Séance du 21 mars 2000
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Décès d'un sénateur
(p.
1
).
3.
Démission d'un membre d'une délégation parlementaire
(p.
2
).
4.
Protection des trésors nationaux.
- Adoption d'une proposition de loi en deuxième lecture (p.
3
).
Discussion générale : Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la
communication ; MM. Serge Lagauche, rapporteur de la commission des affaires
culturelles ; Ivan Renar.
Clôture de la discussion générale.
Article 2 (p. 4 )
Amendement n° 1 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. -
Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 3
(supprimé)
Article 4. - Adoption (p.
5
)
Article 4
bis (supprimé)
Article 5 (p.
6
)
Amendement n° 2 rectifié de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre.
- Adoption.
Amendement n° 3 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. -
Adoption.
Amendement n° 4 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre, M. Yann
Gaillard. - Adoption.
Amendement n° 5 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. -
Adoption.
Amendement n° 6 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. -
Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 6 bis (p. 7 )
Amendement n° 7 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre, M. Yann
Gaillard. - Rejet.
Adoption de l'article.
Article 6 ter (p. 8 )
Amendement n° 8 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre, MM. Yann
Gaillard, Ivan Renar. - Rejet.
Adoption de l'article.
Article 7 (p. 9 )
Amendement n° 9 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre, MM. Ivan Renar. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Vote sur l'ensemble (p. 10 )
M. Lucien Neuwirth.
Adoption de la proposition de loi.
Suspension en reprise de la séance (p. 11 )
5.
Remplacement d'un sénateur décédé
(p.
12
).
6.
Communication à propos d'une commission mixte paritaire
(p.
13
).
7.
Reconnaissance du génocide arménien. -
Demande de discussion immédiate d'une proposition de loi (p.
14
).
8.
Relations avec les administrations. -
Discussion d'un projet de loi en nouvelle lecture (p.
15
).
Discussion générale : MM. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique,
de la réforme de l'Etat et de la décentralisation ; Jean-Paul Amoudry,
rapporteur de la commission des lois ; Jacques Mahéas, Mme Monique Cerisier-ben
Guiga, M. Robert Bret.
Clôture de la discussion générale.
Article 2 (p. 16 )
Amendement n° 2 de la commission. - MM. le rapporteur, Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer ; Jacques Mahéas. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Article 4 (p. 17 )
Amendement n° 3 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat,
Jacques Mahéas. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 8 (p. 18 )
Amendement n° 4 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat,
Jacques Mahéas. - Adoption.
Amendement n° 5 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. -
Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 8
bis. -
Adoption (p.
19
)
Article 10 (p.
20
)
Amendements n°s 6 et 7 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire
d'Etat, Jacques Mahéas. - Adoption des deux amendements.
Adoption de l'article modifié.
Article 13 bis (p. 21 )
Amendements n°s 16, 28 rectifié
(priorité)
de M. Josselin de Rohan, 25 à
27 de M. Philippe Darniche et 13 rectifié
bis (priorité)
de M. Jacques
Larché repris par la commission. - MM. Alain Gérard, Philippe Darniche, le
rapporteur, le secrétaire d'Etat, Jacques Mahéas. - Adoption, après une demande
de priorité, des amendements n°s 13 rectifié
bis
et 28 rectifié, les
amendements n°s 16, 26 et 27 devenant sans objet ; retrait de l'amendement n°
25.
Adoption de l'article modifié.
Article 13 ter (p. 22 )
Amendements n°s 17, 29 rectifié
(priorité)
de M. Josselin de Rohan et 15
rectifié
bis (priorité)
de M. Jacques Larché repris par la commission. -
MM. Alain Gérard, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption, après une
demande de priorité, des amendements n°s 15 rectifié
bis
et 29 rectifié,
l'amendement n° 17 devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.
Article 14 (p. 23 )
Amendement n° 18 rectifié de M. Daniel Hoeffel. - MM. Daniel Hoeffel, le
rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Adoption de l'article.
Article 21 (p. 24 )
Amendement n° 8 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat,
Jacques Mahéas. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Articles 22, 22
bis,
24, 24
bis,
25, 26 et 26
ter
A. - Adoption (p.
25
)
Article 26
quater
(p.
26
)
MM. Robert Bret, Jacques Mahéas.
Amendement n° 9 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. -
Adoption.
Amendement n° 10 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. -
Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 26 quinquies (p. 27 )
Amendement n° 11 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. -
Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 27 AA. - Adoption (p.
28
)
Article additionnel après l'article 27 AA (p.
29
)
Amendements identiques n°s 1 rectifié bis de M. Alain Gérard et 20 de M. François Marc. - MM. Alain Gérard, François Marc, le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Gérard Le Cam. - Adoption des deux amendements insérant un article additionnel.
Articles 27 et 27
bis. -
Adoption (p.
30
)
Vote sur l'ensemble (p.
31
)
MM. Daniel Hoeffel, Jacques Mahéas, Robert Bret.
Adoption, par scrutin public, du projet de loi.
Suspension et reprise de la séance (p. 32 )
9.
Mise au point au sujet d'un vote
(p.
33
).
MM. Jean Delaneau, le président.
10.
Conseil d'administration d'Air France. -
Adoption d'un projet de loi (p.
34
).
Discussion générale : MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des
transports et du logement ; Jean-François Le Grand, rapporteur de la commission
des affaires étrangères ; Ladislas Poniatowski, Jean-Pierre Plancade, Serge
Vinçon, Pierre Lefebvre.
Suspension et reprise de la séance (p. 35 )
M. le ministre.
Clôture de la discussion générale.
Articles 1er et 2. - Adoption (p.
36
)
Article 3 (p.
37
)
Amendements n°s 1 et 2 de M. Ladislas Poniatowski. - MM. Ladislas Poniatowski,
le rapporteur, le ministre, Pierre Lefebvre, Jean-Pierre Plancade. - Adoption,
par scrutin public, de l'amendement n° 1, adoption de l'amendement n° 2.
Adoption de l'article modifié.
Vote sur l'ensemble (p. 38 )
MM. Pierre Lefebvre, Jean-Pierre Plancade.
Adoption du projet de loi.
11.
Reconnaissance du génocide arménien. - Demande de discussion immédiate d'une
proposition de loi
(suite)
(p.
39
).
MM. Gilbert Chabroux, auteur de la demande ; Serge Vinçon, Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères ; Pierre Moscovici, ministre
délégué chargé des affaires européennes.
Rejet, par scrutin public, de la demande de discussion immédiate.
12.
Dépôt de questions orales avec débat
(p.
40
).
13.
Transmission d'un projet de loi
(p.
41
).
14.
Dépôt de propositions de loi
(p.
42
).
15.
Textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution
(p.
43
).
16.
Renvoi pour avis
(p.
44
).
17.
Dépôt de rapports
(p.
45
).
18.
Dépôt de rapports d'information
(p.
46
).
19.
Ordre du jour
(p.
47
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à dix heures trente.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le procès-verbal de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté.
2
DÉCÈS D'UN SÉNATEUR
M. le président. J'ai le profond regret de vous faire part du décès de notre collègue Jean-Jacques Robert, sénateur de l'Essonne, survenu le 18 mars 2000.
3
DÉMISSION D'UN MEMBRE
D'UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE
M. le président.
M. le président a reçu la démission de M. René Trégouët comme membre de la
délégation du Sénat pour l'Union européenne.
La nomination de son remplaçant pourrait être inscrite à l'ordre du jour de la
séance de demain, à dix-huit heures.
Il n'y a pas d'opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
4
PROTECTION DES TRÉSORS NATIONAUX
Adoption d'une proposition de loi en deuxième lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de
loi (n° 253, 1999-2000), modifiée par l'Assemblée nationale, relative à la
protection des trésors nationaux et modifiant la loi n° 92-1477 du 31 décembre
1992 relative aux produits soumis à certaines restrictions de circulation et à
la complémentarité entre les services de police, de gendarmerie et de douane.
[Rapport n° 267 (1999-2000).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le président,
monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, comme je l'avais
souligné lors de la première lecture de cette proposition de loi, l'initiative
de M. Serge Lagauche et de Mme Dinah Derycke est particulièrement opportune à
un moment où se développe le marché de l'art de notre pays.
Chacun a perçu la pertinence des dispositions législatives qui nous sont
proposées. L'Assemblée nationale a souligné l'urgence d'une telle réforme de la
loi de 1992 afin de donner une plus grande fluidité au marché et de permettre à
l'Etat de protéger les chefs-d'oeuvre du patrimoine national.
Je ne reviendrai pas sur les effets bénéfiques de la loi de 1992 qui a permis
à l'Etat d'assumer en toute plénitude ses missions de protection du patrimoine
national. Le travail de la commission des refus de certificat progresse et de
nouvelles interdictions ont été édictées afin de permettre l'enrichissement des
collections publiques.
Tel est bien le souci premier de la loi de 1992 qui accompagne l'action de
l'Etat et des collectivités pour l'acquisition des oeuvres d'art patrimoniales.
Même si nous reconnaissons tous que les moyens demeurent insuffisants, les
résultats obtenus ne sont pas négligeables ; ils devraient s'améliorer dans le
futur dès lors que l'application des mesures proposées par votre assemblée sera
mise en oeuvre.
Le texte modifié par l'Assemblée nationale reprend en grande partie les
mesures destinées à simplifier et alléger les formalités administratives
nécessaires pour exporter les biens culturels. Toutes les avancées relatives à
la durée du certificat, à l'importation et à l'exportation à titre temporaire
sur le territoire national des biens culturels, au délai d'instruction des
demandes de certificat, aux modalités d'estimation des oeuvres et à une plus
large concertation avec les professionnels ont été retenues.
Je me réjouis que votre commission se soit prononcée favorablement sur
plusieurs articles modifiés par l'Assemblée nationale. Nous évoquerons vos
propositions lors de l'examen des amendements et je ne doute pas que notre
débat puisse contribuer à rendre le présent texte encore plus précis.
A plusieurs reprises, dans les deux assemblées, les orateurs se sont exprimés
sur la nécessité d'accompagner cette réforme de la loi de 1992 de dispositions
fiscales complémentaires.
Le récent débat que nous avons eu ici même à l'occasion de l'examen de la
proposition de loi de M. le sénateur Yann Gaillard m'a offert l'occasion de
vous préciser que certains aménagements pourraient trouver leur place dans le
cadre de l'amélioration de loi du 31 décembre 1913 sur les monuments
historiques.
Je reste persuadée que la mobilisation des collectionneurs et acheteurs
potentiels passe aussi par d'autres moyens. J'ai rappelé le rôle essentiel de
la procédure des dations. Elle témoigne de l'intérêt que l'Etat porte aux
oeuvres majeures et aux grandes collections privées. Elle constitue l'une des
réponses les plus appropriées que nombre de pays européens ont d'ailleurs
également mise en oeuvre avec les mêmes objectifs que les nôtres.
Il nous faut, en outre, encourager les sociétés d'amis des musées qui, elles
aussi, s'associent à de nombreuses acquisitions au bénéfice des musées
nationaux et territoriaux.
Comme je l'ai précisé lors du débat sur le marché de l'art, le développement
de ce secteur économique et culturel et la poursuite de l'enrichissement du
patrimoine national dépendent fondamentalement du maintien de l'exonération des
oeuvres d'art de l'impôt de solidarité sur la fortune.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement a montré sa détermination
pour répondre à l'attente de la représentation nationale et de tous les acteurs
de terrain, pour une protection renforcée du patrimoine national, pour une mise
en conformité de la loi de 1992 avec le fonctionnement du marché de l'art et
ses exigences économiques.
Cet objectif, j'en suis convaincue, est atteint par le texte proposé par M.
Serge Lagauche et Mme Dinah Derycke. C'est pourquoi je souhaite que nous
puissions le mettre en oeuvre le plus rapidement possible.
La commission des affaires culturelles du Sénat a déposé deux amendements de
suppression des articles 6
bis
et 6
ter
qui ont été votés par
l'Assemblée nationale.
Ces articles reprennent les dispositifs suggérés par le Gouvernement relatifs
à deux établissements publics, celui du Centre national de la cinématographie
et celui du Centre national d'art et de culture Georges-Pompidou.
J'ai demandé leur examen dans le cadre de la présente proposition de loi, car
ils ont une incidence sur l'application de la loi de 1992 dans leur domaine
respectif.
L'ordonnance du 3 juillet 1945 devait permettre de contrôler le contenu des
oeuvres cinématographiques sortant de France afin de s'assurer de « l'image de
marque » de notre pays à l'étranger.
Cette formalité apparaît de nos jours particulièrement inadaptée pour
préserver les objectifs initialement envisagés. En réalité, les demandes de
visas d'exportation ne servent plus qu'à fournir au Centre national de la
cinématographie des éléments statistiques que celui-ci peut obtenir par
d'autres moyens. Pour faciliter la circulation de ces oeuvres, il convient donc
de procéder à la suppression de cette obligation, ce qui permettra également
d'atteindre un objectif gouvernemental important : la simplification des
formalités administratives.
S'agissant du Centre national d'art et de culture Georges-Pompidou, je
rappelle qu'il est administré par un président nommé par décret en conseil des
ministres et assisté de deux instances consultatives distinctes : d'une part,
un « conseil de direction », d'autre part, un « conseil d'orientation ».
Il est apparu nécessaire de modifier l'organisation particulière de cet
établissement public culturel, peu conforme aux règles générales de
fonctionnement des établissements publics, et de donner au centre Pompidou une
assise juridique plus sûre.
A cet effet, il est prévu de créer un conseil d'administration, seul organe
collectif de direction qui regroupera à l'avenir l'ensemble des attributions
des deux conseils.
La composition du futur conseil d'administration sera similaire à celle de
l'actuel conseil d'orientation et devra assurer la représentation de l'Etat, du
Parlement, de la ville de Paris, ainsi que de personnalités qualifiées et du
personnel de l'établissement.
Je tiens à rappeler que les conservateurs du Musée national d'art moderne
contribuent par leurs analyses, dans leur domaine de compétence, celui de l'art
moderne et contemporain, à l'argumentation des avis des membres de la
commission qui examine les demandes de certificat de sortie du territoire des
biens culturels ; au demeurant, certains trésors nationaux ont été intégrés
dans les collections du Musée national d'art moderne du centre
Georges-Pompidou.
C'est à ce doube titre que je souhaite que votre assemblée retienne l'article
6
ter
.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à remercier très chaleureusement
M. Lagauche et Mme Derycke pour leur contribution. Ils nous ont permis
d'engager l'indispensable rénovation de la loi du 31 décembre 1992 sur les
trésors nationaux, qui est étroitement liée, je le répète, aux actions que nous
menons ensemble pour l'enrichissement des collections publiques, la protection
du patrimoine et la relance du marché de l'art de notre pays.
Je me félicite que votre assemblée soit à l'origine de ce nouveau dispositif.
Il nous appartient ensemble de lui donner toute la place qui lui revient dans
le cadre législatif lié au patrimoine et à la création.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Serge Lagauche,
rapporteur de la commission des affaires culturelles.
Monsieur le
président, madame la ministre, mes chers collègues, l'Assemblée nationale a
examiné, le 1er mars dernier, la proposition de loi relative à la protection
des trésors nationaux, que le Sénat avait adoptée le 26 janvier dernier.
Si je me félicite de l'inscription rapide de cette proposition de loi
d'origine sénatoriale à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, je ne peux
que constater que le texte qui nous revient a changé de nature.
L'Assemblée nationale a, en effet, transformé un texte dont le dispositif
devait remédier aux lacunes de la loi du 31 décembre 1992 en un texte « portant
diverses dispositions d'ordre culturel ».
L'invention de ce genre législatif inédit, jusqu'ici réservé aux domaines
sociaux et financiers, résulte de l'adoption par l'Assemblée nationale, sur
proposition du Gouvernement, de deux articles nouveaux dépourvus de tout lien
avec la protection des trésors nationaux : le premier procède à un toilettage
très ponctuel du code de l'industrie cinématographique et consiste, en fait, en
une simple mesure de simplification administrative, depuis longtemps dans les
cartons ; le second opère une réforme des organes dirigeants du Centre national
d'art et de culture Georges-Pompidou, réforme dont les conditions d'examen par
le Parlement sont pour le moins expéditives.
Ces ajouts sont d'autant plus regrettables que si deux articles seulement ont
été adoptés en des termes identiques, l'Assemblée nationale a approuvé
l'essentiel du dispositif voté par le Sénat, portant une appréciation nettement
positive sur les objectifs recherchés par les auteurs de la proposition de
loi.
Je vous en rappellerai brièvement l'économie.
La loi de 1992, qui s'est substituée à la loi douanière de 1941, a
considérablement assoupli le mécanisme de contrôle des exportations de biens
culturels en instaurant un dispositif très libéral qui ne permet guère à l'Etat
que de retarder la sortie d'oeuvres majeures, à moins de les acquérir.
En effet, la logique de la loi de 1992 voulait qu'en cas de refus du
certificat, nécessaire pour exporter une oeuvre d'art, l'administration tire,
dans un délai de trois ans, les conséquences de la qualité de « trésor national
» en entamant une procédure de classement.
Or, la Cour de cassation a neutralisé cette alternative : elle a, en effet,
condamné l'Etat à verser une indemnité de 145 millions de francs au
propriétaire d'un tableau de Van Gogh frappé d'une interdiction définitive
d'exportation à la suite d'une mesure de classement. C'est la fameuse
jurisprudence Walter.
La solution de l'acquisition trouve elle-même des limites dans la mesure où, à
supposer qu'il dispose des fonds nécessaires, l'Etat se trouve à la merci d'un
refus du propriétaire de se dessaisir de son bien, faute notamment d'une
procédure permettant une évaluation du bien.
Afin de lever cet obstacle, la proposition de loi, s'inspirant en cela du
dispositif britannique, complète la loi de 1992 par un article nouveau qui
précise les modalités d'une procédure d'expertise.
En l'absence d'accord amiable sur le prix d'une oeuvre, il reviendra à des
experts désignés par l'Etat et le propriétaire d'arrêter le prix du bien. Si le
propriétaire refuse de vendre à ce prix, le refus du certificat pourra alors
être renouvelé, possibilité que n'ouvrait pas la loi de 1992.
Au-delà, la proposition de loi visait à limiter l'incidence du dispositif de
contrôle des exportations de biens culturels sur le fonctionnement du marché de
l'art.
En allongeant la durée de validité des certificats de libre circulation et en
excluant l'application de la loi de 1913 pour les biens importés depuis moins
de cinquante ans, elle permettait de rassurer les propriétaires sur les
conditions dans lesquelles ils peuvent disposer de leurs biens.
Afin d'éviter des formalités lourdes et injustifiées pour les transactions
opérées sur le marché de l'art français, elle dispensait de certificat les
exportations de biens culturels importés à titre temporaire.
En outre, elle tentait de remédier à l'incompréhension qui prévaut entre
l'administration et le monde du marché de l'art en assurant une plus grande
transparence du contrôle des exportations d'oeuvres d'art grâce à une
modification de la composition de la commission chargée de formuler un avis sur
les refus de délivrance des certificats et à la publication de ses avis,
destiné à en renforcer l'autorité.
Enfin, conscient des limites auxquelles se heurtaient ces avancées du fait des
montants modestes des crédits d'acquisition, le Sénat, sur proposition de la
commission des finances, avait souhaité compléter les conclusions de la
commission par une mesure fiscale : l'exonération de droits de mutation à titre
gratuit pour les biens classés en accord avec leur propriétaire.
L'Assemblée nationale a approuvé l'essentiel du dispositif adopté par le
Sénat.
Les modifications apportées par les députés ne remettent pas en cause les
orientations retenues par le Sénat tant pour les dispositions introduisant dans
la loi de 1992 une procédure d'acquisition que pour celles qui sont destinées à
limiter les incidences du contrôle des exportations d'oeuvres d'art.
Des précisions ont pu être utilement apportées : je pense notamment aux
dispositions précisant dans quelles conditions seront pris en charge les frais
d'expertise imposés par la procédure d'acquisition, qui permettront d'éviter
d'inutiles contentieux.
En revanche, de manière moins heureuse, l'Assemblée nationale a supprimé la
précision introduite par le Sénat en première lecture visant à prévoir que la
décision de renouvellement du refus de certificat n'ouvre droit à aucune
indemnité. Le silence de la loi sur ce point risque d'être interprété en sens
contraire. Si tel était le cas, il est fort à craindre que l'Etat ne se
retrouve dans une situation comparable à celle qui prévaut dans le cadre de la
loi de 1913 en cas de classement d'un objet mobilier.
De même, je regrette que l'Assemblée nationale ait supprimé certaines
dispositions destinées à garantir la souplesse des procédures de contrôle des
exportations.
Enfin, l'Assemblée nationale a supprimé la mesure fiscale introduite sur
l'initiative de la commission des finances du Sénat, notamment au motif que cet
article sortait du champ législatif couvert par la proposition de loi.
Nous ne pouvons que regretter que l'Assemblée nationale n'ait pas fait preuve
de la même rigueur à l'égard des amendements proposés par le Gouvernement qui
ont comme seul point commun de ne pas avoir trouvé jusqu'à présent un support
législatif adapté à leur examen par le Parlement.
S'agissant de la suppression du visa d'exportation des films, cette mesure
aurait sans doute mieux sa place dans une réforme d'ensemble du code de
l'industrie cinématographique, dont nombre de dispositions sont obsolètes.
Cette refonte qui s'impose à plusieurs titres pourrait être au demeurant
utilement opérée à l'occasion de l'élaboration du code de la communication et
du cinéma que l'on nous promet pour la fin de la législature.
La modification de la loi de 1975 relative au statut du centre
Georges-Pompidou, si elle présente l'apparence de la logique, apparaît quant à
elle un peu précipitée ; les modalités expéditives d'examen de ce texte se
doublent, semble-t-il, d'une absence de concertation avec les responsables
actuels de cet établissement public, qui vient de rouvrir ses portes au
public.
Compte tenu de ces observations, vous comprendrez bien que je proposerai
d'abord de redonner au dispositif de la proposition de loi sa cohérence, en
supprimant les deux cavaliers qui ont été introduits par l'Assemblée
nationale.
En ce qui concerne les dispositions de la proposition de loi relatives aux
trésors nationaux, il me semble indispensable de réintroduire la disposition
visant à préciser que le renouvellement du refus du certificat n'ouvre pas
droit à indemnisation. Je rappellerai que l'analyse du Sénat était que le
renouvellement du refus de certificat n'engendre aucun préjudice, ce qui
justifiait que le principe de l'indemnisation soit exclu. La suppression de
cette disposition pourrait,
a contrario,
être interprétée comme ouvrant
droit à une indemnisation. Dans ce cas, l'Etat risque bien de se trouver
confronté à une nouvelle affaire Walter, ce qui serait fort préjudiciable pour
les collections publiques.
Aujourd'hui, l'acquisition demeure la seule voie possible pour permettre à
l'Etat de retenir des oeuvres majeures sur le territoire national. Se priver de
cette alternative en écartant la possibilité de renouveler les refus de
certificat reviendrait à renoncer à toute velléité de contrôle des exportations
d'oeuvres d'art.
Je proposerai également de réintroduire des dispositions adoptées par le Sénat
et supprimées par l'Assemblée nationale, qui permettaient de garantir la
souplesse des mécanismes prévus par la proposition de loi. Parmi celles-ci,
figurent notamment la possibilité ouverte au propriétaire en cas de
renouvellement du refus du certificat de redemander une expertise du bien et la
compétence accordée à l'Etat en cas de refus de ses offres d'achat pour
apprécier s'il y a lieu ou non de renouveler le refus de certificat. Ces
dispositions me semblent opportunes. J'ai souligné en première lecture la
nécessité de réconcilier le monde du marché de l'art avec celui des collections
publiques. En ce domaine, les rigidités administratives sont, je crois, à
l'origine de beaucoup de malentendus. L'Etat doit apprendre à comprendre les
préoccupations des propriétaires d'oeuvres d'art.
Compte tenu de ces observations, je vous proposerai donc, mes chers collègues,
d'adopter en deuxième lecture la présente proposition de loi, sous réserve des
amendements que je présenterai.
M. le président.
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, lors de la
discussion générale, en première lecture, de la proposition de loi qui nous est
soumise, nous exprimions notre soutien à un dispositif visant à concilier le
dynamisme du marché de l'art avec la protection de nos trésors nationaux.
La proposition de loi, qui visait alors la mise en place d'une expertise
contradictoire pour la délivrance d'un certificat attestant qu'un bien ne
présente pas le caractère de trésor national et qui prévoyait la fixation
contradictoire d'un prix du marché et un maintien « indéfini » du refus de
délivrer le certificat de non-appartenance au trésor national, dans l'hypothèse
d'un refus de vente du propriétaire du bien à l'Etat, était, nous semble-t-il,
de nature à protéger au mieux notre patrimoine national.
Certes, l'ajout de dispositions fiscales en faveur d'éventuels acquéreurs
privés, proposé par la commission des finances de notre Haute Assemblée,
tordait un peu l'esprit du texte.
Fort heureusement, l'Assemblée nationale est revenue sur ces dispositions.
Autrement plus inquiétante est la réécriture de l'article 5 pour ce qui
concerne le renouvellement par l'Etat du refus d'accorder le certificat de
non-appartenance au patrimoine national, qui pourrait entraîner indemnisation
du propriétaire, ce qui, de fait, rendrait caduc pour partie l'excellent
travail accompli par notre collègue Serge Lagauche.
Dans cette hypothèse, en effet, nous partageons l'analyse de M. le rapporteur,
qui distingue en l'occurrence le classement de l'interdiction d'exportation et
qui indique que : « La procédure instaurée par la proposition de loi crée une
situation très différente, qui ne permet pas de considérer le préjudice
résultant du refus de certificat comme certain et donc indemnisable. En effet,
on ne peut pas considérer qu'il y a un préjudice matériel résultant d'une
dépréciation dans la mesure où l'Etat offre de payer le bien au prix du marché
international. »
C'est pourquoi nous sommes favorables à une réécriture de cet article ; nous
voterons donc les amendements de la commission.
L'Assemblée nationale a, sur la demande du Gouvernement, introduit dans la
proposition de loi deux articles nouveaux, l'un concernant la suppression du
visa d'exportation pour les films cinématographiques, l'autre visant la
suppression du conseil d'orientation du Centre national d'art et de culture
Georges-Pompidou.
Là encore, nous partageons la perplexité et l'analyse de M. le rapporteur sur
la nécessité d'introduire dans la proposition de loi des articles n'ayant que
très peu de proximité avec le texte de la proposition de loi initiale.
Pour ce qui concerne la suppression du conseil d'orientation du Centre
Georges-Pompidou, nous pensons également que nous ne sommes pas en possession
de toutes les informations nous permettant de légiférer au mieux des intérêts
des représentants au conseil d'administration du centre.
Je rappelle en outre, madame la ministre, que je suis à l'initiative d'une
proposition de loi concernant les établissements publics à vocation culturelle,
dont la visée très générale justifie pleinement, me semble-t-il, que le débat
sur les structures juridiques des établissements culturels dans notre pays soit
ouvert et trouve une issue positive le plus vite possible, au-delà même des
mouvements de cavalerie sur la ligne du front.
(Sourires.)
Telles sont le réflexions dont je souhaitais vous faire part, madame la
ministre, mes chers collègues, au cours de ce deuxième débat sur cette
proposition de loi.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir
de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la
discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du
Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.
Article 2
M. le président.
« Art. 2. - L'article 7 de la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992 précitée est
ainsi modifié :
« 1° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Il est accordé aux biens culturels licitement importés dans le territoire
douanier depuis moins de cinquante ans. » ;
« 2° Dans la première phrase du quatrième alinéa, après les mots : "par décret
en Conseil d'Etat, ", sont insérés les mots : "à parité" ;
« 3° Au début de la première phrase du dernier alinéa, après le mot :
"décision", sont insérés les mots : "de refus" ;
« 4° La dernière phrase du dernier alinéa est complétée par les mots : "et
publiée dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat". »
Par amendement n° 1, M. Lagauche, au nom de la commission, propose de rédiger
ainsi le quatrième alinéa (2°) de cet article :
« 2° Le quatrième alinéa est ainsi rédigé :
« Le refus de délivrance du certificat ne peut intervenir qu'après avis motivé
d'une commission composée à parité de représentants de l'Etat et de
personnalités qualifiées et présidée par un membre du Conseil d'Etat. Un décret
en Conseil d'Etat fixe ses modalités de désignation et les conditions de
publication de ses avis. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Serge Lagauche,
rapporteur.
L'Assemblée nationale est revenue sur le principe de
publication des avis de la commission chargée de donner un avis sur les
décisions de refus du certificat pour prévoir, à la place, la publication des
décisions de refus. Si cette disposition est inspirée par le même légitime
souci de transparence, elle ne répond pas à l'objectif du Sénat qui était de
conférer une plus grande autorité à cette instance, dont il élargissait par
ailleurs la composition. Le présent amendement tend donc à rétablir le principe
de publicité des avis de la commission.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Je suis favorable à cet
amendement. D'abord, parce qu'il assure une plus grande transparence des avis
de la commission prévue à l'article 7 de la loi de 1992, par leur publication.
Ensuite, parce que cette disposition ne peut qu'améliorer les relations de
l'administration et des propriétaires de biens culturels en assurant une
meilleure connaissance des critères de qualité artistiques et historiques qui
sont retenus pour la qualification de trésors nationaux.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2, ainsi modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
M. le président.
L'article 3 a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Article 4
M. le président.
« Art. 4. - L'article 9 de la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992 précitée est
ainsi modifié :
« 1° Dans le premier alinéa, les mots : "trois ans" sont remplacés par les
mots : "trente mois" ;
« 2° Le second alinéa est ainsi rédigé :
« Après ce délai, le refus de délivrance du certificat ne peut être renouvelé
que dans le cas prévu au sixième alinéa de l'article 9-1, sans préjudice du
classement du bien en application des lois du 31 décembre 1913 et n° 79-18 du 3
janvier 1979 précitées ou de sa revendication par l'Etat en application des
lois du 27 septembre 1941 portant réglementation des fouilles archéologiques et
n° 89-874 du 1er décembre 1989 relative aux biens culturels maritimes. » ;
« 3° L'article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les demandes de certificat sont également irrecevables en cas d'offre
d'achat du bien par l'Etat dans les conditions prévues à l'article 9-1, jusqu'à
l'expiration des délais prévus aux cinquième, sixième et septième alinéas du
même article. » -
(Adopté.)
Article 4 bis
M. le président.
L'article 4
bis
a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Article 5
M. le président.
« Art. 5. - Après l'article 9 de la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992
précitée, sont insérés les articles 9-1 à 9-4 ainsi rédigés :
«
Art. 9-1
. - Dans le délai prévu au premier alinéa de l'article 9,
l'autorité administrative peut, dans l'intérêt des collections publiques,
présenter une offre d'achat. Cette offre tient compte des prix pratiqués sur le
marché international.
« Si le propriétaire du bien n'accepte pas l'offre d'achat dans un délai de
trois mois, l'autorité administrative peut faire procéder à une expertise pour
fixer le prix du bien dans les conditions fixées aux troisième et quatrième
alinéas.
« L'autorité administrative et le propriétaire du bien désignent, chacun à
leurs frais, un expert. En cas de carence, le juge des référés procède à la
désignation. Ces experts rendent un rapport conjoint dans un délai de trois
mois à compter de leur désignation.
« En cas de divergences entre ces experts, le prix du bien est fixé par un
expert désigné conjointement par l'autorité administrative et le propriétaire
du bien ou, à défaut d'accord, par le président du tribunal de grande instance
statuant en la forme des référés. Cet expert, rémunéré à parts égales par les
deux parties, rend son rapport dans les conditions prévues au troisième
alinéa.
« L'autorité administrative dispose d'un délai de deux mois à compter de la
remise du rapport d'expertise fixant le prix du bien pour adresser au
propriétaire une offre d'achat à la valeur d'expertise. A l'issue de ce délai,
en l'absence d'offre d'achat présentée par l'Etat, le certificat ne peut plus
être refusé.
« Si, dans un délai de deux mois à compter de l'offre d'achat, le propriétaire
la refuse ou n'a pas fait savoir qu'il l'acceptait, le refus de délivrance du
certificat est renouvelé.
« Si le propriétaire du bien accepte l'offre d'achat, le paiement doit
intervenir dans un délai de six mois à compter de l'accord du propriétaire à
peine de résolution de la vente.
« En cas de renouvellement du refus de certificat, la procédure définie aux
alinéas précédents demeure applicable.
« L'autorité administrative peut également procéder à l'acquisition des biens
visés au deuxième alinéa de l'article 9 pour le compte de toute personne
publique.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent
article.
«
Art. 9-2
. - L'acquéreur, le donataire, le copartageant, l'héritier
ou le légataire d'un bien culturel reconnu trésor national et non classé en
application des lois du 31 décembre 1913 et n° 79-18 du 3 janvier 1979
précitées doit, dans le délai de trois mois suivant la date de l'acte
constatant la mutation, le partage ou la déclaration de succession, aviser
l'Etat qu'il en est devenu propriétaire.
«
Art. 9-3
. - Tout propriétaire qui aliène un bien culturel visé à
l'article 9-2 est tenu, à peine de nullité de la vente, de faire connaître à
l'acquéreur l'existence du refus de délivrance du certificat mentionné à
l'article 7 et, le cas échéant, les offres d'achat adressées dans les
conditions prévues à l'article 9-1.
«
Art. 9-4
. -
Non modifié.
»
Par amendement n° 2 rectifié, M. Lagauche, au nom de la commission, propose,
dans la deuxième phrase du troisième alinéa du texte présenté par cet article
pour l'article 9-1 de la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992, de remplacer les
mots : « juge des référés » par les mots : « président du tribunal de grande
instance statuant en la forme des référés ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Serge Lagauche,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement rédactionnel. L'Assemblée nationale
a entendu préciser le juge compétent pour désigner les experts en cas de
carence de l'Etat ou du propriétaire. Il s'agit là d'une précision utile. C'est
au président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés
que doit en revenir la charge aux deux étapes de la procédure.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2 rectifié, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 3, M. Lagauche, au nom de la commission, propose de rédiger
ainsi le début de la seconde phrase du quatrième alinéa du texte présenté par
l'article 5 pour l'article 9-1 de la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992 : « Cet
expert dont la rémunération est supportée pour moitié par chacune des parties
rend... ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Serge Lagauche,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 4, M. Lagauche, au nom de la commission, propose, à la fin
du sixième alinéa du texte présenté par l'article 5 pour l'article 9-1 de la
loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992, de remplacer les mots : « est renouvelé »
par les mots : « peut être renouvelé ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Serge Lagauche,
rapporteur.
En l'occurrence, il s'agit de l'hypothèse selon laquelle le
propriétaire refuse une offre d'achat. Là où vous aviez laissé à l'Etat une
marge d'appréciation pour juger de l'opportunité de renouveler le refus du
certificat, l'Assemblée nationale a prévu que le renouvellement serait
automatique. La prodédure que nous avons souhaité mettre en place se voulait
souple. Toute procédure automatique va à l'encontre de cet objectif pourtant
nécessaire dans un domaine où il convient de recréer les conditions d'une
négociation entre l'administration et les collectionneurs.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Le Gouvernement émet un
avis défavorable.
Pour la cohérence du nouveau dispositif d'expertise et d'acquisition des
trésors nationaux, il me semble souhaitable que, en cas de refus par le
propriétaire d'accepter l'offre d'achat de l'Etat, le certificat de circulation
soit automatiquement refusé. En effet, dans cette situation, la décision de
délivrance du certificat ne peut être librement laissée à l'appréciation de
l'administration, qui doit rester liée - c'est le principe de continuité de
l'Etat - par la précédente décision de reconnaissance du statut de trésor
national à un bien culturel et tenue par les conséquences inhérentes à cette
décision, dont celles qui sont relatives au maintien sur le territoire français
du bien, sauf dans les cas expressément prévus par la présente proposition de
loi.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 4.
M. Yann Gaillard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard.
Madame la ministre, je ne comprends pas pourquoi vous refusez une souplesse
que vous offre M. le rapporteur. C'est vous qui détenez la clé : pourquoi
voulez-vous vous lier vous-même ? Je crois que la rédaction proposée par M.
Lagauche est bonne, au moins pour ce qui concerne ces questions
administratives. Par conséquent, je voterai cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 5, M. Lagauche, au nom de la commission, propose de
compléter
in fine
le sixième alinéa du texte présenté par l'article 5
pour l'article 9-1 de la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992 par une phrase
ainsi rédigée : « Aucune indemnité n'est due à ce titre. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Serge Lagauche,
rapporteur.
J'ai exposé longuement les motifs qui m'ont conduit à déposer
cet amendement. Il s'agit d'une précision essentielle pour garantir
l'efficacité d'ensemble du dispositif.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Sur ce point, dont nous
avons déjà longuement débattu au cours de la première lecture, tant ici qu'à
l'Assemblée nationale, l'arbitrage rendu au sein du Gouvernement n'a pas
changé, et mon avis sur cet amendement est donc nécessairement défavorable.
Je comprends les motifs qui ont amené la commission des affaires culturelles
du Sénat à proposer la suppression de l'indemnisation du propriétaire d'un
trésor national en cas de renouvellement du refus d'exportation, après une
proposition d'achat au prix du marché international refusée par le
propriétaire.
Toutefois, le Gouvernement souhaite ne pas supprimer, dans la loi de 1992, la
possibilité d'une indemnisation dans les cas et conditions définis par la
jurisprudence administrative, ce qui, évidemment, restreint fortement les
possibilités.
Cela ne veut pas dire qu'au regard des principes dégagés par le Conseil d'Etat
le propriétaire d'un trésor national qui aura refusé l'offre d'achat au prix du
marché international puisse justifier d'un préjudice direct, matériel et
spécial de nature à lui ouvrir un droit à indemnité.
Par ailleurs, je ne pense pas que la jurisprudence sur l'indemnisation du
classement, au titre de la loi du 31 décembre 1913, soit transposable au refus
de certificat.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 6, M. Lagauche, au nom de la commission, propose de rédiger
ainsi l'antépénultième alinéa du texte présenté par l'article 5 pour l'article
9-1 de la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992 :
« En cas de renouvellement du refus du certificat, le propriétaire du bien
peut faire procéder à une expertise dans les conditions prévues aux troisième
et quatrième alinéas. Si l'autorité administrative refuse d'acquérir le bien au
prix d'expertise, le refus de délivrance ne peut être renouvelé. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Serge Lagauche,
rapporteur.
Le Sénat, en première lecture, avait souhaité réserver au
propriétaire d'un trésor national la possibilité de demander qu'il soit procédé
à une nouvelle expertise du bien. Dans ce cas, si l'Etat refusait d'acquérir
l'oeuvre au prix fixé par l'expertise, le refus du certificat ne pouvait plus
être renouvelé.
L'Assemblée nationale a supprimé cette possibilité, et je vous propose donc de
la rétablir. En effet, cette disposition s'impose à plusieurs titres : d'une
part, le marché de l'art est, par définition, un marché fluctuant, et il n'est
donc pas opportun de figer définitivement la valeur d'un bien ; d'autre part,
pour des motifs d'équité, il n'est pas envisageable de permettre à l'Etat de
refuser indéfiniment un certificat à des propriétaires qui souhaiteraient
relancer une procédure d'acquisition.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Il me semble que les deux
précisions apportées par cet amendement sont satisfaites par la proposition de
rédaction des cinquième et neuvième alinéas de l'article 9-1 de la loi du 31
décembre 1992.
S'agissant de la possibilité offerte au propriétaire de demander une nouvelle
expertise du bien en cas de renouvellement du refus de certificat, la rédaction
adoptée par l'Assemblée nationale pour le neuvième alinéa de l'article 9-1 me
paraît satisfaire cet objectif tout en réservant la même faculté pour
l'Etat.
En effet, il convient, dans cette situation, de permettre non seulement au
propriétaire mais aussi à l'Etat de renouveler la procédure d'estimation pour
tenir compte des éléments nouveaux susceptibles d'affecter le bien ou la
situation de chaque partie.
Pour ce qui concerne la précision relative à la délivrance du certificat du
bien culturel que l'Etat a refusé d'acquérir, la dernière phrase du cinquième
alinéa de l'article 9-1 répond à ce souci. Je vous en rappelle les termes : « A
l'issue de ce délai, en l'absence d'offre d'achat présentée par l'Etat, le
certificat ne peut plus être refusé. »
Il me semble que ce texte répond au souci exprimé par la commission.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 5, ainsi modifié.
(L'article 5 est adopté.)
Article 6
bis
M. le président.
« Art. 6
bis.
- I. - L'article 19 du code de l'industrie
cinématographique est ainsi rédigé :
«
Art. 19
. - La représentation cinématographique est subordonnée à
l'obtention de visas délivrés par le ministre chargé du cinéma. »
« II. - Le troisième alinéa de l'article 22 du même code est supprimé. »
Par amendement n° 7, M. Lagauche, au nom de la commission, propose de
supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Serge Lagauche,
rapporteur.
