Séance du 15 mars 2000
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Saisines du Conseil constitutionnel
(p.
1
).
3.
Candidatures à des organismes extraparlementaires
(p.
2
).
4.
Election des sénateurs. -
Adoption d'un projet de loi en deuxième lecture (p.
3
).
Discussion générale : MM. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur ;
Paul Girod, rapporteur de la commission des lois ; Mme Hélène Luc, M. Guy
Allouche.
MM. Jean-Patrick Courtois, Michel Duffour, Georges Mouly, Guy Allouche, le
rapporteur, Daniel Hoeffel, Mme Anne Heinis.
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
M. Bernard Murat.
Clôture de la discussion générale.
Article 1er A (p. 4 )
Amendement n° 1 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre, Guy Allouche. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Article 1er (p. 5 )
Amendement n° 2 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre, Guy Allouche, Dominique Braye, Philippe Richert, Patrice Gélard, Michel Duffour. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Article 1er bis A (p. 6 )
Amendement n° 3 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Article 1er bis B (p. 7 )
Amendement n° 4 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre, Patrice Gélard. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Article 1er bis (supprimé) (p. 8 )
Amendement n° 5 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement rétablissant l'article.
Article 2 (p. 9 )
Amendements n°s 6 de la commission et 17 de M. Michel Duffour. - MM. le rapporteur, Michel Duffour, le ministre. - Adoption de l'amendement n° 6 rédigeant l'article, l'amendement n° 17 devenant sans objet.
Article 3 (p. 10 )
Amendement n° 7 de la commission. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Article 4. - Adoption (p.
11
)
Article 5 (p.
12
)
Amendement n° 8 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre, Jacques Larché, président de la commission des lois ; Guy Allouche, Michel Duffour, Patrice Gélard, Hilaire Flandre, Bernard Murat, Jean-Pierre Schosteck. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Article 6 (p. 13 )
Amendement n° 9 de la commission. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Article additionnel après l'article 11 (p. 14 )
Amendement n° 16 rectifié de M. Guy Allouche. - MM. Guy Allouche, le rapporteur, le ministre. - Retrait.
Article 13. - Adoption (p.
15
)
Article 14 (p.
16
)
Amendement n° 10 de la commission. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Article 15 (p. 17 )
Amendement n° 11 de la commission. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Article 15 bis (p. 18 )
Amendement n° 12 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 16 (p. 19 )
Amendements n°s 13 et 14 de la commission. - Adoption des deux amendements.
Adoption de l'article modifié.
Article 18 (p. 20 )
Amendement n° 15 de la commission. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Vote sur l'ensemble (p. 21 )
MM. Guy Allouche, Philippe Richert, Patrice Gélard.
Adoption du projet de loi.
M. le rapporteur.
5.
Nomination de membres d'organismes extraparlementaires
(p.
22
).
6.
Demande d'autorisation d'une mission d'information
(p.
23
).
7.
Communication de l'adoption définitive d'un texte soumis en application de
l'article 88-4 de la Constitution
(p.
24
).
8.
Retrait d'une proposition de loi
(p.
25
).
9.
Textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution
(p.
26
).
10.
Dépôt de rapports
(p.
27
).
11.
Dépôt d'un rapport d'information
(p.
28
).
12.
Ordre du jour
(p.
29
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures dix.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le procès-verbal de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté.
2
SAISINES DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
M. le président.
J'ai reçu de M. le président du Conseil constitutionnel deux lettres par
lesquelles il informe le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi, en
application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, le 9 mars 2000 par
plus de soixante députés, et le 14 mars 2000 par plus de soixante sénateurs de
demandes d'examen de la conformité à la Constitution de la loi relative à la
limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions et à leurs
conditions d'exercice.
Acte est donné de ces communications.
Les textes des saisines du Conseil constitutionnel sont disponibles au bureau
de la distribution.
3
CANDIDATURES À DES ORGANISMES
EXTRAPARLEMENTAIRES
M. le président.
Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de procéder
à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein de deux organismes
extraparlementaires.
La commission des affaires économiques et du Plan a fait connaître qu'elle
propose les candidatures de MM. Louis Moinard et Marcel-Pierre Cléach pour
siéger, respectivement en qualité de titulaire et de suppléant, au sein du
Conseil national de l'habitat, et de M. Pierre André pour siéger au sein du
comité de liaison pour l'accessibilité des transports et du cadre bâti.
Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées conformément à
l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai
d'une heure.
4
ÉLECTION DES SÉNATEURS
Adoption d'un projet de loi en deuxième lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi
(n° 195, 1999-2000), modifié par l'Assemblée nationale, relatif à l'élection
des sénateurs. [Rapport n° 260 (1999-2000).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, ce projet de loi relatif à l'élection des sénateurs vous est
aujourd'hui soumis en deuxième lecture. Comme il est normal s'agissant d'un tel
sujet, c'est d'abord sur le bureau de la Haute Assemblée que le projet de loi a
été déposé. Vous l'avez examiné, et modifié, le 23 juin 1999. L'Assemblée
nationale l'a, à son tour, examiné en première lecture, et modifié le 26
janvier dernier.
Je ne reprendrai pas devant vous, aujourd'hui, l'ensemble de l'argumentation
que je vous avais présentée lors de la première délibération.
Je préfère souligner les questions importantes et indiquer les points d'accord
- il y en a quelques-uns - ou de désaccord - ils sont plus nombreux - entre les
deux assemblées.
Tout d'abord, au niveau des principes, vous aviez bien compris que l'intention
du Gouvernement était non pas du tout de remettre en cause, comme certains
semblent vouloir le faire croire, le bicamérisme
(Exclamations sur les
travées du groupe du RPR)
,...
M. Alain Gournac.
Très bien !
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
... mais au contraire de le conforter en
proposant de rendre plus juste et plus équilibrée l'élection des sénateurs,
renforçant ainsi la représentativité de votre assemblée.
Tel est bien aussi le point de vue de l'Assemblée nationale. Vous le constatez
dans votre rapport écrit, monsieur le rapporteur, et vous vous félicitez que,
du fait du dialogue que ce débat a ouvert, « les deux assemblées du Parlement
aient abouti à ce constat de convergence qui transcende bien des débats du
passé ».
M. Paul Girod,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Tout à fait
!
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Cette convergence, je tenais, moi aussi, à la
souligner et à m'en féliciter.
Les analyses divergent, en revanche - toujours au niveau des principes, mais
les conséquences pratiques en sont importantes - sur l'application au Sénat du
principe de l'égalité du suffrage posé par l'article 3 de la Constitution : «
Le suffrage universel peut être direct ou indirect dans les conditions prévues
par la Constitution. Il est toujours universel, égal et secret. »
Le principe de l'égalité du suffrage - et de son caractère absolu - ne peut
être posé plus clairement. Cela signifie que les circonscriptions électorales
doivent être déterminées sur des « bases essentiellement démographiques » afin
d'assurer une égale représentation des populations.
Certes, le législateur peut tenir compte de motifs d'intérêt général pour
atténuer la portée de cette règle fondamentale, mais dans une mesure très
limitée.
Cela signifie aussi que ce principe d'égalité s'applique à toutes les
élections.
C'est ce qu'a confirmé le Conseil constitutionnel dans ses décisions du 8 août
1985, relative à l'élection des membres du congrès de Nouvelle-Calédonie, et
des 1er et 2 juillet et du 18 novembre 1986, relatives au découpage des
circonscriptions législatives.
Certes, le Sénat, en vertu de l'article 24 de la Constitution, « assure la
représentation des collectivités territoriales de la République ». Nul ne
conteste cette spécificité de la Haute Assemblée, qui doit être prise en compte
dans la définition de son régime électoral. Elle constitue, à l'évidence, un «
motif d'intérêt général », au sens retenu par le Conseil constitutionnel,
pouvant justifier, plus que pour l'Assemblée nationale, des assouplissements au
principe selon lequel toute élection doit reposer sur « des bases
essentiellement démographiques ».
Mais assouplissement ne signifie pas méconnaissance du principe d'égalité du
suffrage ! Or, mesdames, messieurs les sénateurs - et vous ne pouvez que vous
en féliciter - le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 9 avril 1992, a
expressément reconnu « qu'en sa qualité d'assemblée parlementaire le Sénat
participe à l'exercice de la souveraineté nationale ».
(Ah ! sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. Guy Allouche.
Très juste !
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Comment, dans ces conditions, imaginer que le
Sénat puisse se soustraire à l'application d'un principe qui s'applique à
l'élection d'un conseil municipal ou d'un conseil régional et au congrès de la
Nouvelle-Calédonie ? Un peu de logique !
Voilà les principes constitutionnels qu'il m'a paru nécessaire de rappeler car
ils sont au coeur de notre débat et déterminent, pour une large part, les
dispositions retenues ensuite à l'occasion de l'examen des articles.
Le Sénat privilégie sa fonction de représentant des collectivités
territoriales, au détriment du respect du principe de l'égalité du suffrage.
Le Gouvernement vous propose de concilier ces deux exigences. C'est d'ailleurs
ce souci d'équilibre qui m'a conduit, à l'Assemblée nationale - vous le savez -
à m'opposer à certaines modifications.
C'est à la lumière de ces observations que je voudrais maintenant aborder les
principales dispositions qui vous sont aujourd'hui soumises.
Tout d'abord, en ce qui concerne l'effectif des délégués des conseils
municipaux, la situation actuelle conduit à des distorsions de représentation
incompatibles avec le principe d'égalité du suffrage.
Je ne reprendrai pas les exemples que j'avais cités en première lecture, les
chiffres sont maintenant connus. Je rappellerai simplement que les communes de
plus de 100 000 habitants, représentant 15,1 % de la population de notre pays,
ne désignent que 7,2 % des délégués. Est-ce juste ? Evidemment non !
(Exclamations sur les mêmes travées.)
Mme Hélène Luc.
Bien sûr que non !
M. le président.
Mes chers collègues, je vous en prie ! Seul M. le ministre a la parole.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Ces villes pèsent donc, pour l'élection des
sénateurs, moins que la moitié de leur poids dans la population de notre pays.
Rien ne peut justifier une telle inégalité de représentation !
En outre, le système actuel - vous le savez - assure une sur-représentation à
certaines communes, sans logique ni cohérence : une commune de 8 000 habitants,
par exemple, est sous-représentée par rapport à sa population, alors qu'une
commune de 10 000 habitants est sur-représentée. D'autre part, les communes
sur-représentées ne sont pas en majorité des communes qui assurent un rôle de
pôle d'animation rurale, comme certains d'entre vous voudraient le faire valoir
: ce sont le plus souvent des communes urbaines ou péri-urbaines.
Dès lors, on voit mal ce qui justifierait, dans les mêmes agglomérations, que
les communes de banlieue aient une représentation supérieure à celle de leurs
villes-centre. Il n'y a aucune justification d'intérêt général qui plaide pour
le maintien de ces inégalités.
Il faut donc moderniser le mode de scrutin du Sénat.
Le Gouvernement a proposé un dispositif clair, simple, équitable, respectueux
de l'équilibre que j'indiquais à l'instant : un délégué pour 500 habitants ou
fraction de ce nombre.
Ce système corrige les inégalités en s'appuyant sur une base démographique
indiscutable. Il supprime la référence à des seuils - 9 000 ou 30 000 habitants
- qui n'ont plus aucune justification.
En même temps, il reste très favorable aux petites communes, pour deux raisons
: d'abord, parce que ces communes bénéficient toutes d'au moins un délégué,
quelle que soit leur population ; ensuite, parce que le fait d'attribuer un
siège supplémentaire par fraction de 500 habitants constitue un avantage pour
les petites communes, comme je vous l'avais exposé de manière détaillée en
première lecture.
Ce système prend donc en compte le souhait du Sénat d'une pondération du
critère démographique en faveur des communes les moins peuplées.
En première lecture, vous avez pourtant maintenu le nombre actuel des délégués
dans les communes de moins de 9 000 habitants et prévu, au-delà de ce seuil,
l'élection de délégués supplémentaires à raison de un pour 700 habitants.
C'est ce dispositif que préconise de nouveau votre rapporteur. Pas plus qu'en
première lecture, le Gouvernement ne pourra l'accepter, car il déséquilibre le
projet de loi initial et réintroduit des inégalités de représentation
injustifiées.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je pense cependant que vous avez noté qu'à
l'Assemblée nationale, au nom du même souci d'équilibre, je me suis opposé à
l'amendement qui prévoit l'élection d'un délégué pour 300 habitants et qui
aboutit, notamment, à augmenter de 56 % le nombre des délégués à l'échelon
national.
(Marques d'approbation sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
Sur ce point, le Gouvernement s'en tient donc à sa position initiale.
(Très bien ! sur les travées du RPR.)
En ce qui concerne le mode d'élection de ces délégués, le Gouvernement avait
proposé d'abaisser à 1 000 habitants le seuil, actuellement fixé à 9 000, en
dessous duquel le scrutin majoritaire demeure applicable.
L'Assemblée nationale a fixé ce seuil à 3 500 habitants, chiffre qui détermine
aussi les communes où le même mode de scrutin - majoritaire - est applicable
pour les élections municipales.
Or vous savez que ce dernier seuil est lui-même en débat dans le cadre de
l'examen du projet de loi sur l'égal accès entre les femmes et les hommes aux
mandats : 3 500, 2 000, 2 500 ? J'ai bon espoir que ce dernier chiffre sera en
définitive retenu, et je suis favorable au souhait de l'Assemblée nationale que
le même seuil détermine le régime - majoritaire ou proportionnel - des
élections municipales et des élections des délégués des conseils municipaux
pour les élections sénatoriales. C'est le bon sens !
Enfin, s'agissant de l'élection des sénateurs eux-mêmes - proportionnelle à
partir de cinq sénateurs par département actuellement ; à partir de trois
sénateurs selon le texte du Gouvernement, adopté par l'Assemblée nationale ou
de quatre selon le texte adopté par le Sénat en première lecture, seuil que
votre commission préconise à nouveau - je ne vous surprendrai pas en vous
confirmant que le Gouvernement s'en tiendra à sa position initiale, approuvée
par l'Assemblée nationale.
(Protestations sur les travées des Républicains
et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
Pourquoi cela ? Pour des raisons qu'il m'est très facile de vous expliquer :
c'est en effet à partir de trois sénateurs que l'application de la
proportionnelle a un sens. Il est clair que, lorsqu'il n'y a qu'un siège à
pourvoir, seul le scrutin majoritaire peut s'appliquer ; lorsqu'il y a deux
sièges en jeu, l'application de la représentation proportionnelle est assez
factice puisque, dans la plupart des cas, elle conduit à déterminer à l'avance
l'attribution des sièges entre les deux principaux courants politiques du
département.
M. Josselin de Rohan.
Pauvre Allouche !
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
A partir de trois sièges, en revanche, la
représentation proportionnelle fonctionne convenablement.
On ne peut justifier la coexistence de deux modes de scrutin pour pourvoir les
sièges d'une même assemblée - la vôtre - que sur le fondement d'un critère
objectif. C'est pour cette raison que le Gouvernement a retenu le seuil de
trois sièges.
Enfin, s'agissant des dispositions les plus techniques, l'Assemblée nationale
a confirmé - et je m'en réjouis - les textes adoptés par le Sénat en première
lecture concernant la présentation de deux candidats de plus que de sièges à
pourvoir pour les élections se déroulant au scrutin proportionnel,
l'aménagement du délai de dépôt des candidatures, l'obligation de déclaration
de candidature au second tour, l'aménagement du calendrier des opérations
préparatoires à l'élection et l'émargement de la liste électorale par le grand
électeur au moment de son vote.
En revanche, votre commission des lois vous propose de supprimer les
dispositions introduites par l'Assemblée nationale relatives au financement des
campagnes électorales, sur lesquelles le Gouvernement avait d'ailleurs lui-même
émis des réserves.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, la présentation, aussi objective que
possible, du point de vue de l'une et l'autre assemblée, et de la position du
Gouvernement.
En conclusion, je soulignerai simplement la cohérence des projets de loi qui
vous ont été récemment présentés par le Gouvernement - je parle des projets
initiaux, pas forcément des lois définitives ! - sur la limitation de cumuls de
mandats, l'institution de la parité dans notre droit électoral, la modification
de votre mode d'élection et, enfin, l'adaptation du nombre de sénateurs au
résultat du dernier recensement, dont nous traiterons demain.
Toutes ces réformes doivent contribuer à moderniser et à renouveler notre vie
politique. Il en résultera, j'en suis sûr, une meilleure représentativité des
assemblées, en particulier de la vôtre.
(Applaudissements sur les travées
socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une fois n'est pas
coutume, un rapporteur de cette assemblée va commencer son rapport en exprimant
sa satisfaction et en adressant des remerciements au Gouvernement.
Tout d'abord, j'ai été satisfait de constater que, dans un dialogue qui est
quelquefois trop rare entre nos deux assemblées, s'est dégagé à l'Assemblée
nationale un sentiment plus que général selon lequel le bicamérisme n'est pas à
remettre en cause...
M. Alain Gournac.
Cela, c'est important !
M. Paul Girod,
rapporteur.
... pas plus que la différence de recrutement des deux
assemblées. C'est un satisfecit que nous pouvons nous adresser collectivement
au sein du Parlement.
S'agissant de mes remerciements, ceux-ci vont d'abord à vous, monsieur le
ministre, et à vos services. En effet, pour une fois, le rapporteur assez
ancien que je suis dans cette maison a observé que les services du Gouvernement
ont fait preuve d'une totale collaboration chaque fois qu'il a demandé des
chiffres, des renseignements ou des précisions.
Mes remerciements vont également, au-delà de votre personne, monsieur le
ministre, au Gouvernement tout entier, notamment au ministre chargé des
relations avec le Parlement et au Premier ministre,...
M. Josselin de Rohan.
Et à Dieu !
M. Paul Girod,
rapporteur.
... qui ont eu une très délicate attention, à laquelle
l'ensemble du Parlement - et vous-même, monsieur le président - a été
certainement sensible : le débat d'aujourd'hui a été inscrit à l'ordre du jour
prioritaire du Sénat le lendemain du jour où les Sénats du monde entier se sont
réunis dans cet hémicycle pour dresser le bilan de leurs expériences croisées
et constater le rôle indispensable qu'ils jouent dans l'expression de la
démocratie. Il y a là une convergence, peut-être factuelle, mais fondamentale,
que nous nous devions de souligner,...
M. Alain Gournac.
C'est vrai !
M. Paul Girod,
rapporteur.
... d'autant qu'a été votée à l'unanimité une motion dont
vous me permettrez de rappeler certains termes.
Les présidents des Sénats soulignent :
« Que ce mouvement général de diffusion du bicamérisme » - bicaméralisme,
ai-je lu dans le rapport de l'Assemblée nationale, qui contient quelques
définitions sémantiques dont j'ai eu beaucoup de mal à trouver l'origine dans
les dictionnaires quels qu'ils soient - « correspond à la volonté et à la
nécessité de consolider et approfondir les régimes démocratiques grâce à la
diversification de la représentation et au processus d'intégration de toutes
les composantes de la population que permet l'existence de deux assemblées dans
un même pays ;
« Que le système bicaméral permet de prendre en compte de manière plus
satisfaisante le processus de décentralisation engagé dans la plupart des Etats
du monde » - ce n'est pas à vous, monsieur le ministre, que je vais faire leçon
sur le sujet - « et de régler de façon efficace la question des rapports entre
les collectivités territoriales, quel que soit leur statut administratif ou
institutionnel, et le niveau central ;
« Que le système bicaméral est un facteur puissant de stabilisation des normes
juridiques et d'approfondissement de l'Etat de droit en même temps que la forme
moderne d'application du principe de la séparation des pouvoirs dans des Etats
fréquemment régis par la logique du système majoritaire ;
« Que le système bicaméral, quels que soient les pouvoirs respectifs des deux
Chambres, garantit la publicité du débat législatif et politique et
l'information de l'opinion publique et du citoyen souverain, publicité et
information sans lesquelles il n'est point de démocratie. »
Mes chers collègues, puis-je résumer d'un mot l'émotion de tous ceux qui ont
participé à cette réunion d'hier...
M. Alain Gournac.
C'est vrai !
M. Paul Girod,
rapporteur.
... en entendant s'exprimer les présidents ou les membres de
Sénats ou de secondes Chambres d'Etats qui accèdent non sans mérite et non sans
souffrance à la démocratie, tels les pays de l'Est, le Kazakhstan, les pays
d'Europe centrale, le Chili, certains pays d'Afrique, le Cambodge, le Maroc, et
en constatant la manière dont ils ont exprimé leur attachement au bicamérisme ?
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et
des Républicains et Indépendants.)
Tous ont souligné le rôle modérateur, d'autant plus nécessaire dans un Etat de
droit que la chambre basse est désignée au scrutin majoritaire, d'un Sénat. En
outre, pour que l'équilibre territorial soit maintenu, ils ont considéré que la
représentation des minorités ou des zones en difficulté devait être assurée, la
définition de ces zones en difficulté étant souvent liée à la notion de
faiblesse du chiffre de la population par rapport à l'étendue du territoire.
Enfin, ils ont estimé que l'apport d'une chambre haute, en termes de stabilité,
n'était possible, dans une nation démocratique, que si les deux chambres, quand
elles existent, ont des modes d'élection différents.
Bien entendu, il y a, d'une part, des pays fédéraux - ce n'est pas le cas du
nôtre - où les Etats fédérés doivent être représentés, des pays dans lesquels
existe, si j'ose dire, un sénat à la mode de 1969, tel que le général de Gaulle
l'avait conçu, qui rassemble à la fois des élus du peuple au suffrage direct ou
indirect - souvent indirect - et des représentants des forces
socio-économiques, mais dont le rôle est souvent réduit en matière budgétaire -
cela a été un obstacle, en 1969 - et, d'autre part, des pays centralisés - tel
que le nôtre, qu'on le veuille ou non - mais où le fait local, auquel les
Français ont toujours affirmé leur attachement, est cependant respecté.
A cet égard, qui n'a pas en mémoire le témoignage du président du Sénat de
l'Algérie, qui nous faisait remarquer hier son attachement à la fois à un
certain jacobinisme à la française et, en même temps, à la représentation
indépendante et égalitaire de chaque
wilaya ?
Et nous avons le cas de la France, qui n'a jamais franchement tranché ce débat
de fond, ce vrai débat, celui de savoir autour de quoi nous devons raisonner.
Et de constater que le fait communal, le seul qui existait au moment où le
Sénat de la Ve République a été mis en place, est celui auquel les Français
sont le plus attachés.
Il suffit, pour s'en convaincre, de constater que ce sont les élections
municipales qui recueillent le plus fort taux de participation des Français,
même si, et nous y reviendrons tout à l'heure, ce ne sont plus les seules
collectivités territoriales de plein exercice.
Si nous lisons la Constitution, en son article 24, on voit que le Sénat doit
représenter les collectivités territoriales, certes, mais non de manière
formelle : il doit le faire d'une manière authentique et reflétant la réalité
si diverse de toutes les communes de France - c'est la conception de l'époque
des collectivités territoriales - des moins peuplées aux plus peuplées, et
c'est l'expérience qu'acquièrent leurs élus dans l'exercice de leurs
responsabilités qui doit apporter une contribution déterminante au travail
parlementaire, pour ce qui est tant de l'oeuvre législative que du contrôle du
Gouvernement.
La richesse potentielle de cet apport - monsieur le ministre, excusez-moi de
vous le dire à vous, qui êtes coauteur du projet de loi, autant qu'à nos
collègues de l'Assemblée nationale - n'est pas exclusivement liée à
l'importance de la population de la commune ; elle découle aussi du rôle plus
ou moins important de structuration spatiale, économique et sociale que joue
chaque collectivité par rapport à son environnement, voire de sa capacité à
maintenir une originalité de vie face à des métropoles voisines, envahissantes
ou dominatrices.
Cet apport résulte de l'appréhension de difficultés diverses, puisque toutes
les collectivités sont différentes, et de la sagesse qu'en acquièrent ceux qui
ont la responsabilité d'y faire face. De ce point, nous ne pouvons pas accepter
l'idée qu'une progression strictement linéaire de la représentation des
collectivités gommerait les diverses préoccupations de gestion qui, elles, sont
liées aux caractéristiques propres des différentes collectivités.
Monsieur le ministre, les préoccupations propres d'une ville de 100 000
habitants ne sont pas linéairement un multiple de celles d'une ville de 1 000
habitants ou d'une commune de 100 habitants.
M. Jean-Patrick Courtois.
Cela se saurait !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Tous les mathématiciens vous diront que ce sont des
phénomènes statistiques à corrélations relatives ou nulles.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RDSE, du RPR, des
Républicains et Indépendants, et de l'Union centriste.)
M. Pierre Fauchon.
Nulles !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Les règles électorales ne peuvent donc pas être indépendantes
du rôle du Sénat, tel que le régit l'article 24 de la Constitution. Nous ne
pouvons donc pas avoir, comme c'est le cas à l'Assemblée nationale, de règles
de représentativité parallèles et strictement liées à la population. Les
constats que nous avons pu faire hier confortent notre analyse. C'est
d'ailleurs ce qu'avait considéré le Sénat - nous y reviendrons - en indiquant
que transformer le Sénat en Assemblée nationale
bis
était probablement
une erreur de fond, que nous ne voulions pas commettre, au nom de notre
conception de la République.
Le principe d'égalité du suffrage, énoncé par l'article 3 de la Constitution,
ne peut pas être interprété sans prendre en compte l'article 24, qui confie au
Sénat la représentation des collectivités territoriales, ni l'article 72, qui
consacre l'égalité de ces mêmes collectivités territoriales en tant que telles
en ce qui concerne leur autonomie de gestion.
La position du Sénat, en première lecture de ce texte, mes chers collègues -
et vous avez bien voulu approuver les propositions de la commission des lois -
découlait de l'ensemble de ces constatations.
D'abord, la commission avait considéré que les règles électorales applicables
au Sénat ne pouvaient pas être directement calquées sur les règles propres à
l'Assemblée nationale, pour la simple raison que nous avions des légitimités,
des représentativités, des rôles différents. A cet égard, et hier encore les
présidents de Sénats du monde entier ont insisté sur ce point, dans un Etat de
droit, deux regards, deux approches différentes sont nécessaires, et ce
d'autant plus quand les chambres basses - cet adjectif n'étant pas à prendre
dans un sens péjoratif ! - sont élues au scrutin majoritaire.
La commission a donc d'abord voulu tenir compte de l'effectif réel des
conseils municipaux, pour bénéficier le plus possible de leur expérience.
Elle a voulu ensuite tenir compte de l'urbanisation croissante de notre pays,
mais dans une certaine mesure seulement, en ne prévoyant des délégués
supplémentaires qu'à partir de 9 000 habitants, à raison de un par tranche de
700 habitants.
Elle a voulu en outre rééquilibrer la représentation proportionnelle, déjà en
vigueur dans les départements comptant au moins cinq sénateurs, pour permettre
davantage l'expression des minorités, mais sans rompre un équilibre minimal,
pour faire en sorte que notre assemblée comporte au moins une moitié d'élus qui
soient issus d'un scrutin majoritaire plurinominal ou uninominal. Rappelons que
c'est la condition de l'indépendance de chacun d'entre nous vis-à-vis des
partis politiques.
M. Dominique Braye.
Absolument !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Figurer sur une liste, avec un scrutin proportionnel,
implique pour un candidat de se montrer plus combatif à l'égard des amis de son
propre parti figurant sur cette même liste...
M. Josselin de Rohan.
Absolument !
M. Paul Girod,
rapporteur.
... que vis-à-vis des électeurs, donc de prendre des
responsabilités personnelles dans son engagement.
(Vifs applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR
et des Républicains et Indépendants.)
Nous voulons aussi favoriser l'émergence de personnalités indépendantes,
qui ne peut résulter franchement que d'une élection où chaque candidat se
présente seul, ou en groupe mais sous sa seule responsabilité, et dont
l'élection sera décomptée sur les suffrages portés sur son seul nom, pour
assumer les responsabilités qui seront les siennes pendant la durée de son
mandat.
Bref, la position du Sénat était d'assurer la sérénité des sénateurs,
indispensable à ce deuxième regard sur la législation, rôle que joue toute
chambre haute dans toutes les démocraties évoluées. A nouveau, je salue
l'expérience de ceux de nos collègues des démocraties en émergence qui ont
compris cette leçon, qui l'assument ou qui sont en train de la promouvoir.
L'avis de l'Assemblée nationale a, malheureusement, monsieur le ministre,
quelquefois dans le droit-fil de ce que vous aviez proposé au Parlement, été
inverse. Au-delà du constat, qui a été accepté, de la double nature des
assemblées, elle a fait une analyse du rôle du Sénat fort éloignée de la
réalité, pour être tout à fait franc, d'abord en analysant l'apport du Sénat au
débat législatif sous le seul angle de notre non-soumission aveugle aux
suggestions et désirs de la majorité actuelle de l'Assemblée nationale.
M. Dolez, rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, a cru
pouvoir constater qu'il y avait « un décalage, voire un fossé, entre les
aspirations majoritaires de nos concitoyens et le Sénat pris dans son ensemble
», en s'appuyant sur un sondage d'opinion concernant un projet de loi sur
lequel nos deux assemblées sont en désaccord.
M. Josselin de Rohan.
Ben voyons !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Mais, moi aussi, j'ai quelques lectures, et j'ai relevé, dans
un autre sondage réalisé l'an dernier - d'ailleurs un sondage publié ces
jours-ci le confirme - que le Sénat était considéré par 70 % de nos concitoyens
comme utile à l'élaboration des lois et par 65 % d'entre eux comme utile à
l'équilibre des pouvoirs.
