Séance du 1er mars 2000
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Bocandé pour explication de vote.
Mme Annick Bocandé. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous avons entendu beaucoup d'arguments plus ou moins intéressants au cours de ce débat. Nous voici, malgré tout, arrivés à son terme.
Le 8 juillet 1999, nous avons modifié les termes de notre Constitution afin de prévoir, à l'article 3, que la « loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives » et de prescrire, à l'article 4, que les partis politiques contribuent à la mise en oeuvre de ce principe « dans les conditions déterminées par la loi ».
Il nous fallait décider des mesures législatives à mettre en oeuvre : c'est l'objet des deux projets de loi examinés présentement en première lecture par notre assemblée.
L'apport du Sénat doit être conforme à la volonté exprimée dans la modification constitutionnelle du 8 juillet 1999, et je remercie notre rapporteur, Guy Cabanel, et la commission des lois de l'important travail qui a été effectué.
Avec le groupe de l'Union centriste, nous avons veillé à ce que certains points essentiels soient respectés.
Nous faisons nôtres les approches du rapporteur, et j'en soulignerai les aspects les plus importants.
Tout d'abord, la recevabilité d'une candidature doit être subordonnée, pour les scrutins de liste, à un écart maximum d'une unité entre le nombre de candidats de chaque sexe.
Cette disposition, qui devra s'appliquer dès les prochaines échéances électorales, peut apparaître contraignante. En effet, elle ne tient pas compte des sortants qui n'ont pas démérité et qui ne retrouveront pas, du fait de cette logique arithmétique, une place sur la liste, ni de la difficulté à convaincre rapidement des femmes motivées de s'engager dans la vie publique.
A titre personnel, j'aurais préféré une mise en application plus progressive dans le temps, et donc plus réaliste.
Si nous voulons intégrer un peu de souplesse dans le dispositif, il me semble opportun de l'introduire ici : cet écart d'une unité ne doit pas être assorti de contraintes trop rigoureuses en ce qui concerne l'ordre de présentation des candidats et candidates.
Cette souplesse ne doit pas cependant - et je le dis solennellement - impliquer le renvoi des femmes en fin de liste, ce qui serait contraire à la volonté de nos concitoyens. Ils pourraient manifester leur désapprobation par un vote sanction.
Nous faisons confiance aux têtes de liste pour traduire cette évolution des mentalités dans la constitution de leur équipe.
En ce qui concerne le seuil d'application des dispositions pour les élections municipales, le groupe de l'Union centriste réaffirme sa volonté de maintenir le seuil de population fixé à 3 500 habitants pour l'application du scrutin proportionnel. Contrairement à ce que nous a dit M. le ministre de l'intérieur, cela respecte la promesse solennelle faite par M. le Premier ministre et Mme la garde des sceaux, lors du vote de la réforme constitutionnelle de 1999, de ne pas modifier les modes de scrutin, quels qu'ils soient. D'ailleurs, mes chers collègues, n'avions-nous pas en quelque sorte conditionné notre vote à cette promesse ? Quelle confiance pourrions-nous accorder à un gouvernement qui trahirait sa parole sur des questions qui sont pour nous essentielles ?
Avec Francis Grignon et la commission des lois, nous avons, sur ce point, déposé des amendements visant au retour à la situation antérieure à l'apport de l'Assemblée nationale. Nous avons été largement suivis.
La proposition faite par notre rapporteur concernant la sanction financière appliquée aux partis politiques, avec laquelle nous sommes en parfait accord, établit l'idée d'un équilibre entre la parité de candidatures et la réalité des résultats. C'est une souplesse supplémentaire. C'est un encouragement aux partis politiques à respecter l'esprit de la modification constitutionnelle et des présents projets de loi.
Le groupe de l'Union centriste votera les conclusions du rapporteur de la commission des lois, dans lesquelles se trouvent les trois aspects fondamentaux que je viens de soulever.
Enfin, et à titre personnel cette fois, je souhaite attirer l'attention sur le chantier qu'il me semble capital d'ouvrir très vite pour que cette réforme réussisse.
Il s'agit du statut de l'élu, qui permettra à quiconque d'être candidat, ce qui n'est malheureusement pas le cas aujourd'hui.
Il convient de favoriser les candidatures, de permettre un meilleur exercice du mandat et de préparer le retour à une activité professionnelle. C'est vrai pour les hommes, c'est encore plus flagrant pour les femmes, dont les obligations familiales et professionnelles, dèjà très lourdes, les dissuadent de s'engager en plus dans des fonctions électives. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mon amie Odette Terrade a fort bien exprimé l'importance du projet relatif à l'égal accès des femmes et des hommes ainsi que de nos propositions.
Intervenant moi-même devant le Congrès du Parlement, le 28 juin dernier, au nom du groupe communiste républicain et citoyen du Sénat, pour consacrer, dans l'article 3 de notre Constitution, l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions et mandats électifs, je soulignais la nécessité qui s'imposerait rapidement de concrétiser par la suite cette révision constitutionnelle sur le plan législatif.
