Séance du 22 mars 2000
CONVENTION PORTANT STATUT
DE LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 229, 1999-2000),
adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de la convention
portant statut de la Cour pénale internationale. [Rapport n° 259
(1999-2000).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Hubert Védrine,
ministre des affaires étrangères.
Monsieur le président, mesdames,
messieurs les sénateurs, le Sénat va se prononcer aujourd'hui sur ce qui
constitue une vraie victoire de la lutte contre l'impunité, après un siècle
marqué par des horreurs qui défient la conscience humaine.
Chacun peut prendre la mesure des progrès accomplis par la lutte contre
l'impunité depuis quelques années et du caractère hautement symbolique, après
la création des tribunaux
ad hoc
sur l'ex-Yougoslavie et le Rwanda, de
l'adoption du statut de la Cour pénale internationale. Car cette convention
internationale marque aussi le dépassement d'une conception abusive de la
souveraineté des Etats - celle-ci demeure nécessaire, mais elle était parfois
utilisée pour justifier l'injustifiable - face aux violations radicales des
droits de l'homme, et une certaine vision de l'humanité que nous nous attachons
à défendre partout dans le monde.
La convention de Rome a été adoptée le 17 juillet 1998. Cent vingt pays, dont
la France et les autres membres de l'Union européenne, se sont prononcés en
faveur du texte. Cependant, sept ont voté contre - les Etats-Unis, l'Inde, la
Chine, Israël, Bahreïn, le Qatar, le Vietnam - et vingt et un se sont
abstenus.
La France a signé ce texte dès le 18 juillet 1998, et le Gouvernement entend
que notre pays fasse partie des premiers à le ratifier.
Le 24 décembre 1998, le Président de la République et le Premier ministre ont
saisi conjointement le Conseil constitutionnel de la conformité du statut de la
Cour pénale internationale avec les dispositions de la Constitution. Le 22
janvier 1999, le Conseil constitutionnel a rendu sa décision et, sur cette
base, le Congrès, réuni à Versailles, a procédé, le 28 juin 1999, à une
révision constitutionnelle en ajoutant l'article 53-2 qui se lit ainsi : « La
République peut reconnaître la juridiction de la Cour pénale internationale
dans les conditions prévues par le traité signé le 18 juillet 1998. » Le 22
février dernier, l'Assemblée nationale a adopté à une très large majorité le
projet de loi de ratification qui vous est proposé aujourd'hui.
A la date du 22 mars 2000, quatre-vingt-quinze pays ont signé la convention,
dont les quinze membres de l'Union européenne. Sept pays seulement l'ont
ratifiée pour le moment : le Sénégal, Trinité-et-Tobago, Saint-Marin, l'Italie,
Fidji, le Ghana et la Norvège.
Comme vous le savez, pour entrer en vigueur, la convention doit avoir été
ratifiée par soixante pays. Nous en sommes encore loin, trop loin, mais la
France y travaille.
En Europe, une dynamique est enclenchée : après l'Italie et la Norvège,
l'Allemagne a engagé le mouvement, et mon collègue allemand, M. Joshka Fischer,
a rendu hommage, lors de son allocution devant les parlementaires allemands, à
l'adhésion rapide de la France. J'ai également demandé à Robert Badinter, dont
je salue l'engagement de toujours pour l'affirmation d'une justice pénale
internationale, de se rendre dans un certain nombre de pays signataires pour
convaincre les responsables de hâter les procédures de ratification.
L'idée d'une cour permanente vient de loin.
Un premier projet avait déjà été évoqué au sein de la Société des nations. Au
lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la commission du droit international
des Nations unies avait été saisie de nouvelles propositions. Les vainqueurs de
l'Allemagne nazie et du Japon militariste avaient alors mis en place les
tribunaux de Nuremberg et de Tokyo ; la volonté que jamais ne se reproduise
l'horreur avait conduit à l'adoption rapide de la convention sur le génocide,
le 9 décembre 1948, puis, le lendemain, de la Déclaration universelle des
droits de l'homme. Tout semblait prêt pour une concrétisation rapide des idées
exprimées notamment par notre compatriote Donnedieu de Vabres, procureur à
Nuremberg, en faveur d'une cour permanente.
Hélas ! la guerre froide et les blocages qui en résultèrent brisèrent net cet
élan.
Quarante ans plus tard, la disparition de l'URSS a rouvert cette perspective.
C'est ainsi que le Conseil de sécurité, dans les années quatre-vingt-dix, a
créé les tribunaux pénaux
ad hoc
pour l'ex-Yougoslavie - sur proposition
française, je le rappelle - et le Rwanda. En 1994, les experts de la commission
du droit international ont enfin pu soumettre aux Etats membres, à la demande
de l'assemblée générale des Nations unies, un avant-projet de statut.
Les débats préparatoires à la création de la Cour se sont déroulés sur des
bases et selon des méthodes novatrices. De nombreuses ONG ont pu faire valoir
leurs observations et propositions à toutes les étapes.
L'un des enjeux était de choisir entre l'adoption rapide d'une
convention-cadre ou l'élaboration d'un statut complet.
Certains voulaient éluder les questions de fond. Une coalition de pays,
autobaptisée « Etats pilotes », s'était donné pour objectif l'aboutissement
très rapide des travaux. Notre tradition de droit écrit, le souci persistant
que nous exprimons dans toutes les enceintes d'une meilleure régulation des
rapports internationaux plaidaient plutôt pour l'élaboration sérieuse et
méthodique d'un texte précis, garant d'une véritable sécurité juridique. Cette
approche a prévalu.
C'est ainsi que le statut adopté à Rome doit beaucoup aux conceptions
françaises : donner une vraie réponse aux aspirations à la justice et à la
lutte contre l'impunité, tout en créant une institution qui s'insère
harmonieusement dans le système international. Pour la France, la fin de
l'impunité des criminels, c'est la dignité rendue aux victimes, dont le droit
de savoir et le droit à la justice doivent être reconnus, et l'espoir d'un
futur état de droit à construire ou à reconstruire dans les régions meurtries.
La Cour, qui peut être saisie par le Conseil de sécurité, doit aussi participer
à l'action multilatérale en faveur de la paix et de la sécurité en contribuant
au dépassement des tragédies.
La France a oeuvré en faveur d'une Cour dont la composition serait la plus
universelle possible et dont les procédures seraient adaptées au contexte
international. Tout au long des discussions, nous avons suscité une synthèse
des diverses traditions juridiques plutôt que de laisser s'imposer un seul et
même modèle sur la scène juridique internationale. La France a fait de
nombreuses propositions sur le droit des victimes, sur le rôle d'une chambre
préliminaire pendant l'instruction et sur l'obligation de coopération des
Etats.
Si le compromis final a pu se faire à Rome, c'est, sur bien des points, autour
des positions et des propositions françaises.
Nous avions tout particulièrement souligné qu'on ne rendrait pas la justice
internationale en l'absence des victimes, et nous avons défendu, avec le
concours des experts des Etats et des ONG intéressés, au cours du séminaire
organisé à Paris, en avril 1999, « l'accès des victimes à la Cour pénale
internationale ».
Nos propositions visaient à mettre en place des solutions efficaces obligeant
la Cour à prendre les mesures propres à protéger la sécurité, le bien-être
physique et psychologique, la dignité et le respect de la vie privée des
témoins « en particulier lorsque le crime s'accompagne de violences sexuelles,
de violences à caractère sexiste ou de violences contre les enfants ». Elles
tirent parti de l'expérience des tribunaux pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda.
Il est en effet décevant qu'aujourd'hui encore ces deux tribunaux voient leur
légitimité contestée par ceux-là même en faveur desquels ils rendent la justice
et que ni l'opinion rwandaise ni la société civile en ex-Yougoslavie ne se
sentent encore tout à fait concernées par l'action de ces tribunaux.
Nous disposons donc maintenant d'un statut précis et équilibré.
L'équilibre entre la Cour et les tribunaux nationaux est un élément
important.
N'oublions pas que la Cour est complémentaire des juridictions nationales, les
Etats gardant la responsabilité principale de la prévention et de la répression
des crimes.
En finir avec l'engrenage incessant des revanches qui répondent aux violences
antérieures - engrenage nourri par l'impunité de ceux qui violent les droits de
l'homme - et créer des conditions propices à la réconciliation : tel est le
double défi que doivent relever toutes les régions déchirées par des atrocités.
Il est essentiel que les Etats ne se croient pas déresponsabilisés de cette
mission essentielle par la création de la Cour.
C'est pourquoi les Etats sortant de crise doivent agir eux-mêmes pour
s'efforcer de trouver, seuls ou avec la communauté internationale, les voies
adaptées à la solution des tragédies et à la réconciliation.
Outre les voies judiciaires nationales, et désormais internationales, il
existe à cet égard, comme en témoigne, parmi de nombreux autres, l'exemple de
l'Afrique du Sud et de l'action du prix Nobel de la paix, Mgr Desmond Tutu, à
la tête de la commission « Vérité et réconciliation », des solutions
diverses.
Le système de complémentarité réserve la compétence de la Cour aux cas de
défaillance avérée de l'ordre interne. La Cour ne se substitue pas aux Etats,
je le répète : elle n'intervient que si les autorités nationales sont
incapables de traduire ou se refusent à traduire en justice les responsables
des grands crimes.