(Applaudissements sur les mêmes travées.)
M. Jean-Pierre Fourcade.
Très bon sondage !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Lors des débats à l'Assemblée nationale, M. Alain Tourret a
rendu hommage à l'action du président Gaston Monnerville - je m'en excuse
auprès de certains de nos collègues ! - estimant que celui-ci avait « su
s'opposer en son temps à une dérive autoritaire du pouvoir » et considérant que
le Sénat avait joué un « rôle d'opposition constructive ».
M. Guy Allouche.
Applaudissez !
M. Paul Girod,
rapporteur.
N'est-il pas un peu paradoxal, mes chers collègues, de
constater qu'une telle attitude, qui était considérée comme courageuse et qui
traduisait un sens orgueilleux des responsabilités du Sénat, ne mérite ce
qualificatif que lorsqu'elle convient à la majorité actuelle de l'Assemblée
nationale ?
(Très bien ! et applaudissements sur les mêmes travées.)
M. Guy Allouche.
Gaston Monnerville avait raison !
M. Paul Girod,
rapporteur.
L'argument selon lequel il n'y aurait pas d'alternance au
Sénat est d'ailleurs contredit par les faits puisque, de 1958 à 1969, notre
assemblée s'est trouvée dans l'opposition, face à des gouvernements que vous
qualifiiez de conservateurs !
M. Guy Allouche.
Pas la droite !
Mme Hélène Luc.
Sa politique le prouve !
M. le président.
Pas de dialogue, mes chers collègues !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Et puis, entre nous, madame Luc, la notion d'alternance telle
que nous la concevons aujourd'hui, dans les conditions actuelles du débat
politique en France,...
M. Josselin de Rohan.
Cela n'a pas de sens au Sénat !
M. Paul Girod,
rapporteur.
... a-t-elle vraiment un sens maintenant,...
M. Josselin de Rohan.
Mais non !
M. Paul Girod,
rapporteur.
... lorsque l'on constate un certain nombre de dérives, y
compris en Europe et, de surcroît, dans un Etat qui fait partie de la
Communauté européenne ?
M. Jean-Pierre Raffarin.
Très bien !
M. Paul Girod,
rapporteur.
La notion d'alternance telle qu'on la conçoit aujourd'hui
a-t-elle vraiment un sens pour l'avenir ? Je ne vous donne pas rendez-vous,
parce que je refuse d'envisager ce genre de danger, mais méfions-nous des
raisonnements sommaires exclusivement nés des circonstances de l'instant !
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Jean-Pierre Raffarin.
Très bien !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Abordons à présent la partie constitutionnelle des choses.
Les sénateurs disposent, certes, d'un pouvoir de blogage. Sommes-nous les
seuls, mes chers collègues ? Les députés ont exactement le même pouvoir.
Je pourrais retrouver quelques cas où le Sénat a utilisé son pouvoir de
Constituant moins en bloquant qu'en proposant !
La révision constitutionnelle préalable au traité de Maastrich en est un
exemple, avec le contrôle des propositions d'actes communautaires.
Dans le domaine de la loi simple, êtes-vous certains que le Sénat, qui n'a
aucun pouvoir de blocage, s'oppose systématiquement aux projets de la majorité
actuelle de l'Assemblée nationale ? La réponse est non, et non à tous points de
vue, madame Luc.
Mme Hélène Luc.
Je trouve que oui !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Y compris dans les périodes où les majorités politiques des
deux assemblées sont différentes - comme aujourd'hui - les cas de désaccord
persistant sont généralement limités aux textes les plus sensibles
politiquement : 79 % des lois sont adoptées sur des textes communs entre
l'Assemblée nationale et le Sénat !
M. Alain Gournac.
Comme c'est bizarre !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Et ces accords ont été rendus possibles parce que 44 % des
amendements adoptés par le Sénat ont été repris par l'Assemblée nationale. Je
pose une question simple : ces amendements sont-ils progressistes quand
l'Assemblée nationale les approuve et rétrogrades quand le Sénat les propose ?
(Applaudissements sur les travées du RDSE, du RPR, des Républicains et
Indépendants, et de l'Union centriste.)
Vous trouverez dans l'annexe 5 de
mon rapport écrit un bilan assez complet en la matière.
S'agissant d'affaires anciennes, puis-je me permettre de vous rappeler que
c'est sous la présidence d'Alain Poher qu'en 1971 la liberté d'association a
été confirmée,...
Mme Hélène Luc.
C'est vrai !
M. Paul Girod,
rapporteur.
... qu'en 1982 la loi de nationalisation, votée par
l'Assemblée nationale en dépit des objections du Sénat, a été réformée par le
Conseil constitutionnel, et que, en 1984, le Sénat a imposé la volonté
populaire contre la majorité de l'Assemblée nationale de l'époque en ce qui
concerne l'enseignement privé ?
(Très bien ! et applaudissements sur les
mêmes travées.)
S'agissant de la réforme de la justice, qui est à l'origine du bracelet
électronique ? C'est le Sénat et non pas l'Assemblée nationale !
Qui est à l'origine de l'aide juridictionnelle aux mineurs ? C'est le Sénat et
non pas l'Assemblée nationale ! Qui propose, en matière de présomption
d'innocence, un certain nombre de mesures, écartées dans le secret des cabinets
avant la première lecture à l'Assemblée nationale et ici même par Mme le garde
des sceaux puis reprises en seconde lecture à l'Assemblée nationale, comme
l'appel devant les cours d'assises ? C'est bien le Sénat et non pas l'Assemblée
nationale !
S'agissant du PACS, certes l'opposition était forte, mais le Conseil
constitutionnel a réécrit le texte.
M. Guy Allouche.
Ce n'est pas le Conseil constitutionnel qui a réécrit le texte !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Sur les 35 heures, qui a constaté les difficultés
d'application ?
(Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
M. Paul Girod,
rapporteur.
Qui a lancé en premier les réflexions sur les régimes de
retraite... sur les difficultés que soulève l'épargne salariale... ? Est-ce
l'Assemblée nationale ou le Sénat ?
M. Louis de Broissia.
C'est le Sénat !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Qui, sur un problème peut-être mineur mais qui est un vrai
problème de société dans nos milieux ruraux, a pris des initiatives à propos de
la chasse ?
Qui, sur un sujet beaucoup plus grave, a pris l'initiative quant aux soins
palliatifs ? C'est le Sénat, plus particulièrement notre collègue M. Neuwirth.
(Eh oui ! sur les travées du RPR.)
Mais cette initiative a été, depuis,
confisquée sur le plan médiatique par l'Assemblée nationale !
Que l'on ne nous dise pas que le Sénat n'est qu'une chambre d'obstruction, de
refus. C'est une chambre qui joue son rôle au sein du Parlement, avec son style
d'action, son style d'approche et sous la responsabilité indépendante de ses
membres.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, du RPR, des Républicains
et Indépendants, et de l'Union centriste.)
Mme Hélène Luc.
Monsieur le rapporteur, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Paul Girod,
rapporteur.
Je vous en prie, madame.
M. le président.
La parole est à Mme Luc, avec l'autorisation du rapporteur.
Mme Hélène Luc.
Monsieur le rapporteur, je vous remercie de me laisser vous interrompre.
Il faut aussi parler de la parité, de la contraception, des lois sur l'IVG et
de nombreuses autres questions.
(Protestations sur les travées du
RPR.)
Monsieur le rapporteur, vous présentez les choses à votre avantage, mais la
réalité est différente quant au rôle prétendument progressiste du Sénat.
Vous avez tort de vous accrocher à cette image du Sénat.
M. Alain Gournac.
Les leçons du parti communiste !
Mme Hélène Luc.
Vous savez très bien que l'image du Sénat n'est pas celle que vous décrivez
!
M. Alain Gournac.
Votez communiste !
Mme Hélène Luc.
Ce que vous allez faire aujourd'hui avec le projet de loi sur le scrutin
sénatorial...
M. Jean Chérioux.
Vous êtes sénateur, madame Luc !
Mme Hélène Luc.
... ne prouvera nullement que vous allez dans le sens du progrès. Il y a
longtemps que vous auriez dû proposer de réformer le mode de scrutin du Sénat
!
M. Jean-Pierre Raffarin.
Vous affaiblissez le Sénat !
M. Alain Gournac.
Communisme... liberté !
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Puis-je me permettre de remercier Mme Luc de son intervention
: elle ne pouvait pas dire mieux !
En ce qui concerne le mode de scrutin - nous sommes en plein dans le sujet -
je me permets de vous rappeler, madame Luc, que les propositions du Sénat sont
antérieures à celles de l'Assemblée nationale, et qu'elles tiennent compte,
elles, de la nature du Sénat !
Mme Hélène Luc.
Je savais bien que vous rétorqueriez à propos du mode de scrutin !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Sur la contraception et sur la parité...
Mme Hélène Luc.
La parité !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Vous m'avez posé deux questions, je réponds à deux questions
!
Je me permets de vous rappeler que la contraception n'est pas née de la
majorité actuelle !
(Rires et exclamations sur les travées du RPR.)
M. Alain Gournac.
Quelle perte de mémoire !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Elle est née - avec beaucoup de réticence d'ailleurs - de
l'action de Mme Veil
(Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que
sur celles de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants)...
M. Jean-Pierre Raffarin.
Bravo !
M. Paul Girod,
rapporteur.
... à une époque où, le moins que l'on puisse dire, c'est que
vous ne souteniez pas le Gouvernement.
(Applaudissements sur les travées du
RPR.)
Mme Hélène Luc.
Elle a été votée par la gauche !
M. Paul Girod,
rapporteur.
S'agissant de la parité, madame Luc, la seule position du
Sénat a été de dire qu'autant la parité, ou tout au moins l'accession des
femmes aux responsabilités, était chose souhaitable, autant les quotas étaient
un trompe-l'oeil.
M. Alain Gournac.
Exactement !
M. Paul Girod,
rapporteur.
En conséquence, plus vous légiférerez sur le sujet, plus vous
mettrez les femmes dans la situation désagréable de n'être là que parce que
femmes et non pour leurs qualités.
(Applaudissements sur les mêmes
travées.)
Mme Hélène Luc.
Les femmes jugeront ! D'ailleurs, elles jugent déjà !
M. Guy Allouche.
Monsieur le président, je souhaiterais interrompre M. le rapporteur.
(Vives
exclamations sur les travées du RPR.)
M. le président.
Monsieur le rapporteur, autorisez-vous M. Allouche à vous interrompre.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Je m'attendais bien à le voir sortir du bois !
(Sourires.)
M. le président.
La parole est à M. Allouche, avec l'autorisation du rapporteur.
M. Alain Gournac.
Ecoutons la vérité !
M. Dominique Braye.
Il dit toujours la vérité !
M. Jean Chérioux.
La seule vérité vient de là !
M. Dominique Braye.
Qu'il aille sur LCI cracher sur le Sénat !
M. Guy Allouche.
Merci, cher rapporteur, de m'autoriser à vous interrompre.
Je comprends que, devant vos amis, devant nous tous ici, vous présentiez une
défense très illustrée...
M. Jean Chérioux.
Très objective !
M. Guy Allouche.
... de ce que fait le Sénat. Ce n'est pas moi qui vous le reprocherai,
rassurez-vous !
Si je prends la parole en cet instant, c'est pour dire, à propos de la
remarque de Mme Luc sur la contraception, qu'il est des vérités historiques que
nous ne devons pas oublier : il est vrai que cette loi vit le jour sous la
présidence de M. le président Giscard d'Estaing ; il est vrai que c'est Mme
Simone Veil qui a porté, au nom du Gouvernement,...
(Vives protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste.)
Mme Hélène Luc.
Cela ne vous plaît pas qu'on dise certaines choses !
M. Alain Gournac.
C'est une veille histoire !
M. Dominique Braye.
C'est de l'histoire ancienne !
M. Jean Chérioux.
Erreur !
M. Jean-Pierre Raffarin.
C'était M. Neuwirth !
M. le président.
Mes chers collègues, veuillez laisser l'intervenant s'exprimer. Je vous
signale que l'on vous regarde.
M. Jean Chérioux.
Justement !
M. le président.
Monsieur Allouche, veuillez poursuivre.
M. Guy Allouche.
Quand mes collègues m'interpellent de cette manière, ils me stimulent !...
(Exclamations sur les travées du RPR.)
Il est vrai que Mme Veil a été la ministre qui, au nom du gouvernement de
l'époque, a porté ce texte devant le Parlement sur la base d'éléments de
réflexion qui avaient été avancés par notre ami M. Lucien Neurwirth. Mais, là
aussi, je vous renvoie à l'histoire.
(Vives protestations sur les mêmes travées.)
M. Dominique Braye.
C'est hors sujet !
M. Guy Allouche.
La vérité historique, cher Paul Girod, la voici : si la gauche n'avait pas
voté le texte de Mme Veil, il n'aurait jamais vu le jour.
Mme Hélène Luc.
Absolument !
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Cher monsieur Allouche, puisque vous m'acrrochez sur ce
point, je citerai un autre exemple.
A propos de l'abolition de la peine de mort - j'ai eu l'honneur d'être le
rapporteur de texte - si la droite du Sénat n'avait pas suivi le gouvernement
de l'époque, la peine de mort n'aurait pas été abolie !
(M. Allouche
applaudit.)
Par conséquent, sur les débats de société, ne nous donnez pas de leçon ; nous
sommes à égalité.
M. Guy Allouche.
Je ne vous donne pas de leçons !
Mme Hélène Luc.
Si la gauche n'avait pas proposé ce texte, la peine de mort ne serait
peut-être pas encore abolie !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Je me rappelle l'importance de la discussion, l'incertitude
de conscience, que nous partagions tous sur un pareil sujet, ainsi que la
qualité d'un débat qui a fait honneur au Parlement dans son ensemble, au Sénat
en particulier, débat à la suite duquel nous avons voté majoritairement
l'abolition de la peine de mort.
Par conséquent, sur les sujets de société, contrairement à ce que vous voulez
faire croire, vous ne trouverez pas le Sénat en travers de la modernité, de
l'humanité et de la raison !
(Bravo ! et applaudissements sur les travées du
RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Quelle est l'analyse de l'Assemblée nationale sur le sujet qui nous occupe -
car nous devons bien en revenir à des sujets plus précis ?
L'Assemblée nationale est partie de deux idées de base.
La première est que seule la population compte en matière de représentativité
républicaine, et la seconde, que la représentation proportionnelle est devenue,
pour elle, l'équivalent du Coran pour les musulmans, de la Bible pour les juifs
ou de l'Evangile pour les chrétiens.
En ce qui concerne la représentation, on fait passer la représentativité des
habitants des collectivités locales avant la représentativité des collectivités
locales elles-mêmes,...
M. Dominique Braye.
Tout le problème est là !
M. Paul Girod,
rapporteur.
... et c'est toute la différence avec ce que j'ai exposé tout
à l'heure quant à l'apport de l'expérience des gestionnaires, qui me semble
être la base de la représentativité du Sénat et de l'autre regard que nous
avons à faire peser sur la réalité du débat législatif et du contrôle du
Gouvernement.
Or, paradoxalement, les chiffres finaux de la représentativité des différentes
collectivités entre les propositions du Gouvernement et celles du Sénat en
première lecture sont relativement proches, les propositions de l'Assemblée
nationale n'en étant pas tellement éloignées. Mieux ! un effet d'optique fait
croire que le texte de l'Assemblée nationale favorise davantage les petites
communes.
Constatons cependant ce que donne, dans les faits, le système d'un délégué
pour 300 habitants. Il tend d'abord à multiplier d'une manière invraisemblable
le nombre des grands électeurs, spécialement des grands électeurs non élus
territoriaux. Avec le texte de l'Assemblée nationale, nous atteignons en effet
les 64 000 grands électeurs non conseillers municipaux, constituant 30 % du
collège électoral.
Je caricature : pour Paris...
M. Jean Chérioux.
Attention à ce que vous dites !
M. Paul Girod,
rapporteur.
... 7 077 grands électeurs seront élus à la proportionnelle
par 163 conseillers municipaux. Cela signifie que le résultat final sera
identique à celui qu'aurait donné le vote de 163 conseillers municipaux. Vous
me rétorquerez qu'il s'agit d'un cas caricatural, d'accord.
M. Jean Chérioux.
Caricatural ?! Attention à ce que vous dites, monsieur Paul Girod !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Bien entendu, en utilisant ce terme, monsieur Chérioux, je ne
parlais pas de Paris ! Qui oserait, face au monde, caricaturer Paris et son
rôle culturel !
(Sourires sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du
RPR et des Républicains et Indépendants.)
MM. Jean-Yves Autexier et Michel Duffour.
Un maire !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Prenons d'autres exemples.
La ville de Lyon représentera 30 % des électeurs du Rhône et les villes de
moins de 3 500 habitants, qui couvrent tout de même l'essentiel du territoire,
moins de 15 % !
La ville de Marseille représentera 43 % des électeurs des Bouches-du-Rhône,
alors que les villes de moins de 3 500 habitants, qui, là aussi, couvrent
l'essentiel du territoire, seulement 4 % !
Vous trouverez dans mon rapport écrit quelques illustrations intéressantes de
ce phénomène.
Notons au passage que cette thèse engendre un paradoxe supplémentaire : une
telle inflation du nombre des délégués des communes gommera complètement
l'influence et le rôle des conseillers régionaux, des conseillers généraux et
des députés.
Monsieur le ministre, si nous devons réformer le régime électoral du Sénat,
assumons tous ensemble la décentralisation !
M. Guy Allouche.
Vous n'en voulez pas !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Monsieur Allouche, qui a déposé le projet de loi ? Ce n'est
pas moi !
M. le président.
Pas d'interpellation de collègue à collègue, s'il vous plaît !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Si nous devons mener une réflexion de fond, qui demandera
probablement du temps et du sérieux, n'oublions pas le principe posé à
l'article 24 de la Constitution, selon lequel le Sénat « assure la
représentation des collectivités territoriales ».
En 1958, il existait une catégorie de collectivités territoriales : les
communes. Depuis 1981 d'abord, et les élections de 1986 ensuite, nous avons
trois catégories de collectivités territoriales, les départements et les
régions étant venus s'ajouter aux communes.
Dans le projet de loi qui nous est soumis, leur représentativité est laminée.
Que vont faire quarante-deux conseillers généraux dans l'Aisne - ils sont déjà
peu nombreux, je le reconnais, face aux 1 700 grands électeurs - quand on
passera à plus de 3 000 grands électeurs ?
Mes chers collègues, faites le calcul dans vos départements !
M. Jean-Pierre Raffarin.
Et les conseillers régionaux alors !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Nous arrivons véritablement à une anomalie.
Le paradoxe est, bien entendu, renforcé par cette évolution
institutionnelle.
L'autre religion de l'Assemblée nationale, c'est la proportionnelle, la
proportionnelle... Mais nous avons déjà entendu quelqu'un dire un jour :
l'Europe, l'Europe... réglera tous les problèmes !
M. Guy Allouche.
Qui a dit cela ?
M. Paul Girod,
rapporteur.
Nous savons que c'était difficile, mais la proportionnelle,
c'est pire !
Mais n'exagérons rien !
La proportionnelle est une belle idée. Mais elle a un corollaire : la
dictature des partis !
M. Jean-Pierre Raffarin.
Exact !
M. Paul Girod,
rapporteur.
C'est indissociable ! A partir de l'instant où il y a la
proportionnelle, il y a établissement d'une liste par le parti politique,
combat unique du candidat vis-à-vis de ses propres amis et, ensuite... tout ce
qu'on veut !
M. Hilaire Flandre.
C'est exactement ça !
M. Paul Girod,
rapporteur.
L'Assemblée nationale défend la proportionnelle pour les
délégués sénatoriaux dans les communes, mais en abaissant le seuil de 9 000 à 2
000 habitants.
(M. Braye s'exclame.)
Elle propose par ailleurs que les délégués et suppléants soient issus des
conseils municipaux quand les premiers sont inférieurs en nombre aux seconds.
Nous lui donnons acte d'avoir apporté cette précision, que nous approuvons. Le
nombre des suppléances serait minoré en conséquence. Cela n'est pas très grave
!
Dans toutes les hypothèses, c'est le scrutin proportionnel qui s'impose
partout, pour les délégués sénatoriaux comme pour l'élection des sénateurs, et
c'est là où nous aboutissons à l'autre point dur de notre discussion avec
l'Assemblée nationale.
Actuellement, 30 % de nos collègues sont désignés à la représentation
proportionnelle, au motif qu'il faut tenir compte des minorités dans les
départements les plus peuplés et les plus urbanisés. Le Sénat a pris
l'initiative - avant tout le monde - de proposer d'abaisser ce seuil à quatre
sénateurs.
Pourquoi ? L'Assemblée nationale dit qu'il n'y a aucune raison. La réponse est
que, si, il y en a une, c'est qu'à partir de cet instant la moitié du Sénat
sera désignée à la proportionnelle, l'autre au scrutin majoritaire, permettant
à la fois aux candidats d'échapper à la dictature des partis, aux électeurs de
reconnaître les mérites de tel ou tel, que l'on se présente seul ou qu'on se
présente en liste.
Je me suis personnellement présenté une fois à trois, une fois à deux, une
fois tout seul, dans un département à trois sénateurs. Je connais donc le
poids, les mérites et les responsabilités de ce genre de présentation.
Nous souhaitons que le Parlement puisse continuer à s'enrichir de
personnalités indépendantes, élues sur leurs qualités propres, sur leur nom,
sur leur action, et pas seulement sur leurs intrigues à l'intérieur de leur
parti. C'est pourquoi nous vous proposons de maintenir le texte que nous avons
voté en première lecture.
L'Assemblée nationale a cru astucieux d'ajouter un article - pour un tas de
raisons, je ne citerai pas l'auteur de cette mesure, mais vous trouverez son
nom dans le rapport écrit - sur le financement des campagnes électorales
sénatoriales. Cet article est rédigé de manière caricaturale et personne ici ne
le soutient, me semble-t-il, d'autant moins que, d'abord, il ne comporte pas de
sanction d'inéligibilité, ensuite, il est mal calculé, enfin, il ne comprend
pas le corollaire indispensable, à savoir un remboursement par l'Etat des frais
minimaux de campagne.
Mes chers collègues, la commission va donc vous demander de revenir au texte
qui a été adopté en première lecture, en ayant bien conscience que cela ne doit
pas fermer le dialogue avec l'Assemblée nationale.
Tout à l'heure, j'ai dit que les différences de chiffres n'étaient pas
forcément quelque chose d'insurmontable ; c'est la différence des principes qui
l'est.
Dans notre esprit, le Sénat se doit, dans le respect de la Constitution, de
rester un lieu d'excellence, où, dans l'indépendance d'esprit et la sérénité,
s'exprime le mieux possible la sagesse avec laquelle nos concitoyens gèrent
cette autre face de notre démocratie réelle qui est celle des collectivités
locales. C'est notre rôle constitutionnel, c'est notre responsabilité et c'est
notre honneur !
(Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées sur RDSE, de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 31 minutes ;
Groupe socialiste, 25 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 19 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 17 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 11 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 10 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Courtois.
M. Jean-Patrick Courtois,
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'attaque en
règle menée depuis des mois contre notre institution se poursuit aujourd'hui
avec l'examen en deuxième lecture de ce projet de loi.
Le calendrier réserve parfois des coïncidences surprenantes. Hier, dans notre
enceinte, grâce à l'initiative de notre président, se réunissaient des
représentants des sénats du monde entier.
Tous ont loué l'intérêt et l'efficacité du système bicaméral. La conclusion de
ces travaux fut sans appel : le bicamérisme est une idée d'avenir. Certains
orateurs n'ont d'ailleurs pas manqué de souligner que, « sans seconde chambre,
la démocratie est encore en devenir ».
Au lendemain de cette riche journée, nous sommes réunis - une fois n'est pas
coutume - pour aller à contre-courant de ce qui se pratique chez nos
partenaires.
C'est sans surprise que nous entamons ce débat en deuxième lecture sur ce
projet de loi et que nous débattrons tout à l'heure des projets de loi
modifiant le nombre et la répartition des sièges de sénateurs. Sans surprise,
puisque les intentions du Gouvernement et de sa majorité sont des plus
transparentes en la matière.
Faut-il rappeler, en cet instant, les propos du Premier ministre qualifiant
notre assemblée d'« anomalie parmi les régimes modernes », alors qu'en vingt
ans le nombre de pays possédant une seconde chambre est passé de quarante-cinq
à soixante-sept ?
Faut-il rappeler les tentatives inlassables de « ringardisation » de notre
institution par l'ensemble de la majorité, qui n'a de cesse de fustiger nos
positions alors que, bien souvent, nous ne sommes pas allés à contre-courant
des dispositifs proposés ?
En s'attaquant sans cesse à la seconde chambre, c'est au parlementarisme,
auquel elle prétend être attachée, que la gauche s'attaque.
Si je le rappelle, c'est pour souligner l'hypocrisie des projets de loi...
M. Alain Gournac.
Hypocrisie, oui !
M. Jean-Patrick Courtois.
... relatifs au Sénat. Ce qui est en jeu aujourd'hui, ce n'est pas un simple
toilettage des règles électorales, c'est bel et bien, ainsi que le disait le
rapporteur de l'Assemblée nationale, une tentative pour mettre en place « un
moyen de passer outre le Sénat ».
Le projet de loi en discussion cet après-midi comprend essentiellement deux
aspects : la modification du collège électoral et l'abaissement du seuil de la
proportionnelle pour les élections.
En ce qui concerne la modification du collège électoral, j'aimerais prolonger
les propos de notre rapporteur, dont je tiens à saluer l'excellent et complet
travail, qui a déjà défini l'essentiel de la problématique.
Je soulignerai trois aspects négatifs du système proposé par l'Assemblée
nationale.
Tout d'abord, le fait de prévoir un grand électeur par tranche de 300
habitants sans seuil de départ ne prend pas en compte la spécificité du rôle du
Sénat, défini par la Constitution, de représentation des collectivités
territoriales.
Si le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 1er juillet 1986, demande,
pour les élections législatives, que l'on tienne compte de la population,
étendre cette réflexion aux élections sénatoriales est dénué de réalisme.
S'il est indéniable qu'il faut intégrer dans le système un correcteur
démographique plus fort, cela doit rester essentiellement un correcteur. Les
populations ne doivent pas être représentées en raison de leur seule
démographie. D'ailleurs, personne ne voit d'objection à ce que les différents
territoires d'outre-mer aient un sénateur quelle que soit leur taille : il en
va donc de même pour nos villes et pour nos villages.
Le système proposé par notre rapporteur semble à cet égard le plus juste,
puisque, d'une part, il maintient le dispositif jusqu'à 9 000 habitants, au
lieu des 30 000 initialement, et que, d'autre part, il instaure un correcteur
démographique par tranche de 700 habitants.
Le deuxième inconvénient notable du système proposé est qu'il fait chuter plus
encore la représentation des départements et des régions. Le rôle de
représentation des collectivités territoriales ne se limite pas, en effet, aux
seules communes.
Le projet de loi adopté par les députés prévoit une augmentation du nombre des
délégués des communes de 55 %, passant de 138 458 délégués à 213 694 délégués.
L'incidence directe sera donc de diminuer plus encore la part des conseillers
généraux et la part des conseillers régionaux.
Conseillers municipaux et délégués supplémentaires représentaient déjà près de
96 % des électeurs ; leur part passera à plus de 98 %, les autres collectivités
se partageant les 2% restants ! Où est la mesure ?
Enfin, le troisième inconvénient de ce projet, et non des moindres, est
directement lié au précédent.
Avec une augmentation du nombre de délégués des communes, de 138 000 à 213
000, nous courrons le risque de voir des grands électeurs totalement étrangers
aux intérêts des collectivités territoriales.
Aujourd'hui, ceux-ci ne représentent que 10 % du corps électoral ; demain, ce
chiffre passera à 30 %. Je crains que l'effet obtenu ne soit l'inverse de
l'effet escompté.
Si l'objectif est une meilleure représentation des communes les plus grandes,
comment sera-t-il obtenu si les électeurs nouveaux sont dénués de toute
expérience politique ?
Comment les sénateurs élus rendront-ils des comptes aux collectivités qu'ils
représentent si, dès le lendemain de leur élection, les grands électeurs
disparaissent dans la nature pour ne réapparaître que neuf ans plus tard ?
M. Gérard Braun.
Tout à fait !
M. Jean-Patrick Courtois.
Sur ce point plus encore que sur les autres, vous me trouverez des plus
circonspects.
Reste un aspect essentiel à aborder, celui de l'extension de la
proportionnelle. A l'heure actuelle, un tiers des sièges était pourvu à la
proportionnelle ; vous nous proposez d'inverser la tendance pour que dorénavant
- et, ce, avant la modification de la clé de répartition - un tiers des sièges
soit attribué au scrutin majoritaire.
Une fois encore, le groupe du Rassemblement pour la République s'inscrit
totalement dans la lignée des propos de notre rapporteur. Pour les départements
à population moyenne, la proportionnelle n'est pas la panacée, surtout pour
cette élection très particulière pour laquelle il semble essentiel d'instaurer
un lien direct, voire personnel, entre l'électeur et l'élu.
Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous rappeler les propos que tenait,
en 1914, le philosophe Alain, que vous ne pourrez taxer de conservatisme !
« Quand ils ont dit que la proportionnelle est juste, ils croient avoir tout
dit.
