Séance du 25 mai 2000
CONVENTION ET PROTOCOLES RELATIFS
À LA PROTECTION DE LA MÉDITERRANÉE
CONTRE LA POLLUTION
Adoption de quatre projets de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion :
- du projet de loi (n° 15, 1999-2000) autorisant l'approbation des amendements
à la convention pour la protection de la mer Méditerranée contre la pollution.
[Rapport n° 266, (1999-2000).] ;
- du projet de loi (n° 16, 1999-2000) autorisant l'approbation des amendements
au protocole relatif à la protection de la mer Méditerranée contre la pollution
d'origine tellurique. [Rapport n° 266 (1999-2000).] ;
- du projet de loi (n° 17, 1999-2000) autorisant l'approbation des amendements
au protocole relatif à la prévention de la pollution de la mer Méditerranée par
les opérations d'immersion effectuées par les navires et aéronefs. [Rapport n°
266 (1999-2000).] ;
- du projet de loi (n° 18, 1999-2000) autorisant l'approbation du protocole
relatif aux aires spécialement protégées et à la diversité biologique en
Méditerranée (ensemble trois annexes adoptées à Monaco le 24 novembre 1996).
[Rapport n° 266 (1999-2000).].
La conférence des présidents a décidé que ces quatre textes feraient l'objet
d'une discussion générale commune.
Dans la discussion générale commune, la parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
La
Méditerranée, mer semi-fermée, est un écosystème fragile. Un cadre juridique
rénové s'avère essentiel pour une gestion durable de ses ressources
naturelles.
Dès les années soixante, la pression conjuguée de la démographie, de
l'urbanisation, de l'industrialisation et d'un tourisme en plein essor avait
entraîné une dégradation sensible de l'environnement méditerranéen, qui a
incité les Etats riverains à prendre conscience de la nécessité d'oeuvrer en
commun pour tenter de réduire les pollutions, de mieux gérer les ressources
naturelles et de maîtriser le développement.
La première conférence mondiale des Nations unies sur l'environnement humain,
à Stockolm, en 1972, avait conduit à la création du programme des Nations unies
pour l'environnement.
Les mers régionales étaient alors apparues prioritaires, et en particulier la
Méditerranée. En conséquence, en 1975, seize des dix-huit pays riverains
adoptaient, à Barcelone, le plan d'action pour la Méditerranée, qui relève du
programme pour les océans et les zones côtières du programme des Nations unies
pour l'environnement, puis, l'année suivante, une convention, la convention de
Barcelone, et plusieurs protocoles visant à lutter contre la pollution.
Afin de tenir compte des développements internationaux dans ce domaine,
notamment des grands principes consacrés par la conférence de Rio de 1992 sur
le développement durable, tels que le principe de précaution, le principe
pollueur-payeur ou encore la nécessité de recourir à de meilleures pratiques
environnementales, les parties à la convention de Barcelone ont, en 1995 et
1996, amendé ce texte et trois de ses protocoles : le protocole relatif à la
protection de la mer Méditerranée contre la pollution provenant de sources et
activités situées à terre, également dénommé « protocole tellurique » ; le
protocole relatif à la prévention de la pollution de la mer Méditerranée par
les opérations d'immersion effectuées par les navires et les aéronefs ; le
protocole relatif aux aires spécialement protégées et à la diversité biologique
en Méditerranée.
Les amendements apportés au protocole tellurique accordent la priorité au
traitement et à la gestion des eaux usées et affichent un objectif
d'élimination progressive des déversements, dans les fleuves et en mer, de
substances toxiques, persistantes et susceptibles de bio-accumulation. Les
produits à éliminer en priorité sont énumérés dans une annexe au protocole. Il
s'agit principalement de dérivés du chlore, de métaux lourds et de leurs
composés. Il est important de préciser que la pollution provenant de sources
situées à terre constitue 80 % des pollutions en Méditerranée.
Les parties rendront compte tous les deux ans des mesures qu'ils auront
adoptées, de leurs résultats, mais aussi des difficultés rencontrées dans la
mise en oeuvre du protocole.
