli aucun effort sur le sujet.
Le déficit structurel, celui qui dépend de l'action politique du Gouvernement,
ne se sera, en fait, que très peu amélioré de 1997 à 2001, passant de 1,9 % du
produit intérieur brut à 1,5 %. En revanche, le solde conjoncturel, celui qui
dépend de la situation économique du moment, sera, lui, passé de 1,6 % du
produit intérieur brut en 1997 à un excédent de 0,3 % en 2001. Cette
amélioration serait balayée au premier retournement de conjoncture. Vous nous
avez d'ailleurs mis en garde tout à l'heure sur ce sujet.
Je n'affectionne pas particulièrement les comparaisons avec les gouvernements
précédents, mais je dois dire que je n'ai pas aimé la simplification à
laquelle, sur l'ensemble des travées, on s'est souvent abandonné sur ce sujet.
En effet, confrontés à un déficit structurel de 5,4 % du PIB en 1993, qui ne
leur était pas imputable, les gouvernements précédents ont ramené ce déficit
structurel à 1,9 % du PIB en 1997, dans un contexte conjoncturel dont tout le
monde s'accorde à reconnaître qu'il était difficile.
Ce travail ingrat n'a pas été reconnu par les électeurs, mais cela ne veut pas
dire qu'il n'avait pas de valeur. Il a apporté une contribution décisive dans
la qualification pour l'euro et il a permis de redresser la trajectoire
quasiment mortelle dans laquelle étaient engagées nos finances publiques.
Voilà ce que je voulais dire s'agissant de la méthode du Gouvernement pour les
trois années qui viennent de s'écouler. On constate, certes, une amélioration,
mais celle-ci est due à la croissance. Le Gouvernement peut faire beaucoup
mieux !
Qu'en est-il de la méthode que vous nous proposez pour le présent et pour
l'avenir ?
Après une augmentation massive des prélèvements - tout à l'heure, je parlais
de 400 milliards de francs - vous annoncez une baisse des impôts. Mais pour la
première fois depuis l'exercice 1993 - le rapporteur général le soulignait il y
a un instant - un collectif budgétaire prévoit une détérioration du déficit par
rapport à l'année précédente : vous prévoyez toujours 215 milliards de francs
en 2000, contre 206 milliards de francs en 1999. Dire qu'il sera finalement de
l'ordre de 200 milliards de francs ne satisfait pas les exigences de sincérité
d'une loi de finances. Pourquoi le Gouvernement ne nous dit-il pas d'où viendra
cette amélioration de 15 milliards de francs entre les 215 milliards de francs
qui restent inscrits et les 200 milliards de francs que vous pronostiquez ?
L'OFCE nous indique que, sous réserve de conditions très favorables, les
recettes pourraient encore être majorées d'une dizaine de milliards de francs.
Mais, dans cette hypothèse optimiste, le compte - mon compte, en tout cas - n'y
est toujours pas : le déficit serait de 5 à 6 milliards de francs supérieur aux
200 milliards de francs annoncés.
Faut-il, dès lors, s'attendre à des réductions de dépenses ? Personnellement,
cela ne me choquerait pas. Faut-il espérer d'autres recettes qui ne nous sont
pas connues aujourd'hui ? Je souhaite, monsieur le ministre, que vous puissiez
nous donner des éclaircissements sur ce sujet.
J'en conclus que le Gouvernement réduit les impôts en quelque sorte à crédit
et qu'il abandonne en partie ses objectifs d'assainissement budgétaire.
A tout prendre, monsieur le ministre, si cette méthode de baisse des impôts à
crédit doit être utilisée, qu'elle le soit alors au profit du seul objectif qui
rassemble tous les Français sans exception : l'emploi.
Dans cette logique, baisser la TVA n'est pas, à mes yeux en tout cas,
prioritaire.
Le Conseil d'analyse économique lui-même, s'il plaide pour la réduction de
l'impôt sur le revenu, plaide tout autant pour les allégements de cotisations
sociales sur les bas salaires en réservant les baisses de TVA à des allégements
ciblés sur les secteurs à forte intensité de main-d'oeuvre.
A ma demande, le Centre d'observation économique, le COE, a comparé les effets
de deux politiques de baisse des prélèvements - c'est la partie « proposition »
que nous voulions vous faire, monsieur le ministre -, à savoir une association
baisse de l'impôt sur le revenu - réduction d'un point du taux de TVA, comparée
à la même baisse de l'impôt sur le revenu associée à une baisse des cotisations
sociales.
Corroborant les travaux du Conseil d'analyse économique, cette étude démontre
que l'effet sur le chômage d'une réduction des cotisations sociales est très
supérieur à celui d'une baisse de la TVA. Ainsi, une baisse de l'impôt sur le
revenu de 8 % associée à une réduction des cotisations sociales de 40 milliards
de francs réduirait en quatre ans le chômage d'environ 600 000 personnes, alors
que la même baisse d'impôt sur le revenu associée à la baisse du taux de TVA ne
réduirait le chômage que de 125 000 personnes environ.
Même si, sur le plan des principes, je ne suis pas opposé à la réduction du
taux de la TVA, cette réduction - c'est, encore une fois, une proposition
alternative - n'est pas, selon moi, prioritaire par rapport à la résorption du
« coin socio-fiscal » qui accable le coût du travail en France.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Très bien !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Mais la priorité de la politique
fiscale du Gouvernement, comme M. le rapporteur général le soulignait tout à
l'heure, apparaît, y compris pour des observateurs qui ne vous veulent aucun
mal, comme une forme de saupoudrage de petits avantages qui semble lié à la
conjoncture électorale.
Monsieur le ministre, vous aviez bien raison d'affirmer à plusieurs reprises,
alors que vous étiez président de l'Assemblée nationale - et vous l'avez encore
fait très courageusement tout à l'heure -, qu'il n'est pas possible, dans un
Etat en déficit, de réduire sérieusement et sincèrement les prélèvements sans
maîtriser la dépense. Certes, réduire les dépenses publiques est un exercice
difficile, nous le savons tous, par crainte non seulement du mécontentement
social - nos compatriotes ne croient pas que cette diminution soit un bienfait
pour eux ; ils se trompent, mais peut-être ne le leur dit-on pas assez -, mais
aussi des effets récessifs parfois constatés.
C'est pourquoi, pour mener une politique de retour à l'équilibre des finances
publiques d'ici à 2003, il est indispensable, selon le programme de stabilité «
alternatif » que nous proposons, de mener une politique de réduction des
prélèvements obligatoires tournée vers l'emploi et efficace pour l'emploi.
Le Centre d'observation économique a simulé la combinaison d'une réduction
volontariste des prélèvements obligatoires à l'horizon 2003, ramenant le taux à
42,8 % du produit intérieur brut au lieu des 43,7 % prévus par le Gouvernement,
avec une résorption totale des déficits publics.
Il n'y a pas de secret : dans cette hypothèse, il faut réduire les dépenses de
l'Etat ; pas de beaucoup, d'ailleurs : moins de 1 % en volume par an. Quel
Français doutera de la possibilité de réduire les dépenses de 1 % ? Nous sommes
timorés en la matière. Si le prix à payer pour le retour à l'équilibre de nos
finances publiques est la réduction de 1 % en volume par an, je suis convaincu
que les Français y sont prêts. Les éventuels effets récessifs que vous pouvez
craindre peuvent, à mes yeux, être évités grâce à la réduction des charges
sociales.
M. Emmanuelli, président de la commission des finances de l'Assemblée
nationale, l'a dit à plusieurs reprises : « La baisse des impôts n'est pas une
fin en soi, ce qui importe, c'est l'emploi. » C'est notre point de vue, mais il
convient d'ajouter qu'il faut aussi préparer l'avenir, car il n'est pas
possible de renvoyer aux générations futures ce que nous ne voulons pas et ce
que nous n'acceptons pas d'assumer nous-mêmes.
M. Jacques Oudin.
Très bien !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
A ce propos, j'avais pris le
risque de prévoir que l'impasse sur les retraites pourrait s'élever à 5 000
milliards de francs à l'horizon du prochain siècle. Monsieur le ministre,
j'aimerais connaître votre sentiment sur cette estimation.
Lorsque l'on prend en compte tous ces chiffres, n'est-il pas grand temps de
redresser avec ardeur nos finances publiques pour aborder cette immense
difficulté dont nous connaissons tous l'échéance ?
Réduire les dépenses de l'Etat, alléger les charges pesant prioritairement sur
le travail, revenir à l'équilire en 2003 : tels sont les trois axes que notre
commission recommande pour les finances publiques à moyen terme. Telles sont
les condictions d'une politique volontariste, tournée en priorité vers
l'emploi, offrant aux générations futures leurs meilleures chances d'avenir.
(Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des
Républicains et Indépendants, du RPR, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
M. Jean François-Poncet,
président de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur
le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers
collègues, je ne reviendrai pas sur les sujets que le président et le
rapporteur général de la commission des finances viennent, avec la compétence
et le talent qui les caractérisent, d'aborder si excellemment. Et, monsieur le
ministre, je ne reviendrai pas non plus sur l'intéressant débat relatif à la
meilleure façon d'utiliser la cagnotte que, ministre heureux, vous serrez dans
les bras.
Je voudrais consacrer le temps de ma brève intervention à l'avenir, à cette «
nouvelle économie » qui suscite tant de commentaires dans la presse et tant de
spéculation à la Bourse.
Elle est devenue, en quelques années, un puissant accélérateur de croissance,
en même temps qu'un facteur essentiel de la compétitivité des entreprises.
Elle tend même à esquisser une nouvelle hiérarchie entre les nations. Deux
petits pays, la Finlande et Israël, dont personne ne songeait hier à évoquer le
potentiel, émergent aujourd'hui à la puissance économique pour la seule raison
qu'ils se situent dans le peloton de tête des nations qui excellent dans les
nouvelles techniques de la communication.
Comment, dès lors, mes chers collègues, ne pas se demander où en est la France
et si elle a pris un bon départ dans une course qui s'annonce décisive ?
Pour répondre à cette question, la commission des affaires économiques et du
Plan du Sénat a demandé à un groupe de travail de lui faire un rapport sur un
aspect spécifique, mais en même temps stratégique, de cette compétition :
l'émigration des jeunes Français, grands cadres et créateurs d'entreprise, qui
choisissent de tenter l'aventure de la nouvelle économie aux Etats-Unis ou en
Angleterre plutôt qu'en France.
La presse cite le chiffre de 40 000 chefs d'entreprise français installés en
Californie et bien davantage établis à Londres. Elle va jusqu'à évoquer une
hémorragie comparable à celle qui avait suivi la révocation de l'édit de Nantes
et qui, à l'en croire, pénaliserait la France d'aujourd'hui autant que l'exode
d'hier avait affaibli la France de l'Ancien Régime.
Pour en avoir le coeur net, le groupe de travail de la commission s'est rendu
en Californie et à Londres. Il a interrogé les services de l'Etat, y compris
les vôtres, monsieur le ministre, ainsi que les écoles techniques, les écoles
de commerce et nos grandes écoles. Il a entendu des dizaines de créateurs
d'entreprise ainsi que leurs associations.
Je voudrais, en quelques mots, vous faire part de ses conclusions, parce que
je crois que le sujet est stratégique.
Première question : combien sont-ils, ces jeunes qui quittent la France ?
Je vous rassure tout de suite : il n'y en a pas 40 000 en Californie, ni 200
000 en Grande-Bretagne. Ces chiffres n'ont pas été inventés, mais ils
concernent le nombre total de Français installés sur la côte Ouest des
Etats-Unis ou de l'autre côté de la Manche et non pas les seuls grands cadres
et créateurs d'entreprise.
Personne, à vrai dire - cela a été l'une de nos surprises - n'est en état
d'évaluer de façon précise et fiable le nombre des Français installés à
l'étranger. Nos consulats ne connaissent que les Français immatriculés. Or la
majorité de nos concitoyens ne se font pas connaître, soit parce qu'ils n'en
voient pas l'utilité, soit peut-être parce qu'ils se méfient de la longue
cuillère de vos services fiscaux.
Mais toutes les indications convergent sur un point : nous sommes en présence
d'une véritable vague, massive et diversifiée en direction de l'Angleterre,
importante, mais plus sélective, en direction des Etats-Unis. Nos services
consulaires, qui reconnaissent eux-mêmes qu'ils en sous-estiment l'importance,
évaluent à 30 % l'augmentation du nombre des Français installés en Californie
et en Grande-Bretagne au cours des cinq dernières années.
Deuxième question : qui sont ces jeunes ?
Comme on peut l'imaginer, toutes les catégories sont représentées, notamment
en Grande-Bretagne, y compris des jeunes sans qualification, à la recherche
d'un premier emploi ou d'un apprentissage de l'anglais.
Mais, pour l'essentiel - et c'est ce qui compte -, il s'agit d'une élite de
diplômés disposant d'une solide culture informatique, acquise en France, dont
la qualité, il faut le savoir, est mondialement reconnue. Une élite qui possède
aussi un tempérament d'entrepreneur et qu'attirent les facilités qu'offrent aux
créateurs les Etats-Unis et la Grande-Bretagne.
C'est peu dire que l'Amérique lui ouvre ses bras avec une dangereuse
efficacité. Ses services de l'immigration ont enregistré une augmentation de 60
%, au cours des années 1990, des visas de longue durée accordés à des Français
en raison de leurs compétences professionnelles.
Troisième question : pourquoi ces jeunes quittent-ils la France ?
Leurs motivations sont variables.
Il y a la volonté d'acquérir une expérience internationale devenue nécessaire
à la réussite dans une économie en voie de mondialisation.
Il y a l'attrait que le monde anglo-saxon exerce sur l'élite de notre jeunesse
à cause du vaste marché que les nouvelles technologies s'y sont taillées et à
cause de l'esprit entrepreneurial qui y règne.
Mais, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, tous ceux que nous
avons interrogés ont, sans exception, cité comme raison principale de leur
choix la recherche d'un environnement administratif et fiscal plus accueillant
que celui qui leur est offert en France. Je le dis, croyez le bien, sans
plaisir. Mais le fait est là : si la France perd une partie de sa jeune élite,
c'est parce que celle-ci, à tort ou à raison, se détourne d'un environnement
qui lui semble bureaucratique et peu favorable à la création de richesses, d'un
environnement où l'initiative individuelle lui paraît bridée, la réussite
suspectée et traquée par le fisc.
Quatrième question : les pouvoirs publics ont-ils pris des mesures pour
stopper cet exode ?
La réponse, mes chers collègues, est oui.
Des mesures ont été prises, au cours des dernières années, par vos
prédécesseurs, monsieur le ministre, et elles sont loin d'être négligeables.
Elles ont permis de développer de façon très importante le capital-risque.
Elles ont facilité efficacement la coopération entre l'université et la
recherche, d'une part, et les entreprises, de l'autre.
Elles ont, pour les entreprises naissantes, aménagé la réglementation des
stock-options pour la rendre plus ou moins comparable - quoique nettement en
retrait - à celle qui existe aux Etats-Unis, mais, pour les autres entreprises,
le régime français est, vous le savez, monsieur le ministre, fort peu
compétitif, d'autant que l'Assemblée nationale vient de le rendre plus
rigoureux et, par conséquent, moins attractif encore.
Ces mesures sont bienvenues, mais elles sont loin d'être suffisantes, et cela
pour deux raisons.
D'une part, nos voisins - je pense ici à la Grande-Bretagne et à l'Italie -
viennent d'abaisser radicalement leur fiscalité sur les stock-options, ce qui
accroît le décalage dont souffre notre pays.
D'autre part, il ne suffit pas de favoriser la création d'entreprises. Encore
faut-il retenir les créateurs qui réussissent, ne serait-ce que parce que c'est
la catégorie la plus intéressante pour la collectivité nationale. Or les taux
de nos prélèvements obligatoires auxquels il vient d'être fait allusion -
l'impôt sur le revenu, l'ISF, les prélèvements sociaux - les invitent
littéralement à s'expatrier.
L'ISF est une imposition particulièrement mal adaptée aux entreprises, d'après
ce que nous ont dit leurs créateurs, et j'avoue que je ne l'avais pas bien
perçu jusqu'à présent. Les entreprises dont la valorisation, souvent
spéculative, est très élevée ne font toutefois pas de bénéficies pendant
longtemps. Or le créateur, à la suite du « énième tour de table », ne détient
souvent plus les 20 % du capital de son entreprise nécessaires pour que
celle-ci soit reconnue comme outil de travail, de sorte que le créateur devient
passible de l'ISF dès lors que les actions de sa société ne représentent plus
75 % de ses actifs. Il acquitte l'impôt, mais son entreprise ne génère pas de
bénéfices.
Est-il besoin de rappeler qu'à cela s'ajoutent les 35 heures, les charges
sociales et la législation du travail ?
Les jeunes qui quittent la France ont fait leurs comptes. C'est moins tel
aspect particulier de notre réglementation fiscale ou sociale qui détermine
leur choix que l'attrait général qu'exerce sur eux l'environnement anglo-saxon,
où la compétition est certes très rude, mais où la réussite est possible et où
elle est généreusement recompensée.
Cinquième et dernière question : quelle attitude les pouvoirs publics
devraient-ils adopter face à cette émigration ?
En première analyse, on peut naturellement se réjouir d'une ouverture sur
l'étranger, qui est nouvelle et qui tranche heureusement sur un comportement
casanier qui a longtemps prévalu et que nous avons unanimement déploré.
Mais, à y regarder de plus près, il apparaît que la France gâche, par sa
faute, l'atout majeur que constitue, à l'heure où l'économie valorise les
savoirs comme elle ne l'avait jamais fait auparavant, l'excellence des
formations que notre pays dispense dans le secteur des nouvelles
technologies.
Nous sommes si habitués à critiquer notre enseignement que nous avons tendance
à sous-estimer la qualité de celui que prodiguent nos grandes écoles et nos
instituts spécialisés en informatique. Mais le fait est que la France possède
ce que tous les pays recherchent aujourd'hui : une des élites technologiques
les plus performantes de la planète. Or, disons-le brutalement : cette élite,
nous la bradons.
Le monde anglo-saxon, en raison de l'avance qu'il a prise dans les nouvelles
technologies, de son environnement entrepreneurial et des privilèges fiscaux
qu'il offre aux créateurs d'entreprise - je viens de le rappeler - exerce sur
cette élite une attraction puissante. La qualité de vie qui existe en France et
qui est notre meilleur atout compenserait peut-être cette attraction si notre
pays, par une fiscalité qui est ressentie, à tort ou raison, comme
confiscatoire, ne poussait pas littéralement au départ ses meilleurs
éléments.
Numériquement. l'émigration de ces jeunes peut paraître relativement faible :
elle est de l'ordre de 10 000 sans doute vers l'ensemble du monde anglo-saxon.
Mais ces chiffres n'ont de signification que relativement à l'importance de
l'élite dont ces jeunes sont issus. Or, Mme Lebranchu, aux états généraux de la
création d'entreprise, en avril de cette année, évaluait à 6 % l'effectif des
jeunes ingénieurs et à 3 % celui des anciens élèves des écoles de commerce qui
créent une entreprise. Il s'agit donc d'une infime minorité, par rapport à
laquelle l'hémorragie dont je parlais est significative.
Autant dire, monsieur le ministre, qu'il est urgent de porter sur l'émigration
des cadres de haut niveau et des créateurs d'entreprise un regard lucide et
donc clairement critique. Telle est la conclusion que le groupe de travail
présentera demain à la commission des affaires économiques du Sénat.
Ces conclusions et les attendus administratifs et fiscaux sur lesquels elles
se fondent peuvent, je le comprends, heurter la sensibilité de ceux qui placent
l'égalité au-dessus de l'efficacité économique. Qu'il faille trouver un juste
équilibre entre ces deux préoccupations, chacun en conviendra évidemment. Mais
pour rétablir un équilibre dans l'intérêt du pays, il est essentiel et urgent,
monsieur le ministre, que la France crée et offre un environnement que les
jeunes qui veulent entreprendre, innover et créer ressentent comme aussi
attractif que celui qui leur est offert aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne.
Il y va de la compétitivité et donc de la croissance économique à moyen terme
de la France.
(Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du
RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Il est habituel de se
féliciter du débat d'orientation budgétaire, qui est une heureuse originalité
française. Vous avez bien voulu prendre la précaution, au moins oratoire,
monsieur le ministre, de ne pas en faire un exercice d'autosatisfaction, ce
dont nous vous remercions.
Mais, pour sa part, la commission des affaires sociales ne peut que répéter
les raisons qui la poussent à juger l'exercice du débat d'orientation
budgétaire quelque peu dépassé.
A l'évidence, toutes les conséquences de la réforme de 1996 et de la
discussion, chaque année, d'un projet de loi de financement de la sécurité
sociale n'ont pas encore été tirées.
A l'évidence encore, le solde des administrations publiques, dit « solde de
Maastricht », reste quelque peu ignoré, alors que les soldes des
administrations de sécurité sociale et des collectivités locales ont compté
pour beaucoup dans la qualification à l'euro.
Ce solde ne présente pas seulement une signification historique. Par le «
programme pluriannuel des finances publiques », la France a pris des
engagements qu'il convient désormais de tenir.
Il est donc important que le débat d'orientation budgétaire se transforme en
un débat d'orientation sur les finances publiques, incluant plus explicitement
les finances sociales, comme le demandent M. le rapporteur général et M. le
président de la commission des finances.
Ce débat d'orientation sur les finances publiques pourrait servir de débat
préparatoire à la fois au projet de loi de finances et au projet de loi de
financement de la sécurité sociale. Mme la ministre de l'emploi et de la
solidarité aurait dès alors naturellement sa place au banc du Gouvernement. Dès
le mois d'octobre 1999, cela a été également rappelé, je m'étais rapproché de
M. le président du Sénat et de M. le président de la commission des finances,
dont je sais qu'ils partagent l'un et l'autre ce point de vue de bon sens. La
démarche qui a été entreprise, tant auprès de M. le Premier ministre qu'auprès
de M. le ministre chargé des relations avec le Parlement, tendant à approfondir
les conditions dans lesquelles se déroule ce débat d'orientation budgétaire,
n'a pu aboutir cette année. Nous le regrettons.
Ce débat reste donc inchangé. A titre d'exemple, les documents présentés au
Parlement ne prennent pas en compte la réunion de la commission des comptes de
la sécurité sociale du 22 mai 2000. Celle-ci n'a du reste porté que sur les
seuls comptes du régime général et n'a procédé à aucune actualisation des
objectifs de dépenses et des prévisions de recettes retenues par la loi de
financement pour 2000. Nous ne disposons pas, par exemple, d'une actualisation
des recettes et des dépenses du fonds de financement des trente-cinq heures,
dénommé FOREC. Cette actualisation s'imposait pourtant, le Conseil
constitutionnel ayant annulé en janvier dernier l'une des recettes de ce fonds
: la taxe sur les heures supplémentaires.
La commission des affaires sociales persiste dans son souci d'exercer un suivi
attentif, tout au long de l'année, de l'exécution de la loi de financement.
Elle a ainsi souhaité exercer les prérogatives qui lui sont reconnues par la
loi de financement de la sécurité sociale pour 1997 en procédant à trois
missions de contrôle sur place et sur pièces. Les investigations de nos
rapporteurs, MM. Charles Descours, Jacques Machet et Alain Vasselle, ont porté
sur la mise en place de la couverture maladie universelle, les difficultés de
fonctionnement dans les caisses d'allocations familiales et la gestion des
exonérations de cotisations de sécurité sociale.
Par ailleurs, M. Charles Descours présentera un avis oral sur le collectif
budgétaire de printemps pour insister sur la nécessaire cohérence entre comptes
sociaux et comptes de l'Etat.
Ces travaux d'analyse et de contrôle ont donné lieu à un rapport d'information
qui a été publié la semaine dernière.
Enfin, le 13 juin prochain, notre commission entendra Mme la ministre de
l'emploi et de la solidarité sur l'évolution tant des recettes que des dépenses
du projet de loi de financement pour 2000.
Il reste que le document présenté par le Gouvernement pour le présent débat
appelle de ma part quatre observations.
La première porte sur le retour à l'emploi.
Le rapport du Gouvernement comporte un encadré tout à fait intéressant,
intitulé : « La faiblesse des taux d'emplois résulte aussi des "trappes à
inactivité". » Il en ressort un constat pour le moins inquiétant : notre
système est ainsi construit que des agents économiques n'ont bien souvent qu'un
intérêt minime à reprendre une activité salariée.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, et M. Philippe
Marini, rapporteur général, ont fait récemment des propositions sur le « revenu
minimum d'activité », qu'il convient d'étudier de manière approfondie. La
commission des affaires sociales s'y attachera dès la prochaine session
parlementaire, sur le rapport de notre collègue Philippe Nogrix.
La deuxième observation a trait à l'excédent des administrations de sécurité
sociale. Le solde positif obtenu en 1999, soit 0,2 % du PIB, contribue
fortement à la réduction du besoin de financement de l'ensemble des
administrations publiques.
Mais ce « solde » des administrations publiques de sécurité sociale n'est
qu'un agrégat. Il s'obtient par la contraction de « plus » et de « moins ». Il
s'explique avant tout par l'important excédent de l'ARRCO, l'association des
régimes de retraites complémentaires obligatoires des salariés. Cet excédent -
obtenu grâce à la réforme courageuse découlant des accords de 1996 - n'a pas
d'autre objet que de préparer le choc à venir des retraites, comme le précise
d'ailleurs le rapport présenté par le Gouvernement.
Le régime général de sécurité sociale serait à l'équilibre en 1999. Le surplus
de recettes provenant de la fiscalité affectée a permis de « compenser » le
dérapage des dépenses. L'équilibre global rend compte de la situation
excédentaire des branches famille, accidents du travail et vieillesse, mais
masque le lourd déficit de l'assurance maladie : plus de 9 milliards de
francs.
Pour 2000, un excédent de 5 milliards de francs est désormais prévu. Il
s'explique quasi intégralement par l'excédent de la branche famille. La branche
maladie reste déficitaire, malgré quatre années de croissance ininterrompue et
l'alourdissement des prélèvements à son profit.
L'excédent des administrations de sécurité sociale ne doit pas, en outre,
faire oublier le montant de la dette sociale. La commission des affaires
sociales a entendu récemment le président de la Caisse d'amortissement de la
dette sociale, la CADES. Il reste une dette de près de 300 milliards de francs
à rembourser d'ici au 31 janvier 2014. Au moment où certains s'enthousiasment à
l'idée d'un fonds de réserve de 1 000 milliards de francs, il était nécessaire
de le rappeler.
Ma troisième observation porte sur le décalage entre le discours et les faits.
En effet, dans le cadre de la programmation pluriannuelle des finances
publiques, des engagements ont été pris, en décembre 1998, sur l'évolution des
prestations des administrations de sécurité sociale. Le rapport présenté par le
Gouvernement rend compte de ces engagements. Je le cite : « Les dépenses
maladie évolueraient en ligne avec l'Objectif national des dépenses d'assurance
maladie fixé en loi de financement de la sécurité sociale et respecteraient en
2001 l'objectif défini par le programme pluriannuel de finances publiques, soit
1,5 % en volume.
Pourtant, je constate que le même Gouvernement a anticipé, à l'occasion de la
réunion de la commission des comptes de la sécurité sociale du 22 mai 2000, un
dérapage de l'ONDAM 2000 de 3,5 milliards de francs. Ce dérapage n'est pas
seulement passif, puisque le plan pour l'hôpital de mars dernier a un effet sur
l'ONDAM de plus d'un milliard de francs.
Nous sommes en droit de nous poser plusieurs questions : où se situe la
cohérence de l'action gouvernementale ? Le rapport présenté à la commission des
comptes de la sécurité sociale le 22 mai 2000 annule-t-il et remplace-t-il le
document présenté aux parlementaires pour le débat d'orientation budgétaire ?
Quels sont les moyens qui permettront au Gouvernement de respecter ses
engagements en 2000 et en 2001 ?
Ma quatrième observation porte sur l'imbrication entre les finances de l'Etat
et les finances sociales.
Il me semble que les finances de l'Etat et celles de la sécurité sociale ont
tout intérêt à être mieux identifiées, pour être plus lisibles. J'ai bien noté,
monsieur le ministre, l'encadré relatif aux transferts de l'Etat vers les
administrations publiques locales et vers les administrations de sécurité
sociale. Mais cet encadré mélange des flux financiers de nature différente et
passe sous silence les dettes de l'Etat à l'égard de la sécurité sociale.
Il mélange tout d'abord des flux financiers de nature différente.
La prise en charge de l'allocation aux adultes handicapés par l'Etat
représente un versement de 25 milliards de francs à la Caisse nationale des
allocations familiales, la CNAF. Mais cette allocation n'est pas véritablement
une prestation sociale. Son statut ambigu en fait, avant tout, un minimum
social.
Vient ensuite le remboursement à la sécurité sociale des exonérations de
cotisations. En application de la loi du 25 juillet 1994, dite loi Veil, l'Etat
compense à la sécurité sociale les exonérations qu'il décide. Ces exonérations
ne correspondent ni à une demande de la sécurité sociale ni à un besoin des
assurés sociaux. Elles s'expliquent par le niveau élevé des charges en France.
Ce n'est donc pas, pour l'Etat, une charge indue.
Les versements aux régimes spéciaux sont également mentionnés. Leur traitement
est effectivement insuffisamment individualisé tant dans le budget de l'Etat
que dans la loi de financement de la sécurité sociale. Une plus grande
transparence serait certainement nécessaire.
Mais cet encadré passe en outre sous silence les dettes de l'Etat vis-à-vis de
la sécurité sociale : sous-estimation de la masse salariale de la fonction
publique, exonérations de cotisations sociales non compensées antérieures à la
loi du 25 juillet 1994, interprétation à nos yeux contestable de cette loi sur
les majorations de taux d'exonérations et sur les prorogations de dispositifs
survenues après son entrée en vigueur, dettes pour les préretratés de l'ARRCO
et de l'AGIRC.
Nous ne pourrons prétendre aborder une problématique des finances publiques
qu'à la condition de mieux distinguer les finances sociales des finances de
l'Etat, de simplifier les mécanismes de financement et d'arrêter d'opérer des
branchements et de mettre en place des tuyauteries diverses, qui affectent la
lisibilité des prélèvements qu'acquitte le contribuable.
A cet égard, la confusion entre politique de l'emploi et financement de la
sécurité sociale, à travers la création du FOREC et du basculement du
financement des 35 heures sur la loi de financement de la sécurité sociale, est
infiniment regrettable.
Mieux distinguer les finances sociales des finances de l'Etat consiste
également à créer un véritable régime de retraite de la fonction publique
d'Etat. Dans le cadre de la réforme des retraites, il s'agit d'un élément de
transparence essentiel. Il existe une caisse de retraite pour les agents de la
fonction publique hospitalière et territoriale, la CNRACL. Pourquoi
n'existerait-il pas de caisse de retraite pour les fonctionnaires d'Etat,
faisant apparaître les cotisations employeurs ?
Telles sont les observations que je souhaitais formuler dans ce débat
d'orientation budgétaire, qui, je l'espère, évoluera rapidement vers un
véritable débat d'orientation sur les finances publiques. Tout milite dans ce
sens.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la
secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au nom de notre commission, j'aborderai
deux thèmes essentiels : les crédits consacrés à la défense, d'une part, les
crédits consacrés au ministère des affaires étrangères, d'autre part.
Il n'est pas fréquent d'avoir la possibilité d'aborder ces sujets directement
avec le ministère de l'économie et des finances bien que ce puissant
département ministériel tienne, sur ces deux sujets comme sur d'autres, et
par-delà les efforts de chacun des ministères compétents, un rôle essentiel
qui, je ne vous le cache pas, ne correspond pas toujours aux voeux de la
majorité de notre commission.
A propos des crédits militaires, que j'aborderai en premier, je souhaiterais
formuler quatre observations.
Ma première observation sera pour souhaiter que le budget 2001 de la défense
soit en cohérence politique et financière avec les développements ambitieux
dans lesquels l'Union européenne s'est lancée depuis les Conseils de Cologne et
d'Helsinki l'an passé, développements particulièrement positifs d'ailleurs et
dans lesquels la France peut s'enorgueillir d'avoir joué un rôle important.
Dans ce contexte, la nécessaire augmentation des capacités militaires
européennes impose un effort de chacun et, pour la France, cela signifie à tout
le moins le respect des engagements pris lors de la dernière loi de
programmation, affinés en 1998. Cela signifie également que, après avoir
apporté une contribution considérable à la réduction des déficits, le budget
d'investissement de la défense mérite aujourd'hui, au moins autant que
d'autres, de retirer les bénéfices du nouvel environnement favorable de nos
finances publiques.
Or, et c'est ma deuxième observation, le budget de la défense pour 2000 en
cours d'exécution a été construit une nouvelle fois sur la base d'une réduction
des crédits d'équipements, au motif, principalement, que les armées seraient
incapables de consommer dans l'année l'intégralité des dotations prévues par la
loi de programmation.
M. Serge Vinçon.
C'est incroyable !
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères.
Cet argument
étonnant, que l'on invoque depuis plusieurs années, s'il était repris pour la
préparation du budget 2001, nous entraînerait une nouvelle fois dans une
logique de réduction des crédits d'investissements militaires, par ailleurs
régulièrement obérés en cours d'exercice par les diverses régulations ou
transferts de crédits.
Sans nier la réalité du constat relatif au rythme de consommation des crédits
par les armées elles-mêmes, réalité que la délégation générale pour l'armement
et les états-majors s'efforcent, je l'espère, de corriger, nous nous
interrogeons sur les éventuelles responsabilités en la matière qui pourraient
être également partagées par le ministère des finances. J'aimerais que l'on
éclaire sur ce point assez technique la réflexion de la représentation
nationale, qui reste perplexe sur les causes réelles de cette sous-consommation
de crédits et sur les remèdes qu'il est, à mon sens, urgent d'y apporter.
Ma troisième observation concerne les commandes globales.
Nous sommes nombreux à nous féliciter du développement dont elles font
l'objet, la dernière en date concernant la commande, d'un montant de 6,8
milliards de francs, de vingt-sept hélicoptères NH90. Il reste que le
financement de ces derniers pèse de manière excessive sur les stocks
d'autorisations de programmes initialement disponibles sur d'autres chapitres
du titre V, qu'il faudra bien abonder un jour ou l'autre par des ressources
nouvelles.
Enfin, ma dernière observation sur la défense concernera le financement des
opérations extérieures.
On le sait, la structure du budget de la défense révèle des tensions de plus
en plus fortes sur le titre III, qui, faute d'une évaluation initiale
suffisante, se soldent, en cours d'année, par des transferts de ressources en
provenance du titre V. Or, outre les pressions liées à la transition vers la
professionnalisation elle-même, ce sont les OPEX, les opérations extérieures,
qui requièrent l'essentiel des financements affectés au titre III en cours
d'année. Le dernier collectif budgétaire a illustré à nouveau cette tendance en
prévoyant un abondement de crédits de 2,46 milliards de francs gagés presque
intégralement par des annulations de crédits d'équipement.
Cette situation appelle non seulement pour l'an prochain une prévision un peu
plus réaliste des coûts liés aux opérations extérieures, mais également un mode
de financement qui permette de préserver les crédits d'équipement des
armées.
Avant de conclure, j'évoquerai la question des crédits consacrés par notre
pays à notre diplomatie et à notre action internationale.
Depuis plusieurs années, le ministère des affaires étrangères ne figure pas
parmi les priorités budgétaires du Gouvernement et la part qui lui est réservée
dans le budget de l'Etat diminue régulièrement.
Cette situation est d'autant plus fâcheuse que notre diplomatie est confrontée
à des évolutions internationales majeures et que les moyens dont elle dispose
pour remplir ses missions lui sont de plus en plus chichement mesurés.
Ne serait-ce que dans le cadre de l'Union européenne, les diplomaties
nationales, on le sait, sont appelées à multiplier les démarches et les
initiatives pour permettre que l'Union - ou certains de ses membres - adopte
les positions les plus ambitieuses possibles face aux crises et aux événements
internationaux, dont elle ne peut se désintéresser. Chacun connaît, enfin, le
surcroît de charges et de contraintes qu'entraîne la présidence de l'Union, que
la France s'apprête à assumer dans quelques jours.
D'une façon générale, le contexte budgétaire dans lequel se trouve le
ministère des affaires étrangères le prive de moyens adaptés. L'érosion des
effectifs, constante depuis plusieurs années, affecte le fonctionnement des
postes diplomatiques et consulaire ainsi que celui de l'administration
centrale. Et pourtant, notre administration consulaire - en charge, notamment,
des questions très sensibles de visas et d'asile - requiert, à l'évidence, des
personnels supplémentaires. De même, quelle que soit la pertinence de la loi
créant le volontariat civil et dans l'incertitude où nous sommes aujourd'hui de
l'attrait que celui-ci exercera auprès des jeunes, il convient que le ministère
des affaires étrangères dispose d'une marge de manoeuvre indispensable au
remplacement progressif des coopérants du service national.
Par ailleurs, le recours aux personnels recrutés localement a atteint
désormais ses limites, et sa mise en oeuvre doit faire l'objet d'une stratégie
précise. Chacun connaît les écarts qui caractérisent les rémunérations de ces
personnels, selon qu'ils relèvent du quai d'Orsay ou de Bercy, à travers la
direction des relations économiques extérieures, écarts liés également à la
pression budgétaire subie par le ministère des affaires étrangères. Outre son
aspect choquant, cette situation de concurrence entre deux employeurs publics
français contribue à faire partir les meilleurs éléments vers nos implantations
commerciales et aussi à compliquer encore un peu plus la tâche de nos
chancelleries.
Ma dernière observation concernera la dotation du ministère des affaires
étrangères consacrée à notre aide publique bilatérale au développement. Sa
réduction dans la dernière loi de finances a été un très mauvais signal, et un
rééquilibrage s'impose. A quoi cela servirait-il d'avoir rationalisé nos
structures de coopération si c'est pour réduire leur marge d'action financière
? L'enjeu politique de notre coopération se double ici d'une urgence
humanitaire et même stratégique si l'on pense, en particulier, à l'évolution
tragique de l'Afrique.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
situation économique actuelle, dont l'évolution positive ne peut que réjouir
chacun d'entre nous, doit impérativement bénéficier également à ces deux
ministères régaliens qui, en des temps plus difficiles sur le plan budgétaire,
ont contribué, plus souvent qu'à leur tour, à l'équilibre financier. Il y va
non seulement de l'équité, mais aussi des ambitions de la France dans le monde.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du
RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de la décision de la conférence des
présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour ce débat sont
les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 60 minutes ;
Groupe socialiste, 50 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 38 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 36 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 25 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 23 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe,
8 minutes.
Dans la suite du débat, la parole est à M. du Luart.
M. Roland du Luart.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
peut-on continuellement dire une chose tout en faisant le contraire ? Depuis
trois ans, le Gouvernement nous promet la baisse des prélèvements obligatoires
mais c'est l'inverse qui se produit. Il fixe des objectifs budgétaires qu'il ne
respecte pas lui-même. Le débat d'orientation budgétaire tend ainsi à devenir
un débat de « désorientation » politique. Il était déjà virtuel ; il devient
caricatural.
Aujourd'hui, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, vous nous
parlez de réduction des déficits, de maîtrise des dépenses publiques, de
transparence, mais dès demain, le Sénat examine un collectif budgétaire qui ne
respecte aucun des principes que vous énoncez.
Mon groupe ne met pas en cause votre sincérité. Nous connaissons et apprécions
les positions que vous exprimiez, monsieur le ministre, en matière économique
et budgétaire, avant d'entrer au Gouvernement. Certaines ne sont pas éloignées
de celles que nous défendons au Sénat. Nous savons également que le projet de
loi de finances rectificative pour 2000 n'est pas le vôtre, pas plus que le
texte sur les nouvelles régulations économiques.
Mais convenez qu'il est difficile de parler d'assainissement des finances
publiques quand on examine dès le lendemain un collectif qui prévoit, pour la
première fois depuis 1993, une aggravation du déficit budgétaire. Admettez que
l'ouverture de 10 milliards de francs de crédits supplémentaires cadre mal avec
l'objectif de maîtrise des dépenses. Reconnaissez, enfin, que le discours sur
la transparence a largement été contredit par les faits, depuis 1997, comme l'a
relevé la Cour des comptes.
Cette contradiction entre le discours et les actes a été très bien soulignée
par le président Alain Lambert et par notre rapporteur général, Philippe
Marini.
Je voudrais, pour ma part, insister sur trois points : tout d'abord,
l'impératif de transparence en matière de comptes publics ; ensuite, la
nécessité absolue de préserver l'avenir en réduisant le déficit, les dépenses
et les impôts, et en mettant en oeuvre une véritable réforme de notre système
de retraite ; enfin, le problème de ce que j'appelle les « niches d'inégalité
fiscale », qui conduisent à des situations absurdes.
En matière de transparence, notre commission des finances mène actuellement
des investigations pour recueillir des éléments d'information sur le
fonctionnement des services de l'Etat dans l'élaboration des projets de loi de
finances et l'exécution des lois de finances. Le Sénat lui a conféré pour cela
les prérogatives attribuées aux commissions d'enquête et je suis tenu à un
devoir de réserve. J'entends bien le respecter. Dans ces conditions, je me
contenterai d'une remarque de principe sur la notion d'exemplarité.
Je pense que le Gouvernement ne mesure pas l'ampleur des dégâts que causent
dans l'opinion publique les révélations successives de surplus budgétaires
dissimulés ; je récuse, pour ma part, le terme de « cagnotte ». Ces révélations
ne remettent pas seulement en cause la sincérité de la politique du
Gouvernement. Elles jettent une ombre de suspicion sur l'Etat en tant
qu'institution, en tant que référence : un Etat qui se veut exemplaire mais qui
se révèle dissimulateur, un Etat dont certains hauts fonctionnaires sont
maintenant mis en cause dans l'affaire du Crédit Lyonnais.
Comment, dans ces conditions, l'administration peut-elle exiger des Français
ce qu'elle ne s'impose pas à elle-même ? Que doivent penser nos concitoyens,
nos artisans, nos chefs d'entreprise, qui subissent le poids d'une
réglementation excessive et sont sanctionnés au moindre écart ? Que doivent
penser les élus locaux eux-mêmes, soumis à un contrôle parfois tatillon des
chambres régionales des comptes ?
Le débat sur la transparence dépasse le seul cadre budgétaire. Il ne s'agit
pas seulement d'améliorer l'élaboration des lois de finances ou de mieux
présenter certains documents. Il s'agit aussi de restaurer la confiance dans la
parole de l'Etat, de restaurer tout simplement sa crédibilité.
