Séance du 23 mars 2000
M. le président. La parole est à M. Hugot.
M. Jean-Paul Hugot. Mon propos concernant les retraites s'adresse à M. le Premier ministre et à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Lionel Jospin a reconnu qu'il existait un problème quant aux retraites. Pourtant, là où l'on attendait des engagements pour aujourd'hui et pour demain, nous avons eu non pas des décisions, mais des spéculations aléatoires fondées sur un modèle de développement extrêmement optimiste, la croissance en 2000, au point que l'on peut se demander quelles propositions auraient été faites lorsqu'on les attendait voilà deux ou trois ans, au moment où la situation internationale était moins favorable ! (M. Courrière s'exclame.)
Nous avons eu des prophéties là où nous attendions des décisions ! Nous espérions des réponses précises, et l'on nous renvoie à l'an 2020. Or, je le rappelle, François Mitterrand, évoquant l'urgence de prendre des décisions sur les retraites, prévoyait comme limite l'année 2010 ! (MM. Lassourd et Gournac s'exclament.) Nous avons gagné dix ans !
Tout nous invite donc aujourd'hui à nous déresponsabiliser, et l'Etat montre le chemin en nous renvoyant à une vision optimiste de la mécanique du développement.
Par ailleurs, on prétend retenir, pour des raisons idéologiques, le principe de la répartition contre celui de la capitalisation.
Je rappelle à ce sujet que l'opposition actuelle a été la première à montrer son attachement au pacte entre les générations et à la sauvegarde du système de retraite par répartition. C'est elle en effet qui a renforcé le régime général des retraites de façon progressive et qui s'est employée à créer le fonds de solidarité vieillesse. (M. Mahéas proteste.)
On nous dit : vous êtes contre la capitalisation ! C'est exact, madame la ministre, nous sommes contre la capitalisation que je qualifierai de naturelle, celle des particuliers se garantissant eux-mêmes contre les baisses de revenus.
Plutôt que cette solution, nous préférons le maintien du système actuel. Aux démarches spontanées et anarchiques, un peu marginalisées et inégalitaires...
M. Bernard Piras. La question !
M. Jean-Paul Hugot. ... nous préférons un système d'épargne retraite démocratique.
M. le président. Votre question, monsieur Hugot.
M. Jean-Paul Hugot. Face à l'inégalité des retraites contre laquelle on ne veut rien faire, madame la ministre,...
Plusieurs sénateurs socialistes. La question !
M. Jean-Paul Hugot. ... avez-vous une solution alternative à celle qui se fonde sur vos prévisions optimistes, prévisions insuffisamment fondées ?
La volonté politique du Gouvernement n'apparaît nullement, si ce n'est au travers de prophéties parfaitement aléatoires ! (Protestations sur les travées socialistes. - Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le sénateur, je m'étonne que les représentants de l'opposition qui ont applaudi au rapport Charpin et à ses conclusions en viennent aujourd'hui à considérer que les hypothèses sur lesquelles il se fonde sont purement aléatoires.
Nous avons travaillé sur un rapport établi par des experts. Vous avez applaudi à ce moment-là et, aujourd'hui vous récusez ces hypothèses.
M. Jacques Mahéas. Ils récusent tout !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Ces hypothèses peuvent effectivement être revues. Nous pouvons nous tromper. Nous pouvons tous nous tromper.
Qui aurait d'ailleurs pu penser, voilà trois ans, quand vous étiez au pouvoir et que nous avions le taux de croissance le plus bas d'Europe, que, trois ans après, nous aurions le taux de croissance le plus élevé d'Europe ? Il est vrai que, sans la dissolution, personne n'aurait pu y penser ! (Applaudissements sur les travées socialistes. - Protestations sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
Le conseil d'orientation des retraites, que le Premier ministre a annoncé, travaillera et étudiera au fur et à mesure les hypothèses macroéconomiques. Dès lors, s'il s'avère nécessaire de prendre de nouvelles décisions, nous les prendrons. J'espère d'ailleurs que nous les prendrons dans le consensus le plus large.
M. le Premier ministre a déclaré - je répète ce que j'ai dit tout à l'heure - que la croissance, le chômage et l'augmentation des cotisations pouvaient régler une partie des problèmes et non la totalité. C'est la raison pour laquelle il a appelé l'ensemble des organisations patronales et syndicales à négocier, sur la base d'un certain nombre de principes dont j'ai parlé tout à l'heure, pour établir un nouveau pacte de solidarité qui garantisse la retraite par répartition et la solidarité entre les générations.
Par ailleurs - je le relève avec intérêt - le Premier ministre a décidé de mettre en place un fonds de réserve qui est une réponse de la solidarité nationale aux difficultés soulevées par les retraites. Il s'agit d'un fonds de réserve de 1 000 milliards de francs pour le régime général en 2020.
Si vous le voulez bien, je vous en ferai parvenir le détail, ce dispositif étant très étroitement lié à l'excédent de la CNAV, de la C3S, du Fonds de solidarité vieillesse, des prélèvements sur les revenus du patrimoine que nous avons mis en place et, bien évidemment, des intérêts financiers tirés des participations de l'Etat dans les entreprises publiques. Ce fonds de retraite permettra de traiter la moitié du problème entre 2020 et 2040.
En résumé, voici notre réponse : croissance, baisse du chômage, effort réalisé par la concertation et par la négociation, fonds de réserve qui apporte l'élément de solidarité.
Monsieur le sénateur, j'ajoute que la retraite par capitalisation que certains membres de l'opposition - pas tous ! - prônent comme devant remplacer la retraite par répartition ne réglerait rien. (Vives protestations sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
J'ai là un document émanant de l'un d'entre eux, mais je veux bien entendre que vous êtes divisés ! Quoi qu'il en soit, ceux qui prônent la capitalisation savent bien que celle-ci ne règle aucun problème. Du fait des données démographiques et des modalités de prélèvement, si l'on met en place la capitalisation aujourd'hui, la génération qui aura payé pour la répartition devra à nouveau payer pour la capitalisation et aucun des problèmes ne sera réglé.
Je conclurai en disant tout simplement, monsieur le sénateur, que si vous et vos amis souhaitez - comme vous nous le dites, et je ne demande qu'à vous croire - consolider le régime par répartition, vous devez soutenir la démarche du Gouvernement.
Si vous avez d'autres propositions, les Français les attendent !
Faut-il augmenter de 42 à 45 ans la durée de cotisation ? Dites-le, si c'est cela que vous voulez !
M. le président. Il vous faut conclure, madame le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Faut-il prendre des décisions par des coups de menton, comme en 1995 ? Dites-le, si c'est cela que vous pensez ! (Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Telle n'est pas notre méthode, car ce n'est pas ainsi que nous réglerons le problème des retraites. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. - Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Alain Gournac. Il faut remanier !
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