« Si l'électeur est moins libre et moins éclairé dans son choix, est-ce juste
?
« Si les comités départementaux ont tout pouvoir pour imposer tel candidat et
surtout éliminer tel autre, est-ce juste ?
« Si un ferme et libre esprit ne peut être élu qu'en traitant avec un parti,
est-ce juste ? »
M. Gérard César.
Non !
M. Jean-Patrick Courtois.
« Si les partis ainsi organisés ont presque tout pouvoir pour échapper à la
pression des électeurs et tromper leurs espérances, est-ce juste ?
« En somme, quand vous dites que la proportionnelle, c'est la justice, j'ouvre
bien les yeux, car j'aime la justice, mais je ne comprends rien, je ne perçois
rien de ce que vous annoncez.
« En revanche... ils veulent que la grande politique, qu'ils appellent
nationale, échappe tout à fait au contrôle des petites gens, pour qui vivre de
leur travail et s'assurer contre les risques est la grande affaire. Enfin, ils
se défient de l'électeur. C'est contre l'électeur qu'ils ont inventé la
proportionnelle, et l'invention est bonne... »
En tendant de fait vers la proportionnelle, ce seront des politiques protégés
qui seront élus.
Notre collègue Patrice Gélard rappelait hier que le Sénat est un lieu où se
côtoient des parlementaires de tout horizon : salariés, entrepreneurs,
agriculteurs...
Sous couvert de modernisme et de diversité, le risque présent est
d'uniformiser notre institution et, au-delà des étiquettes politiques, de faire
du Sénat une institution peu diversifiée où seuls les apparatchiks seront élus.
C'est cela que nous ne voulons pas !
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
Pour toutes ces raisons, le groupe du Rassemblement pour la République
confirmera son vote de première lecture en adoptant le texte tel qu'il aura été
amendé par les propositions de notre rapporteur.
(Bravo ! et
applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France
évolue, la société est en mouvement, mais les institutions répondent-elles
toujours à l'attente de notre peuple ?
Ces questions fondamentales viennent inévitablement à l'esprit de tout
observateur qui s'intéresse à l'évolution de notre assemblée.
On se plaint souvent, à cette tribune, de l'attitude des médias à l'égard du
Sénat. Ne leur attribuons-nous pas une responsabilité et un pouvoir qu'ils
n'ont pas ? Leurs remarques ne sont-elles pas le reflet de l'image que nous
donnons nous-mêmes, trop souvent, de notre assemblée ?
Le Sénat a un rôle important de législateur.
M. Hilaire Flandre.
Surtout sur vos bancs !
M. Michel Duffour.
Le retournement de la majorité sénatoriale au sujet de la réforme de la
justice a empêché un pas important vers l'indépendance et la responsabilisation
des magistrats.
L'adoption d'un texte
a minima
sur la limitation du cumul des mandats,
décision provoquant beaucoup d'incohérences, a rappelé le poids indéniable du
Sénat.
M. Paul Blanc.
C'est le projet qui était incohérent !
Je fais d'emblée ce rappel, certes quelque peu polémique
(Exclamations sur les travées du groupe du RPR)
pour marquer le manque de
cohérence dont fait preuve la majorité sénatoriale.
(Protestations sur les mêmes travées.)
M. Josselin de Rohan.
Elle est tout à fait cohérente au contraire !
M. Michel Duffour.
Il y a là un désaccord entre nous. Cette chambre qui intervient - ô combien -
sur toutes les grandes questions liées au devenir du pays, a - comme la
Constitution le lui accorde - le même champ d'intervention que l'Assemblée
nationale, mais sa majorité sénatoriale s'arc-boute, sous couvert de
représentation des collectivités locales,...
M. Paul Girod,
rapporteur.
Comment « sous couvert » ?
Mme Hélène Luc.
Absolument !
M. Michel Duffour.
... à un mode de scrutin qui ne reflète pas la réalité démographique du
pays.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur Duffour ?
M. Michel Duffour.
Je vous en prie.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Ce sont les termes « sous couvert » qui me font réagir.
C'est la Constitution, cher collègue !
M. le président.
Poursuivez, monsieur Duffour.
M. Michel Duffour.
Je maintiens ces termes car, comme je vais le démontrer, si l'on fait beaucoup
référence aux collectivités territoriales, c'est dans une démarche qui a peu de
choses à voir avec elles !
En effet, si je reprends la longue liste des avancées donnée tout à l'heure
par notre rapporteur, pas une seule n'a trait directement aux collectivités
territoriales. Toutes les questions évoquées portent sur de grands sujets qui
intéressent, bien évidemment, les habitants des collectivités territoriales,
mais qui sont des thèmes sociétaux et politiques sur lesquels vous n'avez pas
fait de propositions novatrices !
J'estime, avec mes collègues du groupe communiste républicain et citoyen, que
le rôle législatif du Sénat exige l'égalité du suffrage universel prôné par
l'article 3 de la Constitution.
On nous a dit tout à l'heure qu'une commune de 100 000 habitants n'était pas
simplement l'addition de 100 communes de 1 000 habitants. Certes, mais tout
habitant d'une collectivité territoriale de 100 000 habitants doit avoir les
mêmes droits qu'un habitant d'une collectivité territoriale de 1 000
habitants.
Et je ne vois pas pourquoi on traiterait de manière différente les habitants
selon la commune où ils résident. Il y va du respect d'un principe d'égalité
devant le suffrage universel qu'il nous faut absolument respecter.
Soyons clairs : notre objectif, dans ce débat, n'est pas d'affaiblir le Sénat.
Il est de lui permettre de rompre avec une image ternie par une attitude
conservatrice...
M. Dominique Braye.
A gauche !
M. Michel Duffour.
... sur nombre de projets, en décalage avec la réalité et l'évolution
profondes du pays.
M. Dominique Braye.
Les communistes sont de grands novateurs, c'est bien connu !
M. Michel Duffour.
J'entends peu de choses novatrices dans votre bouche, mon cher collègue !
Le projet de loi visant à modifier le mode de scrutin, tel que le Gouvernement
l'a conçu, constitue une amorce de modernisation de l'institution sénatoriale.
Malheureusement, vous ne voulez pas vous saisir de cette opportunité, vous
enfermant dans une logique de blocage symbolisée, par ailleurs, par le dépôt
des deux questions préalables dont nous débattrons ultérieurement.
Il est temps, à notre avis, de repenser le fonctionnement de nos institutions,
notamment le rôle de notre seconde chambre.
Le bicamérisme ne peut pas être érigé en dogme, en modèle établi une fois pour
toutes ; il doit être considéré comme un élément du processus permanent de la
vie démocratique du pays.
L'histoire mouvementée de cette seconde chambre et son rôle évolutif, selon
les époques et les régimes, a plus souvent conduit à des raisonnements et à des
réactions soumis à la conjoncture qu'à des prises de positions
fondamentales.
Le bicamérisme n'a de sens, nous semble-t-il, que s'il permet au peuple d'être
mieux représenté et entendu.
Nos institutions, le Sénat tout particulièrement, sont confrontées à des
questions essentielles. Nous devons débattre clairement et au grand jour du
rôle et de l'utilité de notre assemblée. Quelle est son utilité, voire sa
légitimité profonde, si son attitude consiste, pour l'essentiel, à être le
bastion d'un camp ?
Je ne plaide pas pour un Sénat copie conforme de l'Assemblée nationale. Le
Sénat a besoin, pour sa propre image, d'être un lieu de travail, de brassage
d'idées et d'ouverture à tous les grands courants politiques.
M. Serge Vinçon.
Ce qu'il est !
M. Michel Duffour.
L'opposition n'a pas assez voix au chapitre au Sénat. L'organisation de
l'initiative parlementaire est, par exemple, sous le contrôle exclusif de la
conférence des présidents. C'est ainsi que mon groupe n'a pu parvenir à faire
inscrire à l'ordre du jour ni la reconnaissance du génocide arménien, ni le
droit de vote aux étrangers.
M. Gérard César.
C'est anticonstitutionnel !
Mme Hélène Luc.
C'est ça, la démocratie !
M. Dominique Braye.
Les Français y sont opposés !
M. Michel Duffour.
L'avenir du Sénat réside dans une évolution profonde qui doit prendre sa
source dans l'acceptation d'une réforme permettant son adéquation à la réalité
démographique et donc sociologique et politique du pays.
Pour permettre cette réforme réelle du Sénat, plusieurs dispositions sont, à
nos yeux, nécessaires. Certaines, essentielles, ne sont pas inscrites dans les
projets de loi dont nous commençons la discussion.
Mais rêvons un peu ; ce n'est pas interdit !
Un plus grand nombre de sénateurs présents dans l'hémicycle,...
M. Dominique Braye.
Vous n'êtes que trois sur vos travées !
M. Michel Duffour.
... en commission ou en mission, une féminisation et un rajeunissement, une
meilleure représentation de tous les courants de pensée, un plus grand nombre
de représentants des villes, à l'image de la France d'aujourd'hui, ne
permettraient-ils pas à notre assemblée de mieux affronter les défits du futur
? Mais « votre » Sénat - m'a dit l'un d'entre vous - « ne serait plus alors le
Sénat ! ». A chacun sa vision du Sénat.
Nous sommes pour une nouvelle cohérence. A cette fin, la limitation du cumul
des mandats devrait être beaucoup plus importante que celle qui résulte des
textes a minima que nous avons adoptés.
La parité constitue également un élément essentiel de cette évolution. Comment
parler d'un Sénat proche du pays alors qu'une seule femme a été élue lors du
renouvellement de 1998, sur les 102 sièges concernés ?
Deux propositions, que nous formulons depuis des années, pourraient contribuer
à cette réforme.
Il faut rajeunir nettement le Sénat. Nous proposons de réduire l'âge
d'éligibilité de trente-cinq à vingt-trois ans. Ce fut l'objet de l'une de nos
propositions de loi.
Par ailleurs - et cette proposition est intimement liée aux précédentes - il
faut assurer une plus grande souplesse aux fonctions électives. Nous proposons
ainsi de réduire le mandat sénatorial de neuf à six ans. N'acceptons plus, mes
chers collègues, d'être les champions d'Europe du mandat électif en durée !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Ce n'est pas vrai !
M. Michel Duffour.
Voilà quelques mesures réformatrices qui n'entrent pas dans le champ immédiat
du projet de loi.
Bien entendu, réformer le Sénat implique de lui assurer une meilleure
représentation du pays. Chacun ici en convient puisque la majorité elle-même a
proposé des mesures.
Le projet de loi marque la volonté d'amorcer un nouveau processus.
Nous regrettons profondément que le Sénat campe sur ses positions de première
lecture.
M. Girod, dans son rapport, indique : « Le Sénat a une légitimité différente
de celle de l'Assemblée nationale, plus politisée et plus sensible aux courants
d'opinion, éphémères par nature. »
Nous savons bien que, pour vous, ce qui est à gauche doit être éphémère et que
ce qui est à droite est souvent immuable.
(M. Guy Allouche
applaudit.)
M. Paul Girod,
rapporteur.
C'est un peu caricatural !
M. Michel Duffour.
Les limites du texte gouvernemental ne nous échappent pas. Mais nous prenons
ce texte comme un préalable au débat permettant d'enclencher une dynamique.
Je rappelle notre attachement à l'extension de la proportionnelle aux
départements comprenant trois sièges de sénateur. M. le rapporteur, tout à
l'heure, levait les bras au ciel en disant : « Proportionnelle !
proportionnelle ! », en y voyant le signe du règne des partis, des règlements
de comptes.
M. Dominique Braye.
C'est le cas !
M. Michel Duffour.
Mais l'ensemble de la vie politique ne se résume pas à la majorité politique
qui existe aujourd'hui à Paris et tout n'est pas à cette image au niveau de la
nation !
Nous réitérons la proposition que nous avions faite en première lecture
d'étendre le corps électoral des grands électeurs par la désignation d'un grand
électeur pour 300 habitants. M. Girod s'inquiète d'une augmentation de 55 % du
corps électoral.
M. Dominique Braye.
Qui ne sert à rien !
M. Michel Duffour.
Faut-il avoir peur d'un Sénat mieux assis démocratiquement ? Nous ne le
pensons pas.
En revanche, nous regrettons l'élévation du seuil d'application de la
proportionnelle aux communes de 2 000 habitants pour la désignation des grands
électeurs, alors que le projet initial fixait ce seuil à 1 000 habitants.
La majorité sénatoriale formule de nouveau ses propositions. Si elles étaient
adoptées
in fine,
elles ne modifieraient qu'à la marge - peut-on même
parler de modification ? - la composition actuelle du Sénat sur les plans tant
sociologique que politique.
Il faudra donc beaucoup de détermination au Gouvernement, à sa majorité
plurielle, mais aussi à tous ceux qui veulent donner un coup de fouet à nos
institutions pour surmonter votre obstruction, messieurs.
(Applaudissements
sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, sur les travées
socialistes ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Mouly.
M. Georges Mouly.
Monsieur le ministre, comment ne pas s'associer aux remerciements que vous a
adressés M. le rapporteur, à qui je veux rendre hommage pour son travail ? Bien
évidemment, ces remerciements n'effacent en aucune façon les divergences qui
peuvent nous opposer, ni surtout, je tiens à le dire, le sentiment que peuvent
nous laisser certains aspects de nos débats.
Chacun admet que l'importance du sujet qui nous occupe aujourd'hui donne lieu
à des positions tranchées, voire que, ici ou là, la passion se manifeste.
Prenons garde, cependant, que nos propos ne dépassent les limites qu'exige la
saine perception que doivent avoir nos concitoyens des institutions et de la
classe politique. L'image en est déjà si fragilisée et si abimée !
Or le texte dont nous discutons actuellement a déjà été trop souvent
l'occasion, ici et là, de propos exagérés et déplacés. Je ne m'attarderai pas
sur le jugement porté par le Premier ministre, que chacun a en mémoire. Il est
vrai que ces propos donnèrent lieu ultérieurement à ce que l'on peut appeler
une explication de texte. Mais on n'efface pas le sentiment d'une première
impression et l'écho résonne longtemps de telle expression, de telle
affirmation.
Permettez-moi de citer, en revanche, les propos de l'un de nos collègues de
l'Assemblée nationale, qui figurent au
Journal officiel :
« Pourquoi le
Sénat ne servirait-il pas aux anciennes gloires de la République qui pourraient
de la sorte être recyclées en mettant leur intelligence au service de cette
illustre assemblée ? » C'est évidemment donner dans la démesure. Ces propos
pourraient être qualifiés d'irresponsables, en tout cas de coupables, dans la
bouche d'un élu de la nation porteur provisoirement de la confiance de
concitoyens, à l'adresse desquels il y a mieux à faire pour témoigner, ne
serait-ce qu'en matière de civisme !
On pourrait trouver d'autres exemples de ce style. Notre éminent collègue Guy
Allouche ne citait-il pas lui-même, lors de la première lecture, s'adressant à
la majorité de notre assemblée, les propos qu'avait tenus un journaliste en
1969 : « Tous les notables font l'union sacrée autour de leurs privilèges et
apportent à toutes les réformes qu'appelle la vie moderne la force d'inertie »
? Soit, mais vos amis de l'époque, mon cher collègue, condamnèrent une telle
vue des choses ! Alors convient-il aujourd'hui de la présenter comme un élément
crédible d'accusation ? Je ne le pense pas. Il n'est pas interdit de rester
fidèle à ses idées !
Les institutions d'une démocratie restent toujours fragiles, et la classe
politique est aujourd'hui suffisamment déconsidérée, voire décrédibilisée, pour
que le premier souci des élus soit de veiller à ne fragiliser en rien, par des
propos déplacés, ce qui fait la République.
Du Sénat, que n'avons-nous pas lu ou entendu encore : chambre d'obstruction,
incapable d'évolution, déconnectée de la réalité présente, hors du temps
politique, j'en passe et des moins bonnes !
Serait-ce un hasard ? En bien des années de présence ici, je n'ai pas connu un
seul gouvernement - pas un seul - dont tel ou tel ministre n'ait salué un jour
ou l'autre la qualité du travail de notre assemblée et, ici ou là, rendu
hommage à sa capacité d'initiatives !
Le Sénat serait déconnecté de la réalité ? A voir !
Comment ne pas admettre, alors que se multiplient les exemples de mise en
oeuvre difficile des 35 heures, y compris dans le secteur public, qu'il n'était
peut-être pas opportun de faire une loi, une même loi pour tous, petits et
grands, secteur public et secteur privé ?
Etait-ce être « déconnecté » que le penser ? Je ne le crois pas !
J'ai encore le souvenir de débats sur les nationalisations. Que sont devenues
ces nationalisations, elles qui devaient être - j'ai gardé le souvenir précis
de l'expression employée - le « fer de lance » de l'économie de notre pays ?
Les uns et les autres nous avons privatisé. Est-ce être déconnecté que d'avoir
eu raison trop tôt ? Je ne le crois pas !
M. Hilaire Flandre.
Très bien !
M. Georges Mouly.
D'autres exemples ont été cités par M. le rapporteur. Certes, nul n'a le
monopole en la matière.
Et je passe sur des sujets de société à propos desquels chacun ne saurait
qu'avoir, me semble-t-il, le respect de la conscience de l'autre. Au demeurant,
je crains fort que, pour ne pas être hors du temps et pour accompagner les
mouvements de société, on ne fasse quelquefois essentiellement du « suivisme
».
M. Serge Vinçon.
Tout à fait !
M. Georges Mouly.
Les événements m'ont appris qu'il fallait laisser au peuple le temps de la
réflexion.
« Le temps de la réflexion, c'est le Sénat », disait Clemenceau.
« J'ai pour le Sénat le plus grand respect. J'y ai trouvé le climat d'une
assemblée républicaine digne des meilleures traditions. » J'ai cité François
Mitterrand.
Le temps de la réflexion... ! Les meilleures traditions... !
En fait, la France, en raison de son impulsivité politique - les cohabitations
l'illustrent fort bien - a besoin d'un système équilibré par l'existence de
deux assemblées élues différemment. Nul n'en disconvient, il est vrai.
A peine se trouve-t-il quelques individus atrabilaires pour s'interroger sur
la conservation - pas moins ! c'est au
Journal officiel
- d'une
assemblée qui ne tire sa légitimité « que » d'une élection au deuxième
degré.
Nous avons besoin de deux assemblées élues différemment, ai-je dit. Mais
encore convient-il de savoir ce qu'il y a lieu d'inclure dans cette différence
et ce qu'il y a lieu d'en déduire.
Pour le moins, la Haute Assemblée assure bien, de fait, la représentation des
collectivités territoriales ; point n'est besoin d'y insister : c'est sa
singularité. Mais je pense que, contrairement à ce que j'ai lu ou entendu,
c'est aussi sa fonction.
Certes, le territoire n'a pas de carte d'électeur - c'est ce que j'ai entendu
ici même -, certes, le territoire ne se déplace pas pour voter, certes, le
territoire n'assiste pas à nos travaux, mais les représentants élus,
responsables des territoires ont, eux, une carte d'électeur ; ils se déplacent,
eux, pour voter. Et, le plus souvent, ils se déplacent tous : il n'y a pas de
sénateur élu avec 50 %, 40 %, voire 30 % de votants !
MM. Josselin de Rohan et Serge Vinçon.
Tout à fait !
M. Georges Mouly.
Cela étant, nul ne conteste que la composition de notre assemblée doive
refléter l'état actuel des collectivités locales qui constituent les
territoires : c'est un point d'accord ; encore faut-il trouver la juste mesure
!
S'agirait-il de légiférer parce qu'une assemblée se trouve trop longtemps avec
la même majorité ? Que je sache, la situation politique des communes, des
départements, des régions n'est point figée. Elles peuvent se gagner, les
élections qui modifieraient la configuration d'ensemble des grands électeurs,
et donc la majorité sénatoriale !
Quoi qu'il en soit, il faut procéder à une réforme, nous en sommes d'accord.
La juste mesure, en l'occurrence, consiste sans doute, pour une part au moins,
dans la volonté de ne pas pénaliser indûment, exagérément, ce que l'on pourrait
appeler, pour schématiser, la « France profonde ». Le seul critère
démographique, ou une place trop grande qui lui serait faite, ne saurait être
de nature à refléter le poids respectif des collectivités.
Mais l'actualité, mes chers collègues, nous fournit une éloquente
démonstration de l'attachement que tous - non seulement les syndicats, mais
aussi les hommes politiques de tous bords - nous portons au maintien et au
développement de la vie dans nos territoires : c'est l'opposition de l'ensemble
des élus au projet du ministère des finances. Chacun d'exiger, en effet, le
maintien du maillage du pays, en milieu rural en particulier, par les services
concernés.
Et que dire de la poste en milieu rural ? Même combat, mêmes combattants !
Comment, dès lors, exiger des pouvoirs publics de tels efforts - qui, à la
limite, figeraient la situation - en faveur des territoires et vouloir, en même
temps, modifier exagérément le nombre d'avocats de ces territoires que sont les
sénateurs.
(Très bien ! sur les travées du RDSE et du RPR.)
La question est de savoir comment faire en sorte que le Sénat se rapproche non
pas du corps électoral en général - ce n'est pas une deuxième Assemblée
nationale ! - mais de son propre corps électoral. De ce strict point de vue, il
y a bien lieu à modification.
Parce que je pense très sincèrement que la commission a su prendre en
considération la juste mesure des choses, je me rallierai, avec la majorité du
groupe du RDSE, à ses conclusions. Elles aboutissent bien à un élargissement du
corps électoral qui constitue un réel pas vers plus de démocratie de
proximité.
La commission nous propose une bonne réforme, qui conforterait le Sénat dans
l'image et le rôle que définissait déjà Jules Ferry : « Le Sénat ne saurait
être un instrument de discorde ni un organe rétrograde. Il n'est point l'ennemi
des nouveautés ni des initiatives. Il demande seulement qu'on les étudie mieux.
»
(Très bien ! et vifs applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, faut-il
réformer le mode de scrutin sénatorial ? A cette question nous répondons tous :
oui, c'est nécessaire.
Voilà au moins un point d'accord entre nous et, comme il n'est pas
d'importance secondaire, il prouve, si besoin est, que nous avons eu raison,
nous, d'engager cette réforme qui, faut-il le souligner, n'a jamais figuré dans
aucune plate-forme programmatique de la droite.
Cela affirmé, apparaît l'opposition entre deux logiques, entre deux
interprétations des mêmes articles de la Constitution, les articles 3 et 24 de
notre loi fondamentale, entre deux méthodes d'application.
Toute l'argumentation de M. Paul Girod dans son rapport écrit - et je veux
saluer la qualité du travail qu'il a effectué, même si je ne partage pas ses
conclusions - s'appuie sur l'analyse suivante : puisque, selon la jurisprudence
du Conseil constitutionnel, l'Assemblée nationale est élue sur des bases
essentiellement démographiques, le Sénat, qui représente les collectivités
territoriales, doit être élu sur d'autres bases ; le critère démographique ne
peut être qu'accessoire et il ne saurait être le seul.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Tout à fait !
M. Guy Allouche.
Je constate, pour m'en réjouir, cher Paul Girod, que vous avez fortement
atténué l'argument selon lequel le Sénat, c'est l'espace et le territoire.
Toutes les analyses ont parfaitement démontré que c'était un non-sens aussi
bien politique que juridique.
M. Josselin de Rohan.
Rien que ça !
M. Guy Allouche.
Où se situe le pouvoir constituant des collectivités territoriales ?
Composante du Parlement, le Sénat représente la nation, participe de la
souveraineté nationale ; il a un pouvoir constituant et législatif délégué par
le peuple souverain, non par les collectivités territoriales. Est-il besoin de
rappeler que ce sont de grands électeurs - les élus des élus - qui sont
convoqués pour désigner les sénateurs, et non des territoires ou des
collectivités locales ? C'est dire si la question démographique est le point
fondamental de la représentativité du Sénat ; je reviendrai tout à l'heure sur
ce point.
La représentation des collectivités locales par le Sénat n'est pas en
contradiction avec le principe constitutionnel du respect de l'égalité du
suffrage. J'affirme que le projet du Gouvernement, même amendé par l'Assemblée
nationale, respecte parfaitement ce principe d'égalité, car il est d'une très
grande lisibilité pratique, politique et juridique. Il offre même l'avantage,
grâce à l'adoption d'un amendement à l'Assemblée nationale, d'assurer une
meilleure représentation des 34 000 petites communes. Nous savons tous qu'il
n'y a pas qu'un collège électoral sénatorial : il y a autant de collèges qu'il
existe de départements.
Nous sommes loin de l'affirmation selon laquelle le projet du Gouvernement
minore la représentation des zones rurales puisque vous-même, monsieur le
rapporteur, écrivez à la page 25 de votre rapport : « Indépendamment des
questions de principe précédemment évoquées, on pourra certes faire valoir
qu'en définitive la représentation des différentes communes ne varierait pas de
manière très sensible selon les popositions, l'écart le plus important
concernant toutefois les communes de moins de 3 500 habitants » soit, selon vos
propres calculs, moins de 4 %, 3,95 % exactement.
M. Dominique Braye.
Il parle bien quand il cite Paul Girod !
M. Guy Allouche.
Que de pages écrites pour dénoncer une « analyse partisane » ou un «
dispositif aggravé », avant de conclure en constatant que l'écart n'est pas
très sensible ! Est-ce bien sérieux ? Est-ce convaincant ?
M. Hilaire Flandre.
C'est la nature qui est différente !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur Allouche ?
M. Guy Allouche.
Je vous en prie, monsieur le rapporteur.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Dominique Braye.
De toute manière, c'était déjà lui qui parlait !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Je voudrais d'abord remercier M. Allouche de l'attention avec
laquelle il a lu mon rapport.
Mais je souhaite aussi lui rappeler simplement ceci : même si les
constatations mathématiques finales sont convergentes, les analyses des
principes qui les sous-tendent peuvent être totalement différentes. C'est tout
ce qui nous sépare, et ce n'est pas rien. Je crois même que c'est l'essentiel
!
(Applaudissements sur les travées du RDSE et du RPR.)
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur Allouche.
M. Guy Allouche.
Je vais justement revenir sur les principes.
Votre analyse conduit à opposer les zones urbaines aux zones rurales, les
petites communes aux grandes, les bourgs aux agglomérations. Vous cherchez même
à opposer les élus entre eux...
Plusieurs sénateurs du RPR.
C'est vous ! C'est vous qui le faites !
M. Guy Allouche.
... selon qu'ils sont élus au scrutin majoritaire ou à la proportionnelle.
M. Hilaire Flandre.
Il ne sait même pas ce que c'est, une petite commune !
M. Dominique Braye.
Ça, c'est vrai !
M. Guy Allouche.
En êtes-vous sûr, cher Hilaire Flandre ?
M. Hilaire Flandre.
Vous me l'avez dit vous-même !
M. Dominique Braye.
Oui, vous l'avez avoué plusieurs fois !
M. Guy Allouche.
Je ne suis pas né dans une petite commune, mais j'habite depuis trente-cinq
ans une petite commune.
M. Gérard Cornu.
Combien d'habitants ?
M. Guy Allouche.
Je suis né dans une ville de 400 000 habitants, mais je vis dans une petite
commune.
M. le président.
Veuillez cesser les conversations particulières, je vous prie.
M. Guy Allouche.
Je répondais à l'aimable remarque de M. Hilaire Flandre, monsieur le
président.
Cela relève d'une vision passéiste, d'une classification d'un autre âge, que
de placer d'un côté des sénateurs qui seraient libres, indépendants, élus sur «
leurs qualités propres, mieux ancrés dans le tissu social et donnant une
légitimité différente de celle de l'Assemblée nationale - plus politisée et
plus sensible aux courants d'opinion -, qui appartiendraient aux zones rurales
», et de l'autre côté des sénateurs prisonniers des partis politiques - en
évoquant même, monsieur le rapporteur, la « dictature des partis »,...
M. Dominique Braye.
C'est cela la proportionnelle !
M. Auguste Cazalet.
Eh oui !
M. Guy Allouche.
... avez-vous bien mesuré le poids des mots ? - qui seraient perpétuellement
redevables de leur élection et dépendants idéologiquement des consignes
partisanes.
M. Dominique Braye.
Il n'y a qu'à vous regarder !
M. Guy Allouche.
Vous affirmez, à la page 23 de votre rapport, que le mode de scrutin
majoritaire « est une condition essentielle de l'indépendance dont le Sénat
sait faire preuve et lui permet d'adopter plus aisément des positions non
partisanes,...
M. Bernard Cazeau.
C'est vrai !
M. Guy Allouche.
... ce qui est rendu possible par la présence au Sénat de législateurs dont
l'élection ne doit rien aux partis politiques ».
MM. Dominique Braye et Gérard Cornu.
Eh oui !
M. Guy Allouche.
Et comme vous n'êtes pas à une contradiction près, vous ajoutez, toujours à la
page 23 de votre rapport : « Au demeurant, le Sénat est et demeure une
assemblée politique, dont le recrutement ne peut exclure, par principe, une
compétition électorale politisée. »
M. Josselin de Rohan.
Politique et partisane, ce n'est pas la même chose !
M. Claude Estier.
Evidemment !
M. Guy Allouche.
Donc, là, on ne veut pas des partis politiques et de ce qui dépend des partis
politiques mais, ici, on fait de la politique et tout est politisé !
M. Hilaire Flandre.
Bien sûr !
M. Dominique Braye.
Il ne comprend rien !
M. Guy Allouche.
Vous, monsieur Braye, vous comprenez tout !