Tel est le sens des votes qui sont intervenus au Sénat pour garantir une plus
grande sincérité du budget lors de l'examen de la loi de finances pour 2000.
Tel est également le sens - en même temps que l'ambition - des investigations
que mène actuellement notre commission des finances.
Je souhaite sincèrement que ce soit votre objectif, monsieur le ministre,
madame la secrétaire d'Etat, au-delà de vos propositions en matière de
transparence des comptes publics.
Je crains néanmoins qu'une fois de plus les promesses ne se traduisent pas par
des actes : il n'est que d'examiner le collectif budgétaire, qui repose sur des
hypothèses de croissance contestables et sur une évaluation des recettes pour
le moins discutable. Mes craintes sont également justifiées par le fait que le
Gouvernement se refuse à présenter un budget rectificatif pour la sécurité
sociale, ce que demande le Sénat, comme si certains avaient là encore quelque
chose à cacher...
M. Charles Descours.
Très bien !
M. Roland du Luart.
Cela n'est pas de bon augure.
Je ne veux pas, cependant, vous faire de procès d'intention, monsieur le
ministre, car j'ai beaucoup apprécié vos déclarations au cours du deuxième
semestre 1999. Je dis simplement que l'enjeu est important, non seulement pour
le Gouvernement et le Parlement, mais aussi pour la nation tout entière.
Soyez donc assuré que le groupe des Républicains et Indépendants observera
très attentivement la manière dont vous mettrez en oeuvre concrètement les
mesures que vous nous présentez.
En ce qui concerne les grands équilibres budgétaires, beaucoup a déjà été dit
sur la nécessité de réduire plus fortement le déficit, les dépenses publiques
et les prélèvements obligatoires. Là encore, l'enjeu dépasse le simple cadre
budgétaire.
Nous devons nous fixer deux objectifs principaux. Le premier est d'assurer la
compétitivité de nos entreprises pour préserver les emplois et pour en créer de
nouveaux face à un monde qui change et à des partenaires étrangers qui ne
restent pas inertes. Le second est de préparer l'avenir en assainissant nos
finances publiques et en garantissant la pérénnité de notre système de
retraites.
Mais nous ne pourrons atteindre ces deux objectifs sans engager une réforme
structurelle. C'est tout le problème de la politique menée depuis 1997.
L'amélioration des finances publiques ne repose que sur l'amélioration de
l'environnement international, une diminution des taux d'intérêt et une
augmentation sans précédent de la pression fiscale.
Or ce n'est là que la partie visible de l'iceberg. En réalité, les dépenses
publiques ne diminuent pas. Le Sénat a beau souligner les dangers d'une telle
situation, surtout en cas de retournement de conjoncture - lequel finira bien
pas se produire, un jour ou l'autre - rien n'y fait. Le Gouvernement se refuse
à engager les réformes de structure qui s'imposent. Notre pays se trouve ainsi
en situation de faiblesse avec des déficits supérieurs à la moyenne européenne,
une fiscalité record et une rigidité des dépenses qui le privent de toute marge
de manoeuvre.
A cet égard, mes chers collègues, le rapport provisoire de la Cour des comptes
pour 1999 est accablant, consternant. Il fait en effet apparaître une
augmentation des dépenses publiques de 2,8 % en volume, au lieu de 1 % comme
annoncé par le Gouvernement.
Ce dérapage est inquiétant pour 2000 et surtout pour 2001, d'autant que l'on
observe des tensions sur les taux d'intérêts et que la plus grande incertitude
pèse sur l'impact financier réel de la couverture maladie universelle ainsi que
sur le coût des 35 heures dans la fonction publique d'Etat comme dans la
fonction publique territoriale.
Nous entendons même parler d'une reprise des recrutements nets dans la
fonction publique, alors que c'est l'inverse qu'il faudrait faire.
Comme le suggère le Commissariat général au Plan, nous devons mettre en place
une véritable gestion prévisionnelle de l'emploi public. Celle-ci passe par une
dimution du nombre des fonctionnaires. Pour cela, nous devons mettre à profit
l'évolution de leur pyramide des âges. Un fonctionnaire sur deux partira à la
retraire d'ici à douze ans. Nous devons donc saisir cette chance pour
déconcentrer la gestion des ressources humaines et favoriser tant la mobilité
géographique que la mobilité entre les administrations.
Nous devons briser le tabou de la fonction publique en faisant comprendre que
les missions de l'Etat évoluent et que ses effectifs doivent faire de même en
fonction des besoins, notamment régaliens.
Il faut aussi briser le tabou des privatisations.
La conception classique de l'Etat actionnaire n'est plus adaptée à la nouvelle
économie, où les fusions se font souvent par échange d'actions.
M. Paul Loridant.
Hélas !
M. Roland du Luart.
L'acquisition récente d'Orange par France Télécom est l'exemple le plus
significatif. L'Etat doit donc réduire ses participations pour permettre aux
entreprises françaises d'assurer leur développement face à la concurrence
étrangère.
J'ai noté une évolution du Gouvernement sur ce point, mais il lui reste
beaucoup de chemin à parcourir. Les recettes des privatisations, que celles-ci
soient partielles ou non, doivent être intégralement affectées à la réduction
de la dette et du déficit. Cela doit être aussi le cas lors de l'attribution
des futures licences pour le téléphone mobile de troisième génération. Nous
prenons d'ailleurs acte de la confirmation qui nous a été apportée tout à
l'heure sur ce point.
Cela m'amène à parler de la réforme des retraites.
Vous avez annoncé que le produit de l'attribution des licences UMTS serait
versé au fonds de réserve des retraites sous forme d'une dotation
complémentaire. Je souhaite cependant que cela ne soit pas un prétexte pour
différer l'indispensable réforme de notre système de répartition.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Très bien !
M. Roland du Luart.
J'insiste, en particulier, sur la nécessité d'aligner les durées de cotisation
entre le secteur public et le secteur privé. C'est, pour moi, un minimum, au
nom de la justice et de la cohésion sociale.
M. Charles Descours.
Très bien !
M. Roland du Luart.
Je souhaite, enfin, aborder la question de la fiscalité. Dans ce domaine, la
France prend du retard par rapport à ses partenaires européens. Il existe
aujourd'hui une vraie menace de délocalisation des talents et des capitaux.
Nous devons prendre garde à ne pas décourager l'initiative, car c'est d'elle
que dépendent les emplois de demain.
Là encore, des réformes structurelles s'imposent. Si nous ne faisons rien,
nous risquons de nous retrouver dans des situations inextricables aboutissant à
ce que j'appelle des « niches d'inégalité fiscale ». Je prendrai quatre
exemples.
Le premier est celui de la taxe d'habitation. Tout le monde s'accorde à
reconnaître que les valeurs locatives sont inadaptées. Pourtant, on renonce une
fois de plus à les corriger, comme chaque année depuis dix ans, quelle que soit
la majorité au pouvoir. Le Gouvernement se contente de proposer la suppression
de la part régionale, au risque de menacer l'autonomie fiscale des
collectivités locales et, pendant ce temps, les inégalités persistent.
Mon deuxième exemple, c'est la TVA. Depuis longtemps, mon groupe s'est
prononcé en faveur d'une baisse du taux applicable à la restauration
traditionnelle. Le Gouvernement s'est retranché derrière la législation
européenne pour refuser cette baisse, mais le Conseil d'Etat l'enjoint
maintenant d'abroger deux décisions qui sont à l'origine du régime particulier
de TVA dont bénéficient les cantines d'entreprises. Les cantines scolaires et
hospitalières seront à court terme également visées. Ainsi, à force de ne rien
faire, c'est tout l'équilibre d'un secteur qui est menacé. Qu'on ne vienne pas
nous dire que c'est la faute de la réglementation européenne car, en octobre
dernier, le Portugal a obtenu, me semble-t-il, une dérogation.
Je pourrais dire la même chose de la confiserie et de la chocolaterie dont le
régime fiscal est incompréhensible pour les consommateurs.
M. Jacques Oudin.
Ah ! le chocolat !
M. Roland du Luart.
Je veux être fidèle à mon groupe !
Ce régime fiscal risque d'inciter les industriels à concevoir leurs produits
en fonction de la taxation de ceux-ci, et non de leurs qualités gustatives. Je
souhaite donc que la France mette à profit sa prochaine présidence de l'Union
européenne pour favoriser des solutions mettant fin à ces deux inégalités en
matière de TVA.
Mon troisième exemple concerne la fiscalité des carburants. Le Gouvernement a
demandé à plusieurs reprises, et encore récemment, aux compagnies pétrolières
et à la grande distribution de mieux répercuter les baisses des cours du
pétrole brut sur le niveau des prix à la pompe. Il a parfaitement raison mais
ce n'est pas le seul problème.
Nous devons procéder à une réforme structurelle de notre fiscalité, comme le
suggère notre commission des finances. Nous devons, en particulier, éviter que
toute augmentation du cours du dollar ou du brut n'entraîne une hausse
mécanique du coût des carburants et, par conséquent, des recettes fiscales de
l'Etat.
Mon dernier exemple d'inégalité, et non des moindres, a trait à la fiscalité
pesant sur les salaires. Les classes moyennes sont injustement pénalisées en
matière d'impôt sur le revenu, surtout depuis la modification du quotient
familial. Par ailleurs, les salariés les plus modestes se rendent compte qu'il
est parfois plus intéressant de cumuler le RMI, la CMU, les aides au logement
et les aides au transport réservées aux demandeurs d'emploi. Le travail n'est
pas assez valorisé dans notre société, quel que soit le niveau où l'on se
place. Pour mettre fin à cette injustice, nous devons réduire fortement l'impôt
sur le revenu des classes moyennes et les charges sociales pesant sur les bas
salaires. C'est un enjeu majeur pour les années à venir, et M. le rapporteur
général l'a dit tout à l'heure.
Monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, les réformes que j'ai
évoquées nécessitent un certain courage politique - vous l'avez - et moins
d'attentisme - nous jugerons.
Vous avez déjà reculé sur les stock-options. Nous espérons que vous ne battrez
pas en retraite sur le reste, car notre pays doit absolument saisir la chance
que lui offre une conjoncture économique exceptionnelle.
Nous comptons surtout sur vous pour vous attaquer au problème majeur des
dépenses de fonctionnement. C'est là, en effet, que se joue l'avenir. C'est là
aussi que se joue la crédibilité des orientations que vous nous avez
présentées.
((Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Adnot.
M. Philippe Adnot.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
compte tenu du peu de temps qui m'est imparti, mon propos sera relativement
laconique.
Je dirai d'emblée que je souscris, bien sûr, à l'ensemble des positions
définies par M. le président de la commission des finances et par M. le
rapporteur général.
Intervenir dans le débat d'orientation budgétaire, c'est apprécier le contexte
national et international, par exemple en mesurant les conséquences de
l'évolution de la valeur des monnaies, notamment de l'euro, le développement de
la nouvelle économie et son incidence sur l'emploi, la compétitivité fiscale,
sociale et technologique de notre pays. C'est également juger les ambitions
d'un gouvernement et la valeur de celles-ci dans leur traduction budgétaire.
Le budget, ce sont d'abord des recettes et des dépenses.
Les recettes, ce sont d'abord l'impôt et les emprunts. A cet égard, que
peut-on constater ?
S'agissant des emprunts, et donc de la dette, nous nous situons à la limite
des critères de Maastricht ; nous continuons d'augmenter le stock au niveau du
déficit annuel. L'appréciation de l'importance de la dette par rapport au PIB
est assez dangereuse car, en cas de retournement de conjoncture, ce qui compte,
c'est en réalité la masse de la dette, et non sa proportion par rapport au
PIB.
Le contingent d'emprunt annuel est de l'ordre de 200 milliards de francs. Que
finance-t-il ? Quelque 170 milliards de francs d'investissements civils et
militaires. Nous continuons donc à financer des dépenses de fonctionnement à
partir de l'emprunt. Or, dans une conjoncture réputée bonne tant sur le plan
national que sur le plan international, c'est, à mon avis, irresponsable.
Il convient de prendre l'engagement de consacrer au remboursement de la dette
toutes les ventes de capital effectuées par l'Etat. Provisionner les retraites
- dont le besoin de financement est récurrent - par la vente des « bijoux de
famille », si je puis employer cette expression, est illusoire.
En ce qui concerne la fiscalité, on annonce en permanence des baisses
d'impôts, mais le niveau des prélèvements en masse augmente. Par ailleurs, de
la même façon que pour la dette, relativiser le niveau de prélèvements par
rapport au PIB est un leurre, car, en cas de retournement de conjoncture, la
situation sera difficile.
Ce qui intéresse les Français, ce ne sont pas les discours, c'est la réalité
qu'ils vivent. Dans mon domaine de compétence, l'environnement, je ne constate
que des hausses, je ne vois aucune baisse d'impôt !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Très juste !
M. Philippe Adnot.
La taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, a plus que doublé.
Les prélèvements sur l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de
l'énergie, l'ADEME, sont de l'ordre de 500 millions de francs.
Les prélèvements sur les agences de l'eau qui s'élèvent à quelque 500 millions
de francs devraient bientôt atteindre 1 milliard de francs.
La taxe sur l'énergie qui va être mise en place et qui représentera 9
milliards de francs sera nécessairement répercuté sur les consommateurs et
constituera donc pour eux non pas une baisse d'impôt, mais bien un prélèvement
supplémentaire.
Enfin, de nouvelles redevances sont instituées pour compenser ces prélèvements
sur les agences de l'eau ; ce sera autant en moins dans la poche des
particuliers, des entreprises et des collectivités. Mais il vrai que les
redevances ne sont pas comptabilisées dans les prélèvements...
Nous constatons que vous ne baissez par les prélèvements réels car vous n'avez
pas su, ou pas pu, baisser les dépenses de fonctionnement.
La vérité du budget une fois posée, il faut, pour juger l'ambition en matière
de politique fiscale et de politique d'emprunt, examiner non pas la masse
budgétaire des dépenses, mais la qualité de la dépense publique.
Que fait-on de l'argent des Français ? Je prendrai quelques exemples.
Pour faire accepter la « pilule » des trente-cinq heures, on a mis des «
carottes financières », qui, aujourd'hui, profitent essentiellement aux très
grandes entreprises et sont autant d'effets d'aubaine. La conjoncture s'étant
améliorée, les entreprises auraient de toute façon créé des emplois. Il aurait
été préférable de laisser cet argent dans les entreprises où on l'a prélevé ou
chez les particuliers.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Excellent !
M. Philippe Adnot.
L'examen des différents budgets montre que ce sont toujours les dépenses de
fonctionnement qui sont privilégiées - nous aurons encore l'occasion de le
constater dans le budget pour 2000 - créant ainsi des rigidités sur lesquelles
il faudra revenir.
Ainsi, pour encourager l'intercommunalité, vous avez mis en place une DGF
supplémentaire : 1 milliard de francs y sera consacré en 2000, mais cela se
traduit par autant de dépenses de fonctionnement durables, alors qu'il aurait
fallu aider, sous forme de dotation d'équipement, des investissements
collectifs générant des économies structurelles. Or ce n'est pas ce qui est
fait.
La priorité des priorités dans un budget, c'est l'investissement structurant,
créateur de richesses. Je salue, à cet égard, la volonté du ministre de la
recherche de réinscrire la synchrotron au rang de ses priorités.
M. Paul Loridant.
Très bien !
M. Philippe Adnot.
Je regrette que les atermoiements de Mme Voynet remettent en question notre
capacité de développer nos potentiels logistiques, alors que c'est le véritable
complément de la nouvelle économie. Celle-ci ne connaîtra de développement que
s'il y a une bonne logistique. Sur ce plan, Mme Voynet ne nous aide pas
vraiment !
La priorité des priorités dans un budget, c'est l'investissement dans la
formation des jeunes, mais dans une formation opérationnelle. Il est scandaleux
de voir qu'à la première reprise d'activité - nous rencontrons tous les jours
des chefs d'entreprise qui nous le disent - les entreprises ne trouvent pas les
personnes qui leur permettraient d'assurer leur dévelopement. Cela signifie que
l'investissement dans la formation n'a pas été dirigé convenablement : la masse
existe, mais il manque la qualité de la dépense, et c'est bien regrettable.
En conclusion, un bon budget devrait nous donner de la compétitivité. La
faiblesse de l'euro actuelle masque nettement cette insuffisance. Aujourd'hui,
nous bénéficions tout de même d'un différentiel de 30 %,...
M. Philippe Marini.
rapporteur général.
Exact !
M. Philippe Adnot.
... qui, hors de l'Europe, nous permet d'avoir une compétitivité apparente
très grande. Qu'en sera-t-il si l'euro retrouve un cours plus raisonnable ?
Dans l'Europe, les délocalisations, qui ont déjà été évoquées, qu'elles
concernent les entreprises ou les jeunes, sont très éloquentes et montrent bien
à quel niveau nous nous situons en matière de compétitivité.
Un bon budget doit préparer l'avenir par le choix de ses dépenses et de leur
retour, sous forme de création de richesses nouvelles.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Très bien !
M. Philippe Adnot.
Vous avez bénéficié d'une conjoncture favorable. Vous avez su - cela doit être
porté à votre crédit - créer un contexte psychologique favorable pour la
reprise de la consommation, il est d'autant plus regrettable que vous n'ayez
pas su en profiter pour améliorer de manière structurelle notre compétitivité.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants. - M. Paul Girod applaudit également.)
M. le président.
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, c'est
vrai, l'apparence des finances sociales est bonne : le retour à l'équilibre
comptable de la sécurité sociale en 1999, la perspective d'un excédent en 2000,
les bonnes rentrées de la contribution pour le remboursement de la dette
sociale, la CRDS, et les discussions menées entre partenaires sociaux sur la «
refondation sociale » constituent autant de signes positifs, que personne ne
peut nier.
Cependant, il convient d'aller au-delà de cette simple apparence et d'essayer
d'analyser, dans l'évolution actuelle de nos finances sociales, la manière dont
les résultats d'aujourd'hui préparent l'avenir. Et, à cet égard, je rejoins le
propos de notre collègue M. Adnot.
Je pense qu'il convient de mener cette réflexion à l'aune de trois critères :
le niveau global des prélèvements affectés à la sécurité sociale, le rythme
d'évolution des dépenses et les réformes en cours pour adapter notre système
social aux défis qui ne manqueront pas de se présenter à lui.
Or, force est de constater que sur aucun de ces points le bilan n'est
positif.
Je ne développerai pas l'évolution des principaux postes, sinon pour constater
la hausse des recettes, mais aussi des dépenses, et le maintien du très fort
déficit de l'assurance maladie.
Je relève dans ces chiffres des sources d'inquiétude.
L'écart entre les prévisions et les réalisations de recettes pour le régime
général en 1999 est de plus de 40 milliards de francs, alors que le solde ne
s'est amélioré que de 5 milliards de francs : la différence entre ces deux
sommes représente donc 35 milliards de francs de dépenses supplémentaires entre
mai 1999 et mai 2000.
Qu'en est-il pour 2000 ? L'objectif national de dépenses d'assurance maladie
pour 2000, l'ONDAM, est déjà dépassé, de 3,5 milliards de francs, et la
commission des comptes de la sécurité sociale reconnaît elle-même l'objectif
comme « difficile à tenir ». Les dépenses de médicaments augmentent à un rythme
de plus de 6 % ; les appareillages médicaux ont un rythme de croissance de plus
de 19 %... Je ne citerai pas tout.
Depuis 1997, les dépenses de l'ONDAM ont augmenté de 60 milliards de francs en
réel. Compte tenu de la croissance théorique prévue année après année, il
devrait atteindre 645 milliards de francs. Or il s'élève à 662 milliards de
francs, soit 17 milliards de plus. Le taux annuel théorique, que nous votons
ici chaque année, est de 2,4 % ; le taux effectivement réalisé atteint 3,5 %
!
Bref, la volonté affichée par le Gouvernement de baisser les prélèvements
obligatoires ne se traduira pas dans les prélèvements sociaux, révélant ainsi
une certaine absence de maîtrise des finances sociales.
Pour mieux apprécier ces résultats, je développerai trois points : la
fragilité de l'équilibre, le caractère déplacé du triomphalisme ambiant et les
perspectives.
L'équilibre retrouvé reste fragile, et ce de trois manières.
Tout d'abord, l'équilibre résulte de toute évidence du dynamisme des recettes.
Ces dernières augmentent par deux biais : la forte croissance économique
soulignée par tous et les nouveaux prélèvements obligatoires, sur lesquels il
convient aussi d'insister. Les surplus sont, quant à eux, systématiquement
utilisés pour couvrir les hausses de dépenses. Comme il est possible que les
recettes de 2000 soient réévaluées, je fais le pari qu'elles serviront aussi à
pallier les hausses de dépenses de l'assurance maladie.
Cette fragilité réside également dans le dynamisme de la sphère des finances
sociales. Les recettes et les dépenses du régime général ont augmenté à un
rythme annuel supérieur à 4 % depuis 1997 ; dans le même temps, le produit
intérieur brut augmentait de 3 % et le budget de l'Etat de 2 %, « hiérarchie »
qui mérite d'être soulignée.
La hausse des recettes et des dépenses de sécurité sociale constituent deux
phénomènes non liés : les dépenses augmentent par elles-mêmes alors que les
recettes évoluent avec l'activité et les prélèvements obligatoires. Tout
retournement de conjoncture briserait les recettes mais n'interromprait pas la
croissance des dépenses.
Mais la conjoncture ne suffit pas. Mme Aubry a dit elle-même que, sans les
prélèvements nouveaux, la sécurité sociale aurait été en déficit de 20
milliards de francs. Douze prélèvements nouveaux - j'ai bien dit « douze ! » -
ont été créés en matière sociale depuis 1997 : la taxe générale sur les
activités polluantes, la cotisation sociale sur les bénéfices, la contribution
au fonds de financement de la couverture maladie universelle, la CMU. Je
m'arrête là, car douze, c'est long à énumérer !
Bref, les prélèvements obligatoires pour les finances sociales sont de 20,9 %
du PIB, et ils ont augmenté de 4,8 % entre 1998 et 1999.
Enfin, il convient de dénoncer les transferts incessants de l'Etat vers des
fonds en charge de missions particulières, comme le financement de la CMU ou
des 35 heures. Ces organismes sont considérés comme des organismes de sécurité
sociale, bénéficient d'impôts et taxes de l'Etat et de subventions budgétaires,
mais ils n'apparaissent plus dans la sphère de l'Etat. Tout le monde y perd
dans ce système, à commencer par vous, je suppose, monsieur le ministre, madame
le secrétaire d'Etat, qui avez moins de moyens d'action, et par nous, membres
du Parlement, qui voyons les présentations comptables encore plus brouillées,
et ce n'est pas peu dire !
J'en viens - c'est ma deuxième remarque - aux nuances à apporter au
triomphalisme actuel.
Rappelons ainsi, comme l'a dit M. Delaneau, que la CADES doit encore
rembourser 300 milliards de francs.
Ajoutons qu'une dette bien plus importante encore se profile à l'horizon ;
celle des régimes de retraite. Elle concerne au premier chef les régimes de la
fonction publique. Or ces pensions non financées sont les prélèvements de
demain. Il n'est qu'à voir l'absurdité de la situation de la CNRACL, la caisse
nationale de retraites des agents des collectivités locales, dont les taux de
cotisation ne cessent d'être majorés pour payer les compensations financières
avec les autres régimes et pour laquelle les syndicats de fonctionnaires
territoriaux nourrissent, comme ils l'ont dit récemment, les plus grandes
inquiétudes.
Enfin, il faut bien avoir conscience que l'excédent des administrations de
sécurité sociale au sens de Maastricht, celui que vous avez transmis à
Bruxelles, repose sur deux hypothèses très fragiles.
La première était la modération des dépenses d'assurance maladie : on a vu
qu'il en est rien.
La seconde hypothèse est un très fort excédent des régimes gérés par les seuls
partenaires sociaux comme l'UNEDIC. Or les négociations sur la refondation
sociale déboucheront probablement sur des baisses de cotisations ou de
nouvelles prestations, ce qui diminuera presque inéluctablement cet
excédent.
Ma troisième grande remarque a trait aux perspectives difficiles qui se
profilent. L'avantage des finances sociales est que le pire est à peu près
prévisible en la matière, particulièrement dans deux domaines : la maladie et
les retraites.
Le premier nuage est celui que crée le Gouvernement lui-même par ses mesures
non financées. Je poserai deux questions à cet égard : où sont les 7 milliards
de francs de recettes du fonds de financement des 35 heures annulées par le
Conseil constitutionnel ? Où sont les 5,5 milliards de francs que l'Etat doit à
la branche famille pour la majoration de l'allocation de rentrée scolaire et le
FASTIF ?
En matière de maladie, je m'interroge sur la politique hospitalière. Nous
attendons un plan de réforme de l'hôpital et des cliniques qui résolve les
trois grands problèmes suivants : les inégalités entre régions, les besoins de
modernisation dans le cadre des procédures d'évacuation et la réflexion sur la
place de l'hôpital dans le système de santé de demain. Au lieu de cela, le
Gouvernemen nous propose 10 milliards de francs, dont 8 milliards de francs
pour le fonds de modernisation. Or que constatons-nous ? Que ce fonds a un
rythme de consommation de ses crédits extrêmement bas ; or peu de crédits
signifie peu de modernisation. Cela vient donc augmenter les dépenses publiques
sans répondre à aucun des problèmes que je viens d'énumérer. Ces dépenses
supplémentaires sont de plus curieuses, pour ne pas dire insultantes pour des
cliniques qui ont fait des efforts de restructuration et ferment aujourd'hui
leurs portes, ayant donc une rentabilité quasi nulle.
Je ne développerai pas les autres vides de la politique du Gouvernement en
matière d'assurance maladie : où sont les économies engendrées par
l'informatisation médicale ? Où sont celles qui sont occasionnées par une
meilleure place donnée à la prévention ? Combien coûteront les embauches dans
les caisses de sécurité sociale, dont votre collègue Mme Aubry m'assurait,
voilà un an, qu'il n'y en aurait pas besoin grâce à la carte Vitale ?
Enfin, le vide en matière de retraite est confondant : pas moins de trente
rapports en vingt ans, des annonces solennelles en février 2000 et puis plus
rien, sinon l'installation d'un conseil d'orientation chargé de réfléchir sur
une matière dans laquelle les réflexions manquent bien moins que les
actions.
Dans le domaine des finances sociales, je voudrais faire remarquer que le
retour à l'équilibre est purement comptable et ne repose sur quasiment aucune
politique volontariste et courageuse. Il est le fruit d'une conjoncture
favorable, pas celui de la volonté gouvernementale.
Quant aux perspectives détaillées, à moyen terme, elles sont, me semble-t-il,
totalement absentes.
Parce que vous avez abandonné le dialogue social, les partenaires sociaux se
sont, eux, engagés dans une réflexion de grande ampleur sur la « refondation
sociale » afin de reprendre leurs responsabilités. Il s'agit d'un travail
urgent et essentiel pour l'avenir de notre système de protection sociale.
Il faut, a déclaré M. Fabius tout à l'heure, assainir et agir. En matière de
finances sociales, vous n'avez fondamentalement ni assaini ni agi. La réduction
des impôts et des prélèvements doit être un élément de la stratégie sociale. Il
est dommage qu'elle ne semble pas l'être.
La seconde partie de mon propos concerne la politique des transports sur
laquelle je formulerai trois constatations évidentes.
Premièrement, tout pays qui renonce à s'équiper et à investir est un pays qui
freine son avenir et son développement.
Deuxièmement, la France, de par sa position exceptionnelle de plaque tournante
européenne, devrait avoir une politique de transport cohérente, équilibrée sur
le plan régional et, enfin, des modes de transport respectueux des besoins des
acteurs économiques.
Troisièmement, la France, pas plus que l'Europe, n'a pas de politique
financière à long terme pour ses infrastructures de transport.
D'ailleurs, M. le ministre n'a pas dit un mot sur ce point dans son
intervention liminaire. Notre pays ne sait pas conjurer la valorisation et
l'optimisation des infrastructures existantes avec la création de nouveaux
équipements pour faire face aux besoins dont la croissance ne se ralentit
pas.
Or la mondialisation des échanges, la construction d'un espace européen de
plus en plus intégré, l'évolution des besoins de transport tant des ménages que
des entreprises entraînent une demande forte à laquelle il convient de
répondre.
Toutes les études prospectives montrent que la demande des transports va
croître à un rythme accéléré au cours des prochaines décennies. L'ensemble des
modes de transport est concerné et la réduction dramatique de notre effort
financier public dans le domaine des infrastructures de transport ne permet pas
de répondre aux besoins des usagers et des acteurs économiques.
Je citerai six exemples qui ne recouvrent d'ailleurs qu'une partie de ce
problème essentiel.
Premier exemple : la priorité affirmée pour le transport ferroviaire de
voyageurs, qui est bonne en elle-même, a abouti à une insuffisance
catastrophique de la politique du fret ferroviaire. Des investissements de
désaturation des noeuds ferroviaires à hauteur de 15 à 20 milliards de francs
sont nécessaires en vue de doubler le trafic de fret en dix ans. C'est là
l'objectif du Gouvernement. Comment sera-t-il réalisé ?
Mais quelles ambitions d'investissements massifs peut-on avoir avec un
ensemble ferroviaire qui ne peut actuellement fonctionner que grâce aux
soixante-deux milliards de francs de contributions publiques qu'il reçoit
chaque année et qui augmentent à un rythme soutenu ?
Deuxième exemple : le pavillon français continue à souffrir d'un déficit de
compétitivité par rapport à ses principaux concurrents européens. La flotte de
commerce française, après avoir été à la cinquième place, n'est plus
aujourd'hui qu'au vingt-huitième rang mondial avec 218 navires sous pavillon
français, alors que la flotte néerlandaise en détient 525 et la flotte
norvégienne 1 622.
Troisième exemple : l'espace aérien est largement saturé et le sera davantage
compte tenu de la croissance prévisible du transport aérien.
Quatrième exemple : les crédits publics consacrés aux activités portuaires
stagnent ou diminuent, à tel point que la Cour des comptes, dans un rapport du
16 novembre 1999, a souligné l'incapacité de l'Etat à définir les objectifs de
sa politique portuaire, incapacité qui s'est traduite par « des réformes
juridiques parcellaires et des choix financiers peu efficaces ».
Cinquième exemple : quelle ambition fluviale peut-on avoir sans budget et sans
ressources, après avoir abandonné la liaison Rhin-Rhône et face à notre
incapacité de financer la liaison Seine-Est ?
Enfin, sixième exemple : nous vivons un paradoxe inquiétant et étonnant en ce
qui concerne notre politique routière et autoroutière. Notre système
autoroutier concédé fait l'objet de nombreuses contestations publiques,
notamment de la part de certains membres du Gouvernement, alors qu'il s'agit du
seul mode de transport non seulement dont l'équilibre financier est assuré mais
aussi qui engendre huit milliards de francs de recettes pour l'Etat dont 2
milliards de francs au profit du FITTVN, le fonds d'investissement des
transports terrestres et des voies navigables, et qui, de surcroît, avec près
de 18 % du trafic, supporte moins de 3 % des accidents.
Pour une politique des transports, vous ne pourrez occulter longtemps la
nécessité d'avoir une vision claire de la situation financière actuelle et
future de chaque mode de transport afin de pouvoir faire apparaître la juste
part des contributions publiques qui doit leur revenir et de connaître les
possibilités de développement futur de chaque mode de transport dans le cadre
d'une politique intermodale active et dynamique.
Vous ne pourrez pas échapper bien longtemps à ces analyses lucides et
totalement objectives sur un sujet qui engage l'avenir de notre pays.
Nos finances sociales et nos infrastructures de transport sont deux secteurs
où la réflexion et les prévisions à moyen et à long terme sont essentielles
pour bâtir l'avenir de nos concitoyens et de notre économie. Dans ces deux
domaines, votre bilan est loin d'être positif.
(Applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, ce débat sur les orientations budgétaires doit être serein et
objectif, afin de pouvoir offrir les meilleures perspectives possibles et les
choix les plus judicieux pour le budget de 2001.
Etre serein, n'est-ce pas avoir un jugement équilibré et non politicien ? Pour
préparer cette intervention, j'ai relu certaines des interventions de M. le
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Elles sont toujours de
qualité, j'en conviens, mais je voudrais attirer l'attention du Sénat sur celle
qu'il a faite le 26 avril dernier devant la commission des finances, de
l'économie et du Plan de l'Assemblée nationale.
M. Fabius déclarait alors ceci : « La situation macro-économique est bonne :
la prévision de la croissance de 3,6 % du PIB en 2000 vient d'être confirmée
par le FMI, l'inflation est maîtrisée, le chômage recule au point d'observer
quelques goulets d'étranglement dans certains secteurs comme le bâtiment et
l'informatique, la balance extérieure est toujours favorable, la production
industrielle est bonne et les résultats en termes de créations d'emplois
s'améliorent très nettement. »
Que voilà de belles choses et de bonnes nouvelles !
Je ne conteste pas le ton général se voulant optimiste, mais je pense qu'il
serait sage d'adjoindre à cette analyse d'ensemble l'énoncé des incertitudes et
des tensions qui se font jour et que nous ne pouvons pas nier.
Je souhaiterais également qu'au niveau de la méthode nous soyons encore plus
perfectibles.
M. Joxe a fait observer, devant la commission des finances de l'Assemblée
nationale, que le projet de loi de règlement de 1998 avait été enregistré à
l'Assemblée nationale en septembre 1999. Il n'est inscrit à l'ordre du jour
qu'en mai 2000, alors qu'il aurait pu l'être dès octobre dernier, a-t-il
déclaré. Le projet de loi de règlement du budget de 1999 devrait, quant à lui,
pouvoir être déposé cette année, en juin ou juillet. C'est pourquoi il pourrait
être examiné avant le projet de loi de finances pour 2001, conformément au voeu
de certains. Ceci, au passage, permettrait de valoriser le travail des trente à
quarante personnes qui, à la Cour, préparent les rapports sur l'exécution des
lois de finances.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Tout à fait !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Ensuite, je souhaiterais que, parmi les tensions, on soit plus équilibré, plus
réaliste sur celles qui, peut-être, minent la prospérité américaine apparente
et son attractivité.
A ce sujet, il est vrai que le dynamisme de l'économie américaine ne se dément
pas pour l'instant. Le rythme de plus 6 % de croissance au deuxième trimestre
1999 se poursuit. Il ne faut pas nier, cependant, l'existence de nombreux
dangers signalés par les observateurs.
Tout d'abord, c'est la progression des marchés boursiers et immobiliers qui a
alimenté le dynamisme de la consommation.
La remontée du cours du pétrole vient d'entraîner une progression de
l'inflation, avec une conséquence immédiate de ralentissement du pouvoir
d'achat.
Depuis mai 1999, l'envolée des valeurs de haute technologie a compensé la
stagnation, voire le recul des valeurs traditionnelles. Les évolution
boursières ne devraient plus soutenir comme elles le faisaient la consommation
des ménages.
Enfin, dans cette embellie économique et financière, on ne note plus de
nouvelles progressions de capacité de production.
Tous les observateurs notent la poursuite d'un dynamisme au cours du premier
semestre 2000, mais nourrissent des craintes pour la fin 2000, et ce pour une
raison fort simple : les anticipations de profit des valeurs de l'indice NASDAQ
associées aux nouvelles technologies peuvent apparaître exagérément gonflées,
avec un réveil brutal possible en 2001.
Ce double constat ne peut donc nous conduire qu'à une analyse équilibrée de
ses conséquences sur notre économie.
La vigueur de l'activité mondiale, notamment américaine, entraîne aussi une
hausse du coût des matières premières industrielles et des taux d'intérêt.
La guerre économique n'est-elle pas relancée par une attitude se voulant
hégémonique de la part des USA ?
Agressifs dans le champ des négociations commerciales internationales, les
Etats-Unis semblent avoir clairement opté également pour la lutte contre l'euro
sur les marchés de change internationaux.
Le mouvement de hausse des taux d'intérêt qu'en toute indépendance la Banque
centrale européenne a d'ailleurs décidé de relayer tend à créer les conditions
de nouveaux gâchis de ressources financières et de bridage de la croissance
réelle.
Le projet de collectif budgétaire, dont nous débattrons ultérieurement,
n'intègre-t-il pas, d'ailleurs, une forme de provision pour risques de change à
hauteur de 15 milliards de francs au titre du service de la dette publique ?
Nous voyons combien cette guerre épuisante et coûteuse sur les marchés
financiers fait peser des charges sur notre croissance, qui est somme toute
assez fragile. Nous aimerions connaître votre avis, madame la secrétaire
d'Etat, sur cette question.
Au lieu de consacrer tant d'énergie et d'argent à soutenir coûte que coûte la
parité de l'euro, ne convient-il pas plutôt d'augmenter les salaires, les
minima sociaux et le RMI, pour relancer la consommation populaire ? Nous vous
le proposons.
Le Gouvernement estime que tous les indicateurs sont au beau fixe pour notre
pays : un taux de croissance prévu de 3 % après 3,6 % en 2000, soit la plus
forte séquence positive depuis vingt-cinq ans ; une hausse de la consommation
intérieure de 3 % à 3,5 % par an pour 2000 et 2001, avec des excédents
commerciaux supérieurs à 100 milliards de francs par an ; une absence de risque
inflationniste : 0,9 % prévu pour 2000, mais un « pic » de 1,6 % en janvier, et
1,2 % en 2001 ; une amélioration nette de la situation de l'emploi, avec une
baisse continue du chômage et la perspective de 2 millions de chômeurs pour
2002.
Avec de tels constats et de telles perspectives, peut-on admettre que l'écart
entre les 10 % les plus riches de nos concitoyens et les 10 % les plus pauvres
continue à se creuser et que le nombre de RMIstes ne fasse que croître ?
Peut-on admettre que les salaires n'aient progressé que de 2 % en 1997, de 1,8
% en 1998 et de 1,9 % en 1999, alors que les réserves financières ont fait un
bond de 8,32 % et la Bourse de plus de 52 % ?
Ne convient-il pas, au contraire, de profiter de cette croissance, mais avec
la volonté d'en faire bénéficier ceux qui l'ont produite, et de la faire
progresser encore au-delà des 3 % prévus et d'augmenter tous les salaires ?
Des possibilités d'augmentation généralisée des salaires existent avec une
majoration du SMIC de plus de 6 % sans attendre, c'est-à-dire au 1er
juillet.
Des financements peuvent être trouvés pour la revalorisation des minima
sociaux, notamment par l'augmentation de l'ISF, avec intégration des biens
professionnels dans l'assiette de cet impôt, l'instauration d'une taxe sur les
mouvements des capitaux, la taxation de tous les revenus financiers.
Il s'agirait là, au-delà de la confortation de la croissance, d'une mesure de
justice sociale.
En 1999, les dépenses de consommation des ménages ont progressé de 2,1 %.
Mais, en regardant d'un peu plus près le détail de cette progression, on peut
faire certaines observations.
Les dépenses de consommation des ménages ont diminué pour le pain de 0,4 %,
pour la viande de 0,9 %, pour les fruits et légumes de 0,9 %, pour les boissons
non alcoolisées, le chauffage et l'éclairage de 2,7 %, pour les appareils
ménagers de 1,6 %, pour les loisirs et la culture de 1,3 %, pour les appareils
électriques et informatiques de 8,1 %, pour les assurances de 0,5 %.
Cette évolution démontre l'existence d'inégalités fortes, voire aggravées. Ce
sont les plus pauvres qui ont besoin de faire remonter les pourcentages des
dépenses de vie courante, démontrant bien par là, pour les prochains budgets,
une nécessaire augmentation des ressources et du pouvoir d'achat.
Je devance certaines remarques, qui me seront certainement faites, visant à
affirmer que ces mesures ne sont pas possibles parce que les entreprises ne les
supporteraient pas.
N'oubliez pas, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, que la part
des salaires dans la valeur ajoutée produite n'a pas connu d'augmentation
significative, continuant de se situer, dans les entreprises, sous la barre des
60 %, niveau que notre pays connaissait, soit dit en passant, au début des
années soixante-dix.
N'oubliez pas que le taux de marge des entreprises ne s'est pas affaissé,
puisqu'il se situe aujourd'hui aux alentours de 32 points, c'est-à-dire, là
encore, au niveau que l'on atteignait dans les années soixante-dix.
Dans la réalité vécue par les salariés de notre pays, qu'observe-t-on ?
Tout simplement que les gains de productivité, bien antérieurs à l'adoption
des deux textes relatifs à la réduction du temps de travail, n'ont pas été
recyclés, loin de là, dans l'emploi et dans les salaires, mais dans la
progression des taux de marge et de rentabilité.
Et qu'a-t-on fait de ces marges ?
Les entreprises s'en sont largement servies, dans un premier temps, pour
alléger leurs charges financières, en se désendettant largement et en
déprimant, soit dit en passant, leurs dépenses effectives d'investissement
productif réel.
On a, ensuite, massivement augmenté le montant des dividendes distribués,
celui-ci dépassant, en 1998, 500 milliards de francs.
Sur ce chapitre, on soulignera que la presse économique s'est fait l'écho, ces
dernières années, de perspectives de distribution de dividendes encore plus
importantes pour les sociétés cotées, attestant donc de l'existence de
véritables pactoles financiers.
De façon marginale, puisque ce dispositif ne concerne que moins de 26 000
hauts cadres dirigeants des entreprises de notre pays, soit au plus un millième
des contribuables de l'impôt sur le revenu, l'amélioration sensible de la
rentabilité des entreprises en valeur absolue et en valeur relative a bonifié
un peu plus les dispositifs de stock-options existants.
Vous me permettrez donc de m'interroger sur le bien-fondé de toutes les
dispositions tendant, dans les faits, à alléger de manière quelque peu aveugle
les cotisations sociales des entreprises puisque, à l'examen, leur situation
financière ne nécessite pas, sur un plan général, une telle sollicitude.
La meilleure preuve de cette excellente santé financière de nos entreprises ne
nous est-elle pas fournie par le relèvement sensible, hors toute majoration
exceptionnelle, du produit de l'impôt sur les sociétés - plus de 30 milliards
de francs de plus-value en fin d'année 1999, ne l'oublions pas - qui fut
l'élément essentiel des recettes officielles supplémentaires, lesquelles, dans
les faits, ne sont qu'une partie de la véritable cagnotte, celle des profits
?
Tout est d'ailleurs à relativiser au moment où France Télécom, sans doute
fidèle à ses principes de service public « méthode Carrefour », s'apprête à
engager 328 milliards de francs - c'est une fois et demie le déficit que nous
propose de constater le projet de loi de finances rectificative - dans le
rachat de l'opérateur britannique de télécommunications Orange ?