Toutefois, en cas de contestation, il faut garder à l'esprit que la décision
finale appartient à la Cour pénale internationale, qui est le juge ultime de sa
propre compétence. A travers cette disposition, nous avons établi la primauté
de la juridiction internationale.
Les débats ont permis également d'assurer un équilibre institutionnel au sein
de la Cour. Ainsi, la France est à l'origine de la création de la chambre
préliminaire, organe nouveau qui va superviser l'action du procureur et
garantir les droits de la défense et des victimes pendant l'instruction. Cette
chambre sera compétente pour confirmer les charges avant que ne s'ouvre un
procès et devrait remédier à la lenteur des procédures constatées à La Haye et
à Arusha.
La Cour sera saisie par un Etat partie, par le Conseil de sécurité ou pourra
s'autosaisir. C'est parce qu'il y aura une chambre préliminaire que bien des
Etats ont accepté l'autosaisine : celle-ci sera collégiale, décidée
conjointement par les juges de la chambre préliminaire et par le procureur.
Les dispositions relatives à la compétence de la Cour sont naturellement
déterminantes.
En ratifiant la convention de Rome, les Etats acceptent la compétence
obligatoire de la Cour pour les crimes contre l'humanité, les génocides et
aussi les crimes de guerre. La Cour exerce sa compétence dès qu'un Etat
concerné, l'Etat de la nationalité des auteurs présumés ou l'Etat sur le
territoire duquel le crime a eu lieu, est partie au statut ou donne son accord
exprès. Cette forme de compétence est très large. Elle a le mérite d'écarter
définivement l'idée d'une compétence à la carte, d'un consentement au cas par
cas.
Ce principe n'allait pas de soi. Des pays réticents à l'égard de toute
intervention internationale dans les conflits internes s'opposaient à ce que
les crimes de guerre relèvent de la compétence de la Cour. Le mouvement des
non-alignés avait adopté une déclaration en ce sens avant la conférence de
Rome. L'abstention du groupe arabe, le vote négatif de la Chine et de l'Inde le
17 juillet sont aussi significatifs.
Comme je l'ai dit, le Conseil de sécurité pourra saisir la Cour, sur la base
du chapitre VII de la charte, c'est-à-dire dans des situations de menace ou
d'atteinte à la paix, y compris à l'égard de pays qui n'auraient pas ratifié le
statut. Cette faculté de saisine du Conseil est essentielle. Elle permettra
d'éviter dans le futur la multiplication de tribunaux
ad hoc.
Elle
constituera également la forme la plus efficace de saisine de la Cour car
celle-ci n'a aucun moyen de contrainte à l'égard des Etats. La Cour, saisie par
le Conseil, pourra en retour lui demander d'agir en cas de non-coopération d'un
Etat.
Par ailleurs, l'article 16 du statut prévoit que le Conseil de sécurité,
agissant toujours en vertu du chapitre VII, pourra demander à la Cour de ne pas
engager ou de suspendre des enquêtes et des poursuites. Il faudra pour cela un
vote positif de neuf membres du Conseil de sécurité, y compris le vote positif
de tous les membres permanents, pour suspendre l'intervention de la Cour.
Certes, il n'y a pas de raison
a priori
de penser que les logiques du
Conseil et de la Cour puissent être contradictoires. Mais on ne peut pas non
plus écarter cette éventualité. Les négociateurs ont pensé qu'on ne pouvait
exclure qu'une pause soit nécessaire dans certaines situations pour arracher en
priorité une solution à un conflit inextricable et mettre fin aux violences.
L'article 16 répond à une telle éventualité.
Ce bref exposé des dispositions du statut permet de mesurer les
bouleversements que représente pour l'ordre international la création de la
Cour pénale internationale. Ce bouleversement est sans comparaison avec les
quelques adaptations rendues nécessaires par la création des tribunaux pénaux
internationaux, dont la compétence géographique et temporelle est limitée et
dont le fonctionnement requiert malgré tout aujourd'hui 10 % du budget
ordinaire de l'ONU.
Il est trop tôt pour imaginer concrètement comment fonctionnera la Cour. Une
fois le statut entré en vigueur, s'ouvrira une période au cours de laquelle
s'établiront, sur la base des textes fondateurs, des pratiques et une
jurisprudence.
Ainsi que vous le savez, la France a annoncé, lors de la signature de la
convention, qu'elle entendait se prévaloir de l'article 124 du statut. Mme le
garde des sceaux l'avait confirmé devant votre assemblée au moment de la
présentation du projet de loi constitutionnelle.
Contrairement aux pays que j'ai cités voilà quelques instants, notre pays
accepte la compétence de la Cour pour les crimes de guerre mais entend faire
jouer la clause qui permet de reporter sa mise en oeuvre à une échéance de sept
ans maximum après l'entrée en vigueur du statut.
M. Emmanuel Hamel.
Et après ?
M. Hubert Védrine,
ministre des affaires étrangères.
Cela n'exonère aucunement un Français
qui commettrait un crime de guerre : il sera de toute façon jugé par un
tribunal français. Les autorités françaises ont demandé cette période
transitoire pour pouvoir vérifier que toutes les garanties introduites dans le
statut afin d'éviter les plaintes abusives sont appliquées avec efficacité.
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Très bien !
M. Hubert Védrine,
ministre des affaires étrangères.
De telles plaintes fallacieuses ne sont
naturellement pas envisageables pour des crimes contre l'humanité ou un
génocide, qui ont, par définition, un caractère massif et systématique. Au
contraire, les crimes de guerre, dont la définition recouvre des actes isolés,
laissent ouvertes de telles perspectives, en tout cas tant que les pratiques
futures de la Cour ne sont pas clarifiées. Or ces plaintes non fondées
pourraient mettre injustement en cause des pays qui ont le mérite d'assumer
plus que d'autres leurs responsabilités internationales en participant à de
très délicates opérations de maintien de la paix,...
M. Emmanuel Hamel.
Vous avez raison !
M. Hubert Védrine,
ministre des affaires étrangères.
... et vous savez que la France y prend
plus que sa part. Elles nuiraient à ces Etats, aux opérations dans lesquelles
ils sont engagés, ainsi qu'à la Cour naissante dans l'hypothèse où elle serait
dévoyée comme instrument politique. Cette crainte n'est pas théorique : que
l'on songe aux critiques contre l'opération « Turquoise », que la France
s'était décidée à faire seule parce que personne d'autre ne voulait y aller,
contre nos soldats, aux attaques contre la FORPRONU, à la tension aujourd'hui à
Mitrovica, dans la seule zone du Kosovo où les deux camps sont face à face. Les
difficultés ne sont pas dues à la présence des soldats français ; on a mis là
les soldats français parce que l'on savait que, là, ce serait plus dur
qu'ailleurs.
L'expérience des tribunaux pénaux démontre également que de tels
dysfonctionnements ne peuvent être exclus.
Les Etats-Unis, vous le savez, considèrent, pour leur part, que la protection
offerte par l'article 124 contre les plaintes abusives reste insuffisante.
M. Emmanuel Hamel.
Ils ont raison !
M. Hubert Védrine,
ministre des affaires étrangères.
C'est l'une des raisons pour lesquelles
ils ont rejeté le statut.
Plusieurs pays ont la même position. Mais ce n'est pas la nôtre, car nous
voulons nous inscrire dans le mouvement général.
Les Etats-Unis ont d'autres raisons, peut-être moins avouées,...
M. Michel Pelchat.
Moins avouables !
M. Hubert Védrine,
ministre des affaires étrangères.
... et peut-être moins avouables, en
effet, de ne pas signer le statut. Mais, je le répète, ce n'est pas notre
position, excepté sur ce point particulier où nous entendons prendre les
précautions transitoires qui s'imposent.
Pour ma part, j'ai la conviction que cette période transitoire permettra de
vérifier la validité des garanties destinées à éviter les recours abusifs.
Comme je l'ai indiqué à l'Assemblée nationale, et comme l'a confirmé le Premier
ministre devant la Commission nationale consultative des droits de l'homme le
15 mars dernier, la France pourrait d'ailleurs, sans attendre sept ans, si ces
garanties étaient vérifiées de façon convaincante à nos yeux, renoncer à cette
disposition transitoire. L'essentiel est le mouvement d'ensemble, mais qui doit
se faire avec toutes les garanties nécessaires.
Mesdames, messieurs les sénateurs, avant de conclure, je voudrais revenir
devant vous sur trois points.
Première observation, la convention qui est soumise aujourd'hui à votre
assemblée n'est pas parfaite. Quel texte peut l'être... même s'il est amélioré
par le Sénat ? Elle ne contient notamment aucune disposition permettant d'agir
contre les pays qui commettraient des crimes sur leur propre territoire et
contre leurs propres citoyens. Les dirigeants de ces pays peuvent se contenter
de ne pas ratifier, espérant rester tranquilles et impunis à l'intérieur de
leurs frontières. Calcul illusoire à mon sens ! Le Conseil de sécurité pourra
néanmoins tenter dans ces cas de les contraindre à répondre de leurs actes
devant la Cour.
Le statut constitue de toute façon une avancée historique, et c'est pour cela
que je crois qu'il faut le ratifier.