Cet amendement vise à supprimer la disposition introduite par
l'Assemblée nationale, sur l'initiative du Gouvernement, concernant le code de
l'industrie cinématographique. Cette disposition, qui consiste en une simple
mesure administrative relevant au demeurant du domaine réglementaire, trouvera
mieux sa place dans la refonte d'ensemble du code de l'industrie
cinématographique qui devrait être effectuée à l'occasion de l'élaboration du
code de la communication et du cinéma.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le rapporteur,
j'ai bien entendu l'avis que vous avez exprimé sur ce point dans votre
intervention, lors de la discussion générale. Sachez que je ne suis pas
favorable à l'ajout de dispositions qui pourraient être considérées, d'une
certaine façon, comme des « cavaliers », pratique qui, je le sais bien, n'est
pas du meilleur art législatif.
Si vous reconnaissez l'intérêt de cette disposition, qui participe, comme vous
l'avez indiqué dans votre propos, de la simplification des formalités
administratives, vous êtes néanmoins défavorable à son insertion dans cette
proposition de loi.
Je voudrais justifier l'importance de cette disposition. Cette réforme du code
de l'industrie cinématographique trouve sa place dans la présente proposition
de loi réformant la législation relative à la circulation des biens culturels,
parmi lesquels figurent les oeuvres cinématographiques.
En outre, la proposition de loi vise plusieurs objectifs. Il s'agit, d'une
part, de remédier aux lacunes du dispositif de protection du patrimoine
national prévu par la loi du 31 janvier 1992, et, d'autre part, d'assouplir les
formalités à l'exportation des biens culturels.
Or, la suppression du visa à l'exportation des films vers les pays tiers
correspond à la seconde finalité. J'ajoute que l'article 15 de la loi du 31
décembre 1992 avait déjà supprimé la formalité du visa pour les films dans le
cadre de la circulation intracommunautaire. Il s'agit donc, aujourd'hui,
d'étendre la portée d'une mesure introduite par la loi de 1992.
C'est pourquoi le Gouvernement considère que cette proposition de réforme,
ponctuelle certes, entre parfaitement, par sa nature, ses objectifs et par
l'histoire même des dispositions liées à l'élaboration de la loi de 1992, dans
le cadre de cette proposition de loi.
Dans ces conditions, tout en prenant acte du reproche formulé par M. le
rapporteur, je voudrais, mesdames, messieurs les sénateurs, vous rendre
sensibles à cette disposition qui permettrait d'améliorer nettement la
situation pour les oeuvres cinématographiques, ce à quoi, je sais, vous êtes
particulièrement attachés.
M. Emmanuel Hamel.
Oh que oui !
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Le Gouvernement émet donc
un avis défavorable sur l'amendement n° 7.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 7.
M. Yann Gaillard.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard.
Nous n'avons pas eu le temps d'étudier sérieusement cette question.
Mme la ministre vient de déployer des prodiges oratoires pour tenter de nous
démontrer l'existence d'un lien entre ces deux textes, et elle assimile donc
les productions cinématographiques à des biens que l'on pourrait éventuellement
exporter.
Contrairement à ce qu'elle a dit, il n'y a, c'est évident, vraiment aucun
lien. Je n'ai pas étudié le fond de cette question, mais, pour cette seule
raison de procédure, je voterai contre cette disposition.
M. Ivan Renar.
Vous êtes donc favorable à l'amendement !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 7, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 6
bis.
(L'article 6
bis
est adopté.)
Article 6
ter
M. le président.
« Art. 6
ter.
- L'article 4 de la loi n° 75-1 du 3 janvier 1975 portant
création du Centre national d'art et de culture Georges-Pompidou est ainsi
rédigé :
«
Art. 4
. - L'établissement public est administré par un conseil
d'administration et dirigé par un président nommé par décret en conseil des
ministres.
« Le conseil d'administration comprend des représentants de l'Etat, des
parlementaires, le maire de Paris ou son représentant, des personnalités
qualifiées ainsi que des représentants élus du personnel.
« La composition du conseil d'administration est fixée par décret en Conseil
d'Etat. »
Par amendement n° 8, M. Lagauche, au nom de la commission, propose de
supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Serge Lagauche,
rapporteur.
Cet amendement tend à supprimer la disposition introduite par
l'Assemblée nationale, sur proposition du Gouvernement, en vue de modifier la
loi du 3 janvier 1975 qui fixe les statuts du Centre national d'art et de
culture Georges-Pompidou.
Cette disposition répond au souci légitime de doter cette institution d'un
statut comparable à celui des autres grands établissements publics relevant de
la tutelle du ministère de la culture.
Cependant, il semble qu'en cette matière les préoccupations d'efficacité
administrative qui honorent le Gouvernement n'aient pas permis de mener cette
réforme en concertation avec les dirigeants actuels du Centre.
Mais, madame la ministre, si vous vous montrez aussi convaincante que sur
l'amendement précédent, je crains que vos propos n'emportent le succès !
(Sourires.)
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le rapporteur,
vous êtes très encourageant !
(Nouveaux sourires.)
En tout état de cause, je ne peux être que défavorable à un amendement
tendant à supprimer une disposition introduite dans ce texte sur mon
initiative, et ce, alors même que le Musée national d'art moderne du Centre
Georges-Pompidou vient de rouvrir et qu'il prend une dimension nouvelle grâce
aux investissements pluriannuels dégagés et aux acquisitions rendues possibles
ces derniers temps, avec l'objectif de présenter plus amplement au public les
richesses du patrimoine national.
La commission propose de supprimer l'article 6
ter
, adopté par
l'Assemblée nationale, qui vise à mettre en place un conseil d'administration
en vue de doter le Centre Georges-Pompidou d'une structure juridique qui serait
véritablement associée aux décisions et ne se limiterait donc pas à rendre des
avis. En effet, un établissement tel que le Centre Georges-Pompidou est
confronté, en plus des décisions à caractère scientifique, à des décisions plus
lourdes, des décisions financières.
La volonté de moderniser cette structure et de renforcer les pouvoirs des
organes dirigeants a conduit à rechercher une formule plus adaptée, qui traduit
le caractère plus concerté que doit avoir un établissement rendant à la
population un service public culturel.
Il me paraît parfaitement logique que, au-delà des instances dirigeantes
proprement dites, l'Etat, le Parlement, le personnel, les personnalités
qualifiées, qui sont d'ailleurs aujourd'hui engagées dans le conseil
d'orientation, puissent donner pleinement leur avis et se prononcer au sein de
ce conseil d'administration.
Cette réforme structurelle devrait donc permettre d'approfondir ces actions en
confortant le rôle et les attributions du conseil d'orientation, présidé
actuellement de façon tout à fait remarquable par M. le sénateur Marcel Vidal,
dans un souci à la fois de sagesse et d'évolution, et conformément à l'éthique
du service public. Cet organe regrouperait la totalité des compétences dévolues
aujourd'hui aux deux organismes distincts que sont le conseil de direction et
le conseil d'orientation.
Je reconnais que cette proposition de réforme structurelle n'est pas
intrinsèquement liée à la présente proposition de loi au regard de l'identité
des objectifs recherchés ; assurer la défense du patrimoine national, améliorer
la connaissance et la diffusion de ce patrimoine auprès des différents publics
sans oublier, comme je le soulignais dans mon allocution introductive, le rôle
d'expertise assuré par les conservateurs du musée national d'art moderne, tels
sont les seuls motifs qui peuvent en effet plaider pour l'introduction de cette
disposition dans le texte.
L'Assemblée nationale a été sensible à la transformation du Centre national
d'art et de culture Georges-Pompidou ainsi qu'à la nécessité de mieux
reconnaître la contribution du conseil d'orientation et de garantir que ce
grand établissement, original en lui-même, ne puisse pas être, à terme,
fragilisé par une structuration ne correspondant plus tout à fait à l'énormité
de son budget et à la portée de ses responsabilités.
Voilà pourquoi, en toute sagesse, l'Assemblée nationale, après un débat au
cours duquel, comme l'a dit M. le rapporteur, j'ai dû faire face à toutes les
remontrances qui se devaient d'être exprimées, a malgré tout introduit cette
disposition dans le texte. Même si je comprends le reproche qui m'est fait, je
plaide néanmoins en faveur d'un établissement qui, aujourd'hui, se remet en
perspective et qui, je crois, est l'image de notre action en matière d'oeuvres
d'art, puisque la collection nationale dont dispose le Centre Pompidou est
l'une des plus importantes de France.
J'émets donc, au nom du Gouvernement, un avis défavorable sur l'amendement n°
8.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 8.
M. Yann Gaillard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard.
Permettez-moi de m'exprimer en cet instant en tant que membre du conseil
d'orientation du Centre national d'art et de culture Georges-Pompidou.
Sur le fond, je sais gré à Mme la ministre de sa franchise : elle n'a pas
essayé de nous prouver que la présente disposition ne constituait pas un
cavalier. Quoi qu'il en soit, si la nuance est importante sur le plan de la
procédure, elle l'est moins sur le fond.
Le conseil d'orientation est un organe très utile, mais son fonctionnement est
un peu vicié en raison de l'absence de conseil d'administration. C'est ainsi
que nous ne devrions nous prononcer que sur les grandes questions relatives à
la politique artistique du centre, mais que, dans la mesure où les
représentants du personnel siègent au conseil d'orientation, le tiers de nos
délibérations est consacré à des questions souvent mineures, même si elles sont
très importantes pour un personnel qui n'a pas d'autre occasion de se faire
entendre.
Il serait donc préférable d'organiser la gestion du Centre Georges-Pompidou de
manière plus classique, avec un conseil d'administration au sein duquel tout le
monde serait représenté.
Je me pose toutefois un certain nombre de questions.
Tout d'abord, je me demande si l'on a consulté notre collègue M. Vidal, qui a
accompli la mission qui lui a été confiée avec beaucoup de sagesse et de
compétence. Il serait regrettable que cette réforme intervienne dans ces
conditions, sans qu'il ait été amené à donner son avis ! En tout cas, je peux
confirmer que les membres du conseil d'orientation n'ont pas été consultés.
Ensuite, je me demande ce que pense le personnel d'une telle réforme. Or, par
les temps qui courent, madame la ministre, je crois que le Gouvernement aurait
tout intérêt à ménager les syndicats qui font partie de sa clientèle : quand on
observe ce qui se passe dans d'autres domaines et compte tenu de ce que je sais
de l'état d'esprit des personnels du Centre Georges-Pompidou, qui sont
particulièrement revendicatifs, je voudrais être sûr qu'un tel texte ne sera
pas pour eux prétexte à manifestations ou mouvements de mauvaise humeur plus ou
moins fondés.
Sur le fond, je ne suis pas complètement en désaccord, mais j'estime que cette
mesure est mal préparée psychologiquement et juridiquement. Je m'abstiendrai
donc.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Je souhaite répondre à M.
Gaillard, que je remercie de son intervention.
Cette question lancinante a été évoquée, même si elle n'a pas été traitée de
façon approfondie, au cours de ces derniers mois.
Les personnels souhaitent, vous l'avez dit, être davantage présents dans les
décisions. Par ailleurs, nous souhaitions donner un statut d'administrateur à
ceux qui, sous la conduite éclairée, attentive et judicieuse de votre collègue
M. Vidal, consacrent beaucoup de temps à l'examen des dossiers. Nous avons donc
saisi l'opportunité de ce texte - je le dis en toute simplicité - pour élaborer
une structure qui permette de tenir compte de la portée des décisions du
conseil d'orientation, tout en étant plus reconnue qu'aujourd'hui dans la vie
de l'établissement.
La composition multiple de Beaubourg, qui compte de nombreuses unités, est
parfois la cause de quelques difficultés et de quelques oppositions. Il faut
donc trouver le moyen de donner aux décisions prises un caractère réellement
représentatif de l'ensemble des acteurs concernés. Et, si le personnel est
présent - or, je l'ai dit, il souhaite l'être - ce sera aussi un moyen pour lui
de se sentir davantage concerné par la vie de l'établissement.
J'ai vécu beaucoup de conseils d'administration, j'ai aussi parfois été
destinataire de quelques frustrations dans le suivi de l'expression du conseil
d'orientation, mais je peux vous dire que, dans l'ensemble, tout se passe bien.
Il n'y a donc pas,
a priori,
de nuages noirs à l'horizon, même si cette
décision doit être prise. Cela vous permettra, en tout cas, de mieux fonder
juridiquement les décisions tout en assurant une réelle reconnaissance des
représentants du personnel. Cela rééquilibrera, en quelque sorte, le
fonctionnement de l'établissement.
Nous devons également être attentifs à la fragilité de l'établissement, qui
est très lourd à gérer. C'est d'ailleurs à la suite d'un plaidoyer très
convaincant du président Aillagon, qui souhaitait être entouré
d'administrateurs - même s'il respecte profondément les membres du conseil
d'orientation - que j'ai été amenée à prendre cette décision.
Si j'ai été convaincue, c'est parce que j'ai bien compris son souci - qui est
d'ailleurs à son honneur - de permettre au débat d'être approfondi, en
impliquant toutes les personnes concernées.
M. Serge Lagauche,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Serge Lagauche,
rapporteur.
Je vous remercie de vos explications, madame la ministre.
Cependant, la commission a regretté que le présent débat n'ait pas eu lieu au
préalable...
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Bien sûr !
M. Serge Lagauche,
rapporteur.
... et je suis lié par ses décisions. Or elle a estimé
qu'elle ne pouvait pas, sans avoir été davantage informée et sans discussion,
accepter un tel dispositif.
Enfin, pour en avoir discuté avec notre collègue Marcel Vidal, je peux ajouter
- mais je le fais à titre tout à fait personnel et cela n'engage pas la
commission - que notre collègue est tout à fait d'accord avec une réforme de ce
type.
M. Ivan Renar.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar.
J'ai moi aussi le plus grand souci du bon fonctionnement de cette grande
maison qu'est le Centre Georges-Pompidou, mais je ne pense pas que ce soit de
cette manière qu'il faille procéder.
Un conseil d'administration serait en effet préférable à un conseil
d'orientation, pour toutes les raisons que vous nous avez rappelées, mais c'est
une question qui aurait mérité en elle-même un débat spécifique. Je pense
d'ailleurs qu'il faudra songer un jour à la création d'un établissement public
culturel.
Quoi qu'il en soit, en l'occurrence, la concertation n'a pas pu avoir lieu et
la réflexion n'a pas pu être achevée. Je ne crois donc pas qu'une proposition
de loi relative à la protection des trésors nationaux soit une couveuse
naturelle pour ce type de cavalier.
(Sourires.)
Pour ma part, je pense
qu'il serait préférable - le texte doit d'ailleurs retourner ensuite à
l'Assemblée nationale - d'organiser un débat, y compris sur la loi de 1975, qui
peut sans doute être modifiée.
Permettez-moi, en conclusion, d'ajouter un élément : j'ai beaucoup d'amitié
pour vous, madame la ministre, mais j'ai aussi le souci de l'honnêteté
intellectuelle. Or, tout à l'heure, je crois qu'un quiproquo s'est produit avec
notre collègue Yann Gaillard : je ne veux pas être considéré comme le guide de
la pensée ou de l'action de la majorité sénatoriale, mais je crois que notre
collègue s'est exprimé tout à l'heure contre l'amendement n° 7 alors qu'il
était pour. Je m'explique : notre collègue Yann Gaillard était, en fait, contre
l'amendement de l'Assemblée nationale, que notre collègue Serge Lagauche nous
proposait de supprimer. Par conséquent, il s'est prononcé contre ce pour quoi
il était pour. C'est du Pierre Dac !
(Sourires.)
Il a ainsi manifesté
son accord avec l'Assemblée nationale. Il faut marquer ce jour d'une pierre
blanche !
(Nouveaux sourires.)
M. le président.
L'article 6
bis
ayant été voté conforme, il ne reviendra pas en
discussion, monsieur Renar !
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 6
ter.
(L'article 6
ter
est adopté.)
Article 7
M. le président.
« Art. 7. - Les dispositions des articles 1er à 6 de la présente loi sont
applicables aux biens culturels auxquels a été délivré le certificat prévu par
l'article 5 de la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992 précitée ou qui, à la date
d'entrée en vigueur de la loi, font l'objet d'un refus de certificat, à
l'exception du délai prévu au premier alinéa de l'article 9 de cette même loi,
qui demeure fixé à trois ans. »
Par amendement n° 9, M. Lagauche, au nom de la commission, propose de rédiger
ainsi cet article :
« Les dispositions de la présente loi, à l'exception de celles du 1° de
l'article 4, sont applicables aux biens culturels auxquels a été délivré le
certificat prévu par l'article 5 de la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992
précitée ou qui, à la date d'entrée en vigueur de la loi, font l'objet d'un
refus de certificat. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Serge Lagauche,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Je suis tout à fait
favorable à cet amendement.
Je profite de ce que j'ai la parole pour présenter publiquement mes excuses à
M. le rapporteur, car je sais que la technique des cavaliers contrarie
fortement votre commission. Je m'engage donc à être plus respectueuse des
procédures auxquelles, je le sais, votre assemblée est attachée.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 9.
M. Ivan Renar.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar.
Je vais voter pour cet amendement, monsieur le président, en espérant que ce
n'est pas parce que notre collègue s'appelle Lagauche que la droite va voter
contre.
(Sourires.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 7 est ainsi rédigé.
Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l'objet de la
deuxième lecture.
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la
parole à M. Neuwirth, pour explication de vote.
M. Lucien Neuwirth.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition
de loi que nous avons examinée aujourd'hui en deuxième lecture est un texte
dont l'importance ne peut être sous-estimée. En effet, le dispositif prévu vise
à renforcer le processus de protection de notre patrimoine culturel, qui est un
élément fondamental de notre identité nationale et de la mémoire historique de
notre pays.
La France, c'est vrai, a malheureusement perdu sa place de
leader
au
sein du marché de l'art. Si, au début des années cinquante, notre pays était au
centre du marché de l'art mondial, aujourd'hui, la France est loin derrière les
Etats-Unis et la Grande-Bretagne.
Notre pays subit un peu plus chaque année la fuite de son patrimoine culturel,
et ce pour deux raisons. En premier lieu, notre législation est, pour
l'instant, inadaptée en matière de ventes publiques et de protection des
trésors nationaux ; en second lieu, il existe une carence en matière de
dispositions fiscales et légales en faveur du mécénat, carence que j'avais
signalée lorsque j'avais rapporté le projet de loi sur le mécénat.
L'Etat doit s'engager et mettre en oeuvre des moyens financiers qui nous
permettent de conserver sur notre territoire les trésors nationaux.
Même si cette réforme reste modeste, cette proposition de loi a déclenché une
véritable prise de conscience et a permis d'ouvrir le débat sur des problèmes
qui, jusqu'alors, étaient laissés de côté.
C'est pourquoi notre groupe votera ce texte, convaincu qu'il est que la
protection de notre patrimoine national exige la mise en place d'une véritable
politique française en la matière.
Cependant, nous regrettons que les propositions formulées par notre excellent
collègue Yann Gaillard n'aient pas toutes été retenues. Je tiens d'ailleurs à
le féliciter pour la grande qualité de son travail, qui fait honneur, encore
une fois, à notre groupe.
Il s'agit là, madame la ministre, d'un premier pas. C'est pourquoi notre
groupe l'accompagnera, en espérant que, bientôt, nous arriverons au bout du
chemin.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président.
Je constate que la proposition de loi a été adoptée à l'unanimité !
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons
interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est supendue.
(La séance, suspendue à onze heures trente, est reprise à seize heures
quinze.)
M. le président.
La séance est reprise.
Monsieur le ministre, je suis heureux de vous voir dégagé des ennuis de
circulation, qui sont malheureusement fréquents dans Paris en ce moment.
5
REMPLACEMENT D'UN SÉNATEUR DÉCÉDÉ
M. le président. J'informe le Sénat que M. le ministre de l'intérieur a fait connaître à M. le président du Sénat que M. Max Marest est appelé à remplacer, en qualité de sénateur de l'Essonne, à compter du 19 mars 2000, M. Jean-Jacques Robert, décédé le 18 mars 2000.
6
COMMUNICATION À PROPOS
D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président. J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi modifiant le code pénal et le code de procédure pénale et relatif à la lutte contre la corruption est parvenue à l'adoption d'un texte commun.
7
RECONNAISSANCE DU GÉNOCIDE ARMÉNIEN
Demande de discussion immédiate
d'une proposition de loi
M. le président.
En application de l'article 30 du règlement, MM. Chabroux et Bret demandent la
discussion immédiate de la proposition de loi de MM. Robert Bret, Bernard Piras
et plusieurs de leurs collègues relative à la reconnaissance du génocide
arménien de 1915 (n° 238, 1998-1999).
Cette demande est signée par au moins trente sénateurs.
Conformément au quatrième alinéa de l'article 30 du règlement, il va être
procédé à l'appel nominal des signataires.
Huissier, veuillez procéder à l'appel nominal.
(L'appel nominal a lieu.)
Ont signé cette demande et répondu à l'appel de
leur nom : MM. Guy Allouche, Bernard Angels, Bertrand Auban, Mme Marie-Claude
Beaudeau, MM. Jean-Luc Bécart, Jean-Pierre Bel, Mmes Danielle Bidard-Reydet,
Nicole Borvo, Yolande Boyer, MM. Robert Bret, Bernard Cazeau, Gilbert Chabroux,
Marcel Charmant, Gérard Collomb, Raymond Courrière, Marcel Debarge, Mmes Dinah
Derycke, Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Claude Domeizel, Michel Duffour, Léon
Fatous, Guy Fischer, Thierry Foucaud, Serge Godard, Jean-Noël Guérini, Claude
Haut, Serge Lagauche, Gérard Le Cam, Pierre Lefebvre, André Lejeune, Mme Hélène
Luc, MM. Jacques Mahéas, François Marc, Marc Massion, Gérard Miquel, Michel
Moreigne, Jean-Marc Pastor, Daniel Percheron, Jean-Claude Peyronnet,
Jean-François Picheral, Bernard Piras, Jean-Pierre Plancade, Mme Gisèle Printz,
MM. Ivan Renar, René-Pierre Signé, Mme Odette Terrade, MM. Michel Teston,
Pierre-Yvon Trémel, André Vézinhet, Marcel Vidal et Marcel Bony.
M. le président.
Mes chers collègues, la présence d'au moins trente signataires ayant été
constatée, il va être procédé à l'affichage de la demande de discussion
immédiate sur laquelle le Sénat sera appelé à statuer, conformément à l'article
30 du règlement, au cours de la présente séance, après l'expiration du délai
minimum d'une heure et après la fin de l'examen du dernier texte inscrit par
priorité à l'ordre du jour.
La demande va être communiquée sur-le-champ au Gouvernement.
8
RELATIONS AVEC LES ADMINISTRATIONS
Adoption d'un projet de loi en nouvelle lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi (n°
256 rectifié, 1999-2000), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale
en nouvelle lecture, relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec
les administrations. [Rapport n° 268 (1999-2000).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Emile Zuccarelli,
ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la
décentralisation.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, pour la troisième fois, le projet de loi que je vous propose
d'adopter, relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les
administrations, vient en débat devant vous. Ce texte contribuera à une oeuvre
de réforme de l'Etat entreprise depuis longtemps, marquée par quelques grandes
étapes comme la décentralisation, le renouveau du service public et l'effort
accru de déconcentration de ces dernières années.
Il s'agit d'obtenir que les administrations, toutes les administrations,
soient plus simples d'accès, plus rapides dans leurs réponses, plus claires
dans leur fonctionnement, car tout cela constitue aussi bien une demande
constante du public qu'une nécessaire amélioration des droits des citoyens.
De nombreuses dispositions sont désormais adoptées par les deux chambres du
Parlement dans une rédaction identique. Toutefois, à mon grand regret, la
commission mixte paritaire réunie le 19 janvier dernier n'est pas parvenue à
élaborer un texte commun.
Nous allons donc revenir sur les points sur lesquels le désaccord de votre
assemblée s'est déjà exprimé, et je ne demande qu'à expliquer encore une fois
la position du Gouvernement sur chacun d'eux.
Je fais, en particulier, allusion à l'article 2, qui institue l'obligation
pour les administrations d'organiser un accès simple aux normes de droit et
fait de la diffusion des textes juridiques une mission de service public, ainsi
qu'au premier alinéa de l'article 8, qui oblige l'administration qui détient un
document à le communiquer à celui qui en fait la demande.
Ces dispositions manifestent le souci du Gouvernement et du législateur de
faciliter l'accès au droit et aux documents que les administrations doivent
faire connaître, sans contraindre le public à reproduire, par ses démarches,
les complexités de notre organisation administrative.
Les avancées qu'ont permises les précédentes lectures de ce projet démontrent
néanmoins clairement que nous partageons l'ambition de défendre notre service
public, en même temps que d'accroître les droits des citoyens.
Je me réjouis, en particulier, de ce que, désormais, il n'y ait plus entre
nous de désaccord quant aux recours des associations devant le juge. Sur ce
point, je partage, comme je vous l'ai dit, votre souci d'éviter les recours
abusifs, mais je vous ai proposé une autre démarche, qui consiste à engager une
réflexion d'ensemble sur cette vraie question. Je constate avec plaisir que
vous avez accepté cette démarche puisque vous ne proposez plus le dépôt
obligatoire d'un cautionnement avant certains recours.
Je pense aussi à l'article 10, qui améliore la transparence sur l'utilisation
des fonds publics, en créant à cet effet une voie d'information simplifiée,
notamment en instaurant, pour les organismes bénéficiaires de subventions,
l'obligation de retracer dans un compte rendu financier, qui sera communicable
au public, l'utilisation de la subvention.
Je note que votre commission a approuvé, dans l'ensemble, cet effort de
transparence et qu'il n'y a plus, désormais, de désaccord important sur cet
objectif.
Il reste pourtant un point essentiel sur lequel nous n'avons pas encore avancé
vers une meilleure compréhension réciproque : la transposition législative de
la jurisprudence « Berkani ». Je m'expliquerai encore une fois devant vous sur
l'objectif visé par le texte qui vous est proposé. Je souhaite toutefois vous
rappeler dès maintenant l'essentiel du débat sur ce point.
Les agents contractuels des services publics administratifs, qui, sous
l'empire des jurisprudences antérieures, étaient considérés comme « agents de
droit privé », car ne participant pas directement à l'exécution du service
public, seront désormais régis par le droit public. Il s'agit, pour le
Gouvernement, de préciser le sort de ceux qui ont été recrutés antérieurement,
et donc dans des conditions de droit privé.
Une clause spécifique dans chacun des deux articles du texte prévoit qu'ils
bénéficieront d'un droit d'option pendant un an pour choisir entre les deux
régimes - droit public ou droit privé. En effet, ils peuvent avoir avantage à
conserver leur statut de droit privé, notamment pour pouvoir cumuler plusieurs
emplois lorsqu'ils ne travaillent pour une administration qu'à temps
incomplet.
Une autre clause prévoit l'octroi d'un contrat à durée indéterminée pour ceux
d'entre eux qui auront été recrutés avant la date de promulgation de la loi.
Les deux articles qui appliquent ces dispositions aux contractuels de l'Etat
et à ceux des collectivités territoriales ont provoqué l'échec de la commission
mixte paritaire. Vous aviez alors, en effet, adopté un texte moins favorable
aux agents, aux termes duquel ces salariés deviendraient, en choisissant de
devenir salariés de droit public, des contractuels à durée déterminée.
Un amendement adopté par votre commission des lois reprend, aujourd'hui, une
rédaction qui conduirait au même résultat. Le Gouvernement ne peut pas
souscrire à un tel retour en arrière, qui mettrait en situation de précarité
des salariés qui, pour le moment et pour une part d'entre eux, ont une
situation stable. Je vous demanderai encore, aujourd'hui, de conserver aux
agents le bénéfice de la situation la plus favorable.
Sur la même question, j'ai bien noté également le souci que vous manifestez à
propos des recrutés locaux. Un amendement de votre commission des lois étend le
bénéfice des dispositions de l'article 26
quater
aux personnes recrutées
par les services français à l'étranger.
Je me bornerai, car nous évoquerons ce sujet important au cours de l'examen
des articles, à rappeler que cette question particulière est l'objet de la plus
grande attention du Gouvernement, qui avait accueilli très favorablement
l'introduction par l'Assemblée nationale d'un alinéa supplémentaire à l'article
26
quater
prévoyant qu'un rapport informera le Parlement, dans un délai
d'un an, sur le bilan du statut social des personnes ainsi recrutées.
Avant de conclure, je me permettrai de vous dire ma surprise face aux
amendements déposés respectivement par M. Larché et M. de Rohan visant, à
l'occasion de cette nouvelle lecture et pour la première fois, à supprimer les
articles 13
bis
et 13
ter
qui, somme toute, se bornent à étendre
aux régions et départements un dispositif concourant à la démocratie locale et
qui existe déjà depuis plusieurs années pour les communes.
Vous aviez admis cette extension lors du précédent débat, étant bien entendu
que le recours ainsi ouvert est d'une utilisation assez rare dans les communes
et n'est ouvert que sous un strict contrôle du juge administratif.
Je suis sûr que ce dernier débat mettra en lumière, avant tout, notre volonté
commune de répondre toujours mieux aux besoins de la population et aux
exigences de notre temps en matière de services publics. Nous allons promouvoir
l'évolution des administrations vers plus d'accessibilité, d'efficacité, de
rapidité de réaction : nous répondrons ainsi à une demande persistante et
légitime de nos concitoyens.
Au-delà des évolutions structurelles, toujours difficiles à conduire, au-delà
de la poursuite de la décentralisation souhaitée par beaucoup, il n'est pas
secondaire de moderniser, au quotidien, la pratique des services publics, plus
particulièrement celle des administrations. Ce projet de loi constitue une
étape supplémentaire attendue.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Amoudry,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission mixte
paritaire qui s'est réunie le 19 janvier 2000 n'est pas parvenue à élaborer un
texte commun en vue de renforcer les droits des citoyens dans leurs relations
avec les administrations.
Pourtant, au cours de la navette législative, les positions des deux
assemblées s'étaient rapprochées. Un consensus a été trouvé sur nombre de
dispositions. Il s'agit notamment de la mise en cohérence des grandes lois
relatives à la transparence administrative : loi « informatique et libertés »,
loi relative à la communication des documents administratifs et loi sur les
archives. Il en a été de même s'agissant des mesures de transparence
financière, de l'aménagement des procédures administratives et des dispositions
confortant le rôle et les moyens du médiateur de la République.
Nous pouvons sans doute regretter que certains malentendus n'aient pu être
levés au cours des lectures successives de ce texte - deux lectures dans chaque
assemblée et une nouvelle lecture à l'Assemblée nationale. Ces malentendus
expliquent sans doute le nombre important des articles restant en discussion,
le Sénat étant saisi en nouvelle lecture de vingt-trois articles, alors que le
projet de loi initial en comportait vingt-huit. Il est vrai - faut-il le
rappeler ? - qu'une part de cette « inflation législative » est due à
l'adjonction par le Gouvernement de « cavaliers » relatifs à la fonction
publique.
Au cours de la commission mixte paritaire, trois sujets ont été présentés
comme « non négociables » par l'Assemblée nationale. Il s'agit des dispositions
concernant la lutte contre les recours abusifs, les maisons des services
publics et la transposition dans la loi de la jurisprudence « Berkani »
relative aux agents non titulaires de la fonction publique.
Sur les trois points d'achoppement de la commission mixte paritaire, la
commission des lois du Sénat considère qu'un rapprochement avec la position de
l'Assemblée nationale est possible. Afin d'aboutir à un compromis global et
équilibré, la commission vous proposera de reprendre les avancées que j'avais
proposées en commisison mixte paritaire.
En premier lieu, l'article 5
bis
tendait à la consignation d'une somme
d'argent par les associations déposant un recours devant la juridiction
administrative. Deux principes devaient être conciliés : l'exigence d'une bonne
administration de la justice, d'une part, l'égal accès des requérants à la
justice, d'autre part.
Le Sénat avait souligné l'intérêt d'inscrire dans la loi le principe de la
lutte contre les recours abusifs qui entravent le fonctionnement de la justice
administrative et menacent de paralysie l'activité des collectivités publiques.
L'Assemblée nationale, tout en reconnaissant la pertinence du problème soulevé,
a maintenu en nouvelle lecture la suppression de cet article. La commission des
lois du Sénat vous proposera de disjoindre cet article du présent projet de
loi, afin de traiter cette question à l'occasion d'un texte législatif mieux
approprié.
Je me permets à cet égard de rappeler l'engagement pris par M. le ministre
lors du précédent débat et réitéré aujourd'hui, tendant à l'ouverture d'une
réflexion. Je me permets également, monsieur le ministre, de souligner le
caractère nécessaire et urgent de cette mise en chantier.
Deuxième point important du débat, les articles 24 à 26 donnent un cadre
législatif à la création des maisons des services publics. Bien que les deux
assemblées n'aient pas de divergence de fond, elles s'opposent quant à
l'opportunité d'inscrire ces dispositions dans une loi autonome, alors que la
loi d'orientation sur l'aménagement et le développement durable du territoire
qui est en vigueur traite déjà des maisons des services publics.
La commission des lois proposera d'adopter ces articles dans la rédaction
retenue par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, bien qu'une telle
solution présente des inconvénients en termes de qualité législative.
Qu'importe en effet que le dispositif des maisons des services publics figure
dans la loi « Zuccarelli » ou dans la loi « Voynet » ! L'essentiel n'est-il
pas, monsieur le ministre, que les citoyens aient un « accès simple aux règles
de droit » ? A cet « accès simple », vous avez vous-même exprimé l'attachement
du Gouvernement lorsque, en séance publique, à l'Assemblée nationale, vous avez
défendu l'inscription du principe des maisons des services publics dans la loi
relative à l'aménagement du territoire.
Dernier point présenté comme « non négociable » en commission mixte paritaire,
les articles 26
quater
et 26
quinquies
, relatifs aux conséquences
de la jurisprudence « Berkani » du tribunal des conflits pour les agents non
titulaires de l'Etat et de la fonction publique territoriale, et qui ont été
introduits en cours de navette par le Gouvernement.
Ces articles donnent force de loi à la jurisprudence selon laquelle les agents
travaillant pour le compte d'un service public administratif géré par une
personne publique sont, quel que soit leur emploi, des agents contractuels de
droit public. Ils sont devenus le principal enjeu du présent projet de loi,
qui, décidément, aura subi bien des contorsions, pour en arriver aujourd'hui à
un contenu fort différent de sa consistance originelle.
Leurs implications sont en effet considérables pour les employeurs publics, au
premier rang desquels on trouve les employeurs locaux. Lors de la commission
mixte paritaire, mes collègues sénateurs avaient insisté sur les risques
qu'allait engendrer l'embauche massive de ces personnels sous contrat de droit
public à durée indéterminée. J'avais alors proposé une rédaction de
conciliation équilibrée et conforme aux principes actuels du droit de la
fonction publique.
En quoi consistait-elle ?
Tout en acceptant d'inscrire dans la loi les conséquences de la jurisprudence
« Berkani », je vous propose d'y apporter deux correctifs importants : d'une
part, il n'est pas souhaitable de rendre automatique l'attribution d'un contrat
de droit public aux agents concernés, cette modalité devant rester une faculté,
en accord avec l'employeur, d'autre part, la notion trop imprécise de «
contrats de droit public à durée indéterminée » constitue une novation
juridique incertaine. Conformément au droit commun des contrats de recrutement
dans la fonction publique, je proposerai de prévoir des contrats de trois ans
renouvelables par reconduction expresse, c'est-à-dire avec l'accord de
l'employeur.
Après avoir, dans un premier temps, adopté cette solution de conciliation pour
la fonction publique de l'Etat, la commission mixte paritaire a finalement
échoué sur la coordination en matière de fonction publique territoriale.
Mes chers collègues, considérant que cette rédaction respecte les droits des
agents tout en tenant compte des contraintes pesant sur les employeurs, la
commission des lois vous invitera à adopter la proposition que j'avais formulée
en commission mixte paritaire.
Ainsi, sur sept articles concernant trois sujets présentés comme « non
négociables » par l'Assemblée nationale, la commission des lois proposera au
Sénat d'en adopter cinq dans la rédaction retenue par l'Assemblée nationale en
nouvelle lecture. Je souhaite que cet effort de rapprochement ne soit pas le
seul fait des sénateurs, mais trouve un écho lors de la lecture définitive à
l'Assemblée nationale.
Les autres dispositions du projet de loi peuvent elles aussi,
a
fortiori
, donner lieu à un consensus dans les deux assemblées.
Malgré notre volonté de rapprochement avec l'Assemblée nationale, force est
cependant de constater que certaines dispositions du texte sont apparues sous
un jour nouveau lors de cette dernière lecture au Sénat. Je veux insister sur
deux d'entre elles.
Tout d'abord, une interrogation demeure sur le champ d'application de la loi,
bien que les deux assemblées aient adopté dans les mêmes termes, dès la
première lecture, l'article 1er définissant les autorités administratives
soumises au présent projet de loi. En raison de la grande diversité des
questions soulevées par ce texte, le champ d'application de la loi appelle sans
doute des précisions de la part du Gouvernement. En particulier, pouvez-vous
nous indiquer, monsieur le ministre, dans quelle mesure le projet de loi
s'appliquera aux autorités administratives indépendantes ? Celles-ci sont en
effet régies par des textes spéciaux, précisant par exemple la nature de leurs
décisions.
De plus, certaines interrogations ont été soulevées concernant l'action en
substitution des contribuables, actuellement applicable aux seules communes et
structures intercommunales, et que le projet de loi, sur l'initiative de
l'Assemblée nationale, étend aux départements et aux régions.
L'action en substitution, aussi appelée « autorisation de plaider », est une
procédure subsidiaire, qui permet de pallier la carence d'une commune dont
l'action a été sollicitée.
Le contribuable qui souhaite engager une action juridictionnelle au nom de la
commune, que ce soit en matière administrative, civile ou pénale, adresse sa
demande d'autorisation au tribunal administratif. Le contribuable ne sera
autorisé à plaider au nom de la commune que si celle-ci, appelée à en
délibérer, a négligé ou refusé d'agir en justice.
En pareil cas, la décision du tribunal administratif ne présente pas de
caractère juridictionnel.
Selon une jurisprudence constante, deux conditions sont requises pour obtenir
l'autorisation de plaider : d'une part, le recours ne doit pas être dépourvu de
chances de succès, d'autre part, il doit offrir un intérêt suffisant pour la
commune.
Cette procédure, qui existe dans les communes depuis la loi municipale du 18
juillet 1937, remonte à une époque où les maires n'avaient pas la capacité
d'engager la commune en justice de leur seule initiative ; ils devaient au
préalable obtenir l'autorisation du conseil de préfecture.
De ce fait, cette procédure pose quelques problèmes de principe : d'une part,
l'intervention d'autorités administratives dans le déclenchement d'une action
en justice peut paraître curieuse au regard du principe de séparation des
pouvoirs ; d'autre part, la survivance d'une tutelle exercée par l'Etat sur les
collectivités locales est surprenante depuis l'intervention des lois de
décentralisation de 1982-1983.
Il est vrai que le Conseil d'Etat a fait une utilisation circonstanciée des
deux conditions de recevabilité de l'autorisation de plaider. Sa jurisprudence
est assez stricte, dans le souci de ne conduire ni à une paralysie des communes
ni à l'encombrement des tribunaux administratifs.
La commission des lois proposera des aménagements à cette procédure, afin de
tenir compte des spécificités et de la taille des collectivités concernées,
départementales et régionales.
Tout d'abord, il ne faudrait pas que des réunions extraordinaires se
multiplient au point de paralyser le conseil général ou le conseil régional. La
commission proposera donc de remplacer la réunion extraordinaire du conseil
général par une réunion qui se tiendra dans les conditions de droit commun.
Ensuite, les tribunaux administratifs doivent disposer des moyens leurs
permettant de santionner les tentatives d'instrumentalisation de la justice. A
cet effet, la commission des lois proposera d'étendre la sanction pour recours
abusif aux demandes abusives d'autorisation de plaider.
Sour le bénéfice de ces propositions, la commission vous propose, mes chers
collègues, d'adopter en nouvelle lecture le projet de loi relatif aux droits
des citoyens dans leurs relations avec les administrations.
(Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et
des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
nous voici saisis aujourd'hui pour la troisième fois de ce projet de loi
relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations
que nous avons pris l'habitude d'appeler projet DCRA.
A ce stade du débat, il pourrait paraître superflu de revenir sur le détail
des mesures proposées. C'est pourquoi je me contenterai de rappeler d'une
phrase l'objet de ce projet de loi : offrir aux citoyens une administration
plus proche, plus accessible, plus transparente et faciliter leurs démarches en
simplifiant les procédures.
Or, si l'ambition revendiquée dans ce texte, dont personne ne conteste ni la
portée ni l'objectif, est de simplifier les procédures administratives - et
donc la vie quotidienne des Français - il est à déplorer que ce maître mot de
simplification n'ait guère illustré nos débats ! Mais, comme le diraient
familièrement les Shadoks, pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué
?
Remettre sur le métier le même ouvrage n'a évidemment pas que des désavantages
et bien des dispositions ont été enrichies ; certaines sont déjà adoptées
conformes, en particulier le volet concernant le médiateur de la République, la
transparence, avec l'articulation entre la loi « informatique et libertés » et
la loi « archives », la délivrance d'un accusé de réception aux demandes, la
réduction des délais de décisions implicites d'acceptation et l'aménagement des
décisions implicites de rejet.