Car c'est bien là une autre donnée essentielle de la situation économique
d'aujourd'hui : le trésor de guerre des entreprises a aussi été massivement
utilisé pour mener des raids, des offres publiques d'achat et d'échange, OPA et
OPE, des opérations de mégafusions et acquisitions, bien souvent au détriment
de l'emploi.
L'exemple le plus évident de cette dérive ne nous est-il pas donné par
Michelin qui, non content de contraindre ses salariés à consentir des
sacrifices sur l'évolution de leurs salaires, de leur faire accepter une
accentuation de la productivité apparente du travail, utilise ensuite les
marges financières ainsi créées pour les licencier en masse et rémunérer de
manière plus importante ses commanditaires ? Et les Michelins sont nombreux
dans le pays !
Vous me permettrez, madame la secrétaire d'Etat, de regretter ici que le
projet de loi portant sur les nouvelles régulations économiques n'ait pas pu
encore être inscrit à l'ordre du jour de la Haute Assemblée...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Regret partagé !
Mme Marie-Claude Beaudeau
... après son passage à l'Assemblée nationale. Pourquoi ?
Le débat sur ces sujets est en effet pour nous crucial, quand bien même, au
demeurant, le texte qui nous était proposé manquait un peu de souffle, pour ne
pas dire plus.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Nous aurions pu le muscler !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Ces éléments sont des éléments incontournables du contexte de définition des
orientations budgétaires pour 2001 et il importe, à notre avis, d'en tenir
compte dès lors qu'il s'agit notamment de définir les caractères de
l'intervention publique en direction des entreprises et de l'emploi, ou de
revisiter le champ de la dépense fiscale de soutien à l'activité, à l'emploi et
à l'investissement.
D'autres parmi vous ne vont-ils pas s'abriter aussi, pour justifier cette
impossibilité, sur la nécessité d'une coordination des politiques fiscales des
Etats membres de l'Union ?
Sur ce chapitre fondamental, vous me permettrez de formuler quelques
observations et de poser quelques questions.
Il importe d'abord de se demander où nous en sommes.
Tout d'abord, il existe assez peu de domaines où le travail des commissaires
européens en charge du dossier fiscal ait produit un résultat patent.
Ainsi, il n'existe pas de coordination en matière de droits d'accises, sinon
pour valoriser une majoration de la taxe pesant sur la consommation de
gazole.
De même, en matière de TVA, l'eurocompatibilité se limite, pour l'heure, à
fixer des planchers d'imposition pour la définition du taux réduit et du taux
normal de la taxe, sans que les assiettes soient aujourd'hui unifiées et alors
que persistent - pour certains aspects, heureusement - de grandes divergences
dans l'application de la taxe comme dans les conditions de son recouvrement.
C'est d'ailleurs d'autant plus regrettable que l'initiative parlementaire est
généralement à la fois victime de cette eurocompatibilité limitée et du fait
qu'une part importante de la contribution de chacun des Etats membres est
encore fondée sur un prélèvement sur les recettes de TVA.
Pour notre part, nous estimons que la France doit être à l'initiative d'une
redéfinition de la directive sur la TVA laissant plus de marge de liberté aux
Etats membres, tandis que nous devons clairement envisager la perspective de la
réduction du taux normal pratiqué dans notre propre pays.
S'agissant, en ce domaine, de la sortie du régime transitoire, nous ne pouvons
encore manquer de souligner que celle-ci ne peut s'effectuer tant que certains
de nos partenaires continueront à vouloir imposer l'abandon des règles qui
président, dans notre pays, à la détermination de l'exigibilité de la taxe.
Dans un autre domaine, soulignons que la Commission européenne ne semble pas
avoir encore réussi à préciser sa position sur la question cruciale de
l'imposition des plus-values et des placements et revenus de capitaux
mobiliers, comme de valeurs monétaires.
Le Parlement européen a ainsi débattu de la mise en place d'une taxation des
transactions menées sur les marchés monétaires, taxation inspirée des travaux
du prix Nobel américain d'économie James Tobin, mais il semble bien que la
Commission fasse encore, là aussi, la sourde oreille.
Madame la secrétaire d'Etat, quelles suites entendez-vous donner aux exigences
de M. Pedro Solbes, qui vient de s'exprimer au nom de la Commission sur la
monnaie unique ?
M. Solbes prétend interdire toute réduction d'impôt non compensée par une
réduction des dépenses courantes.
M. Solbes veut nous contraindre à une hausse des impôts en cas de décélération
de la conjoncture et, inversement, prendre en compte l'effet de la pression
fiscale sur le niveau de la dette publique et la politique budgétaire à long
terme.
Enfin, M. Pedro Solbes exige que la baisse d'impôt s'inscrive dans le cadre
d'une réforme globale de la fiscalité.
Que pensez-vous de ces exigences ? N'y a-t-il pas là une attitude comminatoire
quelque peu déplacée ? Entendez-vous, madame la secrétaire d'Etat, répondre à
ces oukases ? Puisque le temps vient d'assumer la présidence de l'Union
européenne, quels seront vos choix, vos propositions, vos décisions ?
M. Védrine, lors de sa communication, la semaine dernière, au Sénat, s'est
montré fort réservé, voire énigmatique. Comme s'il n'allait rien se passer !
Nous en doutons fortement, et les propos introductifs de M. le ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie, tout à l'heure, m'ont paru un peu
trop lapidaires. Donc, qu'allez-vous proposer ?
Nous attendons l'expression de la volonté du Gouvernement, de ses projets : la
présidence française s'achèvera alors que le budget pour 2001 sera voté.
Madame la secrétaire d'Etat, permettez-moi maintenant d'en venir à d'autres
propositions.
Nous avons inscrit, comme proposition majeure pour notre pays, la majoration
des ressources des Français. Nous ne pouvons pas admettre cette réalité de
travailleurs pauvres, qui émerge actuellement pour devenir simple banalité. Le
travail ne nourrirait plus l'homme !
Accompagnant une première mesure de revalorisation du pouvoir d'achat, nous
proposons de rééquilibrer fiscalité directe et fiscalité sur la consommation,
afin de favoriser cette dernière.
De nouvelles baisses ciblées de la TVA entraîneraient des achats
supplémentaires pour les plus défavorisés de nos concitoyens, seraient une
impulsion pour la production de biens pour les ménages, nous acheminant vers un
retour au taux de 18,6 %. La directive européenne fixe d'ailleurs un plancher
de taux de la TVA de 15 %.
Une réforme hardie de la fiscalité sur l'essence permettrait plus de justice
sociale et des ressources nouvelles. « Faire le plein » devient une dépense
trop lourde pour les milieux populaires, notamment pour tous les automobilistes
que la spéculation foncière et immobilière a chassés des centres-villes
urbains. Or 85 % du prix de l'essence est constitué de taxes.
La baisse de l'impôt que vous proposez peut être source de plus grandes
inégalités et d'injustices, puisque vous prévoyez en même temps un abaissement
des plus hautes tranches. Nous pensons au contraire que, s'il faut refondre le
barème et maintenir les 20 %, il faut aussi créer de nouvelles tranches et
revoir l'avoir fiscal. Il est quand même anormal que 100 000 foyers fiscaux
ayant des revenus supérieurs à 150 000 francs soient non imposables !
L'imposition des revenus financiers des entreprises doit être revue à la
hausse. La prise en compte d'une partie des actifs financiers des entreprises à
un taux de 0,3 % dans l'assiette de la taxe professionnelle rapporterait 60
milliards de francs aux collectivités territoriales, ce qui permettrait la
réforme tant attendue et sans cesse rapportée de la taxe d'habitation, avec une
prise en compte nouvelle des ressources et un dégrèvement de la taxe sur le
foncier bâti, qui devient trop lourde pour les nouveaux propriétaires les moins
fortunés.
L'accroissement du nombre de dossiers de surendettement est là pour rappeler
qu'un nouveau problème bien réel se pose. Dans mon département, le Val-d'Oise,
3547 dossiers ont été déposés en 1999, soit une augmentation de plus de 20 % en
un an.
Complétant les mesures de revalorisation du pouvoir d'achat et d'une justice
fiscale plus morale et plus efficace, nous proposons une nouvelle définition de
la notion de dépenses publiques en fonction des besoins et non de postulats
réducteurs de dépenses mais aussi de croissance, comme l'a dit tout à l'heure
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, d'ailleurs
approuvé en cela par le président de notre commission des finances.
La situation des comptes sociaux, comme celle des comptes des collectivités
locales, s'est améliorée. Nous ne pouvons d'ailleurs qu'en profiter pour
indiquer que la création d'emplois et l'amélioration des recettes de la
sécurité sociale sont incontestablement les outils les plus performants pour
améliorer les comptes sociaux, et ce bien plus que toutes les mesures de
restriction et d'économies qui ont été choisies ces dernières années.
Pour autant, cette situation des comptes publics qui, sous de nombreux
aspects, répond aux exigences de la construction européenne et aux objectifs de
convergence des politiques économiques et budgétaires, présente cependant un
certain nombre de faiblesses.
Second aspect de la situation : la question de l'origine de l'amélioration des
comptes est indissociable de celle des choix qui sont opérés en matière de
fiscalité et de dépenses publiques.
De manière plus significative, nous devons poser de nouveau la question de la
dépense pour l'emploi et, notamment, poser le problème de sa réaffectation vers
l'allégement de la contrainte financière des entreprises en lieu et place de
l'allégement des cotisations sociales.
M. le ministre a déclaré vouloir mettre fin au gel de l'emploi public. Comme
il a raison ! Mais cela implique une croissance des dépenses publiques
supérieure à 0,3 %. Cela implique également l'intégration des emplois-jeunes,
leur formation et leur titularisation.
Comment répondre aux besoins des services publics, vouloir augmenter la
productivité de 1,5 %, répondre à la réduction du temps de travail à 35 heures
dans la fonction publique, si l'on ne désigne pas 2001 « grande année pour les
services publics » ?
Les chiffres avancés sont inquiétants, madame la secrétaire d'Etat, car ils
envisageraient une progression des dépenses publiques dix fois inférieure à la
progression du produit intérieur brut.
Faut-il vous rappeler également que l'existence de recettes fiscales
supplémentaires a été une grande révélation pour les Français ? Ils veulent
pour leurs écoles, leurs hôpitaux, leurs transports, leurs commissariats,
bénéficier des 3 % supplémentaires de la richesse nationale qu'ils ont
contribué à produire malgré l'austérité qu'ils ont subie.
Cette découverte, avec les conséquences qui en découlent, est saine. Elle
anime aujourd'hui les luttes et le mouvement social. La notion de répartition
pour des crédits à moyens globalement constants ne passe plus. Vouloir le nier,
madame la secrétaire d'Etat, conduirait à de cruelles désillusions pour le
Gouvernement.
Trop de citoyens vivent mal d'être à l'écart d'une richesse nouvelle du pays
et, d'ailleurs, ils s'expriment par une non-participation aux élections. Les
derniers résultats d'élections partielles aboutissent à des élections avec 15 %
des inscrits. Pourquoi ? Après avoir dit à celles et à ceux dont le pouvoir
d'achat est encore inférieur au SMIC : « On ne peut rien faire de plus pour
votre salaire, il en est de même pour votre école, votre hôpital », la
crédibilité de la politique gouvernementale est en cause. Nous dépassons là,
vous le voyez bien, une réflexion pouvant apparaître comme politicienne, mais
en fait représentant un vrai choix de société.
La France manquerait de main-d'oeuvre qualifiée, mais elle ne donnerait pas
les moyens nécessaires à l'évolution de notre système éducatif.
Les Français vivraient plus vieux. Des méthodes nouvelles de lutte contre la
maladie se feraient jour et on ne pourrait pas faire face à l'achat de
prothèses corrigeant la vue, la surdité. On ne pourrait pas faire face au
paiement des frais de séjour dans les maisons de retraite. Les services publics
devraient augmenter leur productivité de 1,5 %, accéder aux 35 heures, mais
sans moyens nouveaux alors que la création d'emplois se fait pressante.
Madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, là sont les choix de
société, là s'expriment les choix budgétaires pour l'année prochaine. Je vous
mets en garde. Les idées d'extrême droite progressent, lit-on dans certains
sondages. Même si les partis d'extrême-droite reculent, la progression de leurs
idées est grave. La logique, la justice, l'efficacité des choix budgétaires
sont les meilleurs antidotes à l'inégalité et à l'injustice. Elles peuvent
renforcer le dynamisme de celles et de ceux qui ont mis leur espoir dans le
renouveau de 1997. Ne pas les décevoir est, à notre avis, le choix budgétaire
premier.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain
et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
Mme Hélène Luc.
Très bien !
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-heuf heures cinquante, est reprise à vingt-deux
heures cinq.)
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons le débat d'orientation budgétaire consécutif à une
déclaration du Gouvernement.
Dans la suite du débat, la parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, comme tous mes collègues, je veux d'abord me féliciter de la
tenue de ce débat d'orientation budgétaire, qui permet au Parlement d'entendre
le Gouvernement sur les grands choix qu'il compte faire en matière financière
et économique pour l'année qui vient.
La procédure est récente. Elle s'inscrit dans une démarche de reconquête des
droits du pouvoir législatif, dont l'autorité en matière de loi de finances
avait été abusivement réduite par la Constitution de la Ve République.
Nous savons à ce propos, monsieur le ministre des finances, que vous avez
vous-même beaucoup oeuvré en faveur de ce rééquilibrage. Quand vous étiez à la
tête de l'Assemblée nationale, vous avez en effet mis en place une mission
d'évaluation et de contrôle dont l'efficacité est indéniable. Vous avez par
ailleurs appelé de vos voeux une réforme des textes régissant les finances
publiques, notamment de l'ordonnance de 1959. Plus important, vous avez
confirmé votre intention d'y travailler depuis que vous êtes en charge du
ministère clé qu'est celui des finances.
Les conditions sont donc réunies pour qu'un nouveau pas significatif soit fait
en ce sens d'ici à la fin de la législature.
M'en tenant volontairement au domaine limité du débat d'orientation
budgétaire, je suggère que celui-ci intervienne désormais avant que ne soit
envoyée par le Premier ministre la lettre de cadrage à chaque membre du
Gouvernement. Cette chronologie s'impose pour des raisons d'efficacité et, tout
simplement, de courtoisie à l'égard du Parlement... Connaissant le Premier
ministre, je ne doute pas que, sur ce point mineur, mais symbolique, nous
serons entendus.
Mais nous voudrions aller plus loin et obtenir un ordre de discussion plus
conforme à la logique que celui qui nous est imposé d'ici à jeudi.
Le bon sens voudrait que s'enchaînent le débat sur le projet portant règlement
définitif du budget de l'année 1998, puis le projet de loi de finances
rectificative pour l'an 2000 et, seulement après, le débat d'orientation
budgétaire pour 2001.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Parfaitement d'accord !
M. Gérard Delfau.
N'est-ce pas raisonnable que de ne vouloir discuter de prévisions qu'après
avoir engrangé toutes les informations sur le passé et sur le futur immédiat
?
Ces deux améliorations de la procédure sont légères mais non dénuées
d'intérêt. Pourtant, si le Gouvernement veut aller plus loin et donner un
signal fort de son souci de rééquilibrage des institutions - j'ai entendu le
Premier ministre s'y engager à plusieurs reprises - il doit accepter que le
débat d'orientation budgétaire soit conclu par un vote. Cela responsabiliserait
les divers intervenants et limiterait un peu le risque d'un manque de
cohérence, tout en obligeant le Gouvernement à plus de précision sur ses
véritables intentions.
Je ne parle pas pour vous, monsieur le ministre, puisque chacun se loue de
votre « transparence » et de la qualité de vos informations. Mais je pense à
vos successeurs..., même si je souhaite l'échéance lointaine.
M. Jean-Pierre Schosteck.
M. le ministre vient seulement d'arriver à son poste !
M. Gérard Delfau.
Il y a une raison forte pour que ce pas que je viens de décrire soit franchi :
un débat d'orientation budgétaire plus vote de l'assemblée délibérante, c'est
ce qui se passe dans nos communes, du moins dans celles qui comptent plus de 3
500 habitants. L'Etat ne devrait pas pouvoir refuser une procédure démocratique
que le Parlement a imposée aux collectivités locales, en accord avec le
Gouvernement.
J'en viens maintenant au fond.
Il convient, d'abord, de saluer les performances économiques qu'obtient le
Gouvernement depuis trois ans : croissance inespérée, réduction importante du
déficit budgétaire, baisse des impôts et des charges, après une hausse
vertigineuse de 1993 à 1997.
Les résultats de cette politique tranchent avec ceux, « calamiteux » - ce
n'est pas moi qui ai inventé l'adjectif ! - de MM. Balladur et Juppé ! Sans
doute est-ce pour cette raison que les représentants de la droite ergotent,
discutent des mérites de l'équipe de M. Jospin et expliquent que les bons
chiffres tiennent d'un hasard heureux,...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je n'ai pas dit cela !
M. Gérard Braun.
On n'a pas dit cela !
M. Gérard Delfau.
... comme si l'intervention politique n'avait aucune incidence sur la bonne ou
la mauvaise santé économique d'un pays !
C'est la justesse des choix, c'est-à-dire un équilibre subtil entre relance de
la consommation et réduction du déficit budgétaire, qui permet aujourd'hui de
constater un « surplus » de rentrées fiscales, que le collectif nous permettra
demain de répartir.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est la foi du charbonnier !
M. Gérard Delfau.
Ne boudons pas notre plaisir, monsieur le rapporteur général !
Réduction de la taxe d'habitation pour un coût de onze milliards de francs,
allégement de l'impôt sur le revenu à hauteur de 11 milliards de francs, baisse
d'un point du taux normal de TVA pour 18,45 milliards de francs),...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est très insuffisant tout cela !
M. Gérard Delfau.
... c'est le père Noël au mois de juin !
A partir d'une situation aussi positive, il est possible de s'engager dans un
débat d'orientation budgétaire qui fasse preuve d'imagination.
Mais, je suis maire depuis plus de vingt ans et je sais bien que la réalité
impose de composer entre toutes les demandes légitimes et de ramener le
souhaitable au possible si l'on veut rester crédible.
Aussi, je me garderai d'un projet de budget idéal et, ayant précisé ma
philosophie, je ferai des propositions modestes et réalistes.
Bien sûr, je ne me range pas dans le camp des thuriféraires de la réduction
drastique des dépenses publiques, impôts, cotisations et charges, dont le
héraut, ici, est M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des
finances.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je suis très touché ! Merci du compliment !
M. Hilaire Flandre.
C'est un compliment !
M. Gérard Delfau.
Il préconise d'y aller à la hache : 250 milliards de francs en trois ans, en
prenant prétexte du modèle allemand. Mais ni le chancelier Schroeder, ni le
Premier ministre Tony Blair ne sont mes maîtres à penser, et les performances
comparées de leur pays par rapport au nôtre n'incitent guère à une
conversion.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Vous avez approuvé les 160 milliards de francs, il ne
vous reste plus qu'un petit effort à faire !
M. Gérard Delfau.
Tout au plus retiendrai-je volontiers - je vais donc vous faire plaisir,
monsieur le rapporteur général - l'une de vos propositions : le maintien de la
part régionale de la taxe d'habitation, compensée par la suppression des frais
d'assiette que recouvre l'Etat pour préparer une réforme qu'il reporte depuis
plus de dix ans...
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
C'est une bonne idée.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Voilà une heureuse idée !
M. Gérard Delfau.
A l'inverse, je ne vais pas décliner sur tous les modes l'antienne : « les
riches peuvent payer ». Non que je n'éprouve souvent ce sentiment, ou plus
précisément, disons le mot, cette colère subite devant les profits isensés
réalisés en bourse. Mais je suis informé des limites que nous imposent une
économie mondialisée et des rapports de forces insuffisants.
Si je préconise un sursaut du politique, c'est en partant du possible au plan
national et en faisant pression sur l'Union européenne pour qu'elle mène le
combat pour une taxation des opérations sur les marchés financiers, dont ne
veulent aujourd'hui ni les Etats-Unis ni le Japon.
Oui, monsieur le ministre, il faut continuer à baisser le prélèvement fiscal,
mais de façon ciblée, en conjuguant justice sociale et efficacité économique.
C'est pourquoi je souhaite que le Gouvernement poursuive l'an prochain son
effort en faveur des tranches d'imposition les plus basses, celles des salariés
à petits revenus dont le salaire est proche du SMIC. C'est une façon de les
préserver du découragement et de les inciter à poursuivre leur effort. Alléger
leur charge fiscale aura, en outre, un impact économique immédiat par la
relance de la consommation. C'est faire coup double !
J'applique le même raisonnement à la TVA, sauf que je ne suis pas tout à fait
convaincu de la pertinence de la baisse globale d'un point.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Vous avez raison, cela coûte cher !
M. Gérard Delfau.
Je préfère quand même une baisse à une augmentation de deux points, monsieur
le rapporteur général !
(Sourires.)
Je préférerais que la France instaure un taux intermédiaire, voisin de 13 à 14
%, pour un certain nombre de services, la restauration notamment. Je sais bien
qu'il faut un accord avec la Commission de Bruxelles. Mais compte tenu du poids
de la France et de votre forte personnalité, monsieur le ministre, il est
possible d'arracher cette décision.
Une troisième mesure serait utile et juste, et il n'est pas besoin d'attendre
2001 pour l'appliquer : il s'agit de la nécessaire réévaluation du taux de
rémunération du livret A, compte tenu du niveau d'inflation.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre des finances, a créé en 1998 un « comité
consultatif des taux réglementés » chargé d'émettre deux fois par an un avis
sur l'adéquation entre la rémunération des dépôts réglementés et les taux
d'intérêt. Ce groupe d'experts va se réunir en juillet. Nul doute, vu la
conjoncture, qu'il vous conseille une hausse significative, qui, elle aussi,
soutiendra la consommation.
Mais vous pourriez, en outre, monsieur le ministre, décider que les sommes
collectées sur le livret A pourraient désormais financer, outre le logement
social, les équipements collectifs, comme cela vous est demandé de plus en plus
souvent. Mesure technique, mais décision conforme à la philosophie de votre
gouvernement, et elle serait bien accueillie par les collectivités locales.
Or les collectivités locales, justement, ont besoin de votre sollicitude.
Elles s'estiment défavorisées dans la répartition des nouvelles rentrées
fiscales générées par la croissance. Et je dois avouer que je partage ce
sentiment.
De plus, les élus locaux sont inquiets devant la propension du Gouvernement à
rogner par pans entiers leur autonomie fiscale. Il y a eu l'épisode de la
suppression de la part salariale de la taxe professionnelle et la décision de
Bercy de la compenser par une dotation. Aujourd'hui, vous récidivez concernant
la part régionale de la taxe d'habitation.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est bien regrettable !
M. Gérard Delfau.
Je peux comprendre la raison de ce choix : aller vite parce que la conjoncture
est propice.
Mais, sans crier à la recentralisation, comme l'a fait la majorité du Sénat,
qui a pourtant supporté stoïquement un traitement beaucoup plus rude des
gouvernements Balladur et Juppé,...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La conjoncture était autre !
M. Gérard Delfau.
... je voudrais vous dire qu'il faut veiller à ce que le pacte de confiance
entre l'Etat et les collectivités territoriales ne soit pas altéré durablement.
Sur ce sujet, sachez que nous attendons beaucoup de vous.
A vrai dire, nous espérons l'impossible : que vous vous attaquiez à la
réduction des inégalités qu'engendre la taxe professionnelle, créant une
situation encore plus inique, si possible, que celle qu'engendrent les
différences de revenus entre les particuliers.
Le dossier est connu : il suffit d'une grande surface ou d'une centrale
nucléaire pour qu'une commune - ou une communauté de communes - vive à l'aise,
voire dans l'opulence, alors qu'à ses côtés c'est l'indigence, avec, pour
corollaire, l'incompréhension des citoyens, qui font du maire un facile bouc
émissaire.
Quoi de commun entre les ressources de Neuilly ou de Courbevoie et celles de
Béziers ou de Lunel ? Quel fossé entre le budget du département des
Hauts-de-Seine et celui de l'Hérault, qui détient les tristes records du
chômage et du nombre de RMIstes, du sous-encadrement scolaire et du nombre de
ménages à petits revenus !
Depuis les années 1991-1992, le chantier de la péréquation de la taxe est en
panne, ou, plutôt, il est laissé au bon vouloir des municipalités qui acceptent
d'entrer dans une communauté de communes ou d'agglomération. Mais l'inégalité
de base demeure, et seul l'Etat républicain a le pouvoir d'y remédier. Il est
urgent de reprendre ce chantier, même si, je le sais, il y faut du courage.
Heureusement, la répartition des fruits de la croissance permet de rendre un
peu plus indolore le traitement !
Il me reste à parler des services publics, auxquels je consacre, on le sait,
beaucoup de mon temps.
Il y a une semaine, je visitais le bureau de poste de Bagatelle, dans un
quartier urbain dit « sensible » à Toulouse. J'y ai rencontré des postiers
passionnés par leur métier. Ils m'ont expliqué comment ils offrent à une
population en difficulté les services bancaires de base que les établissements
privés leur ont refusés. Et ils se sont plaints du manque d'effectifs.
Hier soir, j'étais près d'Abbeville, dans un canton rural. Les élus m'ont
expliqué leur révolte devant la réduction des horaires de guichets dans leur
village, la concentration du tri, la surcharge des tournées de facteurs,
l'affaiblissement d'un service public irremplaçable et apprécié de la
population. Je leur ai répondu 35 heures, concurrence étrangère, pressions de
la Commission en faveur de la déréglementation des services du courrier... J'ai
expliqué la difficile position du Gouvernement français et son combat courageux
à Bruxelles. J'ai parlé évaluation et modernisation.
J'ai rappelé mes propositions pour compenser financièrement les missions de
service public de La Poste, pour renforcer la polyactivité de ses points de
contact, pour intégrer ses implantations en zones fragiles, rurales ou
urbaines, aux Maisons de service public dont nous avons voté le principe l'an
passé.
Mais que peut ma parole alors que le Gouvernement se tait sur cette entreprise
publique et n'expose pas aux Français ce qu'il en attend pour les dix ans à
venir ? Pourquoi, monsieur le ministre, le Gouvernement manifeste-t-il, et
depuis si longtemps, si peu de volontarisme quand il s'agit de La Poste, alors
que la SNCF, EDF et France Télécom font l'objet d'une attention soutenue,...
M. Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances.
Bonne question !
M. Gérard Delfau.
... ce dont, par ailleurs, je me réjouis ?
Plus généralement, le maintien ou la création d'un service public de proximité
et de qualité sur l'ensemble du territoire est le souci constant des élus
locaux et de la population. L'implantation est inégale, parfois disparate,
qu'il s'agisse de gendarmeries, de commissariats, de perceptions ou d'écoles ;
l'évolution nécessaire se fait mal ou dans l'incompréhension.
C'est sur ces réalités-là que nous attendons le discours de réforme et de
modernisation du Gouvernement.
Je sais que vous n'avez pas la partie facile, d'autant que beaucoup d'erreurs
ont été commises, récemment encore... Mais nous voudrions que la loi de
finances pour 2001 prenne à bras-le-corps cette question des services publics
dans l'aménagement du territoire et la cohésion sociale, et que la France
profite de sa présidence de l'Union européenne pour mieux faire respecter par
la Commission l'article 16 du traité d'Amsterdam. A ce prix, et à ce prix
seulement, le discours sur la nécessaire modernisation des services publics
sera audible, et ceux qui veulent comme moi une adaptation raisonnée auront des
arguments.
Chaque service public, au demeurant, a sa spécificité. S'agissant de
l'éducation nationale, il y a un rattrapage à faire en faveur de départements
où les dotations en postes n'ont pas suivi la progression démographique. Mais
il faut tenir compte aussi de la dégradation des conditions du métier
d'enseignant pour comprendre la longueur et la dureté du conflit qui a perturbé
la vie scolaire pendant deux mois et demi dans deux départements
duLanguedoc-Roussillon, dont le mien.
Tout ne se soigne pas avec des moyens humains ou financiers, mais rien ne peut
se faire si l'encadrement est insuffisant. Il y a des rendez-vous à ne pas
manquer d'ici à mars 2001 !
Voilà quelques réflexions, forcément rapides, forcément fragmentaires, pour
éclairer les choix budgétaires que vous aurez à faire, monsieur le ministre. Je
n'ai pas cherché à éluder les problèmes qui sont devant nous ; c'était la règle
du jeu. Mais, en terminant, je voudrais vous dire, ou plutôt vous redire, au
nom des radicaux de gauche, que nous sommes fiers de soutenir votre action et
celle du Gouvernement. Je redis notre confiance dans votre savoir-faire, qui
est grand, et dans votre détermination.
(Applaudissements sur les travées
socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Merci beaucoup
!
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Bel exercice !
M. le président.
La parole est à M. Angels.
M. Bernard Angels.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, il y a un an, presque jour pour jour, je dressais à cette même
tribune, à l'occasion du débat d'orientation budgétaire pour 2000, un bilan
d'étape encourageant des deux premières années d'exercice du Gouvernement et de
sa majorité.
Je souhaiterais aujourd'hui, dans cette discussion qui fait désormais partie
de la préparation du débat budgétaire proprement dit, actualiser ce bilan et
élargir un peu plus cet exercice en analysant successivement les conditions,
les outils et les perspectives de développement de notre économie.
La reprise de la croissance, le recul progressif du chômage, le regain de
confiance manifeste des ménages et des entreprises sont autant d'éléments qui
constituent la base d'une nouvelle donne économique que je m'attacherai, tout
d'abord, à analyser rapidement.
Je m'emploierai ensuite, ainsi que je l'ai fait en d'autres occasions - mais
la pédagogie passe parfois par la répétition - à vous donner mon sentiment sur
la place importante que doit tenir le budget dans le combat pour la justice
sociale et le partage des richesses.
Enfin, en m'appuyant sur le travail déjà réalisé depuis 1997, je vous
proposerai quelques réflexions propres - je l'espère - à ouvrir de nouvelles
pistes, de nouveaux chantiers, de nouvelles perspectives.
J'osai utiliser en introduction - à dessein, est-il besoin de le préciser -
l'expression de « nouvelle donne économique ».
Nous sommes, en effet, entrés de plain-pied dans une période de croissance
soutenue telle que nous n'en avions pas connu depuis plus de vingt ans. De
nombreux signes de rupture évidente avec la spirale du chômage ou de la
stagnation de l'économie nationale sont apparus. Nous - et quand je dis nous,
j'entends l'ensemble des Françaises et des Français - avons intégré un nouveau
cercle vertueux que j'avais énoncé en ces mots voilà quelques mois :
croissance, confiance, activité.
S'il reste encore beaucoup à faire, les premiers résultats statistiques -
chiffrés, incontestables et implacables - de cette rigueur dont, mes chers
collègues de la droite sénatoriale, vous vous arrogez trop souvent le bénéfice
sont là. Pourtant, au-delà de ce strict bilan comptable, notre réussite
collective est surtout d'avoir su réorienter les priorités, d'avoir redonné un
sens à l'action contre le chômage, d'avoir soutenu les initiatives et déployé
les énergies.
Revenons-en tout de même à ces fameux chiffres qui laissent si peu de place à
votre critique, mes chers collègues de la droite sénatoriale. Je me permettrai
d'en citer rapidement quelques-uns.
Le PIB, tout d'abord,...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
On ne peut pas critiquer le PIB !
M. Bernard Angels.
... indicateur unanimement accepté de bonne santé économique, retrouve un
rythme de croissance élevé puisque son mouvement annuel de progression est
passé de 1,7 % en 1997 à 3,6 % en 2000. Ces résultats s'accompagnent d'un
faible taux d'inflation qui renforce la stabilité de notre économie.
Dans le même temps, la balance commerciale, qui fut, en d'autres temps, l'un
de vos chevaux de bataille, a doublé son excédent annuel, passant d'à peine 50
milliards de francs avant 1997 à plus de 100 milliards de francs depuis
lors.
Au-delà de ces agrégats généraux, les ménages et les entreprises ont largement
bénéficié de ce fort retour d'activité. En effet, la hausse du pouvoir d'achat
global, qui était de 0,2 % en 1996, sera probablement de plus de 2,7 % en 2000
et de 3 % en 2001. De même, le rythme annuel d'investissement des entreprises
aura enregistré, signe d'une croissance interne et d'une confiance affirmée,
une croissance de 7,2 % en 2000, après avoir connu un recul de 0,8 % en
1996.
L'emploi bénéficie, lui aussi, de ce renouveau économique, puisqu'il n'est pas
utopique de tabler sur un recul au-dessous du seuil, ô combien symbolique, des
deux millions de chômeurs et que les gisements d'emplois sont en fort
développement.
Si vous ne pouvez que convenir avec moi, mes chers collègues, de la réalité et
de l'éloquence de ces chiffres, nos analyses respectives de leurs fondements
ont bien souvent divergé. Je me permettrai donc de vous rappeler mes
convictions en la matière.
Cette nouvelle donne économique trouve évidemment son explication en partie -
et en partie seulement - dans le contexte économique international. Toute la
différence qui nous oppose tient à la mesure de ce « tout ou partie ».
En effet, la comparaison avec nos partenaires européens est riche
d'enseignements : sur la période 1998-2001, la croissance devrait s'établir,
selon les prévisions, à 8,4 % en Italie, à 8,9 % en Allemagne, à 9,3 % en
Grande-Bretagne et - vous ne pourrez, encore une fois, contester ce chiffre - à
12,7 % en France !
La croissance ne se décide par arbitrairement, mais un gouvernement peut la
soutenir, la renforcer, comme il peut aussi, parfois, la briser. N'ayez pas la
mémoire courte, monsieur le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Que va-t-il sortir ?
(Sourires.)
M. Bernard Angels.
En 1994, la croissance était amorcée, mais elle a aussitôt été stoppée de
façon brutale, dès l'été 1995, par une politique trop restrictive,...
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Et en 1992 ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Oui, pour faire de l'histoire, il faut remonter plus
haut !
M. Bernard Angels.
... par une augmentation des impôts et une absence manifeste de prise en
compte des aspirations de nos concitoyens.
M. Gérard Delfau.
C'est vrai !
M. Bernard Angels.
Depuis 1997, le Gouvernement a su faire des choix courageux, ambitieux et
respectueux des volontés et des demandes des Françaises et des Français ; il a
su accompagner la croissance, la soutenir dans le sens du progrès économique,
certes, mais aussi du progrès social.
Je n'ose imaginer vos interventions, monsieur le rapporteur général, ni celles
de vos collègues, si les chiffres que je vous ai présentés précédemment avaient
été, disons mauvais. Que n'aurions-nous entendu, alors, de critiques, de
reproches et autres mises en garde ! Je vous appelle donc à un peu d'éthique
politique
(Protestations sur les travées du RPR et de l'Union
centriste),...
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Oh ! oh !
M. Gérard Braun.
Quelle intolérance et quel sectarisme !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
On a le droit d'être dans l'opposition !
M. Bernard Angels.
Ecoutez-moi, monsieur le rapporteur général, je poursuis : ... de cette
éthique dont j'ai pu souvent voir les traces dans nos travaux communs,...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Ah ! Très bien !
M. Bernard Angels.
... pour vous inciter à reconnaître à la majorité et au Gouvernement la
responsabilité de leurs réussites tout autant que de leurs échecs.
M. Charles Descours.
On verra dans le budget !
M. Bernard Angels.
L'heure n'est plus aujourd'hui à la gestion de la crise, elle est à la
répartition des fruits de la croissance. En ce domaine, de nombreux efforts
restent à faire pour les Français les plus défavorisés, en particulier. La
croissance n'a de sens que par les réformes qu'elle permet de réaliser.
M. Charles Descours.
Le nombre de RMIstes augmente.
M. Bernard Angels.
C'est aussi dans cette optique que doit s'inscrire ce qu'il est courant
d'appeler « l'arme budgétaire ».
Oui, il faut bien parler d'arme dans la mesure où le budget reste le fer de
lance, le moyen privilégié du combat politique et social. Pour parfaire cette
métaphore, convenons ensemble que c'est le nerf de la guerre ! Tout dépend
ensuite de la guerre que l'on entend mener. La droite au pouvoir a fait le
choix de la dérégulation, de la libéralisation, de la flexibilité et du moins
d'Etat. La gauche, depuis 1997, a inversé les priorités, replacé au coeur de
son combat la cohésion et la justice sociale, l'emploi et la solidarité.
M. Hilaire Flandre.
Tu parles !
M. Gérard Miquel.
C'est vrai !
M. Bernard Angels.
Quels sont les moyens à notre disposition pour assurer une telle politique
?
Les impératifs de solidarité et de partage impliquent une responsabilité des
générations actuelles envers leurs enfants et leurs petits-enfants. En ce sens,
la lutte contre les déficits est une priorité à renouveler sans cesse. Laisser
l'économie vivre en déficit, à crédit, relève d'une politique égoïste, à courte
vue, au détriment des générations à venir.
MM. Alain Lambert,
président de la commission des finances,
et Philippe Marini,
rapporteur général.
Ça, c'est parfaitement vrai !
M. Bernard Angels.
Le service de la dette représente 230 milliards de francs par an, soit les
deux tiers des recettes de l'impôt sur le revenu.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
C'est trop !
M. Bernard Angels.
C'est un véritable tonneau des Danaïdes, qui appelle des décisions fortes. Il
convient donc de dégager les marges de manoeuvre nécessaires à la mise en place
d'une politique ambitieuse et efficace.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Donc, il faut réduire les dépenses !
M. Bernard Angels.
Des efforts importants sont consentis depuis trois ans dans ce domaine, mais
je ne peux qu'encourager le Gouvernement à aller plus loin dans cette
démarche.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
On peut faire mieux !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Nous voulons l'aider !
M. Bernard Angels.
Sur ce terrain, les résultats sont encore une fois significatifs : depuis
1997, le déficit budgétaire a reculé de plus de 60 milliards de francs et les
prévisions jusqu'en 2003 laissent entrevoir une tendance tout à fait
favorable.
Si nous nous accordons tous sur l'objectif, nous nous séparons nettement sur
la méthode, sur le chemin à emprunter. Le rapporteur général et, derrière lui,
l'ensemble de la droite sénatoriale se réfugient dans le credo : « toujours
plus, toujours plus vite ». Sans ironiser sur leur propre capacité à maintenir
ce cap lorsqu'ils étaient en fonctions, je voudrais souligner les risques que
comporte une telle attitude.
La politique budgétaire d'un pays est avant tout affaire d'équilibre. Or agir
comme ils le prônent reviendrait purement et simplement à rompre l'équilibre
construit patiemment depuis trois ans et à compromettre par là même les
résultats acquis : la confiance des Français, la marche vers le plein
emploi...
Dans le même ordre d'idées, je ne doute pas que les efforts du Gouvernement
concernant la maîtrise des dépenses publiques recueillent un écho favorable
auprès de la droite sénatoriale.
Les prévisions en volume fixent la hausse des dépenses à 0,3 %, c'est-à-dire à
un niveau qui s'inscrit tout à fait dans plan pluriannuel présenté par le
Gouvernement. Cet objectif d'évolution de la dépense publique, indépendant de
la conjoncture et parfaitement cohérent avec nos engagements européens, confère
à la politique de finances publiques le rôle de stabilisation de l'activité qui
doit être le sien, prémunissant l'économie nationale contre une éventuelle
surchauffe et lui fournissant une garantie en cas de ralentissement.
Là aussi, vous seriez sûrement prêts à affirmer votre accord quant à une
nécessaire maîtrise devant les risques conjoints de voir s'envoler le déficit
ou les prélèvements obligatoires. Et pourtant, là aussi au-delà du fait que
nous ne nous contenterons pas de dire, et que nous faisons, c'est sur la
méthode que notre différence s'affirme.
Maîtriser les dépenses publiques ne signifie pas moins d'Etat, mais mieux
d'Etat. Si l'on dépasse le caractère volontairement sentencieux de cette
expression, le problème est de réformer progressivement l'Etat et ses services
dans la transparence et la concertation.
Cela signifie aussi, parfois, donner des moyens supplémentaires lorsque la
qualité du service public n'est pas ou n'est plus à la hauteur des besoins et
des attentes légitimes de nos concitoyens.
Au-delà du « plus ou moins d'Etat », notre action doit tendre à redonner aux
services publics les moyens de fonctionner de façon moderne, d'assurer la
cohésion sociale et l'égalité de traitement sur l'ensemble du territoire,
d'encourager les initiatives et de soutenir le dynamisme économique.
Les objectifs de notre majorité en la matière sont connus : garantir la
qualité des services publics en accordant une priorité à l'emploi, à
l'éducation nationale, à la santé, à la sécurité et à la justice.
C'est à travers les services publics dont bénéficient l'ensemble des
Françaises et des Français que nous pourrons assurer la solidarité et mettre en
oeuvre les principes d'égalité et de libertés publiques auxquels nous sommes
attachés.
Nos concitoyens sont fortement attachés, eux aussi, à leurs services publics.
Les élus locaux que vous êtes peuvent témoigner des mobilisations qui prennent
corps dans leur ville ou dans leur canton lorsqu'il s'agit de défendre un
hôpital, une école, un commissariat, une gendarmerie ou, comme ce fut récemment
le cas, une perception. De grâce, ne sombrez pas dans la paranoïa partisane en
défendant ici le contraire de ce pour quoi vous vous battez dans vos
départements !
Santé, éducation, formation, justice, sécurité : nous avons su, collectivement
et sur le long terme, construire et défendre une vision que je crois toujours
moderne des services publics dits « à la française ». Cette construction,
inégalée et reconnue dans le monde entier, il nous incombe maintenant de la
renforcer, de l'améliorer en intégrant tout à la fois la nécessaire réforme de
l'Etat, l'apport des nouvelles technologies et les redéploiements d'effectifs
et de responsabilités qui nous aideront à rester en phase avec les évolutions
de la société et de notre territoire national.
Réduction des déficits, maîtrise des dépenses, donc, mais aussi poursuite de
la réforme fiscale. Cette réforme fiscale que j'appelle de mes voeux doit être
équilibrée et respectueuse tout à la fois des équilibres nationaux et des
obligations redistributives. Elle doit tenir compte des capacités contributives
de chacun. Elle doit enfin s'intégrer dans une politique active de relance
sociale et économique.
La barre est haute, les objectifs sont ambitieux, j'en conviens.
Dans notre esprit, une société moderne et responsable n'est pas nécessairement
une société dans laquelle on paie peu d'impôts ; c'est, avant tout, une société
dans laquelle chaque citoyen a conscience que sa contribution personnelle est
utilisée de la façon la plus efficace pour l'intérêt général.