Ma deuxième observation concerne le chantier lancé par la ministre de la
justice et par moi-même en vue d'assurer une meilleure promotion de notre droit
au plan international. L'enjeu est d'envergure dans la bataille d'influence qui
se livre de façon de plus en plus aiguë du fait de la mondialisation. Il est
clair que les crises récentes - implosion de certains Etats, crises
financières, difficultés croissantes à lutter par l'entraide judiciaire
traditionnelle contre la criminalité organisée, qui s'engouffre dans les
failles de la modernisation - soulignent les risques d'une dérégulation
excessive.
J'ai la conviction que le droit français, dans nombre de ses composantes, peut
apporter des réponses adaptées, mieux adaptées que d'autres dans certains cas.
Nous l'avons trop longtemps sous-estimé, alors que, dans tel ou tel domaine -
droit économique, droit financier, droit pénal - la seule
common law
domine progressivement. Le contenu du statut de Rome démontre que la défense et
la promotion du droit romano-germanique - le nôtre - peuvent être assurés par
un effort mené en amont, lors de la codification de textes internationaux.
Grâce aux négociateurs français, la nouvelle juridiction fait une synthèse
novatrice entre droit civil et
common law,
non par la voie d'un
affrontement entre blocs juridiques, mais grâce à un dialogue renforcé avec les
grandes démocraties, particulièrement le Royaume-Uni et l'Australie,
convaincues, en définitive, que cette synthèse serait porteuse d'efficacité de
la Cour. Ce n'est pas l'un des aspects les moins importants de ce statut.
Ma dernière observation concerne le rôle futur de la Cour dans le système
international de prévention et de gestion des crises. Je l'ai abordé tout à
l'heure.
Sans être chimérique - car il faut aussi se rappeler, malheureusement, que les
massacres de Srebrenica sont intervenus après la création du tribunal pour
l'ex-Yougoslavie - sans être chimérique, donc, il faut espérer que l'existence
même de la Cour jouera aussi un rôle dissuasif et préventif, qu'elle pourra
intervenir dès qu'il le faudra, que le procureur et les juges auront la sagesse
et le courage de s'engager, aux côtés des pays en sortie de crise, pour que la
justice rendue - à La Haye ou dans les pays concernés, comme en a l'intention
aujourd'hui Mme Carla del Ponte - contribue effectivement à la
réconciliation.
Mais je voudrais redire solennellement que la création de la Cour pénale
internationale ne dispense ni la France ni les autres grands pays du monde de
tout faire politiquement et diplomatiquement pour prévenir et résoudre les
grandes crises internationales. Cette Cour ne devra être l'alibi d'aucune
défaillance de la volonté politique.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les
sénateurs, mesurons l'importance historique de la future Cour et poursuivons
nos efforts partout dans le monde pour trouver des solutions aux situations
politiques, économiques et sociales ou extirper les idéologies qui sont le
terreau trop fertile des grandes tragédies.
M. Emmanuel Hamel.
Et en Tchétchénie ?
M. Hubert Védrine,
ministre des affaires étrangères.
Luttons pour un développement durable
et moins inégal ; renforçons les solutions pacifiques et politiques des
conflits ; préservons la diversité culturelle et linguistique du monde ;
consolidons pierre par pierre l'état de droit ; oeuvrons partout à la
coexistence pacifique des groupes ennemis ou antagonistes et, un jour, à leur
coopération et à leur réconciliation. Telles sont, vous le savez, nos
priorités.
Alors que nous avons connu de longues périodes marquées par la passion aveugle
des hommes, alors que de nouvelles espérances se lèvent devant nous, hâtons par
cette ratification le vaste mouvement de progrès et de civilisation de la vie
internationale que nous souhaitons tous léguer aux futures générations.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen. - M. le rapporteur et M. le président de la
commission des lois applaudissent également.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. André Dulait,
rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, il a fallu attendre le 17 juillet 1998 pour que la convention
portant statut de la Cour pénale internationale soit votée à Rome par cent
vingt Etats, malgré les nombreux cataclysmes qu'avait connus le siècle. Il y
avait eu des projets antérieurs - et nous pourrons y revenir - mais cette
avancée n'a été réalisée qu'à la fin du siècle.
La phase ultime de la ratification est désormais engagée et la France figurera
parmi les premiers Etats à avoir signifié leur consentement à la mise en oeuvre
de cette institution.
La Cour pénale internationale se veut l'instrument judiciaire répressif et
dissuasif à l'égard de ceux qui entendraient commettre ou commettraient, à
l'avenir, les crimes les plus odieux qui heurtent l'humanité : crimes de
génocide, crimes contre l'humanité, crimes de guerre et crimes d'agression.
L'actualité démontre à quel point l'existence d'un tribunal pénal
international permanent est nécessaire, à vocation la plus universelle
possible, pour que ces crimes ne puissent plus être perpétrés avec l'assurance
de l'impunité pour leurs auteurs.
La future institution, qui jugera des individus, devra composer avec les Etats
: le statut de la Cour traduit ces compromis entre souveraineté étatique et
justice internationale, et la dépendance de celle-ci par rapport à celle-là. De
même, la Cour souffrira-t-elle sans doute de l'hostilité dont ont témoigné
certains pays lors de la signature de la convention de Rome, parmi lesquels
figurent les Etats-Unis et la Chine, deux des cinq membres permanents du
Conseil de sécurité.
La Cour pénale internationale sera une instance permanente, contrairement aux
tribunaux pénaux internationaux existant à l'heure actuelle, chargés de juger,
mais
a posteriori,
les auteurs des crimes les plus graves commis lors
des conflits de l'ex-Yougoslavie et du Rwanda.
Contrairement à ces tribunaux également, la CPI n'aura pas de compétence
rétroactive : elle ne pourra juger que les auteurs des crimes relevant de sa
compétence commis après son entrée en vigueur.
Enfin, toujours à la différence des deux tribunaux spéciaux actuels, la CPI
aura une compétence à vocation universelle et non limitée
a priori
à un
espace circonscrit, comme c'est le cas pour les tribunaux
ad hoc.
La
compétence territoriale de la Cour sera fonction du nombre des Etats qui seront
parties à son statut. Elle sera compétente pour juger l'auteur d'un crime si
celui-ci a été commis sur le territoire d'un Etat partie ou s'il l'a été par le
ressortissant d'un Etat partie.
Autre point important qui distingue encore la Cour des TPI existants : alors
que ceux-ci ont priorité sur les tribunaux nationaux pour juger de crimes
relevant de leur compétence, la CPI n'aura qu'une fonction complémentaire. En
d'autres termes, la CPI ne sera compétente à l'égard de l'auteur d'un crime que
si la justice nationale compétente pour le juger n'aura pu, ou n'aura pas voulu
procéder aux poursuites et au jugement de l'intéressé.
Je voudrais à présent souligner, concernant la procédure suivie par la Cour,
deux aspects importants de la convention de Rome au sujet desquels la France a
tenu un rôle prépondérant, vous l'avez indiqué, monsieur le ministre.
Le premier est l'existence d'une chambre préliminaire chargée en quelque sorte
d'encadrer le procureur et d'effectuer, à sa demande, les démarches nécessaires
à son travail d'enquête et de poursuites. C'est un élément important qui
rapproche, vous l'avez également souligné, le droit anglo-saxon du droit
romain, car les pouvoirs du procureur sont beaucoup plus importants dans le
premier que dans le second. Le fait de limiter, par la constitution de cette
chambre préliminaire, les pouvoirs du procureur est un progrès obtenu grâce à
la France.
Le second élément - obtenu là encore grâce à l'intervention de la France- est
la place reconnue aux victimes qui, bénéficiant éventuellement d'une protection
spécifique, pourront intervenir à tous les stades de la procédure. Il leur est
également reconnu un droit à réparation et à réhabilitation, notamment par la
mise en place d'un fonds spécial destiné à leur indemnisation.
La Cour pénale internationale, chargée de juger des individus, sera malgré
tout assez dépendante des Etats, notamment pour sa mise en oeuvre.
Comme toute convention internationale, l'entrée en vigueur de la convention de
Rome, et donc de la Cour pénale internationale, dépend d'un nombre minimal de
ratifications, en l'occurrence 60. A ce jour, 95 Etats l'ont signée et
seulement 7 l'ont ratifiée.
La lenteur de ces ratifications n'est pas propre à la convention de Rome. Nous
connaissons tous des processus qui ralentissent la mise en place d'organismes
internationaux.
Comme vous l'avez vous-même indiqué, monsieur le ministre, un certain nombre
d'Etats, en particulier les Etats-Unis, la Chine ou l'Inde, dont on ne peut
escompter à ce jour un revirement d'attitude, n'ont pas souhaité adhérer à
cette convention.
Ces absences pourraient entraîner un éventuel scepticisme parmi certains
partisans de la Cour, les incitant à l'expectative et retardant d'autant
l'entrée en vigueur de l'institution. Le fait que la France ratifie très
rapidement cette convention mettra en évidence le rôle moteur qu'elle a su
toujours jouer dans l'histoire. Nous avons une valeur d'exemple à illustrer par
la mise en place de la Cour pénale internationale.
La Cour pénale internationale aura également besoin de la coopération des
Etats.
En effet, pas plus que les actuels tribunaux spéciaux, la Cour ne disposera,
en propre, de forces de police lui permettant une totale autonomie dans ses
fonctions. C'est pourquoi le statut de la Cour prévoit la nécessaire
coopération des Etats à son action.
