Séance du 25 avril 2000







M. le président. « Art. 12. - L'article 9-1 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique est ainsi rédigé :
« Art. 9-1. - Lorsque, pour un parti ou un groupement politique, l'écart entre le nombre de candidats de chaque sexe ayant déclaré se rattacher à ce parti ou groupement, lors du dernier renouvellement général de l'Assemblée nationale, conformément au deuxième alinéa de l'article 9, dépasse 2 % du nombre total de ces candidats, le montant de la première fraction qui lui est attribué en application des articles 8 et 9 est diminué d'un pourcentage égal à la moitié de cet écart rapporté au nombre total de ces candidats.
« Cette diminution n'est pas applicable aux partis et groupements politiques ayant présenté des candidats exclusivement outre-mer lorsque l'écart entre le nombre de candidats de chaque sexe qui s'y sont rattachés n'est pas supérieur à un.
« Les crédits issus de cette diminution reçoivent une nouvelle affectation dans la loi de finances.
« Un rapport est présenté chaque année au Parlement sur l'utilisation des crédits issus de cette diminution et sur les actions entreprises en faveur de la parité politique, et plus particulièrement les campagnes institutionnelles visant à promouvoir la parité et le développement de la citoyenneté. »
Par amendement n° 11, M. Cabanel, au nom de la commission, propose, après le premier alinéa du texte présenté par cet article pour l'article 9-1 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988, d'insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, cette diminution n'est pas applicable lorsque l'écart entre le nombre d'élus de chaque sexe ayant déclaré, conformément au deuxième alinéa de l'article 9, se rattacher audit parti ou groupement, ne dépasse pas 2 % du nombre total de ces élus. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Guy Cabanel, rapporteur. Il s'agit des dispositions financières relatives à l'aide publique apportée aux partis en fonction de l'écart entre le nombre de candidats de chaque sexe aux élections législatives.
Nous sommes tout à fait d'accord pour que le nombre de candidats soit la base fondamentale du dispositif ; nous sommes tout à fait d'accord sur le taux de 2 % d'écart au-delà duquel sont appliquées les mesures de pénalisation prévues en application de l'article 4 de la Constitution ; il n'y a pas de problème.
Si nous reprenons notre amendement présenté en première lecture, c'est non parce que nous « persévérons diaboliquement » dans une idée qui pourrait paraître tout à fait fallacieuse, mais parce que nous estimons, tout en respectant le principe de base du calcul des mesures de pénalisation pour la non-application de l'égalité des hommes et des femmes dans les candidatures, qu'il serait totalement ridicule, par un effet du hasard - et encore, il n'y pas de hasard en élection ! - par un effet peut-être de choix des circonscriptions, de voir un parti, comptant autant de femmes que d'hommes élus, alors que les candidats présentés ne l'auraient pas été dans les limites définies par la loi - plus d'hommes que de femmes, par exemple - pénalisé. Ce serait d'autant plus ridicule que notre objectif est d'aboutir à une Assemblée nationale la plus proche de l'équilibre en nombre d'hommes et de femmes !
Nous estimons donc que notre position est une position de bon sens.
L'Assemblée nationale, au contraire, s'est entêtée et, sous prétexte de ne pas toucher au principe, elle a prévu de punir de façon excessive un parti qui, en définitive, par rapport à l'objectif fondamental, n'aura commis ni faute ni erreur !
Je crois, moi, que l'on doit pouvoir prévoir dans les lois des exceptions de bon sens si l'on ne veut pas perdre la face. Si un grand parti politique était pénalisé parce qu'il a réussi à faire élire autant d'hommes que de femmes, ce serait vraiment un exploit pour le début de l'application de la parité dans la vie publique française ! (MM. Patrice Gélard et Alain Vasselle applaudissent vivement.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Vous êtes toujours très brillant, monsieur le rapporteur, dans vos démonstrations, et sachez que la secrétaire d'Etat aux droits des femmes a écouté avec beaucoup d'intérêt, dès la première lecture, votre proposition. Il n'empêche que, sur le plan strictement juridique, j'ai de nouveau réfléchi et nous restons persuadés qu'elle fragiliserait le texte dès lors que nous prenons en compte le choix des électeurs.
Je maintiens donc mon avis défavorable.
M. Guy Cabanel, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Guy Cabanel, rapporteur. Je suis très sensible au climat détendu dans lequel nous débattons, mais, malgré mon désir de vous être agréable, je ne saurais, sur ce point, piétiner le bon sens dans le seul souci de maintenir ce climat sympathique !
Je trouve qu'il serait fâcheux qu'on ne puisse pas introduire une exception afin d'éviter qu'un citoyen ou un ensemble de citoyens appartenant à une formation politique ne disent que cette loi est tout à fait injuste.