Je signale également que j'ai d'ores et déjà demandé à mes services d'étudier
la possibilité d'utiliser le fonds français pour l'environnement mondial pour
cofinancer le programme d'actions stratégiques du plan d'action pour la
Méditerranée, qui s'inscrit dans le cadre de la mise en oeuvre de ce protocole,
et lui donner ainsi les applications concrètes dont vous avez souligné,
monsieur le rapporteur, la nécessité.
Le deuxième protocole, relatif à la prévention de la pollution de la mer
Méditerranée par les opérations d'immersion effectuées par les navires et les
aéronefs, retient désormais un principe général d'interdiction des immersions.
Les exceptions à ce principe, expressément énumérées, concernent les matériaux
de dragage, les immersions de navires jusqu'au 31 décembre 2000 seulement,
ainsi que les plates-formes ou autres ouvrages placés en mer, sous réserve
qu'aient été retirés, dans toute la mesure du possible, les matériaux
susceptibles de produire des déchets polluants.
Ce protocole est en deçà des décisions prises en juillet 1998, à Sintra, pour
l'Atlantique Nord-Est, dans le cadre de la convention sur la protection de
l'Atlantique Nord-Est contre la pollution, dite convention OSPAR, mais il est
vrai que la pression des activités
offshore
est, en Méditerranée, bien
inférieure à ce qu'elle est en mer du Nord.
L'immersion de ces déchets ou ouvrages sera en tout état de cause soumise à
l'obtention d'un permis spécial. Une disposition du protocole stipule également
que l'incinération en mer est interdite. Cette disposition a été introduite en
droit français en 1996.
A cet égard, je partage, monsieur le rapporteur, votre analyse selon laquelle
les dérogations prévues au bénéfice des activités de défense nationale ne
devraient pas faire obstacle à la recherche systématique de techniques
d'éliminations adaptées, notamment de munitions.
Le troisième protocole cité, relatif aux aires spécialement protégées, a été
actualisé pour tenir compte non seulement de la nécessaire préservation des
aires marines et côtières, mais aussi de la protection des espèces animales et
végétales. Le champ géographique du nouveau texte est plus étendu que celui du
protocole adopté en 1982 : il concerne l'ensemble de la Méditerranée et non
plus uniquement les eaux territoriales des Etats membres.
Le protocole a deux finalités essentielles.
Il doit nous permettre de constituer un réseau d'aires spécialement protégées
ayant pour but la conservation du patrimoine méditerranéen. Cet objectif sera
atteint par le développement d'une coopération bilatérale et multilatérale dans
le domaine de la conservation et de la gestion des sites naturels. A titre
d'exemple, le sanctuaire des cétacés, qui a fait l'objet l'an dernier d'un
accord entre la France, l'Italie et Monaco, aurait vocation à devenir une aire
spécialement protégée.
Il doit, par ailleurs, favoriser la protection et la conservation des espèces
animales et végétales sauvages. Des listes d'espèces, essentiellement marines,
en danger ou menacées ont été établies à cette fin. Je citerai, par exemple,
les mammifères marins - dauphin, cachalot, rorqual, phoque-moine - ainsi que
les tortues marines ou les herbiers de posidonie.
Il convient, enfin, de relever, dans les amendements qui vous sont présentés,
la reconnaissance du rôle de la société civile. La convention sur la protection
du milieu marin et du littoral de la mer Méditerranée consacre plusieurs
dispositions à l'accès à l'information et à la participation du public.
La Méditerranée est belle et fragile. La France y est historiquement très
présente et elle a, à ce titre, une responsabilité particulière pour sa
préservation.
La France a, de fait, joué un rôle important dans la mise en place du
dispositif de Barcelone. Elle occupe une place centrale dans sa mise en oeuvre,
par sa capacité de proposition et d'expertise notamment. Sa contribution au
budget du plan d'action Méditerranée s'élève ainsi à 38 %, soit 10 millions de
francs. De même, un des six centres d'action régionale de la convention de
Barcelone, le plan Bleu, est situé en France et réalise depuis une vingtaine
d'années un travail de prospective sur l'avenir de la Méditerranée. Il est,
depuis 1995, la cheville ouvrière de la commission méditerranéenne du
développement durable.
