Séance du 30 mai 2000
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Communication relative à une commission mixte paritaire
(p.
1
).
3.
Mission d'information
(p.
2
).
4.
Questions orales
(p.
3
).
DIFFUSION AUPRÈS DES JEUNES EFFECTUANT
LEUR JOURNÉE DE PRÉPARATION À LA DÉFENSE
D'UN JOURNAL GUIDE TRIMESTRIEL (p.
4
)
Question de M. Jean-François Le Grand. - MM. Alain Richard, ministre de la défense ; Jean-François Le Grand.
STRATÉGIE DE COMMUNICATION
DES POUVOIRS PUBLICS CONCERNANT LES MALADIES
FRAPPANT LES PRODUCTIONS ANIMALES (p.
5
)
Question de M. Roland du Luart. - MM. Alain Richard, ministre de la défense ; Roland du Luart.
BOUCLAGE DE L'A 4 - A 86 À JOINVILLE-LE-PONT (p. 6 )
Question de M. Serge Lagauche. - MM. Alain Richard, ministre de la défense ; Serge Lagauche.
DÉVELOPPEMENT DU TRAFIC AÉRIEN ET CONSTRUCTION
D'UN AÉROPORT INTERNATIONAL (p.
7
)
Question de Mme Marie-Claude Beaudeau. - M. Alain Richard, ministre de la défense ; Mme Marie-Claude Beaudeau.
RÉFORME
DE LA PRESTATION SPÉCIFIQUE DÉPENDANCE (p.
8
)
Question de M. Marcel Charmant. - MM. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire ; Marcel Charmant.
AVENIR FINANCIER DES HÔPITAUX UNIVERSITAIRES
DE STRASBOURG (p.
9
)
Question de M. Philippe Richert. - MM. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire ; Philippe Richert.
LUTTE CONTRE LA DROGUE ET LA TOXICOMANIE (p. 10 )
Question de Mme Nelly Olin. - M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire ; Mme Nelly Olin.
SITUATION DES INFIRMIERS ANESTHÉSISTES (p. 11 )
Question de Mme Hélène Luc. - M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire ; Mme Hélène Luc.
SITUATION DES INFIRMIERS ANESTHÉSISTES (p. 12 )
Question de M. Bernard Cazeau. - MM. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire ; Bernard Cazeau.
ENSEIGNEMENT DES LANGUES ÉTRANGÈRES (p. 13 )
Question de M. Jacques Legendre. - MM. Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué à l'enseignement professionnel ; Jacques Legendre.
CONSÉQUENCES DU DÉVELOPPEMENT DU CRÉDIT
À LA CONSOMMATION (p.
14
)
Question de M. Bernard Dussaut. - MM. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur ; Bernard Dussaut.
PROBLÈMES FINANCIERS LIÉS AUX FRAIS
D'ENFOUISSEMENT DES LIGNES TÉLÉPHONIQUES (p.
15
)
Question de M. Bernard Piras. - MM. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur ; Bernard Piras.
PROJET DE DÉLOCALISATION
DE L'IMPRIMERIE NATIONALE (p.
16
)
Question de Mme Nicole Borvo. - M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur ; Mme Nicole Borvo.
CONDITIONS D'ACCOMPAGNEMENT
DE L'ARRÊT DE SUPERPHÉNIX (p.
17
)
Question de M. Jean Boyer. - MM. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur ; Jean Boyer.
Suspension et reprise de la séance
(p.
18
)
DÉSIGNATION DES DÉLÉGUÉS
POUR LES ÉLECTIONS SÉNATORIALES (p.
19
)
Question de M. Charles Descours. - MM. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer ; Charles Descours.
ÉTENDUE DE LA COMPÉTENCE « ENSEIGNEMENT SCOLAIRE »
DES STRUCTURES INTERCOMMUNALES (p.
20
)
Question de M. François Marc. - MM. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer ; François Marc.
REPORT DES ÉPREUVES DES CONCOURS
D'ADJOINTS ADMINISTRATIFS DES PRÉFECTURES (p.
21
)
Question de M. Bernard Joly. - MM. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer ; Bernard Joly.
Suspension et reprise de la séance (p. 22 )
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
5.
Conférence des présidents
(p.
23
).
MM. le président, Louis de Broissia.
Suspension et reprise de la séance (p. 24 )
6.
Organisme extraparlementaire
(p.
25
).
7.
Présomption d'innocence et droits des victimes.
- Adoption des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire (p.
26
).
Discussion générale : M. Charles Jolibois, rapporteur pour le Sénat de la
commission mixte paritaire ; Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre
de la justice ; MM. Jacques Larché, président de la commission des lois ;
Hubert Haenel, Pierre Fauchon, Robert Badinter, Robert Bret.
Clôture de la discussion générale.
TEXTE ÉLABORÉ
PAR LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE (p.
27
)
Sur l'article 21
nonies
B (p.
28
)
Amendement n° 1 du Gouvernement. - Mme le garde des sceaux, M. le rapporteur. - Vote réservé.
Sur l'article 31 octies (pour coordination) (p. 29 )
Amendement n° 2 du Gouvernement. - Vote réservé.
Sur l'article 32 G (p. 30 )
Amendement n° 3 du Gouvernement. - Vote réservé.
Sur l'article 39 (p. 31 )
Amendements n°s 4 à 7 du Gouvernement. - Vote réservé.
Vote sur l'ensemble (p. 32 )
MM. Christian Bonnet, Patrice Gélard, Jean-Jacques Hyest, Mme le garde des
sceaux.
Adoption du projet de loi.
Suspension et reprise de la séance (p. 33 )
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
8.
Souhaits de bienvenue au ministre allemand des affaires européennes
(p.
34
).
9.
Rappel au règlement
(p.
35
).
MM. Claude Estier, le président.
10.
Orientations de la présidence française de l'Union européenne.
- Débat sur une déclaration du Gouvernement (p.
36
).
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.
PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
MM. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères ; Hubert Haenel, président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne ; Jean Arthuis.
Suspension et reprise de la séance (p. 37 )
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
11.
Décision du Conseil constitutionnel
(p.
38
).
12.
Orientations de la présidence française de l'Union européenne.
- Suite du débat sur une déclaration du Gouvernement (p.
39
).
MM. Henri de Raincourt, Josselin de Rohan, Gérard Le Cam, Jean François-Poncet,
Claude Estier, Pierre Fauchon, Jean-Yves Autexier, Aymeri de Montesquiou,
Bertrand Auban, Denis Badré, Jean-Pierre Fourcade, Serge Lagauche.
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.
Clôture du débat.
13.
Dépôt d'une proposition de loi
(p.
40
).
14.
Textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution
(p.
41
).
15.
Dépôt d'un rapport
(p.
42
).
16.
Dépôt d'un rapport d'information
(p.
43
).
17.
Ordre du jour
(p.
44
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
COMMUNICATION RELATIVE
À UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président. J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la chasse n'est pas parvenue à l'adoption d'un texte commun.
3
MISSION D'INFORMATION
M. le président.
L'ordre du jour appelle l'examen d'une demande présentée par la commission des
affaires sociales tendant à obtenir du Sénat l'autorisation de désigner une
mission d'information en Suède et en Italie consacrée à l'étude des réformes
des systèmes de retraite.
Il a été donné connaissance au Sénat de cette demande au cours de sa séance du
mardi 16 mai 2000.
Je vais consulter sur cette demande.
Il n'y a pas d'opposition ?...
En conséquence, la commission des affaires sociales est autorisée, en
application de l'article 21 du règlement, à désigner cette mission
d'information.
4
QUESTIONS ORALES
M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales sans débat.
DIFFUSION AUPRÈS DES JEUNES
EFFECTUANT LEUR JOURNÉE DE PRÉPARATION
À LA DÉFENSE D'UN JOURNAL GUIDE TRIMESTRIEL
M. le président.
La parole est à M. Le Grand, auteur de la question n° 805, adressée à M. le
ministre de la défense.
M. Jean-François Le Grand.
Monsieur le ministre, je souhaite obtenir des précisions sur ce « journal
guide trimestriel » qui, édité par le ministère de la jeunesse et des sports en
partenariat avec
Libération, l'Humanité hebdo, Saga Cités
et NRJ, aurait
été remis à chaque jeune lors de la journée d'appel de préparation à la
défense. Ce document inciterait très clairement les jeunes à contourner leurs
devoirs civiques élémentaires, voire à troubler l'ordre public en leur
enseignant, entre autres, les méthodes pour occuper un logement sans payer le
loyer, ou encore pour refuser de présenter des papiers à un agent habilité à
les leur demander.
J'aimerais savoir, monsieur le ministre, où nous en sommes dans cette affaire
: la diffusion de ce document a-t-elle cessé ? Avez-vous pu mettre de l'ordre
dans une situation tout à fait intolérable en République ?
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Monsieur le sénateur, je me suis déjà expliqué
assez longuement sur ce sujet en réponse à une question d'actualité au
Gouvernement que m'avait posée M. Claude Huriet, ici même, il y a un mois.
Le ministère de la défense, qui organise les journées d'appel de préparation à
la défense, veille à ce que ces journées soient entièrement consacrées à la
transmission des données et des informations, ainsi qu'aux sensibilisations en
matière de défense, prévues par la loi. Donc, nous limitons très strictement
les actions complémentaires. Nous avons accepté récemment une enquête sur
quelques sites de journées d'appel de préparation à la défense, sur le
dépistage et la prévention de la toxicomanie, mais c'est très rare.
Or, le journal dont il est question a été élaboré sur l'initiative et sous la
responsabilité du ministère de la jeunesse et des sports et mis à la
disposition des jeunes à la sortie des sites en question. L'opération s'est
achevée à la fin du mois de mars.
Cette affaire ayant suscité une polémique, je voudrais attirer l'attention sur
le fait que les textes extraits du document en question ont été gravement
déformés par la première personne qui a alerté sur cette affaire dans un
courrier adressé à un journal du matin.
Ainsi, on inciterait les jeunes à ne pas payer leur loyer. Jugez-en par
vous-mêmes à la lecture du texte, qui est précédé de toute une série
d'informations sur la situation du locataire : « Si vous n'avez pas payé votre
loyer, le bailleur peut demander votre expulsion du logement. Il adresse alors,
par l'intermédiaire d'un huissier de justice, un commandement de payer qui
indique qu'il sera mis fin au bail si le paiement n'intervient pas dans un
délai de deux mois. A ce stade, le locataire peut saisir le tribunal d'instance
pour demander des délais de paiement. » Il ne s'agit pas d'un document
incivique, il s'agit d'un rappel de la loi applicable ! Quiconque ici tient des
permanences dans sa commune se trouve à donner très souvent les mêmes
explications à des jeunes en difficulté.
De même, il a été allégué, dans cette prise de position intentionnellement
polémique - elle a, je crois, de bonne foi, trompé plusieurs parlementaires -
que, dans le même document, on expliquait aux jeunes comment échapper aux
contrôles d'identité. Voici le texte exact du document du ministère de la
jeunesse et des sports : « Toute personne circulant sur le territoire français
doit pouvoir justifier de son identité. (...) Seuls les officiers de police
judiciaire, ainsi que des policiers ou des gendarmes placés sous leur
responsabilité directe, ont le droit de procéder à un contrôle d'identité. »
C'est encore un simple rappel de la loi ! On explique aux jeunes, ni plus ni
moins, qu'un gardien appartenant à une société de sécurité n'a pas le droit de
leur demander de justifier de leur identité. Ce n'est pas du tout une façon
d'échapper au contrôle d'identité !
Je tenais à faire ces rappels.
J'ajoute qu'un autre guide va être édité par le ministère de la jeunesse et
des sports, qui portera plus particulièrement sur les responsabilités civiques
et les obligations que les jeunes doivent assumer, qu'il s'agisse de la
fiscalité ou encore de la défense de la nation.
Dans ce nouveau document, que nous n'aurons pas d'ailleurs forcément à
diffuser sur les sites des journées d'appel de préparation à la défense, dans
la mesure où le ministère de la jeunesse et des sports a d'autres moyens pour
le faire, seront bien précisées les obligations des jeunes pour ce qui est du
recensement militaire et des journées d'appel de préparation à la défense.
M. Jean-François Le Grand.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Le Grand.
M. Jean-François Le Grand.
Je vous remercie de vos explications, monsieur le ministre, mais, convenez-en,
il est plus intéressant de rappeler les devoirs que les droits !
STRATÉGIE DE COMMUNICATION
DES POUVOIRS PUBLICS CONCERNANT LES MALADIES
FRAPPANT LES PRODUCTIONS ANIMALES
M. le président.
La parole est à M. du Luart, auteur de la question n° 802, adressée à M. le
ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Roland du Luart.
J'aimerais que M. le ministre de l'agriculture et de la pêche me précise la
stratégie de communication conduite par les pouvoirs publics s'agissant des
maladies qui frappent les productions animales.
Je ne minimise pas la gravité de l'ESB, l'encéphalopathie spongiforme bovine,
qui touche le troupeau bovin ; j'approuve le maintien de l'embargo sur le boeuf
britannique et retiens comme une mesure tout à fait positive la mise en place
d'une vaste opération de dépistage sur le territoire national. Mais n'est-il
pas quelque peu prématuré d'évoquer une troisième voie de contamination,
laquelle, à ce jour, ne repose sur aucune preuve scientifique ? De telles
déclarations ont eu pour effet immédiat d'entraîner une diminution de la
consommation et par suite, une baisse des cours de la viande bovine, qui
avaient entamé une reprise. Il ne faudrait pas que des propos officiels,
parfois hâtifs, provoquent un affolement des consommateurs.
Je souhaite que la communication gouvernementale sur le programme soit bien
coordonnée et ne donne pas lieu à une surenchère interministérielle.
S'agissant de la listeria, les quelques cas d'intoxication enregistrés ont
provoqué une chute significative des achats de certains produits charcutiers et
de fromages au lait cru, alors que la quasi-totalité des entreprises
remplissent scrupuleusement les mesures sanitaires prescrites par les
administrations compétentes.
Les travaux de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l'AFSSA,
et de la future agence européenne doivent déboucher sur des conclusions
scientifiques incontestables avant toute déclaration officielle des pouvoirs
publics. Ces déclarations, relayées par les médias, créent un climat de panique
et un boycott souvent disproportionnés par rapport aux risques sanitaires
effectifs.
Comme l'a déclaré M. le ministre, il n'y a pas de risque zéro dans
l'alimentation. Les consommateurs eux-mêmes doivent être vigilants sur la
conservation - réfrigération et dates limites de consommation - des produits
alimentaires.
A cet égard, je lui demande si ses services et ceux de Mme le secrétaire
d'Etat à la consommation envisagent de conduire une campagne de sensibilisation
auprès des usagers en ce qui concerne tant les précautions sanitaires imposées
aux producteurs - traçabilité, étiquetage, notamment - que celles que devraient
respecter les consommateurs.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Monsieur du Luart, je vous demanderai tout
d'abord de bien vouloir excuser M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et
de la pêche, qui est retenu à Lisbonne par un sommet européen des ministres de
l'agriculture.
Dans le domaine de la protection de la santé des consommateurs, la création de
l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments a permis de clarifier la
répartition des rôles entre la communauté scientifique et les pouvoirs publics
qui doivent assurer la gestion des risques.
La science n'a pas pour seul rôle de répondre aux nombreuses questions que se
posent les pouvoirs publics et les consommateurs, elle doit aussi préciser les
zones d'incertitude dans nos connaissances. La crédibilité nécessaire pour
asseoir la confiance du consommateur dans son alimentation repose sur une
politique de communication transparente de la part des pouvoirs publics par
rapport au risque sanitaire. Cette communication doit porter sur l'efficacité
des outils de gestion de la sécurité des aliments, mais aussi sur les questions
restées en suspens. La transparence doit permettre, aussi, d'afficher les
incertitudes comme telles, notamment quand ces incertitudes ont été soulignées
par les scientifiques de l'AFSSA.
Depuis plusieurs mois, il est apparu que l'ensemble des origines possibles de
la contamination des animaux par l'agent de l'ESB devrait être exploré afin de
pouvoir expliquer les dernières données épidémiologiques en la matière, et
qu'il convenait donc de s'interroger sur une hypothétique « troisième voie
».
Pour ce qui est de la listériose, il convient de signaler la performance des
outils à la fois de surveillance de l'état de santé de la population et
d'investigation épidémiologique sur l'origine des accidents alimentaires. En
effet, cette performance conduit à identifier des accidents alimentaires de
très faible ampleur statistique, qui n'étaient pas identifiés par le passé et
qui ne le sont toujours pas dans la majorité des pays développés. Ainsi, en
France, une « épidémie » de listériose est caractérisée par trois cas répartis
sur l'ensemble du territoire au cours d'une période de deux mois ! Il s'agit
donc d'un système qui est maintenant extrêmement précis.
Les modifications importantes apportées tant par le développement des
industries agro-alimentaires et de leur circuit de commercialisation que par
les techniques de détection de plus en plus sophistiquées, permettent désormais
de disposer d'informations sur la contamination des produits avant que ceux-ci
soit consommés par la population. Lorsqu'un résultat d'analyse montre une
contamination susceptible d'engendrer un danger pour le consommateur, on
s'assure que le produit est retiré de la consommation sans délai. La plus
grande attention est apportée aux méthodes d'analyse utilisées, afin de
s'assurer que les résultats exprimés ne sont pas sujets à caution. Dans la
majorité des cas, le retrait est opéré par le producteur lui-même, sous le
contrôle des services de l'Etat.
Toutefois, lorsque le produit est déjà en possession du consommateur, le seul
moyen d'éviter sa consommation et les conséquences néfastes de celle-ci
consiste à communiquer par voie de presse afin d'avertir directement le grand
public. Une telle opération est, certes, susceptible de porter atteinte à la
réputation de l'entreprise et elle ne doit, par conséquent, être mise en oeuvre
que lorsque le risque identifié est réel et que l'on a l'assurance que les
mesures de communication seront efficaces pour contrer ce risque. Afin de
rendre le message plus positif, cette communication est assurée dans la plupart
des cas par le professionnel lui-même, ce qui a pour effet de mettre en avant
son souci de transparence et de responsabilité. Un protocole de communication a
été élaboré par les trois ministères chargés de ce dossier, à savoir ceux de
l'agriculture, de la consommation et de la santé, afin de faciliter une gestion
de la crise efficace et proportionnée au risque pour la population.
Au-delà de la communication de crise, une réelle communication en profondeur
sur les risques alimentaires doit être engagée sur la base des travaux
d'évaluation menés notamment par l'Agence française de sécurité sanitaire des
aliments. Cette stratégie de communication doit s'appuyer à la fois sur les
pouvoirs publics, à travers leurs structures de contrôles, sur la communauté
scientifique, sur les professionnels de l'alimentation, à travers leurs
connaissances technologiques, et sur les consommateurs, dont les attentes en
termes de sécurité doivent être traduites en termes positifs. Il s'agit donc
bien d'un travail de fond qui est engagé, qui répond me semble-t-il à vos
préoccupations, monsieur le sénateur, et dont la communication de crise
actuellement mise en oeuvre ne représente qu'une partie secondaire.
M. Roland du Luart.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. du Luart.
M. Roland du Luart.
Je remercie M. le ministre des précisions qu'il m'a apportées. Je dois
reconnaître que l'effort de transparence semble avoir été engagé, et cela doit
être relevé. M. le ministre a donc répondu de façon positive à mes
interrogations.
Il n'en demeure pas moins que, après les grandes tempêtes de la fin de l'année
dernière et les coupures de courant qui ont duré une quinzaine de jours, se
sont posés beaucoup de problèmes en France, et certains dérapages du
secrétariat d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à
l'artisanat et à la consommation ont été très préjudiciables à la production
dans certains départements.
BOUCLAGE DE L'A 4 - A 86 À JOINVILLE-LE-PONT
M. le président.
La parole est à M. Lagauche, auteur de la question n° 800, adressée à M. le
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Serge Lagauche.
Monsieur le ministre, ma question, qui sera brève, porte sur l'urgence du
bouclage de l'A 86 à hauteur de Joinville-le-Pont. Il ne s'agit pas seulement
d'une priorité pour le département du Val-de-Marne. En effet, cette
infrastructure supporte un trafic régional, national et international.
Elle représente également un enjeu à la fois de développement économique au
regard du pôle d'emplois Orly-Rungis, qui pourrait être redynamisé par une
liaison Orly-Roissy, et de développement touristique avec l'augmentation du
trafic engendrée, à terme, par la réalisation du deuxième parc d'attractions
Disney à Marne-la-Vallée.
Or cette portion d'autoroute est déjà saturée et l'absence de tronçon entre
Saint-Maurice et Nogent-sur-Marne constitue un véritable goulet d'étranglement
à l'origine, en amont, de bouchons quotidiens sur la partie A 4-A 86.
Sachant que nous sommes dans le cadre d'un dossier non clôturé par l'Etat lors
des deux précédents contrats de plan et que cet aménagement ne figure pas non
plus dans le 12e contrat de plan Etat-région adopté tout récemment, je
souhaiterais savoir quelles modalités de financement sont actuellement
envisagées par le Gouvernement, hors contrat de plan. Il n'est, en effet, pas
concevable pour notre département d'attendre un énième contrat de plan pour
voir ce projet pris en compte, compte tenu du point noir, presque constant le
jour, que représente ce carrefour, et dont les répercussions économiques
deviennent considérables.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Monsieur le sénateur, je vous prie d'excuser M.
Jean-Claude Gayssot, qui est aujourd'hui à Prague pour une réunion des
ministres européens des transports. Il m'a demandé de vous communiquer les
éléments qu'il a préparés sur ce dossier important.
Entre Saint-Maurice et Nogent-sur-Marne, les autoroutes A 4 et A 86 ont un
tronc commun, à deux fois quatre voies, d'une longueur d'environ trois
kilomètres. Sur ce tronçon, le trafic s'élève à 230 000 véhicules par jour, ce
qui entraîne donc des périodes de congestion importantes.
L'aménagement du tronc commun A 4-A 86 a été inscrit au schéma directeur
d'aménagement et d'urbanisme de la région d'Ile-de-France dès 1976 et les
emprises correspondantes ont été préservées dans les plans d'occupation des
sols.
Une solution entièrement aérienne a été étudiée dans les années quatre-vingt.
Elle prévoyait le franchissement de la Marne par deux nouveaux viaducs portant
les chaussées de l'autoroute A 86. Ce projet, dont le coût était estimé à 947
millions de francs, a été déclaré d'utilité publique en juin 1989.
Cette solution a rencontré de vives oppositions des riverains et des élus, qui
y voyaient une aggravation de la coupure urbaine créée par les ouvrages
existants. La région d'Ile-de-France et ses responsables de l'époque ont alors
demandé de ne pas exclure une solution souterraine lors des consultations
d'entreprises qui étaient sur le point d'être lancées.
Finalement, la décision a été prise, en janvier 1994, en accord avec la
région, de retenir le principe d'une traversée sous-fluviale de la Marne.
Les études ont donc été reprises dans ce sens. Elles ont abouti à remplacer
les deux viaducs initialement envisagés par deux tubes souterrains de trois
voies chacun. Le nouveau projet, d'une longueur de quatre kilomètres et d'un
coût total estimé à 3,4 milliards de francs, a été déclaré d'utilité publique
le 20 novembre 1998.
L'opération avait été inscrite au précédent contrat de plan Etat-région pour
un montant de 400 millions de francs seulement, soit une somme très inférieure
à celle qui est nécessaire pour réaliser un seul tube, dont le coût est estimé
à 1,5 milliard de francs. Au total, seuls 53 millions de francs ont été
effectivement mis en place au titre du précédent contrat de plan pour permettre
le financement des études et des acquisitions foncières.
Depuis 1998, la région d'Ile-de-France, principal cofinanceur avec l'Etat, n'a
plus souhaité individualiser de crédits pour cette opération, qui n'a pas été
retenue dans le nouveau contrat de plan 2000-2006. C'est une conséquence du
partenariat entre une collectivité décentralisée importante, qui a sa part de
responsabilité, et l'Etat.
Compte tenu du coût de cet investissement, il est exclu, aux yeux de mon
collègue le ministre de l'équipement, des transports et du logement, que l'Etat
assure seul le financement du projet. Une nouvelle expertise de l'opération va
donc être menée afin de rechercher à nouveau une solution financièrement
acceptable par les partenaires.
Monsieur le sénateur, le Gouvernement partage votre appréciation selon
laquelle la situation actuelle ne peut être maintenue sans réponse pendant
toute la durée du contrat de plan.
M. Serge Lagauche.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche.
Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Je crois tout de même
qu'il y a urgence. Sur le plan économique, si on compare le coût initial du
premier projet et les dépenses engendrées par le blocage de l'A 86, on constate
que l'équilibre sera très bientôt atteint et qu'il convient donc de mettre en
place rapidement une solution autoroutière.
DÉVELOPPEMENT DU TRAFIC AÉRIEN ET CONSTRUCTION D'UN AÉROPORT INTERNATIONAL
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau, auteur de la question n° 780, adressée à M. le
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le ministre, ma question est d'actualité. Votre réponse est attendue.
J'espère qu'elle sera à la hauteur des espérances des 250 000 riverains de
l'aéroport Charles-de-Gaulle.
Les vols de nuit sont devenus insupportables. Cette affirmation me paraît
justifiée pour trois raisons.
D'abord, les vols de nuit, qui représentaient 10 % du nombre de vols
quotidiens, soit 180, atteignent désormais la proportion de 13 % à 14 %.
Ensuite, leur nombre progresse parallèlement à la croissance du nombre de vols
quotidiens. Le nombre de 500 000 mouvements annuels sera bientôt atteint, ce
qui représentera 200 vols nocturnes. Enfin, l'organisation de hubs nocturnes
permet, par exemple, à Fedex, avec sa flotte de 600 avions, de disposer d'un
nouvel hub à minuit, ce qui est un facteur important de nuisance.
Une récente actualité nous a démontré que les charters, les vols
supplémentaires ont souvent lieu la nuit. Ainsi, la finale de la Coupe de la
ligue de football a représenté quatre-vingts vols supplémentaires nocturnes
pour ramener en Espagne les supporteurs des deux équipes.
Peut-on réduire ce trafic nocturne croissant et qui entraîne d'importantes
nuisances ? C'est une première question.
Ma deuxième question porte sur le développement du trafic aérien. Nous ne
nions pas ce développement. Nous le considérons même comme inéluctable et
positif en tant que facteur de développement économique et comme expression
d'une démocratisation du transport aérien.
Mais la question est simple : si ce développement est une réalité, une
perspective, notre pays doit se préparer à l'accueillir et à le maîtriser.
Cette maîtrise se fait pressante : en 1999, l'aéroport Charles-de-Gaulle a vu
son trafic croître de 13 %. Cette progression est très supérieure à celle des
autres aéroports européens puisque le trafic de l'aéroport d'Orly a progressé
de 1,6 %, celui de Londres de 5 % et celui de Francfort de 7 %. Une telle
augmentation s'accentuera encore.
De l'avis de tous, la quatrième piste, dont l'ouverture est prévue au
printemps 2001, absorbera le trafic supplémentaire. La saturation sera
rapidement atteinte.
Nous devons donc préparer une réponse à cette évolution.
Certes, des améliorations sont possibles, de caractère technique, mais leur
efficacité est limitée.
La construction de nouvelles pistes est une solution que vous avez
catégoriquement exclue, à juste titre. Quatre pistes, c'est déjà une
contrainte, que nous subissons.
L'intensification du nombre de vols la nuit, en dépassant les limitations
actuelles, paraît possible, mais, selon nous, elle serait déraisonnable et très
irresponsable, car en totale discordance avec ce que les populations concernées
peuvent supporter, vous le savez bien, monsieur le ministre. Les médecins de
nos villes commencent à noter les conséquences sur la santé de certains
habitants des nuisances sonores, en particulier lorsqu'elles se produisent la
nuit.
Que nous reste-t-il alors comme solution ? Celle qui a été trouvée dans le
passé, à savoir la construction d'un autre aéroport.
Au lendemain de la guerre, le Bourget a rapidement été saturé. Avec la
intervenue des Caravelle, Orly a été envisagé, puis réalisé. Très vite, la
saturation est intervenue. En 1974, Roissy a été ouvert. A l'époque, des
manifestations se sont développées avec détermination pour exiger un
emplacement situé à vingt kilomètres plus au nord-est. Il est dommage que nos
avis de l'époque n'aient pas été entendus. En effet, nous n'en serions
probablement pas là actuellement.
Aujourd'hui, chacun comprend bien que le transport aérien va s'amplifier.
D'ailleurs, je souhaite que de plus en plus de Français puissent utiliser ce
mode de transport. A nos yeux, l'avion est un moyen de transport rapide,
confortable, qui doit se démocratiser. Il est encore trop cher. Nous voulons sa
diversification, son implantation sur l'ensemble du territoire. Cela correspond
également à la loi pour l'aménagement et le développement durable du territoire
défendue par Mme Voynet.
Je suis donc conduite, monsieur le ministre, à vous demander, une nouvelle
fois, quelle décision a été prise, à quelle date et dans quel lieu sera
implanté un troisième aéroport, en rappelant de nouveau, mais vous connaissez
ce chiffre, que, à Roissy, la moitié des passagers sont en transit et ne
quittent pas la zone aéroportuaire. Est-il exact qu'il existe, au sein du
Gouvernement, des oppositions à l'implantation de ce troisième aéroport et, si
tel est le cas, quelles en sont les raisons ?
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
Le président de séance écoute avec attention aussi, pour d'autres raisons.
(Sourires.)
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Quant à celui qui répond, il ne peut pas non plus
totalement s'abstraire du dossier.
(Nouveaux sourires.)
Monsieur le président, madame la sénatrice, M. Jean-Claude Gayssot est
aujourd'hui à Prague pour une importante réunion des ministres des transports
européens et il m'a demandé de vous communiquer cette réponse, sur laquelle il
s'engage.
La forte croissance du transport aérien observée ces dernières années,
notamment dans la région d'Ile-de-France, conduit à penser que les limitations
de capacité prévues à Roissy-Charles-de-Gaulle afin de maîtriser les nuisances
sonores seront atteintes avant les dix ans envisagées, si aucune disposition
n'est prise.
Aussi, afin de maintenir une limitation de la capacité à Roissy, ce que
souhaite le Gouvernement, les compagnies aériennes sont incitées à adapter leur
stratégie en accordant un rôle plus important aux aéroports de province. M.
Jean-Claude Gayssot souhaite faciliter cette évolution en préservant la
capacité d'accueil de ces aéroports et en veillant à leur insertion dans leur
environnement proche.
Par ailleurs, le développement de l'intermodalité TGV-avion à Roissy peut
permettre de répondre à une partie de la demande de transport aérien. C'est en
particulier le cas des pré-acheminements et des post-acheminements pour les
voyageurs en correspondance pour des destinations lointaines vers les villes
qui sont desservies par le TGV ou qui le seront bientôt.
Enfin, une utilisation d'autres plates-formes existantes du Bassin parisien
doit être recherchée, dans la mesure où elle pourra être réalisée dans des
conditions acceptables pour les populations riveraines.
Le ministre des transports estime que ces évolutions ne permettront cependant
de répondre qu'à une partie de l'accroissement du transport aérien en région
parisienne. Il convient donc d'étudier l'opportunité d'un troisième grand
aéroport dans le bassin parisien et de préserver la possibilité de le créer.
Cette perspective est analysée dans le cadre de l'élaboration des schémas de
services collectifs de transports prévus par la loi d'orientation pour
l'aménagement et le développement durable du territoire adoptée par le
Parlement au printemps dernier. Ce type de schéma est en effet indispensable en
matière aéroportuaire.
En attendant, M. Gayssot a souhaité lancer trois études complémentaires afin
d'affiner l'analyse des stratégies aéroportuaires possibles. Ces études
concernent les potentialités de l'intermodalité entre le TGV et l'avion, les
potentiels de développement des aéroports de province et les stratégies futures
des compagnies aériennes et des aéroports.
Lorsque les résultats de ces études seront disponibles - ils seront d'ailleurs
rendus publics - il sera possible de débattre des conditions de réalisation de
ce troisième aéroport, si son opportunité se confirme.
M. Gayssot rappelle que plusieurs sites d'implantation proposés par les
conseils régionaux ont été examinés. Le site de Beauvilliers, en Eure-et-Loir,
a été pressenti, notamment du fait de possibilités de raccordement aux grandes
infrastructures existantes - l'autoroute Aquitaine et la ligne TGV-Ouest - et
de considérations environnementales.
En tout état de cause, quel que soit le site envisagé, les conditions
d'intégration de cet équipement dans l'environnement feront l'objet, en toute
transparence, d'études complètes et rigoureuses qui seront portées à la
connaissance de tous les acteurs et qui viendront nourrir le débat public.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le ministre, je vous remercie de m'avoir apporté cette réponse en
l'absence de M. Gayssot.
Evidemment, nous ne pouvons que nous féliciter de l'ouverture d'un grand débat
national sur la question évoquée. Nous pensons effectivement que l'implantation
d'un nouvel aéroport international nécessite l'ouverture de discussions très
larges, un débat transparent et l'organisation d'études le plus rapidement
possible.
Cependant, votre réponse me paraît un peu décevante. Elle est constituée
d'affirmations et d'éléments que nous connaissons déjà. Les études nous ont été
promises voilà déjà de nombreuses années, par le gouvernement précédent comme
par l'actuel gouvernement, et je considère qu'il n'est pas tenu suffisamment
compte de l'évolution de la situation.
Je sais, monsieur le ministre, que vous connaissez le Val-d'Oise et que vous
savez combien les populations de nos cités populaires - je veux citer
Sarcelles, Villiers-le-Bel, Garges ainsi que Goussainville - subissent les
nuisances de l'aéroport Charles-de-Gaulle ; la manifestation qui a eu lieu la
semaine dernière a d'ailleurs traduit une exaspération qui est maintenant à son
comble. Je ne comprends pas trop cette attitude qui consiste à ignorer les
prises de position multiples tant d'associations que de nombreux conseils
municipaux, tels ceux d'Argenteuil, de Sarcelles, de Gonesse, de Garges et de
bien d'autres que je n'ai pas le temps de citer.
Monsieur le ministre, il faut maintenant aller très vite, sinon le
Gouvernement va perdre de sa crédibilité en refusant à l'aviation civile de se
développer sur l'ensemble du territoire. Nous avons plus que jamais la
certitude de répondre à un intérêt général en réclamant la construction d'un
troisième aéroport et une meilleure qualité de vie pour les 250 000 riverains
val-d'oisiens de l'aéroport Charles-de-Gaulle.
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Je peux assurer Mme Beaudeau que je transmettrai
fidèlement et avec beaucoup de conviction les dernières remarques qu'elle vient
de faire à mon collègue et ami Jean-Claude Gayssot.
RÉFORME
DE LA PRESTATION SPÉCIFIQUE DÉPENDANCE
M. le président.
La parole est à M. Charmant, auteur de la question n° 811, adressée à Mme le
ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Marcel Charmant.
Ma question s'adresse à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité et
concerne la réforme en profondeur de la prestation spécifique dépendance en
cours d'élaboration.
Les premiers éléments connus tracent la perspective d'une nouvelle prestation
plus étendue dans sa conception, plus égalitaire territorialement et répondant
mieux aux besoins spécifiques des personnes dépendantes que le dispositif
actuel, dont l'inadaptation est reconnue par tous.
Si cette nouvelle prestation a notamment pour objet de permettre une meilleure
prise en compte des problèmes liés à l'hébergement dans des établissements
adaptés, elle doit également tenir compte des prestations servies par
l'ensemble des associations et services d'aide à domicile, qui contribuent, en
milieu rural tout particulièrement, au maintien à domicile en intégrant de plus
en plus des modes d'intervention adaptés auprès des personnes âgées
dépendantes.
Ces associations et services d'aide à domicile font part de leur crainte de la
mise en place d'une prestation à deux vitesses, l'une pour les établissements
d'hébergement et l'autre pour les services à domicile. Elles souhaitent
notamment pouvoir donner un véritable choix aux personnes âgées dépendantes en
proposant un service prestataire rempli par des personnels qualifiés, formés,
encadrés et bénéficiant d'un réel déroulement de carrière, seule alternative de
qualité à l'hébergement, et craignent le passage du GIR 4 en service
mandataire.
Aussi, je sollicite la prise en compte de la dimension que représente l'aide à
domicile dans le dispositif réformé de la prestation spécifique dépendance et
dans son financement.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët,
secrétaire d'Etat à l'économie solidaire.
Monsieur le sénateur, vous avez
rappelé les insuffisances de la prestation spécifique dépendance mise en place
par le gouvernement précédent et l'insatisfaction qu'elle suscite chez les
personnes âgées et leur famille.
Conscient de cette attente de nos concitoyens, le Premier ministre a annoncé
le 22 mars dernier l'intention du Gouvernement d'apporter aux problèmes que
rencontrent actuellement les personnes âgées et leur famille toutes les
réponses nécessaires.
Un droit objectif sera reconnu aux personnes âgées en fonction de leur
dépendance et de leur revenu. Ce droit sera identique sur tout le territoire, à
situation comparable. Il sera étendu à toutes les personnes âgées qui ont
besoin d'être aidées et qui sont aujourd'hui exclues de la PSD. Les barèmes de
la prestation seront améliorés et le montant de l'aide sera accru. Enfin, le
droit sera mis en oeuvre dans le cadre d'une gestion de proximité, afin de
personnaliser les modalités de l'aide apportée à la personne âgée en fonction
de ses besoins particuliers.
Bien entendu, les associations et services d'aide à domicile ont toute leur
place dans cette rénovation de la prise en charge de la dépendance, puisque le
souhait du Gouvernement est de permettre aux personnes âgées de rester à
domicile.
Nous avons d'ailleurs déjà commencé à aider les associations prestataires en
leur accordant une exonération totale des charges sociales patronales. C'était
une attente forte des associations, et cette mesure leur a permis de trouver
des conditions économiques plus favorables. Elle devrait notamment permettre de
renforcer la professionnalisation et la qualité du service, qui est en principe
la spécificité des associations prestataires.
La nouvelle prestation que nous allons mettre en place prolongera le soutien
déjà apporté aux associations, car un nombre beaucoup plus important de
personnes âgées pourra avoir recours à leurs services, quel que soit le degré
de dépendance.
Il n'est donc pas du tout dans notre intention de favoriser le service
mandataire ; il s'agit d'offrir aux personnes âgées la possibilité de choisir
le service qui leur convient le mieux.
Apporter des réponses satisfaisantes au défi que représente la dépendance des
personnes âgées dans notre pays sera l'un des objectifs du Gouvernement. J'en
prends l'engagement aujourd'hui devant vous. Vous pouvez compter sur la
détermination de Mme Aubry à mener à bien cette tâche ambitieuse.
M. Marcel Charmant.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Charmant.
M. Marcel Charmant.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse et des
éléments que vous m'apportez, dont je ne peux que me féliciter. Cela dit, nous
serons vigilants, à vos côtés, pour mener à bien cette réforme.
AVENIR FINANCIER DES HÔPITAUX UNIVERSITAIRES
DE STRASBOURG
M. le président.
La parole est à M. Richert, auteur de la question n° 794, adressée à Mme le
ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Philippe Richert.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite attirer l'attention de Mme le
ministre de l'emploi et de la solidarité sur la situation financière
particulièrement préoccupante des hôpitaux universitaires de Strasbourg et
tenter d'obtenir des assurances concrètes quant à leurs dotations
budgétaires.
Le budget de l'année 1999 est certes en légère progression, mais il reste
nettement insatisfaisant. Les insuffisances de crédit sont chaque année plus
importantes et doivent être compensées par des reports d'investissement, lourds
de conséquences non seulement en matière de modernisation des équipements,
s'agissant par exemple de la construction du nouvel hôpital civil ou de la mise
en place d'un pôle logistique, mais aussi en matière de dépenses
pharmaceutiques et médicales, et, enfin, en matière de maintien de la sécurité
dans des locaux anciens, qui, au fil des années, deviennent vétustes.
Voilà quatre années de suite que le CHU de Strasbourg est ainsi pénalisé. En
1999, et malgré de très gros efforts concernant notamment la maîtrise des
dépenses médicales, il s'est retrouvé en fin d'année avec une insuffisance de
crédits de 32,5 millions de francs, compensée par des reports d'investissement
et des reprises sur provisions aujourd'hui épuisées.
Une telle situation est inacceptable pour un hôpital régional de référence.
Pour agir au mieux, il est urgent de porter à terme au crédit de cet ensemble
hospitalier près de 100 millions de francs. Je sais pouvoir compter sur Mme la
ministre puisque les membres de son cabinet ont rencontré les responsables ; je
souhaite néanmoins, aujourd'hui, connaître l'état d'avancement de ce dossier et
savoir ce que Mme la ministre envisage de proposer comme solution pour l'avenir
financier des hôpitaux universitaires de Strasbourg.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët,
secrétaire d'Etat à l'économie solidaire.
Monsieur le sénateur, vous avez
attiré l'attention de Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la
solidarité, sur la situation budgétaire des hôpitaux universitaires de
Strasbourg, les HUS, pour l'année 2000.
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité a été particulièrement
attentive à vos arguments. Elle connaît le rôle prépondérant que les hôpitaux
universitaires de Strasbourg jouent dans le dispositif régional d'offre de
soins.
Le Gouvernement est soucieux d'accompagner les établissements les plus
sollicités par la politique de réduction des inégalités, comme c'est le cas
pour les HUS.
Le 15 mars dernier, Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux
handicapés, a reçu les représentants des HUS et a évoqué avec eux la situation
de l'établissement, notamment sa situation budgétaire.
Dans le cadre du protocole du 14 mars 2000 signé entre le Gouvernement et six
organisations syndicales représentatives des personnels hospitaliers, les HUS
bénéficient d'un abondement budgétaire de plus de 15 millions de francs destiné
aux crédits de remplacement du personnel. Ils pourront également disposer de
crédits pour le renforcement des urgences ou pour financer des projets de
modernisation sociale, d'amélioration des conditions de travail ou de lutte
contre la violence.
Les hôpitaux universitaires de Strasbourg se situent dans la catégorie des
établissements ayant une dotation budgétaire et un ratio d'encadrement global
médical et non médical importants par rapport à leur activité.
Cette situation est en partie due à l'état actuel des installations, notamment
aux difficultés d'organisation et de fonctionnement sur le site pavillonnaire
de l'hôpital civil. Un projet de modernisation a été élaboré. Il est soutenu
par l'Etat, qui participe au financement de cet investissement.
Par ailleurs, ainsi que cela a été annoncé au conseil d'administration du 22
mars dernier, le CHU de Strasbourg pourra solliciter, pour la construction du
nouvel hôpital civil, le fonds d'investissement et de modernisation des
établissements de santé. Ce fonds, doté d'une enveloppe de 800 millions de
francs dès cette année, permettra de financer près de 4 milliards de francs
d'investissements supplémentaires.
Dès l'adoption du projet d'établissement par les instances de l'établissement
et son approbation par le directeur de l'agence régionale d'hospitalisation, un
contrat d'objectifs et de moyens pourra intervenir, donnant aux HUS une vision
claire de leur avenir.
Le Gouvernement, je le répète, reste très attentif à la situation de cet
établissement, dont l'ambitieux programme de modernisation doit aboutir dans
les années 2003-2005.
M. Philippe Richert.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert.
Tout d'abord, je tiens à remercier le Gouvernement de l'attention portée à ce
dossier important.
Vous avez indiqué, monsieur le secrétaire d'Etat, que le CHU de Strasbourg est
un établissement globalement bien doté. Sachez cependant qu'il répond à un
besoin d'hôpital régional de référence. Dans ce cadre, il est nécessaire qu'il
puisse disposer d'un encadrement de qualité pour faire face dans toutes les
circonstances aux cas les plus difficiles. Or, ces dernières années, nous avons
connu, je le disais tout à l'heure, des difficultés pour boucler les fins
d'année : nous avons enregistré plus de 30 millions de francs de déficit en
1999. Il n'est pas possible de continuer dans cette voie !
Vous avez annoncé que, d'ores et déjà, 15 millions de francs avaient été
dégagés. Vous comprenez bien que ce n'est pas suffisant et qu'il faut aller
plus loin !
A cet égard, vous avez évoqué la possibilité d'augmenter ces crédits à la
suite de l'examen des dossiers qui vous seront présentés. Je souhaiterais
simplement que, lorsque ces dossiers vous parviendront, ils soient étudiés avec
la plus grande attention et la plus grande bienveillance.
Il ne s'agit pas là de simples propos de circonstance, car nous avons vraiment
besoin de ces crédits et il n'est pas possible de toujours reporter les
investissements nécessaires pour la modernisation et la remise à niveau de cet
établissement.
Je remercie le Gouvernement de rester attentif et sensible à cette question.
LUTTE CONTRE LA DROGUE ET LA TOXICOMANIE
M. le président.
La parole est à Mme Olin, auteur de la question n° 801, adressée à M. le
Premier ministre.
Mme Nelly Olin.
En juin 1999, monsieur le secrétaire d'Etat, le Gouvernement a adopté un plan
triennal de lutte contre la drogue et de prévention des dépendances mettant
l'accent sur la nécessité de proposer des programmes de prévention et de prise
en charge « qui s'adressent à toutes les conduites addictives, quelle que soit
la nature juridique du produit consommé ».
Ce plan a conduit à une modification importante du dispositif national de
lutte contre la drogue et la toxicomanie, dont le champ d'action recouvre
désormais la consommation excessive de produits tels que l'alcool et le
tabac.
Ce choix d'une approche globale faisait suite au rapport de M. Roques, qui n'a
pas fait l'unanimité dans la communauté scientifique et qui, présentant un
classement des différentes substances psychoactives en fonction de leur
nocivité, concluait que l'usage de cannabis était moins dangereux que celui de
l'alcool et du tabac.
Il reste que, le 15 mars dernier, la défenestration d'un jeune de dix-neuf
ans, victime d'une crise hallucinogène après avoir fumé un joint de cannabis
pour la première fois, semble contredire totalement cette approche.
Des enquêtes récentes montrent que de 23 % à 30 % des jeunes âgés de quinze à
dix-neuf ans déclarent avoir consommé du cannabis au cours de l'année, ce taux
pouvant passer à 34 % dans les lycées parisiens. Mais, surtout, 14 % des jeunes
déclarent avoir consommé du cannabis plus de dix fois au cours de leur vie, ce
qui montre que la consommation est déjà assez régulière.
Ce qui est extrêmement inquiétant, c'est qu'il existe un petit nombre de
jeunes qui consomment environ cinq à six fois du cannabis par jour et qui sont
très désocialisés.
Les effets d'un usage répété de cannabis sont loin d'être anodins :
démotivation, diminution des capacités de mémorisation, perte d'intérêt pour le
travail scolaire et les études, sans parler des conséquences à long terme sur
la santé, puisqu'il existe bien des syndromes de dépendance forte du
cannabis.
Se pose également la question des accidents de la route causés par l'usage du
cannabis : des toxicologues ont estimé que le cannabis pouvait être impliqué à
titre principal dans 16 % des accidents ayant entraîné des dommages
corporels.
Nous avons bien pris acte d'une campagne récente de communication, sous forme
de spots publicitaires, accompagnée de la publication d'un petit opuscule à
prix réduit sur la drogue et la dépendance. On peut cependant se demander si le
caractère très globalisant de l'approche de cette campagne permet d'envoyer un
vrai signal d'alerte sur les dangers du cannabis.
Face au risque pour la société, quelles instructions le Gouvernement entend-il
donner à la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la
toxicomanie pour mettre - enfin ! - en place un dispositif d'information et de
sensibilisation du public, plus particulièrement des enfants et des
adolescents, sur les dangers du cannabis, dont les variétés les plus récentes
se rapprochent des drogues qui entraînent très rapidement une forte dépendance
?
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët,
secrétaire d'Etat à l'économie solidaire.
Madame la sénatrice, vous avez
attiré l'attention du Gouvernement sur les mesures prises par la mission
interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, la MILDT, pour
informer et sensibiliser les jeunes sur les dangers de la consommation de
cannabis.
Prenant acte de l'augmentation du nombre de jeunes consommateurs de cannabis,
mais aussi de jeunes qui associent plusieurs produits licites ou illicites, la
MILDT s'attache à mener ou à coordonner des actions dans plusieurs domaines.
Comme vous l'avez rappelé, une campagne de communication destinée au grand
public s'appuie notamment sur un livre d'information,
Drogues et
dépendances
, en vente dans les bureaux de presse et les kiosques à journaux
au prix de 10 francs et donnant toutes les informations disponibles sur tous
les produits licites et illicites, notamment sur le cannabis.
Ce livre a pour objectif de donner à tous, afin de favoriser le dialogue entre
les jeunes et les adultes, les informations qui sont actuellement validées par
les nombreux experts consultés.
Il existe également, à destination des jeunes et de manière fréquente, des
séances d'information dispensées sur l'initiative des chefs d'établissement et
des comités d'éducation à la santé et à la citoyenneté, lesquels bénéficient
par ailleurs des conseils pédagogiques du document
Repères,
paru au
Bulletin officiel
et diffusé en octobre 1999 à l'ensemble des
enseignants et des personnels de l'éducation nationale.
Au même titre que ce document, un livret à destination des professionnels,
Comprendre la prévention,
sera diffusé à partir de l'automne
prochain.
Les informations données aux jeunes, qui concernent pour une large part le
cannabis, produit principalement consommé par les collégiens et les lycéens,
s'attachent à faire comprendre à ce public l'action de l'ensemble des
substances psychoactives sur le cerveau et à développer leur responsabilité sur
les comportements d'usage et d'usage nocif.
Mme Nelly Olin.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Olin.
Mme Nelly Olin.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de votre réponse.
Je crois qu'il est important et urgent d'accentuer l'information et la
prévention dans les lycées et collèges, particulièrement dans les zones
sensibles.
SITUATION DES INFIRMIERS ANESTHÉSISTES
M. le président.
La parole est à Mme Luc, auteur de la question n° 807, adressée à Mme le
secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.
Mme Hélène Luc.
Je n'entends bien évidemment pas vous mettre en cause, monsieur le secrétaire
d'Etat, parce que vous êtes tout à fait habilité pour me répondre au nom du
Gouvernement ; cependant, je veux quand même dire que j'aurais préféré que Mme
Gillot soit présente pour me répondre, parce qu'elle a déjà participé aux
négociations que je vais évoquer dans ma question.
Fortement mobilisés depuis le 2 mai - de 70 % à 100 %, 68 % observant
effectivement la grève selon un pointage réalisé par l'Assistance publique -
hôpitaux de Paris - les infirmiers anesthésistes diplômés d'Etat ont mené
jusqu'à la semaine dernière un mouvement national de grève destiné à faire
entendre et aboutir leurs droits à une meilleure reconnaissance, sur le plan
tant professionnel que statutaire.
J'avoue avoir non pas découvert - car j'ai mené à leurs côtés des luttes pour
la reconnaissance de leur profession - mais pris mieux encore la mesure de
l'importance et de l'étendue des missions qui relèvent de la compétence et du
rôle des infirmiers anesthésistes diplômés d'Etat et,
de facto,
de la
légitimité de leurs revendications, lorsque j'ai reçu personnellement au Sénat
des représentants du collectif national des infirmiers anesthésistes et des
différentes organisations syndicales représentatives venues manifester devant
notre assemblée.
Après avoir obtenu leur diplôme d'Etat infirmier, qui correspond à un bac +
trois, les prétendants à la profession d'infirmier anesthésiste admis au
concours d'entrée dans une école d'infirmier anesthéiste diplômé d'Etat
approfondissent durant deux ans leurs connaissances théoriques. Par divers
stages, soumis à évaluation continue, ils font l'apprentissage de la pratique
avant de valider un second diplôme d'Etat.
Ils concourent ensuite pleinement à la prise en charge et à la sécurité des
patients par l'équipe d'anesthésie, et au bon fonctionement du système de
santé. Je le rappelle, huit millions d'anesthésies sont pratiquées annuellement
en France.
Outre la bonne marche des blocs opératoires, grâce à leur formation, les
infirmiers anesthésistes diplômés d'Etat ont un rôle à jouer dans les salles de
réveil, dans les urgences hospitalières, dans la prise en charge de la douleur
post-opératoire.
Tous ceux qui ont subi une opération connaissent l'angoisse du moment qui
précède l'anesthésie, ce moment où ils remettent leur vie entre les mains des
chirurgiens et des anesthésistes, sans parler de ceux qui ont été pris en
charge par un SAMU.
Outre ces missions de soins, ces infirmiers sont appelés, depuis quelques
années, à assumer des tâches nouvelles liées à la qualité des soins, telles que
l'hémovigilance, la matériovigilance ou la pharmacovigilance.
Sans qu'un décret de compétence affirme cette pratique quotidienne, les
compétences spécifiques des infirmiers anesthésistes diplômés d'Etat sont
indiscutablement reconnues, comme en témoignent l'extension de leur champ
professionnel d'intervention et le soutien du syndicat national des praticiens
hospitaliers anesthésistes réanimateurs, notamment. Il n'en demeure pas moins
que l'effort supplémentaire de formation consenti, pas plus que les
responsabilités et les contraintes particulières supportées, ne trouvent de
traduction financière.
Quoi de plus juste, alors, que leur demande principale d'ouverture immédiate
de négociations sur une grille indiciaire spécifique de rémunération au corps
des infirmiers anesthésistes diplômés d'Etat ?
Monsieur le secrétaire d'Etat, le Gouvernement semble avoir donné son aval au
principe même de grille indiciaire spécifique. Pouvez-vous aujourd'hui nous
confirmer cette avancée, prendre l'engagement qu'effectivement les négociations
s'ouvriront dès cette année - le 1er décembre, semble-t-il - et, enfin,
préciser les modalités de ces négociations ? En effet, les syndicats et les
organisations professionnelles veulent participer non seulement aux
négociations mais aussi aux discussions préparatoires à la négociation sur la
grille indiciaire.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët,
secrétaire d'Etat à l'économie solidaire.
Madame la sénatrice, tout
d'abord, je commencerai par vous remercier d'avoir dit que je n'étais pas un
spécialiste politique de l'anesthésie.
(Sourires.)
Comme vous le précisez, les infirmiers anesthésistes diplômés d'Etat ont une
place reconnue en tant que collaborateurs directs des médecins anesthésistes
dans les établissements de santé.
Nous avons rencontré les représentants des infirmiers anesthésistes, avec
lesquels nous avons discuté de la négociation statutaire à venir, notamment de
son calendrier dans le cadre du protocole du 14 mars 2000. En effet, ce
protocole, signé entre le Gouvernement et six organisations syndicales
représentatives des personnels hospitaliers, fixe les chantiers statutaires qui
seront ouverts dans la fonction publique hospitalière.
Le Gouvernement a précisé par avenant, le 26 mai dernier, le calendrier des
négociations sur les différentes filières professionnelles.
Pour les filières paramédicales, les négociations débuteront le 1er décembre
2000. Elles seront conduites en parallèle pour chacune des professions
concernées.
Je vous confirme qu'il a été indiqué clairement aux infirmiers anesthésistes
que les négociations sur leur statut s'ouvriraient dès le 1er décembre, sur la
base d'une grille indiciaire spécifique.
Par ailleurs, je vous précise que le futur décret d'actes infirmiers identifie
mieux que dans le passé les actes dont la profession d'infirmier anesthésiste a
l'exclusivité. Sa préparation touche à sa fin, et il sera publié cet été.
Le Gouvernement veille à ce que chaque profession et chaque agent soient
reconnus et trouvent leur place à l'hôpital. C'est pourquoi le protocole du 14
mars 2000 amorce une nouvelle étape dans la modernisation hospitalière.
Mme Hélène Luc.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse, dont je
prends acte.
Si j'ai bien compris - et j'espère avoir bien compris - les syndicats et les
organisations professionnelles auront à connaître du contenu de la grille
indiciaire, parce qu'il s'agit non seulement de discuter le 1er décembre de la
revalorisation financière, mais aussi de connaître à l'avance le contenu de la
grille indiciaire. Nous sommes bien d'accord, monsieur le secrétaire d'Etat ?
(M. le secrétaire d'Etat acquiesce.)
Mais la question se pose aussi pour les infirmiers anesthésistes des blocs
opératoires. Ils feront donc également partie de la négociation et de la
discussion ? Nous sommes bien d'accord, monsieur le secrétaire d'Etat ?
(M.
le secrétaire d'Etat acquiesce à nouveau.)
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, des garanties que vous me
donnez.
SITUATION DES INFIRMIERS ANESTHÉSISTES
M. le président.
La parole est à M. Cazeau, auteur de la question n° 810, adressée à Mme le
secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.
M. Bernard Cazeau.
S'agit-il d'un phénomène de transmission de pensée ou est-ce parce que la
question est d'actualité ? Toujours est-il que l'objet de ma question, que je
ne développerai donc pas, a été largement évoqué par Mme Luc, et notamment les
deux points qui inquiètent plus particulièrement les infirmiers anesthésistes
diplômés d'Etat, à savoir, d'une part, l'amélioration de leur statut et,
d'autre part, la revalorisation financière de leur situation, qui passe par
l'obtention de la grille indiciaire.
Je note avec intérêt, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'un calendrier est mis
en place. J'espère qu'il permettra d'apporter une réponse sur ces deux points.
Nous y serons, nous aussi, très vigilants.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët,
secrétaire d'Etat à l'économie solidaire.
Monsieur le sénateur, vous avez
attiré l'attention de Dominique Gillot sur la situation des infirmiers
anesthésistes diplômés d'Etat travaillant dans les établissements publics de
santé.
Comme je viens de l'indiquer en réponse à Mme Luc, le Gouvernement est tout
disposé à améliorer le statut afin qu'il traduise spécifiquement la
reconnaissance du travail accompli au quotidien par les infirmiers
anesthésistes.
La négociation sur le statut des infirmiers anesthésistes s'ouvrira dès le 1er
décembre prochain sur la base d'une grille indiciaire spécifique. Les
infirmiers anesthésistes seront ainsi distingués des infirmiers non
spécialisés.
De plus, dès le mois de septembre, un travail sera engagé sur l'évaluation des
besoins en personnel spécialisé afin de déterminer le nombre adéquat de places
dans les écoles de formation. Il est en effet important de préciser les besoins
en personnels spécialisés en anesthésie, la démographie de la profession ayant
un fort impact sur les conditions de travail.
Les travaux que je viens de vous décrire, et que le Gouvernement lancera
prochainement, permettront d'apporter, je l'espère, une réponse aux demandes
des infirmiers anesthésistes dans le cadre du protocole d'accord du 14 mars
2000 signé entre le Gouvernement et six organisations syndicales
représentatives des personnels hospitaliers.
ENSEIGNEMENT DES LANGUES ÉTRANGÈRES
M. le président.
La parole est à M. Legendre, auteur de la question n° 739, adressée à M. le
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
M. Jacques Legendre.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question
a été posée au lendemain de la tenue à Paris du salon Expolangues.
A cette occasion, les spécialistes de l'enseignement des langues ont constaté,
une fois de plus, la prédominance écrasante de l'enseignement de l'anglais dans
l'enseignement des langues vivantes en France. Cette prédominance a des effets
négatifs puisque des langues aussi importantes que l'allemand, l'italien, le
russe, le portugais ou l'arabe sont délaissées. Des enseignants spécialistes de
ces langues ne trouvent plus la possibilité de les enseigner.
Cette situation n'est pas nouvelle. Elle avait été dénoncée, il y a cinq ans
déjà, dans le rapport d'une mission d'information du Sénat que j'avais à
l'époque constituée. Ce rapport avait émis des conclusions, adoptées à
l'unanimité, qui insistaient sur la nécessité de maintenir une véritable
diversité de l'enseignement des langues étrangères en France.
Tout au contraire, le ministère de l'éducation nationale - je dirai les
ministres successifs de l'éducation nationale, qu'ils soient de droite ou de
gauche - arguant de la pression des familles, mais également pour des raisons
de facilités de gestion, a tenu à réduire l'offre réelle de langues en
définissant des seuils de fermeture et d'ouverture de classe de plus en plus
sévères.
Vous comprendrez donc, monsieur le ministre, que je tienne à poser de nouveau
la question de l'enseignement des langues étrangères en France. Je l'aurais
posée à M. Allègre, je la pose à son successeur et à vous-même, car il me
semble que cette question n'est pas une question secondaire.
En effet, à travers l'enseignement des langues, c'est la diversité culturelle
que nous défendons ou à laquelle nous portons tort, c'est la capacité de la
France et des Français de dialoguer avec des pays partenaires que nous
entretenons, sauf à nous en remettre au truchement d'une langue internationale,
l'anglais. Et ne nous étonnons pas, alors, si cela a également des conséquences
sur le statut international de la langue française !
Je serais donc très heureux, monsieur le ministre, de connaître les
orientations du nouveau ministre de l'éducation nationale sur ce point. Sachez
que nous aurons de nombreux rendez-vous, cette année, avec le problème de
l'enseignement des langues et que nous ne manquerons pas de poser et de reposer
la question.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Luc Mélenchon,
ministre délégué à l'enseignement professionnel.
Monsieur le sénateur,
nous connaissons votre intérêt soutenu pour ces questions et tout autant le
rapport auquel vous vous référez.
M. Jack Lang, malheureusement empêché, et qui vous présente ses regrets, m'a
chargé de vous donner connaissance de la réponse qu'il a préparée à votre
intention.
Monsieur le sénateur, comme vous, je constate une position de prédominance de
l'enseignement de l'anglais et, dans une moindre mesure, de l'espagnol au
collège et au lycée. Il ne s'agit pas pour autant d'une situation
d'hégémonie.
Actuellement, la prédominance de l'anglais n'est pas le produit d'une volonté
résolue du ministre de l'éducation nationale ; elle correspond, assez
logiquement à la fois au statut acquis par la langue anglaise dans les échanges
internationaux et, il faut bien en convenir, à la forte demande des parents
d'élèves.
Ainsi, pour la présente année scolaire 1999-2000, près de 5 400 000 élèves du
second degré, collèges, lycées et lycées professionnels, en France
métropolitaine et dans les DOM, ont bénéficié d'un enseignement de l'anglais en
langue vivante I, en langue vivante II, en langue vivante III ou encore en
enseignement renforcé.
Selon les mêmes critères, l'espagnol vient en effet en second choix, avec près
de 1 900 000 élèves qui l'étudient, principalement, d'ailleurs, en langue
vivante II.
Près de 1 100 000 élèves étudient l'allemand, dans une égale répartition entre
la langue vivante I et la langue vivante II. Ce ne sont pas des chiffres
dérisoires, vous en conviendrez.
La quatrième langue vivante la plus étudiée en France, l'italien, concerne 210
000 élèves, les autres langues, le russe et le portugais, étant respectivement
enseignées à 15 000 et 10 000 élèves, et la langue arabe à 6 000 élèves
seulement, malheureusement.
Pour réelles que soient les disparités en ce domaine, elles ne signifient pas,
pour autant, l'« écrasement », ni même la relégation, au sein de l'éducation
nationale de l'enseignement des autres langues.
Au demeurant, le Gouvernement est animé par une ferme volonté de développer
l'étude et la pratique des langues vivantes étrangères à tous les niveaux de
notre système d'enseignement.
Déjà, des mesures ont été prises pour améliorer le dispositif d'enseignement
des langues tant au collège qu'au lycée.
Il a été demandé à chaque recteur d'établir dans son académie, en fonction de
la spécificité de celle-ci, une carte des langues. Elle doit permettre de mieux
équilibrer l'offre de l'enseignement des langues étrangères autres que
l'anglais et l'espagnol. Cette disposition, qui rationalise et harmonise
l'offre de formation au niveau des bassins d'enseignement, introduit également
la garantie d'une meilleure continuité pour la poursuite au lycée de l'étude
des langues commencée au collège. La mise en oeuvre d'une carte académique des
langues ne peut que faciliter le choix, en classe de quatrième, de diverses
langues comme l'allemand, l'italien, le russe ou le portugais.
Cette disposition vise, en outre, à préserver une offre diversifiée dans le
cadre de la langue vivante III.
Je veux également mentionner les efforts actuellement entrepris dans
l'enseignement professionnel pour installer une diversification plus grande de
l'éventail des langues vivantes étrangères qui y sont présentes, non seulement
au titre de la langue vivante I mais encore au titre de la seconde langue.
De plus, l'information à destination des parents et des élèves sur l'offre
académique et sur l'utilité de chacune des langues proposées se verra renforcée
par un travail avec l'Office national d'information sur les enseignements et
les professions, contribuant ainsi à donner toute leur efficacité aux mesures
énoncées.
Parallèlement, j'entends poursuivre et développer singulièrement l'effort
entrepris pour l'enseignement des langues étrangères dans les écoles
maternelles et élémentaires du premier degré. Déjà très significative, la
progression du nombre d'élèves concernés se fera encore plus sensible dès la
rentrée prochaine.
En 1994-1995, 800 000 élèves du premier degré avaient suivi des cours de
langue en France métropolitaine et dans les DOM.
En 1998-1999, ce sont près de 2 millions d'élèves qui les ont suivies dans 36
500 écoles, soit 28,6 % des élèves du premier degré. Certes, là encore,
l'anglais prédomine dans toutes les académies, sauf dans deux : celle de
Strasbourg, où l'enseignement de l'allemand a été introduit dès 1972, et celle
de Nancy-Metz. Sur le plan national, la part de l'allemand est d'ailleurs en
légère augmentation.
L'espagnol reste plus étudié dans les académies de Toulouse et Bordeaux,
l'italien dans les académies de Corse, Grenoble et Nice, confirmant ainsi que
la proximité d'un pays étranger incite à choisir l'étude de la langue de ce
pays, surtout si elle se double d'une proximité culturelle.
La prochaine présidence française de l'Union européenne sera justement une
heureuse occasion d'engager une nouvelle phase d'échanges et de propositions
autour, notamment, de l'enseignement des langues européennes. Je souhaite, en
particulier, que nous puissions développer avec nos partenaires l'enseignement
des langues latines, qui sont pour nous des langues soeurs.
J'évoquerai d'ailleurs cette question, dès demain matin, avec mon homologue
portugais qui me fait l'honneur de me rendre visite. Le Portugal, vous le
savez, s'apprête, lui, à quitter la présidence européenne.
L'allemand, dont la situation, monsieur le sénateur, paraît vous préoccuper,
ne sera pas oublié pour autant. Je veillerai notamment à redonner un véritable
élan à la politique d'échanges linguistiques et culturels dans le cadre de
l'Office franco-allemand pour la jeunesse.
L'année 2001, déclarée « année européenne des langues », devra donc
logiquement nous conduire à l'enseignement de l'ensemble des langues et
cultures étrangères, dans leur diversité, au sein de notre système éducatif.
M. Jacques Legendre.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Legendre.
M. Jacques Legendre.
Monsieur le ministre, je veux tout d'abord saluer un progrès : M. Lang précise
que la prédominance de l'anglais est non pas de son fait, mais résulte de la
pression et de la volonté des familles. C'est un progrès par rapport aux propos
pour le moins imprudents de son prédécesseur, M. Allègre, qui nous expliquait
que l'anglais n'était pas une langue étrangère, ce qui risquait d'avoir des
effets fort démobilisateurs quant à la place respective du français et de
l'anglais dans ce pays et quant à l'enseignement des langues étrangères. Il
faut le dire et le reconnaître.
J'ai essayé d'être objectif, monsieur le ministre. Je crois que beaucoup de
ministres de l'éducation, dans le passé, tant de droite que de gauche, n'ont
pas été suffisamment attentifs à ce problème.
Vous avez, ensuite, fait le bilan de la situation. Bien sûr, fort
heureusement, on enseigne encore largement les langues en France et l'offre de
langues est variée. Il n'empêche que l'évolution n'est pas celle que nous
souhaitions quand nous remettions ce rapport au Sénat - adopté à l'unanimité,
je le répète - en 1994. Nous indiquions déjà qu'il y avait lieu de corriger des
choses.
Or, au lieu de s'améliorer, depuis la remise de ce rapport, les choses ont
continué à évoluer vers la concentration vers l'anglais première langue et
l'espagnol deuxième langue, avec des effets négatifs, par exemple, sur le
dialogue franco-allemand. La construction européenne, qui est largement
conduite par la France et par l'Allemagne, allons-nous la mener en dialoguant
entre nous en anglais ? On en arrive à cela, et vous le savez !
Je veux noter aussi la place tout à fait mineure faite aux langues de pays qui
vont entrer dans l'Union européenne et qui sont des pays importants, comme la
Pologne. Je suis l'élu d'une région où des centaines de milliers d'habitants
sont d'origine polonaise et où l'on n'enseigne pas le polonais. Est-ce bien
raisonnable ?
Vous avez relevé, monsieur le ministre, en le déplorant, le faible niveau de
l'enseignement de l'arabe en France.
Il faut se dire que, si l'arabe doit être enseigné, c'est dans l'école de la
République, et pas ailleurs ni par d'autres moyens ni l'arabe est une langue de
culture.
Le président Bouteflika déclarait récemment qu'il se préoccuperait de
l'enseignement du français en Algérie quand nous nous préoccuperions davantage
de l'enseignement de l'arabe en France ; j'aurais quelque difficulté à lui
donner tort. Il y a, de ce point de vue, une certaine part de réciprocité qui
est logique.
Je crois que le problème demeure, monsieur le ministre, et que nous devons
donc avoir sur ce problème difficile de l'enseignement des langues et de ses
implications un vrai débat national. Aussi, je souhaiterais que le ministre de
l'éducation accepte qu'un débat puisse se tenir, entre autres sur ce thème, au
Parlement.
J'ajoute que l'année 2000 et l'année 2001 seront marquées par des événements
qui justifient un tel débat.
En 2000, durant l'été, dans quelques semaines donc, se tiendra à Paris le
congrès international de l'association des professeurs de langue vivante. Ils
vont nous interpeller, et nous serons peut-être un peu mal placés pour nous
justifier, car il y a chez nous la théorie de l'apprentissage des langues et la
pratique de l'apprentissage des langues.
En 2001, le Conseil de l'Europe organise l'Année européenne des langues ; j'en
serai d'ailleurs le rapporteur. Quelle place le ministère français de
l'éducation nationale prendra-t-il dans ce débat qui concerne quelque quarante
pays ?
Voilà pourquoi, monsieur le ministre, je souhaite, en vous remerciant encore
de votre réponse, que le ministère de l'éducation nationale accepte qu'un débat
un peu approfondi ait lieu au Parlement sur une question qui est importante. En
effet, au travers de l'apprentissage des langues vivantes dans ce pays,
apparaît notre volonté de contribuer réellement à maintenir un monde et une
Europe qui soient marqués par la diversité culturelle, et donc par la diversité
linguistique.
M. Jean-Luc Mélenchon,
ministre délégué.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Luc Mélenchon,
ministre délégué.
Je crois, monsieur le sénateur, que l'on ne peut que
partager votre inquiétude et entendre l'alerte que vous sonnez à propos du
poids excessif de l'usage de l'anglais et du besoin de l'apprendre.
Nous le ferons avec modération : humanistes et universalistes sur toutes les
travées, nous avons en effet toujours plaisir à ouvrir nos esprits, notamment à
une langue aussi parlée que l'anglais. Cependant, vous avez raison de dire que
si cette ouverture devait se faire au prix d'une uniformisation des langues et
des cultures, ce serait tout à fait dramatique.
Je me permets d'attirer votre attention sur le fait que, dans ce domaine, la
France tient son rang. A cet égard, les chiffres que j'ai évoqués tout à
l'heure montrent le développement de l'enseignement des langues dans notre
pays. Il est juste qu'il en soit ainsi car, de par notre position et notre
rayonnement, nous sommes au carrefour de nombreuses civilisations et de
nombreuses langues.
Comme vous, monsieur le sénateur, le ministre de l'éducation nationale a
déploré que l'arabe ne soit pas davantage et mieux enseigné, d'autant qu'il
s'agit d'une langue de culture et de voisinage : les pays du nord de la
Méditerranée sont l'environnement géographique, culturel, spontané et
certainement le plus naturel de la France. En outre, plusieurs millions de nos
concitoyens français ont reçu cette langue en héritage. Il est donc juste que
la France en profite. Vous avez bien raison de dire que c'est à l'école
républicaine que l'arabe doit être enseigné.
La France tient sa place et la tiendra dans les débats à venir. D'une certaine
manière, ses actes sont en accord avec ses principes, même si nous devons
toujours vouloir faire mieux, et ne pas capituler devant l'uniformisation par
l'anglais.