L'expérience démontre en effet que la loi constitue le passage obligé pour faire vivre dans les faits toute exigence d'égalité, véritable ciment de notre démocratie, et pour rendre irréversible des évolutions fondamentales de la société.
M. le Premier ministre rappelait en juin, à juste titre, que l'on ne « fait pas d'égalité sans contrainte ». Monsieur le ministre, vous avez, avec la même vigueur, présenté les deux projets de loi qui constituent une étape importante.
Nous sommes d'autant plus convaincus de la validité de cette démarche que nous pouvons mesurer rétrospectivement à quel point sont rapidement devenues caduques des considérations philosophiques, théoriques ou constitutionnelles, mises en avant au moment des débats parlementaires. Force est de constater, et je le regrette, que bien souvent celles-ci n'auront servi, notamment pour la majorité sénatoriale, que d'alibis pour retarder, freiner, entraver le mouvement porté par une immense majorité de nos concitoyens.
Aussi, je suis particulièrement satisfaite aujourd'hui d'avoir à me prononcer, avec tous les membres du groupe communiste républicain et citoyen, sur deux projets de loi visant à traduire concrètement la parité dans notre code électoral.
Ces textes viennent couronner à nouveau le formidable combat qui est mené de longue date par les associations féministes et dont nous avons été partie prenante, et ils témoignent de la volonté du gouvernement de la gauche plurielle de faire un pas supplémentaire pour l'égalité dans la vie politique et la modernisation de la société.
Nous sommes nombreux - non seulement pour le déplorer, mais surtout pour y mettre un terme - à être conscients du triste état des lieux. La sous-représentation des femmes est en effet un défi à l'universalisme républicain. De même, les partis et les responsables politiques sont de plus en plus nombreux - parce que la politique volontariste mise en oeuvre produit ses effets - à faire désormais leur le principe de la parité.
Aussi, instruits par l'expérience, nous estimons que si la représentation égale, pleine et entière des femmes instituée dès les prochaines élections est une avancée de premier plan, elle doit être complétée, précisée, enrichie par la disposition relative à l'ordre de présentation des candidats sur les listes.
Une stricte alternance par tranche de six candidats ne nous semble ni trop rigide ni trop contraignante. Si tel était le cas, ce le serait pour les partis politiques et non pour les électeurs !
De même, l'abaissement du seuil d'application du scrutin proportionnel aux communes de 2 000 habitants et la modification du mécanisme de sanction financière touchant les partis peu respectueux de la parité - s'il s'en trouve ! - qui sont autant de dispositions repoussées par la commission des lois, offrent des garanties supplémentaires, et nous souhaitons qu'elles figurent dans la loi.
On a notamment argué des difficultés pratiques que rencontreront les formations politiques pour « trouver autant de femmes, qu'il faudra former », a-t-on entendu dire, comme si la compétence était exclusivement masculine ! On a même évoqué le choix qu'elles devraient faire entre leurs enfants, leur couple, et leur engagement politique ! Je trouve cela particulièrement choquant. Comme si le problème se posait en ces termes !
Les femmes qui s'intéressent à la politique - et vous en avez ici quelques exemples - s'occupent autant de leur famille.
M. le président. Madame Luc, veuillez conclure, s'il vous plaît.
Mme Hélène Luc. Je conclus en insistant sur deux points.
Tout d'abord, pour permettre aux femmes de s'impliquer dans la vie politique et faire progresser significativement notre démocratie en rapprochant le citoyen du politique, d'autres réformes essentielles doivent aboutir, en premier lieu sur l'égalité professionnelle.
Nous appelons de nos voeux un véritable statut moderne de l'élu.
Nous souhaitons également - mais c'est un voeu pieu étant donné l'attitude, qu'il faut bien qualifier à nouveau de rétrograde, de la majorité sénatoriale - que le projet de loi relatif à la limitation du cumul des mandats aboutisse, monsieur le ministre.
M. le président. Madame Luc, veuillez conclure, je vous prie. Vous avez dépassé votre temps de parole !
Mme Hélène Luc. Mme Janine Mossuz-Lavau a écrit justement : « Les femmes n'ont plus à prouver leurs compétences. Elles ont seulement besoin qu'on ne les empêche pas de les exercer. »
En prenant toutes dispositions législatives dans ce sens, et c'est le cas avec le texte adopté par l'Assemblée nationale, que nous soutenons, nous savons également que nous insufflons à la vie politique la stimulante dualité qui existe dans la réalité de notre société et qui allie la richesse des hommes et celle des femmes, une société de femmes et d'hommes libres, associés et égaux.
M. le président. Madame Luc, je vous rappelle que vous intervenez au titre des explications de vote et qu'il ne s'agit pas de refaire le débat !