Néanmoins, des raisons plus ou moins légitimes liées aux aléas du calendrier
parlementaire ont conduit Gouvernement et parlementaires à introduire bon
nombre de dispositions nouvelles. Or, tandis que, sur le texte initial, les
différentes navettes ont permis un rapprochement entre les deux assemblées,
c'est autour de ces ajouts que se sont cristallisés les désaccords
persistants.
Parmi ces pommes de discorde récurrentes, on trouvait ainsi, principalement,
la lutte contre les recours abusifs des associations - article 5
bis
-
les maisons des services publics - articles 24 à 26 - et la transposition dans
la loi de la jurisprudence dite « Berkani », relative aux non-titulaires de la
fonction publique - articles 26
quater
et 26
quinquies
.
Nous nous félicitons de voir que cette ultime lecture va permettre de résoudre
les deux premiers points. La commission des lois du Sénat renonce à
l'amendement qui visait à imposer la consignation d'une somme d'argent aux
associations souhaitant déposer un recours pour excès de pouvoir contre, par
exemple, une autorisation d'urbanisme. Il importait que la capacité
d'expression du citoyen ne soit pas entravée, même si nous avons conscience du
fait qu'il existe, de la part de certaines associations, des pratiques de
recours abusifs, pratiques contre lesquelles il conviendra de déterminer des
mesures adéquates dans un cadre législatif plus approprié.
Autre sujet de satisfaction, le Sénat accepte d'intégrer les dispositions
concernant les maisons des services publics dans une logique d'amélioration des
relations entre administrations et usagers, et non plus seulement dans une
logique d'aménagement du territoire.
Je note également, pour m'en réjouir, d'autres avancées en direction du texte
de l'Assemblée nationale, s'agissant de dispositions d'ordre technique que je
ne détaillerai pas ici.
Demeure néanmoins le principal point de dissension entre Assemblée nationale
et Sénat, cause de l'échec de la commission mixte paritaire du 19 janvier
dernier - et cause, peut-être, d'une quatrième lecture, même si je souhaite que
nous trouvions aujourd'hui, monsieur le rapporteur, un terrain d'entente ! Il
s'agit, vous l'aurez deviné, de l'adaptation de la jurisprudence « Berkani »,
sur laquelle nos positions divergent.
Notre rapporteur propose, en effet, de faire bénéficier les agents non
titulaires déjà en fonction d'un contrat d'une durée maximale de trois ans,
renouvelable par reconduction expresse. Or nous ne pouvons pas nous satisfaire
d'une telle proposition, sachant que les personnels concernés disposent
actuellement d'un contrat de droit privé à durée indéterminée.
Il s'agirait d'un net recul par rapport au texte du Gouvernement, qui envisage
un contrat de droit public à durée indéterminée, avec un délai d'option d'un an
pendant lequel les agents pourront choisir un contrat de droit privé soumis aux
dispositions du code du travail.
Ce dispositif, issu de nombreuses concertations, a reçu l'accord des syndicats
et semble seul à même de répondre aux difficultés constatées. A l'inverse,
proposer aux 15 000 agents concernés des contrats à durée déterminée
reconductibles ne ferait qu'aggraver des situations de précarité déjà
préoccupantes et faire la part belle aux employeurs.
Nous y reviendrons éventuellement à l'appel de l'article, mais je voudrais
ouvrir tout de suite une parenthèse en forme d'interrogation à propos de la
liste des emplois concernés. Est-on sûr de réaliser pleinement l'objectif fixé,
à savoir mettre fin aux contentieux et, surtout, à des situations de précarité
durement ressenties, alors qu'il est extrêmement difficile de dresser une liste
exhaustive qui ne laisserait personne sur le bord du chemin ?
En ce qui concerne les recrutés locaux, vous connaissez la position des
socialistes. Notre collègue Mme Monique Cerisier-ben Guiga interviendra sur ce
sujet.
Enfin, j'aimerais souligner un dernier point en regrettant que notre Haute
Assemblée refuse qu'une autorité administrative soit compétente pour
communiquer un document qu'elle détient sans en être l'auteur. C'est là faire
montre d'une vision un peu conservatrice du service public, et perdre de vue
les objectifs de transparence et de simplification qui doivent être les nôtres.
On me rétorquera qu'il est toujours possible de faire appel à la justice ou à
la Commission d'accès aux documents administratifs, la CADA. Mais, cette
dernière, toute diligente soit-elle, connaît des délais de réponse de un à
trois mois, ce qui entrave pour le moins toute démarche qui nécessiterait la
communication simple et rapide d'un document : l'objectif recherché est
pourtant bien de faciliter les démarches administratives des citoyens.
Malgré les divergences qui nous séparent encore, je crois que nous pouvons
tous nous réjouir du fait qu'après quatre années de débats sur l'amélioration
des relations entre les citoyens et l'administration - pour mémoire, sous le
précédent gouvernement, M. Perben avait déposé, en septembre 1996, un texte qui
avait fait l'objet de deux lectures dans chaque assemblée - nous approchions du
but et qu'un texte soit enfin adopté.
Rendre l'Etat plus proche du citoyen, plus accessible et plus efficace est une
des priorités du Gouvernement. Ce texte en est un des éléments. Il s'inscrit
bien sûr dans la perspective plus large de la réforme de l'Etat. Au fond, il
s'agit, avant tout, de simplifier les démarches administratives de nos
concitoyens par des mesures de bon sens dont ils apprécieront, au quotidien,
l'aspect tout à fait concret.
Cette ultime lecture va permettre de rapprocher encore le point de vue des
deux assemblées. Le groupe socialiste, favorable au texte qui revient de
l'Assemblée nationale, reste néanmoins très attentif à l'examen des articles,
et réserve son vote à l'issue de nos travaux.
M. le président.
La parole est à Mme Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au
mois de juillet de l'an dernier, à la suite d'une mission, j'ai remis au
Premier ministre, M. Lionel Jospin, un rapport sur l'exclusion sociale dans les
communautés françaises à l'étranger.
Je tiens à répéter ici solennellement que l'exclusion sociale chez les
Français de l'étranger commence dans les services de l'Etat à l'étranger ; la
précarité, la pauvreté sont dans nos propres services ! La loi prévoirait-elle
dix lectures de ce texte qu'à la dixième lecture je protesterais encore, au nom
des agents contractuels des services de l'Etat à l'étranger, contre leur
exclusion du bénéfice du contrat de droit public reconnu par cette loi à leurs
homologues de France !
En effet, s'il est un secteur où la protection juridique offerte aux salariés
par un tel contrat serait nécessaire, c'est bien celui-là. En trente ans de vie
à l'étranger, en huit ans de mandat sénatorial, je n'ai jamais vu l'Etat
français se conduire en bon employeur à l'égard des recrutés locaux de ses
propres services.
Il existe heureusement des ambassadeurs, des directeurs d'institut et des
consuls qui se montrent humains, qui traitent avec respect et justice les
personnels non fonctionnaires de leurs services, s'efforçant d'améliorer leurs
conditions salariales et contractuelles. Mais j'ai eu le regret de constater
tout au long de ces années que ces bons comportements d'employeurs n'étaient
pas aussi répandus qu'on pourrait le souhaiter.
L'ambassadeur Amiot lui-même, dans le rapport qu'il a remis voilà un an au
ministre des affaires étrangères sur les recrutés locaux, déplore ce qu'il
appelle diplomatiquement et pudiquement des dérapages trop nombreux, que j'ai
constatés comme lui.
Je citerai, parmi les cas les plus fréquents, l'arbitraire dans le recrutement
et le licenciement, l'arbitraire dans la fixation de la rémunération, les
tâches supplémentaires, parfois d'ordre privé, exigées et non rémunérées, les
attitudes méprisantes à l'égard de personnes qui n'ont d'autre choix, face à la
perte de leur gagne-pain, que de courber l'échine. C'est d'ailleurs ce dernier
aspect de leur condition qui fait l'objet des plaintes les plus vives et
récurrentes des agents contractuels et vacataires que je rencontre lors de mes
tournées.
Toutefois, ce n'est pas aux personnes qu'il faut s'en prendre, c'est au
système ! C'est l'Etat qui place ses fonctionnaires d'autorité dans une
position malsaine. La relation d'employeur à employé traduit un rapport de
force inégal, qui est la source des dérives que j'ai évoquées, lorsqu'un
contrat de travail et des garanties solides ne sont pas offerts à la partie la
plus faible en contrepartie de la sujétion qui lui est imposée. C'est là le
B-A-BA du droit du travail en France depuis maintenant cent-cinquante ans, mais
on ne s'en est pas encore aperçu dans la plupart des services de l'Etat à
l'étranger !
Le ministère des affaires étrangères, alerté par les justes protestations des
syndicats, a reconnu depuis bientôt trois ans le caractère inacceptable de la
situation faite à ses agents contractuels et, pis encore, à ses vacataires.
Mais tout se passe comme si ce ministère avait tellement intériorisé les
contraintes budgétaires qui l'ont étranglé de 1985 à 1999 qu'il semble avoir,
de lui-même, accepté que ses agents ne bénéficient pas des mêmes droits que
leurs homologues employés par les autres services de l'Etat en France.
Ainsi, ce qui est possible pour le jardinier du préfet ne le serait pas pour
la secrétaire de l'ambassadeur. C'est quand même un peu étonnant !
En contrepartie de l'absence de contrat de droit public, il nous est proposé
un plan d'action pour la valorisation et l'amélioration de la gestion du
recrutement local, qui a été exposé dans un télégramme diplomatique du 13
novembre 1999. Les diverses prescriptions faites aux chefs de poste visent à
améliorer la situation juridique, salariale et sociale des recrutés locaux et à
mieux intégrer les agents de recrutement local au sein des ressources humaines
des postes. J'admire ce langage diplomatique qui correspond assez peu à ce que
je constate un peu partout.
A défaut de reconnaître aux agents contractuels de l'Etat à l'étranger les
mêmes droits et garanties qu'à leurs homologues de France, consigne est donnée
de mieux les traiter. C'est déjà cela, mais nous ne pouvons nous en satisfaire,
car cela ne compense pas l'inégalité de traitement entre agents de l'Etat qui
est ainsi instituée. En effet, le fond du problème est politique et
budgétaire.
Il est politique, car il manifeste une fois de plus l'idée bien ancrée que ce
qui est bon et légitime pour les Français de France ne l'est pas pour les
Français établis à l'étranger. Cette discrimination serait en quelque sorte
dans l'ordre des choses. Comment un parlementaire peut-il se résigner à ce que
la devise républicaine soit si peu mise en pratique, dès les frontières
franchies !
Mais ne nous y trompons pas, la contrainte budgétaire pèse beaucoup dans cet «
oubli » opportun du principe d'égalité républicain. Les services de l'Etat à
l'étranger, et tout particulièrement le ministère des affaires étrangères, ne
fonctionneraient plus aujourd'hui sans leurs 14 000 recrutés locaux, dont près
de 3 000 Français, auxquels s'ajoutent les milliers de vacataires payés à la
journée ou à l'heure et dépourvus de droits sociaux.
Dans le seul réseau diplomatique et consulaire, 1 200 recrutés locaux français
accomplissent exactement les mêmes tâches que les fonctionnaires du ministère
des affaires étrangères : immatriculation consulaire, délivrance de pièces
d'identité, service de la nationalité, secrétariat des chefs de poste,
comptabilité, délivrance des visas.
A l'exception d'un quart d'entre eux, employés dans les pays de l'OCDE, ils
sont mal rétribués, leurs cotisations d'assurance maladie et d'assurance
vieillesse sont à leur charge et il arrive trop souvent qu'ils ne puissent pas
les payer sur des salaires trop bas.
Les recrutés locaux de dix pays ont bénéficié en 1999 d'une prise en charge de
ces cotisations. C'est un progrès, mais il faudrait aller très vite pour que
cesse l'état de fait actuel. Voir des salariés privés de soins médicaux et
atteindre la vieillesse sans la moindre pension, après avoir travaillé toute
leur vie pour l'Etat, ce n'est plus tolérable aujourd'hui.
Ce n'est plus tolérable non plus de relever, comme j'ai pu le faire encore au
mois de janvier, des différences du simple au triple pour des emplois de même
nature dans les services d'une ambassade d'Afrique récemment visitée, les deux
extrémités de l'échelle relevant d'ailleurs du ministère des finances. C'est
quand même assez remarquable !
Enfin, cessons de nous gargariser de francophonie, si la diffusion de la
langue et de la culture françaises ne peut plus être assurée que dans des
conditions salariales et statutaires inacceptables. Aujourd'hui, les instituts
culturels s'autofinancent en recourant aux services de professeurs employés à
la vacation, souvent sans aucune base juridique d'embauche, sans parler des
stagiaires diplômés de français langue étrangère, non rémunérés, et dont le
stage ne débouche sur aucun emploi. C'est vraiment glorieux !
Cette francophonie devient un véritable miroir aux alouettes pour des
quantités de jeunes qui travaillent pour elle, ainsi que pour des personnes
plus âgées qui lui ont consacré toute leur vie et qui, en définitive,
vieilliront dans la misère.
Pour conclure, je prends acte de l'ajout de la référence au respect des
conventions internationales dans l'article 26
quater,
alinéa 5, qui sera
- je l'espère - repris par l'Assemblée nationale, même si le Sénat le supprime.
Je signale simplement que, s'il faut faire référence au respect des conventions
internationales dans ce texte, c'est bien parce que, actuellement, on ne les
respecte pas.
Je prends acte également de l'annonce de la présentation par le Gouvernement
d'un rapport après consultation de l'ensemble des organisations syndicales
représentatives, rapport qui permettra une évaluation du statut social de
l'ensemble des personnels sous contrat travaillant à l'étranger.
Au demeurant, la situation est très préoccupante, monsieur le secrétaire
d'Etat. Il faudra instaurer une véritable égalité de traitement entre les
agents contractuels de l'Etat et ceux de l'étranger. Il faudra, enfin, garantir
les conditions d'un réel progrès social dans les services de l'Etat à
l'étranger. En 2001, il ne sera pas trop tard !
(Applaudissements sur les
travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je
serai bref car nous nous sommes, les uns et les autres, largement exprimés sur
ce texte que nous examinons pour la troisième fois en une année, voire pour la
quatrième fois si l'on compte les travaux effectués en commission mixte
paritaire.
Ce projet de loi participe du mouvement plus large de la réforme de l'Etat. Il
est au coeur de la modernisation des services publics en visant à rendre
l'administration plus efficace et plus proche de nos concitoyens.
Lutter contre les inégalités en garantissant l'égal accès de tous au service
public, quels que soient la condition sociale et l'endroit où l'on se trouve,
telle est, à nos yeux, la véritable ambition d'une administration moderne et
accessible qui promeut l'usager au rang de citoyen et rompt de manière
irréversible avec la conception de l'administré sujet.
Pour rendre ces dispositions efficaces, l'administration a besoin de moyens.
En témoigne l'incessante accumulation de dossiers sur les bureaux des caisses
d'allocations familiales, auxquelles aucun crédit supplémentaire n'a été
accordé pour la mise en oeuvre de la couverture maladie universelle.
Il faut cesser, comme le fait trop souvent la majorité sénatoriale, de
considérer les fonctionnaires en surnombre et de ne voir les administrations
qu'au travers du coût qu'elles représentent pour l'Etat.
Investir dans le secteur public est une réponse d'avenir, profondément
moderne, favorisant un développement économique et social fructueux. C'est
d'autant plus possible aujourd'hui avec l'existence de la cagnotte fiscale.
Les parlementaires communistes n'hésitent donc pas à demander des crédits
supplémentaires, à soutenir les revendications syndicales relatives notamment à
l'application des 35 heures et aux salaires, tout comme ils ont soutenu la
lutte menée par les agents des impôts pour que leur administration réponde
encore mieux aux besoins des citoyens.
Ils se félicitent à ce propos que le Gouvernement ait retiré son projet de
réforme mal engagé. Il faut que les discussions se poursuivent aujourd'hui avec
les organisations syndicales sur d'autres bases : la modernisation du service
public ne pourra se faire sans, et
a fortiori,
contre les salariés
concernés.
Pour les mêmes raisons, nous soutenons la lutte des agents de l'éducation
nationale, secteur dans lequel un plan de création d'emplois a été annoncé par
le Premier ministre. Il reste toutefois à préciser rapidement le nombre exact
de ces créations de postes, comme cela a été fait pour le secteur
hospitalier.
Le tabou du gel des emplois publics semble enfin bousculé, et je ne peux que
m'en réjouir.
Pour en revenir au sujet qui nous occupe aujourd'hui, je dirai que la question
des moyens se pose plus particulièrement pour les maisons de service public
dont - nous l'espérons - la mise en place répondra non pas à une logique de
rationalisation des services publics, mais à une réelle mise en commun des
énergies permettant d'améliorer la qualité desdits services.
Après ces remarques d'ordre général, je m'arrêterai quelques instants plus
particulièrement sur le projet de loi.
Les navettes parlementaires ont permis de trouver des points d'accord sur bon
nombre d'articles et notamment sur le champ d'application de la loi et la
définition des autorités administratives soumises aux dispositions du texte,
sur la cohérence des lois « informatique et liberté » et « archives », sur
l'obligation de transparence financière, enfin sur l'amélioration des
procédures administratives, telle l'obligation d'accuser réception ou la
réduction des délais applicables.
Ces nombreux points témoignent de la volonté de tous d'améliorer l'accès aux
règles de droit et la transparence administrative. Aussi, nous ne comprenons
pas l'acharnement mis par la commission à refuser d'adopter l'article 2, qui
affirme un droit à l'information, ou l'article 8, qui rend obligatoire la
communication des documents administratifs.
Ces mesures sont pourtant au coeur de la transparence administrative et
nécessaires à l'amélioration des relations entre les autorités administratives
et les citoyens.
Ce sont les articles 26
quater
et 26
quinquies
qui ont, avant
tout, conduit à l'échec de la commission mixte paritaire. Les raisons qui vous
ont amenés à repousser ces articles, mes chers collègues, sont diamétralement
opposées aux nôtres.
Vous refusez que les agents publics, visés par ces articles, bénéficient d'un
contrat à durée indéterminée. Vous souhaitez maintenir ces agents dans la
précarité. Nous voulons, tout au contraire, élargir les dispositions positives
qui figurent au paragraphe I de l'article 26
quater
et qui visent à
accorder le bénéfice d'un contrat à durée indéterminée à tous les agents.
Je reviendrai sur ces articles au moment de leur examen.
Pour conclure, je voudrais dire de nouveau combien il me semble important
d'adopter ce texte dont la philosophie est de tendre à une amélioration
sensible des droits des citoyens dans leurs relations avec les
administrations.
Nous attendrons, bien évidemment, l'issue des travaux de notre assemblée pour
nous prononcer sur l'ensemble du texte.
(Applaudissements sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir
de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la
discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du
Parlement n'ont pas encore adopté un texte indentique.
Article 2
M. le président.
« Art. 2. - Le droit de toute personne à l'information est précisé et garanti
par le présent chapitre en ce qui concerne la liberté d'accès aux règles de
droit applicables aux citoyens.
« Les autorités administratives sont tenues d'organiser un accès simple aux
règles de droit qu'elles édictent. La mise à disposition et la diffusion des
textes juridiques constituent une mission de service public au bon
accomplissement de laquelle il appartient aux autorités administratives de
veiller.
« Les modalités d'application du présent article sont déterminées, en tant que
de besoin, par décret en Conseil d'Etat. »
Par amendement n° 2, M. Amoudry, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit cet article :
« La mise à disposition et la diffusion des normes juridiques constituent une
mission de service public selon des modalités fixées par décret en Conseil
d'Etat. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Amoudry,
rapporteur.
Cet article tend à ce que les autorités administratives
organisent un accès simple aux règles de droit qu'elles édictent. Il a été
supprimé par le Sénat, qui en avait souligné le caractère peu normatif.
Toutefois, en nouvelle lecture, la commission des lois vous propose d'accepter
de définir dans la loi la mission de service public que constituent la mise à
disposition et la diffusion des normes juridiques.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer.
La commission propose de limiter cet
article à la seule mention de l'existence d'une mission de service public
attachée à la mise à disposition et à la diffusion de l'information juridique.
Je ne peux pas la suivre dans cette vision réductrice.
Permettez-moi de vous rappeler, mesdames, messieurs les sénateurs, que le
principe de l'accès simple aux règles de droit, loin d'être dépourvu de portée
normative comme cela lui a été reproché, a reçu récemment consécration du
Conseil constitutionnel, qui, dans sa décision du 16 décembre 1999, a considéré
l'accessibilité et l'intelligibilité de la loi comme des objectifs de valeur
constitutionnelle.
Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 2.
M. Jacques Mahéas.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas.
Sur cet article, le Sénat fait un pas en avant. Alors qu'il l'avait auparavant
purement et simplement supprimé, sur proposition de la commission des lois, il
va aujourd'hui accepter d'inscrire dans la loi l'idée selon laquelle la mise à
disposition et la diffusion des normes juridiques constituent une mission de
servive public. C'est la moindre des choses !
Au demeurant, je regrette que le principe d'un accès simple aux règles de
droit, seul moyen de garantir le droit de toute personne à l'information, ne
figure pas dans la rédaction proposée par la commission. Aussi, pour les
raisons invoqués à l'instant par le Gouvernement, nous voterons contre cet
amendement.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 2 est ainsi rédigé.
Article 4
M. le président.
« Art. 4. - Dans ses relations avec l'une des autorités administratives
mentionnées à l'article 1er, toute personne a le droit de connaître le prénom,
le nom, la qualité et l'adresse administratives de l'agent chargé d'instruire
sa demande ou de traiter l'affaire qui la concerne ; ces éléments figurent sur
les correspondances qui lui sont adressées. Si des motifs intéressant la
sécurité publique ou la sécurité des personnes le justifient, l'anonymat de
l'agent est respecté.
« Toute décision prise par l'une des autorités administratives mentionnées à
l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en
caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. »
Par amendement n° 3, M. Amoudry, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit le début de la première phrase du premier alinéa de cet article :
« Dans ses relations avec une personne morale chargée d'une mission de service
public, toute personne... »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Amoudry,
rapporteur.
Cet article tend à lever l'anonymat des relations entre
agents publics et citoyens.
Le Sénat a étendu le champ d'application de la levée de l'anonymat à
l'ensemble des services publics, considéré que les correspondances
administratives faisaient partie des relations entre les citoyens et les
services publics, sans qu'il soit besoin de le préciser, et transféré le second
alinéa relatif au régime des relations administratives dans le chapitre
approprié du projet de loi.
L'Assemblée nationale, en nouvelle lecture, a rétabli son texte de première
lecture.
La commission des lois vous soumet aujourd'hui, mes chers collègues, un
amendement visant à reprendre la rédaction proposée par l'Assemblée nationale,
tout en étendant le champ d'application de cet article aux services publics
industriels et commerciaux.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, qui
présente l'inconvénient de créer un champ d'application spécifique dès
l'article 4, alors que l'article 1er vient de délimiter le champ d'application
du projet.
Par ailleurs - et je pense que vous me suivrez sur ce plan, monsieur le
rapporteur - les services publics industriels et commerciaux relèvent d'une
logique de relations à l'usager très différente de celle des services publics
administratifs, et je doute qu'il soit opportun de mélanger les deux.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 3.
M. Jacques Mahéas.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas.
Comme lors des lectures précédentes, la majorité du Sénat souhaite étendre,
par le biais de cet amendement, le champ d'application de la levée de
l'anonymat à l'ensemble des personnes morales chargées d'une mission de service
public, alors que le champ d'application des dispositions de cette loi est fixé
par l'article 1er, que le Sénat a adopté d'ailleurs. Ne sont visés que les
administrations de l'Etat, les collectivités territoriales, les établissements
publics à caractère administratif, les organismes de sécurité sociale et les
autres organismes chargés de la gestion d'un service public administratif et
non les services publics industriels et commerciaux.
Cette nouvelle rédaction peut entraîner des difficultés. Elle ne nous paraît
pas opportune. Nous sommes donc contre cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4, ainsi modifié.
(L'article 4 est adopté.)
Article 8
M. le président.
« Art. 8. - Le titre Ier de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant
diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le
public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal, est
ainsi modifié :
« 1°
Non modifié
;
« 2° Le deuxième alinéa de l'article 1er est remplacé par deux alinéas ainsi
rédigés :
« Sont considérés comme documents administratifs, au sens du présent titre,
tous dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques,
directives, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles qui
comportent une interprétation du droit positif ou une description des
procédures administratives, avis, prévisions et décisions, qui émanent de
l'Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics ou des
organismes de droit public ou privé chargés de la gestion d'un service public.
Ces documents peuvent revêtir la forme d'écrits, d'enregistrements sonores ou
visuels, de documents existant sur support informatique ou pouvant être obtenus
par un traitement automatisé d'usage courant.
« Ne sont pas considérés comme documents administratifs, au sens du présent
titre, les actes des assemblées parlementaires, les avis du Conseil d'Etat et
des juridictions administratives, les documents de la Cour des comptes
mentionnés à l'article L. 140-9 du code des juridictions financières et les
documents des chambres régionales des comptes mentionnés à l'article L. 241-6
du même code, les documents d'instruction des réclamations adressées au
Médiateur de la République et les documents préalables à l'élaboration du
rapport d'accréditation des établissements de santé visé à l'article L. 710-5
du code de la santé publique. » ;
« 3° L'article 2 est ainsi rédigé :
«
Art. 2
. - Sous réserve des dispositions de l'article 6, les
autorités mentionnées à l'article 1er sont tenues de communiquer les documents
administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans
les conditions prévues par le présent titre.
« Le droit à communication ne s'applique qu'à des documents achevés. Il ne
concerne pas les documents préparatoires à une décision administrative tant
qu'elle est en cours d'élaboration. Il ne s'exerce plus lorsque les documents
font l'objet d'une diffusion publique. Il ne s'applique pas aux documents
réalisés dans le cadre d'un contrat de prestation de services exécuté pour le
compte d'une ou de plusieurs personnes déterminées.
« L'administration sollicitée n'est pas tenue de donner suite aux demandes
abusives, en particulier par leur nombre, leur caractère répétitif ou
systématique. » ;
« 4°
Non modifié
;
« 5° Les deux premiers alinéas de l'article 5 sont remplacés par trois alinéas
ainsi rédigés :
« Une commission dite "Commission d'accès aux documents administratifs" est
chargée de veiller au respect de la liberté d'accès aux documents
administratifs et aux archives publiques, dans les conditions prévues par le
présent titre et par le titre II de la loi n° 79-18 du 3 janvier 1979 sur les
archives. Elle émet des avis lorsqu'elle est saisie par une personne qui
rencontre des difficultés pour obtenir la communication d'un document
administratif ou pour consulter des documents d'archives publiques, à
l'exception des documents mentionnés au 3. de l'article 3 de la loi n° 79-18 du
3 janvier 1979 précitée. La saisine de la commission pour avis est un préalable
obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux.
« Elle conseille les autorités compétentes sur toute question relative à
l'application du présent titre et des dispositions susmentionnées de la loi n°
79-18 du 3 janvier 1979 précitée. Elle peut proposer, à la demande de
l'autorité compétente ou à son initiative, toutes modifications de ces textes
et toutes mesures de nature à faciliter l'exercice du droit d'accès aux
documents administratifs et aux archives publiques et à renforcer la
transparence administrative.
« La commission établit un rapport annuel qui est rendu public. Ce rapport
retrace notamment les principales difficultés rencontrées par les personnes, au
regard des différentes catégories de documents ou d'archives. » ;
« 6° Après l'article 5, il est inséré un article 5-1 ainsi rédigé :
«
Art. 5-1
. - La Commission d'accès aux documents administratifs est
également compétente pour examiner, dans les conditions prévues aux articles 2
et 5, les questions relatives à l'accès aux documents administratifs mentionnés
aux dispositions suivantes :
« - l'article L. 2121-26 du code général des collectivités territoriales,
« - l'article L. 28 du code électoral,
« - le
b
de l'article L. 104 du livre des procédures fiscales,
« - l'article L. 111 du livre des procédures fiscales,
« - l'article 5 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat
d'association et l'article 2 du décret du 16 août 1901,
« - l'article 79 du code civil local d'Alsace-Moselle,
« - les articles L. 213-13 et L. 332-29 du code de l'urbanisme. » ;
« 7° à 9°
Non modifiés.
»
Par amendement n° 4, M. Amoudry, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit le premier alinéa du texte présenté par le 3° de l'article 8 pour
l'article 2 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 :
« Sous réserve des dispositions de l'article 6, les documents administratifs
sont de plein droit communicables aux personnes qui en font la demande. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Amoudry,
rapporteur.
L'article 8 modifie la loi du 17 juillet 1978 relative à la
liberté d'accès aux documents administratifs.
Les principaux points de divergence entre les deux assemblées, au stade de la
nouvelle lecture, sont au nombre de deux.
Le Sénat a adopté la rédaction de la loi en vigueur, mettant en exergue le
caractère communicable de plein droit des documents administratifs. L'Assemblée
nationale a prévu que les autorités concernées sont tenues de communiquer les
documents administratifs qu'elles détiennent, même sans en être l'auteur. Le
Sénat a souhaité conserver les exceptions à la pratique, couramment admise par
la commission d'accès aux documents administratifs, la CADA, selon laquelle les
administrations détenant un document sans en être l'auteur le communiquent au
demandeur. Il s'agit notamment de préserver l'interdiction pour le préfet de
communiquer certains actes des collectivités territoriales qui lui ont été
transmis au titre du contrôle de légalité.
L'Assemblée nationale a prévu la compétence de la CADA pour l'application de
l'article L. 111 du livre des procédures fiscales, c'est-à-dire pour la
communication de la liste des personnes assujetties à la taxe départementale
sur le revenu. Avec l'avis favorable du Gouvernement, le Sénat a supprimé cet
ajout de l'Assemblée nationale, qui risque de restreindre l'accès effectif aux
documents fiscaux.
La commission des lois vous soumet deux amendements tendant à confirmer les
positions de principe adoptées par le Sénat en deuxième lecture. Pour le reste
- non-communicabilité des contrats réalisés dans le cadre d'un contrat de
prestation de service et rapport de la CADA - elle vous propose d'adopter la
rédaction proposée par l'Assemblée nationale.
En nouvelle lecture, avec avis de sagesse du Gouvernement, l'Assemblée
nationale a précisé que les documents préalables à l'élaboration du rapport
d'accréditation des établissements de santé, visés à l'article L. 710-5 du code
de la santé publique, ne sont pas des documents administratifs. La commission
des lois regrette l'accumulation des dérogations et souligne que toute
énumération appelle l'exhaustivité. Il serait regrettable que le législateur
revienne sans cesse sur ce texte pour le compléter, au lieu de s'en tenir à
quelques principes simples et concis.
La commission des lois vous propose d'adopter l'article 8, ainsi modifié.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat.
L'adoption de l'amendement n° 4 aurait pour effet de
supprimer le principal intérêt de l'article 8 : à savoir la mention expresse
que l'obligation de communiquer pèse sur l'administration qui, je le souligne,
détient le document, qu'elle en soit ou non à l'origine.
L'objectif - et c'est tout l'intérêt du texte - est de permettre à l'usager de
savoir à qui il doit s'adresser pour obtenir un document.
Le Gouvernement est donc défavorable à la suppression, au 3° de l'article 8,
de l'identification de l'autorité administrative tenue de communiquer le
document.
Si cette suppression est votée, l'usager risque de se trouver - excusez-moi
l'expression - « dans le brouillard » vis-à-vis des administrations concernées
!
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 4.
M. Jacques Mahéas.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas.
Cet amendement vise à supprimer l'obligation de communication qui pèse sur
l'administration détentrice du document, qu'elle en soit ou non l'auteur. Or,
l'objectif de l'article 8 est de faciliter l'accès des citoyens aux documents
administratifs.
L'amendement n° 4 restreint cet accès. Dès lors qu'une administration détient
un document administratif communicable, il n'y a aucune raison qu'elle renvoie
la personne qui lui en fait la demande vers une autre administration ou vers
l'auteur de ce document.
Ainsi, le demandeur sera moins « baladé » et pourra obtenir satisfaction plus
rapidement.
En conséquence, nous sommes franchement contre cet amendement.
M. Jean-Paul Amoudry,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Amoudry,
rapporteur.
Je ferai un simple commentaire sur ce sujet. Je crois que le
droit commun, avec contrôle de la CADA, permet d'avoir très facilement accès
aux documents administratifs.
La proposition qui est faite par la Sénat vise justement à éviter la diffusion
de documents qui pourraient être détenus par une administration et qui seraient
protégés pour telle ou telle raison, soit tenant au secret, soit parce qu'ils
ne sont pas achevés.
M. Jacques Mahéas.
Ils sont non communicables !
M. Jean-Paul Amoudry,
rapporteur.
Oui, mais, souvent, les administrations interrogent la CADA
pour connaître la nature d'un document et savoir s'il est ou non
communicable.
Dans l'option qui est proposée par le Sénat, ou bien l'administration est sûre
de son fait - elle renvoie à l'autorité émettrice du document et il n'y a aucun
problème - ou bien il y a un doute et on saisit la CADA, qui fonctionne bien.
Cela nous prémunit contre tout risque de diffusion de documents dont la
transmission pourrait ensuite donner lieu à problème.
M. Jacques Mahéas.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas.
Nous réfutons un tel argument. En fait, il paraît naturel au commun des
mortels de demander un document, que ce soit à une autorité détentrice, tel un
préfet ou un maire, ou à l'auteur de ce document. C'est une simplification !
Vous compliquez les choses en limitant la demande au seul auteur, qui est
d'ailleurs parfois réticent ; nous le voyons notamment dans les communes.
L'exemple que vous avez cité en commission des lois, celui de la chambre
régionale des comptes, nous paraît mal choisi puisque vous avez fait allusion à
un document de travail concernant les premières observations. Or, ce document
n'est pas communicable. Seules les observations définitives sont publiques.
J'imagine les réticences et l'entrave à la vie démocratique qu'entraînerait
l'adoption de votre amendement.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 5, M. Amoudry au nom de la commission, propose de supprimer
le cinquième alinéa du texte présenté par le 6° de l'article 8 pour l'article
5-1 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Amoudry,
rapporteur.
Je me suis déjà exprimé sur cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat.
Sur cet article 8, et plus particulièrement sur la
référence à l'article 111 du livre des procédures fiscales, le point de vue des
députés divergeait de celui des sénateurs et le Gouvernement s'en était remis à
la sagesse de l'Assemblée nationale. Il maintient cette position devant le
Sénat.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 8, modifié.
(L'article 8 est adopté.)
Article 8
bis
M. le président.
« Art. 8
bis.
- L'article L. 140-9 du code des juridictions financières
est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« A ce titre, elles ne sont notamment pas applicables aux rapports de
vérification et avis des comités régionaux ou départementaux d'examen des
comptes des organismes de sécurité sociale visés à l'article L. 134-2. » -
(Adopté.)
Article 10
M. le président.
« Art. 10. - Les budgets et les comptes des autorités administratives
mentionnés à l'article 1er et dotées de la personnalité morale sont
communicables à toute personne qui en fait la demande, dans les conditions
prévues par la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 précitée.
« La communication de ces documents peut être obtenue tant auprès de
l'autorité administrative concernée que de celles qui les détiennent.
« L'autorité administrative qui attribue une subvention doit, lorsque cette
subvention dépasse un seuil défini par décret, conclure une convention avec
l'organisme de droit privé qui en bénéficie, définissant l'objet, le montant et
les conditions d'utilisation de la subvention attribuée.
« Lorsque la subvention est affectée à une dépense déterminée, l'organisme de
droit privé bénéficiaire doit produire un compte rendu financier qui atteste de
la conformité des dépenses effectuées à l'objet de la subvention. Le compte
rendu financier est déposé auprès de l'autorité administrative qui a versé la
subvention dans les six mois suivant la fin de l'exercice pour lequel elle a
été attribuée.
« Le budget et les comptes de tout organisme de droit privé ayant reçu une
subvention, la convention prévue au présent article et le compte rendu
financier de la subvention doivent être communiqués à toute personne qui en
fait la demande par l'autorité administrative ayant attribué la subvention ou
celles qui les détiennent, dans les conditions prévues par la loi n° 78-753 du
17 juillet 1978 précitée.
« Les organismes de droit privé ayant reçu annuellement de l'ensemble des
autorités administratives une subvention supérieure à un montant fixé par
décret doivent déposer à la préfecture du département où se trouve leur siège
social leur budget, leurs comptes, les conventions prévues au présent article
et, le cas échéant, les comptes rendus financiers des subventions reçues pour y
être consultés. »
Par amendement n° 6, M. Amoudry, au nom de la commission, propose de supprimer
le deuxième alinéa de cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Amoudry,
rapporteur.
Cet amendement, qui vise à supprimer le deuxième alinéa de
l'article 10, confirme la position du Sénat en deuxième lecture.
Aux termes de cet article, les autorités administratives dotées de la
personnalité morale tiennent leurs comptes à la disposition du public. Cette
obligation est étendue aux organismes de droit privé ayant un budget
significatif et bénéficiant d'aides ou de subventions publiques.
La commission des lois se félicite qu'en nouvelle lecture l'Assemblée
nationale, consciente des difficultés que la notion de « compte d'emploi » des
subventions pouvait générer pour les associations, lui ait préféré la notion de
« compte rendu financier ».
Le seul point de divergence qui demeure entre les deux assemblées concerne la
communication de documents à caractère financier par les autorités
administratives qui les détiennent sans en être l'auteur.
La commission des lois vous soumet donc, mes chers collègues, deux amendements
visant à supprimer la généralisation de la possibilité, pour une autorité
administrative, de communiquer des documents qu'elle n'a pas produits.
Elle vous propose par ailleurs d'accepter l'harmonisation du champ
d'application de l'article 10 avec celui du projet de loi, tout en soulignant
l'intérêt témoigné par le Sénat, au cours des lectures successives, pour
l'extension de ces obligations de transparence financière aux services publics
industriels et commerciaux.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat.
Sur l'article précédent, nous venons d'avoir un débat
quant à la détention de documents administratifs par une administration.
L'explication a eu lieu, le Sénat a maintenu sa position.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement qui vise plus
particulièrement les budgets et les comptes. Il nous apparaît là encore qu'il
revient à l'administration qui détient les documents de les communiquer à
l'usager, lequel ne doit pas être renvoyé vers l'émetteur de ces documents.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 6.
M. Jacques Mahéas.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas.
L'argumentation que j'ai développée au sujet de l'amendement n° 4 vaut pour
celui-ci.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.).
M. le président.
Par amendement n° 7, M. Amoudry, au nom de la commission, propose, dans
l'avant-dernier alinéa de l'article 10, de supprimer les mots : « ou celles qui
les détiennent ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Amoudry,
rapporteur.
J'ai déjà exposé l'objet de cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat.
Défavorable, pour les mêmes raisons que
précédemment.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 7, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 10, modifié.
(L'article 10 est adopté.)
Article 13
bis
M. le président.
« Art. 13
bis.
- Le titre III du livre Ier de la troisième partie du
code général des collectivités territoriales est complété par un chapitre III
ainsi rédigé :
« Chapitre III
« Exercice par un contribuable
des actions appartenant au département
«
Art. L. 3133-1
. - Tout contribuable inscrit au rôle du département a
le droit d'exercer, tant en demande qu'en défense, à ses frais et risques, avec
l'autorisation du tribunal administratif, les actions qu'il croit appartenir au
département, et que celui-ci, préalablement appelé à en délibérer, a refusé ou
négligé d'exercer.
« Le contribuable adresse au tribunal administratif un mémoire.
« Le président du conseil général soumet ce mémoire au conseil général
spécialement convoqué à cet effet. Le délai de convocation peut être abrégé.
« Lorsqu'un jugement est intervenu, le contribuable ne peut se pourvoir en
appel ou en cassation qu'en vertu d'une nouvelle autorisation. »
Je suis saisi de huit amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° 12 est présenté par M. Jacques Larché.
L'amendement n° 16 est déposé par M. de Rohan et les membres du groupe du
Rassemblement pour la République.
L'amendement n° 21 est présenté par M. de Raincourt et les membres du groupe
des Républicains et Indépendants.
Tous trois tendent à supprimer l'article 13
bis.
Par amendement n° 25, MM. Darniche et Adnot proposent, dans le premier alinéa
du texte présenté par l'article 13
bis
pour l'article L. 3133-1 du code
général des collectivités territoriales, après les mots : « tribunal
administratif », d'insérer les mots : « qui fixe le montant d'une somme à
consigner auprès du greffe de celui-ci ».
Par amendement n° 26, M. Darniche propose de remplacer l'avant-dernier alinéa
du texte présenté par l'article 13
bis
pour l'article L. 3133-1 du code
général des collectivités territoriales par deux alinéas ainsi rédigés :
« Après y avoir été autorisé, le président du conseil général représente le
département à cette instance.
« Le refus d'autorisation du tribunal administratif ouvre droit à réparation
du préjudice, y compris moral, subi au titre de cette procédure. »
Par amendement n° 13 rectifié, M. Jacques Larché propose, après les mots : «
au conseil général » de remplacer la fin de l'avant-dernier alinéa du texte
présenté par l'article 13
bis
pour l'article L. 3133-1 du code général
des collectivités territoriales par les mots : « réuni dans les conditions
prévues aux articles L. 3121-9 et L. 3121-10 ».
