Séance du 8 mars 2000
M. le président. « Art. 23 bis . - Après l'article 31 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 précitée, il est inséré un article 31-1 ainsi rédigé :
« Art. 31-1 . - Une personne qui occupe un emploi de l'Etat, d'une collectivité territoriale ou d'un de ses établissements publics pour une durée inférieure à la moitié de la durée légale du travail peut exercer une activité sportive rémunérée dans le cadre d'un groupement sportif, telle que visée au premier alinéa de l'article 11, sous réserve d'avoir obtenu l'accord écrit préalable du chef de service ou de l'autorité territoriale. La rémunération totale afférente aux différentes activités de l'agent ne doit pas excéder un seuil relatif au montant de sa rémunération perçu dans le cadre de son emploi public. Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article ainsi que le montant du seuil. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 12, M. Bordas, au nom de la commission, propose de supprimer cet article.
Par amendement n° 38, M. Murat propose de rédiger comme suit le texte présenté par l'article 23 bis pour l'article 31-1 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 :
« Art. 31-1. - Une personne qui occupe un emploi privé ou un emploi de l'Etat, d'une collectivité territoriale ou d'un de ses établissements publics peut exercer une activité de sportif, d'entraîneur, d'éducateur sportif ou d'arbitre ou juge auprès d'un groupement sportif visé au premier alinéa de l'article 11 ou auprès d'une instance fédérale. Il ne peut toutefois en être ainsi qu'à condition que soit l'emploi privé soit l'emploi avec l'Etat, une collectivité territoriale ou l'un de ses établissements publics n'excède pas une durée égale à la moitié de la durée légale du travail. Dans le cas de l'emploi avec l'Etat, une collectivité territoriale ou l'un de ses établissements publics, la personne concernée doit avoir obtenu l'accord écrit préalable du chef de service ou de l'autorité territoriale. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 12.
M. James Bordas, rapporteur. Cet article additionnel adopté par l'Assemblée nationale tend à faciliter la situation des sportifs professionnels peu payés en leur appliquant le décret-loi de 1936 sur les dérogations à l'interdiction de cumul d'emploi et de rémunération des fonctionnaires.
Le dispositif proposé ne paraît pas très au point et la procédure d'urgence, dont nous avons beaucoup parlé hier, permet difficilement d'espérer qu'on lui trouvera une formulation satisfaisante.
C'est pourquoi nous proposons de le supprimer, tout en reconnaissant qu'il soulève un vrai problème.
M. le président. La parole est à M. Murat, pour défendre l'amendement n° 38.
M. Bernard Murat. Le domaine sportif connaît le phénomène de la pluriactivité. Quel club n'a pas un éducateur sportif qui partage son temps de travail avec un autre club, ou avec une collectivité locale, ou encore, bien sûr, avec un emploi privé ? De la même façon, dans le milieu du rugby, nombre de sportifs continuent à exercer des activités professionnelles dans le privé ou dans le public.
Les textes en vigueur ne semblent plus adaptés à la réalité. Il convient donc d'actualiser le dispositif.
Le texte adopté par l'Assemblée nationale se limite à permettre la pluriactivité des sportifs de haut niveau moyennant le cumul avec un emploi public. Il écarte sans raison la possibilité d'un cumul avec un emploi privé.
Mes chers collègues, comment allons-nous gérer le cas d'un kinésithérapeute, salarié ou libéral, qui, en même temps, assure le suivi d'une équipe ou d'un champion ?
Aussi, je vous propose d'adopter un texte qui, d'une part, permet le cumul d'un emploi privé ou public avec un emploi sportif et, d'autre part - cela me paraît très important - étend le champ d'application du dispositif aux éducateurs, aux entraîneurs, aux juges et aux arbitres.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 38 ?
M. James Bordas, rapporteur. Cet amendement ne traite pas le problème du cumul des rémunérations, ce qui est ennuyeux pour les sportifs occupant des emplois publics. Il n'est, par conséquent, pas beaucoup plus satisfaisant que le texte que nous proposons de supprimer, et il ne nous ferait pas davantage progresser vers une solution.
Nous ne pouvons donc être favorables à la rédaction proposée. Aussi, nous demandons à l'auteur de l'amendement de bien vouloir le retirer.
