Séance du 28 mars 2000
M. le président. La parole est à M. Teston, auteur de la question n° 744, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Michel Teston. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous le savez, il existe une forte demande, notamment de la part des élus locaux, pour simplifier et adapter à de nouvelles exigences les règles de passation des commandes publiques, notamment pour les collectivités territoriales.
En effet, je voudrais rappeler que ces dernières sont amenées à passer leurs marchés aux termes de règlementations nationales et européennes qui deviennent de plus en plus complexes, ce qui pose d'énormes difficultés aux élus locaux, notamment dans les collectivités de petite taille. Les craintes exprimées par les élus, et notamment les maires, au cours des derniers mois sont étroitement liées, j'en suis convaincu, à l'extrême complexité des différentes procédures juridiques auxquelles ils sont confrontés.
Une réforme est donc nécessaire. A mon sens, elle devrait tout d'abord renforcer les garanties intangibles de transparence, de sécurité juridique et d'équité sur lesquelles doit s'appuyer la commande publique. Ensuite, il s'agit d'introduire de nouveaux critères de sélection des candidatures tels que celui du mieux-disant social.
Il convient de porter remède aux pratiques d'attribution systématique des marchés au moins-disant en introduisant une réelle sélection des entreprises, éventuellement au niveau des candidatures et des procédures d'appel d'offres. Cette sélection pourrait s'opérer sur le fondement de leur comportement socio-économique, en définissant une norme de responsabilité sociale, par exemple selon les procédures d'une norme ISO.
Aussi, monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite que vous puissiez me préciser, d'une part, l'état d'avancement de la réflexion sur la réforme du code des marchés publics et, d'autre part, si le Gouvernement entend intégrer cette préoccupation de responsabilité sociale des entreprises par la commande publique.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. Monsieur le sénateur, il est vrai qu'une réflexion est actuellement engagée sur les questions que vous venez de soulever.
S'agissant de l'état d'avancement de la réforme, je puis indiquer que le Gouvernement a engagé le 30 avril 1999 une large concertation auprès tant des acheteurs publics que des professionnels sur la base d'un document d'orientation reprenant les grands axes de la réforme du code des marchés publics.
La consultation a suscité de nombreuses réponses ; leur richesse témoigne de l'intérêt et de l'implication des intervenants. Les enseignements recueillis au terme de cette concertation alimentent la réflexion actuellement conduite pour préparer les textes devant aboutir à la réforme.
S'agissant de l'intégration de la préoccupation de responsabilité sociale des entreprises par la commande publique, le tribunal administratif de Strasbourg a jugé récemment - vous devez connaître ce jugement rendu le 30 novembre 1999 - qu'était illégale l'insertion d'une clause de « mieux disant social » dans un marché public. Il a ainsi fait une application rigoureuse de la règle selon laquelle les critères d'attribution des marchés publics ne doivent pas être étrangers à l'objet du marché. Cette règle est affirmée dans le code des marchés publics, mais elle est également contenue dans les directives communautaires sur les marchés publics. La Cour de justice des Communautés européennes s'était d'ailleurs prononcée dans le même sens que le tribunal de Strasbourg, dans un arrêt de 1988.
Nous nous trouvons ici face à deux exigences contradictoires. D'une part, les marchés publics devraient pouvoir constituer un instrument, parmi d'autres, de soutien aux actions d'insertion ou de réinsertion. D'autre part, le droit de la commande publique est régi par le principe d'égalité d'accès des entreprises aux marchés publics - vous l'avez vous-même souligné, monsieur le sénateur - qui prohibe toute mesure discriminatoire au profit d'une catégorie particulière de fournisseurs.
Des solutions existent néanmoins qui permettent de prendre en compte des aspects sociaux dans les marchés publics.
Tout d'abord, il doit être clair que les entreprises dites du « tiers secteur », comme les régies de quartier ou les entreprises d'insertion, peuvent parfaitement concourir aux marchés publics, dans des conditions d'égalité avec les autres entreprises candidates.
Ensuite, il faut rappeler qu'une offre ne peut pas être retenue pour un marché sur la base de ce qu'on appelle le « mieux disant social ». En revanche, les acheteurs publics sont en droit d'imposer, dans leurs cahiers des charges, à toutes les entreprises, de souscrire à des obligations à caractère social. De tels engagements de moyens demandés identiquement à toutes les entreprises concurrentes ne sauraient donc servir à les départager mais s'imposent ensuite au titulaire du marché.
Dans le cadre de la réforme du code des marchés publics, il conviendra que les textes fassent apparaître ces possibilités sans l'ambiguïté qui caractérise en ce domaine le code actuel.
Au cours des débats à venir, peut-être le Parlement pourra-t-il donner son sentiment et contribuer à la rédaction de ces textes dans le sens que vous indiquez, tout en respectant, naturellement, le principe d'égalité de traitement dans le cadre des marchés publics.
M. Michel Teston. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Teston.
M. Michel Teston. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie pour la réponse que vous m'avez apportée en ce qui concerne la première partie de ma question, l'état d'avancement des réflexions sur la nécessaire réforme des marchés publics.
Sur la seconde partie, je voudrais faire un bref commentaire. J'ai effectivement pris connaissance, comme vous, de la jurisprudence administrative concernant une entreprise d'insertion d'Alsace.
Quels commentaires pouvons-nous faire sur cette jurisprudence ? S'il n'est pas d'usage de commenter les décisions de justice, on peut, en revanche, s'interroger sur l'intérêt qu'il y aurait à introduire des critères additionnels de déontologie professionnelle pour les entreprises candidates aux marchés publics. Je vous incite à examiner avec attention cet aspect dans le cadre de la réflexion actuellement menée et à laquelle vous avez fait allusion.
Je pense également important d'essayer de déterminer sa compatibilité avec des objectifs de transparence, de sécurité juridique, d'équité, mais aussi avec un certain nombre de dispositions qui nous sont imposées par l'Union européenne - je fais référence, comme vous, aux règles communautaires.
Au-dejà des critères strictement comptables auxquels elle ne saurait se réduire, la commande publique peut à mon sens devenir un outil permettant d'infléchir le monde économique dans une optique plus sociale. En particulier, le critère du « mieux disant social » devrait y contribuer, tout en permettant d'apporter une réponse à une question récurrente, celle des offres anormalement basses.
M. le président. Sur cette question, je veux ajouter qu'il faut aussi que le représentant de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ne menace pas les élus lorsque, justement, ils hésitent entre l'entreprise qui pratique le moins disant et une autre.
Dans ces conditions, on choisit toujours, bien entendu, le moins disant. Mais l'entreprise ainsi retenue ne peut tenir ses prix : le personnel fait grève parce qu'il en supporte les conséquences... en même temps que nos concitoyens.
C'est un vrai problème, et M. Teston a raison de vous le dire, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. J'enregistre votre préoccupation, que je partage : nous sommes tous des élus locaux, et, que nous soyons maires de très grandes villes ou de villes plus petites - c'est mon cas - nous sommes confrontés à ces situations. Je livrerai à la réflexion du Gouvernement, en particulier du ministère de l'économie et des finances, les éléments d'intervention apportés par vous-même, monsieur le sénateur, et par vous, monsieur le président.
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