Dans la pratique, avec 60 milliards de francs de baisse de TVA depuis 1997, le
Gouvernement aura rendu aux Français l'équivalent du surcoût provoqué par les
hausses décidées par le gouvernement d'Alain Juppé en 1995.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Mais il l'aura fait à crédit
!
M. Bernard Angels.
Concernant le taux de prélèvements obligatoires - et je garde à l'esprit les
réserves que peut susciter la pertinence même de cette notion - la tendance
générale suivie depuis 1997 est à l'inverse de l'alourdissement de deux points
décidé par le gouvernement Juppé.
M. Charles Descours.
Vous êtes le seul à le dire !
M. Hilaire Flandre.
Il n'y croit pas lui-même !
M. Bernard Angels.
Dépassons encore une fois les chiffres pour nous attacher aux principes qui
doivent guider nos choix en matière fiscale.
Si la baisse des prélèvements obligatoires est effectivement nécessaire, elle
ne saurait s'effectuer en portant préjudice aux services publics et à la
solidarité qu'ils génèrent ou en négligeant la nécessaire redistribution des
richesses dont la croissance nous ouvre la perspective. Cette baisse peut être
regardée comme une légitime contrepartie des efforts consentis par nos
concitoyens, qui ont participé avec courage, confiance et détermination à la
relance engagée par le Gouvernement et sa majorité. Elle est le signe d'un
contrat de confiance retrouvée entre les Français et leurs élus.
Dans ce contexte, la lisibilité, la compréhension et la justification de
l'impôt me semblent importantes. La réforme fiscale doit tenir compte, certes,
du rendement de l'impôt, mais aussi de la manière dont celui-ci est « perçu »
par le contribuable, de ce que j'appellerai sa légitimité. A cet égard,
certains impôts posent quelques problèmes. Je ne prendrai pour exemple que la
redevance télévisuelle.
M. Charles Descours.
Archaïque !
M. Bernard Angels.
Outre le fait qu'elle implique des coûts de perception élevés, cette taxe
n'est plus comprise par les contribuables. L'explosion des réseaux câblés et
des programmes satellitaires, donc de l'offre télévisuelle, le fonctionnement
même des chaînes hertziennes publiques concourent à rendre de moins en moins
compréhensible la redevance télévisuelle. C'est pourquoi j'invite le
Gouvernement à se pencher sur l'hypothèse de son éventuelle suppression.
M. Charles Descours.
Et les 1 100 emplois de fonctionnaires qu'elle représente ?...
M. Bernard Angels.
Si les efforts fiscaux concernant les prélèvements indirects ont été réels et
significatifs depuis 1997, nous devons aujourd'hui « changer de braquet » et
nous attaquer aux impôts directs, auxquels nos concitoyens sont plus sensibles
et dont la baisse constitue une source de pouvoir d'achat supplémentaire qui
permettra de nourrir à nouveau la croissance.
La justice fiscale et, par là même, la justice sociale : tels doivent donc
être nos objectifs prioritaires en matière de réforme de l'impôt, dans une
dynamique orientée vers l'emploi, la solidarité et le partage des richesses.
La justice sociale, en effet, doit être au coeur de notre action car, depuis
déjà plus de vingt ans, les Françaises et les Français ont eu à subir une «
injustice sociale » majeure : le chômage.
C'est pourquoi Lionel Jospin a, dès son arrivée, fait de l'emploi la priorité
de son programme gouvernemental, et nous ne pouvons qu'être satisfaits des
résultats d'ores et déjà obtenus : 750 000 emplois créés depuis 1997, 400 000
emplois prévus pour 2000.
Pourtant, le chômage demeure une dure réalité pour un trop grand nombre de nos
concitoyens. Nous devrions repasser sous la barre des deux millions de
chômeurs, mais notre ambition doit rester la marche progressive vers le plein
emploi. Cet objectif, dont beaucoup se sont gaussés à son annonce par le
Premier ministre, n'est plus irréaliste, et les meilleurs spécialistes
reconnaissent sa pertinence.
La croissance est un élément de la réussite de la politique de lutte contre le
chômage. Mais c'est un élément parmi d'autres, et l'on ne peut compter
uniquement sur elle, sur le libre jeu de l'offre et de la demande, pour
réintégrer sur le marché du travail des milliers de personnes brisées par
plusieurs années d'inactivité, handicapées par une formation inadaptée aux
besoins actuels des entreprises, humiliées par un système ultra-libéral qui ne
laisse de place qu'à la productivité et à la rentabilité des travailleurs.
A force de répéter que la croissance est de retour, que l'activité économique
a redémarré, que le chômage recule, le risque est grand de voir se creuser le
fossé entre les travailleurs et les laissés-pour-compte d'une reprise qui ne
pourra qu'être progressive. Nos efforts doivent s'accentuer pour permettre au
plus grand nombre, par delà les
start-up
et les
business angels,
de profiter, à tous les niveaux de qualification et d'emploi, de la croissance
retrouvée.
Nombreux sont aujourd'hui ceux qui voient dans l'augmentation des minima
sociaux la réponse à l'isolement de ces personnes. J'avancerai, pour ma part,
une autre piste de réflexion et de travail.
Notre action doit, en effet, être guidée par la nécessité d'un retour à
l'emploi pour tous plutôt que par la prorogation d'un système d'assistanat qui
exclut trop souvent plutôt qu'il n'intègre, ne serait-ce que pour éviter les
risques d'opposition entre les travailleurs à bas salaires et ceux qui ne
bénéficient que d'aides de substitution pour survivre. Une prestation chômage
ne remplacera jamais un emploi, et nous devons lutter pour rendre à chacun une
place dans la société et une dignité mise à mal par les assauts répétés du
chômage de masse.
Ainsi, un chantier pourrait être ouvert sur le champ du revenu minimal
d'insertion à travers la mise en place d'un plan généralisé d'insertion par
l'économique. Il s'agira pour nous de faire preuve d'imagination,...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il vous suffit de suivre les propositions de
l'opposition !
M. Bernard Angels.
... comme ce fut le cas lors de la réflexion menée pour mettre en oeuvre le
programme « nouveaux emplois, nouveaux services ». Nous pourrions, par exemple,
réfléchir à la définition d'un processus de suivi individualisé des
bénéficiaires du RMI et, dans le cadre d'une incitation au retour à l'emploi, à
la possibilité de cumul entre prestation RMI et activité professionnelle.
Je me réjouis que cette disposition ait été prévue dans la loi sur les
exclusions, mais j'appelle le Gouvernement à prendre en compte la nécessité
d'une plus grande lisibilité, d'une plus grande facilité d'accès et, surtout,
de l'allongement de la période de cumul.
MM. Alain Lambert,
président de la commission des finances,
et Philippe Marini,
rapporteur général.
Il faudra voter notre proposition de loi !
M. Bernard Angels.
En matière de justice et de cohésion sociale, les pouvoirs publics doivent
engager à chaque étape un dialogue renouvelé avec les partenaires sociaux afin
de définir ensemble les priorités et les pistes de travail.
A ce titre, je m'interroge sur le rôle à donner à l'UNEDIC dans la recherche
de financements des programmes de lutte contre les exclusions ou pour le retour
à l'emploi. Dans les années quatre-vingt-dix, l'Etat a tenu, pour de nombreux
régimes sociaux, la place d'assureur en dernier ressort. Il a ainsi apporté un
soutien important à l'UNEDIC - comme il l'a d'ailleurs fait pour d'autres
régimes - quand celle-ci s'est trouvée en difficulté.
Aujourd'hui, en cette période de nouvelle croissance, certains régimes sociaux
se trouvent dans une situation plus aisée, jusqu'à atteindre parfois
l'excédent. Dès lors, il ne serait pas incongru, à mon sens, de réfléchir à des
financements croisés sur des programmes concertés dans le cadre d'un processus
rénové.
Au terme de cette intervention, je souhaite, mes chers collègues, reprendre en
quelques mots les principes et les objectifs qui fondent, certes, ma réflexion
budgétaire, mais plus largement mon action d'élu et mon engagement
politique.
Il s'agit, d'abord, de l'écoute des besoins, des demandes, des revendications
de nos concitoyens, sans laquelle nous ne saurions ni nous montrer dignes de
notre fonction ni être en mesure de saisir les évolutions de la société.
Il s'agit, ensuite, de la volonté, à chaque étape de notre réflexion,
d'assurer à tous une véritable égalité des chances en matière non seulement
d'éducation, de formation, d'emploi, de fiscalité, mais aussi de justice, de
sécurité, de logement ou de loisirs.
Ce sont, j'en suis persuadé, ces principes qui inspireront les choix
budgétaires que le Gouvernement nous proposera pour l'année 2001.
(Applaudissements sur les travées socialistes. - M. Delfau applaudit
également.)
M. le président.
La parole est à M. Badré.
M. Denis Badré.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, nous avons gardé en mémoire les termes d'un débat un peu
surréaliste entre le Gouvernement et notre commission des finances sur ce qui
fut appelé la « cagnotte », les estimations qu'en fit très tôt notre commission
devant finalement s'avérer les bonnes, plus de 30 milliards de francs de
recettes supplémentaires apparaissant à la fin de l'année 1999.
Notons à nouveau, tout de même, combien le terme de « cagnotte » est impropre,
puisqu'il ne s'agit jamais que de plus-values de recettes par rapport à ce qui
a été budgété et que les recettes budgétaires ainsi dégagées ne font jamais,
elles aussi, qu'améliorer l'équilibre d'un budget qui en a bien besoin tant que
subsiste un déficit. L'idée d'affecter ces recettes à de nouvelles dépenses
devrait alors laisser songeur. Serions-nous en train de nous habituer à ce qui
doit rester hors de la norme ?
J'ai toujours dit qu'il vaudrait mieux appeler « emprunt » ce déficit, comme
le font toute nos collectivités locales. C'est d'ailleurs la réalité, et cela
protège contre les tentations de la facilité.
Le dernier rapport de la Cour des comptes nous éclaire un peu mieux sur les
pratiques budgétaires en usage depuis 1998. Celles-ci ont généralement
sous-estimé les plus-values fiscales afin de constituer des « marges de
manoeuvre » pour l'avenir, et ce, bien sûr, au détriment de l'indispensable
transparence de nos finances publiques.
Monsieur le ministre, vous avez annoncé des mesures allant dans le sens de
cette transparence, rompant ainsi avec ces pratiques. J'en suis heureux, mais,
bien sûr, j'attends de voir. Nous vous jugerons en effet sur vos actes, notre
commission des finances travaillant également, vous le savez, sur
l'amélioration de la procédure budgétaire et sur la réforme de l'ordonnance de
1959.
Je me demande par ailleurs, monsieur le ministre, si ce n'est pas l'annonce de
la nouvelle progression des prélèvements obligatoires en 1999 jusqu'à des
niveaux records qui a contraint votre gouvernement à modifier sa stratégie
budgétaire et à proposer dès maintenant certaines réductions d'impôts.
Ces réductions demeurent cependant bien modestes par rapport aux 400 milliards
de francs de prélèvements suplémentaires appelés depuis 1997. Votre politique,
monsieur le ministre, se veut vertueuse ; elle a jusqu'ici surtout les
apparences de la vertu, mais, là aussi, nous vous jugerons sur les faits. Comme
l'a d'ailleurs excellemment expliqué le président de la commission des
finances, M. Lambert, le Gouvernement se fonde, pour assainir les finances
publiques et réduire les prélèvements, sur une conjoncture exceptionnnelle,
sans vraiment faire, pour l'instant du moins, de réformes structurelles.
Mon propos portera sur ces trois sujets : la conjoncture économique, les
prélèvements en France, le contenu de la dépense publique et les réformes de
structures, toujours plus faciles à conduire en période de croissance, même si
cette facilité amène, au contraire, à les considérer comme peut-être moins
urgentes.
La conjoncture économique, si elle est particulièrement favorable à court
terme, reste fragile, surtout en Europe, et notamment en France.
Les prévisionnistes nous encouragent plutôt à demeurer optimistes pour les
mois qui viennent, mais gardons-nous d'un enthousiasme excessif ! Les
observateurs restent prudents pour ce qui concerne le plus long terme. Comme ce
fut déjà le cas dans des périodes précédentes, la forte croissance de
l'économie mondiale risque, en effet, d'entraîner une remontée des cours des
matières premières, une reprise de l'inflation et une hausse des taux
d'intérêt. Un retournement de conjoncture - M. Angels lui-même le soulignait à
l'instant - ne doit donc pas être exclu.
Par ailleurs, la croissance ne durera en Europe qu'à deux conditions : d'une
part, l'investissement doit encore progresser afin d'incorporer les nouvelles
technologies dans le capital productif ; d'autre part, une attention
particulière doit être portée aux emplois qualifiés. Mais la France supporte
d'autres handicaps ; je pense, en particulier, aux retards pris dans les
domaines de la fiscalité sur les entreprises, de l'épargne salariale ou, bien
entendu, de la création d'une épargne-retraite.
On ne peut donc miser de manière certaine sur une croissance forte dans les
prochaines années ni tabler sur de futures « cagnottes ». Sans réformes de
structures, notre pays pourrait « déchanter » après avoir vécu une éphémère
embellie.
Une première réforme est donc indispensable : la baisse des prélèvements
obligatoires. M. le Premier ministre s'était engagé, en 1997, à « diminuer leur
taux pour la première fois depuis 1992 ». Eh bien ! le taux des prélèvements
obligatoires a augmenté de près de deux points en quatre ans !
Pour s'en tenir à l'année dernière, les recettes fiscales, nettes des
remboursements et dégrèvements, ont augmenté de près de 8 %, c'est-à-dire deux
fois et demie plus vite que le PIB en valeur. Une telle augmentation est sans
précédent. Elle ne peut être acceptée comme une réalité ordinaire. Du moins
devons-nous l'analyser de très près.
La quasi-stabilité des prélèvements en 2000 s'explique, notamment, par la
poursuite de la baisse de la taxe professionnelle, compensée par l'institution
de la contribution sociale sur les bénéfices, l'alourdissement de la taxe
générale sur les activités polluantes, la TGAP, et le durcissement de la
fiscalité des dividendes.
A cet égard, l'annonce, en mars, du record atteint par les prélèvements
obligatoires en 1999 a provoqué, bien légitimement, un mécontentement de
l'ensemble des contribuables, alors qu'en même temps on estimait à plus de 30
milliards de francs le niveau de la « cagnotte ».
Sous la pression de l'opinion publique, le Gouvernement a bien voulu parler de
réductions d'impôts. Celles-ci ne suffiront pas, en tout état de cause, à
annuler l'effet des hausses intervenues depuis 1997.
J'ajoute que certaines baisses, comme la suppression de la part régionale de
la taxe d'habitation, supposent une compensation de la part de l'Etat, donc une
augmentation des dépenses que celui-ci devra bien financer. S'il n'avait par à
les financer, une baisse plus forte de la fiscalité serait envisageable. Il
s'agit donc d'une forme de transfert de charge. La « charge » demeure en effet
et elle est incontournable. Cette opération ne peut donc être considérée en soi
comme réduisant les prélèvements obligatoires. Plus que le manque d'ambition du
programme de baisse d'impôts, c'est le choix des impôts sur lesquels portent
ces baisses qui me pose problème. Il est vrai que, pour ce qui touche la taxe
d'habitation, je le disais à l'instant et j'y insiste, la réforme entame, à
l'évidence, l'autonomie de nos collectivités locales. Mais il en est de même
pour la TVA, qui reste le seul moyen de taxation de biens importés en
provenance de pays dans lesquels les charges sont moins lourdes. D'un effet
assez réduit sur le niveau des prix, comme le démontre l'étude de l'Institut
national de la statistique et des études économiques pour le mois d'avril, la
baisse d'un point du taux normal de la TVA n'était probablement pas ce que les
Français attendaient en priorité.
Cependant, à partir du moment où vous avez choisi d'intervenir d'abord sur la
TVA, monsieur le ministre, je note que, à coût égal, des passages ciblés au
taux réduit peuvent avoir une efficacité beaucoup plus forte qu'une réduction
générale, mais bien sûr de moindre amplitude, du taux normal. Le passage de
celui-ci de 20,6 % à 19,6 % coûte, vous le rappeliez vous-même tout à l'heure
dans votre exposé introductif, 30 milliards de francs en année pleine.
Comparons cette somme aux 4 milliards de francs que représente le passage au
taux réduit pour l'ensemble des produits de la chocolaterie et de la margarine
! Je rappelle qu'une telle mesure, parfaitement « euro-compatible », s'impose
aujourd'hui parce que la frontière entre ce qui relève du taux normal et ce qui
relève du taux réduit est, dans ce domaine, tout a fait illisible. J'ai
moi-même beaucoup de mal à distinguer, entre deux produits à base de chocolat,
lequel relève de l'un et lequel relève de l'autre. Je n'aurai pas
l'impertinence de vous suggérer, monsieur le ministre, de faire vous-même le
test. Même pour vous, je pense que l'échec resterait possible. J'en parle avec
une grande humilité, car je m'y suis hasardé et j'ai systématiquement
échoué.
Une situation aussi confuse crée des distorsions totalement injustifiées et
d'autant plus insupportables que l'écart entre les deux taux - quatorze points,
même avec la réduction du taux normal à 19,6 % - reste l'un des plus forts
d'Europe.
A ce point de mon exposé, je reviendrai aussi sur le secteur de la
restauration et sur les innombrables difficultés qui apparaissent aux limites
des domaines respectifs des restaurations traditionnelle, collective et rapide.
Où finit le service à table et où commence la vente à emporter ?
That is the
question,
si j'ose dire ! En tout cas, le problème n'est pas résolu et, là
aussi, la seule manière de faire cesser des distorsions inexplicables et
injustifiées consiste à appliquer le taux réduit à toute la restauration. Il en
coûterait 20 milliards de francs. Si nous les ajoutons aux 4 milliards de
francs du chocolat et de la margarine, nous sommes encore loin des 30 milliards
de francs que vous venez d'engager avec la baisse d'un point du taux normal.
Pour moins cher, donc, vous auriez traité de vrais problèmes, des problèmes que
vous ne pouvez ignorer et auxquels vous devrez bien, un jour ou l'autre,
apporter une solution.
Ainsi, vous auriez sans aucun doute donné un coup de fouet à des secteurs
porteurs d'emplois, qui contribuent tout à la fois au rayonnement de la France
et à la qualité de la vie quotidienne de tous les Français.
S'agissant de la restauration, vous savez d'ailleurs que vous pouvez étaler
sur deux exercices l'effort à accomplir. Les Etats de l'Union européenne
peuvent, en effet, rappelons-le, disposer de deux taux réduits compris entre 5
% et 15 %. Le coût, dans un premier temps, du retour à un taux de 14 % de ce
qui reste à 19,6 % dans le domaine de la restauration coûterait moins de 10
milliards de francs. Cela ramènerait à 8,5 points les écarts subsistant à
l'intérieur du secteur et réduirait déjà le caractère aigu des problèmes qui
s'y posent.
L'auteur du rapport
Comment baisser le taux de TVA ?
doit à l'honnêteté
de rappeler qu'une telle mesure n'est pas actuellement euro-compatible. Et je
continue à regretter que vous n'ayez pas saisi l'opportunité qui vous avait été
offerte de lever cette difficulté à l'automne dernier, lors de l'adoption de la
directive sur les services à haute intensité de main-d'oeuvre.
Depuis, directement ou indirectement, chaque Etat trouve sa solution, même le
Portugal, qui aurait alors souhaité une alliance plus forte avec nous sur ce
thème ; mais nous lui avons un peu fait défaut.
Monsieur le ministre, nous sommes les derniers à ne pas l'avoir fait. Il vous
faudra bien vous engager sur cette voie, en prenant d'abord une initiative à
Bruxelles pour lever l'euro-incompatibilité actuelle, sachant qu'ensuite, dans
le contexte actuel, la difficulté budgétaire devrait pouvoir être surmontée.
Vous ne pouvez ignorer le problème. D'ailleurs le Conseil d'Etat vient
d'annuler deux décisions ministérielles exonérant la restauration collective.
Comment celle-ci va-t-elle être traitée ? Se verra-t-elle appliquer un taux de
19,6 % ? Cela m'étonnerait, et cela me paraît même impossible pour les cantines
scolaires. Mais le problème est bien réel.
Plus généralement, qu'attendent les Français aujourd'hui en matière fiscale ?
Un allégement réellement perceptible de leurs charges, donc à l'évidence de
l'impôt sur le revenu pour ceux qui le payent, de leurs charges sociales, ou de
la CSG. Une baisse des cotisations sur les salaires entre 1 et 1,3 SMIC
constituerait une mesure sociale vraiment significative, cela a déjà été dit,
en permettant d'augmenter le salaire direct de 7 millions de personnes.
Cependant, comme le démontrent des expériences étrangères récentes, des
progrès réellement durables ne peuvent passer que par la réduction de la
dépense publique. Or, jusqu'ici, monsieur le ministre, vous ne semblez pas vous
être engagé sur cette voie. Sans doute devez-vous compter avec les nécessités
de l'union de la majorité plurielle et avec la préparation d'échéances qui se
rapprochent. Mais vous ne préparez pas l'avenir !
Les dépenses continuent à progresser à peu près au rythme de la richesse
nationale, alors que la France, en dépensant plus de 54 % de son PIB, bat un
record qui la situe quinze points au-dessus de la moyenne des pays du G7 et
plus de six points au-dessus de la moyenne de la zone euro.
Là aussi, soyons complets : le programme pluriannuel prévoit de ramener le
rapport de la dépense publique au PIB à 51,1 % en 2003, voire à 50,4 % si le
taux de croissance est de 3 %.
Je regrette cependant que le rapport préparé pour ce débat d'orientation
budgétaire ne nous donne aucune indication sur les moyens que vous entendez
vous donner pour y parvenir, monsieur le ministre. Peut-être allez-vous nous
apporter des précisions à l'occasion de ce débat.
De plus, en 2001, pour la première fois depuis 1998, la France ne pourra pas
compter sur le poste des charges de la dette pour réaliser des économies. Au
contraire, les intérêts nets versés par le Trésor aux détenteurs d'obligations
françaises vont progresser sous l'effet de la hausse des taux.
En outre, la rigidité des dépenses publiques s'accroît : la part des dépenses
en capital n'est plus que de 9,8 % des dépenses totales, hors remboursements et
dégrèvements, en 1999, au lieu de 11 % en 1995. Aucune des dépenses parmi les
plus rigides - fonction publique ou assurance maladie - n'a fait l'objet de
véritables réformes.
Ainsi, s'agissant des effectifs de l'administration, si la stabilité reste en
principe l'objectif - et cela me paraît être la moindre des choses - la lettre
de cadrage pour 2001 maintient un flou total sur vos intentions, monsieur le
ministre. Vous envisageriez même une hausse de ces effectifs, et ce en
contradiction flagrante avec le rapport Cieutat rédigé pour le compte du
Commissariat général du Plan.
Cette évolution de la structure de notre dépense publique rend le budget de
l'Etat plus vulnérable à un retournement de la conjoncture économique. Elle
accroît le risque de dérapage par rapport aux normes de la discipline
budgétaire européenne en cas de ralentissement de la croissance, ralentissement
qu'il ne faut pas écarter, comme je l'indiquais en préambule.
Ainsi, il ne faut pas s'étonner que le Gouvernement français continue à
afficher les plus mauvais résultats de la zone euro pour ce qui concerne les
déficits publics : 1,7 % en 2000 dans la meilleure des hypothèses.
La baisse du déficit du budget de l'Etat résulte actuellement d'une forte
croissance des recettes et de la diminution des taux d'intérêts. Examinant la
situation des finances publiques françaises, la Commission européenne a rappelé
récemment qu'atteindre un équilibre, voire dégager un excédent budgétaire - ce
qui serait un miracle - restait la règle du pacte de stabilité. Diminuer les
recettes sans accélérer la baisse des dépenses freine la réduction des déficits
et de la dette.
En conclusion, pour être vraiment porteur d'espoir, le budget de 2001 devra
traduire une véritable volonté de réforme. L'économie française ne se situe
dans le peloton de tête des pays de l'euro que dans deux domaines : la balance
courante et l'inflation. Aujourd'hui, il faut lui insuffler le dynamisme
nécessaire pour consolider durablement le mouvement de baisse du chômage. Le
préalable est évidemment une réforme en profondeur de l'Etat, réforme que la
France continue à éluder, tournant le dos aux choix courageux de ses principaux
partenaires comme de ses concurrents
(Très bien ! et applaudissements sur
les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Bourdin.
M. Joël Bourdin.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, l'économie française est engagée dans sa troisième année de
forte croissance : pour les trois années 1998-2000, celle-ci sera en effet
supérieure à 3 % en moyenne, comme vous le savez.
Depuis l'avènement de ce que l'on qualifie généralement d'« économie
mondialisée », laquelle se caractérise par la liberté des mouvements de
capitaux et la surveillance permanente des politiques économiques nationales
par les marchés financiers, l'économie française n'avait connu qu'un seul
épisode comparable de forte croissance : c'était au cours de la période
1988-1990.
Si je rappelle ce précédent, c'est parce que nous devons tous l'avoir présent
à l'esprit, et en particulier le Gouvernement auquel vous appartenez, monsieur
le ministre : il s'agit là, en effet, d'un exemple particulièrement
significatif d'un cycle de croissance brutalement interrompu par des politiques
économiques - budgétaire comme monétaire - tout à fait inadaptées.
Dans les systèmes économiques complexes que nous connaissons, la croissance se
mérite par des politiques vertueuses et crédibles. La question principale et
fondamentale soulevée par ce débat me paraît ainsi être la suivante : quelle
politique économique et, en particulier, quelle politique budgétaire doivent
être mises en oeuvre pour que la phase actuelle d'expansion économique et de
diminution du chômage se prolonge durablement ?
C'est en se référant constamment à cette question que doivent être appréciés
les mesures contenues dans les orientations budgétaires et dans ce collectif,
ainsi que les engagements proposés pour les trois prochaines années par le
programme triennal des finances publiques.
S'agissant, tout d'abord, de l'année budgétaire, trois questions nous sont
posées, monsieur le ministre.
Premièrement, les mesures d'allégement d'impôts constituent-elles les prémices
d'une politique durable d'allégement des prélèvements obligatoires ou de la
réforme fiscale dont notre pays a besoin ?
Deuxièmement, les mesures que vous nous proposez sont-elles favorables à la
construction européenne, en particulier à la crédibilité de la construction
monétaire ?
Troisièmement, enfin, l'inflexion de la politique budgétaire que traduit le
collectif que nous examinerons demain est-elle adaptée au contexte
macroéconomique actuel ?
Pour répondre à la première question, je rappellerai cette évidence : en
France, les mesures d'allégement des prélèvements obligatoires n'ont jamais été
durables pour la simple raison qu'elles n'ont jamais été accompagnées des
mesures d'allégement des dépenses publiques correspondantes. Ainsi les hausses
d'impôts ont-elles succédé aux allégements, au gré de la conjoncture et de
l'évolution des rentrées fiscales. Je parlais, au début de mon intervention, de
la période 1988-1990 : celle-ci est un exemple criant de ce que je viens de
dire. La croissance a certes permis à l'époque d'alléger massivement les impôts
- de près de deux points de PIB - mais, faute d'économies sur les dépenses,
cela n'a fait que creuser le déficit structurel des finances publiques, le
ralentissement puis la récession de 1993 obligeant, par la suite, à instaurer
de nouvelles hausses d'impôts pour rétablir les comptes publics.
Pour cette raison, les orientations budgétaires que vous nous proposez
apparaissent comme une occasion manquée pour enfin mettre en oeuvre cette
politique d'allégement des prélèvements obligatoires à laquelle vous vous
déclarez si attaché, monsieur le ministre.
De même, vos orientations budgétaires ne constituent en aucun cas l'ébauche de
la réforme fiscale d'ensemble dont notre pays a besoin. En effet, rien n'est
proposé pour remédier à ce qu'un rapport du conseil d'analyse économique
présenté par M. Bourguignon mettait en évidence, après bien d'autres, à savoir
des taux d'imposition marginaux totalement anti-économiques aux deux bouts de
l'échelle des revenus : taux marginaux facteurs de non-incitation au travail
pour les personnes qui ont les plus bas revenus et de délocalisation pour
celles qui ont les plus hauts revenus.
La période de croissance actuelle aurait été favorable à une réforme
d'ensemble de la fiscalité, dans la mesure où tous les agents, grâce aux
surplus de recettes, auraient pu y être « gagnants ». Avec le saupoudrage de
mesures ponctuelles comme celles qui nous sont proposées, on a encore le
sentiment qu'une occasion a été gâchée.
J'en viens à ma deuxième question : ce collectif est-il favorable à la
construction européenne ? Une chose, tout d'abord, est certaine : les mesures
proposées ne sont pas de nature à améliorer la compétitivité fiscale de la
France, surtout si on se réfère aux programmes fiscaux arrêtés par nos
partenaires, en particulier par l'Allemagne.
La France continue à surtaxer les ressources les plus délocalisables, à savoir
les entreprises et l'épargne.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Tout à fait !
M. Joël Bourdin.
Ni ces contraintes, ni celle de l'harmonisation des fiscalités au sein de la
zone euro ne sont prises en compte dans les mesures d'allégements d'impôts que
vous nous proposez.
Surtout, croyez-vous, monsieur le ministre, que la France, dont le
Gouvernement souhaite, par ailleurs, renforcer à juste titre le rôle du Conseil
de l'euro 11 afin qu'il devienne un partenaire de discussion crédible pour la
Banque centrale européenne, s'engage réellement dans cette voie en étant le
seul pays à dépenser ainsi les dividendes de la croissance, à ne pas
véritablement réduire son déficit structurel ? Seule l'Autriche fait plus mal
en la matière, selon l'OCDE. Il s'agit là, à l'évidence, de ce que les
économistes qualifient de comportement non coopératif, ou encore de « passager
clandestin », alors que chacun sait que c'est le manque de coordination des
politiques budgétaires et fiscales qui pénalise actuellement l'euro sur les
places financières internationales.
Enfin, ce collectif budgétaire est-il adapté au contexte macroéconomique
actuel ?
Les mesures proposées ne concernent que les ménages et sont favorables à la
demande. Pourtant, eu égard au dynamisme actuel spontané de la demande et alors
que des incertitudes de plus en plus fortes apparaissent quant à la possibilité
pour l'économie française d'accroître ses capacités de production et de
soutenir une croissance durable sans saturation de l'offre et sans risques
inflationnistes, des mesures de soutien de l'offre et de l'investissement
auraient sans aucun doute été plus opportunes.
Surtout, l'orientation expansionniste de la politique budgétaire ne se
justifie pas dans une période de forte croissance. Je ne suis pas de ceux qui
s'inquiètent d'une dégradation passagère des finances publiques en période de
récession, mais celle-ci n'est acceptable que si l'on constitue des réserves et
si l'on rétablit résolument les comptes publics dans une période favorable
comme celle que nous connaissons actuellement. J'ai d'ailleurs cru comprendre
que, sur ce point, vous n'étiez pas loin de penser comme nous.
De ce point de vue, les Etats-Unis nous ont offert et nous offrent un exemple
remarquable de ce rôle de « stabilisation automatique » par les finances
publiques : un de vos prédécesseurs, M. Strauss-Kahn, souhaitait d'ailleurs
légitimement que la France s'en inspire. A cet égard, je ne suis pas sûr - il
faudrait lui demander son avis - qu'il aurait beaucoup apprécié les
orientations actuelles.
Certes, nous savons tous que le budget n'est pas le fruit d'une réflexion
globale sur la politique économique ou la fiscalité, mais qu'il est une réponse
politique, sous la contrainte de l'urgence, à cette grave erreur de
communication qu'aura été ce que les médias ont nommé « l'affaire de la
cagnotte ». Comment le Gouvernement a-t-il pu laisser s'installer l'idée qu'un
pays dont la dette publique atteint 4 500 milliards de francs et le déficit
budgétaire 215 milliards de francs disposerait d'un « trésor » d'une
cinquantaine de milliards de francs, qu'il faudrait restituer immédiatement aux
contribuables, comme si ce n'étaient pas les mêmes contribuables qui
finançaient par leurs impôts la charge de la dette ? J'aimerais être sûr que le
Gouvernement en a retiré la conviction qu'en ces matières la transparence et le
débat démocratique sont toujours préférables au secret et à l'opacité
technocratiques.
Venons-en maintenant au moyen terme et aux orientations proposées par le
programme pluriannuel des finances publiques. Je formulerai, sur ce programme,
une double appréciation : manque de volontarisme et manque de transparence.
Manque de volontarisme, tout d'abord, en matière d'allégement des prélèvements
obligatoires : le Gouvernement propose, en effet, d'alléger le taux des
prélèvements obligatoires de 1,35 point en moyenne à l'horizon 2003. Or cette
évolution est tout à fait insuffisante car elle ne nous permettrait pas de
revenir au niveau de nos principaux partenaires européens, au contraire même si
ceux-ci confirment les programmes d'allégements qu'ils ont engagés.
Manque de volontarisme, ensuite, en matière de dépenses : comme je l'ai dit
tout à l'heure, il n'y a d'allégement durable des prélèvements obligatoires que
s'il s'accompagne d'une réduction des dépenses publiques. Or, à l'horizon 2003,
il nous est proposé une augmentation des dépenses publiques de 1,3 % par an, en
francs constants.
Manque de volontarisme, enfin, en matière de déficit et de redressement des
finances publiques : l'objectif affiché à l'horizon 2003 est un déficit public
équivalent à 0,4 % du PIB. Ainsi, si on retient vos hypothèses de croissance,
après six années de croissance soutenue, c'est-à-dire entre 1998 et 2003, les
finances publiques ne seront pas revenues à l'équilibre : cet objectif n'est ni
suffisant ni raisonnable.
M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur général ont
longuement expliqué comment la France pouvait s'engager dans un programme
beaucoup plus ambitieux de réduction concomitante des prélèvements
obligatoires, des dépenses publiques et des déficits, sans pénaliser la
croissance économique à moyen terme. Je reprendrai plus particulièrement, en
insistant sur ce point, la proposition d'allégement des cotisations sociales
employeurs, l'expérience montrant, depuis 1993, qu'elle est extrêmement
favorable à la création d'emplois. Dans la période qui s'annonce, de tension
sur l'offre productive, c'est le moyen le plus approprié pour alléger le coût
du travail et abaisser le niveau du chômage structurel dans notre pays, afin
d'augmenter ainsi la croissance potentielle.
Si le Gouvernement souhaite engager une réforme utile et efficace des
prélèvements obligatoires, je lui suggère - comme la majorité de la commission
des finances - modestement de réfléchir à une baisse conjointe des cotisations
à la charge des employeurs et de celles qui sont payées par les salariés. Je
crois que cette double baisse serait socialement bien acceptée et permettrait
de soutenir à la fois l'offre productive et la demande des ménages, tout en
réduisant les risques inflationnistes.
Il me semble même qu'une initiative française à l'échelon européen dans ce
domaine serait tout à fait opportune, tant la pénalisation fiscale excessive du
travail semble un facteur commun à l'ensemble de la zone euro.
Je conclurai sur le manque de transparence des engagements à moyen terme du
Gouvernement en matière de finances publiques. Annoncer des orientations
générales en matière de finances publiques pour les trois prochaines années
est, certes, un progrès, que l'on doit - faut-il le souligner ? - au traité de
Maastricht.
Mais décrire par le détail la manière dont les engagements pourraient être
obtenus les rendrait nettement plus crédibles. Quel crédit accorder, en effet,
à une programmation triennale qui ne dit rien de l'évolution des effectifs
publics, des conséquences des 35 heures dans la fonction publique sur les
effectifs et les rémunérations, ou encore de l'effet, sur les finances
publiques, des 35 heures dans le secteur privé ?
Nous ne doutons pas, monsieur le ministre, que vous disposiez de simulations à
moyen terme décrivant l'évolution détaillée des dépenses publiques compatible
avec les objectifs globaux que vous affichez. La communication de ces travaux
serait tout à fait utile à l'information du Parlement ; il est d'ailleurs une
époque lointaine où la direction de la prévision les communiquait au Sénat.
Après ce que j'ai entendu cet après-midi, je ne doute pas que vos prises de
position en matière de transparence des finances publiques vous conduiront à
donner, dans quelque temps, une suite favorable à cette requête.
Entre des orientations budgétaires que nous jugeons inadaptées au contexte
économique actuel, qui ne constituent, en outre, qu'une réponse politique de
circonstance à une mauvaise communication, et des orientations à moyen terme
peu crédibles et manquant d'ambition, vous comprendrez, monsieur le ministre,
que, comme l'a dit avant moi M. Roland du Luart, le groupe des Républicains et
Indépendants émette des réserves sur vos orientations budgétaires.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR
et de l'Union centriste. - M. Paul Girod applaudit également.)
M. le président.
La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, étant rapporteur de la loi de financement de la sécurité
sociale, je parlerai, bien évidemment, des problèmes liés aux finances
sociales. C'est d'ailleurs un exercice un peu curieux que d'évoquer ces
problèmes alors que le ministre en charge de ce secteur n'est pas devant nous !
Mais nous n'avons pas d'autre possibilité pour parler des lois de financement
de la sécurité sociale en cours d'année que d'intervenir lors du débat
d'orientation budgétaire. On voit bien que, sur ce point, nous en sommes encore
aux balbutiements de l'ère de la démocratie sociale, qui ne progresse pas vite
!
Je souscris bien évidemment aux propos tenus tout à l'heure par M. Delaneau,
président de la commission des affaires sociales : nous devons effectivement
tirer les conséquences du changement de nature de ce débat.
Je formulerai trois remarques relatives aux finances sociales.
Tout d'abord, s'agissant des comptes sociaux et des dépenses d'assurance
maladie, dont notre excellent rapporteur général a parlé dans son intervention,
il est banal de dire que l'équilibre atteint en 1999 et en 2000 est obtenu
grâce à la croissance et aux mesures de redressement prises par les lois de
financement de 1997 et 1998, dont l'effet en année pleine se fait sentir. Ces «
mesures de redressement » ont consisté à accroître les prélèvements sociaux, en
particulier sur l'épargne, avec le basculement CSG/cotisations d'assurance
maladie. Cette pression supplémentaire avait sa contrepartie : la conduite
d'une politique de maîtrise des dépenses d'assurance maladie. C'était le sens
du plan Juppé. En 1997, malgré un ONDAM rigoureux - il progressait de 1,6 % -
cette maîtrise était assurée.
Acutellement, il est banal de dire que les dépenses d'assurance maladie
continuent à déraper. L'inquiétant, comme vous l'avez dit vous-même, monsieur
le ministre, est de savoir ce qui se passerait en cas de retournement de la
conjoncture.
Actuellement, nous le savons, l'assurance maladie est déficitaire de 9
milliards de francs, même si Mme Aubry, par une petite astuce banale et bien
compréhensible - elle a additionné les choux et les navets ! - a trouvé 250
millions de francs d'exédents. C'est oublier que, depuis la loi de 1994, on n'a
plus le droit d'additionner les résultats de l'assurance maladie, de la
vieillesse et de la famille !
Nous avons assisté au dérapage de l'ONDAM 1998 et de l'ONDAM 1999, et nous
sommes en train d'assister au dérapage de l'ONDAM 2000. Un débat me semble donc
nécessaire. Mme Aubry, en septembre 1999, avait proposé, devant la commission
des comptes de la sécurité sociale, un débat sur la santé publique - je l'avais
même approuvée - en déclarant qu'un tel débat aurait lieu au printemps 2000.
J'espère que la démocratie sanitaire aura plus de réalité que ce débat que,
hélas ! nous n'avons pas eu ! Nous avons simplement constaté que le
Gouvernement a dénoncé des accords signés entre les caisses et les médecins.
Or on voit bien que l'on ne peut pas, aujourd'hui, maîtriser les dépenses
d'assurance maladie sans les partenaires sociaux qui sont les gestionnaires des
caisses et sans les professionnels de santé.
Le Gouvernement s'est attaqué au paritarisme, en voulant mettre les branches
de la sécurité sociale à contribution pour financer les 35 heures. Au même
moment, la Caisse nationale d'assurance maladie proposait un « plan stratégique
» que le Gouvernement n'a voulu ni étudier ni même soumettre à débat. Il faut
d'ailleurs dénoncer le climat actuel régnant entre la CNAMTS et le ministre de
tutelle, climat qui a été illustré jusqu'à la caricature lors du dernier
conseil de la commission des comptes de la sécurité sociale, le 22 mai
dernier.
Je le rappelle, le Gouvernement a cantonné la CNAMTS au pilotage de la seule
enveloppe des « soins de ville ». Pourtant, cette séparation entre les quatre
grandes enveloppes de l'ONDAM est de plus en plus artificielle. Chacun sait
que, pour éviter l'affrontement permanent entre les dépenses de soins dans les
hôpitaux publics et dans les hôpitaux privés, il faudra « fongibiliser » les
dépenses de santé et transformer les agences régionales d'hospitalisation en
agences régionales de santé.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Très bien !
M. Charles Descours.
Il s'agit d'une tendance lourde à laquelle nous serons contraints, et ce quel
que soit le Gouvernement. Mme Aubry s'est accaparé les hôpitaux - mais c'était
déjà le cas avant elle -, les cliniques privées et, maintenant, le médicament,
ne laissant à la CNAMTS que la médecine ambulatoire. Ce « saucissonnement » est
peut-être une stratégie des Horaces ou des Curiaces ; en tout cas, en termes de
politique sanitaire, c'est catastrophique. Nous ne pouvons pas, me semble-t-il,
compte tenu de notre histoire, faire l'impasse sur les partenaires sociaux dans
notre système de protection sociale. Sommes-nous bismarckiens, beveridgiens ?
Depuis 1945, en tout cas, les partenaires sociaux sont des acteurs
incontournables de la protection sociale, et il faut que le climat qui règne
entre eux, notamment la CNAMTS, et le ministre de tutelle change, car la
situation actuelle n'est pas bonne pour notre système d'assurance maladie.
Je voudrais également souligner que, dans ce domaine, l'Etat a des
obligations, même s'il laisse les partenaires sociaux travailler dans des
conditions convenables. En effet, il a la responsabilité essentielle de définir
des priorités de santé publique - et là aussi nous attendons des textes qui
nous avaient été annoncés pour le printemps mais qui seront, paraît-il,
présentés à l'automne, saison qui devrait être bien chargée ! - ainsi qu'un «
panier de soins » remboursable. En définissant ce « panier de soins », je crois
qu'il faut affecter des moyens en fonction d'objectifs clairs qui soient
discutés par le Parlement et sortir de la logique comptable qui est aujourd'hui
celle de l'ONDAM.