C'est pourquoi il est essentiel que notre pays ratifie sans délai l'ensemble
des accords qui constituent le dispositif. Le Gouvernement s'est d'ailleurs
engagé à agir en ce sens lors du comité interministériel de la mer de Nantes,
le 28 février 2000. La ratification des quatre projets de loi qui vous sont
présentés nous donnera les moyens de l'adapter en répondant aux pressions
croissantes - démographique, urbaine et industrielle - qui pèsent sur la région
méditerranéenne.
La mise en place d'une zone de protection écologique en Méditerranée, dont la
création a été annoncée par le Premier ministre au cours de ce même comité
interministériel de la mer de Nantes, devrait également nous permettre de mieux
faire appliquer la convention de Barcelone et ses protocoles, et plus
généralement de protéger ses écosystèmes contre les comportements inacceptables
qui la menacent, tels que les dégazages, dont vous avez, monsieur le
rapporteur, souligné l'importance - 880 000 tonnes d'hydrocarbures par an, en
moyenne - dans cette mer fermée.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les
principales observations qu'appellent les amendements à la convention de
Barcelone et à trois de ses protocoles, qui font l'objet des projets de loi
soumis à votre approbation.
(Applaudissements sur les travées socialistes
ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Aymeri de Montesquiou,
rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Madame la ministre, je ne reviendrai pas sur le contenu de
ces quatre accords que vous venez de nous présenter, non plus que sur votre
constat, que je partage. Vous avez raison, la Méditerranée est belle et
fragile.
Je souhaite d'abord rappeler les raisons qui plaident pour un renforcement de
la protection de la Méditerranée avant d'évoquer les interrogations que peuvent
soulever les textes soumis à notre examen.
La protection de la Méditerranée constitue d'abord un impératif qui se décline
sous la forme de trois exigences.
Une exigence d'action, d'abord.
En effet, la Méditerranée constitue un espace particulièrement fragile,
aujourd'hui soumis à une pression humaine croissante. Le nombre des riverains
du bassin méditerranéen devrait ainsi passer de 397 millions en 1993 à 540
millions en 2025. Parallèlement, le trafic maritime s'intensifie : la
Méditerranée représente 0,7 % de la superficie des mers et des océans du globe,
mais accueille chaque jour quelque six cents navires, soit le tiers du trafic
pétrolier mondial. Notre patrimoine naturel risquerait dès lors de subir des
blessures irréparables sans une action volontariste et concertée des Etats
riverains.
Une exigence de solidarité, ensuite.
Certes, dans la mesure où les trois grands pays industrialisés du nord -
France, Italie, Espagne - représentent 85 % de l'industrie manufacturière du
bassin méditerranéen, ils peuvent aussi être tenus pour les principaux
responsables de la pollution. Toutefois, proportionnellement au poids de leur
industrie, les pays en développement peuvent être considérés comme plus
pollueurs que les pays du nord de la Méditerranée. Ainsi, les pays de la rive
sud n'assurent que 15 % de la production manufacturière, mais ils se
trouveraient à l'origine de 30 % de la pollution tellurique. Cette situation
est liée à la rareté des installations de traitement, conjuguée au relatif
laxisme de la réglementation. Une aide spécifique dans le domaine de
l'environnement est donc indispensable.
Une exigence de connaissances, enfin.
Il reste en effet difficile de dresser un état des lieux précis de la
pollution en Méditerranée, compte tenu de l'absence de données homogènes pour
les différents pays. Nombre d'Etats n'ont pas les moyens d'évaluation
nécessaires, ou, s'ils les ont, ne sont pas toujours désireux de donner une
publicité à des résultats qui pourraient avoir des retombées négatives sur la
fréquentation touristique, qui représente, faut-il le rappeler, une ressource
essentielle pour les économies de la région. Aussi les connaissances
doivent-elles encore progresser. Il faut souligner, à cet égard - vous l'avez
rappelé, madame la ministre - le rôle exemplaire que joue le centre d'activités
régionales de Sophia-Antipolis comme instance d'échanges et d'expertises, et
rendre hommage à l'action de notre collègue Pierre Laffitte,
président-fondateur de Sophia-Antipolis.