Cette obligation générale de coopération nécessitera que les Etats parties
adaptent leurs textes constitutionnels et leur législation interne pour
répondre aux demandes de coopération formulées par la Cour, et prévoient en
particulier, dans leurs législations pénales, l'incrimination et
l'imprescriptibilité des crimes relevant de la compétence de la Cour.
Ainsi la France, qui a déjà modifié la Constitution pour tenir compte de la
création de la CPI, devra-t-elle bientôt procéder à l'examen d'une loi
d'adaptation unique qui recouvrira plusieurs sujets, lesquels sont détaillés
dans le rapport écrit.
Enfin, le Conseil de sécurité, émanation de la société internationale, aura un
double rôle. Il pourra, en vertu du statut, contribuer à élargir les
compétences de la Cour et, dans l'intérêt de la paix, décider de suspendre
provisoirement - pour une durée d'un an renouvelable - une action que cette
dernière aurait engagée.
Enfin, pour terminer, rappelons que restent en suspens, ou en débat, plusieurs
questions.
La commission préparatoire pour la Cour pénale, mise en place en 1999 et
destinée à parachever et à préciser certaines dispositions du statut, doit
traiter notamment deux sujets importants : l'élaboration d'un règlement de
procédure et de preuve - véritable code pénal qui se met en place - et un texte
sur les « éléments constitutifs des crimes ». C'est sur ce dernier point que
des négociations sont en cours, négociations auxquelles participent des Etats
qui se sont par ailleurs déclarés hostiles aux statuts - c'est le cas des
Etats-Unis.
La première question encore en débat concerne l'intentionnalité ou
l'omission.
L'intentionnalité de l'acte devrait être requise pour aboutir à la
qualification de crime par la Cour. Mais un certain nombre de pays souhaitent
que le concept d'omission soit réintroduit dans les éléments constitutifs, en
contradiction avec les dispositions du statut. Telle n'est pas la position de
la France.
Une autre question encore en débat concerne le délicat problème de l'article
124 du statut, que vous avez très largement abordé, monsieur le ministre.
Cet article permet à un Etat partie de récuser, pour une période de sept
années, par une déclaration spécifique, la compétence de la Cour pénale
internationale pour les crimes de guerre commis sur son territoire ou par ses
ressortissants. Comme vous l'avez également indiqué, il s'agit là d'actes
isolés.
Cette disposition et le fait que la France ait officiellement indiqué qu'elle
y aurait recours pour préserver ses forces déployées dans des opérations de
maintien de la paix des plaintes abusives fondées sur des motifs politiques
suscitent de nombreuses critiques, lesquelles sont fondées sur plusieurs
arguments.
En premier lieu, ces critiques mettent en avant le rôle de garde-fous que
constituent déjà, contre les risques de dérive, le principe de complémentarité
et l'institution de la chambre préliminaire.
De même, estiment les détracteurs de l'article 124, la France, en se prévalant
d'une telle disposition, apparaît soucieuse de couvrir des crimes graves qui
pourraient être commis par ses forces et ternir ainsi son image dans le monde -
il s'agit non pas des propos de votre rapporteur, mais de ceux que nous avons
recueillis auprès des organisations non gouvernementales lors de nos
conditions.
Au surplus, certains font également valoir que la France risquerait d'être
rejointe, sur cet article 124, par des Etats dont les intentions en la matière
ne seraient pas aussi transparentes que les nôtres et dont les forces
militaires seraient loin d'avoir des comportements exemplaires - l'actualité
permet à chacun d'entre nous d'avoir en tête ce type d'exaction.
M. Michel Pelchat.
C'est exact !
M. André Dulait,
rapporteur.
De leur côté, les autorités françaises font observer - vous
venez de le rappeler, monsieur le ministre - qu'une plainte abusivement déposée
contre un ou des militaires participant à des opérations de maintien de la paix
pourrait, en dépit de l'inexistence de charges, faire l'objet d'une vaste
exploitation médiatique, qui aurait des incidences dommageables graves sur le
déroulement de la mission elle-même. Ce n'est pas une vue de l'esprit, c'est ce
qui peut se passer aujourd'hui encore.
M. Emmanuel Hamel.
Hélas !
M. André Dulait,
rapporteur.
Il a donc été décidé que, pour les crimes de guerre couvrant
la possibilité d'actes isolés et donc ouvrant de très nombreuses potentialités
de plaintes, il convenait qu'une période d'observation soit mise à profit pour
apprécier justement le fonctionnement des garanties protectrices mises en
place. Ce n'est que lorsque ces garanties se seront avérées probantes que notre
pays pourrait, avant même les sept ans maximum prévus par l'article 124,
renoncer à cette disposition ; vous l'avez également indiqué, monsieur le
ministre.
Certes, tout doit être mis en oeuvre pour éviter que la Cour ne soit «
instrumentalisée » - par le truchement de plaintes multiples, et en fait
infondées, contre des forces de maintien de la paix - par ceux-là même qui
entendraient saper la mission de ces forces et en provoquer l'échec.
Nul ne contestera par ailleurs la légitimité des préoccupations
gouvernementales pour la protection des militaires investis de missions aussi
difficiles et périlleuses que celles du maintien ou du rétablissement de la
paix.
Il reste que notre pays, initiateur de cette disposition, risque bien - à ce
jour au moins - d'être le seul à y recourir. Cela pourrait le conduire à un
isolement diplomatique d'autant plus regrettable que la France est par ailleurs
à la pointe du combat en faveur d'une Cour dotée de compétences réelles et
efficaces, et cela placerait nos militaires dans une situation difficile par
rapport à d'autres qui ne seraient pas « protégés » par l'article 124.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues,
l'institution de la Cour pénale internationale répond à un réel besoin de
justice vis-à-vis des auteurs de crimes particulièrement odieux. Les tribunaux
de Nuremberg et de Tokyo, les tribunaux pénaux internationaux pour
l'ex-Yougoslavie et le Rwanda ont été des jalons essentiels. La CPI, par sa
vocation universelle et son caractère permanent, par les garanties de procédure
qu'elle propose, par l'équilibre qu'elle maintient entre, d'une part, les
compétences judiciaires élargies reconnues à la Cour et, d'autre part, le rôle
des Etats et du Conseil de sécurité des Nations unies, semble constituer un
instrument cohérent et nécessaire.
C'est pourquoi nous vous invitons, mes chers collègues, au nom de la
commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, à
adopter ce projet de loi.
Si certains - c'est un commentaire du rapporteur - ont pu dire que ce texte
était boiteux, permettez-moi de dire qu'un boiteux avance quand même et qu'il
peut compter sur la chirurgie pour le faire mieux avancer encore !
(Sourires et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et
des Républicains et Indépendants.)
M. Jacques Machet.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Pelchat.
M. Michel Pelchat.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a
cinquante ans de cela, l'assemblée des Nations unies demandait déjà à la
commission du droit international d'étudier un projet de tribunal permanent.
Après une longue période de glaciation, dont M. le ministre nous a tout à
l'heure rappelé les raisons essentielles, s'ouvrait donc, voilà seulement six
ans, une négociation entre cent soixante pays.
Le statut de la Cour pénale internationale, fruit d'une longue négociation et
de compromis subtils, a été adopté, le 17 juillet 1998 à Rome, par cent vingt
pays.
Aujourd'hui, sept pays seulement l'ont ratifié.
La France, qui a beaucoup oeuvré pour la Cour pénale internationale, peut être
fière - nous le sommes pour elle ! - d'être l'une des premières grandes nations
à avoir ratifié ce traité.
Elaborée pour lutter contre l'impunité des crimes de guerre, la Cour pénale
internationale, pourvu qu'elle soit dotée de moyens suffisants, pourra
intervenir quasiment en temps réel.
Elle sera chargée de poursuivre et de juger les auteurs de crimes de génocide,
de crimes contre l'humanité, de crimes de guerre et de crimes d'agression.
La Cour pénale internationale constituera, en fait, une véritable menace
permanente pour les tortionnaires de tout poil responsables d'atrocités, et,
a contrario,
pour les victimes, elle sera garante que justice leur sera
rendue.
Cependant, malgré tous ces éléments positifs, qui m'incitent à nous féliciter
- je l'ai fait - de la ratification prochaine des statuts de la Cour pénale
internationale, permettez-moi, mes chers collègues, d'attirer votre attention
et d'émettre quelques réserves sur un point qui me paraît important.
Sur l'initiative de la France, a été introduit de façon surprenante,
in
extremis,
l'article 124.
Cet article prévoit qu'un Etat signataire peut, pendant une durée de sept ans,
soulever l'incompétence de la Cour pénale internationale pour les crimes de
guerre commis par ses armées, quel que soit le théâtre des opérations
extérieures.
Certes, je peux comprendre les arguments avancés par le Gouvernement pour
justifier que la France soit aujourd'hui, parmi les sept pays signataires, le
seul à se prévaloir de cet article, par crainte de plaintes et de mises en
cause abusives des militaires français, par peur de l'écho médiatique qui leur
serait donné, par angoisse de l'engorgement de la Cour, etc.
Pour moi, ces craintes sont injustifiées et ne font que jeter le doute sur le
comportement de nos soldats ou sur l'action de nos forces armées.