Je dois dire objectivement que je comprends les professionnels de santé - j'en
suis un - et que j'ai défendu les ordonnances « Juppé », estimant qu'elles ne
relevaient pas d'une simple logique comptable. Cela étant, le dispositif reste
très largement comptable, et il est évident que, si l'on veut solliciter les
professionnels de santé, il faudra changer de logique. Je pense qu'il n'y a pas
de fatalité à l'accroissement des dépenses de santé, même si le vieillissement
de la population représente un enjeu considérable.
Ma deuxième observation concerne le financement du passage aux 35 heures. Il
s'agit là d'un feuilleton à rebondissements, dont le déroulement risque de
peser lourd, à l'avenir, sur les finances publiques. Je rappelle que le FOREC,
le fonds de financement des 35 heures, est une machine extrêmement lourde et
complexe, et je voudrais vous dire, monsieur le ministre, madame la secrétaire
d'Etat, qu'il semble que vous-mêmes et vos services vous trompiez quelque peu
puisque, à la page 32 du rapport déposé par le Gouvernement pour le débat
d'orientation budgétaire, vous affectez au FOREC une partie des prélèvements
sociaux sur le capital, alors qu'il s'agit d'une partie des droits de
consommation sur les alcools...
Bref, dire que le FOREC n'est pas une usine à gaz serait une contrevérité !
Et puisque vous parliez tout à l'heure de démocratie et de transparence,
monsieur le ministre, laissez-moi vous dire que la création d'une institution
comme le FOREC est complètement contraire à la transparence financière ! Je
suis d'ailleurs sûr que même les membres de votre cabinet ne sont pas tous
susceptibles de nous dire comment est financé ce fameux FOREC ! Alors, comment
voulez-vous que les parlementaires et, au-delà, l'opinion publique y
comprennent quelque chose ? Et pourtant, c'est pour les 35 heures !
Je rappelle que le Gouvernement avait initialement prévu que devaient
contribuer au financement de la réduction du temps de travail l'UNEDIC -
j'étais un peu inquiet, tout à l'heure, quand on a parlé du rôle de l'UNEDIC et
de ses excédents -, les régimes sociaux et l'Etat, sous le fameux prétexte
qu'il y aurait un « retour pour les finances publiques ». Seulement, la théorie
du « retour pour les finances publiques » n'a pas convaincu les partenaires
sociaux. La contribution demandée à l'UNEDIC - 7 milliards de francs - a donc
été retirée du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.
Puis, la contribution demandée aux régimes sociaux a également été supprimée,
moyennant un prélèvement sur leurs recettes. Enfin - cerise sur le gâteau - le
Conseil constitutionnel est passé par là et a supprimé la taxe sur les heures
supplémentaires de 7 milliards de francs censée pallier la défaillance de
l'UNEDIC. Si bien que, aujourd'hui, je cherche toujours à savoir comment est
financé ce fonds sur les 35 heures.
J'ai étudié de près, à l'occasion d'une mission de contrôle, au nom de la
commission des affaires sociales, le nouveau mécanisme d'allégement de charges.
Tous les responsables d'URSSAF que nous avons rencontrés nous ont dit que le
nombre d'emplois créés par les 35 heures ne sera jamais précisément connu,
parce qu'il ne peut pas être connu ! Seuls peuvent être additionnés les
engagements de création d'emplois des entreprises lors de la signature de
l'accord sur les 35 heures. Les entreprises les plus malignes, c'est-à-dire les
plus grosses, ont bien compris le système, et elles se sont engagées dans cette
affaire ; mais on ne sait absolument pas si les emplois créés l'ont bien été au
titre des 35 heures ou s'il ne s'agit pas d'emplois qui auraient été créés de
toute façon du fait de la croissance économique. Bref, je crains que nous ne
soyions déçus lorsque nous ferons un bilan à froid.
Monsieur le ministre, si j'ai bien compris, la « participation de l'Etat » de
4,3 milliards de francs n'était pas une subvention d'équilibre. Toutefois, le
fonds doit quand même être équilibré « dans les conditions prévues par la loi
de financement », aux termes de l'article 5 de la loi de financement de la
sécurité sociale pour 2000. A défaut d'un projet de loi de financement de la
sécurité sociale rectificatif - Mme Aubry m'a expliqué qu'on ne faisait pas un
projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificatif chaque fois
qu'il y avait une grippe, et j'ai cru comprendre que les décisions du
Gouvernement et du Conseil constitutionnel étaient au-dessus des grippes -
quelles sont les pistes envisagées par le Gouvernement ? Faut-il augmenter la
fiscalité affectée au FOREC ? Dans l'affirmative, laquelle ? La taxe générale
sur les activités polluantes ? La contribution sociale sur les bénéfices ? Les
droits sur les alcools ? Les droits sur le tabac ? En tout état de cause, je
rappelle que la loi prévoit que le FOREC doit être équilibré.
Pour 2000, je ne me fais pas trop de souci pour le financement des 35 heures.
Certes, les recettes manquent, mais les dépenses ne sont pas non plus au
rendez-vous. Les entreprises ont prudemment attendu avant de se lancer dans
l'aventure du nouveau mécanisme d'allégement de charges. Apparemment, il n'y a
que 57 milliards de francs de recettes « sûres », alors qu'on en avait prévu
105 milliards de francs. Même si les recettes du FOREC progressent de façon
très dynamique, il manquerait malgré tout entre 40 milliards de francs et 50
milliards de francs, d'après ce que nous ont dit ceux qui suivent ce
financement.
Ma dernière observation portera sur le financement des retraites. C'est bien
évidemment la question majeure à long terme. Mais c'est un long terme qui ne
cesse de se rapprocher : la branche vieillesse du régime général serait en
déficit à partir de 2007-2008. Que peut-on retenir des dispositions
gouvernementales sur les retraites ? Contrairement à ce qui est dit ici ou là,
la commission des affaires sociales et le Sénat avaient voté pour la création
du fonds de réserve sur les retraites. Vous venez de nous redire, monsieur le
ministre, que vous souhaitiez l'augmenter d'une façon plus substantielle - pour
le moment, il y a 2 milliards de francs, et il y aura probablement 20 milliards
de francs d'ici à la fin de l'année avec l'apport des fonds des caisses
d'épargne - par l'affectation du produit de la mise aux enchères des licences
téléphoniques de troisième génération.
Je voudrais simplement rappeler que M. le Premier ministre a évoqué un chiffre
magique de 1 000 milliards de francs en 2020. Mais il ne faut pas oublier que,
pour la seule année 2020, le besoin de financement des régimes de retraite
atteindrait 400 milliards de francs. Dans ces conditions, que peut signifier le
fait de disposer de 1 000 milliards de francs en 2020 quand le déficit cumulé
des régimes de retraite sur les années 2010 à 2020 serait de 1 500 milliards de
francs ? Là-dessus, je crois que nous sommes à peu près tous d'accord. Je
comprends très bien qu'avant les élections législatives et l'élection
présidentielle, il vous sera très difficile de mettre en oeuvre des réformes,
puisqu'il faudra de toute façon commencer par s'occuper des retraites de la
fonction publique et qu'une telle démarche est évidemment, pour vous,
suicidaire. Mais plus on tarde, plus on sera à la traîne des autres pays. Même
l'Italie, pays qui, pourtant, en termes de réforme n'a pas pour habitude d'être
à la pointe, a pris des mesures sur cette réforme des retraites.
Je voudrais rappeler que la seule décision, à part le fonds de réserve, est la
création d'un « conseil d'orientation des retraites » ; le Gouvernement a placé
un haut fonctionnaire à la tête de ce conseil, ce qui laisse augurer de son
indépendance et de sa volonté de proposer des décisions désagréables.
(Sourires.)
Ce haut fonctionnaire placé à la présidence a d'ailleurs
tout de suite déclaré que le conseil d'orientation des retraites ne serait « ni
un lieu de décision ni un lieu de négociation mais un lieu de mûrissement du
débat ». Vraiment, si avec cela on se sort de la réforme des retraites... Je
crois en réalité que la réforme et la sauvegarde des régimes de retraite par
répartition méritent mieux que cela. La politique du Gouvernement dans le
domaine des retraites tient à deux mesures symboliques.
La première est l'abrogation de la loi Thomas, prévue par le projet de loi de
modernisation sociale. Une proposition de loi sur l'épargne retraite a été
adoptée par le Sénat, sur l'initiative de M. Arthuis et de moi-même, en
présence de M. Strauss-Kahn, alors ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie. Ce dernier nous avait alors expliqué que le Gouvernement entendait
prochainement déposer un projet de loi qui n'aurait pas été très éloigné du
texte adopté par le Sénat. Cependant, une partie de votre majorité est très
hostile à la sortie en rente. Vous nous avez proposé voilà quelques semaines,
d'instituer une nouvelle forme d'épargne salariale, sorte d'
ersatz
des
fonds de pension, mais qui n'est pas de nature à régler toutes les
questions.
La seconde mesure est la création d'un comité consultatif.
Ces deux mesures représentent peu de chose pour un enjeu aussi
considérable.
Vous avez dit, monsieur le ministre, que la méthode du Gouvernement se
résumait au triptyque « diagnostic, dialogue, décision ». Les diagnostics se
répètent. Les dialogues s'apparentent à une forme de bégaiement. Je
souhaiterais, avec l'ensemble de la majorité sénatoriale, que l'on en vienne
aux décisions sans attendre les échéances législatives.
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, après l'Assemblée nationale, nous voici donc penchés sur les
orientations que le Gouvernement a prévues pour l'année 2001.
C'est un débat intéressant, qui doit être évalué à sa juste mesure, et
permettez-moi, monsieur le ministre, de saluer la volonté du Gouvernement de
poursuivre dans une voie qui n'est pas si récente que cela puisque, même si
l'on nous dit qu'il y a cinq ans que l'on pratique ainsi, en réalité, le
premier exercice remonte à 1990, si mes souvenirs sont exacts.
Je crois que c'est un exercice louable à tous points de vue, parce qu'il faut
effectivement éclairer l'opinion et les parlementaires sur ce que sont les
prévisions du Gouvernement en matière de finances publiques pour l'année
suivante. N'a-t-on pas fait la Révolution pour que les représentants du peuple
consentent à la dépense et aux recettes ?
Bien entendu, ce débat ne vient pas tout à fait à son heure, parce que nous
savons bien, monsieur le ministre, que les arbitrages budgétaires sont quand
même déjà très engagés. Personne ne saurait cependant vous le reprocher : vous
êtes à ce poste depuis un temps relativement limité et, par conséquent, c'est
une preuve de courtoisie de votre part - et nous vous en sommes reconnaissants
- de venir aujourd'hui devant le Sénat. Mais nous pouvons peut-être espérer
que, l'année prochaine, si la situation est toujours celle que nous
connaissons, nous pourrons en délibérer un peu plus tôt.
Mes chers collèges, je voudrais attirer l'attention du Sénat et celle du
Gouvernement sur trois points : d'abord, le contenu des informations qui nous
sont transmises à l'occasion de ce débat ; ensuite, le bilan de la politique
économique, financière et budgétaire du Gouvernement et ses perspectives ;
enfin - personne ne s'en étonnera - la situation des collectivités locales en
la matière : j'avais eu l'occasion d'appeler l'attention de M. le Premier
ministre, il n'y a pas très longtemps, sur le sujet, en lui faisant remarquer
la contradiction qu'il y a à pousser l'idée de la décentralisation d'un côté et
à mettre en pratique une politique de restriction des capacités et des libertés
financières des collectivités locales de l'autre - mais j'y reviendrai dans
quelques instants.
En ce qui concerne les informations qui nous sont transmises, monsieur le
ministre, je prends acte de vos engagements devant l'Assemblée nationale, que
vous avez réitérés tout à l'heure devant notre assemblée. Je me permets
d'ailleurs de constater - avec une certaine joie, d'ailleurs - que les
remarques formulées lors du débat d'orientation budgétaire de 1997 par notre
collègue M. Lambert ont porté leurs fruits. Ainsi, à titre d'exemple,
avez-vous, semble-t-il, décidé avec sagesse de communiquer à la commission des
finances du Sénat, et ce dès le débat sur le projet de loi de finances pour
2001, les lettres de cadrage du Premier ministre. Il est en effet extrêmement
important que nous ayons en main ce document, car c'est, en définitive, celui
qui va orienter réellement les dépenses, sous réserve que les lettres de
cadrage telles qu'elles sont formulées à cette époque soient effectivement
mises en oeuvre - mais, de ce côté-là, nous n'avons pas d'inquiétude - et
qu'une fois le vote du Parlement acquis, il n'y ait pas de bouleversement
subreptice du budget.
Quoi qu'il en soit, c'est un élément intéressant de réflexion, encore que nous
soyons un peu inquiets sur le fameux problème du périmètre : chaque fois qu'on
parle de périmètre, on parle de frontière et, quand on parle de frontière, on
parle vite de conflit.
De la même manière, vous vous êtes engagé, afin de mieux garantir la sincérité
des prévisions de recettes, à saisir la commission des comptes économiques de
la nation avant même la commission des finances de l'assemblée concernée. Tout
cela fait partie d'innovations qui répondent aux voeux formulés par nos
collègues.
Permettez-moi tout de même deux interrogations, monsieur le ministre.
Comptez-vous renforcer également l'information des parlementaires en
communiquant, par exemple, aux assemblées les éléments transmis habituellement
à la fin du mois de mars par le Gouvernement à la commission des comptes de la
nation, avant l'examen du projet de loi de finances ? En second lieu, ne
considérez-vous pas que ces nombreuses promesses de réformes traduisent
cruellement, et par contraste, une transparence aujourd'hui peu satisfaisante ?
J'y reviendrai dans quelques instants au sujet des collectivités
territoriales.
Sur le bilan de la politique économique, budgétaire et financière du
Gouvernement, je n'aurai pas, monsieur le ministre, l'indélicatesse à la fois
naïve et partisane de dénier au gouvernement auquel vous appartenez quelque
mérite quant aux résultats économiques obtenus par notre pays, même si nous ne
sommes pas les seuls à les obtenir et si les comparaisons de l'évolution des
uns et des autres en pourcentage et en efficacité ne manqueraient pas
d'intérêt.
Je ne tomberai pas non plus dans une sorte d'angélisme, dont vous savez la
crainte toute philosophique qu'elle inspirait à Pascal. Vous êtes trop fin
économiste, monsieur le ministre, pour ignorer que les marges de manoeuvre des
exécutifs des pays de l'OCDE ont beaucoup diminué et que la politique
budgétaire, si elle apparaît moins contrainte, demeure toutefois largement
déterminée par des données monétaires et par la croissance, la
policy
mix
, ainsi que disent les économistes, demeurant, en l'absence de modèle
économique définitif, un outil plus qu'une solution.
Les théories keynésiennes de relance temporaire en cas de dépression
ponctuelle ont fait leur temps. Nous ne sommes plus en dépression ponctuelle,
nous sommes en reprise générale, dont la sûreté n'est d'ailleurs peut-être pas
aussi assurée qu'on le dit dans la mesure où elle est fortement tirée par une
croissance américaine reposant elle-même sur la psychologie des Américains,
elle-même influencée par un certain nombre de phénomènes boursiers dans
lesquels la part d'illusion n'est peut-être pas complètement purgée.
D'ajustement en ajustement, peut-être y parviendrons-nous, mais ce n'est pas
encore tout à fait réalisé et l'accroissement des rentrées fiscales, dans ces
conditions, nous semble, par mesure de précaution, devoir être d'abord affecté
à la réduction du déficit et à la diminution de la charge de la dette, quelle
que soit la conjoncture de l'instant. C'est de règle normale d'administration
d'un ménage ; est-ce vraiment de règle d'administration de l'Etat dans les
conditions actuelles ? Peut-être pourrions-nous nous interroger un peu sur le
sujet.
Vous nous annoncez, il est vrai, une réduction des déficits et une baisse des
impôts, mais permettez-moi de formuler quelques remarques. Sur la baisse des
déficits et la maîtrise des dépenses publiques, la baisse des taux d'intérêt
vous a beaucoup aidé, mais elle est probablement derrière nous. Quant à la
baisse des intérêts de la dette, elle permet d'assouplir les choses et c'est
effectivement un élément de cet équilibre primaire. Toutefois, dans le
collectif, monsieur le ministre, nous sommes toujours à 215 milliards de francs
de déficit, soit 10 milliards de francs de plus qu'à la fin de 1999 et, sur ces
215 milliards de francs, 145 milliards de francs sont consacrés à des dépenses
autres que des dépenses civiles d'investissement, si je sais bien compter. Or
seules ces dernières sont admissibles pour les générations futures.
Et, si le déficit prévu pour 2001, soit 195 milliards de francs, paraît
tolérable - par comparaison, bien entendu - c'est pourtant sans compter sur une
évaluation des dépenses dont on peut craindre légitimement, à l'aune des
prévisions antérieures, qu'elle ne soit sous-évaluée. C'est là où, me
semble-t-il, naît un problème sur lequel il faudrait peut-être que nous nous
expliquions les uns et les autres.
Si M. le Premier ministre a pris en compte, dans ses lettres de cadrage, les
sources de dépenses que constituent les mesures de lutte contre les précarités,
une partie - cela reste à déterminer, et M. Descours vient d'en parler à
l'instant - est liée aux 35 heures et aux départs à la retraite. Aussi est-il
quand même difficile d'accorder crédit à une prévision d'augmentation des
dépenses de 0,3 % en volume. Vraiment, 0,3 %, c'est sympathique à l'annonce,
mais cela ne satisfait pas certains de nos collègues, si je les ai bien
entendus tout à l'heure.
Cela étant, certaines augmentations structurelles vont intervenir, et nous
pourrions faire la même remarque en ce qui concerne la sécurité sociale.
Monsieur le ministre, j'ai repris ce que j'avais eu l'occasion de dire à votre
prédécesseur le 25 novembre dernier, à savoir que le déficit annoncé de 115
milliards de francs était à rapprocher de la réalité financière de l'époque et
qu'on aurait pu, compte tenu de ce qu'on connaissait - je veux parler de la «
cagnotte » des plus-values fiscales - espérer un peu mieux. C'est pourquoi je
l'accusais - gentiment ! - de prendre tant de précautions qu'en réalité il
était en train de peindre en noir ce que chacun savait être un peu rose, à
savoir le redressement des recettes.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'était même d'un rose soutenu !
M. Paul Girod.
Mais, quand on lit d'un peu plus près vos prévisions pour 2001, on commence à
se demander si, cette fois-ci, vous ne peignez pas en rose ce que nous sommes
bien obligés de voir au moins en gris s'agissant de ces augmentations de
dépenses, d'autant plus que l'évolution des recettes fiscales pose aussi des
problèmes : l'affectation un peu prématurée et un peu opaque des surplus de
recettes fiscales - on a dit la « cagnotte », ce qui n'est probablement pas une
bonne formule - interdit en définitive toute réforme fiscale d'ampleur, cette
réforme, que, me semble-t-il, vous appeliez de vos voeux il n'y a pas si
longtemps. Je pense, bien entendu, à une baisse des impôts directs, alors même
que l'impôt sur le revenu vient d'augmenter de 35 milliards de francs.
Il y a dans tout cela un certain nombre de contradictions sur lesquelles nous
aimerions avoir quelques éclaircissements.
Je ne parle même pas de l'investissement public, qui paraît insuffisant, ni de
l'harmonisation des politiques fiscales européennes : vous venez de sortir
d'une réunion où, me semble-t-il, vous n'avez pas été totalement satisfait, pas
plus que vos collègues, d'ailleurs.
(M. le ministre sourit.)
Il semble ainsi qu'il y ait eu insatifaction
croisée sur le sujet et que la question des fameuses « trappes à inactivité »,
qui nécessitent tout de même un arbitrage fin entre les revenus du travail et
les revenus de solidarité, n'ait pas même été abordée.
Or vous venez d'adresser, si j'ai bien lu la presse, une lettre aux
partenaires sociaux qui, lue entre les lignes et avec malveillance - ce qui
n'est pas mon cas -, donne le sentiment que la volonté du Gouvernement de
poursuivre les « trappes à inactivité » n'est pas aussi affirmée que celle de
certains des partenaires sociaux de notre pays. Je terminerai en évoquant les
collectivités locales.
Monsieur le ministre, si nous sommes entrés dans l'euro, c'est en grande
partie grâce à la qualité de la gestion des collectivités territoriales avant
1997, et sans doute depuis. Sinon, nous serions, je le crains, confrontés à
quelques difficultés bruxelloises... Donc, tant que les collectivités
territoriales garderont leur capacité d'autofinancement, cela ira à peu près,
mais on ne peut pas à la fois tenir le discours décentralisateur qui est celui
du Gouvernement - discours relayé avec bonheur et ampleur par la commission que
préside votre ancien prédécesseur à Matignon, notre collègue Pierre Mauroy, et
qui pousse à davantage de décentralisation - et, dans le même temps, ne faire
porter les réformes d'impôts que sur les impôts locaux, l'Etat ne compensant,
par ses dotations, ces réductions d'impôts locaux dans leur impact sur la
population qu'avec - pour reprendre une expression populaire - « un élastique
». On ne peut à la fois réduire la capacité d'adaptation des collectivités
territoriales et leur demander toujours davantage d'interventions !
Aujourd'hui encore, j'ai entendu, dans cet hémicycle, certains de nos
collègues convenir que, sur tel ou tel grand service public, l'intervention des
collectivités était nécessaire. Mais cela demande de la souplesse ! Or comment
peut-on trouver de la souplesse dans une dotation d'Etat figée ? Il y a là une
vraie question qui s'imposera à nous tous.
Les orientations budgétaires du Gouvernement perpétuent un certain nombre de
mesures, telles que la réduction de la taxe professionnelle, sur laquelle tout
le monde est d'accord sur le papier ; telles que l'indexation de la
compensation, sur laquelle on est déjà moins d'accord ; telles que le gel de
cette compensation, sur lequel personne n'est d'accord. Si l'on ajoute à cela
que cette compensation ne prend aucunement en compte les implantations futures
pour lesquelles la part « salaires » de la taxe professionnelle aura été
supprimée, tout cela ne peut que plonger les collectivités territoriales dans
une certaine perplexité.
C'est dans cette ambiance que nous débattons aujourd'hui des orientations
budgétaires du Gouvernement. Certes, nous éprouvons une certaine satisfaction à
voir que la croissance retrouvée, par vous et par nous, vous aide - un peu,...
beaucoup - mais nous sommes perplexes - un peu,... beaucoup - sur la manière
dont vous l'utilisez et sur la manière dont vous permettrez aux collectivités
territoriales d'accompagner un effort d'investissement qui reste nécessaire
plus que jamais, avec une souplesse qui leur est nécessaire plus que jamais. Et
les méthodes « recentralisatrices » du ministère des finances, alors que les
discours sont décentralisateurs, ne font que renforcer cette perplexité.
Alors, monsieur le ministre, nous vous savons gré de tout ce que vous avez dit
sur les finances publiques. Nous vous attendons cependant aux actes sur les
mêmes thèmes !
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Sergent.
M. Michel Sergent.
Vous poursuivez, monsieur le ministre, une tradition maintenant bien établie
en organisant un débat d'orientation budgétaire. Je m'en réjouis.
Ce rendez-vous nous permet de présenter nos suggestions au moment même où
commence la préparation du budget pour l'année 2001.
Cette occasion nous permet également de dresser un bilan rapide et de rappeler
le chemin parcouru depuis 1997 - on se souvient dans quel état étaient les
finances publiques cette année-là...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Depuis, la lumière a éclairé notre pays !
M. Michel Sergent.
Oh, la situation est plus brillante qu'en 1997, monsieur le rapporteur général
!
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Bien sûr...
M. Michel Sergent.
Nous constatons, en effet, pour peu que nous fassions preuve d'un minimum
d'objectivité, combien la politique menée a fort bien réussi.
Pour la troisième année consécutive, nous allons connaître un taux de
croissance élevé, bien supérieur à la moyenne européenne. Que vous le vouliez
ou non, mes chers collègues, elle a en effet dépassé de quatre points en quatre
ans celle de nos voisins.
C'est ce taux de croissance, qui a été supérieur aussi aux prévisions de
l'automne, qui vous permet, monsieur le ministre, de présenter un collectif de
plus de 50 milliards de francs, dont 40 milliards de francs de réductions
d'impôts qui s'ajoutent aux 40 milliards de francs de baisses d'impôts déjà
intégrés dans la loi de finances de 2000, soit une baisse totale de 80
milliards de francs pour l'année en cours.
Il faut noter aussi dans le collectif que vous allez nous soumettre demain 10
milliards de francs pour le financement de dépenses exceptionnelles de
solidarité. Et qui pourrait critiquer l'affectation de ces 10 milliards de
francs, qui bénéficieront essentiellement à nos concitoyens touchés au cours
des derniers mois de l'année 1999 par des tempêtes et des cataclysmes ?
Ce qui était l'objectif principal du Gouvernement, et qui le reste, c'est
évidemment la baisse du chômage et, là aussi, c'est une indéniable réussite :
nous sommes parvenus à ce fameux taux à un chiffre que l'on n'avait pas connu
depuis dix ans.
Aujourd'hui, le taux de chômage est passé sous la barre des 10 % de la
population active. Ainsi, 1 million d'emplois auront été créés à la fin de
cette année.
Certes, la croissance et la conjoncture internationale ont permis cette
amélioration. Mais les mesures prises depuis 1997 - les emplois-jeunes, les 35
heures... - la confiance retrouvée de nos citoyens et la reprise des
investissements des entreprises ont été tout aussi déterminantes.
J'entends bien nos collègues de la majorité sénatoriale affirmer que le
Gouvernement n'est pour rien dans cette embellie de l'économie nationale...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je n'ai pas dit ça !
M. Michel Sergent.
... mais que n'aurait-on entendu si les résultats n'avaient pas été au
rendez-vous ?
Au-delà des orientations générales pour le budget 2001, largement développées
par mon ami Bernard Angels, je veux évoquer très rapidement les mesures
concernant les collectivités territoriales et les services publics.
S'agissant des collectivités territoriales, monsieur le ministre, madame la
secrétaire d'Etat, la loi sur le renforcement de l'intercommunalité du 12
juillet 1999 a connu un incontestable succès. Mais la mise en place de
communautés d'agglomération s'est faite au détriment financier des communautés
de communes, qui ont connu, notamment en milieu rural, une baisse sensible de
leur dotation globale de fonctionnement.
Il me paraîtrait donc souhaitable que des moyens supplémentaires soient
affectés l'an prochain à l'intercommunalité.
Dans le même ordre d'idée, la mise en place des services départementaux
d'incendie et de secours, issue de cette mauvaise loi, reconnaissons-le, du 3
mai 1996, crée partout des difficultés. En effet, les dépenses augmentent
considérablement, tant en fonctionnement qu'en investissement, et les
collectivités sont confrontées à des hausses de leurs participations, qui sont
pourtant déjà très élevées, trop élevées.
Il serait donc souhaitable que l'Etat intervienne financièrement pour ce qui
relève en fait, à mon sens, de l'accompagnement de ses missions régaliennes, je
veux parler de la sécurité des biens et des personnes.
En ce qui concerne la réduction de la taxe d'habitation, surtout pour les plus
bas revenus, nous ne pouvons qu'y souscrire, même s'il nous faut préserver
l'autonomie des collectivités locales, qui restent, ne l'oublions jamais, le
principal investisseur public.
Rappelons néanmoins, là aussi, que nos collectivités ont été bien mieux
traitées depuis 1997 que sous le gouvernement précédent, auteur d'un pacte de
stabilité de triste mémoire, qui n'avait de pacte que le nom puisque, en fait,
personne n'avait voulu le signer.
J'ajouterai encore quelques mots à propos des collectivités locales.
Ne pourrait-on supprimer ce que l'on peut appeler les « taxes sur les taxes »
qui touchent les Français dans leur vie quotidienne ? Je veux parler bien sûr
des taxes sur l'eau ou sur les redevances pour l'enlèvement des ordures
ménagères. Ne pourrait-on en outre étudier les moyens d'abaisser les frais de
recouvrement des impôts ?
Par ailleurs, s'agissant du manque à gagner dû à la réforme de la taxe
professionnelle de 1987 - car s'il y a eu perte d'autonomie des collectivités
locales, c'est bien à partir de 1987 que cela a commencé, avec les « 16 % » !
mon collègue Jacques Mahéas m'indiquait tout à l'heure que le manque à gagner
cumulé, pour une ville comme Neuilly-sur-Marne, s'élève à 20 millions de francs
; pourtant, le potentiel fiscal de cette ville est très en dessous de la
moyenne. Cela montre la nécessité de remettre en oeuvre une indispensable
péréquation de la taxe professionnelle.
M. Gérard Delfau.
Très bien !
M. Michel Sergent.
Un mot encore, monsieur le ministre - mais cela a déjà été évoqué - pour
souhaiter que soit réglé le problème de l'exonération de la TVA sur les
cantines scolaires.
Il est un autre sujet dont je veux traiter : France Télécom, devenue une
entreprise « ordinaire », ne pourrait-elle aujourd'hui s'acquitter de la taxe
professionnelle ? Les collectivités locales n'y trouveraient certainement rien
à redire !
M. Gérard Delfau.
Très bonne idée !
M. Michel Sergent.
Par ailleurs, il ne nous semble pas souhaitable d'aller au-delà de la
suppression de la part régionale de la taxe d'habitation.
Le dernier point que je souhaite évoquer concerne les services publics. Il a
déjà été longuement traité tout à l'heure par mon collègue et ami Bernard
Angels, mais j'y reviens d'un mot.
Nous avons souscrit au programme pluriannuel de maîtrise des dépenses
publiques et les objectifs sont atteints. Pourtant, la réduction des dépenses
ne peut pénaliser nos services publics.
Il ne s'agit pas de s'opposer à une gestion plus rigoureuse, à une meilleure
utilisation des personnels et à une amélioration des services. Mais nous devons
veiller à la qualité de ces services publics indispensables à l'éducation
nationale, à la santé, à la sécurité, à la justice età l'emploi.
C'est grâce à la qualité des services publics et de leurs agents que nous
pouvons assurer la solidarité entre nos concitoyens.
Je ne peux pas m'empêcher de revenir sur les propos tenus tout à l'heure par
M. Jean François-Poncet nous faisant part d'une migration économique vers la
Grande-Bretagne.
Mes chers collègues, je suis un élu du Pas-de-Calais, plus voisin que jamais
de l'Angleterre depuis l'ouverture du tunnel sous la Manche, et je peux vous
assurer, d'expérience, qu'il vaut mieux emprunter les trains français pour
arriver à l'heure, de même qu'il vaut mieux s'adresser aux hôpitaux français
pour être soigné en urgence et, même, fréquenter les écoles primaires ou
maternelles françaises.
M. Gérard Delfau.
C'est sûr !
M. Michel Sergent.
On ne compte d'ailleurs plus les Britanniques qui se font soigner chez nous et
qui jalousent tout simplement nos services publics.
Nous souhaitons en définitive le renforcement des services publics.
Mais, je le répète, il ne s'agit pas de vouloir une croissance non maîtrisée
des dépenses. Il faut aller, pour reprendre une expression qui nous est chère,
vers le « mieux d'Etat ».
Nous croyons à la réforme de l'Etat à condition qu'elle se fasse dans la
transparence et la concertation.
Notre société évolue, les nouvelles technologies s'imposent. Pourquoi ne pas
redéployer, modifier, pour répondre plus et mieux aux attentes de nos
concitoyens ?
Conforter la croissance, continuer à améliorer la situation de l'emploi,
accentuer la cohésion sociale, renforcer les services publics, voilà ce qui me
semble être les priorités pour 2001. Vous pouvez, monsieur le ministre, madame
la secrétaire d'Etat, compter sur nous pour vous accompagner dans cette voie.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Merci beaucoup
!
M. le président.
La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville.
Oui, monsieur le ministre, nous vivons nous aussi un temps intéressant : le
temps de la confrontation, grâce au calendrier parlementaire, entre, d'une
part, une stratégie des finances publiques que vous avez développée et, d'autre
part, la pratique et les contingences du collectif budgétaire qui nous sera
présenté demain. Quel constraste entre le discours et les faits !
D'un côté, on nous expose une doctrine qui a le mérite de la clarté : une
maîtrise affichée de la dépense publique indépendante de la conjoncture. C'est
sans aucun doute préférable à la réhabilitation de la dépense publique que l'on
nous proposait voilà une dizaine d'années. On nous présente une alternative,
non tranchée, entre la baisse des impôts d'aujourd'hui et celle des impôts de
demain, c'est-à-dire du déficit au gré d'un surplus évoluant selon la
conjoncture. Voilà pour la doctrine.
D'un autre côté, nous sera soumis un collectif qui sacrifie la réduction du
déficit par un accroissement des dépenses.
Permettez-moi de vous faire part de trois inquiétudes justifiées par ce
contraste.
D'abord, il me semble que la réduction du déficit cesse d'être une priorité ;
ensuite, la maîtrise des dépenses est loin d'être obtenue ; enfin, le choix des
baisses d'impôts n'est certainement pas l'option la plus favorable à
l'emploi.
Première inquiétude, l'arrêt de la réduction du déficit budgétaire.
Certes, quand j'ai lu le fascicule bleu de présentation de ce débat, je me
suis réjouis, car la réduction du déficit budgétaire semblait demeurer un choix
majeur. N'énonciez-vous pas, monsieur le ministre, six bonnes raisons pour
réduire le déficit ? Oui, tous nos partenaires réduisent leurs déficits plus
rapidement que nous. Oui, le déficit en phase d'expansion est un choix
défavorable aux jeunes générations. Oui - et l'argument n'est pas souvent
avancé - le financement des dépenses par l'endettement est un choix injuste,
qui est défavorable à la redistribution, les impôts du plus grand nombre
finissent par payer les intérêts, dites-vous - ce qui est exact - de la dette
due à des prêteurs plus aisés, dont un tiers d'ailleurs sont des non-résidents
et auxquels doivent être accordés des avantages fiscaux substantiels.
Que voilà de bons arguments ! Et il en est bien d'autres.
Mais, hélas ! la mise en oeuvre pratique ne suit pas.
Que propose le Gouvernement ? Le déficit budgétaire que vous nous demandez de
voter dans le collectif, 215 milliards de francs, est le même que celui qui
était prévu en loi de finances initiale malgré 50 milliards de francs de
recettes supplémentaires. C'est plus que les 206 milliards de francs de l'année
dernière. Et encore vous avez dû étirer ce solde sur le lit de Procuste des
artifices budgétaires pour le rendre plus présentable, c'est-à-dire plus
important qu'il n'aurait dû être - paradoxe ? Et vous annoncez encore 195
milliards de francs pour l'année prochaine.
Dès lors, il n'y a pas de réduction du déficit et votre tentative de
justification de cette pause me paraît bien fragile. « La France - écrivez-vous
- a pris par rapport à ses engagement européens un an d'avance. » En
conséquence, vous estimez qu'on peut relâcher l'effort et se permettre quelques
libertés : laissons faire l'arithmétique, le déficit diminuera en pourcentage
du PIB du fait de la croissance et tout ira bien.
Ce raisonnement ne prêterait pas à conséquence si nous étions assurés d'une
croissance longue et continue. Or, le rapport de printemps de la Commission
économique de la nation compare la reprise actuelle à celle de la fin des
années quatre-vingt et signale des éléments de vulnérabilité identiques, à
savoir l'apparition d'une pénurie de travail qualifié et une forte progression
du crédit.
Je ne voudrais pas jouer les Cassandre, car je crois que sauf imprévu, la
croissance actuelle s'auto-entretiendra, mais nous devons nous tenir prêts à
encaisser un choc dont les conséquences seraient aussi dangereuses que celles
qui ont été enregistrées en 1992-1993, après la guerre du Golfe et la tension
sur les taux d'intérêt qui a suivi la réunification allemande.
Le mieux serait donc de revenir très rapidement à ce que vous appeliez le «
solde protecteur » de 1 % pour pouvoir disposer à plein, dans des circonstances
analogues, de l'arme budgétaire. Le principe de précaution me semble, en ce
domaine, encore devoir être observé.
Je reconnais bien volontiers au Gouvernement - il faut être juste - le mérite
d'avoir su procéder à un réglage fin de la conjoncture budgétaire au cours des
années passées. Mais il n'existe plus, me semble-t-il, de raison, au moment où
des tensions risquent d'apparaître, de soutenir une croissance désormais
auto-entretenue et de pratiquer une politique procyclique de déficit
budgétaire. Voilà donc ma première inquiétude : le déficit ne diminue plus.
Deuxième inquiétude : l'insuffisante maîtrise de la dépense publique.
Le deuxième objectif que vous assignez à la politique budgétaire me paraît
sain. Les dépenses de l'Etat ne devront croître en trois ans que de 1 % en
volume, et donc seulement d'un tiers de point l'année prochaine. Je ne vous
proposerai pas un objectif plus ambitieux, et je serais pleinement satisfait si
celui que vous proposez ne relevait pas simplement de l'effet d'annonce.
Que constatons-nous ? En 1999, le Gouvernement s'était fixé un objectif de 1 %
en volume. Très bien ! C'était trois fois plus que ce que vous proposez dans
votre programme. Or, qu'en a-t-il été ? Le rapporteur général de l'Assemblée
nationale, non suspect, annonce 1,6 %, la Cour des comptes 2,8 % et l'INSEE,
dans le numéro de mai d'
INSEE Première
est encore plus sévère. Je lis
que, dans le périmètre retenu par la comptabilité nationale, les dépenses de
l'Etat ont progressé de 4 % en valeur et de 4,5 % hors charge de la dette.
Voilà les chiffres de la comptabilité nationale sur les dépenses de l'année
prochaine.
Or je considère que le périmètre de la comptabilité nationale est le bon
périmètre de référence parce qu'il retient en dépenses ce que, vous, vous
classez en dépenses exceptionnelles pour les éliminer de votre calcul - le
versement de dix milliards de francs à l'UNEDIC, par exemple. Il tient
également compte des prélèvements et dégrèvements qui sont transférés aux
collectivités locales et qui sont économiquement, bien entendu, des
dépenses.
De très grandes difficultés sont donc prévisibles pour cette année, avec une
augmentation des dépenses de l'Etat de 4 % en valeur, au lieu de 1 %.
Mais ces difficultés ne seront que plus grandes dans les années à venir, comme
cela a été dit très bien à plusieurs reprises, notamment par notre rapporteur
général.
La charge nette de la dette avait été stabilisée grâce à la baisse des taux
d'intérêt. Cette situation ne se renouvellera pas : la hausse des taux
d'intérêt, même minime, peut démarrer ; en tout cas, nous ne bénéficierons
plus, l'année prochaine, de la baisse des taux. La charge de la dette
augmentera donc certainement, mécaniquement, de 8 milliards à 10 milliards de
francs. De plus, l'autre grande source d'économies qu'avait constitué la baisse
des dépenses militaires, qui a rapporté 15 milliards de francs hors personnel
au cours des années passées, ne me paraît pas renouvelable.
Mais mon interrogation principale porte sur l'évolution des dépenses liées à
la fonction publique, qui représentent près de 700 milliards de francs et qui
évoluent plus rapidement que le budget total : leur progression a été de 57
milliards de francs en trois ans. Il me semblait que le débat d'orientation
budgétaire aurait constitué le moment idéal pour que le Gouvernement expose sa
politique salariale pour l'année à venir et sa politique de recrutement à moyen
terme. Je ne peux que constater que ce n'est jusqu'à présent pas le cas.
Le problème est pourtant posé dans le rapport : en huit ans, l'évolution du
salaire net dans la fonction publique a été de 5,9 points supérieure à celle
qui a été constatée dans le secteur privé, ce qui témoigne de « l'avance prise
par la fonction publique dans la première moitié des années quatre-vingt-dix ».
Une question vient immédiatement à l'esprit : quelles seront les conséquences
financières des politiques de réduction du temps de travail dans la fonction
publique d'Etat - pour ne pas parler de son extension aux collectivités locales
! - ou de résorption de la précarité ?
Monsieur le ministre, il ne suffit pas de nous assener une norme d'évolution
acceptable, il faudrait nous expliquer comment vous comptez la faire respecter.
Dois-je comprendre que, du fait de la croissance et de la réduction du chômage,
vous espérez réduire les dépenses d'intervention ? J'aimerais avoir des
explications sur ce point.
Enfin, vos choix en matière de réduction d'impôt ne sont pas les plus
favorables à l'emploi.
Vous êtes évidemment contraint de réduire l'impôt.
Les statistiques ont démenti les promesses qui nous avaient été faites l'an
passé : les prélèvements obligatoires ont atteint, en 1999, le record absolu de
47,5 % du PIB et les recettes de l'Etat ont progressé de 7,4 %, plus que celles
des collectivités locales et de la sécurité sociale.
Cela démontre tout simplement que notre système fiscal, avec ses taux élevés
d'impôt sur le revenu et d'impôt sur les sociétés, surréagit à une amélioration
de la conjoncture. Nous savons bien par ailleurs que la réduction du quotient
familial n'a fait qu'alourdir la pression fiscale sur les ménages. Vous nous
promettez - je reprends, là encore, les chiffres du rapport - une baisse d'un
point de PIB en 2000 et d'un demi-point seulement en 2001. L'essentiel de
l'effort va donc résulter des choix qui ont été faits dans le collectif. Je
n'ai d'ailleurs trouvé ni dans le rapport du Gouvernement ni dans vos propos,
monsieur le ministre, l'amorce d'une réforme en profondeur des défauts de notre
système fiscal.
Je ne parlerai pas aujourd'hui de la fiscalité locale. Mais pour ce qui
concerne la fiscalité d'Etat et les prélèvements sociaux, nous savons tous que
les taux marginaux d'imposition sont trop élevés, non seulement pour les hauts
revenus d'activité, mais surtout pour les bas revenus salariaux.
Dans le premier cas, on freine l'incitation à prendre des risques alors que
les rentiers à revenus élevés bénéficient fiscalement du régime plus
intéressant des prélèvements libératoires. Ce n'est pas par hasard que Pierre
Bérégovoy, qui avait bien compris qu'il fallait lâcher du lest pour placer les
titres de la dette publique, avait fait baisser les prélèvements
libératoires.