M. Dominique Braye.
Je ne comprends rien comme vous !
M. le président.
Allons, monsieur Braye, s'il vous plaît !
M. Guy Allouche.
A l'exception de sept ou huit d'entre nous, dits non inscrits - mais qui,
est-il besoin de le rappeler ? votent toujours dans le même sens, c'est-à-dire
avec la droite, et c'est leur droit -...
M. Dominique Braye.
C'est cela qui vous gêne ! Non inscrits, mais sages !
M. Guy Allouche.
... nous sommes tous membres d'une formation politique et, le plus souvent,
nous parlons en son nom, que ce soit à la tribune ou pour expliquer nos
votes.
Vous oubliez que les partis et groupements politiques sont reconnus par la
Constitution, selon laquelle ils concourent à l'expression du suffrage.
M. Serge Vinçon.
Et le Sénat, celle des collectivités territoriales !
M. Guy Allouche.
Mais, mes chers collègues, je comprends encore mieux aujourd'hui que je ne
l'avais compris hier que vous ne soyez pas fiers de vos formations politiques !
(Rires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Josselin de Rohan.
Vous n'allez pas continuer longtemps comme cela !
M. Guy Allouche.
Aussi, je vous recommande, et c'est presque une supplique, mes chers collègues
(Rires sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants),...
M. Josselin de Rohan.
Faites très attention !
M. Guy Allouche.
... de ne pas pratiquer l'amalgame et de ne pas contribuer, par de tels
propos, à aggraver le discrédit de la classe politique !
M. Dominique Braye.
Et c'est Allouche qui dit ça !
M. Guy Allouche.
Si vraiment la représentation proportionnelle est aussi nuisible que vous le
dites et l'écrivez, proposez sa suppression !
M. Claude Estier.
Eh oui, c'est vrai !
M. Guy Allouche.
Non seulement vous ne supprimez pas la proportionnelle mais, qui plus est,
vous l'étendez. Alors, ce n'est pas la peine de critiquer comme vous le faites
ce que vous contribuez encore à valoriser !
M. Dominique Braye.
Voilà de curieux arguments !
M. le président.
Veuillez écouter l'orateur !
M. Guy Allouche.
Je ne développerai pas plus longtemps une contre-argumentation sur le Sénat,
facteur d'équilibre au sein du bicamérisme.
Mes chers collègues, il est vrai que nous sommes au lendemain d'une
manifestation empreinte d'un faste réel, à laquelle j'ai participé avec grand
plaisir. Il est tout aussi vrai que le Sénat français peut s'enorgueillir
d'avoir accueilli autant d'invités de marque.
Qu'il me soit toutefois permis de vous faire observer une fois pour toutes,
mes chers collègues, que l'existence du bicamérisme en France n'est menacée par
personne ! Elle ne l'a été qu'une seule fois depuis la fin de la guerre. Et
c'était... en 1969 ! Alors, cessez de jouer à vous faire peur !
(Exclamations sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains
et Indépendants.)
Je l'ai déjà dit mais je me dois de le répéter : sachez que la gauche n'a
pas l'intention de rénover une maison... qu'elle est censée vouloir détruire
!
Ce que nous faisons pour la modernisation du Sénat, nous le faisons par
conviction profonde, parce que nous sommes viscéralement attachés au
bicamérisme, qui est un fondement de la démocratie.
M. Claude Estier.
Très bien !
M. Guy Allouche.
Nous ne voulons pas être accusés, et poursuivis demain pour - oserai-je
employer cette expression ? - non-assistance à Sénat en danger. Si nous étions
dans l'état d'esprit que vous nous prêtez - injustement, mes chers collègues -
il nous suffirait - je vous le dis avec infiniment de regret et de tristesse -
de laisser au temps le soin d'accomplir son oeuvre !
(Protestations sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants.)
M. Claude Estier.
Mais oui, bien sûr !
M. Guy Allouche.
L'exposé de M. le rapporteur vantait les mérites du travail du Sénat, mérites
que je ne conteste pas. Mais on ne peut offrir une vision d'avenir quand on est
constamment sur la défensive.
M. Josselin de Rohan.
Nous ne sommes pas sur la défensive !
M. Guy Allouche.
De grâce, cessez de nous accuser de vouloir porter atteinte au bicamérisme !
Nous sommes attachés autant que vous, sinon davantage, à l'existence des deux
chambres.
M. Dominique Braye.
Ce n'est pas vrai !
M. Guy Allouche.
Nous tenons à moderniser cette institution. Tout à l'heure, je citerai l'un de
nos anciens collègues sur un autre point, et vous verrez pourquoi je pense,
comme lui, que le Sénat a besoin de tenir compte de ces évolutions.
M. Hilaire Flandre.
Qui a parlé d'« anomalie parmi les démocraties » ?
M. Guy Allouche.
De nombreux débats sur des réformes de fond, sur des projets de société ont
été engagés ces temps derniers, et nous n'avons pas manqué de dénoncer le
comportement de la droite sénatoriale à l'égard de ceux-ci. Force est de
reconnaître, tant l'évidence est criante, que le Sénat ne s'est pas montré
avant-gardiste, à la pointe des évolutions de la société. Bien au contraire
!
M. Dominique Braye.
Nous sommes prêts à vous prouver le contraire !
M. Guy Allouche.
Je vous épargne les qualificatifs employés tant par les observateurs que par
certains parlementaires, y compris au Sénat.
M. Dominique Braye.
Surtout par vous, sur LCI !
M. Guy Allouche.
Mes chers collègues de la droite sénatoriale, où étaient vos amis députés
pendant le débat sur ce texte en commission et en séance publique ? Ils n'ont
pas osé livrer bataille pour soutenir vos propositions ! Aucun député de droite
n'était présent !
M. Bernard Murat.
Pas plus que vous pour le PACS !
M. Dominique Braye.
Oui, comme la gauche pour le PACS !
M. Guy Allouche.
Lors de l'examen des articles de ce projet de loi par la commission des lois
de l'Assemblée nationale et lors de la discussion du projet de loi en séance
publique, la mobilisation de l'opposition a été quasi nulle.
Aucune motion de procédure n'a été déposée ; aucun débat de fond n'a été
engagé sur les amendements.
Ce peu d'empressement des députés de droite à défendre la rédaction
sénatoriale a même affecté nos collègues Jean Arthuis et Philippe Marini.
Le premier s'est déclaré choqué « par l'indifférence qu'affichent les députés
de l'opposition sur la réforme du Gouvernement »... je suis triste,
ajoutait-il, « que les députés de l'opposition abandonnent le débat, ce n'est
pas un signe de santé du Parlement ni de l'opposition ».
Le second a qualifié de grave erreur le fait « de ne pas se soutenir quand on
a une vision commune des choses et des intérêts communs à défendre ».
Je me suis enquis de savoir pourquoi l'opposition à l'Assemblée nationale
n'avait pas suivi ce débat. J'ai interrogé deux collègues députés de droite que
je connais bien, membres de la commission des lois, qui m'ont répondu : « Mon
cher Guy, pour tout te dire, la meilleure façon de défendre nos amis du Sénat
était que nous soyons absents du Parlement, car leur position est pour nous
indéfendable. »
(Protestations sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. Dominique Braye.
Et si on vous disait ce que vos collègues députés nous ont dit au sujet du
cumul des mandats !
M. Claude Estier.
Si la position était défendue par M. Braye, alors, elle était vraiment
indéfendable !
M. Dominique Braye.
Je parlais de vos propres amis sur le cumul des mandats !
M. le président.
Monsieur Braye, voulez-vous interrompre M. Allouche ?
M. Dominique Braye.
Non, monsieur le président.
M. Claude Estier.
Il n'intervient jamais que pour interpeller !
M. Dominique Braye.
Après tout, oui, je demande la parole.
M. Guy Allouche.
Je ne l'autorise pas, monsieur le président !
M. Dominique Braye.
Je comprends qu'il ne le souhaite pas !
M. le président.
Monsieur Estier, souhaitez-vous intervenir ?
M. Claude Estier.
Non !
M. le président.
Dans ces conditions, ayez tous l'élégance d'écouter l'orateur !
L'atmosphère est traditionnellement sereine et sérieuse dans cette enceinte
!
Veuillez poursuivre, monsieur Allouche.
M. Guy Allouche.
J'ai toujours autorisé avec plaisir mes collègues à m'interrompre. Mais
l'attitude de ce collègue-ci est inadmissible !
Je reprends mon propos.
Monsieur le rapporteur, je veux insister sur le point central de votre
rapport, qui traite de la démographie, que vous relativisez par rapport à la
représentation des collectivités territoriales.
Je croyais vous avoir en partie convaincu lors de la première lecture. Je
constate qu'il n'en est rien.
A travers la représentation des collectivités territoriales, le Sénat assure
la représentation des individus-citoyens. De manière indirecte, mais néanmoins
certaine, le Sénat est élu par des citoyens. Les collectivités locales
apparaissent d'abord comme des groupes humains vivant dans un cadre territorial
déterminé, et leur représentation n'est qu'une simple modalité technique de la
représentation du peuple.
Il est toujours inexact d'affirmer que le Sénat détiendrait le monopole de la
représentation territoriale, à l'exclusion de l'Assemblée nationale. Si cela
était vraiment le cas, pourquoi le Sénat n'a-t-il pas le dernier mot sur tous
les textes relatifs à l'aménagement du territoire, aux collectivités
territoriales, à la décentralisation, ou, à tout le moins, pourquoi n'est-il
pas prévu que ces textes soient votés en termes identiques par les deux
assemblées ?
M. Philippe Richert.
Exact !
M. Guy Allouche.
La mission constitutionnelle législative des sénateurs n'est pas de défendre
les intérêts d'une région ou de certaines zones territoriales particulières,
mais bien de représenter la nation indivisible. Elle ne se résume pas à la
défense du monde rural contre le monde urbain !
Selon le professeur François Robbe, « le droit constitutionnel français
n'admet pas que le territoire puisse être représenté politiquement en tant que
tel. Toute représentation politique repose obligatoirement sur une base
humaine. S'il est exact que la représentation politique s'inscrit
nécessairement dans un cadre territorial, cette donnée ne peut intervenir qu'à
titre secondaire. Il semble en effet difficile de procéder à des élections sans
électeurs, ceci suffit à prouver que le territoire en soi ne peut être
représenté. La représentation politique n'existe que s'il existe une population
représentable. »
M. Hilaire Flandre.
Il n'y a là rien de contradictoire !
M. Guy Allouche.
Ni les députés ni les sénateurs n'échappent à la règle qui dispose que la
représentation politique s'effectue nécessairement sur la base de
circonscriptions électorales locales.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Puis-je vous interrompre, monsieur Allouche ?
M. Guy Allouche.
Avec plaisir, monsieur le rapporteur.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Monsieur Allouche, je vous remercie. Je me réjouis de la
qualité du débat en cette enceinte.
Je voudrais simplement vous citer littéralement le troisième alinéa de
l'article 24 de la Constitution - nous savons tous que les substantifs et les
adjectifs ont la même valeur. « Le Sénat est élu au suffrage indirect. Il
assure la représentation des collectivités territoriales de la République. »
Auriez-vous l'obligeance de me dire en quoi la notion de territoire a été
balayée de la Constitution ?
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants, et de l'Union centriste.)
M. Gérard Cornu.
Très bien !
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur Allouche.
M. Guy Allouche.
C'est ce que j'ai dit au début de mon propos quant à notre interprétation du
texte fondamental.
M. Hilaire Flandre.
Si vous êtes d'accord, c'est parfait !
M. Guy Allouche.
Il existe une divergence d'appréciation et d'interprétation ! Nous ne sommes
pas d'accord, monsieur Flandre.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Je n'ai pas lu « locales », mais « territoriales ».
M. Guy Allouche.
L'Assemblée nationale et le Sénat représentent tous deux la population. Ils
assurent cette représentation dans des cadres différents, mais qui sont
obligatoirement des cadres territoriaux et locaux.
Pour éviter des conflits de légitimité, les cadres de représentation, les
modes de scrutin, l'expression du suffrage universel ne sont pas identiques. La
sur-représentation rurale au Sénat n'est pas la traduction d'une volonté de
représenter exclusivement le territoire. D'aucuns considèrent que le
Constituant de 1958 a voulu valoriser la population des campagnes, et non leur
territoire en tant que tel. Bref, dans la perspective de l'article 24, alinéa
3, de la Constitution, les collectivités territoriales doivent d'abord être
envisagées comme des collectivités de citoyens. Les Français ne vivent pas dans
des collectivités, ils les constituent.
L'application de l'article 24 ne doit pas l'emporter sur l'article 3, qui
dispose que « le suffrage est égal ». Or cette égalité n'est pas respectée, et
c'est précisément ce que tend à corriger le projet de loi.
Si le bicamérisme suppose une différence, celle-ci n'interdit pas la juste
représentativité, et nous avons tous constaté de trop fortes disparités entre
départements pour ne pas y porter remède.
Au nom de quel principe faudrait-il que les droits civiques d'un citoyen d'une
commune de cent habitants soient dix ou vingt fois, voire davantage, plus
importants que ceux du citoyen d'une commune urbaine ?
Quoi que vous en pensiez, c'est ce projet de loi qui est le plus fidèle à
l'esprit et à la lettre de l'article 3 de la Constitution et, en cela, il
recueille notre adhésion.
Pour ce qui est du seuil d'application de la proportionnelle, la droite
sénatoriale s'oppose au projet du Gouvernement.
Vous êtes en désaccord total monsieur le rapporteur, avec ceux qui ont - ce
sont vos propres termes - « la religion de la proportionnelle ». Peut-être
suis-je l'un de ceux qui pratiquent cette religion... Quoi qu'il en soit, je
défends cette thèse.
M. Hilaire Flandre.
Vous la détournez ?
M. Guy Allouche.
Pour vous, le nombre de sénateurs élus à la proportionnelle nuirait à
l'équilibre des populations représentées.
Je ne puis vous reprocher de défendre des positions électorales acquises -
c'est légitime - mais si vous voulez convaincre, efforcez-vous alors de trouver
d'autres arguments ! Les populations doivent être représentées là où elles
vivent, et non de manière comptable. Or, plus de 82 % de la population
française vivent en milieu urbain ou suburbain. C'est ce qui justifie
l'abaissement de la représentation proportionnelle pour les départements
concernés. Le Sénat n'en sera que plus représentatif de ces collectivités des
départements nouvellement urbanisés.
Cette crainte de l'abaissement du seuil d'application de la proportionnelle
est récurrente. J'en veux pour preuve le débat qui a eu lieu le 16 octobre
1974. A cette date, rassurez-vous, je n'étais pas sénateur ...
(Sourires.)
Je me réfère au
Journal officiel
du jour, précisément à la page
1304.
A l'un de nos collègues qui s'inquiétait du fait que l'augmentation du nombre
de sénateurs dans quelques départements ferait passer ces derniers du scrutin
majoritaire au scrutin proportionnel, le rapporteur de l'époque, notre regretté
collègue Etienne Dailly, dont le nom est évoqué avec émotion et respect, car
nous savons tous combien il a marqué cette institution parlementaire, ...
M. le président.
C'est exact !
M. Guy Allouche.
Etienne Dailly, donc, répondait : « Ce que vous dites, nous le savons bien.
Mais que voulons-nous ? Nous voulons passionnément qu'on ne puisse pas
continuer à contester la représentativité du Sénat. Cela est dans la nature des
choses et dans le sens de l'histoire, comme on disait jadis dans le langage
officiel, et c'est une chose tout à fait naturelle contre laquelle personne ici
ne songe à s'élever. » Etienne Dailly s'exprimait alors au nom du Sénat quasi
unanime, en tant que rapporteur de la commission des lois - demain, j'aurai
l'occasion de le citer de nouveau à propos du texte que nous examinerons.
Oui, je constate que cette crainte de l'avenir, cette frilosité face au cours
de l'histoire est peut-être une pathologie endémique de la majorité
sénatoriale.
Le Sénat ne sera pas et ne pourra pas être le clone de l'Assemblée nationale.
Personne ne le demande. Parce que le Sénat ne peut être dissous, parce qu'il ne
peut censurer le Gouvernement, le fait majoritaire qui s'impose à l'Assemblée
nationale n'a pas sa raison d'être ici. La représentation proportionnelle est
donc le mode de scrutin le plus approprié à notre assemblée dont la mission
constitutionnelle est de représenter les collectivités territoriales. Qui ne
sait que le système le plus juste, le plus équitable, c'est la représentation
proportionnelle ? C'est la raison pour laquelle, à titre personnel - et, vous
le savez, monsieur le ministre, je suis en désaccord avec vous sur ce point -
je suis favorable à l'application de ce mode de scrutin dans les départements
qui élisent deux sénateurs et plus.
Je veux dire à nouveau avec force que, contrairement à ce qui a été avancé ici
ou là, cette proposition est raisonnable et pertinente. Je me permets de
renvoyer tous ceux qui doutent de son applicabilité aux conditions dans
lesquelles ont été élus les députés en 1986. Cependant, je m'incline devant une
position largement majoritaire. Je prends date.
Je me suis intéressé à la rénovation du Sénat en 1989. A l'époque, j'avais osé
avancer quelques idées et, comme vous l'imaginez, on m'avait rétorqué : «
Utopie ! » Or, aujourd'hui, on parle de la rénovation du Sénat. Je suis
peut-être en avance, comme je le suis en ce qui concerne la représentation des
départements et des régions. Tout à l'heure, M. le rapporteur disait qu'elle
n'entrait pas dans le champ du présent projet de loi. Je vous renvoie à mes
déclarations précédentes dans le débat, monsieur le rapporteur. Je suis pour
que les départements et les régions soient mieux représentés. On ne le veut
pas. J'accepte aujourd'hui mais, à l'avenir, et ce sera très bientôt, nous ne
ferons pas l'économie d'une présence plus importante des départements et des
régions au Sénat.
Vous vous inquiétez de l'augmentation sensible du nombre de grands électeurs
non élus des conseils municipaux. Ce qui est pour vous une inquiétude, certes
révélatrice d'un état d'esprit, est pour nous un motif de satisfaction. Non
seulement la représentativité du Sénat sera élargie, ce qui en démocratie n'est
pas à négliger, mais nous intéresserons un plus grand nombre de citoyens à la
vie et à l'action du Sénat.
Mes chers collègues, nous ne pouvons pas nous plaindre, comme nous le faisons,
de l'abstentionnisme croissant lors des consultations électorales et refuser
que de nombreux citoyens, volontaires, participent à l'élection des sénateurs.
Ne soyez pas craintifs ; le Sénat a tout à gagner en s'ouvrant sur la société
civile ! Le bicamérisme, auquel les Français sont attachés, n'en sortira que
davantage renforcé.
Pour conclure, permettez-moi d'insister, une fois encore, sur la nécessité
d'adapter nos institutions, de les rénover, de les moderniser, tant il est vrai
qu'elles sont vivantes, qu'elles ne sont absolument pas figées. Querelle des
anciens et des modernes ? Peut-être. Cependant, chacun est à même de constater
qu'il y a d'un côté les forces du mouvement, du progrès, de l'indispensable
évolution des lois et des moeurs, et de l'autre les partisans d'un ordre établi
à tout jamais, les craintifs face à l'avenir, qui, en s'opposant
systématiquement, desservent la cause du Sénat...
M. Gérard Cornu.
Ce n'est pas vrai !
M. Guy Allouche
...et lui font le plus grand tort.
Le bicamérisme auquel nous sommes attachés doit, lui aussi, évoluer et
s'adapter. Nous tenons à ce que le Sénat de la République soit « un corps
vivant ». L'avenir du Sénat du XXIe siècle s'écrit en ce moment, et « les
Français ont déjà une claire idée de qui tient la plume et de qui utilise la
gomme ». Pour notre part, avec le Gouvernement de Lionel Jospin, nous voulons
être les acteurs de cette modernisation.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. Dominique Braye.
On en reparlera !
M. le président.
La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la révision
des modalités d'élection des sénateurs à laquelle nous procédons n'est ni la
première ni la dernière. Le nombre de sénateurs, leur mode de scrutin, la
répartition géographique entre les départements, la composition du corps des
grands électeurs sont abordés à intervalles réguliers, et je conçois que l'on
puisse avoir, à l'égard de chacun de ces problèmes, des approches différentes.
Il est normal que, à intervalles réguliers, on examine ces problèmes, que l'on
s'adapte à la réalité. L'autorité, la représentativité et le rayonnement du
Sénat en dépendent, comme ils dépendent aussi de la qualité de ses travaux.
C'est dans cet esprit que notre collègue M. Paul Girod a présenté les
conclusions de la commission des lois, et je tiens à saluer la qualité de son
rapport et la justesse de ses orientations.
Sur cet arrière-plan, j'examinerai d'abord les problèmes de principe qui sont
posés, puis la réponse apportée par la commission et, enfin, des questions qui
resteront en suspens.
Les questions de principe sont au nombre de trois.
La première, c'est, bien entendu, l'existence du bicamérisme. Tout à l'heure,
dans votre intervention liminaire, monsieur le ministre, vous avez rappelé, et,
à mes yeux, c'est important, que nul ne remet en cause le bicamérisme. C'est un
élément fondamental, que nous devons saluer.
Cela étant, le bicamérisme n'en est pas moins critiqué par certains,
sous-estimé par d'autres, mais, souvent, il est aussi considéré, et c'est
heureux, comme extrêmement utile et nécessaire. Certains pays - et comment ne
pas rappeler la réunion importante des Sénats du monde qui a eu lieu hier,
monsieur le président ? - l'ont abandonné au cours des dernières années.
D'autres, au contraire, l'ont instauré. Aussi était-il utile de pouvoir
enrichir notre réflexion à la lumière des expériences des uns et des autres.
En tout état de cause, une deuxième chambre est un élément d'équilibre
essentiel. Entre les pulsions d'une assemblée et un certain recul de l'autre,
entre les positions plus doctrinales d'une assemblée et le pragmatisme et le
réalisme plus accentués de l'autre, entre la raison et la passion, il faut
trouver un équilibre, ce qui ne veut pas dire que la raison soit l'apanage
d'une assemblée et que l'autre ne soit pas capable de passion.
MM. Guy Allouche et Georges Mouly.
Très bien !
M. Daniel Hoeffel.
De toute manière, la deuxième chambre est un élément de régulation, de
modération, et je crois que, avec le recul, nous pouvons constater que cela a
été le cas, que les majorités des deux assemblées aient été de la même
orientation ou que leurs sensibilités politiques aient été différentes, et
c'est précisément là que le rôle du Sénat est essentiel.
Le deuxième principe, c'est celui, inhérent au bicamérisme, de la nécessité
d'une représentation complémentaire et non pas similaire ou ressemblante des
deux assemblées. On l'a rappelé, l'Assemblée nationale représente le peuple et
nous-mêmes, au Sénat - ce problème a fait l'objet d'échanges tout à l'heure et
l'orateur précédent l'a dit - nous représentons, certes, la population, mais
aussi toutes les collectivités territoriales et l'espace. Sans oublier que, il
convient de le rappeler, c'est le Sénat qui assume la représentation des
Français établis hors de France. A un moment où la mondialisation est en marche
et où il convient d'avoir un lien étroit avec les Français établis hors de
France, il est nécessaire qu'une assemblée, en l'occurrence le Sénat, assume
cette représentation.
La décentralisation a conféré des compétences supplémentaires aux
collectivités territoriales ; raison de plus pour assurer d'une manière très
claire la représentation de ces collectivités au Sénat. Les lois d'aménagement
du territoire successives ont remis au premier plan les préoccupations liées à
un meilleur équilibre du territoire ; raison de plus pour veiller à ce que
l'espace en tant que tel ne soit pas oublié dans la représentation au Sénat. La
réponse à ces préoccupations varie selon les pays. Ainsi, les Etats-Unis
assurent une représentation égale au Sénat de chaque Etat, quelle que soit son
importance ; la France, et c'est une tradition saine, veille à ce que la
représentation soit la plus équilibrée possible entre toutes les collectivités
territoriales.
Enfin, troisième principe, il s'agit, dans ce débat sur la représentation au
Sénat, de prendre en compte certains phénomènes nouveaux : l'évolution
démographique et le fait urbain.
L'évolution démographique sera évoquée demain au cours d'un autre débat, dans
lequel le Sénat maintiendra le nombre de sénateurs actuel. Cela ne veut pas
dire que l'on ne puisse pas assurer d'une autre manière une représentation
démographiquement plus équilibrée.
S'agissant du fait urbain, les propositions de la commission des lois me
semblent tout à fait réalistes : la commission des lois veille, en effet, à un
renforcement de la représentation des grandes villes dans le corps des grands
électeurs ; elle évite un amoindrissement du rôle des villes moyennes et
préserve ce qui est lié à l'espace, à savoir la représentation des communes
rurales.
J'en viens aux réponses apportées par la commission des lois du Sénat. A cet
égard, je serai très bref, compte tenu de la présentation exhaustive de M. le
rapporteur.
La solution idéale sur un plan comme celui-là n'est pas à notre portée. Il
s'agit donc, pour nous, de trouver une solution raisonnable, équilibrée et de
bon sens ; c'est, je crois, ce à quoi tendent les propositions de M. le
rapporteur.
J'illustrerai cette affirmation par trois exemples.
Tout d'abord, M. le rapporteur préserve le lien avec l'effectif des conseils
municipaux, ce qui constitue un élément d'équité. Par ailleurs, il veille à
l'équilibre entre toutes les catégories de communes en proposant la désignation
d'un délégué par tranche de 700 habitants et l'instauration de sièges de
délégués supplémentaires dans les communes dépassant le seuil de 9 000
habitants.
Enfin, il veille - et c'est là le coeur d'un des débats - à l'équilibre entre
les départements à représentation proportionnelle et les départements à scrutin
majoritaire. C'est un débat éternel que celui entre les partisans de la
proportionnelle, système le plus juste optiquement, et les défenseurs du
scrutin majoritaire, système plus efficace pour dégager des majorités.
La commission des lois propose tout simplement le retour au système qui était
en vigueur au Conseil de la République, c'est-à-dire la représentation
proportionnelle dans les départements de quatre sièges et plus.
Est-il anormal que soit maintenu pour environ la moitié de la représentation
au Sénat un scrutin majoritaire avec panachage ? Je ne le crois pas. Est-il
anormal qu'une partie non négligeable du Sénat soit désignée selon un mode de
scrutin qui assure, à mon avis, un peu plus d'indépendance, le libre choix des
électeurs, une moindre politisation et l'émergence plus sûre de la qualité des
hommes et des femmes élus ?
(M. le rapporteur et M. Machet
applaudissent.)
Cela me paraît être une question d'équité, et défendre ce
point de vue ne veut nullement dire que l'on nie ou que l'on sous-estime le
rôle qui, dans toute démocratie, incombe aux partis politiques.
Pour l'avenir, deux questions resteront posées.
La première tient au problème, évoqué tout à l'heure par notre collègue Guy
Allouche, de la représentation des départements et des régions au Sénat. La
décentralisation a conféré des responsabilités plus importantes aux
départements et aux régions. Or, la représentation de ces derniers dans le
corps des grands électeurs reste régulièrement réduite et sans rapport avec les
compétences qui leur échoient.
M. Guy Allouche.
Elle est marginale !
M. Daniel Hoeffel.
Sans en venir, bien sûr - la question est hors de propos dans notre contexte
institutionnel - à évoquer une composition de seconde chambre calquée sur celle
des Etats fédéraux, ne faut-il pas veiller à ce que, d'une manière ou d'une
autre, la représentation des départements et des régions puisse être renforcée
? Nous voyons fleurir, par-ci par-là, des propositions allant dans ce sens. Il
n'est peut-être pas trop tôt pour y réfléchir d'une manière très concrète.
M. Guy Allouche.
Très bien !
M. Daniel Hoeffel.
La seconde question qui reste posée est celle de la place qu'occuperont, à
l'avenir, les structures intercommunales dans le cadre du bicamérisme.
Le problème ne se pose pas aujourd'hui, parce que les conseils des
établissements publics de coopération intercommunale ne sont pas élus au
suffrage universel direct. Mais si, demain ou après-demain, ils l'étaient,
l'influence qu'exercerait ce phénomène dans la composition du corps des grands
électeurs ne pourrait être niée.
M. Jacques Machet.
Très bien !
M. Daniel Hoeffel.
Le Sénat a démontré que, contrairement aux insinuations et aux affirmations de
certains, il est capable de ne pas être figé. Il sait aller avec son temps ; il
tient compte de l'évolution institutionnelle, démographique et territoriale.
Ceux qui le critiquent ou le dénigrent, ceux qui évoquent à son propos les
termes de « conservatisme » ou d'« archaïsme » sont vraiment priés de mettre
leurs connaissances à jour !
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jacques Machet.
Tout à fait !
M. Daniel Hoeffel.
Rappelons que le Sénat a joué et joue un rôle important, que ce soit dans sa
mission de législateur ou dans celle de contrôle du pouvoir exécutif. Il doit
le faire sans complexe, avec son souci d'équilibre, de pondération, en jouant
le rôle de stabilisateur qui a toujours été le sien au-delà, je le répète, de
toutes les alternances, avec le souci constant de faire prévaloir l'intérêt du
pays par rapport aux intérêts catégoriels ou partisans. Cela aussi lui permet
de jouer un rôle important dans le cadre de nos institutions.
Les propositions présentées par M. Paul Girod, au nom de la commission des
lois, confortent le Sénat dans ce rôle qui - faut-il le rappeler une nouvelle
fois ? - est irremplaçable dans le cadre des institutions de notre
République.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR
et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Heinis.