Je vous demande donc de conclure.
Mme Hélène Luc. Je conclus, monsieur le président !
Vous avez remis en cause, mes chers collègues, les dispositions importantes du projet de loi adopté par la majorité plurielle de l'Assemblée nationale. Nous comptons sur cette majorité plurielle pour les rétablir.
Dans ces conditions, le groupe communiste républicain et citoyen s'abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. La parité est un moyen de faire entrer l'égalité dans les faits. Je le redis : les femmes de ce pays ont les mêmes droits que les hommes. Mais la réalité est malheureusement extrêmement différente.
Au terme de ce débat, le groupe socialiste tient à réaffirmer sa gratitude à l'égard du Gouvernement, qui a tenu sa promesse de présenter rapidement un texte d'application de la révision constitutionnelle.
Nous saluons également le courage du Premier ministre, qui a posé le principe d'une parité à cinquante-cinquante.
Le Gouvernement avait choisi de laisser les parlementaires améliorer le texte. Nous réaffirmons notre accord avec les améliorations apportées par l'Assemblée nationale pour rendre plus efficaces les principes posés par le Gouvernement.
Depuis deux jours, la majorité sénatoriale ne nous a malheureusement pas surpris : elle a amplement démontré que la parité qu'elle avait votée à reculons l'année dernière (M. le rapporteur proteste) devait pour elle rester un slogan et ne surtout pas entrer dans les faits.
Ce texte est la première pierre d'un édifice que nous devrons continuer à construire. Pour l'ensemble de nos concitoyennes, il est en effet essentiel de trouver les moyens d'instaurer l'égalité des chances, non seulement dans la vie politique, bien sûr, mais également dans la vie professionnelle. Il nous faudra également trouver des solutions pour permettre aux femmes de mieux concilier vie professionnelle et vie familiale. Il nous faudra enfin continuer à mener le combat culturel pour faire entrer la mixité dans toutes les sphères de la société.
La parité en politique, parce qu'elle est symbolique, nous permettra certainement d'entraîner les Françaises et les Français derrière nous dans ces combats. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Arnaud.
M. Philippe Arnaud. Je souhaite tout d'abord préciser que je n'exprime ici que mes convictions personnelles.
Si je tiens à le faire et à dire pourquoi je reste opposé à ce projet de loi, c'est aussi par cohérence avec l'attitude qui a été la mienne lors du Congrès de Versailles.
Je suis opposé à ce texte, même amendé, parce qu'il n'est pas conforme à son titre, aux termes duquel il doit tendre à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives. Par voie de conséquence, il n'est pas plus conforme à la modification de la Constitution qui est intervenue le 8 juillet dernier et qui prévoit la même chose : favoriser cet égal accès.
Or le texte qui nous a été présenté, qui a été discuté et qui va maintenant être soumis à notre vote, comporte des mesures contraignantes, et ces contraintes, dans de nombreux cas, surtout dans les communes petites et moyennes, non seulement seront un véritable casse-tête mais risquent de conduire à des impasses - comme l'a excellemment démontré notre collègue Simon Loueckhote tout à l'heure - voire à des situations aberrantes.
Je ne voterai pas ce texte parce que, pour moi, modifier de façon aussi fondamentale, aussi brutale les conditions de l'exercice électoral est une atteinte à la démocratie et à la liberté de choix de l'électeur.
En outre, je n'arrive toujours pas à comprendre - ou alors aurais-je trop bien compris ? - pourquoi un gouvernement et sa majorité qui se satisfont d'une représentation de l'Etat si peu féminisée - 4 % de femmes préfets, 8 % de femmes aux postes supérieurs de la fonction publique... - pourquoi donc un tel gouvernement et sa majorité s'acharnent à régler les problèmes d'accès des femmes aux responsabilités par la contrainte numérique, par des quotas, laquelle majorité, d'ailleurs, ne propose pas de s'appliquer à elle-même, à l'Assemblée nationale, les mêmes contraintes qu'au Sénat.
M. Jean Arthuis. Exactement !
M. Philippe Arnaud. Et puis, on ne s'intéresse qu'aux fonctions électives, sans examiner les grands corps de l'Etat, qui relèvent de nominations.
Enfin, à aucun moment, le problème de fond qui limite l'accès aux fonctions électives de certains citoyens, femmes ou hommes - sans doute est-ce encore plus vrai pour les femmes -, qui est celui du statut de l'élu, d'un vrai statut de l'élu, n'a jamais été abordé, en vue de favoriser, d'inciter les femmes à accéder aux fonctions électives. Cette incitation, alors, se serait opérée dans le respect de la liberté individuelle, dans le respect des femmes et de leurs compétences propres, dans le respect de la liberté de choix des électeurs.