Monsieur le sénateur, vous avez dit que vous comme la Haute Assemblée restiez
et resteriez très vigilants sur cette question. C'est nécessaire, me
semble-t-il.
CONSÉQUENCES DU DÉVELOPPEMENT
DU CRÉDIT À LA CONSOMMATION
M. le président.
La parole est à M. Dussaut, auteur de la question n° 795, adressée à Mme le
secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à
l'artisanat et à la consommation.
M. Bernard Dussaut.
J'ai souhaité interpeller Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes
entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation sur les dérives du
crédit à la consommation, car il me semble que, si l'on souhaite freiner, voire
stopper la spirale ascendante et continue du surendettement, il est
indispensable d'étudier sérieusement cette question.
Les quelques chiffres dont je dispose, et qui datent de la fin de l'année
1998, sont très alarmants et, malheureusement, la tendance ne s'est pas
inversée depuis.
De 1991 à 1998, on constate une augmentation des encours des crédits
renouvelables de 151 % et, à la fin de 1998, 28 % des Français de plus de
dix-huit ans détenaient un crédit à la consommation. Parallèlement, il
semblerait qu'il y ait eu, en 1999, 21 % de ménages surendettés de plus qu'en
1998 !
Nous ne pouvons pas laisser cette tendance se confirmer et, pour cela, il faut
agir de manière préventive.
On sait qu'il y a une corrélation directe entre l'augmentation du nombre de
crédits et l'augmentation massive de l'offre de ces crédits. Les sociétés de
crédit se sont multipliées et se trouvent donc au centre d'une véritable
bataille commerciale où tous les arguments sont bons pour attirer le client :
le discours publicitaire est séducteur et tend à faire croire au consommateur
que le crédit va augmenter son pouvoir d'achat ; l'accès au crédit est si
simple et si rapide que l'acte d'emprunt devient anodin ; enfin, la
pseudo-gratuité du crédit trompe le consommateur.
Les associations de consommateurs proposent un certain nombre de dispositions
qui semblent réellement à même de modifier le comportement des Français à
l'égard du crédit, plus particulièrement des plus fragiles d'entre eux.
En matière d'information, tout d'abord, une attention toute particulière doit
être portée au choix des informations et à leur lisibilité.
En matière de pratique commerciale, ensuite, la possibilité offerte aux
sociétés de crédit de démarcher crée une situation absolument aberrante qui
consiste à mettre le client en position de devoir refuser un crédit qu'on lui «
offre ».
Enfin, l'octroi de crédit devrait être soumis à une analyse de la capacité de
remboursement des emprunteurs.
La Cour de cassation a rendu un arrêt le 27 juin 1995 engageant la
responsabilité du Crédit foncier de France et de l'Union de crédit pour
l'octroi d'un prêt qu'ils avaient accordé à un ménage. Il apparaissait en effet
que, au jour de la souscription, les charges de remboursement étaient
excessives par rapport à la modicité de leurs ressources.
Le dernier point essentiel est le crédit permanent, qui est sans aucun doute
le plus pernicieux pour les personnes en situation économique difficile, car
elles l'utilisent dans des situations à risque. Il faut absolument que ce type
de crédit soit encadré plus strictement, car actuellement il est imposé de
manière presque systématique et son renouvellement annuel tacite est très
dangereux.
La législation sur le crédit a vingt ans. Elle est ancienne et inadaptée. Il
devient urgent de rétablir l'équilibre entre l'intérêt financier des
établissements de crédit et la santé économique des consommateurs.
Le Conseil national de la consommation a, je crois, pris en charge ce dossier
urgent. Monsieur le secrétaire d'Etat, avez-vous des précisions à nous
apporter, d'une part, sur les mesures envisagées afin que soient améliorées les
conditions d'octroi de crédit à la consommation et, d'autre part, sur un
éventuel calendrier législatif ?
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Huwart,
secrétaire d'Etat au commerce extérieur.
Monsieur le sénateur, Mme
Lebranchu, retenue à l'Assemblée nationale par l'examen d'une proposition de
loi tendant à protéger le patrimoine des artisans et des commerçants, m'a
demandé de vous livrer les éléments de réponse suivants.
Le Gouvernement est particulièrement attentif à la protection du consommateur
en matière de crédit. Il s'attache à garantir le respect des textes applicables
et à assurer l'adaptation de ceux-ci aux évolutions constatées dans le secteur.
Par ailleurs, il s'agit de prévenir les cas de surendettement, en particulier
ceux qui sont causés par une accumulation de crédits.
Dans cet esprit, j'ai donné mandat au Conseil national de la consommation
d'étudier l'amélioration des règles relatives à la publicité des crédits et au
fonctionnement des comptes permanents.
Le groupe de travail se réunit régulièrement depuis septembre 1999. Ces
travaux prennent en compte la nécessaire recherche de solutions ayant le mérite
d'accroître le niveau de protection des consommateurs, tout en procédant aux
nécessaires dialogues entre les consommateurs, la profession bancaire et les
établissements de crédit.
Cet objectif, aussi ambitieux que souhaitable, nécessite des travaux
importants qui ne sont pas encore achevés, et dont j'attends le résultat au
cours du second semestre de cette année.
Je souhaite, en effet, que les règles relatives au crédit soient pour les
consommateurs claires, informatives et suffisamment protectrices.
M. Bernard Dussaut.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Dussaut.
M. Bernard Dussaut.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse. Lorsque les
travaux du groupe de travail seront achevés, j'espère que leurs conclusions
permettront d'apporter une solution à ce problème.
PROBLÈMES FINANCIERS LIÉS AUX FRAIS
D'ENFOUISSEMENT DES LIGNES TÉLÉPHONIQUES
M. le président.
La parole est à M. Piras, auteur de la question n° 790, adressée à M. le
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Bernard Piras.
Monsieur le secrétaire d'Etat, par votre intermédiaire, je tiens à attirer
l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur
les problèmes financiers pour les communes, relatifs à l'enfouissement des
lignes téléphoniques.
En effet, en application de la circulaire interministérielle intitulée
NOR-INT/B/87/00 120 C du 28 avril 1987 précisant les critères de distinction
entre les dépenses d'investissement et de fonctionnement, il apparaît que ces
travaux d'enfouissement n'ont pas pour effet d'accroître la valeur ou la
consistance du patrimoine de la commune, notamment parce que les ouvrages
réalisés demeurent la propriété de France Télécom.
Selon l'article 54 de la loi de finances 1977 pour la récupération du fonds de
compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, le FCTVA, sont exclus de
l'assiette du fonds les travaux effectués pour le compte de tiers non éligibles
au FCTVA. France Télécom ne figure pas dans la liste des bénéficiaires de ce
fonds. Ces travaux ne peuvent donc donner lieu à récupération du FCTVA.
Cette situation, compte tenu du coût très élevé de ces travaux, conduit à une
augmentation notable des charges des communes, notamment des petites communes
rurales.
Sur ce sujet, suite à une question orale à laquelle il a été répondu en
novembre 1999, il a été indiqué que les règles applicables en cette matière
seront précisées à l'issue d'un examen détaillé, actuellement en cours, des
relations juridiques et financières dans lesquelles ces opérations sont
réalisées.
Etes-vous donc en mesure de me préciser à ce jour les règles applicables ?
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Huwart,
secrétaire d'Etat au commerce extérieur.
Monsieur le sénateur, M. Fabius
effectue en ce moment un déplacement en Pologne. Je vous transmets donc les
éléments qu'il m'a fait parvenir sur un sujet auquel je voudrais dire par
ailleurs qu'à titre personnel je suis intéressé.
L'intérêt porté par les collectivités locales à cette question, compte tenu
notamment du coût élevé de ces travaux, n'a pas été perdu de vue, bien au
contraire.
Cela étant, l'examen des conditions juridiques et financières dans lesquelles
les opérations d'enfouissement des réseaux de télécommunication sont réalisées
n'est pas encore achevé.
Toutefois, des premières propositions seront adressées aux différentes parties
intéressées cet été.
Dès que cet examen aura ainsi abouti, les règles applicables, en matière tant
de taxe sur la valeur ajoutée que de fonds de compensation pour la taxe sur la
valeur ajoutée, aux dépenses supportées au titre de ces travaux par les
communes feront l'objet d'un commentaire par l'administration dans les
meilleurs délais.
M. Bernard Piras.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Piras.
M. Bernard Piras.
Monsieur le secrétaire d'Etat, le maire que vous êtes est sensible à cette
question, je n'en doute point.
(M. le secrétaire d'Etat fait un signe
d'approbation.)
Aussi, je me permets de vous demander d'intervenir pour
accélérer la procédure afin qu'en l'an 2000 ce dossier soit bouclé et que les
maires puissent élaborer pour 2001 leur budget dans les meilleures
conditions.
M. François Huwart,
secrétaire d'Etat.
C'est ce je que ferai !
PROJET DE DÉLOCALISATION
DE L'IMPRIMERIE NATIONALE
M. le président.
La parole est à Mme Borvo, auteur de la question n° 721, adressée à M. le
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Mme Nicole Borvo.
Monsieur le secrétaire d'Etat, comme vous le savez, la direction de
l'Imprimerie nationale annonce son intention de délocaliser, autour de 2002,
son établissement de Paris situé dans le XVe arrondissement, l'une des
dernières grandes entreprises de production de la capitale et qui emploie
aujourd'hui quelque 850 personnes. Des critères de rentabilité financière
président ce projet de délocalisation.
Or, je me permets d'insister sur ce point, monsieur le secrétaire d'Etat,
l'Imprimerie nationale est toujours propriété à 100 % de l'Etat, qui en est
l'unique actionnaire, et accomplit toujours les missions de service public avec
ses sujétions et ses contraintes. Il semble donc logique que, dans le cadre de
ses missions, soient recherchés sa modernisation et son nécessaire
développement et que, au lieu de la rentabilité financière, on fasse prévaloir
le critère de la rentabilité sociale.
Le maintien et le développement de l'emploi stable constituent des conditions
essentielles de l'avenir de l'Imprimerie nationale. Cette perspective est
d'autant plus réaliste qu'une lecture approfondie du bilan de 1998 montre que
si la productivité de l'Imprimerie nationale doit être améliorée - et elle l'a
déjà beaucoup été - la situation de l'entreprise reste saine, sinon la plus
saine de la profession.
Outre l'Etat, la région et la ville pourraient contribuer à des solutions. Mes
amis communistes du conseil de Paris qui ont interpellé la mairie à ce sujet
ont été forcés de constater que celle-ci ne fait aucune proposition pour
maintenir l'emploi industriel sur Paris et se contente de se décharger de toute
responsabilité. Elle contribue d'ailleurs à une politique qui, depuis des
années, a pour résultat de faire décroître le nombre d'emplois de production au
profit d'une croissance démesurée des bureaux.
Enfin, permettez-moi d'évoquer les menaces qui pèsent sur l'atelier de
composition et d'impression d'art de l'entreprise, dont les domaines
d'intervention sont d'une grande diversité et qui constitue un ensemble unique
en France, en Europe et peut-être au monde.
Ces menaces ont déjà suscité un grand émoi. De nombreuses personnalités, dont
mon ami Robert Hue et votre collègue M. Jack Lang, exigent que ce patrimoine de
l'Etat, qui pourrait être celui de l'humanité, ne soit pas sacrifié sur l'autel
de la rentabilité financière.
Ma question, vous l'aurez compris, est la suivante : que compte faire l'Etat
pour maintenir le site et les emplois de l'Imprimerie nationale à Paris et pour
sauvegarder l'atelier d'art de l'entreprise ?
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Huwart,
secrétaire d'Etat au commerce extérieur.
En l'absence de M. Fabius,
permettez-moi, madame la sénatrice, de vous donner les éléments de réponse
qu'il m'a demandé de vous adresser.
Depuis son changement de statut le 1er janvier 1994, l'Imprimerie nationale
est soumise aux règles de la concurrence et n'a conservé de monopole que sur
moins de 5 % de son chiffre d'affaires.
Pour répondre au défi commercial auquel elle est ainsi confrontée,
l'Imprimerie nationale doit améliorer l'organisation et le fonctionnement de
son outil de production ; or l'usine de Paris, construite pour les techniques
du début du siècle, est aujourd'hui le principal foyer de perte de
l'entreprise.
Dans ces conditions, la direction de l'Imprimerie nationale a proposé
d'engager, à l'occasion de l'élaboration du plan stratégique de l'entreprise,
une réflexion sur un éventuel déménagement de l'usine de Paris vers un site
plus adapté aux conditions modernes de production. Cette réflexion a été
préparée en étroite concertation avec les représentants du personnel et les
organisations syndicales. Le 21 avril dernier, elle a été avalisée dans son
principe, avec l'ensemble du plan stratégique, à l'unanimité des membres du
conseil d'administration de l'Imprimerie nationale.
Un éventuel déménagement de l'usine de Paris n'aurait pas d'impact négatif sur
l'emploi à l'Imprimerie nationale. Dans le cadre du plan stratégique, il
devrait même contribuer à l'amélioration des perspectives de l'entreprise, en
lui donnant notamment de nouvelles ressources pour investir.
En sa qualité d'actionnaire unique, l'Etat examinera bien évidemment avec
attention les propositions finales de la direction de l'entreprise, en ce qui
concerne tant les conditions proposées au personnel que le maintien d'une
activité économique porteuse d'emplois sur le site de Paris.
Mme Nicole Borvo.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Monsieur le secrétaire d'Etat, cette réponse ne me satisfait pas, vous pourrez
en faire part à M. le ministre de l'économie et de l'industrie. En effet, se
séparer d'une partie de son patrimoine pour réaliser une opération immobilière,
comme l'envisage la direction de l'Imprimerie nationale, qui fonctionne
désormais selon des critères privés, peut être une politique à courte vue.
De plus, les arguments techniques souvent énoncés concernant le site de Paris
me semblent contestables.
En ce qui concerne l'emploi, par ailleurs, l'expérience nous a malheureusement
montré que toute opération de délocalisation se traduisait par des pertes
d'emplois.
L'Etat devrait permettre à l'Imprimerie nationale d'emprunter afin d'assurer
une véritable politique d'investissement. Cette stratégie, le reste de la
profession l'applique, puisque les problèmes ne sont pas spécifiques à
l'Imprimerie nationale.
Dans ce contexte, l'Imprimerie nationale dispose d'atouts car, quoi qu'en
disent certains, malgré la faible rentabilité des capitaux sur les métiers
d'impression traditionnels, cette imprimerie s'est maintenue en imprimerie
généraliste du fait de la spécificité de sa clientèle publique. La part du
secteur public pourrait d'ailleurs être sensiblement augmentée, notamment celle
des ministères. Le ministère des finances lui-même, qui est l'unique
actionnaire de l'entreprise, confie actuellement nombre de ses travaux à des
imprimeries concurrentes de la sienne, cela me semble contestable.
L'Imprimerie nationale constitue un atout industriel et culturel pour Paris.
L'idée de vendre ce site magnifique pour en faire peut-être, comme cela a été
évoqué, un entrepôt pour grands magasins m'est insupportable.
Cela amplifierait encore les nuisances pour les habitants du quartier. Ne
devrait-on pas, au contraire, réfléchir à la manière de préserver ce site et de
l'ouvrir vers l'extérieur en y intégrant ce qui pourrait être le conservatoire
vivant de l'imprimerie qui manque cruellement à la capitale, sous une forme
plus prestigieuse et permettant une plus grande fréquentation par le public
?
J'ai bien conscience, monsieur le secrétaire d'Etat, que le problème dépasse
sans doute les seules compétences du ministère de l'économie, des finances et
de l'industrie, mais, tant du point de vue de l'emploi industriel à Paris que
du point de vue du patrimoine, cette quetion devrait être mieux considérée par
les pouvoirs publics.
CONDITIONS D'ACCOMPAGNEMENT
DE L'ARRE^T DE SUPERPHÉNIX
M. le président.
La parole est à M. Jean Boyer, auteur de la question n° 803, adressée à M. le
secrétaire d'Etat à l'industrie.
M. Jean Boyer.
Ma question s'adresse à M. Pierret et je vous remercie, monsieur le secrétaire
d'Etat, en son absence, d'être à mon écoute.
Ma question porte une nouvelle fois sur les mesures d'accompagnement
économique de l'arrêt de la centrale de Superphénix.
M. Charles Descours.
L'absence !
M. Jean Boyer.
Après mes questions dans cet hémicycle le 13 novembre 1997 et le 15 décembre
1998 et mes diverses interventions en commission et au ministère, le
Gouvernement ne nous a pas dit toute la vérité, loin de là : les engagements du
Gouvernement n'ont été que verbaux.
M. Strauss-Kahn ne déclarait-il pas, en novembre 1997 : « Des efforts sont à
fournir en matière de réindustrialisation » ?
Quant à M. Pierret, ne disait-il pas en décembre 1998 : « Cette région... doit
être redynamisée à la suite de la décision que nous avons prise. » ?
Or, deux ans après ces annonces, rien n'est encore visible sur le terrain.
Permettez-moi, monsieur le secrétaire d'Etat, de rappeler les faits, rien que
les faits, dans toute leur gravité.
Premièrement, la cellule de reclassement vient de fermer. Nous le déplorons
bien qu'elle n'ait pas brillé par son utilité car elle n'a pas offert de
véritable accompagnement à la recherche d'un nouvel emploi pour les
intéressés.
Deuxièmement, au titre de l'objectif 2, le canton de Morestel ne recevra ni la
prime à l'aménagement du territoire industrielle, ni la PAT tertiaire. La
conséquence a été immédiate : lorsqu'une grande entreprise américaine a cherché
à installer un pôle pour toute l'Europe, elle a renoncé au canton de Morestel
dès qu'elle a su qu'il n'était pas éligible à cette prime. Nous avons ainsi
perdu 800 emplois et, aujourd'hui, deux ans après la fermeture de Superphénix,
Morestel et sa région n'ont aucune aide spécifique à annoncer à des
correspondants qui souhaitent s'installer.
Troisièmement, les communes ont engagé des actions en justice afin de ne pas
rembourser les emprunts qu'elles avaient souscrits pour financer des chantiers
générés par Superphénix. Nous attendons que le Gouvernement fasse un geste et
annonce solennellement qu'il décharge ces communes de leurs prêts.
Quatrièmement, dès juin 1999, un dossier très complet a été préparé pour
bénéficier des aides attribuées dans le cadre des opérations de restructuration
de l'artisanat et du commerce, les ORAC, et les collectivités locales se sont
immédiatement engagées financièrement. Or, fin avril, la commission
d'instruction n'a pas abordé ce dossier. Face à l'urgence, ne serait-il pas
opportun de l'inscrire comme dossier prioritaire lors de la prochaine réunion ?
Le Gouvernement décide de fermer Superphénix pour des raisons politiques,
strictement politiques. Assumez-en au moins les conséquences économiques et
sociales en donnant son vrai sens au mot solidarité !
Respectez vos promesses et prenez des décisions concrètes qui seront utiles au
redémarrage économique de la région tout en permettant à la France de garder
ses compétences. De nombreux techniciens et ingénieurs de Superphénix sont en
effet débauchés par les entreprises étrangères, comme l'atteste la récente
venue d'une délégation japonaise à Morestel, venue dont la presse s'est fait un
vibrant écho.
M. Charles Descours.
Très bien ! Cette affaire est scandaleuse !
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Huwart,
secrétaire d'Etat au commerce extérieur.
Monsieur le sénateur, M. Pierret
étant à Bruxelles, où il assiste au conseil Energie, il m'a prié de vous
transmettre les éléments de réponse suivants.
Le Premier ministre a annoncé le 19 juin 1997, que Superphénix serait
abandonné pour des raisons économiques.
M. Charles Descours.
Politiques !
M. François Huwart,
secrétaire d'Etat.
Afin de soutenir le développement d'activités et
d'emplois, le Gouvernement a décidé, dès le 2 février 1998, de mettre en place
un ensemble de mesures d'accompagnement économiques et sociales bâti sur un
horizon d'au moins cinq années.
Ce programme d'accompagnement, opérationnel depuis mars 1998, est conduit sous
l'autorité du préfet de l'Isère. Il bénéficie de l'assistance d'une mission de
médiation, de suivi et d'évaluation des résultats, menée par M. Jean-Pierre
Aubert, qui a été chargé d'étudier les questions de reconversion par le Premier
ministre.
Des dispositions sont prises en faveur des prestataires extérieurs de la
centrale Superphénix pour faciliter leur diversification et leur recherche de
nouveaux marchés. Un « relais-emplois », véritable cellule de reclassement, a
ainsi été mis en place pour les personnels prestataires. Depuis sa création,
105 personnes s'y sont inscrites, 72 ont fait l'objet d'un suivi personnalisé
et 51 ont été reclassées. Ce relais a été fermé en mars dernier, mais les
quelques personnes qui restaient encore inscrites ont pu être prises en charge
par l'ANPE locale.
La mobilité et le reclassement des agents d'EDF au sein de l'entreprise sont,
pour leur part, traités par les dispositions prévues en cas de réforme de
structure. EDF a d'ores et déjà réduit de 230 le nombre de ses agents sur le
site.
Le bassin d'emploi de Creys-Malville bénéficie, de plus, d'un fonds de
développement de 10 millions de francs par an durant cinq ans abondé de 50 %
par EDF, ce qui porte sa capacité d'intervention à 15 millions de francs au
total par an. Ce fonds permet de subventionner la création d'emplois et
d'entreprises : quatre-vingts-dix projets ont pu ainsi être aidés depuis juin
1998 pour un montant de 37 millions de francs. Ils ont permis d'assurer le
maintien de 196 emplois dans le canton de Morestel et devraient permettre la
création d'environ 680 emplois d'ici à trois ans.
D'autres mesures ont pu utilement compléter le programme d'accompagnement
économique.
Une opération de restructuration du commerce et de l'artisanat devrait enfin
être engagée. Un soutien de l'Etat doit intervenir prochainement : des crédits
FISAC sont prévus à hauteur de 120 kF. Enfin, la plate-forme Nord-Isère
Initiative, chargée de la création d'entreprises, a vu ses moyens renforcés : à
cet effet, la plate-forme a reçu des crédits de la région - 400 kF - et de
l'Etat et d'EDF - 500 kF - pour mener à bien sa mission dans le contexte de la
fermeture de Superphénix.
Dans la mesure où les recettes fiscales attendues de l'exploitation de
Superphénix ne seront plus disponibles, les pouvoirs publics ont demandé que
les remboursements des dettes contractées par les collectivités au titre des
avances de la Caisse nationale de l'énergie - 32 millions de francs - et des
prêts « grands chantiers » de la Caisse des dépôts et consignations - 21
millions de francs - soient annulés. La procédure d'annulation a été engagée
pour l'ensemble de ces dossiers à la fin de l'année 1999 et doit être
prochainement finalisée.
Voilà, de façon détaillée, les mesures qui ont été mises en oeuvre par le
Gouvernement, conformément aux engagements pris en 1998.
M. Charles Descours.
Que le ministre ne vienne pas le dire à Morestel ! Il serait bien reçu !
M. Jean Boyer.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer.
Monsieur le secrétaire d'Etat, la situation que vous venez de nous présenter
est absolument euphorique par rapport à la réalité !
M. Charles Descours.
Ah oui !
M. Jean Boyer.
Je prends à témoin mon collègue Charles Descours, qui connaît le problème
aussi bien que moi : tout ce que vous avez dit reste dans le cadre des
promesses. Or, aujourd'hui, les travailleurs de la région de Morestel
n'entendent pas rester les bras ballants.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je ne me réjouis pas du tout que le
Gouvernement ait perdu dans cette affaire une grande partie de sa crédibilité.
J'ai passé l'âge des formules depuis longtemps.
J'ai pris bonne note des nouveaux engagements que vous venez de nous annoncer,
qui seront naturellement publiés par la presse. Par ailleurs, les maires et les
quatre sénateurs de l'Isère se réuniront en temps voulu.
J'affirme enfin que, tant que cette situation stagnera, je reviendrai
inlassablement à la charge afin que les promesses soient honnêtement tenues.
M. Charles Descours.
Très bien !
M. le président.
Mes chers collègues, en attendant l'arrivé de M. le secrétaire d'Etat à
l'outre-mer, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures quinze, est reprise à onze heures
vingt.)
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons les réponses à des questions orales sans débat.
DÉSIGNATION DES DÉLÉGUÉS
POUR LES ÉLECTIONS SÉNATORIALES
M. le président.
La parole est à M. Descours, auteur de la question n° 806, adressée à M. le
ministre de l'intérieur.
M. Charles Descours.
Ma question s'adresse au ministre de l'intérieur, mais je suis ravi que M. le
secrétaire d'Etat à l'outre-mer me réponde, car il est certainement tout à fait
compétent sur cette question.
Je voulais attirer l'attention de M. Chevènement sur les graves irrégularités
qu'entraînerait la mise en oeuvre du nouveau processus électoral actuellement
envisagé pour les élections sénatoriales.
En effet, le Gouvernement a élaboré un projet de loi, qui est en cours
d'examen au Parlement, visant à modifier le nombre de grands électeurs appelés
à élire les sénateurs, en en désignant un pour trois cents proportionnellement
à la population de chaque commune, sur la base du recensement de 1999.
Or, à la suite du vote du Sénat - je ne l'ignore pas - le nombre global des
sénateurs ne sera pas augmenté. Dans ces conditions, s'il n'est pas modifié, il
resterait tel qu'il est aujourd'hui, c'est-à-dire fondé sur le recensement de
1982.
Je pose donc trois questions à M. le ministre de l'intérieur.
D'abord, le décret convoquant les grands électeurs pour l'élection des
sénateurs peut-il se fonder, pour la même consultation électorale, sur deux
recensements effectués à dix-sept ans d'intervalle, alors que la logique de
désignation des grands électeurs et des sénateurs repose sur un principe de
proportionnalité avec la population ?
Ensuite, et dans l'affirmative, comment sont représentés les 8 millions de
Français supplémentaires apparus entre ces deux recensements ?
Enfin, lui paraît-il logique et constitutionnel que, dans ces conditions,
certains sénateurs représentent beaucoup moins de 100 000 Français et d'autres
beaucoup plus de 250 000, soit 2,5 fois plus ?
Je souhaite avoir une réponse constitutionnelle sur ces différents points.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer.
Monsieur le sénateur, vous avez fait
référence au projet de loi relatif à l'élection des sénateurs, actuellement
débattu par le Parlement, qui vise à améliorer la représentativité du Sénat, en
modifiant la composition du collège électoral qui est appelé à le désigner. Il
combine deux principes.
Le premier est le principe constitutionnel d'égalité du suffrage ou de
proportionnalité avec la population, comme vous l'avez exprimé, qui impose que
les deux chambres du Parlement soient élues sur des bases essentiellement
démographiques.
Le second est le principe de la mission de représentation des collectivités
territoriales propre au Sénat.
Les résultats définitifs du recensement général de la population n'étant pas
connus au moment de l'élaboration de ce projet de loi, celui-ci ne comportait
donc aucune disposition relative à une révision de l'effectif des sénateurs et
de leur répartition entre les départements. L'exposé des motifs annonçait
toutefois l'intention du Gouvernement de présenter, dès la publication des
résultats du recensement, un projet de loi fixant les conséquences des
évolutions démographiques constatées.
Aussi, afin de tenir compte des résultats du dernier recensement authentifiés
par le décret du 29 novembre 1999, et pour mettre fin aux inégalités de
représentation que vous venez de souligner, monsieur le sénateur, le
Gouvernement a déposé sur le bureau du Sénat, le 23 février dernier, deux
projets de loi : un projet de loi organique modifiant le nombre de sénateurs et
un projet de loi modifiant la répartition des sièges de sénateurs entre les
départements, conformément aux modes de calcul retenus depuis le début de la
IVe République.
Mais, vous le savez, le Gouvernement n'a pas trouvé grâce aux yeux du Sénat
puisque, le 16 mars dernier, la Haute Assemblée a repoussé, par une question
préalable, le projet de loi organique tendant à créer dix-huit sièges de
sénateurs supplémentaires en application de critères que le Sénat avait
pourtant lui-même préconisés et mis en oeuvre dans une proposition de loi
devenue la loi du 16 juillet 1976.
En qualité de secrétaire d'Etat à l'outre-mer, je le regrette d'autant plus
que ce texte aurait permis de prendre en compte l'évolution des populations
outre-mer, et notamment de créer des sièges de sénateurs supplémentaires en
Nouvelle-Calédonie, en Polynésie, à la Réunion, en Guadeloupe et en Guyane.
Le Gouvernement n'a donc pu que retirer de l'ordre du jour le projet de loi
ordinaire qui n'était que la conséquence du projet de loi organique que le
Sénat avait refusé d'examiner. Les élections sénatoriales prendront donc en
compte les répartitions telles qu'elles existent, le Sénat lui-même n'ayant pas
voulu les modifier.
Le Gouvernement reste toutefois parfaitement conscient des inégalités
démographiques qui subsistent après l'échec de la réforme proposée. Il reste,
en la matière, attentif à toute contre-proposition qui pourrait émaner de votre
assemblée car, comme vous l'avez dit, monsieur le sénateur, ce sont 8 millions
de Français supplémentaires qui ne seront pas représentés de façon équitable,
puisque l'évolution de la population française depuis le recensement de 1982
n'a pas été prise en compte. En conséquence, le Gouvernement est d'accord avec
vous, le Sénat ne reflétera pas cette évolution, en particulier pour les
départements les plus urbanisés et les départements d'outre-mer.
S'agissant du projet de loi organique, nous ne pouvons aller à l'encontre de
la volonté du Sénat, bien qu'il soit dommage, je constate que c'est votre avis
aussi, que ne soit pas prise en compte une évolution purement arithmétique
révélée par les résultats du dernier recensement. Le décret, qui n'est que
l'application des lois votées par le Parlement, ne pourra donc se fonder que
sur la loi existante.
M. Charles Descours.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours.
Monsieur le secrétaire d'Etat, tout comme vous, je crois qu'il est bon,
effectivement, que les élections des sénateurs soient fondées sur des principes
d'égalité et de proportionnalité, vous l'avez rappelé dans votre
intervention.
Je suis d'accord avec vous pour dire aussi que le projet de loi organique
dépend de la volonté du Sénat et que le Sénat l'a repoussé.
En revanche, la répartition entre les départements dépend d'un projet de loi
ordinaire, c'est-à-dire que, même si le Sénat ne modifie pas le nombre total de
sièges, il est tout à fait possible de répartir différemment, entre les
départements, le nombre de sénateurs tel qu'il est aujourd'hui fixé. Le
Gouvernement peut donc très bien demander à sa majorité de voter un projet de
loi ordinaire. Le Sénat verra, à ce moment-là, comment il entend le voter.
Si tel n'est pas le cas, je suis obligé de constater que nous serons amenés,
je l'espère, à demander l'avis du Conseil constitutionnel.
Nous ne voyons pas en effet comment, dans le même décret, on peut faire
référence à deux recensements qui sont espacés de dix-sept ans, l'un en ce qui
concerne les grands électeurs, datant de 1999 - un pour trois cents - l'autre à
partir duquel a été déterminé le nombre de sénateurs par département, datant de
1982.
Je crois donc que, si le Gouvernement ne veut pas déposer de projet de loi
ordinaire sur la répartition différente entre les départements, nous essaierons
de réunir soixante de nos collègues pour demander l'avis du Conseil
constitutionnel.
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le sénateur, avouez qu'il est quand même
difficile pour le Gouvernement de déposer un nouveau projet de loi portant sur
la répartition des sièges dans le nombre qui est aujourd'hui fixé. Cela
conduirait à prendre en compte les évolutions, positives et négatives, et donc,
dans des départements, à supprimer des sièges, certains départements pouvant
ainsi perdre un sénateur et, s'ils en ont deux, n'en avoir plus qu'un seul !
C'est pourquoi, sur ces questions délicates de répartition, le Gouvernement
avait souhaité que le Sénat fasse des propositions. Avant de demander l'avis du
Conseil constitutionnel, la voie des propositions de loi est toujours
ouverte.
Le Gouvernement ayant présenté un projet qui n'a pas été retenu, c'est
maintenant aux sénateurs à déposer une proposition de loi, en tout cas à donner
leur avis sur cette répartition au lieu de dire que c'est le Conseil
constitutionnel qui doit trancher.
Je ne peux que confirmer le fait que le décret qui sera pris au moment de la
convocation le sera en fonction de la loi en vigueur qui aura alors été votée
par le Parlement.
M. Charles Descours.
Je demande la parole.
M. le président.
Je fais une entorse à notre règlement en vous donnant de nouveau la parole,
mon cher collègue.
M. Charles Descours.
Merci, monsieur le président.
Je pense que le décret qui convoquera les électeurs pour les élections
sénatoriales sera pris en Conseil d'Etat, et je ne suis pas sûr que ce dernier
accepte cette distorsion.
ÉTENDUE DE LA COMPÉTENCE
« ENSEIGNEMENT SCOLAIRE »
DES STRUCTURES INTERCOMMUNALES
M. le président.
La parole est à M. Marc, auteur de la question n° 808, adressée à M. le
ministre de l'intérieur.
M. François Marc.
La loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de
la coopération intercommunale prévoit dans son article 17, en un nouvel article
L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales, que les
établissements publics de coopération intercommunale peuvent choisir, au titre
de la compétence optionnelle, la prise en charge de la construction,
l'entretien et le fonctionnement de l'enseignement préélémentaire et
élémentaire.
Il est à noter que la rédaction de cet article correspond peu ou prou à celle
des lois de décentralisation déterminant la compétence communale en la matière.
Par ailleurs, l'article 11 de la loi Gobelet du 30 octobre 1886 prévoit qu'une
école publique doit être créée dans chaque commune. Pourriez-vous dès lors
m'indiquer dans quelles conditions la loi Gobelet trouve-t-elle à s'appliquer
dans le cadre de la prise en charge de la compétence scolaire par une structure
intercommunale ?
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer.
Vous avez rappelé, monsieur le sénateur,
une vieille loi républicaine toujours en vigueur, la loi Gobelet du 30 octobre
1886 sur l'organisation de l'enseignement primaire, qui dispose que les
communes sont compétentes pour l'enseignement public du premier degré. Cette
loi précise que « toute commune doit être pourvue au moins d'une école publique
». Elle prévoit également que deux ou plusieurs communes peuvent se réunir pour
l'établissement et l'entretien d'une école.
Les lois de décentralisation ont confirmé la compétence des communes en
prévoyant qu'elles ont la charge des écoles, c'est-à-dire de leur construction,
de leur équipement et de leur fonctionnement, l'Etat ayant, lui, la
responsabilité du personnel enseignant.
Pour qu'il y ait une école dans chaque commune, comme la loi de 1886 l'impose,
encore faut-il que le nombre d'enfants scolarisables soit suffisant. Or, depuis
1886, la répartition de la population française a évolué.
Au début du siècle, 80 % de cette population vivait dans le monde rural, dans
les petites villes. Aujourd'hui, la proportion s'est inversée. C'est ainsi que
80 % de cette population habite dans les agglomérations. Ce phénomène a conduit
à adapter le service public de l'enseignement et son organisation à ces
nouveaux enjeux.
Les regroupements pédagogiques ont constitué une première réponse à cette
double nécessité d'adaptation. Les établissements publics de coopération
intercommunale peuvent en être l'outil opérationnel. C'est pourquoi la loi du 6
février 1992 relative à l'administration territoriale de la République a inclus
la construction, l'entretien et le fonctionnement des écoles parmi les
compétences que les communes peuvent choisir de transférer aux communautés de
communes, qui sont des organismes de coopération ayant pour objet le
développement solidaire du territoire.
Lorsque cette compétence leur a été transférée, les communautés de communes
assument la charge des écoles dans le respect des orientations de la carte
scolaire. Elles se substituent aux communes. Les communautés de communes n'ont
par ailleurs, pas plus que les communes, la capacité de décider seules de
supprimer des écoles, d'en créer de nouvelles, ou d'en modifier l'implantation.
Les propositions qu'elles peuvent faire à cet égard, au lieu et place des
communes auxquelles elles sont substituées, requièrent toujours l'avis du
représentant de l'Etat.
Il n'y a donc pas de contradiction entre l'obligation, imposée par la loi de
1886, d'avoir une école dans chaque commune et le transfert de cette compétence
à une structure intercommunale si la commune n'est pas en mesure d'assumer
seule cette charge ou si le service public de l'enseignement exige que des
écoles soient regroupées.
M. François Marc.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Marc.
M. François Marc.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, des précisions que vous venez
de m'apporter.
Il est vrai que les évolutions démographiques que l'on a pu constater ont
engendré une modification du nombre des élèves, dans les secteurs ruraux
notamment.
Il appartient, bien sûr, à l'Etat de garantir aux familles la possibilité de
scolariser leurs enfants le plus près possible de leur domicile et, comme vous
le savez, le maintien du service public en milieu rural est une préoccupation
fondamentale pour nombre d'entre nous.
Certes, la loi est la loi, et l'intercommunalité, qui prend à son compte la
responsabilité et l'obligation faite aux communes membres, assume la charge des
écoles. J'ai bien compris, monsieur le secrétaire d'Etat, que les regroupements
pédagogiques peuvent constituer, sous l'égide de l'intercommunalité, une
solution satisfaisante. Ils ont été mis en oeuvre dans un certain nombre de
secteurs avec bonheur. Il est donc possible, lorsque des problèmes se posent,
d'en chercher la solution dans de tels regroupements.
REPORT DES ÉPREUVES DES CONCOURS
D'ADJOINTS ADMINISTRATIFS DES PRÉFECTURES
M. le président.
La parole est à M. Joly, auteur de la question n° 813, adressée à M. le
ministre de l'intérieur.
M. Bernard Joly.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
4 mai dernier, le
Journal officiel
publiait un arrêté ministériel du 27
avril qui ouvrait un concours de recrutement de secrétaires et d'adjoints des
préfectures et en fixait les épreuves le 30 juin prochain.
Or les concours internes sont, pour l'immense majorité des personnels de
catégorie C et B, non seulement un moyen de promotion, mais aussi une occasion,
compte tenu des préparations organisées à cette fin, dans les départements
dotés de postes en 2000, de parfaire leur formation théorique et en particulier
juridique. Or le programme des seules parties II, III et V de l'épreuve numéro
2 du concours de secrétaire administratif s'effectue en première et deuxième
année de droit et comporte 220 heures d'enseignement.
Comment peut-on raisonnablement envisager que les candidats puissent recevoir
une formation valable en un laps de temps aussi court ? Ces cours accélérés se
mettent en place dans la hâte, font appel à des professeurs déjà engagés et
désorganisent les services.
Alors qu'un courrier récent de la direction générale de l'administration du
ministère de l'intérieur recommandait aux préfets d'apporter un soin
particulier à la qualité des relations développées avec leurs partenaires
sociaux, la demande de report du concours à l'automne émanant d'organisations
syndicales représentatives des personnels du cadre national des préfectures a
été rejetée.
Ma question est double, monsieur le secrétaire d'Etat : peut-on remettre ce
concours à l'automne, comme certaines préfectures l'ont fait, et, à l'avenir,
l'ouverture des recrutements pourra-t-elle être connue pour chaque région en
début d'année, en février par exemple, les crédits correspondants étant
rapidement débloqués ?
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer.
Monsieur le sénateur, comme vous l'avez
noté, les concours internes d'adjoint administratif et de secrétaire
administratif de préfecture n'ont pas été organisés en 1999 en raison du faible
nombre d'emplois disponibles. Ceux-ci ont été pourvus grâce aux listes
complémentaires établies à l'issue des concours organisés en 1998.
Afin d'utiliser les vacances budgétaires disponibles à compter du 1er janvier
2000 et de répondre au plus vite aux besoins des préfectures, il est apparu
souhaitable à l'administration du ministère de l'intérieur d'avancer les
calendriers habituels des épreuves écrites du second semestre de l'automne à la
fin du premier semestre de l'année, mais de maintenir les épreuves orales en
septembre afin que les candidats disposent d'un délai suffisant pour s'y
préparer.
Les préparations au concours, qui sont ouvertes aux agents du cadre national
des préfectures, s'inscrivent dans un dispositif de longue durée qui peut
s'étaler au moins sur deux années consécutives. Les agents concernés
bénéficient ainsi de préparations par correspondance spécialement adaptées d'au
moins huit mois, préparations dispensées par le Centre national d'enseignement
à distance, le CNED. Les agents qui ne disposent pas des « prérequis »
théoriques nécessaires dans les disciplines juridiques peuvent également suivre
une « pré-préparation » de remise à niveau.
En outre, les services de promotion professionnelle des préfectures organisent
et financent des formations locales qui permettent l'entraînement aux épreuves
du concours dans les conditions de l'examen tout en intégrant des enseignements
théoriques complémentaires.
En 1999, 582 agents de catégorie C se sont inscrits à la préparation du
concours interne de secrétaire administratif et 129, à la préparation au
concours interne d'adjoint administratif.
Les conditions de préparation et d'organisation de ces concours devraient
répondre, monsieur le sénateur, à vos préoccupations.
Les épreuves écrites se déroulant pendant la période qui précède des vacances,
les épreuves orales ayant lieu au mois de septembre, les candidats qui
s'étaient déjà préparés pour 1999, mais qui n'ont pu passer le concours dans la
mesure où, cette année-là les épreuves n'ont pas été organisées en raison du
faible nombre de postes disponibles et de l'existence de listes d'aptitude,
seront ainsi à même d'affronter les nouvelles épreuves dans les meilleures
conditions.
M. Bernard Joly.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly.
Quelque sympathie que j'aie pour vous, monsieur le secrétaire d'Etat, quelque
conviction que j'aie de votre grande compétence, je dois rappeler que ma
question s'adressait à M. le ministre de l'intérieur ou, à défaut, à M. le
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. J'espère donc que
vous leur ferez part de mes propos.
Ce que j'ai suggéré n'est rien de moins qu'une bonne oeuvre républicaine et
sociale, qui permettrait en outre d'améliorer le niveau des connaissances des
personnels de préfecture.
En 1997 et 1998, les épreuves des concours se sont déroulées en octobre et en
novembre. Pourquoi donc n'en serait-il pas de même cette année ?
Le délai laissé aux personnels de préfecture pour se préparer aux concours est
trop court : moins de six semaines. Il convient donc d'organiser une
préparation accélérée.
Ces concours constituent, bien sûr, des moyens de promotion interne. Mais ils
sont aussi l'occasion de parfaire une formation théorique, en particulier
juridique. D'ailleurs, vu le nombre des personnels de catégorie C, il serait
certainement nécessaire de généraliser cette formation juridique à l'ensemble
de ceux-ci.
L'immense majorité des candidats aux concours internes demandent de consacrer
une partie de leurs congés annuels à la préparation de ces concours, de manière
à ne pas perturber l'organisation des services de préfecture.
Ce qui me chagrine beaucoup dans cette affaire, c'est la rupture de l'égalité
entre les candidats. Dans certaines préfectures, l'écrit se passe au début de
l'été, dans d'autres au début de l'automne. Il n'y a donc pas égalité entre
tous les candidats, et c'est fort regrettable.
M. le président.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant maintenant épuisé, nous
allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures quarante-cinq, est reprise à seize heures
cinq, sous la présidence de M. Jean-Claude Gaudin.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
5
CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS
M. le président.
La conférence des présidents a établi comme suit l'ordre du jour des
prochaines séances du Sénat :
Mercredi 31 mai 2000 :
Ordre du jour prioritaire
A dix heures :
1° Suite de la deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications
par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, modifiant la loi n° 86-1067 du
30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (n° 286,
1999-2000).
A quinze heures :
2° Nouvelle lecture du projet de loi, adopté avec modifications par
l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, modifiant la loi n° 84-610 du 16
juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités
physiques et sportives (n° 331, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé au mardi 30 mai 2000, à dix-sept heures,
le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
3° Eventuellement, suite de l'ordre du jour du matin.
Lundi 5 juin 2000 :
Ordre du jour prioritaire
A quinze heures et le soir :
Suite de la deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par
l'Assemblée nationale en deuxième lecture, modifiant la loi n° 86-1067 du 30
septembre 1986 relative à la liberté de communication (n° 286, 1999-2000).
Mardi 6 juin 2000 :
A neuf heures trente :
Ordre du jour prioritaire
1° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant habilitation du
Gouvernement à adapter par ordonnance la valeur en euros de certains montants
exprimés en francs dans les textes législatifs (n° 330, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé au lundi 5 juin 2000, à dix-sept heures,
le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
A seize heures et le soir :
2° Eloge funèbre de Roger Husson.
Ordre du jour prioritaire
3° Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, d'orientation
budgétaire.
La conférence des présidents a fixé à :
- soixante minutes le temps réservé au président et au rapporteur général de
la commission des finances ;
- dix minutes le temps réservé à chacun des présidents des autres commissions
permanentes intéressées ;
- quatre heures la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les
orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel
il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront
être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 5 juin
2000.
Mercredi 7 juin 2000 :
Ordre du jour prioritaire
A quinze heures et le soir :
Projet de loi de finances rectificative pour 2000, adopté par l'Assemblée
nationale (n° 351, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 6 juin 2000, à douze heures, le délai limite pour le dépôt des
amendements à ce texte ;
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion
générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun
groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les
inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant
dix-sept heures, le mardi 6 juin 2000.
Jeudi 8 juin 2000 :
A neuf heures trente :
Ordre du jour prioritaire
1° Eventuellement, suite du projet de loi de finances rectificative pour 2000,
adopté par l'Assemblée nationale (n° 351, 1999-2000).
2° Projet de loi de règlement définitif du budget de 1998, adopté par
l'Assemblée nationale (n° 350, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé au mercredi 7 juin 2000, à dix-sept
heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
3° Deuxième lecture, sous réserve de sa transmission, de la proposition de loi
relative à la constitution d'une commission de contrôle nationale et
décentralisée des fonds publics accordés aux entreprises (AN, n° 2201).
A quinze heures :
4° Questions d'actualité au Gouvernement.
L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la
séance avant onze heures.
Ordre du jour prioritaire
5° Suite de l'ordre du jour du matin.
Mardi 13 juin 2000 :
A neuf heures trente :
1° Dix-huit questions orales.
L'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement.
N° 777 de M. Patrice Gélard à M. le ministre de l'éducation nationale
(rattachement des écoles du canton de Goderville à l'inspection académique
d'Yvetot) ;
N° 804 de M. Georges Mouly à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux
handicapés (développement du service de gériatrie du centre hospitalier général
de Tulle) ;
N° 809 de M. Josselin de Rohan à M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement (réseau transeuropéen de fret ferroviaire) ;
N° 812 de M. Jean-Claude Carle à Mme le secrétaire d'Etat au budget
(augmentation du taux de remise sur les ventes de tabac) ;
N° 814 de M. Francis Grignon à M. le ministre de l'économie, des finances et
de l'industrie (taux de TVA applicable au chocolat noir) ;
N° 815 de M. Daniel Hoeffel à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
(convention de l'OIT traitant des droits de la maternité) ;
N° 816 de M. Christian Demuynck à M. le ministre de l'économie, des finances
et de l'industrie (application de la TVA à la restauration collective) ;
N° 818 de M. Paul Girod à M. le ministre de l'équipement, des transports et du
logement (fermeture du centre de parachutisme de Laon) ;
N° 820 de M. André Vallet à M. le ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie (refus d'acceptation de certains billets par les commerçants) ;
N° 821 de M. Paul Blanc à M. le ministre délégué chargé des affaires
européennes (programme d'aides communautaires) ;
N° 823 de M. Aymeri de Montesquiou à M. le ministre délégué chargé des
affaires européennes (demande de simplification administrative des mesures
communautaires) ;
N° 824 de M. Serge Franchis à M. le ministre de la fonction publique et de la
réforme de l'Etat (cumul d'activités des agents de la fonction publique
territoriale) ;
N° 825 de Mme Danièle Pourtaud à M. le secrétaire d'Etat au logement
(reconduction des baux de locataires en situation précaire) ;
N° 827 de Mme Danielle Bidard-Reydet à M. le ministre de l'intérieur
(commémoration des événements d'octobre 1961) ;
N° 829 de M. Jean-Louis Lorrain à M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement (déficit de contrôleurs aériens en Europe) ;
N° 830 de M. Roland Muzeau à M. le ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie (relance du bâtiment et inflation des prix) ;
N° 831 de M. Jean-Pierre Vial à M. le ministre de l'équipement, des transports
et du logement (avancement du projet de liaison ferroviaire Lyon-Turin) ;
N° 832 de M. Gilbert Chabroux à Mme le ministre de la culture et de la
communication (situation de la radio « FIP »).
A seize heures et, éventuellement, le soir :
Ordre du jour prioritaire
2° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration
d'urgence, d'orientation pour l'outre-mer (n° 342, 1999-2000.)
La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 13 juin 2000, à seize heures, le délai limite pour le dépôt des
amendements à ce texte ;
- à dix minutes le temps réservé au représentant de la délégation aux droits
des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes ;
- à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la
discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la
liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les
inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant douze
heures, le mardi 13 juin 2000.
Mercredi 14 juin 2000 :
Ordre du jour prioritaire
A quinze heures et le soir :
Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration
d'urgence, d'orientation pour l'outre-mer (n° 342, 1999-2000).
Jeudi 15 juin 2000 :
Ordre du jour réservé
A dix heures et à quinze heures :
1° Proposition de loi de M. Lucien Neuwirth et de plusieurs de ses collègues
instituant un congé et une allocation favorisant l'exercice de la solidarité
familiale en cas de maladie d'un enfant ou de fin de vie d'un proche (n° 348,
1999-2000).
La conférence des présidents a fixé au mercredi 14 juin 2000, à dix-sept
heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
2° Proposition de loi de M. André Dulait et de plusieurs de ses collègues
portant sur l'organisation d'audiences publiques lors de la réalisation de
grandes infra-structures (n° 196, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé au mercredi 14 juin 2000, à dix-sept
heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
3° Proposition de loi de M. Jean-Claude Gaudin et de plusieurs de ses
collègues tendant à permettre aux conseillers d'arrondissement de siéger au
conseil d'une communauté urbaine (n° 277, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé au mercredi 14 juin 2000, à dix-sept
heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
Lundi 19 juin 2000 :
Ordre du jour prioritaire
A quinze heures et le soir :
Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration
d'urgence, d'orientation pour l'outre-mer (n° 342, 1999-2000).
Mardi 20 juin 2000 :
Ordre du jour prioritaire
A dix heures :
1° Eventuellement, suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale
après déclaration d'urgence, d'orientation pour l'outre-mer (n° 342,
1999-2000).
A seize heures et, éventuellement, le soir :
2° Nouvelle lecture du projet de loi organique, adopté par l'Assemblée
nationale en nouvelle lecture, tendant à favoriser l'égal accès des femmes et
des hommes aux mandats de membre des assemblées de province et du Congrès de la
Nouvelle-Calédonie, de l'Assemblée de la Polynésie française et de l'Assemblée
territoriale des îles Wallis-et-Futuna (n° 363, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé au lundi 19 juin 2000, à dix-sept heures,
le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
3° Nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en
nouvelle lecture, relatif à l'élection des sénateurs (n° 364, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé au lundi 19 juin 2000, à dix-sept heures,
le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
4° Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire
sur le projet de loi relatif au référé devant les juridictions
administratives.
Mercredi 21 juin 2000 :
Ordre du jour prioritaire
A quinze heures et le soir :
1° Nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en
nouvelle lecture, relatif à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage (n°
352, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé au mardi 20 juin 2000, à dix-sept heures,
le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
2° Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture de la
proposition de loi relative à la prestation compensatoire en matière de
divorce.
3° Sous réserve de sa transmission, projet de loi autorisant la ratification
de la convention relative à la coopération en matière d'adoption d'enfants
entre la République française et la République socialiste du Vietnam (AN, n°
2358).
Jeudi 22 juin 2000 :
A neuf heures trente :
Ordre du jour prioritaire
1° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation
du Protocole de Kyoto à la convention-cadre des Nations unies sur les
changements climatiques (ensemble deux annexes) (n° 305 rect., 1999-2000).
2° Nouvelle lecture du projet de loi relatif à la chasse.
La conférence des présidents a fixé au mercredi 21 juin 2000, à dix-sept
heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
A quinze heures et, éventuellement, le soir :
3° Questions d'actualité au Gouvernement.
L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la
séance avant onze heures.
Ordre du jour prioritaire
4° Suite de l'ordre du jour du matin.
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence
des présidents relatives à la tenue des séances et à l'ordre du jour réservé
?
M. Louis de Broissia.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. de Broissia.
M. Louis de Broissia.
Monsieur le président, vous n'êtes pas en cause, pas plus que l'ensemble des
présidents, d'ailleurs, mais je me dois de faire observer, ne serait-ce qu'à
l'usage des jeunes qui sont dans les tribunes, que, si les parlementaires
semblent peu présents dans les hémicycles, c'est parce que le Gouvernement
pratique, comme on le fait dans les banlieues les plus sinistres ou dans les
quartiers les plus riches, la technique du saucissonneur !
Je m'explique en prenant mon cas particulier : je m'intéresse au texte de loi
relatif à la liberté de communication. Or je viens d'apprendre que la suite de
sa discussion est reportée à lundi prochain. Je m'interroge : pourquoi pas
dimanche prochain, ou le jeudi de l'Ascension, pendant qu'on y est ? Si j'ai
bien compris, on compte sur nous, spécialistes de la question, pour être
présents dans l'hémicycle. Et qui d'autre sera là ? Comment pouvons-nous
organiser nos agendas parlementaires dans ces conditions ? Qu'on en juge : la
discussion a déjà été décalée du lundi au mardi puis, la semaine dernière, nous
avons été informés du fait qu'elle aurait lieu non pas le lundi et le mardi,
mais le lundi et le mercredi ; en fait, la fin de cette discussion interviendra
non demain, mercredi, mais lundi prochain !
Je mets en garde le Gouvernement sur la manière dont le Parlement est perçu
par l'opinion : aucun texte n'est examiné de manière suivie. Nous avons
commencé à débattre de ce texte l'an dernier. La discussion de la deuxième
lecture sera peut-être achevée dans le courant de l'an 2000. En fait, je pense
que cette loi atteindra le siècle suivant en ayant été défendue, à Dieu ne
plaise, par deux ministres qui se seront succédé pour ce faire, s'il n'y en a
que deux ! Ce n'est pas ainsi que sera redoré le blason du Parlement !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jacques Oudin.
Excellente intervention !
M. le président.
Mon cher collègue, la conférence des présidents s'est effectivement émue de
cet amoncellement de textes qui nous arrive en fin de session. Mais ceux qui
ont souhaité l'instauration de la session unique, et qui d'ailleurs le
regrettent peut-être un peu aujourd'hui
(Sourires),
savent que nous devions, dans l'organisation de nos travaux,
prévoir le moins possible de séances de nuit. A partir du moment ou l'on ne
veut pas les séances de nuit, il faut bien en ajouter sur d'autres jours.
Monsieur de Broissia, je prends donc acte de votre déclaration. Elle sera
portée à la connaissance de M. le président du Sénat, qui ne manquera pas d'en
faire état auprès de M. le ministre chargé des relations avec le Parlement.
M. Louis de Broissia.
Très bien !
M. le président.
Y a-t-il d'autres observations ?...
Les propositions de la conférence des présidents sont adoptées.
Mes chers collègues, pour permettre à Mme le garde des sceaux, qui était
retenue à l'Assemblée nationale par la séance des questions au Gouvernement, de
gagner l'hémicycle, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures dix est reprise à seize heures
trente.)
M. le président. La séance est reprise.
6
ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE
M. le président.
J'informe le Sénat que M. le Premier ministre demande au Sénat de bien vouloir
procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein du conseil
d'administration de l'établissement public de la Cité des sciences et de
l'industrie de La Villette, en remplacement de Mme Lucette Michaux-Chevry, dont
le mandat est arrivé à expiration.
Conformément à l'article 9 du règlement, j'invite la commission des affaires
économiques à présenter une candidature.
7
PRÉSOMPTION D'INNOCENCE
ET DROITS DES VICTIMES
Adoption des conclusions modifiées
d'une commission mixte paritaire
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 349,
1999-2000) de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur
les dispositions restant en discussion du projet de loi renforçant la
protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois,
rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire.
Monsieur le
président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes parvenus au
terme de la procédure législative sur ce projet de loi renforcant la protection
de la présomption d'innocence et les droits des victimes. Le moment est
important, car ce texte procède à des réformes qui sont attendues depuis
longtemps.
Avant de revenir sur quelques aspects du texte, j'évoquerai brièvement les
travaux de la commission mixte paritaire. Celle-ci, qui s'est réunie le 18 mai
dernier, est parvenue à un accord sur l'ensemble des dispositions qui restaient
en discussion. A vrai dire, les véritables désaccords étaient peu nombreux, une
grande partie du chemin ayant déjà été faite.
En ce qui concerne la garde à vue, la difficulté la plus sensible était, bien
sûr, la question de l'enregistrement des interrogatoires, compte tenu, surtout,
des incertitudes qui entouraient cette mesure et de son adoption dans une
certaine improvisation. La commission mixte paritaire a tenu à répondre à trois
questions : qui doit-on enregistrer ? Comment cet enregistrement doit-il être
fait ? Pour quoi faire ?
Seuls les interrogatoires des mineurs donneront lieu, si vous la suivez, à un
enregistrement audiovisuel et cette procédure ne pourra éventuellement être
étendue ensuite aux adultes que par le biais d'un nouveau projet de loi. Ces
enregistrements ne pourront pas être diffusés à l'audience, car nous avons
craint qu'une telle évolution ne porte atteinte au principe fondamental de
l'oralité des débats. Les éventuelles contestations entre l'écrit et
l'enregistrement devront donc être tranchées avant le procès par le juge
d'instruction ou le juge des enfants, procédure prévue pour les mineurs.
A ce sujet, permettez-moi de vous dire, madame le garde des sceaux, même si
votre département ministériel n'est pas directement concerné, que s'il est
important d'améliorer les droits de la défense au stade de l'enquête il
conviendrait également de se préoccuper des moyens de la police judiciaire. Il
semble qu'il y ait encore beaucoup à faire pour faciliter le travail de la
police et je ne suis pas certain que nous soyons très en avance s'agissant de
l'utilisation des techniques scientifiques d'enquête. Ayant été rapporteur du
texte, je regrette qu'il ait fallu attendre deux ans après l'adoption de la loi
réprimant les infractions sexuelles la parution du décret sur le fichier des
empreintes génétiques.
A propos de la détention provisoire, le Sénat a réussi à convaincre
l'Assemblée nationale de l'utilité de doter le nouveau juge créé par le projet
de loi de prérogatives plus étendues que les seules décisions de placement en
détention provisoire. Dans un délai de deux ans, ce juge se verra confier les
pouvoirs du président du tribunal en matière de libertés. Après un long
dialogue, nous avons aussi pu convaincre nos collègues que pour assurer
l'autorité de ce juge il n'était pas possible de l'appeler juge de la détention
provisoire ou juge des mesures de contrainte ; on le dénommera donc juge des
libertés et de la détention, et la pratique devrait rapidement en faire le juge
des libertés.
S'agissant de l'appel en matière criminelle, quelques divergences séparaient
encore l'Assemblée nationale et le Sénat et les solutions élaborées par la
commission mixte paritaire me paraissent satisfaisantes. L'appel sera ouvert
non seulement à l'accusé mais aussi au parquet, sauf en cas d'acquittement, et
à la victime quant à ses intérêts civils. La cour d'assises de premier ressort
continuera, comme actuellement, à comporter neuf jurés alors que la cour
d'assises d'appel en comprendra douze, de sorte que le poids des jurés par
rapport aux magistrats professionnels ne sera en aucun cas affaibli, puisqu'il
est, au contraire, augmenté en appel.
Après avoir présenté les solutions élaborées par la commission mixte paritaire
sur les quelques difficultés qui subsistaient, je m'arrêterai quelques
instants, de manière plus générale, sur ce texte que nous examinons pour la
dernière fois.
Il aura fallu près de deux ans pour mener à bien la procédure législative.
C'est long, mais je crois que le texte ne s'en porte pas plus mal. Vous nous
aviez présenté en septembre 1998, madame la ministre, un projet de loi de
quarante articles, contenant des mesures importantes en matière de garde à vue,
de détention provisoire et de déroulement de l'instruction. Le texte que nous
allons adopter aujourd'hui a un autre visage. Il comprend désormais cent
quarante-deux articles et procède à des réformes attendues depuis longtemps. Je
crois pouvoir dire que le Parlement en général et le Sénat en particulier n'ont
pas peu contribué à améliorer le texte. C'est un grand texte parlementaire.
La réforme la plus importante opérée par ce texte, c'est bien sûr cet appel en
matière criminelle qu'on n'espérait plus après tant de réflexion et de
tentatives inabouties. Dès la première lecture de ce projet de loi, nous avons
estimé que la réforme de la procédure pénale était vaine si l'on ne mettait pas
un terme à cet archaïsme qu'était l'absence de deuxième degré de juridiction en
matière criminelle. Personnellement, je suis heureux de voir cette réforme
aboutir enfin, heureux surtout que l'initiative en soit revenue au Sénat, que
l'on dit si conservateur, lorsqu'on ne connaît pas vraiment son oeuvre
législative.
(M. Haenel fait un signe d'assentiment.)
De la même manière, le projet de loi ne contenait aucune décision sur la
mise en examen, pourtant si lourde de conséquences au regard de la présomption
d'innocence. Nous avons donc souhaité que celle-ci ne soit possible qu'en
présence de charges déjà importantes. De même, nous avons mis fin à ces mises
en examen effectuées par lettre recommandée sans que la personne concernée ait
la moindre chance de s'expliquer devant le juge d'instruction.
En ce qui concerne le statut du témoin assisté, nous avons estimé qu'il était
souhaitable de l'étendre dans toute la mesure possible et de ne pas donner à
cette personne tous les droits des mis en examen, afin que les deux statuts -
statut du mis en examen et statut du témoin assisté - ne se confondent pas.
S'agissant de la communication, nombre des dispositions du texte peuvent être
revendiquées par le Sénat. Grâce à notre collègue M. de Broissia, rapporteur
pour avis de la commission des affaires culturelles, auquel je tiens à rendre
hommage, les délais d'exercice du droit de réponse sont harmonisés. Il s'agit
là d'une mesure tout à fait heureuse pour la presse écrite, le délai d'exercice
du droit de réponse étant ramené d'un an à trois mois.
La présomption d'innocence sera mieux protégée grâce à la précision de
l'article 9-1 du code civil. Toute personne présentée comme coupable de faits
faisant l'objet d'une enquête ou d'une instruction pourra saisir le juge afin
de faire cesser cette atteinte à la présomption d'innocence. La présomption
d'innocence des personnes qui sont présentées comme coupables alors qu'elles ne
sont impliquées en rien dans une procédure est aussi importante que celle des
personnes placées en garde à vue ou mises en examen, auxquelles jusqu'à présent
la procédure était réservée.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Il y a longtemps qu'on vous le dit !
M. Jacques Larché,
président de la commission de lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Vous avez
raison de le répéter !
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
Je dirai un mot également de l'exécution des peines. Là
encore, le projet de loi initial n'abordait pas ce sujet. L'Assemblée
nationale, qui, elle aussi, sous l'impulsion de sa rapporteuse Mme Christine
Lazerges, a beaucoup travaillé pour améliorer ce texte, a décidé de donner un
caractère juridictionnel aux décisions du juge de l'application des peines.
Celles-ci seront désormais prises après débat contradictoire et pourront donner
lieu à un appel. Nous avons voulu, avec votre accord, madame la ministre, aller
plus loin en modifiant complètement les règles de la libération conditionnelle,
conformément aux conclusions du rapport Farge. Dorénavant, cette mesure
fondamentale pour la prévention de la récidive sera prononcée soit par le juge
de l'application des peines, soit par une juridiction collégiale dont les
décisions seront susceptibles d'appel. Le système ancien était une sorte
d'anomalie de notre code de procédure pénale.
Pour conclure, je dirai que le Sénat a joué tout son rôle d'assemblée de
réflexion. Il a constamment été une force de proposition dans ce débat,...
M. Hubert Haenel.
Tout à fait !
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
... il a souvent pu emporter la conviction des députés et du
Gouvernement et a démontré le rôle constructif qu'il entendait jouer dans la
réforme de la justice.
Je crois que ce projet de loi est aujourd'hui un bon texte. Il sera un texte
important, peut-être pas une réforme définitive de la procédure pénale - mais
qui peut prétendre réformer de manière définitive ? -, lorsque vous l'aurez
adopté, mes chers collègues. Il sera sûrement une grande réforme, l'une des
plus grandes du code de procédure pénale. Ce dernier n'est-il pas, en effet, le
garant de nos libertés et du fonctionnement harmonieux d'une démocratie moderne
?
A ce stade, mes chers collègues, je vous demande de bien vouloir adopter, sous
réserve de quelques amendements de précision et de coordination, le texte
élaboré par la commission mixte paritaire.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis de la réussite de la
commission mixte paritaire, dont votre rapporteur, M. Jolibois, vient de vous
rendre compte, et de l'adoption par l'Assemblée nationale en dernière lecture,
sans aucun vote contre, de ce projet de loi renforçant la protection de la
présomption d'innocence et des droits des victimes, le 24 mai dernier.
Ainsi se met en place la réforme de la justice que j'avais annoncée lors de ma
communication en conseil des ministres, le 29 octobre 1997.
Je rappelle en effet que le premier volet de cette réforme est depuis
longtemps définitivement voté à travers deux lois très importantes : d'une
part, la loi du 18 décembre 1998 relative à l'accès au droit et à la résolution
amiable des conflits et, d'autre part, la loi du 23 juin 1999 renforçant
l'efficacité des procédures pénales.
Ce premier volet de la réforme ne cesse d'être enrichi, puisque le Parlement
sera bientôt saisi de la réforme des tribunaux de commerce et des professions
d'administrateur et de liquidateur judiciaires, réforme que je dois présenter
le mois prochain en conseil des ministres.
Par ailleurs, je prépare une importante réforme du droit de la famille, que je
souhaite naturellement soumettre à une concertation compte tenu de l'importance
de ce sujet sur lequel il me paraît utile de rechercher un consensus aussi
large que possible.
Ce premier volet consacré à l'amélioration de la justice au quotidien a été
aussi considérablement soutenu par les trois excellents budgets que vous avez
bien voulu voter à l'unanimité, ce dont je vous remercie. Ces trois budgets ont
accordé au ministère de la justice des moyens d'une ampleur sans précédent
depuis de nombreuses années pour améliorer le fonctionnement de la justice au
quotidien.
Avec le projet de loi renforçant la protection de la présomption d'innocence
et les droits des victimes, c'est le deuxième volet de la réforme de la
justice, c'est-à-dire une justice qui soit davantage au service des droits et
libertés individuels, que vous allez voter.
Reste le troisième volet, concernant l'indépendance et l'impartialité de la
justice, qui aurait dû donner lieu à l'adoption par le Congrès du projet de loi
relatif au Conseil supérieur de la magistrature. Son blocage actuel, vous le
savez, n'est le fait ni du Gouvernement ni de la majorité, et je confirme que
je suis prête, quant à moi, à le faire aboutir dès que ce blocage sera levé. Je
vois que, disant cela, je suscite l'intérêt de M. le président et de M. le
rapporteur de la commission des lois, ce dont je suis toujours très heureuse
!
Revenant au deuxième volet de la réforme et au projet de loi renforcant la
protection de la présomption d'innocence et des droits des victimes, je veux
d'abord rendre hommage à la qualité du travail parlementaire, et plus
spécialement, dans cette assemblée, au travail accompli par la commission des
lois, par son président, M. Jacques Larché, et par son rapporteur, M. Charles
Jolibois.
Je salue également le travail des membres de la commission mixte paritaire,
dont la réussite témoigne de ce que la volonté de faire progresser la justice
existe sur tous les bancs.
Comme je l'ai déjà dit devant l'Assemblée nationale lors de la dernière
lecture, les débats particulièrement riches et constructifs qui se sont
déroulés devant les deux assemblées ont permis de bâtir un accord sur un grand
texte, équilibré et fondateur sur bien des points d'un renouveau de notre
procédure pénale.
A la vérité, l'ampleur des sujets traités dans ce projet de loi aurait pu
justifier quatre grandes lois : une loi sur l'appel des décisions des cours
d'assises, une loi sur la réforme de la libération conditionnelle, une loi sur
le renforcement des droits des victimes, une loi, enfin, sur le renforcement de
la présomption d'innocence.
Je reviendrai brièvement sur ces aspects essentiels, car il faut replacer les
travaux de la commission mixte paritaire dans un contexte plus large, les
désaccords, à l'entrée de la commission mixte paritaire, ne portant finalement
que sur quelques sujets bien identifiés et d'importance seconde - certes, rien
n'est secondaire en matière de procédure pénale ! - par rapport aux quatre
grands sujets que je viens d'évoquer.
Tout d'abord, c'est le Sénat qui a pris l'initiative en juin 1999, lors de la
première lecture, d'un appel contre les décisions des cours d'assises, ce que
j'ai alors salué comme il convenait. Dans ma communication du 29 octobre 1997,
en conseil des ministres, j'avais d'ailleurs affirmé la volonté du Gouvernement
d'instituer l'appel contre les décisions de la cour d'assises. J'avais
toutefois indiqué devant la Haute Assemblée que je ne souhaitais pas poursuivre
sur la base du dispositif proposé par mon prédécesseur, dispositif qui me
paraissait trop coûteux en magistrats.
Par conséquent, le Sénat, après que nous avons travaillé ensemble, avec les
services de la Chancellerie, sur le principe de l'appel tournant, l'un de ces
travaux non pas souterrains mais méconnus,...
M. Jacques Oudin.
Oh que oui !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
... sur la base d'une note que j'ai fait abondamment
circuler, le Sénat, disais-je, a pris parti en faveur de cet appel tournant,
qui constituait donc un changement par rapport au texte qui avait été jusqu'ici
discuté ; le Sénat a donc accepté d'entrer dans le raisonnement qui était le
mien, à savoir trouver une modalité moins coûteuse en magistrats de l'appel
contre les décisions de la cour d'assises, compte tenu de la priorité que je
souhaitais donner à l'amélioration de la justice au quotidien et qui concerne
évidemment des centaines de milliers de nos concitoyens, alors que, malgré leur
résonance, leur impact, leur caractère symbolique, les procès des cours
d'assises, surtout ceux qui sont contestés, sont infiniment moins nombreux.
Le Sénat - et je l'en remercie encore aujourd'hui - a posé le principe de
l'appel tournant. Et, en continuant le travail, nous sommes parvenus, grâce à
votre initiative, mesdames, messieurs les sénateurs, à un consensus, aussi bien
au Sénat qu'à l'Assemblée nationale, sur ce système.
Je veux vous en remercier tout particulièrement parce que chacun, ici, se
souviendra de la difficulté des débats précédents. D'ailleurs, sans doute
avons-nous bénéficié du fait que ces débats aient existé. Je veux vraiment
rendre à César ce qui appartient à César ! C'est en effet parce que ce débat a
muri que nous avons pu trouver un accord dans des conditions de rapidité qui
m'ont quand même étonnée : la discussion a duré vingt minutes à l'Assemblée
nationale et trente ou quarante minutes au Sénat. Par conséquent, il y a des
vertus à ce travail constructif entre le Gouvernement et les deux assemblées
lorsque l'une des deux assemblées prend une initiative.
S'agissant maintenant des moyens humains, allons-nous les avoir ? Là était en
effet la question. Cette réforme arrive à mon avis au bon moment puisque nous
avons obtenu, dans ce troisième budget, un nombre record de créations de postes
de magistrats : cette année, deux cent douze postes de magistrats ont en effet
été créés, ce qui représente un record depuis vingt-cinq ans.
Ayant réussi à financer les réformes que nous avions prévues, je pense que,
dans le budget pour 2001, je pourrai dégager les moyens pour cette réforme de
la cour d'assises que vous avez souhaitée ardemment. Il aurait été très
difficile de le faire avant, compte tenu des réformes déjà engagées, sur
lesquelles je m'étais exprimée.
Cette réforme fait évidemment suite à un travail de tous les groupes
parlementaires. Sur cette question de la réforme de la cour d'assises, j'ai
naturellement eu des entretiens particulièrement approfondis avec M. Badinter,
dont on sait la part qu'il a prise à ce grand débat depuis des années et avant
même que la réforme vienne devant le Parlement, ainsi qu'avec M.