Dans le second cas, on freine l'incitation à la reprise du travail. Et je lis
à la page 24 de votre rapport, qui est très intéressant et fort bien fait : «
Si l'un des conjoints obtient un travail à mi-temps rémunéré au SMIC, le revenu
familial demeure inchangé », et s'il s'agit d'un travail à plein temps pour le
conjoint, le revenu familial s'accroît de 600 francs, soit moins de 4 francs
par heure travaillée. Dans le premier cas, le taux d'imposition est voisin de
100 %, dans le second cas, il doit être légèrement supérieur à 90 %.
Je ne vois pas de véritable mesure, hormis la réduction des taux d'imposition
sur le revenu des premières tranches, qui permette de réduire le chômage
structurel, dont le taux semble proche de 8,5 %.
Comme cela a été souligné par le groupe de l'UDF dans une autre enceinte, il
aurait fallu utiliser la totalité de la force de frappe constituée par les
réductions d'impôt du collectif, et pas seulement les 11 milliards de francs de
baisse de l'impôt sur le revenu, pour réduire le coin fiscal entre salaire brut
et salaire net pour tous les salaires inférieurs à 1,3 ou 1,4 fois le SMIC et
favoriser ainsi les retours à l'activité.
Voilà une politique efficace en faveur de l'emploi qui aurait permis de donner
à cette manne, à cette marge de manoeuvre retrouvée, toute son efficacité.
Au lieu de cela, vous avez préféré un saupoudrage de mesures fiscales dont la
cohérence globale m'échappe.
Le Gouvernement a encore le choix entre la voie de la facilité et la voie de
la réforme. Tout dépendra de sa capacité à respecter sans truquage ni
manipulation des chiffres l'objectif de maintien de la dépense publique sous la
barre du 1 % de croissance en trois ans.
La voie de la facilité consiste à réduire les investissements, les dépenses
militaires ; la voie de la réforme consiste à accroître la productivité et
l'esprit d'initiative dans la fonction publique. Si cet objectif n'est pas
atteint - et je doute qu'on vous laisse faire, monsieur le ministre - les
marges de manoeuvre qu'engendre la croissance seront une nouvelle fois
dilapidées, comme ce fut le cas de 1989 à 1991.
Monsieur le ministre, nous sommes prêts à participer à la réforme, si vous
avez le courage de l'entreprendre ; mais nous serons vigilants pour dénoncer
les solutions de facilité qui consistent à faire payer demain par nos enfants
les dépenses de fonctionnement et le déficit d'aujourd'hui.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. César.
M. Gérard César.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, dans le rapport déposé par le Gouvernement pour le débat
d'orientation budgétaire, j'ai cherché, vainement, une orientation sur le
budget 2001 du ministère de l'agriculture.
Une seule phrase, à propos de la hausse des prix, à la page 39 des annexes,
fait mention de « l'influence modératrice de la réforme de la politique
agricole commune sur les prix alimentaires en 2001 ».
Une nouvelle analyse de l'impact de la réforme de la PAC décidée à Berlin en
avril 1999 vient d'être réalisée par le bureau de l'analyse économique et de la
prospective du ministère français de l'agriculture, qui évalue à 7 % la baisse
de revenu supportée par les agriculteurs. Cette diminution atteindrait 23 %
pour le secteur des céréales et oléoprotéagineux, 1 % pour les producteurs de
lait et 4 % pour les autres recteurs.
Les experts du ministère de l'agriculture analysent une série de scénarios
qui, avec le concours des aides directes dans la formation du revenu des
agriculteurs, permettraient, eux, d'amortir les effets de cette réforme.
Le revenu disponible de la ferme « France » baisserait donc de six milliards
de francs, ce qui correspond à une ponction de 7 %, qui toucherait plus
spécialement cinq ou six grandes régions.
Nous savons, monsieur le ministre, que le budget du ministère de l'agriculture
devient marginal dans l'ensemble des soutiens publics à l'agriculture,
puisqu'il représente désormais seulement la moitié des versements de l'Union
européenne à l'agriculture française. Par ailleurs, les dépenses de nature
économique au sein de ce budget sont faibles ; elles n'en représentent plus
qu'un tiers : soit 11 milliards de francs.
Cette contrainte de la politique agricole nationale est d'autant plus forte
que, désormais, un grand nombre de politiques sont cofinancées par l'Union
européenne, qu'il s'agisse de la politique de modernisation, d'installation, de
compensation de handicaps ou, désormais, celle des contrats territoriaux
d'exploitation dans le cadre du plan de développement durable mis en place à
Bruxelles.
Cette contrainte est d'autant plus forte que l'évolution du budget du
ministère de l'agriculture au cours de ces dernières années a été le fruit de
redéploiements internes, ce qui enlève toute souplesse de gestion, et que les
préoccupations de l'environnement sont très fortes et mises en oeuvre par le
ministère de l'environnement dans le cadre d'une concertation particulièrement
difficile.
Il ressort de ce constat que la politique agricole nationale risque d'être
définie de moins en moins par le ministre de l'agriculture et de plus en plus
par l'Union européenne, le ministre de l'environnement et celui de la santé en
raison des préoccupations majeures en matière de santé publique.
Monsieur le ministre, il est impératif que des mesures significatives soient
prises et mises en oeuvre en faveur du monde agricole.
Je vous rappelle que la simplification de la fiscalité agricole est une
revendication constante de l'ensemble de la profession. Depuis 1997, le
Gouvernement promet d'annoncer une réforme en ce sens. Pourtant, il a refusé
l'inscription des dispositions fiscales dans la loi d'orientation agricole
votée en juillet 1999, laquelle renvoyait à des mesures ultérieures qui n'ont
toujours pas été présentées.
Le rapport parlementaire de Mme Marre et de M. Cahuzac, rendu public en mai
dernier, dessine les voies d'une réforme attendue. Il doit maintenant faire
l'objet de concertations entre tous les acteurs concernés. Il faut espérer que
la parution de ce rapport ne sera pas un nouveau prétexte à l'organisation de
concertations qui n'auraient d'autre but que de différer encore la réforme.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
On va réunir une nouvelle commission !
M. Gérard César.
Que je sache, le Gouvernement ne s'est pour l'heure, pas engagé de manière
précise sur la mise en oeuvre des propositions formulées. Entend-il enfin y
donner suite dans le projet de loi de finances pour 2001 ? J'attends votre
réponse, monsieur le ministre.
Le rapport précité prévoit de conduire cette réforme suivant deux axes
principaux.
D'une part, il préconise de séparer le revenu du travail du revenu du capital
immobilisé dans l'exploitation. Une telle mesure permettrait notamment
d'asseoir les cotisations sociales des agriculteurs sur une assiette comprenant
les seuls revenus du travail. Elle rapprocherait donc la situation des
agriculteurs de celle de l'ensemble des salariés et serait conforme au principe
de neutralité fiscale que le Gouvernement entend respecter.
D'autre part, le rapport recommande une refonte des régimes d'imposition
agricoles en vue de leur simplification. Il s'agirait de réduire le nombre de
régimes de bénéfices agricoles et celui des seuils des régimes d'imposition de
la TVA. En mettant en oeuvre ces préconisations, le Gouvernement servirait la
simplification du système fiscal tout en améliorant sa pertinence
économique.
Le rapport préconise également la mise en place d'incitations fiscales en
faveur de l'installation des jeunes agriculteurs, comme la loi d'orientation
agricole de juillet 1999 l'avait prévu. La politique en faveur de
l'installation, mise à mal par le redéploiement de ses crédits au profit du
financement des contrats territoriaux d'exploitation, les CTE, est actuellement
en panne. Certaines mesures fiscales ont été annoncées par le ministre de
l'agriculture lors de la journée sur l'installation du 15 mai dernier. Il
serait souhaitable que le Gouvernement s'engage à les reprendre dans le projet
de loi de finances pour 2001.
A ces mesures attendues par les agriculteurs, il conviendrait d'ajouter la
suppression des droits de mutation à titre gratuit sur les transmissions
d'entreprises, l'exonération des plus-values en cas de cession à un jeune
agriculteur et l'installation de prêts bonifiés à 0 % pour faciliter
l'installation de ces derniers, la défiscalisation de la dotation jeunes
agriculteurs ainsi qu'une exonération pour ces derniers des cotisations
sociales étalée sur cinq ans à raison de 30 % par an.
Par ailleurs, à propos de la DPI, la déduction pour investissement, fruit d'un
long combat mené par la profession, il est indispensable qu'elle soit maintenue
pour une fiscalité moderne d'entreprise.
En ce qui concerne les préoccupations environnementales, notamment le projet
de réforme de la politique de l'eau, le choix d'une approche fondée sur la
sanction, avec la mise en avant du principe du « pollueur-payeur », est
dénoncée par les agriculteurs. S'étant déjà vu imposer par la loi de
financement de la sécurité sociale pour 2000 une extension aux produits
phytosanitaires de la taxe générale sur les activités polluantes, ils devraient
s'acquitter en sus, à l'horizon 2002, d'une redevance sur les excédents
d'azote.
En outre, la redevance sur la consommation d'eau payée par les agriculteurs
devrait augmenter du fait de la suppression annoncée par le ministre de
l'environnement des coefficients d'usage, qui font actuellement varier les
bases de calcul de cette redevance en fonction des usages de l'eau -
irrigation, industrie, usage domestique. D'après les simulations faites par la
profession, la redevance serait multipliée par six, ce qui est impensable.
Alors que le Gouvernement prétend privilégier la baisse des prélèvements
obligatoires, il n'a de cesse d'alourdir les taxations pesant sur le monde
agricole. Cette démarche tient plus du signal politique visant à manifester une
certaine fermeté sur le sujet que d'une véritable recherche de la maîtrise des
pollutions. Ainsi, malgré l'ampleur des moyens mis en oeuvre - la dérive du
coût du programme de maîtrise des pollutions agricoles en témoigne, puisqu'il a
été réévalué de 7 milliards de francs à 14 milliards de francs sur dix ans - la
pollution des eaux s'est encore aggravée sur le territoire français, comme le
souligne une étude récente.
En matière de politique de l'eau, la profession agricole plaide pour une
approche fondée sur la responsabilisation des exploitants et la prévention, et
non sur la sanction bête et méchante.
En dépit des mesures prises en faveur des exploitants victimes de la tempête
de la fin du mois de décembre 1999, la situation de bon nombre d'entre eux
reste critique en raison des dégâts subis par les bâtiments agricoles.
Alors que le Gouvernement affirme privilégier la baisse d'impôts, ne serait-il
pas opportun d'autoriser une réduction du taux de TVA à 5,5 % sur les matériaux
nécessaires à la reconstruction des bâtiments agricoles, ainsi que sur les
travaux de reconstruction eux-mêmes ? Pour ce faire, il suffirait d'étendre la
mesure figurant à l'article 5 de la loi de finances de 2000, qui prévoit un
taux réduit de TVA pour les travaux d'amélioration, de transformation,
d'aménagement et d'entretien. Une telle initiative serait une occasion
supplémentaire d'exprimer la solidarité nationale à l'égard des victimes de la
tempête. Les mesures annoncées par M. le Premier ministre n'ont malheureusement
pas été suivies d'effet ou ont été mises en oeuvre trop lentement, en
particulier pour la sylviculture, pourtant fortement touchée.
Monsieur le ministre, dans la perspective de la présidence française de
l'Union européenne, j'attire de nouveau votre attention sur l'opposition du
monde agricole à toute révision à la baisse du montant des crédits affectés à
la politique agricole commune.
La Commission européenne avait en effet proposé, le 3 mai dernier, une
diminution du plafond des dépenses prévues pour la PAC pour les exercices 2001
et 2002 afin de faire face au surcroît de dépenses - de 300 millions d'euros
par an - du chapitre « actions extérieures », dû à la guerre du Kosovo, tout en
laissant inchangé le montant total des perspectives financières pour
2000-2006.
La présidence française aura aussi à faire face à la reprise des négociations
sur l'agriculture au sein de l'OMC, l'Organisation mondiale du commerce, après
le grave échec de Seattle, ainsi qu'à l'élargissement de l'Union européenne aux
pays de l'Est.
Les faiblesses inhérentes au budget de l'agriculture touchent également la
politique de la montagne, qui se trouve presque dépourvue de moyens, ce qui a
des conséquences sur la poursuite de la nécessaire modernisation des
exploitations, qu'il s'agisse des bâtiments d'élevage ou de la mécanisation
agricole.
Il me paraît également nécessaire d'insister sur la suite à donner au rapport
Babuziaux sur l'assurance récolte. En tant que rapporteur pour avis de la
commission des affaires économiques du budget de l'agriculture pour 1999,
j'avais souligné l'absence totale de dotation du fonds des calamités agricoles
et l'insuffisance manifeste de celle-ci dans le budget pour 2000, puisqu'elle
atteint 50 millions de francs.
Monsieur le ministre, dans l'attente de la mise en place de l'assurance
récolte, allez-vous doter suffisamment le fonds pour 2001, ce qui permettrait
de rassurer les agriculteurs ?
Enfin, les dotations des offices, notamment l'enveloppe des crédits
d'orientation, doivent impérativement être au minimum maintenues, afin de ne
pas réduire les marges de manoeuvre, d'autant qu'une partie de ces crédits est
contractualisée.
Par ailleurs, n'oublions pas la juste revalorisation des retraites agricoles,
à hauteur de 75 % du SMIC.
Monsieur le ministre, mon groupe sera très attentif à l'attribution des
dotations nécessaires au maintien du revenu des agriculteurs et au financement
de l'installation aidée des jeunes agriculteurs, qui exige une revalorisation
de la dotation aux jeunes agriculteurs. Rappelons-nous à ce propos que le
nombre des installations aidées a chuté de 45 % en dix ans, d'où l'obligation
de mettre en oeuvre les mesures que je viens de citer.
Nous pensons qu'il est important d'évoquer le devenir de l'agriculture dans le
cadre du débat d'orientation budgétaire, cette agriculture qui devrait avoir
toute sa place, eu égard au rôle qu'elle joue dans la société.
Monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, le monde agricole, et plus
largement le monde rural, sont dans l'attente de vos décisions financières.
Nous espérons vivement que vous répondrez positivement à leurs demandes
légitimes.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Braun.
M. Gérard Braun.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, les dépenses de la fonction publique, parce qu'elles
représentent 43,5 % du budget de l'Etat, soit trois points de plus qu'en 1997,
constituent un élément déterminant des orientations budgétaires et de la
gestion des finances publiques.
Le Gouvernement en est d'ailleurs lui-même bien conscient, puisqu'il a
consacré d'assez longs développements à ce sujet, fort intéressants au
demeurant, dans l'annexe VIII du rapport qu'il a déposé en vue du présent
débat.
Pourtant, la question des dépenses de la fonction public illustre sans doute
mieux que toute autre l'attitude paradoxale du Gouvernement : avec le
collectif, il prend le contre-pied des intentions qu'il affiche dans ce
rapport.
En effet, le Gouvernement n'a entrepris aucune réforme à même de réduire les
missions et le format de l'Etat, seule capable de se traduire par un reflux
conséquent des crédits alloués à la fonction publique, et donc de la dépense
publique. Le Gouvernement affiche même sur la question une sérénité qui, compte
tenu de la situation, ne peut que susciter le scepticisme quant à ses
intentions réformatrices.
Ainsi, dans le dernier rapport annuel sur
La Fonction publique et la
réforme de l'Etat,
on peut lire un avant-propos de l'ancien ministre de la
fonction publique, qui écrit : « La politique conduite par le Gouvernement
s'est traduite par toute une série de mesures visant à dynamiser et à
moderniser la gestion des ressources humaines. La plus marquante, et la plus
symbolique à la fois, est indéniablement la conclusion de l'accord salarial du
10 février 1998. »
L'ancien ministe poursuit : « J'ai engagé une concertation avec l'ensemble des
partenaires sociaux pour la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail.
Il s'agit de faire bénéficier les fonctionnaires d'une avancée sociale
historique, tout en s'efforçant d'améliorer l'offre et la qualité des services
publics. »
Le ministre insistait avec raison : la seule mesure concrète prise par le
Gouvernement en matière de politique de la fonction publique est la signature
de l'accord salarial, fort coûteux, du 10 février 1998. L'année 2000 est
d'ailleurs l'exercice sur lequel l'ensemble des mesures adoptées jouera en
année pleine. Pour cette année, le coût de cet accord s'établit à 23,3
milliards de francs, voire à 41,3 milliards de francs, si l'on prend en
considération son impact sur la fonction publique territoriale, pour 10
milliards de francs, et sur la fonction publique hospitalière, pour 8 milliards
de francs.
Ces chiffres montrent que, par-delà tous les discours, la vraie priorité du
Gouvernement est la rémunération des fonctionnaires.
Pour le reste, le tableau est plus sombre.
La gestion de la fonction publique n'est pas moderne, l'Etat employeur
méconnaissant même le nombre de ses agents.
La réforme de l'Etat a été sacrifiée au profit de la satisfaction de
revendications corporatistes, le Gouvernement renonçant à sa réforme de
l'administration fiscale.
Les négociations visant à élaborer un accord-cadre fixant les principes de la
réduction du temps de travail au sein de la fonction publique ont échoué.
Les conflits sociaux se sont multipliés au sein de la fonction publique, qu'il
s'agisse des enseignants, des personnels des hôpitaux ou des agents des
entreprises publiques mécontents de la façon dont se déroulent les négociations
sur le passage aux 35 heures.
Je tiens à préciser que mes propos ne visent pas les fonctionnaires eux-mêmes,
bien évidemment. Je sais ce que l'on doit aux agents du service public. Les
récentes catastrophes qui ont frappé notre pays, que ce soit la tempête ou la
marée noire, l'ont une fois de plus démontré. Ils ne sont nullement
responsables des égarements de l'Etat employeur ni de l'indécision du
Gouvernement.
Mes propos s'inscrivent dans un contexte marqué par deux principaux événements
: d'une part, la publication, en janvier dernier, du rapport public particulier
de la Cour des comptes consacré à la fonction publique de l'Etat et, d'autre
part, l'actualité sociale, qui a conduit le Gouvernement à renouer avec une
logique dépensière, tenant lieu de politique réformatrice.
Je prendrai un exemple, véritablement symptomatique de la politique du
Gouvernement, qui s'en remet à la facilité de l'accroissement de la dépense
plutôt qu'à l'engagement de vraies réformes d'amélioration du service
public.
Qui ne voit en effet que le malaise de l'éducation nationale ne cesse de
s'approfondir à mesure de l'accroissement de ses moyens ?
En fait, l'éducation nationale ne manque pas de moyens : elle souffre d'une «
mal-administration » propice à la hausse perpétuelle de ses crédits !
Le secrétaire d'Etat au budget et la ministre déléguée à l'enseignement
scolaire avaient reconnu devant la commission d'enquête du Sénat que
l'éducation nationale pouvait être réformée à moyens constants. Pourquoi, dès
lors, avoir accordé cette dotation supplémentaire à un ministère qui coûte déjà
pratiquement 1 milliard de francs par jour aux contribuables ?
Quant au rapport de la Cour des comptes, il est accablant, son introduction
résumant d'une phrase toute l'ampleur des carences de l'Etat : « Les documents
budgétaires et comptables ne permettent pas de prendre une vue exacte et
précise des effectifs employés dans les services de l'Etat ni du montant et de
la structure des rémunérations qui leur sont allouées. »
La lecture de ce rapport est édifiante tant sont nombreux les
dysfonctionnements ou irrégularités relevés : système de contrôle des effectifs
réels insatisfaisant, gestion prévisionnelle des ressources humaines
défaillante, voire carrément inexistante, emplois en surnombre ou bloqués,
existence de mises à disposition ou de détachements injustifiés ou irréguliers,
dépenses indemnitaires financées sur des ressources extra-budgétaires,
avantages indus sans base juridique autre qu'une simple décision ministérielle,
flou sur la connaissance des effectifs de fonctionnaires... Je pourrais
multiplier les exemples.
Que comptez-vous faire, monsieur le ministre, pour remédier à tous ces défauts
?
Toutes ces critiques, pourtant, au-delà de leurs conséquences relatives à la
seule gestion des personnels, traduisent surtout une absence de rigueur
préjudiciable à la maîtrise des dépenses publiques.
En fait, le Gouvernement ne contrôle plus l'évolution des dépenses de la
fonction publique et ne paraît d'ailleurs guère soucieux de le faire.
Des chiffres très intéressants fournis par le Gouvernement dans son rapport
montrent que, depuis 1997, les dépenses de l'Etat ont augmenté de 77,8
milliards de francs, dont 57 milliards de francs au titre des seules dépenses
de la fonction publique, soit près de 75 % de cette augmentation.
Comme le note le Gouvernement, « les dépenses de personnel ont évolué depuis
dix ans à un rythme plus rapide que celui des dépenses totales ».
Ainsi, la part croissante des dépenses de personnel accentue la rigidité du
budget de l'Etat, comme l'avait rappelé la Cour des comptes dans son rapport
sur l'exécution des lois de finances pour 1998.
Le Gouvernement a répété, à maintes reprises, qu'il entendait stabiliser le
nombre total de fonctionnaires, tout en procédant à des redéploiements
d'effectifs au bénéfice de départements ministériels sous-administrés,
notamment celui de la justice, grâce à la réalisation de gains de productivité
dans d'autres ministères, celui des finances en particulier. La capitulation du
Gouvernement dans sa réforme de l'administration fiscale vient bouleverser ce
programme. Dès lors, il faut craindre une augmentation globale du nombre de
fonctionnaires.
De surcroît, des inconnues persistent sur ce sujet, à commencer par l'avenir
des emplois-jeunes. Que vont devenir les 350 000 jeunes concernés à l'issue de
leur contrat de cinq ans ? Faut-il voir en eux de futurs fonctionnaires ? Je
crains que oui, l'ancien ministre de la fonction publique ayant déclaré que «
certains titulaires d'emplois-jeunes intégreront la fonction publique à l'issue
de leur contrat de cinq ans ». Combien d'entre eux seront concernés ? Selon
quelles modalités intégreront-ils la fonction publique ? Quel coût cela
représentera-t-il pour le budget de l'Etat ?
Une autre question est particulièrement préoccupante, celle du coût des
pensions, qui va se poser rapidement.
L'évolution du montant des charges de pension des fonctionnaires de l'Etat et
des militaires a suivi une tendance extrêmement rapide : de 1990 à 1997, ce
montant est passé, en francs constants, de 136 milliards de francs à 164,5
milliards de francs, soit une progression supérieure à 20 %.
Or les évolutions démographiques sont très préoccupantes eu égard à leurs
conséquences budgétaires. D'ici à 2010 en effet, comme l'ont rappelé plusieurs
de mes collègues, plus de 40 % des fonctionnaires partiront à la retraite, la
moitié en 2012. En 2005, les dépenses de pension devraient s'établir à plus de
210 milliards de francs, à plus de 260 milliards de francs en 2010 et à plus de
320 milliards de francs en 2015. Ainsi, de 2001 à 2015, les dépenses de
pensions devraient croître de près de 75 %.
Il me semble donc indispensable d'engager rapidement la réforme des régimes
spéciaux de retraite, qui, je le rappelle, n'ont pas été concernés par la
réforme de 1993.
Or je crains que le Premier ministre n'ait annoncé, le 21 mars dernier, une
non-réforme. Un allongement de la durée de cotisation des fonctionnaires à 40
ans contre 37,5 ans actuellement, dont chacun sait depuis le rapport Charpin
qu'il s'agit d'une solution inévitable, a été présenté comme une simple piste
de réforme, la concertation et la négociation avec les organisations syndicales
devant permettre d'assurer l'avenir des retraites. Cette simple proposition de
réforme connaîtra-t-elle le même sort que celle de l'administration fiscale
?
Enfin, le coût du passage aux 35 heures dans la fonction publique est
également une source d'inquiétudes. Aujourd'hui, le Gouvernement est placé face
à ses propres contradictions : présentées comme un moyen de créer beaucoup
d'emplois dans le secteur privé, les 35 heures devraient être appliquées dans
la fonction publique à effectif constant ! Le refus du Gouvernement de
satisfaire les revendications des syndicats en matière de créations d'emplois
est à l'origine de l'échec des négociations visant à élaborer une
convention-cadre. Pourquoi ? La réponse est simple : elle se trouve dans le
rapport sur le temps de travail dans les trois fonctions publiques que M.
Jacques Roché avait remis, en février 1999, au ministre de la fonction
publique.
Ce rapport rappelait, en effet, que la durée du travail dans la fonction
publique est très contrastée, variant entre 29 heures et 40 heures par semaine
pour la seule fonction publique de l'Etat. Il recommandait, en outre, de
considérer la réduction du temps de travail comme « une formidable occasion
d'une remise à plat de l'organisation actuelle du temps de travail dans les
fonctions publiques ».
Le Gouvernement n'a pas voulu prendre d'engagement en matière de créations
d'emplois, mais, dans le même temps, il a renoncé à mettre en oeuvre la réforme
qualitative recommandée par le rapport Roché. Il est pourtant une question à
laquelle je vous demande de nous apporter aujourd'hui une réponse, monsieur le
ministre : à quel coût le ministère de l'économie et des finances évalue-t-il
le passage des trois fonctions publiques au 35 heures ?
Les réponses que vous apporterez, je l'espère, à l'ensemble de ces questions,
conditionnent en effet fortement l'orientation de nos finances publiques au
cours des années à venir.
Vous nous avez dit en préambule, monsieur le ministre, qu'un Etat moderne
devait rendre des comptes sur son administration, devait compter juste et
parler clair. C'est ce que nous attendons de vous et du Gouvernement.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Darcos.
M. Xavier Darcos.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, dans le projet de loi de finances pour 2000 les sections «
enseignement scolaire » et « enseignement supérieur » du ministère de
l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, se sont établies à
361 milliards de francs, en augmentation de 3,3 % par rapport à la loi de
finances de 1999.
Cette progression de 11,7 milliards de francs des dotations allouées à
l'éducation nationale devait permettre d'assurer le financement de l'action
gouvernementale autour de cinq axes principaux : l'amélioration de la qualité
des enseignements scolaire et supérieur ; la mise en oeuvre de la réforme des
collèges et des lycées ; la lutte contre l'exclusion sociale, notamment grâce à
la poursuite du coûteux « plan social étudiant » ; la revalorisation de la
situation des ensignants ; enfin, la préparation de l'université au troisième
milléaire, le plan U 3 M.
Monsieur le ministre, je suis parfaitement conscient que le budget de
l'enseignement scolaire est l'un des budgets les plus rigides de l'Etat puisque
plus de 82 % de ses crédits sont affectés à des dépenses de personnel.
Or le débat d'orientation budgétaire d'aujourd'hui porte sur des choix et
surtout sur l'ordre des priorités dans l'utilisation des crédits restants,
priorités qui seront au nombre de trois : la réduction du déficit budgétaire,
une plus grande maîtrise des dépenses publiques et l'évolution des recettes
fiscales puisqu'il est prévu, pour 2001, 40 milliards de francs de diminutions
d'impôts.
Comment s'inscrivent donc, dans ce contexte, les dépenses afférentes à
l'enseignement ?
Tout d'abord, je voudrais rappeler les observations formulées par la
commission des finances lors de l'examen de la dernière loi de finances.
Cette commission s'interrogeait sur le bien-fondé d'une augmentation des
crédits de 10,3 milliards de francs par rapport à l'année précédente pour les
effectifs d'enfants scolarisés dans l'enseignement primaire et secondaire,
alors que, globalement, ces effectifs restaient stables, voire enregistraient
une légère diminution.
Notre rapporteur spécial du budget de l'enseignement scolaire s'était inquiété
précisément sur la gestion inadéquate des effectifs, évoquant ainsi la dérive
du budget de l'éducation nationale, en opposition avec la décroissance
démographique.
Notre rapporteur spécial avait également jugé inquiétante pour les finances
publiques la mesure concernant l'intégration des instituteurs dans le corps des
professeurs des écoles, insistant sur le fait que, si cette mesure ne
paraissait pas illégitime au regard de l'équité, son impact sur les finances
publiques - et, ajouterai-je, sur le service des pensions - devait être
clairement mesuré.
Enfin et surtout, notre rapporteur spécial regrettait que la réforme des
lycées pour les classes de seconde, première et terminale ne soit pas réalisée
à moyens constants, inquiétude d'autant plus légitime que la réforme proposée
concerne des diminutions d'horaires et des diminutions des temps
disciplinaires. N'a-t-on pas parlé, à ce sujet, de « lycées
light
» ?
Or le collectif budgétaire qui doit nous être prochainement présenté fait
ressortir 769 millions de francs de dépenses nouvelles de fonctionnement,
contre 110 millions de francs seulement de dépenses d'investissement.
Il paraît donc essentiel, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat,
que, dans ce contexte, vous nous apportiez toutes justifications utiles sur la
légitimité de ces dépenses nouvelles et de ces augmentations, et que le débat
d'aujourd'hui soit l'occasion de faire le point sur les mises en garde
pertinentes formulées par la commission des finances de la Haute Assemblée lors
de l'examen du projet de loi de finances pour 2000.
Ces derniers mois se sont traduits par un mécontentement profond du corps
enseignant et des élèves des enseignements primaire et secondaire. Ce
mécontentement, même s'il est rituel, s'est cristallisé sur l'inanité du
concept de collège unique, sur l'organisation des programmes, sur la carte
scolaire ou sur la gestion des heures supplémentaires.
Dans ce débat d'orientation budgétaire, où la question de l'enseignement
devrait être essentielle, alors qu'elle a été très peu évoquée, y compris à
l'Assemblée nationale, lors du débat du 16 mai dernier, pourriez-vous, monsieur
le ministre, nous préciser quelle est votre politique et nous indiquer si vos
orientations sont identiques à celles de votre prédécesseur ?
Nous ne pouvons évidemment qu'appeler au volontarisme budgétaire dans le
domaine de l'enseignement, sachant que le ministère de l'éducation nationale
est le ministère du destin, mais nous exigeons, étant donné l'ampleur des
chapitres concernés, la plus grande transparence possible.
(Applaudissements
sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Joyandet.
M. Alain Joyandet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, à cette heure, je serai extrêmement bref et cantonnerai mon
propos à quelques réflexions concernant les investissements.
Sur un budget de 2 300 milliards de francs, seuls 180 milliards sont consacrés
aux investissements, dont 80 milliards aux véritables investissements,
c'est-à-dire les investissements productifs. Chiffre dérisoire par rapport aux
autres budgets publics de notre pays !
J'aurais d'ailleurs souhaité établir une comparaison avec ce qu'il en était à
cet égard voilà une vingtaine d'années. Hélas ! la comptabilité publique telle
qu'elle existait à l'époque ne m'a pas permis de faire ce travail. En effet, la
comptabilisation des investissements n'existe que depuis quelques années. Je
note au passage que le rapport de notre éminent rapporteur comporte un
paragraphe entier consacré à la présentation des comptes, et les propositions
qu'il contient me paraissent tout à fait judicieuses.
Monsieur le ministre, je souhaiterais que vous puissiez nous dire vos
intentions en ce qui concerne les investissements. Depuis quelque temps, l'Etat
transfère aux collectivités régionales, départementales et locales un certain
nombre d'investissements : pour les lycées, pour les collèges, pour les
transports régionaux. Force est de constater que tout cela génère une fiscalité
locale supplémentaire.
Par ailleurs, sur un certain nombre de dossiers, nous n'arrivons plus à
obtenir des financements de l'Etat. Dans certains départements - en particulier
dans un département que je connais bien -, on ne parvient plus à financer les
travaux intéressant les routes nationales, celles-là mêmes qui relèvent de
l'Etat.
Alors que des contrats de plan viennent d'être signés, il apparaît que, dans
un département qui n'a pas un kilomètre d'autoroute, les deux routes nationales
ne verront pas leur mise à deux fois deux voies avant environ vingt ans !
Des calculs ont été faits qui démontrent que, compte tenu des fonds de
concours demandés à nos collectivés locales, le rythme d'investissement sera
forcément celui du plus petit payeur, c'est-à-dire celui de nos petites
collectivités locales.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Mme Voynet n'aime pas les routes !
M. Alain Joyandet.
Cela laisse pantois, monsieur le ministre, notamment quand la croissance offre
des marges de manoeuvre supplémentaires.
D'ailleurs, j'ai été assez étonné quand j'ai entendu dire, après qu'il eut été
question d'une « cagnotte » de 50 milliards de francs, qu'on allait engager des
dépenses de fonctionnement supplémentaires sans qu'il soit, à aucun moment,
envisagé de procéder à des investissements. Car il y a tout de même des
investissements productifs dont nous avons besoin !
Je voudrais vous interroger, monsieur le ministre, sur un sujet qui me tient
particulièrment à coeur, celui des investissements de l'Etat permettant de
préparer l'entrée de la France dans la société de l'information.
Observant ce qui se passe sur le terrain, je constate que, lorsqu'il faut
équiper nos établissements scolaires en ordinateurs, de manière à former nos
élèves à Internet, ce sont encore les collectivités locales qui, la plupart du
temps, doivent les financer. Et elles ont les pires difficultés à trouver sur
place des personnels de l'Etat susceptibles d'organiser tout cela !
Au demeurant, M. Abramatic, dans le rapport qu'il a établi, constate que la
France est à la traîne dans ce domaine, y compris par rapport à ses voisins.
L'Allemagne compte ainsi dix millions d'internautes quand ils ne sont que
quatre millions en France. Cela pose un véritable problème, non seulement pour
le grand public mais aussi pour les entreprises.
Si l'Etat ne développe pas ses investissements, s'il ne conduit pas une
politique volontariste dans le domaine du numérique, s'il laisse faire le
marché et les entreprises, je crains que nous ne soyons amenés à déplorer, dans
les toutes prochaines années, sur le territoire français, une « fracture
numérique » qui viendra accentuer la fracture sociale.
Quelle sera la démarche de l'Etat pour faire en sorte que l'ensemble de nos
concitoyens, quel que soit leur niveau social et où qu'ils vivent sur le
territoire national, puissent être le plus rapidement possible reliés au
numérique à haut débit, de façon à pouvoir se former chez eux, créer leur
entreprise. Il ne faut surtout pas que, de la même manière que l'on a laissé
des
no man's land
sans autoroute en macadam, on laisse ces mêmes
territoires sans autoroute de l'information.
En l'occurrence, l'investissement public est indispensable. Si l'on s'en remet
au seul marché, une fois de plus, ceux de nos territoires qui ne sont pas «
rentables » seront laissés de côté : ils resteront sur le bord des autoroutes
de l'information.
Ce soir a été rendu public le chiffre de 130 milliards de francs au titre de
l'attribution des fréquences UMTS. Fort bien ! C'est une cagnotte
supplémentaire ! Cela peut tout changer. Mais nous avons ici, au Sénat, défendu
des amendements tendant à faire en sorte que les entreprises bénéficiaires d'un
certain nombre de fréquences s'engagent à couvrir 100 % du territoire français,
de façon que tous les citoyens puissent bénéficier de ces services. On nous a
répondu que ce n'était pas possible parce que cela coûterait trop cher. Or,
aujourd'hui, on prend 130 milliards de francs à ces entreprises !
Ne craignez-vous pas, monsieur le ministre, qu'en prélevant cette somme on
n'incite encore ces mêmes entreprises à privilégier les territoires les plus
rentables ?
Ne serait-il pas de bonne méthode de réduire de 10 milliards ou de 15
milliards de francs la ponction opérée sur ces entreprises mais d'exiger
d'elles, en contrepartie de l'attribution des fréquences, l'engagement
d'équiper l'ensemble du territoire français dans un certain délai ? Dès lors,
la perte de recette serait largement compensée.
Si la totalité du territoire français n'est pas équipée, ce sont certaines
régions qui se trouveront handicapées, ce sont nos entreprises, nos écoles qui
seront pénalisées et c'est l'avenir de notre pays dans la compétition mondiale
qui se trouvera ainsi hypothéqué.
Je serai heureux d'entendre votre réponse, monsieur le ministre, sur ce grave
problème. (
Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.
)
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
En dépit de
l'heure, il me paraît non seulement courtois mais aussi utile à la qualité du
travail parlementaire de répondre, fût-ce succinctement, aux différents
orateurs.
Au demeurant, le débat d'orientation budgétaire et la discussion du collectif
budgétaire étant très proches, un certain nombre des réponses que je ne peux
pas apporter ce soir le seront certainement par Mme Parly dans la discussion
qui va s'ouvrir ici même dans quelques heures.
M. le rapporteur général a, tout d'abord, exprimé une critique, en forme
d'interrogation, sur le mépris relatif dans lequel serait tenu le Parlement à
propos de l'attribution des licences UMTS. Etant retenu au Sénat, il ne pouvait
pas savoir que, quelques dizaines de minutes plus tôt, j'avais été interrogé
sur ce point à l'Assemblée nationale, comme je l'avais déjà été à plusieurs
reprises auparavant, ainsi que M. Pierret. Le système institutionnel français
comporte deux assemblées et je ne pense pas que le Sénat puisse considérer
comme une marque de mépris particulier pour le parlementarisme le fait que je
me sois adressé à l'Assemblée nationale.
J'ai donc répondu d'une façon très précise, comme cela était d'ailleurs
parfaitement normal, à la question qui m'avait été posée sur ce sujet. Je ne
l'ai pas fait à nouveau ici, parce que, depuis, vous avez sans doute pris
connaissance, mesdames, messieurs les sénateurs, des déclarations que j'ai
prononcées à l'Assemblée nationale. Je voudrais tout de même indiquer que nous
avons étudié de façon approfondie les trois ou quatre grandes questions qui
sont posées au travers d'un choix de ce type.
Une question, d'ordre technique, portait sur le nombre des licences
attribuées, puisque, à partir d'une certaine bande de fréquence de 120
MégaHertz, il était théoriquement possible d'attribuer de quatre à six
licences. Les pays voisins de la France ont d'ailleurs retenu à cet égard
diverses solutions : l'Allemagne a opté pour six licences, les Britanniques
pour cinq et les Scandinaves pour quatre.
Au terme d'une étude approfondie, nous avons pensé que la solution préconisée
par l'autorité de régulation des télécommunications, soit quatre licences,
était la bonne. Il y aura donc attribution de quatre licences.
La deuxième question, très importante elle aussi, concernait évidemment la
procédure. Il existe, vous le savez, toute une série de procédures possibles.
Il y a d'abord la procédure dite « des enchères », qui a déjà été retenue par
nos voisins britanniques et qui sera retenue par nos voisins allemands, et dont
les résultats, en termes financiers, ont été très importants. Il y a ensuite la
procédure dite « mixte », à l'italienne, qui ajoute à une soumission
comparative des enchères. Puis il y a la procédure dite de « soumission
comparative », qui nous avait été proposée par l'autorité de régulation des
télécommunications, procédure qui a été adoptée en particulier par les pays
scandinaves et par d'autres encore, notamment l'Espagne.
Nous avons beaucoup réfléchi sur ces questions, parce qu'il faut prendre en
considération l'intérêt de l'usager : c'est quand même lui le premier concerné.
Mais il y a aussi le développement de la technologie, et je fais ici allusion à
la dernière intervention, fort pertinente, de M. Joyandet : il faut parvenir à
développer la technologie sur le plan industriel, et partout.
De même, il nous faut prendre en considération l'aménagement du territoire
ainsi que les opérateurs. Et il nous faut arriver à déterminer, au travers de
tout cela, où se trouve l'intérêt général.
Nous avons estimé que c'est par la procédure dite de la « soumission
comparative » que l'intérêt général serait le mieux assuré, notamment par le
cahier des charges qui contiendra en particulier, monsieur Joyandet, des
exigences tenant à la couverture du territoire national ; c'est très
important.
Une troisième question a été posée, tout aussi importante, qui, aux termes de
la loi, relève du Gouvernement : à partir du moment où nous retenions la
procédure de « soumission comparative », qui n'exige pas de texte
supplémentaire, à quel montant devait être fixée l'attribution des licences
?
Nous n'avons pas voulu faire un choix arbitraire. C'est pourquoi nous avons
demandé, d'une part, à l'administration et, d'autre part, à un consultant
privé, indépendant de tout lien avec les opérateurs potentiels, de nous
présenter des analyses et des recommandations en s'appuyant sur la situation
d'autres pays et en considérant les différences puisqu'il ne s'agit pas
exactement de la même couverture géographique ni de la même durée de
licence.
C'est à partir de ces études précises que nous avons arrêté les sommes dont
vous avez pu prendre connaissance. Il sera demandé, pour la délivrance de
chaque licence, une somme de 32,5 milliards de francs, soit, au total, pour
quatre licences, 130 milliards de francs, c'est-à-dire 19,8 milliards d'euros,
ce qui est plus que l'Espagne et que d'autres pays, mais nettement moins que la
Grande-Bretagne.
Enfin, une question concernait l'affectation de ces sommes. Je me suis déjà
prononcé sur ce sujet à l'Assemblée nationale voilà quelques semaines. J'ai
indiqué, d'entrée de jeu, qu'il me semblait déraisonnable, d'un point de vue
budgétaire, d'affecter tout ou partie de ces sommes aux dépenses courantes et
que la meilleure solution me paraissait être de les consacrer, d'une façon ou
d'une autre, au désendettement. Il nous a semblé que la solution la plus
expédiente était d'attribuer l'essentiel de ces sommes au fonds de réserve des
retraites, qui est, tous les économistes le reconnaissent, une forme de dette
publique. En outre, nombre d'entre nous insistent sur l'importance de maintenir
un système de répartition en France. Or il n'est pas de meilleur moyen de
prouver notre attachement à ce système que de doter le fonds de répartition.
Je réponds ainsi à plusieurs orateurs - ils se reconnaîtront - qui m'ont
interrogé quant à l'affectation directe d'une partie de ces sommes à des
investissements.
Je suis amené ici à faire état de conversations que nous avons eues sur le
plan européen voilà quelques semaines, et encore hier et avant-hier, parce que
le même problème se retrouve dans différents pays. Nous avons estimé les uns et
les autres, et la Commission européenne nous a engagés à aller dans ce sens,
que ces sommes devaient être affectées non pas à l'augmentation des dépenses,
fussent-elles d'ailleurs très utiles, mais au désendettement d'une façon ou
d'une autre, qu'il s'agisse du budget ou des retraites. C'est ce que nous
ferons !
Cela n'a pas empêché le Premier ministre - vous avez peut-être cela en mémoire
- de demander à M. Lang et à moi-même toute une série de mesures tendant à
élargir l'accès à Internet, et nous allons nous y employer dans les semaines à
venir.
Vous vous rappelez sans doute, cela avait été à la fois un échec et un succès,
et il faut en tirer les leçons - que, voilà déjà de nombreuses années, ne
trouvant alors dans une position différente, j'avais lancé le plan «
Informatique pour tous », qui avait de bons et de mauvais côtés. Le bon côté,
c'est que nous avions, vingt ans à l'avance, une perception de ce qu'il fallait
faire. Le mauvais côté, c'est que nous avions recours à une technique unique de
matériel et que, comme cela arrive souvent en France, la mise en oeuvre du plan
n'avait pas été poursuivie par mes successeurs.