Par amendement n° 27, MM. Darniche et Adnot proposent de compléter le texte
présenté par l'article 13
bis
pour l'article L. 3133-1 du code général
des collectivités territoriales par deux alinéas ainsi rédigés :
« La somme consignée est restituée lorsque le recours a abouti à une décision
définitive constatant que la requête n'était pas abusive.
« La collectivité territoriale qui s'estime lésée par le recours abusif d'un
contribuable dans le cadre du présent article peut solliciter du juge l'octroi
de dommages et intérêts dans les conditions des articles 1382 et suivants du
code civil. »
Par amendement n° 28 rectifié, M. de Rohan et les membres du groupe du
Rassemblement pour la République proposent de compléter
in fine
le texte
présenté par l'article 13
bis
pour l'article L. 3133-1 du code général
des collectivités territoriales par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cas d'une demande jugée abusive ou dilatoire, son auteur encourt une
amende dont le montant est fixé par le tribunal administratif. »
L'amendement n° 12 est-il soutenu ?...
La parole est à M. Gérard, pour défendre l'amendement n° 16.
M. Alain Gérard.
L'article 13
bis
permet à tout contribuable inscrit au rôle du
département d'exercer des actions appartenant au département.
La conséquence en serait, d'une part, un accroissement de la suspicion pénale
à l'égard des élus, suspicion que nous nous efforçons pourtant de combattre,
d'autre part, un déséquilibre dans les rapports entre administrés et élus,
puisque, sur simple rédaction d'un mémoire, un contribuable pourrait obtenir
une réunion spéciale du conseil général pour étudier son mémoire, alors même
qu'un conseiller général ne le pourrait pas.
Cette disposition, si elle était adoptée, aurait des effets extrêmement
nuisibles, puisque de telles actions pourraient obtenir un écho médiatique,
alors même que le tribunal administratif compétent ne leur donnerait pas de
suite.
Il convient donc de supprimer cet article en attendant de trouver une
rédaction qui ne porte pas atteinte aux collectivités territoriales et qui
préserve les intérêts des contribuables.
M. le président.
L'amendement n° 21 est-il soutenu ?...
La parole est à M. Darniche, pour présenter les amendements n°s 25 et 26.
M. Philippe Darniche.
L'article 13
bis
tend à étendre au département l'exercice de l'action
en substitution des contribuables, procédure actuellement applicable aux seules
communes, en application des articles L. 2232-5 et suivants du code général des
collectivités territoriales.
Si cette extension ne peut pas être supprimée - ce que nous verrons tout à
l'heure - elle doit toutefois être aménagée pour satisfaire au mieux l'intérêt
des différentes parties.
En effet, cette procédure expose à de nombreuses dérives. Je crains notamment
un risque important de paralysie pour les conseils généraux qui vont devoir
examiner les mémoires déposés par les contribuables, alors qu'aucune garantie
ne les protégera contre les recours abusifs, peu sanctionnés, nous le savons,
par la juridiction administrative.
C'est pourquoi, aux termes de l'amendement n° 25, le tribunal administratif
fixe le montant d'une somme à consigner auprès du greffe de celui-ci. Bien
évidemment, cette somme serait restituée après décision définitive prise par le
tribunal constatant que la requête n'était pas abusive.
J'en viens à l'amendement n° 26.
L'actuelle rédaction de cet article est profondément déséquilibrée en ce
qu'elle donne à tout contribuable le pouvoir d'obtenir une session spéciale du
conseil général, pouvoir dont ne dispose aujourd'hui, en vertu de l'article L.
3121-10 du code général des collectivités territoriales, que la commission
permanente, ou un tiers des membres du conseil général, ou, en cas de
circonstances exceptionnelles, le Gouvernement par décret.
En second lieu, l'article L. 3221-10 du code général des collectivités
territoriales confie à la commission permanente une compétence propre en
matière de défense dans les procédures contentieuses. Il serait contradictoire
de la priver de cette compétence dans l'instance administrative
pré-contentieuse qu'organise le nouvel article L. 3133-1.
Par ailleurs, bien que s'agissant d'une procédure administrative devant le
tribunal administratif et non d'un jugement, il paraît nécessaire que le
département puisse faire valoir sa position et que le contribuable supporte la
responsabilité de son mémoire en réparant l'éventuel préjudice subi. En effet,
dans le cadre d'une procédure administrative, le tribunal administratif ne peut
pas tirer les conséquences prévues dans les cas de requête abusive.
M. le président.
L'amendement n° 13 rectifié est-il soutenu ?
M. Jean-Paul Amoudry,
rapporteur.
La commission le reprend, monsieur le président.
M. le président.
Il s'agit donc de l'amendement n° 13 rectifié
bis.
La parole est à M. le rapporteur, pour le défendre.
M. Jean-Paul Amoudry,
rapporteur.
Je voudrais tout d'abord rappeler que les articles 13
bis
et 13
ter
étendent aux départements et aux régions l'action
en substitution des contribuables actuellement applicable aux seules communes
et structures intercommunales en application des articles L. 2132-5 et suivants
du code général des collectivités territoriales.
L'application dans les communes de ces articles qui ne posent pas de problème
de fond n'a pas soulevé de difficulté majeure depuis 1837. Aussi le Sénat
a-t-il approuvé, lors des lectures précédentes, l'extension de cette procédure
aux départements et régions.
Cependant, la réflexion a progressé depuis ; elle a mis en évidence la
nécessité de tenir compte de la spécificité des collectivités concernées.
Les modifications qui nous sont proposées aménagent la procédure applicable
sans remettre en cause son bien-fondé.
Il ne paraît pas, en effet, souhaitable, qu'un citoyen puisse provoquer une
réunion extraordinaire du conseil général ou du conseil régional : il
disposerait ainsi de pouvoirs beaucoup plus importants que ceux que détient un
conseiller général ou un conseiller régional et de pouvoirs équivalents à ceux
du tiers des membres d'une assemblée territoriale.
C'est pourquoi la commission des lois proposera de retenir les conseils selon
les conditions de droit commun et de permettre au tribunal administratif de
sanctionner les éventuelles demandes abusives.
Pour ces raisons, je demanderai aux auteurs des amendements visant à la
suppression des articles 13
bis
et 13
ter
de bien vouloir les
retirer. Ainsi, le débat serait utilement consacré aux améliorations que le
Sénat peut apporter à la procédure d'autorisation de plaider.
M. le président.
La parole est à M. Darniche, pour défendre l'amendement n° 27.
M. Philippe Darniche.
Cet amendement se situe dans le prolongement de l'amendement n° 25 selon
lequel, une fois saisi, le tribunal administratif fixe le montant d'une somme à
consigner auprès du greffe.
Le dispositif présenté par cet amendement vise à permettre à toute
collectivité territoriale qui s'estime lésée par le recours abusif d'un
contribuable de solliciter l'octroi de dommages et intérêts dans les conditions
des articles 1382 et suivants du code civil.
En effet, même s'il s'agit non pas d'un jugement, mais d'une procédure
administrative devant le tribunal administratif, il est nécessaire, pour le
département en particulier, de pouvoir faire valoir sa position et de demander
au contribuable sanctionné pour recours abusif de réparer l'éventuel préjudice,
y compris moral.
M. le président.
La parole est à M. Gérard, pour défendre l'amendement n° 28 rectifié.
M. Alain Gérard.
Il s'agit d'un amendement de repli.
L'actuelle rédaction de l'article 13
bis
est profondément
déséquilibrée, car elle donne à tout contribuable le pouvoir d'obtenir une
session spéciale du conseil général.
Par ailleurs, bien que s'agissant d'une procédure administrative devant le
tribunal administratif et non d'un jugement, il paraît nécessaire que le
département puisse faire valoir sa position et que le contribuable supporte la
responsabilité de son mémoire en réparant l'éventuel préjudice subi. En effet,
dans le cas d'une procédure administrative, le tribunal administratif ne peut
pas tirer les conséquences prévues dans les cas de requêtes abusives.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 16, 25, 26, 27 et 28
rectifié ?
M. Jean-Paul Amoudry,
rapporteur.
La commission émet un avis défavorable sur l'amendement n°
16, puisqu'il s'agit d'un amendement de suppression de l'article.
Elle émet également un avis défavorable sur l'amendement n° 25, qui lui paraît
satisfait par le droit existant. Cet amendement vise le cas dans lequel le
contribuable obtient du tribunal administratif l'autorisation de plaider au nom
du département. Dans ce cas, la loi poserait l'obligation, pour le
contribuable, de consigner une somme d'argent auprès du greffe du tribunal
administratif.
L'obligation de consigner une somme d'argent résulte actuellement d'une
disposition réglementaire codifiée à l'article R. 316-4 du code des communes,
encore en vigueur. Cet article R. 316-4 dispose que « le tribunal administratif
ou le Conseil d'Etat peuvent, s'ils accordent l'autorisation, en subordonner
l'effet à la consignation préalable des frais d'instance. Ils fixent dans ce
cas la somme à consigner ». Dans ces conditions, il ne semble pas utile de
reprendre dans la loi les dispositions actuellement en vigueur.
La commission est défavorable à l'amendement n° 26. Cet amendement a un double
objet. D'abord, il tend à substituer le président du conseil général au
contribuable qui a obtenu du tribunal administratif l'autorisation de plaider
au nom du département. Ensuite, il prévoit que le contribuable qui n'a pas reçu
l'autorisation de plaider répare le préjudice qu'il a ainsi causé au
département.
Il ne nous semble pas souhaitable que le contribuable cède sa place une fois
autorisé à agir en justice au nom de la collectivité. En effet, le contribuable
n'est autorisé à agir que si le département a préalablement refusé ou négligé
d'engager l'instance. De plus, la jurisprudence admet le pourvoi de la
collectivité devant le Conseil d'Etat au contentieux pour demander l'annulation
ou la réformation de la décision du tribunal. Je vous renvoie à la décision du
Conseil d'Etat en date du 9 juillet 1993, commune de Saint-Pierre.
Le Conseil d'Etat peut refuser l'autorisation précédemment accordée. Il peut
fonder sa décision sur des éléments d'information postérieurs à la décision du
tribunal. Dès lors, l'exécutif qui souhaiterait représenter lui-même le
département dans l'instance autorisée peut actuellement exercer un recours
devant le Conseil d'Etat et engager l'action en justice selon les conditions du
droit commun. C'est l'article L. 3221-10 du code général des collectivités
territoriales : « Le président du conseil général intente toutes les actions au
nom du département en vertu de la décision du conseil général et il peut, sur
l'avis conforme de la commission permanente, défendre à toute action intentée
contre le département. »
De plus, la réparation du préjudice subi par le département ne devrait pas
être automatique dans tous les cas où le contribuable n'a pas reçu
l'autorisation de plaider. Elle ne devrait concerner que les recours abusifs
afin de préserver les cas dans lesquels les contribuables agissent de bonne foi
et sans abus.
S'agissant de l'amendement n° 27, la commission émet un avis défavorable. Cet
amendement vise à compléter l'amendement n° 25 présenté par les mêmes auteurs,
auquel la commission a donné un avis défavorable et qui tend à obliger le
contribuable ayant reçu une autorisation de plaider au nom de la collectivité à
consigner une somme d'argent au greffe du tribunal administratif. Conformément
aux dispositions du code de procédure pénale, qui prévoit la consignation, la
somme serait restituée lorsque le recours a abouti à une décision définitive
constatant que la requête n'était pas abusive.
L'utilisation de la consignation comme moyen de lutte contre les recours
abusifs mériterait sans doute d'être transposée à la juridiction
administrative, comme le proposait le Sénat à l'article 5
bis
du présent
projet de loi, en matière d'urbanisme. Cependant, le cas visé par cet
amendement est très différent. Le contribuable qui a reçu une autorisation de
plaider répond à deux conditions cumulatives : sa requête a des chances de
succès et l'instance qu'il mène présente un intérêt suffisant pour la
collectivité. Même si l'arrêt du tribunal administratif accordant
l'autorisation ne préjuge en rien le jugement au fond, il ne paraît absolument
pas adapté de parler dans ce cas de « requête abusive ».
M. Jacques Mahéas.
Tout à fait !
M. Jean-Paul Amoudry,
rapporteur.
La consignation d'une somme d'argent, si elle existe
actuellement dans la procédure de substitution des contribuables en vertu de
dispositions réglementaires, vise non pas à lutter contre les recours abusifs,
mais à s'assurer que le contribuable dispose des moyens financiers suffisants
pour mener à terme une procédure qui bénéficie à la collectivité.
Enfin, en cas de requête abusive, cet amendement prévoit l'octroi de dommages
et intérêts dans les conditions prévues par le code civil. Il convient de bien
distinguer la procédure d'autorisation de plaider de l'instance au fond. A la
demande de la collectivité, le juge du fond peut utiliser la procédure des
dommages et intérêts - juge pénal et juge civil - ou celle des frais
irrépétibles - juge administratif.
Par ailleurs, la commission est favorable à l'amendement n° 28 rectifié. Cet
amendement, qui vise à sanctionner les recours abusifs, mérite, en effet, de
retenir l'attention. Sa rédaction est calquée sur celle de l'article R. 88 du
code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, dont je
rappelle les termes : « Dans le cas de requête jugée abusive, son auteur
encourt une amende qui ne peut excéder 20 000 francs. » Il est d'autant plus
utile de prévoir une sanction contre les demandes abusives que la jurisprudence
actuelle exclut l'application de l'article R. 88 du code des tribunaux
administratifs et des cours administratives d'appel pour les arrêts du tribunal
administratif accordant ou refusant l'autorisation de plaider, au motif qu'ils
ne présentent pas de caractère juridictionnel.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 16, 25, 26, 13
rectifié
bis,
27 et 28 rectifié ?
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat.
Sur ces amendements, que nous retrouverons à l'article
13
ter
puisque l'article 13
bis
concerne le département et
l'article 13
ter
la région, permettez-moi de formuler quelques
observations générales qui justifient la position du Gouvernement.
D'abord, nous avons une série d'amendements visant à supprimer l'article 13
bis
qui permet l'exercice par un contribuable des actions appartenant au
département lorsque le contribuable estime que le département n'exerce pas ses
actions. Ces dispositions que le Sénat avait retenues en deuxième lecture
figurent aujourd'hui dans le code général des collectivités territoriales, et
figurent également au titre des établissements publics de coopération
intercommunale.
En tant que vice-président de la communauté urbaine de Lyon, je suis bien
placé pour dire que déjà certains contribuables ont souhaité exercer ces
actions, bien que la loi soit récente. Je ne vois pas pourquoi une disposition
qui existe pour les établissements publics de coopération intercommunale ne
serait pas étendue par l'article 13
bis
au département et par l'article
13
ter
à la région. Cette extension répond à une logique de
transparence.
Le deuxième point soulevé par ces amendements concerne la rédaction proposée
pour le troisième alinéa du nouvel article L. 3133-1 du code général des
collectivités territoriales et selon laquelle « le président du conseil général
soumet ce mémoire au conseil général spécialement convoqué à cet effet ». Cette
rédaction est en effet ambiguë. Convocation spéciale signifie, selon moi,
inscription à l'ordre du jour. En réalité, l'interprétation - puisque nous
traitons de points de procédure et Dieu sait si les procéduriers peuvent être
nombreux - pourrait faire comprendre que le conseil général est convoqué en
session extraordinaire. Aussi, pour que toute ambiguïté soit levée, le
Gouvernement est favorable à l'amendement n° 13 rectifié
bis.
La troisième question est plus complexe puisqu'elle porte sur la
responsabilité d'une requête abusive à la charge du contribuable. Il me semble
que, en l'occurrence, il y a confusion entre la sanction des recours abusifs et
la réparation du préjudice que le département peut éventuellement demander. En
tout état de cause, il ne semble pas utile d'ajouter des dispositions au texte
actuel, qui prévoit déjà que le contribuable exerce son action à ses frais et
risques, puisque la référence à ces frais et risques réserve la possibilité
d'une réparation civile pour le département. C'est pourquoi le Gouvernement est
défavorable aux autres amendements qui conduisent à accentuer la responsabilité
du contribuable en cas de requête abusive.
J'ajouterai que ces amendements introduiraient un hiatus par rapport à la
procédure applicable à l'échelon communal et renforceraient encore ce régime de
responsabilité.
Le Gouvernement est donc favorable à l'amendement n° 13 rectifié
bis
et
défavorable aux amendements n°s 16, 25, 26, 27 et 28 rectifié.
M. Jean-Paul Amoudry,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Amoudry,
rapporteur.
A ce point du débat, je voudrais souligner que, puisque ce
texte est examiné en nouvelle lecture au Sénat, l'Assemblée nationale ne
pourra, en lecture définitive, que voter son texte de nouvelle lecture assorti,
éventuellement, de nos amendements. La suppression des articles 13
bis
et 13
ter
ne lui permettrait pas de modifier son point de vue. C'est
la raison pour laquelle je demande la priorité pour le vote de l'amendement n°
13 rectifié
bis
et de l'amendement n° 28 rectifié.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur la demande de priorité ?
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat.
En ce domaine, je laisse la sagesse du Sénat
s'exercer.
M. le président.
La priorité est ordonnée.
Je vais donc mettre aux voix l'amendement n° 13 rectifié
bis
.
M. Jacques Mahéas.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas.
Selon nous, l'amendement n° 13 rectifié
bis
est un amendement de bon
sens. Aussi, nous le voterons. Les divers amendements déposés au sein de notre
commission visent à substituer une réunion dans les conditions de droit commun
à la réunion extraordinaire du conseil général ou du conseil régional -
l'explication de vote sera la même à l'article 13
ter
qui concerne le
conseil régional - spécialement convoqué dès lors qu'un contribuable souhaite
exercer un recours au nom du département ou de la région.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 13 rectifié
bis
, accepté par le
Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 28 rectifié, accepté par la commission et
repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, les amendements n°s 16, 26 et 27 n'ont plus d'objet.
Monsieur Darniche, l'amendement n° 25 est-il maintenu ?
M. Philippe Darniche.
Compte tenu des explications de M. le rapporteur, je le retire.
M. le président.
L'amendement n° 25 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 13
bis,
modifié.
(L'article 13
bis
est adopté.)
Article 13
ter
M. le président.
« Art. 13
ter.
- Le titre IV du livre Ier de la quatrième partie du
même code est complété par un chapitre III ainsi rédigé :
« Chapitre III
« Exercice par un contribuable
des actions appartenant à la région
«
Art. L. 4143-1
. - Tout contribuable inscrit au rôle de la région a
le droit d'exercer, tant en demande qu'en défense, à ses frais et risques, avec
l'autorisation du tribunal administratif, les actions qu'il croit appartenir à
la région, et que celle-ci, préalablement appelée à en délibérer, a refusé ou
négligé d'exercer.
« Le contribuable adresse au tribunal administratif un mémoire.
« Le président du conseil régional soumet ce mémoire au conseil régional
spécialement convoqué à cet effet. Le délai de convocation peut être abrégé.
« Lorsqu'un jugement est intervenu, le contribuable ne peut se pourvoir en
appel ou en cassation qu'en vertu d'une nouvelle autorisation. »
Sur cet article, je suis saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet
d'une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° 14 est présenté par M. Jacques Larché.
L'amendement n° 17 est déposé par M. de Rohan et les membres du groupe du
Rassemblement pour la République.
L'amendement n° 22 est présenté par M. de Raincourt et les membres du groupe
des Républicains et Indépendants.
Tous trois tendent à supprimer l'article 13
ter
.
Par amendement n° 15 rectifié, M. Jacques Larché propose, après les mots : «
au conseil régional », de remplacer la fin de l'avant-dernier alinéa du texte
présenté par l'article 13
ter
pour l'article L. 4143-1 du code général
des collectivités territoriales par les mots : « réuni dans les conditions
prévues aux articles L. 4132-8 et L. 4132-9 ».
Par amendement n° 29 rectifié, M. de Rohan et les membres du groupe du
Rassemblement pour la République proposent de compléter
in fine
le texte
présenté par l'article 13
ter
pour l'article L. 4143-1 du code général
des collectivités territoriales par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cas d'une demande jugée abusive ou dilatoire, son auteur encourt une
amende dont le montant est fixé par le tribunal administratif. »
L'amendement n° 14 est-il soutenu ?...
La parole est à M. Gérard, pour défendre l'amendement n° 17.
M. Alain Gérard.
L'article 13
ter
vise à permettre à tout contribuable inscrit au rôle
de la région d'exercer des actions appartenant à la région.
La conséquence en serait, d'une part, un accroissement de la suspicion pénale
à l'égard des élus, que nous nous efforçons pourtant de combattre, et, d'autre
part, un déséquilibre dans le rapport entre administrés et élus puisque, sur
simple rédaction d'un mémoire, un contribuable pourrait obtenir une réunion
spéciale du conseil régional pour étudier son mémoire alors même qu'un
conseiller régional ne le pourrait.
Cette disposition, si elle était adoptée, aurait des effets extrêmement
nuisibles puisque de telles actions pourraient obtenir un écho médiatique,
alors même que le tribunal administratif compétent ne leur donnerait pas de
suite.
Il convient donc de supprimer cet article en attendant de trouver une
rédaction ne portant pas atteinte aux collectivités territoriales tout en
préservant les intérêts des contribuables.
M. le président.
L'amendement n° 22 est-il soutenu ?...
L'amendement n° 15 rectifié est-il soutenu ?...
M. Jean-Paul Amoudry,
rapporteur.
Je le reprends, car la commission avait émis un avis
favorable sur ce texte, par coordination.
M. le président.
Je suis donc saisi d'un amendement n° 15 rectifié
bis,
présenté par M.
Amoudry, au nom de la commission, et tendant, après les mots : « au conseil
régional », à remplacer la fin de l'avant-dernier alinéa du texte proposé par
cet article pour l'article L. 4143-1 du code général des collectivités
territoriales par les mots : « réuni dans les conditions prévues aux articles
L. 4132-8 et L. 4132-9 ».
La parole est à M. le rapporteur, pour le défendre.
M. Jean-Paul Amoudry,
rapporteur.
Cet amendement a le même objet que l'amendement n° 13
rectifié
bis,
précédemment adopté, concernant l'exercice par un
contribuable d'un recours contentieux intéressant la région.
M. le président.
La parole est à M. Gérard, pour défendre l'amendement n° 29 rectifié.
M. Alain Gérard.
L'actuelle rédaction de cet article est profondément déséquilibrée en ce
qu'elle donne à tout contribuable le pouvoir d'obtenir une session spéciale du
conseil régional, pouvoir dont ne disposent aujourd'hui, en vertu de l'article
L. 4132-9 du code général des collectivités territoriales, que la commission
permanente ou un tiers des membres du conseil général ou, en cas de
circonstances exceptionnelles, le Gouvernement par décret.
Par ailleurs, l'article L. 4231-7 du code général des collectivités
territoriales confie à la commission permanente une compétence propre en
matière de défense dans les procédures contentieuses. Il serait contradictoire
de la priver de cette compétence dans l'instance administrative précontentieuse
qu'organise le nouvel article L. 4143-1.
Enfin, bien que s'agissant d'une procédure administrative devant le tribunal
administratif et non d'un jugement, il paraît nécessaire que la région puisse
faire valoir sa position et que le contribuable supporte la responsabilité de
son mémoire en réparant l'éventuel préjudice subi. En effet, dans le cas d'une
procédure administrative, le tribunal administratif ne peut pas tirer les
conséquences prévues dans les cas de requêtes abusives.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 17 et 29 rectifié
?
M. Jean-Paul Amoudry,
rapporteur.
La commission émet un avis défavorable sur l'amendement n°
17, par coordination, et un avis favorable sur l'amendement n° 29 rectifié,
également par coordination.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 17, 15 rectifié
bis
et 29 rectifié ?
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat.
Nous reprenons le débat qui a été précédemment mené, à
l'article 13
bis,
à propos des départements. Ici, il s'agit des
régions.
Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 15 rectifié
bis
et
défavorable aux amendements n°s 17 et 29 rectifié, pour les raisons qui ont
déjà été exprimées.
M. Jean-Paul Amoudry,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Amoudry,
rapporteur.
Pour les mêmes raisons que celles que j'ai explicitées à
l'occasion de la discussion de l'article 13
bis,
la commission demande
la priorité de mise aux voix des amendements n°s 15 rectifié
bis
et 29
rectifié.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président.
La priorité est ordonnée.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 15 rectifié
bis,
accepté par le
Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 29 rectifié, accepté par la commission et
repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence l'amendement n° 17 n'a plus d'objet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 13
ter,
modifié.
(L'article 13
ter
est adopté.)
Article 14
M. le président.
« Art. 14. - Toute personne tenue de respecter une date limite ou un délai
pour présenter une demande, déposer une déclaration, exécuter un paiement ou
produire un document auprès d'une autorité administrative peut satisfaire à
cette obligation au plus tard à la date prescrite au moyen d'un envoi postal,
le cachet de la poste faisant foi, ou d'un procédé télématique ou informatique
homologué permettant de certifier la date d'envoi. Ces dispositions ne sont
applicables ni aux procédures régies par le code des marchés publics ni à
celles pour lesquelles la présence personnelle du demandeur est exigée en
application d'une disposition particulière.
« Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en
Conseil d'Etat. »
Par amendement n° 18 rectifié, M. Hoeffel propose d'insérer, après le premier
alinéa de cet article, un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions de l'alinéa précédent sont applicables aux requêtes,
mémoires et productions adressés aux juridictions administratives, à
l'exception de ceux prévus à l'article L. 28 du code des tribunaux
administratifs et des cours administratives d'appel, ainsi que des documents
produits dans le cadre des procédures d'urgence. »
La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel.
Cet amendement vise à étendre la règle de la date d'envoi édictée par
l'article 14 pour l'accomplissement des formalités administratives aux délais
de recours contentieux applicables aux juridictions administratives.
La mise en oeuvre par les greffes de ces juridictions de la règle de la
réception est d'ores et déjà la source de nombreuses difficultés. On peut
craindre que le maintien de cette règle dérogatoire après l'entrée en vigueur
de la présente loi n'aboutisse à multiplier les cas dans lesquels les
requérants se verront opposer une forclusion alors qu'ils pensaient
légitimement avoir déposé leur recours dans les délais prescrits.
Il est donc proposé d'aligner les juridictions administratives sur le droit
commun en ce qui concerne le mode de computation de ces délais, étant souligné
que cet alignement ne soulève aucune difficulté technique.
Il me paraît intéressant de rappeler que cette disposition figurait dans
l'avant-projet de loi élaboré par le Gouvernement. J'ignore les raisons pour
lesquelles elle en a été retirée, mais ces raisons me semblent en tout état de
cause étrangères à l'objectif d'amélioration des relations entre les citoyens
et l'Etat, qui est celui du présent projet de loi.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Paul Amoudry,
rapporteur.
La commission souhaiterait connaître l'avis du Gouvernement
avant de se prononcer.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat.
Je confirme à M. Hoeffel que cette disposition
figurait dans un avant-projet du présent texte ; néanmoins, le Gouvernement ne
l'a finalement pas retenue, estimant qu'elle relevait d'un cadre spécifique,
qui est celui des relations entre les justiciables et les juridictions
administratives.
C'est pourquoi le Gouvernement souhaite que cette question soit examinée non
pas dans le cadre des relations des citoyens avec les administrations, mais
plutôt dans un texte ultérieur sur les rapports entre les justiciables et les
juridictions de l'ordre administratif, par exemple à l'occasion du projet de
loi relatif au référé administratif, qui est actuellement en discussion dans
l'une des assemblées.
M. Daniel Hoeffel.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse et prends
note avec satisfaction que ce problème, qui est réel, fera l'objet d'une étude
ultérieure dans un cadre spécifique. Dans ces conditions, je retire cet
amendement.
M. Jacques Mahéas.
Très bien !
M. le président.
L'amendement n° 18 rectifié est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 14.
(L'article 14 est adopté.)
Article 21
M. le président.
« Art. 21. - Une décision implicite d'acceptation peut être retirée, pour
illégalité, par l'autorité administrative :
« 1°
Non modifié
;
« 2° Pendant le délai de deux mois à compter de la date à laquelle est
intervenue la décision, lorsqu'aucune mesure d'information des tiers n'a été
mise en oeuvre ;
« 3°
Non modifié.
»
Par amendement n° 8, M. Amoudry, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit l'avant-dernier alinéa (2°) de cet article :
« 2° Lorsqu'aucune mesure d'information des tiers n'a été mise en oeuvre,
pendant le délai de deux mois à compter de la date à laquelle est intervenue la
décision, ou, sur demande d'un tiers y ayant intérêt, pendant le délai de
quatre mois à compter de la même date ; ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Amoudry,
rapporteur.
L'article 21 envisage trois hypothèses pour le retrait par
l'administration des décisions implicites d'acceptation illégales, en
distinguant selon que les mesures d'information des tiers ont ou non été
prises.
Le Sénat avait proposé que, dans le cas où aucune mesure de publicité de la
décision administrative n'avait été prise, l'administration puisse retirer la
décision administrative illégale à la demande d'un tiers intéressé dans un
délai de quatre mois à compter de la date à laquelle est intervenue la
décision.
Cette solution équilibrée, qui permet à la fois de garantir les droits des
tiers et de préserver la sécurité juridique à laquelle ont droit les
bénéficiaires des décisions administratives, avait obtenu l'avis favorable du
Gouvernement. L'Assemblée nationale a cependant rétabli un délai de deux
mois.
La commission des lois soumet un amendement rétablissant la position du Sénat
adoptée en deuxième lecture. Elle vous propose d'adopter l'article 21, ainsi
modifié.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat. En
effet, comme l'a expliqué M. le rapporteur, le Sénat, lors de la précédente
lecture, avait fait un effort de compromis, et le Gouvernement avait alors émis
un avis favorable. Il s'en remet aujourd'hui à la sagesse de la Haute
Assemblée, et ce même si l'Assemblée nationale a exprimé son désaccord avec le
texte du Sénat.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 8.
M. Jacques Mahéas.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas.
En deuxième lecture, le Gouvernement avait accepté cette solution de
compromis. Dans le cas où aucune mesure de publicité de la décision
administrative n'a été prise, l'administration pourrait donc retirer la
décision administrative illégale à la demande d'un tiers dans un délai de
quatre mois à compter de la date à laquelle est intervenue la décision.
Compte tenu des explications apportées et de l'avis de sagesse exprimé par le
Gouvernement, les sénateurs socialistes voteront cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
M. Robert Bret.
Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 21, ainsi modifié.
(L'article 21 est adopté.)
Articles 22, 22
bis,
24, 24
bis,
25,
26 et 26
ter
A
M. le président.
« Art. 22. - Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les
décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles
1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des
actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration
et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à
même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande,
des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil
ou représenter par un mandataire de son choix. L'autorité administrative n'est
pas tenue de satisfaire les demandes d'audition abusives, notamment par leur
nombre, leur caractère répétitif ou systématique.
« Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables :
« 1° à 3°
Non modifiés
.
« Les modalités d'application du présent article sont fixées en tant que de
besoin par décret en Conseil d'Etat. » -
(Adopté.)
« Art. 22
bis.
- Les décisions des organismes de sécurité sociale et de
mutualité sociale agricole de salariés ou de non-salariés ordonnant le
reversement des prestations sociales indûment perçues sont motivées. Elles
indiquent les voies et délais de recours ouverts à l'assuré, ainsi que les
conditions et les délais dans lesquels l'assuré peut présenter ses observations
écrites ou orales. Dans ce dernier cas, l'assuré peut se faire assister par un
conseil ou représenter par un mandataire de son choix. » -
(Adopté.)
« Art. 24. - Afin de faciliter les démarches des usagers et d'améliorer la
proximité des services publics sur le territoire en milieu urbain et rural, une
maison des services publics réunit des services publics relevant de l'Etat ou
de ses établissements publics, des collectivités territoriales ou de leurs
établissements publics, des organismes de sécurité sociale ou d'autres
organismes chargés d'une mission de service public parmi lesquels figure au
moins une personne morale de droit public.
« Les agents exerçant leurs fonctions dans les maisons des services publics
sont régis par les dispositions prévues par leur statut ou les dispositions
législatives et réglementaires les concernant. Le responsable de la maison des
services publics est désigné parmi les agents soumis aux dispositions de la loi
n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des
fonctionnaires.
« La maison des services publics est créée par une convention qui est
approuvée par le représentant de l'Etat dans le département.
« Cette convention définit le cadre géographique dans lequel la maison des
services publics exerce son activité, les missions qui y sont assurées, les
modalités de désignation de son responsable, les prestations qu'elle peut
délivrer et les décisions que son responsable peut prendre dans le domaine de
compétence de son administration ou signer sur délégation de l'autorité
compétente. La convention prévoit également les conditions dans lesquelles les
personnels relevant des personnes morales qui y participent exercent leurs
fonctions. Elle règle les modalités financières et matérielles de
fonctionnement de la maison des services publics ainsi que les modalités
d'accès aux services publics des personnes ayant des difficultés pour se
déplacer. Les services publics concernés peuvent être proposés, notamment en
milieu rural, de façon itinérante dans le cadre géographique défini par la
convention.
« Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en
Conseil d'Etat. » -
(Adopté.)
« Art. 24
bis.
- I. - La première phrase du deuxième alinéa de
l'article 29-1 de la loi du d'orientation pour
l'aménagement et le développement du territoire est ainsi rédigée :
« A cette fin, les organismes visés au premier alinéa peuvent, dans les
conditions prévues par les articles 24 et 25 de la loi du relative
aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, créer
des maisons des services publics ou participer à leur fonctionnement, afin
d'offrir aux usagers un accès simple, en un lieu unique, à plusieurs services
publics ; ces organismes peuvent également, aux mêmes fins et pour maintenir la
présence d'un service public de proximité, conclure une convention régie par
l'article 26 de la même loi. »
« II. - Dans le IV de l'article 30 de la loi n° 99-533 du 25 juin 1999
d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire,
après les mots : "maisons des services publics", sont insérés les mots :
"prévues par l'article 24 de la loi du relative aux
droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations". » -
(Adopté.)
« Art. 25. - Une ou des maisons des services publics peuvent être créées sous
la forme d'un groupement d'intérêt public régi par les dispositions de
l'article 21 de la loi n° 82-610 du 15 juillet 1982 d'orientation et de
programmation pour la recherche et le développement technologique de la France
et soumis aux règles de la comptabilité publique et du code des marchés
publics, dans les conditions définies à l'article 24 de la présente loi. Les
fonctionnaires qui y travaillent sont mis à disposition ou détachés.
« Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en
Conseil d'Etat. » -
(Adopté.)
« Art. 26. - Une convention régie par les dispositions des troisième et
quatrième alinéas de l'article 24 peut être conclue par une personne morale
chargée d'une mission de service public avec l'Etat, une collectivité
territoriale ou une autre personne morale chargée d'une mission de service
public afin de maintenir la présence d'un service public de proximité. » -
(Adopté.)
« Art. 26
ter
A. - Le dernier alinéa de l'article 110 de la loi n°
84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la
fonction publique territoriale est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Cette disposition ne saurait interdire aux juridictions compétentes et aux
autorités administratives chargées du contrôle de légalité d'exercer leurs
missions dans les conditions de droit commun. » -
(Adopté.)
Article 26
quater
M. le président.
« Art. 26
quater
. - I. - Les agents non titulaires de l'Etat et de ses
établissements publics à caractère administratif, en fonctions à la date de
publication de la présente loi et qui n'ont pas été recrutés en application des
articles 3, 4, 6 et 27 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant
dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat,
bénéficient d'un contrat à durée indéterminée lorsqu'ils assurent :
« 1° Soit des fonctions du niveau de la catégorie C concourant à l'entretien
ou au gardiennage de services administratifs ;
« 2° Soit des fonctions de même niveau concourant au fonctionnement de
services administratifs de restauration, des hôtels de représentation du
Gouvernement dans les régions et les départements, des hôtels de commandement
ou des services d'approvisionnement relevant du ministère chargé de la
défense.
« Les fonctions mentionnées ci-dessus peuvent être exercées à temps
incomplet.
« II. - Les personnels mentionnés au I ci-dessus peuvent demander que le
contrat de travail sur la base duquel ils ont été engagés soit un contrat de
droit privé soumis aux dispositions du code du travail. Les intéressés
disposent d'un délai d'un an à compter de la date de publication de la présente
loi pour présenter leur demande. Le bénéfice des dispositions du présent
paragraphe leur est reconnu à compter de la date de leur engagement initial.
« III. - Les dispositions des I et II ci-dessus ne s'appliquent pas aux
personnels contractuels qui ont été recrutés sur place, avant la date de
publication de la présente loi, par les services de l'Etat à l'étranger, sur
des contrats de travail soumis au droit local, quelles que soient les fonctions
qu'ils exercent.
« IV. - Les dispositions de la loi n° 96-1093 du 16 décembre 1996 relative à
l'emploi dans la fonction publique et à diverses mesures d'ordre statutaire ne
s'appliquent pas aux agents mentionnés au III ci-dessus.
« V. - Lorsque les nécessités du service le justifient, les services de l'Etat
à l'étranger peuvent, dans le respect des conventions internationales du
travail, faire appel à des personnels contractuels recrutés sur place, sur des
contrats de travail soumis au droit local, pour exercer des fonctions
concourant au fonctionnement desdits services.
« Dans le délai d'un an suivant la publication de la présente loi, et après
consultation de l'ensemble des organisations syndicales représentatives, le
Gouvernement présentera au Parlement un rapport portant sur l'évaluation
globale du statut social de l'ensemble des personnels sous contrat travaillant
à l'étranger.
« VI. - Les agents visés aux I, II et III du présent article ne peuvent
bénéficier des dispositions des articles 73 et suivants de la loi n° 84-16 du
11 janvier 1984 précitée, à l'exception de ceux qui ont obtenu une décision de
justice passée en force de chose jugée. »
Sur l'article, la parole à M. Bret.
M. Robert Bret.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cet
article, introduit de façon inopportune dans ce texte, est celui qui,
malheureusement, retarde l'adoption du projet de loi.
En effet, il ne satisfait personne, et les avis et interprétations sont si
différents qu'aucun accord n'a pu être trouvé lors de la commission mixte
paritaire.
La façon dont le Gouvernement entend limiter la portée de l'arrêt Berkani pose
question. Plutôt que de faire bénéficier l'ensemble des agents exerçant une
mission de service public de la jurisprudence, à savoir d'un contrat de droit
public, il en exclu certains d'entre eux, notamment les agents de catégorie C
exerçant une mission autre que la restauration, le gardiennage et
l'entretien.
Cela est vrai pour cet article comme pour l'article relatif à la fonction
publique territoriale.
Un maire de mon département m'a d'ailleurs interpellé plus particulièrement
sur les aides à domicile, du bénéfice desquelles les agents des services
administratifs de catégorie C seront également exclus.
La majorité sénatoriale fait le choix non pas de limiter la portée de la
jurisprudence Berkani, mais de la contrer en ne faisant bénéficier les agents
visés que d'un contrat à durée déterminée de trois ans.
Evidemment, nous ne voterons pas ces amendements.
En revanche, la commission des lois propose de supprimer les dispositions
prévoyant de soumettre les recrutés locaux au droit local. Nous voterons cet
amendement. En effet, ces mesures sont particulièrement dangereuses au regard
des disparités existant à l'échelle internationale en matière de droit du
travail. Le droit français est l'un des plus favorables aux salariés, et c'est
pourquoi nous souhaitons qu'il s'applique à l'ensemble des agents au service de
notre pays, et ce quel que soit l'endroit où ceux-ci travaillent.
Telles sont les remarques que je voulais livrer au nom du groupe communiste
républicain et citoyen, remarques qui nous amènent, une fois de plus, à voter
contre.
M. le président.
La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas.
Je me suis déjà exprimé dans la discussion générale, tout comme ma collègue
Monique Cerisier-ben Guiga.
Sur le fond du dispositif lui-même, la solution que va proposer la commission
des lois nous paraît tout à fait insatisfaisante, car elle conduit à un net
recul par rapport au texte du Gouvernement pour les personnels concernés. En
effet, ces derniers, qui bénéficient actuellement d'un contrat de droit privé à
durée indéterminée, ne pourraient plus bénéficier que d'un contrat, certes de
droit public, mais d'une durée maximale de trois ans par reconduction expresse,
au bon vouloir de l'employeur.
Nous ne pouvons accepter un dispositif qui aggraverait la situation de
précarité de ces personnels, alors même que l'objectif poursuivi est d'y mettre
un terme.
Sur le dispositif proposé par le Gouvernement, je vous ai fait part de mes
interrogations lors de la discussion générale : plus qu'une liste qui se veut
exhaustive, j'aurais préféré une transcription plus stricte de la jurisprudence
Berkani, et, plutôt que d'établir une liste des personnels concernés, j'aurais
préféré que l'on vise tous les personnels quel que soit leur emploi. Ainsi, on
aurait été vraiment sûr de mettre un terme à tous les contentieux et de ne
laisser personne sur la touche. Je continue de penser qu'il y a un risque de
nouveaux contentieux !
En ce qui concerne les recrutés locaux, je vous demande avec force, au nom du
groupe socialiste, monsieur le secrétaire d'Etat, d'intervenir avec
détermination auprès de votre collègue du Quai d'Orsay pour faire avancer ce
dossier, dans la concertation et dans les meilleurs délais.