Dreyfus-Schmidt et avec beaucoup d'autres encore. Je me réjouis par conséquent
que nous ayons réussi dans cette coproduction à réaliser cette réforme
historique après tant de tentatives restées sans suite.
J'en viens à une autre réforme historique : celle de la libération
conditionnelle. On se souvient que M. Robert Badinter nous a raconté comment la
réforme qu'il avait proposée, voilà dix-sept ans maintenant, avait dû être
retirée et que plus personne depuis n'avait même songé à la remettre sur la
table.
Pourquoi est-ce si important ? Parce que, autour de la libération
conditionnelle, peut se construire un projet d'exécution de peine qui donne un
sens à la sanction, qui favorise la réinsertion et qui, en définitive, prévient
la récidive.
Or, le nombre des libérations conditionnelles n'a cessé de diminuer depuis
vingt ans, par l'effet conjugué d'un allongement de la durée des peines, de
l'exigence d'un emploi et du caractère administratif, voire quelquefois
bureaucratique de l'instruction des dossiers.
Dans ce contexte, j'avais annoncé, en particulier lors de ma communication en
conseil des ministres sur la politique pénitentiaire, le 8 avril 1998, ma
volonté de relancer le dispositif.
Ainsi que je l'avais indiqué en juillet 1999 au Conseil supérieur de
l'administration pénitentiaire, j'ai confié à une commission présidée par M.
Farge, conseiller à la Cour de cassation, une mission d'étude sur les moyens de
relancer la libération conditionnelle.
M. Farge m'a remis son rapport le 17 février 2000 et, à peine un mois et demi
plus tard, l'essentiel de ses propositions a pu, à ma demande - ou avec mon
accord, puisque M. Jolibois a déposé un amendement identique à celui que j'ai
présenté au nom du Gouvernement, ce dont je me réjouis - être intégré dans le
projet de loi lors des deuxièmes lectures.
Si cette réforme a été faite à ce moment-là, c'est aussi parce que j'avais
fait aboutir, grâce aux moyens supplémentaires que j'avais obtenus, la réforme
des services pénitentiaires d'insertion et de probation, réforme qui avait été
mise sur le métier en 1998, que j'ai financée par des créations de postes de
surveillants et d'éducateurs de l'administration pénitentiaire en 1998 et en
1999, et qui a naturellement ouvert la voie à l'application de cette réforme de
la libération conditionnelle.
Deux mesures essentielles caractérisent maintenant la nouvelle libération
conditionnelle ; elles figurent dans la loi sous la forme adoptée par le Sénat,
le Gouvernement et la commission ayant, je le rappelle, déposé des amendements
identiques.
D'une part, les critères d'admission ont été élargis, de sorte que tous ceux
qui font des efforts sérieux de réinsertion pourront espérer bénéficier de la
mesure, sans condition d'obtention d'un emploi. Il faudra justifier d'un stage
ou même d'un suivi médical, donc d'un effort pour se réinsérer.
D'autre part, la décision d'admission à la libération conditionnelle ou de
refus sera toujours prononcée par une juridiction, conformément aux
propositions contenues dans les rapports que j'avais demandés.
La décision sera prise après débat contradictoire. Le condamné pourra être
assisté d'un avocat, et il aura la possibilité d'interjeter appel s'il
n'obtient pas satisfaction.
Ainsi, nous reconnaissons aux personnes détenues les garanties d'un débat
judiciaire en assurant à la société une meilleure prévention de la récidive.
Le troisième grand axe de ce projet de loi concerne le renforcement des droits
des victimes.
Après la loi du 17 avril 1998 relative aux infractions sexuelles et à la
protection des mineurs, ce texte est le second que vous adopterez au cours de
cette législature contenant une série de dispositions spécialement consacrées
aux droits des victimes.
Je sais bien que la mise en place des décrets d'application sur la loi de 1998
a été longue. Je voudrais cependant faire observer à M. le rapporteur - il le
sait d'ailleurs, car il est très attaché à la préservation des droits et
libertés individuels - que l'on ne fabrique pas pour la première fois, dans un
pays démocratique comme le nôtre, le premier fichier d'empreintes génétiques
comme l'on mettrait à jour un fichier d'empreintes digitales. Cela pose
d'autres types de problèmes. Cela demande une consultation de la Commission
nationale de l'informatique et des libertés et du Conseil d'Etat. Cela demande
que l'on réfléchisse, s'agissant d'un instrument entièrement nouveau, à ce que
nous faisons, et naturellement aux conditions dans lesquelles ce fichier est
élaboré, aux conditions d'accès et aux conditions de son utilisation.
Je veux donc dire que notre souci n'était évidemment pas de faire traîner les
choses. Nous voulions, bien entendu, nous assurer que toutes les précautions
nécessaires étaient prises pour éviter véritablement toute contestation sur cet
important instrument visant à lutter contre la délinquance sexuelle.
Quoi qu'il en soit, grâce à ce texte, les victimes seront mieux accueillies,
mieux écoutées, mieux protégées et mieux indemnisées.
Les mesures que j'ai proposées, enrichies par les apports des deux assemblées,
ont fait l'objet d'un large consensus et ont donc été votées conformes dès les
premières lectures.
Il en est ainsi des dispositions qui obligent les autorités policières ou
judiciaires à informer les victimes de leurs droits, ou encore de celles qui
consacrent le rôle des associations d'aide aux victimes, qui facilitent les
constitutions de partie civile et qui permettent aux commissions
d'indemnisation des victimes d'infractions pénales d'indemniser des préjudices
résultant de dégradations ou d'extorsions, ainsi que le préjudice psychologique
résultant de telles infractions.
Il en est également ainsi des dispositions qui instituent l'infraction
d'atteinte à la dignité de la victime d'un crime ou d'un délit et permettent de
sanctionner, à la demande de la victime, la reproduction de certaines images
que ne justifient nullement la liberté - pourtant essentielle - de
l'information.
Les victimes auront aussi le droit de mieux intervenir dans le cours de la
procédure. Elles bénéficieront, comme les autres parties au procès, de
l'extension du principe contradictoire.
Le quatrième grand axe de ce projet de loi est la protection de la présomption
d'innocence des personnes mises en cause par la justice.
C'est à une réforme en profondeur de notre droit que vous allez procéder. Sans
remise en cause complète des principes directeurs de notre procédure pénale,
nous accordons une plus grande part au contradictoire.
Les dispositions concernant le déroulement de l'instruction préparatoire sont
profondément modifiées.
Votre assemblée a apporté une contribution déterminante à la refonte complète
du statut du témoin assisté, qui constitue une des innovations majeures de ce
texte.
Ainsi, même une personne contre laquelle il existe des indices rendant
vraisemblable qu'elle ait pu participer, comme auteur ou complice, à la
commission d'une infraction ne sera plus obligatoirement mise en examen mais
pourra être entendue comme témoin assisté, en présence de son avocat, et avoir
ainsi accès au dossier.
La mise en examen sera réservée aux personnes contre lesquelles sont réunis
des indices graves « ou » concordants, autre amélioration apportée par le
Sénat. Elle interviendra après audition par le juge et non avant, de sorte que
le magistrat sera complètement informé avant de prendre sa décision.
L'égalité des armes sera mieux assurée par une extension des mêmes droits à
toutes les parties au procès. Ainsi, les parties civiles pourront demander des
actes, des confrontations, des expertises, des perquisitions ou des transports
sur les lieux, et pourront directement interroger les témoins à l'audience.
De même, selon un mécanisme conforme à celui qui a été voté par votre
assemblée, les personnes mises en examen, les témoins assistés et les parties
civiles disposeront d'un droit de regard sur la durée de l'information. C'est
évidemment un point essentiel ! Ainsi, la chambre d'accusation, devenue chambre
de l'instruction, autre amendement sénatorial, pourra faire mieux respecter le
principe du délai raisonnable.
D'importantes modifications sont apportées au régime de la garde à vue.
Les simples témoins ne pourront plus faire l'objet de cette mesure. Les
personnes gardées à vue pourront dès le début compter sur la présence d'un
avocat - c'est une innovation majeure - sauf infraction de criminalité
organisée. Ainsi, ce n'est pas, comme actuellement, à la seule vingtième heure
que la personne rencontrera son avocat, mais à la première, à la vingtième et à
la trente-sixième heure.
Sur la question de l'enregistrement des déclarations de personnes gardées à
vue, je n'insisterai pas, M. Jolibois en a longuement parlé. Cela a finalement
été « le » sujet remarqué de la commission mixte paritaire, même si beaucoup
d'autres sujets y ont été évoqués.
La commission mixte paritaire a finalement opté pour l'enregistrement
audiovisuel des mineurs, et le texte adopté a le mérite de préciser le statut
de ces enregistrements, qui ne pourront être utilisés à l'audience de
jugement.
Nous pourrons, un an après l'entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions,
c'est-à-dire deux ans après la publication de la loi, faire le point sur cette
innovation importante.
Toujours dans le cadre de la présomption d'innocence, le régime de la
détention provisoire est modifié en profondeur. Un double regard sur cette
décision très importante est prévu, puisque la décision est confiée à un juge
distinct du magistrat instructeur, le « juge des libertés et de la détention »
Cette dénomination n'appelle pas d'objection de ma part car, si tous les juges
sont juges des libertés, tous ne sont pas juges de la détention.
Nous avons trouvé, là encore, comme en matière d'enregistrement, un compromis
honorable.
Ainsi, dans ce dispositif, c'est véritablement un nouveau métier que pourra
exercer le juge d'instruction. Déchargé du contentieux de la détention,
disposant d'une grande latitude dans le recours à la procédure du témoin
assisté, il pourra, mieux que par le passé, se livrer à sa mission d'instruire
à charge et à décharge, ainsi qu'il sera inscrit au nouvel article 81 du code
de procédure pénale.
Dans l'hypothèse, que l'on voudrait aussi rare que possible, de détentions
provisoires suivies d'une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement, le
mécanisme d'indemnisation est largement amélioré avec l'adoption du principe
d'une indemnisation intégrale et obligatoire du préjudice. Les décisions
rendues dans ce domaine seront motivées, publiques et susceptibles de
recours.
Enfin, le renforcement de la présomption d'innocence se manifeste aussi par la
règle nouvelle selon laquelle la diffusion de l'image d'une personne menottée
ne pourra se faire sans son consentement.
La liberté de la presse est également renforcée par plusieurs dispositions du
projet de loi.
Ainsi, la commission mixte paritaire a décidé la suppression des peines
d'emprisonnement en matière d'outrage et de diffamation, ce qui n'a rien à
voir, je le souligne, avec la question des images, pour lesquelles jamais des
peines d'emprisonnement n'ont été prévues. J'insiste sur ce point, parce que la
confusion a été faite, hélas ! dans une dépêche d'agence qui, bien que
rectifiée dès le lendemain, a provoqué quelques dégâts : j'ai pu encore le
constater ce matin, à l'occasion du colloque « Presse liberté », où l'on a
mélangé les deux sujets.
M. Jean-Jacques Hyest.
Ce n'est pas exceptionnel !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
S'agissant des images, seules des peines d'amende ont
été prévues, et le texte a d'ailleurs été considérablement amélioré grâce au
débat parlementaire.
Pour les outrages, en revanche, des peines de prison existent dans notre code,
mais ne sont plus appliquées depuis longtemps en France. La question m'a été
posée par l'association Reporters sans frontières, dont j'ai reçu les
représentants il y a un an : selon eux, c'est parce que ces dispositions
existent dans la loi française que, dans certains pays étrangers, on applique à
la lettre ce qui n'est plus appliqué chez nous. Il était donc justifié de
supprimer ces dispositions, pour qu'on ne puisse pas les prendre comme prétexte
pour mettre en prison des journalistes qui portent des jugements critiques sur
tel ou tel chef d'Etat ou sur tel ou tel responsable politique à l'étranger.
Nous avons donc très bien fait, et je m'en félicite. C'est sur ce point - et
sur ce point seulement - que des peines de prison étaient prévues, non pas par
nous d'ailleurs mais par la loi sur la presse, et ce depuis très longtemps.
Nous avons donc naturellement supprimé ces peines.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Très bien !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Ainsi, nous aurons, je crois, réussi à nous débarrasser
d'un archaïsme.
Par ailleurs, des fenêtres de publicité sont prévues à tous les stades de la
procédure, en particulier si la personne mise en examen en fait la demande.
Enfin, la loi rétablit dans la loi de 1881 sur la presse un article permettant
d'arrêter l'exécution provisoire d'une décision ordonnée en référé mais qui
aurait des conséquences manifestement excessives dans la restriction apportée à
la diffusion de l'information.
Cette disposition extrêmement importante, qui n'était pas prévue auparavant,
permet d'obtenir un délai lorsqu'un ouvrage doit être retiré de la vente parce
qu'un tribunal en a condamné un passage ou quelques pages.
Je crois que nous pouvons dresser un bilan très largement positif des travaux
parlementaires, et je vous en remercie. Un travail constructif a été effectué
par le Parlement, en collaboration avec le Gouvernement, et a permis d'enrichir
le texte : des dispositions qui n'étaient pas prévues au départ et que nous
souhaitions y voir figurer ont été ajoutées, afin d'améliorer ce projet et d'en
faire, je crois, une très grande loi.
Je remercie le Sénat de la part importante qu'il a prise dans ce travail.
Certains pourront peut-être regretter que l'on ne soit pas allé plus loin,
encore que je me demande quelquefois ce qu'aller plus loin veut dire : pour
moi, s'il s'agissait de changer la procédure pénale, je vous ai exposé toutes
les raisons pour lesquelles je pense qu'il ne fallait pas le faire.
Quoi qu'il en soit, je crois que les progrès accomplis sont considérables.
L'applicaiton de cette loi fera évidemment l'objet d'une observation
attentive. Au moment même de son entrée en vigueur, une circulaire renseignera
les juridictions sur les dispositions immédiatement applicables, et d'autres
circulaires détaillées suivront.
J'ai aussi décidé la constitution d'un groupe de suivi composé de magistrats
et de fonctionnaires exerçant en juridiction pour m'assurer que cette grande
loi sera effectivement appliqué.
Toutes les catégories seront représentées, siège, parquet, magistrats siégeant
dans les tribunaux, dans les cours d'appel ou en cour d'assises, grandes et
petites juridictions.
Nous serons informés en temps réel des conditions d'application de la loi, des
éventuelles difficultés qu'il sera possible de corriger avant qu'elles ne
s'aggravent, mais aussi des progrès accomplis grâce aux nouvelles dispositions
que vous aurez votées.
J'installerai ce groupe de travail le 13 juin prochain.
Ainsi pourra vivre cette réforme, qui met notre législation en accord avec les
normes européennes et montre que notre pays demeure la patrie des droits de
l'homme.
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travée du RDSE et de
l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, je crois que le
présent projet de loi restera dans nos mémoires comme empreint d'une certaine
exemplarité. Il a démontré une fois de plus l'utilité concrète du bicaméralisme
et la capacité d'action des parlementaires, quoi qu'on en dise ici et là, et
ce, qui plus est, dans une période de cohabitation parfois marquée par des
attaques et des procès d'intention reproduits par la presse et dont on peut se
demander s'ils ne sont pas teintés d'une certaine exagération.
Madame la garde des sceaux, votre projet de loi a été considérablement remanié
et enrichi au cours des navettes parlementaires, aussi bien par l'Assemblée
nationale que par nous, et, en dernier ressort, grâce aux travaux de la
commission mixte paritaire.
J'avais souligné - vous vous en souvenez peut-être - une certaine discordance
entre son titre, qui était très légitimement ambitieux, et une certaine
timidité quant aux mesures qui nous étaient proposées.
Je vous avais dit aussi qu'un tel texte n'aurait de valeur juridique, et même
sociale, que s'il était adopté par le Parlement tout entier. Cela nous
conduisait à l'entente ! J'avais d'ailleurs rappelé l'exemple du code pénal,
pour lequel nous avons travaillé dans le même esprit pendant plusieurs années,
avec un même résultat.
Ce n'est pas un mince honneur pour le Sénat et pour notre rapporteur, qui a
tant travaillé sur ce texte, que de vous avoir entendue si bien reprendre à
votre compte l'importance de l'appel des cours d'assises dans le discours que
vous avez prononcé la semaine dernière à l'Assemblée nationale, à tel point que
vous l'avez placé en tête de votre présentation du projet de loi. Comme nous,
sans doute, vous avez jugé que c'était peut-être de cette disposition que, les
années passant, l'opinion publique se souviendrait.
Je constate qu'aujourd'hui vous avez rétabli de manière exhaustive une
chronologie de la réforme plus exacte que celle qui avait pu transparaître dans
certains de vos propos. Je me réjouis de votre reconnaissance de cette
paternité sénatoriale, qui augure bien, sans doute, de certaines avancées que
nous pourrons peut-être également réaliser dans d'autres domaines, tels que le
droit de la famille. Depuis trois ans maintenant, vous nous annoncez des
réflexions et des projets, mais nous n'avons encore rien vu venir. Peut-être
est-ce pour un avenir rapproché ?
Quoi qu'il en soit, il a fallu que le Sénat, pour combler certaines lacunes,
prenne l'initiative, comme il l'a fait en matière de prestations
compensatoires. Il n'est en effet pas possible d'attendre indéfiniment, et
certaines situations urgentes doivent être résolues.
Nous sommes donc en présence d'un projet de loi qui a été construit pour
l'essentiel au Parlement, par deux chambres aux majorités différentes mais dont
les votes n'ont pas reflété les clivages traditionnels entre la droite et la
gauche. Ce fait est particulièrement apparu au cours de nos débats, aussi bien
en commission, en séance publique qu'au sein de la commission mixte paritaire,
et j'en rends hommage à mon collègue président de la commission des lois de
l'Assemblée nationale.
Je le disais, ce que nous venons de faire a valeur d'exemple et de
démonstration : lorsque le Gouvernement veut bien laisser au Parlement, sur des
questions importantes comme celle-là, le temps de délibération nécessaire, tout
le monde y gagne.
L'urgence ne fait pas avancer les choses. Et qu'en aurait-il été si, comme sur
tant d'autres textes importants - trois au cours de ce mois, par exemple - le
Gouvernement avait, là aussi, déclaré l'urgence ? Nous connaissons les effets
de l'urgence : le débat est tronqué, il est caricaturé, il aboutit à ce qu'une
chambre, Assemblée nationale ou Sénat, ne puisse pas prendre connaissance des
apports, sans doute intéressants, que l'autre est capable de réaliser.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Vous ne l'avez pas toujours dit !
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Je l'ai très souvent dit, et je le dis chaque
fois que je considère nécessaire de le dire
(Rires.)
Il le fallait, car, avec la présomption d'innocence, nous touchons au coeur
des libertés publiques primordiales : la liberté d'aller et venir, les droits
de la défense, le droit à la sécurité pour les victimes et le droit à un
deuxième recours.
Cela a été possible parce que le dialogue a pu s'établir et peut-être même
dépasser les projets initiaux auxquels nous étions confrontés.
La seconde lecture aura été - nous le notons - beaucoup plus fertile que la
première parce qu'elle comportait déjà nos avancées, dont vous aviez finalement
bien voulu tenir compte, madame le ministre, après vos rejets premiers sur un
certain nombre de points particulièrement importants.
Nous avons pu ainsi, grâce à un travail parlementaire d'approche, nous
présenter en commission mixte paritaire en connaissant les divergences qui
subsistaient - elles étaient importantes - mais, les connaissant, en découvrant
peu à peu - nous l'avons fait à l'occasion de contacts puis au cours des
travaux officiels - ce qu'il était possible de faire sans que l'une ou l'autre
de nos deux assemblées soit conduite à renoncer à ce qui pouvait lui paraître
essentiel.
J'ajouterai que ce dialogue a sans doute été permis par la nature même du
texte : nous sentions bien que cela ne pouvait pas être l'occasion de débats
strictement partisans. Mais, dans le même temps, certains ont pu penser que le
fait que le Congrès soit reporté nous avait permis d'approfondir, plus que nous
ne l'aurions fait dans d'autres conditions, la réflexion que nous entendions
mener.
Je ne peux que saluer le travail astreignant, solide, que les rapporteurs ont
accompli, travail accepté par le Gouverment et auquel les deux présidents de la
commission des lois de l'Assemblée nationale avec lesquels j'ai eu l'honneur de
travailler, Mme Tasca et M. Roman, ont apporté une contribution personnelle que
j'ai appréciée.
Pour ma part, j'ai toujours souhaité l'issue constructive à laquelle nous
avons abouti. Oh ! cela n'a pas toujours été commode. La presse l'a dit, nous
avons été, à un certain moment, au bord de la discordance fatale. Mais
certaines mesures, qui auront beaucoup fait parler, éclipsent parfois
l'essentiel.
Encore une fois, ce que l'on retiendra de ce texte, ce ne sera pas le problème
de l'enregistrement, surtout de la manière que nous l'avons traité, ce sera la
réforme de la cour d'assises.
Nous avons obtenu de la commission mixte paritaire que le système
d'enregistrement envisagé le soit en quelque sorte à titre expérimental. Un
rapport est annoncé, après lequel une extension sera possible - possible mais
non obligatoire ! De toute manière, ce rapport n'interviendra qu'après 2002.
Nous aurons donc tout le temps de réfléchir, lorsque le débat viendra, à ce
qu'il y a lieu de faire.
Peut-être, compte tenu de certains débats en commission mixte paritaire,
compte tenu du fait que certaines décisions n'ont été écartées que de très peu,
nous apparaîtra-t-il que, pour mieux assurer le droit des personnes en garde à
vue, l'enregistrement n'est pas la meilleure solution, voire qu'il n'est pas la
seule.
Peut-être, le temps passant - et passant vite, je l'espère - aurons-nous la
possibilité, d'ici à 2002, de voir s'il n'y a pas lieu de réfléchir à d'autres
procédures qui assureraient peut-être davantage cette protection.
Je crois pouvoir résumer, sans trop y insister, car cela a été parfaitement
fait par le rapporteur, M. Charles Jolibois, ainsi que par vous-même, madame le
garde des sceaux, les différents volets de la réforme : l'appel des cours
d'assises, la libération conditionnelle, l'équilibre des droits dans la
procédure pénale.
Je veux surtout marquer ce que tout cela signifie. Nous reconnaissons
intellectuellement - et nous n'en faisons reproche à personne - une certaine
faillibilité de l'homme dans la recherche de la vérité judiciaire, et parce que
cela est difficile, parce que cela est contraignant, parce que cela est
aléatoire, il faut que tous, femmes, hommes, victimes, prévenus, témoins,
magistrats, policiers, connaissent ces droits et ces devoirs nouveaux que nous
nous efforçons de leur assurer.
J'ai le sentiment que nous vivons peut-être une dernière expérience. En effet,
si nous ne réussissons pas ce que nous sommes en train de décider, peut-être
faudra-t-il, alors, nous interroger un jour sur le principe même de notre
procédure. Faudra-t-il rester dans la tradition de la procédure inquisitoire ou
ne pas craindre d'aller plus loin et envisager une procédure accusatoire ?
J'en reviens, pour conclure, à ce qui me paraît le plus important.
Une fois de plus, l'« anomalie » que nous constituons aura pleinement joué le
rôle que la Constitution lui reconnaît. Lorsque nous ne nous heurtons pas à une
prise de position strictement idéologique de l'autre chambre - c'est parfois le
cas ! - grâce à notre écoute, grâce aux initiatives qui émanent de nos rangs,
la loi de la République sort renforcée de nos débats, et, au-delà de la loi, ce
sont la liberté et la dignité de tous ceux qu'elle concerne qui sont ainsi
mieux assurées.
(Applaudissement sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées
du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Haenel.
M. Hubert Haenel.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il aura donc
fallu deux années, deux années de réflexion, de polémique parfois, de procès
d'intention aussi, malheureusement, pour, en fin de compte, conclure -
peut-être provisoirement, diront certains - le beau et grand débat
parlementaire sur la présomption d'innocence au travers de l'examen de ce
texte, qui est aussi relatif, ne l'oublions pas, aux droits des victimes.
Nous devons tous, au tant que nous sommes - je pense que nous n'hésiterons pas
à le faire - nous féliciter de l'ampleur de la tâche accomplie, l'apport et le
rôle du Sénat - même Mme la ministre vient de le dire - ayant été substantiels,
je dirai même essentiels, sur certains points.
N'oublions pas non plus, tout de même, en passant, que la réforme de la
présomption d'innocence a été voulue par le Président de la République, puis
initiée par le Gouvernement.
Le projet de loi que nous avons examiné pendant deux ans, adopté par le
conseil des ministres après examen par le Conseil d'Etat, préalablement arbitré
par le Premier ministre après de nombreuses réunions interministérielles et
bien des hésitations des services aussi, paraissait peut-être, en première
lecture, tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale, quasiment « inamendable »
sur des points essentiels.
En première lecture, l'Assemblée nationale donna d'ailleurs l'impression
d'être contrainte à se plier à cette règle.
En juin dernier, le Sénat, grâce au travail de notre excellent rapporteur, M.
Charles Jolibois, prit le temps qu'il fallait pour examiner un texte de cette
importance. Et ce fut, on peut le dire, l'ouverture qui permit de prendre en
compte à la fois la compétence de tous nos collègues, de la gauche à la droite,
de part et d'autre de l'hémicycle, et, oserai-je dire, le travail de sagesse
que peut accomplir le Sénat, sagesse qui sans doute a été contagieuse et a
permis d'aboutir à cet accord.
On peut dire que les parlementaires ont su et ont pu, d'une certaine manière,
imposer leur point de vue. Alors, ringard le Sénat ?
C'est aussi, en quelque sorte - on l'a dit, je crois, à l'Assemblée nationale,
et c'est vrai - une coproduction Président, Gouvernement - vous avez eu un rôle
essentiel, madame le ministre - Sénat et Assemblée nationale.
Alors, nous voici arrivés, à la satisfaction générale - la vôtre d'abord,
madame la ministre, la nôtre aussi, largement partagée - à la fin de tout un
processus qui a abouti à ce texte, certes encore incomplet aux yeux de certains
d'entre nous, mais qui enregistre tout de même des avancées considérables. Il
marque peut-être une étape, mais, en tout cas, une étape décisive.
Je crois que l'on peut dire - je suis pénaliste de formation - que voilà au
moins cinquante ans qu'il n'y a pas eu de réforme aussi importante dans le
domaine de la procédure pénale !
Notons aussi que nous n'avons pas travaillé avec l'épée de l'urgence dans les
reins, qui conduit toujours à un travail superficiel, donc très souvent bâclé,
ou tout au moins insuffisant.
Quels sont les points où nous pouvons constater des avancées significatives ?
Ils sont très nombreux ; M. le rapporteur et vous-même, madame la ministre, les
avez rappelés.
Certains ont hésité ; fallait-il un article 1er ? Je crois qu'il était
nécessaire, dans cet article préliminaire sur la présomption d'innocence, de
rappeler les grands principes. Cet article éclaire l'ensemble des autres
dispositions du texte.
Il y a le recadrage et la réforme, en quelque sorte, de la mise en examen, la
création du juge des libertés et de la détention, la limitation de la durée de
la détention provisoire, l'appel des décisions d'assises, le réexamen des
décisions pénales tirant les conséquences d'un arrêt de la cour de Strasbourg,
la liberté de la presse - on a eu raison de souligner, à cet égard, l'excellent
travail du rapporteur pour avis, M. Louis de Broissia - la publicité,
l'exécution des peines, les droits des victimes.
On me permettra de mettre rapidement en exergue trois points : la garde à vue,
les relations entre justice et police judiciaire et les questions liées à la
mise en oeuvre de cette réforme.
Il y a eu beaucoup d'hésitations, de réflexions, de tergiversations, de
polémiques même, sur certaines dispositions concernant le régime de la garde à
vue. Soulignons les avancées : la présence de l'avocat dès la première heure,
la dixième heure, la vingtième heure et, pour être complet, la trente-sixième
heure, en cas de prolongation de la garde à vue par décision du procureur de la
République.
Est-ce trop d'avocat ? Pas assez d'avocat ? En tout cas, grâce à cette mesure,
nous allons pouvoir observer le comportement des barreaux, ceux qui pourront et
voudront s'organiser pour rendre cette présence effective et les autres.
En tout cas, madame la ministre, dans le prolongement de ce que vous nous avez
annoncé, à savoir l'instauration d'une sorte de commission de suivi, il serait
intéressant de faire tenir des statistiques pour savoir si l'on demande
fréquemment la présence d'un avocat, si celui-ci vient et dans quel délai il
vient. Il conviendra peut-être aussi d'observer s'il y a changement de
comportement de la part des officiers de police judiciaire relevant de la
police nationale et de la gendarmerie. Cela aussi mérite que les procureurs y
regardent de très près.
Je voudrais par ailleurs revenir sur cette affaire de l'enregistrement
audiovisuel - et non pas sonore. N'oubliez pas que, lorsque nous avons abordé
ce débat à l'occasion de la deuxième lecture, je me suis toujours opposé, et
mon groupe avec moi, à l'enregistrement sonore, parce que celui-ci n'a pas de
sens. J'ai dit qu'il fallait aller jusqu'au bout de la logique, au moins pour
les mineurs, et procéder à l'enregistrement audiovisuel. Vous l'avez accepté,
madame la ministre, et nous l'accepterons aussi, puisque mon groupe votera sans
hésitation et unanimement l'ensemble du texte, mais je crois qu'il faudra
encore que l'on observe quels seront les résultats de ce qui demeure une
expérimentation.
Des questions se posent d'ailleurs sur le plan pratique, tant pour les
services de la police nationale que pour ceux de la gendarmerie. On verra, au
bout de deux, trois ou quatre ans, comment se déroule l'enregistrement
audiovisuel des auditions pendant les gardes à vue des mineurs. Nous en
tirerons ensuite toutes les conséquences.
Toujours en ce qui concerne la garde à vue, je regrette que le rôle essentiel
de contrôle joué par les procureurs de la République n'ait pas encore été
suffisamment affirmé. En première lecture, j'avais obtenu la tenue, par les
parquets, de deux registres. Cette disposition a été maintenue dans le texte ;
j'espère qu'elle deviendra effective.
J'en arrive aux relations entre la justice et la police judiciaire, sujet
éminemment délicat, sujet récurrent s'il en est, et d'ordre sans doute moins
juridique qu'historique, culturel, voire corporatiste.
Je constate plusieurs avancées, tout du moins sur le plan théorique. Seule la
pratique permettra de mesurer l'effectivité de cette réforme, et, là encore,
une surveillance constante sera donc nécessaire, madame la ministre.
Il s'agit tout d'abord de la fixation par le procureur de la République du
délai dans lequel une enquête préliminaire doit être diligentée par les
officiers de police judiciaire mandatés à cet effet.
Il s'agit ensuite du compte rendu en temps réel au procureur de la République
ou à ses substituts, notamment lorsqu'une personne est placée en garde à vue,
mais pas seulement dans ce cas.
Il s'agit enfin d'une disposition à laquelle je tiens tout particulièrement,
et je remercie M. le rapporteur d'y avoir été très attentif, car elle aura des
conséquences très importantes dans l'avenir : désormais, les enquêtes
administratives relatives aux comportements d'un OPJ ou d'un APJ dans
l'exercice d'une mission de police judiciaire associeront l'inspection générale
des services judiciaires aux services d'enquête compétents, relevant soit de la
direction générale de la police nationale, soit de la direction générale de la
gendarmerie. Elles pourront aussi être ordonnées par vous, madame la ministre :
dans ce cas, elles seront dirigées par un magistrat.
Je suppose, madame la ministre, que cette disposition législative nécessitera
au moins un décret d'application, puis une circulaire commune du ministre de la
justice et du ministre de l'intérieur. Il sera d'ailleurs intéressant de
mesurer les délais que s'accorderont certains services du ministère de
l'intérieur avant d'appliquer la volonté du législateur...
Cette dernière observation m'amène à aborder la mise en oeuvre des
réformes.
L'application de l'ensemble du dispositif que nous allons adopter conviendra
d'être suivie de très près car - cela vient d'être rappelé - il touche aux
libertés. Sa mise en oeuvre doit donc être exemplaire tant sur le plan de la
célérité que sur celui des moyens.
De très nombreuses questions pourront être posées, mais nous y reviendrons
peut-être à l'occasion de l'examen des crédits de la justice à la fin de
l'année. Faudra-t-il, par exemple, spécialiser des locaux de garde à vue pour
les interrogatoires des mineurs, car il est certain qu'ils ne pourraient pas
être interrogés dans les locaux actuels de toutes les brigades de gendarmerie
ou de tous les commissariats ? Dans l'affirmative, dans quels délais ? Combien
de magistrats et de greffiers seront-ils nécessaires pour mettre en oeuvre
l'appel en matière criminelle ?
Je réserve ces questions, mais elles se posent. Vous avez ommencé à y
répondre, madame la ministre, en annonçant la mise en place d'une commission de
veille ou de surveillance de l'application de la réforme, ce qui est très
important.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, oui, nous
pouvons être légitimement satisfaits du travail accompli. Ce n'est peut-être
qu'une étape mais, avec ce texte, le respect du principe de la présomption
d'innocence et des droits des victimes aura fait, je le crois, un bond
considérable.
Enfin, et là j'interviens plus à titre personnel qu'au nom de mon groupe,
voilà des années que j'attends que le débat « Politique » sur la justice
s'enrichisse et s'apaise. Je me réjouis donc de la conclusion à laquelle nous
allons aboutir. C'est ainsi que l'on fait de bonnes lois. Puisse ce texte
préfigurer l'esprit avec lequel il nous faudra désormais - Gouvernement,
Assemblée nationale et Sénat - aborder, traiter et régler d'autres aspects de
la réforme judiciaire et du fond du droit !
Sous le bénéfice de ces observations, le groupe du Rassemblement pour la
République, sans hésitation et à l'unanimité, votera le texte sur la
présomption d'innocence et les droits des victimes.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. René-Pierre Signé.
Vous êtes en progrès !
M. Robert Bret.
Il peut mieux faire !
M. le président.
La parole est à M. Fauchon.
M. Pierre Fauchon.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, pour clore
cette longue et assez fructueuse procédure législative, je présenterai, au nom
de mon groupe, trois réflexions : la première sur l'appel des arrêts criminels
; la seconde sur la distinction quelque peu artificielle et sur l'opposition
que l'on entretient entre les notions de procédure inquisitoire et de procédure
accusatoire ; la troisième sur la garde à vue et la présence de l'avocat au
cours de cette garde à vue, question qui me tient particulièrement à coeur.
L'appel des arrêts criminels est la décision la plus importante que nous avons
eu à prendre, tant dans son principe que sur le plan de son efficacité. En
effet, nous sommes sûrs que cela va se faire, si je puis me permettre
d'employer cette expression à la différence d'autres dispositions de ce texte,
comme l'institution d'un juge de la liberté et de la détention notamment, pour
lesquelles il faudra attendre quelques années avant de savoir si cela marche.
Pour l'instant, nous ne le savons pas.
La réforme de la cour d'assises va donc entrer dans les faits, et je remercie
M. le rapporteur d'avoir joué un rôle décisif dans cette affaire.
Bien entendu, il s'agit non pas d'un appel au sens classique du terme, mais
plutôt d'une seconde chance. Cette distinction est en réalité fondamentale, car
il ne faut pas qu'il y ait trop d'équivoques sur ce point, du moins dans le
milieu des juristes.
L'appel, nous l'avons bien vu au cours de la lecture précédente, posait un
problème de juridiction et, surtout, un problème de motivation de la première
décision auquel nous n'avons pas pu apporter de réponse.
Nous ne prétendons donc pas instaurer un second niveau de juridiction après un
appel, mais nous souhaitons donner une seconde chance à ceux qui sont
condamnés. Notre motivation est plus humaine que juridique : la pire des choses
pour la justice est la condamnation d'un innocent. La non-condamnation de
coupables, c'est quotidien, si j'ose dire, et beaucoup moins grave !
(Sourires.)
M. René-Pierre Signé.
Il en reste des coupables en liberté !
M. Pierre Fauchon.
La condamnation d'un innocent est chose véritablement épouvantable. Chaque
fois que nous avons connaissance d'un tel cas, nous sommes effrayés ! N'est-ce
pas La Bruyère qui disait que la condamnation d'un innocent est l'affaire de
tous les honnêtes gens ? Avec une telle formule, il n'est pas surprenant que le
Sénat s'en soit inquiété et qu'il ait donné le moyen à ceux qui sont condamnés,
mais qui prétendent être innocents, d'avoir une seconde chance. Sur le plan
humain, c'est un progrès fondamental.
Je dirai maintenant quelques mots de l'opposition que l'on entretient, non
peut-être sans une certaine complaisance et une facilité un peu formelle, entre
les procédures dites inquisitoires et celles dites accusatoires, sans se
soucier d'ailleurs de définir les deux procédures, tant les cas sont rares de
procédures purement inquisitoires ou purement accusatoires. Tout cela évolue :
dans une démarche visant à améliorer le mécanisme judiciaire, on est parti
quelquefois d'une procédure accusatoire et on a introduit des mesures
inquisitoires, ou inversement.
Ceux de ma génération se rappellent ce que nous avons vécu en matière civile.
Nous avons commencé avec une procédure pratiquement accusatoire, puis nous
avons connu une procédure plus inquisitoire avec l'instauration du juge chargé
de suivre la procédure. D'une certaine façon, les référés, dont on connaît
l'importance, ont abouti à donner un rôle actif au juge qui relève de la
procédure inquisitoire, et nous en sommes très contents.
Les Anglais, qui souffrent d'avoir une justice civile dont il faut bien dire
qu'elle est très loin d'être satisfaisante, essaient d'y introduire, à la suite
du rapport de lord Wolf, des éléments de procédure inquisitoire.
En matière pénale, c'est à peu près pareil, les choses ne sont pas ausi
claires que cela. Les audiences auxquelles ont peut assister ont, à certains
moments, un caractère accusatoire et, à d'autres, peut-être un peu trop
inquisitoire, mais ce sont plus des nuances que des différences
fondamentales.
D'ailleurs, on dit que l'Angleterre pratique un système accusatoire, mais le
prévenu qui est en face du
bobby,
de l'agent de police qui l'interroge,
a bien l'impression d'être en face d'un inquisiteur, et il est dans une
situation inquisitoire. Ensuite, ce qui se sera passé durant l'enquête en
Angleterre n'est quand même pas nul et non avenu et n'est pas sans jouer un
certain rôle à l'audience et durant la procédure accusatoire qui suit.
Tout cela est assez mélangé et je suis de ceux qui considèrent - et j'ai été
heureux d'entendre Mme le garde des sceaux le dire à plusieurs reprises - qu'il
faut prendre notre système pour ce qu'il est et ne pas renier ce qu'il y a de
valable dans l'inquisitoire, il faut simplement l'améliorer. C'est ce que nous
essayons de faire et c'est, à mon sens, une démarche tout à fait
raisonnable.
La troisième réflexion, qui me tient davantage à coeur, est la présence de
l'avocat durant la garde à vue.
Je suis de ceux qui croient qu'il faut un avocat durant toute la durée de la
garde à vue. M. Dreyfus-Schmidt, qui est l'un de ceux avec qui nous avons
passablement réfléchi à cette question, ainsi que M. Badinter, savent ce qu'il
en est.
Il faut répéter sans cesse que la garde à vue est une épreuve terrible. La
personne qui est conduite devant la police ne sait pas ce qui va lui arriver.
On lui annonce soudain qu'elle est placée en garde à vue et elle entre alors
dans un monde où elle se sent menacée par l'appareil judiciaire avec tout ce
qui l'accompagne de violence morale. Elle est seule, peut-être innocente ou
peut-être impliquée de très loin seulement dans une affaire délictueuse.
Nous avons récemment auditionné des maires. Le maire d'une commune où un
accident s'était produit nous a raconté comment il s'était retrouvé placé en
garde à vue pendant toute une journée, ayant pu seulement passer un coup de
téléphone à sa famille pour expliquer pourquoi il ne rentrait pas. C'est un
véritable traumatisme moral !
Si l'on admet que la présence d'un avocat est indispensable devant le juge
d'instruction,
a fortiori
ne l'est-elle pas encore plus au cours de
cette première étape qui en un sens est pire que l'instruction ?
Bien sûr, je suis conscient qu'en cette première étape il ne faut tout de même
pas, non plus, que la situation de la personne interrogée soit si confortable,
si sécurisée et si libre que, véritablement, elle puisse résister à toutes les
investigations de la police. J'admets volontiers, parce que, bien entendu, il
faut bien que les forces de police poursuivent leur action, qu'on ne peut pas
mettre sur un pied d'égalité celui qui est interrogé, celui qui est placé en
garde à vue et la police.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'avais déposé un amendement imposant
la présence de l'avocat pendant toute la garde à vue, mais sans accès au
dossier - le dossier en principe n'est pas constitué à ce moment-là - et sans
possibilité de poser des questions. Ce n'était donc pas un avocat totalement
passif, puisqu'il assistait à la garde à vue, pouvait s'entretenir avec son
client, pouvait faire des observations, mais pas totalement actif non plus dans
son rôle de contradicteur, face à l'officier de police judiciaire chargé de
l'enquête. Nous étions un certain nombre à penser que cette solution,
finalement, était plus satisfaisante, à tous égards, que celle de
l'enregistrement, pratiquée, d'ailleurs - nous l'avons vérifié - de manière
habituelle et sans problème en Angleterre.
Nous avons cru qu'elle serait retenue, parce que, au sein de la commission
mixte paritaire, du moins, beaucoup de nos collègues, dont un bon nombre du
groupe socialiste, y étaient tout à fait favorables ; mais ensuite, a été
passée je ne sais laquelle de ces consignes secrètes, de ces lois non écrites,
et cette mesure a été qualifiée de prématurée.
Il ne fallait donc pas mette en oeuvre cette réforme dès à présent, et mon
amendement n'a pas été voté, si ce n'est par quelques-uns, et non des moindres,
que je tiens à remercier à cette tribune. Je le regrette et je le garde en
réserve. Le temps viendra où cette forme d'assistance paraîtra évidente et où
l'on fera ce qu'on a fait voilà un siècle pour l'instruction. Il faut être
philosophe !
Il paraît que cette réforme est prématurée. Pour ma part, cela fait des
dizaines d'années que j'attends, et il me faudra peut-être attendre encore
sinon des dizaines d'années, du moins des lustres. J'espère toutefois que l'on
n'attendra pas trop longtemps.
C'est donc avec philosophie que je voterai ce texte, mais non sans regrets.
M. le président.
La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il règne cet
après-midi dans l'hémicycle une sorte de douceur, un parfum de louanges
réciproques ; je pourrais presque parler d'état de grâce.
Notre éminent collègue et ami Michel Charasse, dont chacun connaît le fougueux
tempérament laïque, me disait d'ailleurs : « C'est la messe, et elle est dite
». Pas du tout, lui ai-je répondu, encore faut-il s'interroger : s'agit-il d'un
Magnificat,
d'un
Te Deum
ou d'un
Laudamus
?
(Sourires.)
Quoiqu'il en soit, nous baignons indiscutablement dans une atmosphère
plus que consensuelle et heureuse, comme dans les opéras chinois à la fin de la
représentation où chacun applaudit l'autre, je veux, à mon tour, apporter ma
part de louanges à la corbeille.
J'avoue, madame la garde des sceaux, que vous m'avez posé un problème car,
instinctivement, voulant commencer par vous, j'avais senti renaître en moi le
vieil axiome : « à tout seigneur... ». Et là, je me suis arrêté. Je me suis
demandé comment mettre le mot « seigneur » au féminin.
(Nouveaux sourires.)
J'avoue ne pas avoir résolu cette difficulté
inattendue. Je vais d'ailleurs interroger ma femme dès ce soir à ce sujet. Je
laisse donc les seigneuries de côté et je dis que c'est à vous, en premier
lieu, qu'il convient de rendre hommage.
Vous avez mené jusqu'à son terme - cela a été long, parfois difficile et
incertain quant à l'issue - un projet qui a été largement étoffé depuis lors,
mais toujours sous votre égide, et qui marquera indiscutablement un moment
important dans les réformes de la procédure pénale française. De cela, je suis
absolument convainvu.
Je suis également certain que, les choses étant ce qu'elles sont, les lois
finissent par avoir pour auteur seulement celui ou celle qui les signe. On
oublie que c'est M. « Y » - sauf quand il s'agit de la fondation de la IIIe
République -, qui a, au moment opportun, déposé l'amendement qui change tout.
Un texte de loi, c'est peut-être une oeuvre commune, mais son auteur premier,
c'est le ministre et, dans ce cas - sans jeu de mots - c'est justice.
Par ailleurs, la contribution de notre éminent rapporteur a été majeure à
plusieurs reprises, chacun le sait. Sinon la postérité, en tout cas ses amis
retiendront que c'est grâce à sa fermeté bien connue depuis des décennies que
nous avons enfin abouti à la réforme tant attendue de la cour d'assises.
Monsieur Fauchon, je ne sais pas s'il s'agit à proprement parler d'un appel,
d'un recours ou d'une deuxième chance, mais je sais en tout cas qu'il s'agit
d'une autre possibilité juridictionnelle. Quelle que soit la qualification
juridique, pour les accusés et pour les condamnés, cela suffit.
C'est à coup sûr ce que l'on retiendra au premier chef dans la perspective
historique, tout d'abord à cause de l'intense dramatisation qui s'attache à la
cour d'assises et, ensuite, parce que, dans l'histoire de la procédure pénale,
tout ce qui touche à la cour d'assises revêt une importance considérable.
Je rappelle que lorsqu'il s'est agi de composer la cour d'assises, Bonaparte,
devenu Napoléon, s'interrogeait sur l'opportunité des jurés. A sa surprise - à
l'époque il était triomphant, c'était le Napoléon au sommet de sa gloire,
c'est-à-dire dans les années 1806-1808 - le Conseil d'Etat a maintenu d'une
façon extraordinairement ferme le principe du jury et a rappelé, en termes
solennels, que c'était la première conquête de la Révolution française.
C'était peut-être excessif et Napoléon, qui était plus occupé à la préparation
de la campagne d'Eylau qu'à autre chose, a dit : vous voulez le jury,
messieurs, vous l'aurez. Et il a ajouté ce mot formidable : mais veillez à le
composer bien.
Si j'apporte ces précisions, c'est simplement pour bien marquer que, en deux
siècles, cette institution n'a connu qu'une transformation, qui l'a d'ailleurs
peut-être altérée. Nous savons à quelle triste époque, c'était du temps de
Vichy, quand on a, pour la première fois, mêlé les jurés, qui expriment la
conscience populaire, et les magistrats, qui sont les professionnels de la
justice.
En tout cas, la création du deuxième degré de juridiction en matière
criminelle demeurera, j'en suis convaincu. Cela normalise notre justice, cela
la rend plus conforme à la convention européenne des droits de l'homme.
Je n'aurai en cet instant qu'une forme de nostalgie, qu'un brin de regret
purement littéraire : une fois que la peine de mort a fort heureusement disparu
du prétoire et, maintenant qu'apparaissent les deux degrés de juridiction en
matière criminelle, l'éloquence judiciaire ne sera plus la même. Je me disais
donc, avec une pointe de mélancolie que seuls mes vieux amis comprendront, que
c'est le triomphe posthume de Floriot sur Thorez !
Mais laissons cet aspect des choses de côté et venons-en aux autres aspects de
la réforme, qui sont également importants. Cela dit, je ne vais pas les
reprendre tous à cette heure.
Vous avez marqué avec raison que la juridictionnalisation des sanctions que
nous espérions depuis si longtemps et qui va enfin se réaliser - qu'un hommage
soit rendu à cet égard à nos collègues de l'Assemblée nationale - est aussi une
très importante mesure.
Vous savez mieux que personne, madame la garde des sceaux, combien la décision
de libération conditionnelle, en définitive dans la solitude et en conscience,
est difficile à prendre.
La juridictionnalisation avec l'avantage des procédures, des expertises, des
mesures contradictoires et des possibilités d'écoute de celui qui va être
libéré comme éventuellement des parents des victimes, tout cela améliorera
sensiblement, j'en suis convaincu, le processus et libérera celles et ceux qui
ne l'ont jamais demandé d'un des plus lourds fardeaux que la conscience humaine
puisse assumer.
S'agissant maintenant de ce qui nous tient tout particulièrement à coeur, la
limitation de la détention provisoire, il est certain que ce projet de loi
entraînera, comme nous le souhaitons tous, une réduction du nombre des
placements en détention provisoire et de leur durée, ce qui n'est pas la
moindre de nos préoccupations. Cette réduction résultera, d'abord, de
l'élévation des seuils, et ensuite, certainement, de la limitation dans le
temps.
Sur la procédure elle-même, à défaut de la collégialité à trois, c'est le
double regard qui a été choisi. Je l'avais vu avec sympathie et une certaine
dose de scepticisme, comme les vieilles troupes. Vous savez d'ailleurs que j'ai
des incertitudes quant à sa conformité à la Convention européenne des droits de
l'homme. Jusqu'à ce jour, je m'interroge. Nous aurons certainement un jour
prochain la réponse.
Puisse ce double regard avoir au moins des conséquences positives en ce qui
concerne le nombre des placements en détention. Mais je n'en suis pas sûr. Je
le dis clairement : je m'interroge. Je crains en effet que ce double regard ne
« louche » !
En tout cas, nous souhaitons que cette réforme réussisse et que, dans quelques
années, nous puissions avoir l'occasion de dresser un bilan positif dans ce
domaine-là.
J'en viens maintenant au dernier moment de ce long processus législatif - je
laisse de côté le problème du droit des victimes que vous avez heureusement et
fort bien rappelé, madame la garde des sceaux - c'est-à-dire la discussion à
propos de l'enregistrement audiovisuel.
On avait commencé par prévoir un enregistrement sonore des interrogatoires
dans le cours de la garde à vue. Finalement, on a retenu la voie expérimentale,
audiovisuelle, pour les mineurs seulement. Cela engendre une incertitude, et je
crois que nous n'allons pas dans la bonne direction.
Nous allons faire l'expérience - je l'ai moi-même voté en commission mixte
paritaire, comme nous tous - mais je vais vous dire pourquoi je n'y crois
pas.
Je pense, s'agissant des interrogatoires des personnes placées en garde à vue,
que la vraie réponse - je n'ose pas dire la seule - c'est la présence d'un
avocat.
Qu'on m'entende bien : quand je dis « présence d'un avocat », je ne dis pas :
« assistance active ». Nous ne sommes pas dans le cadre de l'instruction ! Je
ne pense pas une seconde que l'avocat se fasse communiquer le dossier, comme
c'est le cas dans l'instruction. Ce n'est là ni le moment, ni le lieu, ni sa
mission. Non !
Je rappelle d'ailleurs que la procédure des pays anglo-saxons, dans la plupart
des Etats et aux Etats-Unis notamment, exclut, à ce stade, de communiquer le
dossier de l'accusation à la défense. La défense est là, mais elle ne sait pas
quelles charges l'accusation a déjà accumulé à cet instant. Donc, je ne pense
pas du tout à ce que l'on appellerait ailleurs la
disclosure,
à
l'ouverture des charges. Je dis que la présence d'un avocat à l'orée de la
garde à vue, au moment où l'interrogatoire se déroule, règle toutes les
difficultés.
Finies toutes les incertitudes sur ce qui a pu être dit à tel ou tel moment,
avec tout ce que cela suscite dans la suite de la procédure pénale. Finies les
allégations de ceux qui affirment avoir fait l'objet de sévices ou de
violences. Finies - ce qui est plus important encore - les angoisses absolues
de celui qui est placé en garde à vue et auquel on demande de répondre. Tout
cela est réglé par la seule présence d'un avocat, qui n'a pas du tout besoin
d'être l'avocat nécessairement choisi par lui.
La demande, est : « voulez-vous l'assistance d'un avocat ? » Dans
l'affirmative, la réponse est la présence d'un avocat, qui est là comme un
témoin de la légalité du déroulement de la garde à vue, du respect des droits
de la défense de la sincérité et de la loyauté des opérations.
Je suis tout à fait convaincu qu'à cet égard les officiers de police
judiciaire s'en trouveraient fort bien comme, finalement, ils se sont trouvés
fort bien - ainsi qu'ils en conviennent maintenant - de la présence de l'avocat
à la vingtième heure de la garde à vue. Tout cela doit se faire et se fera,
j'en suis persuadé.
Je relève à cet égard la réponse du bâtonnier quand je lui ai demandé ce qu'il
en était à cet instant de la présence des avocats lors de la garde à vue, quand
ils sont demandés, et seulement dans ce cas : à Paris, le nombre des gardes à
vue pour 1999 s'est élevé à 26 685 et 10 674 gardés à vue, soit 40 % d'entre
eux, ont demandé à s'entretenir avec un avocat. Cela correspond exactement au
nombre de diligences effectuées par le barreau. Celui-ci est donc prêt à y
satisfaire.
Je suis certain que, lorsqu'on parviendra au terme de l'expérience
audiovisuelle aujourd'hui tentée, on se rendra compte que, beaucoup mieux que
les machines, toujours incertaines dans leur fonctionnement et dont on mettra
en cause la validité ou l'utilisation, mieux vaut la présence d'un avocat et
que, coût pour coût, il vaut mieux que ce soient les jeunes avocats, dans le
cadre des commissions d'office, qui assurent cette mission de défense.
Je relève d'ailleurs au passage - mais peut-être les éminents experts de la
Chancellerie ont-ils étudié plus profondément que moi cette question ! - qu'une
difficulté subsiste à propos de ces enregistrements : en cas de défaillance de
la machine, serons-nous en présence d'une nullité au titre de la violation des
droits de la défense ? Je ne sais pas ; je m'interroge. Cette question, on ne
se la poserait pas avec la présence de l'avocat !
Madame la garde des sceaux, des progrès très importants ont été réalisés. Je
vous en donne le crédit premier et j'y associe volontiers tous ceux qui y ont
contribué. Et Dieu sait que les membres de la commission des lois du Sénat ont
fait tout ce qu'ils pouvaient, oubliant d'ailleurs absolument leurs
appartenances quelles qu'elles soient, y compris politiques, pour essayer de
déceler ce qui, à ce stade de notre procédure, devait apparaître comme le
meilleur remède possible en l'état.
En effet, et ce sera mon dernier mot, il n'y a pas de réforme définitive ;
dans le domaine de la procédure pénale, nous sommes en état de création ou de
refondation continue. S'agissant du double degré de juridiction, je suis
convaincu, pour ma part, que le progrès est irréversible. Les modalités mêmes
du déroulement du procès se trouveront modifiées quand on posera la question :
« coupable ou non coupable ? », avec certainement des conséquences sur le
déroulement de l'audience.
Nous évoluons irrésistiblement - je n'emploie pas le futur, je mets le verbe
directement au présent ! - vers un modèle qui, je l'espère, sera commun à toute
l'Europe et qui retiendra ce qu'il y a de meilleur dans les différentes
procédures, la nôtre comme les autres.
Cela se fera, cela prendra quelques années et nous y travaillerons tous ; je
sais à quel point vous en êtes vous-même convaincue.
Pour l'instant, améliorons la vieille machine ; vous l'avez fait. Soyez-en
remerciée, et remercions au passage tous ceux qui y ont contribué.
(Applaudissements sur l'ensemble des travées.)
M. le président.
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il me revient
la tâche difficile d'intervenir en dernier dans la discussion générale !
Nous arrivons aujourd'hui à la fin de la discussion du projet de loi relatif
au renforcement de la présomption d'innocence : sauf incident inédit, après
l'Assemblée nationale, le Sénat devrait approuver les conclusions de la
commission mixte paritaire et les amendements de coordination présentés par le
Gouvernement.
A ce stade, mon premier sentiment, largement partagé ici, est celui du travail
bien fait. Je ne verse généralement pas dans l'autosatisfaction mais, à la
mesure du chemin parcouru depuis le dépôt du texte sur le bureau de l'Assemblée
nationale au mois de septembre 1998, chacun d'entre nous est en droit de se
réjouir.
En effet, cela a déjà été rappelé, le texte sur lequel nous allons nous
prononcer aujourd'hui est véritablement une oeuvre collective. Chaque groupe
s'est fortement impliqué dans le débat sur un sujet aussi décisif que le
renforcement des droits et libertés des individus confrontés à la justice
pénale. Chacun y a apporté sa propre contribution, son originalité. De ce point
de vue, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ont le
sentiment d'avoir eu leur pleine et entière place dans le débat. Il s'agit donc
d'une oeuvre collective qui a permis la confrontation des idées, avec le souci
permanent de parvenir à un juste équilibre.
Sur ce point, madame la garde des sceaux, les sénateurs du groupe communiste
républicain et citoyen vous rendent grâce de votre volonté d'aboutir et de
votre esprit d'ouverture qui a permis au projet de loi de s'enrichir
considérablement au fil des débats.
C'est ensuite le travail des rapporteurs et des présidents des commissions des
lois de l'Assemblée nationale et du Sénat qu'il nous faut saluer ici. Ils ont
su jouer, particulièrement dans cette enceinte, un rôle à la fois novateur et
modérateur qui a permis à la commission mixte paritaire d'aboutir. Ils ont su
exercer une constante vigilance pour éviter que le débat n'emprunte des
sentiers, peut-être attrayants à première vue, mais qui nous semblent déboucher
sur des impasses. Je veux parler d'un basculement brusque, sans réflexion de
fond, dans le système inquisitorial. Je pense également à un régime d'exception
pour les élus vers lequel quelques-uns voudraient nous entraîner. Je pense,
enfin, à la liberté de la presse, heureusement préservée contre les tentations
de certains de la restreindre.
Cette attitude constructive des intervenants a permis au débat d'évoluer bien
au-delà du texte initial, pour le plus grand bénéfice du justiciable
aujourd'hui. Il est d'autant plus regrettable que certains aient cru bon, à
l'Assemblée nationale, de revenir sur un consensus qui avait pourtant emporté
l'accord unanime de la commission mixte paritaire, et fait prévaloir des
considérations fort éloignées du texte lui-même. J'ose espérer qu'il n'en sera
pas de même aujourd'hui.
Le texte qui nous est présenté aujourd'hui reflète parfaitement l'esprit dans
lequel s'est effectué le travail parlementaire en faisant converger les points
de vue ; c'est vrai au-delà des clivages traditionnels : Assemblée
nationale-Sénat ou encore gauche-droite.
L'enregistrement des interrogatoires de garde à vue nous semble en être
l'exemple type.
Restreint aux mineurs en première lecture, l'enregistrement sonore des
interrogatoires de garde à vue n'a, en effet, été généralisé aux majeurs qu'en
seconde lecture par un vote unanime de l'Assemblée nationale visant à renforcer
les garanties des personnes. Cette disposition a été l'objet de vives
critiques, principalement de la part des personnels de police et de
gendarmerie, qui l'ont ressentie comme une marque de suspicion. Faisant écho à
ces oppositions, le Sénat avait choisi de la remplacer par la présence de
l'avocat à la dixième heure.
Il revient à la commission mixte paritaire d'avoir su proposer un texte
transactionnel, qui retient, dans un premier temps, un système d'enregistrement
sonore et vidéo des interrogatoires pour les seuls mineurs. Le système devrait
être étendu aux majeurs à l'issue de cette phase expérimentale.
Au-delà de ce point de focalisation, sachons convenir des avancées
fondamentales que constitue le texte, tel qu'il ressort de nos débats, pour les
droits des justiciables.
Certes, le texte comporte, aux yeux des uns ou des autres, des lacunes.
Les sénateurs de notre groupe ne font pas exception, qui continueront
d'exprimer leurs réserves à l'égard, par exemple, du bracelet électronique ;
ils regrettent, en outre, que l'on n'ait pas davantage mis l'accent sur la
prévention et que l'on ait laissé de côté les procédures de comparution
immédiate.
Néanmoins, nous sommes, au groupe communiste républicain et citoyen,
profondément convaincus que le texte qui nous est soumis constitue une
amélioration réelle de notre procédure pénale.
Ainsi, les citoyens bénéficieront désormais de garanties supplémentaires à
tous les stades de la procédure pénale, de l'interpellation à l'exécution de la
peine, et c'est là l'essentiel.
La garde à vue se déroulera sous contrôle accru - qu'il s'agisse de la
présence de l'avocat dès la première heure ou de l'enregistrement des
interrogatoires - et la mise en examen ne sera désormais possible qu'en cas d'«
indices graves ou concordants rendant vraisemblable » la participation, comme
auteur ou complice, à une infraction. Cet encadrement est renforcé par
l'instauration d'un statut de témoin assisté, intermédiaire entre ceux de mis
en examen et de simple témoin.
L'instruction devra être effectuée dans un délai raisonnable, et la décision
de mettre une personne en détention provisoire, à défaut d'être collégiale,
sera du moins prise sous le double regard du juge d'instruction et du juge de
la détention et des libertés. Elle sera, par ailleurs, strictement limitée dans
son recours et dans sa durée : il s'agit d'un progrès décisif des droits des
justiciables. Corrélativement sont renforcés les droits des victimes, qui, trop
souvent, demeurent les oubliées du procès pénal : la possibilité de demander la
clôture de l'instruction, le droit de se constituer partie civile pour les
associations de victimes contribuent, enfin, à donner aux victimes la place
qu'elles sont en droit de réclamer.
Enfin, le projet de loi, tel que modifié, met fin à des anachronismes de notre
droit pénal qui heurtaient singulièrement les principes démocratiques : l'appel
des décisions de cour d'assises permet ainsi de satisfaire l'exigence du droit
au recours. Il en est de même de la possibilité désormais ouverte de demander
le réexamen de sa condamnation pénale définitive suite à un arrêt de la Cour
européenne des droits de l'homme. Enfin, la séparation des pouvoirs est mieux
respectée avec la judiciarisation des décisions de libération conditionnelle,
puisque le garde des sceaux ne sera plus habilité à intervenir.
Dans le même sens, je suis personnellement très sensible au fait qu'on ait
rapproché les garanties dont doivent bénéficier les personnes étrangères
maintenues dans les centres de rétention ou les zones d'attente des garanties
dont bénéficient les nationaux privés de leur liberté. Le respect de la dignité
des personnes nécessite que les étrangers privés de leur liberté bénéficient
des mêmes garanties que celles dont ils bénéficieraient s'ils étaient des
nationaux.
Désormais, ces lieux d'enfermement des étrangers pourront être visités par les
parlementaires de la même façon que les établissements pénitentiaires et les
locaux de garde à vue. Espérons qu'ils sauront user de cette faculté ! De même
le procureur pourra effectuer des contrôles presque aussi fréquemment qu'il le
fait dans les locaux de garde à vue.
Madame la ministre, mes chers collègues, parce qu'il va dans le sens d'un
renforcement des libertés individuelles, les sénateurs du groupe communiste
républicain et citoyen voteront sans réserve ce texte. Ils expriment cependant
un souhait : que tous les moyens soient mis en oeuvre pour faire vivre cette
grande réforme et faire taire les réserves que nous pouvons encore entendre ici
et là !
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle qu'en application de l'article 42, alinéa 12, du règlement,
lorsqu'il examine après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la
commission mixte paritaire, le Sénat se prononce par un seul vote sur
l'ensemble du texte, en ne retenant que les amendements ayant reçu l'accord du
Gouvernement.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :
« Art. 1er. - Il est inséré, en tête du code de procédure pénale, un article
préliminaire ainsi rédigé :
«
Art. préliminaire. -
I. - La procédure pénale doit être équitable et
contradictoire et préserver l'équilibre des droits des parties.
« Elle doit garantir la séparation des autorités chargées de l'action publique
et des autorités de jugement.
« Les personnes se trouvant dans des conditions semblables et poursuivies pour
les mêmes infractions doivent être jugées selon les mêmes règles.
« II. - L'autorité judiciaire veille à l'information et à la garantie des
droits des victimes au cours de toute procédure pénale.
« III. - Toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant
que sa culpabilité n'a pas été établie. Les atteintes à sa présomption
d'innocence sont prévenues, réparées et réprimées dans les conditions prévues
par la loi.
« Elle a le droit d'être informée des charges retenues contre elle et d'être
assistée d'un défenseur.
« Les mesures de contraintes dont cette personne peut faire l'objet sont
prises sur décision ou sous le contrôle effectif de l'autorité judiciaire.
Elles doivent être strictement limitées aux nécessités de la procédure,
proportionnées à la gravité de l'infraction reprochée et ne pas porter atteinte
à la dignité de la personne.
« Il doit être définitivement statué sur l'accusation dont cette personne fait
l'objet dans un délai raisonnable.
« Toute personne condamnée a le droit de faire examiner sa condamnation par
une autre juridiction. »
« TITRE Ier
« DISPOSITIONS RENFORÇANT LA PROTECTION
DE LA PRÉSOMPTION D'INNOCENCE
« Chapitre Ier
« Dispositions renforçant les droits de la défense
et le respect du caractère contradictoire
de la procédure
« Section 1
« Dispositions relatives à la garde à vue
« Art. 2 DA. - Après l'article 63-4 du code de procédure pénale, est inséré un
article 63-5 ainsi rédigé :
«
Art. 63-5. -
Lorsqu'il est indispensable pour les nécessités de
l'enquête de procéder à des investigations corporelles internes sur une
personne gardée à vue, celles-ci ne peuvent être réalisées que par un médecin
requis à cet effet. »
« Art. 2 D. - I. - Dans le premier alinéa de l'article 63-1 du même code,
après les mots : "agent de police judiciaire," sont insérés les mots : "de la
nature de l'infraction sur laquelle porte l'enquête,".
« II. - Le premier alinéa du même article est complété par une phrase ainsi
rédigée :
« Les dispositions de l'article 77-2 sont également portées à sa connaissance.
»
« Art. 2
bis
A. -
Supprimé.
« Art 2
ter. -
L'article 4 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945
relative à l'enfance délinquante est complété par un VI ainsi rédigé :
« VI. - Les interrogatoires des mineurs placés en garde à vue visés à
l'article 64 du code de procédure pénale font l'objet d'un enregistrement
audiovisuel.
« L'enregistrement original est placé sous scellés et sa copie est versée au
dossier.
« L'enregistrement ne peut être visionné qu'avant l'audience de jugement, en
cas de contestation du contenu du procès-verbal d'interrogatoire, sur décision,
selon le cas, du juge d'instruction ou du juge des enfants saisi par l'une des
parties. Les huit derniers alinéas de l'article 114 ne sont pas applicables.
« Le fait, pour toute personne, de diffuser un enregistrement original ou une
copie réalisée en application du présent article est puni d'un an
d'emprisonnement et de 100 000 F d'amende.
« A l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de la date de l'extinction
de l'action publique, l'enregistrement original et sa copie sont détruits dans
le délai d'un mois. »
« Section 1 bis
« Dispositions relatives
au contrôle de l'autorité judiciaire
sur la police judiciaire
« Art. 2
quater
A. - Après l'article 75 du code de procédure pénale,
sont insérés deux articles 75-1 et 75-2 ainsi rédigés :
«
Art. 75-1. -
Lorsqu'il donne instruction aux officiers de police
judiciaire de procéder à une enquête préliminaire, le procureur de la
République fixe le délai dans lequel cette enquête doit être effectuée. Il peut
le proroger au vu des justifications fournies par les enquêteurs.
« Lorsque l'enquête est menée d'office, les officiers de police judiciaire
rendent compte au procureur de la République de son état d'avancement
lorsqu'elle est commencée depuis plus de six mois.
«
Art. 75-2. -
L'officier de police judiciaire qui mène une enquête
préliminaire concernant un crime ou un délit avise le procureur de la
République dès qu'une personne à l'encontre de laquelle existent des indices
faisant présumer qu'elle a commis ou tenté de commettre l'infraction est
identifiée. »
« Art. 2
quater
B. - L'article 227 du même code est complété par une
phrase ainsi rédigée : "Cette décision prend effet immédiatement."
« Art. 2
quater. -
Après l'article 15-1 du même code, il est inséré un
article 15-2 ainsi rédigé :
«
Art. 15-2. -
Les enquêtes administratives relatives au comportement
d'un officier ou d'un agent de police judiciaire dans l'exercice d'une mission
de police judiciaire associent l'inspection générale des services judiciaires
au service d'enquête compétent. Elles peuvent être ordonnées par le ministre de
la justice et sont alors dirigées par un magistrat. »
« Section 2
« Dispositions relatives à la désignation de l'avocat
au cours de l'instruction
« Art. 3. - I. - L'article 115 du code de procédure pénale est complété par un
alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la personne mise en examen est détenue, le choix de son avocat peut
résulter d'un courrier adressé par cette personne à celui-ci et le désignant
pour assurer sa défense : une copie de ce courrier doit être remise par
l'avocat, en tout ou partie, au cabinet du juge d'instruction. La personne mise
en examen doit confirmer ce choix au juge d'instruction dans les quinze jours.
Ce délai ne fait pas obstacle à la libre communication du dossier à l'avocat.
»
« II. -
Supprimé. »
« Section 2
bis
« Dispositions relatives aux modalités
de mise en examen
« Art. 3
bis
. - L'article 80-1 du même code est ainsi rédigé :
« Art. 80-1. -
A peine de nullité, le juge d'instruction ne peut mettre
en examen que les personnes à l'encontre desquelles il existe des indices
graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient pu participer, comme
auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont il est saisi.
« Il ne peut procéder à cette mise en examen qu'après avoir préalablement
entendu les observations de la personne ou l'avoir mise en mesure de les faire,
en étant assistée par son avocat, soit dans les conditions prévues par
l'article 116 relatif à l'interrogatoire de première comparution, soit en tant
que témoin assisté conformément aux dispositions des articles 113-1 à 113-8.
« Le juge d'instruction ne peut procéder à la mise en examen de la personne
que s'il estime ne pas pouvoir recourir à la procédure de témoin assisté. »
« Art. 3
ter
A. -
Supprimé.
»
« Art. 3
ter
. - I. - L'article 80-2 du même code est ainsi rétabli :
« Art. 80-2. -
Le juge d'instruction peut informer une personne par
lettre recommandée qu'elle est convoquée, dans un délai qui ne peut être
inférieur à dix jours ni supérieur à un mois, pour qu'il soit procédé à sa
première comparution dans les conditions prévues par l'article 116. Cette
lettre indique la date et l'heure de la convocation. Elle donne connaissance à
la personne de chacun des faits dont ce magistrat est saisi et pour lesquels la
mise en examen est envisagée, tout en précisant leur qualification juridique.
Elle fait connaître à la personne qu'elle a le droit de choisir un avocat ou de
demander qu'il lui en soit désigné un d'office, ce choix ou cette demande
devant être adressé au greffe du juge d'instruction. Elle précise que la mise
en examen ne pourra intervenir qu'à l'issue de la première comparution de la
personne devant le juge d'instruction.
« Le juge d'instruction peut également faire notifier cette convocation par un
officier de police judiciaire. Cette notification comprend les mentions prévues
à l'alinéa précédent ; elle est constatée par un procès-verbal signé par la
personne qui en reçoit copie.
« L'avocat choisi ou désigné est convoqué dans les conditions prévues par
l'article 114 ; il a accès au dossier de la procédure dans les conditions
prévues par cet article. »
« II. - L'article 116-1 du même code est abrogé. »
« Section 3
« Dispositions étendant les droits des parties
au cours de l'instruction
« Art. 4
ter
A. - L'article 116 du code de procédure pénale est ainsi
rédigé :
«
Art. 116.
- Lorsqu'il envisage de mettre en examen une personne qui
n'a pas déjà été entendue comme témoin assisté, le juge d'instruction procède à
sa première comparution selon les modalités prévues par le présent article.
« Le juge d'instruction constate l'identité de la personne et lui fait
connaître expressément, en précisant leur qualification juridique, chacun des
faits dont il est saisi et pour lesquels la mise en examen est envisagée.
Mention de ces faits et de leur qualification juridique est portée au
procès-verbal.
« Lorsqu'il a été fait application des dispositions de l'article 80-2 et que
la personne est assistée d'un avocat, le juge d'instruction procède à son
interrogatoire ; l'avocat de la personne peut présenter ses observations au
juge d'instruction.
« Dans les autres cas, le juge d'instruction avise la personne de son droit de
choisir un avocat ou de demander qu'il lui en soit désigné un d'office.
L'avocat choisi ou, dans le cas d'une demande de commission d'office, le
bâtonnier de l'ordre des avocats en est informé par tout moyen et sans délai.