Mme Anne Heinis.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, aux termes
de l'article 24 de la Constitution, le Sénat est élu au suffrage indirect. Il
assure la représentation des collectivités territoriales de la République ainsi
que celle des Français établis hors de France.
Très logiquement, le collège électoral est composé de représentants des
collectivités territoriales, les conseillers municipaux représentent 95 % du
corps électoral, ce qui prouve l'étendue de la base de soutien.
L'originalité de ce scrutin est d'être mixte, ce qui enrichit sa
représentativité.
Il est en effet majoritaire dans les quatre-vingt-cinq départements qui
élisent de un à quatre sénateurs et où la population est la moins dense. Les
élections y ont un caractère moins politique, les liens personnels entre
électeurs et élus étant plus marqués.
Le scrutin est proportionnel pour les quinze départements restants qui ont
droit à cinq sièges et plus, c'est-à-dire les départements les plus urbanisés,
avec des élections plus politisées ; il l'est également s'agissant de
l'élection des sénateurs représentant les Français hors de France. Au total, en
sièges, environ deux tiers des sénateurs sont élus au scrutin majoritaire, et
un tiers l'est à la proportionnelle.
Le Sénat est parfaitement conscient que l'évolution de la population, en
particulier le développement du phénomène urbain, doit nous conduire à
accroître la représentation de ce milieu urbain au sein du collège électoral.
Il a d'ailleurs élaboré une proposition de loi allant dans ce sens, proposition
qui vise à introduire un partage sensiblement égal entre le nombre des
sénateurs élus à la proportionnelle et au scrutin majoritaire. C'est le projet
que M. le rapporteur a défendu magistralement.
Le Sénat souhaite préserver, en outre, le poids électoral des communes les
moins peuplées, qui conserveraient le même nombre de délégués jusqu'à 9 000
habitants, un délégué supplémentaire par tranche de 700 habitants étant prévu
au-delà de ce seuil.
Cela permettrait de tenir compte de la réalité démographique sans remettre en
cause la spécificité de la Haute Assemblée et sa place dans les institutions,
fondée sur la diversité des collectivités territoriales.
Autrement dit, pour parvenir à un juste équilibre, il faut obligatoirement
donner aux vastes espaces ruraux un poids électoral qui ne soit pas strictement
et mathématiquement lié au critère démographique. Cela a d'ailleurs été évoqué
plusieurs fois.
Sous un autre aspect, il ne faut pas oublier que, à l'heure actuelle, 48 % de
la population, soit près de 30 millions de femmes et d'hommes, c'est-à-dire la
moitié de la population française, vivent dans des communes de moins de 9 000
habitants. De plus, un sondage réalisé par l'IFOP, en avril 1999, sur le regard
que les Français portent sur l'aménagement du territoire révèle que 44 % des
Français souhaiteraient vivre dans une ville petite ou moyenne, et donc dans
une ville de moins de 9 000 habitants. En revanche, ils veulent également avoir
accès à tous les services publics collectifs : écoles, hôpitaux,
police-gendarmerie, SNCF, Poste, etc.
Or, en réponse à cette aspiration, le Gouvernement prévoit de retirer des
délégués sénatoriaux aux petites et moyennes communes, c'est-à-dire à celles
dans lesquelles la population aspire à vivre, pour les donner aux grandes
villes !
Je le redis clairement : la majorité sénatoriale ne conteste pas qu'il est
temps d'assurer une représentation équitable du milieu urbain.
Pour autant, faut-il retirer des délégués aux petites et moyennes communes,
déposséder ces dernières de la possibilité pour elles de faire entendre leurs
voix dans l'élection de leurs représentants à la Haute Assemblée, dont la
vocation est justement d'assurer l'équilibre dans la représentation de tous les
territoires ?
Cette représentation prend tout son sens dans une optique de décentralisation,
voulue et engagée, je le rappelle, par Gaston Defferre, en 1982.
Elle est également inséparable de la prise de conscience de l'idée
d'aménagement du territoire défendue de longue date par le Sénat et véritable
nécessité actuelle.
Les petites communes, qu'on le veuille ou non, modèlent l'espace français et
sont d'une certaine façon la réponse humaniste au défi de la mondialisation.
Elles sont en effet le lieu d'exercice de la démocratie au quotidien.
La pensée unique nous répète sans cesse : 36 000 communes, 600 000 élus locaux
! Quel handicap ! Quelle exception française archaïque !
Non ! répondrai-je. Quelle richesse en hommes et en femmes, en écoute, en
dialogue et en solidarité !
Tocqueville, parlant de la commune, observait déjà ceci, qui est toujours vrai
: « C'est là que les hommes se sentent le plus proche les uns des autres, en
dépit de leurs différences. C'est là que la société y agit par elle-même et sur
elle-même ». Bel exemple de subsidiarité, même si l'on n'utilisait pas le mot à
l'époque, sauf dans les textes religieux !
C'est cet irremplaçable gisement d'initiatives et d'innovations nées des
besoins locaux qui peut animer le tissu social et donner vie au territoire,
surtout lorsque la population est dispersée et qu'il existe des handicaps
naturels.
Les aspirations de nos concitoyens à voir raccourcir les circuits entre leurs
attentes et les décisions politiques passent par les équipes municipales, même
les plus petites, agissant au sein d'une intercommunalité bien comprise.
Nous l'avons bien vu, lorsque surgissent des crises comme celles de la tempête
et de la marée noire et que l'Etat ne parvient pas à coordonner ses propres
services, ce sont les maires qui se trouvent en première ligne pour faire jouer
les solidarités de proximité.
Pourtant, ce gouvernement est toujours tenté par la vieille tradition jacobine
- « Se méfier des provinces » - qui remonte à la monarchie, ce qui est très
ancien.
Je regrette que ce gouvernement ne manque pas une occasion de réduire les
pouvoirs et les moyens - donc l'autonomie - des collectivités territoriales,
pour renforcer le pouvoir de l'Etat.
Citons quelques exemples récents : la faible progression de la DGF, qui ne
prend pas en compte comme il conviendrait les résultats du recensement ; la
hausse très faible des compensations de l'Etat sur la taxe professionnelle au
titre de la suppression de la part salariale ; la baisse ou la suppression de
la taxe d'habitation, ce qui relance également le débat sur l'autonomie fiscale
des collectivités territoriales ; la loi portant création de la couverture
maladie universelle, qui retire aux conseils généraux la responsabilité en
matière d'accès aux soins, pour la transférer à l'Etat.
Tous ces choix gouvernementaux nient les acquis de la décentralisation et
sont, en fait, des régressions.
Pour compléter le dispositif, on remet en cause le rôle du Sénat par une loi
électorale établie sur des bases uniquement démographiques et niant la mission
qui lui est constitutionnellement dévolue d'être le reflet significatif des
collectivités territoriales dans toute leur diversité.
La recentralisation que nous voyons ainsi s'opérer va de pair avec une
accentuation des déséquilibres entre la ville et l'espace rural, mettant à mal
tous les efforts faits pour réaliser un aménagement du territoire réellement
structurant pour notre pays, auquel le Sénat est très attaché.
Je citerai simplement et brièvement, pour exemple, la loi sur
l'intercommunalité, qui privilégie les agglomérations via la DGF - encore elle
! - mais aussi la loi sur l'aménagement du territoire, avec un zonage qui
réduit comme peau de chagrin les régions éligibles à la prime à l'aménagement
du territoire, ou encore l'éventuelle fermeture de trésoreries sur le terrain,
qui sont pourtant les interlocuteurs privilégiés des collectivités locales,
particulièrement des plus petites, sans oublier les fermetures organisées des
hôpitaux de proximité et de leurs services d'urgences.
Enfin, sur le plan des institutions, au lieu d'améliorer au Sénat la
représentation des villes moyennes et grandes pour tenir compte de leur densité
de population tout en garantissant celle des plus petites, le projet du
Gouvernement fait perdre des délégués à toutes les communes de moins de 16 000
habitants, qui abritent 55 % de la population, et il en fait gagner peu aux
villes moyennes - alors qu'il aurait été souhaitable d'augmenter davantage leur
nombre - redistribuant l'essentiel au profit de quelques grandes villes.
Que l'on ne vienne plus, ensuite, nous parler d'aménagement du territoire,
alors que l'on accentue la fracture territoriale et que l'on met le monde rural
en miettes ! Ce n'est d'ailleurs pas très étonnant de la part d'un gouvernement
qui estime que, sans doute, ce monde ne lui est pas favorable...
M. le rapporteur a également attiré notre attention de façon très pertinente
sur le risque que présente le projet de loi du Gouvernement quant à la
structure des collèges électoraux.
En effet, dans ce projet, le nombre de délégués non conseillers municipaux
augmente considérablement, ce qui signifie, comme M. le rapporteur l'a fort
bien expliqué, qu'une partie importante du collège se trouvera désignée par les
partis politiques : on porte ainsi atteinte à la représentativité des
collectivités territoriales, et donc à la mission constitutionnelle du
Sénat.
La modernisation des institutions n'est pas faite pour changer de majorité :
elle doit avoir pour seul but d'assurer une meilleure expression de la
démocratie.
Pour éclairer notre débat, dont l'enjeu est justement l'expression de la
démocratie, il m'a paru intéressant de me référer à la pensée de Tocqueville,
longtemps dédaignée en France alors que les démocraties du monde entier s'en
inspirent : en témoigne le succès du Forum des Sénats du monde et la profondeur
des contributions de leurs différentes délégations, notamment sur le
bicamérisme.
L'une des préoccupations de Tocqueville était « le nivellement des esprits par
la démocratie », que l'on peut traduire en langage d'aujourd'hui par la pensée
unique.
Cette dernière est d'autant plus puissante qu'elle correspond au
fonctionnement des médias, qui ne nous présentent que l'instant. Qu'on ne s'y
trompe pas : modernisation ne veut pas dire effet de mode ou manipulation
déguisée. Un vrai débat démocratique, ce n'est pas cela.
Il faut du temps, de la réflexion, et on doit appliquer la méthode
tocquevillienne, c'est-à-dire un constant va-et-vient entre l'observation de
terrain et la conceptualisation.
Or comment travaillons-nous aujourd'hui ? Dans l'« urgence déclarée » sur des
textes fondamentaux pour l'avenir de notre pays : réduction du temps de
travail, couverture maladie universelle, aménagement du territoire, loi
d'orientation agricole... et la liste est longue.
Cette procédure est un véritable déni de débat démocratique, monsieur le
ministre, car elle ne laisse pas aux deux assemblées la possibilité de
dialoguer par la réflexion et le jeu croisé des contributions, ce qui devrait
être la règle.
Quelle est la vraie raison de cette marche forcée ? Les échéances politiques,
ou l'avenir de la France ?
Malheureusement, il semble que la majorité entende exercer son pouvoir sans
dialogue ni concertation, puisque nous en sommes privés. Tous les
autoritarismes commencent comme cela, il faut quand même s'en souvenir !
Le Sénat devrait cependant rester le lieu d'expression des différences, qui
peuvent être des différences d'opinion mais aussi le reflet de particularismes
locaux.
Il nous appartient de ne pas nous laisser conditionner par un « despotisme
doux » décrit de façon visionnaire par Tocqueville : « Au-dessus de ceux-là
s'élève un pouvoir immense et tutélaire, qui se charge seul d'assurer leur
jouissance et de veiller sur leur sort. Il est absolu, détaillé, régulier,
prévoyant et doux... Il travaille volontiers à leur bonheur ; mais il veut en
être l'unique agent et le seul arbitre ; il pourvoit à leur sécurité, prévoit
et assure leurs besoins, facilite leurs plaisirs, conduit leurs principales
affaires, dirige leur industrie, règle leurs successions, divise leurs
héritages ; que ne peut-il leur ôter entièrement le trouble de penser et la
peine de vivre ? »
Alors, que nous restera-t-il ?
La passion de l'égalité qui, poussée à l'extrême, devient un égalitarisme de
façade, où, en traitant de la même façon des situations différentes, on arrive
au but inverse de celui que l'on poursuit : la logique poussée à l'extrême
devient absurde, on le sait bien !
L'égalitarisme poussé des deux chambres d'un même Parlement, comme nous l'ont
confirmé hier certains de nos collègues étrangers, bloque le système, alors
qu'un bicamérisme dans lequel les deux chambres, dans la plénitude de leurs
pouvoirs, sont différentes, est un atout fort et moderne pour assurer le bon
fonctionnement de la démocratie.
D'ailleurs, beaucoup de pays ne s'y trompent pas et se sont dotés récemment
d'une deuxième chambre.
Tocqueville nous enseigne aussi que, dans les démocraties, « la crainte du
désordre et l'amour du bien-être portent insensiblement les peuples à augmenter
les attributs du pouvoir central ».
La conséquence en est, entre autres, le désintérêt des citoyens pour la vie
politique et les taux d'abstention record que nous connaissons dans certaines
consultations électorales : je citerai pour mémoire de récentes élections, où
l'on a compté 53 % d'abstentions et où les candidats ont été élus avec moins de
10 % des électeurs inscrits, ce qui n'est pas du tout le cas lors des scrutins
pour l'élection des sénateurs, où la participation est maximale.
Un remède à cette situation serait sûrement la renaissance d'un réel débat
politique, qui ne peut s'instaurer que dans l'expression des différences. Mais
c'est ce que l'on ne veut pas entendre.
La démocratie doit évoluer avec la société dans un subtil équilibre dynamique,
essentiel pour tout ce qui bouge et évolue dans le temps, un peu à l'image du
cycliste dans les tournants qui dérape s'il ne se penche pas assez et qui tombe
s'il se penche trop. Nos évolutions sont marquées par cette même difficulté à
trouver le bon équilibre, ce qui explique nos débats. Mais nous devons nous
écouter les uns les autres !
Le deuxième contrepoids aux méfaits d'une égalité poussée à l'extrême, c'est
la liberté, beaucoup plus difficile à manier que l'égalité.
Il ne s'agit pas là des libertés individuelles, dont nous ne manquons pas en
France, mais des « libertés collectives », entravées par une réglementation
sans cesse foisonnante, tatillone et répressive. Il n'est que de voir, par
exemple, l'évolution de la législation sur l'environnement, qui n'est qu'un
tissu de contraintes assorties d'amendes, de punitions et d'exigences
exorbitantes, alors que l'aspect incitatif et créatif, qui mobiliserait les
énergies et l'imagination, est totalement négligé.
Pourtant, cette France « profonde », pour laquelle le Gouvernement a tant de
méfiance - on peut d'ailleurs parfois se demander s'il ne s'agit pas d'un peu
de mépris - fourmille d'inventivité, pour peu qu'on lui en laisse la
possibilité et qu'on l'écoute. C'est ce qui explique, sans doute, que les PME
et les PMI soient les seules entreprises à créer réellement des emplois
nouveaux dans notre pays, ce que personne ne nie. C'est là que sont la vie et
la richesse - j'entends la richesse des hommes, lesquels produisent d'ailleurs
à leur tour de la richesse - mais encore faudrait-il que l'on accepte de
desserrer le réseau étroit de la réglementation compliquée et confuse qui
assaille de toutes parts ces petites entreprises et ces petites
collectivités.
Mais le Gouvernement nourrit une grande méfiance vis-à-vis des initiatives qui
ne viennent pas de lui et qui ne sont pas contrôlées et maîtrisées par lui,
autre facette de ce que j'appelle le « despotisme doux et rampant » !
M. Joël Bourdin.
Très bien !
Mme Anne Heinis.
Utopie, ou volonté de puissance habillées de discours lénifiants ? La question
est posée.
Notre rôle, au Sénat, c'est d'assurer courageusement et malgré les obstacles
la continuité dynamique de nos idéaux et de nos institutions, par-delà les
soubresauts successifs de l'opinion dont l'histoire est fertile.
Le Sénat, quoi qu'il arrive, ne faillira pas à sa tâche, même si, par des
artifices de votes juridiquement légaux mais contraires à l'esprit de la
Constitution et à une tradition qui veut qu'une assemblée n'intervienne pas
dans le fonctionnement de l'autre, il se voit amputé, demain, d'une partie de
sa représentation territoriale.
Je n'ai pas peur, mes chers collègues, de l'accusation de ringardise et
d'anomalie ; je dirai même que je la brave la tête haute parce qu'elle est
fausse, démagogique et facile, et que, de surcroît, je ne me reconnais pas dans
ces termes, pas plus que nombre d'entre nous.
M. le président.
Très bien !
Mme Anne Heinis.
C'est le genre d'attaque auquel on ne répond pas.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Vous venez de le faire !
Mme Anne Heinis.
Je n'y ai pas répondu, je l'ai évoquée, monsieur le ministre !
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
C'est un tort !
(Sourires.)
Mme Anne Heinis.
Je ne sais pas !
La seule vraie réponse, c'est quand même notre courage à tous, monsieur le
ministre, et je ne doute pas, au demeurant, du vôtre.
En conséquence, je voterai le texte du Sénat, en espérant que nous serons
nombreux à le faire.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
(M. Jean Faure remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président
M. le président.
La parole est à M. Murat.
M. Bernard Murat.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout système
électoral a une portée qui dépasse la seule expression du suffrage : ce système
détermine l'identité de l'assemblée à élire, il conditionne son rôle.
La Constitution du 4 octobre 1958 investit le Sénat d'une mission particulière
: la représentation des collectivités territoriales de la République.
Ainsi, quelles spécificités du système électoral permettent-elles au Sénat
français de remplir sa fonction constitutionnelle ?
L'une de ces spécificités découle de la composition du collège électoral,
question qui est d'une importance déterminante pour une assemblée élue au
suffrage indirect.
Comme le rappelle très justement notre rapporteur, pour permettre aux communes
les moins peuplées de peser un poids suffisant, la composition du collège
électoral sénatorial intègre une pondération qui leur est favorable.
Certes, cette pondération peut être aménagée. En effet, toutes les
collectivités territoriales sont loin de participer dans les mêmes proportions
à l'élection des sénateurs et les règles qui fixent le nombre de représentants
des communes dans les collèges électoraux sont inégalitaires.
En ce qui concerne la population moyenne représentée par un délégué, on
remarque que, si les petites communes - notamment celles qui comptent moins de
1 000 habitants - sont sur-représentées, en revanche, les communes de plus de
20 000 habitants sont sousreprésentées.
Avec votre projet de loi, monsieur le ministre, vous voulez effacer toute
pondération pour ne retenir qu'un critère, exclusivement démographique, dans la
constitution du collège électoral sénatorial. Une telle solution aurait pour
conséquence de supprimer cet « autre regard » porté par le Sénat lors du
processus législatif ou du contrôle du Gouvernement.
Avec l'élection d'un délégué pour 300 habitants, le projet de loi adopté par
la majorité plurielle ferait qu'une commune de 50 000 habitants aurait autant
de poids dans le collège électoral que 160 communes de moins de 300
habitants.
Un tel choix n'est pas raisonnable. En effet, cette solution rendrait
improbable la présence d'élus de zones rurales au sein de notre assemblée. Or,
cette mixité qui vous paraît paradoxale, puisque vous souhaitez l'annihiler,
constitue la richesse même du Sénat ; elle favorise ce regard particulièrement
attentif aux questions relatives à la décentralisation ou à l'aménagement
harmonieux de notre territoire.
Je pense, par exemple, à la question du maintien des services publics de
proximité en milieu rural et, plus précisément, au maintien du service postal
dans les petites communes rurales.
Monsieur le ministre, vous souhaitez, avec nombre de vos collègues de la
majorité plurielle, que le Sénat se rapproche de l'Assemblée nationale quant à
son mode d'élection. En d'autres termes, vous souhaitez que les deux assemblées
s'expriment d'une seule et même voix, et qu'elles soient toujours plus
dépendantes du Gouvernement. Cela est inacceptable.
Une telle méthode aurait pour conséquence de transformer le Sénat en simple
chambre d'enregistrement. Il n'est nul besoin d'être visionnaire pour percevoir
cette réalité future. En effet, telle est la situation actuelle du Sénat
italien : élu au suffrage universel direct, avec une représentation
proportionnelle à la population, il s'est transformé, depuis 1947, en une
simple chambre d'enregistrement. Ainsi, tout en maintenant le bicamérisme, vous
souhaitez avoir les effets du monocamérisme. Je vous rappelle qu'en France le
Sénat représente une tradition constitutionnelle de la République, maintenant
plus que séculaire.
Les Français, lors du référendum du 5 mai 1946, avaient rejeté le premier
projet constitutionnel, d'esprit monocaméral. De la même manière, nos
compatriotes, en adoptant la Constitution de 1958, ont confirmé leur
attachement au bicamérisme. Par ces votes, ils ont reconnu les vertus d'un
système parlementaire permettant l'équilibre, la régulation et la pondération
entre les pouvoirs. Ils ont voulu tempérer le pouvoir démocratique majoritaire,
qu'il importe de contenir, car il est tenté, par nature, d'aller trop loin et
trop vite. Non, monsieur Allouche, la modernité n'est pas toujours le progrès
!
Comme le rappelait hier le président Poncelet devant de très nombreux
représentants des sénats de tous les continents, le bicamérisme est une idée
d'avenir.
Ce projet de loi revient à engager une réforme constitutionnelle sans pour
autant utiliser les mécanismes de révision prévus par les articles 11 et 89 de
notre Constitution. En effet, votre projet de système électoral, en remettant
en cause l'identité de notre Haute Assemblée, modifiera son rôle
constitutionnel de représentant des collectivités territoriales de la
République, et plus particulièrement des communes les plus fragiles de notre
tissu rural.
C'est pourquoi je tiens à rendre hommage à notre rapporteur pour la justesse
de son analyse et la richesse de ses propositions. Avec la plus grande
conviction, avec mes amis du groupe du Rassemblement pour la République, nous
soutiendrons ses propositions. En effet, tout en adaptant la composition du
collège électoral à l'évolution démographique de notre pays, elles permettront
de préserver le rôle constitutionnel et modérateur du Sénat. Ce rôle constitue
l'une des richesses du bicamérisme français.
Oui, mes chers collègues siégeant sur toutes les travées de cette assemblée,
je tiens à vous dire, au terme de ce débat, combien je suis fier de siéger au
milieu de vous, au Sénat, quand nous y faisons, tous ensemble, vivre l'esprit
de notre République ! Non, monsieur le ministre, le Sénat n'est pas une
anomalie parmi les démocraties, comme l'a affirmé, avec beaucoup
d'irresponsabilité, M. le Premier ministre !
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir
de la deuxième lecture au Sénat des projets de loi, la discussion des articles
est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont pas
encore adopté un texte identique.
Article 1er A
M. le président.
« Art. 1er A. - Après l'article L. 52-11-1 du code électoral, il est inséré un
article L. 52-11-2 ainsi rédigé :
«
Art. L. 52-11-2
. - Pour les élections sénatoriales, il est institué
un plafond de dépenses électorales, autres que les dépenses de propagande
directement prises en charge par l'Etat, exposées par chaque candidat ou chaque
liste de candidats, ou pour leur compte, au cours de l'année précédant le
premier jour du mois de l'élection, et ce jusqu'à la date du scrutin.
« Le plafond des dépenses pour l'élection des sénateurs est de 100 000 francs
par candidat pour les départements qui ont droit à deux sièges de sénateurs ou
moins. Dans les autres départements, ce plafond est de 100 000 francs par liste
de candidats.
« Les plafonds sont actualisés tous les trois ans par décret, en fonction de
l'indice du coût de la vie de l'Institut national de la statistique et des
études économiques.
« A l'exception des articles L. 52-11 et L. 52-11-1 et sous réserve des
dispositions des deux premiers alinéas du présent article, les dispositions du
chapitre V
bis
du titre Ier du livre Ier du présent code s'appliquent
aux élections sénatoriales. »
Par amendement n° 1, M. Girod, au nom de la commission, propose de supprimer
cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Il s'agit du plafonnement des dépenses électorales engagées
pour l'élection sénatoriale.
L'Assemblée nationale a cru opportun d'adopter une disposition limitant ces
dépenses à 100 000 francs par candidat dans les départements à scrutin
majoritaire et à 100 000 francs par liste dans les autres départements, sans
tenir compte du nombre de grands électeurs.
Tout d'abord, la définition est difficile. Ensuite, la proportionnalité des
dépenses à l'importance du collège est inexistante. Enfin, la sanction
d'inéligibilité est absente et, pour tout arranger, le remboursement par l'Etat
des frais de campagne, qui est, en général, le corollaire de ce genre de
limitation, n'est même pas évoqué.
Face à une disposition aussi schématique, pour ne pas dire caricaturale, la
commission des lois a adopté, à l'unanimité, si mes souvenirs sont exacts, cet
amendement visant à supprimer l'article 1er A.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
M. le rapporteur a raison de souligner qu'il n'a
pas été observé dans le passé une évolution inquiétante de nature à justifier
le plafonnement des dépenses électorales.
En tout état de cause, l'article 1er A, tel qu'il a été adopté par l'Assemblée
nationale, soulève, je le reconnais, un problème juridique : la sanction du
dépassement du plafond des dépenses, à savoir l'inéligibilité du candidat
concerné, ne peut être instaurée que par une loi organique.
C'est la raison pour laquelle, après m'être opposé à l'amendement déposé à
l'Assemblée nationale, j'émets un avis favorable à l'amendement n° 1.
(Très
bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1.
M. Guy Allouche.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Nous allons suivre la commission, qui demande la suppression de l'article 1er
A.
En m'adressant à vous, mes chers collègues, je m'adresse indirectement à nos
collègues députés et à mon ami Marc Dolez, rapporteur de ce projet de loi à
l'Assemblée nationale.
Le problème du plafonnement des dépenses électorales pour les élections
sénatoriales ne peut être traité par un amendement de ce type.
Lorsque le Parlement réexaminera le financement des partis politiques et des
campagnes électorales, peut-être faudra-t-il introduire - je dis bien «
peut-être » - une disposition concernant le Sénat. Mais, en l'instant, je suis
défavorable à cette proposition. Tout d'abord, comme l'a indiqué M. le
ministre, une disposition dont l'inobservation n'entraîne aucune sanction n'a
aucun fondement. Par ailleurs, l'inéligibilité relève de la loi organique. Or,
nous sommes dans le cadre d'une loi ordinaire. Enfin, à quoi bon introduire une
telle disposition si aucune sanction n'est prévue ?
Aujourd'hui, il convient donc de supprimer cet article introduit par
l'Assemblée nationale ; nous pourrons revoir cette question ultérieurement.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 1er A est supprimé.
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. - L'article L. 284 du code électoral est ainsi modifié :
« 1° Les six premiers alinéas sont remplacés par deux alinéas ainsi rédigés
:
« Les conseils municipaux désignent un nombre de délégués déterminé en
fonction de la population des communes, à raison d'un délégué pour 300
habitants ou une fraction de ce nombre.
« Lorsque le nombre de délégués est inférieur ou égal à l'effectif du conseil
municipal, les délégués sont élus au sein de ce conseil. Dans le cas contraire,
les membres du conseil municipal sont délégués de droit, les autres délégués
étant élus dans les conditions fixées à l'article L. 289. » ;
« 2° Dans le dernier alinéa, les mots : "des alinéas 2 à 6 de l'article 10 du
code de l'administration communale" sont remplacés par les mots : "des articles
L. 2113-6 et L. 2113-7 du code général des collectivités territoriales". »
Par amendement n° 2, M. Paul Girod, au nom de la commission, propose de
rédiger comme suit cet article :
« Dans le dernier alinéa de l'article L. 284 du code électoral, les mots :
"des alinéas 2 à 6 de l'article 10 du code de l'administration communale" sont
remplacés par les mots : "des articles L. 2113-6 et L. 2113-7 du code général
des collectivités territoriales". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Nous sommes au coeur de la question qui a alimenté la
discussion générale : il s'agit de déterminer le nombre des délégués.
L'Assemblée nationale a prévu un délégué pour 300 habitants ou fraction de ce
nombre, soit plus que le dispositif initial proposé par le Gouvernement, qui
prévoyait un délégué pour 500 habitants. Ce texte méconnaît le point de vue du
Sénat, selon lequel il faut tenir compte de l'effectif des conseils
municipaux.
Sans insister davantage en l'instant sur les arguments de la commission - nous
y reviendrons s'il y a lieu -, nous proposons de revenir au dispositif
équilibré adopté par le Sénat en première lecture, avec une représentation
tenant compte de l'effectif des conseils municipaux jusqu'à la moitié de la
population et des abondements pour la seconde moitié de la population.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
A l'Assemblée nationale, j'avais émis un avis
réservé quant à l'introduction d'une tranche de 300 habitants au lieu de 500
habitants pour la désignation d'un délégué, ce qui entraînerait un fort
accroissement du nombre des délégués et poserait des problèmes matériels
considérables.
Toutefois, je considère que l'amendement n° 2 présenté par M. Paul Girod, au
nom de la commission des lois, en maintenant le mode actuel de désignation des
délégués municipaux en dessous de 9 000 habitants, remet en cause l'ensemble du
projet gouvernemental. C'est la raison pour laquelle je lui donne un avis
défavorable.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 2.
M. Guy Allouche.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Pour gagner du temps, je ne reviendrai pas sur ce que j'ai dit dans la
discussion générale, me contentant d'insister à nouveau sur un point.
Nous sommes tous d'accord pour que les grandes agglomérations soient mieux
représentées dans le collège électoral. Ce que prévoit le projet
gouvernemental, et surtout la disposition introduite par voie d'amendement à
l'Assemblée nationale, conforte les petites communes.