M. le président.
Par amendement n° 9, M. Amoudry, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit le premier alinéa du I de l'article 26
quater :
« Les agents non titulaires de l'Etat et de ses établissements publics à
caractère administratif, en fonctions à la date de publication de la présente
loi et qui n'ont pas été recrutés en application des articles 3, 4, 6 et 27 de
la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à
la fonction publique de l'Etat, peuvent bénéficier d'un contrat d'une durée
maximale de trois ans renouvelable par reconduction expresse lorsqu'ils
assurent : ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Amoudry,
rapporteur.
En première lecture, le Sénat avait considéré que la notion
de contrat de droit public à durée indéterminée était trop dérogatoire par
rapport au droit commun des contrats de recrutement dans la fonction
publique.
L'Assemblée nationale a cependant rétabli ces dispositions, considérant que le
droit d'option proposé permettrait aux agents concernés de conserver un statut
de droit privé afin de cumuler plusieurs emplois.
En commission mixte paritaire, les sénateurs ont insisté sur les risques que
de telles mesures faisaient courir aux collectivités employeurs, mais aussi aux
agents. Ils ont mis en évidence le fait que plusieurs questions restaient en
suspens, en particulier l'interdiction de cumul entre activités publiques et
privées - sujet d'un rapport récemment publié par le Conseil d'Etat - ainsi que
la transformation de contrats de droit privé en contrats de droit public à
durée indéterminée, véritable innovation juridique de ce projet de loi.
Votre rapporteur avait proposé une solution de conciliation tendant à accepter
le principe de la transposition dans la loi de la jurisprudence, en y apportant
les deux correctifs qui font l'objet de cet amendement.
La rédaction proposée a été, je le rappelle, adoptée par la commission mixte
paritaire, mais tel n'a pas été le cas de la coordination proposée pour
l'article 26
quinquies,
concernant la fonction publique territoriale.
C'est d'ailleurs sur ce point qu'a été constaté l'échec de la commission mixte
paritaire, je me devais de rappeler cet élément avant que nous passions au
vote.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat.
Cet amendement est important, puisqu'il concerne la
situation de près de 15 000 agents de la fonction publique.
Ces agents étaient, auparavant, soumis à des contrats de droit privé à durée
indéterminée. L'arrêt Berkani, rendu par le tribunal des conflits, a donné à
ces contrats la nature de droit public, et le Gouvernement s'est inscrit dans
cette démarche.
L'amendement que nous propose M. Amoudry, au nom de la commission des lois,
viserait à transformer ces contrats de droit public à durée indéterminée en
contrats à durée déterminée, pour une durée maximum de trois ans. Même s'il
peut y avoir des procédures de reconduction, ce serait là un véritable recul
par rapport à la situation qui résulte de la jurisprudence Berkani.
J'ajoute que les agents concernés ont la possibilité d'opter, dans un délai
d'un an, soit pour le maintien de leur contrat de droit privé, soit pour un
contrat de droit public. Soumis à un contrat de droit public, on comprendrait
mal qu'ils passent d'un contrat à durée indéterminée à un contrat à durée
déterminée, même renouvelable !
M. Jean-Paul Amoudry,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Amoudry,
rapporteur.
Je souhaite simplement rappeler à M. le secrétaire d'Etat
que, si la jurisprudence Berkani reconnaît la qualité de droit public au
contrat, en aucune façon elle ne prévoit une quelconque durée pour ledit
contrat.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 10, M. Amoudry, au nom de la commission, propose :
A. - De supprimer les III, IV et V de cet article.
B. - En conséquence, de rédiger comme suit le début du VI de cet article :
« VI. - Les agents visés aux I et II du présent article... »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Amoudry,
rapporteur.
S'agissant des recrutés locaux, le rapport Amiot préconise «
l'intervention du législateur pour neutraliser les effets de la jurisprudence
Berkani », afin d'affranchir expressément le recrutement local des règles de la
fonction publique française et de poser le principe de l'application du droit
local aux agents considérés, y compris en ce qui concerne la compétence de
droit commun du juge local.
Le rapport Amiot ajoute qu'eu égard aux lois du 11 janvier 1984, dite « loi Le
Pors », et du 16 décembre 1996, dite « loi Perben », les recrutés locaux de
nationalité française ont une vocation incontestable à la titularisation dès
lors qu'ils en font la demande et en remplissent les conditions.
Alors que la volonté du législateur, exprimée en décembre 1996, c'est-à-dire
après l'arrêt Berkani, tendait à placer l'ensemble des agents non titulaires de
l'Etat sur un même plan, le rapport Amiot recommande « l'exclusion formelle,
décidée par la loi, de tous les recrutés locaux au bénéfice des lois Le Pors et
Perben ».
Considérant que la volonté du législateur s'est déjà exprimée récemment lors
de l'adoption de la loi Perben, la commission des lois vous propose de
supprimer toute référence aux recrutés locaux dans le présent projet de loi.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Mme Cerisier-ben Guiga a attiré notre attention sur cette question tout à
l'heure et, comme l'a indiqué M. le rapporteur, le rapport de l'ambassadeur
Amiot a permis de dégager un plan d'action au regard des recrutés locaux.
Par ailleurs, le projet de loi prévoit qu'un nouveau rapport sera remis au
Parlement dans un délai d'un an.
Parallèlement, le Quai d'Orsay entend s'engager sur cette question pour régler
le problème des recrutés locaux, qui est un dossier difficile car il inclut des
données statutaires différentes.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 26
quater,
modifié.
(L'article 26
quater
est adopté.)
Article 26
quinquies
M. le président.
« Art. 26
quinquies
. - I. - Les agents non titulaires des collectivités
territoriales et des établissements publics en relevant mentionnés à l'article
2 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires
relatives à la fonction publique territoriale, en fonctions à la date de
publication de la présente loi, qui n'ont pas été recrutés en application de
l'article 3 et des deux derniers alinéas de l'article 38 de la loi n° 84-53 du
26 janvier 1984 précitée, et qui assurent :
« 1° soit des fonctions du niveau de la catégorie C concourant à l'entretien
ou au gardiennage de services administratifs,
« 2° soit des fonctions de même niveau concourant au fonctionnement de
services administratifs de restauration,
« bénéficient d'un contrat à durée indéterminée sauf s'ils sont recrutés dans
les conditions prévues au d de l'article 38 de la loi n° 84-53 du 26 janvier
1984 précitée.
« Les agents non titulaires qui bénéficient d'un contrat à durée indéterminée
en application du présent paragraphe sont régis par les deuxième et quatrième
alinéas de l'article 136 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée. »
« II. - Les agents non titulaires mentionnés au I ci-dessus peuvent demander
que le contrat de travail sur la base duquel ils ont été engagés soit un
contrat de droit privé soumis aux dispositions du code du travail. Les
intéressés disposent d'un délai d'un an à compter de la date de publication de
la présente loi pour présenter leur demande. Le bénéfice des dispositions du
présent paragraphe leur est reconnu à compter de la date de leur engagement
initial.
« III. - Les agents visés au I et au II ci-dessus ne peuvent bénéficier des
dispositions des articles 126 à 135 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984
précitée, à l'exception de ceux qui ont obtenu une décision de justice passée
en force de chose jugée. »
Par amendement n° 11, M. Amoudry, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit les quatre premiers alinéas du I de cet article :
« Les agents non titulaires des collectivités territoriales et des
établissements publics en relevant mentionnés à l'article 2 de la loi n° 84-53
du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction
publique territoriale, en fonctions à la date de publication de la présente
loi, qui n'ont pas été recrutés en application de l'article 3 et des deux
derniers alinéas de l'article 38 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984
précitée, et qui assurent :
« 1° soit des fonctions du niveau de la catégorie C concourant à l'entretien
ou au gardiennage de services administratifs,
« 2° soit des fonctions de même niveau concourant au fonctionnement de
services administratifs de restauration,
« peuvent bénéficier d'un contrat d'une durée maximale de trois ans
renouvelable par reconduction expresse sauf s'ils sont recrutés dans les
conditions prévues au
d
de l'article 38 de la loi n° 84-53 du 26 janvier
1984 précitée. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Amoudry,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de coordination avec la solution
retenue à l'article 26
quater
pour la fonction publique d'Etat.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat.
Défavorable, par coordination.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 26
quinquies,
ainsi modifié.
(L'article 26
quinquies
est adopté.)
Article 27 AA
M. le président.
« Art. 27 AA. - Sous réserve des décisions passées en force de chose jugée,
ont la qualité d'étudiant de deuxième année du premier cycle d'études médicales
à l'université de Montpellier I au titre de l'année universitaire 1999-2000 les
candidats dont l'admission a été prononcée conformément au classement arrêté
par le jury du 20 décembre 1999 et compte tenu du nombre d'étudiants admis à
poursuivre ces études fixé à la suite de la reprise de deux épreuves ordonnée
par le tribunal administratif de Montpellier dans son jugement du 14 octobre
1999. » -
(Adopté.)
Article additionnel après l'article 27 AA
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
Le premier, n° 1 rectifié
bis,
est présenté par MM. Gérard, de Rohan,
Esneu et Lassourd.
Le second, n° 20, est déposé par MM. Marc, Le Pensec, Mme Yolande Boyer et les
membres du groupe socialiste et apparentés.
Tous deux tendent à insérer, après l'article 27 AA, un article additionnel
ainsi rédigé :
« Sous réserve des décisions passées en force de chose jugée, sont validées
les quatre-vingt-huit admissions en deuxième année d'études médicales et
odontologiques pour l'année universitaire 1999-2000 intervenues à la suite des
épreuves du concours organisé pour l'année universitaire 1998-1999 à
l'université de Bretagne occidentale, en tant que leur légalité serait remise
en cause sur le fondement de l'irrégularité de la correction des épreuves
correspondantes et de la fixation du nombre d'étudiants autorisés à poursuivre
ces études. »
La parole est à M. Gérard, pour présenter l'amendement n° 1 rectifié
bis.
M. Alain Gérard.
Cet amendement vise à valider l'inscription en deuxième année des étudiants en
médecine et en odontologie de la faculté de Brest qui avaient été admis à
poursuivre ces études.
Le jugement rendu par le tribunal administratif de Rennes le 9 mars 2000, en
exigeant l'organisation d'une nouvelle épreuve de « santé communautaire » dans
le cadre du concours d'entrée en seconde année du premier cycle d'études
médicales de Brest, a mis en évidence une contradiction puisque la liste des
candidats admis définitivement, au nombre de quatre-vingt-huit, a été
promulguée le 20 octobre 1999, à la suite de la délibération du jury et après
qu'il eut été procédé à une recorrection des copies.
Cette décision de procéder à une recorrection des copies a été prise
conjointement par toutes les parties concernées, c'est-à-dire l'université de
Bretagne occidentale, le ministère de l'éducation nationale et le tribunal
administratif. Cette opération a été faite dans le strict respect de
l'anonymat, et avec une égalité de traitement pour tous les candidats.
Comme tous les collègues de mon département, j'ai été saisi de ce dossier et
je souhaite qu'il y soit trouvée une issue favorable, car ces étudiants se
trouvent aujourd'hui dans une situation inacceptable.
J'ai donc déposé un amendement avec MM. de Rohan, Esneu et Lassourd, afin de
valider l'admission en deuxième année des étudiants en médecine et en
ondotologie qui figurent sur la liste promulguée par le président du jury le 20
octobre 1999.
M. le président.
La parole est à M. Marc, pour présenter l'amendement n° 20.
M. François Marc.
Cet amendement vise à régulariser rétroactivement l'inscription en deuxième
année d'études médicales et odontologiques de quatre-vingt-huit étudiants de
l'université de Bretagne occidentale.
En effet, dans un arrêt rendu le 9 mars 2000, le tribunal administratif de
Rennes a enjoint l'université de Bretagne occidentale de procéder de nouveau à
l'organisation d'une épreuve de médecine, ce qui a eu pour conséquence
d'annuler les délibérations du jury d'examen, publiées le 20 octobre 1999,
déterminant les étudiants admis en deuxième année d'études médicales et
odontologiques.
L'exécution de certains jugements d'annulation est susceptible de créer
d'inextricables difficultés administratives et de porter gravement préjudice à
des administrés qui ne sont en rien responsables des illégalités censurées.
Faire repasser aux étudiants une épreuve un an après, évidemment sans garantie
de succès, reviendrait, pour certains, à leur faire perdre une année d'études.
Cette situation, qui n'est pas de leur fait, ne doit pas leur être
préjudiciable.
La validation de l'admission des étudiants concernés par le Parlement est donc
guidée par un souci d'intérêt général.
Il s'agit, par ailleurs, d'assurer le principe de séparation des pouvoirs
législatif et judiciaire ainsi que le respect dû à la chose jugée.
C'est pourquoi cet amendement a pour objet la seule validation des admissions,
le législateur ne pouvant effectivement pas valider directement une décision
annulée, à savoir la délibération du jury fixant la liste de classement des
candidats.
La formulation que je vous soumets avec mes collègues du groupe socialiste
respecte scrupuleusement la jurisprudence du Conseil constitutionnel et devrait
permettre de mettre les étudiants en deuxième année de médecine et en
odontologie de Brest à l'abri d'un nouveau risque d'annulation de leur
inscription.
Ces arguments ont été partagés ce matin par la commission des lois, devant
laquelle j'ai défendu cet amendement, et j'observe que mon collègue M. Alain
Gérard s'y est, lui aussi, rallié, puisqu'il a rectifié son amendement
initial.
Une garantie accrue sera donc ainsi unanimement apportée aux étudiants
concernés.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Paul Amoudry,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat.
Je m'en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 1 rectifié
bis
et 20.
M. Gérard Le Cam.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam.
En tant que parlementaire breton, j'ai moi aussi été saisi de ce problème. Je
partage le point de vue de mes collègues MM. Gérard et Marc, et je voterai les
amendements qu'ils nous proposent.
M. Jacques Mahéas.
Très bien !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 1 rectifié
bis
et 20,
acceptés par la commission et pour lesquels le Gouvernement s'en remet à la
sagesse du Sénat.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
Je constate que ces amendements ont été adoptés à l'unanimité, ce qui
n'étonnera d'ailleurs pas grand monde.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 27 AA.
Articles 27 et 27
bis
M. le président.
« Art. 27. - I. - Les articles 1er à 4, 6 à 8, 10 et 28 ainsi que le titre II,
à l'exception des articles 15 et 22
bis,
sont applicables en
Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna aux
administrations de l'Etat et à leurs établissements publics.
« Pour leur application en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à
Wallis-et-Futuna, les références à la loi n° 79-18 du 3 janvier 1979 sur les
archives sont remplacées par les références aux dispositions applicables
localement en matière d'archives.
« A l'article 10, pour son application en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie
française et à Wallis-et-Futuna, les mots : "préfecture du département" sont
remplacés respectivement par les mots : "Haut-Commissariat de la
Nouvelle-Calédonie", "Haut-Commissariat de la Polynésie française" et
"Administration supérieure des îles Wallis et Futuna".
« II. - Les articles 1er à 4, 6 à 8, 9, 10, 28, le titre II, à l'exception des
articles 15 et 22
bis,
ainsi que le titre IV, à l'exception de l'article
24
bis,
sont applicables dans la collectivité territoriale de
Mayotte.
« A l'article 10, les mots : "préfecture du département" sont remplacés par
les mots : "représentation du Gouvernement dans la collectivité territoriale".
» -
(Adopté.)
« Art. 27
bis.
- Le mandat des représentants titulaires et suppléants
au comité technique paritaire ministériel institué par le décret n° 94-360 du 6
mai 1994 modifié relatif au comité technique paritaire ministériel du ministère
de l'enseignement supérieur et de la recherche, est prorogé pour la période du
5 juillet 1997 au 30 juin 2000. » -
(Adopté.)
Les autres dispositions du projet de loi ne font pas l'objet de la nouvelle
lecture.
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M.
Hoeffel, pour explication de vote.
M. Daniel Hoeffel.
Le groupe de l'Union centriste votera à l'unanimité le texte tel qu'il résulte
des travaux du Sénat, et ce pour trois raisons.
Tout d'abord, le problème des relations entre l'administration et les citoyens
est plus que jamais fondamental.
Ensuite, il s'agit plus que jamais de rapprocher l'administration des citoyens
et de faciliter l'accès de ces derniers à l'administration.
M. Raymond Courrière.
Très bien !
M. Daniel Hoeffel.
Enfin, ce texte permet aux administrés d'exercer un recours contre certaines
décisions des collectivités territoriales sans pour autant, et c'est important,
placer ces dernières dans une situation difficile, évitant ainsi de
déséquilibrer le rapport entre les administrés et les élus.
Je tiens à remercier, au nom du groupe de l'Union centriste, notre rapporteur,
M. Jean-Paul Amoudry, du travail qu'il a effectué au sein de la commission des
lois, mais aussi en commission mixte paritaire et en séance plénière, en
espérant que, après l'effort accompli par le Sénat en direction de l'Assemblée
nationale sur un certain nombre de points, celle-ci voudra bien, en ultime
lecture, accepter certains amendements réalistes et de bon sens adoptés cet
après-midi par notre assemblée.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas.
Le groupe socialiste se félicite, lui aussi, du climat qui a présidé à nos
débats, de la qualité des rapports qui ont pu s'établir avec M. le rapporteur
et des avancées qu'a permises la discussion. Nous en prenons acte.
Cependant, il reste, à l'évidence, des points importants sur lesquels nous
nous sommes opposés aux amendements de la majorité sénatoriale. S'agissant,
notamment, de la communication des documents administratifs et de la
jurisprudence Berkani, nous espérons que l'on pourra aller plus loin que ce
qu'elle propose.
Aussi, compte tenu de cette situation équilibrée nous nous abstiendrons.
M. le président.
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret.
Considérant les nombreux points sur lesquels nous avons relevé notre volonté
commune d'améliorer l'accès aux règles de droit et la transparence
administrative pour nos concitoyens, mais regrettant, dans le même temps, la
position de la majorité sénatoriale sur un certain nombre de points importants,
comme la jurisprudence Berkani, son refus d'améliorer le droit à l'information
ou de rendre obligatoire la communication des documents adminitratifs, le
groupe communiste républicain et citoyen s'abstiendra également.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
42:
Nombre de votants | 272 |
Nombre de suffrages exprimés | 172 |
Majorité absolue des suffrages | 87 |
Pour l'adoption | 172 |
Mes chers collègues, on me signale que M. Gayssot est retardé par quelques difficultés de circulation dans Paris.
En attendant son arrivée, nous allons donc interrompre nos travaux.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à dix-huit heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
9
MISE AU POINT AU SUJET D'UN VOTE
M. Jean Delaneau.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Delaneau.
M. Jean Delaneau.
Monsieur le président, le résultat du scrutin précédent fait apparaître que le
groupe des Républicains et Indépendants n'a pas participé au vote, alors qu'il
souhaitait voter pour le projet de loi.
M. le président.
Acte vous est donné de cette rectification, monsieur Delaneau.
10
CONSEIL D'ADMINISTRATION D'AIR FRANCE
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 254, 1999-2000),
adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'élargissement du conseil
d'administration de la société Air France et aux relations de cette société
avec l'Etat, et portant modification du code de l'aviation civile. [Rapport n°
264 (1999-2000).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet
de loi que l'Assemblée nationale a adopté le 1er mars dernier en première
lecture vise à augmenter le nombre des représentants des salariés au sein du
conseil d'administration d'Air France et à élargir l'autonomie de gestion de la
compagnie nationale.
Le principe de l'élargissement du conseil d'administration en faveur de la
représentation des salariés qui ont accepté d'échanger une partie de leurs
salaires contre des actions n'est contesté par personne.
L'Assemblée nationale l'a d'ailleurs bien compris, puisqu'il ne s'est pas
trouvé un seul député pour voter contre ce texte, les groupes de gauche l'ayant
approuvé et les trois groupes de l'opposition s'étant abstenus, sans qu'aucun
amendement ne soit déposé.
Les députés de la majorité ont considéré que ce texte contribuait au
redressement d'Air France en témoignant une confiance dans l'avenir de
l'entreprise de la part de la direction et des salariés, en particulier des
personnels navigants.
Les députés de l'opposition ont eu, pour leur part, la sagesse de ne pas
vouloir remettre en cause, par une attitude tranchée, l'équilibre social et le
climat de confiance qui prévalent aujourd'hui au sein de la compagnie.
Vous l'avez compris, ce projet de loi est en quelque sorte un dernier élément
au plan que le Gouvernement a voulu mettre en oeuvre pour le redressement et
pour le développement durable de cette entreprise dans laquelle l'Etat restera
majoritaire.
Comme vous le savez, Air France s'est trouvée dans une situation difficile au
début des années quatre-vingt-dix, lorsque le marché du transport aérien s'est
brusquement dégradé, notamment avec la guerre du Golfe.
Les efforts consentis avant 1997 pour la sortir de cette situation ont été
réels, et il ne m'appartient surtout pas de les nier.
Il convient également de saluer le travail accompli depuis cette date par le
président Spinetta, conformément aux orientations définies par le Gouvernement,
ainsi que par son équipe et par l'ensemble des salariés de l'entreprise.
Ils ont en effet fortement contribué à l'embellie que connaît aujourd'hui la
compagnie, avec une progression sur l'exercice 1999-2000 de 13 % pour son
trafic de passagers et de 7 % pour le fret.
Aujourd'hui, Air France construit une alliance de dimension mondiale, s'engage
dans des partenariats, progresse en parts de marchés et, pour la quatrième
année consécutive, présente un résultat d'exploitation positif, et ce tout en
restant au sein du secteur public, ce que certains d'ailleurs me reprochent.
Les efforts engagés par nos prédécesseurs pour assainir la situation l'avaient
au contraire été dans le but essentiel de privatiser l'entreprise, ce qui
présentait à terme le risque non négligeable de voir celle-ci subir les effets
d'une de ces offres publiques d'achat qui peuvent entraîner la disparition des
entreprises qui en sont victimes.
Je vous laisse mesurer les effets qu'aurait pu avoir une OPA sur une
entreprise nationale comme Air France, notamment ce qu'il aurait pu advenir
pour la desserte aérienne intérieure et extérieure de la France si une telle
situation s'était produite.
Dès 1997, l'objectif a été de mettre Air France sur le chemin du développement
et de rétablir la confiance, au sein de l'entreprise et vis-à-vis de ses
clients habituels ou potentiels.
Pour conquérir ou reconquérir des parts de marchés, il fallait créer une
dynamique de conquête qui ne peut réellement s'affirmer que dans le cadre d'un
climat social positif.
Depuis 1997, le Gouvernement inscrit ses efforts dans la perspective de la
pérennisation de l'entreprise, donc dans le sens de l'intérêt général. Nous
sommes désormais très loin des 8 milliards de francs de pertes de 1993 et nous
considérons que, en recapitalisant l'entreprise à hauteur de 20 milliards de
francs, l'Etat a fait son devoir d'actionnaire.
Certains ont voulu justifier la perspective de privatisation par les exigences
communautaires. Mais, vous vous en souvenez sûrement, mesdames, messieurs les
sénateurs, la Commission européenne elle-même déclarait, après nos
interventions, le 4 septembre 1997 : « Nous ne demandons pas qu'une entreprise
soit privée ou publique, mais qu'elle soit concurrentielle et qu'elle suive les
règles du marché. »
Il se disait également à l'époque qu'Air France ne pourrait pas nouer
d'alliances internationales si l'Etat restait l'actionnaire majoritaire.
Je relève à ce propos que, à l'époque, la perspective de la privatisation
n'avait pas conduit à la conclusion d'alliances particulièrement
florissantes.
Je note par ailleurs que, depuis, Air France a construit et continue de
construire son réseau d'alliances qui permettra d'offrir, sous une marque
unique, un réseau mondial formé de l'ensemble des réseaux de ses
partenaires.
A cette fin, Air France a signé, le 22 juin dernier, un accord exclusif avec
Delta Air Lines, qui a vocation à être complété par d'autres, tel celui qui est
négocié avec Aeromexico. De plus, sur le marché européen, Air France a
désormais la capacité de croître par des prises de participations.
Elle a récemment pris le contrôle, en France, de Regional Airlines, et, en
Irlande, de City Jet. Afin d'améliorer son offre sur le marché domestique, elle
fait aujourd'hui à British Airways une offre de rachat d'Air Liberté.
L'amélioration de sa position sur le marché intérieur ne pourra avoir que des
effets bénéfiques sur sa compétitivité sur les marchés internationaux.
Parallèlement au rétablissement de sa situation financière, l'appareil de
production d'Air France a été profondément restructuré. Une plate-forme de
correspondance compétitive, le
hub,
a été créée à Roissy et elle se
développe.
Des navettes ont été mises en place sur les principales lignes du marché
intérieur. Le réseau, qui avait été restructuré avec la fermeture des lignes
les plus déficitaires, se développe aujourd'hui à nouveau.
L'ouverture du capital, en février 1999, a été et demeure un progrès. La
demande privée a très largement dépassé l'offre et l'opération destinée aux
salariés a été aussi innovante que réussie. Ni les salariés ni les
investisseurs privés n'ont manifestement été découragés par la place importante
de l'Etat dans le capital et par le rôle qu'il entend jouer.
Cette présence est, au contraire, apparue aux nouveaux actionnaires comme un
gage de sérieux et de stabilité pour la stratégie suivie par la compagnie. Son
maintien dans le giron de l'Etat n'est donc ni perçu ni vécu comme un
handicap.
A vrai dire, il faut bien se rendre compte du fait que la privatisation totale
n'engendre pas automatiquement la confiance, comme l'atteste, parmi d'autres,
l'exemple de British Airways, dont le cours de l'action, après avoir
pratiquement doublé, a fortement baissé ces derniers temps.
L'ouverture du capital, qui n'incite pas à la spéculation boursière, permet,
en fait, à Air France de financer son projet industriel, dont la réussite passe
notamment par un renouvellement très important de sa flotte.
La solution choisie permet d'éviter à l'Etat d'avoir à financer ces achats
d'avions à partir des deniers publics, ce qui, d'ailleurs et de toute manière,
ne serait plus accepté ni par la Commission ni par la Cour de Luxembourg.
Donner à Air France les moyens de renouveler sa flotte, c'est aussi lui donner
les moyens d'améliorer ses dessertes, le confort de ses clients et aussi, en
définitive, de causer moins de nuisances sonores aux abords des aéroports où
elle déploie son activité, car les nouveaux modèles d'avions sont de moins en
moins bruyants.
Nous savons tous, mesdames, messieurs les sénateurs, combien ce dernier aspect
des choses est important aujourd'hui à proximité de Roissy, d'Orly ou des
principaux aéroports de nos régions.
L'ouverture du capital a permis de renforcer sensiblement l'actionnariat
salarié qui a été mis en oeuvre pour la première fois par la compagnie en 1995.
Elle a contribué au renouveau du dialogue social au sein de l'entreprise après
un conflit d'envergure, vous vous en souvenez tous, avant la Coupe du monde de
football. Je considère, pour ma part, que la réussite du dialogue social est
l'une des conditions essentielles pour la réussite et le renouveau de la
compagnie nationale.
Il convient de souligner que la part du capital proposée aux salariés a été
plus importante que dans les précédentes opérations d'ouverture de capital
d'entreprises publiques, car 15 % des titres ont été cédés, contre 10 %
habituellement. Cette offre a été « sur-souscrite » par les salariés, dont près
des trois quarts ont participé à l'opération.
La deuxième innovation a été la proposition aux personnels navigants
techniques - les pilotes - d'un échange entre salaire et actions. Tout le monde
se souvient du conflit de juin 1998 ; pourtant, témoignant de leur confiance
dans l'avenir de l'entreprise, près de 80 % des pilotes ont accepté cet échange
qui participe directement à la baisse des coûts de production de la société
sans que le revenu des pilotes en soit affecté sur la durée de leur
carrière.
En conséquence, Air France est maintenant une des entreprises françaises où
l'actionnariat salarié est le plus développé, avec environ 11 % du capital.
Enfin, l'entreprise s'est redressée. L'exercice courant devrait se terminer,
pour la cinquième année consécutive, par un résultat d'exploitation positif. A
l'issue de son dernier exercice, le 31 mars 1999, le résultat net était de 1,64
milliard de francs. Les neuf premiers mois du présent exercice ont vu la
compagnie accroître son offre de 12 %, son trafic de 13,3 % et ses recettes de
12,7 %.
Ce développement, conduit à un rythme plus rapide que celui de ses
concurrentes européennes, a également été favorisé par l'extension de
l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, avec l'ouverture de la troisième piste,
et l'occupation par Air France du nouveau terminal F à Roissy 2.
Ce développement profite à la compagnie, mais aussi à l'ensemble de la
collectivité. Air France a en effet créé plus de 3 500 emplois depuis avril
1997 et compte en créer 6 500 de plus dans les trois prochaines années, grâce à
l'effet conjugué de la négociation avec les partenaires sociaux sur la
réduction du temps de travail et de la croissance de l'activité.
Alors que la compagnie avait dû supprimer, je le rappelle, 9 000 emplois
pendant la crise dont j'ai parlé tout à l'heure, elle en aura créé au total
plus de 10 000 entre 1997 et 2002.
Il convient aussi de souligner que la croissance d'Air France, qui gagne des
parts de marché en Europe, ne se fait pas au détriment de la rentabilité. La
compagnie garde la maîtrise de ses coûts. Il en est résulté, pour les neuf
derniers mois de 1999, un résultat d'exploitation de 2,6 milliards de francs,
ce qui représente une progression de 45 %.
Ces bons résultats contribuent à la consolidation de la structure financière
de l'entreprise. Ainsi, l'endettement diminue, puisqu'il n'était plus que de
9,8 milliards de francs à la fin de l'année contre 14 milliards de francs en
mars 1999. Air France a désormais en ce domaine des ratios comparables à ceux
des grands transporteurs de l'Union européenne.
On peut donc dire que l'ouverture du capital a été une réussite. Le
développement de l'entreprise se poursuit, dans l'appartenance au secteur
public, et le présent projet de loi prouve que ce cadre n'est pas synonyme
d'immobilisme, au contraire.
Le changement apporté par l'ouverture du capital et par la situation de vive
concurrence doit être pris en compte dans le cadre institutionnel régissant la
société. La modernisation des relations entre l'entreprise et l'Etat
actionnaire doit être l'occasion d'une meilleure implication des salariés.
L'ouverture du capital implique de modifier les conditions d'exercice de la
tutelle de l'Etat. Il convient en particulier de recentrer l'exercice de la
tutelle sur le conseil d'administration et d'adapter la composition de
celui-ci. Tel est l'objet du texte qui vous est proposé.
S'agissant des relations entre l'Etat et l'entreprise, certaines procédures
sont inutilement lourdes et des dispositions sont devenues obsolètes car elles
relèvent désormais de règlements communautaires. Il vous est par conséquent
proposé de les supprimer.
Par ailleurs, le texte vise à recentrer sur le conseil d'administration
l'examen des projets d'investissements et de prise de participation de la
compagnie.
Modernisation de la tutelle ne veut cependant pas dire suppression de la
tutelle. La volonté du Gouvernement étant qu'Air France reste dans le secteur
public, l'Etat doit continuer à exercer l'ensemble de ses prérogatives
d'actionnaire majoritaire par son intervention dans le conseil d'administration
et dans le cadre de la tutelle exercée par le ministère des transports et par
celui de l'économie.
Le renforcement de l'actionnariat salarié et l'arrivée de nouveaux
actionnaires privés dans le capital d'Air France doivent aussi être pris en
compte. C'est l'objet de l'élargissement du conseil d'administration de 18 à 21
membres, qui reflétera ainsi plus fidèlement la structure du capital tout en
garantissant la représentation des salariés.
Je précise - c'est une nouveauté - que les salariés auront 6 représentants au
conseil d'administration de la compagnie, ce qui correspond à une parité de
sièges avec l'Etat.
Cette représentation s'inscrit - j'insiste sur ce point - dans le respect de
l'accord signé avec les personnels navigants techniques le 29 octobre 1998.
C'est donc un engagement du Gouvernement.
Votre rapporteur, M. Jean-François Le Grand, dont les compétences en matière
de transport en général et de transport aérien en particulier sont bien
connues,...
M. Jean-Pierre Plancade.
Eh, oui !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
... propose,
dans son rapport, d'adopter conforme le projet de loi issu de l'Assemblée
nationale. Cela permettait ainsi la promulgation de cette loi dans le courant
du mois prochain.
Cependant, à la suite d'un amendement parlementaire, la commission a modifié
sa position. Je vous le dis très sincèrement, il serait dommageable pour
l'entreprise que l'entrée en vigueur de la loi soit reportée de presque un an,
du fait des navettes parlementaires.
Dans ce domaine comme dans d'autres, je crois qu'il faut savoir dépasser
certaines querelles et toute position qui pourrait s'apparenter à du
dogmatisme. L'intérêt général, l'esprit de responsabilité et tout simplement la
raison doivent l'emporter.
Aussi, je souhaite que vous adoptiez ce projet de loi qui, comme vous le
savez, est très attendu par toutes celles et tous ceux qui souhaitent le
développement d'Air France.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen
ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur
le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un an après
l'ouverture du capital d'Air France, il nous est proposé, avec le présent
projet de loi, d'en tirer les conséquences juridiques. Autrement dit, le
Gouvernement souhaite adapter le statut d'Air France, défini par le code de
l'aviation civile, à la nouvelle composition de son capital.
Avant d'aborder ces dispositions, je dirai quelques mots sur le contexte.
Comme vous le savez, le marché du transport aérien a connu, depuis une dizaine
d'années, une libéralisation accélérée et sans précédent. Aujourd'hui, c'est un
marché largement concurrentiel.
Je ne reviendrai pas sur les différentes étapes de cette libéralisation, ni
sur l'adoption du deuxième paquet, entre 1990 et 1992, qui a apporté la
cinquième liberté, c'est-à-dire le libre accès aux liaisons aériennes entre
chaque Etat.
Confrontée à ce nouvel environnement, la compagnie Air France a dû
entreprendre une restructuration qui était d'autant plus importante que, il
faut le dire, elle y était mal préparée.
Tout d'abord, Air France avait été habituée à une situation de quasi-monopole.
Victime de choix stratégiques contestables, elle avait accusé, dans les
premières années de la libéralisation du marché, d'importantes pertes de parts
de marché, qui se sont d'ailleurs très vite traduites par des pertes
financières considérables. Ainsi, en 1994, ces dernières s'élevaient à environ
14 milliards de francs. C'est dire si, aujourd'hui, nous revenons de loin !
Depuis, Air France n'a pu se redresser qu'avec le soutien de l'Etat, qui - il
faut le souligner - a procédé, en 1994, à une recapitalisation de 20 milliards
de francs. Vous l'avez rappelé tout à l'heure à la tribune, monsieur le
ministre, ce sont 20 milliards de francs que l'Etat a apportés, mais
permettez-moi d'être un peu plus précis que vous ne l'avez été. En fait, ce
sont les contribuables qui les ont apportés, à cette occasion, pour redresser
les erreurs stratégiques et permettre à la compagnie de remédier aux
différentes défaillances de son actionnaire principal.
M. Jacques Machet.
Très bien !
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
On le dit en termes pudiques, vous le constatez !
Cette recapitalisation n'a été autorisée par la Commission européenne - vous
l'avez aussi rappelé - que sous réserve de la mise en place d'un plan de
redressement financier et commercial sévère, qui commence aujourd'hui à porter
ses fruits.
Le redressement est, il faut le dire, spectaculaire. L'exercice comptable de
1999 s'est clos, pour la quatrième année consécutive, sur un résultat
d'exploitation positif. En 1998, Air France a conquis le troisième rang
européen derrière British Airways et Lufthansa. Les actions structurelles mises
en oeuvre par Air France depuis 1994 lui ont permis de renouer avec les
profits.
Cette politique s'est développée autour de cinq axes que je ne détaillerai
pas, puisque, lors des débats budgétaires ou de l'examen de textes relatifs aux
transports aériens, nous avons examiné chacun d'eux. Je les rappellerai
simplement pour mémoire : la restructuration du réseau d'Air France, le
développement du
hub
à Roissy, la mise en oeuvre du système de
tarification des sièges dit de
yield management
- nous ne pouvons que
nous réjouir du fait qu'Air France ait utilisé cette technique, même si elle
l'a fait longtemps après d'autres compagnies étrangères -, la conclusion d'une
alliance globale avec Delta Airlines et l'adoption d'un plan d'économies de
plus de 3 milliards de francs.
A cet instant, compte tenu de la qualité et de la nature du redressement, nous
ne pouvons que féliciter à la fois la direction et les salariés de la compagnie
pour leurs performances.
Ce redressement est également la conséquence de l'ouverture du capital d'Air
France. Comme vous le savez, la réduction des coûts salariaux des pilotes n'a
été possible que grâce à la cession de 12 % du capital à ceux qui ont consenti,
au terme de l'opération « salaires contre actions », à des réductions de
salaire. Il n'est point besoin de revenir sur les circonstances. C'était, comme
vous l'avez dit, monsieur le ministre, l'époque de la Coupe du monde de
football...
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Juste avant !
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
C'est exact. Cela a peut-être permis d'accélérer la
conclusion de l'accord. On peut toujours imaginer, même si ce n'est pas écrit
dans les textes, que ceci n'était pas étranger à cela...
Ainsi, 12 % du capital ont été cédés. Aujourd'hui, plus de 72 % des salariés
d'Air France détiennent des actions de leur compagnie. Air France est ainsi
devenue l'entreprise française cotée ayant l'actionnariat salarié le plus
important. Parallèlement, les investisseurs privés ont acquis plus de 30 % du
capital d'Air France. Les institutionnels comme les nombreux particuliers qui
ont misé sur Air France n'ont pas aujourd'hui à le regretter.
Monsieur le ministre, nous aurions préféré la privatisation au lieu de cette
respiration du capital. Nous aurions préféré le grand air ; ce fut un vent
modéré. Nous attendions un vol long-courrier ; ce fut du moyen-courrier, l'Etat
étant resté actionnaire majoritaire de la société. Sa part devrait se réduire
d'ici à 2003 à seulement 53 % du capital. Nous ne sommes donc pas très loin
in fine
de la privatisation...
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Mais nous n'y
sommes pas encore !
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
J'y reviendrai dans un instant.
Je me félicite, quant à moi, que le Gouvernement, à l'instigation de son
ministre - je vous rends hommage ; comme vous m'avez cité tout à l'heure, c'est
un juste retour des choses !
(Sourires)
- ait engagé Air France dans
cette voie, bien que ce soit quelquefois un peu curieux. Bien entendu, je vous
invite à aller plus loin et à autoriser Air France à prendre le large. Encore
un petit effort !
Je crois qu'Air France a besoin d'être guidée par un actionnaire capable
d'exercer entièrement les responsabilités d'un gestionnaire d'entreprise. Elle
a besoin d'un actionnaire capable d'accompagner financièrement son
développement et d'assumer sans faiblesse les décisions propres à favoriser son
succès.
Les choix industriels sont biaisés et le dialogue social est faussé dès lors
que les ministres apparaissent comme des recours d'autant plus mobilisables que
pèsent sur eux des pressions électorales et politiques qui peuvent ne pas être
guidées parfois par les seuls intérêts de l'entreprise.
Je constate que les transporteurs aériens à statut public ne sont en Europe
plus que des exceptions. British Airways et Lufthansa sont depuis longtemps
privatisées ; Al Italia et Iberia sont en voie de l'être.
Sans doute m'objecterez-vous les difficultés que connaît British Airways ; on
en entend parler ici et là. Cela étant, comparons ce qui est comparable ! Même
si British Airways connaît quelques fluctuations dans son évolution, sa
privatisation, depuis près de vingt ans, a fait de cette compagnie un leader
européen - situation extrêmement confortable au niveau mondial - placé
largement encore devant Air France.
Air France risque d'être, à la fin de l'année, la seule grande compagnie
européenne encore publique. Il me semble que l'attachement - parfois louable -
du Gouvernement à maintenir l'exception française pourrait s'exercer dans
d'autres domaines que celui-là !
Je suis toutefois reconnaissant à l'actuelle majorité de n'avoir pas remis en
cause la loi du 19 juillet 1993, par laquelle le Parlement a autorisé la
privatisation d'Air France. Il faut vous en donner acte, monsieur le ministre,
vous n'êtes pas revenu sur cette autorisation qui était accordée au
Gouvernement d'aller jusqu'à la privatisation. Il suffirait donc d'un décret.
Mais j'ai cru comprendre qu'un tel décret ne serait pas pris tant que vous
seriez ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Pas d'ici à ce
que je parte !
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
On peut le faire maintenant, et privatiser Air France au
cours de la séance ! Il me semble qu'un jour nous y parviendrons.
Venons-en aux dispositions du projet de loi lui-même.
Pour ne rien vous cacher, monsieur le ministre, je crois, dans un premier
temps, que ces dispositions étaient un peu inutiles. Aucune d'elles, pour ce
qui est des deux premiers articles, en tout cas, ne me paraît strictement
indispensable au bon fonctionnement de l'entreprise.