Si l'avocat choisi ne peut être contacté ou ne peut se déplacer, la personne
est avisée de son droit de demander qu'il lui en soit désigné un d'office pour
l'assiter au cours de la première comparution. L'avocat peut consulter
sur-le-champ le dossier et communiquer librement avec la personne. Le juge
d'instruction avertit ensuite la personne qu'elle a le choix de se taire, soit
de faire des déclarations, soit d'être interrogée. Mention de cet avertissement
est faite au procès-verbal. L'accord pour être interrogé ne peut être donné
qu'en présence d'un avocat. L'avocat de la personne peut également présenter
ses observations au juge d'instruction.
« Après avoir, le cas échéant, recueilli les déclarations de la personne ou
procédé à son interrogatoire et entendu les observations de son avocat, le juge
d'instruction lui notifie :
« - soit qu'elle n'est pas mise en examen ; le juge d'instruction informe
alors la personne qu'elle bénéficie des droits du témoin assisté ;
« - soit qu'elle est mise en examen ; le juge d'instruction porte alors à la
connaissance de la personne les faits ou la qualification juridique des faits
qui lui sont reprochés, si ces faits ou ces qualifications diffèrent de ceux
qui lui ont déjà été notifiés ; il l'informe de ses droits de formuler des
demandes d'actes ou de requêtes en annulation sur le fondement des articles 81,
82-1, 82-2, 156 et 173 durant le déroulement de l'information et au plus tard
le vingtième jour suivant l'avis prévu par le dernier alinéa de l'article 175,
sous réserve des dispositions de l'article 173-1.
« S'il estime que le délai prévisible d'achèvement de l'information est
inférieur à un an en matière correctionnelle ou à dix-huit mois en matière
criminelle, le juge d'instruction donne connaissance de ce délai prévisible à
la personne et l'avise qu'à l'expiration dudit délai, elle pourra demander la
clôture de la procédure en application des dispositions de l'article 175-1.
Dans le cas contraire, il indique à la personne qu'elle pourra demander, en
application de ce même article, la clôture de la procédure à l'expiration d'un
délai d'un an en matière correctionnelle ou de dix-huit mois en matière
criminelle.
« A l'issue de la première comparution, la personne doit déclarer au juge
d'instruction son adresse permanente. Elle peut toutefois lui substituer
l'adresse d'un tiers chargé de recevoir les actes qui lui sont destinés si elle
produit l'accord de ce dernier. L'adresse déclarée doit être située, si
l'information se déroule en métropole, dans un département métropolitain ou, si
l'information se déroule dans un département d'outre-mer, dans ce département.
Cette déclaration est faite devant le juge des libertés et de la détention
lorsque ce magistrat, saisi par le juge d'instruction, décide de ne pas placer
la personne en détention.
« La personne est avisée qu'elle doit signaler au juge d'instruction jusqu'au
règlement de l'information, par nouvelle déclaration ou par lettre recommandée
avec demande d'avis de réception, tout changement de l'adresse déclarée. Elle
est également avisée que toute notification ou signification faite à la
dernière adresse déclarée sera réputée faite à sa personne. Mention de cet
avis, ainsi que de la déclaration d'adresse, est portée au procès-verbal. Ces
avis sont donnés par le juge des libertés et de la détention lorque celui-ci
décide de ne pas placer la personne en détention. »
« Art. 4
ter.
-
Supprimé.
« Art. 4
quater
A. -
Supprimé. »
« Art. 5
ter
A. - Après l'article 174 du même code, il est inséré un
article 174-1 ainsi rédigé :
«
Art. 174-1.
- Lorsque la chambre de l'instruction annule une mise en
examen pour violation des dispositions de l'article 80-1, la personne est
considérée comme témoin assisté à compter de son interrogatoire de première
comparution et pour l'ensemble de ses interrogatoires ultérieurs, jusqu'à
l'issue de l'information, sous réserve des dispositions des articles 113-6 et
113-8. »
« Section 4
« Dispositions relatives au témoin
et au témoin assisté
« Art. 6
bis.
- I. - Après les mots : "force publique", la fin du
troisième alinéa de l'article 109 du code de procédure pénale est supprimée.
« II. - Dans le quatrième alinéa de l'article 186 du même code, les mots : "ou
du témoin condamné en application de l'article 109" sont supprimés.
« III. - Après l'article 434-15 du code pénal, il est inséré un article
434-15-1 ainsi rédigé :
«
Art. 434-15-1.
- Le fait de ne pas comparaître, sans excuse ni
justification, devant le juge d'instruction par une personne qui a été citée
par lui pour y être entendue comme témoin est puni de 25 000 F d'amende. »
« Art. 7. - Après l'article 113 du code de procédure pénale, il est inséré une
sous-section 2 ainsi rédigée :
« Sous-section 2.
« Du témoin assisté.
«
Art. 113-1.
- Toute personne nommément visée par un réquisitoire
introductif et qui n'est pas mise en examen ne peut être entendue que comme
témoin assisté.
«
Art. 113-2.
- Toute personne nommément visée par une plainte ou mise
en cause par la victime peut être entendue comme témoin assisté. Lorsqu'elle
comparaît devant le juge d'instruction, elle est obligatoirement entendue en
cette qualité si elle en fait la demande.
« Toute personne mise en cause par un témoin ou contre laquelle il existe des
indices rendant vraisemblable qu'elle ait pu participer, comme auteur ou
complice, à la commission des infractions dont le juge d'instruction est saisi
peut être entendue comme témoin assisté.
«
Art. 113-3.
- Le témoin assisté bénéficie du droit d'être assisté par
un avocat qui est avisé préalablement des auditions et a accès au dossier de la
procédure, conformément aux dispositions des articles 114 et 114-1. Il peut
également demander au juge d'instruction, selon les modalités prévues par
l'article 82-1, à être confronté avec la ou les personnes qui le mettent en
cause. Cet avocat est choisi par le témoin assisté ou désigné d'office par le
bâtonnier si l'intéressé en fait la demande.
« Lors de sa première audition comme témoin assisté, la personne est informée
de ses droits par le juge d'instruction.
«
Art. 113-4.
- Lors de la première audition du témoin assisté, le juge
d'instruction constate son identité, lui donne connaissance du réquisitoire
introductif, de la plainte ou de la dénonciation, l'informe de ses droits et
procède aux formalités prévues aux deux derniers alinéas de l'article 116.
Mention de cette information est faite au procès-verbal.
« Le juge d'instruction peut, par l'envoi d'une lettre recommandée, faire
connaître à une personne qu'elle sera entendue en qualité de témoin assisté.
Cette lettre comporte les informations prévues à l'alinéa précédent. Elle
précise que le nom de l'avocat choisi ou la demande de désignation d'un avocat
commis d'office doit être communiquée au greffier du juge d'instruction.
«
Art. 113-5.
- Le témoin assisté ne peut être placé sous contrôle
judiciaire ou en détention provisoire, ni faire l'objet d'une ordonnance de
renvoi ou de mise en accusation.
«
Art. 113-6.
- A tout moment de la procédure, le témoin assisté peut,
à l'occasion de son audition ou par lettre recommandée avec demande d'avis de
réception, demander au juge d'instruction à être mis en examen; la personne est
alors considérée comme mise en examen et elle bénéficie de l'ensemble des
droits de la défense dès sa demande ou l'envoi de la lettre recommandée avec
avis de réception.
« Les dispositions du premier alinéa de l'article 105 ne sont pas applicables
au témoin assisté.
«
Art. 113-7.
- Le témoin assisté ne prête pas serment.
«
Art. 113-8.
- S'il apparaît au cours de la procédure que des indices
graves ou concordants justifient la mise en examen du témoin assisté, le juge
d'instruction ne peut procéder à cette mise en examen en faisant application
des dispositions du quatrième alinéa de l'article 116 qu'après avoir informé la
personne de son intention, le cas échéant par lettre recommandée, et l'avoir
mise en mesure de faire connaître ses observations. Il peut également procéder
à cette mise en examen en adressant à la personne, en même temps que l'avis de
fin d'information prévu par l'article 175, une lettre recommandée précisant
chacun des fait qui lui sont reprochés ainsi que leur qualification juridique,
et l'informant de son droit de formuler des demandes d'actes ou des requêtes en
annulation sur le fondement des articles 81, 82-1, 82-2, 156 et 173 pendant une
durée de vingt jours. La personne est également informée que si elle demande à
être à nouveau entendue par le juge celui-ci est tenu de procéder à son
interrogatoire. »
« Art. 8. - Après l'article 197 du même code, il est inséré un article 197-1
ainsi rédigé :
«
Art. 197-1. -
En cas d'appel d'une ordonnance de non-lieu, le témoin
assisté peut, par l'intermédiaire de son avocat, faire valoir ses observations
devant la chambre de l'instruction. La date de l'audience est notifiée à
l'intéressé et à son avocat conformément aux dispositions de l'article 197.
»
« Art. 8
bis
. - L'article 652 du même code est complété par un alinéa
ainsi rédigé :
« Les dispositions de cet article ne s'appliquent pas aux membres du
Gouvernement entendus comme témoin assisté. »
« Section 5
« Dispositions renforçant les droits des parties
au cours de l'audience de jugement
« Art. 9
bis
A. -
Supprimé.
« Art. 9
ter
AA. -
Supprimé.
« Art. 9
ter
A. - L'article 429 du même code est complété par un alinéa
ainsi rédigé :
« Tout procès-verbal d'interrogatoire ou d'audition doit comporter les
questions auxquelles il est répondu. »
« Art. 9
quater. -
I. - Le deuxième alinéa de l'article 513 du même
code est ainsi rédigé :
« Les témoins cités par le prévenu sont entendus dans les règles prévues aux
articles 435 à 457. Le ministère public peut s'y opposer si ces témoins ont
déjà été entendus par le tribunal. La cour tranche avant tout débat au fond.
»
« II. - Le troisième alinéa de l'article 513 du même code est ainsi rédigé
:
« Après que l'appelant ou son représentant a sommairement indiqué les motifs
de son appel, les parties en cause ont la parole dans l'ordre prévu par
l'article 460. »
« Section 6
« Dispositions assurant l'exercice des droits
de la défense par les avocats
« Art. 9
octies.
- I. - Le premier alinéa de l'article 56-1 du même
code est remplacé par six alinéas ainsi rédigés :
« Les perquisitions dans le cabinet d'un avocat ou à son domicile ne peuvent
être effectuées que par un magistrat et en présence du bâtonnier ou de son
délégué. Ce magistrat et le bâtonnier ou son délégué ont seuls le droit de
prendre connaissance des documents découverts lors de la perquisition
préalablement à leur éventuelle saisie.
« Le bâtonnier ou son délégué peut s'opposer à la saisie d'un document à
laquelle le magistrat a l'intention de procéder s'il estime que cette saisie
serait irrégulière. Le document doit alors être placé sous scellé fermé. Ces
opérations font l'objet d'un procès-verbal mentionnant les objections du
bâtonnier ou de son délégué, qui n'est pas joint au dossier de la procédure. Si
d'autres documents ont été saisis au cours de la perquisition sans soulever de
contestation, ce procès-verbal est distinct de celui prévu par l'article 57. Ce
procès-verbal, ainsi que le document placé sous scellé fermé, sont transmis
sans délai au juge des libertés et de la détention, avec l'original ou une
copie du dossier de la procédure.
« Dans les cinq jours de la réception de ces pièces, le juge des libertés et
de la détention statue sur la contestation par ordonnance motivée non
susceptible de recours.
« A cette fin, il entend le magistrat qui a procédé à la perquisition et, le
cas échéant, le procureur de la République, ainsi que l'avocat au cabinet ou au
domicile duquel elle a été effectuée et le bâtonnier ou son délégué. Il peut
ouvrir le scellé en présence de ces personnes.
« S'il estime qu'il n'y a pas lieu à saisir le document, le juge des libertés
et de la détention ordonne sa restitution immédiate, ainsi que la destruction
du procès-verbal des opérations et, le cas échéant, la cancellation de toute
référence à ce document ou à son contenu qui figurerait dans le dossier de la
procédure.
« Dans le cas contraire, il ordonne le versement du scellé et du procès-verbal
au dossier de la procédure. Cette décision n'exclut pas la possibilité
ultérieure pour les parties de demander la nullité de la saisie devant, selon
les cas, la juridiction de jugement ou la chambre de l'instruction. »
« II. - Les dispositions du deuxième alinéa de l'article 56-1 du même code
constituent un article 56-3.
« III. - L'article 96 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé
:
« Les dispositions des articles 56-1, 56-2 et 56-3 sont applicables aux
perquisitions effectuées par le juge d'instruction. »
« Art. 9
nonies
. - Après les mots : "d'un avocat", la fin de la seconde
phrase du quatorzième alinéa (12°) de l'article 138 du code de procédure pénale
est ainsi rédigée : "Le conseil de l'ordre, saisi par le juge d'instruction, a
seul le pouvoir de prononcer cette mesure à charge d'appel, dans les conditions
prévues aux articles 23 et 24 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant
réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ; le conseil de
l'ordre statue dans les quinze jours ;".
« Chapitre II
« Dispositions renforçant les garanties judiciaires
en matière de détention provisoire
« Section 1 A
« Dispositions générales
« Art. 10 B. - Le premier alinéa de l'article L. 611-1 du code de
l'organisation judiciaire est supprimé. »
« Section 1
« Dispositions relatives au juge des libertés
et de la détention
« Art. 10. - Après l'article 137 du code de procédure pénale, sont insérés
cinq articles 137-1 à 137-5 ainsi rédigés :
«
Art. 137-1. -
La détention provisoire est ordonnée ou prolongée par
le juge des libertés et de la détention. Les demandes de mise en liberté lui
sont également soumises.
« Le juge des libertés et de la détention est un magistrat du siège ayant rang
de président, de premier vice-président ou de vice-président. Il est désigné
par le président du tribunal de grande instance. Lorsqu'il statue à l'issue
d'un débat contradictoire, il est assisté d'un greffier.
« Il ne peut, à peine de nullité, participer au jugement des affaires pénales
dont il a connu.
« Il est saisi par une ordonnance motivée du juge d'instruction, qui lui
transmet le dossier de la procédure accompagné des réquisitions du procureur de
la République.
«
Art. 137-2. -
Le contrôle judiciaire est ordonné par le juge
d'instruction, qui statue après avoir recueilli les réquisitions du procureur
de la République.
« Le contrôle judiciaire peut être également ordonné par le juge des libertés
et de la détention, lorsqu'il est saisi.
«
Art. 137-3. -
Le juge des libertés et de la détention statue par
ordonnance motivée. Lorsqu'il ordonne ou prolonge une détention provisoire ou
qu'il rejette une demande de mise en liberté, l'ordonnance doit comporter
l'énoncé des considérations de droit et de fait sur le caractère insuffisant
des obligations du contrôle judiciaire et le motif de la détention par
référence aux seules dispositions des articles 143-1 et 144.
« Dans tous les cas, l'ordonnance est notifiée à la personne mise en examen
qui en reçoit copie intégrale contre émargement au dossier de la procédure.
«
Art. 137-4. -
Le juge d'instruction n'est pas tenu de statuer par
ordonnance dans les cas suivants :
« 1° Lorsque, saisi de réquisitions du procureur de la République tendant au
placement en détention provisoire ou demandant la prolongation de celle-ci, il
ne transmet pas le dossier de la procédure au juge des libertés et de la
détention ;
« 2° Lorsqu'il ne suit pas les réquisitions du procureur de la République
tendant au prononcé d'une mesure de contrôle judiciaire.
«
Art. 137-5. -
Lorsqu'il n'a pas été fait droit à ses réquisitions
tendant au placement en détention provisoire ou sous contrôle judiciaire de la
personne mise en examen, ou à la prolongation de la détention provisoire, le
procureur de la République peut saisir directement la chambre de l'instruction
dans les dix jours de l'avis de notification qui lui est donné par le greffier.
»
« Art. 10
bis
AA. - I. - L'article 396 du même code est ainsi modifié
:
« 1° Dans le premier alinéa, les mots : "le président du tribunal ou le juge
délégué par lui" sont remplacés par les mots : "le juge des libertés et de la
détention" ;
« 2° Au début du deuxième alinéa, les mots : "Le président du tribunal ou"
sont supprimés ;
« 3° Dans le dernier alinéa, les mots : "le président du tribunal ou" sont
supprimés.
« II. - Dans le deuxième alinéa de l'article 706-23 du même code, les mots :
"le président du tribunal dans le ressort duquel s'exerce la garde à vue ou le
juge délégué par lui" sont remplacés par les mots : "le juge des libertés et de
la détention".
« III. - L'article 706-24 du même code est ainsi modifié :
« 1° Dans le premier alinéa, les mots : "le président du tribunal de grande
instance ou le juge délégué par lui" sont remplacés par les mots : "le juge des
libertés et de la détention du tribunal de grande instance" ;
« 2° Dans la première phrase du troisième alinéa, les mots : "le président du
tribunal de grande instance ou le juge délégué par lui" sont remplacés par les
mots : "le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance"
;
« 3° Dans le dernier alinéa, les mots : "le président" sont remplacés trois
fois par les mots : "le juge des libertés et de la détention".
« IV. - Dans la première phrase du deuxième alinéa de l'article 706-28 du même
code, les mots : "le président du tribunal ou le juge délégué par lui" sont
remplacés par les mots : "le juge des libertés et de la détention".
« V. - Dans le deuxième alinéa de l'article 706-29 du même code, les mots :
"le président du tribunal de grande instance dans le ressort duquel s'exerce la
garde à vue ou un juge délégué par lui" sont remplacés par les mots : "le juge
des libertés et de la détention".
« VI. - Dans le premier alinéa du II de l'article L. 16 B du livre des
procédures fiscales, les mots : "président du tribunal de grande instance dans
le ressort duquel sont situés les lieux à visiter ou d'un juge délégué par lui"
sont remplacés par les mots : "juge des libertés et de la détention du tribunal
de grande instance dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter".
« VII. - L'article 64 du code des douanes est ainsi modifié :
« 1° Dans le deuxième alinéa (2,
a
), les mots : "président du tribunal
de grande instance du lieu de la direction des douanes dont dépend le service
chargé de la procédure, ou d'un juge délégué par lui" sont remplacés par les
mots : "juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance du
lieu de la direction des douanes dont dépend le service chargé de la procédure"
;
« 2° Le cinquième alinéa est supprimé ;
« 3° Dans la seconde phrase du douzième alinéa, le mot : "président" est
remplacé par les mots : "juge des libertés et de la détention".
« VIII. - L'article 35
bis
de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre
1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France est
ainsi modifié :
« 1° Dans le huitième alinéa, les mots : "président du tribunal de grande
instance ou un magistrat du siège délégué par lui" sont remplacés par les mots
: "juge des libertés et de la détention" ;
« 2° Dans la deuxième phrase du treizième alinéa, les mots : "président du
tribunal de grande instance ou d'un magistrat du siège délégué par lui" sont
remplacés par les mots : "juge des libertés et de la détention".
« IX. - L'article 35
quater
de la même ordonnance est ainsi modifié
:
« 1° Dans la première phrase du sixième alinéa, les mots : "président du
tribunal de grande instance ou un juge délégué par lui" sont remplacés par les
mots : "juge des libertés et de la détention" ;
« 2° Au début de la troisième phrase du même alinéa, les mots : "Le président
du tribunal ou son délégué" sont remplacés par les mots : "Le juge des libertés
et de la détention" ;
« 3° Dans les quatrième et cinquième phrases du même alinéa, les mots :
"président ou à son délégué" sont remplacés par les mots : "juge des libertés
et de la détention" ;
« 4° Au début de la sixième phrase du même alinéa, les mots : "Le président ou
son délégué" sont remplacés par les mots : "Le juge des libertés et de la
détention" ;
« 5° Dans les huitième, neuvième, quinzième et seizième alinéas, les mots :
"président du tribunal de grande instance ou son délégué" sont remplacés par
les mots : "juge des libertés et de la détention" ;
« 6° Dans le dernier alinéa, les mots : "président du tribunal de grande
instance" sont remplacés par les mots : "juge des libertés et de la
détention".
« X. - L'article 48 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à
la liberté des prix et de la concurrence est ainsi modifié :
« 1° Dans la première phrase du premier alinéa, les mots : "président du
tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les lieux à
visiter ou d'un juge délégué par lui", sont remplacés par les mots : "juge des
libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort
duquel sont situés les lieux à visiter" ;
« 2° Dans la seconde phrase du même alinéa, le mot : "présidents", est
remplacé par les mots : "juges des libertés et de la détention" ;
« 3° Dans le troisième alinéa, le mot : "président", est remplacé par les mots
: "juge des libertés et de la détention".
« XI. - L'article L. 351 du code de la santé publique est ainsi modifié :
« 1° Dans le premier alinéa, le mot : "président", est remplacé par les mots :
"juge des libertés et de la détention" ;
« 2° Au début du dernier alinéa, les mots : "Le président du tribunal de
grande instance", sont remplacés par les mots : "Le juge des libertés et de la
détention".
« Art. 10
bis
A. - I. - L'article 138 du même code est ainsi modifié
:
« 1° Dans le septième alinéa (5°), après le mot : "services", sont insérés les
mots : ", associations habilitées" ;
« 2° Dans le huitième alinéa (6°), après les mots : "de toute autorité", sont
insérés les mots : ", de toute association" ;
« 3° Le même alinéa est complété par les mots : "ainsi qu'aux mesures
socio-éducatives destinées à favoriser son insertion sociale et à prévenir la
récidive".
« II. - Le début de la première phrase du septième alinéa de l'article 81 du
même code est ainsi rédigé : "Le juge d'instruction peut également commettre,
suivant les cas, le service pénitentiaire d'insertion et de probation, le
service compétent de la protection judiciaire de la jeunesse ou toute
association habilitée en application de l'alinéa qui précède...
(le reste
sans changement)
". »
« Art. 10
bis
B. -
Supprimé.
« Art. 10
ter.
- L'article 145 du même code est ainsi modifié :
« 1° Les premier et deuxième alinéas sont remplacés par quatre alinéas ainsi
rédigés :
« Le juge des libertés et de la détention saisi par une ordonnance du juge
d'instruction tendant au placement en détention de la personne mise en examen
fait comparaître cette personne devant lui, assistée de son avocat si celui-ci
a déjà été désigné, et procède conformément aux dispositions du présent
article.
« Au vu des éléments du dossier et après avoir, s'il l'estime utile, recueilli
les observations de l'intéressé, ce magistrat fait connaître à la personne mise
en examen s'il envisage de la placer en détention provisoire.
« S'il n'envisage pas de la placer en détention provisoire, ce magistrat,
après avoir le cas échéant ordonné le placement de la personne sous contrôle
judiciaire, procède conformément aux deux derniers alinéas de l'article 116
relatifs à la déclaration d'adresse.
« S'il envisage d'ordonner la détention provisoire de la personne, il
l'informe que sa décision ne pourra intervenir qu'à l'issue d'un débat
contradictoire et qu'elle a le droit de demander un délai pour préparer sa
défense ;
« 2° Dans les quatrième et cinquième alinéas, les mots : "le juge
d'instruction" sont remplacés par les mots : "le juge des libertés et de la
détention" ;
« 3° Dans l'avant-dernier alinéa, les mots : "aux deuxième et troisième
alinéas" sont remplacés par les mots : "au sixième alinéa". »
« Art. 12. - L'article 146 du même code est ainsi rédigé :
«
Art. 146. -
S'il apparaît, au cours de l'instruction, que la
qualification criminelle ne peut être retenue, le juge d'instruction peut,
après avoir communiqué le dossier au procureur de la République aux fins de
réquisitions, soit saisir par ordonnance motivée le juge des libertés et de la
détention aux fins du maintien en détention provisoire de la personne mise en
examen, soit prescrire sa mise en liberté assortie ou non du contrôle
judiciaire.
« Le juge des libertés et de la détention statue dans le délai de trois jours
à compter de la date de sa saisine par le juge d'instruction. »
« Art. 13. - La deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article 147 du même
code est ainsi rédigée :
« Sauf s'il ordonne la mise en liberté de la personne, le juge d'instruction
doit, dans les cinq jours suivant les réquisitions du procureur de la
République, transmettre le dossier, assorti de son avis motivé, au juge des
libertés et de la détention, qui statue dans le délai de trois jours ouvrables.
»
« Art. 14. - L'article 148 du même code est ainsi modifié :
« 1° Les trois premiers alinéas sont ainsi rédigés :
« En toute matière, la personne placée en détention provisoire ou son avocat
peut, à tout moment, demander sa mise en liberté, sous les obligations prévues
à l'article précédent.
« La demande de mise en liberté est adressée au juge d'instruction, qui
communique immédiatement le dossier au procureur de la République aux fins de
réquisitions.
« Sauf s'il donne une suite favorable à la demande, le juge d'instruction
doit, dans les cinq jours suivant la communication au procureur de la
République, la transmettre avec son avis motivé au juge des libertés et de la
détention. Ce magistrat statue dans un délai de trois jours ouvrables, par une
ordonnance comportant l'énoncé des considérations de droit et de fait qui
constituent le fondement de cette décision par référence aux dispositions de
l'article 144. Toutefois, lorsqu'il n'a pas encore été statué sur une
précédente demande de mise en liberté ou sur l'appel d'une précédente
ordonnance de refus de mise en liberté, les délais précités ne commencent à
courir qu'à compter de la décision rendue par la juridiction compétente.
« 2° Au cinquième alinéa, les mots : "le juge d'instruction" sont remplacés
par les mots : "le juge des libertés et de la détention". »
« Section 2
« Dispositions limitant les conditions
ou la durée de la détention provisoire
« Art. 15. - L'article 144 du même code est remplacé par deux articles 143-1
et 144 ainsi rédigés :
«
Art. 143-1.
- Sous réserve des dispositions de l'article 137, la
détention provisoire ne peut être ordonnée ou prolongée que dans l'un des cas
ci-après énumérés :
« 1° La personne mise en examen encourt une peine criminelle ;
« 2° La personne mise en examen encourt une peine correctionnelle d'une durée
égale ou supérieure à trois ans d'emprisonnement.
« Toutefois, la détention provisoire ne peut être ordonnée ou prolongée que si
la peine encourue est supérieure ou égale à cinq ans d'emprisonnement, s'il est
reproché à la personne mise en examen un délit prévu par le livre III du code
pénal et que cette personne n'a pas déjà été condamnée à une peine privative de
liberté sans sursis supérieure à un an.
« La détention provisoire peut également être ordonnée dans les conditions
prévues à l'article 141-2 lorsque la personne mise en examen se soustrait
volontairement aux obligations du contrôle judiciaire.
«
Art. 144. -
La détention provisoire ne peut être ordonnée ou
prolongée que si elle constitue l'unique moyen :
« 1° De conserver les preuves ou les indices matériels ou d'empêcher soit une
pression sur les témoins ou les victimes, soit une concertation frauduleuse
entre personnes mises en examen et complices ;
« 2° De protéger la personne mise en examen, de garantir son maintien à la
disposition de la justice, de mettre fin à l'infraction ou de prévenir son
renouvellement ;
« 3° De mettre fin à un trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public
provoqué par la gravité de l'infraction, les circonstances de sa commission ou
l'importance du préjudice qu'elle a causé. Toutefois, ce motif ne peut
justifier la prolongation de la détention provisoire, sauf en matière
criminelle ou lorsque la peine correctionnelle encourue est supérieure ou égale
à dix ans d'emprisonnement.
«
Art. 144-1 A. - Supprimé. »
« Art. 16. - L'article 145-1 du même code est ainsi rédigé :
«
Art. 145-1.
- En matière correctionnelle, la détention provisoire ne
peut excéder quatre mois si la personne mise en examen n'a pas déjà été
condamnée pour crime ou délit de droit commun soit à une peine criminelle, soit
à une peine d'emprisonnement sans sursis d'une durée supérieure à un an et
lorsqu'elle encourt une peine inférieure ou égale à cinq ans.
« Dans les autres cas, à titre exceptionnel, le juge des libertés et de la
détention peut décider de prolonger la détention provisoire pour une durée qui
ne peut excéder quatre mois par une ordonnance motivée conformément aux
dispositions de l'article 137-3 et rendue après un débat contradictoire
organisé conformément aux dispositions du sixième alinéa de l'article 145,
l'avocat ayant été convoqué selon les dispositions du deuxième alinéa de
l'article 114. Cette décision peut être renouvelée selon la même procédure,
sous réserve des dispositions de l'article 145-3, la durée totale de la
détention ne pouvant excéder un an. Toutefois, cette durée est portée à deux
ans lorsqu'un des faits constitutifs de l'infraction a été commis hors du
territoire national ou lorsque la personne est poursuivie pour trafic de
stupéfiants, terrorisme, association de malfaiteurs, proxénétisme, extorsion de
fonds ou pour une infraction commise en bande organisée et qu'elle encourt une
peine égale à dix ans d'emprisonnement. »
« Art. 17. - Après le premier alinéa de l'article 145-2 du même code, il est
inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La personne mise en examen ne peut être maintenue en détention provisoire
au-delà de deux ans lorsque la peine encourue est inférieure à vingt ans de
réclusion ou de détention criminelles et au-delà de trois ans dans les autres
cas. Les délais sont portés respectivement à trois et quatre ans lorsque l'un
des faits constitutifs de l'infraction a été commis hors du territoire
national. Le délai est également de quatre ans lorsque la personne est
poursuivie pour plusieurs crimes mentionnés aux livres II et IV du code pénal,
ou pour trafic de stupéfiants, terrorisme, proxénétisme, extorsion de fonds ou
pour un crime commis en bande organisée. »
« Art. 17
bis
A. - Après l'article 145-4 du même code, il est inséré un
article 145-5 ainsi rédigé :
«
Art. 145-5.
- Le placement en détention provisoire ou la prolongation
de la détention provisoire d'une personne faisant connaître qu'elle exerce
l'autorité parentale sur un enfant de moins de dix ans ayant chez elle sa
résidence habituelle ne peut être ordonné sans que l'un des services ou l'une
des personnes visés au septième alinéa de l'article 81 ait été au préalable
chargé de rechercher et de proposer toutes mesures propres à éviter la
détention de l'intéressé ou à y mettre fin.
« Les dispositions du présent article ne sont pas applicables en cas de crime,
en cas de délit commis contre un mineur ou en cas de non-respect des
obligations du contrôle judiciaire. »
« Art. 18
bis
A. - Après l'article 144-1 du même code, il est inséré un
article 144-2 ainsi rédigé :
«
Art. 144-2.
- Lorsqu'elle est prononcée, la détention provisoire peut
être effectuée, sur décision du juge des libertés et de la détention d'office
ou sur demande de l'intéressé ou du juge d'instruction, avec l'accord de
l'intéressé, selon les modalités prévues aux articles 723-7 et suivants. Le
juge des libertés et de la détention prend en considération la situation
familiale de l'intéressé, notamment lorsque celui-ci exerce l'autorité
parentale à l'égard d'un enfant ayant sa résidence habituelle chez lui et dont
l'âge est inférieur à dix ans. Pour l'exécution de cette mesure, le juge des
libertés et de la détention exerce les compétences attribuées au juge de
l'application des peines. »
« Art. 18
ter. -
I. - Il est inséré, après l'article 187-1 du même
code, un article 187-2 ainsi rédigé :
«
Art. 187-2.
- La personne qui forme le recours prévu par l'article
187-1 peut demander à ce qu'il soit directement examiné par la chambre de
l'instruction. Il est alors statué au plus tard, au vu des éléments du dossier,
le cinquième jour ouvrable suivant la demande. »
« II. - Au troisième alinéa de l'article 194 du même code, les mots : "dans
les quinze jours de l'appel prévu par l'article 186" sont remplacés par les
mots : "dans les dix jours de l'appel lorsqu'il s'agit d'une ordonnance de
placement en détention et dans les quinze jours dans les autres cas". »
« Art. 18
quinquies.
- I. - Dans la première phrase du dernier alinéa
de l'article 397-3 du même code, les mots : "les deux mois qui suivent" sont
remplacés par les mots : "le mois qui suit".
« II. - Après la première phrase du même alinéa de l'article 397-3 du même
code, il est inséré la phrase suivante : "Ce délai est prolongé d'un mois au
maximum à la demande du prévenu". »
« Section 3
« Dispositions relatives à l'indemnisation
des détentions provisoires
« Art. 19
bis.
- Une commission de suivi de la détention provisoire est
instituée. Elle est placée auprès du ministre de la justice.
« Elle est composée de deux représentants du Parlement, d'un magistrat de la
Cour de cassation, d'un membre du Conseil d'Etat, d'un professeur de droit,
d'un avocat et d'un représentant d'un organisme de recherche judiciaire.
« Elle est chargée de réunir les données juridiques, statistiques et
pénitentiaires concernant la détention provisoire, en France et à l'étranger.
Elle se fait communiquer tout document utile à sa mission et peut procéder à
des visites ou à des auditions.
« Elle publie dans un rapport annuel les données statistiques locales,
nationales et internationales concernant l'évolution de la détention provisoire
ainsi que la présentation des différentes politiques mises en oeuvre. Elle
établit une synthèse des décisions en matière d'indemnisation de la détention
provisoire prises en application des articles 149-1 à 149-4 du code de
procédure pénale.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent
article.
« Chapitre III
« Dispositions renforçant le droit à être jugé
dans un délai raisonnable
« Art. 20. - Après l'article 77-1 du même code, sont insérés deux articles
77-2 et 77-3 ainsi rédigés :
«
Art. 77-2.
- Toute personne placée en garde à vue au cours d'une
enquête préliminaire ou de flagrance qui, à l'expiration d'un délai de six mois
à compter de la fin de la garde à vue, n'a pas fait l'objet de poursuites, peut
interroger le procureur de la République dans le ressort duquel la garde à vue
s'est déroulée sur la suite donnée ou susceptible d'être donnée à la procédure.
Cette demande est adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de
réception.
« Dans le mois suivant la réception de la demande, le procureur de la
République compétent doit soit engager des poursuites contre l'intéressé, soit
engager l'une des mesures prévues aux articles 41- 1 à 41- 4, soit lui
notifier le classement sans suite de la procédure à son égard, soit, s'il
estime que l'enquête doit se poursuivre, saisir le juge des libertés et de la
détention. A défaut de saisine de ce magistrat, il ne peut être procédé contre
l'intéressé, à peine de nullité, à aucun acte d'enquête postérieurement au
délai d'un mois à compter de la réception de la demande.
« Lorsque le juge des libertés et de la détention est saisi en application des
dispositions du précédent alinéa, il entend, au cours d'un débat
contradictoire, les observations du procureur de la République et de la
personne intéressées, assistée le cas échéant par son avocat. A l'issue de ce
débat, le juge des libertés et de la détention décide si l'enquête peut être
poursuivie. En cas de réponse négative, le procureur de la République doit,
dans les deux mois, soit engager des poursuites contre l'intéressé, soit lui
notifier le classement sans suite de la procédure à son égard, soit engager
l'une des mesures prévues aux articles 41-1à 41-4. Si le juge des libertés et
de la détention autorise la continuation de l'enquête, il fixe un délai qui ne
peut être supérieur à six mois, à l'issue duquel la personne intéressée peut,
le cas échéant, faire à nouveau application des dispositions du présent
article.
« Si la personne intéressée en fait la demande, le débat contradictoire prévu
à l'alinéa précédent se déroule en audience publique, sauf si la publicité est
de nature à entraver les investigations nécessitées par l'enquête, à nuire à la
dignité de la personne ou aux intérêts d'un tiers. Le juge des libertés et de
la détention statue sur cette demande par une décison motivée qui n'est pas
susceptible de recours.
«
Art. 77-3.
- Lorsque l'enquête n'a pas été menée sous la direction du
procureur de la République du tribunal de grande instance dans le ressort
duquel la garde à vue a été réalisée, celui-ci adresse sans délai la demande
mentionnée au premier alinéa de l'article 77-2 au procueur de la République qui
dirige l'enquête. Le délai fixé au deuxième alinéa du même article court à
compter de la réception de la demande par le procureur de la République du lieu
de la garde à vue. »
« Art. 21. - I. - Le deuxième alinéa de l'article 89-1 du même code est
remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« S'il estime que le délai prévisible d'achèvement de l'information est
inférieur à un an en matière correctionnelle ou à dix-huit mois en matière
criminelle, le juge d'instruction donne connaissance de ce délai à la partie
civile et l'avise qu'à l'expiration dudit délai elle pourra demander la clôture
de la procédure en application des dispositions de l'article 175-1. Dans le cas
contraire, il indique à la partie civile qu'elle pourra demander, en
application de ce même article, la clôture de la procédure à l'expiration d'un
délai d'un an en matière correctionnelle ou de dix-huit mois en matière
criminelle.
« Les avis prévus au présent article peuvent également être faits par lettre
recommandée. »
« II. - L'article 175-1 du même code est ainsi rédigé :
«
Art. 175-1. -
La personne mise en examen, le témoin assisté ou la
partie civile peut, à l'expiration du délai qui lui a été indiqué en
application du huitième alinéa de l'article 116 ou du deuxième alinéa de
l'article 89-1 à compter, respectivement, de la date de la mise en examen, de
la première audition ou de la constitution de partie civile, demander au juge
d'instruction, selon les modalités prévues au dixième alinéa de l'article 81,
de prononcer le renvoi devant la juridiction de jugement ou de transmettre la
procédure au procureur général, ou de déclarer qu'il n'y a pas lieu à suivre, y
compris en procédant, le cas échéant, à une disjonction. Cette demande peut
également être formée lorsque aucun acte d'instruction n'a été accompli pendant
un délai de quatre mois.
« Dans le délai d'un mois à compter de la réception de cette demande, le juge
d'instruction y fait droit ou déclare, par ordonnance motivée, qu'il y a lieu à
poursuivre l'information. Dans le premier cas, il procède selon les modalités
prévues à la présente section. Dans le second cas, ou à défaut pour le juge
d'avoir statué dans le délai d'un mois, la personne mise en examen, le témoin
assisté ou la partie civile, peut saisir le président de la chambre de
l'instruction en application de l'article 207-1. Cette saisine doit intervenir
dans les cinq jours qui suivent la notification de la décision du juge ou
l'expiration du délai d'un mois.
« Lorsque le juge d'instruction a déclaré qu'il poursuivait son instruction,
une nouvelle demande peut être formée à l'expiration d'un délai de six mois.
« Les dispositions du présent article ne sont pas applicables après l'envoi de
l'avis prévu au premier alinéa de l'article 175. »
« III. - Après l'article 175-1 du même code, il est inséré un article 175-2
ainsi rédigé :
«
Art. 175-2. -
En toute matière, la durée de l'instruction ne peut
excéder un délai raisonnable au regard de la gravité des faits reprochés à la
personne mise en examen, de la complexité des investigations nécessaires à la
manifestation de la vérité et de l'exercice des droits de la défense.
« Si, à l'issue d'un délai de deux ans à compter de l'ouverture de
l'information, celle-ci n'est pas terminée, le juge d'instruction rend une
ordonnance motivée par référence aux critères prévus à l'alinéa précédent,
expliquant les raisons de la durée de la procédure, comportant les indications
qui justifient la poursuite de l'information et précisant les perspectives de
règlement. Cette ordonnance est communiquée au président de la chambre de
l'instruction qui peut, par requête, saisir cette juridiction conformément aux
dispositions de l'article 221-1.
« L'ordonnance prévue à l'alinéa précédent doit être renouvelée tous les six
mois. »
« Art. 21
bis
AA. -
Supprimé.
« Art. 21
ter. -
Après l'article 175-1 du même code, il est inséré un
article 175-3 ainsi rédigé :
«
Art. 175-3. -
Le juge d'instruction informe tous les six mois la
partie civile de l'avancement de l'instruction. »
« Art. 21
quinquies. -
Après l'article 215-1 du même code, il est
inséré un article 215-2 ainsi rédigé :
«
Art. 215-2. -
L'accusé détenu en raison des faits pour lesquels il
est renvoyé devant la cour d'assises est immédiatement remis en liberté s'il
n'a pas comparu devant celle-ci à l'expiration d'un délai d'un an à compter de
la date à laquelle la décision de mise en accusation est devenue définitive.
« Toutefois, si l'audience sur le fond ne peut débuter avant l'expiration de
ce délai, la chambre de l'instruction peut, à titre exceptionnel, par une
décision rendue conformément à l'article 144 et mentionnant les raisons de fait
ou de droit faisant obstacle au jugement de l'affaire, ordonner la prolongation
des effets de l'ordonnance de prise de corps pour une nouvelle durée de six
mois. La comparution personnelle de l'accusé est de droit si lui-même ou son
avocat en font la demande. Cette prolongation peut être renouvelée une fois
dans les mêmes formes. Si l'accusé n'a pas comparu devant le cour d'assises à
l'issue de cette nouvelle prolongation, il est immédiatement remis en liberté.
»
« Chapitre III bis
« Dispositions relatives aux audiences
« Art. 21
sexies. -
Après l'article L. 311-15 du code de l'organisation
judiciaire, il est inséré une sous-section 4
bis
ainsi rédigée :
« Sous-section 4
bis.
« Composition des audiences pénales.
«
Art. L. 311-15-1. -
La composition prévisionnelle des audiences
pénales est déterminée par le président du tribunal et le procureur. »
« Chapitre III ter
« Dispositions instaurant un recours
en matière criminelle
« Art. 21
octies. -
I. - Le premier alinéa de l'article 231 du code de
procédure pénale est ainsi rédigé :
« La cour d'assises a plénitude de juridiction pour juger, en premier ressort
ou en appel, les personnes renvoyées devant elle par la décision de mise en
accusation. »
« II. - L'article 296 du même code est ainsi modifié :
« 1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Le jury de jugement est composé de neuf jurés lorsque la cour d'assises
statue en premier ressort et de douze jurés lorsqu'elle statue en appel. » ;
« 2° Aux deuxième et troisième alinéas, les mots : "des neuf jurés" sont
remplacés par les mots : "des jurés de jugement".
« III. - Au troisième alinéa de l'article 297 du même code, les mots : "neuf
noms de jurés non récusés" sont remplacés par les mots : "les noms de neuf ou
douze jurés non récusés, selon les distinctions prévues par le premier alinéa
de l'article 296,".
IV. - L'article 298 du même code est ainsi rédigé :
«
Art. 298. -
Lorsque la cour d'assises statue en premier ressort,
l'accusé ne peut récuser plus de cinq jurés et le ministère public plus de
quatre. Lorsqu'elle statue en appel, l'accusé ne peut récuser plus de six
jurés, le ministère public plus de cinq. »
« V. - A l'article 359 du même code, les mots : "à la majorité de huit voix au
moins" sont remplacés par les mots : "à la majorité de huit voix au moins
lorsque la cour d'assises statue en premier ressort et à la majorité de dix
voix au moins lorsque la cour d'assises statue en appel".
« VI. - A l'article 360 du même code, les mots : "la majorité de huit voix au
moins" sont remplacés par les mots : "la majorité de voix exigée par l'article
359".
« VII. - Dans la deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article 362 du même
code, les mots : "qu'à la majorité de huit voix au moins" sont remplacés par
les mots : "qu'à la majorité de huit voix au moins lorsque la cour d'assises
statue en premier ressort et qu'à la majorité de dix voix au moins lorsque la
cour d'assises statue en appel".
« Dans l'avant-dernière phrase de cet alinéa, les mots : "la majorité de huit
voix" sont remplacés par les mots : "cette majorité".
« Art. 21
nonies
AA. -
Supprimé.
« Art. 21
nonies
B. - Après l'article 380 du même code, il est inséré
un chapitre VIII ainsi rédigé :
« Chapitre VIII
« De l'appel des décisions rendues par la cour d'assises en premier ressort
« Section 1.
« Dispositions générales.
«
Art. 380-1. -
Les arrêts de condamnation rendus par la cour d'assises
en premier ressort peuvent faire l'objet d'un appel dans les conditions prévues
par le présent chapitre.
« Cet appel est porté devant une autre cour d'assises désignée par le
président de la chambre criminelle de la Cour de cassation et qui procède au
réexamen de l'affaire selon les modalités et dans les conditions prévues par
les chapitres II à VII du présent titre.
«
Art. 380-2. -
La faculté d'appeler appartient :
« 1° A l'accusé ;
« 2° Au ministère public ;
« 3° A la personne civilement responsable, quant à ses intérêts civils ;
« 4° A la partie civile, quant à ses intérêts civils ;
« 5° En cas d'appel du ministère public, aux administrations publiques, dans
les cas où celles-ci exercent l'action publique.
«
Art. 380-3. -
La cour d'assises statuant en appel sur l'action
publique ne peut, sur le seul appel de l'accusé, aggraver le sort de ce
dernier.
«
Art. 380-4. -
Pendant les délais d'appel et durant l'instance
d'appel, il est sursis à l'exécution de l'arrêt sur l'action publique.
« Toutefois, l'ordonnance de prise de corps continue de produire ses effets à
l'encontre de la personne condamnée à une peine privative de liberté
conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 367.
«
Art. 380-4-1. -
Lorsque la cour d'assises n'est pas saisie de l'appel
formé contre le jugement rendu sur l'action publique, l'appel formé par une
partie contre le seul jugement rendu sur l'action civile est porté devant la
chambre des appels correctionnels. Les articles 380-13 et 380-14 ne sont pas
applicables.
«
Art. 380-5
. - La cour d'assises statuant en appel sur l'action civile
ne peut, sur le seul appel de l'accusé, du civilement responsable ou de la
partie civile, aggraver le sort de l'appelant.
« La partie civile ne peut, en cause d'appel, former aucune demande nouvelle ;
toutefois, elle peut demander une augmentation des dommages et intérêts pour le
préjudice souffert depuis la première décision. Même lorsqu'il n'a pas été fait
appel de la décision sur l'action civile, la victime constituée partie civile
en premier ressort peut exercer devant la cour d'assises statuant en appel les
droits reconnus à la partie civile jusqu'à la clôture des débats ; elle peut
également demander l'application des dispositions du présent alinéa, ainsi que
de celle de l'article 375.
«
Art. 380-6
. - Pendant les délais d'appel et durant l'instance
d'appel, il est sursis à l'exécution de l'arrêt sur l'action civile, sous
réserve des dispositions de l'article 374.
«
Art. 380-7
. - Lorsque la cour d'assises statuant en premier ressort
sur l'action civile a ordonné le versement provisoire, en tout ou en partie,
des dommages-intérêts alloués, cette exécution provisoire peut être arrêtée, en
cause d'appel, par le premier président, statuant en référé si elle risque
d'entraîner des conséquences manifestement excessives. Le premier président
peut subordonner la suspension de l'exécution provisoire à la constitution
d'une garantie, réelle ou personnelle, suffisante pour répondre de toutes
restitutions ou réparations.
« Lorsque l'exécution provisoire a été refusée par la cour statuant sur
l'action civile ou lorsque l'exécution provisoire n'a pas été demandée, ou si,
l'ayant été, la cour a omis de statuer, elle peut être accordée, en cas
d'appel, par le premier président statuant en référé.
« Pour l'application des dispositions du présent article, est compétent le
premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle siège la cour
d'assises désignée pour connaître de l'affaire en appel.
« Section 2.
« Délais et formes de l'appel.
«
Art. 380-8
. - L'appel est interjeté dans le délai de dix jours à
compter du prononcé de l'arrêt.
« Toutefois, le délai ne court qu'à compter de la signification de l'arrêt,
quel qu'en soit le mode, pour la partie qui n'était pas présente ou représentée
à l'audience où le jugement a été prononcé, mais seulement dans le cas où
elle-même ou son représentant n'auraient pas été informés du jour où l'arrêt
serait prononcé.
«
Art. 380-9
. - En cas d'appel d'une partie, pendant les délais
ci-dessus, les autres parties ont un délai supplémentaire de cinq jours pour
interjeter appel.
«
Art. 380-10
. - L'accusé peut se désister de son appel jusqu'à son
interrogatoire par le président prévu par l'article 272.
« Ce désistement rend caducs les appels incidents formés par le ministère
public ou les autres parties.
« Le désistement d'appel est constaté par ordonnance du président de la cour
d'assises.
« La caducité de l'appel de l'accusé résulte également de la constatation, par
le président de la cour d'assises, que ce dernier a pris la fuite et n'a pas pu
être retrouvé avant l'ouverture de l'audience ou au cours de son
déroulement.
«
Art. 380-11
. - La déclaration d'appel doit être faite au greffe de la
cour d'assises qui a rendu la décision attaquée.
« Elle doit être signée par le greffier et par l'appelant lui-même, par un
avocat, par un avoué près la cour d'appel, ou par un fondé de pouvoir spécial ;
dans ce dernier cas, le pouvoir est annexé à l'acte dressé par le greffier. Si
l'appelant ne peut signer, il en sera fait mention par le greffier.
« Elle est inscrite sur un registre public a ce destiné et toute personne a le
droit de s'en faire délivrer une copie.
«
Art. 380-12
. - Lorsque l'appelant est détenu, l'appel peut être fait
au moyen d'une déclaration auprès du chef de l'établissement pénitentiaire.
« Cette déclaration est constatée, datée et signée par le chef de
l'établissement pénitentiaire. Elle est également signée par l'appelant ; si
celui-ci ne peut signer, il en est fait mention par le chef de
l'établissement.
« Ce document est adressé sans délai, en original ou en copie, au greffe de la
cour d'assises qui a rendu la décision attaquée ; il est transcrit sur le
registre prévu par le troisième alinéa de l'article 380-11 et annexé à l'acte
dressé par le greffier.
« Section 3
« Désignation de la cour d'assises statuant en appel
«
Art. 380-13
. - Dès que l'appel a été enregistré, le ministère public
adresse sans délai au greffe de la chambre criminelle de la cour de cassation,
avec ses observations éventuelles, la décision attaquée et, le cas échéant, le
dossier de la procédure.
« Dans le mois qui suit la réception de l'appel, la chambre criminelle, après
avoir recueilli les observations écrites du ministère public et des parties ou
de leurs avocats, désigne la cour d'assises chargée de statuer en appel.
« Il est alors procédé comme en cas de renvoi après cassation.
« Par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 380-1, en
cas d'appel d'une décision de la cour d'assises d'un département d'outre-mer,
de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française et des îles
Wallis-et-Futuna, la chambre criminelle peut désigner la même cour d'assises,
autrement composée, pour connaître de l'appel. Les dispositions du présent
alinéa sont également applicables en cas d'appel des décisions de la cour
criminelle de Mayotte ou du tribunal criminel de Saint-Pierre-et-Miquelon. En
cas de vacance de poste, d'absence, d'empêchement ou d'incompatibilité légale,
les fonctions de président de la juridiction criminelle statuant en appel et,
le cas échéant, des magistrats assesseurs qui la composent, sont exercées par
des conseillés désignés, sur une liste arrêtée pour chaque année civile, par le
premier président de la cour d'appel de Paris, ou pour la cour criminelle de
Mayotte, par le premier président de la cour d'appel de
Saint-Denis-de-la-Réunion.
«
Art. 380-14. -
Si la chambre criminelle de la Cour de cassation
constate que l'appel n'a pas été formé dans les délais prévus par la loi ou
porte sur un arrêt qui n'est pas susceptible d'appel, elle dit n'y avoir pas
lieu à désignation d'une cour d'assises chargée de statuer en appel. »
« Art. 21
nonies.
- I. - L'article 181 du même code est ainsi rédigé
:
«
Art. 181.
- Si le juge d'instruction estime que les faits retenus à
la charge des personnes mises en examen constituent une infraction qualifiée
crime par la loi, il ordonne leur mise en accusation devant la cour
d'assises.
« Il peut également saisir cette juridiction des infractions connexes.
« L'ordonnance de mise en accusation contient, à peine de nullité, l'exposé et
la qualification légale des faits, objet de l'accusation, et précise l'identité
de l'accusé.
« Lorsqu'elle est devenue définitive, l'ordonnance de mise en accusation
couvre, s'il en existe, les vices de la procédure.
« Le contrôle judiciaire dont fait l'objet l'accusé continue à produire ses
effets.
« La détention provisoire ou le contrôle judiciaire des personnes renvoyées
pour délit connexe prend fin, sauf s'il est fait application des dispositions
du troisième alinéa de l'article 179. Le délai prévu par le quatrième alinéa de
l'article 179 est alors porté à six mois.
« L'ordonnance de mise en accusation ordonne également prise de corps contre
l'accusé, et contre les personnes renvoyées pour délits connexes.
« Le juge d'instruction transmet le dossier avec son ordonnance au procureur
de la République. Celui-ci est tenu de l'envoyer sans retard au greffe de la
cour d'assises.
« Les pièces à conviction, dont il est dressé état, sont transmises au greffe
de la cour d'assises si celle-ci siège dans un autre tribunal que celui du juge
d'instruction. »
« II. - Au premier alinéa de l'article 186 du même code, les mots : "et 179,
troisième alinéa" sont remplacés par les mots : "179, troisième alinéa, et
181".
« III. - Après l'article 186-1 du même code, il est inséré un article 186-2
ainsi rédigé :
« Art. 186-2
. - En cas d'appel contre une ordonnance prévue par
l'article 181, la chambre de l'instruction statue dans les quatre mois de
l'ordonnance, faute de quoi, si la personne est détenue, elle est mise d'office
en liberté. »
« IV. - Le dernier alinéa de l'article 214 du même code est supprimé.
« V. - L'article 215 du même code est ainsi rédigé :
«
Art. 215.
- L'arrêt de mise en accusation contient, à peine de
nullité, l'exposé et la qualification légale des faits, objet de l'accusation
et précise l'identité de l'accusé.
« Il décerne en outre ordonnance de prise de corps contre l'accusé et contre
les personnes renvoyées pour délit connexe devant la cour d'assises.
« Les dispositions des cinquième et sixième alinéas de l'article 181 sont
applicables. »
« VI. - L'article 215-1 du même code est abrogé.
« VII. - Au deuxième alinéa de l'article 272 du même code, les mots : "à
l'article 215-1, deuxième alinéa" sont remplacés par les mots : "à l'article
272-1".
« VIII. - Après l'article 272 du même code, il est inséré un article 272-1
ainsi rédigé :
«
Art. 272-1.
- Si l'accusé, après avoir été convoqué par la voie
administrative au greffe de la cour d'assises, ne se présente pas, sans motif
légitime d'excuse, au jour fixé pour être interrogé par le président de la cour
d'assises, ce dernier peut, par décision motivée, mettre à exécution
l'ordonnance de prise de corps.
« Pendant le déroulement de l'audience de la cour d'assises, la cour peut
également, sur réquisition du ministère public, ordonner la mise à exécution de
l'ordonnance de prise de corps si l'accusé se soustrait aux obligations du
contrôle judiciaire ou s'il apparaît que la détention est l'unique moyen
d'assurer sa présence lors des débats ou d'empêcher des pressions sur les
victimes ou les témoins. Dès le début de l'audience, la cour peut aussi, sur
les réquisitions du ministère public, ordonner le placement de l'accusé sous
contrôle judiciaire afin d'assurer sa présence au cours des débats ou empêcher
des pressions sur les victimes ou les témoins. Les dispositions du présent
alinéa sont également applicables aux personnes renvoyées pour délits
connexes.
« A tout moment, la personne peut demander sa mise en liberté devant la cour.
»
« Art. 21
decies
A. - Dans toutes les dispositions de nature
législative, les mots : "chambre d'accusation" sont remplacés par les mots :
"chambre de l'instruction".
« Art. 21
decies.
- I. - L'article 367 du même code est ainsi rédigé
:
« Art. 367.
- Si l'accusé est exempté de peine ou acquitté, s'il est
condamné à une peine autre qu'une peine ferme privative de liberté, ou s'il est
condamné à une peine ferme privative de liberté couverte par la détention
provisoire, il est mis immédiatement en liberté s'il n'est retenu pour autre
cause.
« Dans les autres cas, tant que l'arrêt n'est pas définitif et, le cas
échéant, pendant l'instance d'appel, l'ordonnance de prise de corps est mise à
exécution ou continue de produire ses effets, jusqu'à ce que la durée de
détention ait atteint celle de la peine prononcée. Toutefois, si la cour
d'assises saisie en appel n'a pas commencé à examiner l'affaire à l'expiration
d'un délai d'un an à compter de la date à laquelle a été interjeté l'appel,
l'accusé est remis en liberté. La chambre de l'instruction peut toutefois, à
titre exceptionnel, par une décision rendue conformément à l'article 144 et
mentionnant les raisons de fait ou de droit faisant obstacle au jugement de
l'affaire, ordonner la prolongation des effets de l'ordonnance de prise de
corps pour une durée de six mois. La comparution personnelle de l'accusé est de
droit si lui-même ou son avocat en fait la demande.
« La cour d'assises peut, par décision spéciale et motivée, décider que
l'ordonnance de prise de corps sera mise à exécution contre la personne
renvoyée pour délit connexe qui n'est pas détenue au moment où l'arrêt est
rendu, si la peine prononcée est supérieure ou égale à un an d'emprisonnement
et si les éléments de l'espèce justifient une mesure particulière de sûreté.
« Les sanctions pénales prononcées en application des articles 131-6 à 131-11
du code pénal peuvent être déclarées exécutoires par provision. »
« II. - L'article 374 du même code est ainsi rétabli :
« Art. 374.
- Lorsqu'elle statue en premier ressort, la cour peut
ordonner l'exécution provisoire de sa décision, si celle-ci a été demandée,
sans préjudice des dispositions de l'article 380-8.
« Toutefois, l'exécution provisoire des mesures d'instruction est de droit.
»
« Chapitre III quater
« Dispositions relatives
aux conséquences d'un non-lieu,
d'une relaxe ou d'un acquittement
« Art. 21
undecies.
- I. - Après l'article 177-1 du même code, il est
inséré un article 177-2 ainsi rédigé :
«
Art. 177-2.
- Lorsqu'il rend une ordonnance de non-lieu à l'issue
d'une information ouverte sur constitution de partie civile, le juge
d'instruction peut, sur réquisitions du procureur de la République et par
décision motivée, s'il considère que la constitution de partie civile a été
abusive ou dilatoire, prononcer contre la partie civile une amende civile dont
le montant ne peut excéder 100 000 francs.
« Cette décision ne peut intervenir qu'à l'issue d'un délai de vingt jours à
compter de la communication à la partie civile et à son avocat, par lettre
recommandée ou par télécopie avec récépissé, des réquisitions du procureur de
la République, afin de permettre à l'intéressé d'adresser des observations
écrites au juge d'instruction.
« Cette décision peut être frappée d'appel par la partie civile dans les mêmes
conditions que l'ordonnance de non-lieu.
« Si le juge d'instruction ne suit pas les réquisitions du procuteur de la
République, ce dernier peut interjeter appel dans les mêmes conditions. »
II. - L'article 88-1 du même code est ainsi rédigé :
«
Art. 88-1.
- La consignation fixée en application de l'article 88
garantit le paiement de l'amende civile susceptible d'être prononcée en
application de l'article 177-2.
« La somme consignée est restituée lorsque cette amende n'a pas été prononcée
par le juge d'instruction ou, en cas d'appel du parquet ou de la partie civile,
par la chambre de l'instruction. »
« III. - L'article 91 du même code est ainsi rédigé :
«
Art. 91.
- Quand, après une information ouverte sur constitution de
partie civile, une décision de non-lieu a été rendue, la personne mise en
examen et toutes personnes visées dans la plainte, et sans préjudice d'une
poursuite pour dénonciation calomnieuse, peuvent, si elles n'usent de la voie
civile, demander des dommages-intérêts au plaignant dans les formes indiquées
ci-après.
« L'action en dommages-intérêts doit être introduite dans les trois mois du
jour où l'ordonnance de non-lieu est devenue définitive. Elle est portée par
voie de citation devant le tribunal correctionnel où l'affaire a été instruite.
Ce tribunal est immédiatement saisi du dossier de l'information terminée par
une ordonnance de non-lieu, en vue de sa communication aux parties. Les débats
ont lieu en chambre du conseil : les parties, ou leurs conseils, et le
ministère public sont entendus. Le jugement est rendu en audience publique.
« En cas de condamnation, le tribunal peut ordonner la publication intégrale
ou par extraits de son jugement dans un ou plusieurs journaux qu'il désigne,
aux frais du condamné. Il fixe le coût maximum de chaque insertion.
« L'opposition et l'appel sont recevables dans les délais de droit commun en
matière correctionnelle.
« L'appel est porté devant la chambre des appels correctionnels statuant dans
les mêmes formes que le tribunal. L'arrêt de la cour d'appel peut être déféré à
la Cour de cassation comme en matière pénale.
« Lorsqu'une décision définitive rendue en application de l'article 177-2 a
déclaré que la constitution de partie civile était abusive ou dilatoire, cette
décision s'impose au tribunal correctionnel saisi dans les conditions prévues
aux alinéas précédents. »
« IV. - Le second alinéa de l'article 392-1 du même code est ainsi rédigé :
« Lorsque le tribunal correctionnel, saisi par une citation directe de la
partie civile, prononce une relaxe, il peut, par ce même jugement, sur
réquisitions du procureur de la République, condamner la partie civile au
paiement d'une amende civile dont le montant ne saurait excéder 100 000 F s'il
estime que la citation directe était abusive ou dilatoire. Les réquisitions du
procureur de la République doivent intervenir avant la clôture des débats,
après les plaidoiries de la défense, et la partie civile ou son avocat doivent
avoir été mis en mesure d'y répliquer. Les dispositions du présent alinéa sont
également applicables devant la cour d'appel, lorsque le tribunal correctionnel
a, en premier ressort, relaxé la personne poursuivie et statué sur des
réquisitions du procureur de la République tendant à la condamnation de la
partie civile en application des dispositions du présent alinéa. »
« Chapitre III quinquies
« Dispositions relatives au réexamen d'une décision pénale consécutif au
prononcé d'un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme
« Art. 21
terdecies.
- I. - Après l'article 626 du code de procédure
pénale, il est inséré un titre III ainsi rédigé :
« Titre III
« Du réexamen d'une décision pénale consécutif au prononcé d'un arrêt de la
Cour européenne des droits de l'homme.
«
Art. 626-1
. - Le réexamen d'une décision pénale définitive peut être
demandé au bénéfice de toute personne reconnue coupable d'une infraction
lorsqu'il résulte d'un arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l'homme
que la condamnation a été prononcée en violation des dispositions de la
convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou
de ses protocoles additionnels, dès lors que, par sa nature et sa gravité, la
violation constatée entraîne pour le condamné des conséquences dommageables
auxquelles la « satisfaction équitable » allouée sur le fondement de l'article
41 de la convention ne pourrait mettre un terme.
«
Art. 626-2.
- Le réexamen peut être demandé par :
« - le ministre de la justice ;
« - le procureur général près la Cour de cassation ;
« - le condamné ou, en cas d'incapacité, son représentant légal ;
« - les ayants droit du condamné, en cas de décès de ce dernier.
« Art. 626-3.
- La demande en réexamen est adressée à une commission
composée de sept magistrats de la Cour de cassation, désignés par l'assemblée
générale de cette juridiction ; chacune des chambres est représentée par un de
ses membres, à l'exception de la chambre criminelle qui est représentée par
deux magistrats, l'un d'entre eux assurant la présidence de la commission. Les
fonctions du ministère public sont exercées par le parquet général de la Cour
de cassation.
« La demande en réexamen doit être formée dans un délai d'un an à compter de
la décision de la Cour européenne des droits de l'homme.
« La décision de la commission est prononcée à l'issue d'une audience publique
au cours de laquelle sont recueillies les observations orales ou écrites du
requérant ou de son avocat, ainsi que celles du ministère public ; cette
décision n'est pas susceptible de recours.
«
Art. 626-4.
- Si elle estime la demande justifiée, la commission
procède conformément aux dispositions ci-après :
« - Si le réexamen du pourvoi du condamné, dans des conditions conformes aux
dispositions de la convention, est de nature à remédier à la violation
constatée par la Cour européenne des droits de l'homme, la commission renvoie
l'affaire devant la Cour de cassation qui statue en assemblée plénière ;
« - Dans les autres cas, la commission renvoie l'affaire devant une
juridiction de même ordre et de même degré que celle qui a rendu la décision
litigieuse, sous réserve de l'application des dispositions des troisième et
quatrième alinéas de l'article 625.
Art. 626-5.
- La suspension de l'exécution de la condamnation peut être
prononcée à tout moment de la procédure de réexamen par la commission ou la
Cour de cassation.
«
Art. 626-6.
- Pour l'application des dispositions du présent titre,
le requérant peut être représenté ou assisté par un avocat au Conseil d'Etat ou
à la Cour de cassation ou par un avocat régulièrement inscrit à un barreau.
«
Art. 626-7.
- Si, à l'issue de la procédure, le condamné est reconnu
innocent, les dispositions de l'article 626 sont applicables. »
« II. - A titre transitoire, les demandes de réexamen présentées en
application des articles 626-1 et suivants du code de procédure pénale et
motivées par une décision rendue par la Cour européenne des droits de l'homme
avant la publication de la présente loi au
Journal officiel
de la
République française peuvent être formées dans un délai d'un an à compter de
cette publication. Pour l'application des dispositions de ces articles, les
décisions du Comité des ministres du Conseil de l'Europe rendues, après une
décision de la Commission européenne des droits de l'homme, en application de
l'article 32 (ancien) de la convention de sauvegarde des droits de l'homme ou
de l'article 5 (paragraphe 6) de son protocole n° 11, sont assimilées aux
décisions de la Cour européenne des droits de l'homme.
« Chapitre IV
« Dispositions relatives à la communication
« Art. 22 AA. - I. - Dans le premier alinéa de l'article 26 de la même loi,
les mots : "d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 300 000 francs ou de
l'une de ces deux peines seulement" sont remplacés par les mots : "d'une amende
de 300 000 francs.
« II. - L'article 27 de la même loi est ainsi modifié :
« 1° Dans le premier alinéa, les mots : "d'un emprisonnement de trois ans, et
d'une amende de 300 000 francs, ou de l'une de ces deux peines seulement" sont
remplacés par les mots : "d'une amende de 300 000 francs" ;
« 2° Dans le second alinéa, les mots "d'un emprisonnement de cinq ans et" sont
supprimés.
« III. - Dans l'article 30 de la même loi, les mots : "d'un emprisonnement
d'un an et d'une amende de 300 000 francs, ou de l'une de ces deux peines
seulement" sont remplacés par les mots : "d'une amende de 300 000 francs".
« IV. - Dans le premier alinéa de l'article 32 de la même loi, les mots :
"d'un emprisonnement de six mois et d'une amende de 80 000 francs, ou de l'une
de ces deux peines seulement" sont remplacés par les mots : "d'une amende de 80
000 francs".
« V. - L'article 33 de la même loi est ainsi modifié :
« 1° Dans le premier alinéa, les mots : "d'un emprisonnement de trois mois et
d'une amende de 80 000 francs, ou de l'une de ces deux peines seulement" sont
remplacés par les mots : "d'une amende de 80 000 francs" ;
« 2° Dans le deuxième alinéa, les mots : "d'un emprisonnement de deux mois et
d'une amende de 80 000 francs, ou de l'une de ces deux peines seulement" sont
remplacés par les mots : "d'une amende de 80 000 francs".
« 3° Dans le troisième alinéa, les mots : "Le maximum de la peine
d'emprisonnement sera de six mois et celui de l'amende de 150 000 francs si
l'injure a été commise" sont remplacés par les mots : "Sera punie de six mois
d'emprisonnement et de 150 000 francs d'amende l'injure commise".
« VI. - Dans l'article 36 de la même loi, les mots : "d'un emprisonnement d'un
an et d'une amende de 300 000 francs, ou de l'une de ces deux peines seulement"
sont remplacés par les mots : "d'une amende de 300 000 francs".
« VII. - Dans l'article 37 de la même loi, les mots : "d'un emprisonnement
d'un an et d'une amende de 300 000 francs, ou de l'une de ces deux peines
seulement" sont remplacés par les mots : "d'une amende de 300 000 francs".
« Art. 22 A. - L'article 9-1 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 9-1.
- Chacun a droit au respect de la présomption
d'innoncence.
« Lorsqu'une personne est, avant toute condamnation, présentée publiquement
comme coupable de faits faisant l'objet d'une enquête ou d'une instruction
judiciaire, le juge peut, même en référé, sans préjudice de la réparation du
dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que l'insertion d'une
rectification ou la diffusion d'un communiqué, aux fins de faire cesser
l'atteinte à la présomption d'innocence, et ce aux frais de la personne,
physique ou morale, responsable de cette atteinte. »
« Art. 22. - Après l'article 35
bis
de la loi du 29 juillet 1881 sur la
liberté de la presse, il est inséré un article 35
ter
ainsi rédigé :
«
Art. 35
ter. - I. - Lorsqu'elle est réalisée sans l'accord de
l'intéressé, la diffusion, par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le
support, de l'image d'une personne identifiée ou identifiable mise en cause à
l'occasion d'une procédure pénale mais n'ayant pas fait l'objet d'un jugement
de condamnation et faisant apparaître, soit que cette personne porte des
menottes ou entraves, soit qu'elle est placée en détention provisoire, est
punie de 100 000 F d'amende. »
« II. - Est puni de la même peine le fait :
« - soit de réaliser, de publier ou de commenter un sondage d'opinion, ou
toute autre consultation, portant sur la culpabilité d'une personne mise en
cause à l'occasion d'une procédure pénale ou sur la peine susceptible d'être
prononcée à son encontre ;
« - soit de publier des indications permettant d'avoir accès à des sondages ou
consultations visés à l'alinéa précédent. »
« Art. 25. - I. - L'article 11 du code de procédure pénale est complété par un
alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, afin d'éviter la propagation d'informations parcellaires ou
inexactes ou pour mettre fin à un trouble à l'ordre public, le procureur de la
République peut, d'office et à la demande de la juridiction d'instruction ou
des parties, rendre publics des éléments objectifs tirés de la procédure ne
comportant aucune appréciation sur le bien-fondé des charges retenues contre
les personnes mises en cause. »
« II. - Le quatrième alinéa de l'article 145 du même code est complété par
deux phrases ainsi rédigées :
« Si la personne majeure mise en examen ou son avocat en fait la demande dès
l'ouverture de l'audience, le débat contradictoire a lieu en audience publique,
sauf si la publicité est de nature à entraver les investigations spécifiques
nécessitées par l'instruction ou à nuire à la dignité de la personne ou aux
intérêts d'un tiers. Le juge des libertés et de la détention statue par
ordonnance motivée sur cette demande de publicité après avoir recueilli les
observations du ministère public, de la personne mise en examen et de son
avocat. »
« III. - L'article 177-1 du même code est ainsi modifié :
« 1° Au premier alinéa, après les mots : "sur la demande de la personne
concernée", sont insérés les mots : "ou, avec l'accord de cette personne,
d'office ou à la demande du ministère public" ;
« 2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Si le juge ne fait pas droit à la demande de la personne concernée, il doit
rendre une ordonnance motivée, qui est susceptible d'appel devant la chambre de
l'instruction. »
« IV. - L'article 199 du même code est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Toutefois, si la personne majeure mise en examen ou son avocat le demande
dès l'ouverture des débats, ceux-ci se déroulent et l'arrêt est rendu en séance
publique, sauf si la publicité est de nature à entraver les investigations
spécifiques nécessitées par l'instruction ou à nuire à la dignité de la
personne ou aux intérêts d'un tiers. La chambre de l'instruction statue sur
cette demande, après avoir recueilli les observations du procureur général et,
le cas échéant, des avocats des autres parties, par un arrêt rendu en chambre
du conseil qui n'est susceptible de pourvoi en cassation qu'en même temps que
l'arrêt portant sur la demande principale. » ;
« 2° La seconde phrase du cinquième alinéa est supprimée.
« V. -
Supprimé
.
« VI. - L'article 212-1 du même code est ainsi modifié :
« 1° Au premier alinéa, après les mots : "sur la demande de la personne
concernée", sont insérés les mots : "ou, avec l'accord de cette personne,
d'office ou à la demande du ministère public" ;
« 2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Si la chambre de l'instruction ne fait pas droit à la demande de la personne
concernée, elle doit rendre une décision motivée. »
« VII. -
Supprimé.
« Art. 25
bis
A. -
Supprimé.
« Art. 25
bis
B. -
Supprimé.