Il faut maintenant s'inspirer d'une démarche non pas identique mais voisine
s'agissant d'Internet.
Vous avez tout à fait raison de dire que le meilleur service que l'on puisse
rendre aux jeunes et aux moins jeunes, c'est de mettre à leur disposition, dès
l'école et sous des formes diverses, toute une série d'outils.
Les collectivités ont accompli un effort important. L'Etat a fait aussi un
certain effort. Il faut aller plus loin. On a progressé, mais on est en retard
par rapport à d'autres. J'ai reçu la mission, que je remplirai avec plaisir,
conjointement avec M. Lang, d'avancer en ce sens.
M. le rapporteur général a attiré notre attention sur le fait - et je le
remercie de la sollicitude qu'il manifeste à travers cette formulation - que
son rapport avait pour sous-titre : « Comment être crédible en Europe ? Je ne
sais pas s'il s'agit de dire - cela est laissé à l'interprétation de chacun - «
comment être crédible dans le futur en Europe ? ou, s'il veut dire : « au fond,
la traduction de la politique du Gouvernement, c'est comment être crédible en
Europe ».
J'ai plutôt tendance à considérer que c'est la seconde acception qui convient,
car, si, la première, M. le rapporteur général serait vraiment en contradiction
- ce serait paradoxal s'agissant d'un Français, patriote au demeurant - avec la
totalité de nos voisins européens qui considèrent - peut-être sont-ils trop
aimables, mais, entre homologues, on ne l'est pas toujours, vous en avez
l'expérience - que, du point de vue économique, la France est l'un des pays les
plus crédibles en Europe. Ne soyons donc pas moins Français que nos voisins
!
M. le rapporteur général nous suggère - ce qu'il dit est sans surprise et se
retrouve d'ailleurs dans les interventions de plusieurs de ses collègues - de
baisser davantage les prélèvements obligatoires et de maîtriser les dépenses.
Même si, sur ce point - j'y reviendrai brièvement tout à l'heure - nous
rencontrons toujours le même problème -, et plusieurs d'entre vous ont exercé
ou exerceront des responsabilités imminentes : c'est donc un conseil
erga
omnes -
, en général le tout est la somme des parties. On se trouve dans
une situation un peu difficile lorsque, globalement, on recommande la maîtrise
des dépenses - ce qui est souvent un mot aimable pour signifier leur réduction
- mais que, examinant chaque budget en particulier, on trouve pertinent d'en
proposer l'augmentation.
Par conséquent, de ce point de vue, je serais très intéressé par ce que
j'appellerai une « confrontation » - non pas au sens juridique du terme, mais
amicale - entre, par exemple, M. le rapporteur général, très attaché à la
réduction des dépenses, M. de Villepin, qui demande l'augmentation des dépenses
militaires, et on le comprend, et M. César, qui nous a expliqué qu'il fallait
augmenter le budget de l'agriculture de façon substantielle.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous vous connaissez : rapprochez-vous et,
une fois que vous aurez procédé aux arbitrages, nous serons à votre disposition
pour vous écouter !
(Sourires.)
.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est facile !
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Marini a posé
ensuite une question précise, très intéressante, qui a été reprise par certains
de ses collègues : comment le Sénat sera-t-il informé en cours d'année sur
l'exécution du budget 2000 ? Et puis, question connexe, comment se fait-il que,
d'une part, nous présentions un collectif budgtéaire avec 215 milliards de
francs de déficit et que, d'autre part, nous annoncions, Mme Parly et moi-même,
que compte tenu de nos prévisions, il est probable que ce déficit s'établira à
environ 200 milliards de francs ?
Nous avions le choix.
Laissant de côté toute bataille idéologique, il faut que chacun se représente
quelle est la tâche du Parlement et quelle est celle du Gouvernement.
Nous sommes au début du mois de juin et, en recourant aux méthodes de calcul
de l'administration, nous avons anticipé, d'une certaine façon, sur le
déroulement de l'année 2000. Mais il faut reconnaître honnêtement qu'il peut
arriver encore beaucoup de choses. De ce point de vue, vous devez savoir qu'il
n'existe pas une exacte analogie avec ce que connaissent nos collectivités
locales, où les recettes sont à peu près connues et les dépenses à peu près
maîtrisées. Nous pouvons rencontrer des difficultés comme nous pouvons avoir de
bonnes surprises ! Je fais maintenant parvenir un relevé de situation tous les
quinze jours aux présidents et aux rapporteurs des commissions des finances des
deux assemblées.
Compte tenu de notre évaluation des dépenses et des prévisions de recettes,
nous devrions être en dessous du chiffre qui été retenu. Mais nous n'en sommes
absolument pas certains ! Nous ne voulons pas nous trouver, car vous nous le
reprocheriez à juste titre, dans une situation où nous passerions de 215
milliards de francs à 210 milliards ou 205 milliards de francs, pour, trois
mois plus tard, vous demander de voter un chiffre plus important.
En raison de cette exigence de vérité - Mme Parly reviendra sur ce sujet dans
quelques heures - qui, je crois, doit nous animer, nous disons qu'il s'agit
d'un chiffre provisoire - une loi de finances rectificative vous sera présentée
- et que ce n'est pas une certitude mathématique.
Quand cela devra-t-il devenir une certitude mathématique ? A l'automne, à une
date qui sera très proche de la présentation de la loi de finances ; nous vous
présenterons alors une loi de finances rectificative qui devra comporter des
chiffres extrêmement proches de ce que seront les chiffres en fin d'année en
termes d'exécution.
Je vous propose de procéder ainsi car si, aujourd'hui, nous baissions beaucoup
notre chiffre, nous risquerions de nous tromper. Si, en revanche, nous ne vous
donnions aucune indication sur ce qu'est notre perception, à coup sûr, nous ne
vous dirions pas quel est notre état d'esprit. Donc, c'est ainsi que nous nous
proposons de procéder.
Les autres années nous n'aurons probablement pas la même difficulté. En effet,
l'élaboration de ce collectif est due, en grande partie, au fait que nous avons
eu à financer des dépenses exceptionnelles, que nous ne pouvions pas ne pas
financer. Mais, en général, on peut n'avoir qu'un collectif de fin d'année, il
n'est pas nécessaire d'avoir deux collectifs par an.
Voilà les quelques explications que je souhaitais donner sur ce point.
J'espère que je n'ai pas été trop long ou, au contraire, trop court à l'égard
du rapporteur général. M'adressant à lui, je répondais aussi, d'ailleurs, à
beaucoup d'autres interrogations convergentes qui émanaient d'autres membres du
Sénat.
M. le président Lambert a réaffirmé le souhait - nous en avions parlé - qui
est aussi celui de beaucoup d'autres membres de votre assemblée, de ne pas
limiter le débat d'orientation budgétaire au budget mais d'intégrer, sous une
forme ou sous une autre, la sécurité sociale. Pour s'en tenir à la rigueur des
appellations, et sans y voir d'allusion personnelle, ma collègue ministre de
l'emploi et de la solidarité, qui est une femme extrêmement compétente et dont
le portefeuille ministériel est très vaste, sera, j'en suis sûr, très heureuse
de vous expliquer la situation telle qu'elle la voit, si elle n'a pas déjà eu
l'occasion de le faire.
Sur le plan strictement juridique, étant ministre des finances, je suis
comptable des finances budgétaires et des finances sociales. Donc, même si
notre document se penchait essentiellement sur l'aspect budgétaire, comme
plusieurs d'entre vous l'ont remarqué, nous ne nous interdisons pas de faire
des incursions dans le domaine social, et lorsque nous avons transmis nos
prévisions à Bruxelles, nous avons couvert le champ proprement budgétaire
d'Etat, le champ social et même le champ local. Il est donc tout à fait normal
que vous nous interrogiez sur ces points.
On pourrait en effet avoir une conception plus large, en disant que Mme Aubry
- pour personnaliser les choses - devrait aussi participer au débat. Pour le
moment, ce n'est pas ainsi que nous procédons.
De surcroît, il faut bien voir que, à l'heure actuelle, les règles de
comptabilisation des finances sociales ne sont pas exactement les mêmes ; je
pense notamment au moment où se réunit la commission des comptes de la sécurité
sociale. Donc, cela n'est pas très facile à monter, et c'est sans doute ce qui
explique que, jusqu'à présent, cette demande - tout au moins sur la forme -
n'ait pas pu être satisfaite.
M. le président Lambert a posé, bien sûr, une question tout à fait centrale :
comment peut-on concilier la baisse des prélèvements obligatoires et la baisse
du déficit, ne pourrait-on pas mieux maîtriser la dépense ?
J'ai entendu, ainsi que Mme Parly, toutes les suggestions que vous avez
faites. Ce débat est intéressant, je l'espère, pour vous ; en tout cas il l'est
pour nous, car nous tenons compte de ce que vous nous suggérez.
Les pistes qu'a indiquées le président Lambert - nous avons eu l'occasion d'en
parler plusieurs fois - m'intéressent et il se reconnaîtra volontiers - je ne
vais pas le compromettre en disant cela ! - dans un certain nombre de décisions
que nous avons prises, notamment pour assurer une plus grande transparence.
Je me permets d'avoir une divergence avec lui et avec quelques autres
parlementaires sur un chiffre cité à plusieurs reprises ; je ne sais pas si
vous l'avez trouvé, ou si vous l'avez bâti. Mais si vous l'avez trouvé, ce
n'est pas chez un bon auteur, et si vous l'avez bâti, je vous invite à le
reconsidérer. Vous avez mis en doute la réalité des baisses de prélèvements
obligatoires ou d'impôts puisque - et c'est ce chiffre qui a été cité plusieurs
fois - il y avait 400 milliards de francs de prélèvements obligatoires en
plus.
Nous sommes, les uns et les autres, suffisamment avertis des réalités fiscales
et de leurs difficultés pour ne pas en rajouter ! Lorsqu'on fait des
comparaisons fiscales, on travaille bien sûr en annulant l'effet de richesse.
Lorsqu'on dit qu'il y a une augmentation ou une baisse des prélèvements
obligatoires ou des impôts, c'est après s'être demandé si les innovations de la
législation fiscale apportent un plus ou un moins. Or, on ne peut pas soutenir
- et je crois qu'aucun d'entre vous ne s'y risquerait - que les modifications
fiscales introduites par le Gouvernement depuis trois ans ont conduit à une
augmentation de 400 milliards de francs des prélèvements obligatoires. Ce n'est
absolument pas exact ! Il a pu y avoir une augmentation sur certains points ;
je crois me souvenir d'une surtaxe sur l'impôt sur les sociétés, ou d'un ou
deux éléments de ce type, qui, par la suite, ont d'ailleurs été annulés. Mais,
au total - le calcul a d'ailleurs été fait par mes collaborateurs - les
modifications de la législation fiscale depuis trois ans ont conduit
globalement à une baisse de la pression fiscale. C'est indéniable ! Et si nous
sommes d'accord sur ce point, nous avons peut-être déjà avancé.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Le théorème DSK !
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Je ne suis pas
sûr que la notion de prélèvements obligatoires dise grand-chose aux
Français.
Puisque vous avez cité le nom d'un de mes prédécesseurs, M. Dominique
Strauss-Kahn, je l'avais gentiment taquiné le jour où, avec le brio que chacun
lui connaît, il nous avait expliqué - je ne sais pas si je ne vais pas me
tromper, inverser... car c'est tellement complexe ; il n'y a que lui pour s'y
retrouver !
- (Sourires.)
que les prélèvements obligatoires baissaient
alors que les impôts augmentaient. C'était d'ailleurs certainement vrai.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Théorème !
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Mais, pour les
modestes Français que nous sommes tous, c'est surtout l'impôt qui compte, et on
a du mal à expliquer à nos concitoyens qu'une grandeur chérie des statisticiens
augmente ou baisse si une grandeur plus aisée à comprendre, à percevoir... ou à
débourser, évolue, elle, dans le sens inverse !
Je m'étais fait apporter un jour des ouvrages volumineux - par la suite, je me
les suis fait résumer, sinon je ne m'en serais pas sorti ! - qui expliquent que
c'est une notion très intéressante, mais qu'elle est difficilement comparable,
au demeurant, avec celle que pratiquent nos voisins. Plusieurs d'entre vous ont
cité l'exemple de l'Allemagne. Oui, mais les différences s'expliquent, en
particulier, par le fait que, dans un cas, les retraites complémentaires sont
incluses, mais pas dans l'autre. Il faut faire attention à cela.
Par ailleurs, et je reviens sur ce qui s'est passé dans les années récentes,
les prélèvements obligatoires, c'est un ratio entre un numérateur et un
dénominateur. Lorsque la croissance augmente fortement, les prélèvements
obligatoires baissent mécaniquement. C'est assez facile à comprendre : puisque
le numérateur augmente fortement alors que le dénominateur bouge peu, le
rapport baisse. Mais si, l'année suivante, la croissance, tout en étant forte,
est moins forte que l'année précédente, alors les prélèvements obligatoires se
remettent à augmenter. Personne n'y comprend rien. Je ne suggère pas
d'abandonner cette notion, qui permettra à beaucoup d'étudiants et à quelques
professeurs de passer des nuits blanches, mais de toujours la compléter par
l'évocation directe des impôts et des cotisations, car c'est tout de même là
que les gens s'y retrouvent à mon avis le mieux.
M. le président Lambert est revenu longuement, et il a eu raison de le faire,
sur le chômage. Je suis tout à fait d'accord avec lui et je crois l'avoir dit
dans mon propos initial ; en tout cas, si je ne l'ai pas dit suffisamment, je
complète immédiatement.
Le chiffre actuel - 2,3 millions de chômeurs, soit 9,8 % de la population
active - c'est encore beaucoup trop, nous le savons tous dans nos cantons, dans
nos communes, dans nos circonscriptions, dans nos départements. Mais, avec la
même authenticité, on doit reconnaître, pour s'en réjouir - et, d'ailleurs, je
vous remercie car toutes et tous vous vous en êtes réjouis -, que c'est tout de
même moins que ce que nous avons connu à une autre période, même si c'est le
même chiffre que voilà dix ans ; mais peut-être la perception n'est-elle pas la
même sur le plan psychologique.
En répondant à M. le rapporteur général, je crois avoir déjà répondu à la
question parfaitement pertinente de M. le président Lambert : pourquoi 215
milliards de francs, et non 200 milliards de francs ? Vous avez ajouté un
élément supplémentaire : qu'est-ce qui change dans ce chiffre ? Est-ce que ce
sont les recettes qui augmentent ou les dépenses qui baissent ?
Je dirai au civil que vous êtes que les recettes - d'ailleurs, le papier qui a
été publié ces jours-ci va dans ce sens - seront sans doute un peu plus élevées
que prévu... mais je touche du bois car on a parfois de mauvaises surprises.
Quant aux dépenses, nous avons passé ce que nous avons appelé des contrats de
gestion avec les différents ministères : Mme Parly et moi-même leur avons donc
demandé de procéder eux-mêmes à des économies. C'est donc à la fois l'addition
de ces éventuelles recettes et le constat - j'espère que nous serons suivis -
que les contrats de gestion sont lancés qui nous permettent de penser que nous
serons beaucoup plus près de 200 milliards de francs que de 215 milliards de
francs.
M. François-Poncet est intervenu longuement sur le fait que beaucoup de jeunes
quittent la France. C'est un thème que l'on connaît bien, qui n'est d'ailleurs
pas inexact, dès lors, bien entendu, qu'on le relativise. Sans confondre les
phénomènes, il n'est tout de même pas mauvais qu'un certain nombre de jeunes,
non pas s'expatrient ou s'exilent, mais aillent voir à l'étranger ce qui s'y
passe. En contrepartie, et c'est heureux, beaucoup d'étrangers viennent chez
nous.
Par conséquent, le régime parfois un peu dantesque que M. François-Poncet, qui
est un homme nuancé, décrivait n'est tout de même pas à ce point infernal qu'il
empêche nombre d'étrangers, notamment des cadres, de venir en France.
Il n'en demeure pas moins, et je suis le premier à le dire, ce qui m'a
d'ailleurs parfois été reproché, que des modifications doivent être apportées,
à notre fiscalité.
Nous avons procédé assez largement en ce sens. Par exemple, même si vous
n'avez pas eu encore l'occasion d'examiner le projet de loi sur les nouvelles
régulations économiques - puisque vous avez voulu avoir le temps suffisant pour
le « savourer » ! - nous avons proposé de modifier le régime des stock-options
et de pérenniser et d'étendre le régime dit des BSPCE, qui est très intéressant
pour tous les nouveaux entrepreneurs, de sorte que les créateurs d'entreprise
dont parlait M. François-Poncet, s'il décident de rester en France, n'ont que
des taxes très faibles à acquitter. Je crois qu'il s'agit d'un bon régime. Mais
il est certainement vrai qu'il reste des progrès à accomplir.
Je dois ajouter que Mme Parly et moi-même avons publié un rapport de la
direction générale des impôts sur les personnes qui partent à l'étranger, sans
doute très insuffisant, mais qui a le mérite de constituer la première
évaluation grossière de ce phénomène. Or, ce rapport indique, s'agissant de
l'aspect fiscal de la question, que c'est non pas le niveau absolu de tel ou
tel impôt qui représente le point le plus gênant, mais l'addition de ces
impôts, et que la mesure - et ce n'est pas simplement un trait facétieux ! -
dont l'effet a été incontestablement le plus négatif - mais on ne peut pas nous
en tenir comptables - c'est la fin du plafonnement de l'ISF par rapport aux
revenus. Chacun s'y retrouvera !
Je répondrai brièvement à M. Delaneau, qui a évoqué les conséquences de la
réforme de 1996 sur le débat d'orientation sur les finances publiques. Comme
d'autres intervenants, il a souhaité que le débat porte sur l'ensemble.
Monsieur Delaneau, vous avez parlé de « trappes à inactivité », ce que
j'appelle, moi, des « pièges à inactivité ». Ne croyez pas du tout que nous
abandonnons cette voie ; si vous avez pu avoir ce sentiment, c'est que nous
nous sommes mal exprimés. D'une part, le collectif lui-même contient la mesure
d'abaissement des deux premières tranches de l'impôt sur le revenu, qui va en
ce sens ; d'autre part, nous sommes en train de réfléchir à une réforme des
allocations logement ; il y a en effet un problème aussi de ce point de vue,
car les personnes ne sont pas traitées de la même façon, au regard de
l'allocation logement, selon qu'elles sont ou non bénéficiaires du RMI.
D'une façon plus large, Mme Parly et moi-même réfléchissons à des mesures -
pourquoi pas de type fiscal ? Mais c'est très compliqué - que nous pourrions
proposer pour, précisément, aller plus loin dans l'encouragement à l'activité
ou le « découragement » à l'inactivité.
Vous avez également souhaité - sur ce point, je ne peux que vous rejoindre -
une plus grande transparence des comptes sociaux et une plus grande clarté dans
les rapports entre l'Etat et la sécurité sociale. Nous avons d'ores et déjà
fait un certain nombre d'efforts, mais il faut aller plus loin et, là-dessus,
nos orientations se rejoindront totalement, je crois.
Devant rencontrer M. le Premier ministre, je n'ai pu écouter toute
l'intervention de M. de Villepin, que j'avais d'ailleurs prié de m'excuser.
Mais je sais que, comme très souvent, il a traité non seulement des affaires
étrangères mais aussi des questions de défense.
Le niveau de consommation des crédits du ministère de la défense en 1999 a été
assez spécifique. Les crédits prévus ont permis de faire ce qui était
nécessaire. Depuis, le montant des engagements du ministère de la défense s'est
sensiblement redressé pour atteindre, en 1999, le chiffre très important de 93
milliards de francs. Cette évolution va continuer, dans une moindre mesure, en
2000. Aussi, je dirai, répondant à la question précise posée par M. de
Villepin, que le niveau des crédits de paiement prévu en loi de finances pour
2000 est suffisant au regard des besoins.
M. de Villepin a également évoqué les autorisations de programme, problème
récurrent lorsque l'on parle des crédits de la défense, le respect de la loi de
programmation militaire, tous points qu'il maîtrise parfaitement. Je crois
qu'il n'y a pas du tout lieu de s'inquiéter. Simplement - et je vous renvoie au
début de mon propos - examinant ce poste très important de nos dépenses
publiques, les choix européens qui sont faits et les nouveaux programmes qui
sont lancés, nous ne pouvons pas ne pas nous interroger sur la compatibilité
entre, d'une part, tout cela et, d'autre part, les exigences que vous avez
légitimement formulées quant à une bonne maîtrise des dépenses publiques. Comme
je le dis parfois à Mme Parly, lorsque je suis de bonne humeur - cette formule
vaut d'ailleurs bien plus pour elle que pour moi ! - la plus belle fille du
monde ne peut donner que ce qu'elle a !
(Sourires.)
M. du Luart a évoqué les travaux, confidentiels au demeurant, de la commission
d'enquête qui a été formée sur la préparation et l'exécution de la loi de
finances, estimant que l'Etat ne disait pas la vérité. Sur ce point, je ne veux
pas entrer dans la discussion de fond pour la raison que je viens d'indiquer ;
mais autant ce travail de transparence est parfaitement légitime, autant il
n'est pas question - d'ailleurs vous ne le souhaiteriez pas, et le Gouvernement
ne pourrait l'accepter - que cela modifie les rapports entre l'exécutif et le
législatif. Il faut que chacun puisse travailler. Cela dit, nous essayons
d'améliorer la transparence.
M. du Luart, ainsi qu'un autre intervenant, a considéré que le fait, pour le
Gouvernement, de proposer maintenant une plus grande transparence signifiait
que cette dernière n'était pas suffisante auparavant. Il est effectivement
possible de présenter les choses ainsi ; mais, dans ce cas, il faut aller au
bout du propos : lorsque tel ou tel d'entre vous considère que, depuis 1997, il
n'y avait pas assez de transparence, je pense qu'il faut enlever les mots «
depuis 1997 » et tailler plus large !
M. Adnot a bien voulu préciser son opinion quant à la responsabilité des
pouvoirs publics dans le retour de la croissance et de la confiance. Il a
félicité le Gouvernement, ce dont je le remercie.
Il s'est néanmoins inquiété du niveau et de l'utilisation de la dette, tout en
nous incitant à nous montrer vertueux dans la gestion des fonds publics.Nous
allons suivre son conseil !
M. Oudin a examiné les rapports entre la croissance et les comptes sociaux, et
nombre de ses observations étaient parfaitement pertinentes.
Sa préoccupation quant à l'évolution des dépenses de santé est aussi celle de
Mme Aubry, de Mme Parly, ainsi que la mienne.
Si nous enregistrons une amélioration indéniable des comptes de la sécurité
sociale, nous sommes cependant confrontés à une difficulté persistante en
matière d'assurance maladie. Mme Aubry a annoncé que des décisions seraient
prises à la fin du mois de juin pour remédier à une évolution qui n'est pas
satisfaisante. Soyez donc assurés, mesdames, messieurs les sénateurs, que le
Gouvernement travaille sur ces sujets.
M. Delfau a bien voulu m'apporter un soutien dont je le remercie beaucoup. Il
a abordé en peu de temps énormément de sujets. Je lui ai répondu d'une certaine
manière sur la question du débat d'orientation budgétaire. Une partie de la
question qu'il soulève ne se posera d'ailleurs plus dans le futur puisque nous
avons pris l'engagement de présenter les lois de règlement en automne, avant le
projet de loi de finances.
Quant aux collectifs, ils sont rares en début d'année. C'est lié à des
circonstances particulières. Le vrai problème sera donc l'extension du champ du
débat d'orientation budgétaire au domaine social. Mais, s'agissant de la
liaison avec les autres textes, je crois que le problème ne se posera pas.
Faut-il faire un vote sur le débat d'orientation budgétaire ? Je n'en sais
trop rien. Auriez-vous tous les éléments pour voter ? Un intervenant a même
déclaré que, dans les conseils municipaux, cela se passait ainsi.
(Non ! sur
de nombreuses travées.)
A ma connaissance, ce n'est pas le cas ! En tout
cas, dans mon conseil municipal, un débat d'orientation budgétaire est
organisé, mais il n'est pas procédé à un vote.
MM. Alain Lambert,
président de la commission des finances,
et Philippe Marini,
rapporteur général.
On n'est pas tenu de faire voter !
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Le vote
apporterait-il quelque chose ? Evidemment, compte tenu du débat de ce soir, je
suis persuadé que le Gouvernement aurait recueilli l'unanimité !
(Sourires.)
Mais je ne suis pas sûr que les clivages seraient absolument
différents de ceux que l'on observe en d'autres circonstances.
M. Delfau a bien voulu approuver les résultats gouvernementaux et a soulevé la
question de la rémunération du livret A. Je précise qu'une réunion est prévue
en juillet sur cette question que, bien sûr, je suis.
Comme d'autres sénateurs, il a rappelé la situation des collectivités locales
que, d'une façon générale, vous trouvez - cela ne m'étonne d'ailleurs pas -
très difficile en même temps que très méritoire. C'est un premier adjoint
rétrogradé, qui a quand même été maire durant quelques années, qui vous
parle.
Les élus locaux réussissent cette performance d'être rançonnés par l'Etat et,
en même temps, d'investir beaucoup et de bien gérer les collectivités. Bravo
donc !
S'il est vrai que les collectivités locales sont, en général, bien gérées et
qu'elles sont des investisseurs publics tout à fait déterminants, je ne pense
pas, en revanche - ce n'est pas simplement ma position actuelle qui me le fait
dire - qu'elles puissent être considérées comme étant défavorisées par l'Etat.
Un grand mouvement de décentralisation s'est produit, que, désormais, tout le
monde approuve ; de plus, compte tenu de la masse de crédits engagés tant par
les régions que par l'Etat dans les contrats de plan 2000-2006, il serait
inexact de dire que l'Etat se désengage. S'il s'était désengagé, je suis sûr
que les régions n'auraient pas signé ces contrats.
Il y a donc tout de même un gros effort, même si je peux bien sûr comprendre
qu'il soit perçu comme insuffisant.
M. Delfau est revenu sur la question des services publics, qui lui tient à
coeur, en particulier sur celle des postes. La directive qui vient d'être
discutée au sein de la Commission européenne est extrêmement inquiétante. En
effet, sans entrer dans les détails, je dirai que le fait de mettre en pièces
le service public, appelé, en l'occurrence, « service universel », risquerait
d'entraîner non seulement les conséquences en termes d'emplois que l'on peut
imaginer, mais aussi des conséquences en termes de cohésion territoriale et de
cohésion sociale absolument massives. Il importe de bien expliquer cela à nos
collègues, ministres ou parlementaires, des autres pays qui, telles la Hollande
ou l'Allemagne, par exemple, ne sont pas dans la même situation territoriale
que la France du point de vue de l'aménagement du territoire.
Sans vouloir hiérarchiser les services publics, je dirai que nous constatons
bien dans toutes nos communes, qu'elles soient rurales ou urbaines, le rôle de
La Poste : non seulement un rôle en tant que tel, mais aussi un rôle social et
un rôle d'aménagement du territoire absolument déterminants. M. Christian
Pierret suit ce dossier ; il se bat avec force, à juste raison, sur ce sujet
qui, à mon sens, est l'un des grands dossiers pour le Gouvernement français.
Si la poste française a su convaincre dix des quinze postes européennes qu'il
fallait ne pas suivre les orientations de cette directive, les choses sont
beaucoup plus difficiles au niveau des gouvernements. Il va falloir nous
appuyer sur le Parlement européen qui, sur ce sujet, est beaucoup plus proche
de nos thèses que la Commission, d'après ce que je comprends. En tout cas, pour
l'administration du territoire, pour la réforme et la modernisation du service
public, qui sont des thèmes auxquels vous êtes attachés, c'est tout à fait
fondamental.
Mme Beaudeau a exprimé à la fois les objectifs de son groupe et ses analyses.
Elle est revenue, avec raison à mon sens, sur le soutien à la consommation, sur
le retour à l'emploi, sur la réduction des inégalités ; ce sont des thèmes qui
nous rassemblent. Bien sûr, s'agissant du rythme et des priorités sur lesquels
elle a insisté, on peut toujours faire mieux, et c'est l'esprit dans lequel
doit travailler le Gouvernement. Je crois que sa préoccupation a été bien
comprise.
Je voudrais souligner que, s'il faut se réjouir de la croissance mondiale,
notamment américaine, il importe aussi de bien voir qu'elle est fragile. C'est
un thème sur lequel vous avez insisté, et je crois que c'est tout à fait juste.
La remontée du chômage sur une rive ou sur une autre de l'Atlantique n'est
jamais une bonne nouvelle. Il faut donc faire attention, compte tenu, en plus,
de l'aspect spéculatif que peuvent avoir un certain nombre de ces
phénomènes.
En même temps, je pense que, de ce point de vue, la coordination des
politiques économiques européennes peut constituer un atout, et tous les
ministres de ce gouvernement vont donc essayer, à travers la présidence
française, de se mobiliser dans ce sens.
M. Angels, qui a traité beaucoup de sujets, y compris celui des
business
angels (Sourires)
, a bien voulu nous apporter son soutien, et je l'en
remercie. Il a estimé que les résultats étaient encourageants. Il a parlé -
j'ai retenu cette expression et, s'il ne prélève pas de droits d'auteur trop
importants, Mme Parly et moi-même la reprendrons peut-être
(Sourires)
-
du « cercle vertueux croissance - confiance - activité ». Il a donné une
explication que je crois pertinente de la croissance ; il a insisté sur la
maîtrise de la dette, sur la réforme de l'Etat et sur l'importance des
nouvelles technologies, sur la réforme fiscale, sur la lutte contre les pièges
de l'inactivité, sur l'UNEDIC, sur l'importance de l'écoute et de l'égalité des
chances. Je ne l'étonnerai pas en lui disant que je me suis tout à fait
retrouvé dans les propos qu'il a bien voulu tenir.
M. Badré a évoqué la réduction des prélèvements obligatoires. Il a repris le
chiffre de 400 milliards de francs, mais ce dernier n'est pas plus exact dans
ce cadre-ci que dans un autre cadre.
Il s'est montré critique sur la baisse de la TVA - comme plusieurs autres
intervenants, d'ailleurs - en estimant que ce n'était pas la mesure la plus
pertinente. Nous avons eu de longues discussions sur ce sujet, et cette
décision correspond, indépendamment de toutes les analyses économiques que l'on
peut faire et que nous faisons, à un engagement que nous avions pris. Or il est
important aussi de tenir ses engagements électoraux ! Vous vous rappelez sans
doute que l'une des mesures les plus contestées de la majorité précédente avait
été l'augmentation de deux points du taux de TVA, et nous nous sommes engagés à
la rapporter. Il y a donc eu un point de TVA à travers des mesures ciblées, et
un second point vous sera proposé à travers la mesure générale que nous avons
inscrite dans le collectif.
M. Badré a aussi souligné les risques de la conjoncture. Je suis d'accord avec
lui, il ne faut pas tomber dans l'autosatisfaction ; je crois cependant que les
risques inflationnistes dans la conjoncture présente ne sont pas grands en ce
qui concerne la France !
Par ailleurs, il sait qu'il y a déjà eu une baisse assez forte de la fiscalité
indirecte et, sur la baisse des dépenses publiques - puisque c'est un thème
qu'il a aussi abordé -, les propositions de la commission des finances, si
elles sont précisées, seront examinées avec beaucoup d'intérêt par Mme Parly et
par moi-même.
M. Bourdin a fait une analogie entre la croissance actuelle et celle de la fin
des années quatre-vingt.
Il y a effectivement des éléments d'analogie, mais il y a une différence, qui
est la création de l'euro, et je crois que cette création - sur laquelle il ne
m'est pas possible de revenir longuement - contribue l'un des éléments
principaux de cette différence.
Par ailleurs, M. Bourdin a estimé que, plutôt que de baisser les impôts, il
aurait été préférable de baisser les déficits de 40 ou 50 milliards de francs.
Nous avons considéré qu'il fallait poursuivre les deux objectifs à la fois, ce
qui n'est pas toujours facile tant il est vrai qu'on ne peut pas dire que les
impôts sont trop élevés sans prendre des dispositions pour les réduire.
M. Descours est intervenu très précisément sur les aspects financiers,
estimant que l'ONDAM dérapait. Je me suis exprimé sur les mesures qu'il fallait
prendre et qui sont en préparation concernant l'assurance maladie.
Il considère qu'on ne peut pas additionner ce qui concerne la famille, la
vieillesse et la maladie. Pourtant, il le sait bien, c'est une pratique
constante depuis l'origine de la commission des comptes de la sécurité sociale
! C'est cette méthode qui peut montrer la forte amélioration des comptes depuis
maintenant plusieurs années.
Il a tout à fait raison sur la coquille rédactionnelle à propos du financement
du FOREC.
Sur le financement même du FOREC, sur le plan juridique, je rappelle après Mme
Aubry que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 prévoit que «
les recettes et les dépenses du fonds doivent être équilibrées dans les
conditions prévues par la loi de financement de la sécurité sociale ».
J'ajoute que, à cette époque de l'année, nous ne disposons pas encore des
éléments suffisants pour apprécier le montant exact du déficit du fonds. En
particulier - beaucoup d'entre vous l'ont d'ailleurs remarqué, mais n'en ont
pas tiré les conséquences -, nous ne disposons pas à ce moment d'informations
comptables exactes sur les montants constatés d'exonération. Les données que
nous avons sont donc assez partielles et, en tout cas, ne permettent pas
aujourd'hui de proposer au Parlement une modification des recettes du FOREC. Si
une telle démarche s'avérait nécessaire, au vu de la gestion de l'année 2000,
nous vous la présenterions bien évidemment dans un projet de loi d'ici à la fin
de l'année.
M. Paul Girod a lui aussi abordé beaucoup de sujets en peu de temps.
Les informations transmises sont plus transparentes qu'auparavant. Cette
transparence est-elle suffisante ? Nous essayons d'améliorer les choses !
Je lui ai répondu tout à l'heure sur la question des 215 milliards de francs,
ramenés à 200 milliards puis à 195 milliards de francs. Il s'est aussi demandé
comment on pouvait arriver à 0,3 % en volume. Or, chaque année, nous constatons
un effort de redéploiement des dépenses de l'ordre de 30 milliards de francs,
et nous avons anticipé le même effort pour l'année qui vient.
Il a posé la question des « trappes à inactivité », des collectivités
territoriales et de la réforme des impôts locaux. Je ne répondrai pas en
détail, parce que je m'aperçois que je suis déjà trop long.
M. Sergent a bien voulu souligner que la situation s'était améliorée et a
marqué - ce qui sera rappelé dans quelques heures, mais qui mérite de l'être
déjà - que, s'il y avait un collectif, c'est notamment parce qu'il y avait
plusieurs milliards de francs de dépenses de solidarité à financer. On peut
contester globalement ce chiffre, mais, si l'on entre dans le détail - comme
vous le ferez -, on ne peut que l'approuver. Qui, parmi vous, voterait en effet
contre l'inscription de crédits pourt réparer des dégâts causés par les
tempêtes ? C'est tout de même l'aspect initial du collectif...
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Nous avons connu les décrets
d'avance !
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Oui, mais ce
n'est tout de même pas un bon système, surtout lorsque l'on est en début
d'année !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il faut surtout utiliser les recettes en surplus !
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Sergent est
revenu sur la question des collectivités territoriales, qu'il connaît
admirablement ; il a posé la question de la loi sur l'intercommunalité, des
SDIS, des services publics, de la nécessité de la bonne gestion. Il a fait des
suggestions en matière de fiscalité locale, et nous les avons notées.
Je veux lui dire, mais peut-être le sait-il déjà, qu'un groupe de travail «
planche » actuellement sur l'assujettissement de France Télécom à la taxe
professionnelle. Ce n'est pas très facile, puisqu'il faut voir comment tout
cela évolue dans le temps. En tout cas, je voulais le remercier de son soutien
et des propositions qu'il a faites.
M. Fréville est intervenu de manière dense quoique rapide. Il a dit - et je ne
le suivrai pas sur ce point - qu'il y avait un contraste entre la théorie que
nous avons développée et le collectif, qui sacrifierait la réduction du déficit
aux dépenses. Je ne crois pas que ce « contraste » apparaisse dans les
chiffres. Un certain nombre de dépenses sont évidemment inscrites, mais j'ai
dit à l'instant qu'elles étaient nécessaires ; mais, en même temps, nous
prévoyons aussi une certaine réduction du déficit.
Je veux vous rassurer, monsieur Fréville : nous ne relâchons pas l'effort, et
les propos que j'ai tenus ne sont pas des propos de tribune ; je les ai tenus
parce que, comme beaucoup d'entre vous, je les crois justes.
Cela ne veut pas dire que ce sera facile à tenir et, lorsque Mme Parly et
moi-même nous examinons les questions de la dette, les questions de dépenses
militaires - évoquées tout à l'heure - les questions de fonction publique avec
les évolutions de pouvoir d'achat, nous nous rendons bien compte que, sur
d'autres postes, il faut être extrêmement rigoureux, et c'est d'ailleurs ce que
nous disent nos collègues ministres dépensiers.
De même, je souhaite que vous ne vous inquiétiez pas sur la question de
l'abandon des « pièges à inactivité », que nous ne négligeons nullement : au
contraire, nous travaillons dans cette direction.
Puisque vous êtes un homme de chiffres, examinons les chiffres : il n'y a pas
de relâchement entre le programme à moyen terme et le débat d'orientation
budgétaire. Ainsi, dans le programme à moyen terme, le déficit des finances
publiques, prévu en 1999 de 2,1, sera de 1,8 ; en 2000, prévu de 1,7, il sera
de 1,5 ; en 2001, nous prévoyons 1,2.
L'essentiel de votre intervention consistait à nous rappeler, outre le
discours, les actes. Nous veillons à ce que les actes soient en accord avec nos
propos.
M. César est intervenu longuement et avec précision sur l'agriculture. Il ne
le niait d'ailleurs pas tout à l'heure, avant de se retirer... pour réfléchir
sans doute !
(Sourires.)
Dans son propos consacré à l'agriculture, il n'a pas fait les choses à moitié
! Je me retourne donc vers ceux de vos collègues qui dirigent la commission des
finances pour leur demander d'intégrer ses considérations dans leurs réflexions
sur la baisse des dépenses.
Quelles dispositions prendre dans le projet de loi de finances pour 2001 pour
alléger les recettes fiscales sur les agriculteurs ? Quels crédits
supplémentaires attribuer à la montagne ? Comment augmenter les crédits
européens ? Comment doter d'une façon plus substantielle le fonds d'assurance
récolte ? Comment améliorer les retraites agricoles ? Ce sont des questions
parfaitement pertinentes, dont la réponse doit être rendue compatible avec la
maîtrise des dépenses publiques.
M. Braun a soulevé, lui aussi, des questions parfaitement justifiées.
S'agissant de la politique de la fonction publique, il a affirmé - et je veux
le détromper - que le Gouvernement avait renoncé à toute réforme de
l'administration des finances. Non, monsieur Braun ; certes, il est vrai que la
réforme préparée par mes prédécesseurs n'a pu voir le jour, pour des raisons
sur lesquelles il serait trop long de revenir, mais j'ai présenté à la fin du
mois d'avril au comité technique paritaire ministériel, de concert avec mes
secrétaires d'Etat, nombre de décisions et d'orientations en matière de
réforme. Je crois d'ailleurs vous avoir écrit à ce propos : un tableau de bord
a été établi et, conformément à ce que j'avais prévu, nous avons nommé, ce qui
s'est révélé très utile, un secrétaire général de l'administration, qui pourra
suivre ce dossier.
Nous commençons - il faut, bien sûr, que cela se fasse dans le dialogue - à
mettre en oeuvre tous ces éléments de réforme, en liaison avec les élus. De la
sorte, si, comme me l'ont déjà signalé certains de vos collègues, vous êtes
intéressé pour accueillir chez vous, dans votre département ou dans telle ou
telle commune, une expérience pilote qui ensuite sera évaluée pour être
éventuellement généralisée, je suis tout à fait disposé à vous entendre.
Quoi qu'il en soit, la réforme de l'administration des finances est bien une
nécessité, et il n'est absolument pas question de ne pas y procéder.
Vous avez également posé des questions relatives à l'éducation nationale ainsi
qu'aux retraites et aux pensions. Ce sont en effet des paramètres que nous
devons, Mme Parly et moi, intégrer dans nos préoccupations. Il est vrai que
cela représente de gros chiffres, que ce sont des masses considérables. C'est
d'ailleurs l'une de nos contraintes et, quand nous faisons nos évaluations de
0,3 % en volume ou de 1,22 % en valeur, nous devons évidemment intégrer tout
cela.
M. Darcos a traité d'un seul sujet - mais il est très important - à savoir le
budget de l'enseignement.
Il a proposé, en gros, de limiter les dépenses. Mais le calcul devrait être
fait, par exemple - je le dis au hasard ! -, de ce que cela représenterait dans
son département ! Je suis sûr qu'en entrant en contact avec ses collègues
parlementaires élus de la Dordogne il pourrait faire un calcul rapide pour voir
ce que cela signifie en termes de diminution du nombre des enseignants ou de
fermeture de classes.
Tout cela pour dire qu'il faut que nous travaillions à maîtriser la dépense
publique, mais, vous le savez, ce n'est pas facile ; d'ailleurs, si c'était si
facile, il est probable que cela aurait déjà été fait par l'un des
gouvernements qui se sont succédé depuis quelques années.
Je n'en tire pas la conclusion - qu'il n'y ait pas de confusion entre nous,
monsieur Darcos - qu'il y a un parallélisme absolu entre l'augmentation des
dépenses et l'augmentation de l'efficacité du système. Toutefois, on ne peut
pas non plus considérer que moins il y aura de dépenses plus le système sera
efficace. Dès lors, nous risquerions, je le crains, d'aboutir assez vite à un
mécanisme de blocage.
Enfin, M. Joyandet a souligné, à juste titre, que dans le budget la part de
l'investissement public était faible. Mais il faut savoir que les dépenses
strictes de la fonction publique représentent déjà 42 % du budget et qu'elles
évoluent à un rythme nettement plus élevé que le rythme de 0,3 % en volume ou
1,2 % en valeur que nous avons fixé. D'un point de vue mécanique, cela signifie
que la part de l'investissement ne peut pas avancer à la même vitesse ! Cela
est d'autant plus regrettable que nombre de ces investissements sont tout à
fait essentiels.