Je ne prendrai qu'un seul exemple.
Une commune de mille habitants a actuellement deux délégués...
M. Charles Descours.
En effet ! Avec la disposition proposée par M. le rapporteur, elle en aura
quatre.
M. Guy Allouche.
Oui, avec la nouvelle disposition, elle en aura quatre.
Compte tenu du nombre important de communes qui franchiront la barre de 300
habitants et qui compteront non pas un mais deux délégués, les petites communes
seront donc encore mieux représentées.
Par conséquent, nous n'avons pas à avoir d'inquiétude démesurée quant à la
sous-représentation des petites communes. Au contraire, cette disposition leur
est favorable.
Comme l'a dit M. le ministre à l'instant, non seulement M. le rapporteur ne
suit pas le Gouvernement, mais il propose une autre disposition.
En conséquence, nous ne pouvons que voter contre cet amendement.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Chacun a ses notions mathématiques !
Pour ma part, je constate que le dispositif adopté par l'Assemblée nationale
transforme les très grandes villes en rouleau compresseur ! Or, on veut nous
faire croire que le grain de sable que serait une petite commune se
transformerait devant le rouleau compresseur en tout petit caillou. Moi, je
veux bien ! Mais l'important ce n'est pas le chiffre, c'est la représentation
dans le pourcentage total...
M. Dominique Braye.
Effectivement !
M. Paul Girod,
rapporteur.
... et là, je crains que ce raisonnement ne soit un peu
court.
Dans l'amendement de la commission, mon cher collègue, il y a un autre aspect
que vous négligez allègrement - je suis obligé de vous le dire, à vous aussi,
monsieur le ministre - c'est celui des communes moyennes.
Si vous analysez tous les tableaux que j'ai joints à mon rapport écrit, vous
constatez que les véritables victimes de toute cette opération sont moins les
petites communes que les communes moyennes.
Je rappelle ce que j'ai été amené à dire tant dans mon rapport écrit que dans
mon rapport oral : ce qui est important dans la représentation des
collectivités territoriales - j'insiste sur ce dernier adjectif, comme je l'ai
fait tout à l'heure pendant l'intervention de notre collègue M. Allouche avec
son autorisation, ce dont je le remercie encore - c'est le rôle d'organisation
démographique, spatiale, économique et sociale des communes moyennes, sur
lesquelles repose tout l'équilibre de notre nation.
Or c'est justement cette catégorie-là qui, par le système que nous avons
défendue et que nous défendons à nouveau aujourd'hui, se trouve relativement
protégée, alors qu'elle est paradoxalement laminée entre le grain de sable
devenu petit caillou et le rouleau compresseur que constituent les grandes
communes.
C'est tout le problème, et c'est un vrai problème ! On ne l'évacue pas par un
slogan fondé sur la représentation démographique, dont tous les représentants
des parlements du monde qui sont bicaméraux ont dit hier, dans le cadre du
Forum des Sénats du monde, qu'il fallait en tempérer l'exagération, surtout
quand la chambre basse est élue au scrutin majoritaire.
(Applaudissements
sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Guy Allouche.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Monsieur le rapporteur, chacun ses notions mathématiques ! Je corrige
cependant ce que j'ai dit tout à l'heure au sujet des communes de 1 000
habitants.
J'ajoute, monsieur le rapporteur, que vous auriez peut-être rencontré une
oreille attentive si vous aviez suivi le projet initial. Mais vous vous y
refusez.
Vous savez que je n'étais pas tout à fait d'accord avec une partie de ce
qu'avance le Gouvernement. Je vous l'ai dit en première lecture et je l'ai
répété tout à l'heure.
Mais M. le ministre a employé l'adjectif « équilibré ». Or ce que vous
proposez ne tend pas à un équilibre. Dès lors que vous ne voulez pas faire un
pas vers ce que tendait à proposer le projet initial, je crains que l'Assemblée
nationale ne confirme - je pense qu'elle le fera - ce qu'elle a adopté en
première lecture.
Si vous aviez accepté de faire un pas dans cette direction, vous auriez
peut-être rencontré une, voire deux oreilles attentives !
M. Jean-Pierre Schosteck.
Compatissantes plutôt, parce qu'elles sont toujours attentives !
M. Dominique Braye.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Braye.
M. Dominique Braye.
La proposition qui nous est faite par le rapporteur est une bonne proposition.
L'objectif est manifestement de faire en sorte qu'à terme la moitié des
sénateurs soit élue au scrutin majoritaire et l'autre au scrutin
proportionnel.
Personne n'a été dupe lorsque notre collègue M. Allouche s'est posé en grand
défenseur des petites communes. Il a fait preuve de duplicité. Tout le monde a
bien compris que, si l'on augmente le nombre des représentants des petites
communes, leur poids relatif diminue, et leur influence également. Il faut le
dire !
M. Hilaire Flandre.
Tout à fait !
M. Dominique Braye.
Il y a là, manifestement, duplicité de la part de l'orateur précédent, qui
veut nous faire croire que l'on augmente le poids des petites communes alors
qu'en réalité on ne fait que le diminuer.
(Très bien ! et applaudissements
sur les travées du RPR.)
M. Philippe Richert.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert.
Nous sommes là au coeur du dispositif.
Force est de reconnaître que, avec un grand électeur pour 300 habitants, on
aboutit à une augmentation sensible du poids relatif des grandes
agglomérations. Il suffit de faire des simulations département par département
pour s'en rendre compte.
On s'appuie sur un principe démocratique pour appliquer ce dispositif en
appelant à l'égalité du vote de chaque citoyen. Mais quand on regarde comment
cela se passe dans les communes de plus de 3 500 habitants, je le répète,
monsieur Allouche, on constate que la prime est donnée à la liste qui arrive en
tête. Ainsi, une liste qui recueillera 51 % des voix aura 75 % des sièges et la
liste qui aura 49 % des voix se verra attribuer 25 % des sièges.
Dans la désignation des grands électeurs, l'équité dont vous vous prévalez
n'est donc pas du tout respectée ! Au contraire : les voix des uns auront
presque deux fois plus de poids que les voix des autres.
C'est la raison pour laquelle je trouve totalement inique que l'on mette en
avant une volonté d'équilibre. Si cette volonté était réelle, il faudrait
appliquer la répartition des sièges des grands électeurs en fonction des voix
obtenues à l'élection et non pas en fonction du nombre d'élus puisque la
bonification accordée à la liste ayant obtenu les meilleurs résultats avait
tout simplement pour objet de permettre la gestion de nos communes en dégageant
des majorités.
L'Assemblée nationale reviendra de toute façon sur ces dispositions, et
j'attends d'elle qu'elle introduise cette mesure afin d'assurer de façon
concrète l'égalité au lieu d'en parler dans l'abstrait.
Je relève enfin qu'une commune de 300 000 habitants aura mille grands
électeurs pour environ soixante élus, c'est-à-dire que 940 grands électeurs
seront désignés sur les listes « fournies » par les partis politiques à
l'échelon de leurs militants et de leurs adhérents.
En fait, on retire aux élus leur influence au profit des partis, au profit des
militants. Je crois que ce n'est pas conforme à la tradition de la Ve
République et c'est la raison pour laquelle la sagesse veut que nous soutenions
les propositions de M. le rapporteur.
(Très bien ! et applaudissements sur
les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Patrice Gélard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
Je ne vais pas reprendre ce qu'ont dit les orateurs qui m'ont précédé, je suis
tout à fait d'accord avec eux. J'ajoute simplement - et c'est la raison pour
laquelle je pense que la proposition de notre rapporteur est la seule juste -
que le sénateur risque de devenir progressivement non pas l'élu des élus, mais
l'élu des élus des élus, ce qui me paraît, à terme, tout à fait dangereux.
Qu'est-ce que ces élus des élus ? Ce sont des clones des élus ! Dans la
pratique, on va choisir les époux, les enfants, les cousins, les beaux-frères,
les belles-soeurs... Une fois que l'on a épuisé les militants, il n'y a plus
personne et on prend alors les membres de la famille.
(Marques d'approbation sur les travées du RPR.)
Cela me paraît très dangereux, et j'aurais préféré que l'on portât
atteinte - pour faire plaisir à M. Allouche - à l'égalité du droit de suffrage,
en disant que des élus auront un vote plural.
M. Guy Allouche.
C'est le vote à points !
M. Patrice Gélard.
Cela aurait été préférable à la multiplication du nombre des grands électeurs,
dont, il faut bien le dire, plus de la moitié n'auront, en réalité, aucune
légitimité en dehors de celle que les élus voudront bien leur donner pour
vingt-quatre heures.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Michel Duffour.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour.
Je viens d'entendre des orateurs évoquer le fait que nous pourrions avoir des
élus, des élus, des élus. Pour ma part, ce que je constate, c'est qu'avec le
système proposé nous allons avoir une assise plus importante pour l'élection
des sénateurs.
M. Hilaire Flandre.
En apparence seulement !
M. Michel Duffour.
Certains d'entre vous se plaignent que des militants politiques - trop
politiques - participent au scrutin pour l'élection des sénateurs. Pour ma
part, je m'en félicite.
M. Hilaire Flandre.
Le contraire m'eût étonné !
M. Michel Duffour.
Que des centaines de milliers de femmes et d'hommes s'intéressent aux
élections sénatoriales...
M. Charles Descours.
Des centaines de milliers ?...
M. Michel Duffour.
... et, à partir de là, établissent un lien avec cette assemblée - nous
tenterons en effet d'entretenir des liens étroits avec ceux qui nous auront
élus - et nos travaux s'en trouveront valorisés. Ce sera un pas en avant vers
plus de démocratie.
Je ne suivrai donc pas l'avis de notre rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Faites une deuxième Assemblée nationale, ce sera plus clair !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Je ferai trois réflexions : deux sur le fond et une
humoristique, si vous le permettez !
Sur le fond, notre collègue a mis le doigt sur la contradiction...
(Tout à
fait ! sur les travées du RPR.)
Soit l'on veut que le Sénat soit représentatif de la population en partant de
l'idée de l'égalité de suffrage des citoyens et en négligeant l'aspect
représentation des collectivités territoriales, et à ce moment-là la prime
majoritaire des conseils municipaux ne peut plus jouer,...
M. Jean-Pierre Schosteck.
Exactement !
M. Paul Girod,
rapporteur.
... soit l'on parle de la représentativité des collectivités
territoriales à partir de leur expérience de gestion, et, à ce moment-là, c'est
la priorité des conseils municipaux par rapport à la représentation égalitaire
et linéaire qui s'impose, comme j'ai eu l'occasion de le dire pendant la
discussion générale.
Sur l'élargissement du corps électoral sénatorial, j'ai déjà entendu des
arguments contraires venant de vos amis, monsieur Duffour. Quand on parlait du
référendum, il y a déjà longtemps, on élargissait le corps électoral à
l'ensemble du peuple !
M. Jean-Pierre Schosteck.
C'était autrefois !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Sur un plan plus humoristique, monsieur Allouche, le Sénat
sait ce qu'il en coûte d'appuyer les projets du Gouvernement ! Ce n'est pas si
vieux : c'était à propos de la parité !
(Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 1er est ainsi rédigé.
Article 1er
bis
A
M. le président.
« Art. 1er
bis
A. - La dernière phrase de l'article L. 286 du même code
est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :
« Il est augmenté de un par cinq titulaires ou fraction de cinq. Dans les
communes visées au chapitre II du titre IV du livre Ier du présent code, les
suppléants sont élus au sein du conseil municipal. »
Par amendement n° 3, M. Paul Girod, au nom de la commission, propose de
supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Il me semble inutile de modifier le nombre des suppléants.
Nous pensons que le dispositif prévu au départ était suffisant.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
La disposition introduite par l'Assemblée
nationale constituait le corollaire de celle qui était relative à
l'augmentation du nombre des délégués, sur laquelle le Gouvernement était
réservé. En tout état de cause, la modification du nombre des suppléants n'a
pas fait l'objet d'une étude véritablement approfondie. C'est la raison pour
laquelle le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat sur cet
amendement.
M. Hilaire Flandre.
Très bien !
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 1er
bis
A est supprimé.
Article 1er
bis
B
M. le président.
« Art. 1er
bis
B. - Le premier alinéa de l'article L. 287 du même code
est ainsi rédigé :
« Les députés, les conseillers régionaux, les conseillers à l'Assemblée de
Corse et les conseillers généraux ne peuvent être désignés délégués, élus ou de
droit, par les conseils municipaux dans lesquels ils siègent. »
Par amendement n° 4, M. Paul Girod, au nom de la commission, propose de
supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
C'est une disposition étrange qu'a adoptée l'Assemblée
nationale.
Qu'on le veuille ou non, et même selon les textes relatifs au cumul des
mandats actuellement en vigueur, un certain nombre de nos concitoyens exerçant
des responsabilités locales peuvent avoir la qualité de grand électeur à un
double titre.
L'Assemblée nationale veut exclure le cas de remplacement d'un grand électeur
qui, en cette double qualité, peut se faire remplacer par quelqu'un qui
pourrait exprimer le vote de la commune au nom de laquelle il ne peut
s'exprimer. C'est le cas classique du conseiller général qui est en même temps
conseiller municipal et, allais-je dire, membre de droit, compte tenu du texte
de l'Assemblée nationale, qui a choisi la représentation à l'intérieur du
conseil municipal quand le chiffre des délégués est inférieur à celui de
l'effectif du conseil. Cette disposition handicaperait, du coup, la commune
dont il est représentant.
Cela nous semble excessif, raison pour laquelle nous proposons la suppression
de l'article 1er
bis
B.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Le Gouvernement s'en était remis à la sagesse de
l'Assemblée nationale sur ce point et il s'en remet aujourd'hui à la sagesse du
Sénat.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 4.
M. Patrice Gélard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
Je crois qu'il nous faut nous rallier à la proposition de notre rapporteur. En
effet, la disposition adoptée par l'Assemblée nationale me semble contraire à
la Constitution en ce qu'elle porte atteinte à l'égalité entre les députés, les
conseillers généraux et les conseillers régionaux. Une telle atteinte au
principe d'égalité serait scandaleuse.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 1er
bis
est supprimé.
Article 1er
bis
M. le président.
L'article 1er
bis
B a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Mais, par amendement n° 5, M. Paul Girod, au nom de la commission, propose de
le rétablir dans la rédaction suivante :
« Le second alinéa de l'article L. 285 du même code est ainsi rédigé :
« En outre, dans ces communes, les conseils municipaux élisent des délégués
supplémentaires à raison de 1 pour 700 habitants en sus de 9 000. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Il s'agit de rétablir le texte adopté en première lecture par
le Sénat, qui, contrairement à ce qui est dit, accepte l'idée que la
concentration urbaine soit prise en compte dans la représentativité des
habitants des collectivités territoriales, mais de manière raisonnable et
modérée, et au-delà de 9 000 habitants, c'est-à-dire au-delà de la césure entre
les petites et les moyennes communes, d'une part, les grandes et très grandes
communes, d'autre part.
C'est un amendement d'équilibre, en cohérence avec notre refus, tout à
l'heure, du seuil d'un électeur pour 300 habitants.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Evidemment défavorable, par cohérence avec la
position prise par le Gouvernement sur l'amendement n° 2.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5, repoussé par le Gouvernement.
M. Guy Allouche.
Le groupe socialiste vote contre.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 1er
bis
est rétabli dans cette rédaction.
Article 2
M. le président.
« Art. 2. - L'article L. 288 du même code est ainsi rédigé :
«
Art. L. 288
. - Dans les communes visées au chapitre II du titre IV du
livre Ier du présent code, l'élection des délégués et celle des suppléants se
déroulent séparément dans les conditions suivantes. Le vote a lieu au scrutin
secret majoritaire à deux tours. Nul n'est élu délégué ou suppléant au premier
tour s'il n'a réuni la majorité absolue des suffrages exprimés. Au second tour,
la majorité relative suffit. En cas d'égalité des suffrages, le candidat le
plus âgé est élu.
« Les candidats peuvent se présenter soit isolément, soit sur une liste qui
peut ne pas être complète. Les adjonctions et les suppressions de noms sont
autorisées.
« Un conseiller municipal empêché d'assister à la séance au cours de laquelle
sont élus les délégués et les suppléants peut donner à un autre conseiller
municipal de son choix pouvoir écrit de voter en son nom. Un même conseiller ne
peut être porteur que d'un seul pouvoir qui est toujours révocable.
« L'ordre des suppléants est déterminé par le nombre de voix obtenues. En cas
d'égalité de suffrages, la préséance appartient au plus âgé. »
Sur cet article, je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet
d'une discussion commune.
Par amendement n° 6, M. Paul Girod, au nom de la commission, propose de
rédiger comme suit cet article :
« L'article L. 288 du même code est ainsi modifié :
« I. - Dans le premier alinéa, les mots : "à l'article 27 du code de
l'administration communale" sont remplacés par les mots : "aux articles L.
2121-20 et L. 2121-21 du code général des collectivités territoriales".
« II. - Après le premier alinéa de cet article, il est inséré un nouvel alinéa
ainsi rédigé :
« Les délégués et les suppléants sont élus au sein du conseil municipal. »
Par amendement n° 17, MM. Duffour, Bret et les membres du groupe communiste
républicain et citoyen proposent de rédiger ainsi le premier alinéa du texte
présenté par cet article pour l'article L. 288 du code électoral :
« Dans les communes qui élisent au moins trois délégués, l'élection des
délégués et celle des suppléants ont lieu séparément dans les conditions
prévues par l'article L. 2121-21 du code général des collectivités
territoriales. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 6.
M. Paul Girod,
rapporteur.
L'amendement de la commission a deux objets, dont l'un est
d'adopter une disposition votée par l'Assemblée nationale et qui avait échappé
à la sagacité du Sénat et de sa commission, je le confesse humblement.
Il s'agit de préciser que tant que l'on n'a pas atteint l'effectif du conseil
municipal, les grands électeurs doivent être choisis en son sein. Ce n'est pas
la règle actuellement, et c'est probablement une erreur.
En revanche, la disposition tendant à réduire le champ d'application du
scrutin majoritaire aux communes de moins de 3 500 habitants, ou 2 000
habitants, selon le projet de loi favorisant l'égal accès entre les femmes et
les hommes aux mandats électoraux, semble excessive, d'où la rédaction de
l'amendement n° 6 proposé par la commission.
M. le président.
La parole est à M. Duffour, pour défendre l'amendement n° 17.
M. Michel Duffour.
Notre amendement ne va pas du tout dans le sens de celui de la commission. Il
tend à revenir à l'esprit du texte initial pour le mode d'élection des délégués
des conseils municipaux.
Comme je l'ai dit dans mon intervention liminaire, partisans, sur un autre
plan, de la proportionnelle quand il y a trois sénateurs, nous restons
cohérents avec nous-mêmes en pensant que, pour l'élection des délégués, la
proportionnelle s'impose à partir de trois.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Girod,
rapporteur.
La commission n'est pas favorable à cet amendement, qu'elle a
examiné ce matin.
Que pourrais-je dire ? Le livre saint de la proportionnelle est une
tradition... Bref, la religion, à ce point, a semblé excessive à la commission,
pour qui la responsabilité des individus doit jouer.
M. Michel Duffour.
Tolérance ! Tolérance !
M. Paul Girod,
rapporteur.
N'exagérons rien en ce qui concerne la proportionnelle !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 6 et 17 ?
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Le Gouvernement est défavorable aux deux
amendements, bien qu'il partage les objectifs affirmés par MM. Duffour et Bret.
Sans doute est-ce dû à un problème de rédaction.
Monsieur Girod, le Gouvernement tient à signaler les problèmes techniques que
pourrait poser l'obligation d'élire les délégués des suppléants au sein du
conseil municipal seulement. Dans les communes de 5 000 à 9 000 habitants, le
nombre des conseillers municipaux est de 29. Le nombre des délégués suppléants
serait de 22, selon la législation en vigueur, que vous souhaitez maintenir.
Si, parmi les conseillers municipaux, le nombre des étrangers ressortissants
de l'Union européenne était supérieur à 5, les sièges risqueraient de rester
vacants puisque ces élus ne peuvent être ni délégués ni suppléants, je vous le
rappelle.
Vous me répondrez que ce cas de figure ne se présentera que rarement. C'est
possible. Le devoir du législateur est néanmoins de prévoir toutes les
situations. Le Gouvernement ne voit pas l'intérêt de rompre, sur ce point, avec
les législations en vigueur, qui assurent avec souplesse la présence massive
des conseillers municipaux parmi les délégués sans contrainte de la loi pour
les communes de moins de 9 000 habitants.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Je ne veux pas attaquer M. le ministre, qui connaît l'estime
que je lui porte et la fragilité des raisonnements mathématiques excessifs.
Mais, d'une certaine manière, il apporte de l'eau au moulin du Sénat !
Effectivement, je le reconnais, si l'on applique intégralement le système, on
se retrouve avec un nombre de suppléants excessif par rapport à l'effectif du
conseil municipal. Cela peut faire l'objet d'une discussion en navette, mais je
ne suis pas sûr que cela soit de nature à bloquer vraiment l'ensemble de la
représentation dans cette affaire. Honnêtement, la proportionnelle, c'est
sûrement bien, mais l'excès, c'est sûrement trop dans tous les cas de
figure.
Encore une fois, qui détient la citoyenneté ? Le peuple, certes, mais d'abord
le citoyen, qui doit se présenter dans la majorité des cas, me semble-t-il, en
tant que personne avant d'être l'instrument d'un parti ou d'une organisation
qui rédige une liste.
M. Guy Allouche.
Vous avez tort de dire cela !
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 2 est ainsi rédigé et l'amendement n° 17 n'a plus
d'objet.
Article 3
M. le président.
« Art. 3. - L'article L. 289 du même code est ainsi modifié :
« 1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Dans les communes visées au chapitre III du titre IV du livre Ier du présent
code, l'élection des délégués et des suppléants a lieu sur la même liste
suivant le système de la représentation proportionnelle avec application de la
règle de la plus forte moyenne, sans panachage ni vote préférentiel. Les listes
peuvent comprendre un nombre de noms inférieur au nombre de sièges de délégués
et de suppléants à pourvoir. » ;
« 2° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Un conseiller municipal empêché d'assister à la séance au cours de laquelle
sont élus les délégués et les suppléants peut donner à un autre conseiller
municipal de son choix pouvoir écrit de voter en son nom. Un même conseiller
municipal ne peut être porteur que d'un seul pouvoir qui est toujours
révocable. »
Par amendement n° 7, M. Paul Girod, au nom de la commission, propose de
rédiger comme suit cet article :
« L'article L. 289 du même code est ainsi modifié :
« I. - Le début du premier alinéa est ainsi rédigé :
« Dans les communes de 9 000 habitants et plus, l'élection des délégués et des
suppléants a lieu sur la même liste...
(le reste sans changement) ».
« II. - Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Le vote par procuration est admis dans les conditions fixées par le premier
alinéa de l'article L. 2121-20 du code général des collectivités territoriales.
»
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de coordination, monsieur le
président.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Défavorable, par cohérence.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 7, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 3 est ainsi rédigé.
Article 4
M. le président.
« Art. 4. - A l'article L. 290 du même code, les mots : "de l'article 19 du
code de l'administration communale" sont remplacés par les mots : "des articles
L. 2121-35 et L. 2121-36 du code général des collectivités territoriales". Dans
le même article, le mot : "nommés" est remplacé par le mot : "élus." »
- (Adopté.)
Article 5
M. le président.
« Art. 5. - Le premier alinéa de l'article L. 294 du même code est ainsi
rédigé :
« Dans les départements qui ont droit à deux sièges de sénateurs ou moins,
l'élection a lieu au scrutin majoritaire à deux tours. »
Par amendement n° 8, M. Paul Girod, au nom de la commission, propose de
rédiger comme suit cet article :
« Le premier alinéa de l'article L. 294 du même code est ainsi rédigé :
« Dans les départements qui ont droit à trois sièges de sénateurs ou moins,
l'élection a lieu au scrutin majoritaire à deux tours. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Nous abordons la deuxième partie du débat sur le scrutin
proportionnel par rapport au scrutin majoritaire.
Lors de la première lecture, le Sénat avait adopté le système qui traduisait
une volonté du Sénat, antérieure à tout dépôt de projets de loi, d'étendre le
système proportionnel aux départements où sont élus quatre sénateurs, pour
tenir compte en particulier des concentrations de population dans les
départements les plus importants.
L'Assemblée nationale veut descendre à trois, comme le Gouvernement
d'ailleurs, monsieur le ministre. Nous trouvons qu'il y a là un excès de
raisonnement.
A l'Assemblée nationale, ont été défendus deux aspects de la même thèse.
Premier aspect : il faut faire descendre la proportionnelle aussi loin qu'on
le peut, et l'on retrouve la religion de la proportionnelle dont je vous
parlais tout à l'heure. Il paraît même que cela a été une concession de ne
descendre qu'à trois et non pas à deux. On se demande pourquoi ne pas la faire
descendre à un ! Ce ne serait pas aussi contradictoire qu'on le dit, monsieur
Guy Allouche, parce que, si chacun d'entre nous a des convictions politiques,
elles sont toujours assorties de nuances, ce qui fait qu'en définitive nous
avons tous une proportionnelle en nous-mêmes ! D'une certaine manière,
peut-être pourrions-nous aller jusque-là. Mais, là encore, c'est un peu pour
l'humour !
Plus sérieusement, pourquoi le Sénat a-t-il proposé quatre sénateurs ? Son
raisonnement rejoint celui qui concerne le seuil de partage des modes de
scrutin pour l'élection des délégués des communes. Cela amène un certain
équilibre : la moitié de l'effectif du Sénat à la proportionnelle, l'autre
moitié au scrutin majoritaire, avec la possibilité, pour un individu seul, de
se présenter. J'ai déjà fait l'expérience de me présenter tout seul dans un
département à un scrutin plurinominal majoritaire.
C'est le respect de la dignité de la fonction qui doit permettre d'échapper au
filtre de la composition obligatoire d'une liste. C'est la responsabilité des
grands électeurs de pouvoir choisir les personnes - peut-être trouverons-nous
un jour un terrain d'entente sur le sujet - et c'est, en même temps, le moyen
d'enrichir le Parlement de personnalités originales, en tout cas, de sénateurs
libres, dans la fonction qui est la leur - limitée dans le vote des lois
ordinaires, déterminante sur les lois constitutionnelles, importante sur
certaines lois organiques - de raisonner en toute indépendance d'esprit.
Voilà pourquoi nous maintenons la position que nous avons prise en première
lecture de partager le Sénat en deux parties pratiquement égales entre la
représentation proportionnelle et le scrutin majoritaire, plurinominal ou
uninominal : il appartient aux grands électeurs de choisir.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Monsieur le rapporteur, l'équilibre n'est pas
une philosophie, c'est une pratique.
Selon vous, il faut se méfier de l'excès de raisonnement. Là est toute la
différence entre nous, car je ne m'en méfie jamais. Au contraire, il vaut mieux
aller jusqu'au bout.
Le Gouvernement cherche non pas à instaurer un équilibre entre sa position et
le dispositif actuel, mais à déterminer à quel moment la proportionnelle a un
sens. Il est clair qu'elle a un sens à partir du moment où il y a trois
sénateurs. Quand il n'y en a que deux pour représenter deux courants
majoritaires - droite et gauche -, ce n'est pas très intéressant. Trois
sénateurs, cela signifie quelque chose. Mais quatre, cela ne correspond plus à
rien. Et pourquoi pas cinq, alors ? Je suis sûr que vous contenteriez vos
collègues de la majorité du Sénat !
In medio stat virtus :
cette philosophie ne vous permet pas d'aller
jusqu'au bout du raisonnement. Essayez d'en trouver un pour asseoir votre
position.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Je demande
la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché,
président de la commission.
J'ai suivi votre raisonnement avec beaucoup
d'attention, monsieur le ministre. Je m'efforce de le comprendre ou d'y trouver
une signification. Au nom de quel principe, ou de quelle philosophie
attribuez-vous une vertu supplémentaire à trois plutôt qu'à quatre ? Vous nous
dites que quatre sénateurs, cela ne signifie rien, et que passer à trois serait
préférable.
M. Guy Allouche.
Le mieux, c'est deux !
M. Jacques Larché,
président de la commission.
J'avoue ne pas comprendre. C'est une
affirmation de principe. Je vous la laisse. Mais votre justification m'a paru
quelque peu déficiente.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Monsieur le ministre, j'ai eu l'occasion, il n'y a pas très
longtemps, dans un tout autre débat, de rappeler que Ponce Pilate avait laissé
de mauvais souvenirs dans l'histoire. Mais ce n'est pas du tout notre propos
aujourd'hui.
Puisque nous en sommes aux citations historiques, aux axiomes, je dirai que
dans la formule
in medio stat virtus
réside une part de la sagesse de
l'humanité !
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Monsieur le président Larché : deux, c'est deux
! Vous n'allez pas me contredire !
M. Jacques Larché,
président de la commission,
et
M. Paul Girod,
rapporteur.
Bravo !
(Sourires.)
M. Jean-Pierre Chevènement.
On ne représente ainsi que deux courants, l'un à droite, l'autre à gauche,
mais on ne permet pas l'expression d'une saine diversité. Ce ne sont pas vos
collègues du groupe communiste républicain et citoyen, par exemple, ou d'autres
groupes que le RPR au sein de la majorité sénatoriale qui me contrediront !
Trois, cela a un sens, et pas seulement parce que c'est la Trinité ; ce nombre
a une vertu par lui-même.
Avec quatre, la proportionnelle a un sens, mais comme seuil cela n'en a
pas.