« TITRE II
« DISPOSITIONS
RENFORÇANT LES DROITS DES VICTIMES
« Chapitre Ier
« Dispositions réprimant l'atteinte
à la dignité d'une victime d'une infraction pénale
« Art. 27
bis
A. - Après le 1° de l'article 48 de la loi du 29 juillet
1881 relative à la liberté de la presse, il est inséré un 1°
bis
ainsi
rédigé :
« 1°
bis
Dans les cas d'injure et de diffamation envers un membre du
Gouvernement, la poursuite aura lieu sur sa demande adressée au ministre de la
justice ; ».
« Chapitre II
« Dispositions relatives
aux associations d'aide aux victimes
et aux constitutions de partie civile
« Section 1
« Dispositions relatives
aux associations d'aide aux victimes
« Art. 28
quinquies.
- L'article 2-6 du même code est complétée par un
alinéa ainsi rédigé :
« L'association peut également exercer les droits reconnus à la partie civile
en cas d'atteintes volontaires à la vie ou à l'intégrité de la personne et de
destructions, dégradations et détériorations réprimées par les articles 221-1 à
221-4, 222-1 à 222-18 et 322-1 à 322-13 du code pénal, lorsque ces fait ont été
commis en raison du sexe ou des moeurs de la victime, dès lors qu'elle justifie
avoir reçu l'accord de la victime ou, si celle-ci est un mineur ou un majeur
protégé, celui de son représentant légal. »
« Art. 28
sexies
. - Après l'article 2-16 du même code, il est inséré un
article 2-18 ainsi rédigé :
« Art. 2-18. -
Toute association régulièrement déclarée depuis au moins
cinq ans qui se propose, par ses statuts, de défendre ou d'assister les
victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles peut exercer
les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions
prévues par les articles 221-6, 222-19 et 222-20 du code pénal commises à
l'occasion d'une activité professionnelle, lorsque l'action publique a été mise
en mouvement par le ministère public ou la partie lésée.
« Toutefois, l'association ne sera recevable dans son action que si elle
justifie avoir reçu l'accord de la victime ou, si celle-ci est mineure, celui
du titulaire de l'autorité parentale ou du représentant légal. »
« Art. 28
septies.
- Après l'article 2-16 du même code, il est inséré
un article 2-19 ainsi rédigé :
«
Art. 2-19.
- Toute association départementale des maires
régulièrement déclarée, affiliée à l'Association des maires de France, et dont
les statuts ont été déposés depuis au moins cinq ans, peut exercer les droits
reconnus à la partie civile dans toutes les instances introduites par les élus
municipaux à la suite d'injures, d'outrages, de menaces ou de coups et
blessures à raison de leurs fonctions.
« Toutefois, l'association ne sera recevable dans son action que si elle
justifie avoir reçu l'accord de l'élu. »
« Section 2
« Dispositions relatives
aux constitutions de partie civile
« Chapitre III
« Dispositions relatives
à l'indemnisation des victimes
« Art. 31
octies.
- I. - A la fin du premier alinéa de l'article 721-1
du même code, les mots : "ou en justifiant de progrès réels dans le cadre d'un
enseignement ou d'une formation" sont remplacés par les mots : ", en justifiant
de progrès réels dans le cadre d'un enseignement ou d'une formation ou en
s'efforçant d'indemniser leurs victimes".
« II. - Le premier alinéa de l'article 729 du même code est complété par les
mots : "notamment lorsqu'ils s'efforcent d'indemniser leurs victimes". »
« TITRE III
« DISPOSITIONS DIVERSES
ET DE COORDINATION
« Chapitre Ier
« Dispositions diverses
« Art. 32 A. - I. - Après la première phrase du sixième alinéa de l'article
35
bis
de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux
conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, il est inséré une
phrase ainsi rédigée :
« Il visite ces locaux une fois par semestre. »
« II. - Le V de l'article 35
quater
de la même ordonnance est complété
par une phrase ainsi rédigée :
« Le procureur de la République visite les zones d'attente au moins une fois
par semestre. »
« Chapitre II
« Dispositions relatives à l'exécution des peines
« Art. 32 C. - Après l'article 729-2 du code de procédure pénale, il est
inséré un article 729-3 ainsi rédigé :
« Art. 729-3. -
La libération conditionnelle peut être accordée pour
tout condamné à une peine privative de liberté inférieure ou égale à quatre
ans, ou pour laquelle la durée de la peine restant à subir est inférieure ou
égale à quatre ans, lorsque ce condamné exerce l'autorité parentale sur un
enfant de moins de dix ans ayant chez ce parent sa résidence habituelle.
« Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux personnes
condamnées pour un crime ou pour un délit commis sur un mineur. »
« Art. 32 D. - I. - Le dernier alinéa de l'article 709-1 du même code est
supprimé.
« II. - Dans le deuxième alinéa de l'article 731 du même code, les mots : "de
l'un des comités prévus à l'article 709-1 (alinéa 4)" sont remplacés par les
mots : "du service pénitentiaire d'insertion et de probation".
« Dans le dernier alinéa du même article, les mots :", la composition et les
attributions des comités de probation et d'assistance aux libérés" sont
supprimés.
« III. - Dans le dernier alinéa de l'article 732 du même code, les mots : "des
membres du comité de probation et d'assistance aux libérés qui ont pris en
charge le condamné" sont remplacés par les mots : "du service pénitentiaire
d'insertion et de probation".
« IV. - Dans la première phrase du premier alinéa de l'article 733 du même
code, les mots : "des membres du comité de probation et d'assistance aux
libérés qui ont pris en charge le condamné" sont remplacés par les mots : "du
service pénitentiaire d'insertion et de probation".
« V. - Dans la première phrase du dernier alinéa de l'article 41 du code de
procédure pénale, les mots : "le comité de probation et d'assistance aux
libérés" sont remplacés par les mots : "le service pénitentiaire d'insertion et
de probation".
« VI. - Dans la deuxième phrase de l'article 763-1 du même code, les mots :
"le comité de probation et d'assistance aux libérés" sont remplacés par les
mots : "le service pénitentiaire d'insertion et de probation".
« VII. - Dans la seconde phrase du second alinéa de l'article 763-8 du même
code, les mots : "le comité de probation et d'assistance aux libérés" sont
remplacés par les mots : "le service pénitentiaire d'insertion et de
probation".
« Art. 32 F. - I A. - La deuxième phrase du premier alinéa de l'article 720-1
du même code est ainsi rédigée : « La décision est prise par le juge de
l'application des peines dans les conditions prévues par l'article 722. »
« I B. - Le titre de la section V du chapitre II du titre II du livre V du
même code est ainsi rédigé :
« Section V.
« Des attributions du juge de l'application des peines, des juridictions de la
libération conditionnelle et de la commission de l'application des peines. »
« I. - Le premier alinéa de l'article 722 du code de procédure pénale est
complété par les mots : "pour l'octroi des réductions de peine, des
autorisations de sortie sous escorte et des permissions de sortir".
« II. - Le dernier alinéa du même article est remplacé par trois alinéas ainsi
rédigés :
« Les mesures de placement à l'extérieur, de semi-liberté, de fractionnement
et suspension des peines, de placement sous surveillance électronique et de
libération conditionnelle sont accordées, ajournées, refusées, retirées ou
révoquées par décision motivée du juge de l'application des peines saisi
d'office, sur la demande du condamné ou sur réquisition du procureur de la
République. Cette décision est rendue, après avis du représentant de
l'administration pénitentiaire, à l'issue d'un débat contradictoire tenu en
chambre du conseil, au cours duquel le juge de l'application des peines entend
les réquisitions du ministère public et les observations du condamné ainsi que,
le cas échéant, celle de son avocat ; elle peut être attaquée par la voie de
l'appel par le condamné, par le procureur de la République et par le procureur
général, dans le délai de dix jours à compter de sa notification. L'appel est
porté devant la chambre des appels correctionnels.
« Les décisions du juge de l'application des peines sont exécutoires par
provision. Toutefois, lorsque l'appel du ministère public est formé, dans les
vingt-quatre heures de la notification, contre une décision accordant l'une des
mesures prévues par le sixième alinéa, il suspend l'exécution de cette décision
jusqu'à ce que la cour ait statué. L'affaire doit venir devant la cour d'appel
au plus tard dans les deux mois suivant l'appel du parquet, faute de quoi
celui-ci est non avenu.
« Un décret détermine les modalités d'application des deux alinéas précédents.
» « III. - Après l'article 722 du même code, sont ajoutés deux articles 722-1
et 722-2 ainsi rédigés :
«
Art. 722-1
. - Les mesures de libération conditionnelle qui ne
relèvent pas de la compétence du juge de l'application des peines sont
accordées, ajournées, refusées ou révoquées par décision motivée de la
juridiction régionale de la libération conditionnelle, saisie sur la demande du
condamné ou sur réquisition du procureur de la République, après avis de la
commission d'application des peines.
« Cette juridiction, établie auprès de chaque cour d'appel, est composée d'un
président de chambre ou d'un conseiller de la cour d'appel, président, et de
deux juges de l'application des peines du ressort de la cour d'appel, dont,
pour les décisions d'octroi, d'ajournement ou de refus, celui de la juridiction
dans le ressort de laquelle est situé l'établissement pénitentiaire dans lequel
le condamné est écroué.
« Les fonctions du ministère public sont exercées par le procureur général ou
par l'un de ses avocats généraux ou de ses substituts ; celle de greffe par un
greffier de la cour d'appel.
« La juridiction régionale de la libération conditionnelle statue par décision
motivée, à l'issue d'un débat contradictoire tenu en chambre du conseil, au
cours duquel elle entend les réquisitions du ministère public, les observations
du condamné et, le cas échéant, celles de son avocat.
« Les décisions de la juridiction peuvent faire l'objet d'un appel, dans les
dix jours de leur notification par le condamné ou par le ministère public,
devant la juridiction nationale de la libération conditionnelle. Ces décisions
sont exécutoires par provision. Toutefois, lorsque l'appel du procureur général
est formé dans les vingt-quatre heures de la notification, il suspend
l'exécution de la décision jusqu'à ce que la juridiction nationale ait statué.
L'affaire doit être examinée par cette juridiction nationale au plus tard deux
mois suivant l'appel ainsi formé, faute de quoi celui-ci est non avenu.
« La juridiction nationale de la libération conditionnelle est composée du
premier président de la Cour de cassation ou d'un conseiller de la cour le
représentant, qui la préside, de deux magistrats du siège de la cour ainsi que
d'un responsable des associations nationales de réinsertion des condamnés et
d'un responsable des associations nationales d'aide aux victimes. Les fonctions
du ministère public sont remplies par le parquet général de la Cour de
cassation. La juridiction nationale statue par décision motivée qui n'est
susceptible d'aucun recours, de quelque nature que ce soit. Les débats ont lieu
et la décision est rendue en chambre du conseil, après que l'avocat du condamné
a été entendu en ses observations.
« Un décret précise les modalités d'application du présent article.
«
Art. 722-2
. - En cas d'inobservation par le condamné ayant bénéficié
d'une des mesures mentionnées aux articles 722 ou 722-1 des obligations qui lui
incombent, le juge de l'application des peines peut délivrer un mandat d'amener
contre ce dernier.
« Si celui-ci est en fuite ou réside à l'étranger, il peut délivrer un mandat
d'arrêt.
« Les dispositions des articles 122 à 124 et 126 à 134 sont alors applicables,
les attributions du juge d'instruction étant exercées par le juge de
l'application des peines. »
« IV. - Les trois premiers alinéas de l'article 730 du même code sont
remplacés par deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque la peine privative de liberté prononcée est d'une durée inférieure
ou égale à dix ans, ou que, quelle que soit la peine initialement prononcée, la
durée de détention restant à subir est inférieure ou égale à trois ans, la
libération conditionnelle est accordée par le juge de l'application des peines
selon les modalités prévues par l'article 722.
« Dans les autres cas, la libération conditionnelle est accordée par la
juridiction régionale de la libération conditionnelle, selon les modalités
prévues par l'article 722-1. »
« V. - L'article 732 du même code est ainsi modifié :
« 1° Au premier alinéa, les mots : "le ministre de la justice, celui-ci" sont
remplacés par les mots : "la juridiction régionale de la libération
conditionnelle, celle-ci" ;
« 2° Au quatrième alinéa, les mots : "et après avis, le cas échéant, du comité
consultatif de libération conditionnelle, par le ministre de la justice" sont
remplacés par les mots : "par la juridiction régionale de la libération
conditionnelle".
« VI. - Au premier alinéa de l'article 733 du même code, les mots : "et après
avis, le cas échéant, du comité consultatif de libération conditionnelle, par
le ministre de la justice" sont remplacés par les mots : "par la juridiction
régionale de la libération conditionnelle".
« VII. - L'article 733-1 du même code est ainsi modifié :
« 1° Le premier alinéa est supprimé ;
« 2° Au 1° de cet article, les mots : "Les décisions qui concernent l'une des
mesures prévues par les articles 720-1, 723, 723-3, 723-7 et 730 peuvent être
déférées" sont remplacés par la phrase et le membre de phrase : "Les décisions
mentionnées au premier alinéa de l'article 722, à l'exception de celles
mentionnées par le sixième alinéa de cet article, sont des mesures
d'administration judiciaire. Ces décisions peuvent être déférées, à la requête
du procureur de la République et, sauf en ce qui concerne les permissions de
sortir, seulement pour violation de la loi," ;
« 3° Le 2° de cet article est supprimé.
« Art. 32 G. - Le premier alinéa de l'article 729 du même code est ainsi
rédigé :
« La libération conditionnelle tend à la réinsertion des condamnés et à la
prévention de la récidive. Les condamnés ayant à subir une ou plusieurs peines
privatives de liberté peuvent bénéficier d'une libération conditionnelle s'ils
manifestent des efforts sérieux de réadaptation sociale, notamment lorsqu'ils
justifient soit de l'exercice d'une activité professionnelle, soit de
l'assiduité à un enseignement ou à une formation professionnelle ou encore d'un
stage ou d'un emploi temporaire en vue de leur insertion sociale, soit de leur
participation essentielle à la vie de famille, soit de la nécessité de subir un
traitement. »
« Art. 32 H. - Il est inséré, dans le titre IV du livre Ier du code de
l'organisation judiciaire, un chapitre III ainsi rédigé :
« Chapitre III.
« La juridiction nationale de la libération conditionnelle.
«
Art. L. 143-1
. - Il y a auprès de la Cour de cassation une
juridiction chargée de statuer sur les recours formés contre les décisions de
la juridiction régionale de la libération conditionnelle ».
«
Art. L. 143-2
. - Les règles concernant la composition de la
juridiction prévue à l'article précédent ainsi que celles qui sont relatives au
ministère public près cette juridiction sont fixées par l'article 722-1 du code
de procédure pénale. »
« Art. 32 I. - Il est inséré dans le titre III du livre VI du même code un
article L. 630-3 ainsi rédigé :
«
Art. L. 630-3
. - Il y a, dans le ressort de chaque cour d'appel, une
juridiction de première instance dénommée juridiction régionale de la
libération conditionnelle. Les règles concernant la composition, la compétence
et le fonctionnement de la juridiction régionale de la libération
conditionnelle sont fixées par l'article 722-1 du code de procédure pénale. Le
siège des juridictions régionales de la libération conditionnelle est fixé par
voie réglementaire. »
« Art. 32 J. - Après l'article 720 du code de procédure pénale, il est inséré
un article 720-1-A ainsi rédigé :
«
Art. 720-1-A
. - Les députés et les sénateurs sont autorisés à visiter
à tout moment les locaux de garde à vue, les centres de rétention, les zones
d'attente et les établissements pénitentiaires. »
« Art. 32 K. - L'article 723-7 du même code est ainsi modifié :
« 1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« La décision de placement sous surveillance électronique d'un mineur non
émancipé ne peut être prise, dans les mêmes conditions, qu'avec l'accord des
titulaires de l'exercice de l'autorité parentale. » ;
« 2° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le lieu désigné par le juge de l'application des peines n'est pas le
domicile du condamné, la décision de placement sous surveillance électronique
ne peut être prise qu'avec l'accord du maître des lieux, sauf s'il s'agit d'un
lieu public. »
« Chapitre III
« Dispositions de coordination
« Art. 33. - I. - Au troisième alinéa de l'article 83 du même code, les mots :
"il a seul qualité pour statuer en matière de détention provisoire" sont
remplacés par les mots : "il a seul qualité pour saisir le juge des libertés et
de la détention, pour ordonner une mise en liberté d'office".
« II. -
Supprimé
.
« III. - L'article 122 du même code est ainsi modifié :
« 1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Le juge d'instruction peut, selon les cas, décerner mandat de comparution,
d'amener ou d'arrêt. Le juge des libertés et de la détention peut décerner
mandat de dépôt. » ;
« 2° La première phrase du quatrième alinéa est ainsi rédigée :
« Le mandat de dépôt est l'ordre donné par le juge des libertés et de la
détention au chef de l'établissement pénitentiaire de recevoir et de détenir la
personne mise en examen à l'encontre de laquelle il a rendu une ordonnance aux
fins de placement en détention provisoire. »
« IV. - Le premier alinéa de l'article 135 du même code est supprimé.
« V. - Dans le premier alinéa de l'article 136 du même code, les mots : "ou à
prise à partie contre le juge d'instruction" sont remplacés par les mots :
"contre le juge d'instruction, le juge des libertés et de la détention."
« VI. -
Supprimé
.
« VII. - Au premier alinéa de l'article 138 du même code, après les mots :
"juge d'instruction", sont insérés les mots : "ou par le juge des libertés et
de la détention".
« VIII. - Le premier alinéa de l'article 141-2 du même code est ainsi rédigé
:
« Si la personne mise en examen se soustrait volontairement aux obligations du
contrôle judiciaire, le juge d'instruction peut décerner à son encontre mandat
d'arrêt ou d'amener. Il peut également, dans les conditions prévues au
quatrième alinéa de l'article 137-1, saisir le juge des libertés et de la
détention aux fins de placement en détention provisoire. Quelle que soit la
peine d'emprisonnement encourue, le juge des libertés et de la détention peut
décerner, à l'encontre de cette personne, un mandat de dépôt en vue de sa
détention provisoire, sous réserve des dispositions de l'article 141-3. »
« IX. - Au second alinéa de l'article 144-1 du même code, après les mots : "le
juge d'instruction", sont insérés les mots : "ou, s'il est saisi, le juge des
libertés et de la détention".
« X et XI. -
Supprimés.
« XII. - Au premier alinéa de l'article 145-2 du même code, les mots : "le
juge d'instruction" sont remplacés par les mots : "le juge des libertés et de
la détention" et les mots : "par une décision rendue conformément aux
dispositions des premier et quatrième alinéas de l'article 145" sont remplacés
par les mots : "par une ordonnance motivée conformément aux dispositions de
l'article 137-3 et rendue après un débat contradictoire organisé conformément
aux dispositions du sixième alinéa de l'article 145".
« XIII. - L'intitulé de la section 12 du chapitre Ier du titre III du livre
Ier du même code est complété par les mots : "ou du juge des libertés et la
détention".
« XIV. - Aux premier et dernier alinéas de l'article 185 du même code, les
mots : "du juge d'instruction" sont remplacés par les mots : "du juge
d'instruction ou du juge des libertés et de la détention".
« XIV
bis.
- Dans le premier alinéa de l'article 186 du même code, les
mots : "145, premier alinéa" sont remplacés par les mots : "137-3".
« XV. -
Supprimé.
« XVI. - L'article 207 du même code est ainsi modifié :
« 1° Au premier alinéa, les mots : "une ordonnance du juge d'instruction" sont
remplacés par les mots : "une ordonnance du juge des libertés et de la
détention", les mots : "en application du deuxième alinéa de l'article 137"
sont remplacés par les mots : "en application de l'article 137-5", et les mots
: "la décision du juge d'instruction" sont remplacés par les mots : "la
décision du juge des libertés et de la détention" ;
« 2° Au troisième alinéa, les mots : "L'ordonnance du juge d'instruction" sont
remplacés par les mots : "L'ordonnance du juge d'instruction ou du juge des
libertés et de la détention" ;
« 3° Au dernier alinéa, les mots : "le juge d'instruction" sont remplacés par
les mots : "le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention".
»
Art. 37
bis.
- I. - Au deuxième alinéa de l'article 141-2 du même code,
les mots : "sur l'ordre du président de la cour d'assises ou, dans l'intervalle
des sessions, du président de la chambre d'accusation" sont remplacés par les
mots : "sur ordre du président de la chambre de l'instruction, ou pendant la
session d'assises au cours de laquelle la personne doit être jugée, par le
président de la cour d'assises".
« II. - Le deuxième alinéa de l'article 148-1 du même code est ainsi rédigé
:
« Lorsqu'une juridiction de jugement est saisie, il lui appartient de statuer
sur la détention provisoire. Toutefois, en matière criminelle, la cour
d'assises n'est compétente que lorsque la demande est formée durant la session
au cours de laquelle elle doit juger l'accusé. Dans les autres cas, la demande
est examinée par la chambre de l'instruction. »
« III. - Le 1° de l'article 256 du même code est ainsi rétabli :
« 1° Les personnes dont le bulletin n° 1 du casier judiciaire mentionne une
condamnation pour crime ou une condamnation pour délit à une peine égale ou
supérieure à six mois d'emprisonnement ; ».
« III
bis.
- Il est inséré, après le premier alinéa de l'article 260 du
même code : un deuxième alinéa ainsi rédigé :
« Un décret en Conseil d'Etat peut, pour la liste annuelle de chaque cour
d'assises, fixer un nombre de jurés plus élevé que celui résultant des
dispositions du premier alinéa, si le nombre de sessions tenues chaque année
par la cour d'assises le justifie. »
« III
ter.
- Au premier alinéa de l'article 266 du même code, les mots
: "trente-cinq" et "dix" sont respectivement remplacés par les mots :
"quarante" et "douze".
« Aux deuxième et troisième alinéas de cet article, ainsi qu'au premier alinéa
de l'article 267, les mots : "des dix jurés suppléants" sont remplacés par les
mots : "des jurés suppléants".
« III
quater.
- Au premier alinéa de l'article 289-1 du même code, les
mots : "il reste moins de vingt-trois jurés sur la liste de session" sont
remplacés par les mots : "il reste, sur la liste de session, moins de
vingt-trois jurés ou, lorsqu'au cours de la session la cour d'assises doit
statuer en appel, moins de vingt-six jurés".
« IV. - Au premier alinéa de l'article 268 du même code, les mots : "L'arrêt
de renvoi" sont remplacés par les mots : "L'ordonnance ou l'arrêt de mise en
accusation".
« Au troisième alinéa du même article, les mots : "l'arrêt de renvoi" sont
remplacés par les mots : "l'ordonnance ou l'arrêt de mise en accusation" et les
mots : "au procureur général" sont remplacés par les mots : "selon les cas, au
procureur de la République ou au procureur général".
« V. - A l'article 269 du même code, les mots : "Dès que l'arrêt de renvoi est
devenu définitif" sont remplacés par les mots : "Dès que la décision de mise en
accusation est devenue définitive ou, en cas d'appel, dès que l'arrêt de
désignation de la cour d'assises d'appel a été signifié".
« VI. - A l'article 273 du même code, les mots : "de l'arrêt de renvoi" sont
remplacés par les mots : "de la décision de mise en accusation ou, en cas
d'appel, de l'arrêt de désignation de la cour d'assises d'appel".
« VII. - Le dernier alinéa de l'article 316 du même code est ainsi rédigé :
« Lorsque la cour d'assises examine l'affaire en appel, ces arrêts ne peuvent
être attaqués que par la voie du recours en cassation, en même temps que
l'arrêt sur le fond. Lorsque la cour d'assises examine l'affaire en premier
ressort, ces arrêts ne peuvent faire l'objet d'un recours, mais, en cas d'appel
de l'arrêt sur le fond et de réexamen de l'affaire devant une autre cour
d'assises, ils n'ont pas autorité de la chose jugée devant cette cour. »
« VIII. - L'article 327 du même code est ainsi rédigé :
«
Art. 327.
- Le président invite l'accusé et les jurés à écouter avec
attention la lecture de la décision de renvoi, ainsi que, lorsque la cour
d'assises statue en appel, des questions posées à la cour d'assises ayant
statué en premier ressort, des réponses faites aux questions, de la décision et
de la condamnation prononcée.
« Il invite le greffier à procéder à cette lecture. »
« IX. - Dans la dernière phrase de l'article 348 et dans le deuxième alinéa de
l'article 349 du même code, les mots : "l'arrêt de renvoi" sont remplacés par
les mots : "la décision de mise en accusation".
« X. - A l'article 351 du même code, les mots : "l'arrêt de renvoi" sont
remplacés par les mots : "la décision de mise en accusation".
« X
bis.
- Le premier alinéa de l'article 354 du même code est complété
par une phrase ainsi rédigée :
« Si l'accusé est libre, il lui enjoint de ne pas quitter le palais de justice
pendant la durée du délibéré, en indiquant, le cas échéant, le ou les locaux
dans lesquels il doit demeurer, et invite le chef du service d'ordre à veiller
au respect de cette injonction. » « XI. - A l'article 370 du même code, les
mots : "de se pourvoir en cassation" sont remplacés par les mots : ", selon les
cas, d'interjeter appel ou de se pourvoir en cassation" et les mots : "le délai
de ce pourvoi" sont remplacés par les mots : "le délai d'appel ou de
pourvoi".
« XII. - L'article 594 du même code est abrogé.
« XIII. - Dans le dernier alinéa de l'article 599 du même code, après les mots
: "la cour d'assises", sont insérés les mots : "statuant en appel".
« XIV. - Au premier alinéa de l'article 698-6 du même code, les mots : "est
composée d'un président et de six assesseurs" sont remplacés par les mots :
"est composée d'un président et, lorsqu'elle statue en premier ressort de six
assesseurs, ou lorsqu'elle statue en appel, de huit assesseurs. Ces assesseurs
sont".
« XV. - Le deuxième alinéa de l'article 706-25 du même code est ainsi rédigé :
"Pour l'application de l'alinéa précédent, le juge d'instruction ou la chambre
de l'instruction qui prononce la mise en accusation constate que les faits
entrent dans le champ d'application de l'article 706-16."
« XVI. - La première phrase du premier alinéa de l'article 885 du même code
est complétée par les mots : "lorsque la cour criminelle statue en premier
ressort et de six assesseurs lorsqu'elle statue en appel".
« XVII. - L'article 888 du même code est ainsi rédigé :
«
Art. 888
. - Les majorités de huit ou dix voix prévues par les
articles 359 et 362, deuxième alinéa, sont remplacées par des majorités de
quatre ou cinq voix. »
« XVIII. - L'article 921 du même code est complété par les mots : "lorsque le
tribunal criminel statue en premier ressort et de six jurés lorsqu'il statue en
appel."
« XIX. - L'article 923 du même code est ainsi rédigé :
«
Art. 923
. - Les majorités de huit ou dix voix prévues par les
articles 359 et 362, deuxième alinéa, sont remplacées par des majorités de
quatre ou de cinq voix. »
« Art. 38. - I. - Au IV de l'article 4 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février
1945 relative à l'enfance délinquante, les mots : "de seize ans" sont
supprimés.
« II. - Au premier alinéa de l'article 11 de la même ordonnance, les mots : ",
soit par le juge des enfants, soit par le juge d'instruction," sont remplacés
par les mots : "par le juge des libertés et de la détention saisi soit par le
juge d'instruction, soit par le juge des enfants,".
« III. - Dans le deuxième alinéa du même article, les mots : "par une
ordonnance motivée comme il est dit au premier alinéa de l'article 145 du code
de procédure pénale et rendue conformément aux dispositions du quatrième alinéa
de cet article du même code" sont remplacés par les mots : "par une ordonnance
motivée conformément aux dispositions de l'article 137-3 du code de procédure
pénale et rendue après un débat contradictoire organisé conformément aux
dispositions du sixième alinéa de l'article 145 du même code".
« IV. - Au troisième alinéa du même article, les mots : "aux dispositions du
quatrième alinéa de l'article 145 du code de procédure pénale" sont remplacés
par les mots : "aux dispositions du sixième alinéa de l'article 145 du code de
procédure pénale".
« V. - Au quatrième alinéa du même article, les mots : "par une ordonnance
rendue conformément aux dispositions du quatrième alinéa de l'article 145-1 du
code de procédure pénale" sont remplacés par les mots : "par une ordonnance
rendue conformément aux dispositions du sixième alinéa de l'article 145 du code
de procédure pénale".
«
Art. 39. -
Les dispositions des sections 1, 2
bis
, 3, 4 et 5
du chapitre Ier, des sections 1 et 2 du chapitre II et des chapitres III et III
ter
du titre Ier et celles des articles 28
ter
, 29 A, 31
sexies
, 31
septies
, 32 F, 32, 33, 36, 37, 37
bis
et 38
entreront en vigueur le 1er janvier 2001 ; les personnes ayant été condamnées
par une cour d'assises postérieurement à la publication de la loi, mais dont la
condamnation ne serait pas définitive le 1er janvier 2001, pourront cependant,
dans les dix jours suivant cette date, former appel de leur condamnation
conformément aux dispositions des articles 380-1 à 380-14 du code de procédure
pénale, dans leur rédaction résultant de l'article 21
nonies
B ; cet
appel entraîne le désistement du pourvoi et permet les appels incidents prévus
par l'article 380-2.
« Toutefois, les dispositions des articles 2
ter
et 21
quinquies
entreront en vigueur un an après la publication de la présente loi au
Journal officiel
; jusqu'à cette date, à compter du 1er janvier 2001, le
deuxième alinéa de l'article 367 du code de procédure pénale, dans sa rédaction
résultant de l'article 21
decies
de la présente loi, est ainsi rédigé :
"Dans les autres cas, tant que l'arrêt n'est pas définitif, et, le cas échéant,
pendant l'instance d'appel, l'ordonnance de prise de corps est mise à exécution
ou continue de produire ses effets jusqu'à ce que la durée de détention ait
atteint celle de la peine prononcée."
« Les dispositions de l'article 10
bis
AA entreront en vigueur deux ans
après la publication de la présente loi au
Journal officiel
; jusqu'à
cette date, le président du tribunal peut confier au juge des libertés et de la
détention désigné en application du second alinéa de l'article 137-1, les
fonctions visées par l'article 10
bis
AA.
«
Art. 39
bis. - Un an après l'entrée en vigueur de l'article 2
ter
, le Gouvernement présentera au Parlement un rapport sur le bilan de
la première année d'expérimentation du dispositif afin de préciser les
modalités de l'élargissement de cet enregistrement aux majeurs. »
« Art. 42. -
Supprimé.
« Art. 43. -
Supprimé. »
Personne ne demande la parole sur les articles Ier à 21
nonies
AA ?...
ARTICLE 21
nonies
B
M. le président.
Sur l'article 21
nonies
B, je suis saisi d'un amendement n° 1, déposé
par le Gouvernement, et tendant, dans le second alinéa du texte proposé par cet
article pour l'article 380-1 du code de procédure pénale, à supprimer les mots
: « le président de ».
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Monsieur le président, je vais faire une présentation
commune des sept amendements que j'ai déposés et qui procèdent de coordinations
de nature technique sur le texte résultant des travaux du Parlement et de la
commission mixte paritaire.
Ces coordinations, qui ne remettent pas en cause les choix opérés par ladite
commission mixte paritaire, sont nécessaires pour assurer la cohérence de la
loi. Elles ont déjà été approuvées la semaine dernière par l'Assemblée
nationale, qui a adopté sept amendements identiques.
La plupart de ces modifications réparent des oublis ou des incorrections qui
ont d'ailleurs été décelés par les administrateurs de l'Assemblée nationale et
du Sénat, qui ont fait, sur ce texte, un travail remarquable auquel je veux
rendre hommage. En effet, on félicite beaucoup les élus ou les membres du
Gouvernement, mais on oublie trop souvent le travail réalisé par les
administrateurs des deux assemblées. Je veux dire à quel point il a été, cette
fois encore, tout à fait remarquable.
(Applaudissements.)
Le premier amendement procède à une coordination avec l'article 393 du code de
procédure pénale, qui prévoit que la cour d'assises d'appel est désignée par la
chambre criminelle de la Cour de cassation et non pas par son président, comme
l'avait décidé le Sénat en deuxième lecture. Cette même règle doit donc être
rappelée à l'article 380-1 du code de procédure pénale.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
La
commission est favorable à ces sept amendements.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Quelqu'un demande-t-il la parole sur les articles 21
nonies
à 28
septies
?...
ARTICLE 31 octies
(pour coordination)
M. le président.
Sur l'article 31
octies
, je suis saisi d'un amendement n° 2, déposé par
le Gouvernement et tendant à supprimer le II de cet article.
Le Gouvernement s'est déjà exprimé sur cet amendement et la commission a, par
avance, émis un avis favorable.
Personne ne demande la parole ?...
Quelqu'un demande-t-il la parole sur les articles 32 A à 32 F ?...
ARTICLE 32 G
M. le président.
Sur l'article 32 G, je suis saisi d'un amendement n° 3, déposé par le
Gouvernement, et tendant à compléter le texte proposé par l'article 32 G pour
le premier alinéa de l'article 729 du code de procédure pénale par les mots : «
, soit de leurs efforts en vue d'indemniser leurs victimes ».
Le Gouvernement s'est déjà exprimé et la commission a, par avance, fait part
de son avis favorable sur cet amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Quelqu'un demande-t-il la parole sur les articles 32 H à 38 ?...
ARTICLE 39
M. le président.
Sur l'article 39, je suis saisi de quatre amendements déposés par le
Gouvernement.
L'amendement n° 4 tend, dans la première phrase du premier alinéa de cet
article, après les mots : « titre Ier et celles », à insérer les mots : « du
paragraphe II de l'article 25 et ».
L'amendement n° 5 vise, dans le premier alinéa de l'article 39, après la
référence : « 32 F, » à insérer les références : « 32 H, 32 I, ».
L'amendement n° 6 a pour objet de compléter le premier alinéa de l'article 39
par les mots : « ; les affaires renvoyées devant une cour d'assises après
cassation et audiencées après le 1er janvier 2001 seront jugées par une cour
d'assises composée de neuf jurés et statuant en premier ressort ».
L'amendement n° 7 tend, après le premier alinéa de l'article 39, à insérer un
alinéa ainsi rédigé :
« Jusqu'au 1er janvier 2001, le président du tribunal de grande instance
exerce les compétences que l'article 9
octies
confie au juge des
libertés et de la détention. »
Ces amendements ont déjà été présentés par le Gouvernement.
La commission, a par avance, émis un avis favorable.
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
Je souhaite ajouter une précision sur l'amendement n° 6.
Cet amendement était un peu difficile. En effet, plusieurs options étaient
envisageables au cours de la période transitoire en cas de cassation d'un arrêt
de cour d'assise ; je dois dire que je suis très reconnaissant de la manière
dont le travail a été fait pour les sept amendements, mais tout
particulièrement pour celui-là, qui a fait l'objet d'une concertation à la fois
entre Mme la rapporteuse de l'Assemblée nationale et moi-même afin de savoir
dans quelle direction nous allions nous engager. Nous avons choisi celle qui
était la plus protectrice des droits de l'homme, c'est-à-dire qu'en cas de
cassation on reviendra au début du processus et l'on redonnera une seconde
chance à ceux qui n'avaient pu l'avoir.
Les sept amendements que vous présentez aujourd'hui, madame la ministre, sont
tous des amendements de coordination. Seul le problème posé par l'amendement n°
6 permettait d'envisager plusieurs options.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Quelqu'un demande-t-il la parole sur les articles 39
bis
à 43 ?...
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M.
Bonnet, pour explication de vote.
M. Christian Bonnet.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, toute
abstention dans un scrutin appelle explication.
Il en est qui traduisent indifférence ou perplexité...
Il en est qui manifestent une déception face à la timidité d'un projet...
Il en est enfin, étant entendu que je m'exprime ici à titre personnel, qui,
sans nier certains aspects positifs - dus, en l'espèce, au Sénat, et
singulièrement à un rapporteur éclairé soutenu par un président tenace -,
déplorent, à l'inverse, l'orientation, à leur sens quelque peu irréaliste, d'un
texte.
Reflet de l'air du temps, bien des dispositions de cette presque loi ne me
paraissent répondre ni à la situation du moment ni à l'attente des Français.
Elles ne répondent pas à la situation...
Une page entière d'un quotidien de référence en date du 20 mai était consacrée
au fait que « les salariés sont de plus en plus victimes de violences physiques
» - c'était le titre. Puis venait le sous-titre : « Convoyeurs de fonds
assassinés, conducteurs de bus agressés, guichetiers insultés, employés de
banque séquestrés, professeurs molestés, infirmières menacées, caissières
attaquées... les entreprises tentent de faire face au phénomène. »
Encore, les pompiers de Strasbourg n'étaient-ils pas tombés dans un guet-apens
!
Et le législateur de répondre à cet état de choses préoccupant en portant
paradoxalement un regard suspicieux sur celle des institutions de la République
en charge de veiller sur la sécurité des Français.
Curieuse conception, n'est-il pas vrai, que celle qui paraît soucieuse
d'adoucir le sort des loups, quitte à entraver l'action des bergers
responsables de la quiétude du troupeau !
Pas plus qu'à l'aspiration de nos compatriotes à une sécurité mieux assurée,
ce projet en fin de parcours ne répond à leur désir d'une justice plus
prompte.
Le Sénat, mes chers collègues, avait approuvé, il n'y a pas si longtemps, le
remarquable rapport de notre collègue Pierre Fauchon sur les moyens de la
justice, qui posait : « l'exigence d'exclure toute réforme nouvelle sans moyens
adéquats. »
Or voilà que va s'abattre, dans un monde en proie à une judiciarisation
exponentielle, sur des magistrats et des greffiers déjà submergés, une
avalanche de réformes, une avalanche que ne sauraient contenir les quelques
mesures arrachées, madame, à l'administration de Bercy, par votre force de
persuasion.
Evoquant la situation sous l'Ancien Régime, Tocqueville stigmatisait déjà «
les nouvelles règles édictées par les gouvernements qui, dans l'éloignement
presque infini où ils vivaient de la pratique, les faisaient se succéder avec
une rapidité si singulière que les fonctionnaires avaient souvent peine à
démêler comment les appliquer ! »
Autre temps... même travers !
Madame la ministre, garde des sceaux, sujet, on le sait, à bien des
retournements, le vent, poussé qu'il est par la prégnance médiatique, souffle
actuellement en tempête dans le sens du rejet des interdits, de la prééminence
de la mansuétude sur la sanction, du primat des droits de l'individu sur ceux
des institutions.
Bien des aspects du texte dont s'achève le parcours parlementaire s'inscrivent
dans cette optique.
Mais je suis de ceux qui pensent que le Parlement se doit d'avoir une ambition
plus haute que celle d'enregistrer les humeurs du temps dès lors qu'elles
apparaissent peccantes.
Telle est la raison pour laquelle je suis au regret de ne pouvoir m'associer
au vote positif que la grande majorité de la Haute Assemblée me paraît disposée
à émettre.
(Applaudissements sur certaines travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, le
texte que nous allons adopter, on l'a dit à maintes reprises, est largement
l'oeuvre du Sénat. Je ne répéterai pas ce qu'ont dit les uns et les autres sur
le rôle capital du Sénat dans le processus législatif. Je tiens toutefois à
réaffirmer son importance et à démontrer que le travail s'est fait en parfaite
harmonie et complémentarité avec l'Assemblée nationale, du moins pour cette
fois.
On peut souhaiter que la proposition de loi Fauchon subisse rapidement le même
sort et revienne devant nous parce que, elle aussi, a fait l'objet d'un travail
commun de l'Assemblée nationale et du Sénat.
Cette remarque étant faite, je ne m'attarderai pas sur toutes les avancées que
porte le projet de loi que nous allons adopter. Elles sont considérables : le
double degré de juridiction en matière criminelle, le statut de témoin assisté,
et tant d'autres...
Je dois cependant nuancer ce qu'a dit notre collègue Hubert Haenel sur un
certain nombre de points.
Premièrement, on peut regretter la mesure rapide, mal étudiée, comme plaquée
dans ce texte de loi, relative à l'enregistrement audiovisuel des
interrogatoires des mineurs. Je crains que cette disposition ne reste très
largement inappliquée, qu'elle ne soit pas prise au sérieux, qu'elle ne soit
que démagogique parce que, en fin de compte - nous en sommes tous convaincus -
ce n'est pas la bonne solution.
C'est la raison pour laquelle nous émettons, sur ce point, un certain nombre
de réticences qu'il m'a paru bon d'exprimer en cet instant.
Deuxièmement, cette réforme va impliquer un changement de mentalité de tous
les professionnels du droit, de tous les officiers de police judiciaire : il va
falloir qu'ils comprennent que les choses ne sont plus comme avant, là aussi,
cela exigera un effort important.
M. Jacques Peyrat.
Parfaitement !
M. Patrice Gélard.
Il faudra changer les mentalités des magistrats, des policiers, des gendarmes,
mais aussi des avocats : ils devront s'adapter à cette nouvelle procédure, qui
n'est sans doute qu'une étape dans un long processus.
M. Jacques Peyrat.
Très juste !
M. Patrice Gélard.
Enfin, troisièmement, pour réussir, cette réforme nécessite la mise en oeuvre
de moyens considérables : des moyens en personnels, des moyens financiers.
J'attire votre attention, madame le garde des sceaux, sur ce dernier point :
les augmentations de vos budgets successifs devront être considérablement
réévaluées dans le budget pour 2001 si l'on veut que cette réforme connaisse un
début de réussite.
Nous sommes à un tournant. Ce qui restera de cette loi, comme un certain
nombre d'orateurs l'ont dit, ce sera d'abord la mise en conformité du droit
français avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme ; ce
sera aussi et surtout la création du double degré de juridiction en matière
criminelle. Le reste, à mon avis, ne constitue qu'une étape.
Il faudra aller plus loin, réfléchir et peut-être, dans ces avancées et ces
réflexions, nous faire aider par l'ensemble des professions judiciaires, qui
devront, elles aussi, se réformer et s'adapter.
La quasi-totalité du groupe du RPR votera ce projet de loi. Il n'en reste pas
moins que nous n'en sommes qu'à une étape et que nous éprouvons encore quelques
craintes quant à la réussite de cette réforme.
(Applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Effectivement, ce texte crée de nombreux bouleversements ; il requérait donc,
madame le garde des sceaux, une longue maturation.
Il ne faut jamais se précipiter quand on examine un texte de procédure pénale.
La réforme du code pénal, elle, a nécessité près de trois ans ! En tout cas,
c'est vraiment le débat entre les deux assemblées qui permet d'enrichir les
textes. Il est certain qu'au lieu du squelette initial nous avons maintenant un
être de chair.
Les apports du Sénat ont été nombreux : je pense à l'appel en matière
criminelle, en matière de libération conditionnelle - même si le rapport Farge
nous avait indiqué la voie - ainsi qu'aux dispositions relatives à la détention
provisoire.
Je comprends parfaitement ceux qui craignent toujours que la répression des
crimes et des délits ne soit plus efficacement assurée dans la mesure où les
procédures seraient plus complexes et où les gardiens de la loi ne pourraient
plus poursuivre les criminels et les délinquants.
Mais je crois que c'est une fausse perspective.
Dans notre pays, nous vivons encore trop sur la culture de l'aveu, culture
qu'aujourd'hui aucun autre pays ne possède. Par conséquent, il faut sur ce
point parvenir à transformer les mentalités.
S'il faut certes poursuivre les criminels et les délinquants, il faut aussi
garantir les libertés fondamentales. La justice commet trop d'erreurs. Trop
nombreuses sont les personnes en détention provisoire. Chaque année, dans notre
beau pays, 42 000 personnes sont mises en détention provisoire ! C'est non pas
tant la mesure que sa durée qui est en cause. Il faut aussi prendre cela en
considération.
Pour parvenir à un équilibre, il faut que la justice soit juste, qu'elle ne
soit aveugle ni dans un sens ni dans l'autre. De ce point de vue, les réformes
qui sont engagées sont importantes.
Pour ma part, je n'attacherai pas non plus une attention considérable à
l'enregistrement. On va faire une expérience et on verra bien ce qu'elle
donnera !
Je crois qu'il faudra, un jour, trouver d'autres solutions. Je suis convaincu,
comme M. Badinter, que nous irons vers une procédure pénale qui se rapprochera
de celle d'autres pays. Une unité s'instaurera. Notre système, comme celui
d'autres pays, possède un certain nombre de bonnes dispositions. Il faudra un
jour faire la synthèse. C'est une exigence que nous imposera l'évolution de la
société et des libertés.
Madame le garde des sceaux, quand on sait que la durée moyenne de
l'instruction d'une affaire criminelle est supérieure à quatre ans, tant que
les personnes présumées innocentes resteront en prison, en attente de leur
jugement définitif, votre réforme, comme toutes les autres, ne pourra
fonctionner que si on y consacre de gros moyens. Certes, quelques-uns sont
prévus mais ils ne sont pas à la mesure de la mise en oeuvre d'une réforme si
importante.
Quoi qu'il en soit, le groupe de l'Union centriste se réjouira de voter ce
texte qui améliore considérablement, à la fois, la protection des libertés et,
j'en suis sûr, l'efficacité de la justice.
(Applaudissements sur les travées
de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Monsieur le président, je veux tout d'abord remercier
tous les groupes qui vont voter ce texte.
Je comprendrai également dans mes remerciements toutes celles et tous ceux qui
ont participé à son élaboration ; je pense, en particulier, aux services de la
Chancellerie, qui sont mis à rude épreuve depuis trois ans que nous avons
engagé ces réformes et qui ont dû supporter une charge de travail comme ils
n'en avaient jamais connue dans le passé.
A l'intention de M. Badinter et de M. Hyest, j'ajouterai que nous avons
commencé à rapprocher les procédures en vigueur sur le plan européen.
M. Jean-Jacques Hyest.
Tout à fait !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Dans ce texte qui accentue le contradictoire, nous
prenons ce qui est bon dans la procédure anglo-saxonne en laissant ce qui nous
paraît mauvais et critiquable.
Moi aussi, je suis convaincue qu'à terme, en Europe, s'opérera une synthèse
des différentes procédures. Mais, contrairement à ce qui a pu être dit et qui
était encore l'opinion dominante avant la discussion de ce texte, je ne pense
pas que ce soit en nous alignant sur la procédure anglo-saxonne que nous
construirons le modèle européen. Nous avons aussi à défendre notre modèle
français de procédure pénale. C'est en effet dans un rapprochement des deux que
nous trouverons le meilleur système.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Conformément à l'article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix
l'ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la
commission mixte paritaire, modifié par les amendements du Gouvernement.
(Le projet de loi est adopté.)
M. le président.
Nous allons maintenant suspendre nos travaux pendant quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures trente, est reprise à dix-huit heures
trente-cinq, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
M. le président. La séance est reprise.
8
SOUHAITS DE BIENVENUE AU MINISTRE
ALLEMAND DES AFFAIRES EUROPÉENNES
M. le président.
Mes chers collègues, je voudrais saluer aujourd'hui la présence, dans notre
tribune officielle, de M. Christoph Zoepel, ministre allemand des affaires
européennes, à qui je présente, à titre personnel et en votre nom à tous, nos
souhaits de très cordiale bienvenue parmi nous.
Invité par son homologue, M. Pierre Moscovici, à des consultations, M.
Christoph Zoepel a tenu à assister à la séance consacrée à la déclaration du
Gouvernement, suivie d'un débat, sur les orientations de la présidence
française de l'Union européenne.
Il m'apparaît particulièrement symbolique que notre discussion sur les
perspectives à court et moyen terme de l'Union européenne se déroule en
présence d'un ministre allemand. J'y vois la preuve que le partenariat
franco-allemand devrait continuer, à l'avenir, d'être le moteur de la
construction européenne.
(MM. les ministres, Mmes et MM. les sénateurs, se
lèvent et applaudissent.)
9
RAPPEL AU RÈGLEMENT
M. Claude Estier.
Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président.
La parole est à M. Estier.
M. Claude Estier.
Je voudrais, sinon élever une protestation, qui serait malvenue, exprimer
néanmoins un profond regret quant aux conditions dans lesquelles va s'engager
ce débat d'une très grande importance, et que le Sénat a justement souhaité,
sur les orientations de la présidence française de l'Union européenne.
Le calendrier de nos travaux, qui a été mal calculé, fait que ce débat va
s'engager à dix-huit heures quarante et se prolonger jusque tard dans la nuit,
compte tenu du nombre d'orateurs inscrits.
Je n'ignore en rien l'importance du texte sur la présomption d'innocence qui
vient d'être adopté par notre assemblée, ce dont je me réjouis. Il reste qu'il
avait été prévu de n'y consacrer qu'une demi-heure...
M. Hubert Haenel.
C'était peu réaliste !
M. Claude Estier.
... et qu'il nous a occupés durant deux heures et demie.
A juste titre, monsieur le président, vous aviez dit que ce débat sur la
présidence française qui était initialement prévu pour demain devait être
avancé, de manière qu'il ne se déroule pas devant des banquettes vides, à la
veille de l'Ascension, jour férié. Je crains, malheureusement, que les
banquettes ne soient pas très garnies ce soir, en séance de nuit, et cela me
paraît regrettable. Je crois qu'un débat au Sénat sur la présidence française
de l'Union européenne méritait mieux que cet horaire.
(Très bien ! et
applaudissements sur l'ensemble des travées.)
M. le président.
Etant entendu que l'ordre du jour est fixé par le Gouvernement, je partage,
bien sûr, les observations que vous venez de présenter, monsieur Estier, en
tant que président du groupe socialiste du Sénat.
Il était en effet initialement prévu que ce débat aurait lieu demain, mais,
pour les raisons que vous venez d'indiquer, la conférence des présidents a
souhaité qu'il ait lieu aujourd'hui, avec l'espoir qu'il pourrait débuter plut
tôt. Cela n'a pas été possible en raison du débat précédent. Pour ma part, je
le regrette, mais je rappelle que c'est à l'unanimité que la conférence des
présidents a inscrit le débat sur la présidence française de l'Union européenne
à l'ordre du jour de la séance d'aujourd'hui.
Nous aurions souhaité, messieurs les ministres, que M. le Premier ministre
puisse assister à ce débat. Ce voeu avait été exprimé par la conférence des
présidents, en particulier par M. le président de la commission des affaires
étrangères. Je crois cependant savoir que M. le Premier ministre a des
obligations qui ne lui permettent pas d'être parmi nous aujourd'hui. Bien
entendu, nous le regrettons.
10
ORIENTATIONS
DE LA PRÉSIDENCE FRANÇAISE
DE L'UNION EUROPÉENNE
Débat sur une déclaration du Gouvernement
M. le président.
L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat,
sur les orientations de la présidence française de l'Union européenne.
La parole est à M. le ministre.
M. Hubert Védrine,
ministre des affaires étrangères.
Monsieur le président, mesdames,
messieurs les sénateurs, alors que la France présidera dans quelques semaines
l'Union européenne, le Gouvernement a tenu à présenter au Parlement les enjeux,
les lignes de force et les priorités de cette présidence française. Je le fais
aujourd'hui au Sénat, au nom du Gouvernement. Ces priorités ont été élaborées
collectivement par celui-ci, puis examinées et arrêtées avec le Président de la
République.
Nous venons de célébrer les cinquante ans de la « déclaration Schuman ». Le
traité de Paris sur la Communauté européenne du charbon et de l'acier, puis le
traité de Rome, puis l'Acte unique, les traités de Maastricht et d'Amsterdam
ont été, depuis cette déclaration, autant d'étapes dans la réalisation de
l'idéal visionnaire d'une poignée d'hommes qui ont voulu, sur les leçons et
dans les ruines du fascisme et de la guerre, sceller la réconciliation entre
l'Allemagne et la France, établir la paix entre les nations d'Europe et bâtir,
dans la prospérité, une communauté de destin.
Aujourd'hui, l'Europe est libre, l'Europe est en paix, l'Europe est unie.
C'est un modèle d'intégration sans équivalent qu'elle offre au monde et dont
bien des peuples, bien des pays essaient de s'inspirer et, au premier chef, les
treize pays candidats qui aspirent à nous rejoindre au sein de l'Union.
Notre pays a été, de bout en bout, un des artisans majeurs de cette grande
aventure collective. A l'heure des choix, au moment des difficultés, la France
a toujours su faire avancer la construction européenne de façon pragmatique
mais résolue, et c'est bien cet état d'esprit qui nous anime aujourd'hui.
Ce gouvernement y a également fortement contribué. En rapprochant l'Europe de
ses citoyens, en faisant de l'Europe un espace de croissance économique mais
aussi de cohésion sociale, en oeuvrant pour que l'Union européenne reprenne le
contrôle du processus d'élargissement et qu'il soit procédé préalablement à une
réforme institutionnelle, ce qui est indispensable, il a pris, au cours des
trois dernières années, une large part aux nouvelles orientations qui ont été
décidées.
Cette présidence arrive à un « moment décisif », expression convenue mais
parfaitement exacte aujourd'hui.
La fin de la division de l'Europe, il y a presque dix ans, a rendu possible
mais aussi impératif le grand élargissement. A partir de là, des interrogations
légitimes se sont fait jour quant au fonctionnement d'un ensemble qui comptera
progressivement, vingt, vingt-cinq, peut-être trente membres, voire plus,
interrogations quant à son avenir en tant qu'organisation politique, quant à sa
capacité à peser sur les affaires du monde et, en fait, à sa capacité à
fonctionner, à décider. Ce sont des interrogations justifiées.
Répondre à ce défi exige que, outre les nécessaires réformes
institutionnelles, avec nos partenaires, nous redonnions du sens à la
construction européenne, un sens qui paraît parfois se perdre et que le
Gouvernement a souhaité réaffirmer notamment devant vous.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le savez, l'Union européenne est une
union de nations, une union librement et pleinement consentie par les peuples.
Loin d'être la négation de la nation, l'Europe doit en être, selon nous, le
prolongement et l'approfondissement. Le débat européen n'est pas une donnée
externe au débat national, comme l'histoire politique récente en France nous
l'a amplement montré. La France existe pleinement, mais ne peut plus être
séparée de l'Europe. C'est vrai, d'ailleurs, maintenant, pour tous les Etats
membres.
L'Europe, ce sont des cultures proches qui s'enrichissent mutuellement et où
la démocratie et les libertés s'épanouissent.
Ce gouvernement met tout en oeuvre pour que l'Europe soit un espace de
croissance, pour que l'Europe soit mise au service du plein emploi et de la
cohésion sociale. L'Europe doit, dans cette perspective, reconquérir une
prééminence technologique, favoriser la créativité, défendre ses intérêts
collectifs dans la compétition mondiale - on sait à quel point elle est rude -
et contribuer à une globalisation maîtrisée. L'Europe est, pour nous, un
ensemble où les luttes sociales ont fait avancer la conquête de l'égalité et de
la justice, et où la performance économique est indissociable du progrès
social.
Voilà ce qu'est, pour nous, l'Europe.
La France souhaite conduire une présidence ambitieuse tout en s'inscrivant
dans la continuité des travaux de l'Union européenne. A cet égard, je salue
l'excellent travail accompli par la présidence portugaise, dont la tâche n'est
pas encore terminée.
Dans cette perspective, le Gouvernement travaillera comme un organe politique
collégial : je serai amené à présider le conseil des ministres dit « affaires
générales », et alors Pierre Moscovici y représentera la France. Mais parfois,
souvent même, ce sera Pierre Moscovici qui le présidera. Cela étant, en plus de
la tâche qui nous est impartie et compte tenu de nos fonctions, chacun de nos
collègues ministres sera pleinement mobilisé pour assumer la responsabilité qui
nous est confiée.
Trois axes guideront la présidence française, et je regrouperai selon ces
trois axes l'ensemble des tâches qui nous attendent et des actions que nous
voulons mener.
Nous voulons, d'abord, une Europe au service de la croissance et du plein
emploi ; ensuite, une Europe plus proche des citoyens ; enfin, une Europe plus
efficace et plus forte, sans quoi tout le reste serait vain.
Premier axe, donc : une Europe au service de la croissance et du plein
emploi.
Comme nous nous y étions engagés devant les Français, nous avons mis ces
questions au coeur de l'action européenne : à Amsterdam, avec la résolution sur
le pacte de solidarité et de croissance ; à Luxembourg, avec la première
réunion du Conseil européen consacrée à l'emploi ; à Cardiff, en mettant
l'accent sur la réforme économique ; à Cologne, enfin, avec l'idée d'un Pacte
européen pour l'emploi.
C'est dans le même eprit que nous soutenons l'action de la présidence
portugaise. La conjugaison de nos efforts nous a permis de définir, lors du
récent Conseil européen de Lisbonne, un objectif stratégique qui répond à celui
que nous avons fixé pour notre propre pays : la reconquête du plein emploi à
l'horizon de la décennie. Pour y parvenir, une croissance annuelle moyenne de 3
% a été acceptée comme référence commune par les Quinze.
Nous allons maintenant travailler à la mise en oeuvre des propositions
concrètes adoptées à Lisbonne.
Notre première priorité sera l'adoption d'un « agenda social ». S'il faut,
certes, satisfaire aux exigences de la compétition économique mondiale, nous
n'entendons pas renoncer au modèle de société que nous avons construit depuis
un demi-siècle. Aucun européen ne le souhaite.
Une Europe plus forte, plus compétitive, c'est aussi une Europe au service de
la justice sociale. Je souhaite donc que le contenu de cet agenda soit
ambitieux, avec une protection sociale élevée, un droit adapté aux évolutions
de l'organisation du travail, une politique de l'emploi qui tienne compte des
mutations de l'appareil industriel, ainsi que la lutte contre l'exclusion et
contre toutes les formes de discrimination. A cette fin, nous définirons un
programme de travail à l'horizon de cinq ans avec la Commission européenne et
tous les acteurs concernés - gouvernements, Parlement européen, partenaires
sociaux, milieux associatifs.
Notre deuxième priorité est le renforcement du pôle économique que nous avons
contribué à instaurer, à côté du pôle monétaire représenté par la Banque
centrale européenne.
L'euro a contribué fortement à notre stratégie collective de croissance et
d'emploi. L'euro a, jusqu'à présent, d'autant mieux joué ce rôle qu'il repose
sur des fondements qui sont et qui restent solides : la croissance économique
de la zone euro s'accélère ; les pressions inflationnistes sont contenues ; les
transactions courantes sont en excédent et le pouvoir d'achat des citoyens
européens est garanti.
L'euro a mis l'Europe à l'abri des désordres monétaires en jouant le rôle de «
bouclier » qu'on attendait de lui. C'est pourquoi sa situation actuelle n'est
pas représentative de ces atouts majeurs et du fort potentiel de croissance de
la zone. Nous devons donc renforcer le rôle de l'euro 11 et veiller à la
coordination de nos politiques éonomiques au-delà de ce qui se fait déjà, afin
d'assurer une meilleure visibilité de la politique économique de la zone euro
et de l'autorité, naturellement politique, qui doit la piloter.
Le Premier ministre, le ministre de l'économie et des finances et moi-même
l'avons dit à plusieurs reprises il y a quelques jours, nous prendrons des
initiatives concrètes sous notre présidence.
Nous nous efforcerons également, malgré des réticences que nous connaissons
bien, malheureusement, de faire avancer l'harmonisation fiscale, nécessaire au
bon fonctionnement du marché unique et à la lutte contre la concurrence
déloyale. L'Europe doit aussi mettre en oeuvre pour elle-même, et proposer plus
largement pour le monde, de nouvelles régulations économiques, et, pour cela,
hâter l'organisation de la scène financière internationale, à travers,
notamment, l'adoption de la directive sur le blanchiment des capitaux, en
soutien de l'action menée par le G7.
Nous poursuivrons la lutte contre la criminalité organisée en favorisant le
rapprochement des dispositions juridiques relatives au dépistage et à la
confiscation d'avoirs d'origine criminelle ou provenant de centres
off-shore
. D'ailleurs, depuis les décisions rigoureuses prises au sein
du G7 sur ce sujet, on voit enfin apparaître, sur ce sujet, de véritables
informations et s'exprimer une vraie volonté politique que l'Europe devra
relayer avec toute son énergie.
Notre troisième priorité est de placer l'Europe à la pointe de la société de
l'information.
Pour nourrir sa croissance et retrouver le plein emploi durablement, l'Europe
doit s'affirmer comme le continent de l'innovation. Nous soutiendrons la
création d'entreprises innovantes grâce au capital-risque. Au profit de la
compétitivité de nos entreprises, nous encouragerons l'Internet de deuxième
génération ainsi que les contenus et les services européens. Nous nous
efforcerons de faire progresser l'adaptation du cadre réglementaire européen
aux exigences de la société de l'information.
Dans le même temps, il est important de préserver la cohésion sociale face à
la menace de ce que certains appellent la « fracture numérique » : tous ces
bouleversements technologiques comportent des potentialités considérables, mais
aussi le risque de voir les sociétés éclater entre ceux « qui suivent » et ceux
« qui ne suivent pas ».
Nous progresserons vers l'objectif, fixé à Lisbonne, d'un raccordement de
toutes les écoles à l'Internet d'ici à la fin de 2001.
Notre quatrième priorité sera la construction d'un véritable espace européen
de la connaissance.
C'est, en effet, par l'éducation que les jeunes Européens acquerront les
références culturelles communes indispensables à l'émergence d'une citoyenneté
et d'une Europe politiques. L'Europe, dans sa diversité, est forte de son
système éducatif comme de sa recherche fondamentale et appliquée.
Elle dispose ainsi d'atouts décisifs dans la compétition économique et dans la
compétition internationale, en matière de formation. Mais nous devons encore
améliorer les échanges et la confrontation des idées, des pratiques et des
techniques. C'est pourquoi il reviendra à notre présidence de définir une
démarche permettant de lever les obstacles qui demeurent encore à la mobilité
des étudiants, à celle des enseignants et à celle des chercheurs en Europe. Il
est d'ailleurs stupéfiant que ces obstacles subsistent encore après tant
d'années. Nous avons donc l'intention de nous y attaquer. L'objectif pourrait
être de multiplier par dix, en cinq ans, le nombre d'étudiants en mobilité.
Les priorités que je viens d'évoquer se traduiront par des programmes de
travail dont la mise en oeuvre dépassera naturellement le second semestre 2000,
mais elles amplifieront la réorientation de l'Europe vers la croissance et
l'emploi.
J'en viens au deuxième axe de notre présidence : une Europe plus proche des
citoyens, c'est-à-dire une Europe qui réponde mieux à leurs préoccupations
concrètes ou d'une façon qu'ils perçoivent mieux.
Au premier rang de ces préoccupations figurent sans aucun doute aujourd'hui la
santé publique et la protection des consommateurs. Nous avons tous à l'esprit,
en particulier, le dossier de la « vache folle ». Le Gouvernement français
souhaite pouvoir jeter les fondations d'une « autorité alimentaire européenne
indépendante », telle que la Commission européenne l'a préconisée dans son
Livre blanc sur la sécurité des aliments.
La France cherchera aussi à faire progresser la réflexion sur le principe de
précaution, qui est étroitement lié à cette question en s'appuyant, en
particulier, sur les travaux que nous avons menés à l'échelon national. Elle
s'attachera à ce que des mesures concrètes soient adoptées pour renforcer
l'étiquetage des organismes génétiquement modifiés et la traçabilité des
filières.
Une autre préoccupation majeure des citoyens est l'accès de tous à des
services publics de qualité, respectant pleinement les impératifs de
continuité, de fiabilité et d'égalité. La présidence française sera donc
l'occasion de mener un travail de réflexion sur l'importance des services
d'intérêt général en Europe.
Dans le domaine de l'environnement, la présidence française s'efforcera de
faire progresser la lutte contre l'effet de serre lors de la conférence de La
Haye de novembre 2000 et de faire franchir à l'Europe une étape déterminante
dans la mise en oeuvre du protocole de Kyoto visant à lutter contre l'effet de
serre. La conférence préparatoire, qui se tiendra à Lyon, en juillet prochain,
constituera, à cet égard, une échéance importante.
Comme vous le savez, la France a été le premier pays européen à avoir adopté
un programme national de lutte contre l'effet de serre. D'ailleurs, l'effort
qui lui a été demandé a été le moins important. En effet, en raison de la part
de l'électronucléaire dans notre production d'énergie, nous contribuons moins
que les autres pays à cet effet de serre. Notre pays est, au reste, à peu près
le seul de tous ceux qui se sont engagés à Kyoto à avoir atteint ses objectifs
et donc respecté ses engagements.
Pour ce qui concerne la sécurité dans les transports, je souhaite - le Premier
ministre l'avait annoncé après le naufrage de l'
Erika
- que notre
présidence permette l'adoption d'un ensemble cohérent et concret de mesures
visant à l'amélioration de la sécurité du transport maritime. Nous viserons
aussi des progrès effectifs dans l'harmonisation des temps de travail dans le
transport routier.
La maîtrise de la politique d'immigration et du droit d'asile intéresse
également légitimement nos concitoyens. Elle justifie qu'une action concertée
soit entreprise à l'échelle européenne. Des orientations importantes ont été
décidées en octobre 1999, lors du Conseil européen spécial qui s'est tenu à
Tampere, en Finlande. La présidence française en engagera la mise en oeuvre
pour ce qui concerne, en particulier, la délivrance des titres de séjour de
longue durée, l'harmonisation des conditions d'accueil et le renforcement de la
lutte contre l'immigration irrégulière.
Quant à la réalisation d'un espace judiciaire européen, la multiplication des
cas difficiles concernant, par exemple, les enfants de couples binationaux
divorcés, appelle l'adoption, sous notre présidence, de mesures visant,
notamment, à la reconnaissance mutuelle des jugements et des décisions
judiciaires. Cette reconnaissance mutuelle sera également importante pour nos
entreprises. Plus largement, nous devrons aussi progresser vers la création
d'un réseau judiciaire européen. L'affaire Rezala a montré l'importance qui
s'attache à marquer des avancées en matière pénale.
M. Robert Badinter.
Très bien !
M. Hubert Védrine,
ministre des affaires étrangères.
Dans le domaine du sport, nous
souhaitons que le second semestre 2000 soit l'occasion de renforcer
l'efficacité de l'action européenne contre le dopage.
Par ailleurs, une déclaration pourrait être adoptée au Conseil européen de
Nice pour affirmer, dans le droit communautaire, la spécificité et le rôle
social de ce secteur.
Enfin, nous devons préparer les Français - et les Européens membres de l'euro
11 - à la mise en circulation de l'euro. Certes, le passage pratique à l'euro
relève d'abord de la responsabilité des Etats et des gouvernements - nous y
veillerons pour ce qui nous concerne - mais nous devrons, sans attendre,
accorder, à l'échelon communautaire, une attention particulière à la
préparation de cette échéance qui sera, pour le grand public européen, le vrai
moment de l'adoption de l'euro.
Nous devrons mettre en place un échange plus étroit d'informations et une
meilleure coordination entre les Etats membres, afin de préparer, concrètement,
l'introduction, en janvier 2002, des billets et des pièces en euro.
Répondre aux préoccupations des Européens, mesdames, messieurs les sénateurs,
c'est aussi veiller à ce que leur sécurité collective, à l'échelle du continent
européen, soit assurée.
Notre présidence sera, à cet égard, l'occasion de confirmer la perspective
historique que nous avons ouverte depuis près de deux ans avec l'ébauche d'une
Europe de la défense.
Pendant cette période, des progrès vraiment décisifs ont été accomplis. La
France a joué un rôle essentiel, comme la Grande-Bretagne, de son côté. Ces
progrès ont permis de rendre crédible un projet que nul n'osait évoquer encore
récemment dans les enceintes européennes. Notre présidence s'attachera à
préparer le passage aux structures définitives de cette Europe de la défense,
sujet que le Président de la République a évoqué ce matin.
Grâce au rapprochement de ses forces armées, il faut que l'Europe, fidèle à
son attachement à la paix et au respect du droit international, puisse assurer
sa sécurité et participer également à la prévention des conflits à travers le
monde. Le déploiement réussi de l'Eurocorps au Kosovo en est une étape. Il nous
faudra être capables d'aller plus loin. C'est à cela que nous travaillons en
permanence, en étroite coordination avec nos partenaires et en ayant comme
objectif de franchir de nouvelles étapes au cours de ce second semestre 2000
pendant lequel nous exercerons la présidence.
Mesdames, messieurs les sénateurs, les priorités importantes que j'ai
évoquées, le progrès du modèle social européen, l'assurance d'une Europe qui
soit au service de tous ses citoyens et ressentie comme telle, tout cela n'a se
sens que si l'Union européenne fonctionne, fonctionne mieux même, mais de toute
façon fonctionne, ce qui m'amène à mon dernier thème.
Nous voulons, en effet, une Europe plus efficace et plus forte, et nous y
consacrerons toute notre énergie pendant notre présidence.
Déjà, aujourd'hui, on constate que les institutions européennes ont plus de
mal à opérer, pour un certain nombre de raisons dont la première tient au
nombre : institutions conçues à six, elles se sont adaptées plus ou moins bien
à chaque élargissement - il y en a déjà eu plusieurs - mais, on le voit bien
aujourd'hui, elles ont des difficultés. Elles se sont adaptées également,
difficilement, à certaines modifications des traités et des mécanismes qui,
tout en perfectionnant, parfois alourdissent les choses.
Cette prise de conscience intervient alors même que nous sommes avant ce que
j'appelais tout à l'heure le grand élargissement et chacun en Europe perçoit
bien que cela n'a pas de rapport, que c'est d'une autre nature que les
élargissements qui nous avaient fait passer de six à neuf, de neuf à dix, de
dix à douze, voire de douze à quinze, même si c'est à partir de ce moment-là
que sont apparus certains dysfonctionnements.
Donc, cette grande perspective de l'élargissement environne toutes les
décisions et toutes les réflexions européennes depuis la chute du mur,
c'est-à-dire depuis une dizaine d'années environ. C'est par rapport à elle que
nous avons finalement, après beaucoup de discussions entre membres de l'Union
européenne, apporté une réponse à Helsinki, lors du Conseil européen de
décembre, réponse qui, je crois, est rationnelle et logique, et qui répond
autant qu'il est possible à l'insistance française pour mieux maîtriser
l'élargissement, pour le réussir et faire en sorte qu'il se fasse non pas en
affaiblissant l'Europe, à la construction de laquelle nous avons consacré des
décennies, mais en la renforçant.
Cette question de l'élargissement sera l'une de nos responsabilités
essentielles pendant notre présidence et, à cet égard, nous aurons à coeur
d'inciter la Commission à entrer dans l'essentiel de la négociation. Jusqu'à
présent ce qui a été fait dans ce domaine est une sorte de travail
préparatoire, qui a consisté à regarder les chapitres dans lesquels se
posaitent des problèmes et ceux dans lesquels il ne s'en posait pas. Il faut
maintenant, dans ceux où des problèmes se posent, que la vraie négociation
s'engage, y compris sur les aspects les plus difficiles. Les pays candidats le
demandent.
C'est important par rapport à leur opinion publique, mais cela est aussi
conforme à nos intérêts. Puisque nous voulons réussir l'élargissement, nous
avons intérêt à savoir le plus vite possible où se posent des problèmes,
comment nous pourrons les surmonter et selon quel calendrier. Celui-ci n'est
pas fixé à l'avance puisque, à Helsinki, nous avons sagement écarté l'idée de
fixer arbitrairement des dates pour l'entrée de tel ou tel pays. Nous avons
simplement fixé une date afin d'être prêts nous-mêmes pour accueillir ceux qui
seraient prêts à entrer, mais il faut une perspective pour avoir une idée du
temps qui est encore nécessaire au cas pas cas, pays par pays, sujet par sujet,
pour boucler complètement cette négociation.
Tout cela nous amène à la même conclusion : il faut que cette Europe
fonctionne mieux et puisse encore fonctionner demain après les différents
élargissements qui nous conduiront à ce grand élargissement. Cela suppose des
mécanismes de décision clairs, compréhensibles et, surtout, efficaces. C'est
une condition préalable avant d'aborder tous les autres sujets que j'ai évoqués
depuis le début de mon propos. En effet, si cette Europe excessivement élargie
n'était plus en mesure de prendre les décisions nécessaires, à quoi
servirait-il d'avoir des programmes de plus en plus ambitieux dans tous les
domaines ?
Vous le comprenez bien, je vais en venir, à propos de ce cap politique de la
présidence française, à la question de la conférence intergouvernementale.