M. le président. L'amendement n° 38 est-il maintenu, monsieur Murat ?
M. Bernard Murat. J'ai l'impression que nous avons parfois un problème de compréhension avec M. le rapporteur.
Mon amendement non seulement apporte une solution pour l'éducateur ou l'entraîneur public et privé, mais étend le dispositif aux juges et aux arbitres. Et je n'ai pas parlé des conseillers techniques, alors qu'on sait très bien que, dans les clubs, même les clubs amateurs, l'encadrement est de plus en plus important !
Ma proposition me semble apporter une solution à cette réalité que nous vivons sur le terrain, et c'est la raison pour laquelle je maintiens l'amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 12 et 38 ?
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 12, qui tend à supprimer l'article 23 bis.
Il faut en effet ouvrir une voie entre le professionnalisme à tout crin et un amateurisme qui parfois, hélas ! est dévoyé. Il faut, dans certains sports - je pense à des sports collectifs, comme le rugby - qui n'ont pas les moyens financiers du football ou du tennis, assurer aux hommes et aux femmes qui les pratiquent à la fois la maîtrise d'un métier et la possibilité de s'entraîner à un très haut niveau.
La pluriactivité est la solution qui garantit un avenir aux jeunes filles et aux jeunes garçons concernés tout en permettant aux équipes d'obtenir de bons résultats.
En ce qui concerne l'amendement n° 38, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
A la suite de l'examen du texte à l'Assemblée nationale, nous avons engagé des discussions avec les ministères concernés, notamment avec le ministère de la fonction publique, pour trouver une solution adéquate, qui, sans remettre en cause tout le statut de la fonction publique, permette une réelle ouverture pour les sportifs.
Nous allons travailler activement pour que, dès la réunion de la commission mixte paritaire, soit trouvée une solution.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 12.
M. Serge Lagauche. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche. L'amendement n° 38, qui est intéressant, permettra peut-être de faire progresser la discussion en commission mixte paritaire. En conséquence, nous le voterons.
M. Guy Fischer. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Nous aussi, nous voterons l'amendement n° 38. Je tiens cependant, en l'instant, à préciser notre position sur l'amendement n° 12.
Les dispositions de l'article 23 bis, fruit d'une initiative parlementaire, permettent à une personne de cumuler un emploi public et une activité sportive professionnelle.
Le risque, soulevé par la commission, de voir les clubs professionnels mal rémunérer les sportifs qui sont des agents publics nous paraît assez peu vraisemblable. L'argument est assez peu convaincant.
De même, l'urgence déclarée sur le texte que nous examinons n'est pas non plus un obstacle à l'examen d'une telle disposition.
En revanche, les remises en cause actuelles de la fonction publique, le gel de l'emploi public notamment, sont des éléments qui peuvent entraver le fonctionnement du service public et qui doivent être rappelés chaque fois que l'occasion nous en est donnée.
Si nous pensons que le service public peut participer, bien au-delà de ce qu'il fait aujourd'hui, à un grand nombre de missions de la société, le développement de ces missions justifie que ne soit pas remise en cause son existence même. Nous n'en sommes pas là !
Opposés à la suppression de l'article, proposée par la majorité sénatoriale, nous pensions de notre devoir d'attirer votre attention sur cette question, madame la ministre. Vous avez ouvert une porte pour que la discussion se prolonge, et il fallait le souligner.
M. Philippe Nogrix. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Monsieur le rapporteur, l'amendement de M. Murat est très important, car il vise à permettre tant aux fonctionnaires et aux employés des collectivités territoriales qu'aux salariés du secteur privé d'exercer une activité à mi-temps ou à temps partiel pour se consacrer à une activité sportive de haut niveau. Or, si votre amendement est adopté, l'article est supprimé et l'amendement de M. Murat n'aura plus d'objet.
Il est donc absolument nécessaire que vous retiriez l'amendement de la commission.
M. James Bordas, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. James Bordas, rapporteur. J'ai fait une proposition dans un but de clarification parce que, actuellement, qu'on le veuille ou non, nous ne savons pas quelles évolutions connaîtra la loi de 1936 qui fait l'objet de cette discussion. Seul M. le ministre de la fonction publique pourrait nous éclairer sur ce point.
Cela dit, je n'ai pas l'intention de retirer l'amendement de la commission. Je peux simplement suggérer à mes collègues de voter contre.
M. le président. Monsieur le rapporteur, vous allez sans doute être entendu ! (Sourires.)
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 12, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 38, repoussé par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 23 bis, modifié.
(L'article 23 bis est adopté.)
Article 24