Pour toutes ces raisons, monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je ne peux me résoudre à voter ce texte, même amendé. C'était d'ailleurs en redoutant le risque qu'il pouvait faire courir que je n'ai pas voté la révision de la Constitution. Je vois dans tout cela trop de manipulations démagogiques. Avec regrets, je ne suivrai pas la pensée unique, ou le politiquement correct, et resterai fidèle à mes convictions ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. Emmanuel Hamel. N'ayez pas trop de regrets !
M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, que le pourcentage de femmes titulaires d'un mandat électoral en France soit insuffisant justifie-t-il une législation contraignante ou, au mieux, incitative ? Ne s'agit-il pas à leur égard d'une attitude offensante ?
La place et le rôle des femmes dans la vie publique mettent en cause des schémas sociologiques profondément ancrés. Néanmoins, ils sont en évolution si l'on considère la distribution des tâches entre les sexes, les structures familiales, les clichés véhiculés dès l'école primaire ou la notion sexuée de l'exercice du pouvoir.
Quand on cherche à savoir qui est à la tête de la majorité des familles monoparentales, on s'aperçoit que ce sont des femmes. Or, dans ces situations, elles assument une fonction économique à part entière - elles n'ont pas le choix !
En réalité, la sous-représentation des femmes dans les instances et les lieux de décision publique et économique n'est pas due à des barrières juridiques. Elle tient avant tout à des résistances sociologiques et psychologiques et à une pratique qui relève des chasses gardées.
Il est clair qu'une candidature féminine est plus volontiers acceptée lorsque le bastion est réputé imprenable. On sait également que, pour accéder à des postes à responsabilité, la barre est mise plus haute en matière d'exigences et de preuves de capacité lorsqu'il s'agit de postulantes.
L'encadrement que le Parlement s'apprête à mettre en place imposera certes une composition équilibrée dans les listes présentées aux électeurs, mais il ne résoudra pas le problème de fond de partage de responsabilités. En effet, seul l'aménagement des conditions de vie permettra aux femmes, quand elles le souhaitent, de prendre la place qui leur revient.
Pour dégager du temps, il convient de multiplier les structures relais. Aujourd'hui, elles font encore cruellement défaut. Ne faut-il pas, par exemple, réserver une place en crèche quasiment avant que l'enfant ne soit conçu ? L'aménagement du temps de travail et des rythmes ne doit plus être un frein à une carrière, et ce non seulement pour les femmes mais également pour les hommes - comme cela se pratique dans les pays du nord de l'Europe - alors que nous considérons encore qu'ils ne sont pas concernés par ces nouveaux profils. Là réside encore une vraie discrimination : ce qui est bon pour les unes ne l'est pas pour les autres.
On peut aussi se demander pourquoi les effectifs de bachelières ne se retrouvent pas, dans les mêmes proportions, dans les diplômés de l'enseignement supérieur. Et que dire de la maigre représentation féminine au sein des grandes écoles, d'ingénieurs notamment ?
La récente participation des femmes dans les conseils municipaux, plus importante dans notre pays que dans un certains nombre d'Etats de l'Union européenne, tient, j'en suis convaincu, à la possibilité d'articuler vie de famille et vie publique du fait de la proximité des lieux d'activité, tout comme la féminisation du corps enseignant révèle l'incidence des rythmes professionnels.
Aujourd'hui comme hier, « on ne change pas la société par décret », pas plus que l'on n'accorde un droit qu'il a déjà à un majeur capable.
Je ne participerai donc pas au vote. (Applaudissements sur certaines travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. Monsieur le président, c'est au nom de la grande majorité des membres du groupe du RPR que je vais m'exprimer.
En matière d'évolution des moeurs et en matière d'évolution de la société, la loi ne doit pas punir, sanctionner, imposer ou restreindre ; la loi doit au contraire inciter, encourager, favoriser.
C'est la raison pour laquelle nous avons tous rendu hommage au texte mesuré qu'avait proposé le Gouvernement à l'Assemblée nationale.
Ce soir, quoi qu'il arrive, il y a donc un vainqueur, c'est le ministre de l'intérieur, puisque nous nous sommes ralliés à son texte.
Mais il y a un second vainqueur : c'est l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions politiques.
Certes, nous avons eu un débat tumultueux, un débat trop politicien, à cause de la gauche, qui nous a accusés, une fois de plus mais nous commençons à en avoir l'habitude, d'être le bastion du conservatisme, de la ringardise.
Cela devient une habitude, de telle sorte que l'on peut se poser la question : tous ces projets de loi qui se succèdent sur la parité, sur le cumul des mandats, sur la réforme de l'élection sénatoriale, n'ont-ils pas en réalité pour seul but de destabiliser la majorité sénatoriale, et l'opposition dans son ensemble ?
N'est-ce pas celui-là le but recherché, et non pas ce qui semble apparaître, qui est affiché, qui est politiquement correct et qui anime les mass media .
Quoi qu'il en soit, nous avons, je crois, désamorcé cette bombe.