Auparavant, je dirai un mot de la charte européenne des droits fondamentaux. A
l'origine, il s'agissait d'une proposition allemande, acceptée par les autres
partenaires et sur laquelle nous travaillons pour donner une forme
compréhensible par tous à cette communauté de valeurs qu'est de plus en plus
l'Europe d'aujourd'hui.
Les travaux d'élaboration de cette charte sont en cours. Le Parlement
européen, les parlements nationaux, les gouvernements et des experts y
participent activement. A la fin de notre présidence, entre le Conseil européen
de Biarritz qui se tiendra en octobre et le Conseil européen de Nice qui aura
lieu en décembre, nous verrons quel statut exact nous pouvons donner à cette
charte.
Nous nous orienterons vraisemblablement vers un statut politique, sans qu'il
soit pour autant exclu de donner à cette charte une force juridique dans les
traités, mais c'est un débat dont on voit aujourd'hui qu'il ne peut pas être
conclu de façon consensuelle entre les différents pays européens qui n'ont pas
la même approche sur le sujet. Cela ne doit pas nous empêcher de négocier pour
le moment le texte politique le plus fort possible, visant à rendre les
institutions européennes plus sensibles aux préoccupations des Européens dans
les domaines de la liberté, de la justice, de la croissance, de l'emploi, de la
santé, de la sécurité, de l'égalité des chances et de l'environnement. Et par
étape - cette étape politique peut un jour permettre d'aller plus loin, jusque
dans les traités - cette charte trouvera sa place dans la conscience politique
des Européens.
Mais le second semestre 2000 - et ce seront mes dernières remarques -
constituera un moment décisif pour la réforme des institutions de l'Union
européenne.
Vous vous rappelez que, après l'échec d'Amsterdam, il ne s'était trouvé en
Europe que trois pays - la France, la Belgique et l'Italie - pour réclamer une
réforme des institutions avant tout prochain élargissement. Après, la prise de
conscience de ce que représente l'élargissement a amené les pays, les uns après
les autres, à se rallier à cette idée. Ensuite, nous avons décidé ensemble
d'ouvrir une nouvelle conférence intergouvernementale pour cette réforme ;
c'est celle-là qui a été lancée par nos amis portugais au mois de février et
qui a commencé ses travaux, lesquels portent d'ailleurs jusqu'à présent surtout
sur les questions de la majorité qualifiée.
Nous allons donc prendre cette présidence de la CIG en même temps que nous
prendrons la présidence de l'Union européenne début juillet. Vous avez tous à
l'esprit que cette conférence intergouvernementale a comme programme
prioritaire de régler trois questions qui ne l'ont pas été à Amsterdam. Il
s'agit de questions très importantes, dont on parle parfois en disant que ce
sont des « reliquats », mais ce terme conduit à sous-estimer l'importance du
sujet ; on l'a bien vu à la difficulté des premiers échanges qui ont lieu sous
présidence portugaise.
Je rappelle ces trois questions rapidement, car chacun les connaît : rendre à
la Commission une taille et une organisation susceptibles de lui permettre
d'assumer son rôle d'impulsion - se pose donc là un problème de nombre, un
problème de répartition et, éventuellement, un problème de hiérarchisation ;
généraliser, à quelques exceptions près, le champ du vote à la majorité
qualifiée dans les domaines communautaires pour éviter la paralysie - là aussi,
le travail méthodique a commencé pour voir dans quels domaines tel ou tel pays
est prêt à élargir ce vote à la majorité qualifiée, mais, pour le moment, les
disponibilités des uns ne correspondent pas aux disponibilités des autres et
nous ne sommes donc pas encore au bout de nos peines ; enfin - mais toutes ces
questions sont étroitement liées - rendre plus fidèle aux réalités
démographiques le poids relatif de chaque Etat membre dans les décisions prises
par le Conseil de l'Union. Aujourd'hui, si l'écart est de un à deux cents dans
les populations des pays membres de l'Union, l'écart est de un à cinq dans les
droits de vote.
Je n'oublie pas, bien évidemment, des réformes qui, bien qu'elles ne relèvent
pas des traités, n'en sont pas moins très importantes : elles concernent, pour
l'essentiel, l'organisation et les méthodes de travail de la Commission et du
Conseil, qu'il s'agisse du Conseil européen ou du Conseil « affaires générales
», ainsi que de tous les autres conseils qui en procèdent. Il nous faut, en
particulier, un Conseil européen mieux structuré, à même d'exercer une
meilleure coordination des activités de l'Union et assumant l'ensemble de ses
prérogatives par rapport à celles de la Commission européenne et du Parlement
européen, qui doivent eux-mêmes se réformer et s'améliorer.
Nous ferons donc tout ce qui dépendra de nous pour conclure par un vrai
résultat - car nous ne sommes pas prêts non plus d'accepter à Nice n'importe
quel résultat sous prétexte que nous exerçons la présidence de l'Union, nous
voulons un vrai résultat - la négociation engagée par nos amis portugais sur
ces réformes strictement indispensables au fonctionnement de l'Union.
Dans ces réformes indispensables, j'inclus naturellement, en plus des trois
sujets non traités à Amsterdam ou non réglés, les « coopérations renforcées ».
On sait que, par ces termes, on désigne un mécanisme qui permet à quelques
Etats d'aller plus loin, plus vite que d'autres, de traiter un sujet qui
n'intéresse pas l'ensemble des Etats membres.
On sait aussi que beaucoup de choses se sont produites de cette façon dans
l'histoire de l'Europe, même si ce n'était pas à proprement parler en
application des traités. C'est ainsi que l'Union économique et monétaire a été
lancée. C'est également ainsi que Schengen a été lancé. On pourrait même dire
que Airbus ou Ariane sont, sur le plan industriel, des sortes de coopérations
renforcées, à une époque où le concept n'existait pas et ne figurait donc pas
dans les textes. Aujourd'hui, ce mécanisme existe dans le traité d'Amsterdam,
mais il est subordonné à tellement de conditions quant au déclenchement, aux
sujets et aux participants, il est assorti de tant de droits de veto par ceux
qui seraient défavorables à cette procédure que, en réalité, il est
inutilisable.
Nous estimons que l'un des objectifs de la conférence intergouvernementale par
rapport à l'avenir - cela correspond aussi bien à des besoins pragmatiques qu'à
des visions plus ambitieuses à plus long terme sur l'Europe - c'est
l'assouplissement des coopérations renforcées.
Depuis cette prise de conscience qu'ont provoquée les décisions d'Helsinki sur
l'ouverture de la négociation avec six autres pays, à laquelle s'ajoute
l'enregistrement, mais sans ouverture de la négociation, de la candidature
turque, des réflexions de plus en plus nombreuses se développent en Europe sur
l'avenir à long terme de notre Union. Comment éviter la dilution ou la
paralysie d'une Union très élargie ? Comment poursuivre le projet européen
malgré tout ?
Surtout, à partir de cette réalité, des idées très variées sont avancées, qui
se regroupent en deux familles principales : des idées très pragmatiques et des
idées plus fédéralistes. Les réformes des différentes institutions qui sont
proposées, dont je ne reprends pas la liste, s'apparentent plutôt à une
approche ou à l'autre. L'approche à long terme, fédéraliste, s'est traduite par
des propositions de constitution d'une avant-garde de quelques pays, d'une
fédération d'Etats-nations, d'un noyau dur, caractérisé par un surcroît
d'intégration. Ces derniers temps, dans ce débat très utile, on a vu être mise
en avant l'idée d'une Constitution européenne qui serait l'occasion de
redéfinir et de clarifier les compétences et les modes d'action entre l'Union
et les Etats membres. Le ministre allemand des affaires étrangères, M. Joschka
Fischer, a appelé dans un discours récent à la constitution à terme d'une
fédération européenne composée d'Etats-nations, sous une forme à préciser.
Je voudrais dire que ces réflexions, comme le large dialogue démocratique
qu'elles expriment ou qu'elles suscitent en réponse, sont légitimes. Elles sont
utiles. Elles doivent être poursuivies très activement jusqu'à ce qu'elles
convergent et puissent déboucher. Nous devons y participer : nous le faisons,
nous le ferons. Nous ne devons pas pour autant nous dérober à nos
responsabilités immédiates qui sont d'abord et avant tout de faire réussir
cette conférence intergouvernementale, en tout cas de faire tout ce qui dépend
de nous pour cela. Compte tenu des rapports personnels que j'entretiens avec M.
Joschka Fischer et des discussions nombreuses que nous avons, même s'il a ses
idées et si, moi, j'ai les miennes, je sais que lui-même, nos amis allemands et
les autorités allemandes, comme nos autres partenaires européens, attendent de
nous dans cette période, que nous fassions tout ce que nous pouvons pour faire
réussir cette conférence intergouvernementale.
Il ne faut pas opposer ce travail, qui est notre responsabilité immédiate, et
le très légitime débat sur l'Europe à plus long terme. En effet, si nous ne
pouvions pas conclure une conférence intergouvernementale par un résultat
satisfaisant, à quoi servirait-il de débattre et, éventuellement, de nous
opposer les uns aux autres en Europe sur ce que pourrait devenir cette Europe
assez longtemps après ? Il faut commencer par ce qui est notre responsabilité
d'aujourd'hui, en ayant simplement à l'esprit, quand nous traiterons des trois
sujets d'Amsterdam et des coopérations renforcées, les potentiels possibles de
développement et ces différentes hypothèses, qui doivent répondre, pour nous
Français, à une constante : poursuivre le projet de construction d'une Europe
forte. C'est cela qui doit finalement résumer nos prises de position sur chacun
de ces sujets.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, refonder
l'architecture institutionnelle de l'Europe pour lui permettre de retrouver sa
cohérence, de renforcer son rayonnement, lui conférer une volonté politique,
contribuer à en faire un espace de croissance et de plein emploi, tels sont, en
résumé, les objectifs auxquels nous voulons, au cours de notre présidence,
travailler avec détermination, en étroite association avec vous.
L'Europe reste une grande promesse pour cette grande et vieille nation qu'est
la France. Avec elle, notre pays se donne des atouts pour se projeter vers le
monde, pour défendre ses intérêts, pour faire vivre les valeurs qui fondent son
identité et qui sont partagées.
La présidence à venir nous offre une grande chance : montrer que notre pays
est demeuré fidèle à sa vocation de bâtisseur, à son ambition de contribuer à
l'édification d'une Europe plus unie et plus forte. Nous avons su, voilà
cinquante ans, être des pionniers courageux et inventifs. Sachons aujourd'hui
réunir la famille européenne autour de quelques grandes priorités pour lui
donner les moyens d'être un des acteurs majeurs du xxie siècle, en préservant
cette combinaison - unique - de souverainetés partagées et d'identités
respectées qui fait l'originalité de l'aventure européenne et qui le restera.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur quelques travées du
RDSE et de l'Union centriste. - M. Lanier applaudit également.)
(M. Guy Allouche remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
vice-président
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers
collègues, à partir du 1er juillet, la France présidera l'Union européenne pour
six mois. Pendant cette période, notre pays aura à mener deux tâches
particulières : d'une part, faire avancer les négociations institutionnelles
engagées dans le cadre de la conférence intergouvernementale et, d'autre part,
comme pour toute présidence, animer l'Union en faisant avancer des chantiers
déjà engagés et en ouvrant de nouvelles perspectives.
S'agissant tout d'abord des négociations institutionnelles, elles s'inscrivent
dans un contexte européen profondément modifié : ce que nous sommes en train de
préparer aujourd'hui, c'est une Europe totalement nouvelle, qui appelle une
véritable refondation. L'élargissement programmé de l'Union, qui pourra compter
jusqu'à trente membres, lui assignera de nouveaux desseins, de nouvelles
ambitions, à la hauteur des espérances que la réunification de notre continent
a fait naître.
Cet élargissement imposera aussi à l'Union son lot de difficultés quant à son
fonctionnement, d'incertitudes quant à son identité, de risques d'incohérence
quant à ses objectifs, sans parler de son financement. La tentation existera
certainement, ici ou là, de promouvoir la zone de libre-échange de préférence à
la communauté organisée autour de valeurs et d'objectifs politiques,
économiques et sociaux qui fondent le combat européen depuis un demi-siècle.
La réforme institutionnelle en cours a pour objectif, précisément, de doter
l'Union de moyens de fonctionnement rénovés et efficaces propres à contrer
cette tentation et ce risque de dilution.
Les trois sujets prioritaires à l'ordre du jour - la nouvelle pondération des
voix au Conseil, l'extension du champ des décisions prises à la majorité
qualifiée, l'effectif de la Commission - après avoir été les « oubliés
d'Amsterdam », sont désormais les « incontournables de Nice ». Chacun est
indissociable des deux autres, et tous trois constituent le trépied sur lequel
devront reposer des institutions communautaires adaptées aux enjeux futurs.
Sans entrer dans le détail des propositions qui font encore l'objet de
négociations difficiles, je crois que le point qui devra justifier, de la part
de la France, l'insistance la plus forte sera la repondération des votes au
Conseil, d'où découleront tout à la fois le supplément d'efficacité
institutionnelle le plus substantiel et la garantie, pour le Conseil, de
préserver son rôle face à la Commission.
Je voudrais aborder un autre thème, également évoqué dans le cadre de la
conférence intergouvernementale, qui prend, depuis quelques semaines, une
importance capitale : celui des « coopérations renforcées ».
En instituant cette procédure destinée à permettre à un nombre réduit d'Etats
de progresser ensemble plus rapidement sur certains sujets, le traité
d'Amsterdam avait ouvert une fenêtre institutionnelle utile à la construction
européenne. Mais c'était pour la refermer presque aussitôt, en l'encadrant dans
des règles de mise en oeuvre particulièrement restrictives.
L'assouplissement de ces règles est une évidente nécessité, qui s'inscrit
d'ailleurs dans un débat plus large qui ne fait que s'amplifier et qui concerne
l'un des aspects essentiels de la future Union élargie, à savoir la
possibilité, pour certains Etats, d'engager, entre eux d'abord pour l'ouvrir à
d'autres ensuite, un approfondissement de leur coopération dans certains
domaines. Les grandes avancées européennes récentes se sont faites ainsi.
Dans ce contexte, les propositions de M. Joschka Fischer constituent une base
de réflextion particulièrement intéressante. Elles se fondent sur des
initiatives dont nous avons eu l'occasion de débattre au sein de la commission
des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et avec la
délégation du Sénat pour l'Union européenne, lorsque nous avons entendu M.
Jacques Delors, qui préconise « une avant-garde » d'Etats, résolus à progresser
dans des domaines essentiels de la construction européenne.
Cette idée, ainsi que celle du « noyau dur », avancée en son temps par des
parlementaires allemands, et que la proposition actuelle de « centre de gravité
» du ministre allemand des affaires étrangères tendent toutes vers une même fin
: trouver pour demain un antidote aux risques de paralysie communautaire,
approfondir la construction européenne dans les domaines où s'expriment les
besoins des peuples, dans le respect de la souveraineté des Etats ou dans le
cadre de concessions librement consenties.
Dans le processus en trois étapes développé par M. Fischer, les coopérations
renforcées sont donc le « premier étage de la fusée ». De ce fait, l'actuelle
négociation sur ce sujet prend une signification nouvelle : elle peut
s'inscrire dans une vaste démarche de refondation politique et
institutionnelle, dont on peut bien sûr débattre les modalités, mais qui a le
mérite de tracer un cap et de dégager l'horizon pour l'avenir de l'Union. Je
souhaite personnellement que notre présidence prochaine, légitimement fondée
sur le pragmatisme et le réalisme, puisse, d'une manière ou d'une autre,
s'intégrer à cette initiative, renouvelant ainsi une solidarité
franco-allemande pour l'Europe qui a, depuis quelque temps, donné des signes
d'essoufflement.
Monsieur le président, mes chers collègues, notre présidence ne se limitera
pas à la seule réforme institutionnelle débattue par la conférence
intergouvernementale. Elle devra aussi faire progresser l'Union sur des
chantiers plus traditionnels, voire en ouvrir de nouveaux. Vous avez décrit les
nombreux sujets sur lesquels la présidence française entend travailler et qui
correspondent à un voeu largement partagé de rapprocher l'Europe des
citoyens.
Je voudrais, pour ma part, évoquer brièvement la question de la politique
étrangère et de sécurité commune, et plus particulièrement les progrès
significatifs enregistrés en matière de défense européenne.
Sur ce point, les décisions prises ces derniers mois autorisent un certain
optimisme. L'attitude fondamentalement nouvelle de la Grande-Bretagne pour une
défense européenne plus autonome à l'égard de l'Alliance atlantique a permis de
lever un blocage ancien. Les récentes décisions britanniques relatives à des
choix d'équipements majeurs confirment cette orientation et démontrent qu'elle
ne relève pas du seul discours. Les engagements du Conseil de Cologne, les
décisions concrètes d'Helsinki et la mise en place des instances
politico-militaires intérimaires démontrent qu'une volonté politique cohérente,
fondée sur le diagnostic partagé d'une nécessaire capacité militaire
européenne, a donné un coup d'accélérateur à une ambition pour laquelle la
France avait longtemps bataillé seule.
Mais beaucoup reste à faire, et la présidence française devrait conduire des
négociations délicates : mettre en oeuvre les décisions prises en termes
opérationnels et entériner les contributions précises des Etats membres à cette
force européenne conjointe.
Enfin, la réalisation de l'objectif - une force de réaction rapide de 60 000
hommes projetables et déployables pendant un an pour effectuer les « missions
de Petersberg » - requiert bien d'autres développements : en premier lieu, les
Etats membres devront harmoniser leurs programmations militaires - nous n'en
sommes pas là - restructurer leurs forces en optant pour une
professionnalisation progressive. Ils devront par ailleurs harmoniser leurs
politiques d'acquisition d'équipements et s'assigner des objectifs budgétaires
en matière de défense qui soient à la hauteur des budgets et des besoins
européens identifiés. Si certains de nos partenaires, et non des moindres,
n'inversaient pas en ce domaine la tendance constatée depuis plusieurs années
et si nous-mêmes, Français, ne poursuivions pas notre effort militaire, comme
je le crains, c'est la crédibilité de l'ensemble qui serait compromise.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du
RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
Je crois enfin que, s'il convient d'éviter les duplications inutiles avec
les ressources de l'Alliance, il est cependant des duplications nécessaires,
comme les capacités de communication et de commandement, de transports ou
encore les moyens d'acquisition et surtout de gestion du renseignement, sans
lesquelles l'autonomie européenne restera un voeu pieu.
M. Aymeri de Montesquiou.
Très bien !
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères.
Progressivement,
cette capacité militaire européenne acquerra ainsi plus de substance que la
politique étrangère commune, dont elle n'est cependant censée être que l'outil
opérationnel en cas de crise grave.
Cette « timidé diplomatique » européenne n'est en rien imputable à celui qui a
la charge difficile de la personnifier, M. Javier Solana, sont haut
représentant. C'est que la PESC, la politique étrangère et de sécurité commune,
telle que les traités de Maastricht et d'Amsterdam en ont formulé les
procédures et les limites, ne peut guère déboucher sur autre chose que sur des
déclarations ou des actions minimales. La situation est d'autant plus choquante
que l'Union contribue financièrement, de façon souvent massive, aux opérations
de reconstruction civile d'Etats meurtris par les guerres. Commercialement
active, financièrement généreuse, l'Union apparaît encore, sur la scène
internationale, politiquement beaucoup trop discrète.
Dans ce domaine cependant, on le sait, la priorité reste aux diplomaties
nationales qui, loin de se voir déclasser, doivent, au contraire, redoubler
d'initiatives et d'imagination. Rien n'empêche d'ailleurs que, hors traité,
mais en toute transparence avec nos partenaires, un nombre réduit de pays, dont
le nôtre, coordonnent leurs analyses et leurs actions sur la scène
internationale. Ces « coopérations parallèles », qui constituent un moteur
diplomatique informel, pourraient être intégrées, sous une forme qui reste à
déterminer, dans un cadre institutionnel.
Les sujets que je viens d'évoquer, la conférence intergouvernementale, la
politique étrangère et la politique de défense de l'Union européenne ne
résument évidemment pas, loin de là, les thèmes qui seront abordés au cours du
second semestre.
Mais je crois que la capacité de l'Union à devenir un acteur politique
essentiel sur la scène internationale est un enjeu prioritaire, en particulier
parce que cet objectif est conforme à une ambition française et qu'il est
partagé désormais avec des partenaires importants, parmi lesquels l'Allemagne,
qui vient de réaffirmer son engagement européen et qui doit demeurer, sur ce
sujet comme sur d'autres, notre interlocuteur privilégié.
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
Messieurs les ministres, la tâche qui vous attend est ardue et vous ne
pourrez évidemment tout faire en six mois, ni répondre à toutes les attentes
qui s'exprimeront ici.
Préalable essentiel à l'élargissement ambitieux et audacieux décidé à
Helsinki, l'aménagement institutionnel conditionne l'avenir de l'Union. C'est
pourquoi je crois que le traité à venir ne devra être conclu que si les
conditions du succès se trouvent réunies et si les résultats acquis sont à la
hauteur de l'enjeu.
La responsabilité de notre présidence doit être bien davantage de prendre le
temps et les moyens de faire progresser la négociation en vue d'une vraie
réforme que de prendre le risque d'aboutir à tout prix, en décembre, à Nice, à
un accord qui se révélerait insuffisant.
Le rôle difficile de la France, au cours de cette présidence, sera donc de
réunir quinze pays sur des réformes concrètes pour l'Union européenne, réformes
nécessaires à son évolution et à son affermissement.
Cette négociation impose le réalisme et une certaine impartialité quant à la
configuration de notre Union future. Notre pays ne peut cependant rester
totalement neutre quant à l'avenir d'un ensemble qu'il a, dans le passé, si
largement contribué à construire et à faire progresser.
C'est pourquoi je souhaite que ce débat puisse être l'occasion de préciser,
par-delà les échéances immédiates et en écho à la proposition allemande,
l'ambition de la France pour l'Europe de demain. Nos compatriotes jugent,
certes, l'Europe sur ce qu'elle fait pour eux, mais aussi sur l'avenir qu'elle
promet et l'idéal qu'elle propose.
(Applaudissements sur les travées de
l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur
les travées du RDSE et sur certaines travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la délégation du Sénat pour l'Union
européenne.
M. Hubert Haenel,
président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne.
Monsieur le
président, messieurs les ministres, mes chers collègues, lorsqu'il s'apprête à
exercer la présidence du Conseil, un Etat doit mobiliser les énergies. Il est
donc soucieux de montrer qu'il va imprimer sa marque sur les activités de
l'Union.
Mais, en réalité, une présidence dure peu et constitue, avant tout, le maillon
d'une chaîne. La tâche principale d'une présidence, c'est de mener à bien, ou
du moins de faire avancer, les dossiers qu'elle reçoit. Bien entendu, elle peut
aussi, de concert avec la Commission, favoriser des initiatives nouvelles, mais
avec toutes les chances qu'elles se concluent sous une présidence
ultérieure.
Par conséquent, prendre la présidence, c'est d'abord accepter un héritage, et
c'est particulièrement vrai de la présidence française, qui va se trouver
saisie de plusieurs dossiers lourds : il y a la conférence
intergouvernementale, qu'il faut conclure ; il y a aussi la charte des droits
fondamentaux, qu'il faudra « arrêter » et « proclamer » ; sur le plan de la
justice et des affaires intérieures, il y a le programme arrêté par le Conseil
européen de Tampere, dont il faut poursuivre la mise en oeuvre ; sur le plan
économique et social, notamment en ce qui concerne l'emploi, il y a les
conclusions du Conseil européen de Lisbonne, qu'il faut faire entrer dans la
réalité ; enfin, pour ce qui est de la sécurité et de la défense, il faut
mettre en place les instruments intérimaires de la politique commune.
Voilà de vastes chantiers à poursuivre, qui, à eux seuls, suffiraient à
remplir l'agenda d'une présidence active.
Si la présidence française parvient à être une force d'entraînement dans ces
domaines, elle aura, si je puis dire, bien mérité de l'Union.
A côté des grands chantiers que j'ai mentionnés, le Gouvernement a retenu des
priorités correspondant à l'idée d'une Europe « plus proche des citoyens » : la
sécurité alimentaire, avec la mise en place d'une autorité européenne
indépendante ; l'environnement, avec la mise en oeuvre du protocole de Kyoto ;
la sécurité des transports maritimes ; enfin, le sport, avec le renforcement de
la lutte contre le dopage.
Il s'agit là de préoccupations qui, je pense, sont partagées ici sur
l'ensemble de nos travées, et que le Gouvernement a raison de mettre en avant,
même si je souhaiterais, pour ma part, que l'on manie peut-être avec une
certaine précaution le thème de « l'Europe plus proche des citoyens », qui ne
doit pas signifier que l'on multiplie les interventions communautaires dans des
domaines qui, en réalité, pourraient relever de l'échelon national, voire
local.
Cette précaution sémantique mise à part, j'approuve naturellement les
objectifs retenus par le Gouvernement, qui, quant à eux, portent sur des
domaines où l'échelon européen a bien une utilité spécifique.
Le chantier le plus difficile de la présidence française sera sans doute la
conférence intergouvernementale, qui constitue, rappelons-le, une condition de
l'élargissement. Au bout de plusieurs mois, il se confirme que la voie pour
arriver à une réforme suffisante est une voie étroite : bon nombre d'Etats
membres ont une vision restrictive des évolutions à consentir.
Dans un tel contexte, il me paraît indispensable d'avoir des priorités bien
affirmées. La délégation pour l'Union européenne a pris position sur ce point.
Elle estime que deux enjeux doivent être privilégiés.
Le premier concerne l'extension du vote à la majorité qualifiée dans le
domaine économique et social au sens large. En effet, il est particulièrement
nécessaire que, après l'élargissement, la Communauté conserve une capacité de
décision pour tout ce qui concerne le marché unique et les politiques communes
qui lui sont liées.
M. Philippe Marini.
Dans le domaine fiscal en particulier !
M. Hubert Haenel,
président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne.
Le second
enjeu, et cela doit être une condition de l'extension du vote à la majorité
qualifiée, a trait à la repondération des votes au sein du Conseil. En effet,
l'élargissement concerne principalement des « petits » Etats, terme qui n'a
rien de péjoratif. Si l'on gardait les règles actuelles, qui surreprésentent
fortement les « petits » Etats, on aboutirait à un déséquilibre flagrant.
A titre d'exemple, je dirai simplement qu'avec les règles actuelles, dans
l'Union élargie, les «petits » Etats représenteraient 29 % de la population,
mais auraient 58 % des droits de vote. Une telle situation compromettrait la
légitimité du Conseil !
Bien entendu, il ne s'agit pas d'avoir une logique purement démographique, car
on arriverait alors à une hégémonie des « grands » Etats. Mais il est
indispensable d'arriver à un équilibre raisonnable, défendable, du type de
celui qui existait dans l'Europe des douze. Cela nous paraît être une condition
du succès des négociations.
A cet égard, je dois dire que nous sommes très opposés à l'idée, soutenue par
certains pays, selon laquelle toute décision devrait être approuvée par une
majorité des Etats membres. C'est une demande qui, au premier abord, n'a rien
de choquant, mais on doit en mesurer les conséquences. Si l'on adoptait ce
principe, on arriverait, au terme de l'élargissement, à une situation où une
coalition de « petits » Etats représentant moins de 12 % de la population de
l'Union pourrait bloquer toute décision.
Mais, au-delà des questions non résolues à Amsterdam, il est clair que l'Union
élargie aura, par la force des choses, plus de difficultés qu'aujourd'hui à
progresser dans la voie de l'intégration.
Nous sommes donc favorables à un assouplissement du régime des coopérations
renforcées, particulièrement en ce qui concerne le troisième pilier.
Dans le cas du deuxième pilier, on voit bien que, sous une forme ou sous une
autre, l'Union développera sa politique extérieure et de défense grâce à des
formules souples, permettant à des Etats membres de rester à l'écart sans pour
autant bloquer les décisions ; mais on voit bien aussi qu'il est préférable,
pour conserver la plus grande souplesse, de ne pas définir ces formules dans le
traité.
Dans le cas du premier pilier, les coopérations renforcées paraissent
destinées à rester exceptionnelles, car la nécessité demeure de préserver
l'unité du marché intérieur et d'éviter les distorsions de concurrence.
Mais le principe des coopérations renforcées est surtout important en raison
de ses implications politiques à plus long terme. Le récent discours de M.
Joschka Fischer, qui a une certaine parenté avec les propositions faites par M.
Jacques Delors, a souligné la nécessité d'un « centre de gravité de l'Union »
capable de contrecarrer les risques de dilution que comporte l'élargissement.
Je ne sais pas si la métaphore qu'il a employée est correcte du point de vue de
la science physique ; en tout cas, elle me paraît l'être du point de vue de la
science politique : l'Union élargie aura besoin d'un pôle de regroupement qui
soit en même temps une force d'entraînement. Les coopérations renforcées
peuvent être une première étape dans ce sens.
Le discours de M. Fischer contient également une vue à plus long terme de
l'intégration européenne. Les réactions qu'il a suscitées me paraissent
cependant reposer souvent sur une lecture hâtive. Beaucoup semblent n'avoir
retenu, dans ce discours, que deux mots : le mot « fédération » et le mot «
Constitution ». En réalité, M. Fischer plaide pour une fédération d'Etats, non
pour un Etat fédéral, et il parle de « traité constitutionnel » et non de
Constitution.
M. Aymeri de Montesquiou.
C'est vrai !
M. Hubert Haenel,
président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne.
Quant à ses
propositions institutionnelles, elles sont à la fois intéressantes et
novatrices : elles rompent avec l'orthodoxie un peu pesante qui avait cours
jusque-là outre-Rhin. Qu'il s'agisse de repenser l'exécutif européen ou de
mettre en place un Parlement bicaméral, dans lequel les parlements nationaux
seraient représentés, il y a là une ouverture de grande portée vers des
préoccupations qui sont celles de beaucoup d'entre nous.
La délégation pour l'Union européenne a eu un premier débat à ce sujet la
semaine dernière, et j'ai pu observer que, quelle que soit leur sensibilité
politique, tous les membres de la délégation mesuraient la grande portée du
discours de M. Fischer.
Naturellement, il faut bien distinguer les plans : la conférence
intergouvernementale en cours n'est pas faite pour traiter des problèmes
soulevés par M. Fischer. Mais je crois que, le moment venu, la France devra
s'engager dans la voie qui a été ainsi ouverte et contribuer à une réflexion de
fond sur l'avenir des institutions. Car on sent bien que le système actuel
touche à ses limites et que, comme le dit M. Fischer, une refondation et une
reconfiguration politiques sont nécessaires pour aller plus loin.
En 1994, une première initiative était venue du Parlement allemand : MM.
Lamers et Schaüble avaient suggéré la formation d'un « noyau dur » de l'Union
autour du couple franco-allemand. On a reproché plus tard à la France, à juste
titre je crois, de ne pas avoir véritablement répondu à cette démarche.
En réalité, cette première initiative n'avait pas la même portée et restait
tributaire des schémas traditionnels de l'Allemagne sur le fonctionnement des
institutions. Aujourd'hui, nous sommes en face d'une réflexion ouverte et
novatrice, formulée à un haut niveau. Je crois que la France commettrait une
erreur, pour elle-même et pour l'Europe, si elle refusait durablement d'entrer
dans ce débat essentiel.
Avant de conclure, je voudrais évoquer un domaine qui me tient
particulièrement à coeur : l'Europe de la justice.
Voilà un domaine où nos concitoyens ont des attentes légitimes vis-à-vis de
l'Union : je pense au droit des personnes, avec les problèmes de divorce ou
d'autorité parentale, lorsque les conjoints sont de deux pays différents ; je
pense également au recouvrement des créances, lorsque le débiteur est d'un
autre pays ; je pense enfin à la lutte contre la criminalité internationale et,
bien entendu, aux procédures d'extradition et à la procédure pénale en
général.
Je n'ignore pas que ces questions sont sensibles, car elles touchent au
fonctionnement des systèmes judiciaires nationaux. C'est pourquoi je me
permettrai, messieurs les ministres, de faire une suggestion.
Je fais partie de la convention chargée d'élaborer un projet de charte
européenne des droits fondamentaux. Dans cette convention siègent des
représentants des exécutifs, de la Commission européenne, du Parlement européen
et des parlements nationaux. Je peux témoigner du sérieux des travaux qui y
sont menés et de l'assiduité de ses membres.
Ne pourrait-on s'inspirer de cette formule pour les questions relatives à la
justice, que j'ai évoquées ? Il ne s'agirait pas de se substituer aux instances
normales de décision, mais de préparer leur travail par une réflexion commune
associant toutes les institutions exécutives et législatives, qui porterait,
notamment, sur une définition commune de certaines incriminations et de
certaines règles de base de droit civil et de procédure pénale, en se limitant,
naturellement, aux problèmes dépassant les frontières des Etats.
Dans le même domaine, je souhaiterais aussi obtenir des précisions sur le
devenir d'Eurojust. Le Conseil européen de Tampere en a approuvé le principe,
mais, jusqu'à présent, on a l'impression que nous en restons au stade du
concept. Qu'en est-il exactement ?
J'ai commencé mon propos en soulignant les limites de toute présidence. Je le
terminerai en soulignant que ces limites ne contraignent pas à se concentrer
uniquement sur le court terme. Bien au contraire, je crois que la France, grand
pays fondateur, a une responsabilité particulière pour rendre à l'Europe une
vision d'avenir, un élan, une ambition politique.
Nous sentons bien qu'après l'élargissement la Communauté ne sera plus tout à
fait celle que nous avons connue et qu'il lui sera difficile d'aller plus loin.
L'Europe est en train de changer et, même, de changer de nature. Les deux mots
clés sont, en l'espèce, « refondation » - il s'agit de retrouver les
fondamentaux - et « reconfiguration ».
La France peut être, comme vous l'avez rappelé, messieurs les ministres,
modeste - tout au moins réaliste - dans son comportement vis-à-vis des quatorze
et dans son appréhension des problèmes. Mais elle se doit, c'est son rôle
historique, d'être visionnaire et ambitieuse dans les perspectives et les
objectifs.
La France doit garder son rôle d'éclaireur, afin de contribuer à donner ce
deuxième souffle, que nous souhaitons tous, à l'Europe, Europe qui est à la
fois notre présent commun, notre passé commun, mais surtout notre avenir
commun.
Oui, monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, il
faut plus d'Europe pour les temps présents et les temps qui viennent. Il faut
aussi mieux d'Europe. Il y a donc lieu d'envisager dès à présent l'Europe
autrement.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants, de l'Union centriste, du RDSE et sur les travées
socialistes.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 60 minutes ;
Groupe socialiste, 50 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 38 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 36 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 25 minutes ;
Groupe communiste, républicain et citoyen, 23 minutes.
Dans la suite du débat, la parole est à M. Arthuis.
M. Jean Arthuis.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, à
quelques semaines de la présidence française de l'Union européenne, ce mois de
mai nous incite à nous rappeler qu'il y a cinquante ans, exactement le 9 mai
1950, Robert Schuman lançait un appel solennel à réaliser l'Europe.
Cette déclaration du gouvernement français, véritable déflagration politique,
allait jeter les fondations de la construction européenne. Je suis
particulièrement fier, aujourd'hui, d'intervenir dans ce débat au nom du groupe
de l'Union centriste, dont les membres font vivre la famille de pensée
illustrée par Robert Schuman.
Je ne reviendrai pas sur l'extraordinaire histoire de la naissance de
l'Europe, sur le processus qui nous conduit aujourd'hui à discuter des
orientations et des enjeux de la présidence française. Je soulignerai
simplement que ce sont les manifestations répétées d'une réelle volonté
politique qui ont permis de constituer, puis de déployer la Communauté
européenne. Sans cette ardeur à progresser, sans cette ténacité et cette
détermination qui emportent les décisions, sans cette capacité à lier la
diversité des intérêts particuliers à l'unité des conceptions fondamentales,
nous n'aurions pas aujourd'hui ce débat.
Juste avant de prononcer sa célèbre déclaration, le 9 mai 1950, Robert Schuman
introduisait ainsi son propos : « Il n'est plus question de vaines paroles mais
d'un acte hardi, d'un acte constitutif ». Eh bien, de nouveau, il ne peut être
question de vaines paroles. La priorité doit être redonnée au courage et à
l'imagination. Nous sommes à un tournant de la construction européenne.
Si nous acceptons que se développe l'indifférence, voire la méfiance, des
citoyens envers ce qu'ils appréhendent comme un corps sans visage et sans
parole, si nous consentons à une simple communauté d'intérêts sans réelle
capacité commune de décision et sans valeurs partagées, si nous cédons, enfin,
à la résignation, nous aurons perdu l'âme de l'Europe, comme l'évoquaient
joliment ses pères fondateurs. Et nous n'aurons plus qu'à dresser un constat
d'échec.
Ce n'est évidemment pas acceptable, ni même envisageable. La France, au-delà
du mandat qui lui sera confié pour les six mois à venir, doit continuer d'être
la force motrice, dynamique, clarificatrice de l'Europe du xxie siècle. A elle
de poser les nouveaux termes de l'échange politique, à elle de réactiver et
d'unifier les volontés réformatrices. Le contexte s'y prête.
C'est d'outre-Rhin qu'est en effet venue récemment une proposition qui ouvre
une voie de réflexion prometteuse sur l'évolution des institutions européennes
: celle du ministre Joschka Fischer. C'est d'Italie qu'est venue, la semaine
passée, une autre contribution d'importance au débat, celle du président du
Conseil Giuliano Amato. Alors, pouvons-nous hésiter davantage ? Faisons vivre
et progresser le débat en France, sans attendre que l'opinion publique nous y
oblige, ou pire, nous en dispense par désintérêt. Le groupe de l'Union
centriste y est, pour sa part, très favorable et entend s'y employer.
Est-ce être alarmiste que de dire qu'il y a péril en la demeure ? Observons
les difficultés de l'euro, l'euro qui consacre, en quelque sorte, ces cinquante
années de construction européenne.
Voilà l'un des témoignages les plus éclatants de l'aventure européenne, la
concrétisation d'un renoncement choisi de la part des Etats et la manifestation
d'une volonté farouche de disposer d'une monnaie stable qui inspire confiance à
tous les Européens.
Que se passe-t-il ? L'euro a perdu près de 25 % depuis son introduction, le
1er janvier 1999, et connaît une parité qui fluctue autour de 0,90 dollar, même
si je constate avec grand intérêt depuis quelques jours sa remontée : il a
d'ailleurs dépassé, ce matin, les 0,93 dollar.
Les experts de la Banque centrale européenne nous mettent cependant en garde :
« Pour la réputation d'une jeune monnaie », soulignent-ils dans leur dernier
rapport mensuel, « une telle perte de valeur n'est pas bonne ».
Et que dire de la consolidation de la maison Europe ! La conclusion est
évidente : la monnaie unique pâtit d'une véritable jachère politique. Elle est
parfois victime de voix discordantes, ou d'expressions quelque peu maladroites,
qui s'expriment en son nom. Elle souffre non pas d'un trop plein d'Europe, mais
d'un manque d'Europe !
Depuis trois ans, le continent européen connaît heureusement un rythme de
croissance soutenu. Le phénomène se vérifie dans tous les pays de l'Union,
encourageant les créations d'emplois, favorisant un haut niveau de consommation
et d'investissement. Les exportations sont stimulées par la forte appréciation
du dollar américain et du yen par rapport à l'euro. La « nouvelle économie »
amplifie les performances, sans que l'on puisse tout à fait en mesurer l'effet
réel.
Nos pays perçoivent les premiers dividendes de la monnaie unique. C'est
justice, après les efforts consentis depuis la signature du traité de
Maastricht.
Pendant toute la durée de la phase préparatoire, alors que le dollar
jouissait, selon la formule convenue, d'une réelle « marge d'appréciation »,
nous devions faire face à la récession, à la dérive des déficits publics, à la
montée du chômage, aux fluctuations des parités.
A chaque fois - vous vous en souvenez, mes chers collègues - que le dollar
donnait des signes de faiblesse, le deutsche marck avait la faveur des
investisseurs internationaux, et les autorités monétaires françaises étaient
contraintes, pour stabiliser le franc, d'augmenter les taux d'intérêt. De quoi
mettre à rude épreuve les acteurs économiques. Cette situation était
destructrice. C'est à cette époque que nous connaissions les dévaluations
compétitives.
L'euro nous a apporté la stabilité monétaire sans laquelle le marché unique
était menacé d'implosion. Fondé sur l'acceptation par les Etats membres de
critères de bonne gestion publique, il constitue aujourd'hui le meilleur levier
de la croissance. Mais - oui, mais - il se déprécie.
Alors une question fondamentale se pose : sommes-nous prêts à payer le prix
politique de la stabilisation des changes ? Par ailleurs, sommes-nous sûrs que
chaque Etat membre fait preuve d'une rigueur budgétaire suffisante ?
N'existe-il pas, çà et là, des manquements par rapport aux principes de base,
des retards regrettables dans le retour à l'équilibre budgétaire et dans
l'engagement des réformes structurelles, qui conditionnent notre avenir ?
Soyons clairs : l'autorité politique est déficiente ; il manque un
porte-parole unique de l'euro, un interlocuteur doté d'autorité.
La Banque centrale européenne, en charge de la stabilité des prix, doit
impérativement être épaulée par une expression politique dépourvue de toute
ambiguïté, prenant elle-même appui sur la légitimité démocratique.
Lorsque la France a accepté, fin 1995, la proposition du ministre allemand
Theo Waigel d'un pacte de stabilité et de croissance, j'ai demandé
l'institution d'un Conseil de l'euro, instance de coordination politique
réunissant les ministres des finances de la zone euro. Nous devons désormais
renforcer son rôle et proposer la désignation en son sein du « représentant »
de la monnaie unique. La stabilisation de notre monnaie unique est pour nous un
objectif essentiel auquel la présidence française de l'Union européenne doit
tout particulièrement veiller.
Au-delà de cette préoccupation, à laquelle nous resterons particulièrement
vigilants - l'euro sera en quelque sorte le révélateur des insuffisances, des
incohérences, des manquements, des atermoiements - le mandat confié à la France
durant ces six mois concerne, bien sûr, l'aboutissement de la Conférence
intergouvernementale, la fameuse CIG, qui doit arrêter les modifications aux
traités nécessaires à l'élargissement de l'Europe à douze nouveaux Etats.
C'est quasiment une banalité d'affirmer qu'on ne fait pas fonctionner l'Europe
à quinze pays membres comme à vingt-sept, voire à trente. C'est sans doute plus
audacieux d'avouer que le niveau d'intégration n'est alors plus le même. C'est
plus ambitieux encore d'afficher une volonté politique forte de rénovation des
institutions européennes. Nous devons avoir l'honnêteté de répondre aux
opinions publiques, sans leur laisser croire que nous pouvons être plus
nombreux et conserver des structures européennes inchangées et, convenons-en,
insatisfaisantes.
A travers l'achèvement des travaux de la CIG, c'est le nouveau visage de
l'Europe qui se dessine. C'est presque son « régime politique » qui doit se
mettre en place. Je pense encore à Robert Schuman, qui écrivait, voilà déjà
longtemps, que « l'intégration européenne doit, d'une façon générale, éviter
les erreurs de nos démocraties nationales, surtout les excès de la bureaucratie
et de la technocratie » ! N'en doutons pas, la qualité des réformes entreprises
détermine la pérennité et l'efficacité du fonctionnement de l'édifice
européen.
Un mot également sur les coopérations renforcées, qui prennent une place
essentielle dans les débats de la CIG. La progression de l'intégration
européenne peut-elle s'appuyer davantage sur ce dispositif ? Oui, sans doute.
Nous pouvons, en tout cas, nous poser la question de son assouplissement
éventuel.
Reliquats du traité d'Amsterdam, les termes de la problématique sont connus,
mais ils suscitent toujours controverses et désaccords.
Parlons, tout d'abord, de la taille et de la composition de la Commission. Il
y a, semble-il, un consensus sur la nécessité de limiter le nombre de
commissaires. Comment, en effet, accepter de voir croître les effectifs
indéfiniment avec l'entrée de nouveaux pays ? Le chiffre évoqué de vingt
commissaires n'apparaît pas très satisfaisant. Ce délicat équilibre entre
représentation des grands pays et nécessaire respect des petits pays ne
pourrait-il être trouvé sur la base d'une répartition des portefeuilles entre
Etats membres ? Un portefeuille par commissaire rapprocherait la Commission
d'un véritable « gouvernement » de l'Europe.
En ce qui concerne le Conseil européen, ce sont cette fois deux problèmes
cruciaux qu'il reste à régler. Celui d'une nouvelle pondération des voix est,
si je puis dire, viscéral. De nouveau, c'est l'harmonie, l'équilibre nécessaire
entre petits et grands Etats qui est en cause. La solution devra mieux tenir
compte du poids relatif de chaque pays membre, sans pour autant entraîner
l'apparition de minorités de blocage qui paralyseraient la capacité de
décision. Nous sommes heureux de constater, cependant, que la repondération, à
laquelle la France est favorable, semble recueillir depuis la réunion
d'Amsterdam un nombre croissant d'approbations.
La deuxième épine dans la réforme du fonctionnement du Conseil tient à la
procédure de vote. Il est indéniable que l'élargissement de l'Union rend peu à
peu extrêmement difficiles des solutions unanimes. La prise de décisions à une
majorité - dont l'ampleur doit être définie - apparaît donc nécessaire pour
éviter la paralysie des institutions. Le débat est ici plus ouvert, car la
position de chaque Etat est largement déterminée par le type de sujets
susceptibles d'être dorénavant adoptés à la majorité qualifiée.
S'il semble malaisé aujourd'hui d'opter pour un principe général de vote à la
majorité qualifiée, je crois que chacun adhère à l'objectif d'étendre à
d'autres thèmes ce système, à l'exception, pour l'instant, de la fiscalité,
pôle de souveraineté auquel sont attachés nombre d'Etats et qui nécessite
encore l'unanimité, tout simplement parce que nous ne sommes pas parvenus à
nous mettre d'accord sur une harmonisation fiscale au sein de l'Union ; tant
que se pratiquera une forme de « flibuste fiscale » entre Etats membres, force
sera de constater l'impossibilité de passer au vote à la majorité qualifiée.
A travers la résolution de toutes ces difficultés, c'est bien l'adhésion des
peuples à une Europe solidement construite qui est en jeu. C'est aussi leur
participation à une Europe démocratique, avec des règles institutionnelles
claires, que nous appelons de nos voeux. Il est vrai qu'à ce stade d'exigence
le pouvoir du vocabulaire, le sens des mots font irruption dans le débat. Les
tabous sont, à tort, encore nombreux. Ayons l'audace de les lever, afin de
dissiper les malentendus qui constituent autant de freins à la poursuite de la
construction européenne.
Je citerai à nouveau Robert Schuman, parce que, après tout, nous sommes encore
aujourd'hui dans le mois anniversaire de sa déclaration. Lui qui souhaitait
évidemment que « l'Europe nouvelle ait un soubassement démocratique » n'avait
pas hésité à affirmer que « le terme de fédération est la formule juridique
d'une pensée plus profonde et humaine, riche en perspectives nouvelles ».
Nous pouvons ainsi envisager une évolution fédérale de l'Europe, en levant
quelques ambiguïtés. La Banque centrale européenne n'est-elle pas elle-même
d'essence fédérale ? L'organisation du fonctionnement de l'Europe est déjà
teintée d'un « fédéralisme doux » qui ne choque pas les opinions. Osons
l'affirmer pour aller de l'avant.
Ce processus implique la clarification des domaines de compétences nationaux
et européens, l'application nette du principe de subsidiarité inscrit dans le
traité de Maastricht, le respect d'une démocratie participative. Aux niveaux
local, national et européen, secteur par secteur, les attributions de chaque
pôle de pouvoir doivent être clairement définies, identifiées, afin d'être
acceptées et comprises par les peuples.
C'est pourquoi l'Europe doit se doter d'une constitution, d'une loi
fondamentale qui définisse les droits et les devoirs des citoyens européens, le
fonctionnement des institutions de l'Union et bien sûr, la répartition des
compétences entre les Etats et l'Europe, c'est-à-dire la déclinaison du
principe de subsidiarité et ses applications. La charte des droits fondamentaux
européens, qui devrait être adoptée lors du Conseil européen de Nice en
décembre prochain, pourrait peut-être figurer dans un grand préambule.
Je tiens par ailleurs à souligner que le groupe de l'Union centriste a entamé,
pour sa part, une réflexion sur les grandes lignes de cette constitution.
L'étape suivante consiste naturellement à doter l'Europe d'un président. Ce
sera le visage que les citoyens attendent ; ils ont besoin d'identifier ce qui
leur apparaît encore trop souvent comme une création abstraite. Ce sera
également la voix qui se fera entendre au nom de l'Union européenne dans les
grandes négociations internationales.
Je ne crois pas qu'un seul pays soit à même de donner cette indispensable
impulsion à l'Europe. La France a certes un rôle déterminant à jouer dans la
construction d'une Europe politique. Elle l'a prouvé dans le passé, au long de
ces cinquante dernières années. Mais elle a su convaincre d'autres pays. Elle a
su former un attelage solide avec l'Allemagne pour dynamiser la marche vers
l'Union. Ai-je besoin d'évoquer le général de Gaulle et le chancelier Konrad
Adenauer qui, en 1963, avaient donné tout son sens à cette relation privilégiée
? Nous ne doutons pas que la France saura, dans cette période décisive qui
s'ouvre, prolonger cette étroite coopération franco-allemande, comme elle saura
être à l'écoute de tous les pays, de ceux que l'on qualifierait à tort de «
petits » par opposition aux « grandes » nations.
Détermination, convictions, dialogue : ce sont à mon sens les atouts d'une
présidence française de l'Union européenne forte et efficace, comme vous l'avez
souhaité tout à l'heure, monsieur le ministre, pour aller vers une Europe
puissante et pleinement démocratique.
Monsieur le ministre, nous attendons de la présidence française qu'elle aide à
mettre un terme à la jachère politique qui menace aujourd'hui la construction
européenne.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR,
des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à vingt-deux heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt-deux heures
quinze, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
11
DÉCISION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
M. le président.
M. le président a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel, par
lettre en date du 30 mai 2000, le texte de la décision rendue par le Conseil
constitutionnel qui concerne la conformité à la Constitution de la loi tendant
à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et
fonctions électives.
Acte est donné de cette communication.
Cette décision du Conseil constitutionnel sera publiée au
Journal
officiel,
édition des Lois et décrets.
12
ORIENTATIONS
DE LA PRÉSIDENCE FRANÇAISE
DE L'UNION EUROPÉENNE
Suite du débat sur une déclaration du Gouvernement
M. le président.
Nous reprenons le débat consécutif à une déclaration du Gouvernement sur les
orientations de la présidence française de l'Union européenne.
Dans la suite du débat, la parole est à M. de Raincourt.
M. Henri de Raincourt.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lorsque
notre pays s'apprête à prendre la présidence de l'Union européenne, ce n'est
pas anodin, ce doit être un événement car la France est une nation ambitieuse
pour elle-même et pour l'Europe. Par conséquent, on attend d'elle une
impulsion, un projet collectif et une vision d'avenir.
Le Président de la République en a tracé le cadre : celui d'une Europe qui ne
se substitue pas aux Etats et encore moins aux collectivités les plus proches
de nos concitoyens. Les sénateurs que nous sommes et les élus locaux que nous
représentons ne peuvent que se reconnaître dans une telle démarche.
Pour sa part, le Premier ministre, au nom du Gouvernement, se contente de
multiplier les bonnes intentions dans tous les domaines : la croissance,
l'emploi, la compétitivité, la justice sociale, l'euro, les nouvelles
régulations, l'éducation, la santé publique, la sécurité alimentaire,
l'environnement, le transport maritime, l'espace judiciaire, la défense, la
réforme des institutions, j'espère ne pas en avoir oublié.
Je pense sincèrement que ce n'est pas servir l'Europe que de laisser croire
que nous allons répondre à toutes ses attentes en six mois, moins un mois
neutralisé par les vacances. C'est donc un délai extrêmement bref.
Plusieurs sénateurs du RPR.
Très bien !
M. Henri de Raincourt.
Le Gouvernement pose les problèmes et il a raison de le faire. Mais lorsque
l'on aborde la recherche des solutions, c'est plus difficile.
En matière institutionnelle, par exemple, on nous parle aujourd'hui à
demi-mots d'une réforme qui sera, à l'arrivée, en demi-teinte.
Mes chers collègues, la France ne marquera pas l'Europe de son empreinte en
multipliant les pas chassés !
Elle doit aller de l'avant, d'une part, en concentrant son action sur un
nombre limité de priorités, dans un souci d'efficacité, d'autre part, en
n'ayant pas peur de poser les vraies questions sur l'Europe que nous
voulons.
L'Europe a besoin d'actes concrets. Dans cet esprit, et mise à part
l'indispensable réforme des institutions européennes, le groupe des
Républicains et Indépendants souhaite ne pas s'éparpiller et concentre sa
réflexion sur trois priorités : la défense, la sécurité et la fiscalité.
En matière de défense européenne, la France doit persévérer dans sa volonté de
mettre rapidement en place des instruments opérationnels en termes de
logistique, de commandement et de renseignement.
Nos concitoyens jugeront l'Europe de la défense dans sa capacité à prévenir et
à gérer concrètement, efficacement et rapidement les crises, au Kosovo comme
ailleurs.
Notre pays doit faire preuve de la même détermination pour construire une
véritable industrie européenne de la défense.
En matière de sécurité, nous considérons que la mise en place d'un espace
judiciaire européen - le président Haenel a abordé cette question parmi
d'autres cet après-midi - doit être l'une des priorités de la présidence
française. L'avenir se joue aux frontières de l'Union, dans la lutte
quotidienne contre la criminalité organisée, le blanchiment d'argent et
l'immigration clandestine.
A cet égard, la résolution des problèmes de contrôle externe de l'espace
Schengen doit être un préalable à l'élargissement, tout autant que la réforme
des institutions.
Il faut également tout faire pour éviter que ne se reproduise une affaire
comme celle de l'extradition de Sid Ahmed Rezala qui frappe nos compatriotes
beaucoup plus que nous pouvons l'imaginer sans doute parce qu'elle révèle
l'absence d'un espace judiciaire européen. A l'évidence, cela dénote un manque
de cohérence. Là encore, nos concitoyens jugeront l'Europe sur des faits.
La troisième priorité pour notre groupe concerne la fiscalité parce que c'est
un sujet immense, déterminant et aussi parce que, sur ce point, la France n'est
pas compétitive sur le plan européen, et nous en mesurons les effets.
Par exemple, les nombreuses délocalisations d'entreprises constituent une
appauvrissement durable pour notre pays. Or le Sénat - il en est à l'origine -
a obtenu la constitution d'une mission d'information sur ce sujet qui doit
maintenant se mettre au travail.
Il nous faut également tendre vers la réduction forte des prélèvements
obligatoires. C'est incontournable ; or, plus on retarde l'échéance, plus ce
sera douloureux. Il faut absolument baisser ces prélèvements, tant d'ailleurs
pour les entreprises que pour les particuliers.
M. Jean Delaneau.
C'est vrai !
M. Henri de Raincourt.
Le corollaire, c'est évidemment la diminution de la dépense publique.
Nous observons sur ce point les intentions du Gouvernement et nous voyons bien
qu'il la souhaite, il l'a déclaré à plusieurs reprises. En particulier, le
ministre de l'économie et des finances souhaite procéder aujourd'hui à des
diminutions d'impôt alors qu'effectivement on peut observer que, dans la
période récente, cela n'a pas été le cas.
Mais chacun sait aussi que les mesures annoncées sont dérisoires au regard des
profondes réformes fiscales engagées d'ores et déjà par nos partenaires
européens. Nous sommes donc à la remorque et nous avons un grand effort à
accomplir. Profitons de la présidence française pour l'engager d'une manière
significative. Sur ce plan aussi, nos concitoyens jugeront concrètement ce que
nous aurons su faire.
Je voudrais aussi dire un mot de la réforme institutionnelle qui a été très
largement abordée cet après-midi par les uns et les autres.
Réformer les institutions, nous le savons bien, c'est indispensable. Mais pour
quelle Europe ? Les réponses à cette question me paraissent aujourd'hui, ainsi
qu'à mes collègues du groupe, bien confuses.
La conférence intergouvernementale s'achemine, lentement, hélas ! vers une
réforme très technique des mécanismes de prise de décision.
Nous savons bien que cette réforme s'impose pour mettre fin aux
dysfonctionnements actuels de l'Europe des Quinze.
Les difficultés rencontrées avec l'actuel gouvernement autrichien montrent
également la nécessité de régler les différends au sein de l'Union selon des
principes clairs et des modalités précises.
A ce sujet, mon groupe estime qu'il est indispensable de garantir le
fonctionnement normal des institutions. Nous devons privilégier les sanctions
bilatérales, en évitant toute discrimination qui serait contre-productive, on
le voit chaque jour.
Au-delà des difficultés actuelles de l'Union européenne, tout le monde
s'accorde à faire de la réforme institutionnelle un préalable à
l'élargissement. Mais de quel élargissement parlons-nous ? Pour quelle Europe
?
C'est bien d'une vision commune que découlent des institutions communes. Les
premières institutions européennes correspondaient à une vision pacifique et
humaniste partagée - comment ne pas le rappeler aujourd'hui ? - par des hommes
comme Robert Schuman, Jean Monnet et le chancelier Adenauer. Mais qu'en est-il
aujourd'hui ?
La réconciliation franco-allemande et la préservation de la paix étaient au
coeur du projet européen de l'après-guerre. L'économie est ensuite devenue une
priorité, à la fois par pragmatisme et par intérêt. L'Europe des Six est
devenue progressivement celle des Quinze. Elle s'est certes enrichie, mais au
prix d'une certaine dilution simultanée de son identité.
Cinquante ans après cet engagement européen, force est de constater que le
projet européen a bien changé de nature, et c'est normal, surtout depuis que
l'Union a décidé, il y a quelques années, de s'ouvrir plus particulièrement
vers l'Est, depuis aussi que l'élargissement semble avoir pris le pas sur
l'intégration.
Dans ces conditions, il nous semble que nous ne pouvons plus faire l'économie
d'une réflexion sur l'identité européenne un demi-siècle après la déclaration
de Robert Schuman. Nous n'avons pas l'ambition, plutôt la prétention, de
réinventer l'Europe, mais de la redéfinir. Que voulons-nous ? Quels sont les
valeurs et les objectifs qui nous unissent aujourd'hui ?
La charte des droits fondamentaux est censée répondre à cette question, mais
elle risque peut-être aussi de révéler nos contradictions. Chacun parle de
l'Europe, mais pas forcément d'une même conception de l'Europe.
Pour nous, l'Europe n'est pas seulement un marché ou une simple zone de
libre-échange. Mais qu'en pensent nos partenaires étrangers ? Qu'en pensent
surtout les nombreux pays qui frappent aux portes de l'Union ?
L'Europe n'est-elle qu'une notion géographique définie par des limites
imprécises, de l'Atlantique à l'Oural ? Est-elle simplement l'addition
d'intérêts communs sur les plans économique et commercial ? Ou bien est-elle,
comme nous l'espérons, un concept politique fondé sur un humanisme réel qui
serait la synthèse entre l'héritage gréco-romain et la pensée chrétienne, une
civilisation composée de cultures différentes, mais d'un idéal commun de
démocratie, de justice, d'égalité et de liberté individuelle, source
d'accomplissement personnel ?
Cette question identitaire nous paraît fondamentale pour l'avenir de la
construction européenne, surtout dans la perspective de son élargissement. Pour
nous, l'objectif politique doit déterminer la structure institutionnelle, et
non l'inverse. Avant de réfléchir à ce que nous pouvons changer, arrêtons-nous
un instant et demandons-nous ce que nous voulons vraiment faire ensemble.
Si tous les pays européens ne partagent pas les mêmes valeurs et les mêmes
objectifs fondamentaux, alors ils devront avancer à leur rythme, voir par
groupes de pays.
C'est l'intérêt des coopérations renforcées dont l'efficacité reste cependant
encore à démontrer. C'est aussi le sens de la récente initiative du ministre
allemand des affaires étrangères, dont il a été beaucoup question cet
après-midi et qui s'inscrit dans une démarche plus ambitieuse.
Sans entrer dans le détail des propositions de M. Fischer, je voudrais faire
deux brèves remarques.
La première est que nous devons prendre en compte les craintes suscitées par
l'utilisation du mot « fédéralisme » chez certains de nos partenaires et chez
certains de nos compatriotes. Il faut relancer le débat en évitant la polémique
et, surtout, la querelle de mots.
Ma seconde remarque concerne l'excessive timidité dont on semble souffrir en
matière de réforme institutionnelle. Je suis un peu déçu, je dois le dire,
parce que j'attendais, dans la perspective de la présidence française de
l'Union européenne, un souffle nouveau qui aurait pu être donné par la France.
Il est venu d'Allemagne, je le regrette. Le Gouvernement a eu pourtant le temps
de s'y préparer, puisqu'il est au pouvoir depuis plusieurs années déjà. Je
regrette donc que nous n'ayons pas pu prendre une initiative dans ce
domaine.
Je ne peux manquer de faire une remarque quelque peu hors sujet, il est vrai.
Au moment où l'on ne se prive guère, en France, de faire des suggestions
précises sur les vertus qui s'attachent à la réforme de l'élection
présidentielle en instaurant le quinquennat, sans attendre que le Président de
la République, à ma connaissance constitutionnellement garant des institutions,
se prononce, il est dommage qu'on n'ait pas, à tout le moins, fait preuve du
même empressement pour la réforme des institutions européennes ! L'Europe ne
peut se contenter de bonnes intentions. Ses fondateurs ont voulu sincèrement
lui donner une âme. Elle a aujourd'hui besoin d'un nouveau souffle !
Là est, nous semble-t-il, le principal enjeu de la présidence française. Là
doit être, sur tous ces bancs, aux côtés du Gouvernement et du Président de la
République, notre ambition collective ! Une ambition au service de chaque
citoyen, porteuse des valeurs humanistes qui ont inspiré l'Europe depuis son
origine et qui, à l'évidence, doivent continuer de guider nos pas.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. de Rohan.
M. Josselin de Rohan.
Monsieur le président, messieurs les ministres, en septembre 1946, les
rencontres internationales de Genève réunirent des intellectuels venant de
toute l'Europe et comptant quelques-uns des meilleurs représentants de la
pensée contemporaine, venus exposer leurs vues sur la pensée européenne.
L'un des plus prestigieux d'entre eux, le philosophe et humaniste Karl
Jaspers, s'interrogeait en ces termes : « L'Europe n'est pas aujourd'hui une
réalité rayonnante et pleine de force. Dans le monde, elle se tient là, brisée
dans tous les sens du mot, et doutant d'elle-même. Telle est la grande question
: est-ce vraiment le crépuscule définitif, ou est-ce la crise où, dans les
douleurs de l'enfantement, l'antique essence se crée une forme nouvelle ?
Est-ce l'engloutissement dans la nuit sans conscience, après le dernier feu
d'artifice d'une intellectualité déjà vidée de tout contenu, ou le ressort de
l'esprit européen est-il déjà à l'oeuvre pour faire rebondir à nouveau notre
vie ? »
La réponse allait être apportée quatre années plus tard par Jean Monnet et
Robert Schuman.
De leur imagination et de leur vision, cimentées par la réconciliation
franco-allemande, devaient naître successivement la Communauté européenne du
charbon et de l'acier, Euratom et la Communauté économique européenne.
La construction européenne a témoigné d'une remarquable continuité. Tous nos
chefs d'Etat, depuis Charles de Gaulle jusqu'à Jacques Chirac, lui ont témoigné
leur attachement et ont contribué à l'enrichir. Tous se sont attachés à faire
en sorte que le couple franco-allemand donne à chaque fois l'impulsion décisive
pour franchir une nouvelle étape dans la voie de l'unification européenne.
La réunion, dans un ensemble de 300 millions d'habitants, de nations
millénaires, de peuples qui se sont férocement combattus voilà moins d'un
siècle, d'économies au degré de développement très inégal, de sociétés très
contrastées, représente l'un des phénomènes les plus surprenants et les plus
édifiants de l'histoire contemporaine.
Certes, l'Europe n'est plus une idée neuve. La ferveur ou l'enthousiasme des
fondateurs a laissé place à l'habitude ou au désenchantement, et la mystique à
la politique, la politique à la technocratie.
L'Europe était parée de tous les attraits dans les rêves ; dans la réalité,
elle s'est souvent traduite par des contraintes et des lourdeurs, par la
bureaucratie, par des complications ou des conflits d'intérêts inexplicables,
par des retards insupportables. Mais, en dépit de toutes les critiques, en
dépit de tous ses défauts, de ses insuffisances, de ses échecs, l'Union
européenne non seulement ne s'est pas délitée, mais exerce une fascination
irrépressible sur un grand nombre d'Etats qui n'aspirent qu'à la rejoindre.
Aujourd'hui, l'Europe est, semble-t-il, à la croisée des chemins.
Ou bien, après avoir donné naissance à un vaste marché comprenant des millions
de consommateurs, à des entreprises puissantes, sources de richesse et
d'emplois, à une monnaie unique, elle reprend sa marche en avant et se dote
d'une organisation politique susceptible de donner corps à ses ambitions.
Ou bien le risque est grand de voir, sous l'effet d'aspirations et d'intérêts
contradictoires, du manque de constance et de lucidité de ses dirigeants ou du
découragement de ses habitants, l'Union européenne s'affaiblir et s'effriter
pour n'être plus, selon l'expression de Karl Jaspers, que « la petite
presqu'île que le continent eurasiatique pousse vers l'océan Atlantique ».
Il serait aussi présomptueux qu'irréaliste d'attendre que, dans le court laps
de temps de la présidence française, une réponse définitive soit apportée à
cette question. Tout au plus attendons-nous d'elle, et ce n'est pas une mince
ambition, qu'elle donne l'impulsion nécessaire pour rechercher des solutions et
franchir des étapes dont certaines seront décisives.
Comme le disait à Chambéry le Président de la République : « Dans l'Europe
telle qu'elle avance, la France aura une grande responsabilité, celle de faire
aboutir des décisions qui engagent l'avenir, d'en faire progresser d'autres, de
rechercher la meilleure entente avec nos partenaires, de lancer des projets,
d'ouvrir de nouveaux champs de réflexion et de coopération : c'est ainsi que,
pas après pas, se forge l'Europe ».
Nous devons, pour reprendre l'expression du chef de l'Etat, nous attacher à «
l'Europe des hommes ». L'Europe des hommes, c'est celle de la citoyenneté et de
la démocratie.
L'Européen aspire à un pouvoir proche de lui, capable de l'informer et
d'expliquer ses décisions, un pouvoir sur lequel il puisse peser, un pouvoir
qui soit non pas anonyme ou abstrait, mais rattaché aux réalités quotidiennes,
d'où la nécessité d'associer les parlements nationaux à la préparation des
directives communautaires et celle de donner au Parlement européen les moyens
de contrôler les actes des dirigeants de l'Union.
L'Européen attend de l'Europe qu'elle assure sa sécurité.
La sécurité des biens et des personnes par une action résolue contre la
criminalité organisée, la drogue et la délinquance, grâce à une meilleure
coopération des polices nationales, une lutte commune contre l'immigration
clandestine et une harmonisation renforcée des procédures pénales.
La sécurité des transports maritimes pour prévenir de nouvelles catastrophes,
comme celle de l'
Erika
. Nous soutenons les propositions du Gouvernement
pour le renforcement du contrôle dans les ports, celui des sociétés de
classification, des affréteurs et des armateurs.
La sécurité alimentaire pour éviter une société de l'inquiétude, par une
politique européenne de la protection alimentaire prenant en compte les
problèmes posés par les OGM et la lutte contre l'ESB. La création d'une Agence
européenne de la sécurité alimentaire chargée de veiller au principe de
précaution et de conduire cette politique nous paraît indispensable.
La sécurité du travail et de la protection sociale, car l'Europe doit pouvoir
assurer à ses ressortissants des emplois, grâce à un taux de croissance élevé,
à des politiques tenant compte des mutations de l'appareil industriel et des
défis de la société de l'information. Elle doit pouvoir garantir à tous une
protection sociale aussi étendue que possible et lutter contre toutes les
exclusions.
La seconde priorité de la présidence française doit être de donner un nouvel
élan aux politiques européennes.
Comment ne pas souscrire au souhait du Gouvernement de défendre l'euro, soumis
aux fluctuations que l'on sait ? Mais notre détermination paraîtrait plus
convaincante si la maîtrise de nos dépenses publiques et la réduction de notre
déficit budgétaire étaient mieux assurées, si le niveau de notre endettement
diminuait, comme celui de nos prélèvements obligatoires.
Sans véritable convergence des politiques budgétaires vers l'équilibre, sans
harmonisation des fiscalités, la défense de l'euro ne sera ni crédible ni
possible et la France pourrait avoir une large part de responsabilité dans
l'échec éventuel de la monnaie unique.
Sans ouverture de nos services publics à la concurrence, pouvons-nous
promouvoir pour l'Europe un projet économique moderne ? Les combats
retardateurs que nous menons pour freiner l'accès à notre réseau de
distribution électrique et gazière ou pour éviter la compétition sur notre
réseau ferroviaire apparaissent comme des luttes d'un autre âge.
Pouvons-nous convaincre nos partenaires que nous sommes des novateurs lorsque
nous nous révélons incapables de réformer nos administrations et de réduire les
frais de fonctionnement de l'Etat, lorsque nous hésitons à aménager nos régimes
de retraite ?
M. Jean-Claude Carle.
Eh oui !
M. Josselin de Rohan.
La Bosnie comme le Kosovo ont démontré la nécessité et même l'urgence d'une
politique européenne de la défense qui ne nous rende pas en permanence
tributaire de l'OTAN et des Etats-Unis.
Nos armées sont à chaque fois sollicitées comme forces d'intervention ou de
maintien de la paix. Nous en sommes fiers. La France doit constituer l'un des
piliers les plus sûrs de la défense européenne. Comment pourrait-elle assumer
cette tâche si son budget de défense est en diminution constante, si elle ne
dispose ni des hommes, ni des armements, ni des matériels rendant son
intervention efficace ?
(M. Vinçon applaudit.)
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Très bien !
M. Josselin de Rohan.
Nous serons très attentifs, au cours des prochains mois, à la considération
que les instances européennes porteront aux problèmes agricoles. Nous savons la
place que notre agriculture occupe dans notre économie. Après les difficultés
rencontrées par nos éleveurs bovins et porcins, nos aviculteurs sont confrontés
à la réduction de leurs débouchés vers les marchés tiers comme à l'incidence
des accords de Marrakech. Il importe que le gouvernement français défende les
restitutions aux exportations avicoles pour permettre l'écoulement des 200 000
tonnes de poulet qui pèsent sur les marchés. M. le ministre de l'agriculture
s'y est engagé et nous lui en donnons acte.
Nous estimons, aujourd'hui comme hier, que l'existence d'une politique
agricole commune garantissant nos producteurs contre les disparités de
concurrence flagrantes et les dumpings ou les manipulations monétaires demeure
une nécessité et ne saurait être sacrifiée à d'autres considérations.
Le troisième impératif pour la présidence française est la préparation de
l'avenir, et cela passe par les réformes institutionnelles. Une Europe de la
défense est-elle possible s'il n'existe pas une politique commune des
armements, fondée sur l'existence d'entreprises européennes d'armement capables
de fournir aux armées européennes les matériels dont elles auraient besoin ?
La conférence intergouvernementale sera le principal enjeu de la présidence.
Elle comporte deux objectifs majeurs. Il s'agit, d'abord, de permettre à
l'Union de fonctionner efficacement après un élargissement que nous appelons de
nos voeux mais qui doublera en peu d'années le nombre d'Etats membres. Nous
devons, par ailleurs, nous assurer que la France pourra encore peser dans cette
Europe élargie.
Pour atteindre ces objectifs nous devons obtenir une pondération des voix au
sein du Conseil qui tienne compte des réalités démographiques.
Si nous voulons éviter la paralysie des décisions, il faudra, certes,
accroître les possibilités de vote à la majorité qualifiée. Mais imagine-t-on,
par exemple, que l'avenir de notre politique nucléaire, fondement de notre
indépendance énergétique, puisse être remis en cause par un vote à la majorité
simple ? Il en résulterait une crise majeure au sein de l'Union. Il importe
donc de prévoir des garanties contre une telle perspective.