In medio stat virtus,
avez-vous dit, ce qui se traduit par une moitié
de sénateurs élus à la proportionnelle et l'autre moitié au scrutin
majoritaire. Je vous réponds deux tiers à la proportionnelle et un tiers au
scrutin majoritaire, la proportionnelle étant tout de même plus juste ; telle
est en tout cas la philosophie du Gouvernement, si ce n'est pas la vôtre.
Le Gouvernement n'est donc pas favorable à votre amendement ; si vous ne
l'aviez pas compris, je vous le confirme.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 8.
M. Guy Allouche.
Je demande la parole contre l'amendement.
(Protestations sur les travées du
RPR.)
M. Dominique Braye.
De grâce !
M. le président.
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Mes chers collègues, si vous êtes embarrassés, si le débat vous ennuie, si
vous n'êtes pas bien ici, il y a un bar au premier étage et un autre au
rez-de-chaussée ! Vous pouvez sortir !
M. le président.
Monsieur Allouche, vous avez demandé la parole contre l'amendement !
M. Guy Allouche.
Pourquoi trois ? Pourquoi quatre ? Faut-il rester à cinq ?
M. Hilaire Flandre.
Pourquoi pas un ?
M. Guy Allouche.
A la rigueur, l'équilibre, c'est deux,...
M. Dominique Braye.
M. le ministre a dit que ce n'était pas intéressant.
M. Guy Allouche.
... afin que chaque grande sensibilité politique soit représentée. Les
collectivités seraient représentées de façon équitable.
La proposition du Gouvernement, avec l'appui de beaucoup de mes amis, à savoir
trois, a un fondement beaucoup plus solide que le système actuel.
Monsieur le rapporteur, je comprends sur quoi repose votre raisonnement : vous
avez la hantise - je dis bien la hantise - de ce que vous appelez la dépendance
de certains élus aux partis politiques. Personnellement, je me réjouis de
côtoyer dans cette enceinte des collègues issus d'un monde que je connais mal.
J'ai plaisir, ainsi, à côtoyer M. Hilaire Flandre, ancien maire d'une petite
commune,...
M. Hilaire Flandre.
Merci !
M. Guy Allouche.
... ainsi que d'autres. Mais des collègues de communes importantes ont aussi
leur place parmi nous. Je ne citerai qu'un seul nom d'élu à la proportionnelle
: croyez-vous, mes chers collègues, qu'il n'est pas intéressant pour nous tous
d'avoir un homme comme M. Badinter au Sénat ? Je cite cet exemple, mais je
pourrais en prendre d'autres. Croyez-vous que sa contribution n'est pas
intéressante ?
Je me réjouis de voir parmi nous le professeur émérite Patrice Gélard, élu à
la proportionnelle.
(Ah ! sur les travées du RPR.)
Evitons donc ces jugements de valeur sur chacun d'entre nous selon qu'il est
élu au scrutin majoritaire ou à la proportionnelle ! Chaque mode de scrutin a
sa force et sa valeur. Dès lors que nous sommes élus démocratiquement, dès
l'instant où nous franchissons les portes de cette enceinte parlementaire, nous
sommes placés sur un pied d'égalité, au titre de notre légitimité.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Dès lors que l'on cite des noms, le débat risque de devenir
gênant !
Je n'ai aucune espèce de jugement à porter sur la manière dont le parti
socialiste a composé sa liste lors des dernières élections en région
parisienne. C'est son affaire !
Au demeurant, je suis de ceux qui considèrent comme tout à fait positif
l'apport de M. Badinter, un homme extrêmement compétent, aux débats du Sénat,
car ses interventions nous appellent tous à la réflexion.
Cela étant, je n'ai pas non plus à porter d'appréciation sur la manière dont a
été éliminée certaine de nos collègues, qui honorait également cette assemblée
de sa présence ! C'est un problème de parti politique, dans lequel je n'entre
pas.
Quoi qu'il en soit, monsieur Allouche, si j'étais à ce point un pourfendeur de
la proportionnelle, comme vous essayez de l'insinuer, j'en prônerais l'abandon
pur et simple ! Or je ne le fais pas puisque j'en propose l'extension jusqu'à
quatre sénateurs, ce qui fait passer un certain nombre de départements d'une
catégorie à l'autre, et cela n'est pas insignifiant.
M. Guy Allouche.
Quatre départements !
M. Paul Girod,
rapporteur.
En tout cas, cela aboutit à ce que la moitié du Sénat soit
élue à la proportionnelle, au lieu du tiers actuellement. Cela ne touche
peut-être que quatre départements mais concerne un nombre significatif de
sénateurs.
Je me réjouis, comme vous, de compter le professeur Gélard parmi nous, mais
aussi un certain nombre de personnalités qui ont été élues sur leur nom,
quelquefois contre leur propre parti, parce que leurs grands électeurs ont
considéré que leurs qualités étaient telles qu'ils devaient pouvoir s'exprimer
dans cette enceinte au nom des collectivités territoriales.
Il est bon que la moitié de notre assemblée puisse être élue selon cette
méthode, qui permet aux uns et aux autres de garder une liberté d'appréciation
sur les personnes. Car, ici, nous nous exprimons en toute liberté, avec notre
responsabilité d'hommes, face à nous-mêmes, avant d'être les instruments d'une
organisation extérieure.
Ce n'est pas la première fois que ce débat surgit dans notre assemblée. Si
l'on analyse au fond cette espèce de prééminence du parti dans le choix des
candidats, on constate que cela conduit à faire émerger une nouvelle
aristocratie, qui se permet de dicter aux « manants » le nom de ceux que, de
manière en quelque sorte résiduelle, ils sont appelés à élire.
MM. Jean-Pierre Schosteck et Jean-Patrick Courtois.
Tout à fait !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Avant de prôner l'extension de ce système tous azimuts, il
faut se poser quelques questions d'ordre philosophique !
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Michel Duffour.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour.
Je souhaite d'abord apporter une précision sur un fait politique qui concerne
un parti de la gauche plurielle.
Même si je ne suis pas là pour évoquer le fonctionnement du parti socialiste,
je vous ferai remarquer, monsieur le rapporteur, que notre collègue Robert
Badinter n'a pas été choisi par un parti alors qu'une autre personne aussi
éminente aurait été éliminée : Robert Badinter était, comme cette personne,
candidat dans les Hauts-de-Seine, et ce sont les grands électeurs qui ont
tranché.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Bien sûr !
M. Michel Duffour.
S'agissant de la proportionnelle, tout à l'heure, M. le rapporteur a démontré,
non sans un certain humour, qu'il en avait une vision tout à fait particulière
puisqu'il nous a expliqué qu'elle était l'expression de la « dictature des
partis » !
Je constate simplement qu'en prévoyant la proportionnelle pour les
départements élisant cinq sénateurs, le législateur avait tout de même reconnu
les mérites de ce mode de scrutin. Nous ne faisons que prolonger le
raisonnement : puisque la proportionnelle a des mérites, faisons en sorte
qu'elle s'applique aussi aux départements qui désignent trois sénateurs.
Je voterai donc contre la proposition de M. le rapporteur.
M. Patrice Gélard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
Pour ma part, je défends la proportionnelle dans les départements à quatre
sénateurs mais non dans les départements à trois sénateurs, et cela pour deux
raisons.
Tout d'abord, les psychologues savent bien que rien n'est pire qu'une triade :
il y a toujours une alliance de deux contre un, et donc un mauvais
équilibre.
La seconde raison est beaucoup plus importante. Le Gouvernement nous soumet
actuellement une série de textes qui vont avoir pour conséquence de modifier la
composition du Sénat, qu'il s'agisse de la loi sur le cumul des mandats, de la
loi sur la parité ou, aujourd'hui, du projet de loi sur le mode d'élection des
sénateurs.
Eh bien, je vais me faire, aujourd'hui, le défenseur de la parité !
La proportionnelle à trois est une atteinte à la parité. En effet, avec la
proportionnelle, si l'on applique la loi sur la parité telle qu'elle a été
votée par l'Assemblée nationale, à trois, il devra y avoir deux hommes, une
femme, ou deux femmes, un homme. Compte tenu de ce qui se passe, nous aurons
vraisemblablement deux hommes, une femme. A l'inverse, le scrutin majoritaire
permet aux hommes comme aux femmes de se présenter sans contrainte. Dès lors,
je crains que, si l'on instaure la proportionnlle pour trois sénateurs, le
Sénat n'accueille beaucoup moins de femmes qu'avec la proportionnelle pour
quatre sénateurs.
C'est la raison pour laquelle, au nom de la parité, je me rallie à la
proposition de M. le rapporteur, qui seule permet de voir plus de femmes élues
au Sénat.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Hilaire Flandre.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Flandre.
M. Hilaire Flandre.
J'ai déjà eu l'occasion de dire, non pas tout le mal que je pensais, mais le
peu de cas que je faisais de la proportionnelle, tout en ayant été élu moi-même
au scrutin proportionnel, en tant que conseiller régional.
Je ne conteste pas la légitimité des gens qui sont issus du scrutin
proportionnel : je conteste le scrutin proportionnel parce qu'il dépouille
l'électeur de sa liberté de choix.
(Très bien ! et applaudissements sur les
travées du RPR.)
M. Guy Allouche.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Notre collègue Patrice Gélard nous dit qu'il se fait, aujourd'hui, le
défenseur de la parité. Mais la parité, il l'a déjà défendue lorsqu'il en a été
directement question ici, quelles qu'aient été nos divergences à ce sujet.
Pour autant, j'ai envie de lui dire : « Encore un effort, cher collègue !
Puisque vous voulez qu'il y ait davantage de femmes au Sénat, optez donc pour
la proportionnelle à partir de deux sénateurs ! » Ainsi, les quarante-six
départements élisant deux sénateurs désigneront vingt-trois femmes.
(Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Jean-Pierre Schosteck.
Mais non !
M. Jean-Patrick Courtois.
Pas du tout ! Cela fera un homme de gauche et un homme de droite !
M. Guy Allouche.
Vous m'avez mal compris.
A partir du moment où les sénateurs sont élus au scrutin majoritaire dans
quarante-six départements, où la parité ne s'appliquera pas - car elle ne peut
s'appliquer qu'avec la proportionnelle - ...
M. Hilaire Flandre.
Pas forcément !
M. Guy Allouche.
... si vous voulez que davantage de femmes entrent au Sénat, il faut faire en
sorte que ces départements élisent leurs deux sénateurs au scrutin
proportionnel.
MM. Dominique Braye et Jean-Pierre Schosteck.
Il n'y aura que des hommes !
M. Guy Allouche.
Mais non, chers collègues ! A partir du moment où la parité ne s'applique
qu'avec le scrutin proportionnel, si vous souhaitez comme moi que davantage de
femmes entrent au Sénat,...
M. Hilaire Flandre.
Je vous pensais plus intelligent !
M. Guy Allouche.
... il faut appliquer le scrutin proportionnel dans les départements élisant
deux sénateurs. Les quarante-six départements concernés enverront alors
vingt-trois femmes au Sénat.
(Mais non ! sur les travées du RPR.)
M. Bernard Murat.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Murat.
M. Bernard Murat.
Je suis frappé d'entendre tant de sénateurs vanter les vertus de la
proportionnelle ! Il est vrai qu'il est plus facile d'être élu à la
proportionnelle qu'au suffrage universel.
M. Guy Allouche.
Nous sommes tous élus au suffrage universel !
M. Bernard Murat.
Oui, mais il est tout de même plus difficile, et donc plus courageux, d'aller
faire du porte-à-porte.
M. Michel Duffour.
Pourtant, vous nous expliquez que la proportionnelle déclenche des luttes
féroces au sein même des partis !
(Sourires.)
M. Bernard Murat.
Mon cher collègue, la notion de « parti », c'est la vôtre, pas la mienne. Moi,
j'appartiens à un rassemblement, et ce n'est pas exactement la même chose !
Mais, là n'est pas mon propos, et je voudrais avancer ici un argument qui n'a
pas encore été évoqué.
Rappelons-nous 1986, rappelons-nous cette volonté de vos amis, cher collègue
Guy Allouche, d'imposer la proportionnelle. Le résultat, ce fut l'émergence des
extrêmes.
M. Hilaire Flandre.
Eh oui !
M. Bernard Murat.
J'attire votre attention sur ce qui vient de se passer en Autriche. Ne
sombrons pas dans l'hypocrisie ! Il est trop facile de favoriser l'émergence de
partis extrémistes - de droite ou de gauche, peu importe - et de crier ensuite
au loup lorsqu'ils arrivent au pouvoir par la voie des urnes ! C'est avant
qu'il faut décider que tel ou tel parti politique doit être interdit parce que
les idées qu'il défend sont contraires à la Constitution.
En fin de compte, tous ceux qui ont, un jour ou l'autre, défendu la
proportionnelle sont responsables de l'émergence des extrémismes en France.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. Jean-Pierre Schosteck.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Schosteck.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Je suis surpris de l'argumentation à laquelle a recouru notre collègue et ami
Guy Allouche.
S'il y a deux listes de deux candidats des deux sexes, on risque surtout de
retrouver à l'arrivée deux élus qui seront issus de deux listes différentes
mais du même sexe. Autrement dit, on obtiendra l'inverse de la parité !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
M. Schosteck a parfaitement raison ! Monsieur Allouche, avec
la proportionnelle la parité est sur les listes, mais elle n'est pas
nécessairement dans l'élection !
En empêchant les candidatures individuelles dans les départements élisant
trois sénateurs, je me demande si l'on ne prive pas des femmes de la
possibilité de jouer leur carte, alors que, avec notre proposition, compte tenu
de l'évolution des moeurs, elles auraient plus de chances de se faire élire.
Avec des listes de trois candidats, elles risquent de se retrouver
systématiquement en deuxième position et, du fait de l'application de la plus
forte moyenne, de se faire littéralement laminer.
Dès qu'on touche aux mathématiques, il faut être beaucoup plus prudent que
vous ne semblez le croire. On retombe en fait sur l'opposition entre dogme
religieux et pragmatisme !
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Je voudrais reprendre à mon compte
l'excellent argument avancé par notre collègue Bernard Murat.
En effet, nous avons vécu en 1986 l'institution d'un scrutin proportionnel.
M. Paul Blanc.
Et cela a conduit à l'élection de députés du FN !
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Or nous découvrons peu à peu chaque jour les
raisons véritables de décisions prises à cette époque.
M. Dominique Braye.
Absolument !
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Pourtant, déjà alors, certains comportements,
si l'on avait bien voulu ne pas les ignorer, du moins en apparence, auraient
peut-être permis de mettre au jour ce qu'on est en train de découvrir.
L'histoire le dira, des documents le montreront, dans ce pays, en 1986, on a
sciemment fait en sorte qu'un parti extrémiste entre en force au
Parlement...
M. Dominique Braye.
Absolument ! La vérité commence à émerger !
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Et le calcul a été déjoué de très peu ! Car,
malgré la proportionnelle, parce que nous avions su être unis à l'époque -
souvenons-nous en aujourd'hui ! - nous avons obtenu la majorité à l'Assemblée
nationale, mais de deux sièges seulement.
Le calcul a donc été déjoué, et c'est par le peuple français qu'il l'a été. En
tout cas, le calcul, lui, demeure.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants et du RPR.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 5 est ainsi rédigé.
Article 6
M. le président.
« Art. 6. - Le premier alinéa de l'article L. 295 du même code est ainsi
rédigé :
« Dans les départements qui ont droit à trois sièges de sénateurs ou plus,
l'élection a lieu à la représentation proportionnelle suivant la règle de la
plus forte moyenne, sans panachage ni vote préférentiel. »
Par amendement n° 9, M. Paul Girod, au nom de la commission, propose de
rédiger comme suit cet article :
« Le premier alinéa de l'article L. 295 du même code est ainsi rédigé :
« Dans les départements qui ont droit à quatre sièges de sénateurs ou plus,
l'élection a lieu à la représentation proportionnelle visant la règle de la
plus forte moyenne, sans panachage ni vote préférentiel. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Défavorable, par coordination.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 6 est ainsi rédigé.
Article additionnel après l'article 11
M. le président.
Par amendement n° 16, M. Allouche et les membres du groupe socialiste et
apparentés proposent d'insérer, après l'article 11, un article additionnel
ainsi rédigé :
« L'article L. 312 du code électoral est ainsi rédigé :
« Art. L. 312. - Dans les départements où les élections ont lieu au scrutin
majoritaire, le collège électoral se réunit au chef-lieu de département.
« Dans les départements où les élections ont lieu à la représentation
proportionnelle, le collège électoral se réunit au chef-lieu de département et
aux chefs-lieux d'arrondissements. Le bureau de vote du chef-lieu du
département procède à la centralisation des résultats. »
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Cet amendement a pour objet de trouver une solution pratique pour le bon
déroulement des opérations de vote qui vont avoir lieu dans un certain nombre
de départements.
Il est fort probable que l'Assemblée nationale reviendra à sa rédaction
initiale, qui deviendra loi.
M. Hilaire Flandre.
Vous devriez expliquer aux députés qu'ils ont tort !
M. Guy Allouche.
Il faut être lucide, mon cher collègue.
Dans un certain nombre de départements, le nombre de grands électeurs va donc
augmenter ce dont je me réjouis, comme vous le savez ! Dans une douzaine de
départements peut-être se produira-t-il une sorte d'engorgement, si tous les
grands électeurs votent au même endroit. Mon amendement vise donc à opérer une
sorte de décentralisation dans les départements concernés, selon des
dispositions qui seront prises par le ministère de l'intérieur avec les
préfectures : il s'agit d'autoriser un certain nombre de grands électeurs à
voter au chef-lieu d'arrondissement.
Bien entendu, la centralisation des résultats s'effectuerait au chef-lieu du
département.
Monsieur le président, je souhaiterais rectifier cet amendement n° 16, en
ajoutant, après les mots : « à la représentation proportionnelle », les mots :
« et où l'effectif du collège électoral est supérieur ou égal à 4 000
délégués... »
Si je suggère cette disposition - qui ne concerne donc pas la totalité des
départements élus à la proportionnelle -, c'est parce que j'ai encore en
mémoire les élections sénatoriales de 1992 dans mon département, qui compte 5
700 grands électeurs : naturellement, tous sont venus en même temps, provoquant
un engorgement tel que les services préfectoraux m'avaient imploré de corriger
le dispositif, si, un jour, j'en avais l'occasion. Je saisis donc l'occasion
qui m'est offerte.
M. le président.
Je suis donc saisi d'un amendement n° 16 rectifié, présenté par M. Allouche et
les membres du groupe socialiste et apparentés et tendant à insérer, après
l'article 11, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 312 du code électoral est ainsi rédigé :
«
Art. L. 312. -
Dans les départements où les élections ont lieu au
scrutin majoritaire, le collège électoral se réunit au chef-lieu de
département.
« Dans les départements où les élections ont lieu à la représentation
proportionnelle et où l'effectif du collège électoral est supérieur ou égal à 4
000 délégués, ledit collège électoral se réunit au chef-lieu de département et
aux chefs-lieux d'arrondissement. Le bureau de vote du chef-lieu du département
procède à la centralisation des résultats. »
Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Girod,
rapporteur.
La commission n'a pas été saisie de l'amendement rectifié.
Elle a examiné l'amendement originel, sur lequel elle a émis un avis
défavorable.
D'abord, les sénateurs sont les représentants d'un département, et les
élections sénatoriales ont lieu une fois tous les neuf ans.
M. Dominique Braye.
Absolument !
M. Paul Blanc.
Exactement !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Il ne semble pas mauvais que la solidarité départementale
puisse alors s'exprimer pleinement.
Ensuite, l'argument technique ne tient pas. Notre collègue Allouche a dit
lui-même ce matin que, lorsque le nombre des grands électeurs est élevé, on
s'arrange pour qu'il y ait un bureau de vote pour 1 000 électeurs.
Sauf erreur de ma part, les départements qui auront le plus de grands
électeurs en compteront 8 000 ou 9 000. Rien n'empêche d'avoir neuf bureaux de
vote.
Les 1 700 grands électeurs du département où j'ai l'honneur de me présenter et
où j'ai l'honneur encore plus grand d'être élu, nous réussissons à voter dans
la matinée.
Nous avons pensé que cette concentration n'était pas excessive et offrait même
aux grands électeurs une occasion plutôt bien venue de rencontre
généralisée.
J'ajoute une remarque : pourquoi retenir le critère de l'effectif du collège
électoral - supérieur ou égal à 4 000 délégués - alors que le seul problème est
celui de l'éloignement géographique et qu'il ne se rencontre pas seulement dans
les départements à scrutin proportionnel. C'est partout ou pas du tout !
M. Dominique Braye.
Absolument !
M. Paul Girod,
rapporteur.
La commission avait émis un avis défavorable à l'amendement
n° 16. Elle émet un avis tout aussi défavorable à l'amendement n° 16 rectifié,
malgré la correction aimablement apportée par M. Allouche. C'est pour nous une
question de principe.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
M. Allouche reprend un amendement qui a été
rejeté - il le sait, d'ailleurs - par l'Assemblée nationale.
Il est vrai qu'un trop grand nombre de délégués peut poser problème.
Mais je fais observer à M. Allouche qu'il n'est nullement certain de trouver
dans chaque chef-lieu d'arrondissement des locaux adéquats.
Il faudrait résoudre la question du lieu de rattachement des grands électeurs
non issus des conseils municipaux et, de surcroît, faire appel à un très grand
nombre de magistrats, alors même que, vous le savez, leur effectif reste
souvent très insuffisant dans un certain nombre de départements.
M. Patrick Lassourd.
Très juste !
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Je comprends que vous soyez préoccupés par les
élections réunissant un très grand nombre de délégués, mais je souhaite vous
rendre attentif au fait qu'il faudra choisir un grand nombre de délégués en
dehors des conseils municipaux et que cela deviendra très compliqué.
M. Paul Blanc.
C'est pourquoi il ne faut pas le faire !
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Mon argumentation est un tout !
C'est la raison pour laquelle je ne peux pas être favorable à l'amendement n°
16 rectifié, comme je ne l'ai d'ailleurs pas été à un amendement présenté à
l'Assemblée nationale et qui a été rejeté par celle-ci.
M. Guy Allouche.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Compte tenu des propos de M. le ministre, je le retire. Je le fais d'autant
plus volontiers que ce n'est pas moi qui serai chargé de l'organisation de ces
élections !
(Très bien ! sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
L'amendement n° 16 rectifié est retiré.
Article 13
M. le président.
« Art. 13. - La présente loi est applicable en Polynésie française, en
Nouvelle-Calédonie, à Wallis-et-Futuna et à Mayotte. »
- (Adopté.)
Article 14
M. le président.
« Art. 14. - Il est inséré, dans le chapitre V du titre Ier du livre III du
code électoral, après l'article L. 334-3, un article L. 334-4 ainsi rédigé :
«
Art. L. 334-4
. - Pour l'application à Saint-Pierre-et-Miquelon de
l'article L. 290 du présent code, il y a lieu de lire :
« 1°, 2° et 3°
Supprimés
;
« 4° "de l'article L. 121-5 du code des communes applicable localement" au
lieu de : "des articles L. 2121-35 et L. 2121-36 du code général des
collectivités territoriales".
« Le dernier alinéa de l'article L. 284 du présent code n'est pas applicable à
Saint-Pierre-et-Miquelon. »
Par amendement n° 10, M. Paul Girod, au nom de la commission, propose de
rédiger comme suit cet article :
« Il est inséré dans le chapitre V du titre Ier du livre III du code
électoral, après l'article L. 334-3, un article L. 334-3-1 ainsi rédigé
:
« Art. L. 334-3-1. -
Pour l'application à Saint-Pierre-et-Miquelon des
articles L. 288 (premier alinéa), L. 289 (dernier alinéa) et L. 290 du code
électoral, il y a lieu de lire :
« 1° "par l'article L. 121-12 du code des communes applicable localement" au
lieu de : "aux articles L. 2121-20 et L. 2121-21 du code général des
collectivités territoriales" ;
« 2° "le deuxième alinéa de l'article L. 121-12 du code des communes
applicable localement" au lieu de : "le premier alinéa de l'article L. 2121-20
du code général des collectivités territoriales" ;
« 3° "de l'article L. 121-5 du code des communes applicable localement" au
lieu de : "des articles L. 2121-35 et L. 2121-36 du code général des
collectivités territoriales".
« Le dernier alinéa de l'article L. 284 du présent code n'est pas applicable à
Saint-Pierre-et-Miquelon. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de coordination concernant
Saint-Pierre-et-Miquelon.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Par coordination, le Gouvernement est
défavorable à cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 14 est ainsi rédigé.
Article 15
M. le président.
« Art. 15. - Il est inséré, dans le chapitre V du titre II du livre III du
code électoral, après l'article L. 334-15, un article L. 334-15-1 ainsi rédigé
:
«
Art. L. 334-15-1
. - Pour l'application à Mayotte des articles L. 284
(dernier alinéa) et L. 290 du présent code, il y a lieu de lire :
« 1° "des articles L. 112-6 et L. 112-7 du code des communes applicable
localement" au lieu de : "des articles L. 2113-6 et L. 2113-7 du code général
des collectivités territoriales" ;
« 2° et 3°
Supprimés
;
« 4° "de l'article L. 121-5 du code des communes applicable localement" au
lieu de : "des articles L. 2121-35 et L. 2121-36 du code général des
collectivités territoriales". »
Par amendement n° 11, M. Paul Girod, au nom de la commission, propose de
rédiger comme suit cet article :
« Il est inséré dans le chapitre V du titre II du Livre III du code électoral,
après l'article L. 334-15, un article L. 334-15-1 ainsi rédigé :
«
Art. L. 334-15-1. -
Pour l'application à Mayotte des articles L. 284
(dernier alinéa), L. 288 (premier alinéa), L. 289 (dernier alinéa) et L. 290 du
code électoral, il y a lieu de lire :
« 1° "des articles L. 112-6 et L. 112-7 du code des communes applicable
localement" au lieu de : "des articles L. 2113-6 et L. 2113-7 du code général
des collectivités territoriales" ;
« 2° "par l'article L. 121-12 du code des communes applicable localement" au
lieu de : "aux articles L. 2121-20 et L. 2121-21 du code général des
collectivités territoriales" ;
« 3° "le deuxième alinéa de l'article L. 121-12 du code des communes
applicable localement" au lieu de : "le premier alinéa de l'article L. 2121-20
du code général des collectivités territoriales" ;
« 4° "de l'article L. 121-5 du code des communes applicable localement" au
lieu de : "des articles L. 2121-35 et L. 2121-36 du code général des
collectivités territoriales". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Il s'agit d'un même amendement de coordination, concernant
Mayotte.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Egalement défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement 12, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 15 est ainsi rédigé.
Article 15
bis
M. le président.
« Art. 15
bis.
- L'article 16 de la loi n° 85-691 du 10 juillet 1985
relative à l'élection des députés et des sénateurs dans les territoires
d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie est ainsi rédigé :
«
Art. 16
. - Les dispositions du titre III, des chapitres Ier et IV à
VII, du titre IV et celles du titre VI du livre II du code électoral, à
l'exception de l'article L. 301, sont applicables à l'élection des sénateurs en
Polynésie française, à Wallis-et-Futuna, à Mayotte et en Nouvelle-Calédonie,
sous réserve des dispositions prévues aux articles 3, 4, 4-1 et 6 de la
présente loi. »
Par amendement n° 12, M. Paul Girod, au nom de la commission, propose, dans le
texte présenté par cet article pour l'article 16 de la loi n° 85-691 du 10
juillet 1985, de supprimer les mots : « à Mayotte ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Cet amendement concerne également Mayotte.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Le Gouvernement est favorable à ce texte, parce
qu'il s'agit d'un amendement purement rédactionnel.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 12, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 15
bis
, ainsi modifié.
(L'article 15
bis
est adopté.)
Article 16
M. le président.
« Art. 16. - La loi n° 85-691 du 10 juillet 1985 précitée est ainsi modifiée
:
« I. - Il est inséré, après l'article 16, deux articles 16-1 et 16-2 ainsi
rédigés :
«
Art. 16-1
. - Pour l'application en Polynésie française des articles
L. 284 (dernier alinéa) et L. 290 du code électoral, il y a lieu de lire :
« 1° "des articles L. 112-6 et L. 112-7 du code des communes applicable
localement" au lieu de : "des articles L. 2113-6 et L. 2113-7 du code général
des collectivités territoriales" ;
« 2° et 3°
Supprimés
;
« 4° "l'article L. 121-5 du code des communes applicable localement" au lieu
de : "des articles L. 2121-35 et L. 2121-36 du code général des collectivités
territoriales".
«
Art. 16-2
. - Pour l'application en Nouvelle-Calédonie de la présente
loi, il y a lieu de lire :
« 1° "des articles L. 112-6 et L. 112-7 du code des communes de la
Nouvelle-Calédonie" au lieu de : "des articles L. 2113-6 et L. 2113-7 du code
général des collectivités territoriales" ;
« 2° et 3°
Supprimés
;
« 4° "l'article L. 121-5 du code des communes de la Nouvelle-Calédonie" au
lieu de : "des articles L. 2121-35 et L. 2121-36 du code général des
collectivités territoriales". »
« II. -
Non modifié
. »
Par amendement n° 13, M. Paul Girod, au nom de la commission, propose de
rédiger ainsi le texte présenté par le I de cet article pour l'article 16-1 de
la loi n° 85-691 du 10 juillet 1985 :
«
Art. 16-1.