Dans toute société, il y a le risque permanent, sous prétexte de remettre en cause des inégalités, de remettre en cause beaucoup plus profondément les fondements mêmes sur lesquels reposent la République, la souveraineté populaire et la démocratie. En mettant en place des formules de discrimination positive à l'égard des uns ou des autres, en fait on remet en cause ce sur quoi repose le contrat social qui nous unit tous et qui fonde notre République et notre démocratie.
Nous avons abouti ce soir à un texte clair, simple, qui n'est pas trop contraignant, et si M. le ministre le veut bien et si nos amis députés acceptent d'abandonner leurs arrière-pensées, nous devrions, au cours de la commission mixte paritaire en rester au texte que le Gouvernement nous avait proposé, et qui permettra, dès les prochaines élections, de faire évoluer les choses.
Si, en revanche, on s'entête à garder certaines modifications, je crains que l'on ne viole les intentions du Constituant de juin 1999. Dans ce cas, attendez-vous, monsieur le ministre, à ce que, tout naturellement, nous saisissions le Conseil constitutionnel pour censurer ces dérapages. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, et de l'Union centriste.)
M. Gérard Cornu. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Fauchon.
M. Pierre Fauchon. Je souhaiterais expliquer mon vote à titre personnel et, à mon tour, remercier M. le ministre d'avoir suivi le débat avec cette sérénité, cette sagesse... toute sénatoriale (Sourires) , que tout le monde a beaucoup appréciée.
Je suis de ceux qui ont regretté le tour un peu polémique pris par le débat au cours de l'après-midi. J'aurais souhaité sur ce sujet un tout autre climat. Mais cela relève sans doute de mon innocence, peut-être aussi du fait que j'en suis encore à mon premier mandat de sénateur. Il se termine bientôt, je tâcherai de m'améliorer pour le suivant. (Sourires.)
Je voterai ce texte quoique, en vérité, même dans la formule simplifiée du Gouvernement, une telle réglementation me semble fâcheuse.
Au demeurant, nous ne savons pas ce que votera finalement l'Assemblée nationale, et, si le système de l'Assemblée nationale devait entrer en application, je dis : « Malheur aux électeurs, malheur à bien des femmes dans bien des circonstances et malheur à la démocratie ! » Entrer dans un tel dédale ne pourra que générer des faux-semblants et des adaptations. Ainsi, pour ne prendre qu'un exemple, nous assisterons à la multiplication des listes sénatoriales avec un homme en tête et une femme en seconde position. Tout cela n'a rien à voir avec l'idée qu'on peut se faire d'une démocratie !
En vérité, ce que nous avions voté lors du premier débat sur la parité - vous vous en souvenez, mers chers collègues - reste la façon la plus simple et la plus démocratique d'obtenir le résultat auquel la plupart d'entre nous souhaitent aboutir, c'est-à-dire un meilleur équilibre, une parité véritable.
L'incitation financière permettait d'obtenir ce résultat, avec ce qu'il fallait de souplesse, en laissant les choses se faire tout tranquillement et inéluctablement, d'autant qu'on aurait pu la faire jouer de manière plus ou moins accentuée. On était sûr d'arriver au même résultat. On est d'ailleurs obligé d'y avoir recours pour l'élection qui est peut-être la plus essentielle, à savoir l'élection législative. Pourquoi avoir renoncé à cette solution sinon par une espèce d'entêtement, auquel le Gouvernement - il faut bien le dire - me paraît avoir participé, et parce qu'il fallait absolument que ce soit le Sénat qui ait tort, alors que je reste convaincu qu'en réalité c'est lui qui avait parfaitement raison ?
Cela étant, nous avons été sages d'adopter le système proposé par le Gouvernement, qui constitue tout de même un moindre mal. Mais formons des voeux pour qu'il triomphe finalement, ce qui ne me paraît pas du tout assuré !
Je voterai donc pour ce système, par esprit de discipline et de cohérence. Je le voterai sous le signe de l'égalié entre les hommes et les femmes, quoique, en vérité, je n'aime pas beaucoup cette formule d'égalité, dont on abuse. Je le voterai, sous le signe de l'utilité, car je suis de ceux qui croient que, du haut en bas des différents niveaux décisionnels de la vie publique, l'arrivée d'un plus grand nombre de femmes sera extrêmement positif, par le regard complémentaire qu'elles apporteront sur les affaires publiques. Je suis convaincu que ce regard, dont j'ai éprouvé l'utilité à titre personnel, se révélera extrêmement précieux.
Enfin - vous me pardonnerez cette faiblesse - je serai probablement le seul à exprimer ce point de vue : c'est dans un esprit de fraternité entre les hommes et les femmes que je voterai ce texte. Mais, après tout, la fraternité n'est-elle pas une vertu républicaine ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste. - M. Dominique Braye applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Heinis.