Je voudrais rappeler que, par la voix de son président, Hubert Haenel, la
délégation du Sénat pour l'Union européenne a présenté des propositons précises
et très argumentées sur les problèmes de repondération des votes et de majorité
qualifiée comme sur le fonctionnement du Conseil ; elles pourraient servir de
fondement aux propositions françaises.
Il faut également assouplir les procédures de coopération renforcée pour que
les Etats qui le souhaitent aillent plus loin dans le domaine des initiatives
et des actions communes sans être entravés par les autres. Il s'agit, en
quelque sorte, de consacrer le droit à l'expérimentation européenne.
C'est à cette aune que nous jugerons la conférence intergouvernementale. La
tâche est incontestablement difficile, mais elle conditionnera un bon traité
préalable à l'élargissement, ainsi que l'a rappelé le Parlement lors du débat
sur la ratification du traité d'Amsterdam.
Mais il est clair, désormais, que nous devons aborder un débat de fond sur les
institutions européennes, leur rôle respectif et leur finalité.
Si la Commission ou la Banque européenne, les services et les démembrements de
l'Union font souvent l'objet des critiques de ceux qui les accusent de dérive
technocratique ou bureaucratique, c'est que, de toute évidence, le poids du
pouvoir politique est insuffisant, parce que la répartition des compétences
entre les instances administratives et les instances politiques est ambiguë et
mal définie ou, plus simplement, parce que les politiques ont plus ou moins
volontairement laissé les administrateurs exercer les responsabilités à leur
place.
(Très bien ! sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
On ne saurait à la fois reprocher à l'Union d'avoir tout abandonné à la
technocratie et refuser des réformes qui donneraient une nouvelle primauté au
politique.
M. Joschka Fischer, ministre des affaires étrangères d'Allemagne, a eu le
mérite de proposer des pistes de réflexion et d'esquisser les grandes lignes
d'une organisation politique de l'Europe. On peut discuter ou combattre ses
propositions. Pour autant, il est difficile d'éluder le débat, et mieux
vaudrait s'y préparer.
De fait, nous sommes confrontés à une série d'interrogations.
Nous acheminons-nous, à terme, vers une constitution européenne ? Et par
quelle voie ?
La charte européenne des droits fondamentaux est-elle une première étape sur
cette voie ou doit-elle se borner à n'être qu'une simple déclaration des droits
et des devoirs des Européens ?
Qui serait chargé, et selon quelles méthodes, d'établir un acte de refondation
de l'Union européenne ?
N'est-il pas plus prudent d'attendre le résultat des coopérations renforcées
avant de lancer pareil chantier ?
Il est une deuxième série d'interrogations.
Quels domaines réserver aux Etats membres, quelle part réserver à l'Union ?
Les transferts de souveraineté doivent-ils être aussi restreints que possible
ou doivent-ils, au contraire, être très vastes ?
Peut-on laisser subsister à l'avenir un Conseil des ministres, émanation des
exécutifs nationaux ou du suffrage universel européen, doté de la plénitude des
pouvoirs accordés aux exécutifs, et une Commission qui est, à l'heure actuelle,
bien plus qu'un collège de hauts fonctionnaires mais qu'on ne saurait, pour
autant, qualifier d'instance politique ?
Doit-on laisser au Conseil des ministres le droit de prendre des mesures qui
revêtent à la fois un caractère législatif et réglementaire alors que, dans les
Etats démocratiques, ce qui relève de la loi est du domaine du Parlement et ce
qui ressortit au règlement incombe à l'exécutif ?
La codécision, qui vient corriger le caractère quelque peu absolu de ces
pratiques, ne devra-t-elle pas ouvrir la voie à une véritable séparation des
pouvoirs ?
Jusqu'à présent, la construction européenne, en dehors des grands traités qui
ont marqué son histoire, s'est effectuée de manière pragmatique, empirique ou
prétorienne, grâce aux jurisprudences de la Cour de justice.
L'heure est venue d'y associer davantage les peuples si nous voulons franchir
des étapes plus importantes et décisives. Comme le disait le Président Chirac à
Chambéry, nous devons, pour l'avenir, conjurer tout risque d'inertie
européenne. C'est pourquoi il nous semble que, dans la mesure où l'axe
franco-allemand est encore ressenti comme un moteur essentiel de la
construction européenne, les gouvernements français et allemand devraient être
en mesure de formuler des propositions concrètes, susceptibles de donner un
nouvel élan à cette construction et d'apporter des réponses aux problèmes de
fonctionnement de l'Europe.
Parce que nous sommes une des nations fondatrices de l'Europe et que notre
pays, à travers ses hommes d'Etat, a été à l'origine des grandes initiatives
qui ont marqué la construction européenne, nous avons souvent la nostalgie des
grands moments qui ont entouré la naissance des traités de Paris, de Rome ou de
l'Elysée, nous voudrions renouer avec l'enthousiasme et la ferveur des
commencements.
Quand il fallait tout rebâtir dans une Europe ruinée, les temps étaient plus
favorables à l'espérance et à la ferveur. L'urgence et la nécessité appelaient
aux dépassements. La prospérité et la paix sont plus favorables aux égoïsmes.
Sans doute est-ce la raison qui nous pousse parfois à faire preuve de peu
d'empressement pour accueillir ceux que Yalta avait rejetés au-delà du Mur et
qui voudraient bien profiter des avantages de la maison commune.
En restant insensibles à leurs appels, en ne levant pas les obstacles qui
s'opposent à leur adhésion, nous encourrions une grave responsabilité.
L'Europe pourrait-elle durablement supporter la comparaison entre un pôle de
prospérité et de croissance et des nations vouées durablement au
sous-développement et à la stagnation ?
Les pays de l'Europe centrale et orientale attendent de la France qu'elle les
aide à rejoindre l'Union pour partager non seulement les fruits de la
prospérité, mais aussi les idéaux de démocratie et de respect des droits de
l'homme. Ne décevons pas leur attente.
Mais nous vivons aujourd'hui une contradiction de plus en plus flagrante entre
l'ampleur de la puissance économique de l'Europe et son absence de poids
politique.
Nous avons été impliqués au Proche-Orient ou sur notre propre continent dans
des conflits au règlement desquels nous n'avons pas même été conviés. Et s'il
faut que nous intervenions militairement hors de nos frontières, nous avons,
pour parler net, au préalable besoin de l'autorisation du protecteur américain
!
Aujourd'hui même, dans son discours devant le comité des présidents de
l'assemblée parlementaire de l'UEO, le chef de l'Etat, tout en soulignant qu'«
affirmer n'est pas s'opposer », a soutenu, à bon droit, que l'Europe devrait
définir « ses propres objectifs, conduire sa propre politique et les exprimer
haut et fort ».
M. Jean-Claude Carle.
Très bien !
M. Josselin de Rohan.
En préconisant une rencontre au sommet entre l'Union européenne et les pays de
l'ex-Yougoslavie, le Président de la République a montré qu'une initiative
diplomatique de cette portée illustrait bien le rôle que l'Europe était
susceptible de jouer dans la solution des conflits et pouvait constituer une
amorce de politique étrangère commune.
De la même manière, lorsque le commandement de la KFOR au Kosovo est assuré
par un officier général européen ou que l'Europe se dote d'une capacité
autonome d'intervention et des moyens logistiques nécessaires au transport de
ce corps, l'Europe progresse vers plus d'unité.
Bien sûr, on peut se demander comment conduire sur la voie de l'unité des
Etats aussi nombreux, divers et anciens que ceux qui composent l'Europe,
comment abolir les frontières ou les divergences qui les opposent encore.
Contrairement à l'Amérique du siècle dernier, qui était un monde à conquérir,
l'Europe est un monde fini. Nous ne disposons pas de vastes espaces en attente
de peuplement. L'Europe est faite de territoires où beaucoup d'habitants se
trouvent à l'étroit. Nous pratiquons une infinité de langues, nous usons de
monnaies très diverses, nos systèmes judiciaires, administratifs, sociaux,
constitutionnels sont très variés. Nous sommes très attachés à nos coutumes, à
nos identités, à nos idées.
Toutes ces distinctions peuvent-elles permettre l'avènement d'un système
politique cohérent et commun aux peuples d'Europe ?
Nous n'avons, à cet égard, qu'une certitude : si nous voulons fonder l'unité
politique sur le nivellement et l'uniformité, ce sera l'échec.
Si nous respectons les nations et leur autonomie, si nous multiplions les
échanges culturels, commerciaux et scientifiques entre les Européens, nous
créerons sûrement les instruments de l'unité en donnant aux Européens le
sentiment d'une communauté de destin.
L'Europe naîtra des entreprises que nous mènerons en commun dans tous les
domaines, d'initatives concrètes qui montreront que notre continent n'est pas
seulement le berceau ou le propagateur des plus grandes idéologies, des grandes
inventions et des grandes découvertes, mais qu'il est aussi une entité capable
d'apporter des réponses aux grands problèmes politiques auxquels est confrontée
l'humanité.
Lorsque les Européens auront conscience de ce qu'ils sont et de ce qu'ils
peuvent faire, ils sauront se doter des institutions conformes à leur vision
politique de leur destin commun.
Le temps est venu pour la France de rassembler autour d'elle tous ceux qui
souhaitent aller plus loin dans la voie de l'union politique. L'inertie, qu'à
juste titre réprouve le Président de la République, conduit au désabusement et
au renoncement.
L'heure des choix fondamentaux approche qui fera le départ entre les partisans
de l'immobilisme ou ceux qui se contenteraient d'une vaste zone de
libre-échange sans contour politique et ceux qui veulent faire de l'Europe du
xxie siècle un ensemble puissant, cohérent et démocratique et En prenant
résolument la tête de ceux qui veulent provoquer une véritable refondation de
l'Europe, la France resterait fidèle à sa vocation comme à son génie, qui sont
d'être à l'origine des grands débats d'idées et des initiatives audacieuses.
Nous comptons qu'elle ne se dérobera pas.
(Applaudissements sur les travées
du groupe du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste,
ainsi que sur certaines travées du groupe du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, partout
en Europe, l'aspiration à plus de citoyenneté s'exprime et se renforce, comme
l'ont montré récemment les manifestations contre Haider en Autriche, les «
euro-grèves » ou les événements de Seattle.
Or, parallèlement, le sentiment d'une Europe coupée des préoccupations des
citoyens est de plus en plus fort. Il est urgent aujourd'hui de substituer une
Europe de progrès et de citoyenneté à cette Europe technocratique, au
fonctionnement hyper-centralisé. L'enjeu est d'importance pour qui veut donner
sens et légitimité à l'Europe de demain et permettre sa réorientation vers plus
de solidarité, de démocratie et de développement durable, réorientation
qu'attendent les peuples européens.
Au-delà des seuls objectifs de la conférence intergouvernementale, la
présidence française devra donc permettre de lancer un vaste débat public sur
l'avenir de la construction européenne et ses enjeux.
Même si tout ne peut être fait en six mois, notre pays a la responsabilité
d'impulser une dynamique de construction qui réponde enfin aux attentes des
citoyens européens.
Dans chaque pays de l'Union, aujourd'hui, le droit pour tous au plein emploi
et à la formation est une véritable urgence. A cet égard, nous ne nous
félicitons pas, il s'en faut de beaucoup, des conclusions du sommet de
Lisbonne, qui témoignent d'une poussée libérale et d'une volonté évidente de
certains pays de remettre en cause le « modèle social européen », alors qu'il
faudrait à l'inverse l'améliorer en harmonisant vers le haut les législations
nationales.
Il est temps que la construction européenne se mette réellement au service du
droit pour tous à l'emploi. C'est dans cet esprit que nous proposons que soient
reconsidérés le pacte de stabilité et les critères de Maastricht, et que leur
soit substitué un pacte pour l'emploi, la formation et la croissance, avec des
objectifs quantifiables et vérifiables.
La volonté du Gouvernement français de relancer fortement l'agenda social
européen en lui donnant des objectifs clairs et chiffrés peut aller dans ce
sens. Mais ce ne sera pas suffisant.
Il faut parallèlement réorienter l'utilisation du crédit et de
l'investissement vers la création d'emplois, c'est-à-dire mettre en place une
politique monétaire sélective. Les missions et les pouvoirs de la Banque
centrale européenne doivent être redéfinis, en mettant en place un
contre-pouvoir politique et en démocratisant son fonctionnement. Un haut niveau
d'emploi devrait figurer parmi ses objectifs prioritaires.
Le projet de grands travaux transeuropéens pourrait être relancé lors de la
présidence française, avec le souci constant de la création d'emplois stables,
favorisant parallèlement la formation.
Dans le même sens, les objectifs de l'euro devraient être reconsidérés,
réorientés. On le voit, le choix consistant à vouloir faire de l'euro un rival
du dollar dans un contexte de guerre économique, avec des politiques uniquement
destinées aux marchés financiers, ne mène à rien. Au lieu de favoriser
exclusivement les profits, cette monnaie doit devenir une monnaie commune de
coopération pour la promotion de l'emploi, de la formation, de la recherche, au
service d'une véritable croissance durable.
Les revenus et les mouvements financiers doivent, dans la même perspective,
être taxés. La proposition tendant à l'instauration d'une taxe Tobin devrait
être relancée et portée, lors de la présidence française, au niveau
européen.
Les rapports de force au sein des institutions européennes ne penchent pas,
aujourd'hui, en faveur de cette réorientation. Mais la mobilisation des
citoyens européens, qui seront sensibles, dans chaque pays, à l'amorce de
dynamique que lancerait la France, pourrait permettre de rendre concrète cette
réorientation ; ce qui s'est passé pour l'AMI et pour l'OMC a montré ce que
pouvait produire une telle mobilisation.
La réforme des institutions de l'Union doit être fondée sur une conception
nouvelle qui donne enfin toute sa place aux citoyens européens. Il faut créer
de nouveaux droits d'intervention et de participation à la prise de décision
des citoyens sur les choix d'orientation de la construction. Accroître la
transparence, démocratiser les institutions, en renforçant notamment le rôle
des parlements nationaux et du Parlement européen au détriment des organes non
élus que sont la Commission et le Conseil, est, selon nous, une priorité.
A propos des questions prévues à l'ordre du jour de la CIG, je tiens à
préciser notre approche, ni fédéraliste ni souverainiste, de construction
démocratique d'un espace européen. Si nous acceptons, par exemple, l'évolution
nécessaire du statut de la Commission dans le cadre des contraintes de
l'élargissement de l'Union européenne, nous nous opposons à un renforcement du
rôle du président de la Commission, qui a été proposé parallèlement. Une
présidentialisation de cet organe non élu ne nous semble pas aller dans le sens
d'une démocratisation des institutions.
En ce qui concerne le vote à la majorité qualifiée, si nous partageons la
préoccupation légitime de vouloir assouplir le mode de décision dans certains
domaines dans la perspective de l'élargissement, nous nous oppososns à faire de
la majorité qualifiée la règle aux dépens du principe de subsidiarité,
notamment par son extension de principe à l'ensemble du pilier 1. La
possibilité de recourir au droit de veto doit être maintenue s'il s'agit de
préserver des intérêts jugés vitaux.
M. Josselin de Rohan.
Très bien !
M. Gérard Le Cam.
S'agissant du développement des coopérations renforcées, nous refusons la
suppression de la possibilité pour un Etat membre de s'opposer au lancement
d'une coopération renforcée. Les propositions actuelles de la CIG
contribueraient, selon nous, à l'instauration d'un « noyau dur » de pays qui
auraient décidé d'approfondir ensemble l'intégration, accentuant ainsi les
disparités et les inégalités. Mais nous sommes favorables à des coopérations
décidées souverainement et maîtrisées à partir d'un dialogue entre partenaires
égaux, capables de construire des compromis.
En ce qui concerne l'élargissement, qui est un enjeu majeur pour l'avenir de
l'Europe, il nous paraît indispensable de reconsidérer de façon globale le
processus. Actuellement, les pays candidats se voient imposer des mesures
draconiennes visant au respect des critères de convergence de leur économie.
Les conséquences sociales sont terribles pour des populations qui étaient déjà
dans des situations très difficiles. Les pays de l'est de l'Europe n'ont donc
aucune liberté de choix. Il serait nécessaire d'associer véritablement les pays
candidats au processus, de prendre en compte les besoins des populations, de
reconsidérer le dogme du respect des critères de convergence comme condition
d'adhésion. Nous proposons, dans cet esprit, l'organisation d'un sommet
rassemblant les pays de l'Union européenne et les pays candidats à travers leur
gouvernement mais aussi leur société civile.
S'agissant de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, notre
groupe a déjà eu l'occasion d'évoquer notre position lors du débat le 11 mai
dernier. Je tiens simplement à rappeler que, selon nous, cette charte peut être
un instrument d'avancée citoyenne si une volonté politique forte permet que les
citoyens soient véritablement associés à son élaboration. Elle devra
impérativement intégrer et développer les droits économiques et sociaux,
formuler de nouveaux droits pour être légitime aux yeux des citoyens. Elle ne
devra pas, bien sûr, se limiter à une simple valeur déclarative.
Certaines questions spécifiques, que j'évoquerai à présent, nous semblent
importantes à faire avancer pendant la présidence française.
J'aborderai, tout d'abord, la question des services publics. Elle est au coeur
de l'enjeu de la remise en cause des orientations néolibérales de la
Commission, qui prône une dérégulation de ces services au nom de la
concurrence. Nous demandons que soient mises en place des évaluations des
déréglementations déja effectuées dans de nombreux secteurs, notamment en
termes de qualité et de coûts sociaux. Les services publics font partie
intégrante d'une politique de développement où intérêt général, cohésion
sociale, égalité de traitement des usagers sont privilégiés. Il faut renforcer
leur place dans la société européenne. La France doit promouvoir une nouvelle
approche à l'échelon européen, en substituant une logique de coopération à la
logique de mise en concurrence qui aboutit, à terme, à leur disparition.
Les attentes des citoyens européens concernant le droit à un environnement de
qualité sont de plus en plus fortes aujourd'hui. Récemment, avec la marée noire
de l'
Erika,
la question de la sécurité maritime a été placée au coeur de
l'actualité. La France a des propositions à présenter à ses partenaires dans ce
domaine. A partir de la charte qui a été signée entre le ministère des
transports français et de nombreux acteurs du transport maritime, des avancées
sont possibles sur le plan européen pour établir un « code de bonne conduite »
contraignant et instaurer des taxes sur le transport des hydrocarbures.
En ce qui concerne l'agriculture, pilier de la construction européenne avec la
politique agricole commune, il est urgent de reconsidérer la récente réforme de
la PAC qui défend une approche ultra-libérale, particulièrement dangereuse pour
l'avenir de l'agriculture et, plus largement, pour le développement durable en
Europe. Le principe de préférence communautaire doit être maintenu, même s'il
est nécessaire de le rénover. Nous devons privilégier une agriculture
respectueuse de l'environnement et des diversités régionales, créatrice
d'emplois et attachée à un aménagement harmonieux du territoire. Cela est
d'autant plus important que le choix de l'ultralibéralisme dans l'agriculture
fait peser des risques incontestables sur la qualité des productions, et donc
sur la sécurité alimentaire, qui est devenue une priorité pour les
consommateurs européens. Des progrès restent à faire, notamment avec la
création d'une autorité européenne de contrôle, sur le modèle français de
l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l'AFSSA.
La culture et la création artistique sont plus que jamais des enjeux de
civilisation. Elles constituent un lien irremplaçable dans la construction de
l'Europe. Il est donc essentiel que chaque citoyen européen puisse trouver dans
l'art et la culture les moyens de son épanouissement personnel et puisse ainsi
développer toutes ses capacités et potentialités. Or, dans ce domaine, le
budget de l'Europe n'est même pas un « budget timbre-poste », c'est un « budget
confetti » ! C'est humiliant non seulement pour les Européens, mais aussi pour
ce que représente l'Europe dans le monde. Ne s'agit-il pas là d'un beau
chantier pour la présidence française ?
Nous considérons que la présidence française pourrait également marquer la
volonté de voir la question des droits des enfants et des jeunes réellement
prise en compte sur le plan européen. Mme Luc, présidente de notre groupe, a
adressé à Mme Nicole Fontaine, lors de la venue de celle-ci au Sénat le 22 mars
dernier, une lettre aux termes de laquelle elle demandait que soit proposée
l'extension de la « journée nationale des droits des enfants » à l'ensemble de
l'Europe. La France pourrait relancer cette idée.
S'agissant des jeunes, il existe un divorce très important entre les
institutions européennes et les jeunes. Il est temps de les écouter, de
considérer leurs aspirations, porteuses d'idées et de projets qui pourront
nourrir la construction européenne à l'avenir. Il serait également important de
prendre en compte de façon spécifique les demandes des jeunes défavorisés, en
affirmant une volonté politique de débloquer les moyens nécessaires pour
répondre à ces demandes.
Je voudrais ainsi évoquer un sujet qui me préoccupe tout particulièrement, la
prostitution et la traite des femmes, phénomène en pleine expansion aujourd'hui
en Europe, avec le développement des réseaux internationaux de proxénétisme.
Des milliers de filles venues des pays de l'Est sont chaque jour réduites en
esclavage, contraintes de vendre leur corps et privées de tout droit. Cela est
intolérable dans une Europe qui veut défendre les droits fondamentaux de la
personne. La France et l'Europe doivent proclamer leur volonté de lutter avec
beaucoup plus de moyens contre les proxénètes et les mafieux qui profitent de
ce commerce odieux.
Mme Hélène Luc.
Très bien !
M. Gérard Le Cam.
Doit être mise en place une véritable politique de prévention et de
réinsertion des prostituées, ainsi que de sensibilisation du public. Nous
demandons que la France s'oppose avec force à la tendance aujourd'hui sensible
au niveau européen de réglementer la prostitution et d'introduire la notion de
prostitution forcée, qui sous-entend qu'il existe une prostitution libre.
Comment parler de liberté lorsqu'il s'agit d'une véritable forme d'esclavage ?
La France a signé la convention de l'ONU de 1949, qui proclame que la «
prostitution (...) est incompatible avec la dignité et la valeur de la personne
humaine ». Elle doit affirmer sa conception abolitionniste qui refuse que la
prostitution soit considérée comme un métier et oeuvrer pour une société sans
prostitution. La délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des
chances entre les hommes et les femmes vient d'ailleurs de retenir cette
question comme thème de son premier rapport, et nous nous en félicitons.
Mme Hélène Luc.
Absolument !
M. Gérard Le Cam.
Dans le domaine du sport également, des propositions qui ont déjà été faites
sur le plan national par le ministère pourraient être reprises à l'échelon
européen. Cela serait d'autant plus nécessaire que l'Union européenne n'a
aucune compétence dans ce domaine. Il faudrait proposer des mesures concrètes
comme l'insertion d'un article sur le sport dans le traité de Rome, la
nomination d'un commissaire chargé spécifiquement de cette question et les
moyens de lutte contre les fléaux du sport que sont le dopage et la
corruption.
Enfin, je terminerai en évoquant les questions de sécurité et de coopération.
L'aspiration des citoyens à une Europe de paix et de tolérance est forte
aujourd'hui. C'est un enjeu essentiel de la construction européenne, à l'heure
de l'élargissement de l'Union européenne aux pays de l'Est et dans un contexte
géopolitique marqué par la guerre du Kosovo, les tensions dans les Balkans et
en Méditerranée. Mais de quelle paix parlons-nous ? Il est temps d'intégrer aux
réflexions stratégiques sur la paix les dimensions sociales, économiques,
écologiques, et de privilégier la diplomatie préventive et le dialogue
politique si l'on veut bâtir réellement un espace de paix à long terme.
Il faut reconsidérer le rôle de l'OTAN en Europe et sa pertinence, qui est de
plus en plus sûrement remise en cause, revaloriser le rôle de l'OSCE,
l'organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, qui doit être
rénovée en gardant ses principes de base adaptés aux enjeux de paix en Europe
aujourd'hui, à savoir la prévention et la gestion des conflits.
Il faut également reconsidérer les liens et les modes de coopération entre
l'Europe et les pays du Sud. Actuellement, dans le contexte de mondialisation
néolibérale et sous la pression de l'OMC, des acquis sont remis en cause, qu'il
s'agisse de la réforme des accords de Lomé ou des tentatives de remise en cause
des régimes préférentiels d'importation de bananes en provenance des
départements et territoires d'outre-mer et des états d'Afrique, des Caraïbes et
du Pacifique, les pays ACP. Il faut poser la question de l'annulation de la
dette, du montant de l'aide publique au développement et du Fonds européen de
développement, le FED. Dans cet esprit, l'OMC doit être modifiée en profondeur,
grâce à la substitution d'une logique de codéveloppement à celle de la loi du
plus fort, qui est privilégiée à l'heure actuelle et qui a des effets
désastreux pour les populations et sur l'environnement écologique mondial.
La politique de coopération euroméditerranéenne va être relancée et la France
va organiser, sous sa présidence, une conférence sur le sujet. C'est l'occasion
de proposer une réorientation de cette coopération, qui est demandée par la
grande majorité des pays partenaires. Nous pensons qu'il faut remettre en cause
les orientations imposées jusqu'alors aux pays de la rive sud concernant la
baisse des budgets sociaux, les privatisations de grandes entreprises, la mise
en concurrence, toutes mesures ayant des effets désastreux pour les
populations. C'est une urgence si l'on veut que la Méditerranée soit, à
l'avenir, un espace de paix et de solidarité, et non un espace de fractures et
de tensions.
En conclusion, je souhaite affirmer notre volonté de déployer tous nos efforts
pour avancer dans la construction d'une Europe de progrès social et de
développement humain. Nous sommes convaincus que les mouvements sociaux et
associatifs sauront faire pression afin que leurs exigences soient entendues.
Il est urgent - et le Gouvernement français est très attendu dans toute
l'Europe sur ce point - de relayer au maximum ces attentes si l'on veut
parvenir à mobiliser les citoyens et à construire ensemble l'Europe de demain.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. François-Poncet.
M. Jean François-Poncet.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la
responsabilité qui échoit à la France, dans le court laps de temps de sa
présidence de l'Union européenne, est particulièrement lourde. L'Europe est, en
effet, à un carrefour historique de son destin. Ce n'est pas la première fois,
mais jamais les enjeux n'ont été aussi grands.
L'Europe s'est engagée à accueillir une quinzaine de nouveaux membres. Revenir
sur une promesse aussi souvent répétée ou en reporter l'échéance aux calendes
grecques est impossible. Il est clair pourtant que ce nouvel élargissement, le
quatrième dans l'histoire de l'Union, pose à la fois par son ampleur et en
raison de l'hétérogénéité des pays candidats, des problèmes cruciaux. Le
premier, c'est la réforme des institutions, indispensable pour que l'Union
élargie reste capable de décider et d'agir. Le deuxième, c'est le passage à
l'union politique par la mise en place d'une diplomatie et d'une défense
commune ; le troisième, enfin, c'est le problème des frontières ultimes de
l'Europe : l'Union ne sera pas la même selon que, en définitive, la candidature
de la Turquie sera ou ne sera pas agréée.
Ces problèmes - chacun le sent - touchent, au-delà de leur contenu technique,
à l'essentiel, à l'identité même de l'Union et à son rôle dans le monde.
Personne ne pense que six mois suffiront à relever l'ensemble de ces défis.
Mais on compte que la France ne se bornera pas à faire adopter le minimum de
réformes qu'exige l'élargissement et à poser quelques jalons en direction d'une
défense et d'une politique étrangère communes. On compte sur nous pour éclairer
la route future de l'Union, pour dire avec clarté et force quelle Europe nous
souhaitons au-delà du proche avenir, quel rôle nous voulons lui voir jouer sur
la scène internationale et avec quels moyens, ce qui implique que nous levions
le voile sur les transferts de souveraineté auxquels, le moment venu, nous
pourrions consentir.
Pourquoi, mes chers collègues, se tourne-t-on vers la France ? Parce que c'est
elle qui a lancé le projet européen, parce que c'est elle qui a pris toutes les
initiatives auxquelles l'Union doit sa marche en avant, parce que c'est elle
qui, avec l'Allemagne, a entraîné l'Europe sur les chemins de son avenir.
Oui, on attend la France. Or c'est l'Allemagne qui vient de parler. C'est elle
qui, pour la première fois depuis la guerre, par la bouche autorisée de son
ministre des affaires étrangères, a ouvert le grand débat sur l'avenir de
l'Europe auquel l'opinion aspire.
Ne voyez dans mon propos aucune critique. Il était bon que, à ce stade de la
construction européenne et de l'histoire de l'Allemagne, ce soit elle qui
affiche ses options européennes. Elle l'a fait de façon retentissante. Il faut
lui en savoir gré, même si, en se prononçant pour une fédération, M. Joschka
Fischer a jeté un pavé dans la mare : un pavé propre à réveiller en France, à
droite comme à gauche, des querelles que nous nous efforçons de laisser
dormir...
Seulement voilà, la proposition de l'Allemagne est sur la table ; elle ne s'en
ira pas. Le chancelier Schroder l'a validée. Elle émane de notre principal
partenaire. De la réponse que nous lui apporterons dépendra non seulement
l'avenir de la construction européenne, mais aussi l'avenir de l'entente
franco-allemande et donc l'orientation future de toute la politique
allemande.
Je voudrais vous dire, messieurs les ministres - et ce sera l'essentiel de mon
propos - pourquoi je tiens la proposition de M. Fischer, même si elle dérange,
pour bienvenue.
Je suis entré au Quai d'Orsay en 1955, et j'ai eu le privilège, en qualité de
secrétaire général de la délégation française, de participer à la négociation
du traité de Rome. J'étais un acteur modeste, mais attentif.
Une question majeure planait sur nos débats, reprise sous forme d'objection
par les adversaires français de l'Europe. Cette question, cette objection,
tournait autour de l'Allemagne.
Le partenaire avec lequel nous traitions était l'Allemagne de l'Ouest, la
République de Bonn, une moitié d'Allemagne, menacée par l'URSS, sur laquelle
pesait l'opprobre de la guerre et de la Shoah ; une Allemagne qui avait besoin
de la double caution de la réconciliation avec la France et de l'intégration
européenne pour retrouver sa place sur la scène internationale.
Réunifiée, l'Allemagne aurait 82 millions d'habitants ; libérée des entraves
héritées de la défaite et de la guerre froide, installée au coeur de l'Europe,
ayant retrouvé à l'Est son aire d'influence traditionnelle, économiquement
dominante, alliée privilégiée des Etats-Unis, cette nouvelle Allemagne
accepterait-elle les contraintes de l'Union, une Union où les décisions se
prennent à la majorité et où l'Allemagne ne pèse pas plus lourd que la France,
la Grande-Bretagne ou l'Italie ? Ne serait-elle pas alors tentée de secouer la
tutelle de la communauté et de jouer seule en Europe au jeu du plus fort ?
Telles étaient les questions que nous nous posions.
Le traité de Maastricht - le premier accord européen signé par l'Allemagne
réunifiée et texte, de ce fait, authentiquement refondateur - aurait dû mettre
un terme à ces craintes. Non seulement l'Allemagne renouvelait ses voeux
européens, mais elle acceptait d'apporter à l'Union ce à quoi elle tenait le
plus : le deutsche Mark.
Les doutes, cependant, persistèrent. L'Allemagne qui confirmait ses
engagements européens était celle du chancelier Kohl. Les hommes qui la
gouvernaient avaient connu la guerre et appris les leçons de la défaite. Leur
capitale était à Bonn, sur le Rhin. Qu'adviendrait-il après eux ?
L'hostilité de la population allemande à l'égard de l'euro, les propos ambigus
tenus sur l'Europe par la relève social-démocrate, en particulier par le
candidat à la chancellerie, Gerhard Schröder, avaient de quoi inquiéter.
Voilà pourquoi les propositions de M. Fischer ont une si grande importance.
Elles émanent d'un homme né après la fin des hostilités, d'un homme dont la
famille politique ne s'est pas, à quelques exceptions près, signalée par un
irrésistible zèle européen. Quant au chancelier Schröder, qui appartient lui
aussi à la génération de l'après-guerre, ses affinités le portaient, lors de
son arrivée au pouvoir, vers la Grande-Bretagne et les Etats-Unis plus que vers
la France.
C'est donc bien l'Allemagne nouvelle qui réaffirme le double
credo
européen et franco-allemand d'Adenauer et de Kohl. La réponse qu'elle attend de
nous ne peut pas rester de simple courtoisie. Il ne suffira pas de déclarer
l'initiative de son ministre des affaires étrangères « légitime » « utile », ou
« digne d'examen ». Il faudra ouvrir avec elle sans tarder le dialogue décisif
sur l'avenir de l'Europe. C'est cela qu'elle attend de nous.
Ce dialogue peut-il progresser sur la base des propositions de Joschka Fischer
? Je le crois.
Je le crois, parce que les réformes que la présidence française va, je
l'espère, faire adopter - la limitation du nombre des commissaires, l'extension
du vote majoritaire, la repondération des votes en conseil des ministres et
l'assouplissement des dispositions régissant les coopérations renforcées - ne
suffiront pas à transformer l'Europe à trente en un acteur de plein exercice
sur la scène internationale.
Pourquoi ? Parce que les coopérations renforcées sur lesquelles nous fondons
de si grands espoirs et que nous souhaitons tous voir se développer entre les
Etats membres prêts à aller plus loin sur la voie de l'intégration, ne
coïncideront que rarement entre elles. On le voit bien dès aujourd'hui. Le
Danemark, la Finlande, l'Irlande et l'Autriche participent à la monnaie unique,
mais pas vraiment, ou pas du tout, à la défense. La Grande-Bretagne rejette
l'euro, mais apporte une contribution majeure à la défense.
De ce
patchwork
n'émergera le noyau dur dont l'Europe ne pourra se
passer que s'il est homogène, et il ne le sera que si la France et l'Allemagne,
dès l'abord, en décident ainsi et que si, ensemble, nous faisons naître, au
sein de l'Europe élargie, avec les Etats qui le veulent, une entité
authentiquement intégrée. C'est très précisément ce que propose M. Fischer.
Cette entité sera-t-elle fédérale ? Le terme plait à l'Allemagne parce qu'elle
a construit son unité sur le fédéralisme. Il hérisse de nombreux milieux en
France, laquelle s'est forgée par une démarche contraire. Doit-on, dans une
entreprise dont l'enjeu est le destin futur de l'Europe, se laisser arrêter par
des sensibilités de vocabulaire ? Personne ne le pense.
C'est pourquoi mon groupe est convaincu que le moment est venu de trancher le
vieux débat qui nous sépare de la Grande-Bretagne et qui nous rapproche de
l'Allemagne, le débat entre « l'Europe espace » et « l'Europe puissance ».
Après le prochain élargissement, monsieur le ministre, il sera trop tard.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et
des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Estier.
M. Claude Estier.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce débat
aura été l'occasion pour le Gouvernement de présenter au Sénat le programme de
la France durant la présidence de l'Union européenne qu'elle va exercer à
partir du 1er juillet prochain.
Je voudrais dire tout de suite - et cela n'étonnera personne - que le groupe
socialiste partage pleinement la conception exposée tout à l'heure par M. le
ministre des affaires étrangères et fondée sur trois grands axes : une Europe
de la croissance et du plein emploi, une Europe au service des citoyens, une
Europe plus efficace et plus forte. C'est bien sur l'état d'avancement sur ces
trois axes que sera jugée la présidence française à la fin de l'année 2000.
Que signifie présider l'Union européenne ? La construction européenne, nous le
savons bien, est un travail collectif qui doit se concevoir dans la continuité.
L'objectif d'une présidence n'est pas de repartir de zéro. Il s'agira, en
l'occurrence, de poursuivre les travaux engagés avec compétence par la
présidence portugaise en s'efforçant d'aller plus loin.
Certains ont reproché au Premier ministre d'avoir, pour cette présidence, une
ambition prudente. Mais cette présidence, rappelons-le, doit s'exercer en
accord étroit avec le Président de la République. Par ailleurs, présider
l'Union européenne, c'est aussi - vous l'avez d'ailleurs rappelé, monsieur le
ministre des affaires étrangères - tenir compte de nos partenaires, penser à
l'intérêt collectif de tous les Etats membres et de leurs citoyens, et donc
s'abstraire de la simple logique d'un pays membre ayant ses positions et ses
intérêts propres.
La responsabilité de l'exercice et de la réussite d'une présidence est donc
ainsi partagée. C'est celle de l'exécutif dans son ensemble, certes, mais aussi
celle de tous les partenaires européens qui est engagée, la présidence ayant
surtout le devoir de faire en sorte que se dégagent des positions communes en
préservant les intérêts de l'Union.
C'est pourquoi seules quelques priorités doivent être fixées, ce qui n'empêche
pas de lancer de nouveaux processus que les présidences suivantes auront en
charge de soutenir et de mener à bien.
On ne peut donc pas reprocher au programme de la présidence française d'être
modeste. Il est bien, au contraire, qu'il s'affiche avec modestie, ce qui ne
l'empêche pas d'être ambitieux.
Il s'agit d'abord de réussir ce qui a été engagé.
La priorité, cette année, est la réforme institutionnelle, dont la réalisation
est un préalable à tout nouvel élargissement de l'Union.
Engagée en février dans le cadre d'une nouvelle conférence
intergouvernementale, cette réforme est fondamentale - chacun l'a dit ici -
pour l'avenir des institutions européennes, pour rendre possible un
élargissement viable, et, en fin de compte, pour l'avenir de l'Union en tant
que telle.
Il est évident que la réussite des trois réformes fondamentales que sont la
fixation du nombre de commissaires, la repondération des voix au Conseil et
l'extension de la majorité qualifiée constitue en soi un enjeu capital, car il
s'agit de donner à l'Europe les capacités d'avancer, de poursuivre et
d'entreprendre des politiques efficaces et cohérentes qui puissent répondre
plus étroitement aux attentes de ses citoyens.
S'agissant de la réforme de la Commission européenne, la logique et le bon
sens voudraient que l'on aboutisse à une Commission plus restreinte, dont le
nombre de commissaires serait donc dissocié du nombre d'Etats membres. Mais ce
n'est pas là la moindre des difficultés à résoudre ! J'étais hier à Lisbonne
avec le président Haenel et notre collègue M. Fauchon, à la réunion de la
COSAC, qui rassemble des parlementaires des parlements nationaux de l'Union
européenne, et nous avons pu constater l'insistance non seulement des pays
membres, mais aussi de tous les pays candidats à être représentés chacun par un
commissaire, ce qui ne manquerait pas de poser de sérieux problèmes quand on en
arrivera à vingt-sept ou trente membres.
S'agissant du fonctionnement du Conseil, il est bien de réduire le nombre de
ses formations, mais il nous semble aujourd'hui indispensable de redonner au
Conseil général la fonction de coordination de l'ensemble des travaux
communautaires.
Concernant la repondération des voix au Conseil, elle doit refléter le poids
des différents Etats membres et préfigurer la future pondération qui prévaudra
lors des élargissements successifs.
S'agissant de la question essentielle de l'extension de la majorité qualifiée,
nous estimons que celle-ci doit devenir la règle des décisions prises au
Conseil.
Je ferai ici référence à deux domaines qui nous tiennent particulièrement à
coeur.
Dans le domaine social, nous souhaitons que la majorité s'applique à la
protection sociale pour toutes les mesures qui permettent une coordination des
dispositions nationales en matière de sécurité sociale ainsi que des
prescriptions minimales pour les travailleurs migrants et les étudiants, qu'ils
soient citoyens communautaires ou ressortissants de pays tiers en situation
régulière.
Nous sommes aussi favorables à l'extension de la majorité qualifiée au domaine
de la fiscalité. Il est souhaitable que la présidence française puisse y
contribuer. L'extension de la majorité qualifiée permettrait, dans ce domaine,
d'éviter la paralysie à laquelle on assiste aujourd'hui.
La réalisation de l'Union économique et monétaire rend nécessaire aujourd'hui
une plus grande coordination des politiques fiscales et une harmonisation de
certaines d'entre elles, afin d'assurer pleinement le respect des libertés
indispensables au fonctionnement du marché intérieur et, surtout, de lutter
contre toute concurrence fiscale dommageable à l'emploi.
En particulier, il est indispensable d'étendre la majorité qualifiée aux
mesures visant la baisse des charges sur les salaires ainsi qu'aux mesures
visant à l'instauration, au niveau européen, d'une écotaxe pour mieux protéger
l'environnement, notamment pour lutter contre l'effet de serre, préoccupation
qui a déjà trouvé une première traduction en France avec la création de la
TGAP, la taxe générale sur les activités polluantes.
La présidence française aura donc, entre autres, la tâche ardue de surmonter
ce qui fait l'une des difficultés des négociations actuelles : le lien étroit,
l'interdépendance, même, de ces trois réformes fondamentales. On peut en effet
penser que, si un Etat membre obtenait satisfaction quant à son poids au
Conseil, il accepterait plus facilement de réduire sa représentation à la
Commission et serait plus disposé à accepter l'extension de la majorité
qualifiée.
Les dysfonctionnements constatés dans les institutions européennes démontrent,
a contrario,
les avantages qui résulteraient d'un développement de la
procédure de coopération renforcée créée par le traité d'Amsterdam. Mais il
faut s'attacher en premier lieu à en améliorer la procédure, grâce à la
possibilité pour un plus petit nombre d'Etats membres d'y avoir recours et à la
suppression de la possibilité pour un Etat de s'opposer à la mise en place
d'une coopération renforcée. Il est, en effet, légitime aujourd'hui de prôner
le droit d'avancer.
Monsieur le ministre délégué aux affaires européennes, vous avez défini de
manière très claire, il y a quelques jours, le véritable objectif d'un
assouplissement du mécanisme de coopération renforcée : nous devons, avez-vous
dit, disposer dorénavant d'un instrument « permettant à une avant-garde de
progresser dans l'intégration, d'ouvrir le chemin, en laissant aux autres
membres la possibilité de les rejoindre ».
Il faut bien voir que la présidence portugaise a fait de la coopération
renforcée un sujet central qui vient, en outre, d'être relancé d'une certaine
manière par les propositions qui ont été évoquées à plusieurs reprises dans ce
débat par le ministre allemand des affaires étrangères, Joschka Fischer,
rejoignant dans une certaine mesure les thèses de Jacques Delors et celles que
vient d'exprimer - je l'ai lu ce soir dans
Le Monde
- le Premier
ministre luxembourgeois.
Il suffit de voir comment un groupe limité, puis plus large, d'Etats membres a
pu se concerter, élaborer et engager la mise en place d'une Europe de la
défense. Certes, ce processus s'est développé en dehors du cadre strict de
l'Union européenne, mais cet exemple, comme le dira tout à l'heure notre
collègue Bertrand Auban, montre combien le lancement d'une initiative à
quelques-uns peut servir l'intégration européenne, renforcer la crédibilité de
l'Union sur la scène internationale et contribuer à donner une plus grande
consistance à l'Europe politique. D'ailleurs, avant même que cette notion soit
inscrite dans le traité d'Amsterdam, les accords de Schengen et la
participation de onze pays au lancement de l'euro étaient bien aussi des
exemples de coopération renforcée.
Il faudra cependant veiller à ne pas faire de cette forme d'intégration un
instrument de dislocation entre les pays les plus allants et les pays qui
souhaitent progresser plus lentement, et donc à ne pas multiplier les
sous-ensembles au sein de l'Union.
J'en viens maintenant à ce que doit être le rôle propre de la France durant
cette présidence, dans la ligne de celui qu'elle a souvent joué pour faire
progresser l'Europe vers une plus grande intégration.
Si nous devons avoir une ambition, elle doit être au service des citoyens de
l'Union.
Nous ne devons pas renier le pragmatisme, qui est intrinsèque à l'exercice
d'une présidence. Il s'agit de répondre aux besoins et aux préoccupations des
citoyens et d'assurer leur sécurité à court terme.
C'est la raison pour laquelle des dispositions législatives pour la création
d'une autorité européenne alimentaire, pour améliorer la sécurité des
transports maritimes, pour le renforcement d'une politique européenne contre le
dopage, pour la traduction du protocole de Kyoto sur l'effet de serre, mais
aussi toute autre mesure pour la préparation de l'introduction de l'euro, nous
paraissent légitimes et nécessaires.
L'Europe, ne l'oublions pas, se construit aussi au jour le jour, et pas
seulement par le lancement de grands projets. C'est aussi l'un des moyens de
répondre à la question que nous posent les citoyens européens : que fait
l'Europe pour nous ?
Réussir une présidence de l'Union, c'est aussi démontrer sa capacité à
traduire dans les faits l'évolution de la construction européenne et de ses
politiques.
La présidence française devra tout mettre en oeuvre pour poursuivre et réussir
l'ambition contenue dans l'élaboration de la Charte des droits fondamentaux
dont le principe a été retenu à Cologne, les modalités définies sous présidence
finlandaise et le processus engagé sous présidence portugaise.
L'Europe a le devoir de mieux protéger ses citoyens, elle a besoin de leur
adhésion et de leur soutien.
Il est nécessaire de pouvoir se référer à un texte de principes et de droits
qui soit à l'image de l'identité de l'Union européenne et qui lui permette de
se renforcer en rassemblant les valeurs communes aux citoyens européens.
On peut d'ailleurs noter qu'une bonne partie des propositions françaises en
matière sociale visent à traduire en dispositions législatives, par
anticipation en quelque sorte, les droits que nous voulons tout
particulièrement voir figurer dans cette charte, qui doit être un révélateur de
la volonté des Etats de construire une union politique.
Sur un autre plan, la présidence française aura pour tâche de développer
l'espace européen de liberté, de sécurité et de justice, avec, si possible, des
premières mesures concrètes.
Il convient que soit résolument engagée la transition vers la
communautarisation complète des domaines liés à la libre circulation des
personnes. Le Gouvernement français a raison de vouloir mettre en place une
véritable politique d'immigration et d'asile, notamment à travers l'adoption
d'une procédure et d'un statut communs en matière d'asile.
De même, nous approuvons toute initiative visant à engager une simplification
des procédures et à instaurer une meilleure coopération des juridictions. Il
faut saluer, dans ce sens, la détermination de Mme la ministre de la justice à
mettre à l'ordre du jour de la présidence française la reconnaissance mutuelle
des décisions de justice, en particulier en ce qui concerne la reconnaissance
et l'exécution des décisions matrimoniales.
S'agissant du renforcement de l'espace judiciaire européen, nous encourageons
vivement le Gouvernement à engager dès ce semestre la mise en place d'Eurojust,
dont la création est essentielle au renforcement de la coopération judiciaire
en matière pénale.
Il est urgent d'avancer concrètement dans la lutte contre la criminalité
organisée, en définissant une stratégie européenne de lutte contre le
blanchiment d'argent, en particulier en travaillant à la levée du secret
bancaire.
Enfin, la présidence se doit d'avoir un rôle d'impulsion : continuité,
pragmatisme et efficacité, donc, mais en ayant toujours pour l'Europe une
ambition.
La croissance et l'emploi ont été, depuis trois ans, au centre des
préoccupations du Gouvernement français pour l'Europe.
Le processus engagé depuis novembre 1997 a été central, avec le lancement de
l'euro - qu'il s'agit bien, aujourd'hui de renforcer - dans la nouvelle
impulsion qui a été donnée à l'Europe et a contribué à une plus grande cohésion
entre les Etats membres.
Ceux-ci ont compris qu'il existe une reponsabilité collective dans la
recherche et la poursuite de la croissance et dans la promotion de l'emploi,
mais il s'agit aujourd'hui d'aller au-delà d'une prise de conscience.
Au lendemain du sommet de Lisbonne, il est apparu que l'un des axes du travail
de l'Union européenne pour ces prochaines années doit être la mise en oeuvre
concrète d'une interdépendance entre modernisation économique et progrès
social, qui devra inspirer toute politique destinée au développement et au
renforcement de la compétitivité économique de l'Europe.
Ces politiques, tant nationales qu'européennes, devront démontrer que la
modernisation des systèmes sociaux ne peut se faire au détriment de l'emploi et
du droit au travail ni remettre en cause les acquis sociaux, mais doit combiner
cohésion sociale et compétitivité économique.
Il est clair que la mise en place d'un véritable gouvernement économique
serait justifiée pour assurer la coordination de la stratégie économique et
sociale qui sera désormais systématiquement examinée et ajustée lors d'un
sommet qui en déterminera, chaque année au printemps, les priorités.
La présidence française devra, enfin, favoriser la mise au point d'un agenda
social européen qui précise clairement ce qui constitue et qui constituera dans
les années à venir le modèle social européen, en abordant de nouveaux sujets
comme le droit au travail, l'accès à la protection sociale ou la conciliation
entre vie familiale et professionnelle.
Pour résumer notre sentiment, je dirai que la réforme institutionnelle et la
perspective de l'élargissement ne peuvent que nous inciter à engager une
véritable réflexion à long terme sur les moyens de développer une Union plus
politique et sur le sens et les objectifs à lui assigner. En effet, cette
réforme institutionnelle en cours sera elle-même insuffisante pour affronter
tous les enjeux d'une Union élargie un jour à trente membres.
A cet égard, la récente contribution du ministre allemand des affaires
étrangères, M. Joschka Fischer, a précisément le mérite de se placer dans une
perspective de long terme en présentant la constitution d'une fédération
européenne comme le moyen de concilier une plus grande intégration, une Union
élargie à trente membres, et un fonctionnement efficace grâce à une répartition
plus claire des pouvoirs et des compétences entre cette Union et les
Etats-nations.
La France et l'Allemagne, à l'issue de la récente rencontre de Rambouillet,
ont souligné qu'il fallait bien distinguer les deux exercices, celui de la
conférence intergouvernementale et celui de la réflexion sur la finalité de
l'intégration européenne, et prendre conscience que l'un peut non seulement
bénéficier à l'autre, mais aussi le conditionner. Dans ce cadre, les
coopérations renforcées doivent, en effet, constituer la première étape vers
une intégration européenne plus poussée.
Si, avec l'impulsion française, les Etats membres parvenaient à un bon accord
sur les trois questions fondamentales, à une amélioration sensible de la
procédure de coopération renforcée offrant à l'Union toutes les capacités
d'évoluer et de se consolider, mais aussi à l'adoption d'une charte européenne
des droits fondamentaux novatrice, cela constituerait déjà un bilan
considérable. Ce serait, comme vous l'avez dit, monsieur le ministre des
affaires étrangères, « un vrai résultat ».
Je ne doute pas, pour ma part, de la volonté politique du Gouvernement pour
redonner à l'Europe son efficacité, son élan et ses capacités de développement
et d'approfondissement, bref, pour lui permettre d'affirmer son identité,
d'avoir à nouveau les moyens de ses ambitions et de répondre pleinement aux
espoirs placés par ses pères et, aujourd'hui, par ses concitoyens.
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Fauchon.
M. Pierre Fauchon.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'Europe
ne va pas dans le mur, elle va dans le marécage.
Elle est déjà passablement embourbée. Dans un marécage élargi - si élargi
qu'il puisse être - elle le sera encore davantage.
Tout le monde le sait, beaucoup le disent, mais cela n'empêche pas que la
conjugaison du souverainisme plus ou moins affiché et de l'irréductible
conservatisme de toute technostructure nationale a fini par tordre le cou non
seulement aux procédures communautaires, mais à leur esprit même, c'est-à-dire
à la grande ambition qui les a animées jusqu'au départ de Jacques Delors.
La Commission vit sous la double menace du Parlement un jour et du Conseil un
autre jour qui, tantôt l'un tantôt l'autre s'inquiètent benoîtement de sa
paralysie.
Je ne crois pas être d'un naturel alarmiste, et vous savez, monsieur le
ministre des affaires européennes que, dans les affaires de si grande portée
dont vous avez la charge avec M. le ministre des affaires étrangères, je
m'efforce de conserver la sérénité d'une réflexion pragmatique plus soucieuse
d'enregistrer les progrès, même très modestes, que de dénoncer les
insuffisances.
Cependant, cette année marque - tout le monde s'accorde à le reconnaître - un
moment décisif dans le devenir des Européens du fait qu'un certain nombre de
questions jusqu'ici non résolues ne peuvent plus être éludées, du moins éludées
discrètement, élégamment, dirai-je, sous le couvert toujours généreux mais de
moins en moins crédible du verbiage international.
Il est bon qu'il en soit ainsi, car les réalités que ces questions commandent,
elles, n'attendront pas indéfiniment, qu'il s'agisse de l'élargissement, de la
position de l'Union dans la monde - je pense à la monnaie, à la culture - ou
des problèmes internes à l'Union - je pense au modèle social, dont on a parlé,
à l'espace judiciaire, dont on a parlé aussi, à l'environnement, pour ne citer
que ces exemples.
Tous problèmes à l'égard desquels il faut arriver à savoir si les Européens
ont réellement la volonté de les résoudre ensemble, volonté dont l'expression
ne doit pas être seulement verbale, mais se traduire par une démarche nouvelle
à la fois plus démocratique et plus opérationnelle.
La présidence française coïncidant avec ce grand moment, il est clair pour
tous que nos responsabilités, et d'abord celle du Gouvernement, s'en trouvent
décuplées. C'est ce qui m'oblige à sortir du langage conventionnel pour vous
interpeller, au sens fort et traditionnel du terme, et vous dire, monsieur le
ministre : qu'allez-vous faire de l'Europe ? Qu'allez-vous faire de la France
dans l'Europe ?
J'entends immédiatement la plus naturelle et apparemment la plus justifiée des
réponses : nous ne sommes pas seuls, nous voulons bien faire franchir à l'Union
européenne une étape décisive, mais il faut encore que les autres le veuillent
aussi.
L'histoire, monsieur le ministre, l'histoire qui vous pose cette question, ne
se contentera pas de cette réponse, avec le temps, et nous non plus, dans
l'immédiat.
Sans doute, la France, en six mois, ne peut pas tout faire. Mais elle peut, à
coup sûr, enrayer le processus de Parkinson dont souffre l'Europe. Elle peut,
elle doit suggérer des solutions, et ce n'est pas le plus difficile, car les
recettes abondent ; elle peut, elle doit, et c'est peut-être sa plus grande
responsabilité, ne pas éluder une crise majeure s'il apparaît qu'une crise
majeure est nécessaire pour que les Européens en arrivent à dire ce qu'ils
veulent ensemble, tous ensemble si possible et, à défaut, certains d'entre eux,
que l'absence d'unanimité ne saurait paralyser face à de tels enjeux.
Si je tente de résumer la situation, je dirai qu'elle m'apparaît sous la forme
d'un choix entre deux voies, et je reprendrai d'ailleurs le plan de votre
propre intervention, dans un ordre cependant différent, monsieur le
ministre.
La première voie prolonge le cheminement du traité de Rome, complété par le
traité de Maastricht mais aussi faussé par lui, par cette fâcheuse division en
trois piliers qui livre le second et le troisième aux jeux délicieux mais le
plus souvent stériles des procédures intergouvernementales.
Dans cette voie, celle où nous sommes, il faut commencer par résoudre les
fameuses trois questions. Sans doute y parviendra-t-on vaille que vaille,
c'est-à-dire en ne satisfaisant vraiment personne et en ne surmontant qu'en
apparence les embarras actuels, en attendant les joies de l'élargissement.
Les plus résolus - tout le monde en a parlé - se tournent déjà vers les
coopérations renforcées, dont on voit de plus en plus que, même déverrouillées
- je souhaite que vous parveniez à les déverrouiller - elles auront bien peu de
chances de déboucher sur une vraie mise en ordre de marche commune des
Etats.
Ceux-ci voudront-ils abdiquer leurs ambitions séculaires en faveur d'un
système pluriel inévitablement compliqué, confronté à des obstacles sans cesse
renaissants et véritablement privé aussi de soutien populaire ? La réponse est
pour le moins douteuse. M. Jean François-Poncet parlait tout à l'heure, dans sa
remarquable intervention, de « patchwork ».
Au demeurant, il faudrait, pour entrer dans cette voie, faire preuve d'une
telle convergence, d'une telle constance, d'un tel dépassement qu'il est permis
de se demander si ces vertus ne trouveraient pas un meilleur emploi dans
l'option immédiate pour l'autre voie.
Cette autre voie procède du constat selon lequel le traité de Rome a porté
tous les fruits qu'on en pouvait attendre et qu'après avoir rendu d'immenses
services il a cessé de correspondre aux données actuelles de la problématique
européenne, que ces données appellent la plus simple, la plus logique et la
plus forte des coopérations renforcées, celle qui résultera d'une vraie
constitution de l'Europe, constitution qui ne peut, bien évidemment, qu'être de
type fédéral, ou plus exactement, au sens où j'entends les termes, du type
confédéral. Ce serait cela, monsieur le ministre, un « vrai résultat », pour
reprendre votre formule de tout à l'heure.
C'est, aujourd'hui, la proposition de Joschka Fischer. C'était, il y a un an,
l'intuition de François Bayrou. C'est l'idée de beaucoup d'autres.
Les timorés parleront d'utopie, alors qu'il s'agit de la solution la plus
réaliste. Les souverainistes parleront d'abandon, alors qu'il s'agit du seul
moyen de sauver la civilisation européenne dans le raz-de-marée de la
mondialisation.
Ce que les Helvètes ont fait au Moyen Age, ce que les Etats insurgés
d'Amérique sont parvenus à faire à la fin du XVIIIe siècle, les Etats européens
sont-ils incapables de le faire ? Peut-être, mais peut-être pas !
Si j'appartenais à votre famille politique, monsieur le ministre, je penserais
que la concordance de gouvernements d'inspirations socialistes offre à ce
courant de pensée une occasion historique d'une immense portée, dans le
droit-fil des prémonitions d'un Jaurès, d'un Victor Hugo, d'un Proudhon, et je
croirais n'avoir rien de mieux à faire. J'oserais même vous dire que vous
n'avez pas le droit d'échouer. Comme je n'en suis pas, je me bornerai à dire
que, si notre pays, un demi-siècle après la déclaration de Robert Schuman,
s'engageait résolument dans cette voie, il y retrouverait ce sens de
l'universel, ce sens de la grandeur, ce sens de la rationalité qui est le
meilleur du génie national, et cela répondrait bien à l'idée que nous aimons
nous faire de la France.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR, ainsi que
sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Autexier.
M. Jean-Yves Autexier.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, on peut
s'étonner de voir, à la veille de la présidence française, proposer de vastes
perspectives sans que pour autant les difficultés immédiates soient surmontées
: vous avez raison, monsieur le ministre, de rappeler qu'avant de chevaucher de
grands desseins il faut résoudre les problèmes que, durant six mois, l'Union
sous présidence française devra affronter.
Peut-être faut-il y voir un nouvel avatar d'une sorte de masochisme européen.
Il s'agit, avec nombre de thèses développées dans le sillage du discours de M.
Fischer, d'assigner de nouveau un horizon fédéral à l'Europe, certes avec des
nuances, certes avec une prise en compte des réalités françaises ou
britanniques qui marquent un net progrès par rapport au mémorandum Schaüble
Lamers de 1994.
Etrange masochisme, à mes yeux, que de proposer une fédération dont chacun
sait, en son for intérieur, qu'elle n'est guère possible. Surprenante méthode
que d'afficher un objectif hors de portée pour aussitôt se lamenter de ne
pouvoir l'atteindre !
C'est que, entre la France et l'Allemagne, il n'y a pas de symétrie face à ce
projet fédéral. L'Allemagne est née comme une vaste confédération regroupant
Etats, principautés, villes et cités, systèmes de droits différents ; elle est
aujourd'hui fédérale. La France, dont Fernand Braudel rappelle « qu'elle se
nomme diversité », a trouvé dans une unité politique la seule manière de tenir
ensemble des populations, des cultures, des langues régionales différentes. Ce
ne sont pas seulement des sensibilités de vocabulaire. Devant un projet
fédéral, l'Allemagne se rassemble, la France s'éparpille.
Mais le discours prononcé par M. Fischer mérite beaucoup d'intérêt. D'abord,
parce qu'il prend congé des vieilles méthodes, qui voulaient construire
l'Europe en biaisant, en prenant de vitesse les peuples et les parlements, en
créant le fait accompli. Cette Europe-là, je le crois, est derrière nous. Rien
ne pourra éclipser le dialogue, l'échange politique de fond, et, au premier
chef, l'accord politique franco-allemand. Il faut donc poursuivre le dialogue
de fond, non par une fuite en avant dans les procédures, mais par une vraie
compréhension du sens même de l'Europe.
Comment voyons-nous notre avenir ? Comme une succursale, comme une banlieue de
l'Amérique ou, au contraire, comme une Europe européenne, pôle distinct dans un
monde devenant multipolaire, capable d'établir avec son environnement,
c'est-à-dire avec la Russie comme avec le Maghreb, des rapports de
solidarité.
C'est ce projet qu'il faut forger, un projet « civilisationnel », un destin
plutôt que des procédures.
On nous répète à satiété que l'Europe n'a plus de grand projet à proposer à
ses jeunes. Mais elle pourrait en avoir !
L'Europe élargie, c'est l'Europe réconciliée. L'Europe ouverte à l'Est et au
Sud dessinerait un projet solidaire, non plus une citadelle de nantis ou de
repus, mais une ardente obligation de solidarité, un dialogue des peuples et
des cultures qui offriraient un horizon.
Au lieu de cela, qu'observe-t-on ? On nous parle d'élargissement, mais tout de
suite pour nous opposer le noyau dur ! On nous parle de l'Europe réconciliée
retrouvant Varsovie, Prague et Budapest, mais pour nous dire aussitôt : «
avant-garde », sans rien expliquer de la manière dont on fera coexister deux
Europe en une, un noyau fédéral et des invités de raccroc. La date d'adhésion
est toujours reportée : 2002, 2007, 2009 ! Alors, de grâce, ne remplaçons pas
le mur de Berlin par le mur de l'euro !
Une certaine Europe, telle qu'elle est née dans la guerre froide, est derrière
nous. Le fédéralisme dans une Europe à trente n'a pas de sens, à mes yeux :
c'est une réponse procédurale, ce n'est pas une réponse politique. M. Fischer
l'indique lui-même : « Les Etats-nations sont des réalités indispensables ; et
plus la mondialisation et l'européanisation créent des structures éloignées des
citoyens, plus les êtres humains s'accrocheront à ce que leur apportent les
Etats-nations. » M. Fischer a écrit un livre très intéressant qui s'appelle
Le Risque Allemagne.
Invitons-le à méditer sur « le risque fédération », qui ne sert qu'à
effaroucher les peuples qui ne veulent pas du modèle fédéral et à cultiver,
encore une fois, le masochisme de ceux qui s'assignent des objectifs
inatteignables en s'autoflagellant ensuite parce qu'ils ne peuvent les
atteindre.
L'issue est dans un sain pragmatisme inspiré de nos histoires respectives. Il
nous faut concilier à la fois l'élargissement, la simplification
institutionnelle et le respect des Etats.
Les coopérations intergouvernementales renforcées sont à la croisée de ces
objectifs. Nées en 1996, elles sont encore « corsetées » dans un ensemble de
conditions trop strictes.
Il faut les assouplir : ramener à cinq le nombre minimal d'Etats désireux de
coopérer, pouvoir y associer des Etats candidats à l'adhésion, voire des Etats
associés. Ces coopérations relevant d'une logique intergouvernementale
rendraient aussi aux gouvernement et aux parlements un rôle utile.
Ni le mode de fonctionnement ni le blocage actuel ne donnent en effet à la
Commisison les clés de l'avenir européen. Il est temps de mettre un frein au
développement sans limite de cette nébuleuse hors sol, tout entière accaparée
par l'accessoire, incapable de proposer pour l'essentiel. Avec l'élargissement,
ce n'est plus l'intégration, ce sont les coopérations qui refonderont
l'Europe.
Les coopérations renforcées, à condition qu'elles ne soient pas détournées
pour inventer une avant-garde, peuvent ramener la construction européenne sur
ses bases. C'est une chance à saisir. Elles replacent les projets au coeur de
l'Europe - les projets, les politiques communes - dans une Europe qui ne
connaît plus, aujourd'hui, que la police de la concurrence.
Naturellement, les coopérations renforcées supposent qu'entre la France et
l'Allemagne on ait fait le clair. Formons le voeu que s'engage au plus tôt le
débat intellectuel de fond entre la France et l'Allemagne. Le compagnonnage
historique nécessaire entre nos deux pays se fondera non pas sur des procédures
mais sur la compréhension de nos cultures, de nos histoires. L'Europe n'a pas
droit aux raccourcis.
Monsieur le ministre, vous l'avez dit, les perspectives à long terme se sont
invitées aux conseils des six mois à venir, comme pour reprocher à la France, à
la veille de sa présidence, un décalage entre les besognes d'une présidence
difficile et l'éther des grandes chimères. Ces grandes chimères n'aboutiront
qu'à faire du mal à ceux qui les chevauchent !
Reste que ces vues, à mes yeux inadaptées, veulent répondre à des problèmes
réels. Une Europe européenne, respectueuse des Etats nations, axée sur les
coopérations renforcées, ce que j'appellerai une communauté d'Etats nations, ce
que vous-même, comme le Premier ministre, nommez Union d'Etats nations,
constituera, à mes yeux, la relève de méthodes qui, aujourd'hui, ont trouvé
leurs limites
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'Europe
s'est construite non pas progressivement mais par étapes, par coopérations
renforcées, avec parfois des élans, et il y a maintenant trop longtemps - je
dirai autrefois hélas ! - avec un enthousiasme qui alimentait sa
progression.
Aujourd'hui, il existe un sentiment de résignation à l'égard de l'Europe,
comme si l'Union était un pis-aller ; en tout cas, elle est ressentie par nos
concitoyens comme peu enthousiasmante.
La présidence française du Conseil de l'Union européenne devra, avant tout,
avoir pour objectif de redonner aux citoyens le goût de l'Europe.
Bien sûr, elle aura pour première priorité de réussir la conférence
intergouvernementale pour réformer les institutions communautaires,
préalablement à tout élargissement. C'est indispensable, car vital : seule une
réforme réussie à quinze permettra de pérenniser l'acquis communautaire et de
se montrer à la foix exigeants - l'entrée dans l'Union se mérite - et ouverts à
l'égard des pays condidats.
L'objet de ce débat, au-delà de la conférence intergouvernementale qui est
essentielle, est non pas de proposer une vision de l'Europe mais de choisir
l'empreinte que la France laissera en décembre à l'issue du Conseil européen de
Nice.
Je choisirai quatre thèmes : éviter les effets d'annonce à usage politique
interne, travailler à l'harmonisation de la fiscalité, veiller à une meilleure
coopération judiciaire et, enfin, défendre les atouts économiques français dans
l'intérêt de l'Union.
Le Gouvernement a le devoir de ne pas céder aux effets d'annonce, par exemple
sur les services publics ou sur l'emploi.
Lorsque certains prétendent préserver les services publics dits « à la
française », ils savent que les promesses ne pourront être tenues. En revanche,
il serait plus judicieux d'agir à Bruxelles sur les procédures de
déréglementation et de privatisation, de manière à maintenir un droit de tous
les citoyens à bénéficier des mêmes services de proximité.
« L'Europe, c'est l'emploi » dit-on aussi aux citoyens. C'est certainement
vrai à moyen terme, mais nos concitoyens perçoivent avant tout que les fusions
autorisées par la Commission conduisent à des compressions de personnel. Ne
leur cachons pas les difficultés et incitons les entreprises à embaucher en
allégeant leurs charges fiscales et administratives.
Vous faites de l'harmonisation fiscale une des priorités de la présidence
française. Avec plus de 45,5 %, notre pays affiche un taux de prélèvements
obligatoires qui se situe parmi les plus élevés de l'Union. Je n'imagine pas
que vous pensiez convaincre nos partenaires d'augmenter leurs impôts. J'espère
plutôt que, de manière plus réaliste, vous baisserez les nôtres. Lesquels,
monsieur le ministre ? Il s'agit aussi de veiller à une meilleure coopération
judiciaire au sein de l'Union. La question se pose de manière plus aiguë pour
la Grande-Bretagne, l'Irlande et le Danemark qui n'ont pas encore intégré
Schengen. Mais les avancées de ces pays depuis un mois sont très positives.
Le problème est d'actualité en matière pénale : l'affaire Rezala a mis en
lumière les risques de déni de justice. Le droit pénal touche au coeur de la
souveraineté des Etats et reste du domaine intergouvernemental. Mais le citoyen
comprendrait-il qu'un criminel puisse trouver refuge dans un pays de l'Union
après avoir commis un délit dans un autre Etat membre ? L'extradition devrait
être automatique entre les pays de l'Union. C'est une affaire de volonté
politique qui contribuerait à réconcilier les citoyens avec l'Europe.
Monsieur le ministre, vous engagez-vous à ce que la France propose à ses
partenaires de travailler à la mise en place de l'extradition automatique ?
Enfin, la France a tout intérêt à défendre certains de ses propres atouts
économiques pour le plus grand bénéfice de l'Union. L'exemple de l'énergie
nucléaire est particulièrement évident : avec 78 % d'électricité d'origine
nucléaire, la France a ainsi accédé à une quasi-indépendance énergétique. Elle
a aussi acquis un savoir-faire dans la production et dans la sécurité qui la
place au premier rang dans le monde, ce qui lui est reconnu dans l'Union.
Mais l'Europe est aujourd'hui à un carrefour où règne la confusion :
l'Allemagne renonce au nucléaire puis repousse les conséquences de sa décision,
huit Etats membres possèdent des centrales, d'autres sont farouchement
antinucléaires, certains, comme la Finlande, entendent le développer.
Pourtant, afin de respecter le protocole de Kyoto, qui contraint à réduire les
émissions de CO2, l'Union doit choisir entre l'effet de serre et le
nucléaire.
Monsieur le ministre, allez-vous défendre cet atout français et tenter de
convaincre nos partenaires de l'importance de l'indépendance énergétique qu'il
apportera à l'Europe, de la place de tout premier plan qu'il lui donne, face à
des pays comme la Chine, l'Inde ou autres géants d'Asie, qui seront dans
l'obligation de privilégier le nucléaire, car c'est la seule alternative à
l'effet de serre, contre lequel ils ont pris des engagements ?
Lorsque M. le Premier ministre déclare que la présidence française doit être
modeste pour atteindre des résultats, c'est sage, mais cette sagesse ne
risque-t-elle pas d'être interprétée comme le signe d'une résignation qui, en
définitive, contribuera à l'inertie de la construction européenne ?
Lorsque Robert Schuman, voilà cinquante ans, a entrepris cette oeuvre
considérable alors que les blessures de la guerre n'étaient pas encore
cicatrisées, il n'a pas manqué d'ambition. Lorsque le chancelier Schmidt et le
président Giscard d'Estaing ont lancé le chantier d'une monnaie commune, ils
n'ont pas manqué d'ambition non plus. S'ils avaient fait preuve de modestie,
rien n'aurait été réalisé.
Que vous soyez modeste, monsieur le ministre, c'est sage, mais cette Europe
assoupie n'a-t-elle pas besoin de souffle ? Je pense que nos concitoyens, pour
croire à l'Europe, ont besoin d'enthousiasme. Des membres éminents des
générations précédentes en ont fait preuve. Il serait sage aussi de ne pas
l'oublier.
(Applaudissements sur les travées du RDSE ainsi que sur celles de
l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Auban.
M. Bertrand Auban.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, début
juillet 2000 débute la prochaine présidence française de l'Union européenne, la
dernière du siècle ; c'est une date historique.
Elle est en effet historique à plusieurs égards : d'abord, parce que cette
présidence doit laisser l'Union européenne en état de marche pour affronter les
défis du xxie siècle. Ensuite, parce que la présidence française doit
s'attaquer à des dossiers lourds qui modèleront le visage de l'Union européenne
d'une manière durable comme la réforme institutionnelle, l'agenda social et la
défense européenne pour ne citer que ceux-là.
Mon collègue et ami Claude Estier ayant déjà évoqué les questions
institutionnelles, je souhaite, pour ma part, m'attarder sur l'Europe de la
défense.
Le Gouvernement l'a rappelé, et vous-même, monsieur le ministre, venez de nous
le répéter : la défense figure parmi les priorités sur lesquelles les Quinze
auront à se prononcer.
Ce dossier, si longtemps en sommeil, constituera l'un des moments forts de la
présidence française. Je souhaite souligner que, s'il en est ainsi, c'est en
grande partie grâce à la volonté et au travail des ministres du Gouvernement
dirigé par Lionel Jospin. Certes, cette ferme volonté a trouvé un terrain
fertile chez la plupart des membres de l'Union européenne.