Il est vrai que l'alignement des dispositions du code de l'aviation civile sur
le droit communautaire était en toute rigueur nécessaire au respect de la
hiérarchie des normes et à la cohérence juridique du texte. Toutefois, chacun
le sait - j'ai été récemment rapporteur d'un texte de loi permettant d'adapter
le droit français au droit européen - les règlements communautaires sont
directement applicables et obligatoires dans tous leurs éléments ; les
dispositions actuelles du code de l'aviation civile qui leur sont contraires ne
pouvaient donc pas être appliquées.
Quant à l'allégement de la tutelle de l'Etat, annoncé assez généreusement dans
l'exposé des motifs, il relève pour une large part d'un toilettage technique de
dispositions qui sont - cela m'ennuie d'autant plus de vous le dire que vous
avez fait, monsieur le ministre, une présentation importante de cette affaire -
soit sans portée réelle, comme la contrainte de l'équilibre financier - qui
exigerait le contraire d'une entreprise ? - soit inappliquées, comme les
dispositions relatives aux conditions d'exercice du transport aérien.
Mes chers collègues, la portée juridique et pratique des deux premiers
articles laisse donc à penser que leur vocation première était d'accompagner
l'article 3, qui modifie la composition du conseil d'administration d'Air
France.
Cette modification tend à tirer les conséquences de l'ouverture du capital
d'Air France opérée en 1999. Elle permet l'introduction de nouveaux
administrateurs représentant les actionnaires privés et le renforcement de la
présence des représentants des salariés actionnaires.
Je constate néanmoins que l'augmentation du nombre d'administrateurs - seule
mesure qui exigeait réellement le recours à la loi, la composition aujourd'hui
relevant du décret - n'était pas elle-même indispensable à cet objectif.
Comme vous le savez, monsieur le ministre, il était possible d'atteindre cet
objectif sans modifier le nombre global d'administrateurs, c'est-à-dire sans
recourir à la loi. Toutefois, j'ai cru comprendre que cette solution avait été
écartée en raison de la crainte que des personnalités qualifiées, pourtant
nommées par l'Etat, ne manifestent à l'occasion de certains votes une certaine
indépendance, voire une indépendance certaine !
Il m'est donc arrivé de penser que ce projet de loi avait pour objectif ultime
d'asseoir la majorité de l'Etat au sein du conseil d'administration.
Après réflexion, et suite à de nombreuses auditions, il m'a semblé que ce
texte avait cependant une ambition tout autre.
Il permet d'abord de consacrer la participation des salariés actionnaires au
conseil d'administration et à la direction d'Air France. C'est à mon sens un
élément essentiel de motivation du personnel que son implication dans l'avenir
de la société.
Il favorise ensuite l'introduction, pour la première fois depuis sa
nationalisation, de représentants d'investisseurs privés au sein du conseil
d'administration d'Air France. J'y vois là une consécration ou une affirmation
d'un processus qui nous mène plus loin : vers la privatisation, comme je le
disais tout à l'heure.
J'ai noté avec intérêt la volonté du Gouvernement d'assurer l'autonomie de
gestion d'Air France. Je crois que la suppression de la procédure
d'autorisation préalable pour les prises de participation d'Air France lui
permettra d'engager sa parole dans des négociations sans devoir demander, pour
chaque opération, l'approbation des services de l'Etat.
C'était déjà une réflexion que j'avais présentée voilà deux ou trois ans à
l'occasion du vote du budget. J'avais indiqué qu'il était sans doute pénalisant
pour Air France d'avoir systématiquement à recourir à l'autorisation préalable
avant d'engager des pourparlers ici ou là et d'orienter différemment son
activité.
Réjouissons-nous donc de la volonté de desserrer la tutelle de l'Etat sur le
conseil d'administration !
Je partage avec vous, monsieur le ministre, le souci qu'Air France puisse se
battre à armes égales avec ses concurrents. J'ai trop souvent regretté ici, à
cette tribune, le retard pris dans un certain nombre d'alliances ; j'ai trop
souvent regretté ici, à cette tribune, la difficulté pour Air France d'évoluer
dans ce milieu éminemment concurrentiel pour, aujourd'hui, faire la fine bouche
et ne pas dire que ce point nous paraît effectivement tout à fait positif.
Mes chers collègues, parce que ce texte représente une avancée dans la bonne
direction, même s'il est encore insuffisant, parce qu'il constitue une étape
vers la privatisation, la commission ne vous proposera aucune modification.
Nous aurons donc seulement à étudier les amendements déposés par notre collègue
M. Poniatowski,...
M. Ladislas Poniatowski.
Et adoptés en commission !
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
... qui ont reçu un avis favorable de la commission ; j'y
reviendrai dans un instant.
Cette approbation de principe s'accompagne néanmoins de quelques
inquiétudes.
Je regrette notamment que la voie législative empruntée par le Gouvernement
pour modifier le conseil d'administration entraîne l'interruption du mandat
d'administrateurs désignés voilà à peine trois ans. En la matière, la
continuité aurait permis, me semble-t-il, un suivi des dossiers plus propice au
sérieux des travaux. La prorogation de l'actuel conseil d'administration avec
adjonction de membres nouveaux aurait sans aucun doute été préférable.
Cette réforme aura en outre comme conséquence de provoquer de nouvelles
élections syndicales, de sorte que, pour Air France, l'année 2000 sera une
année d'élections, comme l'a été l'année 1999. Ce climat permanent de campagne
électorale me semble être de nature à raviver les tensions entre les
différentes catégories de personnels. De ce point de vue, on aurait pu
attendre, de la part du Gouvernement, une attitude plus attentive à la cohésion
sociale dans l'entreprise.
Certaines dispositions du projet de loi ont notamment soulevé les inquiétudes
de certaines catégories de salariés. Ainsi, les dispositions permettant de
prévoir les élections au sein de deux sections de l'assemblée générale
composées respectivement du personnel navigant technique actionnaire et des
autres salariés traduisent, je le sais, des accords passés par la direction
avec les pilotes. Elles ont néanmoins l'inconvénient de raviver le clivage
entre les PNT et les autres salariés, qui ont déjà assez mal perçu leur faible
représentation au sein du comité d'audit et de stratégie.
Il est vrai, monsieur le ministre, que le fait que certains des salariés aient
pu bénéficier, en échange de diminutions de salaire, d'actions de l'entreprise
qui leur ont été, en quelque sorte, offertes, alors que d'autres ont dû
acquérir les leurs au prix normal, c'est-à-dire au prix coûtant, a créé une
différence notable dans la relation à l'intérieur même de l'entreprise.
Monsieur le ministre - faut-il le dire ? - les salariés sont la force de cette
entreprise : leur cohésion est un facteur du redressement d'Air France.
Mes chers collègues, en dépit des quelques inquiétudes dont je vous ai fait
part, la commission des affaires économiques vous propose d'approuver les
dispositions du projet de loi ainsi amendé, qui, bien que de portée limitée,
engagent un peu plus, et c'est bien, Air France dans la voie de la
privatisation.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je n'avais
pas l'intention de voter ce projet de loi relatif à l'élargissement du conseil
d'administration d'Air France en l'état. Mais s'il est modifié dans le sens des
amendements que j'ai déposés et que la commission a approuvés, mon groupe le
votera. S'il n'est pas modifié en ce sens, nous ne le voterons pas.
Nous faisons l'objet, je le sais, d'une forte pression pour qu'il soit adopté
conforme, « afin de ne pas prendre de retard », avez-vous dit, monsieur le
ministre. Mais vous avez attendu presque un an et demi pour le présenter ; on
peut bien attendre quelques semaines de plus pour une navette qui ne durera pas
un an, monsieur le ministre !
Mme Hélène Luc.
Vous faites du zèle par rapport à vos amis de l'Assemblée nationale !
M. Ladislas Poniatowski.
Ce texte, mes chers collègues, contrairement à ce qui a été dit, est loin
d'être anodin. Il est, en effet, l'aboutissement de deux événements importants
qui ont eu lieu en 1998, événements que vous avez rappelés, monsieur le
rapporteur, et auxquels vous avez également fait allusion, monsieur le
ministre.
Le premier de ces événements, c'est la grève des pilotes d'Air France
intervenue lors de la Coupe du monde de football, en juin 1998.
Le second événement, c'est l'ouverture du capital d'Air France, décidée en
novembre 1998 et qui a pris effet en février 1999.
Je souhaite revenir sur ces deux événements et tenter de vous convaincre, mes
chers collègues, de nous suivre en acceptant la modification sur laquelle la
commission a donné un avis favorable ce matin.
Les pilotes d'Air France ont deux particularités. Première particularité : ce
sont les pilotes les mieux payés au monde. Je m'en réjouis pour eux, bien sûr,
mais cela coûte très cher à l'entreprise, au point de la handicaper par rapport
à ses concurrents. Il faut savoir que, en termes de rémunération, les pilotes
d'Air France coûtent 40 % de plus que ceux de la Lufthansa et 20 % de plus que
ceux de British Airways.
Seconde particularité : lorsqu'ils font grève, c'est systématiquement à la
veille de départs en vacances ou de week-ends fériés prolongés, voire à la
veille de grands événements, comme ce fut le cas lors du Mondial. Cela leur
réussit parfaitement, d'ailleurs, puisqu'ils obtiennent assez facilement des
avantages. La preuve : ce sont, je le répète, les pilotes les mieux payés au
monde ! La veille du Mondial, monsieur le ministre, ils ont fait fort, ils ont
même fait trop fort ! En annonçant qu'ils ne transporteraient pas les centaines
de milliers de spectateurs venus du monde entier pour assister aux différents
matches organisés à travers notre pays, ils remettaient en cause tout le
championnat du monde, avec ses intérêts économiques et financiers, en matière
de télédiffusion notamment, intérêts que nous connaissons bien, les uns et les
autres. La menace était telle que le Gouvernement, notamment vous-même,
monsieur le ministre, était prêt à tout céder. Et il a tout cédé !
Jamais, dans aucune négociation sociale, les revendicateurs n'ont à ce point
obtenu tout ce qu'ils réclamaient. Cette négociation, et je pèse mes mots,
monsieur le ministre, je considère qu'elle a été honteuse, vous allez voir
pourquoi.
Vous avez tout accordé, à qui ? A une toute petite minorité de salariés - 3
600 - les mieux payés de l'entreprise, alors que rien n'a été donné aux 45 000
autres salariés ! Je vous rappelle, au passage, que les dix jours de grève ont
coûté cher à Air France, qui a perdu au total 1,8 milliard de francs de
recettes pendant que ses avions étaient cloués au sol. Elle a coûté cher aussi
aux pilotes en terme d'image dans l'opinion publique. Non seulement ils ont été
perçus plus que jamais comme des privilégiés mais aussi comme des êtres peu
responsables, dans la mesure où la paralysie de la compagnie a profité surtout
à ses concurrents.
Monsieur le ministre, vous n'avez peut-être pas participé directement aux
discussions entre la direction d'Air France et les syndicats de pilotes, mais
vous étiez à la tête de la cellule de suivi qui a été mise en place dans votre
ministère...
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
C'est vrai.
M. Ladislas Poniatowski.
... comprenant des représentants du ministère des transports, du ministère de
l'économie et des finances et même de Matignon puisque M. Schramek, directeur
de cabinet de M. Jospin, fut particulièrement présent dans les derniers
jours.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Ça c'est faux
!
M. Ladislas Poniatowski.
Cette cellule représentait l'Etat actionnaire, ce qui est normal puisque
certains éléments de la négociations concernaient précisément l'Etat
actionnaire. C'est bien vous qui avez donné le feu vert pour le point fort de
l'accord auquel vous faisiez allusion, monsieur le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Ça c'est vrai
!
M. Ladislas Poniatowski.
En échange d'un gel des salaires pendant sept ans, les pilotes ont obtenu un
sacré cadeau en actions, un cadeau tel qu'on n'en avait jamais vu auparavant
dans toute l'histoire de la participation dans notre pays.
Les négociations sur ce que l'on appelle « l'échange salaire-actions » n'ont
en fait abouti que plus tard puisqu'elle ont redémarré après les vacances,
entre septembre et octobre. L'objectif visé était très bon puisqu'il s'agissait
d'obtenir une économie sur la masse salariale des pilotes afin de diminuer les
coûts d'exploitation et de favoriser corrélativement l'ouverture du capital de
la compagnie en valorisant les actions émises.
La cession d'actions aux salariés en échange d'une réduction de salaire - qui
dit gel sur plusieurs années dit réduction de salaire - est un procédé qui
n'était pas nouveau. Il avait déjà été mis en application peu de temps
auparavant dans d'autres pays. C'est ainsi qu'aux Etats-Unis les salariés de
United Airlines possèdent 51 % du capital de l'entreprise et ceux de Northwest
37 % du capital. Mais, dans l'une comme dans l'autre entreprise, le dispositif
n'a pas été réservé à 3 600 salariés. Dans les deux cas de figure, le capital a
été ouvert à tous les salariés.
C'est pour cette raison que j'ai qualifié votre négociation de « honteuse »,
monsieur le ministre, car elle a créé un nouveau type de participation : la
participation réservée aux privilégiés.
M. Michel Pelchat.
A deux vitesses !
M. Ladislas Poniatowski.
Oui, tout à fait !
Je suis un chaud partisan de la participation, mais de la participation telle
qu'elle avait été initiée par le général de Gaulle, c'est-à-dire d'une
participation pour tous. Le gouvernement de M. Jospin restera, dans l'histoire
sociale de la France, comme étant celui qui aura donné, je dis bien donné -
vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur, et vous avez raison - 7 % du
capital aux salariés les plus favorisés d'Air France et qui aura vendu 4,5 % du
capital aux 45 000 autres salariés d'Air France au prix du marché, même s'ils
ont bénéficié d'un petit avantage fiscal au passage, ce qui est exact.
M. Joël Bourdin.
C'est la lutte des classes !
(Sourires.)
M. Michel Pelchat.
Ce sont des marxistes !
M. Ladislas Poniatowski.
Je souhaite vous indiquer que cette première injustice de traitement entre les
pilotes et les autres salariés s'est doublée d'une seconde injustice entre les
pilotes en exercice à la date de la signature de l'accord et les nouveaux
pilotes embauchés depuis.
Au rythme d'environ deux cents nouveaux pilotes par an - d'ici à cinq ou dix
ans, vous voyez combien cela fera - ils seront suffisamment puissants pour
bloquer à leur tour la compagnie et obtenir un cadeau similaire en capital.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Vous encouragez
les grèves !
M. Ladislas Poniatowski.
De cet accord, la direction escompte retirer une économie estimée à environ
235 millions de francs par an de la masse salariale...
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Un peu plus !
M. Ladislas Poniatowski.
Par an.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Un peu plus !
M. Ladislas Poniatowski.
La direction donne cette estimation, mais vous connaissez mieux que moi la
situation de la masse salariale de l'entreprise, monsieur le ministre.
En échange, le cadeau accordé aux pilotes n'a pas été négligeable puisque la
cession gratuite d'actions représente un cadeau de 1,4 milliard de francs,
valeur février 1999, c'est-à-dire le jour de la mise sur le marché du capital
d'Air France.
Le texte que nous examinons aujourd'hui n'est que la cerise sur le gâteau par
rapport à ce cadeau puisqu'il s'agit d'accorder une place supplémentaire au
conseil d'administration d'Air France.
Je voudrais m'arrêter maintenant sur le second événement qui a manqué Air
France en 1998 : la décision d'ouverture de son capital, qui s'est achevée par
une entrée en bourse réussie le lundi 22 février 1999.
Ce fut une entrée en bourse très réussie puisque, finalement, 2,4 millions
d'actionnaires individuels - vous aviez raison de le dire tout à l'heure,
monsieur le ministre - ont souscrit à l'ouverture du capital pour un prix de 14
euros, soit à peu près 91 francs par titre. La demande avait été telle que,
pour la satisfaire « en partie », le nombre d'actions offertes aux particuliers
avait été augmenté au détriment des investisseurs institutionnels. Bercy, et
c'est un bien, avait tenu à donner une priorité absolue aux petits
actionnaires. Les ordres ayant fait l'objet d'une réservation inférieure à dix
actions ont été servis et tous ceux qui avait demandé plus n'ont reçu que dix
actions. Cela montre le succès de cet appel à l'actionnariat populaire, et je
m'en réjouis.
Les investisseurs institutionnels français et internationaux, qui s'étaient
bousculés, avaient en définitive reçu un nombre d'actions à peine plus
important que les particuliers - 23,6 millions d'actions contre 21,9 millions
d'actions.
Monsieur le ministre, vous aviez raison de rappeler que le cumul des
réservations de titres des investisseurs particuliers et institutionnels
s'élevait à près de cent milliards de francs, pour une offre portant sur
seulement quatre milliards de francs.
Les pilotes ont bien sûr largement profité de ce bon accueil. Ils ont profité
de ce qui s'est passé depuis car l'action a augmenté en un an de près de 11 %.
Cela signifie que le cadeau qui représentait très précisément 1,45 milliard de
francs à l'époque représente aujourd'hui 1,64 milliard de francs. Ainsi, près
de 85 % des pilotes ont accepté l'offre d'échange « salaire-actions ».
Quant à l'immense majorité des salariés d'Air France qui ont eu le droit
d'acheter des actions de leur entreprise, ils ont bénéficié d'un avantage
important par rapport aux autres citoyens français : chacun a eu le droit
d'acheter plus de dix actions. Je pense que c'est une excellente chose, car il
me paraît très intéressant que des salariés puissent détenir une partie du
capital de leur entreprise. C'est ainsi que les salariés d'Air France autres
que les pilotes sont aujourd'hui propriétaires de 4,4 % du capital de
l'entreprise.
La répartition du capital d'Air France est actuellement la suivante : 11,5 %
aux salariés de l'entreprise, notamment les pilotes ; 31,7 % aux investisseurs
particuliers - les 2 400 000 petits porteurs - et institutionnels ; enfin, 56,8
% à l'Etat, étant entendu que la part de l'Etat ne sera plus que de 53 % en
mars 2003.
Le texte que nous examinons aujourd'hui tend à augmenter le nombre de sièges
au conseil d'administration d'Air France afin de tenir compte de cette nouvelle
répartition. Cependant, nous ne sommes amenés à nous prononcer que sur le
nombre : c'est ensuite vous, monsieur le ministre, qui déciderez de la
répartition, par voie d'arrêté.
J'ai eu la curiosité de lire le projet d'arrêté. Il y est précisé que l'Etat
conservera onze représentants, soit des fonctionnaires, soit des personnalités.
Conformément à la loi de 1983 sur le secteur public, les salariés garderont six
sièges ; je signale au passage qu'un des sièges est réservé aux pilotes. Les
actionnaires autres que l'Etat et les salariés, qui n'avaient aucun siège, en
obtiendront deux. Monsieur le ministre, vous avez raison : c'est un premier
pas. Il reste que, à Air France, la détention de 32 % du capital donne droit à
moins de 10 % des sièges, et je considère qu'il y a là une anomalie : d'où ma
proposition.
Ma proposition vous donne d'ailleurs une marge de manoeuvre plus importante,
monsieur le ministre. En portant non à vingt et un mais à vingt-trois le nombre
de membres du conseil d'administration, je ne cherche pas à me substituer à
vous pour déterminer à qui il faut attribuer les deux sièges supplémentaires.
Cependant, dans mon esprit, il s'agit évidemment de faire en sorte que ceux qui
sont mal représentés au conseil d'administration le soient mieux. Selon moi, il
conviendrait donc d'attribuer un des deux sièges supplémentaires aux
actionnaires autres que les salariés et l'Etat.
En revanche, vous serez certainement obligé, monsieur le ministre, de réserver
le second à l'Etat. En effet, en tant que représentant de la nation, je
souhaite que l'Etat qui est majoritaire dans le capital le soit également au
sein du conseil d'administration. Mais l'amendement qui a été approuvé ce matin
en commission vous permet de réparer une injustice.
Les grands défis auxquels devra faire face Air France au cours des dix
prochaines années sont ceux que doivent relever toutes les grandes compagnies
mondiales. Les quarante premières compagnies aériennes, même si certaines sont
« plus publiques » et d'autres « plus privées », ont d'ailleurs des statuts
assez semblables à celui d'Air France.
Il faut savoir que, dans le transport aérien, les fusions et les OPA sont
interdites. Sur tous les continents, les compagnies dépendent du domaine
souverain des Etats. Même aux Etats-Unis, la loi interdit à un investisseur
étranger de posséder plus de 25 % d'un transporteur aérien local. En Europe,
les Etats ouvrent plus ou moins le capital de « leur » compagnie nationale,
mais tous tiennent
mordicus
à ce que 51 % du capital restent au moins
entre les mains d'investisseurs nationaux. Ces règles, qui tendent à protéger
le secteur très particulier qu'est le transport aérien, doivent être
maintenues.
Pour faire face à ces défis qui attendent les compagnies, celles-ci prennent
des décisions comparables. En particulier, un peu partout, elles concluent des
alliances. La plus importante est la fameuse
star alliance,
qui regroupe
United Airlines, Lufthansa, Singapore Airlines, Air Canada et Varig. Mais il y
a aussi la « petite alliance », celle qui unit Air France, Delta Airlines et
Aero Mexico.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Et ce n'est pas
fini !
M. Ladislas Poniatowski.
Quel est l'objectif de ces alliances ?
Il s'agit peut-être de contourner l'obstacle des fusions interdites, et
pourtant indispensables dans d'autres secteurs économiques, comme on le
constate.
Il s'agit sans doute de répondre à des impératifs économiques : mieux négocier
les achats d'avions ou de carburant, éviter les doublons de gestion.
Il s'agit surtout de proposer un catalogue de vols et de services plus
complets à la clientèle. Aujourd'hui, cela s'accompagne de baisses des tarifs.
J'espère que ce sera encore le cas dans l'avenir mais je suis un peu plus
sceptique sur ce point.
Les règles qui régissent ces géants du ciel sont les mêmes pour tous. Elles
sont du domaine de l'économie de marché. Notre compagnie nationale a tourné le
dos à ses difficultés des années quatre-vingt-dix ; M. le rapporteur, avec
raison, a insisté sur ce point. Elle a su se désengluer des conflits sociaux à
répétition. Elle a accompli d'énormes efforts pour appliquer les règles de
management du transport aérien moderne, tout simplement en imitant les
autres.
Il ne faut pas retomber dans les mauvaises habitudes, qui risquent d'alourdir
le climat social dans l'entreprise. N'oublions pas que les progrès de
productivité ont été réalisés par l'ensemble du personnel et non pas seulement
par une catégorie. Vous le savez, monsieur le ministre, car vous êtes bien
informé, les autres catégories de personnel ont profondément le sentiment que
les pilotes bénéficient d'avantages, voire de privilèges.
Nous vous donnons l'occasion d'atténuer cette injustice, comme d'autres, et
j'espère que vous la saisirez.
(Applaudissements sur les travées des
Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Plancade.
M. Jean-Pierre Plancade.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, bien qu'il
comporte un nombre limité d'articles, le projet de loi relatif à
l'élargissement du conseil d'administration de la société Air France et aux
relations de cette société avec l'Etat, et portant modification du code de
l'aviation civile, n'en constitue pas moins un texte important puisqu'il vient
conclure, sur le plan législatif, une série de mesures qui ont permis à la
compagnie nationale non seulement de se redresser mais aussi de s'adapter avec
succès à son nouvel environnement : secteur fortement concurrentiel,
constitution d'un espace aérien communautaire.
La compagnie Air France a connu bien des vicissitudes depuis sa création en
1933 : sa nationalisation en 1945 ; la fusion-absorption d'UTA, en 1992, dont
nous subissons encore quelques séquelles, notamment en matière d'indemnisation
des salariés, et, sur ce point, monsieur le ministre, nous espérons qu'un
accord amiable interviendra rapidement ; en 1994, la constitution d'une société
holding, Groupe Air France SA, avec Air Inter ; en 1998, la transformation de
la compagnie nationale Air France en société Air France, l'Etat étant alors
autorisé à céder gratuitement, dans la limite de 12 % du capital, des actions
Air France aux salariés ; enfin, en 1999, la société est cotée en bourse.
Je rappelle qu'en 1994 l'Etat a décidé de recapitaliser Air France pour un peu
plus de 20 milliards de francs : c'était le prix à payer pour la survie de
cette société. La Commission européenne a donné son accord sur cette
participation supplémentaire de l'Etat français en contrepartie de mesures
garantissant le fait que cet argent ne pourrait pas être utilisé pour modifier
les règles égalitaires de la concurrence.
C'est pourquoi Air France a dû prendre toute une série de mesures -
administratives, juridiques, financières - depuis cette date, qui font
qu'aujourd'hui elle est devenue une entreprise nouvelle, une entreprise
publique exemplaire, socialement et économiquement.
Cette entreprise a vocation à demeurer dans le secteur public précisément
parce que un peu plus de 20 milliards de francs ont été injectés dans le
capital. Cela justifie pleinement que l'Etat reste actionnaire majoritaire.
D'ailleurs, comme le disait tout à l'heure notre excellent collègue M. Le
Grand, il s'agit de l'argent des contribuables.
La participation de l'Etat a cependant été ramenée à 57 % aujourd'hui, tandis
que 12 % des actions sont détenus par les salariés et 31 % par divers
actionnaires, dont la BNP.
Le caractère public de cette entreprise ne lui interdit d'ailleurs pas d'être
cotée en bourse et il ne freine pas son développement national ou
international.
Sur le plan social, l'accord du 29 octobre 1998 a concrétisé l'opération
d'échange « salaire contre actions ». Près de 79 % des pilotes d'Air France ont
accepté de réduire leur salaire et ont reçu en échange 1,4 milliard d'actions.
Et M. Poniatowski pense qu'il s'agit là d'une injustice ! Le personnel au sol
et le personnel navigant, en dehors des pilotes, détiennent, quant à eux, 6 %
du capital. Ils les ont obtenus à des conditions différentes, monsieur
Poniatowski, de celles qui concernent les pilotes puisque ceux-ci ont accepté
une baisse de salaire. En tenant compte des retraités, Air France est ainsi
devenue l'entreprise française dont l'actionnariat salarié est le plus
important.
L'ouverture du capital à d'autres actionnaires a aussi été un succès puisque
des titres ont été achetés par 2 400 000 particuliers et que la demande des
investisseurs institutionnels est quarante fois supérieure à l'offre. Sans
doute ont-ils également estimé qu'il y avait là une injustice !
Ces constats tendraient à prouver qu'Air France est entrée avec vigueur sur le
marché et que, bien que publique, elle est donc considérée par le monde
économique comme une entreprise performante. C'est bien la preuve, comme avec
France Télécom et Thomson, que le statut d'entreprise du secteur public n'est
pas contradictoire avec la performance économique.
M. Marcel Charmant.
Très bien !
M. Jean-Pierre Plancade.
Sur le plan économique, après une longue période difficile et après la mise en
place du plan de redressement, Air France a renoué voilà maintenant cinq ans
avec les bénéfices.
Non seulement elle bénéficie d'une progression de son chiffre d'affaires et de
son résultat net d'exploitation, mais de surcroît 3 500 emplois ont été créés
depuis 1997 et vous nous avez annoncé, monsieur le ministre, qu'elle espérait
en créer plus de 6 000 dans les toutes prochaines années.
La société Air France est donc une belle entreprise publique qui n'a plus rien
à voir avec celle qui a été créée en 1948 et elle doit continuer à se
développer. C'est la raison pour laquelle nous devons encore moderniser ses
structures.
Tel est aussi le sens du projet de loi qui nous est soumis.
L'article 1er allège la tutelle de l'Etat sur Air France. Les conditions
d'exploitation ne sont plus fixées par le ministre des transports et
l'autorisation préalable de la tutelle n'est plus requise. Cet article conforte
ainsi l'autonomie de gestion d'Air France, tant demandée dans cette assemblée.
Désormais l'Etat ne pourra exercer son rôle que par ses seuls représentants au
conseil d'administration.
L'article 2 supprime l'obligation d'équilibre financier et prend en compte les
obligations de service public auxquelles doit se soumettre Air France.
L'article 3 supprime tout d'abord une disposition contraire aux règles
communautaires proscrivant les aides d'Etat.
Ensuite, il fixe la composition du conseil d'administration et porte le nombre
de ses membres de dix-huit à vingt et un, comme l'autorise la loi de 1983 sur
la démocratisation du secteur public. Le conseil d'administration comptera donc
six représentants de l'Etat, cinq personnalités qualifiées, deux représentants
des salariés actionnaires, six représentants des salariés, comme actuellement,
et deux représentants des actionnaires autres que les salariés et l'Etat.
Nous estimons souhaitable que l'ensemble des salariés, y compris ceux qui ne
font pas partie du personnel navigant technique, puissent participer activement
au conseil d'administration.
Nous regrettons par ailleurs que les usagers ne soient plus représentés au
conseil d'administration de cette société. J'aimerais, monsieur le ministre,
que vous m'indiquiez comment Air France compte assurer le dialogue avec ses
clients, qui ont, eux aussi, je peux vous l'assurer, des choses à dire...
Je souhaiterais aborder également deux sujets qui ne sont pas liés directement
au projet de loi, mais qui concernent le transport aérien et Air France.
Le développement d'Air France ne pourra se poursuivre que si cette compagnie,
tout comme les autres, prend en compte l'exigence environnementale, non
seulement en remplaçant les avions les plus bruyants, mais aussi en donnant des
consignes à ses pilotes, notamment à l'occasion des atterrissages.
Je suis de ceux qui pensent que les compagnies aériennes ne pourront plus
envisager une expansion commerciale sans contribuer au développement durable
des territoires concernés, notamment par la réduction du bruit aux abords des
plates-formes aéroportuaires.
A ce propos, la proposition de notre collègue le député Jean-Pierre Blazy, qui
souhaite que les compagnies acquittent une taxe de trois francs par passager et
de un franc par tonne de fret pour alimenter des fonds de compensation contre
les nuisances sonores, permettant aux collectivités riveraines des grands
aéroports de mener une politique de protection environnementale au bénéfice des
populations, me paraît tout à fait intéressante.
La préoccupation environnementale est extrêmement importante, car elle
conditionne réellement l'avenir du transport aérien.
Enfin, je voudrais attirer votre attention sur l'inquiétude - mais je sais
qu'elle ne vous a pas échappé - des pilotes à la suite de la décision d'Air
France et de La Poste de mettre un terme à leur collaboration dans le cadre de
l'aéropostale. Connaissez-vous les raisons de ce choix et savez-vous quel est
l'avenir des pilotes de l'aéropostale ?
En conclusion, le projet de loi qui nous est soumis procède à un toilettage du
code de l'aviation civile ; il permet d'élargir le conseil d'administration aux
salariés actionnaires et aux autres ; il donne une autonomie et une liberté de
gestion à cette entreprise qui doivent lui permettre d'affronter la
concurrence, très dure à l'échelon international, de s'adapter et de préserver
son avenir.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, le groupe socialiste votera ce projet de
loi sans état d'âme et en l'état !
(Très bien ! et applaudissements sur les
travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Vinçon.
M. Serge Vinçon.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 13
décembre 1990, le Sénat a décidé la création d'une commission de contrôle,
présidée par M. Cartigny, chargée d'examiner la gestion administrative,
financière et technique de l'entreprise nationale Air France.
A l'époque, la crise du Golfe, la concurrence imposée par Bruxelles, la
fermeture brutale par l'entreprise nationale de nombreuses lignes
internationales au départ de grandes villes de province, sans concertation avec
les élus et les responsables économiques locaux, justifiaient, en effet, une
réaction de notre assemblée.
La commission de contrôle fut donc décidée sur les fondements suivants :
comprendre, analyser et, si possible, apporter une aide à l'entreprise
nationale. A la suite de nombreuses auditions et d'une réflexion approfondie,
nous avions notamment conclu que la privatisation ne réduisait pas et ne
modifiait pas automatiquement l'intérêt national porté aux services aériens.
Malgré le mouvement constaté partout vers la privatisation, nous constations,
déjà, qu'il était plus facile d'introduire des capitaux étrangers dans une
compagnie privée que dans une société d'Etat.
Aujourd'hui, plus de dix années plus tard, force est de constater que
l'adaptation de la compagnie Air France à un environnement de plus en plus
concurrentiel passe toujours par sa privatisation.
Or l'ouverture du capital d'Air France a été préférée à la privatisation par
le Gouvernement qui est contraint, par le biais de ce projet de loi, d'apporter
les adaptations nécessaires à cette timide ouverture de capital.
Alors que M. Edouard Balladur puis M. Alain Juppé, Premiers ministres,
considéraient le retour dans le secteur privé du secteur public aérien comme
l'un des éléments clés de leur politique économique, vous avez affirmé à de
nombreuses reprises, monsieur le ministre, que vous ne souhaitiez ni
privatisation ni
statu quo.
Cela n'a pas empêché le Gouvernement auquel vous appartenez d'achever, en deux
ans, l'adaptation juridique de certaines entreprises publiques au secteur
concurrentiel. Ainsi, du « ni-ni », le Gouvernement, avec la bienveillance du
membre éminent du parti communiste que vous êtes, monsieur le ministre
(Exclamations sur les travées socialistes)...
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Et fier de
l'être !
M. Serge Vinçon.
... est rapidement passé à une politique plus pragmatique, autorisant la
privatisation d'entreprises comme le GAN-CIC et Thomson CSF, ou des cotations
en bourse comme pour France Télécom, ou encore la libéralisation pure et simple
du plan entier d'un secteur public comme celui de l'électricité avec la mise en
concurrence de l'opérateur historique Electricité de France.
Dans le cas particulier de la compagnie Air France, la privatisation devait
répondre à un engagement du gouvernement français pris devant la Commission de
Bruxelles en 1994 comme condition de la recapitalisation du groupe à hauteur de
20 milliards de francs. A ce titre, je me permets d'ailleurs de rappeler que
cet engagement a été validé par le Parlement. En effet, lors de l'adoption de
la loi de privatisation du 19 juillet 1993, celui-ci a fait figurer Air France
parmi la liste des sociétés privatisables par décret.
Signe de votre clairvoyance, monsieur le ministre, cette loi de juillet 1993
n'a pas été abrogée. Mieux encore, le projet de loi que vous nous soumettez
aujourd'hui tente d'intervenir pour apporter les adaptations, sur le plan
institutionnel, nécessaires, comme pour toute entreprise du secteur public qui
évolue dans une environnement concurrentiel.
Cependant, on ne peut qu'être frappé par le contraste entre l'enjeu crucial
que constitue le développement de la compagnie Air France et la modestie de ce
projet de loi.
Aujourd'hui, comme hier, nous sommes confrontés à cette récurrente question :
n'allons-nous pas causer de graves et irrémédiables problèmes à la compagnie en
la maintenant dans la position exceptionnelle, quasi unique dans le monde
d'entreprise publique ?
Même si cette entreprise a effectué un redressement spectaculaire, grâce à
l'action de son actuel président, M. Jean-Cyril Spinetta, mais aussi grâce à
l'action de son prédécesseur, M. Christian Blanc, qui a obtenu, en quatre ans,
des résultats remarquables à la tête de la compagnie nationale, les verrous de
l'Etat français n'apportent pas au groupe Air France l'assistance dont il
aurait besoin dans la recherche de ses alliances.
La preuve en est qu'il n'a toujours pas complété ses alliances avec l'Asie et
qu'il n'a pas encore de partenaire européen à part entière.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
On y travaille
!
M. Serge Vinçon.
Avant-hier déjà, souvenons-nous, la compagnie Iberia refusait de développer un
partenariat avec Air France, préférant finalement une solution plus
anglo-américaine. Hier encore, souvenons-nous, le récent accord enfin conclu
avec Delta Airlines ne provoquait pas d'autres nouvelles alliances pourtant
vitales.
Ainsi, la privatisation permettrait définitivement au groupe Air France de
répondre à deux enjeux majeurs, qui sont sa compétitivité face à la concurrence
internationale et son adaptation au nouveau paysage aérien mondial qui se
structure en réseaux d'alliances depuis près de dix ans.
Avec ce projet de loi, le Gouvernement tourne le dos à ces enjeux essentiels
pour le transport aérien français, nie le transport aérien du futur et
rétrograde Air France dans une époque où l'Etat assurait à la compagnie
nationale une protection bienveillante, en la soutenant financièrement,
réglementairement et politiquement.
Le Gouvernement préfère donc l'ouverture du capital à la privatisation,
renouant ainsi avec le traditionnel pilotage automatique des entreprises
publiques par les gouvernements socialistes. Une fois de plus, la politique du
Gouvernement est motivée exclusivement par des raisons idéologiques.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Mais non !
M. Serge Vinçon.
Vous me répondrez tout à l'heure !
Malgré ce constat et pour conclure, je soutiens, au nom du groupe du
Rassemblement pour la République, la position de notre excellent rapporteur,
qui propose d'adopter ce projet. Comme l'a souligné notre collègue
Jean-François Le Grand, ce texte technique permet en effet une avancée
significative dans la bonne direction, celle de la privatisation du groupe Air
France.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de
loi qu'il revient à notre assemblée d'examiner aujourd'hui comporte deux volets
: d'une part, l'élargissement du conseil d'administration d'Air France et,
d'autre part, le renforcement de l'autonomie de gestion de la société.
Ce texte s'inscrit dans le prolongement de l'ouverture du capital du groupe
Air France, effective depuis février 1999, et sur laquelle, vous le savez,
monsieur le ministre, notre groupe a déjà eu l'occasion d'exprimer ses
réserves, ses craintes, tant pour la situation des personnels que pour les
obligations d'intérêt général auxquelles Air France doit rester fidèle.
Bien évidemment - et les propos tenus par les députés de l'opposition à
l'Assemblée nationale ou ceux qui ont été prononcés dans cette enceinte, en
particulier par le rapporteur M. Jean-François Le Grand n'en font pas mystère -
Air France serait, à ce jour, sans nul doute privatisée à 100 % si les Français
n'avaient pas décidé de changer de majorité en juin 1997.
Mme Hélène Luc.
C'est vrai !
M. Pierre Lefebvre.
Le maintien de la compagnie nationale dans le secteur public tient
probablement aussi, pour une bonne part, à votre présence, monsieur le
ministre, au ministère des transports. Du reste, vos propos, et vous venez de
les confirmer, ont toujours été sans équivoque sur ce point. Il est non
seulement de l'intérêt d'Air France et de ses salariés que l'Etat reste
l'actionnaire majoritaire, mais, n'en déplaise aux prédictions funestes de nos
collègues de la droite sénatoriale, cette situation n'a en rien freiné, bien au
contraire, ni le développement d'Air France sur le plan international ni la
conclusion d'accords commerciaux déterminants pour les perspectives de
croissance de l'entreprise.
A ce jour, Air France, parmi les compagnies européennes, est l'entreprise dont
la situation financière et économique est la plus favorable ; elle dispose, en
outre, d'atouts solides que vous avez soutenus, monsieur le ministre - le
hub
de Roissy-Charles-de-Gaulle n'est pas le moindre - dans un secteur
où la concurrence exacerbée que se livrent les transporteurs fait craindre, à
terme, l'abandon de dessertes vitales pour le désenclavement de certains
territoires, des suppressions de personnels, une détérioration de
l'environnement et une dégradation de la qualité et de la sécurité des
flottes.
Dans ce contexte lourd de dangers, Air France poursuit son redressement : la
dette nette est passée de 14,4 milliards de francs en mars 1999 à 11,7
milliards de francs au 30 septembre de la même année ; la capacité
d'autofinancement est passée de 3,5 milliards à 5 milliards de francs ; le
résultat net du groupe a progressé de 52 % au cours du premier semestre de
l'exercice 1999-2000 ; le trafic passagers a augmenté de 16 % pour un
coefficient de remplissage proche, aujourd'hui, de 80 %.
Ces bons résultats sont, de toute évidence, à mettre à l'actif de l'entreprise
et de tous ses salariés mais aussi, il faut le dire à l'actif du Gouvernement
qui a tout d'abord su créer les conditions d'un climat social plus apaisé au
sein de l'entreprise et qui accepte, enfin, de prendre ses responsabilités
d'actionnaire principal, de propriétaire des infrastructures aéroportuaires et
de garant de la sécurité des passagers et des riverains.
Le redressement d'Air France était inespéré voilà encore cinq ans, à une
époque où d'aucuns ne juraient - comme aujourd'hui d'ailleurs - que par la
privatisation totale comme seule porte de sortie pour la compagnie. Leur mot
d'ordre pouvaient se résumer à ceci : « la privatisation ou la mort ».
Aujourd'hui, Air France n'est pas privatisée et elle est pourtant bien
vivante.
Que dire, en revanche, de British Airways, société privatisée depuis de
nombreuses années et dont le bilan s'avère particulièrement désastreux,...
Mme Hélène Luc.
Eh oui !
M. Robert Bret.
Quelle efficacité !
M. Pierre Lefebvre.
... à tel point, d'ailleurs, qu'elle s'apprête à céder Air Liberté, qui
pourrait revenir à Air France.
Pour autant, on ne peut considérer Air France comme étant à l'abri de
pressions libérales qui s'exercent et qui s'exerceront jusqu'au sein du nouveau
conseil d'administration.
L'effacement de l'Etat-tutelle, que prévoit ce projet de loi, conformément au
règlement communautaire du 23 juillet 1992, et le désengagement progressif de
l'Etat-actionnaire, qui devrait conserver 53 % du capital d'Air France d'ici à
2003, sont autant de facteurs qui offrent des marges de manoeuvre
supplémentaires aux intérêts privés dont les préoccupations ne peuvent que
conduire à privilégier la recherche du profit maximal par rapport à l'intérêt
général et à l'intérêt des salariés.