Mme Anne Heinis. Je regrette que l'égal accès des hommes et des femmes se soit transformé en une parité de stricte logique arithmétique alternée. J'aurais préféré, je l'ai dit à plusieurs reprises, un processus permettant une progressivité plus marquée.
De même, je déplore cette généralisation excessive du scrutin proportionnel, qui prive l'électeur de sa liberté de choix, qui rend souvent les exécutifs ingouvernables et les listes totalement dépendantes des partis politiques.
Qu'on me comprenne bien : c'est l'excès que je condamne. Si l'Assemblée nationale en était restée au texte du Gouvernement, au lieu de pousser de nombreuses positions à leur extrême, nous aurions certainement trouvé, au Sénat, une majorité pour se rallier au texte initial. C'est d'ailleurs ce qui va se produire dans quelques instants. Cela nous aurait épargné le caractère parfois lassant du débat de cet après-midi, ainsi qu'un certain nombre de provocations qui n'honorent personne.
Je regrette également que l'on ait pris uniquement en compte les opinions relayées par l'Observatoire de la parité, qui ne représentent qu'une fraction des femmes de France, laissant de côté toutes les autres, qui expriment, lorsqu'on les écoute - mais encore faut-il le faire ! - bien d'autres voeux et que nous avons oubliées dans la loi.
Même si la loi n'est pas telle que je l'aurais souhaitée, j'espère qu'elle portera des fruits.
Après m'être abstenue au Congrès, j'adopterai aujourd'hui, par cohérence, la même position. Je ne voterai pas contre, car je veux garder ouvert l'espoir d'un avenir porteur de progrès. Mais trop de points, dans ce texte, ne me conviennent pas pour que je puisse le voter. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. J'ai voté en faveur de la parité dès que cette question a été soumise à notre assemblée, et j'ai donc voté la révision constitutionnelle au Congrès.
Puisque nous avons modifié la Constitution, il nous faut maintenant passer à l'application et prévoir, en particulier, des mesures tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions électives.
L'essentiel du travail tout à fait remarquable de notre commission des lois a consisté à revenir au texte du Gouvernement et à supprimer certaines des dispositions ajoutées par nos collègues de l'Assemblée nationale.
Sur ces dispositions, je suis partagé.
Il en est contre lesquelles je m'élève vivement. Ainsi, je n'accepte pas l'application aux communes de 2 000 habitants du mode de scrutin applicable aux communes de 3 500 habitants. De même, je suis tout à fait irrité par la disposition concernant l'alternance absolue des candidats de chaque sexe dans les élections au scrutin de liste à un tour, système que certains ont baptisé « chabadabada », que M. le ministre appelle « tic-tac » et qui me fait, moi, songer à un système de mariages républicains.
En revanche, j'aurais volontiers approuvé la disposition prévoyant d'imposer un nombre égal de candidats de chaque sexe par groupe entier de six candidats, sans obligation d'alternance, dans les élections au scrutin de liste à deux tours. Je trouve que c'était là une idée assez ingénieuse et je pense que, si notre majorité sénatoriale avait pu s'y rallier, cela nous aurait évité certains procès d'intention. Car on va encore dire que nous sommes une assemblée « ronchon » !
Pour toutes ces raisons je m'abstiendrai sur le texte tel qu'il ressort des travaux de notre assemblée.
M. le président. La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel. Ce texte est humiliant pour les femmes. Celles-ci n'ont pas besoin de quotas pour s'imposer. Nos collègues femmes, qui brillent de tout leur talent dans notre assemblée, le prouvent par leur élection.
Au nom de l'immense respect que je porte aux femmes, je ne voterai pas ce texte, qui les humilie.
M. le président. La parole est à M. Nogrix.
M. Philippe Nogrix. J'adhère tout à fait aux arguments qui ont été développés tout à l'heure par M. Arnaud.
Pour les mêmes raisons que lui, je voterai contre ce texte.
M. Guy Cabanel, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Guy Cabanel, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, les chers collègues, nous voilà parvenus au terme d'un débat qui a parfois été houleux, voire inquiétant, notamment dans les deux premières heures, où nous avons entendu répéter les mêmes arguments, de sorte que la discussion ne progressait pas.
J'avoue avoir été alors au bord du désespoir, allant jusqu'à me demander s'il n'y avait pas une sorte de cabale, de flibuste pour repousser dans le temps l'adoption de ce texte. Heureusement, mes craintes se sont révélées infondées.
Je voudrais remercier M. le ministre de l'intérieur, qui a su conserver toute sa sérénité, exprimant toujours son point de vue très calmement, tempérant même les ardeurs d'un rapporteur un peu plus pétulant. (Sourires.)
Je voudrais aussi remercier Mme la secréraire d'Etat des précisions qu'elle nous a apportées sur des dispositions particulières, intéressant notamment le domaine de la vie professionnelle, où il faudra bien faire pénétrer le principe de la parité dans un avenir proche.