En effet, après avoir joué un rôle très actif dans l'élaboration des statuts,
la France ne peut ensuite montrer de la réserve et de la réticence devant la
compétence et l'action de cette Cour pénale sans que la communauté
internationale s'interroge sur ses motivations : qu'est-ce que la France a à
cacher ? Pourquoi craint-elle ainsi pour ses militaires ? Quelles actions
répréhensibles voudrait-elle éventuellement dissimuler ?
De plus, et je dirai même surtout, l'attitude de la France a pour conséquence
de susciter la suspicion à l'encontre des actions de nos militaires engagés
aujourd'hui dans de nombreuses et souvent périlleuses opérations de maintien de
la paix.
C'est une idée que je ne peux accepter, un sentiment que je ne peux
tolérer.
Forts d'une armée de tradition républicaine, respectueuse en tout temps des
principes qui nous sont chers, nous ne pouvons qu'être fiers de l'action de nos
soldats et de leur commandement.
M. Emmanuel Hamel.
Très bien.
M. Michel Pelchat.
Je l'affirme, ils garantissent le respect scrupuleux de la discipline et de la
légalité républicaines, aujourd'hui comme hier, dans tous les conflits dans
lesquels ils sont intervenus.
Nous n'avons rien à cacher, nous. Au contraire ! Et toutes les démocraties ou
tous les pays qui se réclament de la démocratie ne peuvent en dire autant.
Nous ne pouvons que nous féliciter du comportement de nos soldats, et ce
malgré les missions extrêmement difficiles qu'ils ont à remplir, comme c'est le
cas par exemple aujourd'hui au Kosovo et plus particulièrement à Mitrovica, où
les affrontements sont très difficiles à maîtriser.
Et si, par malheur, quelque dérive venait à être commise par un acteur isolé -
ce qui est toujours possible - les tribunaux français auraient toujours leur
compétence première pour rendre les décisions qui s'imposent, ce qu'ils n'ont
jamais hésité à faire les rares fois où cela a été nécessaire.
Se prévaloir de l'article 124 ne fait que renforcer la position des
détracteurs de notre armée, ce que le Gouvernement prétend précisément
éviter.
Enfin, le retentissement médiatique et politique qui serait donné à une
plainte, même abusive, concernant des actes de militaires français, serait sans
nul doute d'autant plus grand que le France se serait prévalue de la protection
de l'article 124.
Quant à la crainte d'un éventuel engorgement de la Cour pénale internationale
par des plaintes injustifiées, elle me semble, elle aussi, non fondée.
En effet, monsieur le ministre, sur l'initiative de la France a été mise en
place une chambre préliminaire. Cet organe nouveau supervisera l'action du
procureur et garantira les droits de la défense et des victimes pendant
l'instruction.
Cette chambre sera compétente pour confirmer ou infirmer les charges avant que
ne s'ouvre un procès. Elle agira comme une sorte de filtre qui permettra
d'éviter que la Cour pénale internationale n'ait à traiter des plaintes non
fondées, de telle sorte qu'elle puisse ainsi se concentrer sur les véritables
crimes.
Enfin, comment justifier qu'après avoir tant oeuvré pour la naissance de cette
Cour permanente la France exprime aujourd'hui sa défiance envers elle en
s'abritant derrière l'article 124 ?
Les Etats-Unis, qui n'ont pas signé la convention, estiment la portée de cet
article 124 trop limitée. Cet article ne les protègerait pas. Cela signifie
qu'il nous protège ; cet article est donc bien considéré comme un article
protecteur, puisque certains voudraient en voir l'application plus étendue !
Comment expliquer que la nation qui se veut - et qui est - le berceau des
droits de l'homme donne un si mauvais exemple et ouvre ainsi la voie à d'autres
pays, dont les militaires - nous le savons - n'ont pas toujours eu le même
respect scrupuleux de la légalité et de la dignité dues à chacun, même en temps
de guerre ?
Comment pouvons-nous imaginer demander un jour des explications à certains
militaires, et éventuellement les mettre en cause devant la Cour pénale
internationale pour des actes commis aujourd'hui, si nous n'acceptons pas
nous-mêmes d'être jugés pour ce que nos militaires accomplissent dans le
présent ?
En conclusion, je tiens à dire que la France, en se prévalant de l'article
124, ne fait que jeter le discrédit et le doute sur notre armée. Elle vide le
traité de Rome de sa substance en privant la Cour pénale internationale d'une
compétence importante et ouvre la voie aux pays qui désirent continuer d'agir
en toute impunité, impunité que cette Cour est justement censée combattre.
C'est pour ces différentes raisons que je demande au Gouvernement de renoncer
dès maintenant à cette disposition, sans attendre la conférence de révision, et
ce afin que nous puissions ratifier le traité sans doute ni arrière-pensée et
avec la fierté qu'il se doit pour notre pays et pour notre armée.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Rouvière.
M. André Rouvière.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis
plusieurs décennies, notre civilisation montre clairement qu'elle est orientée
vers la solidarité et la générosité. En effet, tout drame naturel ou humain
mobilise les Etats, les organisations humanitaires, les bénévoles. Jamais
l'entraide ne s'est manifestée aussi fréquemment, aussi universellement, et ce
avec une importance sans égale dans l'histoire de l'humanité.
Et, dans le même temps, notre époque sombre périodiquement dans une barbarie
qui ne le cède en rien à celle qui est rapportée par les historiens.
Des enfants, des vieillards, des femmes et des hommes sont soumis aux pires
vexations, à des tortures difficilement imaginables pour des esprits normaux.
Les humiliations, les tortures, les exécutions n'appartiennent pas, hélas, qu'à
un passé lointain.
Leur répétition, leur multiplication, sont en grande partie liées au sentiment
d'impunité que ressentent et affichent avec insolence les responsables de tels
actes.
Certes, des tribunaux
ad hoc
ont prononcé les santions que l'on pouvait
normalement attendre. On l'a déjà dit, les tribunaux de Nuremberg, de Tokyo,
plus récemment ceux de l'ex-Yougoslavie et du Rwanda ont révélé que l'impunité
avait des limites, limites que la réprobation internationale pouvait franchir.
Mais la lamentable comédie jouée par Londres et par Pinochet montre, hélas, les
limites de l'influence d'une réprobation largement partagée au niveau
international.
C'est donc avec enthousiasme que les défenseurs des droits de l'homme
applaudissent aux premiers pas de la Cour pénale internationale,...
M. Raymond Courrière.
Très bien !
M. André Rouvière.
... des premiers pas difficiles malgré les compétences très importantes qui
ont été imparties à cette juridiction et qui devraient nous faire espérer que,
dorénavant, les crimes de génocide, les crimes contre l'humanité, les crimes de
guerre, les crimes d'agression ne seront plus impunis.
Le message est clair. Il faut espérer que cette clarté le rendra dissuasif.
Au demeurant - nous le savons - toute sanction a ses limites ; la peur du
gendarme a ses limites. Mais la menace de sanctions a des limites encore plus
étroites si elle n'est pas rapidement suivie d'exécution. Aussi, la crainte que
peut susciter la Cour pénale internationale ne saurait suffire. Pour éviter les
crimes qui salissent l'image de notre société internationale, encore faut-il
que cette institution fonctionne efficacement.
Conscients de ces limites, nous ne pouvons que nous féliciter des premiers
pas, même hésitants, de la Cour pénale internationale. La France les a
encouragés, les a soutenus. Elle doit, monsieur le ministre, continuer dans
cette voie. Comme vous l'avez dit, les obstacles sont encore nombreux. La
convention de Rome du 17 juillet 1998 créant la Cour pénale n'entrera en
vigueur que lorsque soixante Etats l'auront ratifiée or, pour l'instant, moins
de dix Etats ont procédé à cette ratification ! La France va ajouter la sienne,
certes, mais nous ne pouvons que déplorer le refus de grands et puissants
Etats, comme la Chine et les Etats-Unis, tous deux membres permanents du
Conseil de sécurité des Nations unies.
Je peux comprendre l'attitude de la Chine. En effet, celle-ci ne peut pas
s'enfoncer dans la contradiction qui la conduirait, si je puis dire, à
s'autoflageller. Son obstination à annihiler certaines de ses minorités ferait
d'elle l'un des premiers pays à être cités et à devoir s'expliquer devant la
juridiction internationale qu'elle aurait contribué à mettre en place. On n'a
encore jamais vu de kamikaze monter son propre procès. Et sans être juriste, je
suis certain de connaître
a priori
les conclusions d'un tribunal qui
aurait à délibérer sur le comportement de la Chine, ne serait-ce qu'à propos du
Tibet.
Bien sûr, je n'approuve pas le refus de la Chine de ratifier la convention,
mais je comprends sa position. Je dirai même qu'à mes yeux ce refus est un aveu
de culpabilité qui, un jour, rattrapera certainement les dirigeants chinois.
Pour les Etats-Unis, c'est différent : je n'approuve ni ne comprends leur
attitude. Ce pays, qui joue au gendarme international, qui a participé à des
tribunaux internationaux, tels que ceux de Nuremberg, de Tokyo ou d'autres plus
récemment, montre par son refus de ratifier la convention de Rome qu'il ne veut
pas s'appliquer ce qu'il applique aux autres.
