Séance du 25 mai 2000







M. le président. « Art. 8 quater . - Il est constitué un fichier national des permis et des autorisations de chasser. L'autorité judiciaire informe l'Office national de la chasse et de la faune sauvage qui assure la gestion de ce fichier des peines prononcées en application des articles L. 228-21 et L. 228-22 du code rural ainsi que des retraits du permis de chasser prononcés en application des articles 131-14 et 131-16 du code pénal.
« Un décret en Conseil d'Etat pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés précise les modalités d'application du présent article. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 193 est présenté par Mme Heinis, au nom de la commission.
L'amendement n° 88 rectifié bis est déposé par MM. Poniatowski, du Luart, About, Bourdin, Carle, Cléach, de Cossé-Brissac, Ambroise Dupont, Jean-Léonce Dupont, Emin, Emorine, Falco, Garrec, Gaudin, Grillot, Mathieu, Nachbar, Pelletier, Pintat, Puech, Raffarin, de Raincourt, Revet, Revol, Trucy, Mme Bardou, MM. Jean Boyer, Balarello, Torre, Humbert et Collin.
Tous deux tendent à supprimer cet article.
La parole est à Mme le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 193.
Mme Anne Heinis, rapporteur. Cet article additionnel inséré par l'Assemblée nationale a pour objet de créer un fichier national des permis et des autorisations de chasser géré par l'ONC.
Il s'agit d'éviter, grâce à la gestion d'un fichier national, qu'un chasseur qui s'est vu retirer son permis de chasser puisse en obtenir un nouveau dans un autre département.
L'intention des auteurs de l'amendement est bonne, mais comporte un risque juridique certain en matière d'atteinte aux libertés publiques. Il est d'ailleurs prévu que la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL, soit consultée sur la mise en place de ce fichier. On peut, en outre, se demander si un tel fichier est vraiment nécessaire.
Le Sénat propose, en effet, que les fédérations départementales des chasseurs soient le guichet unique pour la validation du permis de chasser. Il vaut donc mieux s'en tenir à un système décentralisé d'information, qui ne concernera d'ailleurs que peu de cas par an, c'est-à-dire les personnes qui ont eu une interdiction de prendre leur permis.
M. le président. La parole est à M. Poniatowski, pour défendre l'amendement n° 88 rectifié bis .
M. Ladislas Poniatowski. Comme l'a très bien indiqué Mme le rapporteur à l'instant, l'objet de cet article 8 quater est d'éviter que quelqu'un qui s'est vu retirer son permis de chasser puisse en obtenir un autre dans un autre département. Toutefois, un fichier national comporte de vrais risques, dont nous avons d'ailleurs déjà parlé en commission, en votre présence, madame le ministre.
Compte tenu du fait que nous avons créé, ce matin, le guichet unique, il y aura quatre-vingt-quinze fichiers départementaux, si je puis dire. Ce sera peut-être un peu plus lourd, mais cela permettra de contrôler d'éventuelles fraudes.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 193 et 88 rectifié bis ?
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite vous rassurer : l'intention du Gouvernement n'était pas de mettre réellement en place un fichier national des permis de chasser.
M. Ladislas Poniatowski. Je le sais !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Il s'agissait plutôt de prévoir un outil permettant de détecter les personnes frappées par une interdiction temporaire ou, beaucoup plus rarement, définitive, d'avoir un permis.
L'idée a été avancée de pouvoir utiliser des extraits de casier judiciaire. On ne voit pas bien non plus, puisqu'on ne demande pas un extrait de casier judiciaire avant la délivrance du permis, comment mettre en place de façon pratique ce moyen permettant de vérifier qu'une personne ne tente pas, effectivement, de repasser son permis dans un département autre que celui dans lequel on sait qu'elle n'est pas autorisée à le passer.
Je comprends tout à fait la préoccupation des parlementaires qui suppriment cet outil très lourd qui devrait d'ailleurs, dans son principe, être examiné par la CNIL.
Je m'en remets à la sagesse du Sénat, mais la réflexion sur ce sujet n'est pas terminée.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 193 et 88 rectifié bis.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, on peut avoir une appréciation assez voisine de ce qui vient d'être dit en ce qui concerne la disposition introduite par l'Assemblée nationale.
Je voudrais cependant appeler l'attention du Sénat sur une certaine confusion s'agissant des pouvoirs de la CNIL, confusion que je n'observe d'ailleurs pas pour la première fois dans nos débats.
Mes chers collègues, le Parlement a toujours le droit de créer un fichier, sans l'avis de personne ! Les projets de loi, propositions de loi et amendements ne sont soumis à aucun autre avis que ceux qui sont prévus par la Constitution : Conseil d'Etat pour les projets de loi, rien du tout pour les propositions de loi et les amendements et éventuellement décision du Conseil constitutionnel au final.
Il faut donc arrêter de considérer que, quand nous faisons notre travail de législateur, nous sommes constamment liés par une autorité administrative indépendante, quelle que soit sa valeur et quelles que soient ses compétences.
En revanche, le fait de supprimer cet article introduit par l'Assemblée nationale, dont j'ai bien compris les motivations, n'interdira par au Gouvernement de créer par décret un fichier national ; mais là, il devra consulter la CNIL puisque, pour les textes réglementaires, il doit consulter cette autorité.
Je suis prêt à me rallier à la position proposée, mais je souhaite quand même que l'on étudie de près en commission mixte paritaire s'il ne faut pas prévoir dans le texte un certain nombre de garanties pour que, si le fichier doit être créé un jour par voie réglementaire, par ce gouvernement ou par un autre - la question n'est pas là - cette création s'entoure quand même d'un certain nombre d'exigences posées par le législateur, exigences auxquelles la CNIL sera tenue de déférer. Jusqu'à nouvel ordre, en dehors du Conseil constitutionnel, personne dans ce pays ne peut tenir la main du législateur en matière de libertés publiques ! (M. Carrère applaudit.)
M. Gérard Le Cam. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Le groupe communiste républicain et citoyen est favorable au maintien de ce fichier national, dans la mesure où ce dernier ne porte en rien préjudice aux chasseurs.
Nous voterons donc contre l'amendement n° 193 et l'amendement n° 88 rectifié bis tendant à supprimer l'article 8 quater.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 193 et 88 rectifié bis, pour lesquels le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 8 quater est supprimé.

Article 9