- Pour l'application en Polynésie française des articles
L. 284 (dernier alinéa), L. 288 (premier alinéa), L. 289 (dernier alinéa) et L.
290 du code électoral, il y a lieu de lire :
« 1° "des articles L. 112-6 et L. 112-7 du code des communes applicable
localement" au lieu de : "des articles L. 2113-6 et L. 2113-7 du code général
des collectivités territoriales" ;
« 2° "l'article L. 121-12 du code des communes applicable localement" au lieu
de : "aux articles L. 2121-20 et L. 2121-21 du code général des collectivités
territoriales" ;
« 3° "le deuxième alinéa de l'article L. 121-12 du code des communes applicable
localement" au lieu de : "le premier alinéa de l'article L. 2121-20 du code
général des collectivités territoriales" ;
« 4° "l'article L. 121-5 du code des communes applicable localement" au lieu de
: "des articles L. 2121-35 et L. 2121-36 du code général des collectivités
territoriales". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Défavorable, par coordination.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 13, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 14, M. Paul Girod, au nom de la commission, propose de
rédiger ainsi le texte présenté par le I de l'article 16 pour l'article 16-2 de
la loi n° 85-691 du 10 juillet 1985 précitée :
«
Art. 16-2.
- Pour l'application en Nouvelle-Calédonie de la présente
loi, il y a lieu de lire :
« 1° "des articles L. 112-6 et L. 112-7 du code des communes de la
Nouvelle-Calédonie" au lieu de : "des articles L. 2113-6 et L. 2113-7 du code
général des collectivités territoriales" ;
« 2° "l'article L. 121-12 du code des communes de la Nouvelle-Calédonie" au
lieu de : "aux articles L. 2121-20 et L. 2121-21 du code général des
collectivités territoriales" ;
« 3° "le deuxième alinéa de l'article L. 121-12 du code des communes de la
Nouvelle-Calédonie" au lieu de : "le premier alinéa de l'article L. 2121-20 du
code général des collectivités territoriales" ;
« 4° "l'article L. 121-5 du code des communes de la Nouvelle-Calédonie" au
lieu de : "des articles L. 2121-35 et L. 2121-36 du code général des
collectivités territoriales". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 14, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 16, modifié.
(L'article 16 est adopté.)
Article 18
M. le président.
« Art. 18. - I. - L'article L. 285 et le deuxième alinéa de l'article L. 287
du code électoral sont abrogés.
« II. - L'article 3 de la loi n° 66-504 du 12 juillet 1966 portant
modification des dispositions du code électoral relatives à l'élection des
sénateurs est abrogé.
« III. - Le deuxième alinéa de l'article 20 de la loi n° 85-691 du 10 juillet
1985 précitée est supprimé. »
Par amendement n° 15, M. Paul Girod, au nom de la commission, propose de
rédiger comme suit cet article :
« L'article 3 de la loi n° 66-504 du 12 juillet 1966 portant modification des
dispositions du code électoral relatives à l'élection des sénateurs est abrogé.
»
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Nous sommes toujours dans la coordination avec les votes
précédents.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 15, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 18 est ainsi rédigé.
Les autres dispositions du projet de loi ne font pas l'objet de la deuxième
lecture.
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M.
Allouche pour explication de vote.
M. Guy Allouche.
Chacun sait que le groupe socialiste votera contre le texte présenté par la
commission des lois.
Je voudrais toutefois me réjouir que, sur un sujet qui nous concerne tous,
nous ayons pu, malgré la vivacité des échanges, conserver à ce débat une grande
tenue, une grande dignité. Je tiens à dire à ceux qui ont exprimé une opinion
différente de la mienne que je suis profondément respectueux de leur
argumentation, qui a également grande valeur et grande force.
Par ailleurs, je veux féliciter M. Paul Girod pour le travail qu'il a
effectué. Je me suis largement inspiré de son rapport dans ma
contre-argumentation
(Sourires.)
Ce n'est pas parce que nous divergeons
sur certaines finalités que nous ne pouvons pas reconnaître la qualité du
travail effectué. Je tenais à le lui dire publiquement.
Paul Girod,
rapporteur. Merci !
M. le président.
La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert.
Si je tiens à nouveau à m'exprimer, c'est parce qu'il a été dit à plusieurs
reprises dans cet hémicycle que, de toute façon, l'Assemblée nationale
bouleverserait complètement le texte que nous allons voter. Il est tout de même
choquant de savoir que l'apport du Sénat sur un texte qui a précisément trait
au fonctionnement du bicamérisme sera systématiquement balayé par l'Assemblée
nationale, au seul motif que la majorité politique n'est pas la même dans les
deux chambres.
Cela provoque en moi un léger ressentiment. Par la suite, au-delà d'un texte
dont le caractère politique me paraît l'emporter, je souhaiterais que nous nous
interrogions sur le fonctionnement et l'équilibre de nos institutions, pour
redonner au Sénat le pouvoir qui doit lui revenir sur des textes qui le
concernent, notamment ceux qui ont trait aux collectivités territoriales. Nous
sommes les représentants de ceux qu'aujourd'hui nous avons voulu défendre.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'exprimerai
d'abord un regret, mais je suis en partie coupable.
Alors que les suppléants existent pour les autres fonctions, nous n'avons pas
prévu le remplacement des conseillers régionaux, des conseillers généraux ou
des députés par des suppléants. Chacun sait que ce cas est unique dans notre
code électoral. On ne peut pas se faire remplacer, on ne peut pas voter par
procuration. Quand on est malade ou absent pour des raisons de force majeure,
on encourt une amende de trente francs. Il est vrai que le préfet ne la
recouvre pas. Néanmoins, nous devrons corriger cette anomalie de notre code
électoral.
Je voudrais rebondir sur les propos du dernier orateur, M. Richert.
Je pense que notre Constitution est défaillante sur un point.
Le droit électoral, à mon avis, fait partie des bases de notre République.
Je crois qu'il est malsain de modifier régulièrement les règles électorales
pour la désignation de telle ou telle assemblée avec des préoccupations qui
sont, il faut le dire, la plupart du temps politiciennes. Je regrette que nous
n'ayons pas l'obligation, pour toute modification du droit électoral, de
recourir à la loi organique.
Je rappelle que, dans la plupart des grandes démocraties, le droit électoral
repose sur un consensus entre toutes les formations politiques. Les règles du
jeu ne peuvent être changées sans un accord entre les formations politiques.
C'est la raison pour laquelle, dans la plupart des grandes démocraties, le
droit électoral figure dans le texte même de la Constitution.
Je pense qu'il faudra y réfléchir à l'avenir.
Depuis trois semaines, nous votons des lois qui modifient le droit électoral
en profondeur, qu'il s'agisse du cumul des mandats, de la parité ou du mode
d'élection des sénateurs. Or, je ne suis pas convaincu que cela corresponde au
désir profond de nos concitoyens.
Il a, certes, été fait état de sondages. Mais quelles sont les préoccupations
de nos électeurs, interrogés les uns après les autres ? Bien avant les règles
électorales, ce qui les intéresse, c'est leur retraite, la lutte contre le
chômage ou un enseignement de qualité. Les sondages d'opinion font clairement
apparaître que tous ont l'impression que, quand on modifie les règles
électorales, c'est avec des arrière-pensées.
Je crois qu'il faut changer d'attitude et entrer dans un nouveau système où
les règles du jeu en matière électorale soient acceptées par tous. Il faut nous
débarrasser, les uns et les autres, des arrière-pensées de nature politicienne
ou électoraliste, qui, tôt ou tard, seront condamnées par les électeurs.
Nous sommes convaincus de la nécessité de moderniser nos institutions. Nous
n'avons pas un point de vue conservateur. Nous cherchons, au contraire, à
défendre les valeurs démocratiques et républicaines qui sont les nôtres. Nous
ne saurions accepter d'entrer dans des dérives dont on ne peut pas contrôler
les conséquences éventuelles.
Aussi le rapport de M. Paul Girod me paraît-il empreint d'une grande sagesse,
et c'est pourquoi notre groupe s'y ralliera à l'unanimité.
(Applaudissements
sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
M. Paul Girod,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
J'ai remercié tout à l'heure le Gouvernement d'avoir eu la
gentillesse de mettre à la disposition du rapporteur les éléments qui lui
étaient nécessaires. Je voudrais en cet instant remercier les collaborateurs du
Sénat et qui, en l'occurrence, m'ont aidé avec un extrême dévouement, une
grande compétence et en donnant beaucoup de leur temps.
(Applaudissements.)
5
NOMINATION DE MEMBRES
D'ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES
M. le président.
Je rappelle que la commission des affaires économiques et du Plan a proposé
des candidatures pour deux organismes extraparlementaires.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par
l'article 9 du règlement.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame :
- d'une part, M. Louis Moinard membre titulaire et M. Marcel-Pierre Cléach
membre suppléant du Conseil national de l'habitat ;
- d'autre part, M. Pierre André membre du comité de liaison pour
l'accessibilité des transports et du cadre bâti.
6
DEMANDE D'AUTORISATION
D'UNE MISSION D'INFORMATION
M. le président.
M. le président a été saisi conjointement par les présidents des commissions
des affaires économiques, des finances, des affaires étrangères et des affaires
sociales d'une demande tendant à obtenir du Sénat l'autorisation de désigner
une mission d'information commune chargée d'étudier l'ensemble des questions
liées à l'expatriation des compétences, des capitaux et des entreprises.
Le Sénat sera appelé à statuer sur cette demande dans les formes fixées par
l'article 21 du règlement.
7
COMMUNICATION DE L'ADOPTION DÉFINITIVE
D'UN TEXTE SOUMIS EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication,
en date du 3 mars 2000, l'informant de l'adoption définitive du texte soumis en
application de l'article 88-4 de la Constitution suivant :
N° E 1400. - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un
accord sous la forme d'un échange de lettres entre la Communauté européenne et
le Royaume du Maroc concernant certaines modifications des annexes 2, 3, 4 et 6
de l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre les
Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et le Royaume du
Maroc, d'autre part (adopté au conseil ECOFIN le 28 février 2000).
8
RETRAIT D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu une lettre par laquelle M. André Vallet déclare retirer la
proposition de loi tendant à instituer une mesure fiscale en faveur de la
prévention contre les incendies en milieu forestier (n° 493, 1998-1999) qu'il
avait déposée le 15 septembre 1999.
Acte est donné de ce retrait.
9
TEXTES SOUMIS EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil modifiant les décisions 97/375/CE,
97/510/CE, 98/20/CE, 98/23/CE, 98/161/CE.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1419 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de directive du Conseil modifiant les directives 69/169/CEE et
92/12/CEE en ce qui concerne des restrictions quantitatives temporaires sur les
importations de bière en Finlande. Proposition de règlement du Conseil
modifiant le règlement (CEE) n° 918/83 du Conseil en ce qui concerne une
dérogation temporaire pour les importations en Finlande de bière en franchise
de droits.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1420 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil relatif au soutien à certaines entités
mises en place par la communauté internationale suite à des conflits, pour
assurer soit l'administration civile transitoire de certaines régions, soit la
mise en oeuvre des accords de paix.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1421 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil portant sur la
mise en oeuvre d'un programme de formation pour les professionnels de
l'industrie européenne des programmes audiovisuels (MEDIA-formation 2001-2005).
Proposition de décision du Conseil portant sur la mise en oeuvre d'un programme
d'encouragement au développement, à la distribution et à la promotion des
oeuvres audiovisuelles européennes (MEDIA plus - Développement, Distribution et
Promotion).
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1422 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Ajustement technique des perspectives financières pour 2001 à l'évolution du
PNB et des prix (point 15 de l'accord interinstitutionnel du 6 mai 1999 sur la
discipline budgétaire et l'amélioration de la procédure budgétaire) :
communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1423 et distribué.
10
DÉPÔT DE RAPPORTS
M. le président.
J'ai reçu de M. Jean-François Le Grand un rapport fait au nom de la commission
des affaires économiques et du Plan sur le projet de loi, adopté par
l'Assemblée nationale, relatif à l'élargissement du conseil d'administration de
la société Air France et aux relations de cette société avec l'Etat, et portant
modification du code de l'aviation civile (n° 254, 1999-2000).
Le rapport sera imprimé sous le n° 264 et distribué.
J'ai reçu de M. Aymeri de Montesquiou un rapport fait au nom de la commission
des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur :
- le projet de loi autorisant l'approbation des amendements à la convention
pour la protection de la mer Méditerranée contre la pollution (n° 15,
1999-2000) ;
- le projet de loi autorisant l'approbation des amendements au protocole
relatif à la protection de la mer Méditerranée contre la pollution d'origine
tellurique (n° 16, 1999-2000) ;
- le projet de loi autorisant l'approbation des amendements au protocole
relatif à la prévention de la pollution de la mer Méditerranée par les
opérations d'immersion effectuées par les navires et aéronefs (n° 17,
1999-2000) ;
- le projet de loi autorisant l'approbation du protocole relatif aux aires
spécialement protégées et à la diversité biologique en Méditerranée (ensemble
trois annexes adoptées à Monaco le 24 novembre 1996) (n° 18, 1999-2000).
Le rapport sera imprimé sous le n° 266 et distribué.
J'ai reçu de M. Serge Lagauche un rapport fait au nom de la commission des
affaires culturelles sur la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée
nationale, relative à la protection des trésors nationaux et modifiant la loi
n° 92-1477 du 31 décembre 1992 relative aux produits soumis à certaines
restrictions de circulation et à la complémentarité entre les services de
police, de gendarmerie et de douane (n° 253, 1999-2000).
Le rapport sera imprimé sous le n° 267 et distribué.
J'ai reçu de M. Jean-Paul Amoudry un rapport fait au nom de la commission des
lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale sur le projet de loi, adopté avec modifications par
l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif aux droits des citoyens dans
leurs relations avec les administrations (n° 256 rectifié, 1999-2000).
Le rapport sera imprimé sous le n° 268 et distribué.
J'ai reçu de M. Jean-Paul Delevoye un rapport fait au nom de la commission des
lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale sur le projet de loi, adopté avec modifications par
l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à l'accueil et à l'habitat
des gens du voyage (n° 243, 1999-2000).
Le rapport sera imprimé sous le n° 269 et distribué.
J'ai reçu de M. José Balarello un rapport fait au nom de la commission des
lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale sur :
- le projet de loi organisant une consultation de la population de Mayotte (n°
237, 1999-2000) ;
- la proposition de loi de MM. Marcel Henry, Philippe Arnaud, Denis Badré,
René Ballayer, Michel Bécot, Mme Annick Bocandé, MM. André Bohl, Marcel Deneux,
Rodolphe Désiré, André Diligent, André Dulait, Jean Faure, Serge Franchis, Yves
Fréville, Rémi Herment, Claude Huriet, Jean-Jacques Hyest, Alain Lambert,
Jean-Louis Lorrain, Kléber Malécot, André Maman, Louis Mercier, Louis Moinard,
René Monory, Philippe Nogrix, Jean-Marie Poirier, Victor Reux et Michel
Souplet, tendant à modifier certaines dispositions de l'article 2 de la loi n°
79-1113 du 22 décembre 1979 relative à Mayotte afin de prévoir la consultation
de la population de cette collectivité territoriale sur le choix de son statut
définitif dans la République (n° 426, 1998-1999).
Le rapport sera imprimé sous le n° 270 et distribué.
11
DÉPO^T D'UN RAPPORT D'INFORMATION
M. le président.
J'ai reçu de M. Louis Althapé un rapport d'information fait au nom de la
commission des affaires économiques et du Plan par le groupe de travail sur la
modernisation du droit de l'urbanisme.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 265 et distribué.
12
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au jeudi 16 mars 2000, à neuf heures trente et quinze heures :
1. Discussion du projet de loi organique (n° 235 rectifié, 1999-2000)
modifiant le nombre de sénateurs.
Rapport (n° 261, 1999-2000) de M. Paul Girod, fait au nom de la commission des
lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale.
Scrutin public ordinaire de droit sur l'ensemble.
2. Discussion du projet de loi (n° 236 rectifié, 1999-2000) modifiant la
répartition des sièges de sénateurs.
Rapport (n° 261, 1999-2000) de M. Paul Girod, fait au nom de la commission des
lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale.
La conférence des présidents a décidé qu'il serait procédé à une discussion
générale commune de ces deux textes.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale commune n'est plus
recevable.
Le délai limite pour le dépôt des amendements à ces deux projets de loi est
expiré.
Délais limites pour le dépôt des amendements
Proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, relative à la
protection des trésors nationaux et modifiant la loi n° 92-1477 du 31 décembre
1992 relative aux produits soumis à certaines restrictions de circulation et à
la complémentarité entre les services de police, de gendarmerie et de douane
(n° 253, 1999-2000) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 20 mars 2000, à dix-sept
heures.
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'élargissement du
conseil d'administration de la société Air France et aux relations de cette
société avec l'Etat, et portant modification du code de l'aviation civile (n°
254, 1999-2000) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 20 mars 2000, à dix-sept
heures.
Projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle
lecture, relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les
administrations (n° 256 rectifié, 1999-2000) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 20 mars 2000, à dix-sept
heures.
Projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième
lecture, relatif à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage (n° 243,
1999-2000) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 21 mars 2000, à dix-sept
heures.
Projet de loi relatif à l'organisation de la consultation de la population de
Mayotte (n° 237, 1999-2000) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 22 mars 2000, à dix-sept
heures.
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à la
reconnaissance de la traite et de l'esclavage en tant que crime contre
l'humanité (n° 234, 1998-1999) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 22 mars 2000, à dix-sept
heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES
CONSEIL NATIONAL DE L'HABITAT
Lors de sa séance du 15 mars 2000, le Sénat a reconduit M. Louis Moinard dans ses fonctions de membre titulaire et M. Marcel-Pierre Cléach dans ses fonctions de membre suppléant du Conseil national de l'habitat.
COMITÉ DE LIAISON POUR L'ACCESSIBILITÉ
DES TRANSPORTS ET DU CADRE BÂTI
Lors de sa séance du 15 mars 2000, le Sénat a désigné M. Pierre André pour siéger au sein du comité de liaison pour l'accessibilité des transports et du cadre bâti (COLIAC).
NOMINATIONS DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
M. Paul Vergès a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 159 (1999-2000) tendant à conférer à la lutte contre l'effet de serre et à la prévention des risques liés au réchauffement climatique la qualité de priorité nationale et portant création d'un observatoire national sur les effets du réchauffement climatique en France métropolitaine et dans les départements et territoires d'outre-mer.
COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Mme Annick Bocandé a été nommée rapporteur de la proposition de loi n° 258 (1999-2000) adoptée par l'Assemblée nationale relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
COMMISSION DES FINANCES
M. Michel Mercier a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 228
(1999-2000) de M. Michel Caldaguès et plusieurs de ses collègues relative à la
diminution des prélèvements opérés par l'Etat sur les cotisations d'impôts
locaux.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Réglementation applicable aux ateliers protégés
750.
- 10 mars 2000. -
M. Jacques Machet
appelle l'attention de
Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
sur les revendications exprimées par le Groupement national des ateliers
protégés (GAP-UNETA), plus particulièrement, sur les conséquences de l'arrêt
rendu en juin 1999 par la Cour de cassation touchant la structure
Bretagne-Ateliers et, au-delà, l'ensemble des entreprises de travail adapté
(ETA). Il lui précise que cette décision, qui fait obligation aux ateliers
protégés de prendre à leur charge un avantage conventionnel ou complément de
rémunération en lieu et place de l'Etat, remet en cause la survie même de ces
structures qui emploient plus de 16 000 handicapés. Au-delà de cette difficulté
majeure, il lui indique que les ETA réclament depuis plusieurs années la
redéfinition de leur mission et de leurs moyens, et aspirent à ce que
l'actualisation du dispositif législatif et réglementaire débouche sur un
véritable statut d'entreprise de travail adapté qui pérennise le rôle qu'elles
doivent exercer dans la cité. En conséquence, il lui demande quelles réponses
le Gouvernement compte apporter aux propositions du Groupement national des
ateliers protégés pour que l'engagement de l'Etat soit réaffirmé, et que
l'insertion professionnelle, dont bénéficie des handicapés par leur statut de
salarié, ne soit pas remise en cause.
Aide aux producteurs de pommes
751.
- 10 mars 2000. -
M. Jean Huchon
appelle l'attention de
M. le ministre de l'agriculture et de la pêche
sur le marasme persistant du marché des fruits et spécialement de la pomme. Il
lui rappelle les conséquences désastreuses du boycott britannique et la
présence en début de campagne d'un stock important en provenance de
l'hémisphère Sud. Pour un prix de revient bord verger de 2 francs le kilo
environ, il semble que les producteurs ne recevront qu'un prix de 1,50 franc
environ. Le manque à gagner pour les producteurs serait actuellement d'environ
750 000 000 de francs et pourrait doubler d'ici à la fin de la campagne.
Beaucoup d'exploitations ne peuvent faire face aux charges inhérentes à cette
spéculation exigeante en main-d'oeuvre. Beaucoup sont en situation de dépôt de
bilan et de cessation d'activité. Il lui demande, en conséquence, quelles
mesures concrètes il entend prendre pour sauver cette production importante de
notre agriculture.
Aéroport international de Beauvilliers
752.
- 10 mars 2000. -
M. Gérard Larcher
attire l'attention de
M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement
sur le projet d'implantation d'un aéroport international en Eure-et-Loir sur le
site de Beauvilliers. Il souhaite connaître l'état d'avancement de ce projet et
les éventuelles études d'impact, notamment environnementales et
d'infrastructures réalisées. En effet, cette infrastructure dans l'hypothèse de
sa réalisation aura des répercussions profondes sur l'équilibre des territoires
et des milieux agricoles et naturels tant dans la région Centre que dans le
Sud-Ouest de l'Ile-de-France.
Grève des trésoreries
753.
- 13 mars 2000. -
M. Pierre Hérisson
appelle l'attention de
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie
sur la grève des trésoreries. En effet, à la suite des intentions exprimées par
le Gouvernement de réorganiser les services de l'administration fiscale, les
grèves des trésoreries semblent prendre des proportions importantes sur
l'ensemble du territoire et causent déjà des préjudices graves aux
entrepreneurs et artisans du bâtiment. Les conséquences de ces grèves dans le
cadre des marchés publics, notamment, commencent à générer des défaillances de
paiement de sommes dues aux entreprises, même dans le cas où les mandatements
leur ont été notifiés. Aussi, il lui demande quelles mesures il compte prendre
pour mettre un terme à cette grave défaillance du service public qui est à
l'origine de difficultés importantes de trésorerie dans les entreprises.
Enseignement de l'histoire
et de la géographie dans les séries S
754.
- 13 mars 2000. -
M. Jacques Legendre
attire l'attention de
M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie
sur l'enseignement de l'histoire et de la géographie dans les séries
scientifiques (S) des lycées. La réforme des lycées qui est envisagée prévoit
en effet, dès la rentrée scolaire prochaine pour les classes de première et dès
2001 pour celles de terminale, de réduire le temps consacré à l'histoire et à
la géographie à deux heures trente par semaine. Une forte distorsion existait
déjà entre la série S et les autres séries générales, dans lesquelles ces deux
matières sont enseignées à raison de quatre heures hebdomadaires. Elle avait
été aggravée lors de la précédente réforme des lycées en 1992, puisque pour les
mêmes contenus et les mêmes épreuves au baccalauréat, la dotation horaire de
ces disciplines avait été réduite de 25 % et ramenée à trois heures par semaine
dans la série S. La réduction d'horaire projetée compromet ainsi non seulement
l'utilisation de méthodes pédagogiques innovantes, mais conduira également à
remettre en cause les contenus des enseignements d'histoire et de géographie,
affectant gravement leur cohérence, en ce que les nouveaux horaires induiront
des allègements de programmes : pour tenir compte de cette réduction, il est
fort à craindre que le groupe technique disciplinaire du Conseil national des
programmes ne puisse que trancher dans les programmes actuels et supprimer
certains aspects importants de l'histoire comme de la géographie. Il lui
demande en conséquence quelles mesures il compte prendre pour pérenniser un
enseignement de trois heures hebdomadaires d'histoire et de géographie dans la
série S des lycées, de façon à ce que soit toujours offert aux lycéens, à
partir de bases scientifiques solides, les savoirs et les méthodes qui leur
sont indispensables pour se situer et agir dans un monde dont ils aspirent à
mieux comprendre la complexité et la diversité.
Situation des établissements d'accueil pour les handicapés
755.
- 13 mars 2000. -
Mme Janine Bardou
appelle l'attention de
Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
sur la situation des établissements d'accueil pour handicapés, à la suite de
leur régionalisation et de l'application de la réduction du temps de travail.
La réforme de l'organisation de la protection sociale, mise en oeuvre par les
ordonnances de 1996, a instauré une régionalisation de la gestion des
établissements de santé. Depuis lors, les agences régionales de
l'hospitalisation étendent progressivement leur compétence aux établissements
médico-sociaux. La répartition régionale des dotations budgétaires et du nombre
de lits, pour positive qu'elle soit, risque de remettre en cause la politique
dynamique et novatrice de certains départements comme la Lozère. Il serait
regrettable que la régionalisation de la gestion, pour nécessaire qu'elle soit,
remette en cause l'existence même d'un certain nombre d'établissement de
qualité, au motif que le ratio régional du nombre de lits par habitant est
dépassé et alors même que, sur le plan national, le nombre d'établissements
pour handicapés reste insuffisant. Ne pourrait-on pas envisager, à ce titre,
que soit maintenue une enveloppe budgétaire nationale qui tiendrait à compenser
les frais entraînés par la prise en charge dans une région des personnes venues
d'autres régions dépourvues de moyens d'accueil ? Par ailleurs, le passage aux
35 heures va entraîner une baisse de 10 % du temps de travail dans ces
établissements, qui ne sera compensée qu'à hauteur de 6 % par un recrutement de
personnels supplémentaires. Cette diminution de 4 % du temps consacré aux
handicapés n'est guère compatible avec l'objectif de maintenir les prestations
rendues aux usagers. Elle lui demande quelles mesures elle envisage de prendre
pour que la qualité des soins et de l'encadrement soit préservée ?
Installation de matériels de sécurité
autour des piscines à usage privatif
756.
- 13 mars 2000. -
M. Jean-Pierre Raffarin
attire l'attention de
M. le secrétaire d'Etat au logement
sur l'avis relatif à la sécurité des piscines enterrées non couvertes à usage
privatif, rendu public par la commission de sécurité des consommateurs (CSC).
Compte tenu du nombre important et constant de noyades mortelles ou avec
séquelles graves chez les jeunes enfants et le développement d'environ 15 % du
parc des piscines privées sur le territoire, la CSC estime que les barrières
constituent à ce jour un système efficace d'aide à la sécurité des jeunes
enfants de moins de six ans. La commission préconise la mise en place d'un
dispositif contraignant par la voie législative et/ou réglementaire pour rendre
obligatoire l'installation de matériels de sécurité autour des piscines
enterrées non couvertes à usage privatif. Fort de ce constat, il aimerait
connaître la position du Gouvernement sur ce dossier, savoir si ce dernier a
l'intention de déposer un projet de loi en ce sens et lui rappelle le dépôt, en
juillet 1998, de sa proposition de loi n° 531 relative à la sécurité des
piscines.
Multiplication des accidents survenus sur la RN 30
757.
- 14 mars 2000. -
M. Jacques Legendre
rappelle à
M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement
que, le vendredi 3 mars, un accident de la route a fait trois morts et un
blessé grave à l'intersection de la route nationale 30 et de la route
départementale 34 B allant de Hermies à Moeuvres, sur le territoire de la
commune de Boursies, arrondissement de Cambrai (Nord). Cette tragédie était
redoutée depuis longtemps par les élus du secteur. Dix jours auparavant, le
maire de Boursies avait encore attiré l'attention par lettre sur les risques
graves encourus par les automobilistes sur cette portion de route rectiligne.
Cet accident survient après une série de tragédies qui ont récemment endeuillé
le Cambrésis : un mort le 13 février à Haynecourt, un mort le 29 février à
Gouzeaucourt, un mort le 1er mars entre Saint-Hilaire-lez-Cambrai et Bévillers.
Il lui demande quelles mesures il compte prendre pour rendre plus sûre la RN 30
dans la traversée de Boursies et mettre un terme à cette hécatombe.
Rattachement administratif des communes de Boursies,
Doignies et Moeuvres
758. - 14 mars 2000. - M. Jacques Legendre attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la situation ambiguë des communes de Boursies, Doignies et Moeuvres, qui sont situées dans l'arrondissement de Cambrai, mais forment une enclave du département du Nord, dont elles sont séparées par la commune de Graincourt-lès-Havrincourt, dans celui du Pas-de-Calais. Quoique situées dans le Nord, ces communes sont dotées d'un code postal du Pas-de-Calais, commençant par 62. Leurs voitures sont évidemment immatriculées 59, mais l'entretien des routes relève de la direction de l'équipement du Pas-de-Calais. De plus, ces communes viennent de se voir privées du bénéfice de l'Objectif 2, pourtant accordé à toutes les communes du canton de Marcoing, dont elles relèvent, au prétexte que les cantons Pas-de-Calais au milieu desquels elles se trouvent sont eux aussi en dehors de l'Objectif 2. Une telle situation créant un fort sentiment d'exclusion et d'injustice dans ces communes, il lui demande quelles mesures il compte prendre, en liaison avec tous les ministres concernés, pour les trois communes de Boursies, Doignies et Moeuvres puissent se sentir à part entière des communes du Cambrésis.