Les Etats-Unis veulent pouvoir juger et, le cas échéant, condamner les
ressortissants d'autres pays mais ils n'admettent pas la réciprocité. Les
ressortissants américains doivent être au-dessus de tout tribunal, en dehors
des tribunaux américains. Le gendarme du monde veut se soustraire au jugement
du monde.
Cette position n'est pas acceptable car elle n'est pas cohérente. On ne peut
pas vouloir faire admettre aux autres ce que l'on refuse pour soi. Cette règle
est universelle, elle s'impose à l'esprit de tout individu, où qu'il soit,
quelle que soit la couleur de sa peau, quelle que soit sa situation dans sa
société. Les Etats-Unis auront de plus en plus de mal à juger les autres s'ils
continuent à vouloir se dérober au jugement des autres.
M. Michel Pelchat.
Et s'ils continuent d'utiliser les mines antipersonnel.
M. Raymond Courrière.
Très bien.
M. André Rouvière.
L'exemple que donnent les grandes puissances sera, à mon avis, déterminant
pour l'avenir de la Cour pénale internationale car son effet dissuasif est
étroitement lié à son action. Son action, c'est-à-dire ses jugements, doivent
être au-dessus de tout soupçon de parti pris, de situation protégée, bref de
tout soupçon de partialité.
Comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, et comme l'a dit, après vous, M.
le rapporteur, la France a joué un rôle important dans l'aboutissement de la
convention de Rome du 17 juillet 1998. Elle doit continuer dans cette voie en
encouragant les Etats hésitants, en montrant l'exemple par la confiance qu'elle
manifeste envers cette institution naissante et porteuse de grandes
espérances.
Oui, la France doit donner l'exemple de sa confiance dans le fonctionnement de
la Cour. Or la confiance ne peut être que totale ou elle n'est pas. Lorsque
quelqu'un n'accorde qu'une confiance limitée à telle chose, cela signifie qu'il
n'a pas confiance.
Certains Etats pourraient être tentés d'adhérer du bout des lèvres en
revendiquant, par exemple, l'application de l'article 124, qui permet à un
Etat, pour une période de sept années, de récuser la compétence de la Cour
pénale internationale pour les crimes de guerre commis par ses ressortissants
ou perpétrés sur son territoire.
Les Etats qui, tout en adhérant à la convention de Rome, demanderaient
l'application de restrictions comme celles que prévoit l'article 124,
contribueraient bon gré mal gré à alimenter, selon moi, trois types de
suspicion.
Suspicion, tout d'abord, à l'égard de la Cour pénale internationale, en
laissant supposer, malgré leurs discours, qu'ils pourraient commettre des
excès, des dérapages, bref des abus.
Suspicion, ensuite, à l'égard de leurs militaires, qui paraîtraient vouloir
échapper - même si cette volonté n'est pas réelle, j'en suis convaincu - à la
justice internationale, alors même que certains de leurs actes seraient
susceptibles - du moins serait-on amené à le penser - d'être jugés par cette
cour.
Monsieur le ministre, pensez-vous que le fait de renoncer à l'article 124
puisse empêcher des individus, des Etats, des médias d'accuser des soldats ?
Nous vivons une époque où les médias ont un pouvoir que tout le monde connaît
et, parfois, subit.
M. Michel Pelchat.
Absolument !
M. André Rouvière.
Ce n'est pas en renonçant à un article qu'on les empêchera d'accuser. En
revanche, en se montrant frileux, on donne malgré soi prise aux critiques que
j'ai évoquées.
Suspicion, enfin, envers les Etats qui revendiqueraient l'usage de l'article
124, car ils donneraient l'image peu glorieuse de ce qu'on appellerait sans
doute, fût-ce à tort, un double langage. Ce double langage consisterait à dire
: le monde a besoin d'une haute autorité judiciaire mais, moi, je souhaite n'en
dépendre que dans certains domaines, en tout cas pas en ce qui concerne les
crimes de guerre.
Or, depuis quelques années, quels sont, hélas ! les crimes les plus horribles
et les plus répandus sinon les crimes de guerre ?
Monsieur le ministre, la France doit combattre ceux qui adopteraient ce double
langage. La France doit montrer clairement qu'elle adhère sans réserve au
dispositif de la Cour pénale internationale. La France doit montrer aux Etats
hésitants qu'elle ne craint pas et qu'ils ne doivent pas craindre une justice
internationale qu'elle a grandement contribué à mettre en place.
Le groupe socialiste du Sénat souhaite que ce langage clair et confiant soit
celui du Gouvernement, c'est-à-dire celui de la France. La confiance ne peut
pas se « découper en tranches ». La France doit, par la voix de ses
représentants au plus niveau, exprimer sa confiance dans des termes
parfaitement compréhensibles, c'est-à-dire excluant toute hésitation et toute
restriction.
C'est d'ailleurs sans hésitation ni restriction, monsieur le président,
monsieur le ministre, mes chers collègues, que le groupe socialiste votera le
projet de loi qui nous est soumis.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Vinçon.
M. Serge Vinçon.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le xxe
siècle a connu deux guerres mondiales, des régimes totalitaires, des foyers de
tensions incontrôlées, de multiples conflits dus à la résurgence de
nationalismes longtemps étouffés. Les crimes perpétrés ont dépassé
l'entendement humain, les exactions commises n'ont cessé de heurter, puis de
hanter notre conscience. Maintes fois le droit des peuples à disposer
d'eux-mêmes a été bafoué, trop souvent la personne humaine a été l'objet d'un
acharnement incompréhensible et destructeur de la part de quelques hommes
avides de pouvoir, animés par la seule volonté de puissance. Ces dirigeants,
responsables des crimes les plus odieux, ont trop longtemps bénéficié de
l'impunité.
La communauté internationale a voulu poser les bases d'une juridiction
internationale indépendante des Etats, afin que ces bourreaux de l'humanité
puissent rendre compte de leurs méfaits. Cela a notamment abouti à la création
des tribunaux internationaux spéciaux destinés à juger les auteurs de massacres
dans l'ex-Yougoslavie et au Rwanda, tribunaux qui ont eu le mérite d'exister
mais qui ont montré leurs limites.
Le projet de loi autorisant la ratification de la convention portant statut de
la Cour pénale internationale représente une avancée significative de la
justice internationale. Le texte qui nous est soumis, après son adoption par
l'Assemblée nationale, constitue une étape importante dans la prévention à
l'échelle planétaire des comportements de violence dans la mesure où il
permettra de sanctionner les criminels et de dissuader ceux qui ont la volonté
d'adopter de tels comportements.
La Cour pénale internationale aura pour objet la sauvegarde de la dignité de
la personne humaine face à toute forme d'asservissement, de dégradation, et
elle est appelée à devenir un instrument essentiel de la lutte contre
l'impunité des grands criminels. Elle ne peut, par là même, que contribuer au
maintien de la paix dans le monde.
Le 17 juillet 1998, cent vingt pays - dont quinze pays de l'Union européenne -
réunis à la conférence de Rome sous l'égide des Nations unies ont approuvé le
projet de création d'une Cour pénale internationale. Sept pays ont voté contre,
parmi lesquels les Etats-Unis et la Chine, membres permanent du Conseil de
sécurité. Nous espérons que la Cour pénale n'aura pas à pâtir de cette
hostilité, mais il est bien évident que l'absence d'un pays comme les
Etats-Unis dans une instance internationale dont la crédibilité est avant tout
fondée sur son universabilité ne peut que nous préoccuper.
Le 28 juin 1999, le Parlement, réuni en congrès à Versailles, a approuvé le
projet de loi constitutionnelle insérant un nouvel article dans la Constitution
qui reconnaît la juridiction de la Cour pénale internationale.
Rappelons que cette convention n'entrera en vigueur qu'après avoir été
ratifiée par soixante pays.
Nous ne pouvons manquer de souligner le rôle que la France a joué depuis le
début des négociations pour que le respect de la personne humaine soit
au-dessus du droit des Etats. Son attitude a notamment abouti à ce que des
dispositions constructives soient introduites dans le statut de la convention,
ce qui a permis de recueillir l'accord d'Etats qui, sans cela, auraient refusé
le projet final. Elle figurera, en outre, parmi les premiers pays à avoir
signifié leur consentement à la mise en place de cette institution.
Nous devons également remarquer l'engagement constant du Président de la
République pour que la justice soit la plus universelle possible et que les
procédures soient les mieux adaptées au contexte international.
L'influence de notre pays a été grande et bon nombre de ses propositions ont
été retenues dans des domaines aussi essentiels que la complémentarité,
l'obligation de coopération des Etats, le rôle d'une chambre préliminaire
pendant l'instruction ou encore le droit des victimes. Nous constatons que ces
dernières se voient enfin reconnaître un rôle particulier dans la procédure
puisqu'elles bénéficient d'un droit de participation, de protection et de
réparation.
L'article 124 du statut de la Cour pénale internationale a fait l'objet de
nombreux commentaires et appelle quelques éclaircissements.
Il permet à chaque Etat signataire de récuser, pour une période de sept ans,
par une déclaration spécifique, la compétence de la Cour pour les crimes de
guerre commis sur son territoire ou par ses ressortissants. La France a annoncé
qu'elle se prévaudrait de cette faculté afin d'éviter que des exploitations
politiques ou médiatiques, fondées sur de fausses allégations, ne mettent en
cause nos forces déployées sur des théâtres d'opérations de maintien de la
paix.