Le dispositif mis en place dans le cadre des quatre protocoles répond dans une
large mesure à ces trois exigences. Il soulève cependant trois interrogations
sur lesquelles je souhaite revenir.
La première interrogation est l'incertitude des moyens financiers.
La lutte contre la pollution en Méditerranée requiert certes un dispositif
juridique adapté, mais elle suppose aussi, et c'est très important, des moyens
financiers renforcés.
En effet, la protection de l'environnement appelle la mise en oeuvre de
technologies dites « propres », plus coûteuses que les outillages
traditionnels. La question se complique dans une aire géographique comme la
Méditerranée où les économies présentent de grands écarts de développement. Dès
lors, il importe non seulement de dégager les ressources nécessaires mais d'en
assurer une répartition adéquate.
Telles sont les données d'une question qui n'a trouvé pour l'heure que des
réponses très partielles.
Le montant global représenté par les actions entreprises pour assurer la
protection de la Méditerranée n'a pas véritablement fait l'objet d'une
évaluation précise. Il réunit en effet des financements très divers, nationaux
ou multilatéraux.
Je voudrais souligner que, en France même, il n'existe pas de recoupement
précis des crédits dévolus à la protection de la Méditerranée.
Une évaluation précise de l'effort national s'impose aujourd'hui, ne serait-ce
que pour favoriser la coordination entre bailleurs de fonds, qui sont très
nombreux et très divers. Les éléments chiffrés disponibles permettent toutefois
d'estimer que les moyens ne seraient pas à la mesure des besoins encore
considérables en matière de lutte contre la pollution.
La deuxième interrrogation porte sur le statut particulier des activités liées
à la défense nationale.
La France a réitéré, à l'occasion de la conclusion des amendements aux
protocoles relatifs à la protection de la Méditerranée, la déclaration au terme
de laquelle elle n'appliquerait pas les dispositions contenues dans ces textes,
dans le cas où elles feraient obstacle aux activités liées à la défense
nationale.
Dans ce domaine, le principe même d'un régime dérogatoire ne paraît pas
contestable. Comme le rappelle le texte même de la déclaration, ce régime
d'exception ne doit cependant pas exonérer la défense, quand les intérêts
essentiels de notre sécurité ne sont pas en cause, d'entreprendre les efforts
nécessaires pour respecter les objectifs fixés par les protocoles.
Or une part d'ombre reste attachée aux activités militaires, génératrices de
pollutions. A la faveur de la ratification de ces protocoles, une clarification
apparaît opportune. Je pense en particulier au choix d'immerger des munitions
tenues pour obsolètes plutôt que de procéder à leur destruction sur terre. Dans
ce cas précis, la recherche de techniques d'élimination plus adaptées devrait
constituer, à coup sûr, une priorité pour les pouvoirs publics.
La troisième interrogation porte sur la difficulté de mettre en oeuvre des
normes contraignantes.
L'efficacité suppose, d'une part, la mise en place de normes précises et de
mesures de contrôle et, d'autre part, l'adhésion d'une large majorité d'Etats
puisqu'il s'agit avant tout de défendre un bien commun. Cette double exigence
revêt un caractère contradictoire, car un système trop contraignant a peu de
chance de rallier un grand nombre d'Etats.
Le « système de Barcelone » cherche avant tout à obtenir l'adhésion de tous
les Etats riverains de la Méditerranée. Cet objectif apparaît largement atteint
: un Etat comme la Libye, régulièrement tenu à l'écart du système
international, est ainsi partie à la convention de Barcelone.
En contrepartie, le dispositif revêt une grande souplesse. L'accord cadre fixe
des objectifs très généraux. Les protocoles paraissent plus précis. Ils
renvoient cependant la mise en oeuvre de dispositions véritablement
contraignantes aux programmes d'actions laissés à l'initiative des Etats.