Mais quel chemin parcouru depuis 1997 !
En décembre 1997, le Président de la République, après avoir beaucoup insisté,
devait constater qu'il n'était pas possible pour la France de modifier sa
position à l'égard de l'organisation intégrée de l'Alliance atlantique. Les
Etats-Unis, et avec eux l'OTAN, avaient refusé les propositions de la France.
L'épisode s'était soldé par un relatif isolement de la France dans le domaine
de la défense européenne.
En 1998, le mouvement s'accélère dans un sens plus européen. Les initiatives
françaises de l'été sont relayées par l'intervention de M. Blair au Conseil
européen informel de Portschach en octobre de cette même année. Ainsi, la
dimension européenne de sécurité et de défense sort de la virtualité.
Le sommet franco-britannique de Saint-Malo en décembre 1998, le sommet
franco-allemand de Toulouse, les conseils européens de Vienne, Cologne et
Helsinki constituent les étapes importantes d'un mouvement qui a su engager le
plus grand nombre des membres de l'Union européenne à partir d'un noyau dur
déterminé. C'est une sorte de « coopération renforcée » avant la lettre !
Les résultats obtenus depuis deux ans sont plus substantiels que ceux qui ont
été réalisés durant les cinquante dernières années. On peut aujourd'hui élargir
les compétences européennes aux questions de défense : un tabou est tombé !
La France a joué un rôle capital et la détermination dont a su faire preuve le
Gouvernement est pour beaucoup dans la réussite de ce processus. Il s'agit
maintenant, si je peux me permettre une métaphore sportive, de transformer
l'essai pendant la présidence française.
Je m'appesantirai quelques instants sur les motifs qui ont pu présider à la
nouvelle impulsion donnée à une vieille idée. En effet, sans remonter à 1954 et
à l'échec de la Communauté européenne de défense, on peut aisément constater
qu'au début des années quatre-vingt-dix l'idée d'une défense européenne était
loin de faire l'unanimité.
Pour certains, la protection de l'Alliance atlantique et l'assurance donnée
par la présence américaine sur le continent étaient, même après le
démantèlement du Pacte de Varsovie, une garantie suffisante qui ne demandait
pas d'autre effort en la matière.
Pour d'autres pays, la dimension de sécurité et de défense n'était pas leur
préoccupation principale.
Bref, sans exagérer, on peut dire que seuls l'Allemagne, la Grande-Bretagne,
l'Italie, l'Espagne et la France avaient pris depuis déjà un certain temps la
mesure de la nécessité d'une dimension de sécurité pour l'Europe politique.
Dans la récente prise de conscience des Européens, je pense qu'il ne faut pas
négliger le rôle joué par les conflits balkaniques en général et par la guerre
du Kosovo en particulier. En effet, plusieurs observateurs l'ont signalé, et
l'excellent rapport de notre commission des affaires étrangères, de la défense
et des forces armées l'a bien relevé ; « La crise du Kosovo a cristallisé
l'expression d'une volonté politique européenne en vue de l'édification d'une
défense commune, appuyée sur des outils décisionnels efficaces et des moyens
militaires crédibles, capables d'agir avec l'OTAN ou en dehors d'elle ».
Les Européens souhaitent pouvoir agir d'une façon autonome sans dépendre des
Etats-Unis et il faut donc qu'ils se donnent les moyens de le faire. Le nouveau
contexte stratégique oblige l'Europe à prendre en charge le traitement des
crises et de facteurs d'instabilité en Europe ou à sa périphérie. Sans cette
dimension, l'Europe resterait une construction inachevée et dépendante du bon
vouloir des autres puissances.
La présidence française arrive au moment même où il faut traduire les
décisions de principe en actes concrets.
La présidence portugaise a fait un travail considérable, il est nécessaire de
maintenir et d'approfondir ce mouvement.
Il s'agit, bien entendu, d'un sujet difficile et délicat : aboutir à une
construction commune en la matière n'est pas aisé dans la mesure où cela
concerne la souveraineté nationale qui constitue traditionnellement un domaine
essentiel à chaque Etat.
La principale avancée réside dans le fait que les Quinze reconnaissent la
légitimité du rôle d'une intervention de l'Union européenne dans le domaine de
la défense.
Nous connaissons les objectifs fixés à Helsinki. Je n'y reviendrai donc pas.
Toutefois, il me semble que la présidence française aura à aborder, dans la
continuité de la présidence portugaise, trois points principaux : tout d'abord,
la définition des scénarios en correspondance avec les missions retenues, qu'on
appelle les missions de Petersberg ; ensuite, l'évaluation précise des
capacités militaires nécessaires ; finalement, ce processus devrait pouvoir
aboutir à la phase d'engagement des Etats membres, c'est-à-dire que l'on puisse
dire à chacun ce que le collectif Europe attend de ses membres.
Ce dernier point, ce qu'on appelle la conférence de génération des forces,
revêt une importance cruciale. Il s'agira, ni plus ni moins, d'évaluer la
volonté des Etats membres - à partir de l'engagement commun pour l'Europe de la
défense - de se partager la charge pour combler les capacités manquantes dans
la période 2001-2003.
Il convient toutefois de rappeler les traits essentiels des décisions
d'Helsinki : l'objectif global consiste à être en mesure en 2003 de déployer en
soixante jours, sur une durée au moins égale à un an, et si besoin est hors du
territoire de l'Union, une force de réaction rapide de l'importance d'un corps
d'armée, soit cinquante à soixante mille hommes.
Mais - c'est très important - cette force doit aussi être autonome, elle doit
disposer de moyens propres de logistique, de contrôle, de commandement, de
renseignement ainsi que de l'appui d'éléments aériens et navals.
Une fois fini le travail de recensement des capacités existantes ou en cours
d'acquisition, il faudra passer à l'étape de la répartition de l'effort pour
combler les déficits. Toute mutualisation de nos capacités et de nos moyens
nécessite une juste répartition du fardeau.
Il s'agit non pas, selon la formule consacrée, de dépenser plus mais de
dépenser mieux. Cependant, il faut constater les différences de niveau entre
les dépenses des différents pays. C'est un débat politique qui doit être mené
au plus haut niveau. Bien entendu, les parlementaires que nous sommes ne
voulons pas rester inertes face à ce débat.
Chaque membre de l'Union européenne devra faire des efforts pour adapter son
outil militaire. En France, le processus de réforme des armées est bien avancé,
on ne peut pas en dire autant de tous les autres pays européens. Cela a un prix
; restructurer et moderniser une politique de défense ne peut pas se faire sans
effort financier, nous le savons.
Un seul exemple devrait suffire : aux Etats-Unis, la recherche et le
développement dans le domaine militaire mobilisent environ 36 milliards de
dollars. En Europe, les sommes affectées à la recherche et au développement
atteignent 11 milliards de dollars. Pour être tout à fait exact, il faut encore
dire que, au sein de cette enveloppe européenne, la Grande-Bretagne et la
France participent pour 9 milliards de dollars. Est-ce suffisant ? Est-il
possible - à moyen terme - de maintenir cette situation ?
Je m'interroge sur le fait de savoir si cette réalité est bien comprise par
nos partenaires au sein de l'Union européenne.
Les efforts des Quinze doivent se concentrer sur certains aspects qui me
semblent essentiels - la restructuration des forces, l'affectation plus
efficace des ressources et l'intégration des industries d'armement - parce que,
si nous voulons faire progresser la défense européenne, il faut que nous
puissions compter sur une industrie de défense à la hauteur des enjeux.
Là aussi, monsieur le ministre, le chemin parcouru est considérable depuis
deux années. Le Gouvernement a facilité et impulsé les regroupements des
entreprises et il a contribué à donner un cadre cohérent à l'émergence de
sociétés européennes de défense.
Privilégier l'industrie européenne n'est pas un slogan vide de sens. Les
récentes décisions britanniques en faveur de certains programmes européens
viennent fort opportunément conforter cette nouvelle réalité.
A ce sujet, moi, l'élu de Haute-Garonne, département très impliqué dans ces
industries et fort riche en potentiel technologique, je voudrais insister sur
un point : la présidence européenne doit être l'occasion de donner une forte
impulsion à la consolidation de la coopération européenne en matière de
défense.
Appeler nos partenaires à réaliser des efforts plus soutenus en matière de
recherche et de développement, promouvoir des programmes d'études communs,
avancer dans la recherche d'une harmonisation en amont de nos besoins en
armement, procéder à des inventaires des capacités industrielles susceptibles
de nous aider à préparer l'avenir, mobiliser les fonds communautaires sur des
programmes intéressant les industries d'armement et les technologies duales,
voilà quelques suggestions dont la mise en oeuvre devrait mobiliser les
énergies de nos entreprises et de leurs personnels.
Je traite maintenant des relations transatlantiques. La démarche européenne
dans le domaine de la sécurité et de la défense semble maintenant un fait
acquis pour l'ensemble de nos alliés. J'espère que nos relations avec l'OTAN,
dans un esprit pragmatique et constructif, se dérouleront dans un cadre qui
sera défini pendant la présidence française sur la base d'un principe
intangible : l'autonomie de décision de l'Union européenne en ce qui concerne
ses politiques de sécurité.
Monsieur le ministre, faute de temps pour développer encore mon propos, je
souhaite vous faire partager, sous une forme synthétique, une dernière
interrogation : quel avenir pour l'Assemblée parlementaire de l'Union de
l'Europe occidentale ? En effet, la progressive fusion de l'UEO dans l'Union
européenne ne doit pas laisser cette assemblée en dehors du processus
d'intégration.
Les Quinze s'efforcent de se doter des instruments indispensables à la mise en
oeuvre de la défense européenne. Il revient à la France, à la présidence
française de l'Union européenne - je pense que ce n'est pas un hasard - de
donner une impulsion fondamentale à cette oeuvre.
Monsieur le ministre, le groupe socialiste du Sénat fait entièrement confiance
au Gouvernement auquel vous appartenez pour mener à bien cette tâche difficile
et exaltante.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que celles
du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Badré.
M. Denis Badré.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'Union
cherche son second souffle. Son avenir est plus ouvert que jamais. Dans ces
conditions, notre présidence représente une véritable chance pour la France.
L'Europe nous attend. Nous n'avons donc pas le droit d'esquiver une évidente
et lourde responsabilité. Nous ne pouvons nous contenter de viser à passer ce
cap sans trop de mal. Dans ce contexte, notre débat de ce jour vient
particulièrement à point.
Les orateurs précédents ont développé de très nombreuses et intéressantes
réflexions sur l'élargissement ou sur l'euro. Je ne reviens donc que très
rapidement sur ces deux points.
L'Union a essentiellement vocation à s'élargir. Chaque nouvelle candidature
apporte une nouvelle opportunité pour poser, chaque fois sous un angle
différent, toutes les vraies questions concernant tant le sens de la
construction européenne que sa finalité ou ses modalités. N'oublions pas
qu'au-delà des incontournables difficultés qu'il faudra surmonter une à une et
complètement dans l'intérêt de chacun nous avons des devoirs à l'égard de
peuples qui sont aussi européens que les nôtres et qui, au sortir d'épreuves
dont nous n'avons sans doute toujours pas prix l'exacte mesure, ont
immédiatement engagé des efforts considérables pour nous rejoindre.
La question de la gouvernance politique de l'Union économique et monétaire est
clairement posée : Jean Arthuis a développé ce point, je n'y reviens pas.
J'ajoute seulement qu'il faut aussi, maintenant, faire des gestes pour relancer
le processus d'accoutumance à l'euro.
Je fais, à cet égard, deux suggestions. Lorsqu'il y a double marquage,
l'indication de la valeur pourrait apparaître non plus en gros caractères
lorsqu'il s'agit de francs et en caractères beaucoup plus petits lorsqu'il
s'agit d'euros, mais dans les mêmes caractères. Je propose aussi que les frais
de change, qui demeurent de façon incompréhensible à l'intérieur de la zone
euro, soient définitivement abolis.
(M. Arthuis applaudit.)
Je reviendrai sur ces sujets dès mardi prochain, lorsque je rapporterai le
projet de loi portant habilitation du Gouvernement à adopter par ordonnance la
valeur en euros de certains montants exprimés en francs dans les textes
législatifs.
Je m'arrête donc plutôt sur deux autres sujets : la question autrichienne, que
la présidence française ne pourra éluder et que le président du groupe d'amitié
France-Autriche du Sénat ne veut pas passer sous silence, et la poursuite de la
réflexion que vient d'engager Joschka Fischer sur les institutions et le
devenir de l'Europe.
La question autrichienne peut représenter un écueil redoutable pour la
présidence française. En effet, notre pays ne doit pas se trouver isolé sur un
dossier aussi brûlant, car cela entamerait une autorité dont il va avoir bien
besoin sur de nombreux autres sujets.
Très en pointe jusqu'ici sur cette question, la France peut-elle aujourd'hui
favoriser l'émergence d'une solution à la crise ? Nous sommes nombreux à le
souhaiter sachant que l'objectif doit demeurer de décourager irréversiblement,
en Autriche comme dans tous les pays de l'Union, ceux qui pourraient être
tentés de complaisance à l'égard de l'extrême droite.
Le front des quatorze Etats de l'Union autres que l'Autriche s'est solidarisé
jusqu'ici sur une position de fermeté face aux choix autrichiens. Il était
excellent pour l'Europe qu'émerge ainsi un consensus sur une question aussi
essentielle, puisqu'elle touche au socle de nos valeurs.
Les quatorze Etats ont fait progresser une prise de conscience européenne
réellement politique. Il est de plus apparu très clairement qu'un problème de
cette importance et de cette nature posé dans un pays de l'Union est considéré
désormais par tous, y compris par l'Autriche, comme une affaire intérieure pour
l'Union elle-même et non plus simplement pour le pays dans lequel la question a
été posée. Cela aussi est très positif.
L'Union existe plus qu'on ne l'imaginait et elle est devenue politiquement
plus adulte. Tant mieux ! Mais nous ne pouvons en rester là. Il nous faut voir
maintenant comment aider notre partenaire autrichien membre de l'Union à nous
rejoindre sur la ligne du refus des compromissions. Nous devons nous garder
d'humilier l'Autriche, et encore moins les Autrichiens. Cela ne préparerait pas
l'avenir.
Nous ne pouvons pas non plus traiter ses problèmes à la place de l'Autriche,
ce qui, à tout le moins, compliquerait la tâche des démocrates autrichiens.
Il nous faut nous montrer, au contraire, vraiment solidaires de ceux-ci. Nous
devons bien comprendre ce qui s'est passé en Autriche. Rejetons les formules
trop faciles qui nous donneraient bonne conscience au prix d'une nouvelle
poussée de l'extrême droite en Autriche. Respectons ceux qui, dans ce pays,
cherchent des solutions. Sachons pratiquer avec eux ces autres valeurs communes
à l'Union que sont l'écoute et le dialogue. Prenons surtout garde de bien
cibler nos interventions, en écartant celles qui font le jeu du FPO.
Notre unique objectif doit demeurer le recul rapide des forces d'extrême
droite dans ce pays ami qu'est l'Autriche !
Soyons clairs : la coalition gauche-droite a laminé la droite modérée. Dominée
au sein de la coalition, elle a perdu son programme, son image, son identité,
laissant par là même le champ libre à l'émergence d'une nouvelle opposition à
droite, laquelle ne pouvait plus être qu'extrême.
Si nous devons tout faire pour que les Autrichiens comprennent que le vote
d'extrême droite conduit à une impasse, nous devons aussi encourager
l'existence d'une droite modérée, l'avènement d'une forme d'alternative
démocratique à laquelle en fait aspire le peuple autrichien. Ne le poussons pas
dans les bras des amis de M. Haider !
Comme chaque pays d'Europe, l'Autriche doit assumer son histoire. Essayons de
la comprendre en nous souvenant que, si l'Autriche vit mal le fait d'être
classée parmi les petits pays de l'Union, c'est bien parce que cet état d'être
petit est assez nouveau pour elle. L'empire austro-hongrois était, en 1914,
l'Etat le plus peuplé du continent ; et, depuis, tout au long du xxe siècle,
l'Autriche s'est trouvée au coeur de tous les bouleversements qu'a connus notre
continent, ballotée entre le fascisme et le communisme.
Ne lui donnons pas le sentiment que c'est parce qu'elle est petite et faible
qu'on ose la punir. Elle est parvenue à rejoindre l'Union européenne. Ne l'en
détournons plus ! Cela ne pourrait qu'engendrer de nouveaux drames, en Autriche
comme en Europe.
Rappelons plutôt le rôle très actif qu'elle a joué pendant la crise du Kosovo
et nous comprendrons qu'à la veille de nouveaux élargissements nous devons
pouvoir continuer à nous appuyer sur une Autriche amie, qui doit rester
démocratique et européenne, aux portes de l'Europe centrale et des Balkans.
Joschka Fischer a opportunément posé les questions de fond sur lesquelles nous
devons désormais progresser pour que les Européens s'approprient la
construction européenne.
Mes chers collègues, il faut revenir à des idées simples. Nous sommes tous -
ou presque - devenus fédéralistes parfois sans le savoir. Si en effet être
fédéraliste, c'est décider d'« être ensemble » pour « agir ensemble », les
choix faits depuis cinquante ans en Europe sont des choix fédéralistes. S'ils
étaient à refaire, la très grande majorité des Français les referaient.
L'affaire se complique parce que chacun aime donner sa propre définition du
fédéralisme, ce qui conduit les Gaulois que nous sommes à s'opposer en
querelles sans fin, intellectuellement intéressantes mais, au demeurant, assez
vaines.
Le principe de l'Union européenne apparaît bien irréversible. Si nous sommes «
unis », c'est bien pour traiter ensemble certaines questions. A défaut, à quoi
bon être unis ? Si nous mettons en commun des préoccupations, c'est que nous
considérons que nous les surmonterons mieux ensemble, donc que nous sommes
disposés à partager notre souveraineté, au moins pour ce qui concerne ces
sujets.
La véritable question aujourd'hui n'est-elle pas celle du contenu plutôt que
celle du principe de l'Union européenne ? Ne devons-nous pas définir - enfin !
- ce qui est effectivement transféré pour relever de plein exercice de l'Union
européenne, ce qui réclame une harmonisation mais reste de la compétence des
Etats membres, et ce qui doit rester géré en toute indépendance par ces Etats,
voire à un niveau local ? Des voix plus autorisées que la mienne ont appelé
cela la « subsidiarité ».
Je considère qu'il est nécessaire d'aborder enfin ce sujet. Il sera plus
facile de répondre à la question « comment ? », donc de construire des
institutions simples et efficaces, lorsque nous saurons vraiment pour faire
quoi nous cherchons à les bâtir. Dire le « quoi » pour définir le « comment »,
cela s'appelle proposer une constitution. Il nous faut aujourd'hui l'affirmer
aussi simplement que cela.
Procéder ainsi nous amènera infailliblement à réduire la liste des compétences
de l'Union aux domaines qui sont vraiment ceux pour lesquels la mise en commun
représente un progrès. Cette démarche sera salutaire car il faut aujourd'hui
endiguer l'extension incessante de la liste des sujets dont Bruxelles entend
s'occuper. Cette inflation communautaire est d'ailleurs bien ce qui dresse de
plus en plus souvent les Européens contre une Europe qu'ils trouvent compliquée
ou illisible quand ils ne la considèrent pas comme hostile.
Choisir des institutions en fonction des sujets à traiter est une démarche
assez saine : ainsi, en matière de défense, alors qu'une réponse instantanée
doit pouvoir être apportée face à certaines menaces, le recours à l'unanimité
est évidemment suicidaire.
Je citerai un autre exemple, celui de la fiscalité : lever l'impôt a toujours
été considéré comme un privilège de souveraineté. S'il s'agit d'harmoniser les
fiscalités des Etats, l'unanimité devrait en général rester la règle ; en
revanche, s'il s'agit de la fiscalité de l'Union, donc lorsque les Etats ont
choisi de lui transférer leurs compétences, une décision à la majorité peut
être parfaitement justifiée.
La conférence intergouvernementale débat non sans mal des questions de
majorité qualifiée ou du nombre de commissaires à réserver à chaque Etat. En
lui demandant de résoudre ces questions avant d'avoir clarifié les compétences
de l'Union, n'avons-nous pas mis la charrue devant les boeufs ? Ne nous
étonnons pas dès lors de rencontrer des difficultés.
Monsieur le ministre, alors que la France va présider l'Union, je pense que
nous devons prendre du recul pour revenir à l'essentiel. Nous pourrons alors,
sereinement et avec détermination, mobiliser toutes les ressources de notre
imagination - il en faudra - au service de la construction européenne.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mes amis
Jean François-Poncet et Aymeri de Montesquiou ont exprimé les attentes du
groupe du RDSE vis-à-vis de la présidence française. Partageant leurs
sentiments et leurs analyses, je me bornerai, au cours des quelques minutes de
temps de parole qui restent à mon groupe, à traiter de l'euro.
Je suis inquiet, monsieur le ministre, de la manière dont le Gouvernement
français et les autres Gouvernements appréhendent l'euro. Ils le font avec des
incantations, alors que son évolution pose, depuis le 1er janvier 1999, un
certain nombre de questions qu'il serait bon de régler pendant la présidence
française.
Lorsqu'il a été lancé, l'euro avait comme objectif d'être une monnaie stable,
capable de faire jeu égal avec le dollar et le yen dans le monde et, surtout,
de pouvoir devenir une monnaie de réserve. C'est ce dernier élément qui est
évidemment la justification de notre monnaie unique.
Chacun le sait, la valeur de l'euro a fortement baissé. Il a certainement été
introduit à un niveau un peu trop élevé, mais il est aujourd'hui à un niveau un
peu trop bas. Les perspectives qui sont offertes jusqu'à la matérialisation de
l'euro chez les citoyens, laquelle va évidemment créer un choc, je l'espère
salutaire, posent un certain nombre de questions.
Pour ma part, je vois trois difficultés.
La première, c'est évidemment la vigueur de l'économie américaine, qui
explique la faiblesse de l'euro. Mais les perspectives de croissance aux
Etats-Unis n'expliquent pas tout. Ce qui m'inquiète davantage, c'est la
faiblesse de l'euro par rapport au yen, alors que l'économie japonaise est
beaucoup moins brillante que l'économie américaine. Cette faiblesse montre bien
la méfiance des investisseurs asiatiques et internationaux vis-à-vis de l'euro,
ce qui complique encore l'évolution de l'euro vers une monnaie de réserve.
La deuxième difficulté, c'est l'absence de volonté politique claire d'agir en
commun, qui est la source de la méfiance des investisseurs et de l'absence de
crédibilité de l'euro. L'approfondissement de l'Union européenne a marqué une
pause qui, si j'en crois ce que vous avez dit, monsieur le ministre, devrait
s'achever. J'espère que vous allez nous orienter vers un certain nombre de
solutions. Nous mesurons aujourd'hui les conséquences de l'absence d'un conseil
des ministres de la zone euro, qui devrait permettre de formuler les
orientations générales de la politique de change vis-à-vis des monnaies non
communautaires, vis-à-vis de la livre sterling.
Le Gouvernement français est un peu « coincé », si je peux me permettre
d'employer ce terme, entre sa participation au G8, dans lequel on trouve à la
fois le dollar et le yen, et sa participation à l'Europe des Quinze. Il manque,
aujourd'hui, un outil politique prenant en compte les perspectives de l'euro.
Sous la présidence française pourrait être mis en place un organisme qui,
au-dessus du conseil des gouverneurs et des organismes de la Banque centrale,
donnerait à l'euro le substrat politique qui lui est nécessaire.
Peu d'efforts ont été faits - mais c'est un regret habituel ! - pour engager
des négociations avec les autorités américaines et japonaises afin que quelques
ponts soient jetés entre les trois monnaies. Il fut un temps, notamment au
moment de la mise en flottement du dollar, où des conférences internationales
permanentes tentaient de trouver des mécanismes de liaison destinés à limiter
au minimum les variations entre les différentes monnaies. Rien n'a été fait ;
on s'en remet uniquement au marché. On aurait pu essayer de créer un système
permettant de mieux relier les trois monnaies.
Ma troisième et dernière raison d'inquiétude, qui concerne plus spécialement
notre pays, tient au refus du Gouvernement de poursuivre un certain nombre de
réformes qui sont pourtant nécessaires et sans lesquelles il serait illusoire
de penser que l'euro retrouvera un niveau convenable.
L'approfondissement de l'harmonisation des politiques économiques et sociales
est une orientation essentielle de l'Europe des Quinze, et constitue même une
obligation si nous voulons que la monnaie unique soit prisée dans l'ensemble du
monde et devienne une monnaie de réserve. C'est dans la coordination des
politiques économiques et sociales que résident l'enjeu majeur de l'euro et,
par conséquent, celui de la poursuite de la construction européenne. L'euro ne
sera un vecteur de croissance que si les politiques, non seulement économiques,
mais aussi sociales, de tous les pays membres s'ajustent durablement.
Les critères de Maastricht nous ont permis de créer la monnaie unique. Il faut
maintenant en trouver d'autres et aller au-delà. Le Gouvernement français
devrait essayer de remplir complètement les critères de Maastricht car,
s'agissant du déficit budgétaire et du volume de la dette, la France n'est pas
encore au niveau de ses partenaires. Un effort particulier pourrait être
entrepris à cet égard.
Je regrette qu'hier, mardi 30 mai, l'espoir de parvenir rapidement à un accord
européen sur l'harmonisation de la fiscalité de l'épargne - c'est le petit bout
par lequel il fallait commencer - se soit effondré, puisque les ministres des
Quinze n'ont pas pu rapprocher leurs positions. Comment peut-on envisager de
rapprocher les systèmes fiscaux si nous ne sommes même pas capables, dans une
optique de mondialisation, de rapprocher notre propre fiscalité de l'épargne,
qui concerne les produits les plus volatils et les secteurs dans lesquels la
mondialisation est la plus évidente ? Cette absence d'accord a plus de
conséquences sur le cours de l'euro que nombre de discours et d'incantations
!
Nous devons réduire le niveau de la fiscalité dans de nombreux Etats membres,
les systèmes de sécurité sociale doivent être réformés, afin d'alléger la
charge fiscale sur la création d'emplois, y compris en France.
Nous devons poursuivre l'assainissement budgétaire afin de garantir la
stabilité des prix qui conditionne la croissance économique.
Certains milieux s'accommodent de la faiblesse actuelle de l'euro ; mais si
cette faiblesse persiste, elle conduira à une hausse des prix, donc à une
hausse des taux d'intérêt, qui bloquera la croissance. Il existe aujourd'hui un
lien très précis entre la conjoncture, le niveau de l'euro et les perspectives
de croissance. Or nous risquons d'avoir des lendemains difficiles si nous n'y
prenons pas garde aujourd'hui. C'est cet appel précis que je voulais lancer en
cet instant.
Autant on a l'habitude, en France, quand la croissance est mauvaise, de gémir
sur les perspectives internationales, autant, quand elle repart, nous pensons
que c'est pour l'éternité. Non ! Nous avons un certain nombre de réformes à
réaliser. Si elles ne le sont pas, nous risquons de retrouver une zone de
croissance moins forte.
Nous vivons dans un monde ouvert à la concurrence, dans lequel les notions
d'équilibre de la balance des paiements, quoi qu'en pensent les rêveurs, et de
valeur de la monnaie sont devenues des références générales qui s'imposent à
tous, quelles que soient les perspectives ultralibérales ou non que l'on puisse
évoquer. C'est aussi en fonction de ces principes que nous devons bâtir la
construction européenne, laquelle ne pourra pas être durable et solide si
l'économie française n'est pas parfaitement compétitive.
Telle est la clé de voûte de la mise en place effective de la construction
européenne dans le cadre tracé par MM. François-Poncet et de Montesquiou, la
vraie orientation qu'il faut donner à la présidence française. Puissiez-vous,
monsieur le ministre, démontrer dans quelques semaines que la France est non
seulement favorable à l'accélération de la construction européenne, mais que,
pour y parvenir, elle est exemplaire !
(Bravo ! et applaudissements sur les
travées du RDSE et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon ami
Claude Estier a largement développé la question centrale de la présidence
française : la réforme des institutions. Pour ma part, je souhaite aborder un
thème qui lui est tout à fait lié, celui de l'élargissement.
En effet, la date des premières adhésions est subordonnée au processus de
ratification de la conférence intergouvernementale. Si la réforme
institutionnelle n'aboutissait pas à la fin de cette année, les premières
adhésions seraient immanquablement reportées. C'est un risque que nous ne
pouvons pas nous permettre de courir. Retarder les adhésions, de notre fait,
par manque de cohérence interne à l'Union, ne pourrait qu'être préjudiciable à
la stabilité sociale, politique et économique des pays candidats. Ce serait, à
tout le moins, se mettre à dos les populations concernées et provoquer un
euroscepticisme généralisé.
Nous ne devons pas sous-estimer les espoirs que représente l'intégration à
l'Union européenne, voire la vision souvent exagérément idéalisée de l'Union
dans les pays d'Europe centrale et orientale, et dans ceux de la Baltique.
Or, pour l'instant, le décalage entre les attentes et la réalité du processus
d'adhésion est très important. L'effort d'adaptation mené par les pays
candidats est très éprouvant pour leur tissu économique et social, tout
particulièrement dans un contexte de mondialisation économique renforcée. Un
important effort de communication doit donc s'engager en direction des
populations. Le dialogue avec les pays candidats doit être continu et dépasser
le simple cadre des négociateurs, pour permettre la compréhension par le public
le plus large de l'impact réel de l'élargissement.
Concernant le processus lui-même, nous ne pouvons que nous féliciter de
l'infléchissement du Conseil européen d'Helsinki, qui a changé la perspective
de l'élargissement en mettant tous les pays candidats sur un pied d'égalité. En
ouvrant, en mars dernier, les négociations d'adhésion avec Malte, la Roumanie,
la Slovaquie, la Lettonie, la Lituanie et la Bulgarie, c'est la volonté de
donner à chacun de ces six candidats une réelle possibilité de rattraper leur
retard sur les candidats du « groupe de Luxembourg », pour lesquels les
négociations sont engagées depuis mars 1998, qui a été avalisée.
L'approche sélective et différenciatrice suivie jusque-là par la Commission
présentait de lourds inconvénients politiques et psychologiques.
Economiquement, elle risquait de susciter un clivage durable entre les
candidats, en creusant les écarts, notamment dans la faculté d'attirer les
investissements directs étrangers. Ainsi, créer une division au sein des Etats
baltes, en dépit de leur histoire et de leurs efforts pour instaurer une zone
de libre-échange, était un non-sens. L'exclusion de la Lettonie des pays de la
première vague avait été mal ressentie par la population. Aujourd'hui, les
espérances lettones sont relancées, avec comme objectif l'adhésion au 1er
janvier 2003, conjointement à la Lituanie et à l'Estonie.
Bien sûr, cette remise en ligne des candidats ne signifie pas qu'il faut
conclure ces négociations à la hâte et en même temps pour tous les pays. Elle
signifie simplement que chacun est intégré dans le même processus et sera
traité selon sa propre capacité à intégrer l'acquis communautaire, c'est-à-dire
selon son propre rythme de préparation.
L'attente à l'égard de la France pour la poursuite et l'intensification des
négociations d'adhésion est forte, surtout face à la Commission européenne, qui
reporte au maximum les difficultés.
Jusqu'à maintenant, les candidats les plus avancés n'ont clôturé, au total,
qu'une dizaine de chapitres de négociations sur les trente et un concernant
l'acquis communautaire, et ce sans avoir abordé les dossiers les plus
sensibles. L'Union européenne et les six pays du groupe de Luxembourg ont
décidé, vendredi dernier seulement, d'ouvrir de nouvelles négociations, en
abordant enfin les vrais problèmes, mais uniquement sur trois nouveaux
chapitres : libre circulation des personnes, justice, affaires intérieures et
budget.
Et encore, la position commune de négociation remise aux candidats se contente
d'indiquer que la libre circulation des travailleurs constitue un sujet
sensible pour certains Etats membres. Plusieurs pays, au premier rang desquels
la Hongrie et la République tchèque, ont dénoncé le manque de substance de la
position de l'Union européenne. Et tous les candidats ont refusé de débattre de
ce chapitre, tant que l'Union européenne n'aura pas précisé sa position de
négociation.
Or différer l'entrée dans le coeur des négociations, c'est assurément les
prolonger inutilement. Je ne peux imaginer que le discours public, volontariste
et déterminé de la Commission, affichant une volonté de négocier de façon
rigoureuse, tout en avançant le plus rapidement possible, masque réticences et
frilosité, couvrant en fait une démarche qui équivaudrait à « y aller à
reculons ».
C'est pourquoi il est essentiel que la France saisisse la chance de la
présidence pour impulser une véritable négociation sur les sujets qui fâchent,
et tout particulièrement sur les questions financières liées aux politiques
agricoles et régionales.
Une association véritable des futurs membres au projet communautaire constitue
l'autre enjeu du processus d'élargissement. Comme Jacques Delors l'a écrit, «
nous avons eu tendance à ne pas considérer ces candidats comme des acteurs mais
comme les simples bénéficiaires potentiels des bienfaits de l'espace économique
».
En ce sens, la réunion de la conférence européenne prévue sous présidence
française sera l'occasion d'associer pleinement les pays candidats à notre
réflexion sur l'avenir de l'Europe, une Europe à vingt-cinq ou à trente
membres, qui ne soit pas seulement une zone de libre-échange, qui soit porteuse
d'un véritable projet politique, fondée sur des valeurs communes et placée au
service d'un modèle social européen.
Enfin, il est dans l'air du temps de véhiculer l'idée selon laquelle l'Europe
serait en panne de projet, en quête de sens. Peut-être parce que, en France,
nous n'en avons pas bien pris toute la mesure, nous avons tendance à oublier
que l'élargissement est, en lui-même, un véritable projet politique.
En achevant l'objectif de paix, de liberté et de démocratie pour l'Europe
entière, objectif promu par ses pères fondateurs, l'élargissement va forcément
bouleverser la nature de la construction européenne.
De plus, le discours du ministre allemand des affaires étrangères est venu à
point pour contredire le scepticisme ambiant. Non seulement il a relancé le
débat sur l'avenir de l'Union après l'élargissement, mais il a également levé
les doutes sur la solidité du moteur franco-allemand.
Le projet développé par Joschka Fischer correspond tout à fait à la vision
européenne des socialistes français : elle rejoint la thèse d'une fédération
d'Etats-nations défendue, déjà, par Jacques Delors. C'est assurément une des
voies les plus ambitieuses qui s'ouvrent à nous pour les décennies à venir, une
fois le processus d'élargissement mené à son terme.
(Applaudissements sur
les travées socialistes ainsi que sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen. - M. le président de la délégation à l'Union européenne
applaudit également.)
M. Hubert Védrine,
ministre des affaires étrangères.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Hubert Védrine,
ministre des affaires étrangères.
Monsieur le président, mesdames,
messieurs les sénateurs, je voudrais d'abord remercier ceux qui ont fait
l'effort de rester jusqu'à la conclusion de ce débat.
J'ai pris un grand intérêt à toutes les interventions. Dans chacune d'entre
elles, j'ai trouvé des éléments utiles pour notre présidence.
Je ne vais pas reprendre chacun des points, d'une part, parce que trop de
sujets ont été abordés, d'autre part, parce que, dans mon intervention
liminaire, un certain nombre de réponses ont été apportées, ne serait-ce qu'aux
questions posées dans la dernière intervention, à propos de l'élargissement.
Vous savez déjà de quelle façon le Gouvernement aborde cette responsabilité.
Je ne reprendrai pas non plus la question de l'euro, sur laquelle M. Fourcade
a fait des analyses très justes.
Je voudrais me concentrer sur deux ou trois remarques à mes yeux
essentielles.
D'abord, je souhaite rappeler en quoi consiste une présidence.
Nous nous inscrivons dans une continuité : il n'y a pas de page blanche et,
pour l'essentiel, ce sont des figures imposées. Dès lors, on peut toujours
faire une liste extraordinaire de souhaits, d'améliorations que nous appelons
les uns et les autres de nos voeux, mais il y a un programme qui s'impose à
nous : les négociations d'élargissement sont à un certain point, la défense
européenne est à un certain point, la CIG est à certain point, et c'est le cas
pour toutes les procédures.
En même temps, il y a une sorte de grandeur dans ce travail d'équipe, même si
l'on peut penser que la présidence est trop courte.
En tout cas, il nous faut garder à l'esprit que nous est largement dictée la
tâche à accomplir.
Par ailleurs, je l'ai dit à l'instant, six mois, c'est fort bref. Et la
présidence du second semestre est encore plus courte puisqu'il faut défalquer
le mois d'août et les derniers jours de l'année. C'est donc une présidence en
quelque sort moins utilisable.
Une présidence court toujours le risque de voir des attentes excessives se
transformer en une série de demandes de réglementation tous azimuts alors même
que chacun d'entre nous est partagé. On dit qu'il faut que l'Europe s'occupe
mieux de ceci et de cela mais, en même temps, on parle de répartition des
compétences, de subsidiarité, on ne veut pas que se fasse à l'échelon européen
ce qui serait mieux fait à d'autres niveaux. Si l'on dressait la liste de ce
que nous disons les uns et les autres sur ce que l'Europe devrait faire mieux,
cela augmenterait de façon exponentielle le poids, déjà jugé parfois abusif, de
certaines directives. C'est un travers qui guette chaque pays au moment où il
s'apprête à exercer la présidence.
Il faut donc, même avant une présidence, se demander de façon claire et nette
ce que l'on veut voir fait au niveau européen et que l'on veut continuer à voir
fait à l'échelon national, voire local.
Tout à l'heure, j'ai présenté les trois axes sur lesquels nous allions nous
concentrer et j'ai énuméré un certain nombre d'actions à l'intérieur de ces
axes. Je n'y reviendrai pas.
Qu'attendent de nous, maintenant, les autres Européens ? Je l'ai dit, ils
attendent de nous que cela marche, et c'est le dénominateur commun de toutes
les questions. Il ne sert à rien, en effet, de dresser toute une liste de
suggestions pour que l'Europe soit plus sociale, plus proche des gens, etc, si
le système ne fonctionne pas, s'il est en train de s'engorger, de se
paralyser.
Cette question commande tout, et c'est bien la raison pour laquelle la CIG est
à l'ordre du jour. Nous l'avons souhaitée, après Amsterdam, et nous avons
convaincu les autres pays qu'elle était indispensable, notamment par rapport au
grand élargissement qui se profile, que l'histoire a rendu possible et, en même
temps, nous impose.
J'ai rappelé les trois sujets qui sont à l'ordre du jour, auxquels s'ajoute la
coopération renforcée.
Je peux vous dire que l'attente de tous nos partenaires, à commencer par
l'Allemagne, est de nous voir nous concentrer en priorité sur la CIG et faire
tout ce qui est en notre pouvoir - nous ne pouvons évidemment pas nous
substituer à chacun des quatorze autres ! - pour assurer un accord final à
Nice, pour que, en tout cas, la CIG débouche sur un vrai résultat.
Cela étant, je le répète, nous n'avons pas le syndrome de l'hôte qui veut à
tout prix que la soirée réussisse. Par conséquent, si nous n'aboutissons pas, à
Nice, à un accord satisfaisant, qui soit de nature à permettre le
fonctionnement de l'Europe, et bien ! nous ne conclurons pas. Nous ne sommes
donc pas sous le coup de cette obligation que nous nous imposerions à
nous-mêmes.
Je dis cela parce qu'on voit se mêler constamment - mais il faut peut-être les
démêler, justement - nos obligations immédiates et le débat sur l'Europe à long
terme.
Si nous nous transformions en une sorte d'intellectuel collectif qui
délaisserait les responsabilités immédiates de la France à la veille de sa
présidence, au profit du débat à long terme, aussi intéressant, stimulant,
excitant soit-il, nous serions considérés par tous nos partenaires comme
gravement défaillants, et ils auraient raison.
En effet, si nous ne parvenons pas à conclure la CIG et à résoudre les
questions qui bloquent l'Europe depuis plusieurs années, il est totalement
inutile de spéculer sur la suite. Il y a là une sorte de logique.
Nous allons donc tout faire pour obtenir la meilleure repondération possible -
c'est un élément clé - ce qui permet d'avoir une large extension du vote à la
majorité qualifiée dans les domaines communautaires. Il faut faire coïncider
les points sur lesquels les différents pays sont prêts à consentir des
ouvertures et il faut compléter ce travail par des décisions concernant la
Commission : limiter le plus possible le nombre de commissaires et, en même
temps, prendre des dispositions sur l'organisation interne de la Commission.
Ce sont les trois points clés, auxquels il faut ajouter le plus grand
assouplissement possible des coopérations renforcées. Voilà ce à quoi nous
allons nous consacrer.
Le débat sur le long terme, il est aussi là. Il faut donc être capable de
gérer une chose et l'autre. Il est d'ailleurs là depuis longtemps.
Depuis que je suis ministre, j'ai appelé à ce débat sur les limites ultimes de
l'Union européenne, sur les plans géographique et institutionnel, et je suis
très heureux qu'il se soit finalement développé. Il se développe depuis la
décision d'Helsinki, la décision d'ouvrir la négociation à six pays de plus -
les portant à douze au total - la décision d'enregistrer la candidature turque,
qui a produit un choc dans l'opinion.
La prise de conscience qui était à l'esprit de tous les spécialistes et de
tous les responsables politiques qui y réfléchissaient depuis des années s'est
ainsi enfin produite. Chacun est désormais conscient que l'élargissement de
quinze à trente n'est pas comparable aux précédents, qu'il change la nature des
choses.
Donc, le débat se développe et c'est tant mieux !
Peut-on fonctionner à l'identique ? Non, c'est clair ! Les quelque trente
pays, voire plus peut-être un jour, seront trop nombreux et trop disparates
pour imaginer que l'on puisse élaborer, dans cet espace très large, des
politiques communes au sens où nous l'avons entendu jusqu'à présent. Ce sera
déjà une belle victoire si l'on parvient à préserver les politiques communes
qui ont été construites.
Par conséquent, il faut - et c'est pourquoi ce débat est une très bonne chose
- un ou deux moteurs pour la suite. Cependant, les options ne sont évidemment
pas les mêmes. Selon que l'on se situe dans l'approche pragmatique ou dans
l'approche fédéraliste, on parlera de moteurs, de projets concrets, de
coopération renforcée, s'appliquant dans tel ou tel domaine.
Cela étant, dans le passé, beaucoup a été fait en Europe en utilisant ce
mécanisme avant même qu'il porte un nom et figure dans les traités. D'ailleurs,
depuis qu'il y figure, on ne s'en sert plus parce que les conditions prévues
pour le mettre en oeuvre sont tellement complexes qu'il est impraticable.
Cette version pragmatique de la coopération renforcée par groupe a donc été
appliquée. Mais, dans cette hypothèse, ce ne sont pas nécessairement les mêmes
pays qui sont concernés, ce n'est pas nécessairement un groupe qui est en
avance sur les autres, ce n'est pas une intégration qui préfigure l'évolution
de l'ensemble.
Il y a deux conceptions différentes de la réponse au grand élargissement et de
la recherche d'une efficacité malgré tout du système européen.
Par exemple, on pourrait imaginer demain des coopérations par projet portant
sur tel ou tel problème qui intéresse la Méditerranée, ou la Baltique, ou le
Danube.
Mais il y a aussi la conception dans laquelle la coopération renforcée, c'est
la passerelle vers l'intégration renforcée. Là, on rejoint toute cette famille
de propositions qui vont de Jacques Delors à Joschka Fischer, en passant par
beaucoup d'autres. Naturellement, comme ce sont apparemment les propositions
les plus simples intellectuellement et politiquement, la discussion s'organise
beaucoup, ces jours-ci, en particulier en France - c'est beaucoup moins vrai
dans les autres pays de l'Union, même en Allemagne - autour d'elles.
Ce débat est légitime. M. Joschka Fischer, après d'autres, a posé des
perspectives qui appellent des réponses. M. François-Poncet a eu raison de dire
qu'on ne peut se contenter d'y répondre par un simple accueil de courtoisie, ce
qui a d'ailleurs été déjà perçu comme positif par M. Fischer lui-même.
Mais on ne peut pas non plus s'en tenir à une approbation mécanique de ce qui
a été dit. Au demeurant, une lecture attentive du discours de M. Fischer montre
qu'il comporte beaucoup d'options, de nuances, de subtilités, pour tenir compte
des données de la politique allemande, de la politique française, entre
autres.
De même, on ne peut s'en tenir à un rejet qui serait également mécanique.
Puisqu'il faut en parler, je pose quelques questions à haute voix, ce qui est
une façon d'alimenter la discussion pour aller plus loin dans ce débat qu'il ne
faut pas repousser.
Dès lors qu'on crée un noyau ou une fédération d'Etats nations, comment
trie-t-on entre ceux qui en font partie et les autres ?
D'ailleurs, M. Fischer a été plus habile que la proposition allemande d'il y a
quelques années puisqu'il se garde bien de faire la liste des participants.
Déjà, des pays réagissent : « Vous parlez d'avant-garde, mais il n'est pas
question que nous soyons dans l'arrière-garde ! » Car c'est ainsi que cela est
perçu. Dès lors qu'on parle d'un noyau, il y a tous ceux qui pensent qu'ils
seraient en dehors. Il y a des pays qui pensent qu'ils ne pourraient pas être
dans l'avant-garde et qui sont donc radicalement hostiles au fait qu'il y ait
une avant-garde, et d'autres pays, très nombreux, qui disent : « Nous, nous
sommes dans l'avant-garde quoi qu'il arrive », mais qui ne sont pas prêts à
traduire cette idée en décision politique en acceptant une intégration
renforcée.
Un débat spécialisé est déjà en train de se développer sur ce point, comme on
le constate tant à travers les déclarations des hommes politiques européens que
dans la presse : comment opérer le tri ?
Bien sûr, on peut prendre les six pays fondateurs. Mais c'est là une idée qui
est intolérable pour l'Espagne et le Portugal, notamment. On peut aussi prendre
les onze pays de l'euro. Mais s'agira-t-il encore d'un noyau lorsqu'ils seront
quasiment quinze ?
Bref, il va falloir poursuivre ce débat parce que nous sommes encore loin d'y
voir clair.
Si l'on se place dans l'hypothèse de ce noyau, quelles que soient sa taille et
sa composition, quels seront les rapports entre ce noyau et les autres pays ?
Quels sont les droits des uns et des autres ?
J'en viens à la question qui est centrale et qu'il faut traiter : quelles sont
les compétences qui resteront au niveau de l'Etat-nation - M. Fischer a
l'habileté de dire qu'il doit continuer d'exister car il est indispensable,
mais c'est peut-être une formule de rhétorique - et celles qui devront être
transmises au niveau fédéral ?
Et celles-ci, par qui seront-elles exercées ? Y aura-t-il une nouvelle
Commission ou bien, compte tenu de ce qu'est devenue la Commission avec le
temps, considérera-t-on que ce n'est pas le bon instrument pour gérer les
affaires fédérales et qu'il faut en inventer un autre ?
A partir du moment où il y aurait un président fédéral, comme on l'envisage
dans certains schémas, combien de temps y aura-t-il encore un président en
France et un chancelier en Allemagne ?
Ce sont des questions qu'on ne peut pas ne pas poser parce qu'elles sont en
fait inscrites en filigrane dans les différents plans qui sont présentés et qui
sont approuvés parfois sans qu'on ait mis au jour les questions qui sont
sous-jacentes.
Si on prétend, comme on feint de le dire dans certaines de ces propositions,
que l'on peut faire coïncider un niveau national qui, pour de nombreuses
raisons, doit demeurer avec un échelon de décision politique, avec des
parlements, des autorités politiques qui demeurent au niveau national et encore
un niveau fédéral, l'Europe pourra-t-elle fonctionner à quatre étages avec les
régions ou les collectivités locales, les Etats-nations qui auraient perduré,
une fédération et une union élargie à trente, avec à chaque fois un système
d'autorités politiques, des exécutifs, des législatifs, au niveau fédéral et au
niveau de l'union des commissions, des parlements, des enchevêtrements ? C'est
peu vraisemblable car, dans la situation actuelle qui est moins compliquée que
celle-ci, le système européen paraît déjà trop complexe, pas assez lisible et
on voit bien qu'il y a une attente de clarification.
Un certain nombre de voix politiques expriment cette attente à travers une
demande de constitution, demande tout à fait compréhensible à partir du moment
où l'on a pris la décision sur la répartition des pouvoirs. En effet, à partir
de ce moment-là, la constitution est facile à écrire. Si on l'écrit avant
d'avoir réglé les problèmes de répartition des pouvoirs, on l'amendera tous les
six mois, et on n'aura donc pas résolu le problème de lisibilité et de
stabillité dans les institutions.
Voilà quelques questions qu'appellent ces propositions quand on les prend au
sérieux. Elles sont donc toute une famille, il n'y a pas seulement celle de
Joschka Fischer, il y en a beaucoup d'autres. A ce stade de nos réflexions et
du calendrier, ma réponse est la suivante : puisqu'il faut en parler,
parlons-en ! Posons ces questions-là et débattons de façon plus approfondie de
tous ces points. Examinons les réponses pour définir, petit à petit, à travers
un débat qui doit être plus large et complètement démocratique, ce que nous
voulons vraiment, ce que nous sommes prêts à accepter, pour déterminer où sont
les points de blocage et si nous pouvons les surmonter par une ingéniosité
politique et institutionnelle encore plus grande. Vous le constatez, nous n'en
sommes pas encore à la conclusion de ce débat. J'insiste sur ce point car
au-delà du fait de saluer la contribution au débat et de déclarer les
propositions bienvenues, il faut aller plus loin. Cependant, aller plus loin,
ce n'est pas simplement en appeler aux besoins de vision, de souffle, de nouvel
élan, ce n'est pas simplement parler de nouvelle constitution, c'est, pour
répondre au besoin de clarification ressenti par les opinions publiques, entrer
dans la discussion de ces questions précises.
J'y insiste car, moi aussi, j'ai trouvé très intéressant le discours de M.
Joschka Fischer. Il est d'ailleurs en partie le résultat des discussions
nombreuses que nous avons eues et je suis sensible au fait que M. Joschka
Fischer n'ait pas reproduit certaines initiatives allemandes du passé et qu'il
se soit ouvert à d'autres sensibilités. Ainsi, vous avez certainement noté
qu'en imaginant ce que pourrait être un gouvernement du niveau fédéral, si ce
niveau existe un jour, il dit que l'amorce de ce futur gouvernement pourrait
être aussi bien la Commission que le Conseil qui serait transformé en
gouvernement.
Il y a une vision qui était plutôt allemande classiquement et un vision plutôt
française. En tout cas, il y a une option. Quand il parle des parlements, il ne
reprend pas seulement la thèse du Parlement européen qui a de plus en plus de
pouvoirs, il envisage un système dans lequel ce sont des émanations des
parlements nationaux qui exercent ce contrôle à différents étages, afin de
s'ouvrir à différentes sensibilités.
Il ne s'agit pas non plus d'un plan ou d'une proposition allemande. Elle n'a
pas été officiellement prise en compte ; elle n'est pas à l'ordre du jour de la
conférence intergouvernementale. Les Allemands ne l'ont pas demandée. Il ne
faut pas se tromper sur le statut de cette proposition. Il s'avère qu'en France
est née une réaction un peu particulière à cet égard : on a aussitôt considéré
cette proposition, soit pour la critiquer, soit pour l'approuver, comme étant
la position officielle de l'Allemagne. C'est un peu plus compliqué. Il n'en
demeure pas moins que, sur le plan intellectuel, c'est très intéressant. Pour
le moment, cette présentation est un peu ce qu'on appelle, en perspective, une
ligne de fuite. Il faut la traiter, approfondir la discussion sur chacun des
points de ce mécanisme.
Mais pour revenir à notre rôle un mois avant la présidence, je dirai que notre
situation est différente. Mon ami M. Joschka Fischer n'a pas tenu ce discours
un mois avant la présidence allemande, et pour cause. On ne peut tenir un tel
discours un mois avant d'exercer la présidence, où il faut rassembler, essayer
de dégager le consensus le plus ambitieux possible. Je l'ai dit à propos de la
conférence intergouvernementale et je n'y reviens donc pas. Tel est l'exercice
d'une présidence. On est même censé s'élever au-dessus des points de vue
nationaux, des automatismes et essayer de dégager le point commun constructif
de l'ensemble des participants. On ne peut donc à la fois, procéder à cet
exercice, qui est celui que tous nos partenaires attendent de nous, et mettre
sur la table une proposition qui aussitôt fait apparaître une division des
Européens en deux, trois ou quatre groupes. On ne peut pas à la fois diviser et
présider.
Ce n'est pas gênant de diviser si on est dans le cadre d'un exercice purement
intellectuel, si on ne gère que le long terme, si on ne veut que stimuler,
enrichir, ouvrir des fenêtres et donner du souffle à toutes les réflexions.
Mais notre position est un peu différente. Je le répète : aujourd'hui, notre
rôle prioritaire et notre responsabilité, dont nous ne devons pas nous
départir, même pour exercer des activités apparemment plus stimulantes, c'est
de faire réussir la CIG, y compris en ce qui concerne la dimension «
coopération renforcée » qui a l'immense intérêt d'être non seulement la
passerelle commune vers les coopérations pragmatiques par projet, sujet par
sujet, mais aussi le point de passage vers les avancées les plus
ambitieuses.
En effet, si, ensuite, des pays veulent vraiment avancer vers une intégration
plus poussée entre eux, sont d'accord sur les mécanismes, sur les
bouleversements institutionnels que cela entraîne, sur les points d'application
et et si tout cela à été ratifié de façon démocratique, ils peuvent adopter le
mécanisme des coopérations renforcées dès lors que nous les aurions
suffisamment assouplies.
Voilà le chaînon, la charnière, le point de passage, la passerelle entre nos
responsabilités, que nous allons exercer en ayant à l'esprit la suite, et cette
négociation. Dailleurs, ce point sur la coopération renforcée ne figurait pas
dans le projet de M. Joschka Fischer mais, après les conversations que nous
avons eues, c'est devenu sa première étape. Sur ce sujet également, il ne s'est
pas contenté de faire une opération intellectuelle, il a souhaité élaborer
quelque chose qui puisse, à un moment donné, se réenraciner dans la réalité de
la négociation européenne d'aujourd'hui.
Nous allons exercer la présidence, dans l'esprit que je vous ai indiqué, et
participer à ce débat démocratique et politique sur l'avenir de l'Europe, qui,
à mon avis, n'en est qu'à ses débuts et qui prendra petit à petit une grande
ampleur dans toute l'Europe. Nous sommes à l'avant-garde de ce débat. Du côté
allemand, il y a une très grande attente à l'égard de ce que nous pouvons dire
par rapport à cette question. C'est, je crois, très salubre. J'ai la conviction
que les réponses que nous allons trouver pour faire avancer l'Europe et pour
faire survivre le grand projet européen à l'élargissement qui risque de le
dissoudre seront aussi originales que ce qui a été bâti depuis le début. En
effet, l'Europe ne s'est pas faite en plaquant des schémas nationaux, fédéraux
ou confédéraux, elle s'est faite par une combinaison tout à fait originale, par
un système
sui generis.
J'ai la conviction que ce que nous trouverons, dans la foulée d'une conférence
intergouvernementale que j'espère réussie et en passant par les coopérations
renforcées, constituera à nouveau une percée institutionnelle qui nous
permettra de concilier l'élargissement et l'efficacité. En effet, ce qui
continue à inspirer toute la pensée française, qu'il s'agisse du Président de
la République, du Gouvernement ou des différentes forces politiques que vous
représentez, c'est dans tous les cas, nous le savons, le fait de faire de
l'Europe une puissance qui soit capable de jouer son rôle utile, pacificateur,
tant sur le plan interne que sur le plan externe.
Pour cela, il faut résoudre cette quadrature du cercle qu'est le mécanisme de
la décision dans l'Europe élargie. Je vous ai indiqué dans quel esprit nous
allons aborder cette question pour aller le plus loin possible dans les six
mois à venir, sans oublier que cela ne s'arrêtera pas à la fin de l'année.
Après la fin de l'exercice de la présidence, nous perdrons cette
responsabilité, cette charge, mais nous garderons toute notre influence et nous
retrouverons même, sur certains points, y compris sur celui de l'innovation
politique, quelques marges de liberté supplémentaires.
Telles sont les explications que je voulais apporter. Que ceux auxquels je
n'ai pas répondu en détail ne m'en veuillent pas, je ne peux pas reprendre tous
les points. Il est quelques réponses que je ferai communiquer aux intervenants.
Toutes les suggestions ont été notées.
(Applaudissements sur les travées
socialistes et sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur quelques travées de
l'Union centriste.)
M. le président.
Le débat est clos.
Acte est donné de la déclaration du Gouvernement, qui sera imprimée sous le n°
367 et distribuée.
13
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. Louis de Broissia une proposition de loi modifiant la loi n°
57-32 du 10 janvier 1957 portant statut de l'Agence France-Presse.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 368, distribuée et renvoyée à
la commission des affaires culturelles, sous réserve de la constitution
éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le
règlement.
14
TEXTES SOUMIS EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil relatif à la conclusion du protocole
définissant, pour la période du 3 décembre 1999 au 2 décembre 2002, les
possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre
la Communauté européenne et le gouvernement de Maurice concernant la pêche dans
les eaux de Maurice.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1462 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Avant-projet de budget rectificatif n° 1/2000. Section III. Commission.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1463, annexe 1 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice
2001. Volume 5. Section IV. Cour de justice.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1464, annexe 1 et distribué.
15
DÉPÔT D'UN RAPPORT
M. le président.
J'ai reçu de Mme Anne Heinis, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom
de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les
dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la chasse.
Le rapport sera imprimé sous le n° 365 et distribué.
16
DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION
M. le président.
J'ai reçu de MM. Jacques Larché, José Balarello, Robert Bret, Luc Dejoie, Mme
Dinah Derycke, MM. Jean-Jacques Hyest, Pierre Jarlier, Lucien Lanier, Georges
Othily et Simon Sutour un rapport d'information fait au nom de la commission
des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du
règlement et d'administration générale, à la suite des missions effectuées en
Guyane, Martinique et Guadeloupe du 12 au 23 septembre 1999 et à la Réunion du
12 au 15 janvier 2000.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 366 et distribué.
17
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, fixée à
aujourd'hui mercredi 31 mai 2000 :
A dix heures quinze :
1. Suite de la discussion en deuxième lecture du projet de loi (n° 286,
1999-2000), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième
lecture, modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté
de communication.
Rapport (n° 340, 1999-2000) de M. Jean-Paul Hugot, fait au nom de la
commission des affaires culturelles.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
A quinze heures :
2. Discussion en nouvelle lecture du projet de loi (n° 331, 1999-2000), adopté
avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, modifiant la
loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion
des activités physiques et sportives.
Rapport (n° 354, 1999-2000) de M. James Bordas, fait au nom de la commission
des affaires culturelles.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
3. Eventuellement, suite de l'ordre du jour du matin.
Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements
- Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant habilitation du
Gouvernement à adapter par ordonnance la valeur en euros de certains montants
exprimés en francs dans les textes législatifs (n° 330, 1999-2000) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 5 juin 2000, à dix-sept
heures.
- Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, d'orientation budgétaire
:
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 5 juin
2000, à dix-sept heures.
- Projet de loi de finances rectificative pour 2000, adopté par l'Assemblée
nationale (n° 351, 1999-2000) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
mardi 6 juin 2000, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 6 juin 2000, à midi.
- Projet de loi de règlement définitif du budget de 1998, adopté par
l'Assemblée nationale (n° 350, 1999-2000) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 7 juin 2000, à dix-sept
heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 31 mai 2000, à une heure dix.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES DU SÉNAT
établi par le Sénat dans sa séance du mardi 30 mai 2000
à la suite des conclusions de la conférence des présidents
Mercredi 31 mai 2000 :
Ordre du jour prioritaire
A
10 heures :
1° Suite de la deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications
par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, modifiant la loi n° 86-1067 du
30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (n° 286,
1999-2000).
A
15 heures :
2° Nouvelle lecture du projet de loi, adopté avec modifications par
l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, modifiant la loi n° 84-610 du 16
juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités
physiques et sportives (n° 331, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au mardi 30 mai 2000, à 17 heures, le
délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
3° Eventuellement, suite de l'ordre du jour du matin.
Lundi 5 juin 2000 :
Ordre du jour prioritaire
A
15 heures
et le soir :
Suite de la deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par
l'Assemblée nationale en deuxième lecture, modifiant la loi n° 86-1067 du 30
septembre 1986 relative à la liberté de communication (n° 286, 1999-2000).
Mardi 6 juin 2000 :
Ordre du jour prioritaire
A
9 h 30 :
1° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant habilitation du
Gouvernement à adapter par ordonnance la valeur en euros de certains montants
exprimés en francs dans les textes législatifs (n° 330, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au lundi 5 juin 2000, à 17 heures, le
délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
A
16 heures
et le soir :
2° Eloge funèbre de Roger Husson.
Ordre du jour prioritaire
3° Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, d'orientation
budgétaire.
(La conférence des présidents a fixé à :
- soixante minutes le temps réservé au président et au rapporteur général de
la commission des finances ;
- dix minutes le temps réservé à chacun des présidents des autres commissions
permanentes intéressées ;
- quatre heures la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les
orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel
il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront
être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 5 juin
2000.)
Mercredi 7 juin 2000 :
A
15 heures
et le soir :
Ordre du jour prioritaire
Projet de loi de finances rectificative pour 2000, adopté par l'Assemblée
nationale (n° 351, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 6 juin 2000, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des
amendements à ce texte ;
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion
générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun
groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les
inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17
heures, le mardi 6 juin 2000.)
Jeudi 8 juin 2000 :
A
9 h 30 :
Ordre du jour prioritaire
1° Eventuellement, suite du projet de loi de finances rectificative pour 2000,
adopté par l'Assemblée nationale (n° 351, 1999-2000).
2° Projet de loi de règlement définitif du budget de 1998, adopté par
l'Assemblée nationale (n° 350, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 7 juin 2000, à 17 heures,
le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
3° Deuxième lecture, sous réserve de sa transmission, de la proposition de loi
relative à la constitution d'une commission de contrôle nationale et
décentralisée des fonds publics accordés aux entreprises (AN, n° 2201).
A
15 heures :
4° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de
la séance avant 11 heures.)
Ordre du jour prioritaire
5° Suite de l'ordre du jour du matin.
Mardi 13 juin 2000 :
A
9 h 30 :
1° Dix-huit questions orales (l'ordre d'appel des questions sera fixé
ultérieurement) :
- n° 777 de M. Patrice Gélard à M. le ministre de l'éducation nationale
(Rattachement des écoles du canton de Goderville à l'inspection académique
d'Yvetot) ;
- n° 804 de M. Georges Mouly à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux
handicapés (Développement du service de gériatrie du centre hospitalier général
de Tulle) ;
- n° 809 de M. Josselin de Rohan à M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement (Réseau transeuropéen de fret ferroviaire) ;
- n° 812 de M. Jean-Claude Carle à Mme le secrétaire d'Etat au budget
(Augmentation du taux de remise sur les ventes de tabac) ;
- n° 814 de M. Francis Grignon à M. le ministre de l'économie, des finances et
de l'industrie (Taux de TVA applicable au chocolat noir) ;
- n° 815 de M. Daniel Hoeffel à Mme le ministre de l'emploi et de la
solidarité (Convention de l'OIT traitant des droits de la maternité) ;
- n° 816 de M. Christian Demuynck à M. le ministre de l'économie, des finances
et de l'industrie (Application de la TVA à la restauration collective) ;
- n° 818 de M. Paul Girod à M. le ministre de l'équipement, des transports et
du logement (Fermeture du centre de parachutisme de Laon) ;
- n° 820 de M. André Vallet à M. le ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie (Refus d'acceptation de certains billets par les commerçants) ;
- n° 821 de M. Paul Blanc à M. le ministre délégué chargé des affaires
européennes (Programme d'aides communautaires) ;
- n° 823 de M. Aymeri de Montesquiou à M. le ministre délégué chargé des
affaires européennes (Demande de simplification administrative des mesures
communautaires) ;
- n° 824 de M. Serge Franchis à M. le ministre de la fonction publique et de
la réforme de l'Etat (Cumul d'activités des agents de la fonction publique
territoriale) ;
- n° 825 de Mme Danièle Pourtaud à M. le secrétaire d'Etat au logement
(Reconduction des baux de locataires en situation précaire) ;
- n° 827 de Mme Danielle Bidard-Reydet à M. le ministre de l'intérieur
(Commémoration des événements d'octobre 1961) ;
- n° 829 de M. Jean-Louis Lorrain à M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement (Déficit de contrôleurs aériens en Europe) ;
- n° 830 de M. Roland Muzeau à M. le ministre de l'économie, des finances et
de l'industrie (Relance du bâtiment et inflation des prix) ;
- n° 831 de M. Jean-Pierre Vial à M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement (Avancement du projet de liaison ferroviaire
Lyon-Turin) ;
- n° 832 de M. Gilbert Chabroux à Mme le ministre de la culture et de la
communication (Situation de la radio « FIP »).
A
16 heures
et, éventuellement, le soir :
Ordre du jour prioritaire
2° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration
d'urgence, d'orientation pour l'outre-mer (n° 342, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 13 juin 2000, à 16 heures, le délai limite pour le dépôt des
amendements à ce texte ;
- à dix minutes le temps réservé au représentant de la délégation aux droits
des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes ;
- à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la
discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la
liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les
inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 12
heures, le mardi 13 juin 2000.)
Mercredi 14 juin 2000 :
Ordre du jour prioritaire
A
15 heures
et le soir :
Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration
d'urgence, d'orientation pour l'outre-mer (n° 342, 1999-2000).
Jeudi 15 juin 2000 :
Ordre du jour réservé
A
10 heures
et à
15 heures :
1° Proposition de loi de M. Lucien Neuwirth et de plusieurs de ses collègues
instituant un congé et une allocation favorisant l'exercice de la solidarité
familiale en cas de maladie d'un enfant ou de fin de vie d'un proche (n° 348,
1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 14 juin 2000, à 17 heures,
le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
2° Proposition de loi de M. André Dulait et de plusieurs de ses collègues
portant sur l'organisation d'audiences publiques lors de la réalisation de
grandes infrastructures (n° 196, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 14 juin 2000, à 17 heures,
le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
3° Proposition de loi de M. Jean-Claude Gaudin et de plusieurs de ses
collègues tendant à permettre aux conseillers d'arrondissement de siéger au
conseil d'une communauté urbaine (n° 277, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 14 juin 2000, à 17 heures,
le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
Lundi 19 juin 2000 :
Ordre du jour prioritaire
A
15 heures
et le soir :
Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration
d'urgence, d'orientation pour l'outre-mer (n° 342, 1999-2000).
Mardi 20 juin 2000 :
Ordre du jour prioritaire
A
10 heures :
1° Eventuellement, suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale
après déclaration d'urgence, d'orientation pour l'outre-mer (n° 342,
1999-2000).
A
16 heures
et, éventuellement, le soir :
2° Nouvelle lecture du projet de loi organique, adopté par l'Assemblée
nationale en nouvelle lecture, tendant à favoriser l'égal accès des femmes et
des hommes aux mandats de membre des assemblées de province et du congrès de la
Nouvelle-Calédonie, de l'assemblée de la Polynésie française et de l'assemblée
territoriale des îles Wallis-et-Futuna (n° 363, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au lundi 19 juin 2000, à 17 heures, le
délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
3° Nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en
nouvelle lecture, relatif à l'élection des sénateurs (n° 364, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au lundi 19 juin 2000, à 17 heures, le
délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
4° Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte
paritaire sur le projet de loi relatif au référé devant les juridictions
administratives.
Mercredi 21 juin 2000 :
Ordre du jour prioritaire
A
15 heures
et le soir :
1° Nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en
nouvelle lecture, relatif à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage (n°
352, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au mardi 20 juin 2000, à 17 heures, le
délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
2° Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture de la
proposition de loi relative à la prestation compensatoire en matière de
divorce.
3° Sous réserve de sa transmission, projet de loi autorisant la ratification
de la convention relative à la coopération en matière d'adoption d'enfants
entre la République française et la République socialiste du Vietnam (AN, n°
2358).
Jeudi 22 juin 2000 :
A
9 h 30 :
Ordre du jour prioritaire
1° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation
du Protocole de Kyoto à la convention-cadre des Nations unies sur les
changements climatiques (ensemble deux annexes) (n° 305 rect., 1999-2000).
2° Nouvelle lecture du projet de loi relatif à la chasse.
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 21 juin 2000, à 17 heures,
le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
A
15 heures
et, éventuellement, le soir :
3° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de
la séance avant 11 heures.)
Ordre du jour prioritaire
4° Suite de l'ordre du jour du matin.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Reconnaissance et traitement des maladies professionnelles
850.
- 30 mai 2000. -
M. Pierre Lefebvre
rappelle à
Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
que la région Nord - Pas-de-Calais paie dans la chair de ses habitants un lourd
tribut à l'essor industriel qu'on lui a longtemps demandé d'assurer. Cette
souffrance apparaît surtout au travers des maladies professionnelles que, par
ailleurs, le ministère de l'emploi et de la solidarité a largement contribué à
faire reconnaître, ce dont on lui sait gré. Il reste néanmoins beaucoup à faire
notamment en matière de silicose et autres formes de pneumocontoses qui
concernent directement 18 000 anciens mineurs, quand 12 000 autres en sont déjà
décédés. Des milliers d'autres ne sont pas reconnues. L'union régionale des
sociétés de sécurité sociale minière dispose dans la gestion des
reconnaissances des affections, des demandes d'aggravation et de détermination
des causes de décès d'un pouvoir absolu qui la rend juge et partie. Les
travailleurs de cette corporation ne bénéficient donc pas des mêmes droits que
tout citoyen : le libre choix de son médecin. Même le médecin traitant de
secteur, que l'on peut supposer connaître ses patients, est exclu en dernier
ressort de la décision finale. Ne serait-il pas plus conforme à notre devoir
national de renforcer et d'améliorer, en le rendant absolument indépendant, le
suivi médical des victimes reconnues ou potentielles ? Ne serait-il pas plus
humain de ne plus faire reposer la reconnaissance de la maladie sur l'autopsie
si dramatique et si choquante. Il souhaiterait connaître son avis sur ces
propositions qui émanent d'une organisation syndicale à laquelle on ne peut que
reconnaître expérience et compétence.
Financement de la politique agricole commune
851. - 30 mai 2000. - M. Jean Bizet interpelle M. le ministre des affaires étrangères sur le financement de la politique agricole commune. Définie dans le cadre du conseil européen de Berlin, cette politique semble aujourd'hui, d'après les craintes émises par le commissaire en charge de l'agriculture, remise en cause par le projet de la commission européenne de financer la reconstruction et le développement des Balkans entre 2001 et 2003, en partie grâce à une réduction des dépenses prévues pour le fonctionnement des marchés agricoles. Cette réduction, de l'ordre de 300 millions d'euros, serait assurée par une réorganisation du marché du sucre. Il est surpris de constater qu'une réorganisation du marché du sucre d'une telle ampleur n'ait pas été réalisée plus tôt ; à moins que les économies ainsi réalisées se traduisent d'une manière ou d'une autre par une diminution du soutien communautaire global et, dans ce cas, les engagements pris lors du conseil européen de Berlin risquent de ne plus être respectés. On peut constater une fois de plus, dans cette affaire, le manque de cohérence et de coordination des travaux du conseil. Il est difficilement acceptable que les ministres des affaires étrangères prennent des décisions apparemment sans se soucier de leur financement, et que l'on propose ensuite aux ministres des finances de remettre en cause un accord global sur la politique agricole commune qui a été longuement et difficilement négocié. Ce manque de cohérence est également un motif d'inquiétude si l'on songe à la reprise des négociations au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). La « clause de paix » qui protège l'agriculture européenne va s'éteindre en 2003. Ce n'est plus si loin ! Et si les négocations continuent à piétiner, la communauté risque d'en aborder la phase finale en position très défavorable, car elle serait alors obligée de négocier sous la menace d'un contentieux lourd de nombreux risques. Il lui demande s'il peut avoir l'assurance que le Gouvernement a bien l'intention de faire respecter les décisions prises à Berlin ? Que ces décisions restent bien la base de la position communautaire dans les négociations de l'OMC ?