Je vous sais gré, monsieur le président, de la manière dont vous avez conduit cette discussion. Je dois vous avouer l'inquiétude que j'ai éprouvée quand le président Larché m'a dit : « Il ne reste plus que l'article 38 du règlement ! » Je croyais en effet qu'il s'agissait de la clôture du débat sur l'ensemble du texte ! J'ai été rassuré quand j'ai compris qu'il était seulement question de calmer un peu les choses et de nous permettre de redonner un rythme normal à nos travaux.
Dans ces remerciements, je n'aurai garde d'oublier les collaborateurs de la commission des lois, qui se sont toujours montrés très compétents et très disponibles, aussi bien vis-à-vis du rapporteur qu'à l'égard de tous ceux de mes collègues qui les ont sollicités.
Ce débat est-il à porter au crédit de notre assemblée ? Je le crois.
D'abord, il faut faire justice de propos imprudents et dépourvus de réels fondements.
J'ai entendu dire que le Sénat était entré à reculons dans la parité. Je veux rappeler que, si une solution a été trouvée pour nous permettre de réviser la Constitution, à Versailles, le 28 juin, c'est parce que, dans cette assemblée, a été dégagé l'« accord 3-4 ». C'est moi qui, à l'époque, en tant que rapporteur, l'ai mis au point. J'ai eu le plaisir de voir les ministres présentes, Mme Guigou et Mme Péry, au cours des débats, nous dire qu'elles se faisaient fort d'obtenir de l'Assemblée nationale qu'elle renonce à son libellé sur l'article 3, un libellé beaucoup trop contraignant, qui ne pouvait être accepté.
En fait, le débat d'aujourd'hui n'a été que le prolongement du compromis un peu historique de l'année dernière.
Au Congrès de Versailles, nous avons entendu M. le Premier ministre et les ministres concernés s'exprimer. Nous avons enregistré des promesses, du moins ce que nous avons considéré comme des promesses. Aujourd'hui, nous avons, en quelque sorte, demandé au Gouvernement de revenir à son texte initial, qui nous paraissait acceptable.
Acceptable, ce texte ne l'est pas pour tous, car nombreux sont nos collègues qui ne sont pas d'accord sur le principe de la parité, et c'est bien leur droit. Il n'en demeure pas moins que seul le texte du Gouvernement nous paraissait pouvoir franchir l'obstacle d'un débat au Sénat.
Nous ne nous y sommes pas ralliés en vertu de je ne sais quelle tactique visant à compromettre l'avenir de la parité. Pas du tout ! Nous permettons à la parité de franchir une étape.
Je m'adresse à ces femmes ardentes qui siègent dans notre hémicycle et avec qui j'ai toujours plaisir à dialoguer, même si l'échange est parfois acerbe (Sourires) : si l'on veut faire entrer la parité dans les moeurs, il faut user de patience et de persuasion.
Mme Hélène Luc. Cela fait cinquante ans que nous sommes patientes !
M. Guy Cabanel, rapporteur. Je veux dire : de patience à partir des textes que nous votons maintenant.
Mesdames Luc et Terrade, permettez-moi de vous rappeler que nous sommes la seule démocratie qui a été obligée de modifier sa Constitution pour mettre en oeuvre le principe de parité !
Mme Hélène Luc. La France est classée soixantième !
M. Guy Cabanel, rapporteur. Le seul grand exemple de parité, c'est la Suède. Or, en Suède, il n'y a pas eu de loi ! C'est une négociation qui a permis d'établir le socle local, c'est-à-dire l'égalité des hommes et des femmes dans les assemblées locales. A partir de là, les femmes se sont bien defendues. Le climat politique les a aussi aidées.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Les Suédois ont supprimé leur Sénat !
M. Guy Cabanel, rapporteur. Non, ce n'est pas cela qui a facilité les choses !
La prédominance du parti social-démocrate était moins forte. La coalition conservatrice n'était pas très solide. Les femmes sont apparues comme susceptibles de constituer le tiers parti, ou d'être collectivement l'arbitre de la situation. Et on a accepté cette formule qui permet d'avoir presque autant de femmes que d'hommes dans l'assemblée unique suédoise.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous relancez le débat !
Mme Hélène Luc. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le rapporteur ?
M. Guy Cabanel, rapporteur. Je vous en prie, madame Luc.
M. le président. La parole est à Mme Luc, avec l'autorisation de M. le rapporteur. (Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Mme Hélène Luc. Monsieur le rapporteur, une délégation s'est rendue en Suède afin d'observer ce qui s'y passait. Nous avons appris que les femmes avaient menacé de ne pas participer aux élections et c'est ainsi qu'elles ont obtenu qu'il y ait 50 % de candidates.