L'efficacité de la lutte contre la pollution passe donc par l'organisation de
tels programmes. La France, pour sa part, s'emploie à favoriser ce type
d'initiatives.
Compte tenu de son poids politique et économique dans la région, elle doit
toutefois agir avec circonspection si elle veut éviter d'apparaître comme une
puissance hégémonique aux yeux de ses partenaires. Notre pays bénéficierait
d'une capacité de persuasion plus forte s'il s'appuyait sur une politique de
coopération dotée des moyens nécessaires.
Au-delà même de la politique gouvernementale, la protection de la Méditerranée
intéresse aussi les acteurs de la société civile, en particulier nos
entreprises. En effet, la mise en place d'un cadre contraignant - au regard des
rejets d'eaux usées, par exemple - peut conduire certaines industries à
s'établir dans des pays dotés de législations moins rigoureuses. Ce risque de
dumping
économique ne peut être écarté que par un effort très large de
sensibilisation qui doit encore être poursuivi et amplifié.
En conclusion, le dispositif mis en place à Barcelone a marqué un véritable
progrès dans la prise de conscience des risques auxquels la Méditerranée se
trouve confrontée. A défaut de fixer des normes véritablement contraignantes,
du moins définit-il des objectifs et des principes d'action commun.
Au regard des avancées indéniables apportées par les amendements qui nous sont
proposés, votre commission vous propose, mes chers collègues, d'approuver les
quatre présents projets de loi.
M. le président.
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les projets de
loi examinés aujourd'hui tendent à l'approbation d'amendements relatifs à des
protocoles à une convention, ainsi qu'à l'approbation d'un protocole ; tous
concernent la lutte contre la pollution en Méditarranée et visent à développer
les moyens de cette lutte en accord avec les avancées obtenues dans le droit
international de l'environnement.
On ne peut que se féliciter de la volonté d'intensifier les efforts pour faire
régresser une pollution qui menace de façon particulièrement dramatique
l'ensemble du bassin méditerranéen.
Les données sur ce sujet sont assez terrifiantes. Selon les enquêtes menées
par l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer, l'IFREMER,
près de 300 millions de déchets gisent au fond de la Méditerranée ; environ 750
millions de débris flottent à sa surface, et, aux abords des grandes villes,
les fonds marins sont qualifiés par les experts de « véritables décharges ».
L'ensemble des spécialistes réclament depuis des années des mesures urgentes
pour éviter l'asphyxie de cette mer à demi-fermée.
Or, si des projets ont été mis en place pour coordonner les actions de lutte
contre la pollution à l'échelon régional, force est de constater que les
résultats sont loin d'être suffisants.
La catastrophe de l'
Erika
a sensibilisé les citoyens européens aux
dangers que constitue le développement du transport maritime de produits
polluants lorsqu'il est fondé uniquement sur des critères de rentabilité sans
prendre suffisamment en compte les intérêts écologiques.
Il est devenu impératif de le soumettre à des règles beaucoup plus strictes.
Il serait judicieux de mettre à profit la présidence française de l'Union
européenne pour faire avancer ce dossier et renforcer la réglementation
maritime en matière de sécurité. Notre rapporteur rappelait les six cents
navires qu'accueille la Méditerranée ; on mesure l'ampleur du désastre
écologique et humanitaire que pourrait représenter une catastrophe comme
l'
Erika
dans cette région.
La question de la protection de l'environnement et du développement durable se
pose aujourd'hui de plus en plus fortement à l'échelon international. De
nombreuses ONG et un nombre important d'organismes se mobilisent depuis des
années en sensibilisant l'opinion publique et en responsabilisant les décideurs
pour qu'ils agissent de façon concrète.
En Méditerranée tout particulièrement, il est nécessaire de renforcer les
législations nationales et internationales dans ce domaine, de développer la
coopération et de dégager les moyens pour une véritable protection du
patrimoine que constitue ce bassin, tant au niveau des littoraux que des fonds
sous-marins et de leurs ressources biologiques.