Dans ce contexte de mixité du capital d'Air France, les salariés-actionnaires
seront-ils les jouets de la Bourse ou, pire, les acteurs de leur propre
exploitation ?
Pour ma part, je suis convaincu, d'une manière générale, que sans l'obtention
de droits nouveaux pour les salariés, sans l'intervention et le contrôle de
ceux-ci sur la gestion de l'entreprise, sans l'expression d'une véritable
démocratie sociale à tous les échelons, l'actionnariat salarié ne serait, en
définitive, rien d'autre que la forme la plus achevée de l'exploitation
capitaliste.
Pire, celle-ci s'exercerait avec le concours inconscient de ses victimes,
c'est-à-dire des salariés eux-mêmes.
Je ne me fais donc aucune illusion sur les pouvoirs nouveaux dont
disposeraient les salariés grâce à leur seule entrée dans le capital.
Parler de droits nouveaux pour les salariés, actionnaires ou non, est, à nos
yeux, essentiel si on ne veut pas s'enfermer dans un débat dont les termes et
les solutions seraient
in fine
le reflet des positions patronales.
Ces réflexions dépassent, j'en conviens, le cadre de ce projet de loi. Pour
autant, nous ne pouvons ignorer les craintes et les interrogations générées par
l'ouverture du capital d'Air France, qui trouve son prolongement et sa
confirmation dans ce texte. Notre groupe avait déjà eu l'occasion d'exprimer
ces réserves au moment de l'examen du projet de loi portant diverses
dispositions d'ordre économique et financier de 1998, dont l'article 51
prévoyait, pour les pilotes en grève, le principe d'une baisse de salaire en
contrepartie de l'acquisition d'actions d'Air France.
Selon nous, il convient, en outre, de veiller à ce que la nouvelle
représentation des différentes catégories de personnels au sein du conseil
d'administration d'Air France ne vienne attiser des divisions qui seraient
stériles et qui mettraient en péril la cohésion et le dialogue qui commencent à
s'instaurer - il faut s'en réjouir - depuis plusieurs mois.
La division des personnels, selon les catégories ou selon leurs statuts, si
elle devait se réveiller et trouver à s'exprimer, y compris à l'intérieur du
conseil d'administration, ne ferait finalement le jeu que de ceux qui aspirent
à démanteler l'entreprise et à obtenir le retrait de la puissance publique dans
ce secteur.
D'ores et déjà, cette tension est permanente entre les intérêts
contradictoires, d'une part, de l'Etat et des salariés, dont les intérêts
convergent vers la satisfaction des besoins des usagers, d'autre part, des
groupes financiers, dont le seul objectif est d'adapter la gestion de
l'entreprise qu'ils contrôlent partiellement en vue d'optimiser le rendement
des actions.
Or l'orientation de la direction d'Air France vers ce que l'on appelle le «
gouvernement d'entreprise » ne revient-elle pas, en réalité, à mettre
l'entreprise sous contrôle de la finance, sous le regard bienveillant mais
impuissant des pouvoirs publics ?
Ce projet de loi, s'il ne vise qu'à une simple mise à jour de la loi pour
tenir compte d'une réalité existante, entérine cette évolution vers l'«
autonomisation » d'Air France, mais sans offrir par ailleurs de garantie
durable sur l'orientation des critères de gestion de la compagnie.
Peut-on se satisfaire d'une situation dans laquelle l'Etat serait seulement
informé
a posteriori
des stratégies d'investissement et de participation
élaborées par la direction, comme c'est déjà le cas aujourd'hui ?
Peut-on se satisfaire d'un conseil d'administration qui ne serait, en
définitive, qu'une chambre d'enregistrement de décisions prises ailleurs ?
Dans ce cas, les droits reconnus aux salariés actionnaires ne seraient que
factices, et ceux-ci n'auraient, dès lors, à attendre de l'achat d'actions que
la seule rente financière hypothétique, sans les pouvoirs supplémentaires
escomptés et annoncés.
En conclusion, monsieur le ministre, tout en prenant en considération les
efforts que vous fournissez pour infléchir le processus de libéralisation du
ciel européen qui prévaut depuis de longues années, les sénateurs du groupe
communiste républicain et citoyen s'interrogent sur un dispositif qui
participe, qu'on le veuille ou non, de cette logique.
A cet égard, face au projet néfaste de la Commission de Bruxelles d'avancer
vers une séparation des fonctions de fournisseurs de services et des fonctions
de contrôle et de régulation pour pousser plus encore la déréglementation du
ciel européen, la France doit, à notre avis, saisir l'occasion de la présidence
du Conseil qu'elle exercera dans trois mois pour proposer un projet alternatif
accordant la priorité aux règles de sécurité d'environnement et favorisant
l'harmonisation des normes sociales au niveau des compagnies européennes.
Aussi, monsieur le ministre, nos réserves sur ce texte n'entament en aucune
matière le soutien que notre groupe apporte à l'action que vous menez depuis
bientôt trois ans à la tête de ce ministère et aux combats que vous aurez
également à mener pour contrecarrer les visées de Bruxelles dans les mois à
venir.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen ainsi que sur certaines travées socialistes.)
M. le président.
A la demande de M. le ministre, nous allons interrompre nos travaux pendant
quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt
heures.)
M. le président.
La séance est reprise.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
président, mesdames, messieurs les sénateurs, sans revenir sur ce que j'ai dit
tout à l'heure, je souhaite cependant apporter quelques éléments de réponse aux
différents orateurs qui sont intervenus dans ce débat.
Certains s'interrogent pour savoir s'il est juste ou non qu'Air France reste
dans le secteur public et considèrent que, depuis longtemps, la compagnie
devrait être privatisée ; d'autres - c'est le choix du Gouvernement -
considèrent au contraire qu'Air France doit rester dans le secteur public, et
s'inquiètent même, à l'instar de M. Lefebvre à l'instant, de l'ouverture du
capital qui a récemment été décidée : le système fonctionne-t-il, ne s'agit-il
pas d'un handicap pour la compagnie elle-même ?
Depuis 1997 - M. Vinçon l'a souligné - des progrès ont été accomplis,
permettant le développement de la compagnie. Ces progrès sont sans doute à
mettre au compte du président de l'entreprise, M. Spinetta - mais vous me
permettrez au passage de ne pas oublier les salariés - et vous avez même parlé
du prédécesseur de M. Spinetta, M. Christian Blanc. Vous avez cependant lancé
une petite pique à l'égard du Gouvernement en disant que, dans tout cela, il
n'avait pas fait grand-chose. Vous comprendrez que je me sois senti un peu visé
! (
Oui ! sur les travées du RPR.)
Permettez-moi de m'expliquer sur ce point. Mais je ne serais pas trop long,
rassurez-vous.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
C'est un plaisir de vous entendre, monsieur le ministre !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
La décision sur
les deux pistes supplémentaires à Roissy n'avait pas été prise lorsque j'ai
pris mes fonctions. Elle l'a été, et les pistes sont en cours de
réalisation.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
C'est un peu court, comme réponse !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Quant à l'accord
bilatéral avec les Etats-Unis, il avait été rompu en 1992. La majorité
précédente n'en est peut-être pas responsable, mais c'est un fait, il y avait
eu rupture en 1992. Depuis, tous les gouvernements successifs ont essayé de
passer un accord avec les Américains.
Ces derniers proposaient un accord
open sky
, c'est-à-dire à ciel
ouvert, mais nous considérions, nous, qu'il n'était pas possible de faire
n'importe quoi au risque d'être écrasés.
Il est vrai que certains considéraient que, sans la privatisation, avec la
gauche - et surtout avec ce ministre des transports - on n'arriverait pas à
conclure un bon accord avec les Américains. Or nous avons passé un très bon
accord bilatéral : chaque fois que les Etats-Unis gagnent une fréquence, nous
en gagnons une aussi et, à l'issue de la période de trois ans qui a été prévue,
nous aurons même la possibilité d'aller au-delà pour que l'équilibre soit réel
entre les Etats-Unis et la France.
Tout cela favorise particulièrement la compagnie nationale Air France, même si
elle n'est pas seule concernée.
Depuis, il y a eu l'alliance avec Delta Airlines. On me dit que le processus a
pris du retard. Mais j'ai trouvé la situation que j'ai trouvée ! Si, vraiment,
la perspective de la privatisation avait été convaincante - puisque tel était
le discours tenu par les gouvernements précédents, ceux de M. Balladur et de M.
Juppé, qui promettaient de privatiser, notamment au prétexte que l'Europe,
après la capitalisation de 20 milliards de francs, l'exigeait - pourquoi
n'avez-vous pas conclu de telles alliances ? Celles qui existaient lorsque j'ai
pris mes fonctions étaient, en effet, insuffisantes, vous le savez bien,
monsieur le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Il y aurait beaucoup à dire sur ce point, monsieur le
ministre !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Il y aurait
sûrement beaucoup à dire, et je reconnais que je suis un peu rapide, ...
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
En effet !
M. Serge Vinçon.
Aussi rapide que les avions !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
... mais je ne
veux pas prendre trop de votre temps.
En tout cas, en ce qui concerne Delta Airlines, rien n'était fait, nous sommes
bien d'accord ! Or, cette alliance majeure, c'est nous qui l'avons conclue, et
les autres compagnies européennes dont vous parliez avaient déjà passé de
telles alliances.
M. Poniatowski a longuement parlé de l'échange salaire-actions. Or ce
dispositif a été autorisé par le Parlement dans son principe...
M. Ladislas Poniatowski.
Tout à fait !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
... et validé
par une commission indépendante, l'ex-commission des privatisations, qui a
rendu un avis favorable et conforme en soulignant que cette opération
comportait un bilan équilibré pour le patrimoine de l'Etat.
Aujourd'hui, vous pouvez, vous, estimer que le résultat est déséquilibré,
mais, moi, je ne partage pas cet avis, et je le partage d'autant moins qu'il
n'était pas aussi évident que des salariés acceptent qu'une partie de leur
salaire soit transformée en actions ! D'ailleurs, combien pensaient que l'on
n'y arriverait pas ? Eh bien, cela s'est fait !
S'agissant des autres salariés, monsieur Poniatowski, il convient - je l'ai
dit tout à l'heure, mais je le souligne - de rappeler que ceux-ci se sont vus
réserver 15 % des titres offerts au lieu des 10 % qui étaient la règle dans les
autres opérations d'ouverture, y compris dans les opérations de
privatisation.
On peut toujours reprocher au Gouvernement de n'en avoir pas assez fait dans
un sens ou d'en avoir trop fait dans l'autre, mais, en tout cas, cela
fonctionne, et le personnel est plus associé qu'auparavant à la gestion, y
compris au sein du conseil d'administration.
Celui-ci se compose ainsi de six représentants de l'Etat, de cinq
personnalités qualifiées - lesquelles jouent pleinement leur rôle
d'administrateurs et ne comprennent d'ailleurs pas que des représentants
d'entreprises publiques ou de fonctionnaires, puisqu'on y trouve aussi, vous le
savez bien, des représentants d'entreprises privées, ce qui amène même certains
à craindre que cela n'induise certains risques - et de six représentants des
salariés. C'est la loi de la démocratie, monsieur Poniatowski ! Au demeurant,
vous l'avez, à juste titre, dit vous-même, si ces derniers avaient deux
représentants de plus, il faudrait obligatoirement un représentant
supplémentaire pour l'Etat.
S'y ajoutent, c'est exact, deux représentants des salariés actionnaires - et,
pour que la représentation ne soit pas inéquitable, ce que vous avez craint, il
y a un représentant des salariés actionnaires pilotes et un représentant des
salariés actionnaires non pilotes - et deux représentants des actionnaires
privés.
Je vous le dis très sincèrement, je ne vois pas ce que pourrait apporter de
plus un représentant supplémentaire pour l'Etat ! N'avez-vous d'ailleurs pas
dit fort justement, monsieur Poniatowski, que nous aurions la possibilité de
faire ce que nous voulons, que cela dépendrait de notre bonne volonté, du
décret ?...
Le texte qui vous est proposé me paraît raisonnable. Il n'a pour vocation de
mettre en cause ni l'ouverture du capital ni le principe de la majorité pour
l'actionnaire public.
L'autonomie de gestion des entreprises publiques - une vieille revendication
de votre groupe, monsieur Lefebvre - signifie-t-elle que l'on fait tout ce que
l'on veut et n'importe quoi ? Bien sûr que non !
Mme Hélène Luc.
Je l'espère !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
La stratégie est
fixée par l'actionnaire public, c'est-à-dire par le Gouvernement, dans les
lettres de mission. Mais, après, on libère l'entreprise de toute contrainte qui
paralyse telle ou telle de ses initiatives : c'est cela, l'autonomie de gestion
! Celle-ci ne réside pas uniquement dans le discours, nous devons faire avancer
les choses.
Ce que nous proposons, c'est de faciliter la représentation des actionnaires -
disons le mot, puisque c'est le cas - au sein du conseil d'administration, y
compris en la personne de représentants salariés actionnaires, et de favoriser
l'autonomie de gestion.
M. Plancade a soulevé un problème qui, effectivement est réel, celui des
représentants des usagers. Rien n'interdit, au demeurant, de choisir parmi les
personnes qualifiées des représentants des « clients » - osons le mot - de
l'entreprise ! En effet, Air France évolue désormais dans un contexte
totalement concurrentiel. Dans ces conditions, autant le dire très franchement,
si l'entreprise veut progresser et rayonner, si elle veut que le progrès social
suive le progrès économique - puisque c'est, en fait, le sens de l'action que
nous voulons mener dans ce domaine - elle doit avoir au coeur de sa démarche le
souci du client et du passager ! Ou alors, il faut vraiment qu'elle fasse autre
chose...
L'absence de représentants des usagers ne doit donc surtout pas être
interprétée comme l'indice qu'Air France n'aurait pas le souci desdits usagers.
J'ai presque envie de vous dire que cela doit être interprété, au contraire,
comme la preuve que toute la compagnie et tous les administrateurs ne peuvent
qu'avoir le souci des usagers, à défaut de quoi il n'y aurait pas de
développement possible pour la compagnie !
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen
ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. - I. - Le deuxième alinéa de l'article L. 341-1 du code de
l'aviation civile est ainsi rédigé :
« Elle a pour objet d'assurer l'exploitation de transports aériens. »
« II. - Au troisième alinéa du même article, les mots : ", après autorisation"
sont supprimés. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
M. le président.
« Art. 2. - L'article L. 342-2 du code de l'aviation civile est ainsi rédigé
:
«
Art. L. 342-2
. - Sous réserve des dispositions applicables aux
obligations de service public imposées sur les services aériens réguliers
intracommunautaires, les obligations qui sont imposées à la société Air France
dans l'intérêt général font l'objet de contrats préalables assortis de cahiers
des charges, passés entre la société, d'une part, l'Etat, les collectivités
publiques de la métropole et d'outre-mer, d'autre part. » -
(Adopté.)
Article 3
M. le président.
« Art. 3. - L'article L. 342-3 du code de l'aviation civile est ainsi rédigé
:
«
Art. L. 342-3
. - Par dérogation à l'article 4 de la loi n° 83-675 du
26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public, le conseil
d'administration de la société Air France compte vingt et un membres.
Indépendamment des représentants de l'Etat, des salariés, des salariés
actionnaires ainsi que des actionnaires autres que l'Etat et les salariés, le
conseil peut comprendre des personnalités choisies soit en raison de leur
compétence technique, scientifique ou économique, soit en raison de leur
connaissance du transport aérien. La représentation des salariés actionnaires
peut se faire par catégories. Elle peut être subordonnée à la détention par
l'ensemble des salariés actionnaires ou par chaque catégorie d'une part
minimale du capital social. »
Je suis saisi de deux amendements, présentés par M. Poniatowski.
L'amendement n° 1 vise, à la fin de la première phrase du texte présenté par
cet article pour l'article L. 342-3 du code de l'aviation civile, à remplacer
les mots : « vingt et un membres » par les mots : « vingt-trois membres ».
L'amendement n° 2 a pour objet de compléter
in fine
le texte proposé
par cet article pour l'article L. 342-3 du code de l'aviation civile par un
alinéa ainsi rédigé :
« La composition du conseil d'administration doit également respecter la
répartition du capital. »
La parole est à M. Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski.
Je ne reviendrai pas sur ce que j'ai dit tout à l'heure, monsieur le ministre
: faire passer le nombre des membres du conseil d'administration de vingt et un
à vingt-trois n'a rien de révolutionnaire, d'autant que je reste dans le cadre
du statut actuel d'Air France et de la loi de 1983 sur le secteur public. Il ne
s'agit pas d'introduire le débat sur la privatisation !
Mme Hélène Luc.
J'espère bien que non !
M. Ladislas Poniatowski.
Cela viendra peut-être un jour, mais ce n'est pas l'objet de la présente
discussion.
Même si Air France n'est pas une entreprise privée, il est bon que des
actionnaires élus continuent à siéger au sein du conseil d'administration. En
revanche, il existe au sein de l'entreprise un certain nombre d'injustices,
puisque les pilotes, notamment, demeurent des salariés privilégiés par rapport
aux 45 000 autres salariés d'Air France. Et il y a même une injustice parmi les
pilotes eux-mêmes, entre ceux qui exerçaient déjà leur activité au moment de la
négociation et ceux qui ont été recrutés entre-temps, à un rythme que j'ai
rappelé tout à l'heure.
Ma proposition est très simple. Elle vise à tenir compte des nouveaux
actionnaires, que ce soient les 2 400 000 tout petits actionnaires, qui ont
tous dix actions ou moins, ou les actionnaires institutionnels, qu'on a le
devoir de ménager.
Je ne sais pas, monsieur le ministre, ce qui se passera demain, si l'on
élargira juste un peu ou si l'on ira vers une privatisation. Mais ce qui est
sûr, c'est que l'on ne peut pas dire à ces actionnaires institutionnels qu'ils
doivent investir dans notre entreprise nationale, qu'ils auront demain non pas
30 % mais peut-être 40 ou 45 % du capital, que leur argent est donc le bienvenu
et, dans le même temps, qu'ils ne seront pas représentés à hauteur de ce
capital au sein du conseil d'administration.
Monsieur le ministre, si je dis que ce n'est pas du tout révolutionnaire,
c'est parce que, en faisant passer le nombre de 21 à 23, je vous donne une
marge de manoeuvre supplémentaire. Votre proposition, que nous voterons
a
minima,
consiste à faire passer le nombre 18 à 21, et comme vous êtes
maître de répartir ces 21 sièges, vous serez le maître du jeu dans la
répartition des 23 sièges.
Je dirai même que nous pourrions être piégés. Je ne peux en effet que
souhaiter que l'un des deux sièges supplémentaires aille aux actionnaires du
privé, que ce soient les petits actionnaires ou les actionnaires
institutionnels, dire que vous avez le devoir de répartir ainsi, que c'est là
un message à adresser auxdits actionnaires. Mais je vous ai dit aussi que je
n'admettrais pas que l'Etat français, actionnaire majoritaire, soit minoritaire
au conseil d'administration. Voilà pourquoi, s'il y a deux membres de plus,
l'un d'eux sera forcément un représentant de l'Etat.
En tout cas, il faut aller vers plus de justice, en essayant d'améliorer la
situation d'un certain nombre d'actionnaires qui sont lésés et qui le restent
si l'on s'en tient à votre texte.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Compte tenu de l'heure, il ne me paraît pas opportun de
revenir en long et en large sur l'ensemble des arguments qui ont été
invoqués.
Ce matin, en commission, nous avons eu un long débat sur le sujet, long débat
qui vient d'être excellemment résumé par M. Poniatowski, et c'est sur la base
des arguments avancés que la commission a émis un avis favorable sur les deux
amendements, qui sont cohérents.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Ces deux
amendements me paraissent participer de la même logique.
Monsieur Poniatowski, d'abord, loin de moi l'intention de piéger qui que ce
soit ! Soyez-en sûr, personne ne sera piégé, ni moi ni un autre ! Vous savez à
quoi vous en tenir, quant à la composition qui est proposée.
Pour ma part - ce sera mon premier argument - je préférerais que l'entrée des
représentants des salariés dans le conseil d'administration intervienne
rapidement, parce que cela favorisera la mobilisation générale de l'entreprise
pour le développement de son activité.
Cela étant, vous pouvez estimer qu'il faut amender le projet, ce qui suppose
des navettes. Cela retardera les choses, mais, après tout, c'est le jeu...
M. Ladislas Poniatowski.
... de la démocratie !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
... du débat
parlementaire.
Mon second argument, c'est qu'avec vingt et un sièges nous sommes dans le haut
de la fourchette au regard de tous les conseils d'administration. Vous feriez
donc une exception française.
M. Ladislas Poniatowski.
Elle existe déjà avec France Télécom.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Non, vingt et
un, c'est le haut de la fourchette pour toutes les sociétés cotées en
bourse.
L'Assemblée nationale, dans un souci d'efficacité, a adopté les propositions
qui sont faites sans amendement. Le Sénat peut estimer qu'il faut les modifier.
Mais il est certain que le vote conforme faciliterait les choses pour
l'avenir.
Voila pourquoi je demande à leur auteur de retirer ces deux amendements,
monsieur le président, faute de quoi le Gouvernement s'y opposera.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1.
M. Pierre Lefebvre.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre.
En proposant d'augmenter le nombre des administrateurs, monsieur Poniatowski,
vous voulez d'abord doubler le nombre des représentants des actionnaires privés
au sein du conseil d'administration,...
M. Ladislas Poniatowski.
Ils passent de deux à trois !
M. Pierre Lefebvre.
... même si vous semblez vouloir rééquilibrer la représentation au sein des
différentes catégories.
A notre sens, vos deux amendements empiètent sur le pouvoir réglementaire du
Gouvernement. Ils sont d'ailleurs conformes à l'objectif que vous ne cessez de
viser, à savoir favoriser la conduite et la gestion d'Air France par le secteur
financier. Cette action s'inscrit - chacun l'a bien compris, même si vous vous
en défendez - dans la volonté de créer les conditions d'une privatisation
totale de la compagnie.
Telle n'est pas la position du Gouvernement, qui, à l'inverse, entend
conforter le développement et le redressement d'Air France par la présence
majoritaire de l'Etat. Telle n'est pas non plus la nôtre, et c'est la raison
pour laquelle nous voterons contre les deux amendements.
M. Jean-Pierre Plancade.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Plancade.
M. Jean-Pierre Plancade.
Aux arguments déjà invoqués - mais je crains que les arguments ne suffisent
pas, parce que M. Poniatowski n'a pas envie d'être convaincu - j'en ajouterai
deux autres.
D'abord, l'augmentation du nombre de sièges contribuerait à diluer la
représentation des salariés non actionnaires dans le conseil d'administration,
ce qui serait parfaitement contraire à l'esprit de la loi de 1983 et à la
démocratisation du secteur public.
Ensuite, on ne saurait retarder un projet qui est attendu par la compagnie
elle-même, par la direction et par l'ensemble des salariés. Ce n'est pas le
rôle du Parlement de s'opposer à un consensus social qui a été obtenu dans une
entreprise après une longue grève.
Voilà pourquoi le groupe socialiste votera, lui aussi, contre les deux
amendements.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, accepté par la commission et repoussé par
le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe des
Républicains et Indépendants.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le
résultat du dépouillement du scrutin n°
43:
Nombre de votants | 319 |
Nombre de suffrages exprimés | 318 |
Majorité absolue des suffrages | 160 |
Pour l'adoption | 218 |
Contre | 100 |
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M.
Lefebvre, pour explication de vote.
M. Pierre Lefebvre.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous
regrettons beaucoup que les deux amendements de M. Poniatowski aient été
adoptés. Leur auteur nous a dit tout à l'heure qu'ils n'avaient rien de
révolutionnaire ; cela peut expliquer pourquoi les communistes ne les ont pas
votés !
(Sourires.)
Ce vote a dénaturé la philosophie du projet, en remettant en cause la
répartition des sièges au sein du conseil d'administration.
Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstiendra donc sur l'ensemble
du projet de loi.
M. le président.
La parole est à M. Plancade.
M. Jean-Pierre Plancade.
Le groupe socialiste, qui regrette le vote des deux amendements, qui ne fera
que retarder encore l'application d'un accord qui avait fait l'objet d'un
consensus dans l'entreprise, s'abstiendra également.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)11
RECONNAISSANCE DU GÉNOCIDE ARMÉNIEN
Demande de discussion immédiate
d'une proposition de loi
(suite)
M. le président.
Je rappelle au Sénat que, en application de l'article 30, alinéas 1 et 4, du
règlement du Sénat, MM. Gilbert Chabroux, Robert Bret et quarante-neuf de leurs
collègues ont demandé la discussion immédiate de la proposition de loi relative
à la reconnaissance du génocide arménien de 1915 (n° 238, 1998-1999).
Le délai prévu par l'article 30, alinéa 2, du règlement est expiré et le Sénat
a terminé l'examen de l'ordre du jour prioritaire.
En conséquence, je vais appeler le Sénat à statuer sur la demande de
discussion immédiate.
Je rappelle que, en application de l'alinéa 6 de l'article 30 du règlement, le
débat engagé sur cette demande ne peut jamais porter sur le fond.
Ont seuls droit à la parole l'auteur de la demande, un orateur contre, le
président ou le rapporteur de la commission et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n'est admise.
La parole est à M. Chabroux, auteur de la demande.
M. Gilbert Chabroux.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est avec
émotion que je prends la parole ce soir, en pensant aux Arméniens, à tous les
Arméniens qui sont venus en France, patrie des droits de l'homme, et qui ont
placé en nous leur confiance, en pensant à leurs descendants, héritiers du
génocide, qui vivent intensément ce moment, partagés qu'ils sont entre le doute
et l'espoir que nous saurons enfin reconnaître publiquement le génocide de
1915.
Je ne ferai à personne l'injure de penser qu'ici l'un d'entre nous pourrait
douter ou nier l'existence de ce génocide. Les faits sont historiquement
prouvés.
Nous savons tous que, durant le premier conflit mondial, alors que le
gouvernement jeune-turc était entré en guerre contre la Russie, l'Angleterre et
la France, la population arménienne de l'Empire ottoman a été la victime de
massacres abomidables, d'une barbarie organisée, programmée, visant à sa
destruction. Il y eut 1 500 000 morts, les deux tiers de la population furent
exterminés. Ce fut un génocide, selon les critères requis par la Convention
pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948 pour définir
ce concept.
Ces atrocités sont gravées dans la mémoire des descendants des victimes ; nous
savons combien est grande leur souffrance, et la population française tout
entière partage ce sentiment d'un immense malheur qui a frappé les Arméniens.
Aujourd'hui, lorsque l'on prononce le mot « Arménien », nos concitoyens pensent
« génocide ».
Qui d'entre nous n'a pas dressé, au moment où il s'achève, le bilan, horrible,
du xxe siècle : deux guerres mondiales, les abominations auxquelles ont conduit
le racisme et le fascisme,...
M. Pierre Fauchon.
Et le communisme !
M. Gilbert Chabroux.
... des génocides, le premier ayant été le génocide arménien, qui précédait de
vingt-cinq ans celui du peuple juif, la Shoah, et combien d'autres ensuite,
jusqu'à la guerre de Tchétchénie...
Albert Camus a dit du xxe siècle - et il n'en a connu qu'une partie ! - que
c'était « l'ère du meurtre » : « Plus précisément, c'est l'ère du meurtre de
masse politiquement cautionné, de la mort collective préméditée et destinée à
servir le pouvoir étatique. » C'est l'ère du génocide.
Mais la question posée par certains de nos collègues n'est pas celle de la
réalité du génocide des Arméniens, c'est celle de la « qualification » que la
Haute Assemblée serait amenée à porter à l'histoire en reconnaissant
officiellement ce génocide. Est-ce le rôle de la loi, la loi qui serait alors
une proclamation de la vérité, une résolution ou une déclaration ?
Cette question est posée depuis longtemps. Elle s'est posée aussi dans
d'autres pays, et il faut bien la trancher.
M. Christian Poncelet, alors sénateur, avait exprimé en 1982 ses
préoccupations au ministre des relations extérieures, M. Claude Cheysson, en
lui posant « le problème, non encore résolu à ce jour, de la reconnaissance
juridique du génocide arménien par le gouvernement turc de 1915 ». Il lui
demandait de « bien vouloir définir sa position sur cette question, notamment
en ce qui concerne sa prise en compte éventuelle par notre pays à la tribune de
l'Organisation des Nations unies ».
Le ministre, dans sa réponse, avait déploré « le refus constant des autorités
turques de reconnaître les massacres de populations arméniennes en 1915 pour un
génocide ». Cette même position du Gouvernement sera affirmée à plusieurs
reprises, particulièrement par le Premier ministre, M. Pierre Mauroy, et par le
ministre de l'intérieur, Gaston Defferre. Nous n'avons pas oublié également la
déclaration du Président de la République, François Mitterrand, le 7 janvier
1984, à Vienne, et le retentissement considérable qu'elle a eu, en France et
bien au-delà.
M. Jacques Chirac, alors candidat aux élections présidentielles, avait répondu
le 24 mars 1995 au questionnaire du Comité de défense de la cause arménienne. A
la question : « Le massacre des Arméniens constitue-t-il à vos yeux un acte de
génocide ? », sa réponse avait été : « L'acte de génocide est défini par la
Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, signée à
Paris le 9 décembre 1948 et entrée en vigueur le 12 janvier 1951 ». Il ajoutait
: « Je crois surtout que le monde ne saurait oublier que les deux tiers de la
population arménienne de l'Empire ottoman ont été exterminés en 1915 et 1916
sur l'ordre du gouvernement de ce pays. »
Il y a bien eu un acte de génocide.
La sentence du tribunal permanent des peuples, prestigieux tribunal d'opinion
qui s'est tenu en 1984 à la Sorbonne, est on ne peut plus claire : «
L'extermination des populations arméniennes constitue un crime imprescriptible
de génocide au sens de la convention du 9 décembre 1948. » Il était ajouté : «
L'organisation des Nations unies et chacun de ses membres sont en droit de
réclamer cette reconnaissance et d'assister le peuple arménien à cette fin.
»
Faut-il rappeler que la commission des droits de l'homme de l'ONU n'a pas
hésité à qualifier l'histoire en appelant « génocide » le génocide des
Arméniens ? Faut-il rappeler également l'adoption par le Parlement européen, le
18 juin 1987, d'une résolution qui subordonnait l'entrée de la Turquie dans ce
qui est aujourd'hui l'Union européenne à la reconnaissance de ce génocide ?
Plusieurs parlements ont adopté la même position. Très près de nous, le Sénat
de Belgique a reconnu le génocide des Arméniens, il y a exactement deux ans.
Enfin, encore plus près, l'Assemblée nationale, le 29 mai 1998, dans un moment
d'intense émotion, tous les députés debout, a adopté à l'unanimité la
proposition de loi reconnaissant officiellement le génocide des Arméniens. Nous
nous souvenons encore des interventions éloquentes et émouvantes de MM.René
Rouquet, Jean-Paul Bret, Roland Blum, Guy Hermier, Patrick Devedjian, Georges
Sarre, Didier Migaud, François Rochebloine, Pierre Lellouche, Mme Martine
David, MM. Jean-Pierre Foucher, Jean-Bernard Raimond, Christian Estrosi,
Richard Cazenave, André Santini, Roger Meï, Daniel Marcovitch et Robert
Pandraud.
Alors, pourquoi ne pourrions-nous pas, nous aussi, appeler un génocide un
génocide ? Est-ce qualifier l'histoire que d'appeler les faits historiques par
leur nom comme nous l'avons fait, le 5 octobre 1999, à l'unanimité, dans un
moment de profonde émotion, tous les sénateurs debout, en reconnaissant
officiellement la guerre d'Algérie ?
Pourquoi n'avons-nous pas pu débattre de la proposition de loi adoptée par
l'Assemblée nationale le 29 mai 1998 ? Pourquoi les textes qui ont été
proposés, dans le cadre d'initiatives parlementaires - je pense tout
particulièrement à celui de M. Robert Bret, signé par MM. Bernard Piras, Guy
Fischer, Jean-François Picheral, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Jean-Noël
Guérini, Mme Hélène Luc, MM. Marcel Debarge, Serge Lagauche et de nombreux
autres sénateurs socialistes ou communistes - n'ont-ils jamais été inscrits à
l'ordre du jour du Sénat, alors que nous avons le droit et le devoir de
débattre sur un sujet aussi important ?
Pourquoi a-t-il fallu recourir à cette procédure de discussion immédiate que
nous n'utilisons pratiquement jamais dans cette assemblée, une procédure qui
ressemble à une procédure au rabais, alors qu'il s'agit des droits de l'homme,
de crimes contre l'humanité et du premier génocide du xxe siècle ?
Pourquoi a-t-il fallu la détermination et l'insistance de M. Bernard Piras,
vice-président du groupe France-Arménie, de M. Robert Bret et des signataires
de cette motion de procédure pour que nous puissions seulement poser la
question de la discussion de la reconnaissance du génocide des Arméniens ?
Faudra-t-il, si nous échouons ce soir, que nous reposions régulièrement la
même question en utilisant la même procédure jusqu'à ce que le Sénat
reconnaisse enfin la réalité du génocide des Arméniens ? Car, ainsi que l'a dit
M. Patrick Devedjian, « la vérité est irrépressible ; un jour ou l'autre, elle
aura droit de cité ».
Pourquoi tant d'obstacles ? Nous connaissons une partie de la réponse, nous ne
pouvons y adhérer.
Ainsi, nous ne comprenons pas que les intérêts économiques puissent être
supérieurs aux droits de l'homme. Nous sommes, bien sûr, sensibles aux liens
commerciaux entre les pays, aux emplois qui en découlent pour notre industrie,
mais nous ne pouvons pas imaginer qu'ils pourraient être remis en cause et, de
toute façon, un pays comme la France ne peut pas céder à cette forme de
chantage.
Nous ne comprenons pas davantage qu'il faille se taire pour ne pas entraver le
processus de réconciliation dans les Etats du Caucase du Sud.
L'année dernière, il fallait attendre pour débattre, ce n'était pas le moment
: il y avait le Kosovo et le problème des Balkans ! Mais la France, au sein de
l'OTAN, frappait la Serbie pour une question d'éthique,...
M. Jacques Delong.
Ce n'est pas ce qu'elle a fait de mieux !
M. Gilbert Chabroux.
... de droits de l'homme et de droit des peuples, et pour empêcher qu'il y ait
un nouveau génocide !
Ne faut-il pas s'exprimer et se comporter d'une façon plus claire ? La
reconnaissance du génocide est en fait un grand pas vers le dialogue. Et il
faut que s'établisse un dialogue sincère et effectif entre les nouvelles
générations arménienne et turque.
Il suffit de se rappeler ce qui s'est passé pour l'Allemagne, qui a reconnu la
Shoah et qui est devenu un grand pays démocratique.
Dans la réponse qu'il vient d'adresser à Ara Krikorian, président du comité de
défense de la cause arménienne, pour le remercier de lui avoir remis les actes
du colloque sur l'actualité du génocide des Arméniens, le Premier ministre,
Lionel Jospin, écrit : « Lorsque l'Assemblée nationale, le 29 mai 1998, en un
vote unanime, avait déclaré : "La France reconnaît publiquement le génocide
arménien de 1915", c'était là non un acte d'accusation, mais un geste de paix
».
M. Jean Delaneau.
Il n'a pas osé l'inscrire à l'ordre du jour !
M. Gilbert Chabroux.
C'est bien le même sens qu'il faut donner à notre vote, ce soir. Reconnaître
le génocide, c'est s'attaquer aux vraies raisons de l'instabilité dans la
région du Caucase.
Il faut privilégier le dialogue, à condition qu'il repose sur des bases
claires. N'est-ce pas cette voie du dialogue et de la réconciliation entre les
peuples qui a été choisie par le pape Jean-Paul II, le pape qui, voilà quelques
jours, demandait pardon pour les erreurs et les violences commises par l'Eglise
catholique au cours de ses deux mille ans d'existence ?
M. Jacques Delong.
Il a eu tort !
M. Gilbert Chabroux.
Jean Jaurès, au sujet du premier génocide des Arméniens perpétré entre 1894 et
1896, écrivait : « L'humanité ne peut plus vivre éternellement avec dans sa
cave le cadavre d'un peuple assassiné ».
L'impunité des auteurs du premier génocide du xxe siècle laisse la porte
ouverte à de nouveaux génocides. La reconnaissance du génocide des Arméniens a
valeur de prévention. N'oublions pas la phrase, terrible, qu'avait prononcée
Hitler, en 1939, avant d'envoyer ses généraux attaquer la Pologne : « Qui se
souvient encore des Arméniens ? »
Robert Kotcharian, président de la République arménienne, demandait, le 30
mars 1998, la reconnaissance internationale du génocide en disant : « Il n'est
pas la tragédie d'un seul peuple, mais celle de l'humanité tout entière ».
Un génocide est forcément universel et intemporel.
Puisse le Sénat, ce soir, après l'Assemblée nationale, se départir d'une
attitude qui serait interprétée comme un déni explicite et raviverait, pour les
descendants des victimes, une blessure incessamment renouvelée !
Sur une telle question, aussi lourde de sens et de responsabilité, chacun
d'entre nous doit se prononcer et voter, en son âme et conscience. C'est, j'y
insiste, pour chacun de nous un problème de conscience.
Mes chers collègues, puisse la Haute Assemblée, ce soir, reconnaître
officiellement le génocide des Arméniens de 1915 !
(Vifs applaudissements
sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen. - Applaudissements sur certaines travées du RDSE, de
l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Vinçon, contre la demande de discussion immédiate.
M. Serge Vinçon.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 17 mars
1999, devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces
armées de notre assemblée, M. Hubert Védrine a expliqué les raisons pour
lesquelles le Gouvernement ne souhaitait pas l'inscription de ce texte à
l'ordre du jour prioritaire du Sénat. Les termes de cette déclaration ont été
repris depuis dans plusieurs réponses à des questions écrites de
parlementaires. Nous regrettons fortement l'absence de M. Hubert Védrine, qui
pourrait confirmer ce soir ses déclarations.
Comme l'a fait remarquer le ministre des affaires étrangères, cette
proposition de loi pose des interrogations d'ordre constitutionnel, mais aussi
philosophique.
D'une part, ce texte est anticonstitutionnel : il viole les articles 34 et 37
de la Constitution. L'article 34 énonce que la loi fixe des règles concernant
différentes matières : elle est normative. L'article 37, quant à lui, stipule
que : « Les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un
caractère réglementaire. » Or, il suffit de se reporter au texte de l'article
34 pour constater et enfin comprendre que la matière traitée par la proposition
de loi votée le 29 mai dernier par l'Assemblée nationale est tout à fait
étrangère aux dispositions de cet article.
D'autre part, le devoir de mémoire doit-il et peut-il prendre la forme d'une
loi qui reconnaîtrait ce génocide ? Vous me permettrez de souligner que si ce
génocide doit être reconnu, pourquoi les autres ne le seraient-ils pas ?
M. Bernard Piras.
Bien sûr !
M. Serge Vinçon.
Je pense en particulier à tous les génocides perpétrés au cours des siècles,
notamment au xxe siècle.
M. Bernard Piras.
Tout à fait d'accord !
M. Serge Vinçon.
La mémoire doit-elle être sélective ?
En effet, comme l'a souligné M. Hubert Védrine, au nom du Gouvernement : «
Appartient-il à une assemblée parlementaire de qualifier des faits historiques
survenus, il y a plus de quatre-vingts ans, dans un autre pays ? Est-ce à la
loi de proclamer "la vérité" sur cette tragédie historique ? » Beaucoup
répondent que c'est le rôle naturel dévolu aux historiens.
M. Hubert Védrine, au nom du Gouvernement, a également rappelé les fondements
de la politique étrangère de la France dans cette région, doutant que le vote
de cette loi puisse servir notre diplomatie et notre politique extérieure : «
La France est en effet engagée dans un effort important de médiation, aux côtés
des Etats-Unis et de la Russie, dans le cadre du groupe de Minsk, en vue d'un
règlement pacifique du conflit du Haut-Karabakh et, plus largement, pour qu'une
solution pacifique et durable soit apportée aux conflits qui ont ensanglanté
cette région du Caucase. Ce conflit paraît au Gouvernement français être l'un
de ceux dont la résolution revêt un degré de haute priorité et son règlement
permettrait notamment de remédier à la situation d'enclavement dont souffre
l'Arménie. »
Le ministre des affaires étrangères, au nom du Gouvernement, a enfin exprimé
sa crainte que le vote d'une telle loi « ne serve, avant tout, ceux que tentent
le repli sur soi, le nationalisme autoritaire et la répudiation des valeurs de
progrès et d'ouverture » et que la France « ne perde son image d'impartialité,
de compréhension et d'ouverture, jusqu'ici reconnue par toutes les parties
».
Tout en confirmant et en partageant les sentiments de nos compatriotes
d'origine arménienne devant la tragédie vécue par leurs parents ou leurs
grands-parents,...
M. Emmanuel Hamel.
Nous la reconnaissons !