Il lui a été reproché d'affaiblir la Cour en excluant de sa compétence la
catégorie de crimes dont relèvent les exactions les plus fréquentes et d'être
en recul par rapport aux conventions de Genève.
Aussi est-il nécessaire d'énumérer les raisons qui nous conduisent à défendre
cette clause.
Nul ne l'ignore, notre pays assume ses responsabilités de défenseur des droits
de l'homme et il est l'un des plus engagés dans des opérations délicates de
maintien de la paix. Le Président de la République a pris l'initiative de cette
clause à seule fin que la Cour pénale ne soit pas le lieu où des Etats
viendraient poursuivre leurs différends politiques ou militaires. Il ne voulait
pas que la France soit la cible de plaintes injustifiées et abusives, qui lui
nuiraient autant qu'elles porteraient préjudice aux opérations dans lesquelles
elle est engagée.
Par ailleurs, nous sommes convaincus que l'article 124 ne pourrait que
faciliter le succès final de la conférence de Rome en favorisant le ralliement
au texte de nombreux pays, ralliement que vous avez obtenu, monsieur le
ministre.
La démarche française ne saurait s'apparenter à une déclaration de refus ou à
un encouragement à l'impunité ; elle s'appuie avant tout sur un principe de
prudence. Les autorités françaises souhaitent en effet mettre cette période
transitoire à profit pour vérifier que les garanties destinées à éviter les
plaintes abusives sont bien appliquées et s'octroyer le droit d'intervenir,
notamment lors de l'assemblée annuelle des états parties, pour mettre en
lumière tel ou tel dysfonctionnement.
Est-il utile de rappeler à nos détracteurs que cet article 124 n'empêche
nullement de traduire devant les tribunaux français les personnels français,
civils ou militaires, ayant commis des crimes de guerre ?
Monsieur le ministre, lors de votre intervention à l'Assemblée nationale, le
22 février dernier, vous avez envisagé la possibilité que notre pays, une fois
la vérification effectuée, et sans attendre sept ans, renonce à cette
disposition transitoire. Bien que l'article 124 stipule que la clause peut, le
cas échéant, être levée avant l'expiration du délai de sept ans, cette
éventualité nous inquiète. Nous voulons tout au contraire garantir nos
militaires contre toutes manoeuvres ou toutes plaintes abusives qui pourraient
leur nuire et atteindre l'honneur de la France dans ses engagements.
Vous le reconnaissiez vous-même tout à l'heure, les opérations de maintien de
la paix sont de plus en plus difficiles, et de moins en moins nombreux sont les
pays acceptant d'en assumer les risques. En conséquence, nous ne voulons pas
que cette éventualité, si elle devenait réalité, entrave les missions
françaises et constitue un frein à ses interventions. Les résultats seraient
dramatiques : d'une part, nous assisterions impuissants à des crimes odieux ;
d'autre part, nous aboutirions à l'inverse de l'effet recherché à travers
l'article 124.
Lors d'un entretien accordé au journal
Le Monde
le 21 juillet 1998,
vous avez indiqué que la transition de sept ans permettrait à la Cour « de
s'installer et de confirmer sa légitimité et sa crédibilité ». Nous partageons
ce point de vue et nous aimerions, monsieur le ministre, obtenir l'assurance
que, si cette clause venait à être levée avant sept ans, le fonctionnement des
garanties mises en place par le statut lui-même a bien été apprécié. Nous
demandons instamment que le Parlement soit informé dans ce domaine précis afin
de pouvoir juger, au préalable et en toute connaissance de cause, de
l'opportunité de raccourcir la période transitoire.
Nous adopterons ce projet de loi autorisant la ratification de la convention
portant statut de la Cour pénale internationale tant nous sommes convaincus
qu'elle constitue un progrès considérable pour l'avenir de l'humanité.
Par ailleurs, nous tenons, par ce vote, à saluer celles et ceux, en
particulier le Président de la République et vous-même, monsieur le ministre,
qui ont oeuvré sans relâche pour que cette Cour pénale internationale devienne
une réalité.
D'aucuns pourront trouver curieux que nous évoquions l'Afrique au moment
d'adopter ce projet. Néanmoins, nous voulons également, par notre vote, saluer
les États africains qui, malgré leur vécu, ont été d'ardents partisans de la
Cour pénale internationale. Comme si ce continent, qui a connu les pires
souffrances au cours des dernières années - sans que la communauté
internationale puisse, ou veuille, selon le cas, y mettre un terme - plaçait
tous ses espoirs dans cet instrument qui lui paraît à la fois nécessaire et
plus juste ou plus cohérent que ceux qui existent aujourd'hui.
Nous l'avons dit, cette convention ouvre la voie à plus de justice. Elle nous
semble être le meilleur instrument dissuasif et répressif contre des auteurs de
crimes qui nous révoltent. En souhaitant vivement que la période d'observation
prévue par l'article 124 permette effectivement de juger et d'apprécier
l'efficacité des garanties que propose le statut contre toutes les dérives
possibles, nous adopterons ce projet de loi.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe
communiste républicain et citoyen votera aujourd'hui la ratification de la
convention de Rome signée le 17 juillet 1998, qui tend à instituer une Cour
pénale internationale.
Une fois ce vote acquis, la France sera le septième Etat à avoir ratifié la
convention, sur les soixante requis pour son entrée en vigueur.
Il aura ainsi fallu moins de deux ans pour modifier la Constitution de façon à
mettre en conformité notre ordre juridique avec l'institution d'une juridiction
pénale internationale et l'intégrer dans notre législation nationale. Notre
pays aura fait la preuve de sa volonté de mettre ses intentions en acte.
A l'occasion du débat relatif à la révision de la Constitution préalable à
cette ratification, nous avions souligné combien l'institution d'une
juridiction internationale était fondamentale à l'issue d'un xxe siècle marqué
par des exactions plus horribles les unes que les autres.
M. Michel Pelchat.
On peut le dire !
M. Gérard Le Cam.
Face à des crimes qui constituent, par leur existence même, une injure et un
affront pour le genre humain, l'idée d'une juridiction internationale a fait
son chemin. Ebauchée pendant l'entre-deux-guerres, réalisée avec les tribunaux
de Nuremberg et de Tokyo à la fin de la Seconde Guerre mondiale, la justice
internationale a été enterrée pendant de longues années, alors que la guerre
froide s'enracinait durablement.
Il a fallu les drames bosniaque et rwandais et la constitution de tribunaux
internationaux chargés de juger les responsables des exactions pour que l'idée
d'une juridiction pénale permanente s'impose enfin. Ce sera en effet, par
rapport à ces expériences de tribunaux
ad hoc,
le principal mérite de la
CPI et son incontestable supériorité.
De cette qualité, on espère en effet que ressortira un effet préventif et
dissuasif : tout dictateur ou chef de guerre saura désormais qu'il encourt le
risque d'être personnellement mis en accusation et jugé, non plus seulement au
regard de l'histoire mais à titre personnel, et de se voir privé de sa liberté.
Le cas Pinochet nous montre que cette éventualité n'est plus aujourd'hui une
hypothèse d'école. L'institution de la Cour pénale internationale lui donnera
son sens plein et entier.
Certes, ne jouons pas les naïfs. Ainsi que vous l'avez souligné, monsieur le
ministre, ce n'est pas parce qu'existera une juridiction internationale que la
paix régnera sur le monde ! D'ailleurs, un certain nombre de critiques peuvent
être légitimement opposées au projet de loi. Gardons-nous donc de toute
tentation d'autosatisfaction.
D'abord la mise en place définitive de la Cour n'est pas encore acquise. Nous
sommes loin des soixante ratifications, même si certaines sont en cours. Les
pronostics les plus optimistes évaluent à deux ans le délai de
concrétisation.
La France ne doit donc pas relâcher ses efforts pour favoriser la mise en
place rapide de la juridiction, sous peine de la voir se maintenir à l'état
virtuel. Il serait dommage qu'après avoir eu un rôle d'impulsion décisif dans
l'élaboration de la convention de Rome, cette opiniâtreté s'émousse en
chemin.
Nous émettons une autre réserve : la Cour pénale internationale sera à l'image
du droit international actuel, qui ne reconnaît aux pays émergents qu'un faible
rôle. Elle fonctionnera en effet en partie sous la coupe du Conseil de
sécurité, qui a la faculté non seulement de la saisir en cas de carence des
Etats, mais aussi - et ce point est essentiel - de demander de suspendre les
enquêtes et poursuites pendant une durée de douze mois.
Les cinq vainqueurs de 1945 seront donc en mesure de faire échec aux
procédures engagées par la haute juridiction. Si on se réfère au conflit qui se
déroule encore aujourd'hui, sous nos yeux, en Tchétchénie et aux déclarations
russes d'anéantissement du « terrorisme » renouvelées encore la semaine
dernière, dans cette enceinte même, par la délégation russe, on peut
légitimement s'interroger sur les chances qu'aurait la Cour pénale
internationale, si elle était aujourd'hui en état de fonctionnement, de faire
son travail.
La question d'une réforme de l'ONU nous est donc sans doute posée à nouveau au
travers de ce texte. Nous devons réfléchir particulièrement à un retour au
premier plan de l'Assemblée générale.