L'objectif des quatre projets de loi semble aller dans ce sens.
Nous approuvons tout particulièrement la proclamation de l'interdiction
absolue de l'incinération en mer et du principe général de l'interdiction
d'immersion effectuée par les navires et aéronefs.
La prise en compte des grands principes consacrés par la déclaration de Rio de
1992 que sont le principe de précaution, l'engagement des Etats à développer
les études d'impacts sur l'environnement, le principe du pollueur-payeur,
marquent une volonté particulièrement importante de responsabiliser les acteurs
pour lutter efficacement contre les causes de pollution.
Le droit d'accès à l'information et à la participation du public est également
très interessant puisqu'il permettra que les citoyens et les associations, de
plus en plus mobilisés sur le sujet, fassent pression sur les décideurs pour
accélérer la mise en oeuvre des mesures, de même que la volonté de privilégier
la création d'aires protégées et la conservation de la biodiversité, et de
donner la priorité au traitement des eaux usées.
Le développement de la coopération régionale en matière scientifique et
technologique et des transferts de compétences entre Etats riverains de la
Méditerranée constitue aussi une condition nécessaire pour une gestion intégrée
et durable des littoraux.
Cependant, on peut s'interroger sur les limites de ces mesures, en particulier
en termes de moyens financiers mis à disposition et en termes de valeur
contraignante des engagements pris.
Les formulations « dans la mesure du possible » - article 4 du projet de loi
n° 17 - par exemple, ou l'obligation des Etats « d'entreprendre d'éliminer » la
pollution d'origine tellurique représentant 80 % de la pollution marine
laissent planer un flou encore considérable quant aux modes de contrôle et aux
contraintes réelles des Etats par rapport à ces objectifs.
Si notre pays peut et doit s'appliquer à respecter ses engagements et inciter
les autres pays de la région à le faire, il nous semblerait nécessaire d'être
beaucoup plus précis à l'avenir lors des renégociations des conventions ou
protocoles et d'affirmer le caractère contraignant des engagements.
Plus largement, il est indispensable, pour atteindre l'objectif d'un
aménagement régional durable du bassin méditerranéen, de réorienter l'approche
du développement et de la coopération entre les rives nord et sud.
L'orientation libérale avec la recherche du profit maximum aujourd'hui partout
prédominante implique une conception de l'aménagement du territoire à court
terme avec le « pillage » des ressources, la non-prise en compte des facteurs
écologiques...
Avec le développement effréné des infrastructures touristiques sur les côtes,
les modes de gestion dans le transport maritime, la pollution non maîtrisée
liée aux industries polluantes et à l'agriculture qui affecte les rivières se
déversant dans la mer, on voit bien à quel problème on s'attaque !
Lutter contre la pollution, promouvoir le développement durable dans un souci
de préservation à long terme des patrimoines naturels implique, en Méditerranée
comme ailleurs, de repenser les modes de développement et les logiques qui les
sous-tendent.
On peut regretter également que la question de la participation des
collectivités territoriales aux projets ne soit pas évoquée. Ces collectivités
jouent un rôle de plus en plus important en termes d'aménagement régional, en
France comme dans les autres pays riverains. Des projets de coopération entre
régions transfrontalières, dans le cadre du programme Interreg par exemple, se
développent. En disant cela, je pense tout particulièrement à la région
Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Ces projets, ces initiatives devraient être encouragés. Il nous semble donc
important que soient associées les collectivités locales, au premier rang
desquelles figurent les régions. Elles doivent pouvoir exercer leur rôle
fédérateur pour les choix des ASPIM, des aires spécialement protégées à
importance méditerranéenne, et doivent être associées à l'élaboration des plans
de gestion.
Parallèlement, la question des écarts de richesse entre les pays du nord et du
sud du bassin est essentielle ; il faut la prendre en considération. Il ne peut
y avoir de développement intégré et durable dans un bassin où les inégalités
continuent de s'accentuer. Il faut reconsidérer la politique de coopération
aujourd'hui mise en oeuvre dans le cadre du processus de Barcelone, pour
l'orienter vers le développement durable pour tous les peuples méditerranéens,
côté nord comme côté sud.