M. Serge Vinçon.
... et la barbarie qui a marqué l'histoire de leur pays de manière indélébile,
nous ne pouvons que faire nôtres les considérations exposées par M. le ministre
des affaires étrangères.
M. Bernard Piras.
On peut se tromper !
M. Serge Vinçon.
En outre, nous avons beaucoup trop d'estime pour la communauté
arménienne...
Mme Hélène Luc.
Alors il faut voter la demande de discussion immédiate de la proposition de la
loi !
M. Serge Vinçon.
... pour nous livrer à des méthodes qui relèvent de l'électoralisme.
(Vives
protestations sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. Bernard Piras.
Les Arméniens vous entendent !
M. Guy Fischer.
Vous rabaissez le débat !
M. Bernard Piras.
C'est un scandale !
M. le président.
Mes chers collègues, veuillez laisser M. Serge Vinçon s'exprimer. Dans ce
débat, nous devons tous garder notre sang-froid et notre dignité.
M. Serge Vinçon.
De plus, nous ne pouvons qu'être étonnés du manque de solidarité des groupes
socialiste et communiste à l'égard du Gouvernement.
(Exclamations sur les
mêmes travées.)
M. Jean-Pierre Plancade.
Nous sommes des hommes libres !
Mme Gisèle Printz.
Et des femmes libres !
M. Serge Vinçon.
En effet, comment le Gouvernement peut-il expliquer autant de contradictions
entre son discours et celui des élus qui sont censés le soutenir ?
M. Bernard Piras.
Nous sommes des hommes libres !
Un sénateur socialiste.
Ce n'est pas vos affaires !
M. Serge Vinçon.
En n'inscrivant pas la proposition de loi à l'ordre du jour du Sénat, nous
entendons manifester le voeu que l'établissement d'une paix durable dans le
Caucase, à laquelle la France travaille ardemment, puisse éviter la répétition
des drames qui ont ensanglanté cette région et que les promesses de l'avenir
atténuent les douleurs du passé.
Nous n'avons jamais eu dans l'idée de nier les drames et les souffrances du
peuple arménien et nous comprenons que nos concitoyens d'origine arménienne en
conservent la mémoire. Mais il ne nous appartient pas d'utiliser la loi pour
qualifier des faits qui relèvent de l'histoire.
M. le ministre des affaires étrangères ne cesse de répéter que le Gouvernement
ne souhaite pas l'inscription à l'ordre du jour de ce texte. Pourquoi ses amis
ne le suivent-ils pas ? Quelles sont leurs arrière-pensées ?
M. Michel Pelchat.
Bravo !
M. Serge Vinçon.
Quant à nous, parce que nous avons le souci de la concorde entre les peuples
et parce que nous avons confiance dans leur volonté de construire un monde de
paix et de tolérance en surmontant les antagonismes et les anciennes querelles,
nous nous opposons à l'inscription de la proposition de loi à l'ordre du jour
réservé du Sénat.
(Applaudissements sur certaines travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Bernard Piras.
Bien timides, les applaudissements !
Mme Hélène Luc.
Vous n'avez pas beaucoup d'applaudissements !
M. Bernard Piras.
Ils ne sont pas chaleureux !
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, un certain nombre de nos collègues viennent de déposer, à l'ordre du
jour de notre assemblée, une demande d'inscription immédiate d'une proposition
de loi relative au génocide arménien intervenu en 1915 dans l'ancien Empire
ottoman. Je parlerai avec respect pour tous nos collègues, quelle que soit leur
opinion.
Comme le règlement du Sénat m'y invite, je n'aborderai pas ce dossier complexe
au fond. J'inscrirai cette brève intervention dans la suite logique de la
décision récemment prise par la conférence des présidents de notre Haute
Assemblée.
Pour ma part, en tant que président de notre commission des affaires
étrangères, de la défense et des forces armées, j'ai toujours exprimé les
réserves que suscite, à mon sens, l'éventuelle inscription d'une telle
proposition de loi à l'ordre du jour des travaux du Sénat, pour deux raisons.
En premier lieu, un tel débat mettrait nécessairement en lumière les réels
problèmes juridiques, et notamment constitutionnels, posés par un texte qui
conduirait la loi à qualifier des faits historiques. En second lieu, il
provoquerait, tout aussi inévitablement, des difficultés d'ordre diplomatique,
alors que la France...
M. Marcel Charmant.
Pays des droits de l'Homme !
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères.
... et le président
du Sénat, récemment encore, s'efforcent de favoriser un dialogue de nature à
restaurer la stabilité dans la région tourmentée du Caucase du Sud en oeuvrant
pour la réconciliation entre les peuples et les Etats qui la composent.
La conférence des présidents, lorsque le sujet a été évoqué devant elle, a
d'ailleurs elle-même, à plusieurs reprises, et encore tout récemment pour les
mêmes motifs, écarté l'inscription de ce texte du calendrier de nos travaux.
Je précise que si, en effet, notre commission n'a pas, formellement, procédé à
l'examen de la proposition de loi, celle-ci n'en a pas moins été évoquée à
plusieurs reprises, au cours de nos réunions, et donné lieu, à chaque fois, au
regard de ces incidences juridiques et diplomatiques, à des échanges de vues
approfondis ainsi qu'à deux auditions de M. le ministre des affaires
étrangères.
Nous avons ainsi examiné, de façon très précise, les tenants et les
aboutissants de ce dossier important, notamment quant à la procédure
législative choisie.
J'ajoute surtout que la déclaration solennelle et courageuse, mais également
clairement défavorable au vote de cette loi, faite le 17 mars 1999 par le
ministre des affaires étrangères devant notre commission, au nom du
Gouvernement et en accord avec le Président de la République, doit nous
inciter, mes chers collègues, à examiner cette demande d'inscription immédiate
avec toute la gravité et la responsabilité nécessaires.
D'ailleurs, si cette proposition de loi a été renvoyée, pour examen au fond, à
notre commission des affaires étrangères, c'est bien qu'elle comporte, si les
choses ont un sens, des incidences diplomatiques fortes. Or, à ce propos, il
importe de rappeler que la conduite de notre diplomatie et la gestion de nos
relations internationales relèvent prioritairement, aux termes de notre
Constitution et conformément à notre tradition institutionnelle, des
prérogatives présidentielles et gouvernementales.
Dans cette logique, j'avais estimé, avec beaucoup d'autres, que c'était au
Gouvernement qu'il revenait de demander l'inscription de la proposition de loi
à l'ordre du jour prioritaire du Sénat. Pour les raisons qu'il a précisées à
plusieurs reprises devant la commission du Sénat et qui ont été portées à la
connaissance de la conférence des présidents, le Gouvernement a indiqué qu'il
ne formulerait pas cette demande d'inscription. C'est à mon sens une raison
institutionnelle supplémentaire qui doit guider notre réflexion dans le débat
d'aujourd'hui.
C'est pour ces raisons, là encore sans préjuger en quelque manière du « fond »
du texte qui nous est proposé, en toute logique avec la décision de la
conférence des présidents et, monsieur le ministre, prenant en compte la
position du Gouvernement, que je vous invite à ne pas inscrire à l'ordre du
jour de nos débats cette proposition de loi sur le génocide arménien et, en
conséquence, à rejeter la demande de discussion immédiate qui nous est
proposée.
(Applaudissements sur certaines travées de l'Union centriste, du
RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici,
ministre délégué chargé des affaires européennes.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, la barbarie programmée dont a été victime en
1915 la communauté arménienne de l'ancien Empire ottoman a marqué l'histoire,
notre histoire, de manière indélébile.
M. Emmanuel Hamel.
Très bien !
M. Pierre Moscovici,
ministre délégué.
Elle fait partie de la mémoire collective des
descendants des victimes que notre pays, fidèle à sa tradition d'asile,
s'honore d'avoir accueillis. Cette souffrance, cette mémoire blessée, méritent
tout notre respect et surtout, au-delà, notre souvenir.
Le gouvernement français comme la représentation nationale doivent veiller à
perpétuer ce souvenir et à témoigner de la solidarité de la République à
l'égard des Françaises et des Français d'origine arménienne.
M. Emmanuel Hamel.
Très bien !
M. Pierre Moscovici,
ministre délégué.
Le 28 mai 1998, l'Assemblée nationale a adopté une
proposition de loi rédigée sous forme d'un article unique et disposant : « La
France reconnaît publiquement le génocide arménien de 1915. »
Le Gouvernement en a pris acte. Vous connaissez sa position sur ce texte. Elle
a été, en particulier, exposée par M. Hubert Védrine devant la commission des
affaires étrangères, de la défense et des forces armées de votre assemblée, le
17 mars de l'année dernière, comme vient de le rappeler M. le président de la
commission. C'est moi, ce soir, qui interviens devant vous, au nom de tout le
Gouvernement. Cette position - je le rappelle à M. Serge Vinçon - est partagée
par l'ensemble des autorités françaises. Elle n'a pas changé. Je vais vous en
rappeler les grandes lignes.
Le devoir de mémoire est un devoir sacré. Les plus hautes autorités de l'Etat
ont eu, à maintes reprises, l'occasion de démontrer qu'elles y étaient très
attachées. J'ai eu moi-même, plus modestement, l'occasion de manifester ma
sensibilité sur la question qui nous occupe ce soir.
Le Gouvernement comprend donc les motivations de l'Assemblée nationale et des
députés qui sont à l'origine de ce texte, comme, bien sûr, celles des sénateurs
qui ont souhaité ce débat. Il a lui-même rendu hommage aux victimes de ces
événements avec force et émotion.
La Turquie moderne ne saurait toutefois être tenue pour responsable des faits
survenus dans les convulsions de la fin de l'Empire ottoman. Il lui appartient
cependant de faire face à ce passé et d'en assumer les zones d'ombre et les
épisodes douloureux. C'est une tâche difficile et pénible - nous le savons
d'expérience pour notre propre histoire - qui requiert du courage et du
temps.
Toutefois, je le dis avec clarté, le gouvernement français ne considère pas
qu'il appartient à notre pays de se substituer à la Turquie dans la gestion de
son histoire.
Toutes les nations - je le répète, la France en a vécu l'expérience - sont
confrontées à des événements tragiques et douloureux, à des « trous noirs »
qu'il est bien difficile d'accepter sans honte.
J'ai écouté avec attention le beau discours de Gilbert Chabroux et je veux lui
dire, à lui et à tous mes amis, que je suis en profonde sympathie avec sa
sensibilité et avec nombre de ses arguments.
Mais M. Chabroux a aussi posé avec beaucoup d'honnêteté la question que nous
devons nous poser ce soir en termes très objectifs : appartient-il à la loi de
qualifier des événements historiques survenus dans un pays étranger ?
Revient-il au pouvoir législatif de se faire juge, lui-même, en proclamant la
vérité sur la tragédie historique que constituent les atrocités survenues il y
a plus de quatre-vingts ans ?
Pour ma part, et c'est la position du Gouvernement, je n'en suis pas sûr.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite maintenant rappeler la position
des autorités françaises au regard de la situation politique dans le Sud
Caucase, afin que vous disposiez de tous les éléments indispensables à
l'exercice de votre responsabilité, de notre responsabilité commune qui, sur ce
sujet, est grande.
Le contexte régional est complexe, vous le connaissez. L'objectif de la
politique étrangère de notre pays est la paix dans cette région. Cela implique
de comprendre les tragédies du passé afin d'éviter qu'elles ne se reproduisent.
Mais il faut aussi rechercher les compromis, contribuer à éradiquer les sources
de tensions et de conflits, faire progresser la coopération entre des nations
jadis antagonistes : tels sont les buts que nous poursuivons inlassablement, de
la Méditerranée à la Caspienne, et partout ailleurs dans le monde. Ils
impliquent - Gilbert Chabroux l'a rappelé - la capacité de discuter avec tous
et, surtout, la volonté de se projeter vers l'avenir.
C'est, je crois, l'autre question que vous devez vous poser : cette loi
renforcerait-elle notre influence sur des évolutions régionales cruciales pour
la stabilité de toute la Méditerranée orientale ? Nous permettrait-elle de
peser positivement sur le processus de paix en cours dans le Caucase, notamment
dans la médiation entreprise sur le Haut-Karabakh, dans le cadre de l'OSCE ? Le
Gouvernement n'en est pas convaincu ; il pense que cette loi aurait sans doute
un effet plus mitigé, tant les problèmes sont complexes et imbriqués.
Je veux dire enfin à la Haute Assemblée que des évolutions importantes se
dessinent en Turquie. Ce pays a entrepris de se rapprocher de la Grèce, grâce à
une évolution profonde, que la France a encouragée, des deux gouvernements. La
situation des droits de l'homme en Turquie reste - c'est vrai - très
préoccupante, mais des réformes sont en cours, qui peuvent, qui doivent
déboucher sur une amélioration.
La Turquie est à présent candidate à l'Union européenne. On peut certes
discuter de la décision qui a été prise à Helsinki.
M. Bernard Piras.
Elle est en effet discutable !
M. Pierre Moscovici,
ministre délégué.
Je rappelle toutefois que la France y a clairement
souscrit.
Soyons conscients du fait que la décision prise par les chefs d'Etat et de
Gouvernement constitue un levier considérable pour que ce pays, la Turquie,
engage enfin tous les moyens nécessaires à la consolidation de la démocratie et
du respect des droits de l'homme. C'est indispensable et, dans notre esprit, la
candidature de la Turquie marque bien une conditionnalité forte pour le
développement des relations euro-turques. Mais des avancées ne pourront se
faire que si nous préservons aussi bilatéralement avec la Turquie un
partenariat stratégique, élément essentiel dans l'effort de stabilisation de la
région.
Soyons parfaitement conscients, enfin, du fait que la démocratisation ne
compte pas que des partisans en Turquie ; je parle de la Turquie d'aujourd'hui.
La cause de l'Europe n'est pas encore assurée de l'emporter en Turquie, loin
s'en faut ! Des oppositions puissantes persistent. Notre action doit contribuer
à renforcer tous ceux qui sont attachés à l'ancrage de ce pays à l'Europe, mais
aussi à la recherche de la stabilité, par l'apaisement de toutes les tensions
régionales. Nul ne doit donner des arguments aux partisans du nationalisme, aux
tenants d'une « voie particulière » pour la Turquie, une voie qui ouvrirait la
porte à des dérives dangereuses.
En disant cela, en rappelant les fondements de la position des autorités
françaises, c'est d'abord, bien sûr, vers le peuple arménien, vers les
descendants de ceux qui, il y a quatre-vingt-cinq ans, subirent une barbarie
criminelle, que se portent mes pensées et celles du Gouvernement.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. le président.
Je mets aux voix la demande de discussion immédiate, acceptée par la
commission.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant l'une, du groupe du
RPR et l'autre, du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions prévues par l'article 52 du
règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
44:
Nombre de votants | 306 |
Nombre de suffrages exprimés | 302 |
Majorité absolue des suffrages | 152 |
Pour l'adoption | 130 |
Contre | 172 |
La discussion immédiate n'est pas ordonnée. (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)
Mme Hélène Luc et M. Guy Fischer. C'est scandaleux !
12
DÉPÔT DE QUESTIONS ORALES AVEC DÉBAT
M. le président.
J'informe le Sénat que j'ai été saisi de la question orale avec débat suivante
:
M. Jean Arthuis attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale,
de la recherche et de la technologie sur le problème du stockage des déchets
radioactifs.
La mission collégiale de concertation « Granite » s'est rendue le 13 mars en
Mayenne. Cette mission est chargée de rencontrer les élus, les associations et
la population des quinze massifs granitiques retenus en France pour l'étude du
projet d'implantation d'un laboratoire de qualification géologique en vue de la
gestion des déchets radioactifs à haute activité et à durée de vie longue. Elle
s'est heurtée à une forte hostilité. En effet, ce projet, qui concerne en
Mayenne le massif d'Izé, suscite, et à juste titre, une vive émotion, de
nombreuses inquiétudes et interrogations. Cela tient sans doute à
l'incompréhension, née de l'absence d'informations claires et cohérentes.
Il doit d'abord être observé que l'annonce de la liste des sites susceptibles
d'accueillir le laboratoire est venue non pas par la voie instituée par le
Gouvernement mais par un collectif dénommé « Réseau sortir du nucléaire »,
opposé au principe de l'enfouissement des déchets.
S'agissant de la production de déchets radioactifs à longue durée de vie, les
déclarations les plus contradictoires sont prononcées, en effet, au sein du
Gouvernement. Ainsi, M. le ministre de l'éducation nationale affirmait le 30
juin 1997 que, le stockage en profondeur des déchets nucléaires étant dangereux
pour les générations futures, mieux valait les stocker en surface ou en
subsurface. De son côté, l'Agence nationale pour la gestion de déchets
radioactifs (ANDRA) indiquait récemment que « certains déchets à vie longue
restent actifs pendant plusieurs dizaines, voire centaines de milliers
d'années, et que, sur une période aussi longue, la sécurité de leur stockage ne
peut reposer sur la pérennité de barrières ouvragées en surface ». Par
ailleurs, un très récent rapport parlementaire publié le jeudi 9 mars 2000 par
Mme Michèle Rivasi, député de la Drôme, met clairement en évidence le manque
total de cohérence de la gestion des déchets radioactifs en France et réclame
qu'un plan national soit élaboré à ce sujet. Enfin, le Parlement est toujours
dans l'attente d'un futur projet de loi sur la transparence nucléaire promis
par le Gouvernement.
Les ambiguïtés de la démarche gouvernementale contribuent à entretenir
l'inquiétude, tant des élus que de la population des régions concernées, et à
alimenter le rejet de l'accueil éventuel d'un laboratoire de recherche en vue
du stockage de déchets hautement radioactifs. Tant d'incohérence ruine
l'autorité des membres de la mission collégiale de concertation « Granite ».
Il lui demande donc de lui préciser quels sont les risques réels pour
l'environnement du stockage en surface ou en subsurface, et quelle est la
politique de l'Etat en matière de déchets nucléaires.
Conformément aux articles 79, 80 du règlement, cette question orale avec débat
a été communiquée au Gouvernement et la fixation de la date de la discussion
aura lieu ultérieurement.
J'informe le Sénat que j'ai été saisi de la question orale avec débat suivante
:
M. Jean-Pierre Fourcade demande à M. le Premier ministre de préciser les
orientations qu'il vient d'annoncer sur les perspectives des régimes de
retraite dans les prochaines années. Il l'interroge sur les modalités
techniques et financières du rapprochement entre les régimes de base et les
régimes spéciaux, et sur la juxtaposition des mécanismes de répartition avec
ceux de l'épargne salariale (n° 22).
Conformément aux articles 79, 80 du règlement, cette question orale avec débat
a été communiquée au Gouvernement et la fixation de la date de la discussion
aura lieu ultérieurement.
13
TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI
M. le président.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par
l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la solidarité et
au renouvellement urbains.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 279, distribué et renvoyé à la
commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution
éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le
règlement.
14
DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de Mme Dinah Derycke, M. Robert Badinter et des membres du groupe
socialiste et apparentés une proposition de loi tendant à sanctionner les
propos à caractère discriminatoire.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 274, distribuée et renvoyée à
la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la
constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues
par le règlement.
J'ai reçu de MM. Jean-Claude Gaudin, Michel Mercier, Emmanuel Hamel, Serge
Mathieu, Francis Giraud et André Vallet une proposition de loi tendant à
permettre aux conseillers d'arrondissement de siéger au conseil d'une
communauté urbaine.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 277, distribuée et renvoyée à
la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la
constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues
par le règlement.
J'ai reçu de MM. Jean-Claude Gaudin, André Vallet et Francis Giraud une
proposition de loi relative à la révision du plan d'occupation des sols d'une
commune membre d'une communauté urbaine.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 278, distribuée et renvoyée à
la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la
constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues
par le règlement.
15
TEXTES SOUMIS EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- réforme de la Commission, Livre blanc : partie I (volume I) ; partie II,
plan d'action (volume II).
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1424 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- proposition de règlement du Conseil suspendant, pour une période de six
mois, le règlement (CE) n° 2151/1999 du Conseil concernant l'interdiction des
vols entre les territoires de la Communauté et la République fédérale de
Yougoslavie à l'exception de la République du Monténégro et de la province du
Kosovo, et modifiant les règlements (CE) n° 1294/1999 et n° 2111/1999 du
Conseil en ce qui concerne les paiements et les fournitures effectués en
relation avec les vols durant la période de suspension.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1425 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1294/1999
du Conseil relatif à un gel des capitaux et à une interdiction des
investissements en relation avec la République fédérale de Yougoslavie (RFY)
[et abrogeant les règlements (CE) n° 1295/98 et (CE) n° 1607/98].
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1426 et distribué.
16
RENVOI POUR AVIS
M. le président. J'informe le Sénat que le projet de loi (n° 279, 1999-2000), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la solidarité et au renouvellement urbains, dont la commission des affaires économiques et du plan est saisie au fond est renvoyé pour avis, à leur demande et sur décision de la conférence des présidents, à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale et à la commission des affaires sociales.
17
DÉPÔT DE RAPPORTS
M. le président.
J'ai reçu de M. José Balarello, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au
nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les
dispositions restant en discussion du projet de loi modifiant le code pénal et
le code de procédure pénale et relatif à la lutte contre la corruption.
Le rapport sera imprimé sous le n° 275 et distribué.
J'ai reçu de M. Jacques Legendre un rapport fait au nom de la commission des
affaires culturelles sur :
- le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'archéologie
préventive (n° 239, 1999-2000) ;
- la proposition de loi de MM. Ivan Renar, Jack Ralite, Mmes Hélène Luc,
Marie-Claude Beaudeau, M. Jean-Luc Bécart, Mmes Danielle Bidard-Reydet, Nicole
Borvo, MM. Robert Bret, Michel Duffour, Guy Fischer, Thierry Foucaud, Gérard Le
Cam, Pierre Lefebvre, Paul Loridant et Mme Odette Terrade relative à
l'organisation de l'archéologie (n° 374, 1998-1999).
Le rapport sera imprimé sous le n° 276 et distribué.
18
DÉPÔT DE RAPPORTS D'INFORMATION
M. le président.
J'ai reçu un rapport déposé par M. Henri Revol, président de l'Office
parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, sur les
conséquences des installations de stockage des décrets nucléaires sur la santé
publique et l'environnement, établi par Mme Michèle Rivasi, députée, au nom de
l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et
technologiques.
Le rapport sera imprimé sous le n° 272 et distribué.
J'ai reçu un rapport déposé par M. Henri Revol, président de l'Office
parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, sur les
conditions d'implantation d'un nouveau synchrotron et le rôle des très grands
équipements dans la recherche publique ou privée, en France et en Europe, tome
I : les conditions d'implantation d'un nouveau synchroton, établi par M.
Christian Cuvilliez, député, et M. René Trégouët, sénateur, au nom de l'Office
parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.
Le rapport sera imprimé sous le n° 273 et distribué.
19
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au mercredi 22 mars 2000, à dix-huit heures :
1. Nomination d'un membre de la délégation du Sénat pour l'Union européenne,
en remplacement de M. René Trégouët, démissionnaire.
2. Discussion du projet de loi (n° 229, 1999-2000), adopté par l'Assemblée
nationale, autorisant la ratification de la convention portant statut de la
Cour pénale internationale.
Rapport (n° 259, 1999-2000) de M. André Dulait, fait au nom de la commission
des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Délais limites pour les inscriptions
de parole et pour le dépôt des amendements
Projet de loi relatif à l'organisation de la consultation de la population de
Mayotte (n° 237, 1999-2000).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 22 mars 2000, à dix-sept
heures.
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à la
reconnaissance de la traite et de l'esclavage en tant que crime contre
l'humanité (n° 234, 1998-1999).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 22 mars 2000, à dix-sept
heures.
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'archéologie
préventive (n° 239, 1999-2000).
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 27 mars 2000, à dix-sept
heures.
Projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième
lecture, renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits
des victimes (n° 222, 1999-2000).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
mardi 28 mars 2000, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 28 mars 2000, à dix-sept
heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt et une heures dix.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
DÉCÈS D'UN SÉNATEUR
M. le président du Sénat a le regret de porter à la connaissance de Mmes et MM. les sénateurs qu'il a été avisé du décès de M. Jean-Jacques Robert, sénateur de l'Essonne, survenu le 18 mars 2000.
REMPLACEMENT D'UN SÉNATEUR
Conformément à l'article LO 179 du code électoral, M. le ministre de l'intérieur a fait connaître à M. le président du Sénat qu'en application de l'article LO 320 du code électoral M. Max Marest est appelé à remplacer en qualité de sénateur de l'Essonne, à compter du 19 mars 2000, M. Jean-Jacques Robert, décédé le 18 mars 2000.
MODIFICATIONS AUX LISTES
DES MEMBRES DES GROUPES
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE
(85 au lieu de 86)
Supprimer le nom de M. Jean-Jacques Robert.
SÉNATEURS NE FIGURANT SUR LA LISTE D'AUCUN GROUPE
(8 au lieu de 7)
Ajouter le nom de M. Max Marest.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Devenir de la Maison des métallurgistes
761.
- 17 mars 2000. -
Mme Nicole Borvo
attire l'attention de
Mme le ministre de la culture et de la communication
sur le devenir de la Maison des métallurgistes (Paris 11e). Ce lieu avec son
architecture si particulière, son portail d'entrée, sa cour intérieure, sa
structure métallique résonne de toutes les luttes ouvrières qui, depuis 1936,
date de l'achat du bâtiment, ont marqué l'histoire de Paris et de notre pays.
Il est évident que sa destruction ne manquerait pas d'avoir des conséquences
sur tout le quartier. Il serait au contraire souhaitable que la mairie de Paris
s'engage à acquérir la Maison des métallurgistes et que dans le contrat de
ville signé avec l'Etat, les crédits nécessaires aux travaux de remise en état,
en vue d'y installer un équipement de proximité, soient débloqués. Car il est
essentiel que ce bâtiment soit sauvé et trouve sa vocation et qu'à cette fin un
projet partenarial dynamique se mette en place. Quelles sont les mesures
qu'elle compte prendre pour atteindre de tels objectifs ? Ne faudrait-il pas
classer ce bâtiment pour éviter sa destruction et favoriser sa renaissance ?
Projet de création d'une communauté d'agglomération
à Sophia-Antipolis
762.
- 17 mars 2000. -
M. Charles Ginésy
attire l'attention de
M. le ministre de l'intérieur
sur le projet de création d'une communauté d'agglomération englobant le parc
d'activités de haute technologie de Sophia-Antipolis, et ses conséquences sur
le devenir d'un syndicat mixte préexistant, qui assure le développement et
l'aménagement de cette zone depuis sa création en 1968. En effet, il est
envisagé la création d'une communauté d'agglomération dont le périmètre
engloberait la quasi-totalité de celui d'un syndicat mixte associant le
département, la chambre de commerce et d'industrie et les communes, dont
l'objet concerne la gestion de cette zone d'activités tertiaires de haut
niveau. Il résulte des dispositions combinées du paragraphe II de l'article L.
5216-7 du code général des collectivités territoriales et du chapitre IV de
l'article L. 5216-5, qu'un syndicat mixte préexistant verrait les communes qui
le constituent en être exclues dès la publication de l'arrêté portant création
de la communauté d'agglomération, pour les compétences obligatoires et
optionnelles, sans bien même que le comité syndical n'ait à se prononcer. Dès
lors, le syndicat perdrait l'objet pour lequel il a été constitué ainsi que ses
partenaires, et serait de fait dissous. Pour maintenir le partenariat actuel
entre les communes et le département, il faudrait que la communauté
d'agglomération puisse déléguer les compétences obligatoires et optionnelles à
une autre structure de coopération mixte, ce qui semble exclu par la loi. En
effet, pour une commune, cela reviendrait à déléguer deux fois des compétences
à des structures intercommunales successives. Tout ceci paraît impossible en
droit et difficilement justifiable en opportunité. Il lui demande de lui
confirmer son interprétation et dans le cas contraire de lui indiquer les
dispositions qui permettraient aux partenaires actuels de maintenir la
structure existante, tant au niveau de son périmètre que de son objet.
Situation scolaire dans le département de l'Aude
763.
- 20 mars 2000. -
M. Roland Courteau
appelle l'attention de
M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie
sur la situation scolaire dans le département de l'Aude. Il lui indique qu'il
est amené régulièrement à s'entretenir avec des élus, des représentants du
corps enseignant et non enseignant, et des parents d'élèves, sur le manque de
postes d'enseignants, de personnels administratifs, techniciens, ouvriers et de
service (ATOS), de personnels d'encadrement et de personnels du secteur
médico-social. C'est ainsi qu'il est souhaité qu'il soit mis fin, dans les
meilleurs délais, par l'octroi de moyens conséquents, à des situations pour le
moins anormales, telles que : les classes surchargées lorsque les professeurs
absents ne sont pas remplacés ; les cours de sciences, de technologie ou de
langue dispensés en classe entière et non en groupes de seize à dix-sept élèves
; les horaires réduits à minima dans l'enseignement artistique ;
l'impossibilité d'offrir aux élèves en difficulté un soutien scolaire et
psychologique suffisant ; les difficultés, pour les agents de service, en
nombre insuffisant et souvent non remplacés, pour assurer les travaux
d'entretien et d'hygiène. Il est à noter, en outre, que la situation du secteur
médico-social est également préoccupante dans le département de l'Aude (manque
de médecins scolaires, d'infirmiers, d'assistantes sociales...). Les
dysfonctionnements sont difficilement compris, car ils remettent en cause la
qualité de l'enseignement et de l'accueil des enfants qui est une condition de
réussite pour tous les élèves. C'est pourquoi, il lui demande quelles sont les
dispositions qu'il entend mettre en oeuvre, pour répondre aux attentes des
élèves, des familles et des personnels de l'éducation nationale, pour améliorer
le système scolaire et apporter des solutions adaptées aux problèmes
actuels.
Situation de l'hôpital de Montfermeil-Le Raincy
764.
- 21 mars 2000. -
M. Christian Demuynck
souhaite attirer l'attention de
Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
sur la situation actuelle de l'hôpital intercommunal de Montfermeil-Le Raincy.
Cet établissement suractif, qui sert dix communes et 270 000 habitants, dispose
des équipements les plus modernes et d'un personnel soignant performant et
dévoué. Bien qu'il constitue un élément fondamental de la santé publique dans
l'est parisien, cet hôpital risque de voir certains de ses services fermer à
brève échéance et ce en raison d'une aberrante logique comptable qui prévaut
depuis quelques années. Cette situation ne peut que s'aggraver et créer une
intolérable inégalité des citoyens devant la santé, si le Gouvernement
n'utilise pas, en faveur de cet établissement, les récentes marges de
manoeuvres budgétaires. Il entend connaître et, avec lui, l'ensemble des
Séquano-Dyonisiens, quelles mesures le Gouvernement envisage d'engager à court,
moyen et long terme, en vue d'assurer le fonctionnement pérenne de cet hôpital
indispensable.
Conditions de travail des agents
de la fonction publique territoriale
765.
- 21 mars 2000. -
M. Gérard Cornu
appelle l'attention de
M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la
décentralisation
sur le cas d'un agent titulaire à temps complet employé par le service des eaux
d'une petite commune rurale. Entrepreneur de travaux agricoles par ailleurs, il
effectue en cette qualité des réparations sur le réseau d'eau. Or, il
semblerait que cette situation ne soit pas acceptable au regard de la loi et
qu'en vertu de l'article 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 posant le
principe selon lequel « les fonctionnaires consacrent l'intégralité de leur
activité professionnelle aux tâches qui leur sont confiées », la commune soit
dans l'obligation de la régulariser. Cet agent n'effectuant que huit heures
hebdomadaires ne pourrait raisonnablement vivre de ce seul emploi et la
conjugaison de ses deux activités au sein du réseau d'eau communal est gage
d'efficacité et de réduction des coûts pour la commune. N'y aurait-il pas lieu
pour les cas de cette espèce de prévoir un assouplissement de la règle en
vigueur instaurant un seuil de tolérance dès lors que l'activité à temps
partiel confiée à l'agent ne suffirait pas à assurer sa subsistance ?
ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du mardi 21 mars 2000
SCRUTIN (n° 42)
sur l'ensemble du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée
nationale en nouvelle lecture, relatif aux droits des citoyens dans leurs
relations avec les administrations.
Nombre de votants : | 272 |
Nombre de suffrages exprimés : | 172 |
Pour : | 172 |
Contre : | 0 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (17) :
Abstentions :
17.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :
Pour :
17.
Abstentions :
5. - MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André
Boyer, Yvon Collin et Gérard Delfau.
N'a pas pris part au vote :
1. - M. Paul Girod, qui présidait la
séance.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (98) :
Pour :
96.
Abstention :
1. - M. Emmanuel Hamel.
N'a pas pris part au vote :
1. - M. Christian Poncelet, président du
Sénat.
GROUPE SOCIALISTE (77) :
Abstentions :
77.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :
Pour :
52.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (46) :
N'ont pas pris part au vote :
46.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (8) :
Pour :
7.
N'a pas pris part au vote :
1. - M. Max Marest.
Ont voté pour
Philippe Adnot
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
René Ballayer
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Didier Borotra
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Charles Descours
André Diligent
Jacques Donnay
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
Michel Esneu
Pierre Fauchon
Jean Faure
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Georges Gruillot
Hubert Haenel
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Pierre Jeambrun
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Roger Karoutchi
Christian de La Malène
Pierre Laffitte
Alain Lambert
Lucien Lanier
Gérard Larcher
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Jacques Machet
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Georges Mouly
Bernard Murat
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Lylian Payet
Jacques Pelletier
Jacques Peyrat
Jean-Marie Poirier
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
René Trégouët
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac
Abstentions
François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Yvon Collin
Gérard Collomb
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Serge Godard
Jean-Noël Guérini
Emmanuel Hamel
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Alain Journet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
Louis Le Pensec
Pierre Lefebvre
André Lejeune
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
François Marc
Marc Massion
Pierre Mauroy
Jean-Luc Mélenchon
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Paul Raoult
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Pierre-Yvon Tremel
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
N'ont pas pris part au vote
Nicolas About
José Balarello
Janine Bardou
Christian Bonnet
James Bordas
Joël Bourdin
Jean Boyer
Louis Boyer
Jean-Claude Carle
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean Delaneau
Jacques Dominati
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
André Ferrand
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Louis Grillot
Anne Heinis
Jean-François Humbert
Charles Jolibois
Jean-Philippe Lachenaud
Jacques Larché
Roland du Luart
Max Marest
Serge Mathieu
Philippe Nachbar
Michel Pelchat
Jean Pépin
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Charles Revet
Henri Revol
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Henri Torre
François Trucy
N'ont pas pris part au vote
MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Paul Girod, qui présidait la
séance.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes
à la liste de scrutin ci-dessus.
SCRUTIN (n° 43)
sur l'amendement n° 1, présenté par M. Ladislas Poniatowski, à l'article 3 du
projet de loi adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'élargissement du
conseil d'administration de la société Air France et aux relations de cette
société avec l'Etat, et portant modification du code de l'aviation civile
(augmentation du nombre de sièges au conseil d'administration).
Nombre de votants : | 318 |
Nombre de suffrages exprimés : | 317 |
Pour : | 217 |
Contre : | 100 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (17) :
Contre :
17.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :
Pour :
17.
Contre :
5. - MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer,
Yvon Collin et Gérard Delfau.
N'a pas pris part au vote :
1. - M. Paul Girod, qui présidait la
séance.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (98) :
Pour :
95.
Contre :
1. - M. Emmanuel Hamel.
Abstention :
1. - M. Alain Gérard.
N'a pas pris part au vote :
1. - M. Christian Poncelet, président du
Sénat.
GROUPE SOCIALISTE (77) :
Contre :
77.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :
Pour :
52.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (46) :
Pour :
46.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (8) :
Pour :
7.
N'a pas pris part au vote :
1. - M. Max Marest.
Ont voté pour
Nicolas About
Philippe Adnot
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Jean Boyer
Louis Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Jacques Donnay
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Hubert Haenel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Roger Karoutchi
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac
Ont voté contre
François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Yvon Collin
Gérard Collomb
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Serge Godard
Jean-Noël Guérini
Emmanuel Hamel
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Alain Journet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
Louis Le Pensec
Pierre Lefebvre
André Lejeune
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
François Marc
Marc Massion
Pierre Mauroy
Jean-Luc Mélenchon
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Paul Raoult
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Pierre-Yvon Tremel
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
Abstention
M. Alain Gérard.
N'a pas pris part au vote
M. Max Marest.
N'ont pas pris part au vote
MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Paul Girod, qui présidait la
séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 319 |
Nombre de suffrages exprimés : | 318 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 160 |
Pour l'adoption : | 218 |
Contre : | 100 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.
SCRUTIN (n° 44)
sur la demande de discussion immédiate de la proposition de loi relative à la
reconnaissance du génocide arménien de 1915.
Nombre de votants : | 305 |
Nombre de suffrages exprimés : | 301 |
Pour : | 130 |
Contre : | 171 |
Le Sénat n'a pas adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (17) :
Pour :
17.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :
Pour :
10.
Contre :
8. - MM. Fernand Demilly, Pierre Jeambrun, Bernard Joly,
Aymeri de Montesquiou, Georges Mouly, Georges Othily, Jean-Marie Rausch et
Raymond Soucaret.
N'ont pas pris part au vote :
5. - MM. Paul Girod, qui présidait la
séance, Georges Berchet, Jacques Bimbenet, Jean François-Poncet et Pierre
Laffitte.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (98) :
Pour :
3. - MM. Charles Descours, Lucien Neuwirth et Jacques Oudin.
Contre :
90.
Abstentions :
3. - MM. Bernard Fournier, Roger Karoutchi et Mme Nelly
Olin.
N'ont pas pris part au vote :
2. - M. Christian Poncelet, président du
Sénat, et Emmanuel Hamel.
GROUPE SOCIALISTE (77) :
Pour :
77.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :
Pour :
7. - MM. Jean-Paul Amoudry, Philippe Arnaud, Denis Badré, Pierre
Jarlier, Marcel Lesbros, Michel Mercier et René Monory.
Contre :
38.
Abstention :
1. - M. Louis Mercier.
N'ont pas pris part au vote :
6. - MM. Bernard Barraux, Didier Borotra,
Gérard Deriot, André Diligent, Yves Fréville et Rémi Herment.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (46) :
Pour :
16. - MM. José Balarello, Jean-Claude Carle, Marcel-Pierre
Cleach, Jean Clouet, Jacques Dominati, Jean-Paul Emin, Hubert Falco,
Jean-Claude Gaudin, Charles Jolibois, Jean-Philippe Lachenaud, Roland du Luart,
Serge Mathieu, Jean Pépin, Xavier Pintat, Louis-Ferdinand de Rocca Serra et
François Trucy.
Contre :
28.
N'ont pas pris part au vote :
2. - MM. Joël Bourdin et Ladislas
Poniatowski.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (8) :
Contre :
7.
N'a pas pris part au vote :
1. - M. Max Marest.
Ont voté pour
François Abadie
Guy Allouche
Jean-Paul Amoudry
Bernard Angels
Philippe Arnaud
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Denis Badré
José Balarello
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Guy-Pierre Cabanel
Jean-Claude Carle
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Yvon Collin
Gérard Collomb
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Dinah Derycke
Charles Descours
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Claude Domeizel
Jacques Dominati
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Jean-Paul Emin
Claude Estier
Hubert Falco
Léon Fatous
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Jean-Pierre Fourcade
Jean-Claude Gaudin
Serge Godard
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Pierre Jarlier
Charles Jolibois
Alain Journet
Philippe Labeyrie
Jean-Philippe Lachenaud
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
Louis Le Pensec
Pierre Lefebvre
André Lejeune
Marcel Lesbros
Claude Lise
Paul Loridant
Roland du Luart
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
François Marc
Marc Massion
Serge Mathieu
Pierre Mauroy
Jean-Luc Mélenchon
Michel Mercier
Gérard Miquel
René Monory
Michel Moreigne
Lucien Neuwirth
Jacques Oudin
Jean-Marc Pastor
Lylian Payet
Jacques Pelletier
Guy Penne
Jean Pépin
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Xavier Pintat
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Paul Raoult
Ivan Renar
Roger Rinchet
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Pierre-Yvon Tremel
François Trucy
André Vallet
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
Ont voté contre
Nicolas About
Philippe Adnot
Louis Althapé
Pierre André
Jean Arthuis
René Ballayer
Janine Bardou
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Jean Boyer
Louis Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Jacques Donnay
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Yann Gaillard
René Garrec
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Hubert Haenel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jeambrun
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Jacques Machet
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
Aymeri de Montesquiou
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Philippe Nogrix
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Michel Pelchat
Jacques Peyrat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
Alain Vasselle
Albert Vecten
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac
Abstentions
MM. Bernard Fournier, Roger Karoutchi, Louis Mercier et Mme Nelly Olin.
N'ont pas pris part au vote
Bernard Barraux
Georges Berchet
Jacques Bimbenet
Didier Borotra
Joël Bourdin
Gérard Deriot
André Diligent
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Emmanuel Hamel
Rémi Herment
Pierre Laffitte
Max Marest
Ladislas Poniatowski
N'ont pas pris part au vote
MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Paul Girod, qui présidait la
séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 306 |
Nombre de suffrages exprimés : | 302 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 152 |
Pour l'adoption : | 130 |
Contre : | 172 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.