Il s'agit là, me semble-t-il, d'une question de principe. Je me tourne donc vers tous mes collègues de l'hémicycle pour leur demander de me faire l'amitié de voter l'amendeent que je présente, malgré l'opposition de Mme la secrétaire d'Etat.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 11.
Mme Dinah Derycke. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. En dépit de l'amitié que je porte à M. Cabanel, je m'exprimerai contre l'amendement.
D'ailleurs, compte tenu du discours qui a été prononcé, lors de la discussion générale, par la majorité sénatoriale, je relève une incohérence : ce dispositif va à l'encontre de l'esprit de la loi qui est de mettre le plus de femmes possible dans le circuit politique. En effet, au fond, ce que nous souhaitons, c'est agir non par sur l'électeur, mais sur les partis politiques - telle est bien l'idée - pour qu'effectivement ils présentent autant de femmes que d'hommes à l'élection. C'est donc au niveau des candidatures que nous avons travaillé et non pas au niveau du résultat.
Par conséquent, il y a là, je le répète, une incohérence et une confusion pourrait se produire. Si le fait du hasard, car ce ne pourrait guère être que le fait du hasard ou bien un effet pervers, aboutissait à obtenir le même nombre d'élus, cela ne pourrait jouer que pour les petits partis. En effet, il faudrait vraiment un hasard extraordinaire pour que les grands partis politiques arrivent pratiquement à avoir exactement le même nombre d'hommes et de femmes élus, tout au moins dans un premier temps. Le jour où cela arrivera, ce ne sera plus un hasard : cela signifiera que nous aurons réussi à faire vivre cette loi ; les partis politiques ayant présenté autant d'hommes que de femmes, il n'y aura pas de pénalité, et cette disposition n'aura alors plus aucune utilité.
Je l'avais dit lors de la première lecture, a priori cet amendement semble séduisant, mais j'y vois à la fois une incohérence et un danger parce que l'on mélange ici candidatures et élus. J'y vois également un possible détournement par des partis qui n'en seraient pas, par exemple des mouvements ultra-régionalistes ou sectaires. Je songe également aux nouveaux élus qui se rattacheraient à un autre groupe que le leur.
La démarche était séduisante, elle partait effectivement d'un bon sentiment, mais elle n'est pas cohérente avec l'ensemble du texte et avec ce que nous voulons faire.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. J'ai cru comprendre que cet article vise toutes les élections au scrutin majoritaire uninominal à deux tours et qu'il n'a pas d'utilité pour ce qui concerne les élections à la proportionnelle. Pour ces dernières en effet, la loi prévoira désormais des règles spécifiques applicables à l'ensemble des listes, donc aux partis et ces derniers seront contraints de respecter la parité pour toutes les élections à la proportionnelle.
S'il est inutile de prévoir des mesures coercitives d'ordre financier pour les élections à la proportionnelle, il n'en va pas de même pour les élections au scrutin majoritaire à deux tours, du moins c'est mon interprétation.
L'objectif, c'est d'instaurer la parité à l'Assemblée nationale ; mais il y a aussi les élections régionales, les élections cantonales et les élections municipales !
Avec cet article, on vise les partis politiques, on veut pénaliser financièrement ceux qui ne respectent pas la règle. Mais nous savons bien, mes chers collègues, que sur les 36 000 communes de France, plus de 32 000 comptent moins de 2 000 habitants et qu'il n'y a pas de listes.
Mme Dinah Derycke. Ce texte ne concerne pas les communes de moins de 2 000 habitants et les conseils municipaux de ces communes !
M. Alain Vasselle. Cela concerne tout le monde, alors !
Mmes Dinah Derycke et Danièle Pourtaud. Cela ne concerne que les législatives !
M. Alain Vasselle. Voilà qui montre une fois de plus - je vous remercie de le souligner - l'incohérence du texte. On va traiter d'une manière différente le corps électoral suivant le type d'élection. Il y aura une petite salade pour les législatives, une autre pour la proportionnelle et une autre pour les municipales, puisqu'on est en train de trafiquer le mode de scrutin pour ramener de 3 500 à 2 500 habitants le seuil permettant le panachage.
Tout cela n'est donc qu'affaire de cuisine purement électorale. On essaie de réunir tous les ingrédients permettant à la majorité actuelle d'essayer de conforter ses positions sans se préoccuper de savoir si cela correspond à la volonté du peuple. On va imposer par la loi au peuple un mode de scrutin qui n'est pas forcément celui qu'il souhaite. Pour ma part, comme le prévoit la Constitution, je suis respectueux du suffrage universel et de la souveraineté populaire.