D'ailleurs, et c'est sur ce point que je conclurai, nous avons tous beaucoup
insisté sur la nécessité de maîtriser les dépenses publiques, de diminuer les
prélèvements, les impôts, et de réduire les déficits. Sur ces points, nous
sommes nombreux à nous rejoindre. Pour autant, il ne faudrait pas que nos
concitoyens aient le sentiment - en tout cas ce n'est pas le mien, ni le vôtre
sans doute - que la dépense publique n'est pas utile. Certaines actions ne sont
possibles qu'au travers de l'investissement public et de la dépense
publique.
Le Gouvernement a déclaré qu'il fallait réduire les prélèvements obligatoires.
Certes. Mais l'impôt n'en est pas moins utile. De même qu'il faut s'attacher à
réduire les prélèvements, il faut s'efforcer d'expliquer mieux aux Français à
quoi servent leurs impôts.
L'impôt serait beaucoup mieux accepté s'il était moins lourd, bien sûr, mais
surtout si ceux qui l'acquittent savaient à quoi il sert. Nous avons là un
grand travail à faire, sans démagogie. On dit parfois que c'est facile, même si
les gens n'en croient rien. Mais, pour parler familièrement : celui qui
supprimera les impôts n'est pas né !
Le scepticisme des contribuables est grand, mais il faut essayer de le
surmonter en faisant oeuvre de pédagogie civique. C'est notre rôle d'élus
d'expliquer à quoi servent les prélèvements, que ce soient les prélèvements
d'Etat, les prélèvements sociaux ou les prélèvements locaux. Nombre d'entre
nous le faisons déjà au plan local, nous devons nous efforcer de mieux le faire
au plan national.
L'une des utilités de ce débat d'orientation budgétaire est de nous permettre
d'échanger nos vues et - pourquoi pas ? - de mieux informer nos concitoyens sur
ce que vous, mesdames, messieurs les sénateurs, vous pensez des choix qui
doivent être faits en matière de financement public.
En tout cas, Mme Parly et moi-même, avons énormément apprécié les observations
que vous avez pu nous présenter. Nous vous en remercions beaucoup.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
Le débat est clos.
Acte est donné de la déclaration du Gouvernement, qui sera imprimée sous le
numéro 384 et distribuée.
9
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. Bertrand Delanoë et des membres du groupe socialiste et
apparentés une proposition de loi tendant à assurer la sincérité des listes
électorales.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 383, distribuée et renvoyée
à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la
constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues
par le règlement.
10
TEXTE SOUMIS EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4
DE LA CONSTITUTION
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice
2001. Volume 8. Section VII - Comité des régions.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E-1464 Annexe 2 et distribué.
11
DÉPÔT DE RAPPORTS
M. le président.
J'ai reçu de M. Louis Althapé, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au
nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les
dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la solidarité et
au renouvellement urbains.
Le rapport sera imprimé sous le numéro 381 et distribué.
J'ai reçu de M. Jean-Paul Hugot, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au
nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les
dispositions restant en discussion du projet de loi modifiant la loi n° 86-1067
du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.
Le rapport sera imprimé sous le numéro 382 et distribué.
12
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée à aujourd'hui, mercredi 7 juin 2000, à quinze heures et le soir :
Discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2000 (n° 351,
1999-2000), adopté par l'Assemblée nationale.
Rapport (n° 371, 1999-2000) de M. Philippe Marini, fait au nom de la
commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de
la nation.
Avis de M. Charles Descours, au nom de la commission des affaires sociales.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus
recevable.
Le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte est expiré.
Scrutin public ordinaire de droit sur l'ensemble de la première partie.
Scrutin public ordinaire de droit sur l'ensemble du projet de loi.
Délai limite pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements
Projet de loi de règlement définitif du budget de 1998, adopté par l'Assemblée
nationale (n° 350, 1999-2000) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 7 juin 2000, à dix-sept
heures.
- Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence,
d'orientation pour l'outre-mer (n° 342, 1999-2000) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
mardi 13 juin 2000, à douze heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 13 juin 2000, à seize
heures.
- Proposition de loi de M. Lucien Neuwirth et plusieurs de ses collègues
instituant un congé et une allocation favorisant l'exercice de la solidarité
familiale en cas de maladie d'un enfant ou de fin de vie d'un proche (n° 348,
1999-2000) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 14 juin 2000, à dix-sept
heures.
- Proposition de loi de M. André Dulait et plusieurs de ses collègues portant
sur l'organisation d'audiences publiques lors de la réalisation de grandes
infrastructures (n° 196, 1999-2000) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 14 juin 2000, à dix-sept
heures.
- Proposition de loi de M. Jean-Claude Gaudin et de plusieurs de ses collègues
tendant à permettre aux conseillers d'arrondissement de siéger au conseil d'une
communauté urbaine (n° 277, 1999-2000) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 14 juin 2000, à dix-sept
heures.
- Proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, tendant à préciser
la définition des délits non intentionnels (n° 308, 1999-2000) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 14 juin 2000, à dix-sept
heures.
- Proposition de loi de M. Louis de Broissia modifiant la loi n° 57-32 du 10
janvier 1957 portant statut de l'Agence France-Presse (n° 368, 1999-2000) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 14 juin 2000, à dix-sept
heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 7 juin 2000, à une heure cinquante.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES DU SÉNAT
établi par le Sénat dans sa séance du mardi 6 juin 2000
à la suite des conclusions de la conférence des présidents
Mercredi 7 juin 2000 :
Ordre du jour prioritaire
A
15 heures
et le soir :
Projet de loi de finances rectificative pour 2000, adopté par l'Assemblée
nationale (n° 351, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé à deux heures la durée globale du
temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers
groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les
inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17
heures, le mardi 6 juin 2000.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.)
Jeudi 8 juin 2000 :
A
9 h 30 :
Ordre du jour prioritaire
1° Eventuellement, suite du projet de loi de finances rectificative pour
2000, adopté par l'Assemblée nationale (n° 351, 1999-2000).
2° Projet de loi de règlement définitif du budget de 1998, adopté par
l'Assemblée nationale (n° 350, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 7 juin 2000, à 17 heures,
le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
3° Deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée
nationale en deuxième lecture, relative à la constitution d'une commission de
contrôle nationale et décentralisée des fonds publics accordés aux entreprises
(n° 379, 1999-2000).
A
15 heures :
4° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de
la séance avant 11 heures.)
Ordre du jour prioritaire
5° Suite de l'ordre du jour du matin.
Mardi 13 juin 2000 :
A
9 h 30 :
1° Dix-huit questions orales (l'ordre d'appel des questions sera fixé
ultérieurement) :
- n° 777 de M. Patrice Gélard à M. le ministre de l'éducation nationale
(Rattachement des écoles du canton de Goderville à l'inspection académique
d'Yvetot) ;
- n° 804 de M. Georges Mouly à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux
handicapés (Développement du service de gériatrie du centre hospitalier général
de Tulle) ;
- n° 809 de M. Josselin de Rohan à M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement (Réseau transeuropéen de fret ferroviaire) ;
- n° 812 de M. Jean-Claude Carle à Mme le secrétaire d'Etat au budget
(Augmentation du taux de remise sur les ventes de tabac) ;
- n° 814 de M. Francis Grignon à M. le ministre de l'économie, des finances et
de l'industrie (Taux de TVA applicable au chocolat noir) ;
- n° 815 de M. Daniel Hoeffel à Mme le ministre de l'emploi et de la
solidarité (Convention de l'OIT traitant des droits de la maternité) ;
- n° 816 de M. Christian Demuynck à M. le ministre de l'économie, des finances
et de l'industrie (Application de la TVA à la restauration collective) ;
- n° 818 de M. Paul Girod à M. le ministre de l'équipement, des transports et
du logement (Fermeture du centre de parachutisme de Laon) ;
- n° 820 de M. André Vallet à M. le ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie (Refus d'acceptation de certains billets par les commerçants) ;
- n° 821 de M. Paul Blanc à M. le ministre délégué chargé des affaires
européennes (Programme d'aides communautaires) ;
- n° 823 de M. Aymeri de Montesquiou à M. le ministre délégué chargé des
affaires européennes (Demande de simplification administrative des mesures
communautaires) ;
- n° 824 de M. Serge Franchis à M. le ministre de la fonction publique et de
la réforme de l'Etat (Cumul d'activités des agents de la fonction publique
territoriale) ;
- n° 825 de Mme Danièle Pourtaud à M. le secrétaire d'Etat au logement
(Reconduction des baux de locataires en situation précaire) ;
- n° 827 de Mme Danielle Bidard-Reydet à M. le ministre de l'intérieur
(Commémoration des événements d'octobre 1961) ;
- n° 829 de M. Jean-Louis Lorrain à M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement (Déficit de contrôleurs aériens en Europe) ;
- n° 830 de M. Roland Muzeau à M. le ministre de l'économie, des finances et
de l'industrie (Relance du bâtiment et inflation des prix) ;
- n° 831 de M. Jean-Pierre Vial à M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement (Avancement du projet de liaison ferroviaire
Lyon-Turin) ;
- n° 832 de M. Gilbert Chabroux à Mme le ministre de la culture et de la
communication (Situation de la radio « FIP »).
A
16 heures
et, éventuellement, le soir :
Ordre du jour prioritaire
2° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration
d'urgence, d'orientation pour l'outre-mer (n° 342, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 13 juin 2000, à 16 heures, le délai limite pour le dépôt des
amendements à ce texte ;
- à dix minutes le temps réservé au représentant de la délégation aux droits
des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes ;
- à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la
discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la
liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les
inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 12
heures, le mardi 13 juin 2000.)
Mercredi 14 juin 2000 :
A
15 heures
et le soir :
1° Désignation d'un membre de la délégation pour la planification.
Ordre du jour prioritaire
2° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration
d'urgence, d'orientation pour l'outre-mer (n° 342, 1999-2000).
Jeudi 15 juin 2000 :
Ordre du jour réservé
A
10 heures, à 15 heures
et, éventuellement, le soir à :
1° Proposition de loi de M. Lucien Neuwirth et de plusieurs de ses collègues
instituant un congé et une allocation favorisant l'exercice de la solidarité
familiale en cas de maladie d'un enfant ou de fin de vie d'un proche (n° 348,
1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 14 juin 2000, à 17 heures,
le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
2° Proposition de loi de M. André Dulait et de plusieurs de ses collègues
portant sur l'organisation d'audiences publiques lors de la réalisation de
grandes infrastructures (n° 196, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 14 juin 2000, à 17 heures,
le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
3° Proposition de loi de M. Jean-Claude Gaudin et de plusieurs de ses
collègues tendant à permettre aux conseillers d'arrondissement de siéger au
conseil d'une communauté urbaine (n° 277, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 14 juin 2000, à 17 heures,
le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
4° Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée
nationale, tendant à préciser la définition des délits non intentionnels (n°
308, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 14 juin 2000, à 17 heures,
le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
5° Proposition de loi de M. Louis de Broissia modifiant la loi n° 57-32 du 10
janvier 1957 portant statut de l'Agence France-Presse (n° 368, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 14 juin 2000, à 17 heures,
le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
Lundi 19 juin 2000 :
Ordre du jour prioritaire
A
15 heures
et le soir :
Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration
d'urgence, d'orientation pour l'outre-mer (n° 342, 1999-2000).
Mardi 20 juin 2000 :
Ordre du jour prioritaire
A
10 heures :
1° Eventuellement, suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale
après déclaration d'urgence, d'orientation pour l'outre-mer (n° 342,
1999-2000).
A
16 heures
et, éventuellement, le soir :
2° Nouvelle lecture du projet de loi organique, adopté par l'Assemblée
nationale en nouvelle lecture, tendant à favoriser l'égal accès des femmes et
des hommes aux mandats de membre des assemblées de province et du congrès de la
Nouvelle-Calédonie, de l'Assemblée de la Polynésie française et de l'Assemblée
territoriale des îles Wallis-et-Futuna (n° 363, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au lundi 19 juin 2000, à 17 heures, le
délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
3° Nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en
nouvelle lecture, relatif à l'élection des sénateurs (n° 364, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au lundi 19 juin 2000, à 17 heures, le
délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
Mercredi 21 juin 2000 :
Ordre du jour prioritaire
A
15 heures
et le soir :
1° Nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en
nouvelle lecture, relatif à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage (n°
352, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au mardi 20 juin 2000, à 17 heures, le
délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
2° Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte
paritaire sur le projet de loi relatif au référé devant les juridictions
administratives.
3° Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture de la
proposition de loi relative à la prestation compensatoire en matière de
divorce.
4° Sous réserve de sa transmission, projet de loi autorisant la ratification
de la convention relative à la coopération en matière d'adoption d'enfants
entre la République française et la République socialiste du Vietnam (AN, n°
2358).
5° Projet de loi autorisant la ratification de la convention relative à
l'entraide judiciaire en matière civile entre la République française et la
République socialiste du Vietnam (n° 218, 1999-2000).
(La conférence des présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient
l'objet d'une discussion générale commune.)
Jeudi 22 juin 2000 :
A
9 h 30 :
Ordre du jour prioritaire
1° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant
l'approbation du protocole de Kyoto à la convention-cadre des Nations unies sur
les changements climatiques (ensemble deux annexes) (n° 305 rectifié,
1999-2000).
2° Sous réserve de sa transmission, nouvelle lecture du projet de loi relatif
à la chasse.
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 21 juin 2000, à 17 heures,
le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
A
15 heures
et, éventuellement, le soir :
3° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de
la séance avant 11 heures.)
Ordre du jour prioritaire
4° Suite de l'ordre du jour du matin.
Lundi 26 juin 2000 :
Ordre du jour prioritaire
A
15 heures
et, éventuellement, le soir :
1° Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet
de loi de finances rectificative pour 2000.
(En cas de nouvelle lecture, la conférence des présidents a fixé au samedi
24 juin 2000, à 16 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce
texte.)
2° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le
Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de
Lituanie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la
fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble
un protocole) (n° 80, 1999-2000).
3° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le
Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République
d'Estonie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et
la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune
(ensemble un protocole) (n° 78, 1999-2000).
4° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le
Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de
Lettonie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la
fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble
un protocole) (n° 79, 1999-2000).
(La conférence des présidents a décidé que ces trois projets de loi
feraient l'objet d'une discussion générale commune.)
5° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le
Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République
d'Arménie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et
la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune
(ensemble un protocole) (n° 26, 1999-2000).
Mardi 27 juin 2000 :
A
9 h 30 :
1° Dix-huit questions orales (l'ordre d'appel des questions sera fixé
ultérieurement) :
- n° 761 de Mme Nicole Borvo à Mme le ministre de la culture et de la
communication (Devenir de la maison des métallurgistes) ;
- n° 789 de M. Gérard Larcher à M. le ministre de l'intérieur (Construction de
logements locatifs sociaux) ;
- n° 817 de M. Rémi Herment à M. le secrétaire d'Etat à la défense chargé des
anciens combattants (Mise à disposition des crédits prévus par le rapport
Mingasson) ;
- n° 819 de M. Charles Revet à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice
(Répression des fausses alertes adressées aux services d'incendie et de
secours) ;
- n° 826 de M. Francis Giraud à Mme le ministre de l'emploi et de la
solidarité (Attribution du nombre de postes d'interne dans la subdivision de
Marseille) ;
- n° 828 de M. Jean Pépin à M. le ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie (Situation des buralistes) ;
- n° 833 de Mme Danièle Pourtaud à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux
handicapés (Suppression du service de chirurgie pédiatrique de
Saint-Vincent-de-Paul) ;
- n° 834 de M. René-Pierre Signé à M. le ministre de l'agriculture et de la
pêche (Aides à la diversification) ;
- n° 835 de M. Kléber Malécot à M. le ministre de l'économie, des finances et
de l'industrie (Taux de TVA sur les travaux dans les locaux d'habitation) ;
- n° 837 de M. Dominique Braye à M. le ministre de l'économie, des finances et
de l'industrie (Mode de calcul de taxe sur les emprises sur le domaine public
fluvial) ;
- n° 839 de Mme Marie-Madeleine Dieulangard à M. le ministre de l'économie,
des finances et de l'industrie (Abattement fiscal applicable aux aides aux
personnes âgées) ;
- n° 840 de M. Philippe Madrelle à M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement (Travaux d'aménagement de la RN 10 en Nord Gironde)
;
- n° 841 de M. Michel Teston à M. le ministre de l'éducation nationale
(Conditions de fonctionnement du lycée et du collège de Privas) ;
- n° 842 de M. Claude Huriet à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux
handicapés (Dépistage du cancer colorectal) ;
- n° 843 de M. Guy Fischer à M. le ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie (Fiscalité des contrats d'assurance de rente-survie) ;
- n° 844 de M. Jean Bernard à M. le ministre de l'équipement, des transports
et du logement (Réglementation du transport de marchandises par les taxis) ;
- n° 845 de M. Gérard Cornu à Mme le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes
entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation (Aides aux
détaillants de carburants en milieu rural) ;
- n° 849 de M. Fernand Demilly à M. le ministre de la défense (Avion de
transport militaire du futur).
A
16 heures
et, éventuellement, le soir :
Ordre du jour prioritaire
2° Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi
portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques
(n° 344, 1999-2000) ;
3° Troisième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée
nationale en deuxième lecture, relative à la protection des trésors nationaux
et modifiant la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992 relative aux produits soumis
à certaines restrictions de circulation et à la complémentarité entre les
services de police, de gendarmerie et de douane (n° 300, 1999-2000) ;
4° Sous réserve de sa transmission, nouvelle lecture du projet de loi
modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de
communication.
(La conférence des présidents a fixé au lundi 26 juin 2000, à 17 heures, le
délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
Mercredi 28 juin 2000 :
Ordre du jour prioritaire
A
9 h 30,
à
15 heures
et le soir :
1° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration
d'urgence, relatif à la sécurité du dépôt et de la collecte de fonds par les
entreprises privées (n° 380, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au mardi 27 juin 2000, à 17 heures, le
délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
2° Sous réserve de sa transmission, proposition de loi relative à la
prolongation du mandat et à la date de renouvellement des conseils
d'administration des services d'incendie et de secours (AN, n° 2374).
(La conférence des présidents a fixé au mardi 27 juin 2000, à 17 heures, le
délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
3° Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée
nationale, interdisant les candidatures multiples aux élections cantonales (n°
301, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au mardi 27 juin 2000, à 17 heures, le
délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
4° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, instaurant une
journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites
de l'Etat français et d'hommage aux « Justes » de France (n° 244,
1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au mardi 27 juin 2000, à 17 heures, le
délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
5° Deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par
l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à l'élargissement du conseil
d'administration d'Air France et aux relations avec l'Etat et portant
modification du code de l'aviation civile (n° 369, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au mardi 27 juin 2000, à 17 heures, le
délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
6° Projet de loi autorisant la ratification des amendements à la constitution
de l'Organisation internationale pour les migrations (n° 171, 1999-2000).
7° Projet de loi autorisant l'approbation de l'instrument d'amendement à la
constitution de l'Organisation internationale du travail (n° 191,
1999-2000).
8° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'entraide
judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française
et le Gouvernement de la République du Paraguay (n° 217, 1999-2000).
9° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'extradition entre
le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République
du Paraguay (n° 219, 1999-2000).
10° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention sur le
transfèrement des personnes condamnées entre le Gouvernement de la République
française et le Gouvernement de la République du Paraguay (n° 220,
1999-2000).
(La conférence des présidents a décidé que ces trois projets de loi
feraient l'objet d'une discussion générale commune.)
11° Projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant n° 2 à l'entente entre
le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Québec en
matière de sécurité sociale (n° 252, 1999-2000).
12° Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement
de la République française et le Gouvernement de la République du Ghana sur
l'encouragement et la protection réciproques des investissements (n° 327,
1999-2000).
13° Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement
de la République française et le Gouvernement de la République dominicaine sur
l'encouragement et la protection réciproques des investissements (n° 328,
1999-2000).
Jeudi 29 juin 2000 :
Ordre du jour prioritaire
A
9 h 30
et à
15 heures :
Sous réserve de sa transmission, projet de loi constitutionnelle portant
modification de l'article 6 de la Constitution.
(Les modalités de discussion de ce projet de loi constitutionnelle seront
fixées ultérieurement.)
Vendredi 30 juin 2000 :
Ordre du jour prioritaire
A
9 h 30
et à
15 heures :
Eventuellement, suite de l'ordre du jour de la veille.
A N N E X E
Questions orales inscrites à l'ordre du jour
de la séance du mardi 13 juin 2000
N° 777. - M. Patrice Gélard attire l'attention de M. le ministre de
l'éducation nationale sur la décision de l'inspecteur d'académie de la
Seine-Maritime de rattacher les écoles du canton de Goderville qui,
jusqu'alors, dépendaient de l'inspection académique de Fécamp, à l'inspection
académique d'Yvetot. Cette mesure tend à accroître les difficultés rencontrées
par les enseignants en augmentant la distance entre les écoles et l'inspection
académique dont ils dépendent. En effet, ces communes sont toutes plus proches
de la ville de Fécamp que de celle d'Yvetot, distante de plus de 40 kilomètres.
Alors que la plupart des services de l'Etat ainsi que les collèges et les
lycées dont dépendent ces communes sont situés à Fécamp, les écoles maternelles
et primaires dépendront d'Yvetot. Cette décision, qui ne peut être justifiée ni
par un souci de rationalisation ni de plus grande efficacité, est contraire au
principe de proximité du service public. Il souhaiterait donc connaître les
mesures qu'entend adopter le Gouvernement pour remédier à cette décision peu
empreinte de bon sens.
N° 804. - M. Georges Mouly demande à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et
aux handicapés s'il ne peut être envisagé d'accorder au centre hospitalier
général de Tulle (Corrèze) des crédits supplémentaires afin de doter le service
de gériatrie de moyens lui permettant de développer une prise en charge tant
qualitative que quantitative des patients âgés dans un département où les
personnes âgées représentent une part importante de la population.
N° 809. - M. Josselin de Rohan interroge M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement sur les raisons qui ont conduit l'Etat français à
exclure les ports bretons, et notamment le port de Brest, des propositions
présentées lors des conseils transport des 9 et 10 décembre 1999 et du 28 mars
2000 relatifs au projet de réseau transeuropéen de fret ferroviaire.
N° 812. - M. Jean-Claude Carle appelle l'attention de Mme le secrétaire d'Etat
au budget sur la revendication exprimée par la profession des débitants de
tabac de voir augmenter la commission perçue sur les ventes de tabac (ce qu'on
appelle le taux de remise). Celle-ci est inchangée depuis vingt-trois ans et se
monte à 8 % du prix de vente public. La baisse du taux normal de taxe sur la
valeur ajoutée (TVA) pourrait être l'occasion de procéder à cette augmentation.
Or, il a été annoncé par le secrétariat d'Etat au budget que la baisse du taux
normal de TVA serait compensée à due concurrence par la hausse des droits de
consommation perçus sur les ventes de tabac : le Parlement sera amené à en
débattre dans le cadre du prochain collectif budgétaire. Ce projet suscite
l'incompréhension de la profession : elle espérait, et espère fortement, que la
baisse du taux normal de TVA serait enfin l'occasion de revaloriser leur
commission. La Haute-Savoie, sur les deux dernières années, a enregistré la
fermeture de quinze débits de tabac contre seulement neuf créations. Est-il
nécessaire de souligner le rôle joué par les buralistes dans le maintien du
lien social, notamment en zone rurale, et de rappeler les différentes missions
de service public qu'ils remplissent ? La profession est confrontée à de
nombreux problèmes (insécurité, distorsion en matière de taxe professionnelle
entre les débitants de tabac qui vendent parallèlement des boissons et ceux qui
ne vendent que du tabac) ; de fait, elle attend un signal fort de l'Etat. Cette
mesure, en ne modifiant pas le prix de vente au consommateur du paquet de
cigarettes, ne remettrait pas en cause la politique de prévention menée jusqu'à
présent. Aussi, il souhaiterait savoir si le Gouvernement est disposé à prendre
en compte les attentes des débitants de tabac en profitant du prochain
collectif budgétaire pour procéder à une augmentation du taux de remise sur les
ventes de tabac, compte tenu, qui plus est, des excellentes rentrées fiscales
du moment.
N° 814. - M. Francis Grignon attire l'attention de M. le ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie sur la procédure engagée par
l'administration fiscale à l'encontre du taux de la taxe sur la valeur ajoutée
du chocolat noir. Selon les industriels du chocolat, la direction générale de
la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes ainsi que la
commission européenne le chocolat noir serait imposé au taux de TVA de 5,5 %.
Alors que pour l'administration fiscale, ce taux s'élèverait à 20,6 %. Forte de
sa position, l'administration a procédé à un certain nombre de redressements
fiscaux auprès des entreprises chocolatières, leur réclamant les différentiels
de TVA. Les entreprises se trouvent être fortement pénalisées par cette
situation. Aussi, un certain nombre de différends ont-ils été portés devant les
juridictions administratives. Et, par deux fois, le tribunal administratif de
Strasbourg a donné une interprétation concernant le chocolat noir contraire à
la position de l'administration fiscale. Cependant, l'administration fiscale
n'est pas revenue, jusqu'à présent, sur sa position. Au comble des combles, il
semblerait même qu'elle cherche à augmenter la TVA sur le chocolat noir. Il lui
demande donc quelles mesures il entend mettre en oeuvre pour que
l'administration fiscale cesse de harceler les chocolateries et revienne sur sa
position car, au-delà du problème de TVA sur le chocolat, il est ici question
de l'avenir de ces entreprises et des emplois qui s'y rattachent.
N° 815. - M. Daniel Hoeffel interroge Mme le ministre de l'emploi et de la
solidarité sur la convention 103 de l'Organisation internationale du travail
(OIT) traitant des droits de la maternité. La législation française prévoit
seize semaines de congés de maternité et l'interdiction absolue de licenciement
des femmes enceintes et en congé maternité. Au nom de l'harmonisation
européenne, il semble qu'il soit envisagé de modifier cette législation dans
les prochains mois. Cette modification irait dans le sens de l'assouplissement
prévu dans la convention 103 de l'OIT et, si elle devait aboutir, elle ferait
passer les congés maternité de seize à quatorze semaines. De même, le projet de
modification semble revenir sur l'interdiction totale de licenciement en
période de congé maternité, en autorisant le licenciement pour des motifs sans
lien avec la grossesse. Or, selon les principes fondamentaux et juridiques de
l'OIT, une convention de ladite organisation n'est révisée que lorsque les
modifications apportées portent à un degré supérieur le contenu de la
convention concernée et le niveau de protection des travailleurs. Il lui
demande de lui préciser les modifications de la convention 103 de l'OIT qui
sont envisagées, ainsi que les raisons qui pourraient justifier de telles
modifications.
N° 816. - M. Christian Demuynck attire l'attention de M. le ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie sur les conséquences de
l'application d'un taux de TVA sur la restauration collective. Dans une
décision récente, le Conseil d'Etat a demandé au ministère de l'économie et des
finances d'abroger, dans un délai de six mois, deux décisions ministérielles de
1942 et 1943. Celles-ci exonéraient les cantines d'entreprises et
d'administrations de toute taxe sur le chiffre d'affaires, les instructions
successives de la direction générale des impôts étendant le bénéfice de ces
dispositions à la restauration hospitalière et municipale. Selon une estimation
du Syndicat national de la restauration collective, l'application prochaine
d'un taux de TVA de 19,6 % induira un surcoût, pour les repas, de l'ordre de 15
à 30 %. A l'évidence, tous les usagers _ enfants, salariés, personnes
hospitalisées ou en maison de retraite _ subiront un préjudice d'autant plus
intolérable qu'il contrevient au caractère social de cette restauration. En
outre, les communes, concernées en premier lieu, soucieuses de soulager les
familles d'une part non négligeable du financement de cette restauration, ne
peuvent assumer seules cette nouvelle charge. Pour certaines, fragilisées par
un endettement excessif ou en passe de l'être en raison de l'application, hélas
prochaine, du texte relatif à la solidarité et au renouvellement urbains, cela
posera de graves difficultés. Il lui demande si dans le cadre du collectif
budgétaire, le Gouvernement a prévu une dotation complémentaire en vue
d'amortir les effets financièrement désastreux de l'abrogation des décisions de
1942 et 1943.
N° 818. - M. Paul Girod attire l'attention de M. le ministre de l'équipement,
des transports et du logement sur les termes de la réponse donnée le 7 février
2000 à une question orale relative à la suppression des activités du
centre-école régional de parachutisme de Laon. Cette suppression est intervenue
le 27 janvier dernier sans qu'il n'y ait pu avoir de discussion préalable pour
trouver une solution alternative aux contraintes nées de la nouvelle
organisation de la circulation aérienne aux approches de l'aéroport de Roissy.
Dans sa réponse, le ministre des relations avec le Parlement indiquait que les
services de l'aviation civile avaient fait des propositions au centre de
parachutisme de Laon, lesquelles étaient dès lors annoncées incompatibles avec
l'activité du centre. Il ajoutait que « les services souhaitent poursuivre et
mener à bien avec les responsables du centre le dialogue technique, pour
aboutir à des solutions pratiques, adaptées à la situation et à la densité du
trafic aérien au-dessus de Laon, tout en respectant, en tout état de cause,
toutes les conditions de sécurité » et concluait « j'imagine que le dialogue va
donc se poursuivre, en dehors même du rituel des questions orales au Sénat ».
Depuis cette date, à sa connaissance, rien n'a bougé. A tel point que, malgré
une lettre de relance du 20 mars 2000 restée sans réponse, le centre a dû
licencier dix personnes et déposer un recours en excès de pouvoir devant le
tribunal administratif d'Amiens. Il est étonnant que les promesses d'offre de
négociations faites en cette enceinte n'aient été suivies d'aucun effet. Il lui
demande quelle est la position définitive du Gouvernement sur ce dossier.
N° 820. - M. André Vallet attire l'attention de M. le ministre de l'économie,
des finances et de l'industrie sur le refus, par certains commerçants, de
billets émis par la Banque de France. Il lui rappelle que, dès lors qu'une
monnaie a cours légal, toute personne est tenue de l'accepter. Il lui rappelle
également qu'aux termes de l'article R. 642-3 du nouveau code pénal, le refus
de recevoir les espèces et monnaies nationales, selon la valeur pour laquelle
elles ont cours, constitue une contravention punie d'une amende de seconde
classe. Dès lors, il lui demande sur quel fondement juridique s'appuie le refus
de certains commerçants d'accepter des billets de banque dont rien ne permet de
douter de l'authenticité.
N° 821. - M. Paul Blanc attire l'attention de M. le ministre délégué chargé
des affaires européennes sur les programmes communautaires 1994-1999 qui se
terminent. Mais l'avancement des dossiers à dix-huit mois de la clôture des
programmes est bloqué faute d'autorisation de programmes et de crédits de
paiement. Dans les Pyrénées-Orientales sont en attente (en délégations ou
redélégations) différents programmes pour le Fonds européen d'orientation et de
garantie agricole (FEOGA), et le Fonds européen de développement régional
(FEDER).
N° 823. - M. Aymeri de Montesquiou attire l'attention de M. le ministre
délégué chargé des affaires européennes sur l'actuelle complexité
administrative d'origine communautaire. Ces contraintes et parfois ces
incohérences contribuent à donner de l'Union européenne une image
technocratique. Il lui demande donc s'il compte faire de la recherche de
simplification un axe fort de la présidence française du Conseil de l'Union
européenne et les mesures qu'il entend prendre dans ce but, en particulier dans
le domaine de l'agriculture et de l'artisanat.
N° 824. - M. Serge Franchis interroge M. le ministre de la fonction publique
et de la réforme de l'Etat sur la question du cumul d'activités des agents de
la fonction publique territoriale. A maintes reprises, la situation des
fonctionnaires territoriaux nommés dans des emplois permanents à temps non
complet ainsi que des agents non titulaires occupant un emploi à temps non
complet dans les collectivités locales, soumis à l'interdiction de principe de
cumul d'une activité publique et d'une activité privée, a été soulevée par les
parlementaires tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat. Le rapport d'un groupe
de travail institué à la demande du Gouvernement a été remis en vue d'une prise
de position sur l'évolution des textes régissant ce non-cumul. La situation
actuelle, préjudiciable tout autant aux communes, notamment en milieu rural,
qu'aux agents, mérite d'être traitée avec diligence et enfin tranchée. Le
Gouvernement envisage-t-il de prendre des initiatives à ce sujet dans un bref
délai.
N° 825. - Mme Danièle Pourtaud souhaite attirer l'attention de M. le
secrétaire d'Etat au logement sur une difficulté apparue dans l'application de
l'accord du 7 juillet 1998, entre les associations de locataires et les
représentants des bailleurs institutionnels, accord étendu par décret en
juillet 1999. Cet accord est destiné à protéger les locataires dans la
procédure de congé vente, mise en oeuvre par les bailleurs institutionnels
ayant bénéficié d'une aide de l'Etat. Une des dispositions prévoyait la
reconduction automatique du bail pour les personnes handicapées, âgées ou dans
toute situation de précarité pouvant la justifier. Cette disposition est
particulièrement importante car, pour toutes ces personnes fragilisées, un
déménagement et l'obligation de quitter le quartier où elles ont leurs repères
constituent un véritable traumatisme. Dans l'esprit des associations, les
bailleurs s'étaient engagés par cet accord à reconduire à vie le bail de ces
locataires. Malheureusement, la pratique a montré que les bailleurs,
signataires de l'accord, le vidaient de sa substance en vendant, occupés, les
appartements concernés. La garantie instituée est ainsi anéantie puisque
l'acquéreur, personne physique ou morale, n'est pas soumis aux mêmes
obligations que le bailleur institutionnel. Cette pratique, contraire à
l'esprit de l'accord, doit être corrigée. Pour pallier cela et dans le cadre
particulier des congés ventes, elle lui demande de quelle manière l'obligation
de reconduction automatique du bail des locataires en situation précaire,
reposant initialement sur le bailleur institutionnel, peut être transférée vers
l'acquéreur de l'immeuble.
N° 827. - Mme Danielle Bidard-Reydet attire l'attention de M. le ministre de
l'intérieur sur un fait historique. Le 17 et le 18 octobre 1961 à Paris, lors
d'une importante manifestation non violente, des dizaines d'Algériens étaient
assassinés, victimes d'une répression particulièrement sanglante. Depuis
trente-huit ans ce crime a été occulté. Pour que cesse l'oubli, de très
nombreux démocrates se mobilisent. Elle lui demande de prendre une initiative
pour que la République reconnaisse ce crime et qu'un lieu du souvenir lui soit
consacré.
N° 829. - M. Jean-Louis Lorrain interroge M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement sur le trafic croissant dans les liaisons aériennes.
Beaucoup d'idées reçues - souvent émanant des compagnies aériennes - circulent
quant aux raisons du non-respect des horaires, entre autres : le morcellement
du ciel européen, le découpage des routes et secteurs hors frontières, le
déphasage croissant entre l'essor rapide du marché du transport aérien et
l'adaptation peu réactive des services de contrôle aérien, la place consentie -
suivant les pays - à l'aviation militaire, aux aviations privée, commerciale,
sportive ou de loisir... Les contrôleurs aériens semblent rarement entendus.
Ils sont responsables de la sécurité des voyageurs au même titre que les
pilotes et réduire les centres de contrôle, prétendus trop nombreux, présente
un risque pour la sécurité des voyageurs. Or, il manquerait actuellement plus
de 1 000 contrôleurs en Europe. Quelles explications fournit-il sur ce problème
et quelles orientations compte-t-il prendre pour le résorber dans les meilleurs
délais.
N° 830. - M. Roland Muzeau appelle l'attention de M. le ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie sur les hausses à répétition des
prix des matériaux utilisés dans le bâtiment et de leurs effets sur le
comportement des entreprises. Durant ces dix dernières années, les grandes
entreprises du bâtiment faisaient face à une grave crise de leur profession en
se tournant notamment vers le seul secteur restant jusqu'alors porteur : le
logement social. Aujourd'hui, tout le monde se félicite à juste titre de la
relance de l'économie et en particulier de celle du bâtiment. Aussi, est-il
pour le moins paradoxal que cette relance de la demande entraîne une défection
importante de l'offre de réalisation et donc des difficultés pour réaliser des
programmes de logements sociaux locatifs ou en accession à la propriété, ainsi
que des équipements publics. C'est ce que subissent les collectivités locales
en Ile-de-France et c'est ce qui se vit à Gennevilliers lors d'appels d'offres
portant sur la construction de logements sociaux, d'un gymnase ou la
réhabilitation lourde pour l'accueil d'une structure de santé : les réponses
des entreprises se situent entre + 15 % et + 20 % supérieures aux prix de
référence ou aux estimations faites par les services municipaux. Certaines
entreprises ne répondent même plus à la demande publique. Cette situation place
les collectivités locales, les organismes HLM, tous les acteurs des politiques
sociales devant des difficultés nouvelles et un risque de blocage à terme. La
presse spécialisée fait état des hausses à répétition, depuis le début de
l'année, des prix de gros pratiqués par des fabricants comme les établissements
Lafarge : plâtre, contreplaqués, acier, tuyaux en PVC par exemple ont augmenté
encore récemment de + 11 % à + 15 %. La valse des étiquettes ne semble pas
devoir s'arrêter. Il lui demande donc quelles sont les mesures pratiques qu'il
compte prendre, en concertation avec les élus et les professionnels pour
remédier à ces dérives tarifaires et juguler dans les meilleurs délais les
dérapages constatés pénalisant les projets des maîtres d'ouvrage.
N° 831. - M. Jean-Pierre Vial aimerait connaître la position de M. le ministre
de l'équipement, des transports et du logement sur l'état d'avancement du
projet de liaison ferroviaire Lyon-Turin. A l'occasion de la visite officielle
du Président de la République en Savoie les 4 et 5 mai derniers, un message
fort a pu être dégagé de la rencontre des différents acteurs travaillant sur le
dossier du Lyon-Turin. La nécessité de faire d'une telle liaison ferroviaire un
axe Est-Ouest majeur du développement de l'Europe du Sud a fait l'unanimité au
sein des élus savoyards mais aussi parmi les représentants des autres
partenaires, qu'il s'agisse de la Société nationale des chemins de fer français
(SNCF), du Réseau ferré de France (RFF), du GEIE Alpetunnel ou encore de la
mission Lyon-Turin. Dans un contexte marqué par le drame du Mont-Blanc ainsi
que par le lancement des projets suisses de Lotschberg et du Saint-Gothard la
liaison Lyon-Turin permettrait de développer les échanges et le transport de
marchandises sans déboucher sur l'engorgement des routes des Alpes ou de la
cluse chambérienne (90 000 véhicules par jour à Chambéry), la croissance
exponentielle du trafic actuelle ayant des conséquences inquiétantes sur la
pollution sonore et atmosphérique ainsi que sur la sécurité routière. L'unité
des discours et des points de vue des élus et des techniciens, tant en terme
économique de rééquilibrage entre le Nord et le Sud qu'en terme de flexibilité
du passage des Alpes, a reçu un écho supplémentaire le 15 mai dernier, lors de
la rencontre à Modane du ministre français de l'équipement et des transports et
de son homologue italien qui ont décidé de poursuivre, sur la lancée du sommet
franco-italien de Nîmes, les réunions techniques en vue d'accélérer le
transfert du transport de marchandise de la route vers le rail et de fixer les
premières échéances de lancement du projet. Dès lors que, dans le meilleur des
cas, la ligne Lyon-Turin mettra quinze ans avant d'entrer en service pour un
coût global estimé à 70 milliards de francs, dont les modalités de financement
ne sont plus qu'à définir, il semble indispensable que des mesures transitoires
soient prises concrètement afin que la ligne Ambérieu-Modane déjà existante
puisse être recalibrée pour que ses capacités de fret passent de 10 millions à
20 millions de tonnes par an. Une telle initiative, qui répondrait
partiellement à l'objectif de capacité des 40 millions de tonnes annuelles de
fret du projet définitif, nécessite la réalisation rapide d'un tunnel «
préAlpes » afin que l'augmentation du trafic ainsi générée ne se traduise pas
par un encombrement supplémentaire sur Grenoble, Aix-les-Bains et Chambéry.
Convaincu que le recalibrage de la liaison actuelle ainsi que la réalisation du
tunnel préAlpes constituent un préalable nécessaire au vaste projet de
ferroutage allant de Lyon à Turin, il aimerait connaître les mesures concrètes
et le calendrier précis qu'il entend défendre sur ce dossier.
N° 832. - M. Gilbert Chabroux attire l'attention de Mme le ministre de la
culture et de la communication concernant la situation de certains émetteurs de
FIP. En effet, le 19 décembre dernier, annonce a été faite de la prochaine
suppression des deux tiers des stations de cette radio appartenant au groupe
public Radio France. Selon le plan de restructuration, ces dernières devraient
être transférées sur les réseaux payants du câble ou du satellite. Au regard de
ces perspectives, il lui demande donc quelles sont les mesures que pourrait
envisager de prendre le Gouvernement afin que ces émetteurs fassent partie du
cahier des charges de Radio France, ce qui permettrait d'avoir accès à
l'ensemble du réseau de diffusion nationale en modulation de fréquence.
COMMISSION MIXTE PARITAIRE
COMMISSION MIXTE PARITAIRE CHARGÉE DE PROPOSER UN TEXTE SUR LES DISPOSITIONS RESTANT EN DISCUSSION DU PROJET DE LOI RELATIF À LA SOLIDARITÉ ET AU RENOUVELLEMENT URBAINS
Nomination du bureau
Dans sa séance du mardi 6 juin 2000, la commission mixte paritaire a nommé
:
Président :
M. Jean François-Poncet.
Vice-président :
M. Jean Proriol.
Rapporteurs :
- à l'Assemblée nationale :
M. Patrick Rimbert ;
-
au Sénat :
M. Louis Althapé.
Liste des présents
Députés
Titulaires. -
MM. Patrick Rimbert, Daniel Marcovitch, Jean-Jacques
Filleul, Gilles Carrez, Mme Janine Jambu, M. Aloyse Warhouver.
Suppléants. -
MM. Yves Dauge, Alain Cacheux, Pierre Cohen, Jean
Proriol, Pierre Cardo.
Sénateurs
Titulaires. -
MM. Jean François-Poncet, Louis Althapé, Pierre Jarlier,
Patrick Lassourd, Ladislas Poniatowski, Jacques Bellanger, Mme Odette
Terrade.
Suppléants. -
MM. Jacques Bimbenet, Pierre Hérisson, Gérard Larcher,
Pierre Lefebvre, Jean-Pierre Plancade, Charles Revet.