Les aides techniques mais aussi financières des pays du Nord devront être
importantes afin de donner aux pays du Sud les moyens de répondre aux exigences
écologiques. Dans ce cadre, la coopération décentralisée entre collectivités
territoriales pourrait jouer un rôle important et devrait être soutenue dans un
souci d'efficacité. Je pense notamment au prochain sommet euroméditerranéen des
chefs d'Etat, à la mi-novembre, à Marseille-Barcelone 5 : rendez-vous important
à ne pas manquer.
La Méditerranée fait partie de notre patrimoine, c'est la
Mare nostrum
,
notre mer commune.
Il est de notre responsabilité à tous de la protéger. C'est pourquoi nous
sommes favorables à l'adoption des projets de loi présentés aujourd'hui, qui
constituent un premier pas vers cet objectif. Mais les efforts doivent être
poursuivis et intensifiés dans une approche globale qui intègre l'ensemble de
la réflexion sur le développement de la région.
M. Gérard Le Cam.
Très bien !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
La discussion générale commune est close.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Je demande
la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Je sais
qu'il est de tradition de discuter plutôt brièvement des conventions
internationales, mais les parlementaires ont posé des questions assez précises
auxquelles je voudrais répondre.
Tout d'abord, en réponse aux sollicitations de M. de Montesquiou, je voudrais
dire que la tâche est effectivement immense - nous le savons bien - en raison,
notamment, des moyens très hétérogènes des Etats riverains.
Mais je crois que nous en sommes suffisamment conscients pour faire en sorte
que prédominent les démarches de coopération. Il s'agit de convaincre pour
entraîner l'adhésion et non de pointer du doigt les comportements, que nous
qualifierons un peu hâtivement d'irresponsables au regard de la protection de
la Méditerranée, des pays qui sont confrontés à une expansion rapide, massive
de leur population littorale, sans forcément disposer des moyens nécessaires
pour mettre en place, notamment, l'assainissement et les bonnes pratiques de
gestion en termes d'urbanisme et d'agriculture que la protection de cette mer
impose.
En revanche, il est tout à fait nécessaire, pour ce qui nous concerne et avant
de tenir de grands discours généraux, de développer les stratégies qui nous
permettront de faire face à nos responsabilités, au-delà des programmes de
coopération.
Je voudrais à cet égard profiter de l'occasion qui m'est donnée ici pour faire
rapidement le point sur quelques politiques menées par mon ministère ou
auxquelles mon ministère participe, en termes tant de prévention que de
réparation des dégâts.
Je tiens à tout d'abord à évoquer la politique de protection des espaces
remarquables.
A ce titre, je rappelle pour mémoire les efforts développés par le
Conservatoire du littoral depuis des années. En Méditerranée, ces efforts sont
en train de porter leurs fruits avec le parc national de Port-Cros et, au-delà,
grâce à la possibilité d'acquérir des portions importantes du littoral dans la
presqu'île de Giens ou en Corse, par exemple.
Je tiens à attirer votre attention - en espérant votre aide - sur la « panne »
qui frappe le projet de parc marin de la Scandola, en Corse. Le concept des
parcs marins est tout à fait innovant. Il consiste à protéger d'un même
mouvement le littoral terrestre et le littoral maritime, qui se trouve être
riche en termes de lieux de reproduction de la faune et de variétés
floristiques. Cette interruption s'explique, à mon sens, essentiellement par
des craintes infondées de la part des professionnels de la pêche ou du
tourisme. La mobilisation de l'Etat, qui est forte, devrait pouvoir s'appuyer
sur les élus et les parlementaires.
Ma deuxième remarque sera pour souligner, après M. Bret, la nécessité de
maîtriser l'urbanisme. Je crois effectivement que l'assainissement, la maîtrise
des pollutions d'origine tellurique sont une priorité.
Je saisis l'occasion de pointer la tentation rémanente - presque rituelle - de
remettre en cause la loi « littoral », sous des prétextes aussi vertueux en
apparence qu'ambigus dans leurs arrière-pensées à un moment où cette tentation
apparaît plus forte que jamais.