Mme le secrétaire d'Etat a déclaré que l'amendement de la commission des lois pose un problème juridique, d'autant qu'il ne permet pas de respecter le choix de l'électeur. Mes chers collègues, croyez-vous que l'on respecte le choix de l'électeur en imposant la parité ? Qui vous dit que l'électeur - ou le grand électeur - veut la parité dans tout les départements et pour toutes les municipalités ? Je n'en suis pas persuadé.
Mme Dinah Derycke. Qui vous dit qu'il ne la veut pas ?
M. Alain Vasselle. Vous vous mettez dans l'idée que l'électeur veut la parité dans toutes les communes de France. Non ! l'électeur veut des hommes ou des femmes compétents pour gérer les affaires municipales. Il y a certes des femmes compétentes et des hommes compétents, mais le problème de fond n'est pas là. Le problème de fond, c'est le statut de l'élu. S'il existait un véritable statut de l'élu, les femmes qui exerceraient des responsabilités électives, qui brigueraient des fonctions politiques seraient certainement plus nombreuses.
C'est l'absence d'un statut de l'élu qui empêche les femmes d'assumer des responsabilités politiques. Le problème est là. La parité ne résoudra rien.
Monsieur le président, je vous prie de m'excuser d'avoir quelque peu dérapé sur un autre sujet, mais il m'apparaît important de souligner l'incohérence d'un certain nombre de dispositions de ce texte. En réalité, le projet de loi est avant tout dicté par une arrière-pensée électorale et il ne vise en aucun cas à servir le peuple. (Protestations sur les travées socialistes.)
M. Guy Cabanel, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Guy Cabanel, rapporteur. Je suis navré de prendre à nouveau la parole, mais tout doit être clair : il s'agit des élections législatives et d'elles seules et, dans ce cas précis, de la diminution de la première fraction des aides financières accordées aux partis politiques.
Cela dit, pour bénéficier de ces aides, il faut présenter au moins cinquante candidats dans des circonscriptions différentes, cela ne concerne donc pas les petits partis.
Tout a été dit sur ce sujet, je tiens néanmoins à rappeler mon argument de fond. Il est inévitable, c'est une évidence mathématiquement parlant, que cette situation se produira. Or, un parti politique, qu'il soit grand, moyen ou petit, permet l'expression des citoyens, et, à ce titre, il doit être respecté. Le sanctionner au motif qu'il aurait affiché un écart de 2,5 % entre le nombre total de ses candidates et de ses candidats, alors qu'il aurait autant d'élus femmes et hommes à l'Assemblée nationale, ce serait à mes yeux tout à fait navrant.
Aucun argument juridique ne résiste au ridicule ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Patrice Gélard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. Je vais aller dans le sens de M. le rapporteur. Qu'est-ce qui compte ? Est-ce de faire élire des candidates ou de présenter des candidates dans des circonscriptions où elles ne seront pas élues ?
M. Alain Vasselle. Tout à fait !
M. Patrice Gélard. En réalité, en refusant l'amendement n° 11 de M. le rapporteur, vous incitez les partis à présenter des candidates qui ne seront pas élues.
M. Alain Vasselle. Très bien ! Bonne analyse !
Mme Danièle Pourtaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Je ne voudrais pas créer de désagrément à ma collègue Mme Dinah Derycke ni à Mme la secrétaire d'Etat, mais je tiens à rappeler, comme je l'ai dit dans mon intervention liminaire lors de la discussion générale commune, que l'objet de notre combat est de permettre à un maximum de femmes d'accéder à des responsabilités d'élues. Mais, le système électoral français étant ce qu'il est, nous n'avons pas réussi à dégager des dispositions qui offrent les mêmes garanties pour les scrutins de listes et pour les scrutins uninominaux. Or, il est important que les partis politiques soient incités à présenter des femmes, et pas seulement dans les plus mauvaises circoncriptions.
La pénalité financière instaurée pour inciter les partis à présenter 50 % de candidates est certainement indispensable. Il n'en demeure pas moins que le fait de tenir compte du résultat, comme le propose M. le rapporteur, c'est-à-dire de prendre acte du fait qu'un parti aura su présenter des femmes dans des circonscriptions « gagnables », ne me paraît pas de nature à nuire à notre volonté d'amener le plus de femmes possible à des responsabilités d'élues.
Je suis donc conduite, sur cet amendement n° 11, à titre personnel, à m'abstenir.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 12, M. Cabanel, au nom de la commission, propose, dans le deuxième alinéa du texte présenté par l'article 12 pour l'article 9-1 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988, de remplacer les mots : « le nombre de candidats de chaque sexe » par les mots : « le nombre de candidats ou d'élus de chaque sexe ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Guy Cabanel, rapporteur. L'amendement n° 12 ne fait que tirer les conséquences de l'amendement n° 11 en ce qui concerne l'outre-mer.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 12, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 12, modifié.

(L'article 12 est adopté.)

TITRE IV

DISPOSITIONS DIVERSES