M. Hilaire Flandre. Elles ont d'autres moyens de pression !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Guy Cabanel, rapporteur. Je confirme, madame Luc, que les choses se sont passées ainsi. Il y a eu des pressions des femmes ; il y a eu des négociations.
Il existe aussi en Suède une vieille tradition qui veut que, quand on danse, ce soit d'abord aux hommes d'inviter les femmes mais que ce soit ensuite au tour des femmes d'inviter les hommes. C'est d'ailleurs le moment de vérité pour ces derniers ! (Sourires.)
Nous n'avons peut-être pas la même tradition, mais nous avons maintenant un outil qui nous permet de poursuivre la discussion.
Ce qui serait dangereux, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, c'est que nos efforts, qui ont été quand même laborieux, ne soient pas récompensés.
M. Gérard Cornu. Ce serait dommage !
M. Guy Cabanel, rapporteur. Il y aurait alors une crise qui nous conduirait à réexaminer la situation, car cela signifierait que, depuis Versailles, nous avons été victimes d'une petite escroquerie ou, à tout le moins, d'un grave malentendu.
J'ajouterai seulement que nous avons gardé du texte de l'Assemblée nationale une disposition nouvelle, celle qui a trait au rapport d'évaluation devant intervenir en 2002. Nous pensons que l'examen de ce rapport sera l'occasion d'expertiser les progrès accomplis, éventuellement de revoir certains dispositifs électoraux. Il permettra peut-être surtout, après la phase intermédiaire des trois premières années de l'intercommunalité, de donner suite à certains amendements que nous avons été obligés d'écarter aujourd'hui, concernant les exécutifs des communautés, dont les modes d'élection pourraient alors évoluer.
Je conclurai en disant que l'apport de tous nos collègues a été précieux. Même ceux qui étaient en désaccord sur le fond nous ont toujours fourni des éléments de réflexion. Quant à ceux qui ont essayé d'ouvrir des voies nouvelles - je pense notamment ici à MM. Cornu, Gélard et Neuwirth - s'agissant en particulier de l'extension de la parité à d'autres domaines que la vie politique, qu'ils soient assurés que nous tiendrons nos engagements.
Bergson disait : « La vie n'est pas neutre. Elle est faite de décisions douloureuses, difficiles à prendre, mais qui révèlent le caractère. » Si le Sénat adopte ce soir la première loi d'application du principe de parité, nous aurons su choisir, nous aurons montré que l'on ne pouvait pas rester neutre vis-à-vis de la situation des femmes. On ne peut être neutre sur la question de la parité. En tout cas, moi, je ne le suis pas, et peut-être cela m'a-t-il mis en coquetterie avec certains de mes amis. Mais j'ai fait de mon mieux, j'ai essayé de faire tout mon devoir et j'aurais été navré que nous échouions cet après-midi. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Emmanuel Hamel. Les femmes n'ont pas besoin de quotas !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous voici parvenus au terme d'un débat qui fut parfois passionné, toujours intéressant, que le président de séance a laissé se développer sans le contraindre trop.
Je voudrais simplement joindre les remerciements de Mme Péry à ceux que je dois formuler à l'égard de votre rapporteur, M. Cabanel, et de tous les intervenants.
Cette discussion nous a permis d'aboutir à un texte qui, cela a été dit, se rapproche beaucoup du projet initial du Gouvernement.
Bien entendu, le Gouvernement est respectueux du Parlement et fait confiance à celui-ci pour améliorer, si c'est possible, son texte.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Quoi qu'il en soit, nous avons déjà franchi un pas considérable vers l'institution de la parité, innovation législative qui fera date dans l'histoire des parlements à l'échelle mondiale. Sans doute aurons-nous ainsi frayé un chemin, car, si la France était terriblement retardataire en la matière, d'autres pays le restent !
La parité sera une grande innovation à condition que nous sachions la rendre applicable et, naturellement, que nous restions fidèles à la philosophie républicaine, qui veut que le principe de parité soit le développement du principe d'égalité ; à condition encore que nous respections la règle qui fonde la démocratie sur la raison et sur l'idée que le bon sens est, du monde, la chose la mieux partagée, règle qui vaut pour les femmes comme pour les hommes ! C'est le fondement de notre système démocratique et républicain : il ne faut jamais l'oublier.
Naturellement, c'est à vous parlementaires qu'il appartient de trouver le point d'équilibre - j'espère que ce sera possible - en commission mixte paritaire.
En cet instant, permettez-moi de renouveler les remerciements que le Gouvernement doit à chacune et à chacun de ceux qui ont permis d'aboutir à ce résultat, sans doute encore perfectible. (Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du RPR.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 36:
Nombre de votants | 309 |
Nombre de suffrages exprimés | 205 |
Majorité absolue des suffrages | 103 |
Pour l'adoption | 188 |
Contre | 17 |
Le Sénat a adopté.
Comme il a été décidé, le Sénat examinera demain matin les articles du projet de loi organique.
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