J'évoquerai maintenant la question de l'adoption de bonnes pratiques
agricoles.
On a pointé l'importance des pollutions telluriques, mais il s'agit non
seulement d'encadrer l'usage des produits phytosanitaires, par exemple, mais
aussi d'adopter des politiques permettant de limiter l'érosion des sols et des
lessivements, qui sont une cause non négligeable de dégradation des zones du
littoral.
J'insiste aussi sur un point tout à fait essentiel à cette heure :
l'importance des pollutions liées aux hydrocarbures, que vous avez évoquée,
monsieur le rapporteur.
Les chiffres sont certes imprécis, mais, c'est vrai, le vôtre est encore plus
affolant que celui que j'avais trouvé dans la littérature de mes services ! Il
invite à considérer comme une priorité les installations de déballastage dans
les ports et la mise en place d'un certificat préalable à l'autorisation de
départ des ports français garantissant que les navires ont opéré le
déballastage dans le port.
Je voudrais également insister sur la nécessité de mettre en place de façon
effective les moyens de surveillance et de contrôle qui sont prévus dans l'un
des protocoles, d'ailleurs en cours de révision, de la convention de Barcelone.
Ce protocole, qui concerne la pollution par hydrocarbures, date de 1978. Il
prévoit un dispositif de surveillance et une assistance en cas de catastrophe,
le suivi de sa mise en oeuvre étant assuré par le centre régional de lutte
contre la pollution de la Méditerranée par les hydrocarbures, basé à Malte. Le
moins que l'on puisse dire, c'est que le travail de ce centre n'est pas
complètement convaincant !
Vous avez évoqué, monsieur de Montesquiou, la catastrophe que constituerait en
Méditerranée une pollution comparable à celle de l'
Erika
. Au moment même
où ce navire souillait les côtes atlantiques, le naufrage d'un navire a
provoqué une pollution grave du détroit du Bosphore, dans l'indifférence
générale ou presque.
Par ailleurs, je suis allée en mer Baltique afin de prendre connaissance de la
méthode employée par les Etats riverains pour mettre en commun leurs moyens,
qui sont justement inégalement répartis entre les Etats scandinaves et les
Etats de l'ex-bloc de l'Est. Je crois que nous pourrions nous en inspirer en
Méditerranée.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que je voulais dire à ce stade,
en vous remerciant de votre mobilisation et en espérant votre soutien pour la
mise en place d'une zone de protection écologique en Méditerranée, qui, au-delà
de la convention de Barcelone, nous permettra de mieux faire respecter cette
dernière, qu'il s'agisse de protection de la diversité biologique ou de lutte
contre les pollutions.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi
que sur celles du groupe communiste, républicain et citoyen.)
PROJET DE LOI N° 15
M. le président.
Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 15.
«
Article unique. -
Est autorisée l'approbation des amendements à la
convention pour la protection de la mer Méditerranée contre la pollution,
adoptés à Barcelone le 10 juin 1995, et dont le texte est annexé à la présente
loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
PROJET DE LOI N° 16
M. le président.
Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 16.
«
Article unique. -
Est autorisée l'approbation des amendements au
protocole relatif à la protection de la mer Méditerranée contre la pollution
d'origine tellurique, adoptés à Syracuse le 7 mars 1996, et dont le texte est
annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
PROJET DE LOI N° 17
M. le président.
Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 17.
«
Article unique.
- Est autorisée l'approbation des amendements au
protocole relatif à la prévention de la pollution de la mer Méditerranée par
les opérations d'immersion effectuées par les navires et aéronefs, adoptés à
Barcelone le 10 juin 1995, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
PROJET DE LOI N° 18
M. le président.
Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 18.
«
Article unique.
- Est autorisée l'approbation du protocole relatif
aux aires spécialement protégées et à la diversité biologique en Méditerranée
(ensemble trois annexes adoptées à Monaco le 24 novembre 1996), fait à
Barcelone le 10 juin 1995, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
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