Néanmoins, l'association de l'ONU à la procédure apparaît indispensable : elle
permet d'affirmer le rôle de la solution politique, sans laquelle tout
règlement durable des conflits n'est guère possible. Le cas de l'Afrique du Sud
est sur ce point tout à fait exemplaire.
Autre sujet d'inquiétude partagé au sein de cet hémicycle par Michel Pelchat
et André Rouvière, la France a d'ores et déjà indiqué qu'elle fera usage de la
faculté qui lui est donnée par l'article 124 du traité de ne pas accepter la
compétence de la Cour pour les crimes de guerre « lorsqu'il est allégué qu'un
crime a été commis sur son territoire ou par ses ressortissants ».
Certes, monsieur le ministre, vous avez indiqué, lors du débat à l'Assemblée
nationale, que le Gouvernement pourrait renoncer à cette dérogation avant
l'expiration du délai de sept ans. Néanmoins, nombreuses ont été les voix qui
se sont élevées pour critiquer cette attitude qui risque, à l'inverse du but
recherché, de jeter la suspicion sur les activités de nos ressortissants dans
les forces de maintien de la paix.
Cela nous apparaît d'autant plus dommageable que, statistiquement, on le sait,
les garanties de procédure sont telles que le risque qu'une plainte abusive
puisse donner lieu à procès devant la Cour sont « infinitésimales », pour
reprendre le qualificatif employé par le rapporteur de la commission des lois à
l'Assemblée nationale, M. Pierre Brana.
Vous avez eu comme moi connaissance des allégations d'
Amnesty international
selon lesquelles des violations des droits de l'homme auraient été commises
par la KFOR contre des Albanais, qui auraient été détenus dans des conditions
inadmissibles. Nous n'avons, pour notre part, aucun élément nous permettant de
les considérer comme fondées.
M. Emmanuel Hamel.
Elles sont fausses !
M. Gérard Le Cam.
Néanmoins, elles mettent en lumière les risques que prend le Gouvernement en
persistant dans cette voie : sa volonté d'utiliser l'article 124 peut
accréditer - à tort - l'idée que des crimes pourraient être commis impunément
par des militaires français peu scrupuleux.
Devons-nous donc renoncer devant de tels obstacles, qui laissent penser que la
CPI sera une institution inutile ? Ce serait la pire des options.
Malgré ses lacunes, le texte constitue véritablement une avancée décisive. Le
refus de signature des Etats-Unis et de la Chine en sont autant de preuves
a
contrario
. Les Américains, on le sait, n'aiment guère ce qu'ils ne
contrôlent pas ; si elle ne devait être qu'une simple institution d'affichage,
la Cour pénale internationale ne susciterait pas de telles réserves.
Ensuite, la mise en place d'une juridiction internationale chargée de la
répression des crimes les plus graves répond à un réel besoin de justice, car
toute brèche dans l'impunité des génocidaires est une victoire pour
l'humanité.
On le sait, l'oubli constitue pour les victimes une seconde mort et
l'indifférence, une nouvelle blessure indélébile. Le procès qui se déroule
actuellement devant le TPI pour l'ex-Yougoslavie, avec la mise au grand jour
des atrocités et la désignation franche des coupables du massacre de
Srebrenica, apparaît essentiel pour le devoir de mémoire.
La Cour pénale internationale remplira d'autant mieux ce rôle que les victimes
se sont vu, grâce à l'action de la France, reconnaître une véritable place dans
la procédure : elles pourront participer aux procès et bénéficier, à ce titre,
d'une protection. Elles auront également un droit véritable à réparation.
Parler d'atteinte à la souveraineté, comme l'ont fait certains, m'apparaît
pour le moins abusif. Car la compétence de la future juridiction ne sera que
subsidiaire : elle ne prendra le relais qu'en cas de simulacre, de défaillance
ou d'impuissance de l'Etat concerné.
Telles sont les remarques que je voulais vous livrer au nom du groupe
communiste républicain et citoyen sur la ratification de la convention de Rome
qui a notre entier soutien.
(Applaudissements sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen, ainsi que sur celles du groupe
socialiste.)
M. Hubert Védrine,
ministre des affaires étrangères.
Je demande la parole.
M. Emmanuel Hamel.
J'espère que vous allez répondre sur l'article 124 !
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Hubert Védrine,
ministre des affaires étrangères.
Monsieur le président, mesdames,
messieurs les sénateurs, je me réjouis qu'un consensus se dégage sur
l'essentiel, c'est-à-dire sur la création de la Cour.
Par ailleurs, j'ai bien noté les hommages rendus par votre Haute Assemblée aux
négociateurs français, qui, en améliorant de manière substantielle les textes
qui avaient été préparés, en ont purement et simplement permis l'adoption.
C'est en effet grâce aux innovations françaises que nombre d'obstacles ont été
franchis et qu'un large consensus est finalement apparu, nonobstant le refus de
signer opposé, pour des raisons qui leur sont propres, par quelques très grands
pays, que j'ai cités dans mon propos liminaire. J'ai été sensible à tout ce que
vous avez dit sur ce sujet.
Je répondrai seulement sur deux points très rapidement.
Monsieur Le Cam, s'agissant du lien entre le statut de la Cour et le Conseil
de sécurité, notre raisonnement forme un tout : notre conception de la Cour est
indissociable de l'idée que nous nous faisons du Conseil de sécurité. Ce
raisonnement procède de notre vision des relations internationales, de la façon
dont elles doivent, selon nous, évoluer.
Nous sommes bien conscients de l'insuffisante représentativité du Conseil de
sécurité dans sa composition actuelle. Il doit, par conséquent, être élargi
pour redevenir pleinement représentatif et conquérir une nouvelle et complète
légitimité. Ce ne sont pas les positions françaises qui bloquent en quoi que ce
soit les procédures de réforme du Conseil de sécurité, qui sont traitées au
sein de l'ONU. Les choses sont parfaitement claires et cohérentes.
C'est sous cet éclairage qu'il faut apprécier les dispositions que j'ai
rappelées tout à l'heure quant au lien entre les deux instances, soit que la
Cour en appelle au Conseil de sécurité pour utiliser ses pouvoirs propres à
l'encontre des Etats récalcitrants, soit que, dans certains cas extraordinaires
où les différentes démarches seraient contradictoires, le Conseil puisse
demander la suspension de telle ou telle poursuite.
Voilà le cadre général.
En ce qui concerne l'article 24, je tiens, tout d'abord, à ramener les choses
à de plus justes proportions.
La Cour est évidemment compétente, et personne ne le conteste, en ce qui
concerne les génocides et les crimes contre l'humanité. Ce point me paraît
fondamental.
Quant à la possibilité pour un Etat de récuser la compétence de la Cour, il
s'agit d'une mesure de transition qu'il faut apprécier à sa juste mesure.
J'ai rappelé tout à l'heure que nous avons assisté au cours des dernières
années à des polémiques littéralement insensées - dont l'actualité nous montre
qu'elles ne sont pas éteintes - à propos des conditions dans lesquelles se
déroulent les opérations de maintien de la paix.
Je tiens à réaffirmer que ces opérations sont indispensables à la paix dans le
monde et que c'est l'honneur de la France d'y participer avec une armée, des
soldats à la fois expérimentés et courageux.
Malgré tout il y a bel et bien des polémiques, des interpellations, parfois
dénuées de fondement, qui ne font jamais que perpétuer, cette fois sur le
terrain juridique des luttes. On ne peut pas le nier.
On ne peut pas être sûr d'emblée, avant que la Cour soit installée, que nous
serions protégés contre ce type d'interpellations. Il ne s'agit pas pour nous
de dire par avance que nous craindrions que nos forces ne commettent tel ou tel
acte contestable. C'est par rapport à l'autre côté que la précaution est
prise.
De surcroît, cela viendrait engorger la Cour.
Bref, il nous a semblé que, entre ceux qui voudraient aller tout de suite plus
loin et ceux qui trouvent déjà imprudent d'avancer aussi vite, nous proposions
une voie raisonnable, celle d'un progrès qui s'inscrit dans ce mouvement
général vers une réelle justice internationale, tout en ménageant une période
de transition.
D'ailleurs, nous ajoutons que si les choses se passent très bien, nous
pourrons renoncer à cette clause en cours de route. Et je précise, en réponse à
une question qui m'a été posée, que je trouve tout à fait légitime que le Sénat
et l'Assemblée nationale en soient alors parfaitement informés. Je ne sais pas
quand cela se produira, mais je crois pouvoir prendre cet engagement. Il serait
alors normal, que le Gouvernement explique pour quelles raisons, au vu de
quelle expérience, il lui apparaît que le mécanisme fonctionne suffisamment
bien pour qu'on puisse lever cette clause. Cette explication me paraît tout à
fait utile.
Bref, entre les différentes approches, qui me semblent de l'ordre de la
nuance, nous proposons la voie raisonnable de cette clause, assortie d'une
période de transition.
Je rappelle que cette position, que j'avais présentée dans mon intervention
liminaire, mais que je voulais éclairer, a été arrêtée au plus haut niveau de
l'Etat, par les plus hautes autorités.
(Applaudissements.)
M. Xavier de Villepin,
président de la commission.
Très bien !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique.
- Est autorisée la ratification de la Convention
portant statut de la Cour pénale internationale, signée à Rome le 18 juillet
1998, et dont le texte est annexé à la présente loi. »